Compiled from ARCHIVES PARLEMENTAIRES documents.
ARCHIVES PARLEMENTAIRES
Societe d'mprimerie et librairie a liministratives PAUL DUPONT, 41, RUE J.-J Rousseau(C.) 168.12.85.
ARCHIVES RARLEMENTAIRES DE 1787 A 1860
RECUEIL COMPLET DES DÉBATS LÉGISLATIFS POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES IMPRIMÉ PAR ORDRE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS SOUS LA DIRECTION DE M. J. MAVIDAL CHEF DU BUREAU DES PROCÈS-VERBAUX, DE L'EXPÉDITION DES LOIS, DES IMPRESSIONS ET DISTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS ET DE M. E. LAURENT BIBLIOTHÉCAIRE-ADJOINT DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS
PREMIÈRE SÉRIE (1787 à 1799) TOME XXII DU 3 JANVIER 1791 AU 5 FEVRIER 1791
DEUXIÈME ÉDITION PARIS LIBRAIRIE ADMINISTRATIVE DE PAUL' DUPONT 41, RUE J-J-ROUSSEAU,(HOTEL DES FERMES)
1885
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
MM. les ecclésiastiques dont les noms suivent se présentent successivement à la tribune et prêtent le serment prescrit par le décret de l'Assemblée, du 27 novembre 1790.
Ce sont MM :
Antoine-Alexandre Méchin, curé de Brains, du département de là Loire-inférieure.
Joseph Guigan, curé de Saint-Pierre de Limoges, département de la Haute-Vienne.
René-Gabriel, recteur de Questembert, département du Morbihan.
Loedon de Kéromen, recteur de Gourin, département du Morbihan.
J. L. Breuvard, curé de Saint-Pierre de Douai, département du Nord.
Forest, curé d'Ussel, département de la Cor-rèze. J
Jean-Baptiste-Joseph Roussel, curé de Blatin-ghem, département du Nord.
Jean-Mathias Brousse, curé de Volkrange, département de la Moselle.
Demandre, curé de Saint-Pierre de Besançon, département du Doubs.
Pous, curé de Mazamet, département du Tarn.
Simon, curé de Voël, département de la Meuse.
Dumont, curé de Villers-devant-le-Thour, département des Ardennes.
Leissegues, curé de Plogonnec, département du Finistère.
Guégan, curé de Pontivy, département du Morbihan.
Simon, recteur de la Boussacq, département de l'Ille-et-Vilaine.
De Coulmiers, département de Versailles»
Davoust, ci-devant prieur de l'abbaye de Saint-Ouen, département de la Seine-Inférieure.
Jean-Baptiste-Etienne Varelles, curé de Marolles, département de l'Oise.
Rolland, curé du Caire, département des Basses-Alpes.
Bigot de Vernière, curé de Saint-Flour, département du Cantal.
De Malartic, curé de Saint-Denis-de-Pille, département de la Gironde.
Eudes, curé d'Angerville, département de la Seine-Inférieure.
Et Pellegrin, curé de Sommercourt, département de la Haute-Marne.
,secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 2 janvier, qui est adopté.
Hier, M. l'évôque de Lydda, avant de prêter le serment civique, a fait un discours que quelques personnes ont pris pour une restriction. Je l'interpelle de déclarer s'il n'a point fait un serment pur et simple.
,évêque de Lydda. Je réponds que MM. l'abbé Grégoire et Hurault ont, comme moi, fait des discours que je crois très propres à rassurer les consciences : c'est pour cela qu'en adoptant leurs principes j'ai imité leur exemple. Personne n'est plus que moi attaché à la Constitution, et ne cherche davantage les moyens de la maintenir. Je n'ai eu d'autre intention que de déclarer aux ecclésiastiques de mon diocèse, que l'intention de l'Assemblée n'a pas été de blesser lés droits spirituels de l'Eglise. J'énonce donc le vœu que mon discours soit rendu public. (On applaudit.)
Je ne doutais nullement des intentions de M. l'évêque de Lydda ; mais je voulais empêcher que son discours ne servît d'armes aux ennemis du bien public.
dit qu'il a obtenu le premier septembre dernier un congé qui l'a écarte des séances, et qu'il va reprendre sa place.
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les jurés.
La parole est à M. Sancy sur la disposition du projet portant qu'il y aura un tribunal de justice civile par district et un tribunal de justice criminelle par département.
Quand j'ai lu la disposition de l'article qui vous est proposé, quand j'en ai eu médité l'esprit, j'ai tremblé pour les conséquences fâcheuses qui eD résulteraient, et j'ai vu que son exécution était pour ainsi dire impossible. Je ne donnerai qu'un aperçu très rapide des objections sans nombre qui s'élèvent contre l'article proposé, et j'espère en peu de mots vous en faire sentir tous les dangers. — Je dis d'abord que cet article tel qu'il est présenté est en opposition avec un de vos décrets fondamentaux sur l'ordre judiciaire ; je dis qu'il blesse le caractère principal de la justice criminelle, qu'il entraîne après lui des frais énormes qui grèveraient l'Etat en général, et tous les individus en particulier. Reprenons chacune de ces trois dispositions : 1° L'article est en opposition avec vos propres décrets, puisque vous avez directement et énergi-quement prononcé que les juges seraient sédentaires, et que dans le système du comité vous feriez revivre l'ambulance que vous avez sagement proscrite ; et sans doute l'on ne me dira pas que lorsque vous avez décrété le principe vraiment constitutionnel, l'on n'entendait parler que de la justice civile ; une pareille subtilité ne serait pas digne, et j'ose dire ne ferait pas honneur à votre comité. Mais si vous adoptiez Gét article, je prétends que tous les juges de district répandus sur les différents points de l'Empire, pourraient vous accuser justement de les avoir trompés, et il n'est aucun d'eux qui se soit attendu, en acceptant des places dans les nouveaux tribunaux, d'être assujettis de temps à autre à des déplacements longs et pénibles qui ne s'accommoderaient peut-être pas, ni avec leur âge, ni avec leur fortune ; et ne serait-il pas à craindre qu'un très grand nombre ne renonçât à des fonctions dont ils n'auraient pu calculer l'étendue? Je dis en second lieu que la disposition de cet article blesse le caractère principal de la justice en matière criminelle, qui est la promptitude dans l'exécution. Et considérez, Messieurs, les longueurs interminables des procédures, si l'on n'établissait qu'un tribunal criminel par département ; jetez vos regards sur cet amas de prévenus entassés et languissants dans les maisons de justice ; écoutez l'innocence qui réclame votre humanité, et le coupable qui ne demande enfin qu'à être jugé. Eh bien l Messieurs, dans le système proposé, la justice ne se rendrait, pour ainsi aire, point, et l'impunité du crime enhardirait le crime. Eh ! comment en effet espérer une justice prompte, quand l'expérience nous apprend que pour peu qu'une procédure soit chargée, que du moment qu'il y a un grand nombre de témoins à entendre, il est impossible de les tous réunir au même instant, au même jour. Obligés de venir au loin dans le lieu où est établi le tribunal criminel, les uns se trouvent absents au moment où le juré de jugement est assemblé, les autres sont empêchés pour cause de maladie, ou autres motifs. Certes, je ne crois pas cependant que le juré puisse jamais prononcer tant qu'il reste quelques témoins à entendre, dont les uns peuvent venir à la décharge du prévenu, les autres établir la conviction du crime ; des années peuvent s'écouler quelquefois sans qu'un accusé puisse être iugé. Si je voulais donner plus d'étendue à ces réflexions, je vous dirais que, malgré l'activité des jurés, le zèle des juges, leurs fonctions excéderaient la mesure de leurs forces. Dans le ci-devant bailliage où j'exerçais les fonctions de juge, plus de soixante ou quatre-vingts procédures criminelles se présentaient à juger dans le cours d'une année, et malgré l'activité des juges, l'on ne pouvait suffire à l'expédition de ce nombre d'affaires. Eh bien, Messieurs, ce bailliage ne fait guère aujourd'hui que lequart du département, et con-séquemment il y aura par année au moins trois cents affaires criminelles de portées devant le tribunal qu'on vous propose d établir, et je laisse à vos réflexions de juger si le quart seulement de ces affaires serait expédié dans le cours d'une année. L'humanité s'afflige de ces observations, et je passe à une autre. Je dis, en troisième lieu, que le système proposé serait désastreux par les frais qu'il entraînerait, et qui surchargeraient tout à la fois l'Etat et les individus. — L'Etat d'abord, puisqu'il faudrait faire des taxes en proportion du déplacement des témoins; et certes, Messieurs, quand il faudra que la plupart d'entre eux se rendent des extrémités du ressort du tribunal au chef-lieu de son établissement, qu'ils y séjournent très longtemps, puisqu'il faudra qu'ils attendent la décision de l'affaire, calculez 1 énormitédes dépenses qui vont pesersur le "Trésor public. Pour les individus, quel impôt et quelle surcharge l Je ne pense pas, Messieurs, qu'il entre dans vos vues de salarier vos jurés, autrement la dépense serait effrayante. Considérez cependant des citoyens, des pères de famille, souvent peu commodes, obligés chaque année à quitter leurs foyers, à abandonner leurs propres affaires pour aller remplir les fonctions grévantes qu'on leur a imposées. Et plus le chef-lieu du tribunal sera éloigné, plus les déplacements seront grands, et plus aussi les frais et les dépenses seront onéreuses. Et, je ne crains pas de le dire, souvent cette dépense extraordinaire, cette surcharge excéderont l'imposition principale de l'individu obligé de remplir les fonctions de juré. Une foule d'autres objections aussi décisives se présentent en foule contre l'article proposé, mais ce que j'ai dit me paraît suffisant pour le faire rejeter. Mais, Messieurs, toutes les objections s'évanouissent ou deviennent sans force, en déclarant que chaque tribunal de district sera tribunal criminel, et vous y trouvez les plus grands avantages : 1° Vos juges restent sédentaires, et vous ne contrevenez point à vos décrets. La justiceest prompte, commode et facile, puisque vous devisez en plusieurs tribunaux des fonctions qui, concentrées en un seul, ne peuvent s'exercer,ou du moins qu'avec une extrême lenteur. Le précieux avantage de l'économie auquel nous devons si fortement nous attache?, est encore une suite du changement que je propose. D'abord le déplacement des jurés étant moins grand, la dépense sera moindre, le déplacement des témoins étant moins considérable : économie de temps et d'argent. Vous épargnerez encore la dépense qui serait la suite nécessaire de quatre-vingt-trois présidents du tribunal qu'il faudrait établir par chaque tribunal criminel, de quatre-vingt-trois accusateurs publics, et quatre-vingt-trois greffiers attachés à ces tribunaux. Et certes, une économie aussi forte n'est point à négliger.
Chaque tribunal de district ayant la connaissance, et faisant à la fois les fonctions de tribunal criminel, le président de ce tribunal sera également président en matière criminelle. Cinq juges composant chaque tribunal de district, l'un d'eux sera chargé de remplir les fonctions d'accusateur public, et le greffier du tribunal civil le serait en même temps du tribunal criminel; et les vues du comité sont remplies, l'économie de son plan n'est point dérangée. Que l'on ne dise pas que les jugesde district seront déjà assez occupés par les affaires civiles, et qu'il ne faut point les détourner de leurs fonctions. L'expérience nous annonce déjà que vos tribunaux sont tellement multipliés, qu'ils n'ont presque rien à faire. Votre sainte institution des juges de paix, l'établissement des bureaux de pacification produisent le salutaire effet que vous en attendiez, et les procès sont presque tous assoupis à leur naissance. L'état déjugés dans l'état actuel des choses, est ce qu'on appelait autrefois un véritable métier de chanoines. Leur zèle souffre de leur inaction forcée, et c'est entrer dans leurs intentions que de leur assurer du travail et de l'occupation, et de les tirer de cet état d'inaction qui ne peut produire que l'effet fâcheux d'amener le dégoût des affaires et d'enfanter l'inexpérience et l'ignorance. Je prévois depuis ici la grande objection que l'on va me faire, et j'avoue qu'elle est de quelque considération. L'on va me dire que si le système que je propose était adopté, il serait bien difficile décomposer un juré de deux cents personnes. Je réponds que nous verrons bientôt arriver le moment où les districts eux-mêmés, trop multipliés, circonscrits dans des limites trop étroites, demanderont leur réunion à des districts voisins. Elle est trop généralement sentie et reconnue, cette nécessité de la réunion de districts, pour ne pas s'opérer dans peu, et alors vos districts plus étendus, tous les obstacles cessent; et n'allons pas, pour un inconvénient du moment, établir un système duquel découleraient tant de conséquences fâcheuses, et auxquelles il serait difficile de remédier par la suite. Je conclus donc de décréter l'article 1er en ces termes : « Chaque tribunal de district aura en même temps la connaissance des affaires civiles et criminelles. »
Avant de continuer la discussion dans l'ordre des titres de la loi qui vous est proposée, je crois nécessaire de discuter tout d'abord la question de savoir si les déposisious des témoins seront ou non. rédigées par écrit. La décision prise à cet égard doit avoir, en effet, la plus grande influence sur toutes les dispositions précédentes et suivantes. (Cette motion est adoptée.)
Suffit-il que les jurés croient l'accusé coupable, ou faut-il que le crime soit prouvé ? Voilà un problème. En s'abandonnant à la sensation du moment, les jurés peuvent bien dire qu'ils croient l'accusé coupable; mais s'il ne faut plus de preuves légales pour déclarer un citoyen coupable, tout devient conjectural, et c'est au tribunal des conjectures que se portent l'honneur et la yie des hommes. Erigerez-vous en principes qu'il n'est pas nécessaire que le crime soit prouvé, et franchirez-vous ce grand pas? ^voilà donc vos jurés arbitres de la vie et de la mort de tous les citoyens. La preuve résidera donc dans la perception individuelle de chaque juré ; donc par cela seul, tout résultat certain et uniforme devient impossible, puisqu'il existe autant de différence entre la perception d'un homme et celle d'un autre, qu'entre les traits de leurs figures. Sans doute, la .première justice que l'on doit à un citoyen prévenu de crime^ c'est de se hâter de l'absoudre ou de le condamner, parce qu'il ne faut jamais oublier qu'il est homme et un être sensible; ainsi la loi criminelle doit être généreuse et magnanime; ainsi il faut que les juges du fait soient en général des hommes d'ùu sens simple et droit, viri probi et recii corde; mais conclure de là, que les dispositions ne doivent pas être écrites, c'est, depuis qu'on raisonne mal, la plus mauvaise conséquence que l'on ait tirée. Les jurés, dit-on, ne peuvent combiner des dépositions; et cependant, c'est à de tels hommes que vous confiez toutes les existences. Suffit-il donc d'être un homme grossier, d'être vir probust pour mesurer la valeur d'une déposition ? Mais combien ne faut-il pas avoir exercé son jugement, avoir appris à comparer, et des faits et des fp&s, à saisir et tous les rapports et toutes les faces, pour apprécier avec justesse le mérite d'une preuve. Si, dans chaque procédure criminelle, il se présentait deux témoins qui marchassent de front, et qui déposassent d'une manière précise et directe sur toutes les circonstances du délit, s'il n'y avait qu'un fait, je conçois que les hommes les plus ordinaires seraient en situation -de dire, l'accusé est coupable ou ne l'est pas; mais il y a telle affaire dans laquelle on entend cinquante ou cent témoins, où les circonstances se combinent d'une manière étrange. Comment, avec les meilleurs organes, combiner de tête la troisième déposition avec la trentième, la vingt-cinquième, avec la centième? On ne vous propose pas même d'obliger les jurés à prendre de3 notes succinctes des dépositions, et souvent il y en aura qui ne sauront pas écrire. Sauront-ils évaluer la distance qu'il y a de la probabilité à l'évidence? Sauront-ils graduer l'échelle ? sauront-ils que la probabilité approche du vraisemblable, le vraisemblable du vrai, le vrai de la certitude, et la certitude de l'évidence? Et, sans cette science, comment sauront-ils si l'accusé est coupable ou innocent ? On ne peut balancer la destinée des accusés qu'entre deux points invariables, la condamnation et l'absolution; ces deux destinées ne peuvent être jouées, et jouées avec des chances dangereuses pour l'intérêt de la société et le repos de l'innocence. Roberston, en parlant du siècle de Charles-Quint, dit qu'alors, il y eut une constellation de grands hommes. Eh bien 1 quand vous auriez à m'offrir une constellation d'excellents jurés pour chaque département, encore trembleraïs-jë, et beaucoup, sur le sort des accusés qui seraient condamnés d'après des preuves orales; et ceux mêmes qui accepteraient de telles fonctions seraient, par. cela même, indignes de les remplir ; car probablement Montesquieu lés eût-il refusées. En Angleterre au moins, les jurés ne font; qu'autoriser le juge à prononcer; et lorsqu'il voit* qu'ils décident contre l'évidence, il peut leur substituer d'autres jurés; mais ici ils font violence à la confiance du juge, qui n'est plus qu'un instrument obéissant, et vous leur donnez ce droit terrible d'après des dépositions empreintes dans l'air! Si vous mettez en principe, avec le comité, qu'il ne faut pas que le crime soit légalement prouvé, mais que c'est assez que l'accusé soit cru coupable, je maintiens que c'en est fait de la société; je maintiens qu'il faut fuir la
France si les lois n'y sont plus que des armes, et des armes remises dans les mains de l'inexpérience. Une déposition non écrite n'est point une déposition, n'est pas une preuve légale; et tout accusé, condamné sans cette preuve-là, est condamné illégalement, c'est-à-dire juridiquement assassiné. Voilà où le comité vous conduit, et il appelle cela protéger la liberté ! On répond que les jurés ne peuvent exister avec des preuves écrites. Observez que M. D »port, au mois d'avril, vous a fait décréter les jurés au criminel; on voilait alors les conséquences de cet établissement. Je prétendis qu'avant de les décréter il fallait avoir sous les yeux un aperçu de leur organisation. La proposition fut rejetée, et on soutint qu'il fallait d'abord décréter le principe : maintenant qu'il l'est, on vous dit que la conséquence est qu'il ne peut y avoir de preuves écrites, par ce que des jurés ne seraient pas en état delà combiner. Telle est la constante manière dont on vous fait procéder; on vous met un principe en avant, sans vous dire où l'on veut qu'il vous conduise; et ce principe passé, le comité revient au bout de quatre mois, et vous dit : Vous avez en tel temps, décrété tel principe; pour lui être fidèle, il faut adopter tel article. Cet article est combattu; mais il y a une tactique d'aprè3 laquelle c'est un membre du comité qui parle le dernier ; il a eu le temps de se préparer et de s'armer; et, avec ces deux avantages-là, on va aux voix. Observons que le juré ayant vu les dépositions rédigées devant lui, peut, avec l'intelligence la plus ordinaire, les combiner par écrit; que la rédaction soulage et son attention et sa mémoire : mais les confier à la seule mémoire, c'est écrire sur la neige. Un témoin dont la déposition n'est pas écrite, la fait avec bien moins d'attention; il ne dépose pas, il raconte : premier danger. Il en est un second d'un genre opposé, mais qui n'est pas moins grave : les regards de l'accusé, ceux de son conseil, de ses parents, de ses amis, feront vaciller le témoin; et si l'on n'écrit pas la déposition, le résultat en sera nul. Remettons-nous-en à l'expérience : la loi voulait, elle veut encore qu'en matière légère, au civil, les témoins soient entendus sommairement, et leurs dépositions non rédigées; cependant un usage, fondé sur la nécessité, avait abrogé, dans presque tous les tribunaux, cette déposition; on avait fini par les écrire, parce que l'expérience avait averti du danger de la non rédaction par écrit; avait averti que c'était établir leur haine de l'arbitraire dans le sanctuaire même de la loi. Où est le mortel qui aurait pu juger sur des dépositions non écrites l'affaire de la Pivardière, celle du 6 octobre, et cent autres que l'on pourrait citer? Combien n'y aura-t-il pas de probabilités de plus contre la vérité des témoignages, dès là que le témoin le plus décidément parjure ne pourra être convaincu. Il y avait malheureusement de faux témoins, malgré la possibilité de la conviction; or, combien n'y en aurait-il pas du moment où elle deviendrait impossible? Quel frein y aura-t-il contre cette classe d'hommes assez vils pour vendre leur conscience? On suppose ensuite aux jurés une finesse de tact, une netteté d'aperçu qui est la chose la plus rare chez les hommes instruits. Ils céderont à la première impression ; mais cette impression-là ne trompe-t-elle jamais? L'expression du visage est-elle toujours celle de l'âme? en est-elle, si je puis Je dire, la gravure et l'estampe? est-il bieu sûr que de telles indications soient toujours le chemin de la vérité? Cepen- dant, si vos jurés se trompent, nulle ressource ouverte pour réparer leurs erreurs.Le comité veut nous reporter à la position dans laquelle nous étions avant l'invention de l'écriture. Le non emploi de l'écriture est une institutiondigne de la barbarie. Ainsi, ce n'est pas d'avancer, c'est de rétrograder que l'on parle. Quel essai terrible on vous propose ! il s'agit de conjurer contre les vérités établies, de détrôner la raison publique. Il faut que, depuis l'Hôpital, tous les législateurs aient déliré. On a tant et si bien dit que la preuve vocale était dangereuse, qu'il était malheureux d'être réduit à cette preuve pour les crimes, voulez-vous ajouter à son danger? Lorsque notre opinion chancelle, nous cherchons, pour nous accorder, la statue d'un grand homme. Dites-moi quel est celui qui a prononcé que la preuve testimoniale ne devait pas être écrite, et sur quel homme de génie vous pouvez-vous appuyer ? Ce n'est pas sur de vieilles nations que l'on peut faire de telles expériences anatomiques. Prenons garde que l'on ne nous applique ce que Pline disait des médecins de son temps : Discunt peri-culis nostris, et per experimenta mortes agunt. Craignons d'être avertis par les gémissements de l'innocence, et de n'avoir à lui offrir que d'inu tiles regrets. Gomment voulez-vous juger de la bonté de l'établissement des jurés, si vous ne pouvez comparer leur décision avec des dispositions arrêtées. Le peuple croira qu'ils disposent à volonté delà vie et de l'honneur; à quoi ne les exposez-vous pas ? Si les dépositions ne sont pas écrites, ils n'auront plus de frein ; on cherchera à les acheter, et cela sera bien plus facile, puisqu'ils n'auront dans le fait le pouvoir de faire une grâce, sans qu'on puisse les convaincre d'avoir mal décidé. Je demande donc qu'il soit décrété que letémoin sera d'abord entendu devant le juge, que sa déposition sera rédigée par écrit etqu'illa réitérera devant les jurés, sans qu'alors elle ait besoin d'être écrite de nouveau.
L'institution des jurés nesym-patise pas avec des dépositions par écrit. Je crois donc que les dépositions par écrit ne sont pas admissibles ; je soupçonne même que la plupart des personnes qui sont d'un avis contraire, n'y ont pas sérieusement réfléchi. Marchons avec les principes, et nous verrons que le danger est où nous cherchons le préservatif. On se sert de l'écriture pour conserver la mémoire des choses. Cela posé, l'écriture n'est pas nécessaire là où la mémoire des choses est inutile. On se servait de l'écriture dans le temps où la procédure était discontinuée presque aussitôt que commencée. L'examen par jurés annonce une autre forme. Je soutiens qu'un témoignage peut être plus facilement altéré, s'il passe par la filière de la rédaction, que si tous les témoins étaient rassemblés devant le juré. Je demande donc que si l'on veut conserver l'institution des jurés dans toute sa pureté, la procédure ne soit pas faite par écrit.
,curé d'Evaux. Je dénonce à l'Assemblée un imprimé qui contient le
prétendu serment de M. l'évêque de Clermont. Il y est dit que ce serment
a été adopté par un grand nombre de membres du clergé... Plusieurs
membres de la partie droite : Cela est vrai !
Je demande que les ecclésiastiques fonctionnaires publics qui ont donné leur adhésion se lèvent, et articulent clairement leurs noms. Je demande si leur intention a été de faire une restriction mentale au serment que quelques-uns ont prêté.
Je vous prie, Monsieur le président de rappeler M. l'abbé Bourdon à l'ordre pour avoir interrompu la discussion.
Ce serait faire UDe injure à M. l'évêque de Clermont, que de le croire l'auteur de cet écrit à la tête duquel on trouve ces mots : Serment civique prononcé par M. l'évêque de Clermont, car il est absolument faux que M. l'évêque de Clermont ait prononcé aucune espèce de serment. Plusieurs membres disent qu'il n'y a pas prononcé, mais proposé. D'autres soutiennent, au contraire, que le mot prononcé se trouve dans l'imprimé. (L'Assemblée décide qu'elle passe à l'ordre du jour.)
Il est un point de fait qu'il faut éclaircir. Il y a une double édition de l'imprimé qui vous a été dénoncé. Dans l'Une se trouve le mot prononcé, dans l'autre proposé. Je demande que l'on en dépose un exemplaire sur le bureau, afin que l'on no puisse point induire la France en erreur, et que l'on sache que ce serment n'a point été prononcé.
,secrétaire. C'est moi qui ai rédigé le procès-verbal de la séance d'hier, et j'atteste que le serment n'a été ni proposé ni prononcé
J'observe à l'Assemblée qu'elle a déjà décidé qu'elle passerait à l'ordre du jour ; elle ne doit pas s'appesantir sur un imprimé qui ne mérite pas plus d'attention que toutes les protestations que l'on distribue jusqu'à la porte de cette salle. L'Assemblée a décrété que tous les fonctionnaires publics prêteraient un serment. Ce serait l'atténuer que de délibérer sur aucune espèce de modifications. S'il y avait encore des précautions à prendre, ce serait d'inviter les ecclésiastiques fonctionnaires publics à cesser une résistance coupable: 1° En leur annonçant que si demain ils n'ont pas prêté leur serment, ils ne sont plus fonctionnaires publics, et que leurs places sont déclarées vacantes. (On applaudit à plusieurs reprises.) On peut teur donner le conseil salutaire de se soumettre aux lois, en leur annonçant que la loi portée sera maintenue dans toute sa vigueur.
,évêque de Clermont. Autant je respecte l'Assemblée nationale, aussi peu je crains les sarcasmes. J'ai mis le mot proposé dans l'imprimé qui fait l'objet de votre délibération ; j'ai eu raison de le mettre, puisque j'ai offert à l'Assemblée de prêter serment, et qu'après le refus qu'elle a fait de l'entendre, je l'ai déposé sur le bureau. Je n'ai point à répondre au préopinant. Si l'on discutait la question de savoir s'il peut exister une loi coactive pour les serments, si l'on peut me punir pour obéir à ma conscience, j'imagine que la justice de l'Assemblée B'éclai-rerait promptement. On se reprochera toujours d'avoir infligé une peine à un homme qui a refusé de prêter son serment ; c'est dire, à un homme : Quoi que vous dise votre conscience, prêtez votre serment. Je ne veux pas lasser la patience de l'Ass mblée, et j'ajoute seulement que n'ayant pas donné la démission de ma place, que ne voulant pas la donner, je ne me regarderai jamais comme dépossédé.
Je crois bon et même nécessaire que l'Assemblée prouve, par une résolution prise sur-le-champ, le peu de cas qu'elle fait de cette discussion. Je ne répondrai pas à la théorie qu'on vient de vous développer sur le sermeut. Il ne s'agit point ici d'un serment forcé, mais d'un serment attaché à des fonctions publiques, et nécessaire à l'exercice de ces fonctions. Je pense donc que l'Assemblée doit annoncer qu'elle persiste... Je pense qu'elle doit actuellement faire déclarer aux ecclésiastiques fonctionnaires publics, membres de cette Assemblée, que le délai accordé par le décret, pour prêter leur serment, expire demain à une heure.
Il y a une proclamation de la municipalité, qui étend la nécessité du serment aux ecclésiastiques non fonctionnaires publics, et qui les déclare perturbateurs de l'ordre. (On applaudit.)
L'Assemblée nationale se voit au moment d'employer des moyens de rigueurs contre des hommes qui n'apportent qu'une résistance momentanée à vos décrets. J'ai Phonneur de représenter à la grande majorité, qu'elle sait parfaitement bien que quand les évêques se sont refusés à ce qu'on exigeait d'eux, des motifs de conscience les en ont empêchés. (On murmure.) Elle ne peut douter un instant que les évêques de France n'aient un grand désir d'obéir à ses ordres ; ils auraient pris une marche de résistance absolument opposée, s'ils n'avaient cru devoir atten ire que le pape se fût expliqué, ils auraient déclaré que leur conscience s'opposait à ce que les décrets exigeaient d'eux. Ils auraient appuyé l'exposition de leurs principes de la signature de leurs collègues ; ils se seraient armés de la signature des membres du second ordre du clergé. (Plusieurs voix demandent que Vorateur soit rappelé à Vordre.) Alors vous auriez été obligés de déployer toute la force de la puissance qui vous est confiée, pour empêcher les efforts dangereux de l'Eglise. Qu'ont-ils fait? Ils ont attendu la réponse du pape, qui, sans douté, sera favorable aux décrets ; ils ont voulu con* cilier leur conscience et leurs propres désirs. Il serait impolitique et barbare de leur refuser un délai, peut-être de quelques jours,qui les mettrait dans le cas d'obéir à votre décret, en ne manquant ni à la religion, ni à l'honneur. La religion et l'honneur ont toujours été une digue puissante contre le despotisme de toutes le3 espèces. Ce n'est pas aux représentants du peuple français qu'il appartient de lever, de repousser des obs-tables tels que ceux de l'honneur et de la religion ; ce n'est pas aux représentants du peuple français à mettre des citoyens dans l'alternative d'être impies ou rebelles, coupables ou déshonorés. Vous ne les pousserez pas à cette extrémité ; ils veulent faire tout ce qu'exige leur devoir-, mais' ne leur commandez que ce qui est faisable... (Il s'élève beaucoup de murmures.) Plusieurs membres demandent que M. de Cazalès soit rappelé à l'ordre.
L'opinant offense les ecclésiastiques qui se sont soumis au serment. Monsieur le président, rappelez-le à l'ordre.
Beaucoup d'ecclésiastiques pensent que j'ai voulu blâmer leur conduite ; ils se trompent..... Il est évident..... (Nouveaux murmures.) Monsieur le président, je demande à être entendu.
On demande que l'opinant sont rappelé à l'ordre pour avoir mal parlé d'une loi rendue. Plusieurs membres demandent que M. de Cazalès s'explique.
Aucuns des ecclésiastiques qui ont prêté le serment ne peuvent trouver que j'aie voulu les blâmer; car s'ils ont agi suivant leur conscience, ils n'ont manqué ni a la loi, ni à la religion, ni à leur honneur...
C'est à M. le président que j'ai l'honneur d'adresser la parole. Quand M. de Cazalès a dit qu'il fallait commander des choses faisables, j'ai voulu m'élever contre cette expression inconvenable et demander qu'il fût rappelé à l'ordre. M. le président aurait peut-être dû l'y rappeler de lui-même. L'opinant s'est justifié sur ce qui regarde les ecclésiastiques qui ont prêté le serment, mais non pas sur le respect qu'on doit aux décrets, et j'observe que si 1 Assemblée permet qu'on lui dise en face qu'elle doit commander des choses faisables, bientôt ceux qui ont intérêt à désobéir à la loi regarderont les choses qu'elle leur commande comme des choses non faisables. M. le président a dit, à la vérité, qu'on avait demandé que l'opinant fût rappelé à l'ordre, pour avoir mal parlé d'une loi rendue : je pense qu'il devait mettre plus de soin, plus d'exactitude et peut-être plus de solennité à ce qui intéresse le respect dû au corps constituant et à la loi.
J'accepte, avec la plus vive reconnaissance, la leçon que M. Charles de Lameth a bien voulu me donner. On a fait deux motions ; je les ai dites. Je ne sais si le président doit rappeler lui-même à l'ordre : vous le rendriez président despote, et vous ne voulez pas qu'il le soit. Je ne sais s'il peut le faire sur la motion de plusieurs membres : vous établiriez une chose également fâcheuse, le despotisme de trente ou quarante membres. Mon devoir était de mettre aux voix la motion de rappeler M. de Cazalès à l'ordre pour avoir mal parlé d'une loi: j'ai proposé cette motion. On a demandé que M. de Gazalès s'expliquât; il le faisait. J'ai été interpellé, et j'ai répondu plus que suffisamment. (On applaudit et Von murmure.) Voulez-vous que je mette aux voix si j'ai répondu plus que suffisamment?.....
A moins que l'Assemblée n'élève la prétention d'être infaillible, il est possible qu'ayant raison elle porte une loi qui paraisse à un individu contraire à son honneur et à sa conscience, elle aurait donc fait une chose qui ne serait pas faisable pour cet individu : donc quand j'ai dit qu'on demandait une chose qui n'était pas faisable pour un évêque qui croit, peut-être à tort, mais gui croit que l'honneur et la religion s'opposent à ce que l'on exige de lui, j'ai dit ce que j ai dû dire. J ajoute que si l'on se permet d'interrompre les opinants, il n'y a plus de liberté dans l'Assemblée. Que si on tronque les expressions et les pensées, il n'y a plus de délibérations. Je pense donc qu'il n'y a pas à délibérer sur l'attaque incidente qui m'est faite, et qu'il faut décider qu'un opinant ne pourra jamais être rappelé à l'ordre qu'après son opinion finie, et la question du fond jugée. (L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion faite de rappeler M. de Cazalès à l'ordre.)
Je résume mon opinion au fond et je dis qu'au lieu de moyens nuls, les évê-ques auraient pu prendre des moyens qui auraient causé du trouble dans le roy aume ; il est évident que Jeur intention n'a pas été d'opposer une résistance effective : s'ils l'avaient voulu, je doute qu'ils l'eussent pu, je ne le crois même pas... Il est évident...
Les moyens d'exécuter la contre-révolution ne sont pas â l'ordre du jour.
Quiconque examinera sans prévention la conduite des évêques verra que leur intention n'a pas été de résister à la loi; ils ont cherché les moyens de sauver leur honneur et de défendre leur religion... Si l'Assemblée m'écoutait avec plus de bienveillance, il me serait facile de prouver en un instant ce que j'avance. Il est certain que les ministres du culte ont de nombreux ennemis, qu'on a voulu les rendre odieux aux peuples, et qu'ils seraient les premières victimes du trouble si une guerre civile ou religieuse se déclarait ; c'est sur le clergé que se porterait toute la fureur du peuple. (La partie gauche murmure.) Soit que vous considériez les moyens que les évêques de France pouvaient employer, soit que vous considériez le grand intérêt qu'ils ont à la paix publique, il est impossible de ne pas voir qu'ils n'ont pas l'intention de vous résister, et qu'ils ne cherchent qu'un moyen d'obéir sans manquer à leur conscience. • . ' ■y^Tiy. L'Assemblée, si elle agit avec rigueur, destituera peut-être soixante ou quatre-vingts de ses membres. Quelques membres à gauche : Tant mieux I (Applaudissements.)
Comme il est resté dans mon âme quelque honneur et quelque sensibilité, comme je suis sûr que le sentiment qu'on vient d'exprimer n'est pas celui de la majorité ; comme je persiste à croire que l'Assemblée veut trouver des innocents, qu'elle aime mieux attendre,. que de punir; qu'en exigeant ce serment elle n'a pas eu l'intention de destituer les évêques; comme on a partagé l'indignation que m'ont fait ressentir les insolentes clameurs que je viens d'entendre, je crois que vous accorderez un nouveau délai. Je conjure donc l'Assemblée, au nom de sa bonté, de sa sagesse, de sa prudence, de ne pas adopter la motion de M. Barnave.
Il est nécessaire de faire quelques réflexions sur le discours du préopinant et sur celui de M. l'évêque de Clermont. J'oserais me plaindre â M. l'évêque de Clermont de qu'il est venu présenter hier un serment que rAssemblée ne pouvait agréer. C'est à cette dé-
marche qu'il faut attribuer la discussion qui nous occupe, et non à des intentions sévères. Il s'agit ici de l'exécution d'un décret que la politique et la justice ont inspiré, que le roi a sanctionné. Nous serions au désespoir d'user de voies de rigueur contre nos collègues égarés par des scrupules ; mais il n'est pas question de voies de rigueur. Je me plaindrai à M. l'évôque de Gler-mont, dont nous avons si souvent admiré les vertus patriotiques et religieuses..... {On murmure à gauche ; on applaudit à droite. ) Je dirai au fonctionnaire ecclésiastique qui s'est présenté ce matin à la tribune, et qui a fini par une proposition que j'ai été étonné d'entendre de sa Bouche, qu'il peut trouver et dans les canons et dans les moyens naturels de sa position la faculté d'obéir tout à la fois à sa conscience et à la loi ; il peut donner sa démission. J'oserai lui demander si la religion et l'honneur peuvent lui permettre de balancer; s'il peut dire d'un côté, je ne prêterai pas mon serment; de l'autre, je ne donnerai pas ma démission ; c est une singulière alternative pour celui qui s'y est placé. Je demande si l'honneur et la religion pèrmettent à celui dont la conscience s'effraye du serment qu'on exige, de rejeter le moyen qui s'offre à lui de s'affranchir de ce serment, en ne blessant ni sa religion ni sa conscience. La religion prescrit à tout citoyen d'éviter les troubles, les calamités, l'égarement du peuple : la religion exige des ecclésiastiques qu'ils se soumettent à la loi, ou qu'ils saisissent le moyen qui dépend d'eux de concourir au rétablissement de la paix publique. On sait si le fanatisme ne produirait pas des égarements aussi terribles que ceux qui ont affligé le siècle passé. La religion peut-elle donc permettre une aussi funeste résistance ? l'honneur souffrirait-il des réticences odieuses? Rien n'est plus contraire à l'honneur que de faire une déclaration publique et une interprétation secrète au fond du cœur. Je crois donc que l'honneur et la religion nous garantissent également la soumission des ecclésiastiques fonctionnaires publics, leur respect pour la loi et leur amour pour la paix. Nous ne jugeons pas les consciences, nous plaindrons celui qui, trompé par des scrupules, donnera sa démission; mais nous admirerons son respect pour l'honneur, la religion et la loi. Il faut cependant, puisque la discussion s'est ouverte aujourd'hui sur cette matière, annoncer l'exécution complète du décret, et ne pas s'occuper des voies de rigueur auxquelles l'Assemblée n'a pas pensé, et qu'on a supposé qu'elle voulait prendre. Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
M. Démeunier a avancé.....
J'ai à répondre..... (La discussion est fermée à une grande majorité:) Plusieurs membres demandent l'ajournement à huit jours. La question préalable est invoquée et admise sur cet ajournement. L'Assemblée décrète que le délai donné aux ecclésiastiques, fonctionnaires publics, pour prêter leur serment, expirera demain à une heure.
M. Auvynet, député, m'a écrit à la date du 28 décembre dernier; il demande une prolongation de congé d'un mois ou de cinq semaines. (Le congé est accordé.)
,secrétaire, donne lecture de la lettre suivante adressée à l'Assemblée nationale par les administrateurs du département de la Corse : Bastia, le 14 décembre 1790. « Messieurs, les membres composant le directoire du département de la Corse, pénétrés de la plus juste admiration et de la plus vive reconnaissance envers l'Assemblée nationale, croient ne pouvoir mieux commencer leur carrière que par le renouvellement du serment patriotique qu'ils ont déjà religieusement proféré', et par une protestation solennelle de leur entière adhésion à vos saint3 décrets. Que votre législation est sage 1 que votre Constitution est sublime ! elle est puisée dans la nature, et la conservation de ses droits en est l'objet principal. Oui, Messieurs, nous jurons de la maintenir cette Constitution, le monument éternel de la gloire de la France, nous jurons'de la maintenir au prix de notre vie, de lui rester toujours attachés, de lui être toujours fidèles. « On a cherché à répandre des soupçons au sein même de votre Assemblée sur la sincérité de notre dévouement à la France ; on a tenté de noircir notre conduite et nos sentiments ; on vous a même dit que la Corse était dans le désordre et qu'elle était prête à se donner à une puissance étrangère. Pourrait-on imaginer que les représentants mêmes de ce département à l'Assemblée nationale fussent les artisans de ces impostures ? Ce ne peut être que l'effort de la vengeance et de la haine, ou plutôt ce sont le3 cris du désespoir. Frappés de la, juste indignation de leurs concitoyens, ils trouvent une consolation dans la calomnie; mais qu'ils soient démentis et qu'ils en rougissent. « Pourrait-elle, la Corse, renoncer à la liberté qui a toujours été sou idole ? pourrait-elle trahir ses intérêts, sacrifier son bonheur? Non, nous nous rendons garants des sentiments de tous les Corses. « Nous vous assurons que l'ordre et la paix y régnent, que vos lois y sont respectées, y sont chéries ; nous périrons, ils périront tous avant de porter la plus légère atteinte à ces sentiments que nous nous faisons une gloire d'exposer aux yeux de votre auguste Assemblée. « Nous sommes avec le plus profondjrespect, Messieurs, vos très humbles, etc... « Les administrateurs composant le directoire du département de la Corse, « Signé : Pompei Paoli, CaSABIANCA, COLOM-nia, secrétaire; Pietri, Mattei, vice-président; Panattieri, secrétaire général• » L'Assemblée ordonne l'impression de cette lettre et son insertion dans le procès-verbal.
,au nom du comité d'aliénation, propose divers décrets portant vente de biens nationaux à des municipalités. L'Assemblée décrète ce qui suit : « L'Assemblée nationale, d'après le rapport qui lui a été fait par un membre du comité de 1 aliénation, des soumissions faites par les mu-) nicipalités ci-après, dans les formes prescrites,
déclare leur vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations et estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, pour les sommes ci-après, et payables de la manière déterminée par le même décret ; Savoir : A la municipalité de Rilhac, pour la somme de..................4,801 t 7 s, 8 d. A la municipalité de Noailles, pour la somme de............... 19,536 4 11 A la municipalité de Daincourtj, pour la somme de...........8,677 A la municipalité de Limay, pour la somme de.................. 136,600 A la municipalité de Guerville, pour la somme de..........4,145 A la municipalité de Follainville, pour la somme de..... ......1,560 A la municipalité de Mantes, pour la comme de ..............64,951 13 4 A la municipalité d'Epone,pourla somme de........... 34,798 » » « Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé aux décrets de vente et états respectifs d'évaluations desdits biens, annexés à la minute du présent procès-verbal. »
Le second scrutin pour la nomination d'un président n'a pas donné de résultat. Sur 361 votants, M. de Mirabeau a réuni 178 voix et M. Emmery 177 ; six voix ont été perdues. Aucun des concurrents n'ayant obtenu la majorité absolue, il y a lieu de procéder à un troisième scrutin. J'invite les membres de l'Assemblée à se retirer à cet effet dans leurs bureaux respectifs. (La séance est levée à deux heures et demie.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
Je demande que la mention de l'imprimé portant pour titre : Serment prononcé par M. Vévèque de Qlermont, soit rayée du procès-verbal. Il ne faut pas laisser subsister dans les registres mêmes de la législation un outrage fait aux lois du royaume,
Je pense différemment ; je suis
Au nom de tous ceux qui s'honorent de partager le sentiment et les opinions de M. l'évêque de Clermont, je demande que le serment qu'il a voulu prêter et les explications qu'il a voulu donner en conséquence soient exactement consignées dans le procès-verbal. (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) Le procès-verbal est adopté.
président. Au troisième scrutin qui a eu lieu hier pour la présidence, M. Emmery a obtenu le plus grand nombre de voix ; en conséquence, M. Emmery est élu président de l'Assemblée.
prend le fauteuil.
Je propose que l'Assemblée vote des remerciements à M. d'André.
Je demande que l'on supprime l'usage des compliments et des remerciements lors de l'installation des nouveaux présidents.
Je retire ma motion ; celte formalité est inutile. Tout le monde rend justice d'ailleurs au zèledé M. d'André dans l'exercice de ses fonctions. (La motion de M. d'Elbhecq est adoptée.)
se présente à la tribune pour prêter le serment : Conformément à la restriction portée dans la profession de foi de M. l'évêque de Clermont pour les matières spirituelles.... (Il s'élève des murmures.) Un membre. Je demande que l'Assemblée décrète que le serment sera prêté purement et simplement et dans les propres termes du décret, sans qu'aucun ecclésiastique puisse se permettre de foire des explications, des restrictions ou des préambules. (Cette motion est adoptée.)
descend de la tribune,
,curé de Saint-Pierre-d'Etampes, député du département de Seine-et-Oise,
,desservant de la cure de Mardick, député du département du Nord,
,curé de Flins, près Meulan, député du département de Seine-et-Oise, prêtent leur serment dans les termes prescrits par le décret du 27 novembre dernier.
,curé de Saint-Denis-de-Pille. Le procès-verbal d'hier ne fait aucune mention des restrictions que j'ai cru devoir apporter à mon serment civique. Je demande, que cette omission soit réparée.
Point de commentaires, retirez votre serment, si vous ne l'avez pas prêté avec franchise.
retire son serment et raye lui-même son nom sur le procès-verbal.
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret relatif à l'organisation des jurés. L'Assemblée reprend la question de savoir si les preuves testimoniales des délits, fournies aux jurés d'accusation, seront écrites ou purement verbales.
(1). Messieurs, vous allez prononcer sur la plus importante question de l'institution des jurés : les dépositions de témoins seront-elles oui ou non rédigées par écrit? Quoique j'aie déjà donné mon avis sur cette question en vous présentant des vues générales sur le plan du comité, je vous soumettrai, si vous le permettez, des réflexions particulières sur les raisons qui ont donné lieu au système de la procédure verbale qu'il vous propose, et sur les motifs qui ont déterminé mon opinion. Le comité pense, eu premier lieu, qu'il est inutile d'écrire ce qui se dit devant les jurés, soit à raison de la décision qu'ils doivent rendre, soit parce que les cas où elle sera sujette à l'appel étant infiniment rares, il ne restera rien à faire quand ils auront prononcé, ou bien il faudra faire une nouvelle procédure devant les nouveaux juges. Je réponds sur la seconde partie de l'objection» que si les jurés sont présents à toute l'instruction, s'ils voient, s'ils entendent tout, s'ils peuvent prendre des notes, il est faux, comme on l'a avancé qu'ils puissent toujours prononcer spr-le-champ; il peut se trouver des cas où il sera nécessaire de faire entendre un grand nombre de témoins contre l'accusé, où celui-ci voudra, en usant de la faculté que vous lui avez accordée, administrer des témoins en sa faveur; le temps nécessaire pour entendre tous le? témoins, la défense de l'accusé et les plaidoyers de son conseil, de l'accusateur public, du commissaire du roi, exigera presque toujours plusieurs séances; les jures ne pourront pas prononcer dans le même instant où ils auront entendu les témoins, et peut-on raisonnablement supposer qu'après l'intervalle de plusieurs jours ils puissent se rappeler la teneur de plusieurs dépositions et toutes les circonstances qui pourront les rendre concluantes ou les atténuer ?
Ils auraient, il est vrai, la faculté de prendre notes sur les
dépositions des témoins, mais alors ce serait sur des faits isolés
qu'ils rendraient leur jugement, et ils seraient privés des lumières que
l'ensemble de la procédure pourrait leur fournir. J'ajoute que cette
faculté de prendre des notes, bien loin d'être avantageuse aux accusés,
leur deviendrait; au contraire, funeste ; l'erreur que l'un des jurés
aurait pu commettre en rédigeant par écrit un fait qu'il aurait cru
entendre en faisant mention d'une circonstance qu'il aurait cru
remarquer, pourrait influer sur le jugement; car il est aisé de sentir
que parmi les membres d'un jury, il s'en trouvera qui auront ou de plus
grandes connaissances, ou une plus grande réputation de lumière que les
autres, et que si la procédure n'est pas écrite, si on ne peut y avoir
recours pour contredire le fait que de pareils membres d'un jury
mettront en avant, et pour éclaircir les doutes qui pourront s'élever,
leur sentiment aura la plus grande influence sur la décision._
J'ai vu un exemple frappant de cette vérité : un homme accusé d'un vol nocturne a contre lui l'assertion de deux témoins qui croient l'avoir aperçu pendant l'obscurité cle la nuit, il est condamné à mort et exécuté malgré les protestations de son innocence; huit jours après un scélérat est livré au supplice pour d'autres crimes, et il avoue avant de périr qu'il est l'auteur du vol pour lequel un tel a été condamné et supplicié ; on l'interpelle; il cite des faits, des circonstances, lesquels pris séparément n'auraient produit aucune conviction de la vérité de sa déclaration et de l'innocence du condamné, mais qui, joints à la teneur des charges qui avaient servi de base au jugement, ne laissèrent plus de doute, la mémoire de ce malheureux fut réabili-tée, et l'arrêt qui intervint condamna le dénonciateur en des dommages considérables envers sa veuve et ses enfants.
Or, Messieurs, je demande si un pareil cas et d'autres d'un autre genre survenaient, quelle serait la ressource des enfants infortunés d'un innocent condamné à mort et exécuté ; comment serait-il possible d'avoir recours à une procédure qui, dans le système du comité, n'aurait laissé aucune trace? Si l'on me répond qu'on pourrait faire entendre dans ce cas les mêmes témoins dont les déclarations auraient donné lieu au jugement, j'observerai qu'indépendamment, que par un intervalle qui pourrait quelquefois être très long les témoins ne se rappelleraient peut-être pas des circonstances dont la liaison avec les nouvelles preuves pourrait être favorable à Ja mémoire du condamné, il peut arriver que les témoins soient décédés et, dans ces cas, je crois mon observation sans réplique, et j'en conclus que les dépositions des témoins doivent être rédigées par écrit, non seulement par rapport à la cause, mais encore pour le cas de la révision.
Je n'examine point ici quelle sera l'autorité des juges s'ils sont juges en dernier ressort, ou si les accusés conserveront dans le nouvel ordre judiciaire, la précieuse institution de l'appel, que l'ancien régime leur accordait. Mais si la révision de leur jugement était ordonnée dans la forme irrégulière et insuffisante, proposée par le
comité, je crois même, dans ce cas, qu'il y aurait de l'inconvénient à ne pas écrire les dépositions des témoins puisqu'en décidant qu'elles ne seraient pas écrites, vous donneriez encore aux témoins la faculté de varier lorsqu'ils seraient entendus devant les adjoints qu'on donnerait aux jurés, et d'aggraver, par de nouveaux faits ou par de plus grandes présomptions, le sort de l'accusé, ce qui n'arriverait pas si les dépositions étaient écrites auquel cas les adjoints auront le double avantage de voir sons leurs yeux les preuves qui auraient déterminé le juré, et d'entendre de la bouche même des témoins la déclaration déjà faite avant le premier jugement.
En deuxième lieu, le comité ajoute qu'il est impossible de rédiger les dépositions aes témoins entendus devant un juré. Je conteste que, lorsqu'un témoin s'explique et que l'accusé et ses conseillers répondent, il y ait impossibilité de bien rédiger ce qui est dit respectivement, parce-ue je sais que le témoin doit avoir la liberté de aire sa déclaration, et que ce n'est qu'après qu'il l'a faite que l'accusé peut lui faire des interpellations ; je ne vois jusque-là que ce qui se pratiquait dans l'ancien, régime et comme les dires respectifs y étaient très bien rédigés, je crois qu'il est possible de les rédiger aussi bien et mieux encore dans la nouvelle procédure que vous avez décrétée.
Je conviens cependant, que lorsqu'une passion forte ou la vive expression de l'innocence calomniée animera la voix du témoin et de l'accusé, et précipitera leurs paroles, le greffier ne pourra pas rendre au naturel les tableaux intéressants qu'elles pourront présenter aux jurés; mais je ne doute pas qu'après le premier moment, les faits et les circonstances ne puissent être bien rendus par écrit par l'officier qui présidera le jury, et il me semble que leur rédaction, bien loin d'effacer les idées que le combat engagé entre le témoin et l'accusé ^auront inspiré aux juges, leur en rendra au contraire leur applica-cation plus sensible, puisque l'authenticité des faits et des circonstances, réciproquement attestés par le témoin et par l'accusé, ne pourront pas effacer l'impression que les mouvements de l'innocence calomniée, ou l'assurance d'un témoin injustement outragé, auront faite sur leur âme, dont il résultera, soit pour la punition du crime, soil pour l'intérêt de l'innocence que les membres du jury auront des moyens plus sûrs et de plus grandes ressources pour prononcer une bonne décision.
J'ai l'honneur de vous soumettre le projet de décret suivant :
Art. 1er. L'officier de police sera tenu de
rédiger ou de faire rédiger, par écrit, les déclarations des témoins ;
mais cette rédaction sera faite sommairement,et n'exigera d'autres
formalités que lasigna-ture du témoin, à chaque feuillet ou la mention
qu'il ne ss^it pas signer.
Art. 2. Les dépositions des témoins qui seront entendus devant le jury d'accusation seront écrites par le greffier du tribunal du district, sur la rédaction du plus ancien d'âge parmi les membres qui composeront le jury. Elles seront signées par les trois plus anciens d'âge, par le témoin et par le greffier; fi le témoin ne sait pas signer, il sera fait mention de sa déclaration et de la réquisition qui lui aura été faite de signer.
Art. 3. Dans les vingt-quatre heures après le premier interrogatoire de l'accusé, contre lequel il lui sera signifié, en parlant à sa personne, une copie exacte et lisible de l'ancienne procédure.
Art. 4. Si des témoins qui auront déjà été entendus devant le jury d'accusation sont devant le jury du jugement, soit contre l'accusé, soit en sa faveur, leurs dépositions seront écrites par le greffier du tribunal criminel sous la rédaction du président et les deux plus anciens d'âge parmi les membres du jury, par le témoin et par l'accusé et par le greffier; si le témoin ou l'accusé déclarent ne savoir signer, ou s'ils refusent de signer, il sera fait mention de la réquisition et de leur réponse.
Art. 5. Ceux des témoins déjà ouïs devant le jury d'accusation qu'il sera nécessaire de faire entendre devant le jury du jugement seront tenus de déposer de nouveau sans qu'il leur soit fait lecture de leur précédente déposition, et si le président et les juges du tribunal criminel qui auront sous les yeux la première information, estiment, à la majorité des voix, qu'il n'est pas intervenu de changement essentiel dans la nouvelle déposition, elle ne sera pas écrite.
Art. 6. Si ce tribunal pense, au contraire, qu'il y a un changement essentiel dans la nouvelle audition, il la fera rédiger par écrit, en la forme prescrite par l'article 4.
Art. 7. Ce qui sera dit entre les témoins et l'accusé ne sera point écrit; mais celui-ci et l'accusateur public auront la faculté de faire, mentionner sommairement dans le procès-verbal les faits, les aveux ou les dénis qu'ils croiront propres à {justifier l'innocence de l'accusé ou sa conviction.
Art. 8. Lorsqu'il sera administré à l'accusé, devant le jury du jugement, des témoins qui n'auront pas été produits devant le jury d'accusation, il lui sera accordé, s'il le demande, la faculté de se recueillir avec son conseil, pour lire, sans se déplacer la déposition avant de proposer ses reproches et ses moyens de défense.
Art.9. La procédure sera mise sous les yeux du jury lors du jugement, mais les dépositions écrites dans la première information ne feront foi que dans deux cas : le premier, lorsque la rédaction n'en aura pas été réitérée lors de la deuxième audition; le second, lorsque le témoin qui avait déposé devant le jury d'accusation à la décharge de l'accusé sera mort sans avoir été ouï de nouveau avant le jugement.
Le préopinant a dit qu'un témoin produit par l'accusé pour prouver un alibi, pouvant mourir dans l'intervalle de la procédure, il ne resterait aucune trace de sa déposition pour être opposée aux calomnies des dénonciateurs : à cela je réponds qu'il sera libre à l'homme faus-s ement accusé d'avoir commis un crime dans un lieu où il ne se trouvait pas, de faire constater, par devant l'officier de police, les dépositions a sa décharge. Cette liberté, accordée en tout temps à l'accusé, de faire constater les dépositions en sa faveur, doit répondre aux autres difficultés qu'on a cherché a élever.... Je demande que les préopinants examinent s'il est possible de soumettre des jurés non payés, et souvent déplacés du lieu de leur domicile, aux lenteurs d'une procédure écrite.
Les dispositions seront-elles écrites, ou plutôt les accusés seront-ils condamnés sur les traces que des déclarations verbales auront laissées dans l'esprit des juges ? Pour décider cette question, remontons aux premiers principes de toute procédure criminelle. La procédure est une précaution ordonnée par la loi
contre l'ignorance, la faiblesse ou la prévention du juge. Si les juges
ne sont pas infaillibles, la loi ne doit pas leur dire: choisissez les
moyens que vous voudrez, et jugez ce que vous voudrez; car alors la
conviction des juges ignorants serait substituée aux preuves. Leur
décision deviendrait arbitraire, et le jugement irréfléchi : le
législateur n'aurait que des juges à créer ; il n'y aurait plus ni frein
à l'arbitraire, ni lois protectrices de l'innocence opprimée.....Mais le
législateur sage sait que de tous les hommes, les juges sont ceux qu'on
doit le plus surveiller : de là les formes auxquelles les jugements ont
toujours été assujettis. La loi ne peut pas abandonner à la seule
conscience du juge le droit de décider arbitrairement ; elle lui dit :
Vous ne condamnerez personne, à moins qu'il n'existe contre l'aceusé des
preuves plus claires que le jour. La loi a été plus loin. Elle a
elle-même posé des règles pour l'examen et pour l'admission de ces
preuves ; règles sans l'observation desquelles les juges ne sauraient
condamner quelle que fût leur conviction......S'il existe des règles, il
faut constater qu'elles ont été remplies : le moyen de le constater,
c'est l'écriture : sans cela il n'y a plus de barrières à l'arbitraire
et au despotisme, il n'y a rien qui empêche ou qui constate le3
assassinats i'udiciaires èt toutes les suites de la malversation, ■a
société doit donc s'assurer que l'accusé n'a été condamné que sur des
preuves indubitables ..... Mais la loi ne peut prévoir toutes les
circonstances ; elle ne peut déterminer avec assez de décision la nature
de tous les délits possibles : e3 preuves légales sont souvent
insuffisantes ; souvent dans la pratique la conviction intime des juges
est plus sûre que les dépositions de deux témoins suspects. En bien ! il
faut que las lumières des juges concourent avec la sagesse du
législateur. Par exemple, le témoignage de deux hommes est une preuve
légale. Cependant, le juge saitque ces deux témoins sont d'intelligence,
qu'ils sont d'une probité équivoque : il aperçoit dans leurs
déclarations de l'incertitude, de l'improbabilité ; il a une
connaissance particulière de la probité ou même de l'innocence de
Pàccusé. Dans ce cas, forcer le juge à le condamner, ne serait-ce pas
faire immoler l'innocence par le glaive de la loi?..... Il faut donc
réunir et la confiance qui est due aux preuves légales, et celle que
mérite la conviction intime du juge. Donner tout à la conviction des
juges, sans le secours des preuves légales, c'est créer l'arbitraire et
le dispotisme ; accorder une confiance sans bornes aux preuves légales,
lors même qu'elles sont contraires à la conviction des juges, c'est
tolérer l'assassinat judiciaire. Je finis par un trait au-dessus de tous
les arguments : Les preuves les plus imposantes', les dépositions de
plusieurs témoins se présentent à la charge d'un accusé ; l'un des jurés
est auteur du crime; il le déclare dans le trouble de sa conscience
agitée : obligerez-vous le juré à condamner l'accusé dont il reconnaît
l'innocence, parce que des preuves légales parlent contre lui? Vous
voyez que la confiance que mérite la conviction presque unanime des
juges, doit balancer l'espèce de certitude acquise par les preuves
légales. Je propose donc le projet de décret suivant : Art. Ier. Les dépositions seront rédigées par
écrit. II. L'accusé ne pourra être déclaré convaincu, toutes les fois
que les preuves déterminées par la loi n'existeront pas. III. L'accusé
ne pourra être condamné sur les preuves légales, si elles sont
contraires à la connaissance et la conviction intime des jugés.
,rapporteur. Je commence par supplier l'Assemblée de ne pas hâter sa décision. Quelle que soit l'opinion actuelle de chaque membre, je les prie de ne rien précipiter. 1° Vous avez décrété les jurés en matière criminelle. Vos comités se sont occupés sans relâche pendant quatre mois de cette nelle institution. La question présente a été, j'ose le dire, envisagée par eux sous toutes les faces possibles, et en résultat, et tous les membres composant les deux comités de Constitution et de jurisprudence criminelle ont été unanimes à penser qu'avec des preuves écrites, il n'y avait plus de jurés, et que si l'Assemblée se portait à adopter cette idée, elle détruirait son propre ouvrage, et donnerait un grand exemple d'inconséquence et de faiblesse, en montrant qu'elle a désiré et n'a pu réussir à fonder l'institution des jurés; 2° j observerai ensuite que je retrouve ici en grande partie les objections, les embarras, même les individus qui furent opposés à l'établissement même du juré, et qui semblent en méditer la ruine en proposant des mesures incompatibles avec son existence; 3° enfin je dirai, ce qui n'est pas de la métaphysique, c'est que ce que nous vous proposons, est depuis plus ae mille ans en pleine vigueur d'exécutionen Angleterre ; il l'est en Amérique, et les Anglais s'en trouvent si bien, qu'ils changeraient plutôt toutes leurs institutions que celle-ci. Il est des hommes singuliers, qui, lorsqu'on leur présente des raisonnements, vous traitent de métaphysiciens, et vous ramènent à l'expérience, à la pratique; et qui,lorsque l'on parle pratique, veulent raisonner; ceux-là voudront bien répondre à l'argument d'une pratique constante, suivie avec tant de succès; et quant à ces raisonnements, voici ceux que je propose : Lorsqu'un fait devient l'objet des recherches de la justice, son attention doit le porter à en connaître la vérité. Est-il arrivé, n'est-il pas arrivé? Voilà la seule question. Quels sont maintenant les moyens employés pour la connaître? Il y en a de deux sortes : Déterminer d'avance quelles seront les preuves à l'aide desquelles on connaîtra la vérité; astreindre les juges à décider sur ces preuves et à les prendre pour constantes, quelle que soit leur conviction, ou bien rassembler devant les juges tous les moyens de connaître la vérité, et s'en rapporter à leur opinion et à leur intime conviction. Le premier moyen, ce sont les preuves légales, et le second les preuves morales. Or, je prétends que les preuves légales sont une métnode absurde en soi, dangereuse pour l'accusé et dangereuse pour la société : 1° absurde en soi ; car n'est-il pas ridicule que la loi ait déterminé d'avance comment on prouvera un fait qu'elle ne connaît pas, et dont la combinaison varie a l'infini?Quel fait n'a-t-ilpassa preuve particulière et propre? La vérité peut-elle être réduite en formules? Le géomètre le plus desséché par lês calculs ne saurait l'affirmer ; 2° dangereuse à la société ; ici, je suis forcé de le dire, une vaine démonstration d'humanité ne m'égarera pas. Si vous établissiez des preuves légales, si vous disiez, par exemple, que l'on ne pourra condamner qu'avec deux témoins oculaires, ou autres preuves semblables, vous donneriez un
brevet d'impunité à tous les scélérats, en leur présentant un point d'appui sûr dans leurs criminels calculs. Us n'auraient qu'à prendre garde de ne pas mettre contre eux les preuves requises ; ils n'auraient qu'à assassiner sans témoins, ils seraient sûrs d'être innocentés. On conçoit qu'un tel pays ne saurait être longtemps habité par des hommes, et l'ordonnance de 1670 avait bien senti cette vérité. Il est donc vrai que les preuves légales sont dangereuses à la société; 3° mais elles sont également funestes à l'accusé. En effet, si vous avez établi qu'on peut juger sur deux témoins, qui ont assisté à la confrontation, sans examiner qu'est-ce que c'est que ces témoins ; s'ils sont ou non dignes de foi, vous faites, de sang froid, la plus détestable et la plus cruelle absurdité ; vous vous jouez de la vie et de l'honneur des hommes, avec plus de légèreté que vous n'en mettez dans la plus simple affaire. Tous croyez, pour condamner un homme, un témoin que vous n'auriez pas cru souvent pour vous apprendre une nouvelle. Un fait criminel est un fait comme tous les autres. Si quelqu'un vient Tous apprendre une nouvelle, qu'il dise en avoir été témoin, vous ne vous trouvez pas obligé de le croire pour cela intérieurement. Gela dépend du degré de confiance et de crédibilité de l'individu ; s'il est menteur, faible, étourdi, fripon, vous doutez, et vous attendez d'autres preuves. Eh bien I parce que vous serez juges, parce que le fait sera criminel, par conséquent moins croyable, parce qu'il s'agit de condamner un homme, vous croirez cet individu dont vous auriez méprisé le récit; cela est platement barbare, et voilà néanmoins ce que c'est que la preuve légale ; voilà ce qui arrive lorsqu'on juge sur des dépositions écrites. Je conçois qu'il y ait des juges dont la conscience soit en sûreté, lorsqu'ils ont pour eux la preuve légale (la mienne n'y a jamais été en pareil cas) ; mais si les juges sont sans remords, le législateur, celui qui a établi cet usage absurde et barbare, ne doit pas l'être. J'aurais honte d'en dire davantage sur ce sujet. Maintenant que nous ne voulons que des preuves morales, c'est-à-dire que la vérité elle-même, par les moyens que la nature indique à tous les hommes pour la découvrir, vous avez pensé avec raison qu'il ne fallait pas en laisser l'appréciation à des hommes ayant un caractère public et constant, en petit nombre, d'un état différent de l'accusé, mais à de simples citoyens, pris au hasard, recusables en grand nombre, en un mot à des jurés, à des juges ; mais s'il est vrai que les preuves écrites font revivre nécessairement les preuves légales, ne sera-ce pas d'avance prouver qu'on ne peut ni ne doit les admettre?Or, cela est évident. Lorsqu'un homme est appelé à juger sur des preuves écrites, sur quoi se décide-t-il pour les admettre ? Ge n'est pas sur la confiance dans le témoin, ce n'est pas encore sur la conviction, c'est sur des règles qu'il se fait ou qu'il reçoit de la loi pour découvrir la vérité. La loi lui remet un instrument avec lequel il mesure tant bien que mal la déposition , et voilà ce qu'on appelle rendre la justice 1 Dans ce système, on ne cherche pas si telle chose est vraie; mais si elle est prouvée. Ce n'est pas la réalité que l'on désire, mais cette image fantastique que l'on s'en est faite, et que l'on force le juge à respecter comme si c'était la vérité même. Comme on abuse des motsl Si jamais l'on n'avait entendu parler d'écrire des dépositions, comme on trouverait ce projet métaphysique, ridicule, bizarre! Nous y sommes habitués, et c'est la nature qui nous paraît compliquée et difficile. Des hommes ont pensé que ce eerait une chose bien avantageuse que de réunir la preuve écrite et la preuve orale, et d'avoir ainsi, disaient-ils, les avantages des deux systèmes. Mais cela ne se peut pas : 1° des jurés, qui devraient avoir entre leurs mains, les dépositions, ne prendraient pas au débat la part nécessaire d'attention et de réflexion ponr être convaincus; ils se reposeraient toujours sur le moment où ils liraient les dépositions, et suspendraient jusqu'à leur jugement intérieur. Arrivés dans leur chambre, ils liraient les dépositions, ils les pèseraient, les combineraient, comme les juges de la Tournellejet voilà, comme je l'ai dit, de très mauvais juges au lieu d'excellents jurés. De plus, ils auraient devant les yeux l'opinion que le public prendrait sur les dépositions mêmes; en conséquence, ils y conformeraient leur jugement ; et pour se tirer d'affaire, ils se diraient : en jugeant suivant la déposition écrite, nous ne courrons aucun risque ; en nous en écartant, on pourra nous calomnier. Alors nous voilà dans l'absurde et funeste système des preuves légales, et cette opinion des jurés ne serait pas sans fondement; car le public, les défenseurs de l'accusé, etc., ne manqueraient pas de chercher à opposer le jugement des jurés aux preuves écrites, et de les ramener ainsi forcément aux preuves légales. Mais ce qui doit trancher toute difficulté a cet égard, c'est l'entière et absolue impossibilité d'écrire devant les jurés. Non seulement alors tout l'intérêt, tout l'avantage du débat est détruit, mais il faudrait que les jurés restassent trois mois assemblés ; car il faut évidemment que tout soit écrit ou que rien ne le soit ; car une écriture tronquée est un piège tendu par l'accusé à la justice. Et peut-être n'a-t-on pas réfléchi qu'autant une procédure est courte lorsqu'on entend de vive-voix les témoins, autant elle est longue lorsqu'on écrit; parce qu'alors il faut que le juge écrive à peu près tout ce qu'il plaît aux témoins de déclarer. L'énorme procédure du Ghâtelet se serait réduite à trois ou quatre témoins, si elle eût été faite verbalement. Montesquieu dit que la raison pour laquelle les témoins sont punis en France de peine capitale, et ne le sont pas en Angleterre, est parce qu'en France les témoins ne sont produits que contre l'accusé, et qu'en Angleterre on reçoit des témoins des deux parts, et que l'accusé y a, contre les faux témoins, une ressource que la loi française ne lui donne pas. Il en conclut que chacun a son avantage et son inconvénient. Mais ici, comme dans bien d'autres matières, cet écrivain n'a fait qu'effleurer la question. La véritable raison de la différence des lois est qu'en France on admet des preuves légales, les témoins y font foi presque toujours, et malgré le juge, puisqu'il ne voit que lés témoignages et non les témoins : alors, comme ce témoignage^ presque toujours pris pour vrai, opère la condamnation d'un nomme; s'il est trouvé faux, il opère celle du témoin. Gela est bien absurde; car un témoignage peut ne pas avoir les caractères de la vérité, sans être criminel. Lorsqu'on juge les témoignages par les témoins, alors on sépare le tout en deux ; ce qui prouve et ce qui ne prouve pas, ce qui entraîne vers un avis qui force la conviction et ce qui ne la force pas; l'articulation précise d'un homme honnête
et rassis est la seule vraie preuve, passé cela se trouvent le mensonge d'un scélérat et le dire d'un homme faible, insensé, étourdi ; tout cela ne prouve pas, les jurés n'y ont pas égard pour se décider; ils concluent qu'un homme est innocent, tant qu'on ne leur a pas prouvé qu'il est coupable. Alors il est évident que l'on n'a pas d'intérêt à rechercher ultérieurement si ce témoignage, qui n'est pas probant, est un témoignage faux ou seulement insuffisant et de peu de poids. La justice n'a besoin que de savoir la vérité; elle pèse les témoignages sous ce rapport, et non pour chercher un coupable dans le témoin ; celui-ci n'est plus responsable, si j'ose le dire, de la vie ou de l'infamie d'un accusé, et il ne devient l'objet de la sévérité de la justice, que lorsqu'il frappe ses regards par un mensonge évident. Gela est bien plus naturel, plus humain, et plus propre à laisser arriver la vérité à ceux qui doivent décider; c'est à la favoriser d'abord, à la faire sentir vivement, qu'il faut s'appliquer par-dessus tout lorsqu'on veut voir régner la liberté et la paix. Il me semble qu'autant que l'on a une idée nette lorsqu'on demande des preuves écrites, ce n'est pas le débat, autrefois appelé confrontation, qu'on veut écrire; cela me paraît tellement impossible, qu'évidemment ce désir et celui d'avoir des jurés ne peuvent pas être entrés dans la même tête : mais on veut écrire les dépositions avant le débat : cela est moins dangereux, je l'avoue, mais cela est encore bien étranger aux jurés et bien rempli d'inconvénients. Pourquoi le de-mande-t-on? est-ce pour avoir des faux témoins? est-ce pour fixer les jurés? Mais c'est les exposer à l'erreur, que de leur remettre une pièce incomplète, séparée de ce qui peut la détruire ou la modifier. Ce n'est pas pour la revision ? et à ce propos il faut s'expliquer. On a dit que l'on avait détruit la revision, mais une partie importante en est conservée dans la cassation; et dans le cas où il faudra une véritable revision, il faudra entendre de nouveau les témoins, l'accusé, ses conseils, en un mot, recommencer la preuve; car revoir, c'est voir ce qu'on a déjà vu, et non autre chose. 11 serait ridicule de revoir sur de simples dépositions, après avoir décidé qu'on devait juger sur les témoins mêmes. Il serait ridicule de prendre, pour revoir, une méthode qu'on a trouvée imparfaite et insuffisante pour juger la première fois. On a parlé de la nécessité de faire entendre de nouveaux témoins; mais cette objection est un abus commun à tous les systèmes avec ou sans jurés, et vos comités ont pensé qu'il fallait borner ce droit pour et contre la société. Dans l'ancien ordre, il ne l'était point, et un accusé était obligé d'attendre indéfiniment que son instruction fût préparée. C'est une barbarie et un despotisme intolérable. Donnez un temps convenable; permettez quelquefois de le prolonger, mais qu'il ne dure pas indéfiniment. La procédure écrite, a-t-on dit, servira à faire punir les jurés qui auraient prévariqué. Donc on se servira contre eux de la preuve écrite ou légale ; donc on les force à s'en servir eux-mêmes; donc on détruit leur conviction. On prétend avoir trouvé un système dans lequel, sans détruire le juré, sans faire écrire le débat, chose d'une impossibilité palpable* on fait écrire et récoller les témoins. J'attends l'exposition de ce système. Vos comités vous demandent la permission de répondre, ou bien ils adoptent avec empressement l'idée, si elle a les avantages qu'on lui attribue. Car ils veulent par-dessus tout, répondre à votre confiance et au vœu de toute la nation. Et certes, ils ne prétendent le céder à personne dans l'amour de la justice, de l'humanité et de cette liberté sainte, fruit des lois justes, sages, de cette liberté qui annoblit toutes les actions de l'homme, l'élève au-dessus de la crainte, le rend juste, fier, généreux, confiant ; enfin, le rend propre à toutes les vertus sociales. On a dit encore qu'il fallait quelquefois recevoir les dépositions des mourants, des partants, etc.; mais ces objections ont été faites par des hommes à qui la procédure criminelle n'était pas familière ; ils auraient su sans cela que la déposition ne faisait jamais et ne peut faire charge contre un accusé, qu'après la confrontation ; ainsi inutilement recevnez-vous la déposition d'un individu qui ne pourrait pas assister à la confrontation.
Il est bien étrange que par une fin de non-recevoir astucieuse, on vienne chercher à surprendre votre décision, et trancher tout à coup la plus grande question qui ait jamais été soumise à une Assemblée législative. On vous a dit hier, la question est jugée : car avec des témoignages écrits, il n'y a point de jurés. J'en appelle à votre conscience ; lorsque vous avez décidé qu'il y aurait des jurés en matière criminelle, qui de vous a pensé alors supprimer l'usage des dépositions écrites?... La question est de savoir si un accusé pourra être jugé, condamné, exécuté, mis à mort, sur de prétendues preuves, dont il ne subsistera aucune trace, aucun vestige ? Je demande s'il sera possible de confondre et de faire punir des témoins conjurés contre l'innocence? je vois un arrêt de mort irrévocable comme les arrêts du destin, qui soumettaient les dieux et les hommes, et auxquels Jupiter même était forcé d'obéir... Est-il rien de plus abondamment arbitraire que ce système odieux de la conviction intime des juges ? Est-il rien de plus propre à produire des assassinats judiciaires? Je le dis, avec la confiance de la conviction, ce système est d'autant plus abominable, que les malversations, les tyrannies, les injustices qu'il produira, ne pourront jamais être mises au grand jour. Une famille jetée dans la plus désespérante consternation, par la perte d'un parent innocent, ne pourra ni le faire réhabiliter, ni poursuivre les témoins calomniateurs ; et l'on pourra dire des jurés ce que l'on a dit des médecins : La terre couvre irrévocablement leurs bévues... L'on s'est, plaint de ce que l'on juge a vi cet trop de précipitation ce système profond, médité pendant quatre mois. L'on nous a dit qu'il ne s'agissait point ici de spéculations métaphysiques, ni de système de fantaisie, mais qu'on avait pour soi l'exemple de la pratique anglaise. Eh bien I il faut que je mette ici sous vos yeux le tableau comparatif de la pratique de ce peuple et du projet de vos comités. Premièrement en Angleterre l'unanimité des jurés est requise pour la prononciation d'un Werdict : dans le projet de vos comités, il ne faudra que dix jurés sur douze. Je vous fais observer qu'il y a bien moins de danger pour l'accusé dans l'unanimité : voilà une première différence entre la pratique anglaise, et celle qu'on vous propose*. Il y en a une seconde bien importante ; c'est que les juges voyant que le Werdiet n'a pas été prononcé sur des preuves légales, peuvent ordonner un nouveau jury. Les juges peuvent et doivent examiner si l'accusé a été condamné sur des preuves
légales. Ici od tous propose de rendre le jugement du juré irrévocable ; on interdit tout examen ultérieur. En effet, si l'on défend à l'accusé d'avoir un conseil, après qu'il aura été jugé par le juré, comment pourra-t-il solliciter auprès du juge la revision du jugement? l'accusé condamné ne pourra donc pas dire au juge : je suis innocent; en voilà les preuves : faites revoir mon jugement. Que dis-je, il sera impossible de reviser le jugement ! il ne restera plus de traces des dépositions.....On nous dit qu'on propose des moyens d'exécution plus faciles et plus sûrs; sans doute, il y a de grands inconvénients dans la pratique des jurés d'Angleterre : mais le plus grand de tous est l'usage de ne point écrire les dépositions, usage qui rend l'examen des jugements dérisoire ou impossible..,.
Vous avez bientôt à décider sur une motion qui vous forcera peut-être à renvoyer à demain la suite du discours de M. Goupil.
J'ai écouté avec attention M. Goupil, il a combattu des dispositions de détail ; mais il n'a point encore discuté le fond de la question. Je demande qu'en continuant son discours, il l'aborde enfin. (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain matin.)
J'ai reçu de M. Grezolles, député du département de Rhône-et-Loire,absent par congé, une lettre par laquelle il demande une prolongation. ; (La prolongation de congé est accordée.)
,l'aîné, député du département des Bouches- dû-Rhône, constate son retour à l'Assemblée, d'où il était absent par congé.
Vous avez bien voulu m'écouter quelquefois avec une indulgence que je réclame en ce moment. La religion, la patrie et la paix sont chères à mon cœur ; c'est en leur nom que je vais articuler quelques mots. Parmi les ecclésiastiques, fonctionnaires publics, qui se trouvent dans cette Assemblée, les uns ont prêté leur serment, les autres a'y sont refusés ; de part et d'autre nous devons supposer des motifs respectables. Il ne s'agit que de s'entendre : nous sommes tous d'accord ; il est certain que l'Assemblée n'a pas entendu toucher à ce qui est purement spirituel. (On applaudit.) Il est certain que tout ce qui est purement spirituel est hors de sa compétence ; personne ne contredira cette assertion ; l'Assemblée a déclaré formellement le principe ; elle l'a toujours reconnu ; elle a toujours applaudi ceux qui l'ont professé. (Onapplaudit ) G est un premier motif pour calmer les inquiétudes. L'Assemblée ne juge pas les consciences, elle n'exige pas même un assentiment intérieur. (Il s'élève beaucoup de murmures.) Je suis bien éloigné de prétendre justifier des restrictions mentales, mais je veux dire seulement que l'Assemblée entend que nous jurions d'être fidèles, d'obéir, de procurer l'obéissance à la loi ; voilà tout ce que l'Assemblée exige, voilà tout ce qu'elle demande parle serment qu'elle a prescrit, [On applaudit.) Il se peut qu'une loi civile ne soit pas conçue et rédigée comme beaucoup de citoyens l'auraient désiré; cependant, par le serment civique, ils se sont engagés à obéir et à prouver l'obéissance à la loi; je ne pense donc pas que le serment demandé puisse effrayer les consciences. Attaché par une union fraternelle, par un respect inviolable à mes respectables confrères les curés, à nos vénérables supérieurs les évêques, je désire qu[ils acceptent cette explication, et si je connaissais une manière plus fraternelle, plus respectueuse de les y inviter, je m'en servirais. (On applaudit.)
,l'aîné, demande la parole. (Des applaudissements se font entendre dans une partie de la salle.)
,l'aîné. Il me semble que pour avoir un assentiment général, la doctrine exposée par le préopinant doit être exprimée avec plus de clarté et de simplicité. L'Assemblée n'a jamais pu penser qu'elle avait le droit d'obliger à faire serment de telle chose ; elle a pu déclarer le refus d'un serment incompatible avec telles fonctions. Nul ne remplira telles fonctions, qu'il n'ait prêté tel serment ; vous êtes maîtres de le dire, pourvu que vous regardiez comme démissionnaire celui qui refuse de prêter ce serment; en effet, à Finstant même de ce refus, il n'est plus fonctionnaire public. Je ne serais pas monté à la tribune pour donner cette explication, si on ne lisait sur les murs des carrefours une affiche inconstitutionnelle, inique ; on y déclare perturbateurs du repos public les ecclésiastiques qui ne prêteront pas le serment que vous avez décrété. L'Assemblée n'a jamais permis, elle n'a jamais pu pèrmettre une telle affiche. Celui qui, après avoir prêté le serment d'obéir à la loi, n'obéirait point Ma loi, serait criminel et perturbateur du repos public. Celui qui s'obstinerait à ne pas prêter le serment et à conserver l'exercice de ses fonctions, serait également criminel et perturbateur du repos public; mais celui qui se résigne, qui dit : Je ne peux prêter le serment, et je donne ma démission, n'est certainement pas coupable. (Toute la partie gauche applaudit.) C'est donc par une étrange erreur que ces affiches ont été placardées. La force publique doit réparer cette erreur. Avant de faire cette observation, à laquelle j'attache quelque importance, j'ai dit dans quel sens je concevais l'explication donnée par le bon citoyen, par l'ecclésiastique respectable qui a parlé avant moi. Dans ce sens, j'y donne mon assentiment ; dans tout autre, elle n'offrirait qu'une restriction mentale, et il serait aussi indigne de ce membre de la proposer, que de l'Assemblée de la tolérer. (On applaudit.)
,maire de Paris. Messieurs, je vais avoir l'honneur de vous rendre compte des faits qui concernent l'affiche dont le préopinant vient de parler. Lorsque les lois décrétées par l'Assemblée, acceptées ou sanctionnées par le roi, sont envoyées à la municipalité, elles sont transcrites sur le registre telles qu'on les reçoit. La loi relative à la prestation du serment des évêques, curés et autres ecclésiastiques, fonctionnaires publics, a été enregistrée par le corps municipal, jeudi 30 décembre : on en a ordonné l'impression et ~ l'affiche, Les affiches ont été posées dimanche 2 janvier, avant le jour; dimanche au soir, on nra apporté et dénoncé le titre de ces affiches. J'ai lu, en effet, avec surprise et avec douleur, le titre énonciatif de la loi, titre qui pouvait produire des effets funestes, et qui, d'ailleurs, était
essentiellement faux, puisqu'il renfermait des dispositions qui ne sont pas dans la loi. J'ai envoyé chercher le secrétaire-greffier de la municipalité, pour savoir s'il y avait quelque part, et, en même temps, j'ai donné ordre à l'imprimeur de réunir des ouvriers et les afficheurs, pour faire et publier les changements nécessaires au titre. Le secrétaire arrivé m'a déclaré qu'il n'y avait aucune part, qu'il inscrivait et publiait les lois, ainsi que leurs titres, tels qu'ils étaient envoyés. Il était alors minuit. J'ai été sur-le-champ chez M. le ministre de la justice qui a vu, avec autant de douleur que moi, le titre qui avait été mis à cette loi. Il s'est assuré que c'était une erreur commise dans ses bureaux pour l'envoi des décrets. Il a corrigé lui-même le titre, ou plutôt il en a substitué un autre, qui a été envoyé sur-le-champ à l'imprimeur, avec ordre d'imprimer, de faire afficher, et surtout' d'appliquer partout les nouvelles affiches sur les premières. (L'Assemblée ordonne que cette explication soit insérée en entier dans le procès-verbal de ce jour.)
D'après ces faits, il existe une grande prévarication ; elle a été commise dans un bureau indiqué par M. le maire de Paris. Je demande qu'il en soit informé.
Je ne m'oppose pas aux mesures que l'Assemblée croirait devoir prendre, relativement à l'erreur commise dans la proclamation de la loi; j'observe seulement qu'elle est déjà réparée... Jé dis qu'il est dès lors un objet plus pressant dont nous devons nous occuper... L'intention de M. Malouet est de prévenir les inconvénients de cette erreur, et d'empêcher que, faite à Paris, elle ne puisse servir d'exemple ailleurs. Le premier moyen à employer est d'inscrire sur le procès-verbal la dénonciation qui en a été faite ; on pourra ensuite réclamer telle peine qui paraîtra convenable contre ceux qui l'ont commise. (Il s'élève des murmures dans la partie droite.) Quand le moment sera venu de prononcer sur eux, je ne serai pas plus indulgent qu'un autre; mais je pense qu'en ce moment on doit exécuter le décret du 27 novembre, et se conformer à l'ajournement prononcé hier. MM. l'abbé Grégoire et de Mirabeau ont donné une explication qui était dans l'esprit de tout le monde; il faut donc maintenant exécuter la loi, puisque le délai est expiré. J'observerai seulement que, quoique le décret lui-même prononce tout ce qui est nécessaire pour son exécution, il faut que le mouvement soit communiqué aux corps administratifs par le point central, par le pouvoir exécutif. . Je demande donc que, sans préjudice de l'erreur commise dans la proclamation de la loi à Paris, M. le président interpelle les membres de cette Assemblée qui sont fonctionnaires publics ecclésiastiques, de prêter serment conformément au décret. J'espère et je désire qu'ils ne répondent pas par un refus; mais si cela arrivait, ie demande que le président se retire par devers le roi, pour le prier d'ordonner, au terme des décrets, qu'il soit procédé, suivant les formes constitutionnelles, à l'élection aux évêchés et cures vacants par le défaut de prestation de serment. Je conçois cependant que nulle mesure nouvelle n'est nécessaire, mais je crains que tant que l'Assemblée n'aura pas parlé, il n'y ait du doute sur l'exécution de la loi, des variations dans le mode de cette exécution, dans tel ou tel lieu, et que les résistances, en grossissant, n'affligent le patriotisme et ne troublent la paix publique.
Je demande en amendement que l'appel nominal des ecclésiastiques fonctionnaires publics soit relevé sur trois colonnes ; la première, portant le nom des absents ; la seconde, celui de ceux qui ont prêté ou prêteront le serment ; la troisième, celui de ceux qui refuseront le serment. Cette dernière colonne serait distraite et renvoyée au roi.
,l'aîné. Soit que l'Assemblée adopte ce mode, soit qu'elle en adopte tout autre pour s'assurer de la prestation du serment, laquelle est actuellement nécessaire pour rester fonctionnaire public, je demande la question préalable sur cet amendement. Il est impossible die prévoir, par un décret, qu'il y aura des refusants. Peut-on supposer, après les explications simples, les invitations charitables que vous venez d'entendre, que des ecclésiastiques, que des ministres de paix veuillent secouer sur leur patrie les torches de la discordé !
Je retire mon amendement.
Je demande que ce qu'a dit M. Grégoire soit inscrit sur le procès-verbal.
Je m'étais présenté ce matin avec plusieurs de mes confrères pour prêter le serment conformément au décret du 27 novembre, et pour dire ce que M. l'abbé Grégoire a dit avec plus de succès que je ne l'aurais fait. Je ne lui envie pas les applaudissements que vous lui avez donnés. Il ne me resté maintenant qu'à obéir à mon devoir. M. l'abbé Thirial prête le serment, -r (On applaudit.)
Je me serais imposé le silence le plus absolu dans cette délibération, si l'Assemblée s'était uniquement occupée de l'exécution de son décret; mais l'explication qu'on a donnée pourrait induire en erreur une partie de l'Assemblée, et il m'a paru indispensable...
Je demande la parole pour établir que M. l'abbé Maury ne doit pas parler et que la discussion doit être fermée.
On n'a pas le droit de m'interrompre...
Une partie de l'Assemblée pense que la discussion est assez étendue.
Frappez, mais écoutez!
Quand je réclame la parole, on ne peut me l'interdire; j'ai le droit de la prendre quand le service de 1 Assemblée l'exige; je dois la consulter. La majorité seule fait la loi. (L'Assemblée décide à une très grande majorité que la discussion est fermée.)
Ma proposition est composée de deux motions distinctes. La première, sur laquelle il s'agit de délibérer maintenant, consiste a demander que M. le président interpelle les ecclésiastiques, fonctionnaires publics, membres de cette Assemblée,de prêter le serment conformément au décret du 27 novembre.
Il faut auparavant délibérer sur la motion d'inscrire sur le procés-verbal l'explication donnée par MM. l'abbé Grégoire et de Mirabeau.
Je demande la parole sur cette explication.
Il n'est question ni de discussion ni d'explication, je demande seulement qu'on sache bien l'état de la marche de l'Assemblée, et que pour cela l'on fasse lecture du procès-verbal depuis l'ordre de deux heures.
Le procès-verbal n'existe pas encore. La motion est de savoir si on y insérera les discours de MM. Grégoire et de Mirabeau.
L'explication donnée par M. Grégoire, et développée par M. de Mirabeau, est un monument de mauvaise foi, un piège tendu à la simplicité des personnes pour lesquelles cette explication est proposée. Je demande à le prouver. (On demande à aller aux voix.) Il est aisé de me fermer la bouche par un décret. Je promets de ne pas parler contre la loi.
Le serment doit être prêté sans préambule, sans restriction; vous 'avez ainsi décrété ce matin. Il n'y a pas d'explication à discuter, à examiner. Consultez l'Assemblée.
Je soutiens qu'il n'y a pas même lieu à consulter l'Assemblée. Toutes ces motions sont des moyens que l'incivisme emploie. Il s'agit d'un serment, chacun doit prendre pour règle sa conscience. (On applaudit.)
M. Camus retire sa motion ; ainsi il n'y a pas d'obstacle à ce que je mette aux voix celle de M. Barnave.
Je veux faire un amendement. Puisque l'Assemblée adopte l'explication de M. Grégoire, je demande qu'elle le déclare dans son procès-verbal. (La partie gauche murmure.)
Permettez quë je rappelle à l'Assemblée un fait qu'une grande partie ignore peut-être. Il a été décrété ce matin que je n'accepterais qu'un serment pur et simple, sans préambule, sans restriction, sans explication, sans commentaire ; c'est par ce motif que M. Camus a retiré sa motion, et que M. Verdet ne peut la représenter en amendement sans contrevenir au décret. Plusieurs voix de la droite : Pourquoi avez-vous entendu l'explication de M. l'abbé Grégoire? vous êtes vous-même en contravention tau décret.
J'ai demandé que l'Assemblée adoptât l'explication donnée par M. l'abbé Grégoire, parce que le législateur seul peut interpréter la loi... Si l'Assemblée regarde cette explication comme le correctif de la loi..... (La voix de l'opinant est couverte par de longs murmures.)
,l'aîné. On m'a demandé le résumé de l'explication de M. l'abbé Grégoire, telle que je l'entendais et que je l'ai dé- veloppée. Je dis le résumé, parce qu'il m'est im-ossible de me rappeler mes propres expressions, bief donc ce résumé. « La puissance civile ne pouvant exiger de chaque citoyen que la soumission à la loi êt de chaque fonctionnaire public que le serment d'exécuter et de faire exécuter1 les lois en ce qui le concerne, l'Assemblée nationale n'a entendu, par son décret du 27 novembre, qu'assurer l'exécution des lois, laissant entière la liberté d'opinion et de conscience, qui ne peut être ravie à personne. »
Je demande à M. de Mirabeau si on laisse la liberté de conscience en exigeant un serment.
Je demande la parole.
Je demande pourquoi M. de Lameth, député de Péronne comme moi, veut parler avant moi. (La première motion de M. Barnave est mise aux voix et décrétée.)
En conséquence, j'interpelle les ecclésiastiques fonctionnaires publics, membres de cette Assemblée, de prêter serment en exécution du décret du 27 novembre. Ils répondront à l'appel nominal qui va être fait. (Quelques minutes se passent dans le silence. )
Je demande la permission d'observer que, quoiqu'il ne puisse être fait aucune interprétation... Plusieurs membres demandent l'exécution du décret.
M. de Biauzat voulait dire que l'intention de l'Assemblée était qu'on retînt sur le procès-verbal la substance de l'explication donnée par MM. Grégoire et de Mirabeau. Un très grand nombre de voix : Non! non!
Un de MM. les secrétaires va faire l'appel nominal, pour que les ecclésiastiques fonctionnaires publics...
Voulez-vous entendre les cris qu'on pousse autour de cette Assemblée? On commence l'appel nominal. — M. Vévêque d'Agen.
,évêque d'Agen. Je demande la parole... Plusieurs voix de la gauche : Point de parole ! prêtez-vous le serment, oui ou non?
,évêque d'Agen. C'est le cœur naVré de douleur... Beaucoup de membres du côté droit : Vous entendez, Monsieur le Président.
Que M. le maire aille donc faire cesser ce désordre. Plusieurs voix : Il y est allé ; il est sorti. (Le côté droit est pendant quelque temps dans de vives agitations.)
J'ai donné des ordres pour
que nous soyons dans le calme qui convient à nos délibérations. Ces ordres sont sûrement exécutés maintenant.
Je déclare, au nom de mes commettants, que l'Assemblée n'est pas libre.
Vous entendez ces scélérats^ qui, après avoir détruit la monarchie par d'infâmes moyens, veulent maintenant anéantir la religion. Je déclare que l'Assemblée n'est pas libre, et je proteste... Un très grand nombre de voix : Laissez faire l'appel ; laissez exécuter le décret.
,évêque d'Agen. Vous avez fait une loi. Par l'article 4, vous avez dit que les ecclésiastiques, fonctionnaires publics, prêteraient un serment dont vous avez décrété la formule. Par l'article 5, que s'ils se refusaient à prêter ce serment, ils seraient déchus de leurs offices. Je ne donne aucun regret à ma place, aucun regret à ma fortune; j'en donnerais à la perte de votre estime que je veux mériter ; je vous prie donc d'agréer le témoignage de la peine que je ressens de ne pouvoir prêter le serment... (Une partie du côté droit applaudit.) On continue l'appel nominal. — M. Fournetz, curé de Puy-Miélan.
Je dirai, avec la simplicité des premiers chrétiens : Je me fais gloire et honneur de suivre mon évêque, comme Laurent suivit son pasteur. On appelle M. Leclerc, curé de la Combe.
Je suis l'enfant de l'Eglise catholique... (Bruits.—Murmures.)
L'interpellation de prêter le serment ne permet pas d'autre réponse que de le prêter ou de refuser de le prêter.
Quand vous avez reçu le serment de M. l'abbé Grégoire, vous lui avez permis une explication.
Pour se conformer au dé" cret, les fonctionnaires publics ecclésiastiques appelés doivent répondre : je jure, ou .je refuse.
C'est une tyrannie. Les empereurs qui persécutaient les martyrs leur laissaient prononcer le nom de Dieu et proférer les témoignages de leur fidélité à leur religion.
Il est de fait que l'appel nominal commencé n'a pas été décrété ; j1 est de fait que ce mode a été choisi par M. le président, pour exécuter le décret» Je n'ai pas l'honneur d'être de Y ordre ecclésiastique. (Il s'élève beaucoup de murmures.) Vous avez connaissance d'un faux, commis dans la proclamation de la loi. On a voulu le réparer, mais il n'a pu l'être complètement. Cette erreur très grave a excité dans l'esprit des malintentionnés une animad-version très forte contre les ecclésiastiques, et un danger réel pour les fonctionnaires publics qui ne prêteraient pas le serment... Plusieurs serments individuels ont été prêtés ; les noms des ecclésiastiques qui s'y sont soumis sont con- signés au procès-verbal. Le délai est expiré ; il ne reste donc plus qu'à demander collectivement aux autres fonctionnaires publics ecclésiastiques, membres de cette Assemblée, de se présenter à la tribune. Cette forme n'a pas les dangers de l'appel nominal. On inscrira sur le procès-verbal ceux qui auront prêté le serment; ceux qui ne s'y trouveront pas auront encouru la destitution.
Vous ne pouvez vous dispenser d'adopter cette proposition. Le décret porte que chaque ecclésiastique fonctionnaire public, membre de cette Assemblée, sera tenu de retirer du procès-verbal et d'adresser à sa municipalité le certificat de son serment, à peine de déchéance de son office. Plusieurs membres demandent la question préalable sur la motion de M. de Bounay. (L'Assemblée décide qu'il y a lieu à délibérer ; et cette motion est adoptée.)
En conséquence des ordres de l'Assemblée, j'interpelle les ecclésiastiques fonctionnaires publics, membres de cette Assemblée, présents, et qui n'ont pas prêté le serment décrété, de monter à la tribune pour se conformer au décret. Voici la formule : « Je jure de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse (ou de la cure) qui m'est confié, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi. » Ceux qui voudront prêter le serment diront : Je le jure.
,curé de Garencières. Je prête le serment conformément au décret. (On applaudit.)
,curé de Salives. J'offre de prêter le serment, en réservant.....
,évêque de Clermont, paraît à la tribune. Plusieurs voiar .-Prêtez le serment pur et simple sans réserve.
,évêque de Clermont. Il est bien étonnant qu'un certain nombre de membres s'arrogent la parole et nous obligent à rester comme des statues; il est bien étonnant qu'on nous ferme la bouche, pendant que d'autres parlent tant qu'ils veulent. Adoptant le sentiment de l'Assemblée que je prends pour modèle, et qui a dit n'avoir pas entendu toucher au spirituel, je prétends faire ainsi mon acte.
L'Assemblée a décrété, dans toutes les circonstances, qu'elle n'entendait pas toucher au spirituel. (La partie gauche applaudit.)
Le devoir du président est de déclarer le vœu de l'Assemblée. Je demande si c'est là son vœu, et je fais la motion qu'elle le déclare positivement.
Ne se présente-t-il plus personne pour prêter serment ? (Il se passe un quart d'heure dans le silence.)
Je demande que l'Assemblée
nationale adopte la motion faite de déclarer qu'elle n'entend pas toucher au spirituel.....Si tel est le vœu de l'Assemblée nationale.....
,èvêque de Poitiers. J'ai 70 ans, j'en ai passé 35 dans l'épis-copat, où j'ai fait tout le bien que je pouvais faire. Accablé d'années et d'études, je ne veux pas déshonorer ma vieillesse, je ne veux pas prêter un serment... (Il s'élève beaucoup de murmures.) Je prendrai mon sort en esprit de pénitence. (La partie droite applaudit.)
Je demande que dans le cas où les principes de l'Assemblée nationale seraient déterminés, et qu'elle n'aurait pas voulu toucher à ce qui est purement spirituel, elle le déclare. Si tels sont ses principes, il est facile de démontrer, jusqu'à l'évidence, qu'il n'y a aucun inconvénient à adopter la restriction proposée par M. l'évêque de Clermont. J'invite donc l'Assemblée nationale, et j'en fais la motion expresse, à accepter la formule de serment proposée par M. l'évêque de Clermont.
,l'aîné. L'erreur du préopiuant peut se démontrer par la substitution d'un seul mot. 11 veut que l'Assemblée déclare qu'elle n'a pas entendu toucher au spirituel, tandis crue tout ce qu'on pourrait dire, c'est que l'Assemblée n'a pas touché au spirituel. (La partie gauche applaudit.) Voilà tout ce que le président, aux ordres de l'Assemblée, a dit, et pu dire, c'est que l'Assemblée n'a pas touché au spirituel. Plusieurs membres de la partie droite : Elle y a touché.
,l'aîné. Il est bien évident que ce n'est point une véritable issue pour sortir de la difficulté qu'on veut faire naître : il n'y a plus de difficultés, car l'opération est consommée. Il est bien évident que ce n'est pas une véritable issue, car toute la difficulté, s'il pouvait y en avoir, serait que les dissidents appellent spirituel ce que l'Assemblée appelle temporel. (On applaudit.) Plusieurs voix de la droite : Ajoutez contre sa conscience.
,l'aîné. Elle est fondée sur cette observation bien palpable que les démarcations diocésaines sont évidemment un fait temporel. Il ne nous reste donc qu'un parti à prendre. S'il est vrai qu'on n'ait pas une intention secrète de troubler là paix... (MM. l'abbé Maury et de Ca%atès demandent la parole.) S'il est vrai que nous voulions tous concouFir à la paix, s'il est vrai que cette résistance ne soit pas un moyen, trop connu dans nos annales, pour faire prévaloir l'autorité ultramontaine, on doit se contenter de la déclaration mille fois faite, et non à faire, que l'Assemblée n'a pas attenté au spirituel. (Il s'élève des murmures dans la partie droite.) Je supplie la partie de l'Assemblée qui m'interrompt d'observer que je ne vise pas à un évêché. Il est évident que l'heure fatale est arrivée, que l'opération commencée est légale. Pour qu'elle soit complètement consommée, je demande qu'après une nouvelle interpellation, on adopte la seconde motion de M. Barnave, afin que les mesures décrétées par l'Assemblée nationale soient graduellement exécutées.
Je demande en amendement la restriction de M. l'évêque de Clermont. C'est un moyen sûr de ne jeter aucun trouble dans le royaume.
monte à la tribune. (L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. de Cazalès.)
Je demande de fermer la discussion et d'aller aux voix sur la motion de M. de Mirabeau.
,évêque d'Uzès. Il est impossible de ne pas répondre à M. de Mirabeau qui a établi un fait. On ne peut aller aux voix sans savoir si ce fait est vrai. Nous avons demandé à cette Assemblée la permission de nous assembler en concile national. Comme bons Français, nous nous soumettrons toujours à la religion.
Je vais mettre aux voix la motion de M. de Mirabeau.
Quand vous m'aurez entendu. (L'Assemblée décide que M. l'abbé. Maury ne sera pas entendu.) (La motion de M. de Mirabeau est adoptée.)
J'interpelle pour la dernière fois les ecclésiastiques fonctionnaires publics de prêter le serment conformément au décret. (La partie droite est extrêmement agitée.) (Il s'écoule plusieurs minutes. — Personne ne paraît à la tribune.) Il est fait lecture de la motion de M. Barnave; elle est ainsi conçue : « L'Assemblée nationale charge son président de se retirer devers le roi, pour lui remettre les extraits des procès-verbaux des séances de l'Assemblée nationale, depuis le 26 décembre dernier, et le prier, de donner des ordres pour la prompte et entière exécution du décret du 27 novembre dernier, envers les membres de l'Assemblée nationale, ecclésiastiques fonctionnaires publics, qui n'ont pas prêté le serment prescrit par ledit décret; sauf a ceux qui seraient retenus hors de l'Assemblée, nationale par maladie ou absence légitime, à faire valoir leur excuse dans le délai de quinzaine, en faisant ou en envoyant leur serment. »
Je propose un amendement qui a deux objets : le premier de maintenir la paix ; le deuxième d'empêcher qu'on ne calomnie des gens qui, au lieu d'être les auteurs du trouble, en seraient les victimes. Pour remplir ce double objet, je demande que l'Assemblée nationale décrète que le décret ne sera exécutoire que dans 60 ans. (La motion de M. Barnave est mise en délibération et adoptée à une très grande majorité.) Plusieurs membres de la droite crient qu'ils ne prennent point de voix.
prévient l'Assemblée qu'il n'y aura pas de séance ce soir et annonce l'ordre du jour de demain. La séance est levée à cinq heures.
Opinion de M. Rivière, curé de Vie, député de Bigorre, relativement au serment civique que l'on veut exiger du clergé (1).
Ne pouvant me flatter d'obtenir la parole, moins encore d'être écouté favorablement, j'ai cru devoir, pour l'acquit de mai conscience, faire connaître, à mes commettants et à la nation entière, mes sentiments sur le serment exigé par les décrets du samedi 27 novembre 1790. Je n'entreprendrai paa Une réfutation complète de ces trop fameux décrets, je laisse à d'autres plus habiles le soin d'en combattre les principes, d'en exposer les dangereuses conséquences, de dévoiler les atteintes qu'ils portent à la juridiction spirituelle de l'Eglise ; je me bornerai, du moins en ce moment, à une réflexion tirée de la nature même du serment, réflexion qui sera à la portée de tous les esprits, comme à l'abri de toutes les objections, et qui ne peut laisser aucun doute sur cette question.
C'est un principe incontestable, qu'un chrétien ne peut, sans témérité et même sans calme, faire un serment qui pourrait l'exposer au danger de devenir apostat et persécuteur de sa religion, parce que dès lors il se rendrait coupable de ce double crime.
Or, il est évident que le serment auquel l'Assemblée nationale veut assujettir le clergé de France expose à ce danger, s'il est fait sans aucune restriction ni réserve. Je n'aurai point recours ici à aucun raisonnement captieux et étudié; je n'emploierai d'autre preuve que celle que me fournissent les principes mêmes de l'Assemblée, principes qui ont été souvent répétés à la tribune, sans être contredits, et qui ont servi comme de fondemeut et de base à la plupart des décrets sur la nouvelle organisation du clergé. Quels sont ces principes? Les voici : c'est que la nation a pu ne pas recevoir la religion catholique dans l'Etat; ne l'y recevoir qu'aux conditions qull lui aurait plUi Que par la même raison (a-t-on ajouté), la nation a encore évidemment le droit de la proscrire et de l'exclure par sa nouvelle Constitution, et à plus forte raison peut lui imposer des conditions pour la conserver et l'y maintenir.
Il y aurait beaucoup à dire sur ces principes et les premières conséquences qu'un en a tirées, qui ne sont pas aussi généralement évidentes qu'on a voulu le faire entendre; mais étant in-
différentes pour la décision de notre question, j'en renvoie la discussion à un autre moment, pour me borner ici à ce qui y a un rapport direct et nécessaire. La nation pouvait ne pas recevoir la religion catholique dans l'Etat. La nation peut encore la proscrire et l'en exclure par sa Constitution. D'après ces principes, que puis-je penser? que dois-je faire? La nation fera-t-elle usage de son pouvoir et de son droit? Qui peut me répondre? Qui peut m'assurer qu'elle ne portera pas le décret de la proscription de cette sainte religion, ou qu'elle n'en portera pas d'autres, comme des conditions qu'elle croira devoir et pouvoir exiger, et qui, la dénaturant, cette sainte religion, ne lui seront pas moins funestes, puis-, qu'elles ne la laisseront plus subsister dan3 toute sa pureté. Or, avec si peu d'assurance,* ou, pour mieux dire, dans cette cruelle incertitude, je le demande à tout homme raisonnable, je le demande au plus simple : puis-je faire, moi, ministre de cette sainte religion, puis-je- faire d'avancé sans exception ni réserve leserment de maintenir/de tout mon pouvoir une Constitution qui peut renfermer la proscription de ma religion ou des choses les plus sacrées,'et qui tiennent le plus à son essence ? Non, je décide' hardimeDt, et je me flattq.' que tout le monde décidera avec moj, Que, non seulement aucun ecclésiastique, mais même aucun catholique, ne peut ni faire ni exiger ce.serment, sans s'exposer, au danger de devenir apostat et persécuteur de sa religion, et de se rendre dès lors, coupable de ce crime, à.moins de l'exception et réserve susdites, apposées par celui qui le prête ou par celui qui l'exige. Aussi ai-je cette confiance que .l'Assemblée^ nationale ne l'exigera pas ; le respect qu'elle a tant de fois annoncé pour, cette sainte religion, la protestation qu'elle a faite'de ne vouloii!;pas toucher au spirituel, le silence mèope qui équivalait à un aveu, lorsque M. l'evêque de Clermont fit cette réserve, à laquelle adhéra le clergé, m'en sont de sûrs garants ; non, l'Assemblée nationale ne saurait s'y opposer, d'autant qu'elle ne le pourrait sans se contredire, puisqu'on ne lui demande que ce qu'elle a dit être dans son intention; ou si, ce que je n'ai garde de croire, elle s'y refusait, ne donnerait-elle pas trop lieu de suspecter cette intention, et ne rendrait-elle pas, par-là, le refus,du clergé à prêler le serment sans aucune réserve,' d'une obligation étroite et .rigoureuse, en justifiant ces trop justes alarmes pour une religion qu'il voit attaquée et poursuivie de toute part, par des enfants ingrats à qui elle n'a fait que du bien! Alarmes d'abord puisées dans des considérations étrangères à l'auguste Assemblée, mais qui n'en sont ni moins redoutables ni moins affreuses, et qui se fortifieraient si l'Assemblée, par ses sages décrets, n'en tarissait la source et n en arrêtait le cours.
(1) On croira peut-être pouvoir répondreici, et même à toute cette opinion, qu'il ne s'agit dans le serment que des décrets déjà portés et non de ceux qu'on pourra porter, etc. Mais : 1° la généralité des expressions ne permet point cette distinction ; 2° décrets portés ou à porter, peu importe, la réserve n'est pas moins néces-
La sagesse de ses membres actuels peut nous rassurer, pour le moment, mais que nous présente l'avenir, que ne devons-nous pas craindre des législatures suivantes? Car telle est notre Constitution actuelle, qu'elles pourront se trouver peuplées de protestants et de juifs, d'hommes de toutes les religions, et ce qui serait plus dangereux encore,de personnes qui n'en auraient aucune. Or, que n'aura pas à craindre la religion d'une Assemblée ainsi composée; ce qui n'est nullement une supposition chimérique ! D'où il résulte encore évidemment que le serment absolu, sans restriction ni réserve, serait téméraire et criminel, puisqu'il exposerait ceux qui le feraient au danger de devenir parjures ou apostats et persécuteurs de la religion. Parjures s ils le violaient, apostats et persécuteurs s'ils l'observaient fidèlement dans toute son étendue.
D'après ces raisonnements auxquels je me borne, parce qu'ils suffisent et qu'ils sont sans réplique, voici comment je conclus, et que je me flatte que tout le monde conclura avec moi ; voici quelle doit être la profession de foi de tout catholique, et quelle est la mienne :
Conformément au précepte de l'Evangile, souvent rappelé sur cette matière : le véritable chrétien doit rendre à César ce qui appartient à César; il doit une soumission entière à toutes les lois qui ont uniquement pour objet le bien temporel, civil et politique; ministre d'un Dieu qui a dit que son royaume n'est pas de ce monde, le pasteur de l'Eglise ne doit s'ingérer dans les affaires temporelles, ni paraître même dans ce monde qu'autant qu'il y est appelé par son devoir et la confiance des peuples, pour y exercer son ministère, s'employer aux œuvres de justice et de charité. Renfermé, en un mot, dans les bornes d'un ministère purement spirituel, il ne doit s'occuper que du salut de son âme et de celles qui lui sont confiées.
Mais comme il ne doit point s'immiscer dans les affaires temporelles, sacs une véritable nécessité, lorsqu'il s'agit de cette sainte religion dans laquelle, par la giâce et la miséricorde divine, il a eu le bonheur de naître et d'être élevé plein de cette maxime ; qu'il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes, il doit tout exposer et sa fortune et sa vie même, si le sacrifice en devient nécessaire: il ne peut, parconséquent, prêter sans réserve un serment dont l'étendue et la généralité des expressions pourraient un jour le réduire à l'alternative cruelle de devenir ou parjure ou apostat et persécuteur de sa religion.
Qu'il me soit permis d'ajouter, en finissant, qu'en recevant avec soumission et reconnais sance les décrets qui excluront le clergé de toute administration temporelle et civile, les ministres de la religion osent espérer de la sagesse de l'Assemblée qu'elle voudra s'occuper du soin d'éloigner du lieu saint les scandales et les profanations qui affligent et font gémir tous les vrais fidèles : qu'il n'est point de vœu plus conforme
aux principes de la religion, ni plus recommandé par son divin auteur.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
,secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance de la veille.
Il est fort inutile de mettre dans un procès-verbal qu'un homme s'est présenté à la tribune et s'est retiré : cela n'a aucune utilité. Il y a encore une autre observation, c'est que le procès-verbal porte : a prêté son serment pur et simple. Je demande que les mots pur et simple soient retranchés; cela supposerait qu'on peut prêter le serment d'une autre manière.
Je demande également que l'on supprime du procès-verbal le mot : civique. Ce n'est point un serment civique que l'on demande aux fonctionnaires publics. (Ces deux motions sont décrétées.) Un membre. Je réclame contre l'endroit où il est dit que M. le Président a interpellé les fonctionnaires publics pour qu'ils eussent à prêter sur-le-champ leur serment; je crois que cela aurait l'air d'une contrainte. Il faudrait mettre : sHls voulaient ou non prêter le serment. (Cette rectification est ordonnée.) Un membre. J'ai encore une erreur à faire remarquer dans le procès-verbal ; il y est dit que M. le maire est monté à la tribune et a dit :... etc... Je crois devoir faire remarquer que M. le maire n'a pas le droit de parler ici et de monter à la tribune comme maire. Je demande que M. Bailly ne soit désigné, dans le procès-verbal, que sous la dénomination de député; parce que c'est en effet à la tribune, comme membre de cette Assemblée, et non comme maire de Paris, qu'il a parlé.
,maire de Nîmes. M. Bailly vous a parlé comme maire, quoiqu'il soit monté à la tribune; c'est aussi de la tribune qu'il vous a parlé, lorsque, comme maire de Paris, il vous a rendu compte des excès populaires, dont trois hommes ont été les victimes dans le faubourg Saint-Antoine; et cela a été inséré ainsi au procès-verbal. Un membre : Non ! non!
Cela y est, Monsieur. Comme je compte tirer parti de cet objet, je demande qu'il soit dit dans le procès-verbal que M. Bailly a parlé hier à la tribune comme maire de Paris.
J'observe au préopinant qu'il ne
Tout ceci ne vient que d'une erreur. M. de Marguerittes, qui vient de parler, se trompe complètement. Il sait lui-même que, lorsqu'il a parlé comme député, nous l'avons entendu avec plaisir à la tribune, et à la barre, lorsqu'il a parlé comme maire de Nîmes. Ainsi, Monsieur, quand il sera question de voire affaire, si vous parlez comme député, quoique vous soyez maire de Nîmes, vous serez à la tribune. Si vous parlez comme maire de Nîmes, vous serez à la barre. Gela ne doit pas faire de difficulté. Je demande donc que M. Bailly soit désigné, dans le procès-verbal, comme député. (Cette motion est décrétée.) Le procès-verbal est adopté.
J'ai reçu de M. le garde des sceaux une lettre dont je vais donner lecture à l'Assemblée : « Monsieur le Président, c J'ai été instruit de l'effet qu'avait produit dans l'Assemblée nationale la lecture du titre mis en tête de la loi du 27 novembre dernier, et les motions auxquelles cette fâcheuse erreur avait donné lieu. Je m'attendais à cet effet ; je prévoyais une dénonciation, et je n'aurais pas été surpris que le Corps législatif, justement alarmé, eût pris sur-le-champ des mesures sévères : il ne l'a point fait, et j'ose croire que je dois cette marque de *bonté a sa juste confiance dans la droiture de mes intentions ; mais il ne m'est pas permis d'attendre que des explications me soient demandées : je prie l'Assemblée nationale de trouver bon que je lui rende compte du fait dans toute sa simplicité. « J'ai trouvé, en arrivant au ministère, établi à la chancellerie, un bureau d'envoi des décrets, qui n'était encore monté qu'imparfaitement, et dont je n'ai pas encore perfectionné l'organisation; j'ai placé à la tête de ce bureau, dont le travail est presque mécanique, un homme que je connais depuis longtemps, parfaitement sûr, d'une intelligence très supérieure à celle nécessaire pour ce genre d'occupation, et dont le caractère d'esprit est principalement la netteté et la justesse. L'Assamblée nationale sentira aisément qu'au milieu de cette immensité d'affaires dont le département de la justice est chargé, il m'est impossible de me livrer aux détails de l'envoi et de l'expédition des lois, et que je dois me borner à une surveillance générale. L'intitulé des lois est ordinairement donné par la feuille qui enveloppe les décrets présentés à la sanction par M. le président. « Le titre de celle du 27 novembre porté sur la feuille était très convenable : j'ai dû croire, et j'ai cru qu'on n'en avait pas substitué d'autre dans mes bureaux ; cette loi a été imprimée, expédiée, envoyée sans qu'il me fût venu à la pensée que son titre dût me causer un violent chagrin, de cruelles inquiétudes, et je n'ai été instruit de la faute commise que par M. le maire de Paris, qui, frappé de l'effet que pouvait produire l'intitulé à la fois inexact et impolitique de ce décret, eât venu me trouver à minuit et demi, dans la nuit du dimanche au lundi, et s'est concerté avec moi sur les moyens de remédier au mal. Nous avons envoyé sur-le-champ chez l'imprimeur pour réimprimer le titre, avec ordre de couvrir le lendemain les premiers placards de ceux de cette seconde édition : j'en ai fait faire sur-le-champ une autre à l'Imprimerie royale; elle est déjà partie pour les provinces, et les ordres sont donnés partout pour que les premiers exemplaires soient retirés et renvoyés; la plus grande activité a été employée pour assurer le succès de cette mesure : voilà le fait dans toute sa pureté. Je ne me permettrai qu'une réflexion : je crois qu'il sera évident, pour tout le monde, qu'il s'agit ici d'une erreur, et d'une erreur de bureau. Je n'ignore pas cependant que j'en suis responsable, et j'attendrai,avec autant de résignation que de fermeté, ce qu'il plaira à l'Assemblée de prononcer dans sa sagesse; je ne refuse pas de devenir Je premier exemple de la responsabilité ministérielle ; je m'en consolerais, puisque cet exemple pourrait être utile à mou pays; je m'en consolerais, car ma conscience est pure, et mon honneur n'est point compromis; mais ce dont je ne me consolerais pas, c'est que cette erreur, échappée à l'un des employés de mes bureaux, causât le moindre désordre, donnât lieu à quelques excès. Ceux des membres de cette Assemblée, dont j'ai l'honneur d'être connu personnellement, savent jusqu'à quel point ce sentiment est dans mon cœur; et s'il en était, ce que je ne crois pas, qui fussent disposés à me prêter des intentions coupables, je les prierais de considérer qu'on ne m'a jamais accusé d'être ami du trouble et du désordre, et que si quelque chose a pu me faire remarquer, lorsque j'exerçais des fonctions aussi importantes que délicates, c'est le mélange constant de la modération avec la fermeté. « Je suis, etc. « Signé : L.-M.-F. DUPORT. » (On applaudit.)
Gomme j'ai fait hier la motion de demander qu'il fût donné des ordres pour informer sur la falsification d'une loi qui vous était dénoncée, je dois en faire connaître les motifs. Je n'ai pas voulu troubler hier Je cours de la discussion en poursuivant cette motion. L'explication que vient de donner M. le garde des sceaux répond parfaitement à l'idée que l'on a généralement de la sagesse de son caractère et est certainement satisfaisante pour l'Assemblée ; mais c'est néanmoins un fait si grave et d'une telle conséquence, que celui de la falsification du texte d'une loi..... Un membre : Ge n'est pas la loi qui est falsifiée, c'est Je titre.
Tout ce qui se trouve dans le corps d'une loi, après le titre loi, doit être considéré comme textuel. (On interrompt.) Messieurs, c'est donc une chose indifférente; et cependant elle vous a paru étrange. Je n'entends pas cette manière de raisonner : hier l'Assemblée a été généralement frappée du danger qui pouvait résulter de l'intitulé de la loi qui vous a été dénoncé; et aujourd'hui, parce que nous avons tous la conviction qu'il n'y a eu ni méchanceté, ni mauvaise intention, cela vous paraît indifférent. Cette manière de raisonner et de conclure, permettez-moi de le remarquer, n'e3t pas juste.
La chose en elle-même est très grave; et quoique nous soyons tous d'accord sur la simplicité, la pureté du ministre qui vient de nous raconter les faits, il n'en est pas moins vrai que vous devez prendre l'une ou l'autre de ces précautions : la première est de faire insérer dans le procès-verbal et de donner la plus grande publicité à la lettre de M. le garde des sceaux ; la seconde est de décréter qu'aucun esprit, aucun titre, aucun résumé ne sera mis en tête des lois, à moins qu'il ne soit délibéré dans l'Assemblée même. Une loi est une chose sacrée à laquelle personne ne doit toucher.
(de Saint-Jean-d'Angély). Une loi, si on l'affiche sans titre, ne sera ni vue, ni lue.
Je demande alors qu'il y ait une commission du Corps législatif, pour faire le titre et que le titre des lois soit lu dans le procès-verbal.
(de Saint-Jean-d' Angély). Je suis d'accord avec le préopinant sur l'importance d'une commission; mais je ne suis point d'accord avec lui sur le titre des lois, et voici mon Tjiotif : nous savons tous combien il est important qu'une loi soit bien publique et bien connue, et souvent ce qui engage à la lire, lorsqu'elle est affichée ou promulguée, ce qui arrête les regards du peuple, c'est le titre de cette même loi. Il ne faut pas, parce que dans ce titre il s'est glissé des erreurs, il ne faut pas le supprimer ; il faut supprimer l'abus, et pour cela, je demande que les secrétaires de l'Assemblée nationale soient chargés, lorsqu'on porte les lois à la sanction, d'en mettre l'intitulé. Cela se fait déjà ; car, remarquez que, quand on porte les décrets à la sanction du roi, on en fait une espèce de liste et on dit : décret sur tel objet. Il faut alors que cet intitulé soit rédigé par vos secrétaires et que le ministre qui présente les lois à la sanction n'y mette pas d'autre titre que celui qui y était. Voilà à quoi je réduis et comment j'amende la motion de M. Malouet.
Un titre n'est point un sommaire.
Personne n'a combattu la première partie de la motion de M. Malouet. Il me paraît qu'elle est avouée généralement de l'Assemblée : c'est d'insérer la lettre de M. le garde des sceaux dans le procès-verbal. Il y a une seconde motion qui est qu'il n'y ait plus de sommaire à la tête des décrets. Cette motion-là, je l'appuie, parce que si vous ordonnez que les secrétaires fassent eux-mêmes le sommaire des lois, il en résultera tous les jours des débats dans l'Assemblée. Les uns entendront le sorvmaire d'une manière, les autres d'une autre; et je ne vois pas pourquoi on prétend que cela importe à la loi. Tout citoyen doit lire la loi, et non pas un extrait de la loi. On lit la loi au prône, on la publie tout entière. Il faut se contenter de mettre sur le titre la désignation de l'objet ; par exemple, en tête du décret du 27 novembre, il suffisait de mettre : Décret concernant Le serment des ecclésiastiques.... Je demande donc: 1° Que la lettre de M. le garde des sceaux soit insérée dans le procès-verbal, imprimée et envoyée aux corps administratifs; 2° qu'il soit décrété qu'il ne sera plus mis de sommaire à la tête des lois, mais seulement un titre énonciatif de leur objet.
Je retire la motion que j'avais proposée pour l'adopter dans les termes de M. d'André ; et j'insiste pour que la lettre de M. le garde des sceaux soit envoyée dans les départements. L'Assemblée, consultée, décrète ce qui suit : «L'Assemblée nationale décrète qu'à l'avenir le titre qui sera mis en tête de cnaque loi en indiquera simplement l'objet ; que la lettre de M. le garde des sceaux sera inscrite dans le procès-verbal et envoyée dans les départements. »
...... J'avais deux observations à proposer à l'Assémblée : la première concernait la crainte que dans les départements il ne fut envoyé des expéditions de la loi du 27 novembre. La lettre de M. le garde des sceaux obvie à celle-là. La seconde forme un léger amendement que je propose à la motion d'hier de M. Barnave. Vous avez décrété, Messieurs, que le président serait chargé de se retirer vers le roi pour la prompte exécution du décret du 27 novembre ; mais vous n'avez pas fixé le temps. Je propose que ce soit dans le jour et voici les motifs qui appuient mon opinion. Vous n'ignorez pas, Messieurs, avec quelle profusion les protestations des évêques, les expositions de leurs principes et les instructions prétendues pastorales ont été répandues dans les provinces, ont circulé de diocèse en diocèse ; mais vous ne savez peut-être pas à quel point les lenteurs apportées par votre modération à la sanction du décret ont produit le «funeste effet de laisser séduire et exciter le clergé, en donnant un libre cours aux libelles séditieux. Vous ignorez encore que déjà quelques curés ont déclaré une résistance ouverte aux ordres des municipalités et aux arrêtés des directoires de districts. En Usant des instructions qui ne tendent qu'à inspirer l'inexécution de vos décrets, le désir de la paix et de l'ordre m'oblige à réclamer la prompte exécution de vos lois. Peu de personnes ignorent l'empire que la conduite des pasteurs obtient sur leurs paroissiens. Je l'ai dit plus d'une fois, les curés pourraient être les soutiens de la religion; et ne doivent-ils pas être aussi celui des lois? Il est donc temps d'exiger des uns le silence ; il est temps de faire sortir les autres d'une inertie qui deviendrait coupable. Il est temps enfin de faire cesser l'opposition et d'inspirer la modération dans les départements et dans le peuple. Un autre motif aussi pressant pour l'exécution de votre décret, Messieurs, c'est que nous approchons du terme où les évêques sont dans-l'usage de disposer, par des mandements, leurs diocésains à l'observation des lois de l'Eglise et des institutions pieuses. Il est nécessaire de les prévenir et de s'assurer, par la prestation du serment, de la manière de penser des pasteurs de campagne. D'un côté, le respect pour les opinions religieuses; de l'autre, le zèle pour la paix ne nous en font-ils pas un devoir? Je demande donc, par amendement au décret qu'a proposé hier M. Barnave, que ce soit dans le jour que M. le président se retire vers le roi.
Je m'oppose à ce qu'on ne change rien au décret d'hier.
Les faits qui viennent de vous être énoncés par le préopinant ne sont que trop vrais et, depuis même la sanction du décret du27no-vembre, de nouveaux mandements, de nouvelles instructions pastorales ont été envoyés dans les diocèses. Dans le mien, notamment, le 1er janvier, le mandement d'un membre de l'Assemblée a été remis avec une lettre aux prêtres à l'hôtel de ville, avec ordre de le publier à l'instant. Il n'y a eu qu'un seul curé à qui il soit parvenu assez à temps pour pouvoir le lire au prône où il en a commencé la lecture : mais le lendemain, la municipalité a arrêté cette lecture. Les décrets de l'Assemblée y étaient désignés d'une manière outrageante et je ne doute pas, Messieurs, qu'incessamment vous ne receviez la dénonciation précise de ce fait. J'appuie donc la motion de porter dans le jour a la sanction le décret d'hier.
En appuyant la motion, je demande que le président soit chargé en même temps de prier le roi de faire exécuter la loi de la résidence. C'est de Paris ou d'un pays étranger, lorsqu'ils sont absents de leurs diocèses, que les évêques envoient leurs mandements ; c'est en abandonnant la résidence, qui est de droit divin, qu'ils résistent à la loi civile qui est de toute justice. Ils violent la loi divine, parce que l'autorité civile les invite à l'exécuter. (Qn applaudit.)
Je loue le zèle du préopinant; mais je prie l'Assemblée de me permettre de lui observer que ce serait faire un exemple bien dangereux que d'envoyer le président devers le roi pour lui demander de faire exécuter les décrets. Le devoir du pouvoir exécutif est de le faire ; nous ne devons pas avoir besoin d'envoyer chez le roi pour faire exécuter un dé-cret.Les ministres sont responsables; s'ils ne font pas exécuter les décrets, il faut les poursuivre, et j'en suis d'avis; mais je vous prie de remarquer de quelle conséquence il serait que vous envoyassiez pour demander au roi de faire exécuter un décret. Si jamais les ministres pouvaient être dans le contresens de la Révolution, il s'ensuivrait de là que toutes les fois que le président n'aurait pas fait une seconde visite au roi, on s'imaginerait que l'exécution n'est pas pressée, qu'on pourrait la différer. Il ne doit pas y avoir d'arrangement avec la loi; ltf loi existe quand la sanction est portée; c'est aux ministres, au pouvoir exécutif à la faire exécuter. Nous n'avons pas d'autre manière à prendre que de poursuivre les ministres quand ils ne le feront pas. Ainsi je vous prie de croire que le Corps législatif ne doit jamais s'écarter des principes qu'une première démarche fausse peut en entraîner de très dangereuses; et je n'ai pas besoin de vous exposer ici tous les inconvénients qui peuvent en résulter. Je m'oppose donc à la motion, non que je ne désire très fort qu'on demande pourquoi le décret n'est pas exécuté. Qu'on le demande, en mandant le ministre à la barre, mais pas en envoyant au roi ; c'est une démarche inconstitutionnelle, j'ose le dire.
Dès que les extraits des procès-verbaux seront achevés, je promets que je ne perdrai pas un instant pour me rendre chez le roi. Si mon zèle ne rassure pas suffisamment, je vais mettre la motion aux voix. Plusieurs voix : A l'ordre du jour ! (L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
Je demande si l'Assemblée nationale veut insérer dans son procès-verbal l'explication que je lui ai donnée lundi dans mon serment civique. Je déclare à l'Assemblée nationale.;. Plusieurs voix : L'ordre du jour! (Une grande agitation se produit du côté droit.)
quitte la tribune et porte un papier au bureau. Le secrétaire le rejette.
Je demande si un secrétaire a le droit de jeter un papier au nez d'un membre de l'Assemblée. On réprime la personnalité; je demande si les voies de fait ne sont pas plus punissables; on sera obligé de se faire justice soi-même.
rappelle M. de Bois-Rouvray à l'ordre. (L'Assemblée décrète qu'elle passe à l'ordre du jour.)
Je viens de recevoir une lettre signée par M. l'abbé Pous, curé de Mazamet, ainsi conçue : « Je déclare que je n'ai fait mon serment que dans l'intention énoncée par M. l'évêque de Clermont; si l'Assemblée l'a pris d'une autre manière, ce n'est pas ma faute, et je le rétracte dans ce sens. » (il s'élève des murmures.) Plusieurs membres ecclésiastiques se disposent à venir prêter le serment. Plusieurs voix à droite : Non! non!
,curé d'Ussel, demande à faire une déclaration concernant le serment qu'il a prêté.
Messieurs, je m'oppose très formellement à ce qu'on donne la parole à qui que ce soit lorsqu'il ne sera pas dans l'ordre du jour. L'ordre du jour est la discussion sur les jurés ; je demande que cette discussion commence. Il y a dix décrets de l'Assemblée qui disent que l'on ne peut interrompre l'ordre du jour, qu'on n'intercalera rien à. l'ordre du jour. Comme il peut y avoir des fonctionnaires publics qui aient envie de prêter leur serment, je demande qu'avant de monter à la tribune, ils aillent vous déclarer à vous, Monsieur le Président, s'ils veulent donner leur serment purement et simplement; dans lequel cas, vous leur donnerez la parole; dans tout autre cas, vous la leur refuserez. Et je vous observe que vous ne devez point mettre aux voix ce que j'ai l'honneur de vous dire, parce que c'est l'exécution des décrets et que le président est spécialement chargé de veiller à leur exécution. Je demande, Monsieur le Président, que vous veuilliez bien appeler sur-le-champ,et sans aucune interruption, le premier qui a la parole sur les jurés. L'Assemblée reprend la suite de la discussion sur Vinstitution des jurés.
Tout le monde a été témoin
du peu d'altenlion qu'on a donné hier à M. Goupil, et des murmures d'impatience qui s'élevaient dans l'attente de la discussion qui devait suivre. Il a parlé pendant deux heures sans que j'aie pu l'entendre autrement qu'à la dérobée. Cependant son discours m'a paru très intéressant. Je demande qu'il soit invité à le recommencer ou que l'Assemblée en ordonne l'impression. L'institution des jurés est comme la fosse aux lions : si nous tombons dans l'erreur, l'Etre suprême ne fera point de miracles pour nous en tirer comme il a tiré Daniel de la fosse.
11 D'est pas besoin de solliciter votre attention dans la discussion d'une question de l'importance de laquelle nous sommes tous pénétrés. Il s'agit de la sûreté de tous et de chacun... J'avoue queje n'aurais jamais cru qu'on pûtmettreen question un projet d'après lequel un homme sera condamné, exécuté et pendu, sans qu'il existe aucunes traces, aucuns vestiges des charges. Vous avez vu les efforts qu'on a faits pour justifier un plan que j'ose accuser de barbarie. On a essayé d'invoquer ce qui se passe en Angleterre, et l'on vous a dit que l'institution qu'on vous propose n'est que le perfectionnement de la pratique anglaise, qu'elle contient des moyens d'exécution plus simples et plus faciles. J'ai reconnu que véritablement, chez nos voisins, les dépositions faites par devant jurés ne sont pas écrites. C'est aussi cet abus qui a donné aux écrivains anglais l'occasion de dire que la procédure par jurés offre de très grandes imperfections. Il n'est pas difficile de remonter à l'origine de cette disposition. Dans le commencement des sociétés, lorsqu'on ne savait pas écrire, il fallait bien qu'on se passât de l'écriture dans tous les actes extrajudiciaires ; on y suppléait par d'autres pratiques, Les Anglais, religieusement et scrupuleusement attachés aux anciens usages, ont conservé cette imperfection dans la procédure des jurés. Mais jetez vos regards sur les institutions qui la corrigent en Angleterre. La maxime de l'unanimité des jurés y est consacrée, tandis qu'on vous-propose de n'établir que la nécessité de huit voix sur douze.En Angleterre,le jury ne prononce jamais de décision irrévocable comme le fatum ; le juge a le droit, et par conséquent le devoir, d'ordonner un nouveau jury toutes les fois qu'il trouve que l'accusé a été condamné d'une manière opposée à la justice. Vos comités,au contraire, ne vous proposent que des simulacres de juges. Le droit qu'ils accordent à l'accusé d'obtenir un nouvel examen de jugement est illusoire, puisqu'ils exigent l'unanimité des juges et du commissaire du roi. En Angleterre, l'accusé a la pleine liberté de se défendre jusqu'au dernier moment :1e projet de vos comités, au contraire, le prive du bienfait du co/iseii ; il leur enlève, non pas le nom, mais la chose. Vingt-quatre heures après l'audition des témoins, les accusés seront traduits devant le juré du jugement ; ils seront jugés à la hâte, sans que leurs conseils aient le temps de réfléchir. Encore est-ce le seul momentpassager où l'accusé pourra jouir de l'assistance de son conseil; car le juré ayant délibéré de déclarer l'accusécoupable, on vous proposed'in-terdireaucondamnéde plaider pour obtenirla revision du jugement. Il aura, à la vérité, le droit de demander cette revision ; mais on a eu soin d'entrelacer une foule d'obstacles contre l'exercice de ce droit, en exigeant l'unanimité des juges. Or, comment les juges pourront-ils être unanimes, comment pourront-ils connaître s'il y a lieu à un nouvel examen, lorsque l'accusé ne pourra plaider devant eux, et qu'il n'aura pas le droit de faire valoir les raisons ? Exiger cette unanimité, ce serait accorder à l'accusé une faculté dérisoire, et donner aux juges un pouvoir métaphysique... Pourquoi fait-on tant d'efforts pour vous persuader que la revision des jugements des jurés ne peut avoir lieu ? c'est parce qu'en effet, avec des témoignages non écrits, la revision est impossible. La revision, vous a-t-on dit, a deux objets : le premier, lorsqu'il y a une erreur dans l'application de la peine ; dans ce cas, la revision sera attribuée au tribunal de cassation. Jusqu'ici tout va fort bien, et nous sommes d'accord. Mais il est un autre cas où je ne crois pas avec vous que la revision soit une chose utile, c'est lorsque les jurés auront jugé contre les preuves légales ou sans leur assistance; en un mot, lorsque l'accusé aura été condamné sans avoir été convaincu.Or, c'est ce genre de revision qu'on ne veut pas admettre,parce que l'on sent bien qu'il ne peut exister sans les témoignages écrits. S'il faut, a-t-on dit, faire rappeler tous les témoins devant le tribunal chargé de la revision, voyez quel embarras! Eh bien, si cet embarras vous effraye, admettez les preuves écrites... Ici je dois répondre à une objection à laquelle on a paru donner plus d'importance. Les preuves écrites, vous a-t-on dit, sont des copies collationnées des témoignages; or, l'original est préférable à la copie. J'adopte votre expression ; mais je vous prie de remarquer qu'une copie collationnée est équivalente à l'original. Il est vrai qu'autrefois l'original n'était connu que du juge et du greffier qui fabriquaient cette copie collationnée d'une manière plus ou moins inexacte; mais aujourd'hui le témoignage sera copié et col-lationné en présence des parties intéressées à la fidélité de ces copies, et qui auront eu l'original sous les yeux. Je demande si, suivant tous les principes de la raison et du sens commun, cette méthode ne présente pas une certitude parfaitement égale à celle des dispositions originales prononcées par les témoins ? J'avais aussi hier l'honneur de vous présenter une grande vérité. Mon profond respect pour cette Assemblée ne me permet pas de supposer qu'elle puisse trouver des contradicteurs : cette vérité c'est que le pouvoir suprême n'a pas et ne peut avoir le droit de faire des lois injustes ; ce droit ne peut pas exister dans la nature. Vous ne pouvez donc pas interdire à un accusé,dont la vie et l'honneur sont compromis, la faculté de faire constater par écrit les témoignages qui lui ont favorables. Lui direz-vous que dans le Xe siècle, lorsque la barbarie avait fait disparaître la science de l'écriture, les témoignages ne s'écrivaient pas? Laissez-moi, vous dira-t-il, me conformera la situation dans laquelle nous vivons ; vous faites écrire les contrats dans lesquels il s'agit de la fortune d'un homme, ou même des objets les plus minutieux, et vous ne voudriez pas queje fisse constater les paroles d'où dépendent ma vie et mon honneur!... Toutes les fois, vous a ajouté le rapporteur de vos comités, qu'un fait doit être constaté immédiatement après qu'il s'est passé, ou qu'une dépositiun doit être jugée immédiatement après qu'elle a été faite, l'écriture est inutile; le juré prononcera sur-K -champ, et sa délibération ne peut pas être très longue. Voilà, certes, un argument bien spécieux. Elle ne peut être longue, dites-vous? Eh ! mais, pensez donc que
s'il y acent témoins d'un fait,il y aura deux heures après cent relations différentes. Il faudrait donc faire juger un accusé à l'instant même que l'on dépose contre lui ; il faudrait que dans quinze minutes un homme fût accusé, condamné et mis à la potence ; car il me semble que vous avez un grand goût pour les expéditions promptes. Pren-drez-vous le parti de refuser les témoignages des témoins absents qui ne pourront être de retour que dans huit ou quinze jours? Si vous ne voulez prendre ce parti, il faut que les jurés gardent pendant quinze jours, dans leurs mémoires, les premières dépositions, ou bien il faudrait que les mêmes témoins déposassent plusieurs fois, c'est-à-dire qu'ils fussent continuellement aux oreilles des jurés... On vous a dit : si vous admettez les preuves écrites, il faudra abandonner les jurés. Ces fins de non-recevoir, ces subterfuges sont-ils dignes de la majesté et de l'importance de la matière? Si je voulais tirer parti de pareils arguments, ne pourrais-je pas vous rappeler l'un de vos décrets sanctionnés, qui prescrit provisoirement, comme l'une des formes delà procédure criminelle, que les témoignages seront écrits devant un juge et deux assesseurs?... On a cherché à démontrer que des preuves légales étaient impossibles à établir. Rappelez-vous ce que c'était que les preuves légales dans les lois romaines, et ce qu'elles sont dans la loi de la nature. Elles n'étaient que des règles sans lesquelles il n'était pas permis aux juges de condamner ; mais jamais la loi n'a rendu le juge tellement esclave de ces règles, qu'il fût forcé de condamner contre sa conscience. Le système des preuves légales s'était établi tout entier en faveur de l'accusé. Il ne pouvait être condamné sans les preuves légales, il pouvait être absous sur la seule condition du juge. Si vous supprimez les preuves légales, vous le privez de la protection des lois... Je conclus, Messieurs, à ce que les dispositions soient rédigées par écrit.
(1). Messieurs, sur une matière qui intéresse particulièrement la
liberté et la sûreté des citoyens, lorsqu'il s'agit de porter une loi
sur laquelle tout le monde doit se reposer du soin de son honneur et de
sa vie, il serait à désirer que la confiance nationale eût appelé les
instructions que nous avons proposées, ou plutôt il serait à désirer que
la nation, en appelant l'institution des jurés, eût mieux connu
peut-être et avec plus de détails les formes qui conviennent à cet
établissement et surtout l'esprit qui doit le diriger ; il paraît qu'il
n'est pas utile dans les circonstances actuelles, puisque les lumières
ne sont pas généralement répandues, de rappeler à l'Assemblée nationale
elle-même sur quels principes et sur quelle moralité repose le jugement
par jurés. On a osé taxer ce jugement de fin de non-re-cevoir, et
qualifier de métaphysiques les raisonnements dont nous nous sommes
servis pour démontrer l'incompatibilité de certaines formes avec
l'établissement des jurés. Lorsque nous avons démontré qu'il y avait une
implicance absolue entre la rédaction du témoignage par écrit et le
jugement par jurés, on a dit que nous nous renfermions dans une feinte :
certes on a bien peu connu notre idée. Si vous ne croyez pas
Deux objets particuliers constituent les jurés : 1° la séparation du fait et du droit ; 2° que le jugement du fait soit rendu par nos pairs, par des citoyens qui ne fassent pas habituellement les fonctions de juges. Si l'on réfléchit sur cette dernière raison, on verra que l'écriture est impossible.
De deux choses l'une : ou l'Assemblée établirait que les charges seraient entièrement écrites en présence du juré, ou que les charges seraient écrites non en présence du juré pour passer ensuite sous ses yeux. Or,ni l'une ni l'autre hypothèse ne peut avoir lieu avec le juré. En effet, en prenant les choses telles qu'elles doivent être, peut-on attendre du civisme et du zèle des citoyens qui composeront le juré, qu'ils viendront siéger 8 à 10 jours de suite comme jurés, au préjudice de leurs affaires, de leurs professions? Quand on le ferait d'abord, le patriotisme se refroidirait bientôt. La peine que l'on a eue à trouver des adjoints prouve assez que j'ai raison. En prenant une autre marche que celle indiquée par le comité, vous réduiriez les citoyens les plus zélés à l'impossibilité d'exercer les fonctions publiques; car enfin cette fonction-là est impossible, qui anéantit toutes les professions et qui arrache les hommes à leur foyer pour de longs intervalles, au préjudice du soin de leur famille et de leur fortune. De là naîtrait l'idée de rétablir des juges, et vous arracheriez au peuple le droit, inaliénable tant qu'il peut l'exercer par lui-même, d'être jugé par ses pairs; vous n'auriez plus de jurés. En vain auriez-vous décrété le contraire : le fait détruirait l'institution. Vous n'auriez plus de liberté civile, car je n'en puis concevoir sans jurés.
En second lieu, quand les citoyens se mettraient au-dessus de tou3 ces obstacles, quand même ils seraient tenus d'y assister 8,12,15 jours à rédiger ces procédures, je dis qu'il n'y aurait pas encore une idée exacte de la vérité: car l'examen du témoin est précieux, surtout lorsque, placé entre l'accusateur et l'accusé, le juge, le juré qui l'écoute avec une sévère attention, et le conseil qui l'interroge, il est obligé de rendre compte de ce qu'il dénonce, il est impossible que sa déclaration ne soit pas la vérité même, lin est personne, quelqu'ingénieux qu'il fût, qui osât se soumettre à un pareil examen sans que sa conscience ne l'avertisse que son crime sera nécessairement dévoilé. Il est de fait qu'il n'est point de mensonge qui puisse soutenir un long examen, lorsqu'avec le désir le plus certain d'arriver à la vérité,on oblige un témoin de circons-tancier les faits, de concilier tout ce qu'il dit, et qu'une confrontation active et animée fait réfléchir de toute part la vérité sur des yeux attentifs qui la cherchent. Or, tous ces éléments qui doivent conduire à la connaissance de la vérité deviennent nuls dès que dans le froid de la nar-
ration longuement et tranquillement recueillie par un greffier, le témoin est le maître de consigner la totalité de ses dires sans interruption, et qu'il peut se contenter de dire commè autrefois : je m'en réfère à ma déposition. A la confrontation, si un témoin est interpellé par l'accusé, il répond froidement que sa déposition est vraie et qu'il s'y réfère. S'il en était ainsi, les jurés ne prendraient aucune forme, ils exigeraient que le témoin discutât avec l'accusé, et que le conseil expliquât ce qu'il a dit : vous n'auriez plus qu'un squelette de procédure et la vérité disparaîtrait.
Je demande à M. l'opinant la permission d'interrompre pour lui faire une observation. Vous venez de dire que,dans lacon frontation suivant l'instruction ancienne, lorsque l'accusé interpellait le témoin, celui-ci se contentait de dire : je m'en réfère à ma déposition. Certes, un pareil abus doit être proscrit; mais dans l'espèce présente, dans Je débat de vive voix, je demande ce qu'il y aura à gagner pour l'accusé. Je demande si, au contraire, 1 ancienne institution n'était pas préférable à la nouvelle pour l'accusé, puisqu'il avait au moins pour lui les preuves écrites?
Je réponds à l'interpellation qui m'est faite : Il y aura pour l'accusé deux grands avantages dans la nouvelle institution. La première, c'est que le témoin ne sera pas dans la terrible nécessité de se constituer lui-même faux témoin pour donner une explication favorable à son témoignage; que, n'étant pas obligé de mettre sa tête en compromis, s'il n'est contraire à l'accusé, il sera moins soigneux de se renfermer dans sa déclaration sèche, et il se permettra plus souvent de revenir sur ses dires.
En sera-t-il moins faux témoin? (Murmures.)
Le projet de décret porte que, s'il est convaincu de faux, il sera poursuivi.
Je réponds en second lieu qu'il y a une très grande différence entre l'impression que produit l'interpellation faite à un témoin de s'expliquer tant par l'accusé que par son conseil, et l'impression qu'éprouve le même juré lorsque, lisant une confrontation écrite, il trouve simplement sur le papier que le témoin s'en est référé à sa déposition, parce qu'alors le juré ne peut pas juger au degré d'instance avec lequel on a réduit notre témoin à l'impossibilité de s'expliquer; au lieu que si le jUré est témoin lui-même de ce refus, il peut interpréter s'il peut le mettre dans l'impossibilité de prouver et de sortir des contradictions dans lesquelles il s'engage. Alors le juré est convaincu qu'il ne doit avoir aucun égard pour un témoin qui a déposé ainsi, il le rejette absolument; et s'il ne peut trouver dans cette déposition de quoi le convaincre de faux témoignage, il sent au moins qu'il est tel qu'il ne doit y accorder aucune confiance. Voilà ce qui constitue une grande différence entre les preuves mortes et les preuves écrites, entre l'ombre de la vérité et la vérité elfe-même, lorsqu'elle jaillit pour ainsi dire de la bouche de témoins soumis à une preuve irrésistible. Je reviens à la question que j'avais ainsi divisée : ou la procédure se fera en entier en pré- sence des jurés, ou hors leur présence, pour être rapportée ensuite et jugée sur leur instruction. Au reste, l'objection qu'on m'a faite se rapportait à cette seconde partie et c'est véritablement là qu'il est impossible de réduire les jurés à faire le métier que faisaient nos anciens juges; car il ne faut pas croire que ce soit une chose facile de trouver dans une procédure morte des traces et des signes certains de la vérité. Cet art est plus difficile que l'on ne croit, et demande une longue expérience. Les lois romaines en ont posé les bases; mais les plus habiles criminalistes, après avoir passé leur vie dans cette étude, conviennent encore qu'il est difficile de s'en former une idée juste. Certes, s'il a fallu tout l'échafaudage d'ua plan embarrassant pour remplacer tous les moyens que la nature avait donnés aux hommes d'arriver à la recherche de la vérité, c'est qu'il avait fallu se faire à soi-même des vérités qui ne fussent pas la vérité, mais qui en fussent l'image. Il n'est personne qui n'ait souvent entendu dire en parlant de justice criminelle : comme homme, je pense ainsi; et comme juge, je pense autrement. Pour établir cette distinction, il faut qu'un juge soit autre chose qu'un homme, c'est-à-dire qu'il faut qu'il soit formé à l'étude et à la science du juge; et lorsque vous appelez à juger d'un fait des hommes qui n'y portent que leur probité, le désir de la vérité, a qui ces études préliminaires sont nécessairement étrangères, on leur demanderait à tort de substituer la conviction déjugé à cette intime conviction de l'honnête homme sur laquelle est fondé tout jugement par juré- Qu'il me soit permis de vous rappeler une formule bien précieuse, l'institution anglaise, qui me paraît renfermer en peu de mots le grand secret de cette institution. Le juge demande à l'accusé qui comparaît devant lui : Gomment voulez-vous être jugé? Sur mon crime, répond l'accusé, î c'esN-à-dïre que la société a droit de me punir, si j'ai offensé la société; mais pour ce, elle doit juger elle-même; car elle le peut: que l'on interroge l'opinion de ceux qui m'entourent; qu'ils viennent écouter les témoignages, qu'ils les discutent, qu'ils se pénètrent de la vérité de mes assertions ou de celles de mes accusateurs; lorsqu'ils auront pour ainsi dire saturé leur conscience de preuves pour ou contre moi, je m'en rapporte à leur bon sens, à leur probité, à la persuasion où ils sont, qu'aujourd'hui juges, ils peuvent être demain jugés ; qu'ils exercent Je ministère d'un jour; que demain, rentrés dans la société, ils auront besoin de la même impartialité, de ce même bon sens, de cette même conviction dans laquelle aujourd'hui toute mon espérance est fondée. (On applaudit.) L'opinion publique, Messieurs, entoure les jurés, les même preuves dont l'examen passe sous leurs yeux, le public les entend et les juge. Sortis de la chambre où ils sont renfermés pour y méditer et rapporter leurs déclarations, les jurés doivent rentrer dans la société; et là, si leur déclaration est injuste, ils sont l'exécration et l'horreur de leurs concitoyens. Voilà, Messieurs, l'espèce d'acte qui constitue le juré, et qui n'est certainement pas propre à faire concorder les présomptions, les semi-preuves, les quarts de preuves avec les aveux, à les combiner avec la bonne ou mauvaise défense, et à scruter jusqu'à la mauvaise physionomie de l'accusé. Je reviens à la partie de mon opinion relative à la rédaction des témoignages devant les jurés : je dis qu'il m'a paru impossible de faire écrire devant eux en les arrachant pour 8,10 ou 12 jours
de leurs foyers pour les détails d'une procédure d'autant plus volumineuse que le conseil, étant présent, a le droit d'interroger tous les témoins. Telle est, Messieurs, l'essence du jugement par jurés : je ne saurais trop le répéter, que c'est dans la nature même de cette institution, dans la moralité qu'elle renferme, qu'il faut chercher la réponse à toutes les observations subtiles sur lesquelles on a cherché à défavoriser notre projet. On objecte à la procédure qui n'est point écrite de tirer ses accessoires des temps d'ignorance et de barbarie. Quoi! croirait-on que les peuples civilisés, qui font le plus grand cas de leur liberté individuelle et civile,aient négligé d'appliquer l'écriture à ce qui les intéresse le plus, lorsqu'ils l'ont employée dans les actes de la société les moins importants? Croit-on qu'ils auraient négligé de faire écrire les dépositions, s'ils n'avaient pas cru devoir plutôt les confier à une preuve plus vraie, à la preuve non écrite ? Mais, clit-on, la procédure anglaise rachète par d'autres avantages ces défauts; mais ces avantages vous ne nous les faites pas partager. Et que sont-ils donc? Est-ce l'avantage de l'unanimité? Ceux qui pensent ainsi n'ont certainement pas envisagé toutes les faces de la question. Ils ne l'ont vue que de ce côté : il faut que tous les juges soient unanimes pour condamner. Mais ils n'ont pas examiné que, par cela même, il faut que tous les jurés soient unanimes pour condamner. La solution de la question ainsi posée est extrêmement facile à trouver. La manière des Anglais, j'ose le dire, ne peut convenir à un peuple civilisé ; car pour que le juré soit unanime, il faut qu'il finisse par s'entendre. Quel est lemoyen qu'emploient les Anglais? C'est de renfermer les jurés, sans feu, sans lumière, sans nourriture, jusqu'à ce qu'ils soient d'accord. De là, qu'arrive-t-il ? c'est que celui qui peut suppor ter plus longtemps la faim, la soif, est toujours le maître d'amener la pluralité des jurés à son avis. Vous voyez, Messieurs, qu'une pareille institution ne peut être réclamée comme précieuse. Dans le fait, en Angleterre, les jurés conviennent entre eux que la majorité sera l'unanimité ; d'où il résulte que la majorité de sept contre cinq suffît pour la condamnation ; au lieu que, dans la proposition que nous avons donnée, il faut une majorité de dix contre deux, puisque trois jurés peuvent empêcher la condamnation : d'où il suit que la procédure que nous vous proposons est beaucoup plus humaine, beaucoup plus favorable à la raison que ne le serait cette unanimité, qui n'est qu'un être de raison en morale. On reproche à notre procédure de n'avoir pas accordé au conseil de l'accusé connaissance des témoins qui doivent déposer contre lui, plus de vingt-quatre heures avant leurs dépositions. Je ne m'attendais pas qu'on fît un reproche de n'avoir pas donné au conseil le temps de pratiquer les témoins. Il fallait aller plus loin et demander un mois, afin qu'il eût soin d'aller trouver les témoins qui doivent déposer contre lui, et d'obtenir, soit par menaces, promesses ou autrement, qu'ils ne le feraient pas. On se plaint encore de ce que, lorsque le juré a prononcé sur le fait, nous ne permettons plus à i'accusé de plaider, devant le juge, que le fait n'est pas vrai. A-t-on donc oublié que l'essence même du jugement par juré est de déférer aux jurés, et non pas aux juges, le jugement du fait ? Et lorsque le fait est une fois jugé par ceux qui en ont le droit, je demande à quoi bon plaider encore sur un jugement rendu? Est-ce pour faire appeler du juré au juge? Si vous avez plus de confiance en celui-ci, faites-lui juger le fait; mais si vous n'en avez pas plus que dans le juré, ne laissez donc pas plaider, lorsqu'il n'y a plus rien à juger. Vous voyez que cette objection implique contradiction avec la nature même du juré. Vous voyez, comme je l'ai déjà dit, que c'est dans la nature de cette institution qu'il faut chercher la solution de toutes les difficultés. C'est, faute de s'être pénétré de cetle vérité, que l'on cherche dans les anciennes habitudes des formes de bailliages, de parlements, et des routines, pour venir en infecter l'institution d'un peuple libre, qui veut retirer à lui le droit de se juger, qui ne veut confier ni aux agents du pouvoir exécutif ni même aux magistrats qu'il s'est donnés, le droit de prononcer s'il est, ou non, innocent; qui, sachant qu'il faut qu'il paraisse devant un juge, après avoir été déclaré coupable, ne doit néanmoins y être traduit sans que ses concitoyens aient déclaré qu'il l'est. C'est à eux qu'il veut s'en rapporter; à eux qui ne connaissent ni les procédures, ni les présomptions, ni les titres des preuves, ni le digeste, ni nos crimina-listes; à eux qui étaient effrayés des formes des anciens criminalistes que l'on veut faire revivre dans toutes les parties de notre institution. Ou il faut s'en rapporter à la conviction intime du citoyen honnête qui nous juge, ou il faut chercher, dans la science de juger, des preuves légales. Or, comme je l'ai déjà dit, la conviction intime du citoyen porte un caractère plus naturel, plus sage que la science de juger sur preuve écrite, de dépouiller les procédures, de rapprocher les dires d'un récolement. Je me résume, et je dis qu'il est impossible de concevoir une institution par jurés, si l'on veut l'entraver de formes judiciaires ; car il est impossible de ne pas en admettre, dès le moment qu'on se livre aux dépositions par écrit. Je conclus à ce que le projet de décret soit adopté sans amendement.
Messieurs, je ne sais pourquoi l'on vous a annoncé que j'avais un système particulier à vous présenter. A Dieu ne plaise queje me permette d'inventer et de créer, et de vous proposer un système, quand il s'agit de votre part, de prendre un parti sur un point qui intéresse aussi essentiellement la sûreté publique et la sûreté individuelle de tous les citoyens; quand il s'agit d'organiser la force publique, la plus importante de la société, celle qui tend à protéger l'innocence, à punir le coupable, à assurer la tranquillité publique ! Je viens, au contraire, combattre un système, parce que ce n'est qu'un système, parce qu'il pré sente des inconvénients intolérables, parce qu'il change sans nécessité ce qui a été pratiqué de tout temps en France, et presque chez tous les peuples, parce qu'il supprime ce qui est nécessaire et indispensable pour la bonne administration de la justice criminelle; ce qui n'est pas incompatible avec l'institution des jurés; ce qui, loin d'en détruire les avantages, ne fera qu'en rectifier les inconvénients. Voilà les considérations importantes, les vues de bien public, qui m'entraînent, après tant d'orateurs, à la tribune, que je n'ai jamais ambitionné d'occuper, que quand les motifs les plus imposants m'ont commandé d'y monter. L'instruction criminelle, devant le jury de ju-
gement, sera-t-elle écrite, ou non ? Voilà la question que je me propose de discuter, et que je généralise et particularise en même temps en la posant ainsi. Je la particularise ea ce que je sépareTinstruc-tion, devant le jury de jugement, des actes relatifs à l'arrestation et à l'accusation, actes dont les formes peuvent être susceptibles de principes tout différents. Je généralise la question, en ce que je l'étends à tous les actes qui appartiennent à l'instruction devant le jury de jugement ; et en cela, je suis moi-même le plan du comité, qui a réuni tous ces actes dans la question indivisible qu'il vous a présentée. Je pose donc ainsi la question : l'instruction, devant le jury de jugement, doit-elle être écrite, ou non? et j'entre en matière. Proposer cette question, c'est évidemment demander quelle est celle des deux formes qui est la plus propre à éclairer la justice,à protéger l'innocence et à procurer la punition du coupable? Je ne sépare point ces deux idées, parce qu'elles sont indivisibles. La loi doit la protection la plus ample à l'innocence : mais elle doit aussi la protection entière à la société et à tous les individus qu'elle renferme. Si la loi n'établit que des moyens d'échapper à sa vengeance, elle sacrifie la propriété et la vie des individus à la scélératesse du coupable qu'elle invite, par l'impunité, à de nouveaux forfaits. Lorsque je réduis la quesiion au point de savoir quelle est la forme la plus propre à éclairer la justice, je suis parfaitement d'accord avec les principes du comité. Ën disant avec lui que la méthode d'instruction est le moyen d'assurer la vérité ; j'ajoute avec lui « que rien n'est plus digne d'une sérieuse atlen-« tion, puisqu'il s'agit ici principalement d'em-« pêcher les erreurs de la justice, erreurs qui « deviennent des crimes, lorsqu'on a pu les pré-« venir ». Nous participerions donc, Messieurs, à ces crimes, nous nous en rendrions les premiers coupables, si nous prenions une fausse roule, si nous tracions aux juges, qui vont exercer, au nom de la nation, le terrible pouvoir du glaive, des règles qui, loin de prévenir les erreurs dont elles doivent les garantir, ne feraient qu'envelopper leur intégrité dans des pièges et des embarras inextricables. Vous avez applaudi, Messieurs, avec grande raison,à l'un des membres du comité, lorsque, à l'occasion de la police de sûreté, il vous a dit que, sans une police sévère et rigoureuse, il n'y avait plus de Constitution. Mais la police d'arrestation est bien peu de chose en comparaison de la méthode et des règles du jugement. Inutilement aurez-vous pris les précautions les plus sages pour assurer l'arrestation des prévenus, si vous n'y ajoutez pas les précautions les plus propres à assurer lapunition descoupables, comme l'absolution de l'innocence. C'est ici qu'il est encore plus vrai de dire qu'il n'y a plus de Constitution, s'il n'y a pas une bonne organisation de la procédure criminelle. Je soutiens, non seulement qu'une instruction non écrite n'est point la meilleure forme pour assurer la vérité; mais qu'une instruction écrite est une forme nécessaire et indispensable pour parvenir à cet objet, une forme sans laquelle vous enveloppez l'accusé dans les filets de la calomnie; vous mettez Je plus souvent la conscience des jurés dans une perplexité dangereuse, et vous donnez au coupable d'autant plus de moyens d'échapper, qu'il sera plus audacieux. Pour établir cette proposition, je n'ai besoin que de parcourir successivement toutes les raisons qui ont été déduites dans le rapport du comité, avec plus d'art que de solidité, en faveur du système que je combats. Cette forme de discussion n'est peut-être pas la plus méthodique et la plus simple; mais je suis obligé de l'adopter : 1° parce que je ne peux naturellement combattre un système que par l'examen des motifs sur lesquels on a cru devoir l'appuyer ; 2° parce qu'il m'est impossible de prévoir ceux que l'attachement à ce système pourrait, dans la suite, faire substituer à ceux que l'on a seuls présentés. La question générale, que je me propose d'examiner, embrasserait naturellement les trois actes principaux, qui jusqu'ici avaient été regardés comme les bases fondamentales d'une instruction criminelle : je veux dire l'interrogation de l'accusé, la déposition des témoins et la discussion de ces dépositions contradictoires contre l'accusé et les témoins. Je crois cependant devoir encore séparer de la discussion actuelle ce qui concerne l'interrogatoire. La question de sa forme dépend d'une question préliminaire, qui est celle de l'effet que les réponses de l'accusé pourront produire quant au jugement. C'est la solution préliminaire de cette question, qui, en fixant l'importance de cet acte et l'objet qu'il peut avoir, emportera nécessairement la solution de la question sur sa forme. Cette question préliminaire est trè3 importante, et mérite à elle seule une discussion séparée. Il est d'ailleurs évident que ce que vous aurez décidé sur l'écriture, ou non-écriture, des deux autres actes, influera considérablement sur l'écriture, ou non-écriture, de l'interrogatoire, selon les effets que vous aurez cru devoir y attribuer. Par ces raisons, et afin de simplifier, autant qu'il est en moi, la grande question soumise à la discussion actuelle, je la réduis aux deux derniers actes de l'instruction : la déposition des témoins et l'examen de ces dépositions. C'est sous ces deux points de vue que je vais parcourir successivement les diverses réflexions qui vous ont été présentées dans le rapport fait, au nom du comité, pour appuyer la théorie qu'il vous présente. Dans ces réflexions, il y en a que je pourrais rigoureusement me dispenser de discuter, parce qu'elles ne présentent évidemment que des para-logismes, ou parce qu'elles soni absolument hors ^le la question. Mais j'aime mieux être un peu plus long et ne rien laisser sans réponse. Dans le nombre des raisonnements, qui nè présentent que des paralogismes ou qui sont hors de la question, je place le premier que je rencontre dans le rapport. On suppose que l'usage de l'écriture pour les dépositions a eu pour unique fondement l'éloi-gnement des juges d'appel, qui étaient, dit-on, les seuls juges. Ceux de première instance instruisaient, les juges d'appel jugeaient. Ce motif ne subsiste plus, donc l'usage de l'écriture doit être aboli. Mais comment n'a-t-on pas senti toute la fausseté de la majeure de cet argument? N'est-il pas notoire que les cours souveraines jugeaient quelquefois en première instance? N'est-il pas notoire que plusieurs tribunaux jugeaient eu première et dernière instance? Cependant l'instruction s'y faisait également par écrit. Donc le motif que vous donnez à cet usage n'est pas le
vrai. Quel était ce motif? N'est-ce pas parce que l'ou avait jugé cette forme nécessaire pour assurer la vérité? Ce motif était-il juste ou non? C'est ce que j'examinerai dans un moment. Il me suflit, quant à présent, de répondre à ce premier argument par celui-ci : L'écriture des dépositions avait été jugée nécessaire pour assurer la recherche de la vérité : donc cet usage doit encore subsister, s'il est vrai que la méthode des jurés rend cet usage également nécessaire. C'est sur un semblable paralogisme que roule le second argument proposé dans le rapport. On suppose que l'usage des dépositions secrètes n'avait pour fondement que de procurer au témoin une plus grande liberté; et l'on s'appesantit beaucoup pour prouver que les actions secrètes sont en générai moins morales que les actions publiques. Le secret des premières dépositions avait un tout autre motif: c'était celui de ne pas avertir l'accusé que le bras vengeur était près de se lever sur lui. C'est par cette raison que dans votre décret provisoire vous aviez également exigé le secret des dépositions jusqu'à l'arrestation de l'accusé. C'est par cette raison que, encore aujourd'hui, le comité rend secrète l'information prise avant l'arrestation, et exige le secret des jurés d'accusation. Mais pourquoi m'appesantirais-je sur la fausseté de la majeure de cet argument ? j'ai un moyen bien plus simple pour l'écarter. Son principal vice consiste en ce que toutes les déclamations, auxquelles on s'est livré sur les dépositions secrètes, sont absolument étrangères à la question actuelle. Nous ne prétendons point que les dépositions qui seront reçues devant le jury doivent être faites secrètement. Nous consentons qu'elles soient reçues publiquement. Les inconvénients d'une déposition secrète n'ont rien de commun avec la question de savoir si la déposition publique doit être écrite ou non. Donc toutes vos dissertations sur le danger du secret des dépositions et sur les prétendus motifs de ce secret sont étrangères à la question actuelle, et ne présentent qu'un vrai amas de paroles, qui détourne du véritable point de la difficulté. Je peux rapprocher ici de ce paralogisme,écrit dans le rapport, un paralogisme de même nature, qui a été proposé hier par l'un des opinants. L'écriture d'une déposition n'est pas, a-t-il dit, le témoignage même, mais le témoignage du témoignage qui peut être altéré. Mais il n'a appliqué cette objection et |il ne pouvait l'appliquer qu'à l'ancienne forme de procédure, que nous sommes bien éloigné de réclamer, que vous aviez déjà réformée par votre décret provisoire, et que je proposerai de réformer d'une manière encore plus complète, puisque j'entends que toute l'instruction se fasse publiquement et en présence des jurés. Cette observation répond d'avance à un autre argument du rapport, qui s'écarte encore évidemment du vrai point de la question. « Il n'y a, dit-on, aucune comparaison à faire « entre l'effet que peut produire sur le juge une « déposition qui est faite en sa présence et sous « ses yeux, et celui d'une déposition qui ne lui « est présentée qu'écrite. » Cela peut être : mais vous êtes encore bien loin de la question. Nous voulons, comme vous, que la déposition soit faite publiquement et en présence du juré. Nous ne différons qu'en ce que nous voulons que cette déposition, faite en présence du juré, soit de plus écrite, et puisse lui être remise et consultée par lui, lorsqu'il s'agira de prononcer, et lorsqu'il croira nécessaire d'y revenir. Alors toute la question entre vous et moi se réduit à ce seul point: l'écriture de la déposition nuira-t-elle à l'effet que son audition aura produit? N'ajoutera-t-elle pas,au contraire, une nouvelle facilité à la détermination du juge? Ne sera-t-elle pas souvent indispensable pour faciliter cette décision ? Ne donnera-t-elle pas un grand avantage à l'accusé contre les témoins ? Voilà ce qu'il s'agit d'examiner : voilà le véritable et unique point de la question. Vous soutenez la négative de toutes mes propositions; et en vous suivant pas à pas, ceci m'amène aux grands motifs sur lesquels vous appuyez votre système, et qui sont communs à la déposition, quoique dans votre rapport vous paraissiez ne les appliquer qu'à la discussion entre l'accusé, les témoins et l'accusateur. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites « qu'il n'existe pas de moyen plus efficace de « connaître la vérité que le combat qui s'engage, « sous les yeux du juge, entre l'accusateur, les « témoins, l'accusé et ses conseils». Aussi cette partie de la procédure criminelle a-t-elle été toujours regardée comme la plu8 importante, comme la seule qui pût compléter la recherche de la vérité, qui pût réparer l'inconvénient de la déposition secrète; et il ne manquait peut-êire à cette procédure que d'être publique. « Mais, dites-vous, cette confrontation dans « l'ancien état des choses venait trop tard. Le « témoin était lié par une déposition écrite, il se « compromettait en se rétractant. L'innocent de-« venait la victime de. la position où la loi l'avait « mis vis-à-vis du témoin. » C'est ici que nous ne sommes plus d'accord. Vous ne voulez pas que l'innocent soit exposé à devenir la victime du lien qui paraît engager le témoin. Mais aimez-vous mieux que cet innocent soit exposé à être la victime du faussaire qu'il lui sera, dans votre système, toujours impossible de convaincre de faux témoignage? Voilà cependant l'inconvénient terrible dans lequel vous vous précipitez quand vous voulez éviter le premier, et c'est ce qui exige un développement. C'est avec grande raison que vous avez observé dans votre rapport combien il était en général difficile de prouver le crime de faux témoignage. Eh bien! retranchez de votre méthode l'écriture de la déposition et de la confrontation, et vous donnez un brevet d'impunité à tous les faux témoins, et vous ouvrez la porte au commerce le plus infâme et le plus dangereux dans la société. C'est dans la déposition même du témoin que se trouve presque toujours le premier indice, et souvent la preuve complète du faux témoignage. (Applaudissements.) Peu de personnes ignorent ce fameux procès dans lequel deux scélérats accusaient un innocent d'un assassinat. Tous deux l'avaient vu commettre le ccime, tous deux citaient le jour et l'heure : c'était au clair de la lune. Mais un al-manach consulté prouva qu'il n'y avait point de lune ce jour-là; et voilà le faux prouvé par la déposition même. On pourrait citer mille autres exemples de faux témoignages prouvés par la déposition même.
Maintenant retranchez la déposition écrite, et dites-moi comment vous convaincrez le faux témoin,et comment vous serez autorisé à le punir ? Vous opposerez à son témoignage de visu son alibi; il vous répondra, ou qu'il n'a pas indiqué le jour que vous supposez, ou que la rapidité de sa déposition non écrite et non relue, l'embarras d'une déposition que vous paraissez permettre de couper et d'interrompre par des interpellations, l'a fait tomber dans une erreur; que cela ne serait pas arrivé si on lui eût relu sa déposition. Et voilà ce faux témoin enhardi par l'impunité à commettre une seconde fois le même crime, dont il a éprouvé qu'il est si facile d'échapper à la punition. Ce sera bien pis, si vous placez l'accusé dans une position encore plus critique. Il est de ces crimes simples et non compliqués, dont la preuve n'exige que peu de témoins, et dont l'instruction et le jugement, suivant votre méthode, pourra se faire en une séance. Deux faux témoins prétendent m'avoir vu commettre le crime à tel jour, à telle heure, en tel endroit. La moralité des témoins n'aura point affaibli l'autorité de leur déposition : il est bien facile à un fripon d'emprunter le masque d'un honnête homme. Les deux dépositions seront tellement combinées dans leurs détails, qu'il sera impossible d'y remarquer la moindre raison pour en altérer l'autorité. La précipitation du jugement ne m'a point permis de prendre aucun renseignement sur ces mêmes témoins, dont je ne pouvais prévoir les dépositions. Me voilà condamné. J'ai subi la peine, et cependant je découvre un mois, trois mois, six mois après, que le même jour, à la même heure à laquelle les témoins ont dit m'avoir vu commettre le crime en tel endroit, ces témoins étaient en tel endroit. J'en rapporte la preuve par écrit; qu'arrivera-t-il? Poursuivrai-je ces témoins en faux témoignage? ils sont déjà bien loin. Je les ai atteints, mais comment leur prouve-rai-je leur faux témoignage? Il y avait six témoins entendus; quatre n'avaient aucune connaissance : ne prévoyez-vous pas la défense des deux scélérats? Vous supposez que c'est nous qui vous avons chargés, cela n'est pas vrai. Quelle preuve aurai-jeà leur opposer? ferai-je entendre le public qui était présent?où le retrouverai-je? Aurai-je le droit de faire entendre le juré qui m'a jugé? mais il se sera passé six mois, et vous croyez que des jurés, après cet intervalle, oseront se lier assez à leur mémoire pour assurer que c'étaient tels ou tels qui ont fait ces dépositions, plutôt que tels autres? J'ai donc prouvé inutilement le faux témoignage, et je n'ai pu en obtenir la réparation. Mais voici quelque chose de bien plus terrible encore et de plus désolant pour l'humanité. J'ai subi une peine afflictive, ou même celle de mort, et la loi ne me donnera, ni à ma famille, aucun recours contre un jugement dont une découverte postérieure démontrera l'erreur. Je pourrai recourir à ce remède que la sagesse de nos lois avaient réservé aux malheureux innocents, condamnés sur une erreur de fait, par un jugement en dernier ressort, et ma famille ne pourra avoir la triste consolation de purger ma mémoire, parce que n'y ayant rien d'écrit dans mon procès, il sera toujours impossible de prouver que j'ai été condamné par une telle erreur de fait, ni même de prouver sur quoi a pu porter le jugement. Ici, Messieurs, j'ai entendu faire des raisonne- ments bien étranges sur la revision en matière criminelle, et qui sembleraient supposer que celui qui les a proposés aurait ignoré ce que c'était que la revision, qui était si sagement admise par nos lois en matière criminelle. On a paru n'envisager la revision que comme une espèce de voie d'appel, dont l'objet pouvait être de soumettre à une revue un jugement accusé de mal jugé. G'est méconnaître les règles les plus certaines et les plus notoires. L'appel est une voie de droit, qui ne peut être refusée en aucun cas, et qui ne peut avoir lieu contre un jugement souverain. La revision est, au contraire, une voie de justice, mais préliminaire, qui, comme la cassation, ne peut être admise que par un jugement préliminaire, et dont le fond ne peut être jugé par Je même tribunal qui en admet la demande. Au fond, un simple mai jugé allégué n'a jamais été reconnu pour un moyen légitime de revision. La revision n'a eu lieu et ne doit avoir lieu que quand on articule une erreur qui porte sur des faits qui ont été inconnus au juge, et qui auraient dû empêcher la condamnation; sur des faits ou que l'on n'a découverts que depuis le jugement, ou qui n'ont été ignorés des juges que parce qu'ils ont négligé de faire ce qui était nécessaire pour les connaître. La revision avait encore lieu sur des pièces nouvelles trouvées depuis le jugement, ou la découverte du faux de celles produites. Voilà quels étaient les vrais principes de la revision, selon tous les auteurs qui ont écrit sur cette matière, selon le témoignage même des magistrats du conseil. La revision avait lieu et était admise en tout temps, parce qu'il ne peut y avoir aucune fin de non-recevoir, qui empêche un innocent de prouver qu'il a été condamné par une erreur de fait. Maintenant je demande ce que deviennent tous les raisonnements que l'on a faits, pour faire rejeter cette action, commandée par l'humanité? Si vous aviez fait attention à ce que c'est que la revision, vous n'auriez pas dit qu'elle était impossible, parce que pour revoir ce qui a été vu il faudrait remettre toutes les choses au même état où elles étaient lorsque l'on a vu la première fois, et par conséquent replacer les mêmes témoins devant le même juge. Indépendamment de ce que cela ne serait pas impossible, n'est-il pas évident que quand j'articule qu'il y a eu une erreur résultant d'un fait qui était inconnu, c'est un nouveau procès à juger ; qu'il ne s'agit que de juger : 1° si c'est un fait nouveau, s'ilaété inconnu; 2° s'il était décisif, et dès lors que presque tout ce qui s'est fait devient indifférent? Si vous connaissez bien maintenant ce que c'est que la revision, il faut que vous conveniez que vous ne pouvez sans barbarie en refuser le secours, ni même en limiter le délai. Et si vous êtes forcés de reconnaître que vous ne pouvez refuser ce secours, avouez que vous en rendez l'usage impossible, si l'instruction n'est point écrite. En effet, sans cela il m'est impossible de faire connaître quelles étaient les charges qui ont pu me faire condamner, de prouver que tel fait a été ignoré, que tel témoin avait dit cela et était un faussaire. Tout ce que je viens de dire sur la revision s'applique à la procédure pour purger la mémoire d'un défunt.
Je ne suis point étonné de ne point trouver dans votre Gode la revision et la procédure pour purger la mémoire d'un défunt; vous avez senti que ces deux ressources étaient inadmissibles après une procédure non écrite; mais je vous conseille aussi de retrancher de votre Gode pénal la peine du faux témoignage, et ce sont ces retranchements qui seuls prouvent le vice de votre méthode; c'est ce qui prouve qu'au moment où vous accusez l'ordonnance de 1670 de barbarie, vous êtes encore plus inhumains qu'elle; vous l'êtes en ôtant à l'accusé presque tous les moyens de se défendre d'un faux témoignage; vous l'êtes en ôtant la faculté de la revision à l'accusé condamné par une erreur de fait ; vous l'êtes quand vous enlevez à sa famille éplorée la faculté de purger sa mémoire; en un mot, vous dévouez à la proscription votre système, quand vous ne pouvez le disculper de produire ces trois inconvénients. (Applaudissements.) Ils ne sont pas les seuls, j'en développerai bientôt d'autres ; mais je veux vous suivre pas à pas, et je reviens sur les miens. Ce n'est pas sans un grand étonnement que j'ai entendu prêcher cette doctrine étrange, qu'avec les jurés il devient moins nécessaire de punir le faux témoignage; qu'il n'y a plus le même intérêt, parce que le juré est maître de rejeter le témoignage . Le juge a toujours été maître de rejeter d'office un témoignage : je le prouverai dans la suite. Mais ce n'est pas ici le point de la difficulté. Ou j'aurai prouvé le faux témoignage, ou j'aurai échappé au piège qui m'a été tendu, ou je n'aurai acquis la preuve du faux témoignage qu'après avoir été condamné. Oseriez-vous dire que dans le second cas le témoin ne mérite aucune autre punition ? Oseriez-vous même le dire dans le premier ca3? Quoi I un scélérat aura eu l'audace de compromettre ma vie et mon honneur et je- n'en aurai aucune réparation! J'y ai peu d'intérêt, dites-vous, parce que le juré peut rejeter le témoignage, quoique je n'en aie pas prouvé la fausseté. Mais qui me garantira que le juge n'en sera pas touché? Et qui me garantira du péril que peut me faire courir un faux témoin, si la loi ne s'arme pas contre lui en ma faveur de sa plus grande sévérité? On ne se rend pas facilement quand on s'est fortement prévenu d'un système, et j'entends d'avance que l'on revient à la charge par ce nouvel argument: « Vous voulez donc qu'un témoin, lié par une « déposition écrite, ne puisse plus varier sans « s'exposer à être jugé faux témoin; et alors « comment ne sentez-vous pas le double incon-« vénient de compromettre le témoin ou l'ac-« cusé? » Voici ma réponse ; elle est simple : Il faut un moment où le témoin ne puisse plus varier (bien entendu dans des circonstances décisives) sans un danger quelconque. 11 faut une époque où le témoin ne puisse plus varier sans danger, parce que sans cela vous appelez à vos tribunaux tous les faux témoins. Ce que je demande ne présente plus, dans votre propre système, les inconvénients que vous craignez; en voici la preuve : Vous avez mis vous-mêmes une grande différence entre la moralité d'une action secrète et celle d'une action publique; vous avez attaché à la déposition secrète et au récolement secret l'inconvénient de faciliter le faux témoignage. Eh bien, d'après vos propres principes, sentez donc combien vous devez vous armer d'une plus grande sévérité contre le scélérat qui, appelé à déposer en face de l'accusé, de ses conseils, de l'accusateur, des jurés et du public ; qui, averti de l'importance de son action, aura persisté dans sa déposition relue, y aura persisté après l'examen ; convenez qu'alors vous n'avez aucun prétexte pour ne pas vouloir que ce témoin soit lié et responsable envers moi. Convenez en outre que, s'il n'est pas lié par une déposition écrite, votre loi est impuissante, et que sa menace ne peut retenir le faux témoin; car souvent je n'aurai pas même, au moment de l'examen, les renseignements nécessaires pour prouver le faux témoignage, et après le jugement il me devient impossible d'obtenir aucune réparation, puisque, sans l'écriture de la déposition, je n'ai plus aucune preuve du délit commis envers moi. Sans doute, tout témoignage non exact n'est pas criminel. Il y a une mesure pour déterminer l'effet de ces variations vis-à-vis du témoin ; tantôt elle ne fait que le rendre suspect, tantôt elle le rend criminel; et quand le témoin est criminel, il doit être puni. Je n'avais à répondre qu'à l'objection de l'inconvénient pour l'accusé d'être mis vis-à-vis d'un témoin lié par une déposition écrite, et je crois y avoir répondu en prouvant : 1° que cet inconvénient devient bien moins considérable dans la déposition publique ; 2° que l'on ferait courir à l'accusé un péril bien plus grand en n'écrivant point la déposition. Mais ce n'est pas seulement pour l'accusé, c'est encore pour les juges qu'il devient nécessaire et indispensable d'écrire et les dépositions et les examens des témoins, en un mot toute l'instruction. C'est ce qui m'amène à la dernière partie du rapport, laquelle contient trois objections : « Toute écriture, dit-on, est inutile dans la « nouvelle méthode d'instruction, elle est même « impossible; enfin elle est dangereuse et destruc-« tive de l'institution des jurés. » Toute écriture devient inutile! Gomment appuyez-vous cette étrange proposition ? Par ce dilemme encore plus étrange. « Si nous la deraan-« donspourle jugement, elle est inutile, puisque « le juré voit tout, entend tout, et prononce sur-« le-champ ; si vous la désirez pour l'époque qui « suit la décision, elle est inutile, puisque le ju-« gement est sans appel. » J'ai répondu d'avance à la seconde partie du dilemme; vous pouvez bien, Messieurs, déléguer aux jurés l'autorité de juger sans appel; mais il n'est pas en votre puissance de leur déléguer l'infaillibilité ; il est encore moins en votre puissance de les garantir de ces erreurs involontaires qui résultent de faits qui ne se découvrent qu'après le jugement, et qu'il était impossible aux jurés de prévoir ; ce sont ces erreurs de fait qui ont si sagement fait admettre la voie de la revision et de la purgation de la mémoire du défunt; ou il faut refuser ces secours à l'innocent, ou il faut convenir qu'une procédure écrite est indispensable et nécessaire. Les Anglais, malgré leur extrême attachement à leurs formes, sont bien éloignés de croire à l'infaillibilité du jugement par jurés. Lisez leurs auteurs, et vous n'en trouverez pas un seul qui ne convienne, non seulement que ce jugement
peut être susceptible d'erreurs involontaires, mais même, en plusieurs circonstances, de prévention et de partialité. Il y a plus ; les lois anglaises ont cru par cette raison devoir établir un remède contre le faux jugement; mais ce secours même de la loi est devenu impuissant en Angleterre, précisément par une suite nécessaire du vice de la non-écriture. Ceci demande un développement: La loi anglaise admet contre le jugement du juré deux sortes d'actions, qu'ils appellent atteintes. Il y a l'atteinte pour les défauts de forme, qui répond à la transaction qu'on vous demande ; il y a l'atteinte pour le faux juré, c'est-à-dire pour un jugement évidemment faux. La loi, comme c'est un remède extraordinaire, veut qu'on ne puisse l'exercer qu'après la voie d'appel (ce n'est plus la voie d'appel, c'est à peu près la revision), qu'on ne puisse, dis-je, exercer cette seconde action qu'autant qu'on y est autorisé par le jugement du roi. Mais quelles bâses auront ou peuvent avoir les juges du banc du roi pour permettre l'accusation de faux juré, dans une affaire où ils ne connaissent pas ce qui s'est passé ? De là, il est arrivé que cette permission pouvant être accordée à la faveur et refusée à la justice, on en a senti l'inconvénient et cessé de l'octroyer.Mais, dans le cas même où on l'accorderait, comment pouvoir prouver le faux jury? Voici la seule ressource admise par la loi anglaise. Il fallait faire un nouveau jury, rappeler devant ce jury les mêmes témoins qui n'existaient plus, et, peut-être, si le nouveau jury jugeait comme l'ancien, le jugement conforme au premier était bon, était vrai ; mais si le second jury jugeait autrement, on devait préjuger que le premier jugement était faux. Vous sentez l'absurdité d'une pareille législation; car, comme rien ne peut garantir que les nouveaux témoins que vous appelez avaient dit devant le premier juré précisément la même chose que devant le second, il était impossible raisonnablement d'appliquer une peine, car les lois en décernaient une aux faux jurys. Aussi, Messieurs, qu'est-il arrivé ? "C'est qu'en Angleterre, les auteurs, en convenant que cette loi existe et n'a point reçu d'atteinte, conviennent cependant qu'elle est sans exécution, et ce, à cause du vice essentiel de la procédure anglaise. Ainsi, Messieurs, voilà en deux mots l'usage que l'on emprunte d'une nation étrangère, et que l'on vous propose d'imiter. Une loi formelle y déclare que le jugement des jurés n'est point infaillible, et accorde une action en réformation; et cette loi est impuissante, parce que le défaut d'écriture la rend impraticable. Ne croyez pas au surplus, Messieurs, que tous les Anglais tiennent aussi fermement à la forme de la déposition orale. Blackstone est un de ceux qui en a le plus loué les avantages. Ecoutez ce qu'il dit au même chapitre xxiii du livre III, où il relève naïvement les inconvénients du jugement par jurés : « Un autre défaut résulte de ce que les cours « (de la commune loi) n'ont pas le pouvoir d'exa-« miner les témoins au dehors, et celui de rece-« voir leurs dépositions par écrit dans le lieu du « domicile des témoins; ce qui serait souvent « nécessaire, notamment lorsque le fait, qui « donne lieu à l'action,s'est passé dans un comté « différent du lieu où s'est passé le fait. C'est « un vice pareil de ne pouvoir pas examiner les « témoins qui sont âgés, ou en voyage, afin de « pouvoir lire leurs dépositions et les admettre « en preuve, si le jugement se trouve dans le « cas d'être renvoyé à un temps postérieur à " leur décès ou à leur départ. « Cependant aujourd'hui l'usage de l'écriture, « dans ces cas, est fréquemment admis, lorsque « les parties y consentent. On le pratique aussi « dans les cours d'équité; mais cela ne peut « point être admis dans les cours delà commune « loi, si ce n'est dans le cas d'un procès né dans « l'Inde, et dont la poursuite se fait dans le3 « cours du roi à Westminster. » Il ne vous a point échappé, Messieurs, de faire vous-mêmes deux observations bien importantes sur ce paragraphe de l'auteur. La première est l'aveu qu'il fait de l'inconvénient du défaut d'écriture; la seconde est le fait qu'en Angleterre même, il y a des cas et des tribunaux où l'écriture est admise dans la procédure par jurés.
,rapporteur. Au civil. (Bruit.)
Avez-vous oublié que la théorie du jugement par jurés est essentiellement la même en matière civile et en matière criminelle? Le juré ne prononce que sur un fait dans l'un et l'autre cas. 11 n'y a pas deux moyens différents de juger un fait sur la preuve testimoniale. Si le défaut d'écrire est un vice pour juger en matière civile un fait sur la preuve testimoniale, je ne conçois pas comment ce n'en serait pas un pour juger un fait en matière criminelle. Peut-on donc s'imaginer qu'il y ait moins de précautions à prendre pour prononcer sur la vie et l'honneur d'un citoyen, que pour prononcer sur sa propriété? Je reviens à la première partie du dilemme que je discutais. Le pouvoir de juger sans appel ne peut être un motif pour déclarer inutile l'écriture, dès lors que vous ne pouvez pas donner aux jurés l'infaillibilité; dès lors surtout que vous ne pouvez pas les garantir de ces erreurs involontaires qui résultent de l'ignorance d'un fait, lequel ne se découvre qu'après le jugement; genre d'erreur qui nécessite le double secours de la revision et de la purgation de la mémoire d'un défunt. Quant à la première partie du dilemme, je pourrais me dispenser d'y répondre direciement. S'il faut qu'il y ait une procédure qui subsiste après la décision, il faut qu'elle ait existé avant. Mais pourquoi donc cette procédure serait-elle inutile avant? Elle n'est nécessaire, dit-on, que quand il y a un moyen entre le fait qui est écrit et le juge qui ne l'a point vu; elle ne l'est que pour conserver la mémoire d'un fait qui peut s'échapper. Ici le juré voit tout et juge sur-le-champ. On raisonne comme si les jurés ne devaient jamais avoir à juger que des procès simples, sur un fait non compliqué et qui n'exige que l'audition de trois, quatre ou six témoins. N'y a-t-il pas des crimes compliqués, tels que le poison,l'incendie et l'assassinat prémédités,qui présentent des circonstances très compliquées, et sur lesquelles il faut combiner un grand nombre de faits et entendre un grand nombre de témoins? La même complication de faits et de circonstances se rencontre, quand il y a un grand nombre de complices et d'accusés, à l'égard desquels il faut entendre beaucoup de témoins et diviser les faits qui s'appliquent à chacun d'eux. Celui-ci
est coupable du fait capital, quand celui-ci n'y a coopéré qu'indirectement, ou par conseils, ou comme recéleur. N'arrivera-il pas souvent, dans l'instruction, des incidents qui ne permettront pas de juger sur-le-champ? de nouveaux témoins indiqués et qu'il faudra taire venirdeloin; de nouveaux complices indiqués; des faits justificatifs allégués; des reproches de témoins découverts ; des subornations alléguées, etc., etc.? Je ne parle pas du cas où l'instruction dénoncera de nouveaux faits, parce que je n'ignore pas que le système du comité est de vouloir que l'on n'instruise que sur un seul fait et sur le plus grave; et que tous les autres soient abandonnés à l'oubli, si l'accusé est condamné sur le fait capital. G'est une proposition qui vous est faite, mais qui n'est pas encore décrétée; elle méritera bien unediscussion particulière, et je lalaisse, quanta présent, pour ne point surcharger la discussion actuelle. J'ai indiqué un assez grand nombre de cas où le juré ne pourra pas prononcer sur-le-champ, et où il aura un grand nombre de faits à combiner. Non seulement, dans ces cas, la procédure écrite n'est pas inutile; elle est indispensable-ment nécessaire pour soulager la mémoire. Vainement se récrie-t-on que les jurés auront la faculté de prendre des notes. Je mets en fait que des notes prises séparément par douze jurés ne s'accorderont jamais. Celui-ci aura pris note d'un fait qu'il aura cru plus important, et aura négligé un autre fait qui aura paru plus difficile à un autre ; et qui accordera ces jurés, quand il s'agira de savoir si tel fait, auquel plusieurs n'auront pas fait assez d'attention, a été prouvé ou non ? Mais, dit-on, l'écriture est une chose impossible; le greffier ne peut pas écrire avec ta rapidité nécessaire pour suivre une discussion animée. De quel acte entend-on parler ici ? Est-ce de la déposition? Loin qu'elle doive avoir ce caractère de rapidité et de précipitation qu'on lui suppose, je veux qu'elle soit faite avec la gravité, la réflexion qu'exige un acte de cette importance. Il ne sera pas possible, a dit un des préopinants, d'écrire les dépositions de 20 témoins. Qui les écrira ? qui en garantira l'exactitude ? J'avoue que je ne conçois point comment il serait plus difficile d'écrire demain les dépositions de 20 témoins, qu'il ne l'a été jusqu'ici d'en écrire quelquefois 50. Qui les écrira ? Celui qui l'a toujours fait ; le greffier. Qui garantira la fidélité de la rédaction? Le public présent, le juge et les jurés, qui pourront relever une inexactitude quelconque. N'avez-vous entendu parler que de la discussion, qui représentera la confrontation? On ne peut pas dire que ce qui s'est fait pendant des siècles soit impossible. Pour discréditer les confrontations écrites, on s'est permis de les représenter comme des actes précédemment faits avec une indifférence qui en anéantissait toute l'utilité. On a supposé que le témoin se contentait de répondre: Je persiste, et qu'une pareille réponse laissait subsister la déposition dans toute sa force. Mais il y a ici équivoque et erreur de fait. Quand l'accusé se contente de nier, sans discuter la déposition, il est évident que le témoin n'a rien autre chose à répondre, sinon : Je persiste. Mais il serait absurde de supposer que les juges aient jamais dû accorder une autorité à une déposition, qui aurait été contredite par des observations sérieuses, lorsque le témoin se serait contenté de répondre sèchement : Je persiste. Voila l'équivoque. L'erreur de fait consiste à avoir paru supposer que c'était là à quoi se réduisaient presque toutes les confrontations écrites. Ouvrez les archives criminelles ; vous y verrez des confrontations qui présentent des discussions très vives, très animées, qui ont duré six ou sept heures, qui ont convaincu le témoin de faux témoignage, ou confondu l'accusé qui se défendait avec audace ; elles ont été écrites. Donc la chose n'est pas impossible. Pour juger de cette prétendue impossibilité, il ne s'agit que d'approfondir comment le comité entend procéder à ce genre de discussion. Entend-il que tous les acteurs soient présents à la scène? que tous parlent, s'interrompent, s'interpellent sans ordre, sans méthode? — Il sera certainement impossible de décrire une pareille discussion ; ce sera une cohue qui ressemblera à une querelle des halles. Si c'est de cette manière que vous entendez faire votre instruction orale, je conviens qu'il est impossible de l'écrire; mais je vous réponds qu'il sera impossible de juger, et qu'il n'est pas un homme d'une conscience exacte et scrupuleuse qui puisse se permettre de prononcer sur la vie et l'honneur d'un citoyen, d'après une instruction aussi monstrueuse. Mais je rends plus de justice au comité. Son article 5 du titre VII suppose que chaque témoin dépose tranquillement, et que l'accusé, ou ses conseils, lui font ensuite leurs observations et interpellations. — Alors tout devient possible et aussi praticable que par le passé. Il est vrai que l'article 7 semble supposer que tous les témoins, tous les acteurs sont ensemble et perpétuellement sur la scène ; — mais c'est une chose non encore décrétée, qui présente les plus grands inconvénients, et sur laquelle je reviendrai. En deux mots, l'écriture de la di cussion ne sera pas plus impossible pour l'avenir, qu'elle ne l'était par le passé ; elle ne Je sera pas plu3 en présence de douze jurés, qu'elle ne l'a été depuis votre règlement provisoire en présence du public et de deux adjoints. Cela ne deviendra impossible, qu'autant que l'on introduirait une forme qui dégénérerait en cohue; — mais alors c'est un jugement sain et éclairé que nous rendez impossible. Répondrai-je sérieusement à ces objections que j'ai entendu faire. « Il est impossible, dil-on, « d'admettre l'écriture avec les jurés, parce que « cela rendrait plus longue l'instruction. Il fuu-« drait payer les jurés ; ils ne se détermineraient « pas facilement à se déplacer pour longtemps « d'un coin du département à l'autre. » Voici mes réponses : Vous craignez les longueurs, moi je crains encore plus la précipitation. Vous vous méfiez mal à propos d'une nation qui s'est régénérée en un instant avec tant d'énergie, lorsque vous paraissez douter du civisme de ceux que vous honorerez de la fonction de juré. Faites tout ce que vous voudrez, écrivez, n'écrivez pas, vous n'empêcherez jamais qu'il n'existe un assez grand nombre d'affaires qu'il sera impossible de juger avec la rapidité qu'une fausse théorie vous fait concevoir. Considérez qu'une partie des difficultés qui
vous alarment naissent de la trop grande complication de votre plan. Pourquoi, par exemple, un seul tribunal pour un département ? N'est-il pas évident que la fonction des jurés serait moins onéreuse, si les déplacements étaient moins éloignés-? Mais la dépense ! j'ignore si vous ferez payer les jurés comme en Angleterre, si cette dépense sera à la charge de l'accusé, ou de l'accusateur privé qui succombera, à titre de dommages et intérêts, et si par cet expédient on pourra soulager le Trésor public. Mais je dis qu'un calcul mesquin, lorsqu'il s'agit d'un établissement aussi important pour toute la société, supposerait des vues bien courtes à des législateurs u'une grande nation." Avançons, et continuons de suivre, pas à pas, les motifs sur lesquels le rapport appuie son système. Il finit par supposer l'écriture possible (et il faut bien qu'il convienne que ce qui s'est fait, depuis des siècles, chez presque tous les peuples, est possible). Le comité suppose donc l'écriture possible ; mais, selon lui, cette forme est dangereuse; elle est destructive deV institution du juré. C'est ici que le rédacteur a rassemblé toutes ses forces et réuni toutes les ressources de son génie; c'est ici qu'il se croit inexpugnable. J'ai pourtant la hardiesse de penser qu'il est très facile de renverser ce dernier rempart. D'abord, séparons les deux idées que réunit l'objection, quoiqu'elles n'aient absolument rien •de commun. L'écriture est, dites-vous, une forme dangereuse. Pourquoi donc? « Parce que, dites-vous, « un second témoin peut combiner et composer « sa déposition sur ce qu'il entend dire au pre-« mier ; et parce que, par là, on donne trop « d'avantage aux faux témoins; ou même on « facilite la prévention d'un témoin honnête, « mais susceptible de s'affeeter. » Eh quoi 1 pour répondre à vos objections, n'aurai-je donc jamais rien autre chose à faire que de vous prouver que vous vous placez toujours à côté de la difficulté? Vous avez à prouver que l'écriture est dangereuse; et vous lui attribuez un inconvénient qui ne résulte pas de l'écriture, mais d'un autre vice de votre méthode et d'un vice qui est de votre création. Oui, sans doute, l'inconvénient que vous relevez existera, si vous placez tous les acteurs de l'instruction ensemble sur la scène, si vous y rassemblez tous les témoins, pour les faire déposer et examiner en présence les una des autres. Mais pourquoi faites-vous ce rassemblement, qui, non seulement n'est pas nécessaire, mais est encore évidemment très dangereux et contraire à l'essence de la preuve testimoniale ? Un témoin ne doit dire que ce qu'il sait. Il n'a donc pas besoin de savoir ce qu'a dit un autre avant fui. Ce n'est point l'écriture qui tend un piège au témoin susceptible de prévention, et un secours au faux témoignage ; c'est la présence que vous supposez de tous les témoins aux dépositions les uns des autres. Avez-vous donc oublié le péril qu'a couru la chaste Suzanne ? Ignorez-vous qu'elle allait périr victime de la calomnie de deux scélérats vieillis dans le crime, si le jeune prophète, inspiré par l'esprit divin, n'avait pas séparé devant le peuple ces calomniateurs, et ne les avait pas convaincus de faux par la diversité même de leur témoignage sur un seul et même fait, dont ils se prétendaient conjointement témoins ? Ne rassemblez donc pas vos témoins, ne les rendez pas présents à leurs dépositions respectives, et vous n'attribuerez pas à l'écriture un danger qui n'existe que dans la fausseté de la méthode que vous adoptez pour la déposition des témoins. Mais la déposition écrite est essentiellement destructive de l'institution des jurés ; elle anéantit tous les avantages que cette institution présente, et qui doivent donner au jugement une probabilité de perfection que n'avait pas la forme ancienne. Voilà une prétention bien affirmative ; voyons si elle a autant de solidité qu'elle est proposée avec confiance. Je cherche la preuve de cette assertion, et quand j'ai analysé tous les mots qui ont été accumulés, je la trouve réduite à cette seule observation : « Il est un genre de conviction morale, effet j « du sentiment, plus facile à éprouver qu'à défi-« nir, laquelle est infiniment supérieure à celle | « qui ne résulte que de l'opération de l'esprit. Ce « genre de conviction n'existe que dans la déposition et la discussion orales; elle disparaît « dans l'examen d'une preuve uniquement « écrite. » Je suis loin de nier que la déposition et la discussion orales n'aient quelques-uns des avantages que vous y apercevez. Je pourrais cependant vous observer à mon tour qu'elles peuvent présenter bien des inconvénients qui en contre-balanceraient les avantages;. L'expérience nous apprend que les scélérats les plus consommés sont les plus audacieux ; que la vertu et l'innocence sont souvent timides, et que leur fermeté est modeste et tranquille. Quel avantage dans cette discussion orale, rapide, entrecoupée, que vous voulez admettre, ne donnerez-vous pas à ces scélérats effrontés, sur des citoyens honnêtes qui, au moment même où leur conscience leur commande de charger un coupable, ne peuvent se défendre de l'effroi que leur inspire la conséquence de leur déposition, et désireraient s'être trompés au moment où ils sont assurés d'avoir vu. Placez ensuite l'innocence modeste et timide vis-à-vis des assauts violents et emportés de deux scélérats vendus à un calomniateur. Voyez avec quelle effronterie ces témoins affirment* interrompent les réponses de l'accusé, l'assaillent et s'efforcent de le troubler. Dites-moi maintenant s'il ne faut pas la plus grande connaissance des hommes, la plus grande habitude de ce genre de jugement tout nouveau* pour ne pas se laisser entraîner par les mouvements de cette conviction morale que vous attachez plus au sentiment et à l'instinct, qu'à la réflexion et aux combinaisons du raisonnement? Ne croyez pas cependant qu'en vous traçant ce tableau j'aie pour objet de vous enlever ce& avantages dont vous êtes si jaloux. Je vous les conserve, moi ; mais j'y ajoute un secours qui, en peut modérer les inconvénients. Et ici vous allez voir à combien peu de chose tient votre système, et à quel point de simplicité se réduit toute la question. Le juge, avec moi comme avec vous, a reçu toute l'impression de la conviction morale qui résulte delà déposition et de la discussion orales*: avec moi, il trouve de plus un, moyen de corriger les dangers de cette première impression, dans la faculté qu'il a de consulter la preuve.
écrite, lorsqu'il croit avoir besoin d'y recourir, lorsqu'il craint qu'une discussion trop animée ne lui ait fait échapper un fait et une circonstance précieuse, lorsqu'il a un grand nombre de circonstances à combiner et à diviser entre plusieurs accusés, pour appliquer à chacun d'eux ce qui lui appartient. Comment n'avez-vous pas aperçu, en proposant votre objection, que vous appliquiez à une forme nouvelle des inconvénients qui n'appartiennent qu'à une forme ancienne que nous ne défendons point ? Sans doute, la déposition écrite et séparée du témoin que le juge n'a point vu, sans doute la discussion écrite et séparée de l'action à laquelle le juge n'a pas été présent, ne présentent point au juge les détails moraux qui peuvent concourir à la conviction du sentiment et du cœur. Mais ces mêmes détails moraux se représentent nécessairement à la mémoire et à l'âme du juge qui en a été témoin, lorsque les résultats écrits lui sont encore remis et qu'il peut les consulter, s'il croit en avoir besoin. Le fait écrit lui rappellera bien plus facilement les détails moraux de la discussion, que les détails moraux ne lui rappelleront les détails positifs, dont sa mémoire se trouvera surchargée, si les circonstances sont un peu compliquées. En un mot, avec l'écriture je réunis deux avantages; sans elle vous n'eu avez qu'un, et toute la question entre vous et moi se réduit à décider si un vaut mieux que deux. Vainement essayez-vous de détruire ces avantages évidents de la réunion des deux moyens, en supposant à vos jurés des vices que vous ne devez pas leur supposer, et en calomniant votre propre institution. « Les jurés seront moins attentifs, dites-vous, « à la déposition et à la discussion orales, quand « ils compteront sur l'écriture ; retirés dans leurs « chambres, ils ne s'occuperont qu'à lire. » A une pareille objection je n'ai qu'une chose à répondre. Si c'est là l'idée que vous vous formez de vos jurés ; si ce sont là les hommes auxquels vous comptez confier la vie et l'honneur de vos concitoyens, hâtez-vous de révoquer le décret qui les appelle. De pareils hommes ne me tranquilliseront pas davantage, quand vous ne leur aurez donné qu'un moyen encore plus difficile de me juger. Je crains, Messieurs, de fatiguer votre attention... Plusieurs voix ; Non! non! (Applaudissements.)
.. mais je ne peux me refuser encore à une observation sur une dernière objection du comité. Si vous admettez l'écriture, vous allez, vous a-t-on dit, faire revivre le système des preuves légales; l'écriture astreindra les jurés a juger conformément à l'écriture ; on ne peut pas présenter une instruction écrite aux jurés, sans les forcer de juger conformément à ce qui est écrit. Dès lors vous faites revivre l'usage des preuves légales. L'on est parti de là pour faire une véhémente critique de ce prétendu système des preuves légales. Mais il était très inutile de faire une si grande dépense d'érudition, et de calomnier les anciens juges, pour attaquer un monstre qui n'existait pas. Le rapporteur vous a dit lui-même que la doc- trine des preuves légales n'a plus guère de partisans. On aurait dû dire qu'elle n'en a jamais eu dans la pratique des tribunaux, parce qu'il n'a jamais existé, ni pu exister des preuves légales. Je n'ignore pas que quelques docteurs en us, que l'on ne lisait plus, dont la plupart des juges ignoraient jusques au nom, avaient imaginé de calculer et de décomposer les preuves nécessaires pour absoudre ou pour condamner. Mais ce que je sais, c'est qu'aucun juge éclairé ne se déterminait par ces absurdités. Ce que je sais, c'est qu'il n'a jamais existé de preuves légales qui aient pu lier la conscience du juge. Il aurait fallu pour cela qu'il eût existé une loi qui eût dit au juge : vous condamnerez un accusé nécessairement en tel cas. Il n'a jamais existé de loi pareille. Aucune loi ne prescrivait aux juges une règle fixe, et n'avait établi en principe une mesure de preuve légale. La loi, sage, avait senti que le juge ne devait avoir d'autre règle que sa conscience et la rectitude de son jugement. Ge n'était point la loi, mais la raison, la raison écrite par la main divine dans le Deutéronome, qui avait établi sur deux maximes qu'un seul témoin ne suffit pas, et qu'il fallait trois ou au moins deux témoins pour condamner un accusé. Mais aucune loi n'avait prescrit de condamner nécessairement sur deux témoignages. Aucun jurisconsulte n'avait été assez absurde pour établir une pareille maxime; aucun juge, assez injuste pour se la faire. Le juge savait que la loi remettait tout à sa conscience; qu'il devait peser le degré de confiance qu'il pouvait accorder aux témoins, encore qu'ils ne fussent pas reprochés; que c'était dans le contexte de leurs dépositions, qu'il fallait principalement chercher le degré de foi qu'on devait leur accorder. C'est calomnier la justice, d'annoncer qu'un juge était obligé de condamner sur deux dépositions uniformes : il avait le droit, il était de son devoir de considérer la foi que pouvaient mériter deux et même quatre témoins uniformes, soit quant à leur personne, soit quant aux détails de leurs dépositions. Voilà quelles étaient les règles uniques des juges humains et éclairés, et non le système puéril de preuve légale, qui n'a jamais existé que dans la poussière des écoles, et qu'au moins l'on avoue n'avoir plus de partisans. Quoi qu'il en soit, de l'aveu même du comité, il est mort ce système dangereux ; ne ressuscitons point les morts pour nous inspirer de vaines frayeurs. Je vais, moi, vous offrir deux garanties sûres contre le retour du prétendu système des preuves légales. Pour première garantie, je vous promets que vos jurés n'iront point tirer ces vieux docteurs en us de la poussière qui les couvre, et s'instruire à leur école. Ma seconde garantie, je la puise dans le projet même du décret du comité. J'y trouve un titre des contumaces. On a bien senti qu'ici il était indispensable d'écrire, puisqu'on admettait avec grande raison le contumace à se représenter en tout temps. On a senti, eo outre, qu'au moyen de cette faveur, la représentation du contumace pourrait se faire à une époque à laquelle il serait impossible de retrouver les témoins. Votre comité a donc dit que les dépositions écrites dss témoins décédés seraient produites pour y avoir tel égard que de raison par les jurés.
Voilà le mot : prononcez-le pour les dépositions qui seront écrites dans tous les cas, et vous aurez proscrit, par ce seul mot, le retour de ce prétendu système des preuves légales. Vous n'aurez rien fait de nouveau, en prononçant ce mot : jamais législateur n'a été assez absurde pour imaginer qu'il put prescrire à des juges des règles infaillibles, et généralement applicables pour prononcer sur des faits et d'après les dépositions des témoins. Tous se sont imposé un silence religieux à cet égard pour abandonner le tout à la conscience du juge. Vous n'aurez donc rien fait de nouveau ni de nécessaire, en disant à vos jurés : Je vous remets une instruction écrite pour soulager votre mémoire, vous affermir dans votre opinion, pour y avoir tel égard que de raison ; je vous ai procuré le double avantage de l'instruction orale et de l'instruction écrite. Je livre tout à votre conscience, ne suivez que la loi qu'elle vous dictera. Dites-leur ce mot inutile, si vous le voulez ; et vous aurez .tranquillisé vos inquiétudes, et vous aurez jugé la question. Je rentre, en me résumant, dans le véritable point de la question. C'est la plus importante de toutes celles que présente la réformation de la procédure criminelle. Du parti que vous prendrez dépend le succès ou la ruine de cette nouvelle institution, et le sort de la Constitution. La méthode de ne point écrire les dépositions et la discussion n'est point la meilleure, par cela seul qu'elle renferme ces trois inconvénients : 1° Une presque impossibilité de prouver le faux témoignage, et d'en obtenir la réparation, surtout dans le eus où cette preuve ne s'acquiert qu'après le jugement; 2° Impossibilité d'admetire en faveur de l'innocence ce secours si précieux de la revision, lorsqu'il a été condamné sur une erreur de fait, qu'il n'était pas possible de découvrir lors du jugement; 3° Impossibilité d'accorder à la famille de l'innocent, qui a péri par une suite de cette même erreur, la triste consolation de purger sa mémoire. La méthode que je combats n'eût-elle que ces inconvénients, c'en serait assez pour prononcer qu'elle n'est pas la meilleure, et que celle de l'écriture est même nécessaire et indispensable. Ce n'est point un véritable inconvénient de regarder le témoin comme lié, lorsqu'il aura déposé tranquillement, avec gravité, à la lace du public et des jurés, et qu'il aura persisté dans sa déposition relue gravement et tranquillement. Il y aurait un bien plus grand inconvénient à laisser au faux témoin la liberté de se rétracter impunément, et d'echapper à la preuve de son crime. Il est absurde de dire que ce qui se pratique depuis des siècles est une chose impossible ; et il serait encore plus absurde d'établir entre l'accusé, les témoins et l'accusateur, un genre de combat qui dégénérerait en un spectacle scandaleux de disputes sans forme ni mesure, et qui rendrait impossible un jugement éclairé. Un jugement sur une instruction orale ne serait pas une chose impossible, lorsqu'il ne s'agirait que de juger un fait simple sur les dépositions d'un peùfnombre de témoins. Mais un jugement sur une instruction purement orale est une chose impossible dans les cas compliqués, lorsqu'il y a plusieurs complices, et un certain nombre de témoins. L'écriture, lorsque tout se passe en présence des jurés, ne détruit pas les avantages de la conviction morale ; elle en rectifie et modère les inconvénients, et toute la question se réduit dès lors à ce seul point : vaut-il mieux réunir deux avantages que de se réduire à un ? L'option n'est pas difficile. Je n'hésite point dans mon choix, et je propose en conséquence le décret suivant : « L'instruction de la procédure des jurés se fera publiquement en présence des juges et des jurés; elle sera écrite, et l'instruction écrite sera remise avec les autres pièces, pour y avoir tel égard que de raison. » Un membre demande l'impression du discours de M. Tronchet et du projet d'article dont il a donné lecture. (Cette motion est adoptée.) Un membre demande que la discussion soit fermée.
Je vais mettre aux voix la motion de fermer la discussion.
L'Assemblée a décrété l'impression du discours de M. Tronchet. Puisqu'il a fait tant de sensation sur l'Assemblée^il faut attendre pour juger qu'on ait eu le temps de le connaître. J'ai fait plusieurs tentatives pour inviter M. Tronchet à se rendre au comité, afin de nous faire part de ses lumières : il s'y est toujours refusé. Je demande qu'il soit au moins accordé au comité une soirée pour examiner et combattre son plan.
Je demande l'ajournement de la discussion à lundi.
Je regretterais moi-même que vous adoptassiez mon plan sans l'avoir mûrement examiné, et que ceux qui connaissent la question l'eussent attaqué. Je sollicite donc de votre justice un ajournement. (L'Assemblée ordonne l'ajournement à lundi prochain.) Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre écrite à M. le Président par M. Amelot, directeur de la caisse de l'extraordinaire, pour le prier de mettre sous les yeux de l'Assemblée l'état de caisse au 31 décembre dernier, annexé à cette lettre, lequel sera distribué à chacun des membres de l'Assemblée, après que l'impression en sera achevée. Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Bailly, maire de Paris, pour informer l'Assemblée que la municipalité a fait la veille trois adjudications de biens nationaux, et que depuis le 1er octobre jusqu'au 31 décembre dernier, ladite municipalité a adjugé 136 immeubles, qui ont été estimés 3,255,753 I. 19 s. 4den., et qui ont été adjugés à la somme de 5,856,2261.
annonce que des domaines nationaux aliénés à la municipalité d'Angers pour 196,000 livres ont été vendus par elle 346,000 liv.; et à celle d'Orléans pour 88,000 livres, ont été vendus 155,000 livres. Dans le district de Saumur, un objet affermé 11,600 livres a été vendu 306,000 livres.
,au nom du comité d'aliénation.
Pour vous Taire connaître les dispositions des provinces belgiques, je vais vous lire l'extrait d'une lettre de mon département, en date du 21 décembre : « On a fait aujourd'hui des adjudications de domaines nationaux; le concours est immense : les soumissions sont écrasées par les enchères; il semble que tous les citoyens veulent prouver ainsi leur attachement à la Révolution. (On applaudit.) Les aristocrates rédoublent d'ardeur; ils répandent des libelles pour prouver le danger d'acneler des domaines nationaux. Pour toute réponse, on s'empresse d'en acquérir. On a vu un cultivateur, un de ces pamphlets à la main, doubler les enchères, en disant : « Il faut que j'essaye qui du clergé ou de la nation a tort. » Plusieurs membres du comité d'aliénation proposent différents décrets portant vente de biens nationaux à différentes municipalités. L'Assemblée les prononce dans les termes suivants : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par plusieurs membres du comité d'aliénation, des différentes soumissions faites par les municipalités ci-après dénommées, déclare leur vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790 et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret :
Département de la Drôme.
Aux municipalités désignées dans l'état, pour la somme de........286,384 1. 4 s. l l d.
A celle de Romans.....43,518 6 »
A celle de Châtillon....36,888 » »
Département du Pas-de-Calais.
A celle de Saint-Hean.. 140,844 12
A celle d'Arras..................5,865,942 16
A celle de Boulogne-sur- Mer..................1,089,498 6
A celle de Ligny-sur-Can- che..................................54,136 8
A celle de Bapaume.... 4,763,999 13
Département du Nord.
A celle de Geneck...... 16,423 2
A celle de Saint-Au ban. 13,230
A celle de Taisniers.... 61,068 5
Département de l'Yonne.
A celle d'Auxerre...... 249,281 »
A la même............ 755,752 9
Département de Loir-et-Cher.
A celle de Mer......... 109,409 3
Département de l'Allier.
A celle de Saint-Marcel.. 1,060 8
A celle de Montmarault. 262,364 »
A celle de Beaune...... 9,010 10
A celle de Vendre...... 66,367 6
Département d'Indre-et-Loire.
A celle de Châteauroux. 620,741 11
A celle de Monlargis.... 632,805 5
A celle de Noizai..............850
A celle de Neuvirot.... 101,083
Département de la Somme.
A celle d'Amiens....... 1,820,174 5 6
A celle de Molliens-Vi-dame............... 34,822 5 8
Département de l'Aisne.
A celle de Quincy-Basse. 8,596 13 4
Département d'Eure-et-Loir.
A celle d'Orléans....... 370,893 19 »
Départements de Saône-et-Loire et du Gard.
A celle de Gluny....... 423,185 » »
A celle de Saint-Martin-des-Champs......... 8,129 11 2
A celle de Dennevy..... 1,146 14 6
A celle de Saint-Dezerts. 7,632 7 »
A celle de Ghamp-For-gueil............... 14,194 11 8
A celle de Saint-Amour. 5,935 2 »
A celle de Dracy-le-Fort. . 22,046 10 i}
A celle de Saint-Loup-de la-Salle............. 98,879 5 6
A celle de Sarges...... 17,217 16 »
A celle de Vitry........ 29,995 » - »
A celle de Saint-S jlpice. 15,296 12 » !
A celle d'Anduze....... 36,372 15 ' »
A celle de Saint-Laurent d'Aigousse........... 393,064 6 8
Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé aux décrets de ventes et états d'estimation respectifs annexés à la minute du présent procès-verbal.
,après avoir annoncé l'ordre du jour pour demain, lève la séance à quatre heures.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de la veille, qui est adopté.
Il est fait lecture des adresses suivantes :
Adresse des électeurs du district de Grasse, pour la nomination des juges, qui présentent à l'Assemblée nationale un nouvel hommage d'admiration et de dévouement.
Adresse des ofliciers municipaux de la ville de Pamiers, contenant le procès-verbal de l'installation des juges formant le tribunal du district deMirepoix; il constate que l'union la plusintime règne entre les municipalités, les gardes nationales et tous les habitants de ce district, et que tous sont prêts à verser leur sang pour la cause de la liberté.
Adresse des officiers municipaux de Never?, qui envoient le procès-verbal du serment civique prêté devant eux par M. Bourgoing, ministre plénipotentiaire du roi, auprès des princes et Etats du cercle de Basse-Saxe.
Adresse de la Société des amis de là Constitulion, qui fait à l'Assemblée des observations respectueuses sur le projet de décret qui veut que les officiers de la garde nationale soient élus en partie par le peuple, et en partie par les administrateurs. Elle pense qu'ils ne devraient être élus que par le peuple.
Adresse des curés du canton de Saint-Menoux, au déparlement de l'Allier, contenant l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale, surtout à ceux concernant la constitution du clergé ; ils pensent que bien loin d'attaquer la religion, ces décrets ne serviront qu'à lui faire reprendre l'éclat et la splendeur dont elle brillait sous les successeurs immédiats de son divin fondateur.
Serment civique prêté entre les mains de l'Assemblée par demoiselles Marie-Louise-Thérèse et Marie-Jeanne-Bernardine de Radigues de Ghene-vière, Françaises d'origine, et domiciliées à Liège.
Lettre du procureur général syndic du département de la Haute-Vienne, qui fait hommage à l'Assemblée d'une adresse des administrateurs de ce département à leurs commettants, dans laquelle ils leur démontrent les avantages de la nouvelle Constitution.
Adresse de M. Gasteran, commissaire du roi près le tribunal du district de Tar.bes, qui s'empresse de présenter à l'Assemblée nationale le tribut de son admiration et de son dévouement.
Adresse des administrateurs du district de Re-thel, et des officiers municipaux de Dieppe, qui supplient l'Assemblée nationale d'agréer le nouvel hommage d'admiration, de reconnaissance et de dévouement qu'ils lui offrent dans ce renouvellement d'année ; ils forment les vœux les plus ardents pour la prospérité de tous ses travaux.
Adresse de la garde nationale de Châiellerault, contenant adhésion à celle de la garde nationale d'Auxerre, et leur pétition pour que les chefs de la garde nationale soient élus par le peuple.
Un de MM. les secrétaires fait lecture de la lettre suivante, adressée à M. le président de l'Assemblée par plusieurs curés du canton de Saint-Menoux (Allier) :
« Monsieur le Président, nous avons lu avec surprise, dans plusieurs feuilles, les réclamations d'une partie du clergé contre les décrets de l'Assemblée nationale : nous les avons comparés avec le dogme ; et nous trouvons que non seulement ils ne l'attaquent pas, mais, qu'au contraire, ils dissipent les nuages obscurs sous lesquels la crédulité des peuples, la cupidité des ministres, la superstition et les abus, qui en sont la suite né-
cessaire, tenaient enveloppée notre sainte religion.
« Nous nous faisons une joie pure de lui voir reprendre l'éclat et la splendeur dont elle brillait sous les successeurs immédiats de son .divin fondateur; et pour vous en donner une preuve complète, nous jurons dans cette présente, que nous vous prions de faire insérer dans votre procès-verbal, une adhésion entière aux décrets de l'Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi ; et nous nous soumettons à en faire le serment public et solennel, lorque les décrets qui l'ordonnent nous seront parvenus parla voie de notre district.
« Nous savons que, dans un diocèse voisin du nôtre, nos confrères ont reçu des lettres circulaires, dans lesquelles sont contenus des décrets du concile de Trente, qui prononcent anathème contre ceux qui s'approprieraient, par quelque voie que ce soit, des biens ecclésiastiques; nous en avons vu un exemplaire : l'application en est on ne peut plus fausse, et nous sommes persuadés que si les pères du concile de Trente eussent prévu la possibilité de l'Assemblée nationale dans leur sagesse, et ils en eussent décrété les opérations.
« Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs :
« Les citoyens-curés du canton de Saint-Menoux, au département de VAllier.
Signé: Roux, curédeMontilly ; Thibault, vicaire de Montilly; Favier, curé de Saint-Menoux; Martinant, curé d'Agouges; Gommonet, curé d'Autry; Galien, curé de Marigny.
« Saint-Menoux, ce 18 décembre 1790. »
(L'Assemblée ordonne l'impression de cette adresse et son insertion dans le procès-verbal.)
Je Viens de recevoir de M. l'abbéBareau, prêtre de la section de Bondy, la lettre suivante. « Monsieur le "Président, je ne suis ni fonctionnaire public, ni même pensionné, mais ecclésiastique citoyen ; je dois donc payer ma dette et faire un acquit de ma conscience ; car j'ai la mienne qui me tourmente, et me dicte impérieusement delà satisfaire en prêtant mon serment : je ne peux plus résister au besoin de mon cœur, surtout depuis que j'ai plus profondément médité l'Evangile, où son divin auteur me commande partout l'union et la concorde, et n'aspire qu'à former un peuple de frères; et si la religion ne me prescrivait pas la soumission aux lois, elle ne serait que l'ouvrage des hommes. « Je jure donc que je serai fidèle à la nation, à la loi et au roi, que j'adhère à tous les décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le roi, notamment à celui sur l'organisation civile du clergé. « J'ai l'honneur d'être avec un profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé : Bareau, prêtre, rue des Marais, section de Bondy. » (L'Assemblée ordonne l'impression de cette lettre et son insertion dans le procès-verbal.)
J'ai également reçu de Mm0 Levasseur, veuve de Jean-Jacques Rousseau, une lettre dont je vais donner lecture à l'Assemblée :
« Monsieur le Président, oserais-je vous prier de vouloir bien faire agréer à l'Assemblée nationale l'hommage de ma vive et respectueuse reconnaissance? Mon âge, mes infirmités, et surtout l'embarras de paraître devant une assemblée aussi imposante, toutes ces raisons m'empêchent d'aller moi-même faire mes remerciements aux augustes réprésenlants de la nation. Je consignerai dans cette lettre, Monsieur le Président, les sentiments dont mon cœur est pénétré dans cette occasion. « J'ai assez vécu, Messieurs, pour voir la mémoire démon époux vengée et honorée par la nation française. Victime moi-même de la calomnie, elle n'a cessé de me poursuivre, par la seule raison que mon sort avait été lié avec celui de Rousseau. Le décret que vous avez rendu, et la sanction que Sa Majesté lui a accordée, imposent aujourd'hui silence à nos ennemis. Je vois le peuple français, que mon mari aimait, heureux et triomphant de la révolution qui s'est opérée, sous mes yeux, dans son gouvernement. Quels vœux me reste-t-il à former? Celui, Messieurs, d'être encore quelques instants le témoin de la prospérité de cet empire, celui de vivre encore quelques années sur cette terre régénérée et libre, pour y jouir de vos bienfaits, sous la protection de vos lois, et pour y bénir, tous les jours de ma vie, la plus généreuse des nations et le plus grand des monarques. Un seul regret m'accompagnera jusqu'au tombeau, celui de penser que mon mari n'est plus, qu'il a terminé sa douloureuse carrière avant d'êire le témoin des honneurs que vous lui réserviez, et qu'il n'a pu applaudir aux travaux immortels de ceux qui ont assuré la liberté à la nation française. « Je suis avec le plus profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissante servante. « Signé: Marie-Thérèse Levasseur, veuve de Jean-Jacques Rousseau. a Au Plessis-Belleville, ce 3 janvier 1791. =»
(de Saint-Jean-d1 Angély.) Je demande que cette lettre soit imprimée et insérée dans le procès-verbal. (Cette motion est adoptée.)
Il a été omis, dans la proclamation de la loi décrétée le 4 octobre 1790 et concernant les traitements des religieuses, un article portant : « que les chanoinesses qui se marieront seront déchues de leur traitement. » Cette erreur est d'autant plus importante à rectifier, que les nièces des chanoinesses doivent hériter de leurs pensions dès que celles-ci se marient.
Gela a été décrété et, à cette occasion, je fais observer que les amendements sont d'abord indiqués dans le procès-verbal par MM. les secrétaires qui se contentent ensuite de dire plus bas : cet amendement a été adopté. Dans ces conditious, les amendements, aiDsi présentés dans le procès-verbal, échappent aux commis qui les transcrivent. Je demande, en conséquence, que le secrétaire, rédacteur du procès-verbal, soit tenu de transcrire le décret en entier avec ses amendements. L'Assemblée, consultée, ordonne le rétablissement de l'article en ces termes : « Les chanoinesses, qui se marieront, demeu-ront privées de leur traitement. » L'ordre du jour est un rapport du comité de la marine sur la fixation de Tépoque à laquelle le traitement pour la table des officiers devra subir la réduction décrétée par VAssemblée.
,rapporteur du comité de la marine (1). Messieurs, vous avez renvoyé au comité de la marine une lettre du ministre de ce département, qui expose que les capitaines de vaisseau, qui étaient à la mer à l'époque où vous avez rendu le décret sur la réduction des traitements, à compter du 1er août suivant, n'ont pu en avoir connaissance avant d'être arrivés, et que par conséquent il ne leur a pas été possible de régler leur dépense. 11 espère que l'Assemblée nationale voudra fixer un délai proportionné aux distances, après lequel le nouveau traitement pourra avoir lieu. Pour mettre en état de prononcer avec connaissance de cause, je dois faire connaître que quelques commandants de navire, qui se trouvent depuis longtemps dans les mers de l'Amérique et qui sont arrivés dans la Méditerranée, sont dans le même cas. Si l'Assemblée nationale se détermine à avoir égard à la demande dont il s'agit, elle se portera peut-être à ordonner qu'il sera payé, d'après l'ancien tarif, savoir : six mois aux capitaines au delà du cap de Bonne-Espérance; trois mois aux stationnaires aux Antilles ; enfin un mois et demi à ceux qui sont de retour du Levant, sur le pied de dédommagement. La dépense qui en résultera, et pour laquelle les fonds ont été faits précédemment, formerait un objet de 15 à 16,000 francs. Sur cela, Messieurs, votre comité de marine trouvant justes les représentations de ceux qui étaient employés dans les mers d'Asie, d'Afrique et d'Amérique, à l'époque de votre décret, vous propose de disposer des avances d'après l'ancien tarif. Il vous présente,en conséquence,le projet de décret explicatif que voici : « L'Assemblée nationale, sur l'exposé qui lui a été fait par son comité de marine, décrète que la réduction du traitement pour la table des officiers, fixée au 1er aeût 1790, par son décret du 25 juillet dernier, n'aura lieu, à cette époque, que pour les bâtiments qui étaient alors mouillés dans les rades de France; et quant à ceux qui se trouvaient à la mer, l'Assemblée décrète que la réduction ne sera effectuée, pour les bâtiments stationnés aux Antilles, qu'au 1er octobre 1790 ; au 1er septembre 1790 pour ceux stationnés dans les échelles du Levant; au 1er janvier 1791 pour ceux naviguant dans les mers au delà du cap de Bonne-lispérance ; et à compter du jour de leur mouillage dans les rades de France, pour tous les bâtiments arrivés depuis le 1er août dernier, etavant l'expiration des termes qui viennent d'être assignés. » La proposition du ministre a été réduite; car nous avons calculé très strictement le temps qui était nécessaire pour quevos lois parvinssent aux différentes stations. Nous avons estimé qu'il fallait six mois pour les mers au delà du cap de Bonne-Espérance, deux mois seulement pour les Antilles au lieu de trois, et un mois seulement pour le Levant. (Le projet de décret est adopté.)
Quelques fautes d'impression se sont glissées dans les noms des
vainqueurs de la Bastille et de leurs veuves, aux articles 1, 2, 3 et 4 de la loi du 19 décembre 1790, sur les récompenses pécuniaires qui leur ont été accordées.
Je demande à l'Assemblée de vouloir bien ordonner la correction de ces
erreurs et de rétablir les noms comme suit : Art. 1er.
« Les blessés au siège de la Bastille, dont les noms suivent, savoir : Etienne Georget, Jean-Pierre-Augustin Bellot, Jean-Frédéric Arnold, et Pierre-Claude Soissons, recevront chacun 400 livres de gratification.
Art. 2.
« Ceux qui ont été estropiés au siège de la Bastille, et dont les noms suivent, savoir : Nicolas Bible, Bernard Delplanque, Thomas Gilie, Michel Ambroise Servais, Charles-Claude Couture, Corne Devis, Jean-Baptiste Gagneux, Nicolas Egeley, Bernard Collet, Joseph Peigné, Henry Villars, Toussaint Grossaire, François Vezière, Michel Bezier, François Turpin, Jacques Berthelot, Antoine Duvigneau, Pierre-Jacques-Nicolas Poirion, Marin Goutard, Eloi-François Pallette, Jean-Bap-tiste Quarteron, Michel-Etienne Gueudin, François-Augustin Lavallée, Pierre-Louis Cabert et Joseph Thevenin, recevront chaque année, pendant leur vie, à compter du 14 juillet 1789, 200 livres de pension.
Art. 3.
« Marie Charpentier, femme Haucerne, qui s'est distinguée au siège de la Bastille, y combattant avec les hommes, y signalant un grand courage, et laquelle a été estropiée en cette occasion, recevra chaque année, pendant sa vie, à compter du 14 juillet 1789, 200 livres.
Art. 4.
« Les veuves dont les maris ont été tués au siège de la Bastille, et desquelles les noms suivent, savoir : la veuve Poirier, la veuve Bertrand, la veuve Blanchard, la veuve Provost, la veuve Boutillon, la veuve Bousseau, la veuve Grivalet, la veuve Béquart, la veuve Benaud, la veuve Sagot, la veuve David, la veuve Essart, la veuve Cocher, la veuve Levasseur, la veuve Goumi, la veuve Desnous, la veuve Foulon, la veuve Courança, recevront chaque année, pendant leur vie, à compter du 14 juillet 1789, 150 livres." »
(Cette rectification est ordonnie.)
L'ordre du jour est un rapport du comité de Vemplacement des tribunaux concernant le lieu des séances de Vadministration du département de la Loire-Inférieure.
,rapporteur du comité de remplacement des tribunaux (1). Messieurs, votre comité de l'emplacement des tribunaux et corps administratifs m'a chargé de vous faire un rapport sur la fixation du lieu des séances du département de la Loire-Inférieure.
Dans les premiers jours du mois de novembre, ce département a représenté
à votre comité que l'hôtel de ville de Nantes ne contenait que les
logements nécessaires aux fonctions municipales; que le palais de
justice ordinaire suffisait à
Il se trouve dans la ville un palais, nommé la Chambre des comptes, construit depuis vingt-cinq ans au plus, dans un lieu écarté où les domaines ont peu de valeur. On ne pourrait tenter d'y faire, sans une perte presque totale, la demeure des infortunés dont la société doit se charger. Il serait triste de voir un tel édifice, qui décore cette belle cité, livré à des mains qui le dénatureraient. Ce palais renferme les archives de la ci-devant province de Bretagne. Il faudrait, dans tous les cas, mettre à l'abri des injures du temps ce dépôt précieux de toutes les propriétés du pays.
Votre comité a pensé qu'il n'y avait aucun inconvénient, et que vos décrets ne s'opposaient pas à ce que le département allât occuper, dans le palais de la Chambre des comptes, les salies et logements qui ne sont pas réellement nécessaires à cette cour, conservée provisoirement, aux conditions de ne retarder en rien la vente de cet édifice national et de payer le loyer convenu. D'après cela, le comité a donné un avis conforme. Cet avis a été envoyé par le département à la Chambre des comptes, avec prière de convenir d'un mode d'arrangement.
Voici, Messieurs, la lettre que cette compagnie a chargé son avocat général d'écrire au département :
« Messieurs, la Chambre me charge de vous annoncer qu'elle ne peut partager l'enceinte du palais qu'elle occupe avec aucunes personnes étrangères à ses fonctions. Elle va écrire en conséquence au ministre de la justice, pour lui en déduire les motifs. »
Après un nouvel examen, votre comité a pensé que l'intérêt de la chose publique appuie la demande du département, et que la Chambre des comptes est sans motifs comme sans intérêt pour y résister. Effectivement, vous avez décrété, dans des vues sages et économiques, que les tribunaux qui seraient placés dans des édifices assez vastes pour contenir les directoires les y recevraient. Tout se ramène donc à une question de fait : le palais de la Chambre des comptes de Nantes offre-t-il ou n'offre-t-il pas un local convenable et suffisant pour recevoir le directoire du département, sans gêner en rien le service provisoirement laissé à ce tribunal ? Or, le département affirme qu'il y a des salles qui ne sont pas occupées, et en assez grand nombre pour loger le directoire, en y joignant l'appartement du buvetier. De ce que la Chambre des comptes ne daigne pas exposer au département, et pas plus à votre comité, ses prétendus motifs, il est juste d'en conclure qu'elle n'a aucunes bonnes raisons à opposer ; et il est difficile de comprendre comment une compaguie, qui n'a qu'une existence éphémère, qu'une existence du jour ou du moment, se permet de prétendre qu'elle ne pourra pas recevoir, dans l'enceinte du bâtiment qu'elle occupe, l'administration du département, qui ne peut se loger ailleurs.
Toutes les convenances se réunissent; et la plus grande, c'est que cet édifice, qui a coûté des sommes immenses, serait perdu à peu près, s'il ne servait de logement aux corps administratifs,
qui ne peuvent se placer ailleurs sans une grande et inutile dépense; bien entendu que le département sera tenu de paver un loyer convenable aux frais des administrés; mais en remplissant cette condition, il paraît à votre comité que rien ne s'oppose à ce que le département s'y établisse. Il est un motif devant lequel tout se tait, c'est que, le directoire n'étant pas logé ou l'étant très mal, ses opérations, qu'il est si intéressant d'ac-céiérer, en sont nécessairement retardées.
Votre comité vous propose, en conséquence, le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de l'emplacement des tribunaux, décrète que le directoire du département de la Loire-Inférieure occupera, dans le palais de la Chambre des comptes de Nantes, les logements qui ne sont pas strictement nécessaires au service dont cette cour reste encore chargée, ainsi que celui du buvetier, sans que le présent décret puisse retarder ni suspendre l'aliénation de cet édifice national, dès qu'il aura été prononcé sur le sort, tant de la Chambre des comptes, que des archives qui y sont déposées, et à la charge d'en payer le loyer à dire d'experts. »
(Ce décret est adopté.)
,au nom du comité d'aliénation, présente un projet de décret portant aliénation de différents biens nationaux au profit de la municipalité de Chàlons (Marne).
Ce décret est adopté comme suit :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite les 1er juin et 15 juillet 1790, par la municipalité de la ville de Châlons, canton et district du même lieu, département de la Marne, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu de Châlons, du 1er juin 1790, lesdits jours 1er juin et 15 juillet, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites de?dits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier;
« Déclare vendre à la municipalité de Châlons les biens mentionnés audit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix, savoir, en vertu de la soumission faite le 1er juin pour 48,414 livres et en exécution de celle du 15 juillet, pour 221,032 1. 7 s. 2 d., payables de la manière déterminée par le même décret. »
Je demande que le comité de l'emplacement des tribunaux veuille bien nous faire incessamment son rapport sur l'emplacement des tribunaux de Paris ; car on ne peut pas établir de tribunaux à Paris, si on ne désigne les emplacements qu'ils doivent occuper.
,au nom du comité de l'emplacement des tribunaux. Je suis prêt à faire ce rapport à i'instaut ; mais le comité de Constitution s'y oppose, parce qu'il prétend que c'est à lui de le faire, et nous sommes d'avis entièrement opposés.
Je demande que ce rapport soit fait demain. L'Assemblée, consultée, décrète ce qui suit : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait du besoin urgent de mettre en activité les tribunaux de la ville de Paris, a ordonné au comité chargé de l'emplacement des tribunaux de lui en faire le rapport dans la séance du lendemain. »
Messieurs, les administrateurs du département de Seine-et-Oise ont apporté, pour être remis à l'Assemblée nationale, un procès-verbal qui constate la distribution, faite dans plusieurs cantons de leur département, d'écrits envoyés par la même voie que les mandements des évêques, pour empêcher la prestation du serment décrété par l'Assemblée. Ces deux documents ont pour titre : l'un, développement du serment exigé des prêtres en fonctions; l'autre, de la conduite des curés dans les circonstances actuelles. Le département de Seine-et-Oise a arrêté que les administrateurs se rendraient près de vous, Messieurs, ce qu'ils n'ont pas fait pour ménager vos moments, afin de vous instruire des menées et pratiques du ci-devant clergé pour induire en erreur les prêtres des campagnes et leur suggérer les moyens de violer leur premier serment, de ne point obéir à la loi. Je vais, si vous voulez, poser les pièces sur le bureau pour qu'elles soient remises au comité des rapports... Plusieurs voix : Au comité des recherches.
.. pour en rendre compte dans le plus prochain délai. (L'Assemblée décrète le renvoi de ces pièces au comité des recherches, qui devra en faire incessamment le rapport.) L'ordre du jour est un rapport du comité de judicature sur la liquidation de divers offices.
,rapporteur du comité de judicature. Messieurs, l'époque est arrivée à laquelle votre comité de jndicature doit vous rendre un premier compte des opérations que vous lui avez confiées. Le pouvoir exécutif est actuellement chargé de la liquidation des offices dont vous avez ordonné le remboursement. Au moment où commencent les fonctions du commissaire du roi à la liquidation, celles de votre comité cesseront en cette partie. Vous avez autorisé les comités de l'Assemblée chargés de diverses liquidations à continuer leurs travaux jusqu'au 1er janvier, afin que l'intervalle qui devait naturellement s'écouler entre l'époque du décret rendu à cet égard et celle où les bureaux nécessaires seraient organisés n'opérât pas de retardement dans cette partie, et ne fût pas un obstacle à ce que ceux qui les premiers avaient déposé leurs pièces reçussent le prix des charges dont la suppression a été décrétée. L'incertitude dans laquelle votre comité a été plongé, et dans le temps où il pouvait s'occuper de la liquidation, la question de savoir s'il devait délivrer ou ne pas délivrer les procès-verbaux de liquidation, ont apporté nécessairement du délai dans ses opérations. Votre décret du mois de décembre dernier a fixé sa marche. La brièveté du temps, le court espace de quinze jours, n'a été qu'un motif de plus pour exciter son zèle : il s'est occupé sans reiâ;he du soin de répondre à votre confiance. L'émission des nouveaux assignats, destinés au remboursement de3 offices, exigeait la plus grande célérité, puisque, d'une
part, le payement fait aux titulaires faisait cesser les intérêts que la nation leur doit ; que, d'une autre part, les assignats délivrés aux créanciers, suivant leur destination, seront employés à l'acquisition des biens nationaux, et rentreront ainsi à une époque plus prochaine au Trésor public ; et qu'enfin les créanciers eux-mêmes recevront plus promptement ce qui leur est dû. Ces considérations puissantes ont redoublé l'ardeur de votre comité de judicature : il me charge de vous présenter aujourd'hui le résultat de son travail. Les offices de plus de cent dix compagnies, tant parlements qu'autres ancieunes cours, Bureaux des finances et autres, se trouvent en ce moment liquidés, sauf l'approb ation de l'Assemblée; mais la rapidité avec laquelle votre comité a opéré n'a pas permis de faire expédier la totalité des procès-verbaux de liquidation. Nous avons suivi, autant que nous l'avons pu, l'ordre dans lequel les compagnies se sont fait enregistrer. Il est cependant possible que, dans le tableau que nous allons vous présenter, il se trouve en eet instant une espèce d'interversion, soit parce que quelques extraits étaient préparés, soit parce que, lors des rapports faits à votre comité, il s'est élevé quelques difficultés relativement aux prétentions de quelques compagnies ou de quelques officiers ; mais ce léger dérangement be subsistera pas dans les effets, et ne doit pas suspendre le mode que nous vous devons, et que les circonstances rendent indispensable. Il faut commencer à procurer le payement de ceux dont la liquidation n'est susceptible d'aucune difficulté. Quant aux officiers sur la liquidation desquels il s'est élevé quelques difficultés, votre comité n'a pu ni dû décider ; il vous en sera très incessamment rendu compte ; et pour qu'il ne soit point apporté de délai préjudiciable à la nation et aux particuliers, nous vous prierons, Messieurs, de nous donner quelques instants dans vos prochaines séances du soir. Quant à la liquidation dont nous vous offrons le tableau, nous n'avons fait qu'appliquer vos décrets. Nos procès-verbaux ronstatent quefnous nous sommes conformés à la marche que vous nous aviez prescrite. Si l'Assemblée Je désire, rje lui donnerai leGture d'un ou plusit urs de ces procès-verbaux dont je me suis saisi; mais la crainte d'abuser de ses moments me fera suspendre cette lecture jusqu'à ce que l'Assemblée ait manifesté son vœu à cet égard. Votre comité a pensé que plusieurs officiers ministériels, comme greffiers, substituts dans les bailliages et sénéchaussées et huissiers audien-ciers sYétant présentés avecdeurs compagnies à la liquidation, on devait d'abord rembourser leurs offices sur les comptes de l'évaluation, sauf à eux à réclamer par ha suite, s'il y a lieu, les indemnités qui pourraient leur être dues en satisfaisant aux formalités prescrites par vos décrets. Je vais vous donner lecture du tableau de liquidation dont nous rapportons les proeès-verbaux : Etat des rapports de liquidation d'offices,, arrêté parle comité de judicature, 4 janvier 1791; bureau des finances de Toulouse, liquidation, j total : 929,7001.9 s. .4 d^ dettes passives et légitimes, 629,000 livres ; mais elles sont couvertes : 1° par 490,000 livres de retenue faite depuis 1771 par ces officiers sur leur évaluation, à raison des dettes alors existantes ; 2° par les dettes actives pour 548,748 livres, en sorte qu'il y a au profit de la nation un excédent de 109,048 livres. Le procureur général des requêtes de l'hôtel de Paris, somme totale : 109,176 livres, point de dettes. Chàtelet d'Orléans, somme totale : 629,830livres. Un membre demande l'impression du tableau.
,rapporteur. Je ne conçois pas, Messieurs, comment on demande l'impression d'un tableau semblable; car l'impression d'un tableau ne doit pas être ordonnée sans utilité. Or, à quoi servira l'impression d'un semblable tableau ? Il faut, si l'Assemblée veut en avoir connaissance, qu'elle prenne lecture du procès-verbal. J'observe que c'est pour la plus grande exactitude, et parce que c'est que nous vous présentons un premier compte que nous sommes flattés de vous le rendre de la manière la plus exacte et de vous mettre, à même de connaître nos opérations.
ordonne au rapporteur de continuer.
,rapporteur. Finalement la somme totale de la présente liquidation est de 13,168,1551. 1 s. 6 d.; et le bénéfice, toutes dettes légitimes défalquées, est de 111,000 livres. Ne sont pas compris dans ladite liquidation : le montant des offices tombés aux parties casuelles et du prix desquels la nation profite, ni le montant des dettes de chacune de ces compagnies, %dont les titulaires n'ont pas encore produit les titres ou dont les titres ne sont point en règle, ni enfin l'indemnité résultant pour les officiers ministériels du décret du 23 décembre dernier. Tous ces objets se liquideront par la suite et par addition au procès^verbal, en satisfaisant par les parties aux formalités, prescrites dans le plan de liquidation ; il en sera rendu compte successivement à l'Assemblée nationale. Messieurs, votre comité a pensé qu'il devait vous présenter un projet de décrét, si vous adoptiez le tableau de remboursement. Gela est d'autant plus urgent qu'il y a maintenant des assignats destinés et mis en réserve pour le payement et le remboursement des offices de judicature; que s'il y a retardement à cet égard, il y aura un retardement égal, pour certains officiers, à l'achat des biens nationaux; que les assignats cesseront de circuler avec la rapidité qu'il est essentiel de leur donner, et qu'enfin les intérêts qui sont à la charge de la nation se prolongeraient beaucoup au delà. Votre comité m'a chargé de vous présenter le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu « son comité de judicature, décrète que sondit « comité est autorisé à arrêter et signer les pro-« cès-verbaux de liquidation dont l'état est ci-« joint, et à faire délivrer, conformément à iceux, « les reconnaissances de liquidation des offices « supprimés, en se conformant aux dispositions « de ses précédents décrets. »
Votre comité a confiance en son ouvrage. Je ne prétends élever aucun doute sur la certitude des opérations et l'exactitude dont il vient de vous rendre compte ; mais vous devez, dans ces mêmes opérations, être conséquents, et vous subordonner aux principes que vous avez posés vous-mêmes. Une liquidation exige nécessairement une responsabilité de la part de ceux qui y travaillent. C'est d'après cette observation que vous avez chargé un commissaire du pouvoir
exécutif de procéder à ces liquidations. Vos comités ne peuvent être responsables : il serait injuste, il serait dangereux de vouloir les rendre ; et cependant votre comité de judicature vous présente en ce moment-ci un tableau de liquidation formant une somme assez considérable. Je suis loin de penser qu'il y ait des réductions à faire sur ce qu'il a fait. Je suis convaincu que toute liquidation d'offices doit être faite de la manière la plus avantageuse au particulier ; mais, encore une fois, une opération telle que celle qui vous est proposée ne peut être définitivement décrétée, qu'autant que vous avez un moyen de responsabilité sur ceux qui la font. Je demande donc que le tableau soit communiqué au commissaire du roi chargé de la liquidation, qu'il soit signé et garanti par lui, et qu'il soit ensuite présenté par le comité.
J'appuie la motion, que je crois conforme aux principes que vous avez décrétés, conforme aux principes de votre comité, qui portent qu'il y aura un bureau de liquidation établi; qu'un commissaire liquidateur sera nommé pour procéder à la liquidation sous l'inspection de votre comité; qu'il fera la liquidation; qu'il la renverra à votre comité; que vous la décréterez en masse ou en détail. Voilà ce que vous avez décrété. Voilà ce dont vous ne pouvez pas vous écarter. Le comité a donc manqué à l'exécution littérale de votre décret.
Messieurs, si M. Le Chapelier veut lire la suite du décret, il y trouvera un article exprès, qui porte que le travail présenté par le comité sera rapporté pour être décrété.
M. Rewbell n'était pas ici quand le comité a fait son rapport. Le comité vous a exposé que le rapport qu'il vous faisait avait été arrêté le 4 janvier : par conséquent ce décret-là n'était pas prêt, ce travail-là n'était point fait. Messieurs, je prie l'Assemblée de remarquer qu'il est très important, très essentiel qu'en matière de finances vous ayez une responsabilité. Je sais bien qu'on peut dire que cela va retarder de quelques jours les opérations; mais remarquez que cela ne peut pas les retarder beaucoup, caries opérations sont faites; et je prie Je comité de me dire s'il veut se charger, lui personnellement, de la responsabilité et des erreurs qui pourraient se trouver dans cet acte? D'abord lefcomité me répondra que non; et quand il dirait oui, je dirais qu'il ne peut pas répondre oui. Nous ne pouvons pas permettre qu'un de nos comités soit responsable. En conséquence, pour la sûreté des opérations, pour la rigueur de l'exécution des décrets, j'appuie la motion de MM. Malouet et Le Chapelier, et je demande qu'elle soit mise aux voix. Plusieurs -membres : Aux voix ! aux voix !
,rapporteur. J'observe à M. Le Chapelier qu'il a perdu totalement de vue le décret rendu à ce sujet {On interrompt); mais c'est que le décret que je propose répond à une partie aes observations de M. Malouet. Messieurs, lorsque vous avez rendu les décrets qui ont donné au comité de judicature la mission dont il est revêtu, je vous prie de vous rappeler que, par un premier décret, le comité avait été chargé de faire la liquidation. Il a été remarqué depuis ce temps-là, avec beaucoup de raison, et même en quelque sorte sur la provocation du comité, qu'il ne con- venait pas qu'il se chargeât, devant l'Assemblée nationale, d'une responsabilité. Alors qu'a-t-il été ordonné? Qu'il serait nommé un commissaire par le roi; qu'il y aurait des bureaux organisés pour que le commissaire du roi pût procéder aux liquidations, et les rapporter au comité de judicature; qu'alors le comité viendrait vous proposer de sanctionner l'opération du commissaire du roi; que si l'on attendait que les bureaux fussent organisés, que le commissaire du roi fût prêt, il s'opérerait un retardement préjudiciable, et pour la nation à cause de la charge d'intérêts, et pour les particuliers; qu'enfin les domaines nationaux éprouveraient un retardement. Eh bien ! par le même décret vous avez autorisé non seulement le comité de judicature, mais le comité des finances, mais le comité de liquidation, mais le comité des pensions, à continuer leurs travaux jusqu'au 1er janvier. M. d'André me fait observer que l'opération que je présente est du 4 janvier. Je prie M, d'André de vouloir bien ne pas prendre la date de notre rapport pour la date de notre travail, car l'état est arrêté le 4 janvier; mais il n'en est pas moins vrai que la liquidation a été faite avant le 1er janvier. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
,rapporteur. Enfin j'observe à l'Assemblée que le commissaire nommé par le roi est venu au comité de judicature. La marche est concertée entre nous. Il ne délivrera les quittances qu'aprè3 avoir vérifié la liquidation. Alors il y aura une responsabilité de sa part.
S'il était vrai qu'il y eût quelque décret de l'Assemblée qui autorisât le comité à nous présenter ce tableau, il n'en faudrait pas moins encore adopter la motion de M. Malouet ; car s'il était vrai qu'un jour, un seul moment, nous eussions oublié le grand, l'unique principe qui puisse assurer l'ordre dans les finances, nous devrions très certainement revenir à ce principe. Il existe un décret qui ne nous permet plus de nous en écarter. Je crois donc qu'il est impossible de refuser d'adopter la proposition de M. Malouet. La motion de M. Malouet est adoptée en ces termes : « L'état de liquidation des offices de judicature sera renvoyé au commissaire du roi pour être par lui arrêté sous sa responsabilité, et présenté ensuite par le comité de judicature à la délibération de l'Assemblée. »
,au nom du comité de Constitution, propose le décret suivant: « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des assemblées administratives des département de l'Oise, des Hautes-Pyrénées, du Gard, d'Eure-et-Loir, du Puy-de-Dôme, de Lot-et-Garonne, de la Somme, de l'Aveyron, du Lot, de la Charente-Inférieure, de Maine-et-Loire, de l'Hérault, du Cantal, des ville et port de Cette, du district et de la commune de Cambrai, décrète ce qui suit: « Les municipalités de Mariguy-le-Petit et de Saint-Germain sont réunies à celle de la ville de Compiègne. « Il sera en conséquence procédé à la formation d'une nouvelle municipalité pour Compiègne, le Petit-Marigny et Saint-Germain, dans la forme prescrite par la loi.
« Les pétitions des habitants desdits lieux de Marigny et de Saint-Germain, sur l'impôt, sont ajournées jusqu'après son organisation. « Les lieux de âilte, Luc, Oueillous et Oléac, département des Hautes-Pyrénées, ne formeront qu'une municipalité, dont Luc est chef-lieu; il sera incessamment procédé à sa formation et à la liquidation des dettes communes à la communauté deHitle, à celle d'Orignac, qui demeureront séparées. « Il sera nommé un juge de paix dans le canton d'Alais, un dans celui de Chartres, outre ceux qui ont été précédemment accordés à ces deux villes. « Le canton de Riom aura trois juges de paix, y compris la ville. Il en sera aussi nommé deux dans la ville d'Agen. « Les ressorts de leurs juridictions seront réglés et limités par les assemblées administratives de leurs départements respectifs. « Il sera établi des tribunaux de commerce dans les villes de Compiègne, Montdidier, Saint-Valei'y-sur-Somme, Souillac, Clermont, Lodève, Saintes, la Rochelle, Saint-Jean-d'Angély, Au-rillac, Saint-Flour, Saumur, Bonifacio et Cambrai. Il sera aussi établi un tribunal de commerce dans la ville de Montpellier, dont le ressort comprendra toute l'étendue de son district, à l'exception du canton de Cette, et selon les limites qui vont être expliquées.. « En exécution du décret du 31 décembre dernier, la ville de Cette aura un tribunal de commerce, dont le ressort sera limité à l'étendue de son canton, fixée depuis et compris la chaussée du pont de la Peyrade, du côté de l'est, jusques et compris les salines de la plage, du côté de l'ouest. « Les juridictions consulaires actuellement existantes dans quelques-unes de ces villes continueront leurs fonctions, nonobstant tous usages contraires, jusqu'à l'installation des juges de commerce, qui seront élus, installés, et qui prêteront serment dans la forme voulue par la loi. « Il sera établi une juridiction de prud'hommes pour la communauté, des patrons-pêcheurs des ville et port de Cette, laquelle communauté, tant des pêcheurs nationaux que des pêcheurs catalans, se gouvernera selon les lois, statuts et règlements qui sont en usage à Marseille, conformément au décret du 8 décembre dernier. « 11 sera incessamment statué, d'après l'avis de l'assemblée administrative du département de l'Hérault, sur la demande de la municipalité de Cette d'une extension de territoire pour la perception des impositions réelles et personnelles daus cette ville. »
On veut que les tribunaux de commerce des villes maritimes remplacent les amirautés ; mais les affaires contentieuses de la mer exigent des connaissances particulières, des hommes exercés dans ce genre de travail. Comment se feront les nominations? L'Assemblée a chargé ses comités de marine et de commerce de lui présenter un règlement à ce.sujet. Je ne m'oppose pas au décret ; mais je demande que l'organisation de ces tribunaux soit suspendue jusqu'au rapport des comités et que l'Assemblée leur ordonne impérativement de se réunir au plus tôt pour lui présenter leurs vues. Je propose, en conséquence, la disposition ad-d itionnelle suivante ; « Les comités de Constitution, de marine et de commerce se réuniront pour présenter incessamment un travail sur l'organisation des tribunaux de commerce établis dans les villes maritimes, sans préjudice néanmoins de l'attribution faite aux tribunaux sur l'ordre judiciaire, et en conséquence il sera sursis à la nomination des membres qui doivent composer ceux dont l'établissement a été décrété dans les villes maritimes. »
,rapporteur. Cet amendement est inutile. Les tribunaux de commerce ont, aux termes des lois sur l'organisation judiciaire, une compétence déterminée, savoir celle du contentieux des amirautés. Quant à la partie de l'administration dont ils sont chargés, le comité de Constitution proposera incessamment les règlements qu'il a réservés ; il est instant que les tribunaux de commerce soient établis dans les villes maritimes, pour y juger le contentieux qui se présente chaque jour. (L'Assemblée adopte le projet de décret du comité de Constitution et la disposition additionnelle proposée par M. Malouet.)
,au nom du comité de Constitution. Vous avez chargé vôtre comité de Constitution d'examiner la pétition formée par la commune de Béziers et tendant à l établissement d'un tribunal de commerce dans celte ville. Vous avez décrété qu'il serait établi un tribunal de commerce à Pézenas, district de Béziers, dans le département de l'Hérault. Cependant un député extraordinaire du district est venu demander un autre tribunal pour la ville de Béziers, voisine de la première, quoique vous ayez établi dans le même district un second tribunal de commerce à Agde, ville maritime dans laquelle ce tribunal était indispensable pour remplacer l'amirauté. Voici donc une contestation qui s'élève entre Pézenas et Béziers. Béziers présente en sa faveur de nombreuses considérations; elle est, dit-elle, la ville la plus peuplée; elle a un évêché, un tribunal de district, une administration ; elle renferme beau-: coup de négociants instruits ; ses communications sont faciles, etc. Pézenas n offre ni tribunal de district, ni évêché : est-ce parce qu'elle n'a rien qu'on voudrait ne lui rien donner ? Ses communications extérieures sont faciles; si elle n'a pas une grande population, elle contient un assez grand nombre de négociants instruits ; elle fait un commerce considérable ; elle a beaucoup de relations avec les étrangers, une masse énorme d'affaires, etc. Un tribunal de commerce lui est donc indispensable. Votre comité, convaincu qu'un trop grand nombre de tribunaux ne sert qu'à faire naître des conflits de juridiction, et à diminuer la considération qui leur est due, a pensé que le tribunal de commerce établi à Pézenas devait y rester, et qu'il suffisait pour les deux villes ; l'avis du département est d'ailleurs contraire à la demande de la ville de Béziers. Votre comité vous propose, en conséquence, le décret suivant : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, sur la pétition de la commune de Béziers, de l'établissement d'un tribunal de commerce dans cette ville, décrète qu'il n'y a lieu à délibérer, et supprime 'alternat du directoire de district de Béziers avec Pézenas. »
insiste sur la pétition de la ville
de Béziers, en observant que l'établissement sollicité n'est pas un obstacle à ce que la ville de Pézenas conserve le tribunal de commerce qui lui a été accordé.
s'oppose à l'établissement d'un tribunal de commerce à Béziers, à raison même de la proximité de la ville de Pézenas. L'Assemblée adopte le décret suivant : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète qu'il sera établi un tribunal de commerce à Béziers. »
,rapporteur du comité des finances. Votre comité des finances a été saisi des pétitions d'un grand nombre de départements au sujet de la perception de la contribution patriotique. Le comité pense que le moyen le plus sûr de rendre cette percepiion certaine et prompte est d'intéresser les préposés aux collectes, en leur accordant une remise sur les versements dans les caisses de district. Les difficultés se multiplient autour d'eux et ils sont obligés à des voyages fréquents et à négliger leurs affaires domestiques. La justice de la nation exige un léger dédommagement pour les services qu'ils rendent à la chose publique, au détriment de leurs intérêts particuliers. Votre comité vous propose, en conséquence, le décret suivant : « L'Assemblée nationale, prenant en considération les dispositions de l'article 2 du décret des 12 et 14 novembre, sur les trésoriers et les receveurs de district, qui ordonne que les receveurs anciens cesseront de suivre le recouvrement de la contribution patriotique au 1er janvier 1791, et seront tenus d'en compter de clerc à maître par devant le directoire du district chef-lieu de la recette ; ayant en même temps égard aux observations d'un grand nombre de départements, sur les indemnités qui sont réclamées par les collecteurs et premiers percepteurs, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« La perception des collecteurs ou premiers percepteurs de la contribution patriotique, qui ont eu la collecte de l'année 1790, ne pourra être continuée pour l'année 1791; en conséquence, les collecteurs ou premiers percepteurs de 1790 seront obligés de faire arrêter, dans les quinze premiers jours de février au plus tard, leurs rôles de la contribution patriotique par les trésoriers de district, en présence du collecteur de 1791, pour y constater contradictoirement les sommes reçues, le versement qui aura été fait par lesdils collecteurs, et le montant de celles à recouvrer, tant celles arriérées sur le premier terme, que celles dues sur les termes de 1791 et 1792, et les nouveaux collecteurs pour l'année 1791 seront chargés d'en poursuivre le recouvrement.
Art. 2.
« Il sera alloué aux collecteurs et premiers percepteurs, à litre d'indemnité de leurs peines et faux frais dans la perception de la contribution patriotique, un denier pour livre sur les sommes effectives qu'ils auront reçues sur cette contribution, et qu'ils auront versées dans les mains des
receveurs auxquels ils sont respectivement obligés de compter de leurs recettes. »
(Ce décret est adopté.)
,rapporteur du comité d'imposition. Messieurs, votre comité d'imposition pense que tous les droits perçus sur les voitures publiques par des particuliers, corps ou communautés, doivent être abolis, comme un reste de féodalité, sauf indemnité. 11 résultera de cette mesure une uniformité dans la marche des mes- * sageries et un avantage pour la création d'un nouveau bail. La nouvelle division du royaume en départements nécessitera, sans doute, une nouvelle direction des voitures publiques, pour obtenir de plus fréquentes communications entre les habitants ; mais le comité ne croit pas devoir proposer encore de changement à cet égard. Le prix des places et les frais de transport seront moins considérables que par le passé et les voyageurs seront voiturés plus sûrement et plus commodément.
,rapporteur, donne lecture d'un projet de décrit qui est mis en discussion. L'article 1er de ce projet de décret est adopté comme suit :
Art. 1er
« Tous les droits de messageries par terre, ceux de voitures d'eau sur les rivières, possédées par des particuliers, communautés d'habitants, ou Etats des ci-devant provinces, à quelque titre que ce soit, seront abolis, à compter du 1er avril prochain. »
Un amendement à l'article 2 est adopté par l'Assemblée et les articles 2 et 3 sont décrétés en ces termes :
Art. 2.
« Les concessionnaires, engagistes et échangistes de semblables droits dépendant du domaine de l'Etat, seront indemnisés des sommes qu'ils justifieront y avoir été payées, ou à raison des biens donnés en échange.
Art. 3.
« A compter du 1er avril prochain, ces exploitations feront partie de la ferme générale des messageries ; toutes les autres de même nature, dépendant du domaine public, et qui ne sont point comprises dans le bail actuel de la ferme générale des messageries, y seront également réunies. »
Un membre demande, sur l'article 4, que la marche des voitures soit fixée à deux lieues par heure.
Cette motion est adoptée et l'article 4 est décrété ainsi qu'il suit :
Art. 4.
« Le service actuel des messageries et diligences faisant vingt-cinq à trente lieues par jour, et deux lieues par heure, sera entretenu sur toutes les routes où il est établi.
« 11 sera déterminé, par les conditions du bail, quelles sont les routes sur lesquelles la nouvelle division du royaume et les intérêts du commerce exigent qu'il en soit établi de nouvelles; et les futurs fermiers des messageries ne pourront, après le 1er octobre 1792, employer que des diligences légères et commodes, dont aucune ne
pourra être chargée de plus de huit quintaux de bagages, y compris celui des voyageurs.
« Les nouvelles voitures seront établies d'abord sur les principales routes. »
demande, sur l'article 5, que les carrosses et fourgons soient tenus de faire quinze à vingt lieues par jour. Un membre demande la question préalable sur * cet amendement. L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer. L'amendement, mis aux voix, est adopté et l'article 5 est décrété comme suit :
Art- 5.
« Pour le transport des voyageurs et des marchandises, il sera également entretenu ou établi, sur les principales routes et sur celles de communication* des carrosses et fourgons, dont la marche sera de quinze à vingt lieues par jour. »
demande, par amendement, la suppression du mot voitures dans l'article 6 ; il s'élève contre la disposition de cet article qui tend à priver le public de l'avantage d'une voiture légère et à continuer de charger le Trésor public d'un fardeau très lourd, celui du rétablissement des chemins, continuellement abîmés par les pesantes voitures des fermiers actuels. Les articles 6 et 7 sont adoptés en ces termes :
Art. 6.
« Les nouveaux fermiers seront tenus de reprendre, à la fin de mars prochain, des fermiers et sous-fermiers actuels des messageries, toutes leurs voitures, chevaux et ustensiles qui se trouveront servir à l'exploitation des messageries; l'estimation en sera faite de gré à gré, ou par experts, et le prix acquitté comptant.
Art. 7.
. « Les maisons, sises à Paris, rue Notre-Dame-des-Victoire3, servant à l'exploitation des messageries, seront comprises, avec leurs dépendances, dans le nouveau bail. Il sera à cet effet rapporté procès-verbal de l'état des lieux, et les nouveaux fermiers seront chargés à l'avenir de toutes les réparations,. »
Un membre demande, par amendement à l'article 8, qu'il soit fait mention des routes qui seront ouvertes dans la suite.
L'amendemeot est adopté et les articles 8 et 9 sont décrétés dans les termes suivants :
Art. 8.
L'état du service en diligences, carrosses et fourgons, que les futurs fermiers seront obligés de faire sur chaque route, sera arrêté par les conditions du bail.
« Les fermiers ne pourront diminuer le nombre des départs et retours qui seront fixés ; mais il leur sera loisible de l'augmenter» si bon leur semble.
« Pendant le courant du bail» les fermiers seront obligés d'établir des voitures sur les nouvelles routes»; lorsquelles seront perfectionnées.
Art. 9.
« Les fermiers ne pourront exiger ni recevoir un prix de places ou de transport supérieur à celui du tarif ci-dessous; mais ils pourront faire telle remise ou composition qu'ils croiront utile,
sans néanmoins diminuer aucun des avantages du service auquel ils sont obligés. »
demande, par amendement à l'article 10, que les lieues, qui sont le terme de la mesure des distances, soient désignées sur toutes les routes par des bornes placées à cet effet.
(Cet amendement est rejeté.)
L'article 10 est décrété comme suit :
Art. 10;
« Les fermiers, sous-fermiers et entrepreneurs qui auront à réclamer des indemnités ou modérations de prix de bail, soit à raison de la non-jouissance du droit de permis et de la résiliation de leurs baux, soit à raison de la continuation du service pendant les trois premiers mois de cette année, remettront leurs pièces et mémoires au bureau de liquidation. »
(La suite de la discussion est renvoyée à demain.)
Messieurs, je dois rendre compte à l'Assemblée que j'ai reçu, hier et ce matin, des lettres de quelques-uns de MM. les curés, qui contiennent des explications. Les uns disent que si on a entendu le serment dans tel sens, ils le prêtent; que si on ne l'a pas entendu dans tel sens, ils ne le prêtent pas. Cela présente un embarras à la rédaction des procès-verbaux sur lesquels leurs noms se trouvent déjà inscrits. Je crois être dans le cas de prendre les ordres de l'Assemhlée sur ces objets. Plusieurs voix : L'ordre du jour !
Je demande que l'Assemblée ne reçoive aucune lettre semblable, ni aucune proposition de cette nature. Du moment que ces ecclésiastiques ont prêté le serment à l'Assemblée, ses fonctions ont cessé à leur égard. Dès ce moment, il n'y a plus lieu contre eux à la disposition du décret ordonnant que»faute de prêter le serment prescrit, il serait nommé à leur place. Si actuellement ils élèvent des doutes sur l'exécution du décret, c'est à eux à se juger et à envoyer leur démission à la municipalité. Si au contraire ils veulent garder leur place sans exécuter les décrets, ils connaissent les dispositions que l'Assemblée a prononcées sur ce cas ; ils savent et ils. ne peuvent ignorer qu'il n'en est aucune-qui ne porte sur le simple temporel. (Onmurmure du côté droit; on applaudit à gauche et dam les tribunes.) Ils ont dû être persuadés de cette vérité avant que des insinuations perfides les eussent aveuglés. (Murmuresà droite; vifs applaudissements à gauche.)
....Prouvez J prouvez l
J'offre de prouver ce que l'opinant avance, pourvu que vous soyez de bonne foi. NoUs acceptons le dêh....
On travaille en ce moment les ecclésiastiques de. Paris.
C'est très vrai qu'on travaille les fonctionnaires ecclésiastiques, mais c'est dans un drôle de sens, monsieur le prétendu évêque !
Je demande la parole;
pour rendre compte d'un fait ; je vais prouver que par des insinuations perfides, par des visites, par des lettres écrites aux curés...
Plusieurs voix à droite : Vous n'avez pas la parole.
Nous ne devons, Messieurs, ni nous écarter de la marche que nous nous sommes prescrite par nos décrets, ni profiter du moment d'erreur dans laquelle on aurait voulu entraîner des hommes dont la conduite précédente a déjà prouvé l'honnêteté. Ainsi la seule marche qu'ils aient à suivre, c'est d'examiner en eux-mêmes les décrets, les lois auxquels ils ont juré l'obéissance; alors ils seront parfaitement convaincus qu'ils ont juré ce qu'ils peuvent et doivent faire. S'il leur restait des incertitudes à cet égard et si leurs intentions avaient changé, ce n'est plus à nous, mais à leurs municipalités qu'ils doivent s'adresser. Ce n'est pas en rétractant un serment prêté, ce qui est absurde, mais en donnant leur démission, parce que c'est la seule marche que puissent prendre ceux qui vraiment auraient changé d'o-, pinion. Cette marche, régulière en soi, leur donnera d'ailleurs le temps de réfléchir et évitera la première impression subite, fâcheuse pour eux et pour la société, qu'auraient pu faire les efforts qu'on a pratiqués sur eux depuis le moment où la loi a été prononcée et auxquels un instant de faiblesse leur a fait céder, mais dont leur conscience et la réflexion les guériraient certainement. Je demande qu'on passe actuellement à l'ordre du jour, avec la résolution de ne plus entendre de lettresni de propositions de la nature de celles dont il est question. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix 1
(L'Assemblée, consultée, adopte la motion de M. Barnave.)
J'ai demandé la parole pour un fait....
Si vous accordez la parole je demande qu'il soit permis de répondre et qu'on ne concentre pas dans cette Assemblée un ordre de choses tel qu'on interrompe l'orateur en demandant, les uns à passer à 1 ordre du jour, les autres à lever la séance. liJ. Barnave a eu la parole; personne n'a pu lui répliquer; cela me paraît injuste.
lève la'séance à trois heures.
, député de Nemours, fit imprimer, sous la date du 6 janvier 1791, et distribuer aux membres de l'Assemblée nationale, un travail sur l'impôt, qui doit trouver place dans les Archives parlementaires. Ce document que nous insérons ci-dessous est intitulé :
De quelques améliorations dans la perception de l'impôt et de l'usage utile qu'on peut fre des employés réformés.
Lorsque, après un long et pénible combat, des généraux citoyens se voient enfin maîtres du champ de bataille, mais entourés de guerriers blessés et de légions affaiblies et rompues, ils doivent considérer ce qui peut encore être à faire pour le service de la patrie, avec les forces qui restent à leur disposition, et comment rallier aux drapeaux de l'Etat ceux dont le sang qui coule a payé la victoire de leurs compagnons.
Telle est à peu près la position où se trouve aujourd'hui l'Assemblée nationale : elle a fondé la Constitution, elle a réformé les finances; elle a consolidé la puissance nationale; elle a renversé tous les obstacles qui pouvaient contrarier ses vues ; elle a fait avec courage le bien public ; il en est résulté quelques maux particuliers qui ne devaient point arrêter sa marche, mais qui doivent lui inspirer de la compassion lorsqu'elle touche au but; il est nécessaire qu'elle les adoucisse autant et aussitôt qu'il est en son pouvoir.
Trente mille hommes, peut-être, employés dans ^ancienne administration, exécuteurs de la loi qui existait alors, et qui remplissaient un devoir civique lorsqu'ils en étaient exécuteurs fidèles, se trouvent privés de leur état et de tout moyen de subsistance, punis sans avoir été coupables. Un grand nombre d'entre eux ont reçu une éducation distinguée; un grand nombre se sont dévoués à la Révolution, dont ils avaient tout à craindre, et ont donné dans la garde nationale des preuves d'un véritable patriotisme!
S'ils demeurent inutiles, îi faudra continuer de les solder, au moins pendant un temps, aux dépens du public ; car on leur doit, comme aux religieux, le pain qu'on leur ôte.
Si, au contraire, on les rend utiles, si l'on en tire un travail qu'il faudrait confier et payer à d'autres mains, on pourra exercer envers eux la justice et l'humanité, sans qu'il en coûte à la nation.
Il faut donc examiner, parmi les institutions qui doivent être faites pour le plus grand bien de la société, celles qui peuvent l'être avec le plus d'économie pour lès contribuables, avec le moins de privations et de souffrances pour les citoyens qui ne pourraient en éprouver, sans réclamer une juste indemnité.
Il ne faut pas créer des travaux inutiles. Insti-tuerdes travaux pour des hommes qu'on voulait gratifier et favoriser, c'était un des délits de l'ancienne administration ; mais il ne faut pas non plus charger de nouveaux travaux des hommes nouveaux qu'on enlèverait à d'autres occupations plus utiles. Il ne faut pas perdre le surcroît dë profit que donnent à la société les citoyens accoutumés à l'exercice de l'agriculture, des métiers ou des arts, et qu'on déroberait à ces importantes sources de richesses pour de stériles emplois. Il ne faut pas prendre le salaire qu'on ne pourrait éviter de continuer, en tout ou en partie, aux anciens agents de l'administratioor que l'on condamnerait à une dangereuse oisiveté.
Deux grandes branches de travail se présentent, auxquelles il faut nécessairement occuper un nombre considérable de citoyens : la perception de l'impôt indirect, le recouvrement de l'impôt' direct.
Il faut d'abord employer à la première tous ceux qui jusqu'à ce jour en ont fait le service. Il faut ensuite voir s'il ne serait pas très utile de
faire servir à l'autre les hommes disponibles qu'on a sous la main, au lieu de détourner d'un travail plus important ceux qui ont ce travail plus important à faire.
Il n'y a point d'inquiétude à prendre sur le sort des employés de l'administration actuelle des domaines, ils seront nécessaires pour la régie du droit d'enregistrement et de celui de timbre, ils n'y sulliront pas, et la branche de revenu à laquelle ils concouraient, ayant reçu par les décrets de l'Assemblée nationale une grande extension, est une de celles qui offrent un asile naturel et juste aux sujets devenus inutiles pour les autres régies.
Quant à ceux-ci, les employés des fermes, de la régie générale et des autres administrations détruites, peuvent être divisés en trois classes :
La première comprend ceux que l'âge et les infirmités mettent hors d'état de remplir des fonctions publiques, et ceux qui, ayant rempli avec distinction des places du premier rang, ne seront pas dans le cas d'être employés à des fonctions purement subalternes et ne pourront, à l'instant même, en trouver d'analogues à leurs talents. 11 faudra nécessairement accorder aux premiers, pour leur vie, aux seconds, jusqu'à leur remplacement, des pensions proportionnées à la durée et à l'éminence de leurs services, comme aussi à leur ancien traitement.
Parmi ceux qui sont susceptibles de travail, et n'ont occupé que des places communes, deux autres classes existent :
Celle des hommes lettrés, et qui ont rempli des emplois qui demandaient de l'instruction ;
Celle des hommes qui ne sont pas lettrés, ou qui n'étaient pas obligés de l'être, et qui n'avaient à s'acquitter que des simples fonctions de gardes et de visiteurs.
Quant à ces derniers, leur place est trouvée. Puisque les préjugés commerciaux et monopolaires dominent encore; puisque les principes de la justice, de la raison, du droit naturel, si bien adoptés sur tous les autres points par l'Assemblée nationale, paraissent encore problématiques lorsqu'il s'agit de l'administration de l'agriculture, des manufactures et du commerce; puisque l'intérêt bien entendu de ces trois grandes sources de la prospérité des nations, appuyé des noms imposants de Quesnay, de Turgot, de Gournay, de Mirabeau le père, de la Rivière, de Condorcet, de Schmidtvt de Léopold, et développé de nouveau dans ces derniers moments avec une logique si vigoureuse par M. Farcot, n'a pas encore persuadé cette arbitraire, inconséquente et despotique reine du monde, qu'on appelle l'opinion; puisque l'on veut opprimer la liberté sur quatre mille huit cents lieues carrées, autour de nos frontières, c'est-à-dire sur la sixième partie du royaume, dans l'espoir insensé de faire mieux réussir les manufactures des cinq autres sixièmes, en gênant leurs spéculations, en rétrécissant le génie de leurs entrepreneurs, en les privant d'instruction, de modèles, de secours, en égarant leur industrie sur les fabriques et les méthodes les moins profitables; puisqu'il est décidé qu'un double cordon d'employés environnera la France d'une double ceinture, il n'y a pas un des commis subalternes des traites intérieures et des gabelles à réformer, il n'y en a pas un qui ne soit utile et nécessaire pour les cordons qu'on veut établir.
Il faut vouloir ce que l'on veut; le pire des dangers sociaux est celui des lois inexécutées. Toute habitude de violation de la loi rompt le
lien social. Que la loi soit donc bonne ou mauvaise, la majesté de la nation réside sur elle; elle doit être obéie, comme Dieu, avec un pouvoir irrésistible. Plus elle est mauvaise, et plus il faut de foi ce physique à son appui. On trouve en ce cas deux avantages dans cette force supérieure à toute évasion, à toute résistance : d'abord le respect provisoire pour la société est mieux maintenu, et ensuite la mauvaise loi devient plus odieuse, et les esprits s'éclairant plus vite, elle dure moins longtemps.
Il faut donc de trois choses l'une :
Ou laisser le commerce étranger et celui de nos provinces frontières aussi libre que le demanderait notre Constitution, et que le sera notre commerce intérieur : cette espérance nous est ravie;
Ou si l'on veut à l'entrée et à la sortie du royaume des droits de traite excusables aux yeux de la philosophie, il faut les rendre si légers, qu'il n'y ait pas d'intérêt à quitter la bonne route et à en prendre une plus pénible pour les éviter ;
Ou enfin, si l'on répugne encore même à ce second parti, il faudra déployer la puissance fiscale dans toute son énergie,renforcer les postes, doubler les lignes, multiplier les patrouilles, serrer les cordons, rendre la barrière efficace.
Alors, je le répète, il n'y aura pas un employé de trop dans les anciens subalternes des traites, des gabelles et de la régie générale; plus ils seront multipliés, plus ils percevront de droits, plus ils gagneront leurs frais, mieux ils rempliront les vues de monopole resserré dans l'intérieur de l'Empire, qu'on a cru devoir substituer à celles d'un commerce étendu sur l'Europe et sur l'univers.
Quant aux employés qui occupaient des places où plus d'instruction était nécessaire, je répète encore qu'avant de leur donner une retrait" gratuite, il faut examiner s'il n'est pas possible de tirer de leur travail un profit plus grand que le salaire qui lui sera dû, et par lequel on pourra remplacer cette retraite oisive que l'humanité et la justice auraient empêché de leur refuser.
D'abord il est évident qu'il faut prendre parmi eux tous les sujets que pourra occuper le droit d'enregistrement dans les départements de Paris, du Nord, du Pas-de-Calais, du Haut-Rhin, du Bas-Rhin, de la Saône, du Doubs, du Jura et de la Corse, où les droits de contrôle n'étaient pas établis,et ceux qu'exigeront dans tout le royaume le droit de timbre et la distribution des licences ou patentes aux débitants qui paraissent entrer dans les résolutions de l'Assemblée nationale. Cette vue pour le replacement des employés est déjà décrétée par l'Assemblée.
Quand je dis qu'il faudra prendre parmi ces sujets tous ceux que pourra employer le droit d'enregistrement dans les départements désigné?, je n'entends certainement pas qu'il en faille composer à neuf l'administration de ce droit dans ces départements; mais j'entends qu'en employant la forme d'incorporation on pourra tirer des départements où les droits de contrôle étaient en vigueur les sujets nécessaires pour former le fonds de la régie dans les départements où le droit d'enregistrement qui en dérive sera établi, et remplir dans tout le royaume les vides par les nouveaux employés principalement tirés de l'ancienne régie des aides : ce qui en placera précisément le même nombre que si l'on eût eu à disposer pour eux de la totalité des nouveaux emplois qui auront lieu. Novices pour novices dans cette carrière, les employés des fermes delà régie générale le seront moins pour la perception
du droit d'enregistrement que ceux qu'on pourrait prendre, et qui n'auraient jamais eu aucun exercice de fonctions publiques.
Et pour le droit de timbre, dont la législation sera entièrement nouvelle, il y a encore apparence que des hommes accoutumés à étudier des ordonnances, pour y chercher la règle de leur conduite, seront de meilleurs employés que ceux qui n'ont pas cette habitude.
Cependant le droit de timbre, la distribution des licences ou patentes, et l'extension donnée au droit d'enregistrement, ne pourront occuper qu'une partie des serviteurs auxquels la nation doit secours ou place.
Il faut chercher à quoi employer utilement ceux qui ne pourront l'être dans ces régies.
Je promène mes regards, et je trouve une institution onéreuse et funeste, par laquelle un service public indispensable a été, jusqu'à ce jour, mal rempli : institution qui coûte en argent, à la nation, un quart de plus qu'il ne serait nécessaire pour salarier presque tous les employés de la classe que nous cherchons à rendre utile, et qui coûte en outre, au peuple, un second impôt en faux frais et en temps perdu, plus considérable que celui qui se paye en argent.
Cette institution est celle de la collecte des impositions directes et des impositions personnelles.
On prend pour cette collecte deux citoyens au moins par communauté; on en prend davantage dans les communautés considérables. Ces citoyens sont obligés de quitter leurs affaires, de perdre leur temps qui est leur véritable moyen de subsistance, pour aller recueillir l'impôt ; ils en sont responsables, soit qu'ils aient pu ou non effectuer la recette; ils peuvent être mis en prison pour la faute ou l'impuissance d'autrui; et lorsqu'ils ont dérangé leur fortune pour avancer les deniers, ils n'ont de ressource qu'une réimposition tardive, pour retirer leurs fonds dans l'année suivante.
Tous les ans, deux familles par communauté sont ou totalement ruinées, ou notablement dérangées dans leurs affaires, par la collecte.
Aussi la place de collecteur est-elle si redoutée, que l'ancien gouvernement créait de petites charges pour masquer un emprunt, l'exemption de la collecte était toujours le premier privilège qu'il offrait aux titulaires.
Il y a, dit-on, quelques communautés riches et modérément imposées, où l'on trouvait des collecteurs volontaires qui se chargeaient, par une adjudication au rabais, de ce service public. Je n'en connais point, et je doute que le fait soit exactement vrai, excepté dans le très petit nombre de communautés où l'impôt se percevait en nature, et pouvait s'affermer comme une autre dîme.
On se flatte de trouver des collecteurs solvables qui, dans tout le royaume, voudront ainsi se rendre adjudicataires des soius de la perception àla moins dite, ou pour le moindre nombre de deniers par livre delà somme imposée. J'en doute encore beaucoup ; je suis certain qu'il est impossible d'établir un collecteur de ce genre par petite municipalité de campagne ; le nombre de deniers pour livre qu'on a coutume de donner au collecteur ne compenserait pas sa peine; il faudrait en hausser le taux, et la perception deviendrait trop chère.
L'adjudication par canton serait possible, parce que la valeur des deniers pour livre, attribuée à la perception dans plusieurs communautés, peut
suffire au salaire de celui qui en sera chargé, et lui procurer même assez de bénéfice pour qu'il s'oblige à des payements réguliers.
Mais celte adjudication, dans le premier moment, ne serait pas aussi profitable qu'elle le deviendra par la suite.
Premièrement, parce qu'elle formera un genre d'entreprise nouveau, dont les embarras ne pourront pas être bien connus, ni par conséquent les bénéfices bien clairement calculés, ce qui établira peu de concurrence pour les adjudications.
Secondement, parce que, dans ce moment qui suit un grand désordre, peu de personnes seront tentées de se charger de la perception.
Un troisième inconvénient serait qu'en faisant l'adjudication on détournerait des travaux de l'agriculture, des fabriques et du commerce, des citoyens qui ne lès ont déjà que trop suspendus, et par les mains et les soins desquels il est très pressant de rendre à ces travaux toute leur ancienne activité supérieure encore; et en détruisant, en ralentissant au moins leur utile travail, on leur attribuerait, sur les frais nécessaires de la recette du revenu public, un profit qui ne dispenserait pas de faire une double dépense pour l'indemnité des employés actuels devenus oisifs.
Il est donc bien plus simple de confier cette recette, par cantons, à ces hommes auxquels on doit une retraite, et de soulager ainsi la nation de ladépensequ'ils lui occasionneraient, en même temps qu'on épargnerait au peuple la corvée de la collecte, et la ruine ou le dérangement de deux ou trois familles par année dans chaque communauté.
On pourra même, en adoptant ce parti, soulager les contribuables des deux cinquièmes des frais actuels ; au lieu que, par l'adjudication, il y aurait à craindre que, dans ce premier moment, ils ne fussent augmentés.
Les remises actuelles des collecteurs sont de six deniers pour livre sur le premier brevet de la taille, et de quatre deniers pour livre sur le surplus : trois deniers pour livre sur le tout suffiront pour des receveurs de canton. Sur une recette de trois cent soixante millions, tant d'imposition foncière que d'imposition mobilière ou personnelle, ils se monteront à quatre millions cinq cent mille livres ; ce qui, pour environ quatre mille cinq cents cantons, portera les honoraires moyens de chaque receveur à cent pistoles, ou, suivant la variété des cantons, depuis six cents livres jusqu'à quatorze cents.
Il y en aura quelques-uns, ceux qui se trouve-rontdans des villes, qui pourront retirer de leur place jusqu'à deux ou trois mille francs. Ce sort pourra même être amélioré par le concours à la perception de quelques-unes des impositions indirectes comme direction des licences, débit du papier timbré, débit principal de la portion de tabac qui pourra être fabriquée, même en état de liberté, pour le compte de la nation.
On pourra.prescrire, et l'on fera suivre à ces hommes accoutumés à des fonctions de comptabilité, des formes qui rendront leur situation toujours claire, tant vis-à-vis du trésorier du district, que vis-à-vis des contribuables. On leur fournira des registres, avec des formules imprimées ou il n'y aura que les blancs à remplir; on les obligera de donner des quittances pareillement imprimées, même pour les plus faibles acomptes.
Quelques-uns de mes collègues ont cru que ce travail serait trop pénible, pour pouvoir être suivi sur plusieurs communautés par un seul homme ; mais l'expérience a prouvé contre eux. L'idée
que je propose n'est point neuve ; elle a été mise en pratique par M. Turgot, dans la généralité de Limoges, d'après la seule et bienfaisante vue d'épargner aux communautés la fatigue, la perte de temps et les dangers de la collecte.
Ce qui s'est fait avec succès dans une province où les paroisses, très étendues et très distantes les unes des autres, sont composées, presque toutes, de hameaux écartés et de maisons dispersées, peut, à plus forte raison, se faire dans les autres départements qui présentent, à cet égard, des localités plus favorables.
Quelques autres de mes collègues ont pensé que le droit d'élire ou de choisir le receveur du canton était intéressant à conserver et à exercer pour les contribuables. A conserver, oui, et à exercer dans le premier moment, non. L'intérêt de payer quatre ou cinq millions de moins que pourraient coûter les retraites indispensables des employés actuels de l'imposition indirecte est beaucoup plus grand.
L'intérêt de nommer les répartiteurs est majeur, sans doute; et ie serais bien loin de vouloir conseiller qu'ils ne fussent pas tous et dans tous les temps du choix des contribuables, car ce sont eux qui détermineront ce que chacun devra payer.
Mais l'intérêt de nommer aussi les receveurs est beaucoup moindre, car le receveur n'est qu'une machine qui ne pourra recevoir un sou de plus ni de moins qu'il n'aura été proposé par les répartiteurs, et fixé par l'autorité des administrateurs qui rendront les rôles exécutoires. Or, dans tous les cas, les répartiteurs et les administrateurs sont et seront élus.
Il n'y a donc point de communauté qui n'aime mieux tenir de la nation en général son receveur de canton, que de payer deux fois les frais de la recette ; comme il arriverait, si l'on nommait pour receveur un homme nouveau, tandis qu'il faudrait faire un tort à peu près égal à un ancien serviteur devenu inutile.
D'ailleurs, l'arrangement que je propose n'est qu'un passage pour arriver, par la suite, à un autre ordre de choses qui sera encore préférable et pour épargner provisoirement, pendant quelques années, plusieurs millions par an à la nation; en même temps qu'elle exercera une humanité indispensable envers un grand nombre d'hommes qui ont souffert de la Révolution.
A mesure que les citoyens qui ont actuellement à demander l'indemnité de la subsistance qu'on leur enlève mourront, les assemblées primaires des cantons pourront nommer leurs successeurs, ou les directoires de district, adjuger ces places à la moins dite, avec l'avantage que la manutention en sera connue, et qu'il pourra s'établir alors une concurrence plus animée pour rechercher cet emploi.
Dans l'intervalle, le service public sera fait avec économie: 1° D'une 6omme égale à celle de toutes les retraites qu'on aurait dues aux employés; 2° avec économie des deux cinquièmes sur les premiers frais actuels de la perception ; 3° enfin, avec l'économie non moins importante de la fatigue et des.pertes de temps, de travail et d'argent, que la collecte coûte aujourd'hui aux communautés et à la nation.
Ou y trouvera un autre avantage que j'ai déjà légèrement indiqué; c'est d'avoir, en chaque canton, un employé de la nation, qui pourra concourir à la perception des impôts indirects, à d'autant meilleur marché, que le fonds de la
subsistance serait assuré par le produit des frais inévitables de la levée de l'imposition directe.
Il pourra néanmoins arriver que, même en profitant des avantages que laissent toutes ces circonstances pour concilier l'humanité, l'économie, le bon emploi du temps et du travail, et la meilleure perception de l'impôt direct et indirect, il reste encore, pendant un temps, quelques commis réformés sans emploi.
Lorsque leur âge ne sera point assez avancé, ou leurs services assez distingués ou assez anciens pour mériter et obtenir une pension, on ne leur en devra point; mais on leur devra un secours passager qui leur assure le loisir de se retourner, et soit d'embrasser un autre état, soit d'attendre qu'ils aient pu obtenir une autre place.
Je proposerai, àcet égard, un arrangement à la fois noble, juste et peu coûteux. C'est de leur accorder une gratification déterminée par la valeur de leurs anciens appointements, et décroissante d'un sixième par année. Ainsi ceux qui jouissent de douze cents francs d'appointements, et qui ne pourraient être replacés au service de l'Etat, ou à celui des particuliers, auraient, en 1791, une gratification de mille livres ; en 1792, une de huit cents; en 1793, une de six cents-, en 1794, une de quatre cents ; en 1795, une de deux cents; et rien en 1796.
A la faveur de cette gratification décroissante, qui ne s'appliquera qu'à ceux auxquels un service public utile n'aura pas pu procurer un meilleur sort, la natiou se sera montrée équitable, humaine et même généreuse, à très peu de frais; car, d'une part, il n'y aura que peu de citoyens dans le cas de prétendre à la gratification ; de l'autre, on épargnera, dès la prochaine année, le sixième de leur ancien traitement; de l'autre enfin, on profitera, chaque année, de la totalité du traitement de ceux qui mourront, ou qui trouveront, ou à qui on pourra procurer un autre emploi ; à cet effet, on s'abstiendra de donner place dans la perception de l'impôt indirect à aucun nouveau sujet, jusqu'à ce qu'on ait pu employer tous ceux qui, ne l'ayant pas été dans le premier instant, seront passagèrement demeurés gratificationnaires.
Ainsi la cessation de la gratification décroissante n'attendra pas l'expiration du terme qu'on lui aura donné, et l'extinction de ceux à qui elle aura été attribuée ; elle sera hâtée par le décè3 des employés effectifs des impositions indirectes, qui seront au moins dix fois plus nombreux que les gratiticationnaires, ou sujets de remplacement. Cette gratification sera donc beaucoup moins coûteuse, et sa diminution progressive beaucoup plus rapide qu'on ne ie croirait au premier coup d'oeil; et le soin que prendra l'Assemblée nationale d'être juste, bienfaisante et de ne iaisser lieu à aucun murmure, ne coûterait presque rien à la nation, quand même elle en prendrait la dépense sur les fonds publics.
Mais si l'on emploie à la perception de l'impôt direct, à celle du droit d'enregistrement et à celle du droit de timbre, tous ceux qui peuvent l'être, comme il ne restera pas plus d'un dixième des employés actuels dans le cas de prétendre à la gratification décroissante, il sera aisé d'y faire face tans aucune dépense pour le Trésor public» paruneretenuesurles appointements des employés qui auront été placés sur-le-châmp ; retenue qui d'abord n'excéderait pas un dixième, et qui diminuerait elle-même d'année en année, tant par la dimiuution progressive de la gratification de
ceux qui resteraient sans place, que par la mort d'une partie d'entre eux, et par le remplacement des autres qui trouveraient d'autres emplois.
Il n'y a pas de doute que les employés qui seront replacés se prêteront avec beaucoup de zèle à cet arrangement, en faveur de leurs confrères déplacés, s'il n'est pas nécessaire, pour y subvenir, d'excéder la mesure que je viens d'indiquer.
Mais si l'on diminuait le nombre des replacements, de manière que les gratifications à donner la première année aux sujets réformés surpassassent le dixième des appointements de ceux qui auront conservé ou obtenu de l'emploi, il serait impossible d'exiger de ceux-ci d'enfaire les frais, et il faudrait se déterminer à les prendre sur Je Trésor public. C'est une des raisons qui doivent porter à employer utilement tous ceux qui pourront l'être, afin de diminuer d'autant lts charges des contribuables.
Pour arriver à placer le plus utilement qu'il sera possible ceux qui pourront l'être, avec la plus grande économie possible pour la nation, il y faut appliquer des soins, des recherches, une attention, qui durent jusqu'à ce que l'opération soit consommée.
Je pense donc qu'il sera nécessaire de former à cet effet une commission qui prenne connaissance de tous les faits, et qui dirige les replacements selon les règles de la prudence, de l'humanité et de la justice.
Je vais indiquer dans un projet de décret quel devrait être le plan de son travail, et s'il conduit à ménager quelques millions à mes concitoyens, en même temps qu'il arrachera aux; horreurs de la plus grande infortune des fonctionnaires publics dont l'état a été détruit pour le plus grand bien public, je croirai avoir encore cette fois rempli ma tâche d'ami de l'humanité et delà Constitution. PROJET DE DECRET.
L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
Art. ler. Les employés actuels de la
ferme générale, de là régie générale de l'administration des
domaines, ou des autres régies, dont les places sont ou seront
réformées par les décrets de l'Assemblée nationale, auront la
préférence pour les emplois nécessaires à la perception des ' droits
de traite* des droits d'entrée des villes, du droit
d'enregistrement, du uroit de timbre, et des autres impositions
indirectes, quelles qu'elles soient; et il n'y pourra être employé
aucun nouveau sujet, tant que ceux qui sont actuellement en place
n'auront pas obtenu leur replacement.
Art. 2. La totalité des commis et gardes des gabelles, du tabac et des traites intérieures, sera employée à renforcer les cordons de la frontière: ^aut a en laisser réduire le nombre à ce qui pourra, dans la suite, être indispensablement nécessaire, en ne remplaçant point ceux desdits employés de la frontière qui viendront à mourir ou à prendre d'autres états* jusqu'à ce que le nombre'desdits employés et gardes n'excède pas le besoin.
Art. 3. L'obligation pour les contribuables de faire par eux-mêmes la collecte de la contribution foncière et de la contribution mobilière, sera supprimée.
Il sera' établi des receveurs de canton cautionnés en argent, lesquels feront ladite collecte pour la remise de trois deniers par livre. Les-
dits receveurs compteront au trésorier de district, tiendront registre de leurs perceptions et donneront aux contribuables des quittances pour les moindres acomptes, en la forme qui sera déterminée par un règlement particulier.
Lesdits receveurs de canton seront, pour cette fois, pris parmi les employés réformés de la ferme générale ou de la régie générale, qui s'y trouveront admis.
Ceux qui viendraient à décéder dans les deux premières années, seront remplacés par d'autre3 sujets tirés des mêmes corps, s'il en reste encore sans emploi.
Art. 4. Au bout de deux années, la nouvelle forme de la régie de la contribution foncière et de la contribution mobilière étant bien connue, et les avantages que l'on y pourra trouver étant mis à la portée de tout le monde,: les places de3 receveurs de canton qui viendront à décéder seront données aux citoyens qui se présenteront avec un cautionnement en argent, et qui demanderont, pour s'en charger, le moindre nombre de deniers pour livre.
Il sera procédé à l'adjudication desdites places par-devant le directoire de district.
Art. 5. Il sera donné aux employés de la ferme générale, de la régie générale, de l'administration des domaines, ou des autres régies, qui, par leur âge de soixante-quatre ans et au-dessus, ou leurs infirmités, ne seraient plus propres s aux fonctions publiques, des pensions de retraite proportionnées à la durée et à la distinction de leurs services, conformément aux décrets de l'Assemblée nationale.
Art. 6. Il sera donné aux directeurs et contrôleurs généraux, qui n'auraient pu obtenir un replacement actuel, une gratification annuelle des deux tiers de leur traitement ancien, jusqu'à leur replacement.
Art. 7. Il sera donné, pendant cinq année?, aux autres employés qui n'auraient pu obtenir leur replacement des gratifications proportionnées à leurs anciens appointements, en décroissant chaque année d'un sixième desdits appointements. Lesdites gratifications cesseront, lorsque les gratiticationnaires trouveront de l'emploi, soit au service de l'Etat, soit à celui des particuliers.
Art. 8. 11 sera fait une retenue qui ne pourra s'elever à plus d'un dixième, sur les appointements des employés qui auront conservé leur place, ou en auront obtenu une nouvelle, à l'effet de concourir au payement des.gratifications accordée?, en vertu de l'article précédeut, aux anciens employés qui n'auraient point obtenu de place nouvelle.
Lesdites retenues diminueront d'année en année, tant à raison de la diminution ordonnée par les articles précédents, qu'à raison des décès et replacements qui auront lieu.
Art. 9. Il sera nommé, par le roi, une commission spécialement chargée de toutes les mesures nécessaires à l'exécution du présent décret, pendant les cinq années auxquelles elle peut s'étendre.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du pro-cès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
,secrétaire, donne lecture de la déclaration suivante : « Nous soussignés, prêtres, diacres, sous-diacres, ci-devant bénéficiers de l'église métropolitaine de Paris, sous les titres de chanoines de Saint-Denis-du-Pas, de Saint-Jean-le-Rond, et vicaires de Saint-Aignan, de plus, les musiciens .clercs dé ladite église ; après avoir pris connaissance d'une protestation des ci-devant chanoines et chapitres ; et, en outre, d'une déclaration par eux faite aux officiers municipaux de cette ville, lors de l'apposition des scellés sur les effets mobiliers de ladite église ; désirant, autant qu'il est en nous, demeurer fidèles au serment civique que nous avons prêté avec tous les Français, montrer de la manière la plus solennelle notre entière soumission aux lois décrétées par l'Assemblée nationale et acceptées par le roi, et spécialement à la constitution civile du clergé ; déclarons désavouer authentiquement toutes protestations ou déclarations, réelles ou supposées, secrètes ou publiques, sous le nom du chapitre de Paris ; reconnaissons que l'Assemblée nationale a eu le droit de décréter, et le roi de sanctionner et faire exécuter comme loi obligatoire pour tout ecclésiastique citoyen, ladite constitution civile du clergé, dans laquelle nous n'avons rien reconnu que de conforme aux quatre articles du clergé de France, et aux libertés de l'Eglise gallicane ; que nous sommes disposés à prononcer le serment exigé des fonctionnaires ecclésiastiques de la nation, sans y être portés par d'autres motifs que ceux de la conscience, de la raison, de la justice et de l'amour de la patrie ; en foi de quoi nous avons signé la présente déclaration. « Signé : Feray, prêtre, ci-devant chanoine de Saint-Denis-du-Pas ; « Larsonnier, prêtre, ci-devant premier Vicaire de Saint-Aignan ; « Damas, prêtre, ci-devant chanoine de Saint-Jean-le-Rond ; « Merlin, diacre, ci-devant chanoine de Saint-Denis-du-Pas ; « Bauwens, musicien ; « DeYilliers, clerc ; t « Pinard, clerc ; « Gontie, sous-diacre, ci-devant chanoine de Saint-Jean-le-Rond ; . r Messier, clerc de matines ; « Du mon, diacre, ci-devant chanoine de Saint-Jean-le-Rond ; « Cornu, clerc; « Huby, clerc ; « Paris, ce 13 janvier 1791. »
(L'Assemblée ordonne l'impression de ce document et son insertion dans le
procès-verbal.)
demande que cette fixation soit renvoyée au comité de Constitution, qui y procédera d'après l'avis du département et en fera ensuite rapport à l'Assemblée. (La motion de M. Renaud est adoptée.)
J'ai reçu de M. de Montmo-rin une lettre par laquelle il me fait passer le serment civique prêté à Londres, le 3 décembre dernier, par MM. de La Luzerne, ambassadeur en Angleterre ; Barthélémy, secrétaire d'ambassade et Nettement, secrétaire particulier de M. de La Luzerne. (L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention de cette lettre dans son procès-verbal.)
,député du département de la Nièvre, demande un congé de trois semaines.
, député des Deux-Sèvres, demande un congé de quinze jours.
,député de Toulouse, demande un congé de six semaines. (L'Assemblée accorde ees congés.)
Je dois informer l'Assemblée que M. Callet, professeur de mathématiques des élèves de la marine militaire, directeur des études des élèves de l'Ecole de Vannes, fait hommage à l'Assemblée d'un plan d'éducation nationale. (Ce travail est renvoyé au comité de Constitution.)
J'ai reçu plusieurs lettres et adresses contenant des pétitions; les auteurs de ces pétitions demandent à être admis à la barre de l'Assemblée. Je dois consulter l'Assemblée à ce sujet.
Messieurs, j'ai l'honneur de vous faire observer qu'il y a déià une foule de vos décrets qui portent qu'on n admettra à la barre que les départements et la municipalité de Paris. Ces décrets sont parfaitement sages. Tout corps, tout citoyen a sans doute le droit de pétition ; mais tout citoyen n'a pas le droit de faire sa pétition à la barre : ainsi il faut très fort distinguer cela. Toutes personnes, tout corps, tout individu peut et doit avoir le droit de porter ses réclamations à l'Assemblée. Mais dans quelle forme ? Par une lettre ou par une adresse envoyée au président, lequel la renvoie aux comités. Si les comités pensent que l'affaire soit assez importante pour que la partie réclamante soit entendue à la barre, les comités disent à l'Assemblée : C'est une affaire majeure qu'il faut entendre à la barre. Ceux-ci présentent la pétition et l'Assemblée prononce sur le rapport. Je vous prie d'observer que si vous admettiez à la barre tous ceux qui s'imaginent que leurs pétitions sont intéressantes, tout le royaume serait à la barre dans huit jours et vous auriez ici douze à quinze mille pétitionnaires. Ainsi donc, Monsieur le Président, je demande qu'alin de ne point perdre notre temps, vous
n'admettiez à la barre que ceux qui sont admis par les décrets, savoir : le département el la municipalité de Paris ; et je conclus, Messieurs, à ce ue le Président fasse exécuter vos décrets, sauf ans le cas où l'Assemblée jugerait à propos de faire exception. Je propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale, conformément à ses précédents décrets, décrète qu'il ne sera admis à la barre que les députations des corps administratifs ou directoires des départements, et celles de la municipalité de Paris. « Décrète, en outre, que les pétitions adressées à l'Assemblée seront renvoyées dans les comités, qui en rendront compte à l'Assemblée nationale. » (Cette motion est décrétée.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur le tarif des messageries.
, rapporteur (1). Messieurs, vous avez renvoyé au comité d'impositions les différents articles qui étaient nécessaires pour que le ministre des finances pût passer le bail des messageries. 11 s'agit principalement de fixer le tarif. Si vous le portez à un prix trop haut, la concurrence des loueurs de chevaux et des voituriers forcera nécessairement le fermier, qui est obligé de faire un service, à baisser son prix et à entrer en composition. D'un autre côté, il faudrait de grands sacrifices pour supporter une mauvaise année, si le prix était trop bas, et calculer sur la dépense de cette année qui permet de faire le service à un taux inférieur à celui que nous allons vous proposer. Dans cette circonstance quel est notre devoir? C'est de fixer le maximum. Nous vous proposerons donc de décréter que le fermier ne pourra recevoir un prix de place excédant 14 sous par lieut-.
(de Saint Jean d'Angély). Je crois que l'intérêt des soumissionnaires est d'établir un tarif au plus bas prix possible; si le prix des transports est élevé trop haut, la concurrence s'accroît en raison des avantages qu'on laisse aux spéculateurs; l'effet de la concurrence ne peut cesser qu'en ne laissant aux particuliers aucune espèce de gain pour le transport des voyageurs. Ainsi l'établissement des messageries, en détruisant toutes les concurrences, deviendra aussi bon qu'il peut l'être dans l'état actuel des choses; ce que les fermiers auront perdu par la baisse du prix des places sera plus que compensé par l'activité du service qui s'établira toujours dans la proportion de célérité des transports, de la sûreté des voyageurs, de leurs effets et de la modicité des prix; je demande que le prix des places soit fixé à 12 sous par lieue et que,sous quelque prétexte que ce soit,il ne puisse demander aucune indemnité ni aucun compte de clerc à maître. (Cette motion est adoptée.)
Je demande que les places de cabriolet qui sont devant les voitures soient fixées à 8 sous par lieue et que les places dans les voitures non suspendues ou dans le panier soient fixées à 4 sous. (Cette motion est adoptée.)
,rapporteur. Il reste à statuer main-
, rapporteur. Un des objets qui intéresse le plus le commerce, surtout dans un moment de pénurie, est le transport d'argent. En 1775, le tarif fut réduit à 40 sous par 1000 livres et par 20 lieues. Cependant il est de fait que tous les transports importants d'argent se font à des prix infiniment inférieurs. En effet, il est plus facile de voler un sac de 1,200 livres qu'un tonneau de piastres; voilà donc la raison de la réduction. Nous proposons actuellement de réduire \ 30 sous par mille au lieu de 40, c'est-à-dire une déduction d'un quart sur cet objet. Quant aux grosses sommes, vous devez laisser au fermier, qui n'a plus de privilège, le droit de faire des compositions qui pourront lui convenir. Je vous propose seulement de réduire de 40 sous le mille à 30.
Je propose de dire que le prix de 40 sous sera réduit à 30, et ainsi sur toutes les autres sommes, dans les mêmes proportions, c'est-à-dire d'un quart. (Cette motion est adoptée.)
, rapporteur. Messieurs, il existe encore un autre détail : les transports de papiers de procédure qui exigent un peu plus de soins et qui ne peuvent pas être mis dans un magasin comme un ballot de marchandises. Cet objet était plus considérable autrefois qu'il ne le sera maintenant, car nos procédures ne seront plus si volumineuses; cependant il existe des papiers à transporter. On a toujours exigé pour eux le double port des autres marchandises. Je crois que l'on peut, sans inconvénient, conserver ce double port là. (Cette motion est adoptée.)
rapporteur. Au moment où vous avez décrété le transport de l'or et de l'argent, j'ai oublié d'y joindre une disposition nécessaire-La voici : c'est que les bijoux, les galons et autres objets précieux dont la valeur sera déclarée payeront la même taxe que l'or et l'argent. (Cette motion est adoptée.)
, rapporteur. Il reste encore une autre disposition; les petits paquets,
sans consulter leur poids effectif,étaient toujours censés peser 10
livres. Il n'est pas possible de changer cet usage. Je propose que leur
transport par la diligence soit maintenu au prix actuel; ce prix était
calculé à raison d'un sou la livre par vingt lieues, et ainsi de cinq en
cinq lieues. Il y a un tarif annexé à la loi de 1775 qui est très bien
fait. Je proposerai de le conserver pour les diligences seulement. Nous
passerons à l'article des transports de marchandises. Je crois que cela
doit faire deux objets distincts. Vous ne pouvez laisser subsister
l'abus qu'il y avait à payer le même prix pour deux transports
inégalement faits. Je propose de conserver l'ancien tarif sur les
messageries. (L'Assemblée décrète la proposition et fixe à 15 livres par
quintal au lieu de 25 le transport des grosses marchandises.)
, rapporteur. Les voitures d'eau ne sont pas en France aussi multipliées qu'il serait à désirer. L'augmentation du prix des denrées fait qu'en général leurs tarifs sont assez modérés. Cependant nous vous proposons de décréter que le prix des places de Paris à Auxerre sera réduit à 7 livres 10 sols, au lieu de 9 livres 7sols 6deniers, et à proportion pour les distances intermédiaires ; le transport du quintal à 5 livres au lieu de 9 livres 7 sols 6 deniers; de Paris à Montargis à 4 livres au lieu de 5 livres 1 sol 3 deniers et le quintal & 2 livres 15 sols au lieu de 5 livres 1 sol 3 deniers; de Paris à Nogent à 5 livres 10 sols au lieu de 6 livres 18 sols; le quintal à 3 livres 15 sols au lieu de 6 livres 18 sols. Ces réductions paraissent considérables ; mais elles ne le sont que fictivement, car les fermiers ne percevaient pas à beaucoup près. Quant aux autres transports par eau, je propose la disposition suivante : « Dans les autres voitures d'eau, le tarif ne sera point augmenté. » (Cette motion est adoptée.)
, rapporteur. line reste plus maintenant que deux objets : 1° le> cautionnement des fermiers qui se présenteront pour être adjudicataires ; 2° la durée du bail. Sfcr le premier objet, nous croyons que; conformément aux décrets rendus pour les divers cautionnements, l'Assemblée ne peut admettre d'autres cautionnements qu'en immeubles ; car le cautionnement en argent est un véritable emprunt. Je crois qu'un cautionnement de deux millions peut être exigé raisonnablement pour une recette de douze millions.
Je prétends que cette somme est beaucoup trop considérable et que l'Assemblée ne trouvera pas de soumissionnaires.
(de Saint-Jean d" Angély). Il ne s'agit pas seulement d'assurer lés fonds que ld Trésor public dort retirer de la ferme dés messageries, mais de garantir les effets dé tous les citoyens qui voudraient donner leur confiance à l'entrepreneur. (Le chiffre de deux millions est adopté.)
Je propose d'assujettir ces adjudicataires aux mêmes formalités que les trésoriers de district, relativement aux dots, reprises et hypothèques qui pourraient être assises sur les immeubles. (Cette motion est adoptée.)
, rapporteur. Il ne faut pas que le Trésor public ait toujours à rechercher les fermiers. Que faut-il faire? Je crois qu'il est possible, dans les conditions du bail, d'exiger que les payements soient faits d'avance, de trois mois en trois mois, de manière qu'au moment de la passation du bail, le premier quartier soit payé.. (Cette motion est adoptée.)
, rapporteur. Il nous reste actuet-lement un dernier point à décider, c'est la durée du bail. Il commencera au mois d'avril prochain; l'opinion du comité est qu'il soit de six ans, pour finir au. 1er avril 1797. (Cette motion est adoptée.)
Suit l'ensemble des dispositions décrétées dans la présente séance :
« Toutes les distances seront comptées par lieue de 2,283 toises.
« Le prix de chaque place et-des transports d'or, argent, papiers et marchandises ne pourra excéder le tarif ci-dessous.
« Le prix de chaque place par lieue dans les diligences............................12 s.
« Dans les cabriolets des diligences, tant qu'ils existeront,........................ 8
« Dans les carrosses.................... 8"
« Dans les paniers dés carrosses et dans les fourgons............................. 4
« Chaque voyageur pourra faire transporter avec lui un sac de nuit ou porte-manteau du poids de quinze livres, pour lequel il ne payera aucun port.
« Le transport de l'or et de l'argent monnayé ou non, sera de 1 1. 10 s. par lOCKMivres et par vingt lieues, au lieu de 2 livres, prix actuel ; cette réduction du quart aura lieu sur les autres sommes.
« Le port des bijoux, galons, objets précieux, dont la valeur sera déclarée, .sera le même que celui de l'orettde l'argent.
« Le port des papiers de procédure et d'affaire sera double de celui des marchandises.
« Le port des bagages et marchandises^ par les diligences ne pourra excéder le prix actuel de
6 deniers par livre par dix lieues, ou 25 livres par quintal pour cent lieues.
« Le port des: mêmes objets par les carrosses et fourgons ne pourra excéder 15 livres du quintal par cent lieues et à proportion pour les autres distances-
« Les paquets au-dessous de dix livres payeront comme s'ils pesaient dix livres. Le port des paquets de 15 livres et au-dessous, chargés sur les carrosses et fourgons, sera le même que celui fixé pour les diligences.
« Les sommes au-dessous de 500 livres payeront comme pour 500 livres.
« Les transports faits à moins de dix lieues, seront comptés comme pour dix lieues, et au-dessus.de dix lieues l'augmentation proportionnelle du port, au lieu de cinq lieues en cinq lieues.
Tarif pour les voitures d'eau de la haute Seine.
« Le prix des places, de Paris à Auxerre, sera réduit à 7 1. 10 s. au lieu de 9 1. 7 s. 6 d.
« Le port du quintal,à 5 livres au lieu de 91.
7 s. 6 d.
« Le prix des places, de Paris à Montargis, sera réduit à 4 livres aa lieu de 5 1. 1 s. 3 d.
« Le port du quintal.à 2 1. 15 s. au lieu de
5 1.1s. 3 d.
« Le prix de places, de Paris à Nogent-sur-Seine, sera réduit à 5 l. 10 s. au lieu de 6J. 18 s.
« Le port du quintal à 3 1. 15 s. au lieu de
6 J. 18 s,
«Le prix des places du transport des marchandises sera proportionnel, pour les distances intermédiaires comptées par eau entre Paris et les villes d'Auxerre, Montargis et Nogent-sur-Seine.
r Le prix des places et du transport; des marchandises, dans les autres voitures d'eau, ne sera point augmenté.
« Les fermiers pourront établir des voitures extraordinaires, dont le prix sera réglé de gré. à gré.
« Il sera exigé des fermiers un cautionnement de deux millious en immeubles, en se conformant à cet égard aux dispositions, du décret du 12 novembre dernier, relativement aux cautionnements des trésoriers de. districts.
« Le prix du bail sera payé au Trésor public par quartier et d'avance.
« Les fermiers ue pourront prétendre à aucune indemnité, modération deprix de bail, ou compte de clerc à maître, pour quelque cause que ce soit.
« Le bail commencera au premier avril prochain et finira au 31 décembre 1797. »
L'ordre du jour est épuisé. Nous pourrions entendre le comité des monnaies sur la question des petites monnaies, qui a été précédemment ajournée.
, membre du comité des monnaies (1). Messieurs, le rapporteur du comité des monnaies se trouve absent dans ce moment, parce qu'il ignorait que son rapport dût être mis ce matin à l'ordre du jour. Je vais, à son défaut, vous rendre compte du travail que vous aviez ordonné, et vous lire le résultat des observations que j'ai recueillies, pour mon instruction particulière, soit dans les conférences du comité, auxquelles j'ai toujours assisté, soit dans les recherches que j'ai pu faire ailleurs. Pénétré de ses principes, je crois ne m'en être point écarté. Votre comité a tout examiné, tout discuté avec soin. S'il ne vous a pas sollicité de lui accorder la parole, c'est qu'ayant aperçu des obstacles combinés pour rendre ses efforts inutiles, obstacles trop soutenus par de bons citoyens, et imaginés par d'autres, en faveur de quelques intérêts particuliers, il a cru qu'il convenait d'achever toutes les parties de son travail,et de les. faire imprimer, pour vous mettre à portée de choisir les mesures que vous jugerez à propos.
Après ce court éclaircissement, j'entre en matière sans autre prétention que d'obéir aux ordres de J'Assemblée, et de vous exposer avec clarté les vérités que vous avez demandées.
Pour vous décider sainement sur un objet quelconque, il faut sans doute vous en donner une idée complète, en vous le faisant connaître dans tous ses détails, ou du moins dans ses détails importants. Juger sans pleine connaissance de cause, serait s'exposer à commettre des erreurs graves. C'est peut-être le sentiment de ces vérités qui vous a fait vaciller dans vos décrets sur les monnaies.
Permettez, Messieurs, que je vous les rappelle en peu de mots ; cela doit vous paraître nécessaire pour éviter de tomber dans des contradictions qui ne seraient utiles ni à votre gloire, ni à la chose publique.
En créant votre comité des monnaies, le 11 septembre, vous l'avez « spécialement chargé de s'occuper de tout ce qui a rapport à la législation des monnaies, à leur titre, à leur poids, à la proportion qui doit être rétablie entre leurs valeurs respectives, etc... »
Pour exécuter ponctuellement vos ordres et remplir exactement vos vues,
le premier soin de votre comité fut de s'entourer des lumières les lus
sûres ; d'inviter à ses séances, non les ommes intéressés au maintien
des abus, et qui, occupés de manipulations lucratives, sont
ordinairement étrangers aux grandes vues politiques, à l'intérêt
général, mais ceux que la renommée la mieux soutenue lui indiquait comme
les plus capables, les plus expérimentés et les moins soupçonnés
d'intérêts particuliers. Il est essentiel, Messieurs, que vous ne
laissiez
Muni de ces secours, conformément à vos intentions, votre comité se livrait sans relâche à la discussion des objets prescrits par votre décret du 11 septembre, lorsqu'un autre décret du 8 octobre suivant lui enjoignit « de se concerter avec le comité des finances sur les différents ! moyens capables de remédier à la rareté du numéraire, et notamment sur ceux-ci : 1° sur la fabrication d'une petite monnaie; 2° sur la facilité à accorder à ceux qui porteront aux hôtels des monnaies des matières d'or et d'argent. »
Votre comité joignit ces nouveaux objets aux précédents et porta son examen et ses recherches également sur tous, tous furent longuement et profondément discutés. Les divers rapports qu'il vous a fait distribuer en sont la preuve la moins équivoque.
Comme les opérations, même partielles, doivent avoir pour bases les grands principes puisés dans l'institution mê ne de la monnaie, si du moins l'on veut mettre dans sa marche quelque intelligence et quelque sagesse, si l'on veut arriver à un but raisonnable, en évitant les écueils où l'on court nécessairement quand on va au hasard, les nuages sur les yeux, votre comité crut devoir commencer son premier rapport par poser quelques principes simples, très faciles à saisir; 1° sur la matière qu'il convient d'employer dans la fabrication des monnaies; 2° sur la mesure qui doit servir à déterminer le poids de toutes les divisions des monnaies; 3° sur le poids et le titre de la monnaie d'argent, sur le poids et le titre de la monnaie d'or.
Il est impossible de faire aucune opération, aucune monnaie, sans avoir fixé ces trois principes, ou sans les supposer fixés.
Cependant quelques honorables membres, qui sans doute n'avaient pas encore eu le temps d'arrêter un seul instant leur attention sur ces matières, interrompirent le rapporteur de votre comité par ces mots : « L'Assemblée ne vous demande pas des principes, mais du billon ». D'autres ajoutèrent que ces matières étaient trop vastes et trop dilficiles, qu'il fallait les renvoyer à une autre législature, et se contenter d'ordonner tout bonnement la fabrication de quelques millions de petite monnaie, comme si l'intérêt public n'exigeait pas impérieusement la plus prompte réforme des énormes abus qui déshonorent nos monnaies, comme si la prochaine législature devait avoir le pouvoir constituant.
Ce qui avait pu donner une idée si exagérée de ces prétendues difficultés, c'est l'article 4 du projet de décret, où il est question de la propor-
tion à rétablir entre l'or et l'argent. J'avoue qu'il existe des contradictions et des disputes à cet égard; mais votre comité vous présentait ses observations et son avis, que parce que vous lui en aviez imposé le devoir, et parce qu'il fallait bien vous faire connaître une des principales sources de la rareté du numéraire avec le moyen d'y remédier. D'ailleurs, rien n'empêchait qu'on ne différât la discussion de cet article, et qu'on ne passât à l'article 5, qui roule sur la fabrication de la petite monnaie qu'on demandait avec tant d'empressement, et ensuite à l'article 6, qui parle de la fabrication de la monnaie de cuivre.
On aima mieux vous proposer ledécret du5 décembre, portant : «' que le comité des monnaies « présentera, jeudi prochain,ses vues sur chacune « des questions suivantes. 1° Quelle est la somme « de petite monnaie dont il paraît convenable « d'ordonner la fabrication dans le moment ac-« tuel? 2° Ordonnera-ton de fabriquer de lamon-« naie de billon, ou se bornera-t-on à une mon-« naie rouge et à une monnaie d'argent d'un « titre bas? 3° Adoptera-t-on la division déci-« maie? »
Les membres du comité des monnaies voulurent vous faire observer que le rapport qu'il vous présentait, renfermait toutes ces questions avec la discussion et les réponses; ils ne purent être écoutés.
Le 13 décembre, au moment où le rapporteur de votre comité répondait expressément aux questions précédentes, et obéissait littéralement à votre décret du 5, on vous proposa de « charger « votre comité des monnaies de se réunir à six « commissaires du comité des finances, et de « vous rendre compte des moyens qu'on pour-« rait employer pour prévenir, tant l'extraction « par les étrangers de la petite monnaie d'argent « pur, qui serait nouvellement fabriquée, que « les inconvénients qui pourraient résulter des « anciennes pièces de 24, 12 et 6 sous, altérées « par le frai, répandues dans la circulation avec « des pièces nouvellement fabriquées, dont la « valeur intrinsèque égalera la valeur légale. Le « comité est aussi chargé d'examiner les avan-« tages et les inconvénients du plan, qui pro-« pose de tirer des cloches la quantité de cuivre « pour la fabrication des monnaies de moindre « valeur. »
Sans examiner ici pourquoi on a cherché à multiplier des décrets qui répètent, en d'autres termes, les mêmes dispositions, qui ordonnent des examens qui sont déjà faits, des réponses qui étaient déjà sous vos yeux, je m'arrêterai d'abord à ce dernier décret du 13 décembre, puisque c'est sans doute le dernier qui fait la première loi du moment. En vous présentant des réponses puisées dans les principes et dans les conférences de votre comité, j'aurai satisfait à ce que vous exigez de lui aujourd'hui.
Le rédacteur de ce décret n'a pas fait attention qu'en voulant simplifier les choses, il les a embrouillées davantage. Il demande les moyens de prévenir tant l'extraction de la petite monnaie d'argent -pur, que les inconvénients qu'il y aurait à laisser circuler les anciennes pièces frayées concurremment avec les nouvelles, dont la valeur intrinsèque égalera la valeur légale.
Il jette là sur ses pas deux grandes questions qu'il semble supposer résolues, et qui certainement ne le sont pas encore dans l'Assemblée, qui même sont de celles que plusieurs membres craignent tant d'aborder, comme trop difficiles, au point de vouloir les renvoyer à la législature
prochaine. Ces questions sont : La petite monnaie sera-t-elle d'argent pur ? La valeur intrinsèque égaler a-t-elle la valeur légale ?
Pour écarter la confusion toujours rebutante, toujours nuisible à l'intelligence, à la marche des discussions, nous séparerons les trois dispositions principales du décret, et nous les examinerons chacune en particulier.
La première demande les moyens de prévenir l'extraction de la petite monnaie par les étrangers.
La seconde demande les moyens de prévenir les inconvénients qu'il y aurait à laisser circuler les anciennes pièces déjà frayées avec les nouvelles.
La troisième disposition concerne les cloches.
Avant de répondre directement à ces questions, il est à propos de vous exposer quel est l'état actuel des choses à cet égard.
Lorsqu'il y a, dans la circulation, des pièces dont l'empreinte est effacée, et qui cependant sont reçues comme les autres, les biilonneurs et les étrangers en profitent pour introduire des pièces en apparence semblables, qui sont d'un titre plus bas, qui ont plus de cuivre que d'argent, qui souvent ne valent que la moitié ou moins encore. 11 y en a qui sont entièrement fausses, qui ne sont que du cuivre blanchi. lien est, et -en grande quantité, qui se multiplient chaque jour (des pièces de six sols) et qui, faites de petites lames fort minces et sans empreinte, ne valent absolument rien, et ne contiendraient qu'environ deux sols d'argent, si elles étaient de ce métal. On les appelle communément pièces du Châtelet, parce que les prisonniers s'amusent à les fabriquer, à l'imitation des Anglais et autres. Les biilonneurs trouveraient même leur compte à introduire des pièces au véritable titre, sans empreinte, en les affaiblissant de poids, comme celles qui sont vieilles et effacées. Vous sentez quelle gêne, quelles entraves, quelles difficultés doivent en résulter dans le commerce et dans l'usage ordinaire de la vie, sans compter l'embarras plus grand encore qui nous attend, qui grossit comme un orage sur nos têtes, pour éclater au temps où le mal, parvenu à son comble, forcera à une refonte entière et subite. Il est certain que les billormeurset les étrangers gagnent beaucoup à faire leur métier, à fondre nos pièces neuves pour leur en substituer d'autres en plus grand nombre et de moindre valeur. C'est en nous soutirant les pièces neuves qu'ils se donnent plus de facilités à introduire les leurs, par l'espèce de disette et de besoin qu'ils font naître. Les moyens ne leur manquent pas : le partage du bénéfice, l'appât du gain leur font trouver aisément des coopérateurs zélés qui s'empressent de les aider; aussi n'omettent-ils jamais d'exercer leur criminelle industrie toutes les fois qu'il y a quelque nouvelle fabrication de petite monnaie; ces pièces neuves disparaissent, pour la plupart, en peu de temps : c'est là une des raisons qui ont empêché le gouvernement d'en faire frapper, comme il l'aurait fallu, pour alimenter la circulation. Il ne connaissait pas apparemment, ou il ne se croyait pas en état d'employer les remèdes nécessaires.
Il suit de cet exposé deux fâcheuses vérités : la première, que la France est inondée de fausse monnaie, qui ne vaut point ce qu'elle dit valoir, qui vaut souvent un tiers moins, souvent moitié moins, souvent rien du tout, et qui, en accumulant les pertes, prépare un déficit d'autant plus funeste, qu'on aura plus différé d'y remédier; la
deuxième, que toute fabrication nouvelle de petite monnaie sera une perte réelle pour l'Etat, et un grand profit pour les étrangers, toutes les fois qu'on la mettra dans la circulation concurremment avec l'ancienne, avec les pièces effacées, avec les pièces étrangères. Creusez un peu plus cette vérité, et vous verrez que si vous adoptez une mesure partielle, que des esprits réfléchis et bien intentionnés ne pourront jamais vous conseiller, il ariivera qu'en cherchant à soulager le peuple, vous multiplierez ses maux pour l'avenir; qu'en voulant remédier à la rareté des espèces, vous perdrez les bonnes, vous accroîtrez la quantité des mauvaises; que le mal qui existe s'aggravera; que la perte réelle s'accumulera de plus en plus, et avec elle les embarras de tout genre.
Tels sont, Messieurs, les inconvénients inséparables de la circulation des nouvelles pièces avec les anciennes. Demanier les moyens de les prévenir dans cet état, c'est demander l'impossible, c'est vouloir arrêter le torrent de la cupidité et de la fraude, en lui laissant les digues ouvertes : fermez les digues; rendez-les assez fortes, c'est le seul moyen efficace que la nature et l'art puissent vous promet! re : tous les autres ne seraient qu'illusions pernicieuses. L'introduction des mauvaises pièces, et l'extractio i des bonnes, couleront sans obstacle tant que vous les laisserez circuler ensemble.
Si vous vous borniez à la première disposition du décret, si vous demandiez simplement quels seraient les moyens d'empêcher l'extraction des bonnes pièces et l'introduction des mauvaises, les moyens de débarrasser pour toujours le peuple de ces dernières, on pourrait vous les indiquer; ce serait d'interdire la concurrence, de discré li-ter toutes les pièces dont l'empreinte est effacée, ainsi que les étrangères, dès qu'on aurait préparé à l'avance une suffisante quantité de nouvelles pièces pour remplacer les anciennes dans les mains du peuple, à mesure qu'il s'en déferait; ce serait d'avoir des poinçons si parfaits, qu'il fût impossible de les bien imiter, et qu'on pût reconnaître aisément les contrefaçons. On pourrait, par des opérations de commerce, renvoyer les pièces étrangères dans les pays d'où elles sont venues.
C'est alors que les fabrications de petite monnaie seraient viaiment utiles; c'est alors qu'on les multiplierait sans perte, sans crainte et sans inconvénients; c'est alors que le commerce se trouverait débarrassé de ses entraves si gênantes, et que le peuple se verrait véritablement soulagé. Il ne le sera point ou il ne le sera qu'un moment, si vous conservez la porte ouverte à l'extraction et à la fraude ; il lui arrivera ce qui arrive aux hydropiques: la liqueur humectante que leurs entrailles desséchées réclament est à peine introduite, qu'elle les fuit et s'extravase. De là une soif plus ardente : Quo plus sunt potœ, plus sitiuntur aquœ.
J'ai entendu avec étonnement quelques personnes avouer que le grand besoin des nouvelles petites pièces leur paraissait plus imaginaire que réel, qu'elles croyaient cependant nécessaire d'en faire fabriquer, sans attention aux inconvénients, ne fut-ce que pour soulager l'imagination du peuple. Gomment peut-on se persuader que le peuple français soit assez borné, assez peu éclairé, pour ne pas savoir appécier le prétendu soulagement, et la fausse opération qui le lui procurerait? S'il se laissait éblouir au premier moment, ne sentirait-il pas bientôt qu'on l'a trompé,
qu'on n'a fait qu'augmenter ses maux sous prétexte de les guérir? Quelle raison, quelle saine politique peut jamais conseiller de tromper le peuple? Et qui oserait donner sérieusement ce conseil à l'Assemblée nationale?
Je conçois, comme d'autres, que le sentiment du besoin, relativement aux petites espèces, se trouve fort exagéré par l'absence des écus, et qu'on ne demande si fort les premières que parce qu'on voudrait avoir quelque chose qui remplaçât les dernières. Il est certain que quand les écus abondaient, quand, par exemple, la caisse d'escompte payait ses billets à bureau ouvert, on ne demandait point une plus grande quantité de petite monnaie, on en trouvait à peu près assez. Il est certain aussi que la quantité n'en a pas diminué depuis ce temps-là, qu'elle a au contraire augmenté de beaucoup : d'un côté, par les frauduleuses et trop fécondes opérations des billonneurs et des étrangers; d'un autre côté, par les fabrications de la monnaie de cuivre, qu'on a singulièrement multipliées depuis un certain temps, bien au delà de ce que l'on croit communément. Tel directeur a eu la permission d'en frapper pour 100,000 francs, qui en a frappé pour 7 à 800,000.
Je conclus de là aussi avec bien d'autres, que le sentiment du besoin et les demandes qu'il exhale, diminueront bientôt, à mesure que la confiance se ranimera, à mesure que les écus reparaîtront avec les petits assignats, qui les appelleront d'autant plus efficacement qu'ils pourront les suppléer, qu'on ne sera plus obligé de tant les rechercher.
On a dit que la petite monnaie nouvelle était absolument nécessaire à la circulation des assignais; mais quelle est la monnaie ordinaire et nécessaire des assignats? N'est-ce pas les écus? Si vous me devez 20 livre? et que vous me présentiez un assignat de 50 livres, exignrez-vous que je vous rende les 30 livres en petite monnaie plutôt qu'en écus? Elle n'est nécessaire que pour les petits appoints, lorsqu'on a besoin de diviser un écu dont elle est la monnaie naturelle, précisément parce qu'elle représente ses divisions, comme les écus représentent les divisions des assignats. Or, personne ne se plaint de ne pas trouver, quand il veut, la monnaie d'un écu aujourd'hui encore mieux que ci-devant. Sur quoi peut donc être fondée l'assertion de la nécessité de la petite monnaie, pour la circulation des assignats?
Malgré cela, malgré la non nécessité absolue d'une plus grande quantité de petite monnaie, pour les circonstances actuelles, je persiste à croire que vous ne pouvez vous dispenser d'en ordonner une grande fabrication, non pour la mêler avec l'ancienne, non pour la jeter dans les mains des billonneurs et des étrangers, qui la convertiraient bientôt en fausse monnaie, mais pour la substituer à cette ancienne, si mauvaise et si multipliée, dont il est temps de délivrer enfin le peuple français.
Je regarde la circulation de la mauvaise ou fausse monnaie, non seulement comme impolitique, mais comme immorale. C'est une espèce de permission tacite, une faveur réelle accordée à la fraude, au vol, aux manœuvres criminelles de ceux qui trompent le public; comment puuvez-vous espérer que les mœurs s'épurent, que les sentiments s'élèvent, que le peuple prenne l'habitude de la vertu, tant qu'il aura perpétuellement sous les yeux des objets mensongers, respectés comme les véritables; tant qu'il verra l'art de
frauder encouragé, autorisé, pour ainsi dire, par Jes décrets ou par le silence du législateur?
Voulez-vous que les hommes deviennent vrais, francs et loyaux ? ne protégez,ne souffrez, ne leur présentez que des choses vraies, franches et loyales. Jamais le spectacle du vice accrédité n'inspira l'amour et la pratique de la vertu. La vue d'un fripon heureux, qui s'enrichit impunément aux dépens du public, multipliera infailliblement les fripons de toute espèce. Il est donc bien important de délivrer le peuple de toute cette monnaie mensongère, aussi embarrassante, aussi nuisible à ses intérêts, que pernicieuse à ses mœurs.
Je crois avoir suffisamment répondu aux deux questions simplifiées du "décret; je crois avoir prouvé : 1° qu'il n'y a, qu'il ne peut y avoir aucun moyen de prévenir les inconvénients qui résultent des anciennes pièces circulant avec les nouvelles; 2° que le véritable et seul moyen de prévenir l'extraction, la fraude et leurs suites, est de discréditer les vieilles pièces, lorsqu'on pourra commencer à les remplacer par une quantité suffisante de neuves, qui porteront l'empreinte la plus parfaite possible, sauf à décider si celles qui seront portées au change seront reçues au cours, ou au titre ou au poids, si ce sera le public ou le Trésor national qui supportera la perte résultant du frai et de la fraude, ou si les pauvres seuls seront remboursés au cours. J'ai prouvé, en outre, qu'il est important, qu'il est indispensable, qu'il est conforme à la saine politique et aux mœurs, de débarrasser au plus tôtlepeuple de toute cette petite monnaie trompeuse, non marquée au nouveau coin de France, le seul qui puisse lui certifier la véritable valeur des espèces.
Je pourrais terminer ici ma discussion, après avoir ajouté quelques mots sur le parti à prendre au sujet des cloches. J'aurais ainsi satisfait à la lettre de votre décret du 13 décembre; mais les décrets précédents exigent des réponses aussi pressées à des questions non moins importantes ; bornons-nous aux principales :
Quelle espèce de petite monnaie fera-t-on? A quel titre,? Suivra-t-on l'ancienne division? En prendra-t-on une nouvelle, et laquelle?
Le terme général, petite monnaie, comprend la monnaie de cuivre pur, le billon noir et les petites pièces d'argent.
Commençons par ces dernières comme plus susceptibles de difficultés.
A quel titre se fera la petite monnaie d'argent? sera-ce au titre de douze deniers, c'est-à-dire sera-t-elle d'argent pur, comme l'a proposé M. l'é-vêque d'Autun, et comme l'a supposé le rédacteur du dernier décret? Ou bien sera-t-elle au titre des écus, comme les pièces de vingt-quatre, douze et six sous? Ou bien encore sera-t-elle à un titre plus bas?
Quoiqu'on sache que les anciens Romains et autres peuples, même nos pères, employaient les métaux tout purs dans la fabrication de leurs monnaies, les nations modernes n'ont point jugé à propos de les imiter, du moins pour ce qui regarde l'argent : toutes l'allient plus ou moins» La raison en est que l'argent pur est mou, et dans cet état il est plus exposé aux effets du frai ou frottement : l'empreinte s'affaisse et disparaît en peu de temps; les brèches et les pertes qui la déforment se multiplient à l'approche des corps durs; et ces effets sont d'autant plus fréquents, d'autant plus graves, que la circulation est plus animée telle que celle de la petite monnaie. L'alliage, au contraire, durcit et fortifie l'argent, aide par conséquent à conserver plus longtemps
son empreinte, sa substance et son poids à travers les frottements continuels qu'il essuie. Cette raison seule devrait suffire pour faire rejeter le projet de monnaie d'argent pur. Il en est encore une autre, c'est qu'il ne serait pas possible de faire de petites pièces, même de six sous, à ce titre, tant elles seraieut incommodes par leur petitesse, à moins qu'on ne voulût faire comme on faisait du temps de Saint-Louis pour les petites pièces d'argent fin, appelés deniers parisis; on les clouait sur des morceaux de cuir.
A quel titre sera donc la petite monnaie d'argent?
Pour former à cet égard une détermination éclairée, il faut se rappeler les motifs qui obligent à faire de cette espèce de monnaie.
Les petits détails du commerce, les salaires des ouvriers de toute espèce, lesmenusachats si multipliés dans toutes les classes des citoyens, et surtout dans la classe la plus nombreuse, demandent nécessairement des monnaies proportionnées. Pour les faire, nous n'avons que le cuivre et l'argent. Mais il y a une trop grande distance entre les valeurs de ces deux métaux, employés purs. C'est à peu près comme un à cent : et on ne peut donc les rapprocher sans tomber dans les deux extrêmes, la grosseur trop lourde de l'un et la petitesse impalpable de l'autre. La nature nous ayant refusé des métaux intermédiaires, il a fallu que l'art vint à notre secours,, en nous en donnant de factices, composés d'argent et de cuivre, dans des porportions qui varient selon le choix des législateurs. Chez nous, par exemple, le métal intermédiaire a été depuis longtemps ce que nous appelons le billon noir ou bas billon, tes sous marqués, composés tantôt d'un tiers, tantôt d'un quart et, en dernier lieu, d'environ un sixième d'argent sur le surplus de cuivre. Ce moyen-là même ne paraissant pas suffisant, on a cru nécessaire de faire des divisions d'écu, et de les faire descendre comme des chaînons, aussi bas qu'il serait possible, pour approcher des chaînons les plus élevés du cuivre.
On a donc fabriqué des pièces de vingt-quatre, douze et six sous, au titre des écus. Aujourd'hui, que l'on connaît généralement, et que l'on sent assez vivement les inconvénients du billon bas, pour en désirer la suppression, dès que les circonstances pourront le permettre, il est expédient de rapprocher les divisions de l'écu plus près encore, autant qu'il sera possible, de la monnaie de cuivre, en conservant à la plus petite un volume raisonnable, avantage qui manque aux pièces de six sous actuelles, comme on s'en plaint souvent; il suit de là que la division duodécimale au titre des écus, telle que nous l'avons, ne peut plus convenir. La décimale, déjà beaucoup plus commode pour les comptes, remplira mieux notre but, en nous donnant des pièces de cinq sous, si nous trouvons le moyen de leur procurer un volume convenable, un peu plus fort que celui des pièces de six sous actuelles»
Ce moyen existe, il est employé chez d'autre3 nations, comme il l'a été en France. Il consiste à baisser le titre, c'est-à-dire à mettre un peu plus d'alliage qu'on n'en met dans les écus. On sait que le titre des écus est à dix deniers vingt grains ou environ. Celui des nouvelles pièces pourrait être à huit deniers. Les anciennes pièces de France, dites de vingt sous, dix sous, quatre sous, étaient au titre de neuf deniers vingt-un grains : tels sont encore les rixdales et les couronnes de Danemark. Les ducats de Venise sont à neuf deniers dix-huit grains. Les florins de
Mayence à huit deniers vingt-trois grains. Les écus de Bayreuth à huit deniers dix-huit grains. Les écus de Lubei k a huit deniers dix-neuf grains. Les florins du Meeklembourg à sept deniers sept grains. Les roubles de Russie à neuf deniers onze grains. Je rapporte ces exemples pour faire voir que la proposition du titre à huit deniers n'est pas insolite.
Avec cet alliage de quatre parties de cuivre sur huit d'argent, les pièces seraient plus solides, plus dures, résisteraient davantage au frai, conserveraient mieux et plus longtemps leur empreinte, leur poids et toute leur valeur. La pièce de cinq sous aurait plus de poids et de volume que n'en a la pièce de six sous; car elle pèserait trente-deux grains, tandis que celle de six sous n'en pèse qu'environ vingt-sept et demi. Tous ces avantages sont précieux dans une monnaie, livrée au mouvement perpétuel de la circulation, à des frottements continuels et destructeurs. Puisqu'il faut nécessairement de l'alliage, pour donner de la fermeté à l'argent, puisque les écus même en ont besoin, n'importe qu'il y en ait plus ou moins, relativement à la confiance, attendu qu'il ne diminue en rien la valeur de la monnaie, toutes les fois que l'évaluation est mesurée sur la quantité d'argent fin qui s'y trouve, lors, surtout, que cette quantité est exactement exprimée sur chaque pièce, comme le comité le désire. L'alliage ne nuit à la confiance et au commerce que quand il est en fraude, quand il y en a plus qu'on ne croit communément, plus que la loi connue ne le veut; car alors il y a moins d'argent fin, et par conséquent moins de valeur, à proportion qu'on a mis plus d'alliage ou de cuivre, le métal précieux étant le seul qui se compte, le seul qui donne le prix à la monnaie, surtout lorsqu'il s'agit de solder chez l'étranger.
Soient, par exemple, deux pièces de dix sous chaque, l'une au titre de huit deniers, et l'autre au litre de douze deniers. La première aura huit parties d'argent sur quatre parties de cuivre, l'autre sera d'argent pur; cependant elles contiendront la même quantité d'argent fin, puisqu'elles valent dix sous chacune. La seule différence qu'il y a, c'est que le cuivre qui entre dans la première ajoute d'autantà son volume, à son poids, à sa force, sans rien ajouter à sa valeur, sans diminuer la quantité d'argent lin nécessaire pour qu'eile vaille dix sous. J'ai donc raison de dire que l'alliage, quel qu'il soit, ne fait rien à la valeur des monnaies, ni à la confiance qui leur est due, pourvu qu'il soit connu, et qu'il n'y en ait que la quantité annoncée par la loi, et certifiée par l'empreinte.
On pourrait cependant, pour déjouer la cupidité des billonneurs et des étrangers, suivre l'usage établi ailleurs, et observé chez nous, à l'égard du bas billon : ce serait de faire entrer, dans l'évaluation des pièces, le prix, du cuivre qui y est employé.
11 a été proposé de faire les nouvelles pièces au titre de six ou sept deniers. J'avoue qu'elles gagneraient encore plus en volume et en solidité, mais ce serait aux dépens de la couleur. Au titre de huit deniers, la couleur de l'argent domine; au-dessous, à six ou à sept, c'est celle du cuivre. Les expériences que votre comité a fait faire ne laissent aucun doute là-dessus. On peut bien masquer cette couleur de cuivre par le blanchiment; mais le frai fait bientôt tomber ce masque, et le cuivre reparaît. Il nous faut nécessairement, et un volume raisonnable, et une couleur
d'argent qui soit solide. Ces deux avantages, qui doivent être inséparables, vous les trouverez au titre de huit ,deniers, et vous ne les trouverez ensemble ni au-dessus ni au-dessous. C'est donc ce titre qui doit être préféré. Si les faits avaient besoin d'autorité, je dirais que M. le directeur de la Monnaie de Paris, que j'ai consulté, est aussi de ce sentiment
De savants métallurgistes ont offert de procurer une couleur solide d'argent, au titre de six deniers, ce qui donnerait encore plus de volume aux petites pièces. Ce moyen consiste à enlever au cuivre sa couleur rouge, et à le rendre blanc, à peu près comme l'argent. On nous a apporté des pièces moitié argent, moitié cuivre, de celte espèce. On dirait, en elfet, qu'elles sont d'argent pur. S'il était jugé convenable de faire usage de ce secre', qui au reste n'en est pas un, puisqu'il est connu des chimistes; s'il était, dis—je, convenable de l'employer dans la fabrication de votre petite monnaie, vous auriez à un haut degré les deux avantages essentiels que nous cherchons, le volume et la couleur. Mais votre comité a pensé qu'il serait d'un mauvais exemple d'imiter, en quoique ce fût, les faux-monnayeurs, et qu'il convient de prendre le cuivre dans son état naturel, soit pour l'allier, soit pour le frapper seul. C'est, sans doute, la marche la plus conforme à la franchise, à la loyauté, à la dignité des nations.
Quoique cette observation réponde à d'autres propositions de ce genre qu'on a portées au comité, je dois, pour arrêter les reproches qu'on lui a déjà faits, et qu'on chercherait à lui faire encore, de ne pas accueillir avec empressement tous les projets prétendus utiles; je dois vous mettre à portée d'en connaître quelques-uns de ceux qui ont été présentés avec le plus d'instances, et dont quelques honorables membres se sont déclarés les protecteurs.
L'un de ces projets est celui de M. Pasquier, honnête et zélé citoyen.
Il consiste à faire de la monnaie plaquée ou fourrée, c'est-à-dire des pièces composées d'une lame de cuivre, recouverte de deux lames d'argent, de manière que le cuivre paraît sur la tranche. C'est une espèce d'alliage sans fonte et sans mélange, qui a plus d'inconvénients que l'alliage réel, sans avoir aucun de ses avantages.
Par l'alliage ordinaire, la matière devient plus dure, plus propre à résister aux chocs et aux frottements : le cuivre et l'argent, intimement mêlés, se fortifient, s'aident mutuellement, et partagent les attaques extérieures. Dans l'alliage, ou plutôt dans le placage de M. Pasquier, c'est l'argent seul qui est exposé, c'est le métal précieux qui reçoit seul les chocs destructeurs, qui couvre et garantit précieusement le métal vif, tandis que ce devrait être tout le contraire s'il était possible. Par le procédé ordinaire, on est sûr de trouver toujours, malgré le frai, le titre de la pièce, tel que le fabricateur l'y a mis : par celui de M. Pasquier, il est impossible de le retrouver, lorsque le frai a consumé une partie des lames d'argent. Ce serait donc ouvrir la porte à la fraude, et se mettre dans l'impossibilité de la constater. Ajoutez à cela que les plaques extérieures étant d argent pur et mou, les empreintes seraient bientôt effacées, et jugez si la monnaie fourrée peut vous convenir. Lorsque vous saurez qu'eile fût inventée, du temps de nos pères, dans un siècle de désordre, par un fameux faux-monnayeur, nommé Merlin, vous serez étonnés que d'houorables membres, bons citoyens, viennent vous la van-
ter et nous la proposer comme une excellente opération.
Un artiste, marchand orfèvre, M. Gazeneuve, vous propose tout bonnement de faire gagner à la nation deux cents millions. Son moyen est de faire fabriquer, avec les pièces déjà existantes et avec d'autres matières qu'on se procurerait pour deux cents millions, valeur intrinsèque, de petite monnaie, moitié argent, moitié cuivre, et de les donner au public pour le double, c'est-à-dire pour quatre cents millions. Je lui ai répondu qu'il serait plus court d'ordonner que les pièces actuelles vaudront le double de ce qu'elles valent. M. Gazeneuve n'est pas de ceux qui sont le moins vivement persuadés de l'excellence de leurs projets.
Je vous ennuierais trop, Messieurs, si je voulais vous faire part de toutes les rêveries qu'on imagine, et qu'on cherche à nous persuader.
Revenons à la suite des questions, dont l'examen est prescrit par vos décrets. Quelle division adoptera-t-on ? Sera-ce la division décimale?
Tout le monde convient quela division décimale est la plus commode pour les comptes, et par conséquent la meilleure. G'est elle qu'adopte l'Académie des sciences, consultée par vos ordres: c'est celle que votre comité préfère aussi avec l'Académie et la plupart des personnes instruites. Il en est cependant, en petit nombre, qui voudraient qu'on ne changeât point les divisions actuelles, qu'on continuât à nefaire que des pièces de vingt-quatre, douze et six sous. Ils donnent pour raison qu'il y aurait des inconvénients à innover à et t égard. Je cherche les inconvénients qu'on annonce, et je n'en trouveaucun qui puisse balancer les avantages du sentiment opposé. Le peuple, dit-on, est accoutumé à la division duodécimale. Gela est vrai ; mais il est vrai aus-i que le peuple a eu souvent des habitudes différentes à cet égard ; qu'il n'a jamais répugné à en changer toutes les fois que ses rois l'ont voulu ; qu'il ne s'est plaint que quand on lui a donné de la fausse monnaie ou de la monnaie d'un volume incommode; quand on a mu Itiplié, coup sur coup, les refontes et les changements pour le seul avantage du Trésor du prince et de ses agents. On ne peut donc pas douter que le peuple ne voit avec plaisir une nouvelle division, plus commode que l'ancienne, et plus généralement conforme à l'opinion et aux désirs des hommes instruits.
Il faut attendre, dit-on, que l'Académie des sciences, d'accord avec les plus savantes académies étrangères, nous ait donné les divisions nouvelles, les poids et les mesures que la nature mieux connue et mieux calculée leur donnera. Mais cette division que nous attendons doit être la décimale, portée à la vérité plus loin et sur des objets dont il ne peut être question aujourd'hui ; mais cette division, telle qu'elle vous est proposée, est demandée par la plupart des académiciens. Il n'y a donc pas de raison plausible pour attendre davantage.
Je dis plus ; dans le cas même où vous voudriez laisser dans la circulation les pièces anciennes , effacées ou fausses, concurremment avec les nouvelles, il conviendrait que la division fût changée. La raison en est palpable. Les étrangers ont, à ce qu'on assure, des quantités de pièces de vingt-quatre, douze et six soub toutes prêtes, à des titres plus bas que les nôtres. Ne les eussent-ils pas toutes prêtes, ils les auraient bientôt. Ils ont nos coins; il 11e leur a pas été difficile de les imiter. S'ils ne les ont pas déjà introduites, c'est qu'étant neuves, et nos 1
monnaies n'en ayant pas frappé depuis longtemps, elles seraient par là même suspectes ; mais dès que vous en ferez faire de pareilles, ils répandront les leurs avec profusion, et vous serez encore plus inondés défaussé monnaie.
Un coin nouveau pour ces pièces de vingt-quatre, douze et six sous ne remédierait pas aux inconvénients. Tant qu'il sera permis aux vieilles pièces effacées de circuler, les étrangers vieilliront les leurs, comme ils voudront, par le frottement, et les substitueront aux nouvelles que vous émettrez, et qui, ayant tout le poids et le ti;re requis, offriront à leur cupidité un profit certain. On se plaindrait toujours, avec raison, du trop petit volume des pièces de six sous, qu'un poinçon nouveau ne saurait agrandir, et qu'une circulation extrêmement active diminue chaque jour. Il est donc bien évident que la division duodécimale ne saurait plus convenir.
M. i'évêque d'Autun fait, contre la division décimale, une dernière objection, qui ne me paraît pas mieux fondée. Il prétend que le livre de compte étant l'étalon de toutes les monnaies, elle ne doit point être une monnaie réelle.
On commença, sous Gharlemagne, à se servir de la livre de compte, composée de vingt sous ; mais alors, et penda it longtemps, cette livre, ainsi que le sou et le denier, étaient aussi des monnaies réelles, et il n'en résultait aucun inconvénient. Ge n'est que par les changements survenus, ce n'est qu'à force d'affaiblir et d'altérer les monnaies, que la livre n'a plus été qu'une monnaie idéale ou de compte. Cela n'a pas empêché qu'il n'y ait eu assez souvent des pièces de vingt sous, comme le comité vous en propose aujourd'hui. Sous le roi Jean, après l'an 1350, les peuples se trouvèrent si tourmentés par les changements perpétuels et les altérations des monnaies, qu'ils s'accoutumèrent à ne plus compter à livres et à sous, mais à marcs d'or et d'argent. Alors donc aussi la monnaie de compte était une chose réelle, et non purement idéale.
Je réponds enfin que comme la livre est, si l'on veut, l'étalon des écus et des louis , le sou est aussi l'étalon de la livre. S'ensuit-il de là qu'il ne faut plus faire des sous, qu'il ne faut pas que le sou soit une monnaie réelle, parce qu'il est une monnaie de compte? D'ailleurs, ce n'est pas la dénomination de livre qu'on vous propose de donner aux nouvelles pièces, mais celle de pièces ne vingt sous, dix sous et cinq sous, comme 011 en a fait autrefois.
On vous proposera sans doute, Messieurs, un avis qui avait été unanimement rejeté parle comité, lorsqu'il était très nombreux, composé de membres assidus à toutes les discussions, et qui a été adopté postérieurement par la minorité, lorsque le comité s'est trouvé moins nombreux, et composé en partie de membres qui entendaient la discussion pour la première fois. Cet avis consiste à faire des pièces de trente sous et de quinze sous au titre des écus, en laissant subsister toutes les autres. Je dois vous rendre compte des raisons qui avaient déterminé le comité plus nombreux à ne pas l'aumettre. Elles vous sont nécessaires pour vous décider avec connaissance de cause.
Il voyait dans cette mesure des inconvénients très graves, qu'il ne pouvait ne pas regarder comme une suite, une continuité et un surcroît de malheurs publics. Il voyait qu'elle laissait la porte toujours ouverte à la fraude, à l'extraction des bonnes pièces et à l'introduction des mauvaises ; il sentait que les 15 millions qu'on em_
ploierait à cette fabrication nouvelle seraient autant de perdu pour la France, autant de jeté entre les mains des étrangers, autant d'ajouté à la dette publique (par le nouveau vide que leur extraction causera, et qu'il faudra remplir tôt ou tard) sans autre bien qu'un soulagement apparent et momentané. Il avait examiné toutes choses, il avait sondé tous les maux, il avait cherché tous les remèdes, et il ne voyait aucun salut pour la chose publique dans des opérations timides et partielles : il n'en trouvait que dans celles qu'il vous a indiquées par ses divers rapports, dans celles qui tendent à délivrer le peuple de la trop nombreuse fausse monnaie, qui l'embarrasse, le jette dans des pertes journalières, et lui en préparent d'accablantes; dans celles qui arrêteraient pour toujours l'extraction et l'introduction dangereuses, qui interdiraient toutes les vieilles pièces effacées ou étrangères, dès que nous en aurions une suffisante quantité de nouvelles pour les remplacer avec l'abondance convenable; dans celles qui donneraient une nouvelle vie à la circulation, qui remédieraient à la rareté du numéraire, attireraient au change des monnaies une plus grande abondance de matières, préviendraient, par des moyens plus efficaces,les infidélités des fabricateurs, rétabliraient l'honneur de nos espèces, en leur assignant leur véritable valeur, ranimeraient ainsi la confiance, le crédit et le commence ; assureraient à 1 Etat une prospérité plus certaine, une supériorité de richesses et de ressources plus réelle et plus constante.
La mesure proposée lui paraissait renfermer plusieurs inconvénients particuliers, qui, seuls, devaient la rendre inadmissible. La division de l'écu, en pièces de trente sous et de quinze sous, s'éloigne du but, dont il serait nécessaire de se rapprocher, et qui consiste à descendre le plus près possible vers la monnaie de cuivre, comme je l'ai déjà dit. La division en pièces de vingt, dix et cinq sous aurait cet avantage. Les pièces de trente sous et de quinze sous, au titre des écus, étant d'une matière peu ferme, et roulant dans une circulation très active, doivent perdre aisément par le frai, et leur empreinte, et des parties de leur substance, comme il est arrivé aux pièces de vingt-quatre, douze et six sous. Mêlées souvent avec la monnaie de cuivre, matière plus dure, ce frottement multiplie les perles. Les pièces de vingt, dix et cinq sous, au contraire, étant d'un métal composé plus dur que le cuivre, n'en recevraient presque aucun dommage. On objecte, je le sais, que dans cette composition l'argent seul, comme plus mou,serait attaqué par le frottement. Pour faire une telle objection il faut n'avoir aucune connaissance de la nature des métaux; il faut ignorer que, quaud deux métaux sont fondus ensemble, il en résulte un métal composé qui n'est ni l'un ni l'autre des composants, qui a des propriétés que n'ont ni l'un ni l'autre. Le métal des cloches, par exemple, est cassant, très dur et très sonore. Je demande si le cuivre etl'étainquile composent, lui ressemblent en quelque chose, ou si quelque frottement peut y trouver et y attaquer l'étain seul ou le cuivre seul?
On fait une autre objection contre les pièces de vingt, dix et cinq sous, laquelle paraît d'abord plus spécieuse, mais n'en est pas mieux fondée. On dit que la composition de ces pièces, étant à huit deniers, contient un tiers de son poids en cuivre, qui, n'étant compté pour rien dans l'évaluation des espèces, se trouverait là en pure perte. Mais, répondrai-je, quand cela serait, n'y en a-t-il pas aussi dans les écus? N'y en aurait-il
pas aussi dans les pièces de trente et de quinze sous? Peut-on regarder d'ailleurs comme une perte,un moyen qui nonne aux espèces le volume nécessaire et commode, qui les conserve mieux, qui les garantit mieux des effets du frai, en leur procurant plus de dureté et de solidité?
Cependant, comme je l'ai observé ci-dessu?, l'usage, et peut-être la politique, veulent que le cuivre, quand il est en certaine quantité dans les espèces, y soit compté pour sa valeur; car il a une valeur réelle. Mais supposons que l'objection soit vraie à cet égard, et voyons ce que le calcul nous apprend.
Les écus étant au litre de dix deniers vingt-et-un grains, selon la loi, renferment au delà d'un douzième de cuivre. Les pièces de vingt, dix et cinq sous en renfermeraient quatre douzièmes. Sur 20,000 marcs d'argent, qui font un million en écus, ou en pièces de trente et quinze sous, il y aurait environ 2,000 marcs de cuivre, qui, à 10 sous le marc, coûteraient 100 pistoles. Ce serait donc 1,000 livres par million, sur la même quantité de 20,000 marcs d'argent, au titre de huit deniers, il y aurait de 6 à 7,000 marcs de cuivre, qui coûteraient environ 3,600 livres. Ainsi, dans les 15 millions en pièces de trente et quinze sous, au titre des écus, il y aurait pour 15,000 francs de cuivre; et en pièces de vingt, dix et cinq sous, au titre de huit deniers, il y en aurait pour environ 50,000 francs.
C'est à vous, Messieurs, à juger si une économie de 35,000 francs sur 15 millions devrait vous faire rejeter une mesure qui vous procurerait des avantages d'un prix bien au-dessus de cette somme, un volume plus commode, une division plus rapprochée de la monnaie de cuivre, plus propre à suppléer toutes les autres, et à diminuer le frai et les pertes.
A l'égard delà monnaie de cuivre, j'ai eu l'honneur de vous en entretenir il y a quelques jours. Je vous ai fait connaître la quantité qu'il y en a dans la circulation, et la nécessité de faire cesser la fabrication actuelle, au moins dans quelques parties du royaume, où l'on se plaint des embarras qu'elle cause au commerce. Je vous ai dévoilé les fraudes que la cupidité porte à commettre en faisant cette monnaie plus petite que la loi ne le permet. S'il est question d'en faire fabriquer de nouvelle, je demanderai la parole pour vous proposer quelques amendements relatifs à d'autres abus. On avait pensé que la matière des cloches pourrait servir à faire de cette monnaie basse, en l'employant telle qu'elle est, ou en la rendant malléable par l'addition d'une certaine quantité de cuivre. Mais votre comité a cru qu'il convenait que la monnaie de cuivre fût de cuivre pur, sans mélange. Il n'a pas ignoré que ce métal pouvait être séparé facilement, et à peu de frais, des autres métaux, de l'étain, du zinc, etc., qui entrent aussi dans la composition des cloches, quoique des chimistes célèbres aient nié cette possibilité. Ils ignoraient apparemment les expériences récentes faites par M. Pelletier, habile, laborieux chimiste, et homme vrai, qui a eu la générosité de communiquer son procédé à l'Assemblée nationale, sans autre vue d'intérêt que celle d'être utile à sa patrie.
Cependant votre comité n'a pas jugé qu'il convînt à la nation de faire faire à ses frais cette opération chimique, ni d'attendre le cuivre qui en proviendrait, avant de procéder à la fabrication des monnaies. Il lui a paru plus expédient de vendre les cloches, et d'en tirer le meilleur parti possible. C'est une véritable mine abondante
qui peut être exploitée avec avantage, et fournir 1 de la matière à divers usages utiles et néces- | saires. Plusieurs compagnies se présentent et demandent chacune l'adjudication totale, moyennant des sûretés convenables. Des particuliers, ou de petites associations particulières vous demandent de leur vendre des quantités séparées, ] à chacun tant de quintaux, ou de milliers de quintaux, afin de faire participer au profit, s'il y en a, un plus grand nombre de citoyens, qui auraient besoin de réparer par ce travail, l'espèce d'oisiveté forcée à laquelle la Révolution les a condamnés, et les pertes qu'elle leur a occasion-nées.Au reste, les gens du métier vous conseillent de faire bien surveiller, par des hommes intelligents et fidèles, et les ventes et les pesées, si vous voulez éviter des fraudes graves et fréquentes. Il aurait été utile, et peut-être nécessaire de connaître à peu près les quantités que vous avez à vendre, avant de les mettre en vente. Il est une autre considération qu'on ne doit pas perdre de vue, c'est que nos pères, religieux jusque dans les petites choses, ont mêlé quelquefois de l'argent dans la matière des cloches.
Il me reste à vous dire deux mots sur ce que vous avez demandé à votre comité, par votre I décret du 8 octobre, « sur les différents moyens « capables de remédier à la rareté du numé-« raire, et notamment sur la facilité à accorder à « ceux qui porteront aux hôtels des monnaies des « matières d'or et d'argent. »
Pour connaître le remède, il faut chercher les sources du mal. Le comité a trouvé une de ces sources dans le dérangement de l'ancienne pro- j portion entre l'or et 1 argent, qui était d'environ 1 à 14 1/2, et qui a été porté à 15 1/2 environ, par M. de Galonné, en 1785. Ce qui donnant à l'or une valeur arbitraire, qui n'est point admise chez l'étranger, a introduit des spéculations mercantiles qui nous enlèvent nos écus, notre principal et plus utile numéraire.
Le remède serait donc de rétablir les choses comme elles étaient avant la désastreuse opération du ministre Galonné. Votre comité vous l'a déjà proposé.
Une seconde cause de la rareté du numéraire est la défaveur dans la balance du commerce, le désavantage du change, qui résulte de ce que, depuis deux ans, par l'effet des fausses opérations du gouvernement, notre industrie languit, notre commerce d'extraction a diminué, et que nous achetons à l'étranger plus que nous lui vendons, ce qui nous enlève journellement, pour solder cet excédent, une plus ou moins grande quantité d'espèces. Le seul moyen d'y remédier, c'est d'encourager les arts et le commerce; c'est de diminuer l'agiotage qui leur est si funeste, en ce qu'il donne un cours, pour ainsi dire, rétrograde à leur aliment le plus nécessaire ; c'est de prendre de telles mesures que les capitalistes soient intéressés à tourner leurs spéculations vers le commerce et l'agriculture, plutôt qu'à les concentrer dans les manœuvres ue la Bourse.
Une troisième cause du mal dont on se plaint est l'impôt si impolitiquement et si injustement établi sur les monnaies. Supprimez à jamais le droit de seigneuriage, source trop féconde de gêne et de malversations ; que le Trésor public soit chargé des frais de brassage, à l'imitation des Romains et des Anglais, à l'exemple de Louis XIV, sous la plus sage et la plus heureuse des administrations, celle de Colbert, et vous verrez, comme de son temps, les matières d'argent et
d'or accourir en foule au change des monnaies, et fournir aux fourneaux et aux balanciers l'aliment le plus abondant et le plus utile, sans que vous soyez obligés d'avoir recours aux funestes ressources de l'agiotage dont l'avide cupidité vous fera payer chèrement ses secours. Ceux qui ont de la vieille vaisselle, des lingots et autres matières d'or et d'argent, s'empresseront de les porter au change des monnaies, lorsqu'ils sauront qu'on leur rendra-, en espèces monnayées, autant de marcs, autant vie grains de matière line, qu'ils en auront apporté en lingots.
Car en déchargeant les monnaies du droit de seigneuriage et des frais de fabrication qui montent à 27 sous par marc d'argent, la valeur intrinsèque deviendra égale à la valeur numéraire ; le marc d'écus, qui est formé de huit gros écus et de trois pièces de 12 sous, et qui ne vaut aujourd'hui intrinsèquement que 48 1. 9 s. 1 d. selon le tarif des monnaies, quoiqu'on lui donne numérairement, c'est-à-dire, à raison de ce qu'il est monnayé, la valeur de 49 1. 16 s., vaudra intrinsèquement, comme numérairement,49 1.16 s. : cela veut dire que le marc en lingot aura la même valeur que le marc monnaye. Aujourd'hui celui qui apporteau change de la monnaie un marc d'argent en lingot, au titre des écus, reçoit en payement moins d'un marc en écus, puisqu'il ne reçoit que 48 1. 9 s. 1 d., et qu'il faudrait 49 1. 16 s. pour compléter le marc; au lieu que dans la supposition dont je parle, le vendeur du marc en lingot serait payé par le marc entier en I écus par 49 1.16 s. Je conviens que cette opération porterait le prix de l'argent au-dessus du taux actuel, 27 sous de plus par marc; mais le cours du commerce ne le porte-t-il pas encore plus haut, et pouvez-vous avoir d'autres moyens d'empêcher que la cupidité ne fonde vos écus,d'autres moyens d'attirer les matières précieuses au change des monnaies? Où retrouverez-vous ces deux avantages incalculables, sans compter la surveillance active que le public exercerait journelle-1 ment sur les fabrications, en examinant de près le poids et le titre des espèces qu'il recevrait en échange de ses lingots? Vous sentirez le prix et la nécessité de cette surveillance, si vous connaissiez à quel point l'infidélité des fabricateurs 1 et des essayeurs sait tromper, au détriment de la | chose publique, les surveillants ordinaires le& plus attentifs.
On oppose à cette mesure des objections, de prétendus inconvénients, qui s'évanouissent quand on fait attention à l'expérience d'une suite de siècles, faite par les Romains, à celle que font les Anglais depuis longtemps, à celle que fit en. France, avec tant de succès, le célèbre et judicieux Colbert. Si l'on voulait des réponses plus . directes et détaillées, il serait aisé d en donner. Par exemple, si on objectait que nous deviendrions les monnayeurs des autres nations, je dirais, tant mieux : car certainement les matières étrangères ne viendraient pas à nos monnaies, sans payer des commissions, sans faire des dépenses qui nous dédommageraient amplement des frais de fabrication. Compterait-on d'ailleurs pour peu de chose l'avantage de voir notre monnaie devenir la monnaie universelle?
Je crois, Messieurs, avoir satisfait à vos divers décrets sur la partie des monnaies qui est à l'ordre du jour. Je crois avoir suffisamment répondu à ce que vous pouvez exiger aujourd'hui de votre comité. Je vous ai exposé ses principes,, ses observations et le résultat de ses longues et profondes discussions. S'il vous faut un projet
de décret, je ne puis vous présenter que celui qu'il vous a déjà présenté lui-même, et qui, après avoir établi les principes les plus simples, vous propose la fabrication de la petite monnaie, et tend ainsi directement à votre objet (1). Si l'on persiste à écarter tout principe, à ne vouloir qu'une opération partielle,que votre comité, plus nombreux et plus instruit pour la discussion, avait unanimement rejetée comme fausse et funeste, d'autres que moi vous la présenteront* Votre comité, honoré de votre confiance, chargé par vous de vous indiquer les moyens véritablement propres à rétablir l'ordre dans cette partie importante de la chose publique, aurait cru se rendre infiniment coupable, vous tromper sciemment, et trahir lâchement les plus grands intérêts de la nation ; si par faiblesse, par condescendance, par complaisance pour une partie de l'Assemblée, mal instruite, ou trompée, ou préoccupée, il avait dévié de la vérité connue, et vous avait conseillé une mesure dont il sentait le danger et les suites pernicieuses. Des médecins assemblés en consultation peuvent-ils ordonner au malade autre chose que ce qui, après un mûr examen, leur parait le meilleur, le seul efficace à rétablir sa santé. Si le malade ignorant, faible et trompé, préfère un remède de charlatan, et qu'ils ne puissent l'empêcher, quel sera l'homme assez injuste pour leur imputer sa mort? Leur honneur ne sera-t-il pas bien loin d'avoir contracté la tache de cette charlatanerie, et leur conscience celle des maux qui peuvent s'en suivre ?
C'est une véritable médecine, un remède certain que vous avez demandé pour la maladie grave et très compliquée qui afflige les organes de la vie du commerce. La partie principale de cette maladie, que vous cherchez à guérir, est la rareté du numéraire; et de quel numéraire?des écus. Sans s'embarrasser de la cause qui la produit, et qui la produira toujours, tant qu'elle existera, tant qu'on négligera de l'attaquer, pour faire cesser cette rareté, pour avoir une quantité d'écus suffisante, on va vous proposer de faire fabriquer quinze millions en pièces de trente et quinze sous, au titre des écus, laissant aux étrangers, aux billonneurs et aux faux-monnayeurs, toute la liberté, toute la facilité qu'ils avaient su prendre sous le régime le plus désordonné et le plus apathique; et c'est ainsi qu'on veut travailler à la régénération, à la guérison de nos maux en les empirant, en versant sur nos plaies, au lieu de baume, un poison sans remède.
Ces comparaisons et ces expressions vous paraîtront justes et modérées,
lorsque vous aurez porté une attention sérieuse sur toutes les vérités que
je viens de vous exposer, lorsque vous réfléchirez sur les ressources
infinies de la fraude et de l'agiotage. Il est vraisemblable, et il faut le
dire, il est même certain qu'en cherchant à vous procurer, par une opération
partielle, une augmentation de quinze millions en petit numéraire, il vous
arrivera, à moins de précautions extraordinaires et fidèlement suivies,
qu'on vous vendra fort cher vos propres écus, qu'on aura fondus et réduits
en lingots. Ce que vous ne pouvez pas éviter, c'est de payer au moins seize
millions et demi les quinze millions de matière qui vous sont nécessaires.
Ainsi, la pièce que vous donnerez pour trente sous reviendra à 1 Etat à
environ trente-
Je demande à la majorité de l'Assemblée si elle a entendu un mot de ce que le préopinant vient de dire?...
J'ai à vous présenler, au nom de la majorité des comités des monnaies et des finances réunis, un plan qui a au moins le petit mérite d'être clair. Je conviens que vous ne l'adopteriez point, s'il s'agissait d'établir en ce moment un régime général des monnaies; mais ce n'est qu'une opération provisoire que vous nous avez chargés de vous proposer.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale après avoir entendu ses comités des monnaies et des finances réunis, et sans rien préjuger sur les principes du système monétaire qu'elle se réserve de prendre en grande considération, a décrété et décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Il sera incessamment fabriqué une
menue monnaie d'argent jusqu'à concurrence de 12 millions de livres.
« Art. 2. Cette fabrication sera faite au litre actuel des écus, et avec les mêmes remèdes.
« Art. 3. Cette monnaie sera divisée en pièces de 30 sous et de 15 sous, et il en sera fait pour 6 millions de chaque espèce.
« Art. 4. La valeur de chaque pièce sera exprimée sur l'empreinte.
« Art. 5. L'Assemblée nationale invite les artistes à proposer le modèle d'une nouvelle empreinte ; elle charge son comité des monnaies de lui rendre compte de leur travail le plus tôt possible,
« Art. 6. Il lui présentera incessamment ses vues sur la légende qu'il convient de substituer aux anciennes, et sur les moyens d'éviter les abus qui pourraient s'introduire dans cette fabrication.
« Art. 7. Les divisions actuelles de l'écu en menue monnaie d'argent, et la monnaie de billon qui existent dans la circulation, continueront d'avoir cours, comme par le passé, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné; mais il n'en pourra être fabriqué d'autres.
« Art. 8. Il sera fabriqué de la monnaie de cuivre de 12, 6 et 3 deniers.
« Art. 9. Il en sera incessamment fabriqué pour un million, et ensuite pour 100,000 livres par mois; et, sur la demande des départements, la fabrication sera augmentée ou suspendue par décret de l'Assemblée nationale.
« Art. 10. Elle sera faite à la taille actuelle, l'Assemblée nationale n'entendant préjuger aucun des principes du système monétaire.
* Art. 11. Un tiers de cette fabrication sera en
pièces de 12 deniers, un tiers en pièces de six, et l'autre tiers en pièces de 3 deniers.
« Art. 12. Elle sera faite avec de nouveaux coins, dont le modèle sera incessamment décrété par l'Assemblée nationale; toute fabrication de monnaie de cuivre avec les anciens cessera dans toutes les monnaies du royaume, aussitôt que les nouveaux pourront être employés. Les anciens seront brisés en présence de la municipalité qui en dressera procès verbal qu'elle adressera sans délai au ministre des finances.
« Art. 13. Pouraccélérer l'exécution du présent décret, les cloches des églises supprimées seront incessamment vendues à l'enchère, à la charge, par les adjudicataires, de payer partie du prix de l'adjudication en cuivre pur, jusqu'à concurrence du besoin des monnaies.
Art. 14. Les comités des finances et d'aliénation proposeront incessamment à l'Assemblée nationale les charges et les clauses qu'ils jugeront convenables d'employer dans l'adjudication. »
Il est impossible de discuter un projet sur une simple lecture ; je demande l'impression de ce projet de décret et l'ajournement de la discussion.
Messieurs, vous ne pouvez pas décréter le projet qui vient de vous être
lu. Vous ne faites pas attention qu'on vous propose de la petite monnaie
au litre des écus. Une émission aussi considérable dans Paris serait
fondue tout aussitôt. Il y en a une raison bien simple, c'est que, par
un effet de votre position et de votre commerce, vous êtes obligés de
payer des matières d'argent jusqu'à 55 ou 56 livres le marc. Un fondeur
n'aurait qu'à prendre votre nouvelle monnaie, la mettre au creuset,
porter 1e lingot à la monnaie et il y gagnerait une somme que je n'ai
point calculée, mais qui doit être considérable. Je vous demande la
permission de vous lire quatre articles qui me semblent convenir à votre
po-ition ; j'indique la somme de 15 millions. Voici ce projet de décret
: « Art. Ier. Il sera fabriqué pour 15
millions de petite monnaie, laquelle contiendra huit parties d'argent et
quatre de cuivre. On augmentera la somme de la fabrication, si cette
augmentation est jugée nécessaire. « Art 2. Les pièces delà nouvelle
monnaie seront de 20,15,10 et 5 sous; leur empreinte, leur forme et leur
valeur intrinsèque, seront déterminées incessamment par un décret
particulier. « Art. 3. Les pièces de billon demeureront dans la
circulation jusqu'à l'époque où la fabrication de la nouvelle monnaie
permettra de décrier une partie de la monnaie de billon. « Art. 4. Il
sera fabriqué pour un million de monnaie de cuivre pur et si les
administrations de département trouvent celte somme insuffisante; il
sera rendu compte de leurs pétitions à l'Assemblée nationale, qui
statuera ce qu'il appartiendra ». J'appuie donc la demande
d'ajourneinent faite par M. Rewbel et je demande que l'Assemblée veuille
bien ordonner l'impression de mon projet de décret, en même temps que de
celui du comité des monnaies.
Si le travail des comités aide les délibérations, il arrive aussi souvent que nos délibérations aident les travaux des comités. Je demande que l'Assemblée décide d'abord si ou non elle s'occupera de la revision du système monétaire, ensuite si elle changera la valeur des pièces reçues, si elle substituera les pièces de vingt sous à celles de douze, et enfin si elle veut des pièces d'argent pur ou d'alliage. Le vœu de l'Assemblée étant manifesté sur ces objets, il n'y aura rien de si simple à ordonner que la fabrication. Quant à l'opinion de M. Démeuuier, elle mérite la plus grande attention. S'il y a du bénéfice à refondre les pièces, il est inutile d'en faire. Il faut qu'une pièce de monnaie ne soit autre chose qu'un facile moyen de commerce; il faut qu'il ne puisse pas y avoir de profit pour celui qui voudrait fondre les pièces de monnaie. Il ne doit pas y avoir ici de bénéfices pour l'Etat. Des brigands ou des ministres déprédateurs peuvent seuls forcer à prendre des pièces à une valeur qu'elles n'ont pas. C'est une chose de la plus hauteimporiance que la petite monnaie; 1e peuple en a le plus grand besoin; et lorsque les ennemis de la chose publique s'occupent à le harceler par toutes sortes de manœuvres, il faut bien que l'Assemblée nationale cherche les moyens de le consoler.
L'objection qu'a faite M. Démeunier ne me paraît pas devoir vous arrêter; car s'il y a un profit,aussi certain qu'il l'annonce, à fondre la monnaie qu'on vous propose actuellement, il est évident qu'on peut aujourd'hui fondre vos écus
C'est ce qui se fait.
Je voudrais que M. Démeunier me laissât parler; car c'est un avantage que je ne lui dispute pas. Je ne crois point que les écus soient fondus avec l'activité qu'on vous annonce; 11 paraît au contraire que l'argent devient moins cher. L'argent avait disparu par méfiance; mais la confiance qu'obtiennent les assignats le font sortir tous les jours avec plus d'abondance. Il est certain que l'argent est moins rare; c'est un fait dont tout le monde est témoin. Je sais, d'après ces différentes raisons, que les vues proposées par vos comités, qui nous ont annoncé, ce me semble, avoir consulté le gouvernement et s'être accordés avec lui, ont un grand avantage. Ainsi je conclus à ce qu'on aille aux voix sur le projet des comités. (L'Assemblée, consultée, ordonne l'impression des projets de décret et ajourne la discussion à dimanche prochain.)
fait lecture à l'Assemblée d'une lettre de M. Montmain, membre de la ci-devant assemblée générale de Saint-Domingue, par laquelle il demande, nonobstant le décret du 12 octobre dernier, d'aller à Tonnerre, ensuite en Picardie et en Normandie, d'où il se rendra dans la capitale, aux ordres de l'Assemblée et du roi. (L'Assemblée lui accorde sa demande.)
Messieurs, il y a un député à l'Assemblée nationale, de la députation de la ci-devant province d'Artois, qui, m'a-t-on dit, est parti sans congé pour se rendre dans son pays. Je demande que l'Assemblée se fasse rendre compte si M. Boudard, curé de la Couture, a effectivement demandé un congé; s'il n'en a pas obtenu, comme c'est un des curés qui n'ont pas prêté leur serment et qui ne se sont pas conformés au décret,
je demande qu'il lui soit ordonné de revenir dans l'Assemblée, de donner ou d'envoyer sa démission et d'envoyer son suppléant, parce qu'il ne peut plus s'absenter sans avoir rempli les formes qu'elle a prescrites. (Applaudissements.) Je me crois autorisé à manifester ces sentiments, parce qu'un membre de l'Assemblée nationale, curé, qui s'est refusé à un décret, qui part sans en avoir donné connaissance à l'Assemblée, peut être soupçonné, avec que que raison, de porter de mauvaises intentions dans les provinces. (Applaudissements à gauche.) On vient de me dire dans le moment qu'un autre (M. Delaplace) curé du bailliage de Péronne était parti également. Il est clair q ie l'on prépare des moyens de résistance (Grands applaudissements); il est clair que l'on se prépare partout à une résistance aux décrets de l'Assemblée nationale, que l'on veut égarer le peuple, que, par des écrits incendiaires, on veut déplacer le point de la question. Il est donc nécessaire que l'Assemblée s'oppose aux impressions momentanées que pourraient faire, en invoquant leur sacré caractère, des évêques infractaires aux lois. Or, le premier et le p!us?ûr moyen d'y parvenir est de les rappeler à l'Assemblée; s'ils n'y viennent pas, d'y "appeler les suppléants qui doivent les remplacer. Je crois qu'il est impossible que l'Assemblée nationale se refuse à cette mesure, qui est absolument conforme à la marche qu'elle a tenue jusqu'à présent pour toutes les permissions qu'elle a données. Il faut donc d'abord qu il soit vérifié si M. Boudard, curé de la Couture, et M. Delaplace, curé du bailliage de Péronne, sont partis sans congé : première proposition. La seconde tend à faire décréter qu'en cas qu'ils soient partis sans congé, ils soient mandés et qu'il leur soit ordonné de revenir, si mieux ils n'aiment donner leur démission et envoyer leurs suppléants. Voilà quelle est ma motion.
Souvent j'ai entendu à cette tribune des ecclésiastiques, des évêques annoncer que, si leur conscience leur empêchait de prêter le serment décrété par l'Assemblée nationale, accepté et sanctionné par le roi, ils étaient bien éloignés de faire un crime à ceux qui avaient cru pouvoir le prêter en sûreté de conscience. Cependant j'ai l'honneur de vous dénoncer ici formellement que sur des assertions positives dans le temple auguste de la nation, temple qui ne doit retentir que de la vérité, où on ne doit se permettre aucune restriction mentale, ayant pris pour règle de ma conduite des aveux aussi Formels, intimement convaincu d'ailleurs par les principes de la religion, que je pouvais prêter le serment, je l'ai prêté, je l'ai annoncé, et lorsque je me présentai à un confesseur pour purifier de plus en plus ma conscience..... (Murmures à droite; applaudissements à gauche.) Avant de m'entendre dans le tribunal de la pénitence, le confesseur me demande si j'étais membre de l'Assemblée. — Oui, lui dis-je. (Murmures.)
Taisons-nous et écoutons.
Mon confesseur me demande si j'avais prêté le serment. — Oui, réponds-je. Il me demande ensuite si je voulais le rétracter. — Non, répliquai-je.—Eh bien! me dit-il, je ne puis vous entendre. (Murmures et rires à gauche ; applaudissements à droite.) Ni mon honneur, ai-je continué, ni ma conscience ne m'obligent à faire ce que vous me dites. Je puis rester en conséquence dans mes principes; cela ne vous regarde en aucune manière et je vous rends, ainsi que les évêques, responsable de tous les maux qui peuvent résulter de celte résolution.
J'ai demandé la parole pour faire quelques observations relatives à la motion de M. de Lameth ; elle intére-se mon collègue, et je me regarde comme son défenseur naturel. Je l'exam nerai dans le fait et dans le droit. Quant au fait, M. l'abbé Delaplace, député de Péronne, comme moi, est dans l'usage d'aller chez lui pour les fêtes solennelles, parce qu'il ne peut avoir de desservant. C'est un homme honnê.e, doux, sensible.....(Murmures.)
Oui, c'est un des plus grands ennemis de la chose publique.
Personne ne le soupçonnera d'avoir de mauvaises intentions. Une fois pour toutes, je rie crois pas qu'on puisse ici dénoncer les intentions. Si elles se manifestaient par la conduite, celle de mon confrère est digne des plus grands éloges. Quant au droit, il est certain que les députés ne sont responsables qu'à leurs commettants: l'Assemblée n'a aucune juridiction sur ses membres; elle ne peut donner des ordres, des veniat; cette cause entre les commettants et les députés intéresse la liberté plus qu'on ne pense. Les représentants de la nation ne seront pas les derniers esclaves. (Murmures.)
Ils sont esclaves de leurs devoirs.
Vous ne connaissez un député comme député, que quand il est ici ; vous n'avez de juridiction sur lui que dans le sein de cette Assemblée, encore cette juridiction n'est-elle que de police et purement correctionnelle. Hors d'ici nous cessons d'être vos justiciables, et si vous vouliez donner à un absent l'ordre de revenir, ce ne pourrait être que par un avis inséré dan3 le procès-verbal et non par une espèce de jugement. Je supplie M. de Lameth de ne pas abuser de la faveur populaire dont il jouit, pour dénoncer des intentious qui sont au-dessus du jugement des hommes. C'est à cause que mon collègue est absent qu'il est innocent ; c'est à cause qu'il est innocentet que personne n'a droit de jeter des nuages sur son patriotisme, que je demande la question préalable sur la motion de M. de Lameth.
Messieurs...
Nous perdons notre temps.
, s'adressant à la droite ; Messieurs, ayez assez d'indulgence pour croire que je ne vous ferai pas plus perdre votre temps que M. l'abbé Maury. Je ne suis pas monté à cette tribune pour parler de l'affaire du député de Péronne; cette affaire ne me paraît devoir faire une question que pour ceux qui rêvent encore, appellent encore, invoquent encore les bailliages, et oublient que nous n'avons d'autres commettants que la nation. (Murmures à droite; applaudissements à gauche.) Ils oublient que la volonté bien connue de la nation est d'être représentée ; et que nous, ses organes, nous avons droit de veiller à ce que sa
représentation soit complète. Pour exercer cette surveillance» il est certain que nous so«imes armés d'une juridiction-collective. Ainsi de toute part les principes, foudroient, ces objections. Mais.îLest une motion d'ordre, pour laquelle j'avais demandéla, parole,, et que je, crois pressant de vous présenter. Des bruits appuyés par la dénonciation que vous a faite un des préopinants, des bruits que jet ne rappellerai pasv dàn» la crainte de; faire plus de bruit que de bien, m'ont suggéré une mesure instante que je vais vous proposer. Dans cette conjoncture grave et pressante, où l'esprit inconstitutionnel ■ de la majorité de nos prélats et.d'un bon nombre;de pasteurs inférieurs vient d& nécessiter la vacance die tant de sièges et d'offices ecclésiastiques,, jecrois devoir' rappeler un», iiostaot l'attention de* l'Assemblée sur quelques considérations et quelques mesures qui m'ont paru mériter-d'être* pesées dàns sa justice et dans sa sagesse. Premièrement, il n'estaucun citoyensage qui ne1 regardât une lbngue interruption dû ministère reKgreux comme l'assoupissement d'un, ressort très nécessaire au zèîe patriotique des peuples. Ce siïénce de la religion, il ne serait que trop facile aux ennemis de la Constitution et de M liberté, de l'indiquer comme le signal du moment à saisir, pour tourner là force publique contre la Révolution. Vous verriez bientôt'lé fanatisme s'agiter en tous sens pour présenter ce repos de notre institution êvangélique, comme là mort du christianisme,, comme.ia préparation du renversement des; sanctuaires, comme l'odieux monument dîme Constitutibn impie, qui achèverait bientôt de détruire, l'Eglise, etaon- sacerdoce. Secondement, sans examiner plus en détail cette situation) des choses, sous son aspect politique, vous, serez touchés de la. nécessité urgente et indispensable d'assurer; à un peuple, dont vous êtes les libérateurs eh les pères* la jouissance de sa foi», de son culte: et deisesespérancesL il a un droit sacré et journalier à toutes les eonsolat-tions et à tous les secourside la religion.. Userait trop douloureux pour voua d'apprendre qu'air milieu de nos cités, la portion chrétienne de ceux qui les habitent cherche en vain autour d'elle son pontife, son guide*, son pasteur; et que, dans les campagnes, l'agriculteur agonisant est forcé de descendre au tombeau, privé de la» douceur si chère à sa piéiéniaïve„ d'avoir vu la religion bénir son dernier soupir» (Applaudissements; répétés.Y . Troisièmement, nous ne pouvons nous dissimuler la grande difficulté qui s'oppose au, prompt remplacement des évèques et des purés destitués de leurs offices par leur refus de prêter lé- serment relatif à la constitution,, civile du clergé. Cette difficulté" consiste en ce que vous avez ré- frlé,{ articles 7 et 9i du. titre. Xi du?, décret, du 4. août 1790, que pour être éligible à. un évêché,, il sera nécessaire d'avoir rempli au.moins, pendant quinze ans les fonctions du ministère ecclésiastique dans le diocèse, etc.; et que, pour être éligible à une cure, il faudra pareillement, avoir, pendant un temps déterminé,, exercé les fonctions du ministère* dans l'arrondissement du-dislrict. IL est très, clair que l'observation littérale de cette partie,, d'ailleurs purement, réglementaire, de votre décret Jest. impraticable, au moment, où, nous sommes, et invinciblement incompatible; avec le besoin instant d'empêcher que le cours du ministère ecclésiastique ne subisse unesuspension d'où résulteraient des conséquences funestes à l'ordre public, et principalement celle d'acharner l'obstination et. les résistances par l'espoir que la difficulté des remplacements engagera l'Assemblée dans quelques mesures rétrogades. Peut-être des départements entiers seraient-ils; arrêtés, durant des années, par. l'impossibilité de faire tomber leur choix sur un ami bien fidèle de la Révolution, et de rencontrer un ecclésiastique doué d'un civisme incontestable'. Il me semble que tout prêtre français doit en ce moment au moins être éligible' pour toute la France. Cette universalité d'aptitude est même selon le sens et l'esprit d'Une Constitution qui a fondé l'unité indivisible de tous les citoyens sur les ruines* de toute»; les corporations et de toutes les exclusions politiques et sociales-. J'ai donc: l'honneur de vous proposer de décréter ce qui suitr l° Que relativement aux vacances des évêchés et cures qui pourront avoir lieu dans l'année 1791', tout Français prêtre, qui aura exercé le ministère pendant cinq années* sera éligible soit aux évêchés,. soit: aux. curesy dans quelque département que ce soit- (Applaudissements.) 2° Que les évêques' pourront, durant la même année, choisir leurs vicaires parmi tous les prêtres français qui auront exercé'le ministère pendant cinq ans. 3? Que les curés pourront/ durant la même années choisir pour vicaires tous prêtres français i. 4° Que le- présent décret sera porté dans le jour ài la sanction dui roik (Une grande partie de VAssemblée applaudit et demande à aller, aux voix.)
C'est moins1 pour'appuyer le projet de décret de M. de Mirabeau, que pour présenter une addition indispensable, que j'ai demandé la parole. Nbus savons qu'en cherche à alarmer lè peuple sur le sort de la religion ; qu'après avoir essayé de le soulever peur des opinions politiques, on veut Parmer pour^ les, opioions religieuses. (Test à nous à 1 éclairer "^c ést à nous à lui apprendre1 à, démêler des complots longtemps réfléchis, à lui faire. connaître la Constitution qu'il a juré de maintenir et qu'il maintiendra. Je demande, à cet effet, que l'Assemblée charge quatre membres de son comité, ecclésiastique,, de lui présenter une instruction sur- la constitution civile du clergé, pour être envoyée.dans les. départements, avec ordre de.Ta publier dans leur territoire. ( On applaudit dans la partie gauche.)-
L'Assemblée ne veut pas rendre un décret illusoire. Le projet de M- de Mirabeau porte que tout Français prêtre, qui aura exercé le ministère pendant cinq, an nées, pourra être, élu, aux. évêchés,. dans quelque département que. ce soitU On cherchera à. trou ver dans, ces inots- dea équir voques. Je demande donc que l'on mette que tout Français prêtre depuis cinq. ans. sera éligible aux évêchés».
J'y consens d'autant plus volontiers, que d'àbord ;jè l'avais mis ainsi.
Puisque M. de Mirabeau adopte ma proposition sur le premier article, ie n'ai plus rien à dire ; mais il ne s'agit pas seulement ici des évêques i ou des curésf ils ne sont: pas! en si grand nombre qu'ils ne puissent être, facile*-
ment remplacés. Ce qui est essentiel, c'est qu'il fautr pouvoir appeler aux fonctions de vicaires tous les prêtres de bonnes mœurs ; et quand je dis tous les prêtres, j'entends aussi les ci-devant religieux. Vous avez déjà déerété qu'ils pourront être élus vicaires ; mais ce décret est rendu illusoire, par la disposition qui, dans ce cas, les prive de la pension qui leur est accordée. Je demande donc-que tout ci-devant religieux qui sera nommé vicaire ou curé_______ Plusieurs voix dans la partie gauche : Ou évêque.
Ou cardinal.
Je demande dis-je, qu'il conserve sa pension avec son traitement. (On applaudit.),'
Cette disposition se trouvait dans mon premier projet;de décret; mais on m'a fait observer q,ue, cette prime accordée au patriotisme n'était pas plus de la digaité nationale que du zèle religieux.
J'aurais bien des choses à dire, sur la. motion, les amendements, et les sous-amendements. On présente en ce moment des principes qui; n'ont point été du tout discutés dans cette Assemblée. Mais, je fenonpe à la parole et je déclare que je ne préu,ds. aucune part à la délibération. (Une grande partie du côté droit applaudit et se lève èn signe d'adhésion.)
M. Alquier a proposé de. nommer quatre membres pour rédiger une adresse,, ie demande que pour rassurer sur le généreux abandon que vient de faire M. l'abbé Maury, on leur adjoigne MM. Fréteau et Camus. (Des applaudissements mêlés de murmures se font entendre dans diverses parties de. la sfllle.)
Je demandé qu'on leur adjoigne aussi MM. Rabaud et Barnave.
Je ne m'y oppose pas. Quant aux deux premiers, ils ont été de la plus grande utilité dans cette matière. La nation et l'Assemblée leur doivent l'hommage d'avoir toujours eu une piété solide et éclairée. (On applaudit.)
Cette disposition me paraît d'autant plus convenable, que jusqu'à présent le clergé de France a toujours profité des lumières des avocats du clergé. (On entend quelques éclats de rire.) Je ne crois pas qu'on veuille ridiculiser une aussi auguste matière. (Il se fait un profond silence.) Ou» répand des mandements, des lettres-circulaires, pour égare® le peuple, et l'Assemblée n'a rien fait eucore pour l'éclairer. Quelques curés ont voulu donner des preuves de leur amour pour la religion et pour la paix de cet empire, mais c'est une goutte d'eau (tans la mer. Il Saut donc que l'Assemblée fasse une proclamation, dans laquelle elle expliquera les vrais principes de la foi. (Murmures à,gauche ; applaudissements à droite).
M. l'abbé Gouttes, je vous rappelle à l'ordre.
J'ai eu tort, je voulais dire de la discipline. Je demande la question préalable sur la dernière proposition de M.. Rew-bel; elle est toute au désavantage de» vicaires, et il y en a beaucoup qui se plaignent d'avoir été renvoyés, après. vingt années de service, parce qu'on leur a substitué des ci-devant religieux.
, curé de Souppes. Je demande la permission de proposer un amendement. Les moyens de justice ont toujours été accueillis favorablement dans cette Assemblée. Vous avez décrété qu'il serait accordé dix mille livres de retraite à ceux des évêques qui se trouveraient privés de leurs évêchés. C'est peut-être cette certitude d'une aisance perpétuelle, quelle que soit leur conduite, qui fait que,, par des libelles et des écrits incendiaires, ils ont entraîné dans leur parti d'autres ecclésiastiques-Je demande que l'Assemblée, persistant toujours dans ses dispositions bienfaisantes, accorde aussi une retraite aux curés qui se trouveront déchus de leurs fonctions.
C'est une motion nouvelle ; il faut finir la motion principale avant de passer à celle-ci.
Je ne connais pas beaucoup les principes théologiques; je ne crois pas cependant qu'on puisse chasser les évêques de leur siège épiscopal : si cependant on les chasse, ils se retireront dans la cabane du pauvre qu'ils ont nourri.....
Qu'ils ont dépouillé.
Si on leur ôte une croix d'or, ils auront une croix de bois; et c'est une croix de bois qui a conquis le monde l
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. (L'Assemblée adopte cette motion.)
J'avais demandé la parole et je la demande encore en ce moment; vu l'importance de la motion qui vous a été présentée par M. de Mirabeau et les difficultés dont elle peut être environnée, je demande qu'elle soit ajournée* (Murmures.) Songez, Messieurs, que ce n'est pas le cas d'agir avec précipitation; je réclame le temps de la réflexion. Il y a plusieurs considérations qui peuvent vous être proposées demain ou après et qui ne peuvent l'être ©n ce moment, parce que* encore une fois, la matière demande un examen sérieux. Eh 1 comment, Messieurs, peut-on vous proposer de rendre éligibies à l'ë— piscopat, aux cures, généralement, tous les prêtres ? il y en a qui n'ont jamais exercé.
La discussion est fermée, monsieur Martineau.
Le scrutin épuratoîre du peuple n'est-il donc riea? Les fonctionnaires publics ecclésiastiques ne sont-ils donc pas épurés par ce scrutin X
M. de Mirabeau avait donné parole, à ce que l'on die, à un membre du comité ecclésiastique qu'il lui laisserait proposer sa motion. (Murmures.)
J'ai prié un de mes collé-
gues, membre du comité ecclésiastique, de consulter l'Assemblée et je l'ai engagé, si le projet était de son goût, à le présenter au comité.
Vous avez décrété que les cur^s des vicies, dont les cures seraient supprimées par la nouvelle organisation de paroisses, serai mt de droit vicaires de l'évêque. D'après le décret de M. de Mirabeau, les évêques qui ne se sont pas conformés à la loi ne doivent plus occuper ie sièg'j épiscopal. Suiv ait votre décret précédent, il faudrait même nommer d'autres personnes. Ja propose, par amendement, de laisser comme ils étaient ceux des curés dont les cures se trouveront supprimées. (Murmures.) L'ariicle proposé parM.de Mirabeau laisse à l'évêque la faculté de choisir les vicaires qu'il jugera à propos, pourvu qu'ils soient prêtres depuis cinq ans. Mettez donc par amendement : « Sans entendre excepter les curés..... »
Je propose deux amendements au projet de décret actuel. Ils ont très peu besoin de développement; aussi me bornerai-je à les énoncer. En admettant à l'éligibilité, pour les offices ecclésiastiques, Uns les prêtres depuis cinq ans, vous n'avez sans doute pas voulu décourager les curés, classe du clergé qui s'est généralement bien comportée jusqu'à présent, et qui vous fait espérer que la grande majorité adopti ra les principes de la Constitution. Je crois donc qu'il n'est nullement nécessaire, pour faire un choix très éclairé de candidats pour remplir les sièges des évêchés, d'y appeler d'autres que les curés. On doit même se borner, suivant moi, à déclarer éligibles pour ces places les curés français; mais je pense qu'il faut laisser subsister les autres disposions de votre décret relatives aux cures et au vicariat, sauf à admettre l'amendement qui a été proposé par M. Rebwell, et on pensera comme moi, si on réfléchit que c'est illusoirement qu'on appellera des religieux à des fonctions, très honorables sans doute, mais aussi très pénibles et très coûteuses, si on ne pense à augmenter ie traitement dont ils jouissent déjà. L'amendement de M. Rewbel est, selon moi, excessif et présenterait moins une proposition honnête qu'une espèce de tentation qu il n'est pas dans votre intention de leur offrir. Je crois nonc que l'on doit se borner à décréter que les religieux qui sont choisis par les curés pour être vicaires, ou élus par le peuple pour être curés, conserveront, indépendamment du traitement de leur place, la moitié de leur pension; et, d'autre part, qu'on ne doit admettre aux évêchés que les curés français.
J'adopte le second amendement de M. Barnave.
J'aurai l'honneur de vous observer, à propos de l'amendement curés ou grands vicaires, que, s'il passaii, il serait de toute justice d'y faire un t-ous-amendement : Que tout Français, curé ou grand vicaire...
Et mon amendement ?
Le vôtre, je ne le connais, ni ne l'entends. Sous cette dénomination générale de fonction- naires publics, j'adopte l'amendement de M. Barnave ; quant à l'amendement de M. Re-wbell, sous-amendé par M. Barnave, je l'adopte aussi.
Messieurs, quelle que soit la motion que je ne connais pas encore, qui a excité le tumulte dans l'Assemblée, voici l'amendement que j'y fais : L'Assemblée nationale, pour mettre tous les membres qui la composent à l'abri de la médisance des ennemis du bien public qui pourraient accuser plusieurs de ses mmebres de n'avoir consulté que leurs intérêts personnels, déclare que, pour cette fois seulement, les membres de l'Assemblée nationale ne pourront être élus aux évêchés. (Applaudissements à droite.)
Je demande la question préalable.
Nous avons déclaré ne pouvoir accepter aucune place ministérielle; si on était dans le véritable esprit de la Constitution, on n'aurait rien à objecter à mon argument.
La motion principale de M. de Mirabeau a été suivie de plusieurs amendements dont quelques-uns sont acceptés par lui et compris dans sa motion ; mais il y en a un, celui de M. Alquier, qui a été sous-amendé par M. Charles de Lameth et sur lequel M. de Mont-losier demande la question préalable. D'autre part, M. Martineau demande l'ajournement de la motion elle-même; sur cette question d'ajournement la question préalable est proposée. Enfin vient l'amendement de M. de Foucault. Je vais consulter l'Assemblée sur la question d'ajournement. (L'ajournement n'est pas adopté.)
Je demande la question préalable sur tous les amendements non adoptés.
Et moi, la division.
Plusieurs membres à gauche : Cela ne se peut pas.
Je vais consulter l'Assemblée.
(La division est rejetée et la question préalable adoptée sur les amendements).
Voici, Messieurs, quel serait le projet de décret définitif: « L'Assemblé nationale décrète ce qui suit: « l°Relativementauxvacancesdes évêchéspen-dant l'année 1791, que tout Français prêtre actuellement curé, ou ayant été fonctionnaire public pendant cinq ans, sera éligible dans tous les départements. » (Adopté.) « 2° Relativement aux vacances de cures dans le courant de la même année, que tout Français, prêtre depuis cinq ans, sera éligible dans tous les départements. » (Adopté.) « 3° Que les évêques qui, durant la même année] seront dans le cas de choisir des vicaires, pourront les prendre parmi tous les Français, prêtres depuis cinq ans. » (Adopté.) « 4° Que tout religieux ou ecclésiastique pensionné, déjà pourvu des vicariats ou de cures, ou qui y sera porté par choix ou par élection dans
le cours de l'année 1791, conservera la moitié de sa pension, indépendamment de son traitement. » Bien entendu qu'ici sont compris tous les prêtres pensionnés. (Le paragraphe 4 est adopté).
Avant que M. de Mirabeau n'aille plus loin, je dois à sa délicatesse de faire une observation : c'est que ceci étant une dérogation formelle à la constitution civile du clergé, décrétée par nous et jurée par plusieurs pasteurs, ils deviennent parjures en ce moment.
Messieurs, si la délibération n'était pas entamée d'une part, et que, monsieur, de l'autre, n'eût pas déclaré qu'il n'y prenait aucune part.....
, M. de Mirabeau est trop bien partagé du côté de la logique pour ne pas permettre aux autres qu'ils en usent.
Je réponds que l'article dont il est question est absolument réglementaire, que certainement cette Assemblée n'a pu dire que ses règlements ne changeraient pas avec les circonstances.
Comme ceci n'est que subtilité, je déclare que je n'en suis plus.
L'amendement de M. Alquier formerait le 5e paragraphe, ainsi conçu : « 5° Q ie son comité ecclésiastique lui présentera, dans le plus court délai, un projet d'instruction sur la constitution civile du clergé, pour être adressée aux directoires de départements, avec ordre de la publier incessamment dans toute l'étendue de leur territoire. » (Adopté.)
Je demande, par amendement, que M. le président se retire dans le jour par devers le roi.
Cela est compris dans le 6e paragraphe-, dont je vais donner lecture. Plusieurs membres interpellent M. de Mirabeau.
Il est infiniment plus facile de parler à l'Assemblée que de répondre à dix personnes à la fois. Le 6e et dernier paragraphe du projet de décret est ainsi conçu : « 6° Que le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi. » (Adopté.)
donne lecture de deux lettres qu'il a reçues du ministre de la marine, l'une relative aux dépenses des armements extraordinaires ordonnés en mai et eu août dernier; l'autre relative aux dépenses du transport des commissaires du roi, et de 6,000 hommes aux Antilles. L'Assemblée ordonne le renvoi de ces lettres, ainsi que des états y annexés, à son comité de marine.
, au nom du comité d'aliénation, propose de vendre des biens nationaux aux municipalités de Lauzun et de Villeneuve, dans le département de Lot-et-Garonne.
Un membre du même comité fait la même proposition en faveur de la municipalité d'Auzay (Vendée).
L'Assemblée rend le décret suivant:
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites, suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux, dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs, des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret;
Savoir : Département du Lot-et-Garonne.
t A la municipalité de Lauzun, pour la somme de........ 33,381 l. 9 s.
« A la municipalité de Villeneuve, pour la somme de..... 47,570 1. »
Département de la Vendée.
« A la municipalité d'Auzay, pour la somme de............ 106,460 1. »
Messieurs, je dois vous informer qu'il se a brûlé demain, en présence des commissaires de l'Assemblée et du commissaire du roi, pour 1,500,000 livres d'assignats rentrés dans la caisse de l'extraordinaire. Cette opération se fera dans la cour de la caisse de l'extraordinaire, rue Montorgueil.
indique l'ordre du jour d* demain et lève la séance à trois heures et demie.
(ci-devant Delley d'Agier) lit imprimer et distribuer, à la date du
7 janvier 1791, une opinion sur l'impôt que nous reproduisons ci-d'
s-ons. — Ce document a été annexé au tome XLVI des procès-verbaux de
l'Assemblée nationale. Quatrième opinion de M. Pierre de Delley,
député du Dauphiné, sur l'organisation de l'impôt, précédée de ses
observations sur l'état général des contributions et perceptions
énoncées dans le tableau imprimé du comité d'imposition. — (Imprimé
par ordre de l'Assemblée nationale, séauce du
et perceptions anciennes, montant à 766,764,1821., Dans la deuxième les contributions et perceptions pour l'année 1791, montant à.......*..,..,. fc51#9O,0O0 La troisième partie présente,en admettant les bases énoncées, le résultat numérique le plus satisfaisant, un soulagement pour la masse des contribuables de..... 215,740,182 Et au moyen des 36 millions payés par les privilégiés,ce soulagement s'élève» selon le comité,, à la somme de.,.................. 1?5t207,033 c'est-à-dire à plus du tiérs des impositions générales. D'après d'aussi grands avantages, quel est celui de nous qui n'a pas imaginé que l'utile et laborieux propriétaire en profiterait au moins pour sa part? Eh bien 1 Messieurs, toute cette brillante perspective ne conduit cependant, en suivant le plan au comité, qu'à faire supporter aux propriétés foncières, pour 1791, une très considérable augmentation d'impôt. Et je vais le prouver. ' Le comité propose pour 1791 une contribution foncière destinée à rentrer au Trésor-public,qui, réunie aux frais dès perceptions, monterait à............................ 300,000,000 1. Vous avez connu le principe vrai, que l'impôt n'était dû que par la récolle faite ; ainsi les 300 millions proposés pour 1791 seraient supportés par la récolte de 1790, et cette récolte a déjà payé la dîme, évaluée d'une manière exagérée idams le tableau à 133 mil ions., mais qui petit être comptée, en la réduisant à sa juste valeur, pour 90 millions, ci. 90,000,000 J'observe que le comité l'a considérée plusieurs fois comme impôt, ce que j'accorde îpour un instant,me réservant mon opinion sur son principe à cet égard. Les résultats du système décrété pour la contribution, prétendue mobilière, mettantrcomme je le prouverai, dans l'absolue nécessité de rejeter sur la cote des citoyens actifs et sur la cote du loyer d'habitation beaucoup plus de moitié des 67 millions proposés pour la contribution dite mobilière, il retombera sur le propriétaire foncier, pour json habitation et comme ira position directe, «forcée à raison de la propriété foncière, plus de 30 millions, ci...................... 30,000,000 Je le prouverai. Les 35 millions de la contribution patriotique seront fournis au moins et jusqu'à concurrence de 25 mil htm s par 'les propriétaires fonciers,; ce seront même les seuls qui ne "pourront y échapper, ci............................... 25,000,000 Les dépenses locales d'administration et de justice étant supposées comprises dans les 300 t millions du premier article, il ne A reporter..... 445,000,000 1. RepMf------------445,000,000 L reste que la mendicité qui a été oubliée par le comité, et qui exigera environ 15,000,000, ci. ... 15,000,000 Total de ce qui sera réellement imposé sur les propriétés foncières ena 1791, si l'on suit le plan du comité . .......... 460,000,000 Or, en 1790, les terres n'ont supporté en impositions véritablement foncières que 347 millions,, même en forçant toutes les parties qui n'y retombaient qu'indirectement ; en voici le détail: 1° Environ 180 millions pour les tailles réelles, vingtièmes, décimes et autres dénominations, ci.. . . . . . . . 180,000,000 1. 2° La dîme portée comme ci-dessus à 90 millions, ck . . . 90,000,000 3° La partie des 60 millions de l'impôt de 'la gabelle qui pesait réellement sur les terres, et qui pouvait être ^considérée comme imposition directe, était infiniment moins considérable qu'on ne se l'imagine, et le soulagement n'est .pas pour la masse'des propriétaires fonciers (comme je l'établirai si l'on me permet quel- . ? > ques détails)des deux cinquièmes de cet impôt, c'est-à-dire4e24 millions, ci . . , . 24,000,000 Les charges résultant de la corvée en nature exigeraient dies développements que je ne puis me permettre sans m'écarter de mon sujet; je me bornerai à annoncer ici que dans les paroisses où l'on proposait au rabais l'entretien dés routes, cplte imposition alors en argent ne montait pas au trentième.de fim-position direçte,. et l'on ne doit la iporter dans le compte actuefl et comme charge réelle sur les propriétés foncières, que pour 6 millions, ci. . ........ 6,000,000 L'impôt sur les milices exigerait aussi des observations, pour distinguer la partie qui doit être considérée comme impôt; j'en ferai mention pour 3 millions, ci.. 3,000,000 Toutes les autres charges que le comité a voulu considérer comme impôt sur la propriété, tels que les frais litigieux pour faits de contrebande, de chasse, etc. ; les dégâts causés par le gibier, ceux des juridictions inutiles ; les vexations ou exactions de tout genre, etc. ; la mendicité des religieux, le casuel des curés, etc. présentent quelques articles qui pourraient être considérés comme impôt forcé, à raison de la propriété ; je compterai pour cette partie obligée environ 24mil» lions, et c'est sûrement beaucoup trop . ............ 24,000,000 Les droits d'aides, ceux sur le tabac, sur les traites intérieures, etc., arrivent si indirectement à A reporter327,000,000 1.
Report...... 327,000,000 U gjrever la propriété foncière, et ce ne serait que si lentement ue le cultivateur en retirerait des avantages évidents et sentis, qu'il n'y attachera pour le moment qu'un prix très modique, parce que votre comité, en supprimant tous ces droits et en voulant les rejeter sur îles propriétés foncières, ne favoriserait réellement que les consommateurs et les fortunes mobilières : cependant je les porterai ici comme pesant sur la ipropriété!foncière pour 20 millions, c'est assurément porter bien haut pour 1791 ce bénéfice, ci,._____________________________ 20,000,000 Total de ce que supportaient les terres en 1790..........,.... 347,000,000 1. Quant à la suppression des droits sur les cuirs, sur les fem, -sur les kuiles, elle pourra favoriser un jour l'agriculture, mais en 1791 le soulagement est presque illusoire pour ie laboureur : il paye le fer ai ssi cher actuellement qu'en 1789, et n'a pas encore vendu un sol de plus, ni ses bestiaux, ni ses huiles. Ainsi cet article de bonification, pour 1791, serait si minime, qu'on ne peut en faire état. Ce soulagement prétendu de 251 millions sur la masse générale des contribuables ne conduit donc, en dernière analyse, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, Messieurs, qu!à faire payer en 1791 aux propriétaires fonciers l'effrayant impôt de 460 millions, au lieu de celui de 347 millions, c'est-à-dire 1^13millions de plus qu'ils n'ont payé en 1790, lorsque la masse générale des impôts était d'un tiers plus forteiqu'on ne propose de les fixer anjourd'hui. Ce simple aperçu suffirait, Messieurs, pous vous mettre en garde contre. leplan du comité,-et vous engager à prendre d'autres bases; mais ilme reste-À vous prouver que, même ^en admettant la volonté d'imposer sur-Les terres, en 1791, tout ce^que votre comité vous .propose,.son plan serait encore insuffisant d'après.les réductions qu'il est nécessaire de prévoir,^sur les évaluations exagérées-de plusieurs de ces articles de recette. En effet le premier porté dans son tableau pour 1791 est une contribution foncière de 300 millions, à laquelle somme il faudra ajouter 15 millions pour la mendicité. Or, Messieurs, les impôts directs surdes1 terres, recueillis par les collecSeurs, ne montaient en 1789 et en 1790, déduction faite des non-valeurs, qu'à 178 millions ; cependant 1789 n'est pas entièrement perçu, et 1790 offre un arriéré important : pensez-vous que ce soit un moyen bien efficace d'obtenir, dans les huit mois de 1791, qui resteront à courir depuis l'instant où l'impôt sera en recouvrement, d'obtenir, dis- i'e, et l'arriéré et le.coucant, que de présenter ,aux labitants des campagnes,au lieu de iaidiminution sur laquelle ils comptent, >une cote presque doublée? Un cri général s'élèvera, et le mécontentement ou l'impuissance arrêteront dans 'leurs sources tous les moyens de perception : vous n'obtieadnez ni l'arriéré ni le courant. En vain voudrez-vous entrer en raisonnements avec les habitants des campagnes, en vain vous efforcerez-vous de 1» s convaincre, ce peuple simple n'entend rien aux subtilités économistes : il n'y a qu'une preuve pour lui, qu'une manière 'de compter.; c'est le montant de sa cote : je payais l'an passé 6 livres au collecteur, et j'en paye 9 cette année, donc je suis surchargé : je payais 6 livres l'an passé, et je ne paye que 4 livres cette année, donc je suis soulagé/Ne sortez point, Messieurs, de ce dilemme dans l'organisation de l'impôt foncier ; car toute autre théorie viendrait se briser aux pieds -de l'expérience. Je conclus donc, >que le cultivateur découragé, loin de s'abandonner aux efforts que 'l'assurance d'une tfiminution dans sa cote lui eût fait faire pour la payer, y apportera une résistance invincible, parce-qu'à son mécontentement se joindra le défaut des moyens, en sorte qu'au lieu de retirer de la contribution foncière de 250 à 260 millions, qu'elle vous eût produits si elle eût été modérée, vous n'en retirerez pas 160 en 1791, si vous la porter à un' taux de 315 millions,, et par conséquent le déficit sur ces 315 millions, que le comité espère pour le Trésor public, sera'de près de moitié, 150 millions.1 Le deuxième article du tableau est la contribution mobilière pour 67 millions. Je me suis engagé à prouver que cette contribution, prétendue mobilière, retombera pour près de 30 millions au moins en impositions directes sur les propriétés foncières^ Messieurs, il était à peu près convenu que la somme des loyers imposables annuellement en France, avant la'Révolution, était de 350 millions ; les diminutions des fortunes et du luxe, et surtout les efforts très puissants de chaque particulier, 'pour dissimuler son loyer sur lequel va peser uneaussi forte imposition, opéreront une diminution apparente de plus de 100 millions sur 350 millions,et les loyers ne présenteront plus que 250 millions pour la masse annuelle imposable : d'un autre côté, le tarif adopté pour évaluer les fortunes mobilières présumées à raison du loyer (tarif d'après lequel on double, on triple ou quadruple et même décuple ce prix de lover,, pour arriver à cette évaluation) donnant infiniment plus de loyers qui ne devront être que doublés etiriplés, qu'il ne s'en trouvera de susceptibles d'admettre une plus5 forte proportion,, l'on doit regarder le produit de la masse des loyers, multiplié par trois et un quart,1 comme exprimant le total des fortunes mobilières, évaluées d'après les loyers; ainsi 250 millionsniultï-pliés par trois et un quart vous donneront >un peu plus de800 millions pour l'évaluation des fortunes mobilières dont le sol pour livre donnera pour la taxe sur les fortunes mobilières 40 millions, ci . . . . . 40,000,000 1. La cote de citoyen actif rendra moins qu'on ne se l'imagine ; le nombre est encore au-dessous de 4 millions d'individus, et l'estimation commune des trois journées de travail ne -sera pas, terme moyen, de 40 sols ; ainsi nous ne devons compter pour cette cote que 6 millions, ci. . 6,000,000 La cote des domestiques, celle des fehevairx 'et voitures, présenteront aussi des résultats bien inférieurs 'à ce qu'on s'en promet : portons-les pour 4 millions, c'est le ma'ximum, ci. . . . . '4',"000,000 La taxe sur les fonctionnaires publics, susceptibles de payer la A reporter..... 50,000,000
Report..... 50,000,000 1. contribution à raison des loyers, et qui ne
pourront dissimuler leurs facultés, défalcatiou faite de la partie
qui rejaillira sur le premier article, peut être évaluée tout au
plus à 6 millions, ci. . 6,000,000 Pins le irois-centième des 800
millions des revenus mobiliers pour la cote d'habitation, 2 millions
700,000 livres, ci. . . . 2,700,000 Total..... 58.700,000 1. Mais
sur ces 58,700,000 livres, les propriétaires fonciers viendront en
reprise, pour le sol pour livre de leur revenu foncier, estimé
d'après leur cote de contribution foncière. Or, les revenus fonciers
imposables sont à peu près de 1,100 millions, dont le sol pour livre
serait de 55 millions : mais 1° il y aura beaucoup de propriétaires
fonciers dont le sol pour livre excédera la cote mobilière, et cet
excédant, ne pouvant être imputé, ne doit pas entrer dans notre
compte; 2° il y aura aussi beaucoup de contributions mobilières qui
ne pourront demander de reprises, ou qui n'en demanderont que
d'inférieures à leur cote mobilière : ces deux objets diminueront
d'un tiers ces 55 millions, et on ne doit porter en reprise que
36,700,000 livres, laquelle somme déduite de 58,700,000 livres, il
restera seulement 22 millions d'obtenus pour l'année 1791, sur les
cotes mobilières, celles . des citoyens actifs, celles sur les
domestiques, les chevaux et voilures, et la cote d'habitation : mais
comme vous devez retirer 67 millions, il vous resiera 45 millions à
rejeter : 1° sur la cote mobiliè e jusqu'à ce qu'elle ait payé à
raison du dix-huitième; 2° la totalité du restant sur la cote
d'habitation. Or, le premier rejet, sur la cote mobilière, Jusqu'à
ce qu'elle ait p iyé à raison du dix-tuitième, donne sur cette cote
une augmentation du dixième en sus; elle était de 40 millio s, elle
sera de 44; et nos 45 millions à rejeter se réduiront à 41 millions,
à répartir sur la cote d'habitation ; et comme nous avons déjà
réparti 2,700,000 livres sur cette cote, elle se trouvera supporter
réellement une imposition de 43,700,0u0 livres pour une masse de
loyers de 250 millions, c'est-à-dire près du cinquième et demi de la
valeur des loyers. Or, comme dans les redevables de cette taxe il se
trouvera au moins les deux tiers de propriétaires fonciers, j'ai eu
raison de dire que près de 30 millions de la contribution mobilière
seraient regardés comme imposition directe, sur les propriétés
foncières, et payés à raison de celte propriété sur la cote
d'habitation ; d'où il suit que celte énorme imposition sur la cote
d'habitation, qui retombera en grande partie sur le pauvre
propriétaire, en augmentation de ses autres charges, donnera lieu à
des réclamations, dont on ne peut calculer les suites, et à un
retard dans la recette de 1791, qu'on peut hardiment estimer à plus
de 20 millions. Le troisième article sur le droit d'enregistrement
est porté à 42 millions de revenu net. Messieurs, la somme des
droits perçus sous l'ancien régime, san* y comprend!e les frais de
régie, la généralité des domaines corporels, les hypothèques et la
formule du papier marqué et des parchemins, était évaluée à un
revenu net de 35 à 36 millions (1). Vos décrets ont supprimé
nominativement ou indirectement une foule de droits de recette et de
perception, dont l'évaluation par approximation doit être portée à
plus de 5 millions. Donc, en suivant l'ancien régime, la recette des
droits remplacés par le droit d'enregistrement ne monterait qu'à 31
millions; mais comme leur extension à tous les départements, qui en
étaient ci-devant exempts, pourrait former une augmentation de près
de 4 millions, nous supposerons que le produit de ces droits, sous
l'ancien régime, s'ils avaient été perçus dans tout le royaume,
aurait rendu 35 millions de net; c'est assurément bien étendre le
maximum. Or, il est facile de prouver que, même avec les amendements
sur les successions et les quittances que vous avez adoptés, les
recettes du nouveau droit d'enregistrement, qui les remplace, ne
produiront pas ce qu'ils produisaient, parce que les augmentations
ne portant que sur les actes de la plus grande valeur, toujours les
plus rares, cette augmentation ne pourra compenser les déficits
résultant du nouveau tarif, sur les trois quarts au moins des actes
au-dessous de 10,000 livres; et il y a les plus fortes raisons de
croire que le droit d'enregistrement ne produira pas, cette année
1791, 35 millions de net, au lieu de 42, espérés par le comité; ce
qui occasionnera un déficit au moins de 7 millions. Les articles
intermédiaires, jusqu'à celui des douanes, n'étant pas encore
arrêtés, je n'ai rien à dire sur leurs produits présumés, puisqu'ils
seront subordonnés à ce qui sera décrété; mais je m'arrête aux
douane-, dont le comité a porté le revenu net, pour 1791, à 20
millions. Messieurs, en 1787, les revenus des traites avaient été
portés à un revenu brut d'environ 37 millions et demi ; vous avez
supprimé ou projeté de supprimer ou modifier : 1° Les droits de
l'intérieur montant à... 7,000,000 1. 2® Sur les droits de sortie,
environ........................... 3,000,000 3° Sur les droits
ci-devant perçus sur les sels.................. 3,000,000 4'Sur les
huiles............... 2,00U,U00 5° Sur les toiles peintes........
1,000,000 6° Sur les péages.............. 1,000,000 7° Sur les
marques de fer, jau- A reporter..... 17,000,000 1
ges, courtages, subvention par
doublemeut,..........................................1,000,000
8° Sur le domaine d'Occident,
au moins..............................................3,000,000
Total..............................................21,000,000 1.
Resterait donc sur les anciens droits montant, en revenu brut, à 37 millions et demi, la somme de 16 millions et demi; d'où déduisant les frais de régie, montant à environ 8 millions, restera seulement de net 8 millions et demi.
En effet. Messieurs, les changements opérés dans le tarif, en diminuant la plunart des droits, ne procureront pas encore, pour 1791, le bénéfice que l'on doit attendre de cette diminution et de son influence sur la fraude : 1° Parce que cette augmentation de recette n'aura lieu que graduellement et que lorsqu'on aura senti, par l'expérience, qu'il vaut mieux payer un droit modéré que de s'exposer aux dangers de la contrebande;
2° La destruction des barrières, avant leur complet remplacement, a occasionné l'introduction d'une si prodigieuse quantité de marchandises en fraude, que l'année 1791 ne peut qu'offrir une énorme baisse sur les droits d'entrée. Ainsi, ce >era très modéré que de ne porter qu'à 12 mill ons le déficit sur les 20 millions comptés en recette nette i ar le comité.
Je passe à l'article de la contribution patriotique, qu'il a portée en recette effective, pour 1791, a 35 millions.
Vous ne penserez pas, sans doute, Messieurs, que les déclarations faites ou à faire vous donnent assez de certitude sur la véritable quotité de la contribution patriotique, pour que nous puissions compter réellement 35 millions, comme le tiers de sou produit. Que de déclarations conditionnelles ! que de cotes nulles parmi les fonctionnaires publics, qui ne seront pas remplacées 1 que de déclarations resteront sans effets, ou par impuissance ou par la mort du contribuable, dont la succession divisée n'offrira plus 400 livres pour chaque copartageant ! Enfin, combien de personnes ayant payé d'avance la totalité de leur contribution n'ont plus rien à payer 1
Toutes ces considérations doivent être pesées; et, dans la « hance des probabilités, on ne doit pas s'attendre à retirer, en 1791, plus de 25 millions de e t objet, qui laissera encore un déficit de 10 millions.
Passons à l'article des forêts, porté à 20 millions.
Messieurs, les bois domaniaux montent à un million quatre-vingt-treize mille sept cent cinquante-deux arpents, ci.... 1,093,752 arpents.
Les bois des apanages, à.. 296,201 —
Les Pois aménagés, possédés ci-devant par les ecclésiastiques, ci.............. 1,106,496 —
Les bois aménagés des fabriques, collèges, séminaires, ceux de l'ordre de Malte, ceux affectés aux salines, montant environ à 200,000 arpents, ne doivent
1>as être comptés ici; mais 'on doit compter environ
A reporter..... 2,496,449arpents.
Report..... 2,496,449 arpent*.
200,000 arpents, tant pour les bois non aménagés, possédés par les ecclésiastiques, que pour ceux qu'ils avaient eu Alsace et en Provence, sur lesquels on n'a pu se procurer que peu de renseignements, ci................. 200,000 —
Total.......... 2,696,449 arpents.
Au total pour tous Ips bois et forêts, maintenant nationales, 2,696,000 arpents. Ce n'est pas trop s'écarter que d'en distraire 75 mille arpents pour les forêts réservées au roi, et 420 mille pour les portions de bois qui seront aliénées d'après vos décrets et sur l'avis des départements. Restent environ 2,200,000 arpents sur lesquels la nation peut asseoir un r venu.
Messieurs, ces 2,200,000 arpents sont de trois classes :
La première comprend toutes les forêts élevées en futaie et coupées, selon la fertilité du sol et la nature du bois, de 100 à 150 ans, pour des bois de construction.
La seconde sera composée de tous les bois-taillis de chauffage.
La troisième de tous les bois infertiles, servant plutôt à des pâturages qu'à des coupes réglées.
Plaçons dans la première classe 500,000 arpents, dont le produit annuel,et tous les frais faits (ne saurait excéder 7 livres l'arpent), donnera par an....................... 3,500,000 liv.
Dans la seconde classe, plaçons 1,200,000 arpents, dont le revenu plus spécieux, en taillis pour le chauffage, peut produire à raison de 10 livres l'arpent, tous frais faits, ci............. 12,000,000
A l'égard des 500 mille arpents infertiles, ou trop éloignés de la consommation pour produire au delà des frais nécessaires de garde, je pense que ce serait les porter bieu haut que de les évaluer 1 liv. 6 s. l'arpent, ce qui produirai!, pour les 5u0,000 arpents, ci.................... 750,000
Total.......... 16,250,000 liv.
Sur ces 16,250,000 livres, il faudra payer la contribution foncière, qui, d'après le plan du comité, serait de plus du tiers du revenu net; donc il resterait à peine 11 millions sur les 20 millions qui sont portés par le comité. Je retrouve une preuve de mon assertion par un autre raisonnement : les forêts ci-devant domaniales rapportaient, brut et année commune, 8 millions ; ces forêts étaient certainement la partie la plus spécieuse des forêts du royaume : les réserves ecclésiastiques étaient bien éloignées du degré de valeur qu'on ne peut leur refuser. Or si 1,093,732 arpeuts de première qualité ne rapportaient pas plus de8 millions, il est bien naturel de penser que 2,200,000 arpents moins également riches ne rapporteront pas plus de 16,250,000 livres, sur lesquels il faudra payer la contribution; et lorsqu'on voudra m'objecter qu'il y a des offres pour 25 millions, je répondrai : 1° Que ces offres n'ont pas été faites avec
assez d'authenticité, ,et par des personnes qui présentent une vraie responsabilité, en cas de mécompte dans leur spéculation ;
2° Que ces personnes spéculaient sur les produits des futaies existantes, dont les coupes prochaines offraient un appât bien propre à /les égarer.
Jusqu'ici, Messieurs, nous avons trouvé qu'il était Daturel de présumer un déficit dans la recette .effective de 1791, sur les objets présentés par le comité, et que ce déficit serait probablement de 150 millions sur les contributions foncières, ci..................... 150,000,000 1.
Sur les contributions mobilières.................................. 20,,000,000
Sur le droit d'enregistrement. 7,000,000
Sur les douanes............. 12,000-,000
Sur la rentrée du don patriotique........................ 10,000,000
'Sur le revenu net des forêts nationales............................9,000,000
208,000,000 1.
Total 208 millions de déficit sur la rentrée des revenus publics, que l'on pouvait considérer comme imposition ou tmaut lieu d'imposition en 1791, en observant cependant que sur les 208 millions, environ 170 millions, composant les deux premiers articles, pourraient n'être considérés que comme retardés dans leur rentrée ; mais il n'en est pas de même des déficits sur les droits d'enregistrement,-sur les douanes, sur les forêts.,:même sur. la contribution patriotique. Ci s divers objets formant, comme nous venons de Je voir, une somme de 08 millions, ne seront pas un simple retard, mais mu déficit effectif pour 1791.
Le comité, dans cette partie de son tableau, a offert des objets formant des revenus publics, et l'on ne peut que réclamer sur l'évaluation, *en témoignant cependant quelque surprise de rencontrer au rang de ces revenus fixes la contribution patriotique, qui, n'étant qu'un impôt accidentel pour des besoins extraordinaires, n'aurait sûrement pas dû se trouver dans ln classe des revenus annuels et penmaraents : cette contribu tion patriotique devraiit;d'autant niûius être employée dans cet état :.1° Qu'elle avait été affectée par iin ^décret Jt d'autres objets ; 2° que, par la loi même qui .l'a établie, il ett e-xpiressémeut promis .de..la -rembourser, lorsque l'argent tombera à 4 0/0, et comme par un effet assez probable des payements que vous avez (ordonnés, il pourrait se faire que .l'argent, sous très peu de temps, éprouvât cette baisse, vous seriez alors dans ile cas de la rembourser,, bien loin de;pouvoir l'employer comme un revenu annuel : iil pera sûrement aussi peu aisé d'accéder aux motifs quiiont porté votre comité -à vous présenter comme devant servir à compléter la recette de 1791, de véritables capitaux qu'il vous propose d'anéantir, en les 'destinant à aJimenter les dépenses ordinaires iet annuelles, ; sauf aux législatures suivantes à(paurvoir au remplacement.
En effet, Messieurs, le comité vous .propose'de compléter >la recette >de 179Ï : 1° avec la contribution ipatriotique qui, étant un secours extra-ordinaiire, aurait toujours besoèn d'un remplacement jdans deux ans, si l'on n'est pas forcée de Ja rembourser avant même que^'oa ait achevé de la percevoir 4 2° il vous propose aussi la'dette des Américains «t celle sur le duc des iDeux-
Ponts; 3° il compte enfin ,sur 41 millions de reliquats du magasin de sel et de tabac, qui sont égalemtemit des capitaux. .
Certes, Messieurs, ce n'était pas pour établir en principe, dans une Assemblée constituante, la possibilité de faire concourir les capitaux à la dépense de l'année, que vous avez chargé votre comité de vous présenter un plan complet d'imposition ; il eût été facile, sans tant de travaux, de décréter que l'on prendrait tant de millions sur la caisse de l'extraordinaire, pour remplacer le produit des impôts supprimés, laissant aux législatures suivantes le soin de les rétablir ou de les remplacer par tels moyens qui leur seraient dictés par les circonstances.
Quoi 1 Messieurs, chacun de vous est .pénétré de cette grande et profonde vérité, que la base de toute Constitution est l'assiette et le recouvrement de l'impôt; et l'impôt sera la seule partie de notne Constitution que nous laisserons incomplète ! Quoi 1 deux ans de travaux n'aboutiront qu'à iprouver de plus en plus à l'Europe que les finances ont été et seront toujours recueil où viendront se briser notre puissance et notre bonheurl Quoil nous .avons été appelés pour combler un déficit de 50 à 60 millions, et toutes nos réformes n'aboutiront qu'à en laisser un de 102:millions (1), même en doublant, pour ainsi dire, le produit des contributions foncières : car,, Messieurs, c'est, dans toute la force des termes, laisser un déficit, que d'emploiyer en recette des objets accidentels, ou \de forcer les produits au delà de ce que réellement ils peuvent fournir; et rejeter aux législatures suivantes le soin d'y pourvoir, ce serait donner Lieu de penser,aux ennemis delà Révolution,que, impuissants ,pour recréer, nous avons indiscrètement détruit. Non, Messieurs,, vous prendrez .de voufrtreêmes et de vos moyens une plus haute idée,; vous compléterez votre ouviâge, et donnant, à l'impôt toute l'importance qu'il mérite, vous ne terminerez pas vos séances sâus en avoir décrété les bases constitutionnelles, et sans avoir assuré, non seulement pour l'année 1791, mais encore pour les suivantes, toutes les ressources qui doivent établir l'équilibre entre la recette et la dépense-
Nous ne devons, Messieurs, attribuer l'insuffisance, de nos résultats sur l'impôt, qu'à la marche irrégulière que nous avons suivie.
Nous inous sommes livrés à la discussion des détails, et il fallait déterminer auparavant Vensemble et ses proportions»
Il faul une contribution foncièiie.t il nous faut une contribution mobilière, il nous faut des impôts indirects pour atteindre les propriétés qui se seront soustraites, sous les deux premiers modes, au devoir de l'impôt.
Commençons, quelle que soit la quotité numéraire de l'impôt,.par fixer la proportion qui existera -entre les trois modes -d'imposer-
J'ai eu l'honneur de vous proposer, le 16 septembre,de mettre en
déJibérationcette proportion/
Plusieurs personnes avaient pensé que l'impôt, devant être déterminé itous les ans, d'après la connaissance des besoins de l'année, on ne pouvait admettre une proportion fixe et déterminée dans sa répartition ; mais j.e les prie d'observer que c'est la somme numérique des impôts qu'il esl essentiel de fixer tous les ans, et non la manière de les répartir.
En effet, quel inconvénient pourrait présenter une loi qui fixerait au moins, pour un certain nombre d'années, cette proportion? Qu'aurait de contradictoire un décret ainsi coimçu ?
Les législatures décréteront chaque année la quotité numérique des contributions, d'après la connaissance des besoins de l'année.
Les besoins de l'année seront de deux sortes : ceux qui résulteront des dépenses locales, et ceux qui seront une suite des dépenses générales.
Les sommes nécessaires aux dépenses locales seront en entier imposées sur les propriétés foncières.
Les sommes nécessaires pour subvenir aux dépenses générales seront ainsi réparties :
2/5 sur les propriétés foncières;
.1/5 sur les propriétés et facultés mobilières;
2/5 en impôts indirects.
.N'est-il pas certain que ce décret, sans inconvénient pour la détermination numérique des contributions, présente l'immense avantage d'éclairer chaque individu sur la partie des charges publiqu s que son genre de propriété sera dans le cas de supporter?
Je pense n'avoir pas besoin de répondre à ceux qui prétendraient qu'il est impossible de décréter que les 2/5 seront en impôts indirects, parce qu'on ne peut connaître le produit qu'après la recette : oui, la première année; mais on parvient bientôt à une année commune, qui sert de mesure.
D'autres personnes auraient désiré qu'au lieu de fixer la proportion à établir entre les trois genres de contributions foncières, mobilières et indirectes, on décrétât que dans aucun cas les propriétés foncières ne pourraient être imposés au delà du cinquième ou du quart de leur revenu net.
Cette proposition est inadmissible : outre les diflicultés annuelles, résultant des réclamations particulières, les propriétés foncières pourraient, selon les circonstances, se trouver, même en payant le maximum, proportionnellement moins imposées que les autres {facultés ; et le grand principe de l'égalité, à raison des facultés, se trouverait .blessé, m n'en est.pas ainsi de la fixation des proportions dans la répartiition générale ; elle assure au contraire le principe, si l'on peut, d'après une discussion approfondie, bien établir les bases ; je suis bien éloigné de prétendre faire adopter mes vues sur ces bases, je veux seulement rendre compte des motifs qui me les ont fait préférer.
Je vous ai proposé, Messieurs, dans mon opinion du 16 septembre, de décréter que la contribution foncière supporterait les deux cinquièmes des sommes à imposer .pour les dépenses générales et en outre des impositions locales ; que les propriétés mobilières supporteraient un cinquième, et que les deux cinquièmes restants seraient répartis en impôts indirects; voici mes aperçus sur cette importante matière ;
Si je considère l'effrayante masse d'impôts por-
tés, dans la première partie du tableau du comité, à 766 millions, mais que Ton doit réluire à environ 700 millions de réels et effectifs, je cherche par quel miracle cette énorme perception a pu s'opérer, et je ne puis l'attribuer qu'à deux choses :
La première, à la multiplicité des moyens employés pour percevoir : jamais avec un ou deux impôts seulement on ne fût arrivé à de semblables produits.
La seconde, c'est que seulement 180 millions étaient imposés directement sur les terres, et que le restant n'arrivait à grever la propriété foncière qu'indirectement ou par des reprises en nature, exigées dans un instant où leur présence ne permettait pas de se refuser au payement.
Ainsi même, en adoptant toutes les parties admissibles des comptes présentés par le comité pour prouver que les propriétés foncières étaient surchargées, je n'ai trouvé encore qu'une somme de 347 millions, supportée tant directement qu'indirectement par ces propriétés foncières; ce qui ne forme pas la moitié des 700 millions, montant des impôts généraux.
Or, Messieurs, c'est une bien plus forte proportion que j'ai eu l'honneur de vous présenter le 16 septembre, en demandant que les propriétés foncières supportassent les deux cinquièmes des impositions générales, et la totalité des dépenses locales qui pouvaient représenter un dixième de ces dépenses, outre la partie Importante de la contribution dite mobilière et celte des impôts indirects auxquels elles se verront encore forcées de concourir.
Maintenant si je jetteles yeux sur l'Angleterre, dont le territoire cultivé et productif offre environ 30 millionsd'arpents, c'est-à-dire un peu moins du tiers de nos terres en valeur, je vois un système général d'impôt distribué de manière qu'un septième seulement frappe directement sur les terres.
Je m'en demande la raison, et si je crois la trouver, au premier aperçu, dans la différence qui existe entre la somme des propriétés foncières, inférieures en Angleterre à celle des propriétés et facultés mobilières, la réflexion m'oblige bientôt à en chercher une autre, parce que cette différence dans les deux genres de propriétés, loin de se trouver dans la proportion d'un à sept, est à peine d'un à deux et demi, malgré l'effrayante dette publique, l'immense commerce et la banque créatrice, qui, ch z les Anglais, multiplient, en les exagérant, les fortunes mobilières.
Obligé de chercher une autre cause des ménagements accordés aux propriétés foncières dans l'assiette de l'impôt en Angleterre, une grande vue politique s'offre à ma pensée : je me dis, les Anglais ont voulu regagner, en productions extraordinaires de leur sol, ce qui lui manque en étendue ; ils ont senti que pour y réussir il fallait rendre les propriétés foncières, le genre de richesses le plus précieux, et que quelques millions perçus de moins sur les terres seraient amplement recouvrés par les impôts sur les consommations, dès qu'on pourrait en augmenter la masse. C'est, Messieurs^ à cette sage et profonde mesure que les Anglais doivent (passez-moi l'expression) la splendtur de leur agriculture, etque ce premier peuple du monde comme commerçant, l'est encore comme laboureur. Des développements porteraient jusqu'à l'évidence cette assertion, mais nous sommes pressés d'arriver à des résultats; voici ceux des impositions anglaises, dans une des dernières années. Nou.i
avons réuni, sous un titre commun, tous les droits qui, sousdiverses dénominations, doivent cependant être considérés comme d'une même espèce :
Taxe sur les terres...86,250,000 1.
Sur les boissons..146,250,000
Sur les douanes..90,COU,000
Le timbre.........22,500,000
Sur divers objets de luxe ou considérés comme tels.........33,750,000/ 348,750,000 1.
Cet aperçu peut donner des idées suffisantes pour apprécier les deux théories sur l'imiôt,par rapport aux propriétés foncières dont l'ancien régime en France et le système actuel de l'Angleterre nous fournissent des exemples.
Ces exemples sont d'un grand poids. Ce qui, sous des régimes aussi divers ; ce qui, chez un peuple libre et chez une nation asservie réussissait également, ne doit son adoption et ses succès qu'à de grands et puissants motifs : c'est ici le fruit que l'expérience a mûri.
Je ne vous presserai point, Messieurs, de conserver ou d'établir tel ou tel impôt sur tel objet, et de telle manière; mais je vous répéterai sans cesse que, lorsqu'il s'agit du salut de l'Etat, on doit souvent moins consulter ce qui devrait être que ce qui a été : qu'en fait d'impôt, la sagesse des empires consiste, surtout à ne rien hasarder témérairement ; que, depos taires delà fortune publique, nous répondrons même des secousses quelepluspurpatriotisme pourrait y exciter. Qu'en un mot, c'est enmatièred'impôt que l'on ne peut arriver du mal au mieux qu'en passant par une infinité de degrés intermédiaires.
Mais revenons, et ces-ant de nous appuyer sur des exemples, voyons si le raisonnement seul ne nous conduirait pas au même résultat. L'Assemblée nationale a manifesté son vœu de faire surtout participer l'habitant des campagnes aux bienfaits de la Constitution ; ses bienfaits sur les contributions sont de deux sortes : 1° Elle a voulu rendre justice en supprimant toutes les charges illégales que des siècles d'abus avaient accumulées sur les propriétés foncières; 2° elle veut encore que le cultivateur éprouve, comme les autres citoyens, le soulagement qu'une sage administration doit assurer à tous.
Faisons donc l'énumération de toutes les charges ci-devant imposées, et voyons celles qui sont dans le cas d'être remplacées.
1° Les charges, ci-devant et uniquement supportées par certaine classe opprimée, doivent être supprimées sans remplacement; telles sont les corvces, les milices, les droits de francs-fiefs, et tous les droits et vexations énumérés dans la première partie du tableau du comité ;
2° Vous avez supprimé la mendicité des moines et le casuel des curés ; c'était un tribut purement volontaire, et vous ne pomez dénaturer votre bienfait, en substituant une charge forcée à un impôt auquel on pouvait si aisément se soustraire.
Ces deux parties à séparer de ce que portaient les terres ont été évaluées, par votre comité, à 100 militons environ. Je suis loin d'admettre ces calculs; mais il est inutile de les combattre, puisque je ne veux plus reporter ces cent millions, ni eu dépense ni en recette.
A l'égard de la dîme, avant que d'examiner si elle était véritablement un impôt d ms le c s d'un remplacement, je vais la considérer comme impôt, et montrer que même sous ce point de vue, qui paraît être celui du comité, elle ne devait jamais
être portée dans son tableau pour 133 millions, et encore moins être considérée, dans un de ses précédents rapports, comme motif d'une surtaxe sur les terres, d'après cette fausse évaluation.
Lorsqu'on 1787 l'Assemblée des notables s'occupait du projet de l'impôt territorial en nature, on me fit, en ma qualité de laboureur, l'honneur de me consulter sur le produit qu'on devait en espérer, en l'imposant dans telle proportion avec le produit brut, et sur la manière de le répartir en raison des différences dans la fertilité des terres.
Profondément convaincu des suites désastreuses de cet impôt, tel qu'il était conçu, je fus forcé à d'immenses recherches; et comme la partie des dîmes devait naturellement m'offiir des moyens de comparaison, j'opérai sur leur produit net et sur leur produit brut, en multipliant les méthodes propres à les évaluer, afin de m'as-surer, par les résultats, de la plus grande appioxi-mation possible. Les éléments de ces diverses opérations me conduiraient trop loin, s'il fallait les développer ici ; mai> je puis certifier à l'Assemblée que ces nombreux problèmes que j'ai tâché de résoudre, m'annoncèrent constamment que le produit brut des dîmes ecclésiastiques, non inféodées, n'ex* édait pas 85 à 90 millions, et que le produit net se portait, tout au plus, de 60 à 65 millions.
Ainsi, en prenant le maximum du produit brut, il se composera de 65 millions de produit net, et de 25 millions de frais; les 25 millions de frais restaient presque en entier dans le lieu même où la dîme était prélevée. Et certes il ne serait pas juste de prétendre que ceux qui profitaient, par l'effet de la consommation et de l'habitation des percepteurs, de la presque totalité de ces 25 millions de frais, fussent tenus de les payer aujourd'hui, par un remplacement qui porterait loin de leurs foyers ce qui servait souvent à les alimenter.
Quant aux 65 millions de net, une grande partie était consommée sur les lieux par les béné-ficiers et religieux, et c'était un soulagement important.
Mais ces 65 millions, seulement payés par certaine partie des propriétés foncières pour des dépenses générales dont tout le monde profitait, étaient une vexation exercée sur les propriétaires qui en étaient exclusivement chargés, et l'exacte justice exigerait, si l'on se décidait à un remplacement, de répartir ces 65 millions sur tous les genres de propriétés et de facultés. Or, comme je tâcherai de prouver que les revenus fonciers et les revenus mobiliers sont à peu près égaux en France, il résulieque ces 65 millions devraient êtr partagés, et que, tout au plus, b2,500,000 livres devraient être imputés comme charge directe sur les propriétés foncières. Ce point éclairci, je vais considérer la dîme sous un autre aspect, et me demander si la dîme peut être regardée comme un impôt, exigeant un remplacement ; je crois pouvoir répondre par la négative.
En effet, les dîmes accordées pour concessions de tonds, ou tout autre titre onéreux, rentraient dans la classe de tous les droits seigneuriaux, champarts et rentes foncières rachetables, et ne doivent pas plus iufluer sur l'assiette de l'impôt, que le rachat de ces mêmes droits n'y influera lui-même.
Quant aux dîmes qui n'ont aucun titre onéreux de coocession, elles rentrent dans la classe de tous ces droits tyranniques que vous avez sup-
primés sans indemnité. Il n'est dû, pour cette suppression, aucun remplacement; il en serait d'autant moins dû, que la dîme ne portant pas sur le sol, mais seulement sur certaines récoltes, on pouvait souvent s'y so istraire.
Nous ne regarderons donc point cette suppression de la dîme, ainsi que la suppression de toutes les barrières intérieures qui gênaient le commerce, comme devant entrer en considération dans l'assiette de l'impôt; ce sont des abus de moins, depuis que vous les avez détruits; et la seule question qui vous reste à résoudre n'est point comment on remplacera tel ou tel objet supprimé, mais comment on parviendra à répartir, avec une égalité proportionnelle sur tous les genres de faculté, les contributions à décréter. Pour arriver à ce but, commençons par chercher les moyens d'évaluer nos richesses foncières et nos richesses mobilières : des aperçus, même très vagues, ne doivent pas être rejetés, et vous permettrez que je vous soumette les miens.
Les propriétés et facultés mobilières des particuliers d'un empire se composent de plusieurs objets :
1° La dette active de l'Etat et son numéraire ; ces objets présentent en Frauce huit milliards de capitaux, et Un revenu de.... 400,000,000 1.
2° Des salaires publics; ils sont en France d'environ
340 millions................. 340,000,000
3° O. s bénéfices sur la balance du commerce extérieur ; ils étaient estimés autrefois à. 60,000,000
4° Des bénéfices du commerce intérieur, obtenus par l'achat, la mise en œuvre et la revente au propriétaire foncier de toutes les productions du sol nécessaires à ses besoins, que nous comptons ici pour.. 250,000,000
Total des revenus et facultés mobilières.................... 1,050,000,000 1.
J'ai compté pour 250 millions la partie des bénéfices que l'industrie intérieure retire de ses achats, mises en œuvre et reventes aux propriétaires fonciers, des productions de leur sol. En effet, cette industrie doit s'étendre sur la moitié euviron de tous les revenus bruts du sol cultivé ou productif, que l'on doit évaluer à un milliard; et comme les bénéfices sur Vachat, la mise en œuvre et la revente sur cette partie des productions^ doit être au moins de 25 0/0, dans ces diverses mutations, nous devions réellement porter, comme nous l'avons fait, à 250 millions cette branche de revenu mobilier : et ce qui sert de preuve à mon assertion sur ce fait, que la masse des productions du sol, achetée, mise en œuvre et revendue au propriétaire foncier, sur laquelle l'industrie bénéficie de 25 0/0, est d'environ un milliard, c'est qu'il existe près de 2 millions 500 mille chefs de famille -propriétaires, dont les familles toujours plus nombreuses dans cette classe doivent offrir 15 millions d'iu-dividus.
Or, chacun de ces 15 millions d'individus doit dépenser, le riche compensant le pauvre, pour son vêtement et les objets de main-d'œuvre, qu'il ne peut se procurer lui-même par le seul secours de sa propriété, environ 65 à 70 livres par an ; et pour les 15 millions d'individus, une somme de un milliard cinquante millions, positivement
la même que celle portée dans le compte ci-dissus.
Nous pouvons donc regarder comme une approximation juste, à très peu près celle ae un milliard cinquante millions que j'ai obtenue pour la masse des propriétés et facultés mobilières, imposable en France.
J'ai tâché, Messieurs, en traitant la contribution foncière, d'évaluer aussi la masse des revenus fonciers imposables, et j'ai cru pouvoir les porter alors à un milliard soixante-quatorze millions.
J'arrive encore aujourd'hui au même résultat, d'une manière plus simple que par la méthode synthétique, suivie dans mon opinion imprimée le 5 octobre.
La France a environ 100 millions d'arpents cultivés et pro luctifs ; le prix moyen de chaque arpent est de 250 livres, ce qui produit un capital de 25 milliards, dont le revenu, à 3 0/0, terme moyen du produit des terres, est de 750 millions, lequel revenu, réuni au produit des loyers qui étaient ci-devant de 350 millions, donne encore un revenu semblable d'environ 1,100 millions. Il est vrai que la masse des loyers va diminuer, mais aussi les bénéfices de la balance du commerce extérieur, que j'ai comptés pour 60 millions, sont presque anéantis; mais ces déficits ne tarderont pas à être compensés, dans les deux genres de propriétés, par les suites heureuses de la Révolution.
Il résulte de ces approximations qu'en France on peut présumer que les revenus fonciers et les revenus et facultés mobilières présenteut, à peu de choses près, la même masse imposable et devraient se trouver également imposés.
Mais comme les revenus fonciers sont les seuls assez apparents, pour ne pas faire craindre de grandes > rreurs dans la répartition sur ce genre de propriété, et que ne pouvant que très difficilement estimer les revenus et facultés mobilières individuelles, on s'exposerait à de grandes injustices, si l'on voulait établir, comme dans la contribution foncière, la presque totalité de la contribution mobilière eu contribution directe : il faut d'abord ménager davantage les propriétés et facultés mobilières, quant à la quotité des taxes auxquelles elles doivent concourir, ensuite employer des moyens indirects pourarriversans violence à leur répartition ; et c'est pour y réussir que j'ai proposé d'imposer directement sur les propriétés foncières toujours connues, ou plus susceptibles de l'être, les dépenses locales et les deux cinquièmes des dépenses générales, et de ne répartir directement sur les propriétés et facultés mobilières qu'un cinquième des impositions générales, mais de les atteindre indirectement pour le surplus, en établissant des impôts indirects pour les deux cinquièmes restants des impositions générales, dans lesquels les propriétés et facultés mobilières se trouveront obligées de concourir pour environ les trois quarts et demi de ces deux cinquièmes.
Un exemple va rendre très sensible ce calcul et prouver que, d'après la base de répartition proposée, les propriétés foncières, malgré les amendements apportés au plan du comité, supporteront encore une proportion de charge excédant celle qui devrait leur être imposée, si l'on voulait arriver à une égalité véritablement proportionnelle.
Nous supposerons avec le comité que le montant général des besoins locaux et généraux exige 560 millions d'impôt.
D'après mon plan, voici la manière dont ces 560 millions seraient répartis. Les revenus fonciers supporteraient ;
1° Pour les dépenses locales1, environ le dixième des impôts, ci.._____________________________ 56,000,0001.
2° Les 2/5 des 504 millions restants pour les dépenses générales, ci......... 201,600,000
3° Environ un dixième de ces dépenses générales pour la partie de la contribution mobilière à raison des loyers, et pour celle des impôts indirects auxquels seront forcés de concourir les propriétaires fonciers, ci.... 56,000,000
Total de ce qui serait supporté directement ou indirectement par lespro- .
priétés foncières................... 313,600,000 1.
A l'égard des propriétés et facultés mobilières, elles supporteraient en apparence :
1° Le cinquième des impositions générales montant à.... 100,800,000 1'.
2° Les deux cinquièmes-des impositions générales, établies en impôts indirects, montant à------«_________________ 201,600,000
Total______..... 302,400,010 1.
I Mais il faut en déduire les 56 millions portés ci-dessus,comme devant être indirectement supportés par les, propriétés foncières..— 56,000,000
Reste...,...,..., 246,400,000 L
Donc il ne resterait de réellement imposé directement ou indirectement sur les propriétés et facultés mobilières, que_____________________________________ 246,400,000
Lesquels 246,400,000 livres complétant, avec les 343,600,000 livres sur les propriétés foncières, les............... 560,000,000 1.
On doit convenir que de semblables résultats peuvent nous suffire pour tranquilliser notre justice en faveur des propriétés et facultés mobilières, puisqu'avec des revenus presque égaux, imposables à ceux des propriétés foncières, elles supporteront réellement un sixième de moins. En effet 256 millions imposés sur environ 1 milliard 50 millions de revenus et facultés mobilières ne sont pas tout à fait le quart de ces revenus et facultés, tandis que 313 millions imposés sur 1 mitliard 74 millions de revenus fonciers sont beaucoup plus du quart.
Payer plus du quart de son revenu imposable parait une bien lourde charge, mais nous avons l'espoir d'obtenir bientôt tous les soulagements que doit amener le nouvel ordre de choses, et par la mise dans le commerce des domaines nationaux, qui vont sensiblement augmenter tous les lettres de revenus, et par l'extinction de la dette qui diminuera les besoins.
Peut-être aussi que nous sentirons un jour, à notre tour, la nécessité d'imiter nos voisins, en perfectionnant le système de nos impôts indirects, de manière à amener entre nos divers genres de propriétés la proportion des impôts anglais sur les terres : alors se développeront pour nosr neveux toutes les ressources de l'industrie agricole j, alors, et seulement alors, la France, si bien traitée par la nature, jouira de toute la plénitude de ses bienfaits. Mais en attendant cette
brillante époque de nos destinées, une vérité dont les habitants des villes doivent se pénétrer, et que les créanciers de l'Etat doivent se répéter à chaque minute, c'est que ce qui fournit à leurs besoins, à leur splendeur, à leur luxe, à l'acquittement de leurs intérêts, c'est le grand atelier des campagnes. Paralyser cette sublime manufacture de tous les biens, c'est tarir dans leurs sources les canaux qui leur apportent la vie.
Habitants de nos cités, propriétaires de maisons, créanciers de l'Etat, et vous, négociants, vos intérêts vous commandent ce que la justice exige. Le laboureur ne peut améliorer son champ, qui vous nourrit, qu'avec son superflu; le réduire au nécessaire, c'est suspendre tous les effets de son industrie; prendre sur son nécessaire, c'est en étouffer tous les germes.
Mais assez, et trop peut-être, nous sommes-nous arrêtés sur des principes généralement convenus; revenons aux termes de ma proposition, celle de fixer la proportion à établir entre les contributions foncières, mobilières et indirectes.
Lorsque ces trois bases de proportion auront été décrétées d'après les divers projets qui vous seront soumis dans la discussion, nous nous occuperons des moyens de faire efficacement concourir les propriétés mobilières; et si le mode, à raison des loyers, déjà décrété pour cette contribution., ne permettait pas de porter à une certaine quotité l'impôt à raison des loyers, le timbre, dont le mérite est surtout d'atteindre les capitalistes et les facultés cachées, sera réuni à la contribution mobilière pour compléter ce que ces propriétés doivent supporter.
A l'égard des impôts indirects, vous les distinguerez d'abord en impôts sur les consommations, et en impôts ajoutés aux salaires dus pour divers services publics : aiusi vous pourrez regarder comme susceptibles de fournir un impôt sur les consommations, les droits sur les entrées et sorties du royaume, les droits sur les entrées des villes, les droits sur la consommation du tabac, les droits sur les boissons, etc.
Vous pourrez ensuite regarder la formule d'enregistrement des actes civils et judiciaires, la conservation des hypothèques, le service des postes aux lettres et messageries, les droits de marque d'or et d'argent, les cartes à jouer, les poudres et salpêtres, comme susceptibles de supporter un impôt additionnel aux prix du salaire, à raison du service rendu.
Lorsque les lumières d'une discussion suffisante nous auront décidés sur le nombre et le mode des moyens que vous préférerez pour établir l'es deux cinquièmes des impôts généraux, en droits indirects, vous fixerez la somme approximative à laquelle vous croirez devoir porter l'impôt sur tel ou tel droit : ainsi, par exemple, si vous jugez que les boissons doivent supporter un droit de 25 millions; que le tabac doive en supporter un de 36, vous demanderez à votre comité de l'imposition un plan d'impôt sur les boissons et sur le tabac, qui laisse espérer une perception égale à celle que vous aviez fixée.
Si, à la fin de l'année, l'expérience prouvait qu'on a porté le droit ou trop haut ou trop bas, dans le premier cas, le surplus de recette servirait en décharge pour l'année suivante; dans le cas contraire, c'est alors que l'on pourrait faire un usage convenable des capitaux, en prenant sur la caisse de l'extraordinaire pour faire face au déficit qu'une très excusable inexpérience nous aurait mis dans le cas d'éprouver, soit par la quotité de nos tarifs, soit par toute autre
cause. Et cette circonstance nous fournit, Messieurs,, une observation très importante : notre inexpérience même, dont on ne peut nous faire un crime, lorsque nous eu conviendrons, et que nous prendrons des mesures efficaces pour en diminuer les- inconvénients; cette inexpérience même nous oblige à conserver tous les types d'impôts actuellement existants, en modifiant! leur régime, afin que nos successeurs puissent juger, avec connaissance de cause, de ceux que le voeu du peuple aura repoussés ou moins défavorablement reçus; de ceux qui, par la facilité des rentrées, présenteront le plus d'avantages; de ceux, en un mot, dont il faudra seulement restreindre ou étendre la latitude.
Ce n'est qu'en suivant cette marche, Messieurs, que vous arriverez à obtenir un impôt suffisant pour nos besoins, et exactement réparti, à raison des facultés.
Si, dès le mois de septembre dernier, vous aviez voulu adopter, en les modifiant, les bases qui vous furent présentées, l'impôt serait établi et se percevrait.
Il est temps de terminer ce grand ouvrage, et les difficultés ne se sont multipliées, que parce qu'un désir immodéré de perfection nous a éloignés trop subitement des routes anciennes. Nous avons voulu proscrire tous les anciens modes, et peut-être eût-il été plus salutaire de se borner à les modifier. Sachons du moins profiter de ce qui nous reste ; nous trouverons amplement, encore, de quoi subvenir à tout, en écartant des perceptions les formes inquisitoriales qui les avaient rendues odieuses.
De quoi s'agit-il de trouver 560 millions pour 1791, puisque votre comité vous annonce que les dépenses n'en exigeront pas davantage, même en y comprenant, les dépenses locales. Hé bien, essayons de trouver ces 560 millions; trouvons-en même 575, alin^que les secours pour la mendicité s'y trouvent portés.
Faisons notre compte : Sur 575 millions la mendicité entre pour 15 millions, et les; dépenses locales pour 40 à 45 millions. Imposons sur les propriétés foncières une somme de 60 millions, outre celle qui sera versée au Trésor public, pour compléter les secours de la mendicité, et subvenir aux dépenses locales ; et ces deux objets se trouveront soldés.
Restentmaintenantles515 millions destinés aux dépenses générales, et qui devront être versés au Trésor public : mais de ces 515 millions, 5, destinés aux ponts et chaussées, pourront être perçus, au moyen de barrières à toutes les postes, pour l'entretien des routes ; reste donc 510 millions pour lesquels je propose : 1° De porter la contribution foncière, outre les 60 millions pour les dépenses locales et la mendicité, à.---------------------------- 204,000,000 l
2° De porter la contribution mobilière, à raison des loyers,,à une somme qui, réunie au;produit, du droit de timbre, nous offre un produit net, pour le Trésor public,, do (li).................. 102,000,000
A reporter..... 306,000,000 1.
3° D'établir, en impôts indirects, pour compléter les deux cent quatre millions restants (1) : 1° un droit pour la conservation des hypothèques qui, réuni au droit d'enregistrement et au revenu des forêts nationales et des salines, fournira au moins,
Pour hypothèques. .......... 5,000,000 1.
Pour forêts(2). 12,000,000 Pour salines... 3,000,000 ) 55,000,000 Pour d roi ts d'enregistrement.".......... 35,000,000
2° Un droit sur les douanes nationales, qui puisse assurer, pour l'avenir, environ (3)...... 18,000,000
3° Un droit sur les entrées de Paris et des autres vifles du royaume qui puisse assurer environ,__________________________________ 40,000,000
A reporter...,.,., 419,000,000 h
5° Un droit sur les boissons, de............................25,000,000
6° Un droit sur les postes aux lettres, de....................15,000,000
7° Un droit sur les loteries, les messageries, les cartes à jouer, les affinages et marques d'or et d'argent, les poudres et salpêtres, d'environ................15,000.000
Total des droits et contributions à faire verser au Trésor public, ci....................... 510,000,000 1.
Ce résultat, Messieurs, est d'autant plus satisfaisant que les moyens dont il sera la suite ne sont point difficiles à mettre en action : la plupart des instruments existent ; il ne s'agit que de modifier leurs mouvements, de manière à ce qu'ils ne puissent jamais blesser la liberté civile, grand et unique but de nos travaux.
Je ne prétends pas cependant que nous n'éprouverons aucun déficit sur les recettes proposées; il y en aura dans tous les systèmes : mais celui que j'ai l'honneur de vous soumettre, en sera le moins susceptible ; il nous sera facile de remplacer celui qui pourra en résulter, par un sacrifice sur les capitaux, sacrifice qui ne portera aucune atteinte à la confiance publique, parce qu'on sentira que nos erreurs n'ont été que l'effet inséparable des circonstances, et qu'il nous était d'autant plus difficile de les éviter, qu'elles tenaient à la nature même des choses.
Il n'est qu'un moyen, Messieurs, d'appeler cette confiance salutaire, sur laquelle repose la prospérité des empires : c'est d'établir un système d'impôt, qui, sans employer des moyens rigoureux, sans présenter de résultat effrayant et incertain, donne toutes les probabilités possibles d'égaliser la recette à lu dépense, et pour le présent et pour l'avenir.
L'étendue des développements que l'on retrouve dans mes opinions, dont vous avez ordonné l'impression, et le prix de votre temps, me défendent de les répéter ici. Je vous demanderai seulement la permission de répondre aux objections qui pourront être faites dans le cours de la discussion, si vous mettez ma proposition en délibération. Mais quel que soit, Messieurs, le succès de mes efforts, dût-il ne pas répondre à mon zèle, une récompense dont j'o;e le croire digne, c'est votre approbation.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
Hier, j'ai fait au comité ecclésiastique une motion qui a été accueillie à l'unanimité; je crois que eestici le moment d'en faire mention. Il y a dans le nombre des fonctionnaires publics ecclésiastiques plusieurs d'entre eux qui ont beaucoup de bonne foi en refusant le serment ; ceux-là sont les amis de la Constitution. Il y en a d'antres qui sont de mauvaise foi. Je crois que l'Assemblée peut faire une distinction et il est bien aisé de les distinguer. En voici le moyen : c'est de connaître ceux qui, huit jours après la publication du présent décret, donnent volontairement leur démission. Ceux-là mérite la bienfaisance de l'Assemblée nationale. Je demande qu'il y ait un article additionnel au décret rendu hier sur le clergé et qu'il soit dit que ceux des ecclésiastiques fonctionnaires publics qui quitteront dans la huitaine, après la promulgation du décret, conserveront leur traitement.
Plusieurs membres demandent le renvoi de la motion au comité ecclésiastique.
Je m'oppose à la motion du préopinant. A la faveur de cette prétendue bonne foi, de ce sens intime qu'on ne voit pas, parce qu'il est dans le coeur, des séditieux, des rebelles, des factieux prétendraient que leur conscience les guide, et ils auraient la satisfaction humiliante d'être récompensés du mal qu'ils auraient fait, et de recevoir des mains du législateur le salaire de leur désobéissance à la loi... Il avait été fait une motion sage : je ne sais pourquoi elle n'a pas été adoptée. Elle consistait à décréter que les évêques ou curés, qui se retireraient sans motif légitime, n'auraient aucun traitement, ou tout au plus les moyens d'avoir du pain. C'est de cette manière qu'il faut punir ceux qui, refusant d'obéir aux lois, prendraient le parti de la fainéantise pour laisser les fidèles sans pasteurs, et pour faire croire au peuple que la religion est anéantie. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs membres demandent l'ordre du jour.
(L'ordre du jour est adopté).
J'ai à vous proposer un article additionnel au décret que vous avez rendu hier sur les messageries ; c'est que les citoyens aient la faculté de se servir à toute heure des voitures publiques, en payant une rétribution un peu plus forte. Il est intéressant de faciliter, autant qu'il est possible, les communications entre les principales villes du royaume. En diminuant les prix des messageries, vous avez favorisé les voyageurs peu aisés; il faut aussi favoriser, par la promptitudedu service, ceux qui ont les moyens de payer une plus forte rétribution. Si vous ne vous occupez pas de cet objet, les maîtres de poste prétendront que les messageries portent atteinte à leurs droits. Ce que je vous propose, c'est d'établir une concurrence avantageuse entre les messageries et la poste, qui avait acquis, par son privilège exclusif, le droit de vexer les voyageurs.
, rapporteur. 11 faut décréter que les voyageurs pourront traiter de gré à gré avec
les directeurs des messageries, pour partir dans l'intervalle des époques déterminées pour les départs.
La proposition est décrétée en ces termes :
« Les fermiers des messageries pourront établir des voitures extraordinaires, dont le prix sera réglé de gré à gré. »
Un de MM. les secrétaires fait lecture de deux adresses :
La première émane de la municipalité de Mon-tesson, département de S^ine-et-Oise, qui donne des éloges au curé de cette paroisse, et instruit l'Assemblée que dimanche dernier, à l'issue de la messe paroissiale, il a prêté son serment à la porte du chœur et aux acclamations du peuple; qu'il s'est engagé à enseigner tous les décrets de l'Assemblée nationale comme l'évangile de la raison et le code du bonheur national.
La seconde émane de la municipalité de Marquise, chef-lieu de canton du district de Boulogne.
« Notre vénérable pasteur, y est-il dit, a acquis de nouveaux droits à l'amour et à la reconnaissance du peuple. Après avoir prêté son serment, il a ajouté d'abondance de cœur: Puisse ma conduite, appuyée de trente ans d'expérience, vous engagi r, mes concitoyens, à l'obéissance et à la soumission aux lois, dont Jésus-Christ vous a donné l'exemple jusqu'au tombeau 1 » (Applaudissements.)
Des lectures aussi longues que celles-là...
Un membre : Cette lecture n'est pas aussi longue que votre observation.
Il y a 44,000 municipalités dans le royaume ; véritablement c'est perdre son temps. (Murmures.) (L'Assemb ée décide qu'il sera fait mention dans le prucès-verbal des deux adresses dont il vient d'être donné lecture.)
,député du département des Bouches-du-Rliône demande et obtient la permission de s'absenter, pendant un mois, pour affaires importantes.
Vous avez décrété avant-hier que les voitures des. messageries feraient de quinze à vingt lieues par jour. Je suis éloigné de proposer à l'Assemblee de revenir sur le décret dont il s'agit, quoiqu'il ait été combattu ; je ferai seulement uue observation. Cette condition de vitesse ne me paraît pas devoir être de rigueur, car il y a telle ville, distante de 24 lieues d'une autre, qui n'a besoin que d'une voiture par semaine. Si on exigeait que la voiture marchât en relai, la recette ne couvrirait pas la dépense. Je crois qu'il serait possible d'ajouter à l'article, après les mots : De 15 à 20 lieues, ceux-ci : sur les routes où cette célérité sera utile et praticable.
Plusieurs membres à gauche: On dira qu'elle est utile et praticable, lorsqu'elle ne le sera pas.
(Cette proposition est adoptée.)
Messieurs, nous avons proposé des mesures sur les voitures d'eau ; mais nous n'avons fait aucune mention des bacs, parce que cela regarde le comité féodal. C'est là un objet très impoitant et je crois que l'Assemblée ne peut tarder de s'en occuper. Les propriétaires des bacs, incertains si leurs droits seront maintenus, n'ont plus d'intérêt à entretenir ces voitures, ce qui peut nuire au service public et à la sûreté des citoyens. Je demande donc le renvoi de cette question au comité féodal, qui serait tenu d'en faire le rapport sous huit jours. (Cette motiou est adoptée.)
Un membre. Messieurs, lorsque vous avez décrété la constitution civile du clergé, vous avez ajourné trois articles sur l'organisation des églises paroissiales. Dans la plupart étaient les titulaires de bénéfices perpétuels qui étaient les coopérateurs du curé, par vos décrets, ils ont été obligés de quitter leurs fonctions, de manière qu'aujourd'hui, da is les paroisses composées de 3 à 4,000 âmes, il ne s'est trouvé, même dans les villes épiscopales, et principalement les jours solennels comme le jour de Noël, que le seul curé avec son vicaire.
Vous savez combien il importe de donner de l'appareil au culte; c'est ce qui alimente la piété des fidèles. Lorsque l'on trouve les églises ainsi dénuées, rien n'est plus fait pour exctter le mécontentement dans les âmes faibles, pour donner de l'aliment à l'intrigue, et produire une fermentation excitée par les malveillants.
En conséquence, je demanderais que le comité ecclésiastique fût chargé de présenter incessamment son rapport sur l'organisation des églises paroissiales et que jusqu'à ce, il fût permis aux habitués d'église, même aux chapelains et à ceux qui étaient titulaires de bénéfices, de continuer par provision l'exercice de leurs fonctions en qualité de simples vicaires.
(Cette motion est renvoyée au comité ecclésiastique pour en rendre compte incessamment.)
L'ordre du jour est un rapport du comité des finances sur le taux de l'imposition des ecclésiastiques en Vannée 1791.
, rapporteur du comité des finances. Je s is chargé, par les comités des finances et ecclésiastique, de vous présenter un projet de décret provisoire pour l'imposition des curés en 1791. Vos comités sont institués pour vous rendre compte des obstacles et des inconvénients que rencontre l'exécution des lois. Il est arrivé à votre comité ecclésiastique un grand nombrede plaintes de la part des curés qui se trouvaient surchargés d'impositions. Nous avons pensé que le seul moyen de prévenir ces inconvénients était d'établir un taux uniforme pour tous les curés du royaume. Voici le projet de décret :
» L'Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités ecclésiastique et des finances, instruite qu'en l'année 1790 on n'a suivi aucune règle de proportion pour l'imposition des ecclésiastiques; que le taux de leur cotisation varie dans les différents départements, districts et municipalités, ce qui a donné lieu à des contestations et à des plaintes sans nombre, a pensé que le moyen le plus sûr de les prévenir ou de les faire cesser était de fixer le taux d'après lequel lesdites impositions seraient réglées et réduites pour l'année 1791 seulement, et sans tirer à conséquence pour l'avenir, décrète ce qui suit :
« l°Les corps administratifs sont et demeurent autorisés à fixer et réduire Les cotes des individus
ecclésiastiques séculiers, autres que celles des maisons et jardins, dans la proportion ci-après, savoir :
« Au vingtième des pensions ou traitements ecclésiastiques qui n'excèdent pas 1,200 livres. « Au dix-huitième, jusqu'à 1,800 livres. « Au quinzième, jusqu'à 2,400 livres. « Au douzième, jusqu'à 3,200 livres. « Et au dixième, au-dessus de cette dernière somme.
« 2° Les rôles seront exécutés provisoirement; et le montant des décharges accordées à raison des surtaxes -sera réimpbsé en l'année prochaine, Îiar émargement ou simple addition de réle, sur 'ordonnance des directoires de districts ou départements* sans qu'il soit besoin d'autre et plus ample autorisation, à moins que ce déficit ne misse être couvert, au désir des intéressés* par a contribution des privilégiés, pour les six derniers mois de l'année 1789.
« 3° Les contribuables qui ont été imposés au delà de la proportion ci-dessus, et qui ont payé en entier le montant de leur cote, seront tenus, ainsi que ceux qui croiront avoir à se plaindre, de former leurs demandes dans le mois* par devant les districts, à dater du jour de la publication du présent décret, au chef-lieu des départements, passé lequel temps, ils en demeureront déchus; ceux dont la cote n'a pas été portée au taux fixé par l'article 1er du présent décret ne subiront néanmoins aucune augmentation pour l'année 1791, à raison du bénéfice qu'ils pourraient en ressortir. »
Le projet de décret qu'on vous propose tend à soustraire les curés aux impositions générales du royaume, pour leur accorder un soulagement; ce décret serait infiniment injuste, et contrarierait la loi de l'égalité proportionnelle des impôts. Le curé qui à un revenu de 1,200 livres ne payerait que le vingtième, tandis que Je père de famille, avec un revenu égal, payerait, et le vingtième et les impositions accessoires qui s'élèvent à 18 deniers pour livre; le célibataire ne serait imposé qu'à 60 liv., et le père de famille cultivateur serait imposé à 50 écus L... Je demande la question préalable sur le projet de décret,
, rapporteur. Il ne s'agit point ici de soustraire les ecclésiastiques à l'égalité proportionnelle des impositions; au contraire, il faut empêcher que, par une fausse application nés principes, on n'impose des fonctionnaires publics dont les revenus ne sont que le salaire de leur travail, autant que les rentiers et les propriétaires de domaines. Les fonctionnaires publics doivent jouir des mêmes avantages que les personnes qui vivent de leur industrie : telle est la loi; telle est la véritable application du principe de Pégalité proportionnelle. Dans plusieurs paroisses, des curés, n'ayant que 1,200 livres de revenu, ont été impo&és à 450 livres. C'est pour affranchir vos comités de la nécessité de répondre aux plaintes multipliées qui leur sont adressées, que je vous prie d'adopter 'le projet de décret que je vous ai proposé. . (La question préalable est mise aux vois : l'Assemblée décide qu'il y a lieu à délibérer, etiadopte le projet de décret du comité.) L'ordre du .jour est un rapport du comité de l'em,placement des tribunaux sur l'emplacement des tribunaux de Paris.
, rapporteur du comité de remplacement des tribunaux. Messieurs, plusieurs difficultés se sont élevées au sujet de l'emplacement des six tribunaux de Paris. La municipalité a envoyé à votre comité un mémoire dans lequel éîle expose que si elle emploie des bâtiments nationaux, les réparations nécessaires pour le placement des tribunaux occasionneront une dépense de 600,000 livres. La ville de Paris sera forcée d'acheter ces bâtiments en totalité ou en partie. Si elle ne les achète qu'en partie, le reste, devenu moins précieux, se vendra moins bien. Elle offre en exemple la maison des Jacobins-Saint-Honoré, qui a été abandonnée par les religieux. Les soumissions s'élèvent à plusieurs millions. Les bâtiments occupent un terrain très considérable; ils ne peuvent être bien vendus qu'autant qu'on y percera une rue; de sorte que les juges seront placés au milieu des décombres, outre l'inconvénient que le bâtiment qui leur est destiné empêcherait les alignements. La municipalité a donc jeté les yeux sur l'ancien palais de la Justice, emplacement vaste et commode qui réunit la sûreté à la salubrité. Les six tribunaux étant rapprochés, les communications nécessaires entre les juges seront plus faciles. Les hommes de loi,obligés pareillement de converser entre eux sur les intérêts de leurs clients, s'y rencontreront. Les plaideurs ayant des affaires pendantes à plusieurs tribunaux jouiront des avantages de celte réunion. Deux choses doivent déterminer votre opinion : la convenance des justiciables et l'économie. Quant à la convenance des citoyens, je ne pense pas qu'elle exige la distribution des tribunaux. La majeure partie des citoyens de l'Empire sera bien plus éloignée du tribunal de district que les habitants de Paris ne le sont du palais. Quelles sont à Paris les deux classes les plus exposées à avoir des procès? Les propriétaires de maisons et les négociants : or, combien de fois n'arri-vera-t-il pas qu'un homme, propriétaire de maisons situées dans différents quartiers, aura des procès en instance devant plusieurs tribunaux à la fois ? Ce propriétaire/ ou le négociant qui se trouvera dans le même cas, seront donc obligés d'avoir des avoués attitrés auprès de chaque tribunal? Et qu'on ne dise pas qu'il sera permis aux avoués de postuler auprès de tous les tribunaux : les distances rendraient cette faculté illusoire par le fait... Craint-on une coalition entre les différents tribunaux1? Mais ils agiront sous les yeux de la législature, du tribunal de cassation, de l'administration de département. La distance s'opposerait-elle à fa coalition, si elle était aujourd'hui possible? Mais les parlements ne se coalisaient-ils pas de l'extrémité du royaume à l'autre ? On peut défendre aux juges des différents tribunaux de s'assembler en commun ; ils auront dans cet immense édifice Chacun un établissement séparé. Oublieront-ils qu'ils sont les élus du peuple, lorsqu'ils jugeront en sa présence; et si la Constitution avait quelque chose à redouter, serait-ce de leur part ? Si l'on craint les in-conVènieurs de la confraternité, la distribution en six arrondissements serait-elle un obstacle attx rapports des juges entre eux? Dira-t-on que six tribunaux réunis dans un même local ne formeront qu'un tribunal divisé en six chambres? C'est comme-Si Ton prétendait que le parlement, la cour des aides, la chambre des comptes, la cour des monnaies, la table de marbre, 'l'amirauté, la chancellerie, la chambre des requêtes de l'hôtel, etc., etc., et toutes les
juridictions antrefois rénriies au palais, ne formaient qu'un seul tribunal. Cependant il y avait entre elles de fréquents conflits de juridiction, elles Tendaient des arrêts contradictoires. La grande publicité des rapports et des jugements doit ôter toute crainte ; tout se passera au grand jour ; ou ne peut en inspirer, car, comme l'on dit, il y a peu de filous là où il y a beaucoup de réverbères... Votre comité rend justice aux vues de la municipalité. Si elle .achetait des bâtimen ts nationaux en totalité, efle se chargerait d'une dette immense. Si elle n'achetait que la partie de ces bâtiments nécessaire au piaeement des tribunaux, elle en diminuerait le prix, et les réparations occasionneraient, et une dépense de 600,000 livres, et un retard considérable dans ^administration de la justice. Le'Cbrps législatif, l'administration du département et la municipalité pourraient tenir leurs séances au palais, sans gêner les tribunaux. Votre comité a été touché d'un dernier motif, c'est que l'opération qu'il a l'honneur de vous présenter, étant purement réglementaire, purement administrative, si l'avenir découvre quel-crues inconvénients dans la réunion des tribunaux il sera toujours extrêmement possible de procéder à la distribution proposée. Nous vous proposons, en conséquence, le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale décrète que'les six tribunaux du département de Paris seront réunis dans l'ancien palais de la Justice, en telle sorte cependant qu'il soit assigné à chacun d'eux un local distinct et entiêrément séparé, et sans que, sous aucun prétexte, ils puissent se réunir et délibérer en commun. »
Messieurs, je demande la question préalable sur ce projet de décret. Vous vous rappelez que les membres du comité de Constitution., qui vous ont successivement parlé, vous ont tous fait remarquer qu'Une crainte devait vous empêcher de déférer au vœu des officiers municipaux : c'est de voir que,dans la capitale, il se trouvât un corps unique de magistrats. (Murmures.} Messieurs, je puis avoir tort; mais vous en auriez un plus grand de ne,pag m'entendre. Cette réunion avait paru dangereuse a tous les bons esprits, à tous les vrais amis delà Constitution, et c'est parce que le comité de Constitution a assuré que les six tribunaux seraient placés dans des locaux différents, que l'Assemblée nationale a consenti à la réunion des électeurs. Je vous ajoute, Messieurs, que je me suis trouvé au comité de Constitution un jour où cette question s'agita; je puis vous attester que tous les membres que j'entendis étaient tous d'un avis formel que cette demande ne pouvait pas être sagement admise. Je sais, Messieurs, qu'un des bons esprits de l'Assemblée nationale, que certainement vous entendez avec plaisir, M. Thouret, employa toutes les forces de sa raison pour persuader a à ses nouveaux confrères qu'ils ne devaient pas consulter la commodité ou les intérêts des clients et qu'ils ne devaient jamais voir dans l'établissement d'une Constitution ce qui l'intéresse. Or, je demande,. Messieurs, si vous pouvez metyre en parallèle, avec le plus léger danger que pourrait courir la Constitution, les raisons -què votre comité vient de vous déduireî (Applaudissements à gauche; murmures à droite.) Oui, Messieurs, M n'appartient pas à un peuple ' qui a conquis sa liberté d'entendre, sans indignation, qu'on lui parle de quelque misérable économie, quand il s'agit... (Interruption). Quel que soit le plus ou moins de sagesse de mou opinion, j'atteste qu'elle m'est dictée par ma conscience; c'est un motif au moins pour qu'on m'entende. Enfin, Messieurs, je demande lecture du décret qui, déférant au vœu des électeurs, a permis qu'ils ne formassent qu'une assemblée électorale. Je ne réponds pas qu'on n'y ait apposé la condition que les six tribunaux seraient distincts et séparés. Un membre : Elle y est.
J'espère que vous n'insulterez pas à votre décret; et je demande avec la plus grande confiance la question préalable. Plusieurs vdix Et que le comité soit rappelé à l'ordre.
Je considère la question sous deux différents rapports : l'intérêt public et celui des justiciables. Sous le premier rapport, quelle que soit la teneur du aécret invoqué par le préopinant, je crois que c'est'faire btien de l'honneur aux trente juges de Paris. {Murmures.) Je soutiens que tren te jugés,'bien Classés, bien divisés dans un vaste édifiee, ne sont pas plus à craindre que cinq, d'abord parce que, divisés ou réunis, ils ne formeront pas corps ; en second lieu, parce que, quand on pourrait prévoir leur coalition, il esf connu que plus nne compagnie est nombreuse,, moins elle a d'ensemble. le m'étonne qu'on veuille toujours faire envisager comme ennemis de la Constitution dts hommes qui lui devront leur existence, et, d'ailleurs, je vous prie d'observer que si les craintes qu'on veut inspirer à l'Assemblée étaient fondées la surveillance du Corps 'législatif, du tribunaf de cassation, du département, de la municipalité suffiraient pour les dissiper. Les justiciables n'ont pas un intérêt moins grand a la réunion proposée. Dans, le système de la division, jamais les affaires ne seront prêtes et l'on demandera défais sur délais, sous prétexte que les avoués ou les défenseurs officieux sont employés ailleurs. Les juges, les bureaux de paix seront distriuués dans tous les quartiers de la capitale: voilà la justice qu'il faut mettre à la portée du pauvre ; mais il n'y a aucun motif pour diviser les tribunaux destinés à connaître des affaires majeures* et, en les réunissant, il n'y aura pas encore de département dans lequel les justiciables soient aussi près de leurs tribunaux .
Je demande qu'on ferme la discussion et que l'Assemblée prononce la question préalable sur le projet de décret.
J'appuie la question préalable sur le projet de décret, non pas que je croie que les juges soient à craindre, lussent-ils au nombre de & mais parce que vous avez décrété qu'il y aurait un tribunal dans chaque, district, et que les tribunaux ne pourraient sortir de leur arrondissement. La municipalité1 ne vous a présenté qu'une question d'économie ; mais le palais est une maison nationale, elle n'entend pats sans doilte
que les locaux nécessaires aux juges lui seront cédés à un plus bas prix... Vous savez qu'il y avait autrefois autour du palais et du Chàtelet 12 ou 15 avocats qui étaient comme des espèces de limiers, qui chassaieDt les plaideurs et s'emparaient de toutes les affaires; il faut détruire cet abus par une sage distribution des tribunaux. Tous les quartiers de Paris out également droit à la résidence des juges.
Vous avez décrété qu'il y aurait à Paris six arrondissements de tribunaux, vous n'avez pas voulu qu'ils pussent sortir de leur arrondissement; or, en les réunissant dans un même local, il y en aurait ciuq qui habiteraient un territoire étranger; jamais vous ne pourriez empêcher le peuple de regarder ces six tribunaux comme un même tribunal divisé en six chambres. Que deviendrait l'illusion de l'appel ?... Ajoutez à cela les dangers des trop fréquentes relations et de la trop grande familiarité des juges et des avoués entre eux, il en résulterait un esprit de corps tel que celui qui existe déjà dans les départements. J'appuie la question préalable.
J'appuie aussi la question préalable sur le projet de décret du comité. Vous avez décrété que lea frais des tribunaux seraient p.ivés par les districts; il s'ensuit par cette seule observation que les tribunaux sont, non seulement sous le rapport de la justice, mais aussi sous le rapport des dépenses, la propriété de chaque district (Applaudissements) auquel on a donné le tribunal. Cela posé, chaque district, chaque arrondissement doit profiter des avautages locaux attachés à l'établissement public. Il doit voir refluer vers lui les dépenses qu'il fait pour le tribunal, en ayant autour de ce tribunal tous les avoués qui doivent en faire le service; et, au surplus, il y a une aussi grande disconvenance à placer hors des limites de chaque district le tribunal qui est propre à chacun d'eux, que si l'on faisait transférer le district d'un lieu fort séparé par la nature dans un autre district.
(L'Assemblée,coisultée,décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet de décret du comité*)
, rapporteur du comité de l'imposition. Messieurs, je suis chargé, au nom du comité de l'imposition, de présenter un projet de decret relativement à une proclamation du département de la Gironde. Cet objet est trè3 pressé, mais tiendra peu de temps. Je m'explique. Messieurs, vous avez décrété, le 22 septembre dernier, que tous les droits et impositions seraient prorogés jusqu'au moment très prochain d'un nouveau mode de contribution publique. Ce décret est général et n'admet aucune réserve. Le directoire du département de la Gironde ayant mal interprété un de vos décrets, a cru, d'après celui du 19 juillet, que certains droits devaient cesser le 31 décembre, parce que dans l'acte de leur crtatiouei dans les arrêts d'enregistrement des tribunaux avait été portée la cessation de ces droits, annoncée pour le 31 décembre 1790.
Ce directoire, d'après le décret du 19 juillet, dont voici la teneur : « Toutes les contributions continueront d'être perçues de la même manière qu'elles l'ont été précédemment, à moins que leur extinction et suppression n'aient été expressément prononcées », a pensé que l'extinction de ces droits, prononcée par leur édil de créa-
tion, devait cesser effectivement ce jour-là. Mais ce directoire ne s'est pas rappelé le décret du 22 septembre, relatif aux droits sur les boissons, droits réservés et autres, car les droits dont il a déclaré la cessation le 31 décembre sont dans la classe des droits réservés, comme on peut s'en convaincre à la lecture du décret, où il aitque les droits sur les boissons, vendanges, continueront provisoirement d'être perçus et levés de la même manière qu'ils l'étaient précédemment.
Cependant, partant d'une fausse interprétation de votre décret uu 19 juillet, sans faire attention à celui du 22 septembre, le directoire a fait une pioclamation qui a été affichée à Bordeaux et sur laquelle il a arrêté, ouï M. le procureur général syndic, que le droit de don gratuit et les sols pour livres en sus de ce droit devaient cesser le 31 décembre, ainsi que les quatre sols pour livre sur les droits d'octroi.
Vous ne pouvez pas,Messieurs, laisser subsister une proclamation aussi contradictoire avec votre décret du 22 décembre. Le patriotisme de ce directoire est trop connu pour croire qu'il ait agi autremeut que par erreur.
Nous vous proposons, en conséquence, le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, instruite que le directoire du département de la Gironde, se méprenant sur le sens des décrets des 19 juillet, 22sep« tembre et 22 décembre derniers, a fa t cesser la perception du don gratuit et des sols pour livre de ce droit dans différentes municipalités dudit département, et celle des quatre sols pour livre du droit d'octroi, perceptions qui out été expressément prorogées par les susdits décrets des 22 septembre et 22 décembre, jusqu'à l'établissement très prochain du nouveau mode des contributions publiques, déclare la pr. clamation du directoire du département de la Gironde, eu date du 30 décembre dernier, nulle et comme non-avenue ;
« Et décrète que le président se retirera dans le jour vers le rui, pour le prier de laire exécuter le décret du 22 décembre dernier, dans le département de la Gironde, et partout où besoin sera. »
(Ce projet de décret est adopté).
L'ordre du jour est un rapport du comité de l'imposition sur le droit de timbre.
Ce projet nous a été distribué; mais il n'est précédé d'aucun rapport et cependant un rapport est ici très nécessaire, car il faut connaître à combien se montera ce droit de timbre. Ou l'a porté dans un tableau à 28 millions ; mais on ne vous a pas présenté les bases de cette contribution. Il serait possible, d'un côté, que 1 on eût mal calculé ; de l'autre, que le rapport fit naître des idées pour la discussion. Je demande que le rapport soit imprimé et distribué aux membres de l'Assemblée.
, rapporteur du comité de Vim* position. Je le tiens à la main et je suis prêt à en donner lecture.
Mais il faut pouvoir méditer dessus.
,rapporteur. Si l'Assemblée, après avoir entendu le rapport, veut, ainsi que
M. de Folleville le désire, le méditer, elle exprimera son sentiment. (On demande la lecture du rapport.)
, rapporteur (1). Messieurs, le comité de l'imposition vous apporte le projet du droit du timbre qui, joint à la partie très réduite des droits d'entrée des villes dont il croit la conservation inévitable, doit compléter le svs-téme de contribution nécessaire pour l'année où nous entrons. Le droit de timbre a été en quelque sorte demandé par l'opinion publique, nui a toujours peine à se dé larer pour un impôt; cependant la faveur accordée à celui-ci n'a pas levé les difficultés de s m opération.
On s'accorde également à demander un droit de timbre; m;iis on attache des idées fort différentes à ce droit. Les uns entendent qu'il embrassera telles parties, et d'autres qu'il les laissera à l'écart. Les uns le veulent fixe, les autres le veulent graduel suivant les actes; les uns en espèrent 15 millions, les autres 50, 60, 80 millions. Plusieurs s'attendent au timhre des Anglais, plusieurs aussi au timbre des Hollandais, d'autres au timhre proposé aux notables et accepté par pux en 1787. Il est peut-être aussi, dans le public, des personnes qui se passionnent nour ce genre d'impôt, sans en avoir aucune idée; uniquement parce qu'il remplacera ce qu'ils connaissent trop bien et dont ils croient que la rigueur ne peut être surpassée par aucune autre, uniquement pour changer d'impôt, comme on peut croire qu'on trouve quelquefois du délassement à changer de travaux.
L'accord général en faveur du droit de timbre repose donc sur le mode de
sa perception, qui parait généralement susceptible de douceur et
d'économie compatible avec les principes de la Constitution. L'opinion
publique ne nous a donc donné de sécurité que sur la possibilité de bien
faire: elle vous a laissé, Messieurs, le choix des moyens. Pour juger le
plan que nous vous présentons, il faut d'abord que vous vouliez bien
fixer votre attention sur la nature du droit de timbre, et sur les
effets qu'il peut produire. Le timbre dans lui-même n'est pas, com ie on
le croit assez ordinairement un impôt particulier; c'est seulement une
manière de percevoir plusieurs impôts d'une nature différente; elle
produit donc des effets divers, suivant les objets auxquels elle
s'applique. Le timbre peut être un impôt direct sur les propriétés
foncières, sur les propriétés mobilières, ou sur les salaires publics,
ou sur les consommations : il peut être l'un et l'autre, il peut être la
réunion de tous. En Angleterre il est la réunion de tous : les Anglais
ne connaissent point de droit d'enregistrement pour les conventions; ils
lèvent un droit de timbre sur le papier destiné aux actes de cette
nature. Il est fixe à un certain taux, et au-dessous il varie, non
suivant la nature de l'objet, mais suivant la nature de l'acte. Cette
première partie d'impôt frappe sur toute espèce de propriété foncière et
mobilière ; la seconde partie du même impôt, en Angleterre, se réduit à
un droit de levée sur les patentes expédiées pour certaines occasions
par la couronne, et sur certains actes judiciaires. On timbre aussi des
permissions nécessaires pour l'exercice de certaines facultés ou
professions. On vend ces permissions un prix
D'après cet exposé, vous voyez déjà par les dispositions de vos décrets sur Ie3 droits d'enregistrement, que vous avez fait beaucoup mieux nue nos voi-ins. En effet, en assujettissant au droit d'enregistrement les actes judiciaires et tous les actes civils passés en forme authentique, vous avez rendu à la fois ce droit et plus ju te pour les redevables, et plus profitable pour le Trésor public; car nou* croyons bien qu'on entendra, par droit de timbre, le droit d'enregistrement que vous avez décrété. Ce droit a cela d'avantageux, que la perception en est économique, sans vexation, le produit assuré et hors de toute atteinte. Il est vrai que, d'un autre côté, il a des inconvénients, les voici : il attaque les propriétés d'une manière très inégale, puisque la fréquence des mutations est très différente et très accidentelle. De plus, il embarrasse la vente des propriétés, par conséquent la division, qu'il est si important ae favoriser. Il détruit les capitaux, et par là les moyens de reproductions et de richesses nationales. Il est donc essentiel de laisser ce droit au point où l'Assemblée nationale a cru nécessaire de s'arrêter.
On nous permettra de redresser un compte. En Angleterre, nous a-t-on dit, le timbre produit 30 à 40 millions, pourquoi borner votre droit à 27? Vous en pouvez retirer 50 ou 60.
Les Anglais ont mis sous un même nom deux impô s que nous établissons sous deux dénominations et deux formes différentes. Séparez de leur droit de timbre ce que nous appelons droit d'enregistrement, leur timbre au lien d'être porté à 30 ou 40 millions, se réduira à 15, et le nôtre sera du double ; ou bien ajoutez 21 ou 30 millions résultant de notre timbre, 20 ou 40 millions résultant du droit d'enregistrement, vous aurez 67 à 70 millions.
Notre rapport se borne à ce qui regarde les actes civils authentiques judiciaires, les actes sous seing privé, les effets de commerce. La première question qui s'est présentée à nous est relative au timbre des actes sous seing privé : Les droits seront-ils proportionnés aux sommes, ou seront-ils uniques et uniformes? Le droit progressif pour les acies sous seing privé nous a paru une inju-tice, parce qu'en général il n'est pas, comme le droit d'enregistrement, le prix d'un salaire public ; et que d'ailleurs le droit du timbre progressif sur les actes privés est déjà
assuré par la loi même de l'enregistrement qui les soumet su droit progressif dans fous les cas cù il faudrait les traduire en justice.: Nous avons pensé, que le moyen d'éviter la fraude était la modicité du droit sur ces sortes d'actes. D'ailleurs la manutention et les frais de perception augmenteraient singulièrement si on était obligé d'augmenter les timbres suivant la très grande diversité des actes. En effet, pour assurer la perception du timbre, il faudrait obliger, non pas à faire timbrer tous les actes, mais à écrire tous les actes sur du papier timbré antérieurement ; ce qui est ridicule. Une dernière raison nous a décidé pour le timbre unique et uniforme pour les actes sous seing privé, c'est que s'il est quelquefois difficile aux ofticiers publics de classer ces différentes espèces d'actes pour y appliquer les différentes espèces de droit, cette opération doit être impossible à la plupart des citoyens : ce serait donc placer sous leurs pas un piège inévitable. Les lettres de change et quittances des comptables sont assujetties à un droit progressif, mais modique, dont le maximum est de 20 sous. Les droits de lettres de change doivent être considérés comme des frais de commerce autres que ceux à la charge du consommateur. Quant aux droits sur les quittances des rentes, nous avons pensé qu'ils nous fourniraient, à l'égard des comptables, un moyen de récupérer ce qu'ils payaient à l'Etat par la gabelle.
Nous avons cru devoir mettre une différence de droit de timbre imposé sur les minutes des actes publics et judiciaires, ainsi que des actes privés. Nous avons propose un timbre particulier sur les expéditions, et nous croyons convenable de vendre un papier plus cher que l'autre. Sous l'ancien système, le droit sur les expéditions était plus fort que celui sur les minutes; ainsi nous ne changeons rien à cet égard, si ce n'est en bien. A la vérité, on fournissait du parchemin pour les expéditions; mais le parchemin, dont le prix est tout au plus quadruple de celui du papier, se vendait vingt fois plus cher. Le parchemin n'était donc qu'un motif de perception plus forte, et au fond il serait difficile d'y voir autre chose.
Convaincus que, quand les représentants du peuple votent des impositions, il leur siérait mal de déguiser un impôt sous des prétextas hypocrites, comme l'ancien gouvernement quand il dérobait des tributs au peuple, nous vous proposons de supprimer l'usage forcé du parchemin, de mettre à découvert la volonté de rendre pio-ductive la partie des expéditions en doublant le prix du papier qui y sera employé. En Angleterre on écrit sur papier timbré les factures, lettres de voiture, mémoires d'ouvrier. Nous avons cru devoir laisser la liberté sur cet objet, et ne soumettre les actes au timbre que dans le cas où il faudrait les produire en justice. Deux considérations nous ont déterminé, à ce parti. D'abord l'impossibilité de constater les contraventions à l'obligation d'écrire de semblables actes; 2° c'est que le négociant en détail sera plus chargé que le négociant en gros, parce qu'un petit négoce exige pl s de factures, plus de mémoires, etc., qu'un gros négoce. En cela nous avons eu en vue l'intérêt du consommateur, surtout du pauvre, •qui se confond avec celui du détaillant, car ce n'est que par la concurrence des détaillants que les denrées se soutiennent à bas prix.
Ceci exposé, voici, les moyens principaux que aous avons cru devoir adopter pour faire réussir notre plan. C'est dans le choix de ces moyens
que nous avons trouvé plus de difficulté. Assurer la perception sans blesser la propriété ou la liberté, c'est faire un projet plus embarrassant qu'on ne croit au premier coup d'œil. Le projet de timbre proposé aux notables nous offrait la ressource de prononcer la nullité des actes écrits en contravention avec les droits du timbre , comme le seul moyen d'en assurer la perception. D s gens du métier, des percepteurs nous ont entretenu dans cette idée. Nous^ avons résisté, persuadés qu'il n'était pas dans la puissance des lois d'établir la,peine de nullité pour des formalités purement fiscales. Nous avons pensé que cette nulliié ne dégageant pas les consciences, l'honnête homme ne s'en prévaudrait jamais et quelle serait une arme meurtrière entre les mains des fripons. Il est une providence qui vient à l'appui des bons principes ; les moyens d'exécution ne leur manquent jamais, si l'on est constant dans la recherche des moyens. Il s'en est présenté à nous d'efficaces que nous développerons dans le cours de la discussion, s'il est nécessaire. Quant à présent nous nous contenterons de présenter les précautions que nous avons renfermées dans l'article concernant les lettres de change. Elles sont de nature à préserver votre code de la souillure de porter use peine contraire à toute morale et à toute justice.
Nous vous proposons de constituer tout porteur de lettre de change en blanc dans l'obligation de la faire timbrer avant de l'endosser, sous peine d'une amende. Le résultat de çe moyen fort simple sera certainement de prévenir la fraude, car il n'y aura pas de tireur qui ne craigne qu'il ne se présente au moins un endosseur qui veuille encourir les risques de l'amende; et cette crainte déterminera les tireurs à se servir du papier prescrit. Notre projet impose quelques assujettissements, mais ils sont inévitables, comme il paraîtra dans la discussion. D'ailleurs ils paraîtront tiès supportables aux bons citoyens lorsqu'ils considéreront que l'impôt du timbre remplace en partie les aides et la gabelle.
En conséquence , nous avons l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant ; projet de décret.
Première partie.
Art. 1er. A compter du 1er avril prochain, la
formule sera abolie, les timbres maintenant en usage seront supprimés, les
papiers ou parchemins qui s'en trouveraient marqués ne pourront être
employés qu'après avoir été contre-timbrés du timbre qui sera ci-après
établi, et il sera libre à tout particulier qui s'en trouverait pourvu, de
les rapporter dans trois mois, à compter du jour de la publication du
présent décret, à la régie, qui lui en rendra le prix.
Art 2. A compter de la même époque, et dans toute l'étendue du royaume, la régie de la formalité de l'enregistrement fournira exclusivement, et au profit du Trésor public, pour tous les actes qui seront ci-après indiqués, des papiers marqués de nouveaux timbres, et dont les prix seront déterminés par le tarif annexé au présent décreL
Art. 3. Seront écrites sur papier timbré :
1° Toutes les minutes et les expéditions d'actes qui, soit en minute, soit en expédition, dans tous les cas, ou dans quelques cas seulement,
sont soumis à la formalité de l'enregistrement, en vertu du décret du 5 décembre dernier ;
2* Les minutes et copies signifiées des jugements des juges de paix, et les minutes des actes de procédure et instruction des instances;
3° Les registres des municipalités pour tout ce qui concernera leurs affaires, et sera étranger aux fonctions publiques qui leur sont déléguées par les lois; les registres cles universités, facultés, collèges, hôpitaux, fabriques ; ceux des vicaires, curés, évêques, métropolitains ; eeux des administrateurs, syndics, marguilliers, fabri-ciens, receveurs des droits et des revenus des villes et hôpitaux ; ceux des notaires, huissiers et autres officiers ministériels, greffiers et concierges des prisons et autres lieux de détention ; ceux des courtiers, agents de change, et de toute personne ou corps revêtus d'un caractère public, et obligés par les règlements à tenir des registres;
4° Les expéditions, extraits, copies certifiées de tous les registres mentionnés en la section précédente, et qui seront délivrés à des particuliers ; et en outre, les lettres et commissions de chancellerie, les expéditions, extraits ou copies de registres, procès-verbaux, délibérations des corps administratifs et des municipalités, ainsi que les certificats, passeports et autres actes ou pièces formant titre à l'avantage ou à la décharge de quelque particulier ;
5° Les quittances de rente payées par le Trésor public, celles des droits d'entrée et sortie du royaume, celles des droits des villes et de toute contribution indirecte
6° Les registres des négociants, marchands, artisans, fabricants, banquiers, commissionnaires, entrepreneurs de travaux, fournitures et services publics ou particuliers, agents d'affaires, directeurs et syndics de collèges de créanciers, et tous registres qui sont admis à faire foi en justice ;
7° Les lettres de change, même celles qui seraient tirées par seconde, troisième et duplicata; billets à ordre ou au porteur, mandats, rescrip-tions, et généralement tous les écrits portant promesse ou mandement de payer des sommes déterminées et qui circulent dans le commerce, même les endossements et acceptations de pareils effets venant de l'étranger, lesquels seront présentés au timbre ou au visa' dans la première place de France où elles devront être endossées, et payeront seulement la moitié du droit imposé sur les effets de même valeur faits en France.
Art. 4. Les lettres de voiture sous seing privé, les compies des fabricants, négociants et banquiers entre eux ; les factures ou lettres qui en tiendront lieu, des fabricants, marchands, commissionnaires et autres; les mémoires d'ouvriers, marchands, fournisseurs, entrepreneurs ; les extraits de livres, ou de correspondance, seront assujettis au timbre ou au visa, dans les cas seulement où ils devront servir de titre à quelque demande ou action en justice, et y être produits par forme ou pour moyen d'exception, ou autrement.
Art. 5. Les papiers destinés à des lettres de change ou autres mandements de paiyer, aux quittances comptables et autres fournies pour rentes payées par le Trésor public, aux quittances des droits d'entrée et des octrois des villes et autres contributions indirectes, seront marqués de timbres différents, dont les prix seront fixés par le tarif.
Il sera libre d'user pour tout autre acte, re-
gistre, pièce ou écriture assujetti au timbre de papier, de telle dimension que l'on voudra. Les bureaux de la régie seront pourvus de papiers de divers, formats, dont les prix seiront déterminés par le tarif.
A l'égard des papiers destinés aux expéditions de tous les actes civils passés en forme authentique, à celle des jugements des tribunaux et aux autres actes expédiés en brevets, ils seront mar-ués de timbres particuliers, et seront à des prix ifférents, suivant le tarif
. Art. 6. Les particuliers, qui voudront se servir de parchemin ou d'un autre papier que celui de la régie, pourront le faire timbrer avant de s'en servir. Il y sera apposé un timbre extraordinaire, relatif à la classe et à la nature des actes auxquels ce papier ou parchemin sera destiné. Il sera payé pour le timbre extraordinaire le môme prix que pour le papier de la régie de même destination et de même mesure;, si les papiers, présentés au timbre, sont de dimensions différentes de celles de la régie, le timbre en sera payé au prix du format supérieur ; et s'ils excèdent le plus grand papier de la régie,, le prix du timbre sera de 20 sous.
Art. 7. Les papiers employés à des expéditions ne pourront contenir, compensation faite d'une feuille à l'autre, plus de lignes par pages et de syllabes par ligne, qu'il ne va être déterminé ; savoir :
Par page de petit papier, 20 lignes et 12 syllabes par ligne;
Par page de papier moyen, 27 lignes et 15 syllabes par ligne;
Par page de grand papier, 30 lignes et 18 syllabes par ligne.
Art. 8. Le papier ou parchemin timbré qui aura été employé pour minute ou expédition, ne pourra plus servir à d'autres, dans le cas même où la première n'aurait été que commencée.
L'empreinte du timbre ne pourra être couverte d'écriture ni altérée.
Il ne pourra être fait ni expédié deux actes à la suite l'un de l'autre sur la même feuille, à l'exception des actes de ratification de ceux passés en l'absence des parties, des quittances de remboursement de contrats de constitution ou obligation, des inventaires, procès-verbaux et autres actes qui ne peuvent être consommés dans un seul jour et dans la même vacation.
Les huissiers ne pourront mettre deux significations ou exploits d'assignation et autres actes sur une même feuille de papier timbré, à l'exception des significations de pièces dont la copie pourra être donnée en tête de l'exploit et des premières significations des sentences ou jugements, dont les originaux pourront être écrits sur les sentences ou jugements.
Les actes qui seront écrits en contravention aux dispositions précédentes, donneront lieu aux mêmes peines, et n'auront pas plus d'effet que s'ils étaient écrits sur papier non timbré.
Art. 9. Les expéditions des actes civils et judiciaires qui seront délivrées, à compter du premier avril, dans les lieux où la formule n'était pas établie, ne pourront être faites que sur papier timbré.
Art. 10. Les personnes, corps ou communautés dont les registres sont assujettis au timbre par le présent décret, seront tenus, dans les trois mois qui suivront sa publication, de faire timbrer à l'extraordinaire, ou marquer d'un visa, toutes les feuilles qui, à la même époque, n'auront pas servi.
Art. 11. Moyennant le payement du droit de timbre et des amendes qui seront ci-après déterminées, selon le cas, tout acte, ou écrit assujetti à être fait sur papier timbré, et qui ne le serait i as ou le serait sur papier marqué d'un timbre différent de celui qui lui est propre, pourra être marqué à l'extraordinaire ou visé.
Mais les expéditions des actes civils passés en forme authentique, et des actes judiciaires, qui ne seront pas écrites sur papier ou parchemin timbrés pour expéditions, et propres à chacun de ces actes, ou qui renfermeront plus de syllabes par lignes ou de lignes par pages qu'il n'est prescrit, seront nulles.
Art. 12. Tout officier ou fonctionnaire public qui, dans la minute ou l'expédition de quelque acte civil ou judiciaire, aura commis un^ contravention au présent décret, sera con tamné à une amende de 300 livres pour la première fois, et à une amende de 1,000 livres et à l'interdiction pour un an en cas de récidive.
Arl. 13. Tout particulier qui ne se sera pas servi de papier timbré pour les actes privés, registres, pièces et écritures qui y seront assujettis, et autres que les lettres de change et mandements de payer dont il sera fait mention dans l'article suivant, sera condamné à 20 livres d'amende et sera tenu d'acquitter cette amende, de faire timbrer ou viser ces pièces, actes ou écritures et de payer le droit de timbre avant de pouvoir en faire usage en justice, à peine de nullité de toute procédure, et de tout jugement et exécution qui pourraient avoir lieu en conséquence.
Art. 14. Les porteurs de lettres de change et autres mandements de payer, non marqués du timbre auquel ils sont assujettis, ne pourront les endosser qu'après les avoir fait timbrer à l'extraordinaire ou viser.
Les tireurs, endosseurs et accepteurs de lettres de change et mandements de payer faits en France et non timbrés du timbre auquel ils sont assujettis, les endosseurs et accepteurs de pareils effets venant de l'étranger, seront condamnés solidairement au payement du droit et à l'amende du dixième du montant de ces effets.
Le droit de timbre et moitié de l'amende du dixième seront supportés, pour les effets tirés de France, par le tireur; le surplus de l'amende, par l'accepteur et les endosseurs domiciliés en France; et pour ceux tirés de l'étranger, par les accepteurs et endosseurs domiciliés en France. Ces effets ne pourront être reçus à l'enregistrement ni produits en justice, à peine de nullité de toute procédure, et de tout jugement et exécution qui pourraient avoir eu lieu en conséquence.
Les porteurs de pareils effets, qui les feront timbrer à l'extraordinaire ou viser, payeront le droit et l'amende, et auront leur recours contre les tireurs, accepteurs et endosseurs.
Art. 15. Les préposés de la régie ne pourront, à peine de 50 livres d'amende, admettre à l'enregistrement des expéditions d'actes judiciaires, si elles ne sont daus les formes réglées par le présent décret.
Ils ne pourront, sous la même peine, admettre à l'enregistrement aucun exploit, signification, et autres actes de poursuites, faites en exécution d'expéditions délivrées par les notaires, si ces expéuitions ne sont représentées et ne sont dans les formes prescrites.
Ils ne pourront, sous la même peine, enregistrer aucun des actes, pièces ou écritures soumis au timbre, s'il n'est timbré du timbre auquel il
est assujetti, et s'il y a plusieurs actes écrits sur une même feuille, ou que cette feuille ait déjà servi.
Ils ne pourront enfin, et sous les mêmes peines, admettre à la formalité de l'enregistrement les protêts de lettres de change et mandements de payer, que sur la représentation de ceseffets en bonne forme.
Art. 16. Aucun huissier ni officier ministériel ne pourra faire de significations, poursuites et exécutions, en vertu d'expéditions informes, tant d'actes civils que d'actes judiciaires, ni protêts, exploits ou significations pour raison d'effets, actes, titres, pièces, écritures, sous signature privée assujettis au timbre, et qui ne seraient pas marqués de celui auquel ils sont assujettis; et en cas de contravention il sera condamné en 50 livres d'amende pour la première fois, et 500 livres d'amende et à l'interdiction pour un an en cas de récidive, et sera tenu des dommages-intérêts des parties pour raison des nullités prononcées par les articles précédents.
Art. 17. Aucun juge ou officier public ne pourra coter et parapher les registres assujettis au timbre par le présent dscret, si les feuil es n'en sont timbrées, etc., à peine de 500 livres d'amende pour chaque contravention, et de 1,000 livres et interdiction pour un an, en cas de récidive.
Art. 18. Les juges n'auront aucun égard aux effets de commerce, actes, pièces, écritures, registres et extraits u'iceux soumis au timbre par les articles précédents, s'ils ne sont écrits sur papier marqué du timbre auquel ils sont assujettis; ils ne pourront rendre de jugement sur ces actes, à peine de nullité de leurs jugements, de toutes poursuites et significations faites en conséquence. Les commissaires du roi, près des tribunaux, veilleront à l'exécution du présent décret.
Art. 19. Seront exceptées des dispositions du présent décret, les quittances sous signature privée, entre particuliers, de créances au-dessous de 25 livres, lorsquelles pourront être sur papier non timbré; mais il ne pourra être donné plusieurs quittances sur une même feuille de papier timbré, si ce n'est pour acompte d'une seule et même créance, ou d'un seul terme de fermage ou loyer.
Les quittances qui seront données sur une même feuille de papier timbré, n'auront pas plus d'effet que si elles étaient sur papier libre, et les particuliers qui voudront faire usage desdites quittances, seront a-sujettis aux mêmes peines que pour les actes écrits sur papier non timbré.
Seront pareillement exceptées les copies des pièces de procédure criminelle, qui,aux termes de l'article 14 des décrets des 8 et 9 octobre, doivent être délivrées sans fraÎ3 et sur papier non timbré à l'accusé.
Art. 20. La régie fera afficher, dans chaque bureau de timbre, le présent décret, avec le tarif joint et l'empreinte des différents timbres qui seront en usage, à peine de 100 livres d'amende pour chaque contravention.
Art. 21 et dernier. L'Assemblée nationale charge ses comités de Constitution, de jurisprudence criminelle et des contributions publiques de rédiger un projet de décret concernant le3 peines à inlliger aux contrefacteurs de faux timbres et faux papiers, et à ceux qui feraient commerce de papier timbré, sans y avoir été autorisés par la régie.
TARIF.
La feuille de petit papier de 9 pouces sur 14, feuille ouverte....................... 0 1. 4 s. 0 d.
Demi-feuille de même format......................... » 2 6
Feuille île papier moyen, de
11 pouces sur 16............. » 6 »
Feuille de grand papier, de
14 pouces sur 17............. » 8 »
Grand registre de 19 pouces
sur 21....................... » 10 »
Le très gr;ind registre de 20 pouces sur 27................ » 15 »
Lettres de change et quittances comptables et des rentes sur le Trésor public, de 400 liv.
et au-dessous................ » 5 »
De 400 à 800 livres inclusivement...................... » 10 »
De 800 à 1,200 livres inclusivement...................... » 15 »
Au-dessus de 1,200 livres inclusivement ................. 1 >» »
Papier d'expédition, le double du prix du papier de minute de même format.
Quittances des droits d'entrées des villes et contributions indirectes................... » 1 6
(Ce projet de décret est mis en discussion.) Les articles 1 et 2 de ce projet de décret sont adoptés comme suit :
Art. 1er
« A compter du l«r avril prochain, la formule sera abolie,les timbres maintenant en usage seront supprimés, les papiers ou parchemins qui s'en trouveraient marqués ne pourront êne employés qu'après avoir été contre-timbrés du timbre qui sera ci-après établi, et il sera libre à tout particulier qui s'en trouverait pourvu de les rapporter dan3 t'ois mois, à compter du jour delà publication du présent décret, à la régie, qui lui en rendra le prix.
Art. 2.
« A compter de la même époque et dans toute l'étendue du royaume, la régie de la formalité de l'enregistrement fournira exclusivement, et au profit du Trésor public, pour tous les actes qui seront ci-après indiqués, des papiers marqués de nouveaux limb es, et dont les prix seront déterminés par le tarif annexé au présent décret. »
Les paragraphes 1 et 2 de l'article 3 sont successivement décrétés daus les termes suivants :
Art. 3.
« Seront écrites sur papier timbré : « 1° Toutes les minutes et les expéditions d'actes qui, soit en minutes, soit en expéditions, dans tous les cas, ou dans quelques cas seulement, sont soumis à la formalité de l'enregistrement, en vertu du décret du 5 décembre dernier ;
« 2° Les minutes et copies signifiées des jugements des j ges de paix, et les minutes des actes de procédure et instruction des instances. »
Sur le 3e paragraphe, divers amendements sont présentés en faveur des hôpitaux et des communautés laïques ; un autre amendement tend à déterminer les registres des vicaires, curés et évêques, qui seront sujets à la formalité du timbre.
La question préalable est demandée sur ces amendements.
L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lie-i à délibérer.
Les paragraphes 3 et 4 de l'article 3 sont ensuite décrétés en ces termes :
« 3° Les registres des municipalités pour tout ce qui concernera leurs affaires, et sera étranger aux fonctions publiques qui leur sont déléguées par l s lois , les registres des universités, facultés, collèges, hôpitaux, fabriques; ceux des vicaires, curés, évêques, métropolitains; ceux des administrateurs, syndics, marguilliers, fa-briciens, receveurs des droits et des revenus des villes et hôpitaux ; ceux des notaires, huissiers et autres ofliciers ministériels, greffiers et concierges de prisons et autres lieux de détention ; ceux des courtiers, agents de change, et de toute personne ou corps revêtus d'un caractère public, et ob igés, par les règlements, à tenir des registres ;
« 4° Les expéditions, extraits, copies certifiées de tous les registres mentionnés en la section précédente, et qui seront délivrés à des particuliers ; et en outre, les lettres et commissions de chancellerie, les extraits ou copies de registres, procès-verbaux, délibérations des corps administratifs et des municipalités, ainsi que les certificats, passeports et autres actes ou pièces formant titre à l'avantage ou à la décharge de quelque particulier. »
Sur le paragraphe 5, différents amendements sont proposés concernant les quitta ices des droits d'entrée des villes, des rentes entre particuliers, de traitements ou pensions à la charge du Trésor public.
Ces amendements sont écartés par la question préalable.
Le paragraphe 5 est décrété ainsi qu'il suit :
« 5° Les quittances de rentes payées par le Trésor public, celles des droits d'entiée et sortie du royaume, celles des droits des villes et de toute contribution indirecte. »
regardent le paragraphe 6 comme luneste à la classe industrieuse et féconde des négociants, qu il faut toujours encourager, parce que tout ce qu'on lui enleve est enlevé à la société entière; ils demandent le renvoi de ce paragraphe au comité. (Celte motion, mise aux voix, est rejetée.) Le paragraphe 6 est adopté en ces termes : « 6* Les registres des négociants, marchands, artisans, fabricants, banquiers, commissionnaires, entrepreneurs de travaux, fournitures et services publics ou particuliers, agents d'affaires, directeurs et syndics de collèges de créanciers, et tous registres qui sout admis à faire foi en justice. » (Uue discussion s'engage sur le paragraphe 7 )
Le paragraphe 7 soumet au timbre tomes les lettres de change j'approuve celte disposition comme le seul moyen d'atteiudre à ces fortunes qui se cachent uu fond des portefeuilles. Je f rai toutefois une observation. Parmi les lettres de change, il en est qui, tirées
de l'étranger et payables dans l'étranger, ne font que passer en France. 11 importe souvent au succès des affaires qu'endossées aussitôt qu'arrivées elles partent à l'instant même et sans perdre un courrier. Le pourra-t-on si pour leur endossement le timbre, qui exige quelque temps, est nécessaire? Paris, par sa situation au milieu de l'Europe, est le centre de beaucoup de négociations de billets entre les nations commerçantes; ne fàut-il pas craindre dè détourner cette circulation qui irait chercher quelque lieu où elle serait plus libre et plus rapide? et par de tels moyens n'appauvrirait-on pas cet impôt du timbre qu'on veut enrichir ? ' Je demande donc que la formalité du timbre, à l'égard des effets venus de l'étranger, ne soit obligatoire que pour ceux de ces effets endossés au profit des régnicoles et payables en France.
rapporteur. Une lettre de change qui passe en France et qui s'y endosse, y est un effet en négociation et devient une véritable propriété nationale, propriété circulante de l'en-aosseur. Lu différence qui existe dans la destination dernière de l'effet n'en met aucune dans sa nature. L'Angleterre agit de cette façon j il n'y a pas de raison pour qu'en France on ne fasse pas de même; Je nemande la question préalable sur l'amendement de M. Le Couteulx. La question préalable est adoptée et le paragraphe 7 est décrété dans les termes suivants : « f» Les lettres de change, même celles qui seraient tirées par seconde, troisième et duplicata ; billets à ordre ou au porteur, mandats, res-criptions, et généralement tous les écrits portant promesse ou mandement de payer des sommes déterminées et qui circulent dans- le commerce, même les endossements et acceptations de pareils effets venait de l'étranger, lesquels seront présentés au timbre ou au visa dans la première place de France où elles devront être endossées, et payeront seulement la moitié du droit imposé sur les effets de même valeur faits en France. »
,député du département de VArdèche, demande et obtient un congé de huit à dix jours, pour affaires très pressantes.
,faisant les fonctions de Président, ayant quitté la séance, est remplacé par M. Barnave, ancien président. La discussion sur les droits du timbre est reprise»
L'article 4 du projet est décrété dans les termes suivants :
Art. 4.
« Les lettres de voiture sous seing privé, les comptes des fabricants, négociants et banquiers entre oux; les factures ou lettres, qui en j tiendront lieu, des fabricants; marchands, com¦ j missionnaires et autres ; les mémoires d'ouvriers, marchands, fournisseurs, entrepreneurs ; les extraits de livres ou de correspondance, seront assujettis au timbre ou au visa, dans les cas seulement où ils devront servir de titre à quelque demande ou action en justiee, et y être produits par forme ou pour moyen d'exception, ou autrement. »
Un membre : Et les journaux 1 et les papiers publics ! Je demande qu'ils n'échappent pas au timbre. (Applaudissements..)
, rapporteur. Messieurs, comme vous pouvez le croire,.nous y avons pensé ; mais, en y réfléchissant, nous avons vu que les frais de la poste absorbent une grande partie des produits des journaux. La poste, par exemple, enlève à l'un des meilleurs journaux qui s'écrivent aujourd'hui plus de la moitié du prix des souscriptions : c'est un terrible impôt qu'ils payeat-et il est-difficile qu'ils en payent un autre.
D'ailleurs nous avons considéré les services que les bons journaux ont rendu dans la Révolution, ceux qu'ils rendent encore, en propageant les principes et les lumières dans toute l'étendue du royaume et dans- toutes les classes do citoyens ; et nous sommes restés persuadés que, pour ces premières années-au moins, il fallait les laisser affranchis de cet impôt.
(L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer.)
L'article 5 est adopté comme suit
: Art. 5.
« Il sera libre d'user, pour tout acte, registre, pièce ou écriture à présenter au timbre, de papier î de telle dimension que. l'on voudra; à cet effet les bureaux de la régie seront pourvus de papiers de divers formats, dont les prix seront déterminés par le tarif.
« Les papiers destinés à des lettres de change ou autres mandements de payer, aux quittances comptables et autres, fournies pour renies payées par le Trésor public;, aux quittances et droits d'entrée et d'octrois des villes et autres contributions indirectes, seront d'un format propre à leur destination, et marqués de timbres particuliers, dont les prix seront fixés par le tarif.
« A l'égard des papiers destinés aux expéditions de tous les actes civils passés en forme authentique, à celles des jugements des tribunaux et autres actes expédiés en brevets, ils seront marqués de timbres particuliers, et seront payés au double des papiers de pareil format, destinés à des minutes ou à. des actes sous seing privé.» •
Un membre demande qu'on réserve les derniers mots de l'article; & qui sont ainsi conçus : « Et s'ils (jles papiers) excèdent le plusgrand papier de la régie, le prix du timbre sera de vingt sols ». (Cette motion est adoptée). L'article 6 est adopté comme suit :
Art 6.
« Les, particuliers, qui voudront se servir de parchemin ou d'un autre papier que celui de la régie, pourront le faire timbrer avant de s'en servir. II. y sera apposé un timbre extraordinaire, relatif à la classe et à la nature des actes auxquels ce papier ou parchemin sera destiné. Il sera payé pour le timbre extraordinaire, le même prix que peur le papier de la régie de même des* tination et de même mesure; si les papiers, présentés au timbre, sont de dimensions différentes de celles de la régie, le timbre en sera payé au prix déformât supérieur. »
annonce 1,'ordre du jour, pour la séance du soir et celle de demain.
Un membre annonce qu'il a été brûlé ce matin pour 1,500,000 livres d'assignats, provenant de la caisse de l'extraordinaire.
Plusieurs membres dm comité d'aliénation propo-
sent la vente de biens nationaux à diverses municipalités. L'Assemblée décrète ce qui suit : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité d'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont Fétat est annexé aux procès-verbaux respectifs des estimations ou évaluations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret ; Savoir :
A la municipalité d'Orléans, département du
Loiret, pour............. 386,892 1. >s. >d.
A celle de Gondom, district de Gien, département
du Loiret, pour.......... 24,857 14 10
A celle de Gien, district de Gien, déparlement du
Loiret, pour-------........ 208,222 13 »
A celle de Vailly, district de Soissons, département de l'Aisne; pour.... 792,213 15 6
A celle de Rosoi, district de Laon, département de
l'Aisne, pour------------- 64,182 10 8
A celle de Trucy, district de Laon, département de
l'Aisne, pour............ 6,800 » »
A celle de Neufchâtel, district de Neufchâtel, département de la Seine-Inférieure, pour—....... 99,698 1 4
Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et états d'estimation respectifs, annexés à la minute du pEocès-verbal de ce jour. »
Un membre annonce que des biens dépendant du district de Loches, département d'Indre-et-Loire, estimés 38,605 I. 8 s. 8 d., ont été vendus 62,730 livres; que d'autres biens, situés dans te district de Tours, même département, estimés 565,8281.7s. 6 d., ont étévemius 1,117,979 livres ; que d'autres situés à Chartres, estimés 107,000 liv., ont été vendus 197,000 livres; que d'autres situés dans le district de Montdidier, estimés 43,000 livres, ont été vendus 95,000 livres; que des biens dépendant du prieuré d'Omont, département de l'Oise, district de Beauvais, produisant 817 livres de revenus, estimés^ 17,880 livres, ont été vendus 6.1,100 livres,
lève la séance à trois heures.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
Un membre du comité d'aliénation propose un projet de décret concernant la vente de biens nationaux à la municipalité de Lyon.
Ce décret est adopté comme suit :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité d'aliénation, déclare vendre à la municipalité de Lyon les biens com-prisen l'état annexéan présent procès-verbal, pour la somme de 3,087,386 livres, ainsi qu'il est plus au long détaillé en ladite annexe. »
,secrétaire, donne lecture des adresses suivantes :
Adresse des citoyens actifs du canton de Cas-tries, au département de l'Héraut, réunis en assemblée primaire, qui expriment avec énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement dont ils sont pénétrés pour l'Assemblée nationale.
Adresse de M. Rollin, procureur de la commune de Ytzelise, nouvellement élu, qui joint son adhésion particulière à celle du conseil général de la commune, pour le nouvel ordre de chose, sous la date du 21 novembre dernier.
Adresse des juges de paix et assesseurs de la ville de Moulins, département, de l'Allier, des juges du tribunal du district d'Agen, qui, aussitôt après leur installation, présentent à l'Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement.
Adresses des officiers municipaux de la ville de Bailleul, d'Abbeville, de Rocroy, deDunkerque; des officiers de la maîtrise de Niort, des juges du tribunal du district de Poitiers, et des directeurs et syndics de la chambre du commerce de Ro-chefort qui présentent à l'Assemblée nationale un nouvel hommage d'admiration, de reconnaissance et d'adhésion à ses décrets» et forment les vœux les plus ardents pour la prospérité de tous ses travaux.
Adresse des officiers du tribunal du district de Saint-Malo, qui consacrent les premiers moments de leur existence politique, pour présenter à l'Assemblée nationale l'hommage de leur soumission aux lois, de leur attachement à la Constitution, et de leur vive reco naissance pour les courageux régénérateurs de l'Empire français.
Adresse des officiers du tribunal de-district de Confolens, par laquelle ils expriment les sentiments de respect, d'amour et de reconnaissance que les glorieux travaux de l'Assemblée nationale leur inspirent.
Adresse du directoire du département de la Corrèze, par laquelle ils supplient l'Assemblée nationale de prendre les mesures que lui dicteront sa sagesse et sa justice sur une multitude de titres très suspects que les débiteurs de rentes ci-devant ecclésiastiques exhibent pour se refuser à leur payement; à cette adresse est jointe copie d'une proclamation que ce directoire a fait publier pour le payement de ces rentes.
(L'Assemblée nationale décrète le renvoi de l'adresse et de la proclamation y jointe au comité féodal.)
Adresse de la Société des Amis de la Constitution, établie à Charleville, dont l'institution a pour but de propager les vertus civiques et l'esprit public, en éclairant leurs concitoyens sur l'esprit de la Constitution.
Adresse du sieur Marcy, citoyen de la ville de Nuys, en Bourgogne, qui réclame pour cette ville la réalisation d'un projet de route qui conduirait de Nuys à Pous-de-Pains, et réduirait de quatre lieues et demie le chemin actuel de communica-
tion entre ces deux endroits ; il demande qu'on applique à l'ouverture de cette route la part que cette ville et ses environs ont droit d'espérer dans la somme de 15 millions décrétés, le 10 décembre dernier, pour l'ouverture d'ateliers public®.
À cette adresse est joint un don patriotique, consistant en une épée d'argent, une chaîne d'or, une boucle d'or, deux paires de boucles d'argent et un assignat de 300 livres.
(L'Assemblée nationale décrète le renvoi de l'adresse aux comités d'agriculture, de commerce et de mendicité réunis, et ordonne qu'il sera fait une mention honorable du don y joint dans le procès-verbal de ce séance.) Les recteur, principaux, professeurs et agrégés de V Université ae Paris sont introduits à a barre.
recteur, s'exprime ainsi : « Messieurs, renfermés jusqu'ici dans l'exercice de nos fonctions,nnus vous avons vus avec admiration rappeler aux peuples des vérités trop longtemps méconnues par l'ignorance, ou repoussées parla passion;fonder les droits de l'homme sur les rapports invariables de son être; ramener la force p blique à son principe et à sa destination; distribuer sagement les pouvoirs; graduer les autorités; rendre à la nation le choix de ses juges et de ses administrateurs; intéresser enfin l'inégalité même des vertus, des talents et des services à maintenir l'égalité civile et légale. Nous cessâmes de désespérer de la chose publique, lorsque mms la vîmes entre s mains, et le premier effet de cette confiance fut de prêter le serment prescrit à tous les citoyens, et de déposer nos offrandes autour du berceau de la liberté. Fidèles à notre serment, nous nous sommes empressés d'inspirer à nos élèves avec l'amour des législateurs, le respect et la soumission pour la loi. Dès lors nos fonctions prirent à nos yeux un nouveau caiactère de noblesse et d'intérêt. Maintenant une carrière plus vaste s'ouvre dev;int nous, et il nous semble que nous sommes associés à vos nobles travaux ; c'éia t à vos lumières, à votre courage qu il appartenait de fonder le majestueux édifice de la Constitution; c'est à l'éducation publique qu'il est réservé d'en propager les principes, de les faire aimer, et de les imprimer dans les mœurs de la génération nouv> Ile : à cette génération, qui s'élève sous nos yeux,anpar-tiendra surtout le grand bienfait de la restauration; c'est à nous de former des citoyens dignes de l'apprécier et de la défendre : et qui pourrait nous envier cette lâche honorable? Peut-être était-ce dans notre sein que vous aviez les plus sincè es et les plus zélés admirateurs. Nourris dans les maximes d'une simplicité antique et de la sainte égalité, interrogeant en quelque sorie nuit et jour les ombres de tous ces grands hommes qui ont immortalisé les républiques de Grèce et d'Italie, nous retrouvions, dans les monuments d'Athènes ! et de Rome, ces sentiments généreux de liberté et de patriotisme dont leurs cendres sont encore toutes brûlantes : dépositaires du feu sacré, nous n'avons point à nous reprocher de l'avoir laissé éteindre entre nos mains. Mais par une bizarrerie digne de toutes celles qu'offre le chaos que vous avez débrouillé, notre éducation était en contradiction avec nos mœurs et nos usages. Nous parlions de patrie et de liberté et nous n'apercevions autour de nous ni liberté, ni patrie. Au sortir de nos mains, nos élèves allaient se confondre dans la foule des opprimés ou des oppresseurs, des esclaves ou des tyrans : la vanité ou l'intérêt leur fai*a ent une loi d'oublier bien vite les maximes qui eussent révolté l'égoïsme du siècle, ou la servitude des cours. « Mais les temps sont changés, grâce aux veilles de nos législateurs, grâce aux vertus d'un monarque citoyen devenu plus cher à ^on peuple, plus grand aux yeux des sages, depuis qu'il a renoncé au droit illusoire et dangereux d'être souvent trom: é, on ne sourira plus de pitié à ces vieilles vertus des Grecs et des Romains; nous ne verrons plus dans les anciens des hommes d'une espèce supérieure, et, comme le disait Montesquieu, des colosses et des géants. Déjà, Messieurs, notre histoire nous offre des objet3 de comparaison dignes de ces grands modèles; déjà les Français ont senti qu'ils avaient une patrie, et prouvé qu'il est doux de mourir pour elle. « Nous ne cesserons, Messieurs, d'inspirer à nos élèves l'amour d'une Constitution qui fait naître des sentiments si généreux, et nous n'aurons pas besoin de grands efforts pour obtenir de grands succès.Ces cœurs purs, que les p issions n'ont point encore avilis, se pénétreront aisément deces vérités simples et sublimes, également à la poriée de l'enfant et du philosophe, parce que la nature les a gravées dans le cœur de tous les hommes. « Jusqu'ici chacun de nou3, ne prenant conseil que de lui-même, n'a pu présmter aux enfants de la patrie que des résultats isolés de v03 immortelles délibérations. Aujourd'hui que vos décrets forment un corps complet de doctrine politique, nous avons cru qu'ils devaient faire une parte essentielle de notre enseignement ; mais j squ'au moment où vous assurerez la perpétuité de votre ouvrage, en régénérant l'éducation et les mœurs, il faut, pour le sucrés actuel de nos leçons, qu'il ne puisse s'élever aucun doute sur la pureté de nos sentiments. « Nous venons donc, Messieurs, déclarer solennellement que nous adhérons avec ious les bons Français à tous les décrets r. ndus par l'Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi, et notamment à son décretsur la constitution civile du clergé. Persuadés que l'intention tant de fois manifestée de l'Assemblée nationale, a toujours été et sera toujours de sép m r soigneusement les objets spirituels des objets purement temporels; convaincus qu'elle s'est renfermée jusqu ici dans les bornes exactes du pouvoir qui lui appartient, nous reconnaissons que ce sage décret, loin de porter la moindre atteinte à la religion sainte que nous professons tous, la rétablit dans sa pureté primitive, la rend plus auguste et plus respectable aux yeux de ses ennemis eux-mêmes, plus conforme à l'esprit de l'Evangile et aux préceptes de son divin auteur : nous avons cru qu'il ne suffisait pas pour nous de renfermer ces sentiments dans le secret de notre conscience, et qu'il était de notre devoir, comme instituteurs de la jeunesse française, de les manifester par une déclaration aulhenti iue, et de lui donner l'exemple du respect et de l'obéissance ».
répond (1) :
« Messieurs, vous confirmez tous les droits que vous avi z depuis
longtemps à la confiance
« L'Assemblée nationale reçoit avec satisfaction votre serment, et le nouvel hommage qu'il renferme aux principes purs et religieux dont elle a fait constamment la règle de sa conduite, et dont elle ne se départira jamais.
« Notre espoir, Messieurs, est maintenant dans vos mains ; car nous avons travaillé plus encore pour la génération qui s'avance que pour ci lie qui passe. Nous avons pensé que ce serait pour nous un prix assez grand des peines que nous avons prises, des dangers que nous avons courus, des sacrifices que nous avons faits, si nous laissions nos enfants libres et jouissant de tonte la dignité de l'homme sur celte terre où naguère les plus fiers n'étaient pourtant que des esclaves.
« C'est à vous, Messieurs, qu'il appartient d'achever ce que nous avons commencé. Rappelez à yos élèves qu'ils ont des droits à conserver, en les insuuisant des devoirs qu'ils ont à remplir : faites-leur aimer la liberté; mais marquez ses bornes ei ses écueils. Attentifs à expliquer les rapports qui unissent l'homme à ses semblables, à la société entière, à l'Etre suprême, jetez, développez dans les âmes de la jeunesse qui vous est confiée, le germe et le goût de toutes les vertus, en lui apprenant à respecter, à chérir tout ce qui doit être à jamais respectable et cher à l'homme de bien, la morale, les lois et la religion.
« L'Assemblée vous accorde les honneurs de sa séance. »
Un membre demande l'impression de l'adresse et de la réponse de M. le président et leur insertion dans le procès-verbal.
(Celte motion est adoptée.)
Les officiers municipaux de la commune de Paris sont introduits à la barre.
, maire de Paris, s'exprime ainsi : « Messieurs, la commune vient, au renouvellement de l'année, vous offrir ses hommages et ses respects. En vous exprimant les vœux ei la reconnaissance du peuple de Paris, nous croyons pouvoir dire que nous sommes les organes de la nation. Nous portons deux années d'orages et de travaux où la Révolution a été faite et la Constitution commi ncée. Nous sommes aux jours ue l'espérance; nous touchons au momeni de recueillir les fruits que votre sagesse a semés. L'ordre public et la paix doivent naître de la loi. « Comme notre Révolution est un fait unique dans l'histoire, la Constitution française sera le plus bel ouvrage des hommes. Dans tous les temps, nous nous sommes réunis à vous, Messieurs, pour la défendre contre ses ennemis; nous redoublerons d'efforts et de courage pour vous aider à la terminer; et la commune de Parais donnera toujours le premier exemple de la soumission à vos décrets et de son entier dévouement au Corps législatif et au roi. » (.Applaudissements.)
« La mesure de la liberté est dans la soumission aux lois; vos concitoyens se sont montrés trop jaloux de sa conquête pour ne pas se montrer dignes de toutes les vertus qui la font chérir. L'Assemblée vous accorde les honneurs de la séduce. »
L'ordre du jour est un rapport du comité des recherches concernant l'arrestation du sieur de Bussy et autres.
, rapporteur du comité des recherches (1). Messieurs, exictitude et constance dans les recherches, sévérité dans l'examen des affaires, justice dans les résultats ; tels sont les devoirs que vous nous avez imposés : nous nous sommes efforcés jusqu'ici de les remplir, et, nous continuerons nos pénibles travaux jusqu'à ce que vous nous ayez donné des successe irs. Sentinelle de la Constitution, votre comité trouve dans les calomnies basses, dans les cris impuissants des ennemis de la France, un témoignage honorable de son zèle, et dans votre estime, la récompense de ses veilles.
Un jour, et ce sera pour nous un jour de bonheur et de gloire, nous viendrons vous dire : La patrie n'a plus d'ennemis; foudroyez cette institution qui fait calomnier la liberté, et qui rappelle l'idée d'un temps qui n'est plus. Mais ce jour n'est pas encore, arrivé, tous nos ennemis ne sont pas vaincus; et la folle résistance de quelques-uns, les projets qu'elle fait soupçonner, les espérances qu'elle suppose, tout nous fait plus que jamais une loi impérieuse de la plus attentive surveillance.
Mais, Messieurs, ce n'est pas dans cette affaire que vous trouverez des projets dangereux, rii des complots criminels : elle nous avait paru l'abord se présenter avec des caractères très graves; nous avons voulu tout savoir, tout découvrir. Plusieurs corps administratifs, des municipalités, des citoyens ont réuni leurs efforts aux nôtres; nous avons multiplié nos recherches ; nous ne les avons enfin cessées que par l'impuissance où nous nous sommes trouvés de les porter plus loin, et lorsqu'elles n'ont plus produit que des redites. A notre avis, tout se réduit à une imprudence. Nous allons vous mettre les faits sous les yeux ; vous jugerez, Messieurs, si nous nous sommes trompes.
Le 12 octobre dernier, le district de Saulnière à Valence, sur le rapport
d'un citoyen qui ne voulut pas alors se nommer, mais que les
informations ont fait coi naître depuis (le sieur Roche), dénonça au
zèla de la municipalité de V .lence, un projet de contre-révolution,
dontM. deBmr-bon-Bussy, résidant dans le Beaujolais, devait être un des
principaux agents. Celui-ci, disait-on, devait avoir formé une compagnie
volontaire de son nom ; leur uniforme est signalé, habit vert, doublure
cramoisi, reverset parements verts, passeport cramoisi, collet cramoisi,
passepoil vert, pattes à trois pointes sur la poche, bouton jaune, avec
une Heur de lis dans le champ, aiguillette et trèfle en or, et plumet
blanc. Les sieurs Boirie et Blem, le premier ex-geudarme, le second fils
d'un receveur aux péages, étaient du i ombre des volontaires; ils
devaient aller se réunir, à Besançon, à une armée de 40,000 hommes, sous
les ordres de M. d'Autichamp, commandant de cette place. Si la marche de
ce corps de volontaires, dit la dénonciation, pouvait causer quelques
alarmes, ils se séparaient par baudes de quatre, et passeraient par l s
ponts d'Arcias et de Meures, dont les pontonniers étaient gagnés.
Soixante-deux br gades de maréchaussée, également gagnées, devaient
protéger la marche jusqu'à Besançon, en formant l'avant et
l'arrière-garde du corps des volontaires. M. d'Autichamp devait se
rendre à Paris, pour enlever le roi et dissoudre l'Assemblée nationale.
Deux autres armées devaient en même temps entrer en France. L'une, de
40,000 hom nés, par le pont du Saint-
Lesieur Borie avait fait faire mystérieusement, à Valence, un habit parfaitement semblable à Pu ni for me signalé par la dénonciation. Le sieur Blein et lui avaient quitté subitement cette ville. Ce mystère, ce départ firent nkîtrë des soupçons. Le procureur du roi en la sénéchaussée de Valence, d'après la dénonciation du district deSaul-nière, rendit plainte; on informa. Quatre témoins furent entendus ; les sieurs Serrepuy et Dtipuy, tailleurs; Béranger, praticien; et Championet. Ces deux derniers parlent des faits dont j'ai eu l'honneur de vous rendre compte, comme les tenant du sieur'R.oche, qui lui-même, les tenait du sieur Blein, son ami, désigné l'un des volontaires de Bourbon-Bussv.
Voici, Messieurs, quelle fut l'origine de toute cette affaire.
Les sieurs Béraqgeret Ghampionét, se trouvan t à souper avec le sieur Roche, dans l'auberge du sieur Constantin, les deux premiers S'entretenaient des motifs présumés du départ des sieurs Borie et Blein ; on leur supposait des projets funestes; chacun faisait sa glose : mais tous s'accordaient à dire que, s'ils avaient la moindre connaissance d'un mauvais dessein, ils s'empresseraient de le dénoncer. Vous êtes, disait-on à Roche, l'ami du sieur Blein ; vous devez être dans sa confidence. Alors 'Roche fit un effort sur lui-même, s'ouvrit à eux, conduisit le sieur Championet dans sa maison, et lui remit une note
gu'il avait prise des confidences du sieur Blein. ependant la dénonciation fut bientôt publique. A la sollicitation des cinq districts de Valence, la municipalité en envoya une expédition aux municipalités et gardes nationales de Besançon, Dijon, Mâcon, Lyon,, et au département de.Rhôue-et-Loire. Celui-ci en fit parvenir à l'instant des copies à tous les districts de son arrondissement. Bientôt toute la'contrée fut sur ses gardes ; et le projet eût-il été aussi vrai qu'il pouvait paraître absurde et chimérique, son succès fut dés lors impossible.
La monicipalité et la garde nationale de Mâcon, averties, comme les autres, mais plus voisines de l'habitation de M. Mignot de Bussy, seul homme de ce nom dans, le Beaujolais, lui attribuèrent ce que la dénonciation disait de M. de Bourbon-Bussy; et le 17 octobre, à 5 heures du matin, le château de M. de Bussy fut investi par 200 hommes de la garde nationale de Mâcon, et quelques autres gardes des municipalités voisines, recueillies sur le passage, et qui voulurentavoir part à cetteexpédition.
M. de Bussy parut à une croisée, et coucha en joue la garde nationale, m&is ne tira pas. Dans le même temps, une malle fut jetée par une croisée; et peu après, ,1e détachement fut introduit dans le château- On en fit une visite exacte; on y trouva deux trombes, quelques fusils, quelques sabres, des cartouches, et deux barils de poudre, contenant environ quatre-vingts livres. La malle fut recueillie et visitée; elle contenait six habits de l'uniforme signalé par le district de Valence,, Alors se trouvaient au Château de Bussy les sieurs Dubost de Cardeux».son parent'; tiirier des Fontaines, ex-gendarme,; Servan, officier à là suite du régiment de Monsieur-dragons ; Çha-nut, maréchaldes logis, et Laupré, adjudant du régiment de T>ragons-Lorraine ; les sieurs Platet frères, habitants de Vîtliers ; et Muzy, habitant de Villefranehe.
On avait dénoncé à Valence la formation d'un corps de volontaires, sous le nom de volontaires de Bourbon-Bu.-sy. On avait dénoncé des uniformes ; huit particuliers, jeunes pour la plupart, se trouvaient au château de Bussy. On avait voulu sauver la malle qui contenait les uniformes. M. de Bussy avait paru vouloir se défendre. Une telle réunion de circonstances pouvait, en ce premier moment, égarer l'homme le plus sage, et lui présenter au moius un commencement d'exécution d'un plan plus vaste, quel qu'il fût : elle parut au détachement et aux officiers municipaux de Mâcon, qui devaient, avec ceux de Villiers, diriger l'opération, dans l'effervescence qui accompagne presque toujours une découverte regardée comme importante, une preuve complète des faits dénoncés.
En conséquence, M. de Bussy et ses commensaux furent arrêtés et conduits à Mâcon, où ils furent tous immédiatement interrogés.
Avant de vous rendre compte des interrogatoires danslesquels votre comité a trouvé la solution dé presque toutes les difficultés que présentait la justification de M. de Bussy, il croit devoir vous parler des iucidents qui suivirent à l'arrestation.
Au mois d'août dernier, un sieur de PEpinay, ci-devant gentilhomme de Beaujolais, envoya au château de Bussy un homme de confiance, porteur d'un registre contenant, dit-on, une copie collationnée de ses titres de noblesse, avec une lettre de recommandation à M. de Bussy, pour le prier de. constater, par sa signature et son cachet, l'existence ou la vérité de ces titres.
Le 18 octobre,, on saisit à Belleville, chez le sieur Larigeron, pontonnier, une malle adressée au sieur Désiré Borie à Lyon ; elle fut ouverte et visitée, et on n'y trouvante suspect que quatre cocardes blanches de hazin.
Presque dans le même temps, ,1e sieur Borie,, fuyant en Savoie, avait été arrêté près du pont de Beau voisin, cherchant à traverser la rivière au gué, pour éviter l'infaillible et exacte inspection de la garde nationale de cette ville. Pour s'échapper plus sûrement,;il avait laissé son portemanteau et sa voiture à la V.enpil Itère* d'où il était parti à pied, après avoir écrit à M. de Bussy la lettre dont j'aurai l'honneur de vous parler.. Il suivait des chemins de traverse, guidé par un domestique que lui avait donné un Anglais venant de Turin, et avec lequel il s'était rencontré dans l'auberge à la Verpillière.
Ce portemanteau a été visité, et renfermait l'habit d'uniforme et d'autres effets non suspects,.
Peu de jours après l'arrestation deM.de Bussy, on intercepta une lettre à;son adresse, sans date de jour ni de foeu, mais signée le chevalier Borie, et que l'on a su depuis avoir été écrite par celui** ci de la Verpillière,. Elle est conçue en ;ces termes:
« Monsieur, j'ai Phanneur de vous prévenir que je suis parti de Lyon fort heureusement ; car nous avonsété dénonces, à Lyon, comme contre-révolutionnaires. Je me suis entendu nommer à Lyon; et jugez dans quelle situation j'ai dû me trouver . Mais enfin je suis arrivé à la Verpillière, d 'où je suis obligé de partir à pied. Dieu veuille que j'arrive à bon port! Si voustrouvezbon que je vous donne un conseil, c'est de partir sur-le-champ. Je compte avoir l'honneur de vous voir à Cbaœ-béry ; mais je vous jure, ma parole d'honneur,, qu'au cas qu on me mette la main dessus, per-
sonne ne saura qui je suis. Dès que j'aurai l'honneur devons voir, je vous rapporterai les choses plus au net ; et c'est en attendant le plaisir de vous voir, qitae je suis, etc.
« 'Signé : le chevalier de Borie. »
On avait aussi intercepté une lettre adressée par le sieor Bourdon, ancien secrétaire des ci-devant Etats du Méconnais,à un ami commun de la famillede M. de Bussy. Votre comité, Messieurs, croit qu'il est nécessaire de vous la. faire connaître :
Extrait des actes et registres de la municipalité de Mâcon.
Lettre de M. Bourdon à M. de Saint-Fond..
c Beaujeu, mardi matin.
« Monsieur, je ne pourrais pas aller dîner aujourd'hui à Julliénas ; quelques affaires que je prévoyais, et d'autres que je ne prévoyais pas, m'en empêchent. Mais si vous y allez, Monsieur, je crois qu'il est essentiel de faire sentir à M. le chevalier qu'il n'y a rien de plus pressé que d'envoyer à Paris un homme du Beaujolais, sage, prudent et circonspect, en état de trouver des jours au comité des recherches de l'Assemblée et dans l'intérieur du Ghâtelet, pour y préparer, s'il est possible, la véritable opinion qu?on doit prendre des étourderies du détenu. Je suis intimement convaincu que tout ce qu'il a pu faire et dire se réduit purement à cela. Le comité des recherches aura directement ou indirectement beaucoup d'influence sur l'instruction : on peut .tenir cela pour certain.
« Je pense aussi qu'il est inutile, je dis plus, je crois qu'il est essentiel que,la personne qui, par attachement pour la famille, se chargera d'une pareille mission, paraisse n'en avoir aucune ; un fondé de procuration est suspect : l'intérêt qu'inspire un frère et un parent, ne frappant que sur la note tonique de la majorité, pourrait faire, au Commencement d'une affaire de cette nature, plus de mal que de bien. Dans les circonstances où nous nous trouvons, on voit moins ce qui est, que ce qu'on veut prévenir : les premières idées résistent; il faut les ramener, graduellement, «tu point de raison. Mais, pour cela, il me semble qu'un intérêt direct ést un mauvais passeport, et que les remontrances d'un homme, qui rend simplement témoignage à la vérité, sont plus efficaces. Quand on est là, c'est alors que les sollicitations de la famille et des amis peuvent avoir une marche ferme et solide, parce que le terrain est nivelé, parce que les esprits sont disposés à recevoir les impressions de la vérité déjà aperçue,sentie, et dont on n'attend plus que le développement.
« Enfin, Monsieur, si mon opinion peut être de quelque poids dans le parti qu'on prendra, je pense que la personne envoyée doit se trouver à Paris comme par hasard. Venant du Beaujolais, les questions ne lui manqueront pas,jet c'est à y répondre convenablement qu'elle doit bien s'étudier. En même temps, cm doit s'occuper ici, sans perte de temps, à préparer tout ce qui peut conduire, sinon à constater, du moins à faire présumer une effervescence de tète fortement combattue, mais sur laquelle on n'avait point d'inquiétudes, parce qu'on ne croyait pas qu'une pareille extravagance pût jamais fixer l'attention publique. Au fai t, voilà, je crois, le vrai mot de cette affaire.
"dette histoire des brigades de maréchaussée gagnées a bien l'air d'un conte; mais il est précieux, parce que je ne doute pas que toutes les brigades de Ja route ne s'empressent désavouer très hautement une inculpation aussi grave.
« J'aUrai8 bien désiré, Monsieur, que mes affaires et ma position m'eussent permis dé donner ce témoignage d'attachement à une famille que j'honore, autant que je la respecte. Le zèle que j'aurais mis à la servir, dans une conjoncture aussi délicate, aurait suppléé aux talents que je n'ai pas ; mais je né peux faire, pour le moment, que ces vœux pour que cette affairesoil prise dans son vrai sens, c'est-à-dire soit regardée comme une grande étourderie, désirant ardemment voir renaître promptementla tranquillité et le bonheur dans une famille recommandable à toute sorte de titres,
« Agréez, je vous en prie, Monsieur, les assurances de mon respect et celle de mon attachement.
Signé, sur la lettre, ;B..., avec paraphe.
Rappelez-moi au souvenir de M. du Pizai,en lui présentant mes respectueux isaluts, je vous prie., »
Sur l'enveloppe est écrit ce qui suit : A Mon», sieur, Monsieur de Saint-Fond, chevalier de l'ordre royal et militaire de Sain^Lauis, au château du Pieai, au Pizai.
Par extrait, collationné :
crenelet, secrétaire.
Cette lettre dont, après le plus mûr examen, votre comité a adopté le résultat, avait momentanément produit sur ses membres un effet directement opposé à celui que se proposait le sieur Bourdon ; il voyait, dans les mesures indiquées pour donner à cette affaire la tournure d'une étourderie, un piège adroit et des moyens fins de séduction; mais il a senti que la prévention même qui naissait d'un sentiment de délicatesse était le plus dangereux des pièges pour les cœurs honnêtes, et il l'a évité,
Je ne vous ai présenté jusqu'ici, Messieurs, que les faits qui peuvent faire paraître M. de Bussy coupable. C'était la partie la plus pénible de ce rapport; en le justifiant, ma tâche devient plus facile et plus douce.
Je commence par écarter le plan de contre-ré-volution, tel qu'il est présenté dans la dénonciation de Valence ; une armée de 40,000 hommes se formant subitement dans le cœur du royaume ; deux autres grandes armées sortant, comme par enchantement, du mont Cenis, et attaquant instantanément nos frontières, tout cela me paraît aussi croyable que les contes de fées ou les miracles de Mahomet.
Voyons, en peu de mots, à quoi se réduit cet étalage absurde de forces imaginaires.
M. de Bourbon-Bussy, disait-on, devait former on même formait un corps de volontaires de 200 hommes auxquels devaient se réunir 62 brigades de maréchaussée : je ne m'attacherai pas . à cette dernière partie ; elle est hors de toute vraisemblance; dans toutes les recherches très nombreuses «t très suivies auxquelles cette affaire adonné lieu, rien ine prouve let n'indique arôme une pareille (trahison. Je craindrais d'ailleurs, en voulant le justifier, d'insulter au patriotisme d'un corps qui aioujours,et surtout depuis la Révolution, rendu de grands services à l'Etat,-et que vous venez de tirer de l'espèce -d'abjection dans laquelle le despotisme l'avait retenu.
La brigade de Beaujeu allait quelquefois, dans ses tournées, visiter M. de Bussy; plusieurs cavaliers avaient servi sons ses ordres dans le régiment de Lorraine; il leur faisait des honnêtetés : assurément il n'y a rien là de répreheusible, et ce fait est prouvé.
Le corps de 200 volontaires est réduit aux 10 particuliers ariêtés, et, en y joignant le sieur Blein qui devait en faire partie, cela composerait une troupe de 11 hommes.
Les détenus ont été interrogés séparément à Mâcon, puis à Paris; le sieur Borie l'a été au pont de Beauvoisin; ils sont parfaitement concordants sur les laits essentiels; et des aveux que renlïrment les interrogatoires, il résulte invinciblement que M. de Bussy avait le projet de s'attacher pour quelque temps, sous le nom de volontaires, mais sans aucun engagement ni règlement, 12 à 15 personnes de bonne volonté, et voici le compte qu'il rend de ses motifs :
Au mois d'août 1789, plusieurs châteaux furent incendiés dans le Mâconnais. Ce fait est universellement connu. M. de Bussy rassembla quelques amis, quelques jeunes gens de bonne volonté, se mit à leur tête, se porta aux endroits menacés, et sans effusion de sang parvint à garantir ses proprié és et celles de ses voisins. Il avait alors chez lui qnelquts uniformes de son régiment, il en re»vêtit une partie de sa petite troupe, les brigands la prirent pour un détachement de troupes de ligne, et ce stratagème leur en imposa.
Les desordres ayant cessé, mais craignant encore qu'ils ne se renouvelassent, M. de Bussy acheta deux pièces de drap vert pour en faire des habits et il leur donna, dit-il, dans won intention, une double destination. Si la dévastation recommençait, il aurait fait faire des uniformes pareils à ceux des volontaires à cheval de Mâcon ; si tout était tranquille, il eu ferait habiller ses domestiques. Ainsi il garda le drap, sans l'employer, pendant près d'une année.
Cependant il s'était attaché par reconnaissance les frères Platet, habitants de Villiers,qui s'étaient joints à lui pour repousser les brigand?; et depuis lors, ils faisaient leur demeure habituelle au château.
A la lédération du 14 juillet, les gardes nationales de Villiers et de quelques autres paroisses se réunirent pour celte cérémonie. M. de Bussy, accompagné du sieur Clianut et de quelques autres, s'y rendit dans l'intention de prêter son serment; ils étaient en uniforme l'épée au côté, une badine à la main; ils furent chassés par un détachement de la garde nationale ne Villiers que commandait le sieur Bailly. Celui-ci donna l'ordre à sa troupe de coucher en joue M. de Bussy et ses compagnons, et demandait, au commandant, l'ordre pour faire feu; M. de Bussy se retira, il porta dt-s plaintes de cette i suite d'abord à la municipalité de Villiers,puis au district de Ville-franche; il leur demandait justice et ne put, dit-il, l'obtenir.
Il pensa dès lors, vu la disposition des esprits, qu'il pouvait courir des dangers; il apprit à peu près virs ce temps qu'on avait brûlé un château dans la ci-devant province de Loi raine, il craignit que les feux ne se rallumassent, il crut qu'il était prudent de réaliser son projet de faire faire des uniformes, et il eu fit faire six par un nommé Bernillon, tailleur à Brlleville. 11 parait que cela se fit sans mystère, car le tailleur, interrogé par la municipalité de Belleville, déclara qu'on ne lui avait pas recommandé ie secret.
L'insulte faite à M. de Bussy à la fédération du 14 juillet se trouve confirmée par une déclaration officielle du sieur Bailly.
Le sieur Muzy, qui allait quelquefois au château, portait, depuis près d'un an, à Vi lrfrancUe, un habit de fantaisie qui ne différait de ceux qu'a fait faire M. de Bussy que par la paite des poches : cet habit n'avait excité aucune réclamation; il crut donc pouvoir sans inconvénient en faire faite de semblables.
Pour éloigner tout soupçon sur les causes du rassemblement des détenus au château de Villiers au moment de leur arrestation, M. de Bussy dit que sa fortune lui permet de recevoir chez lui habituellement un certain nombre de peisonnes. Il reprend ensuite eu détail les moiifs et le temps du séjour de chicun d'eux. Le sieur Dubost, son parent, est sans ressources et il est pauvre; le sieur Girier est chez lui depuis les ravages du mois d'août 1789, et a contribué à les faire cesser ; il lui a offert un asile en attendant la nouvelle organisation de l'armée, dans laquelle il espérait trouver une place. Le sieur Muzy avait avec lui des relations d'affaires et d'intérêt, et venait le voir assez souvent ; le sieur Servan, son ami, était venu lui faire visite, et n'était arrivé au château que depuis 7 à 8 jours; le sieur Chanut, maréchal de logis de son régiment, éiait chargé autrefois du recrutement, et obligé de lui rendre des comptes,ce qui le mettait dans le cas de voir souvent ce sous-officier : enfin, le sieur Laupre, adjudant du même régiment, avait été force de s'éloigner à cause de l'insurrection des dragons; il était venu lui demander un asile, qui cependant ne lui avait été accordé qu'à la recommandation expresse du lieutenant-colonel de ce régim* nt.
Deux faits restent à éclaircir: la malle jetée par une croisée lorsque le château se trouva investi et la lettre écrite de la Verpillière par le sieur Borie au sieur de Bussy.
Voici comment ce dernier les explique : « Je fu3 prévenu la veille de mon arrestation, dit-il, de la dénonciation faite à Valence : je fus tranquille, parce que j'étais innocent; mais quand je vis mon ctiâteau environné, je craignis que la vue de ces uniforme? ne cunlirmât les soupçons qu'avait pu faire naître cette dénonciation : c'est c ■ qui dé-tei mina, sans autre reflexion, l'ordre que je donnai de la jeter par les fenêtres.
« A l'égard du sieur Borie, je n'eus jamais de relations avec lui ; il me fut présenté par le sieur Girier, son ancien camarade, et je l'accueillis sous ce litre; il avait entendu parler de mon projet d'avoir une petite troupe de volontaires en cas d'iucen des : il me fit à cet égard des offres de services, je l'en remerciai en lui disant que je les accepterais avec plaisir s'ils me devenaient nécessaires. Lorsqu'il se vit dénoncé, ainsi que moi, sans doute il craignit les rigueurs d'une détention, il la craignit sans doute aussi pour moi; il prit la fuite et me la conseilla. »
Le sieur Borie rend absolument le même compte de sa fuite et de ses motifs.
Une autre dénonciation faite par le sieur Manin, cavalier de maréchaussée à VillelVanche, s'est jointe coutre M. de Bussy à celle de Valence : elle porte que le sieur Blein, quelques jours avant l'arrestation, s'est rendu le soir au château de Villiers; qu'à son arrivée il a eu avec M. de Bussy une conversation longue et secrète; que l'on s'est mis à table ensuite, mais que M. de Bussy et ses commensaux furent fort tristes, et que ie sieur
Bleio repartit le lendemain de grand matin, et le sieur Borie peu de temps après lui.
M. de Bussy convient qu'il a eu, avec le sieur Blein, une conversation particulière; il dit que le^ sieur Blein l'a instruit des bruits circulant à Valence au sujet des uniformes, et qu'il l'a prié de repartir promptement, de retourner à Valence, pour y détruire tous ces bruits, en disant la vérité.
. Enfin, Messieurs, nous croyons devoir vous parler d'un fait qui n'a rien changé à notre opinion, sur lequel nous ne vous proposerons aucune disposition particulière, et qui peut seulement prouver que M. de Bussy avait dans son voisinage des ennemis qui voulaient le perdre.
Un nommé Meiziat, habitant de Romanèche, gagné, à ce qu'il a dit depuis, par un nommé Bévillon, de Mâcon, a fabriqué deux lettres : l'une, signée le comte d'Artois, la seconde, de Mon-trevel, destinées toutes deux à faire paraître des liaisons criminelles entre les deux prétendus signataires et M. de Bussy. La fraude a été découverte : le nommé Meiziat l'a avouée, en la traitant de plaisanterie; ce qui lui a attiré une sentence de police de la municipalité de Romanèche, qui le condamne en 50 livres d'amende. Un faux de ce genre, qui tendait à compromettre gravement l'honneur d'un citoyen, nous a paru un grand crime; mais nous avons cru que la poursuite de ce délit privé appartenait essentiellement à M. de Bussy.
Toutes les explications données par celui-ci et les détenus nous ont paru, Messieurs, plausibles et satisfaisantes : nous ne pouvons pas scruter les intentions des hommes; leurs actions seules sont soumises à notre jugement. Nous ayons trouvé, dans leurs réponses, séparées, et que, très difficilement au moins, ils ont pu concerter, de l'uniformité, et, par une conséquence naturelle, de la bonne foi. Le projet de défendre ses propriétés et celles d'autrui, quoique très légitime et très louable en soi, n'autorisait cependant pas M. de Bussy à faire faire des uniformes à ses amis; mais, dans les circonstances présumées où il se trouvait, était-ce un délit? Nous ne le croyons pas. Un crime de lèse-nation? encore moins : c'était une imprudence grave qui l'exposait à tous les soupçons et à tous les déplaisirs qui en ont été la suite. Mais vous penserez peut-être, comme nous, que trois mois de détention sont une réparation suffisante de cette faute.
Nous venons d'exprimer notre opinion sur l'affaire de M. de Bussy et des autres détenus : mais qu'il nous soit permis de saisir encore cette occasion d'apprendre aux ennemis de la patrie que toutes leurs tentatives seront vaines, et qu'il n'est pas une seule de leurs démarches qui ne soit éclairée par mille regards. Sans doute, nous n'avons pas le droit d'exiger le sacrifice de leurs opinions; mais nous avons celui d'exiger leur soumission : la liberté publique, notre repos et leur propre intérêt la leur commandent impérieusement.
Nous vous proposons, en conséquence, le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait, au nom de son comité des recherches, décrète que le roi sera prié de donner des ordres afin que les sieurs Mignot, dit de Bussy ; Dubost, dit de Gursieux ; Muzi, Girier, dit des Fontaines; Ghanu, Lompré, Ser-van, Platel frères, Borie et Besse, dit ia Montagne, actuellement détenus aux prisons de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, soient mis en liberté, et
que tous leurs effets leur soient respectivement rendus sous leurs décharges.»
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est la discussion d'un projet de décret du comité d'agriculture et de commerce, relatif à une pétition des pêcheurs français.
,rapporteur du comité d'agriculture et de commerce (1). Messieurs, par votre décret du 14 mai dernier, vous avez défendu l'entrée en France du sel étranger ; aujourd'hui, les pêcheurs français viennent vous demander la liberté de s'en approvisionner provisoirement et pour la saline de leur poisson seulement.
Le sel entre pour beaucoup dans la grande pêche; sans cet agent, il n'y aurait point de grandes pêcheries; c est un fait incontestable. Il est donc d'une essentielle importance aux pêcheurs français de se procurer le sel avec facilité, à bon marché, et de la meilleure qualité possible. Si le sel étranger est moins cher que celui de France, s'il est meilleur, et qu'en même temps il reste interdit à vos pêcheurs de s'en approvisionner, dès lors vous anéantissez vos pêcheries; vous leur fixez pour mesure la consommation du royaume , en accordant même qu'il puisse vous réussir complètement de repousser le poisson de pêche étrangère, auquel vos ports francs offrent déjà tant d'accès ; vous ôtez à vos pêcheurs les moyens, que vous devriez leur fournir, de rivaliser avec les autres peuples; vous les empêchez d'agrandir une navigation utile, d'étendre des entreprises qui doivent devenir profitables; vous frappez enfin de stérilité une des branches les plus productives de l'industrie des peuples navigateurs et commerçants. Depuis l'abolition de la gabelle, soit accaparement, soit une plus grande consommation, le prix du sel a été porté au triple de sa valeur ordinaire, et ce prix est bien au-dessus de celui du sel étranger.
L'activité des demandes a été telle, que nos marais salants ont pu à peine y suffire. L'empressement des acheteurs a fait qu'on n'a pas même laissé à la denrée le temps de se perfectionner dans les marais ; enfin, le sel de France est plus cher, il n'est pas d'une aussi bonne qualité que le sel étranger. Permettez, au moins provisoirement, à nos malheureux pêcheurs de s'approvisionner de sel étranger. N'usez point envers eux d'une imprudente sévérité, qui, quand elle pourrait favoriser l'exploitation de nos marais salants, porterait d'une manière trop fuueste sur les pêcheurs français, classe d'hommes précieux que nous devons seconder par tous les moyens qui sont dans notre puissance.
Observez surtout que le sel de France n'est pas propre à la préparation
de la morue blanche; qu'interdire le sel étranger, c'est renoncer de
votre part à cette espèce de poisson,qu'il faudra vous soumettre à
recevoir des Anglais et des Hollandais ; et que, pour n'avoir pas voulu
recevoir le sel étranger, vous vous trouverez forcés, par une bizarrerie
sans excuse, à recevoir à la fois, et le sel et le poisson étrangers.
Votre comité vous porte le vœu des marins pécheurs des ports qui se
livrent à ia grande pêche, de presque tout le commerce ; vous ne serez
pas insensibles à un cri aussi universel. Rejetez leur demande, bientôt
vous n'avez plus de pêche, et tout à l'heure plus de marins
Voici le projet de décret que .vous propose le comités
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité d'agriculture et de commerce, décrète ce qui suit :
« 1° Les pêcheurs et négociants du royaume, qui arment pour la pêche de la sardine, de la morue, du hareng et du maquereau, pourront provisoirement s'approvisionner en Bel étranger, et en tirer la quantité nécessaire à la salaison du poisson de leur pêche seulement ;
« 2° Pour prévenir tout versement frauduleux, dans le royaume, des sels étrangers déclarés pour lesdites pêches, les pêcheurs et négociants seront tenus de déposer lesdits sels dans des magasins, sous leurs clefs et celles 'des préposés de l'administration des douanes nationales, pour y rester surveillés jusqu'au transport sur les navires ou bateaux pêcheurs, et jusqu'à l'instant de leur départ.
« Les fraudeurs encourront les peines prescrites p&r les ordonnances relativement aux autres marchandises prohibées, à l'exception néanmoins de toutes peines afflictives ;
« 3° Le transport des sels étrangers destinés à l'approvisionnement des pêcheurs ne pourra être fait que par des navires et bâtiments français, dont le capitaine et les deux tiers de l'équipage au moins soient Français. »
C'est une guerre des armateurs contre les propriétaires de marais salants. Ceux qui connaissent cette partie et qui ont été en Amérique, savent que le sel de France est le meilleur pour la salaison. La chose est si vraie ?u'une cargaison de poisson salé avec nos sels de rance se conserve plus longtemps frais qUe s'il l'était avec tout autre sel , et se vend 20 à 40 0/0 plus que la cargaison anglaise. Il y a des armateurs ici, qu'ils medémeiileaX.(Applaudisseménts.)
M. de Riehier a cent fois raison. Il est d'expérience que nos sels sont meilleurs que cèux du midi de l'Europe, qu'ils ont l'inappréciable avantage de conserver mieux le poisson; d'ailleurs la différence des prix des sels ne doit pas influer beaucoup sur le prix du poisson. Les armateurs ont bien dit que ceux d'Espagne ne coûteraient que 15 à 18 livres le tonneau, pen- dant que ceux de France coûteraient'60 livres. Il y a un marché très simple à faire'; qu'ils fassent une soumission pour 100,000 tonneaux, je m'engage à le leur faire avoir au prix de celui d'Es* pagne.
Une compagnie vient de se former à Paris pour l'approvisionner de sels. Les vendeurs de sels de chez moi s'engagent à lui fournir le sel de la meilleure qualité, tout rendu à Rouen, à 2 1. 6 s. ou 2 1. 7 s. le quinial. Si messieurs les armateurs en veulent à ce prix, ils n'ont qu'à parler. Les réclamations qui vous sont faites aujourd'hui partent de cent ou cent cinquante armateurs qui font mouvoir à leur gré tout ce qu'il y a de pêcheurs en France. Rappelez-vous, Messieurs, que le gouvernement a été obligé d'accorder des exemptions à la province de Saintonge pour y attirer les cultivateurs; et on ne pouvait faire autrement, vu l'ingratitude et l'insalubrité du sol. D'après vos décrets, ce pays ne jouissant d'aucun privilège, vous allez tripler les impositions des marais salants. Il faut donc ne point les priver d'une partie de vente du sel que nos armateurs peuvent y acheter, puisqu'il est vrai que les nabitants de la Baltique, grands pêcheurs s'il y en eût jamais, viennent chez nous s'approvisionner. (Applaudissements.) Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. (Cette motion est adoptée). La question préalable est demandée contre le projet de décret.
Quand des négociants forment une pétition qu'un de vos comités adopte et que ce comité propose en Conséquence un projet de décret, on doit l'écouter. (Murmures).
Je demande l'ajournement. La matière est trop importante pour que l'Assemblée ne veuille pas entendre des faits y relatifs et rouvrir la discussion. Je suis contraire, en fait, à M. de Richier. Il est de notoriété que la morue, pêchée sur le même banc et salée avec les sels de l'Espagne, est infiniment préférable à la nôtre. Je me borne donc à demander l'introduction du sel étranger pour la pêche de la morue.
Il est de l'intérêt national de conserver la culture des sels, mais aussi vous devez voir l'intérêt social dans son ensemble. Il ne faut pas s'arrêter aux seuls intérêts des propriétaires des marais salants ; il me paraît que ce serait nuire à cette branche intéressante de commerce que de prohiber l'introduction des sels étrangers et qui sont à meilleur marché. Un fait qui intéresse tout à la fois et le commerce et la marine française, c'est que les ar^-mements pour la pêche sont presque anéantis. 11 faut donc chercher à la relever, cette branche d'industrie. Une voix : Votre amendement ?
Je conclus qu'il est Impossible de maintenir la pêche de la morue, d'après les obstacles qui s'opposent à s'approvisionner de sel. Un membre : Pour écarter tout subterfuge, j'oppose à votre comité le décret du 14 mai der-
nier, qui prohibe l'introduction du gel étranger en France.
,rapporteur. Il faut prendre en très grande considération les propriétés de l'industrie; la pêche est de ce genre et vous ne sauriez trop la favoriser. C'est à la pêche que se forment vos meilleurs marins. Plusieurs voix : La question préalable!
Je veux la question préalable ou sur le projet de décret ou sur l'amendement de M. Defermon- Plusieurs voix : Surtout 1
En ce cas, je demande que tout produit, toute pêche étrangère soient prohibés dans le royaume.
Un membre propose, par amendement, de faire accorder une prime de cinq livres par quintal de morue pour permettre à la pêche de la morue française de soutenir la concurrence anglaise.
Un membre propose également un amendement tendant à prohiber l'introduction en France de tout poisson ou tout produit de pêche étrangère.
La question préalable est demandée sur ces divers amendements et sur le projet de décret du comité.
La question préalable, mise aux voix, est adoptée.
M. de Glermont-Tonnerre, évêque de Châlons, désirerait se rendre saQs retard auprès de sa mère qui vient d'être frappée de paralysie; il demande un congé à l'Assemblée.
(Le congé est accordé.)
(La séance est levée à neuf heures.)
Séance du
La séance est ouverte à onze heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier matin.
La rédaction du paragraphe 6 de l'article 3 que vous ayez décrété hier relativement aux différentes espèces de registres qui doivent être soumis au droit de timbre, me paraît incomplète. Je demande qu'après les mots: « Agents d'affaires », on ajoute celui-ci : « régisseurs. »
Je demande qu'après le mot : « Banquiers », on ajoute celui-ci : « associés. »
On pourrait diviser en deux le
« Les registres prescrits par les iois aux né' gociants, marchands, artisans, fabricants, banquiers, associés, commissionnaires.
« 7° Ceux des entrepreneurs de travaux, fournitures et services publics ou particuliers, agents d'affaires, régisseurs, directeurs et syndics des collèges de créanciers, et tous registres qui peuvent être présentés en justice. »
(Cette nouvelle rédaction est décrétée).
(Le procès-verbal de la séance d'hier matin est adopté).
Un de MM. les secrétaires donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance d'hier soir, qui est adopté.
,rapporteur du comité de la marine. L'Assemblée nationale, par son décret du 8 décembre, rendu sur les pétitions des pêcheurs français et catalans, a confirmé définitif vemeat la juridiction des prud'hommes de Marseille : elle a reconnu cet établissement assez utile pourse décider à en accorder de semblables à /toutes les communautés de pêcheurs qui ie de* manderaient. A plus forte raison, l'intention de l'Assemblée a été de conserver les juridictions de cette espèce déjà existantes.
La communauté des pêcheurs de Toulon est dans ce cas. Elle s'est adressée à vous pour cet effet. Le comité de la marine, à qui vous avez renvoyé sa pétition, pense que l'esprit et la conséquence nécessaire de votre décret est d'accorder cette stabilité à toutes les juridictions de pru* d'hommes établies. D'après cela, Messieurs, je vous propose, au nom du comité de la marine, le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, en conséquence de son décret du 8 décembre dernier, par lequel la juridiction des prud'hommes de Marseille est confirmée définitivement, décrète qu'elle a en-» tendu donner la même stabilité aux juridictions de prud'hommes ci-devant établies, et partie culièrement à celle des patrons-pêcheurs de Toulon. »
(Ce décret est adopté.)
M. le maire de Paris m'a transmis une adresse du corps municipal : la commune a délibéré que la liste des juges de paix serait imprimée, publiée, affichée et envoyée à toutes les sections, avec faculté d'émettre leur vœu d'approbation ou d'improbation sur tous les juges élus. Un membre demande le renvoi de cette adresse au comité de Constitution.
Rien n'est plus inconstitutionnel. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour. (yAssemblée passe à l'ordre du jour.) L'ordre du jour est un rapport dit comité militaire sur la décoration militaire en faveur des officiers de ,régiments des grenadiers royaux, des régiments provinciaux et des gardes-côtes.
,rapporteur du comité militaire. Messieurs, vous avez fixé la décoration militaire à 24 années de service Les officiers de plusieurs corps particuliers, tels que ceux des grenadiers royaux, des régiments provinciaux,
des gardes-côtes, etc., n'étaient admis à obtenir la croix de Saint-Louis qu'après 25 années d'activité, et 15 ans de service dans les milices; il est juste de les soumettre aux lois décrétées pour le reste de l'armée, et de n'exiger d'eux que le même nombre d'années de service. A l'égard des officiers de la maison militaire du roi, réformés en 1775, et dont l'activité n'a pas été déterminée, il est nécessaire de fixer l'époque après laquelle ils ne seront plus admis à recevoir la décoration militaire, pour éviter que des officiers qui n'auraient que quelques années de service ne vinssent, dans quelque temps, demander la croix : tel est l'objet du projet de décret que je suis chargé de vous présenter.
,rapporteur, donne lecture d'un projet de décret qui est mis en discussion.
Je demande que ce projet de décret soit renvoyé au comité de Constitution chargé de présenter ses vues sur les ordres de chevalerie ; car on ne peut pas vous présenter un mode d'admission dans un ordre sur lequel il n'y a rien de statué. Tantôt on vous parle de décoration militaire et tantôt de croix de Saint-Louis. Nous voulons savoir ce qu'on nous fait faire; ainsi je demande le renvoi à ce comité dans lequel y aura des membres du comité militaire. Alors tout se fera de concert; et nous ne serons pas liés par des dispositions préparatoires sur un objet touchant lequel nous n'avons pris aucun parti.
(de Saint-Jean d'Angély). S'il s'agissait de statuer sur la manière dont vous accorderez la croix de Saint-Louis, j'appuierais la motion de M. Camus, parce qu'avant de savoir comment vous accorderez cette décoration à l'avenir, il faut savoir si vous l'accorderez. Mais remarquez que ce que vous propose le comité est pour le passé. Il s'agit de services antérieurs; et conséquemment ces services ont acquis à ceux qui les ont rendus un droit actuel ; il s'agit de les faire jouir de ce droit. J'appuie donc le projet de décret.
,rapporteur. Ce que je vous propose n'est qu'une suite du décret du 1er janvier et n'empêche pas le comité de Constitution de vous proposer des décrets constitutionnels sur les ordres de chevalerie.
l'aîné. A toutes les observations qui ont été présentées, j'en ajoute une autre, qui intéressera sûrement la délicatesse de M. Camus lui-même et de tous les membres de cette Assemblée à adopter le projet du comité; c'est que, parmi les honorables membres de cette Assemblée, il en est qui viennent d'obtenir la croix d'après les principes et les services de l'ancien régime. (Murmures.)
Il paraît, Messieurs, que ce qui forme la difficulté de M. Camus, c'est la crainte de préjuger la conservation ou l'organisation des ordres de chevalerie sur quoi nous n'avons pas encore prononcé. Je propose donc d'insérer dans le projet de décret cette mention : « Sans rien préjuger sur ce que l'Assemblée statuera sur les ordres de chevalerie. »
,rapporteur. J'accepte celte disposition.
J'insiste également pour que l'Assemblée adopte le projet du comité et je demande que les officiers des bataillons de garnison soient compris dans le décret.
,rapporteur. J'accepte cette nouvelle motion. Le projet de décret serait donc ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sans rien préjuger sur ce qu'elle statuera sur.
les ordres de chevalerie, décrète ce qui suit : Art. 1er.
« Les officiers des régiments de grenadiers royaux, des régiments provinciaux, des bataillons de garnison et des gardes-côtes, compteront, pour la décoration militaire, le temps qu'ils auront servi dans les troupes de ligne, ainsi qu'il est réglé pour les officiers de ces troupes par le décret du lei- janvier 1791. Art. 2.
« Le temps que lesdits officiers des régiments de grenadiers royaux, des régiments provinciaux, des bataillons de garnison et des gardes-côtes, auront été en activité avec leurs troupes, leur sera compté, conformément aux dispositions de l'article 1er. Art. 3.
« Lesdits officiers, mentionnés ci-dessus, ne pourront compter le temps où ils n'auront pas été en activité avec leurs troupes, qu'à raison de deux années pour une. Art. 4.
« A l'égard des mousquetaires et autres officiers de la maison militaire du roi, réformés en 1775 et 1776, dont l'activité n'a pas été déterminée, l'Assemblée nationale décrète que leur activité cessera à dater du 1er janvier de la présente année 1791, et que ceux-là seuls seront susceptibles d'obtenir la décoration militaire, qui auront atteint, audit jour 1er janvier 1791, les vingt-quatre années de service exigées par le décret de la même date. »
(Ce décret est adopté.)
Messieurs, j'ai reçu une adresse que je crois mériter votre attention par le patriotisme qu'elle renferme ; la voici (1) :
« Des citoyens pleins de zèle pour la chose publique ont conçu et vont exécuter un projet qui, dicté par le patriotisme le plus pur, leur paraît digne d'être approuvé par les hommes dont les travaux et les lumières ont créé l'esprit public.
« L'Assemblée nationale a décrété des assignats depuis 2,000 livres jusqu'à 50 livres. Sa profonde sagesse ne lui a pas permis d'en créer de moindre valeur ; mais ce qui présenterait des inconvénients majeurs pour un papier forcé, n'en offre aucun pour un papier libre et que la confiance seule fait accepter.
« Dans plusieurs villes de France, on a senti l'utilité de petits billets
faisant l'office de monnaie. Cet exemple n'a pas encore été imité dans
la capitale où il serait le plus utile, vu la population et la
multiplicité des transactions mercantiles. Une société qui dépose 3
millions d'effets publics entre les mains de la municipalité,
« Toujours soumise à l'inspection du Corps législatif et du roi, elle montrera ses registres et constatera l'état de sa caisse toutes les fois que l'Assemblée nationale et le roi voudront en prendre connaissance, en nommant des commissaires.
« Nous nous croyons trop heureux, Messieurs, si notre zèle peut de loin seconder vos généreux efforts et si la classe industrieuse trouve quelques secours dans notre institution patriotique. » (Applaudissements.)
Je demande que sur l'adresse qui vient de vous être lue, on passe à l'ordre du jour. Messieurs, la proposition qui vous est faite peut être utile; vous ne pouvez pas empêcher une société de banquiers, si elle a inspiré assez de confiance, de mettre son papier sur la place; mais il serait dangereux que l'Assemblée nationale parût autoriser. On vous demande à être soumis à l'inspection du Corps législatif et je dis que cela ne regarde en rien le Corps législatif.
fils. Je demande qu'on ne passe pas à l'ordre du jour, mais que cette pièce soit regardée comme uue adresse.
Elle doit d'autant plus être regardée comme une adresse, qu'on ne nous demande rien. Les applaudissements qui ont été donnés à ce zèle, peut-être utile, suffisent sans doute aux auteurs de l'entreprise. (L'ordre du jour est adopté). L'ordre du jour est un rapport du comité ecclésiastique sur la réduction et la circonscription des paroisses de la ville d'Orléans.
,rapporteur du comité ecclésiastique. Tandis que l'obstination et le faux zèle se plaisent à semer le désordre dans le royaume, nous voyons avec plaisir plusieurs évêques s'empresser de concourir à l'exécution de vos décrets sur la constitution civile du clergé et en particulier M. l'évêque d'Orléans et son clergé. (Vifs app laudissements.) Immédiatement après la publication de vos décrets sur le clergé, M. l'évêque d'Orléans a nommé ses vicaires; ceux-ci ont concouru avec la municipalité et le district à former un plan de réduction et circonscription des paroisses. Le plan, tel qu'il a été admis par la municipalité et le district, réduirait les vingt-cinq paroisses d'Orléans et de ses faubourgs à six. Ce plan de réduction a été envoyé par le district au directioire du département, qui l'a approuvé, à cela près qu'il voudrait cinq paroisses dans l'intérieur de la ville, une dans le faubourg. Le plan du département tend à isoler la ville de la campagne ; aussi votre comité le rejette. Maintenant, il me reste à vous observer que le directoire de district propose de conserver quatre chapelles servant de secours pour y célébrer la messe les fêtes et les dimanches ; ce6 chapelles sont véritablement nécessaires. Il y en a deux dans la campagne et deux dans la ville. Quant à celles de la ville, l'une serait l'église du ci-devant chapitre de Saint-Agnan ; cette église est dans la ville d'Orléans ce qu'est à Paris l'église de Sainte-Geneviève. Les mariniers et les pêcheurs ont un grand attachement et une grande dévotion à cette église. II a paru convenable à tous les corps administratifs de la conserver et nous n'avons garde de vous proposer une autre disposition. Il reste encore une chapelle dans l'intérieur de la ville ; elle est près de la place de Martroy, qui est la principale place de la ville ; c'est par où passe la grande route. 11 a paru nécessaire, pour la commodité des voyageurs et des passants et pour la commodité des paroissiens, qu'il y eût une chapelle dans cet endroit. Les corps administratifs ne savent laquelle des deux paroisses, de l'église de Saint-Pierre ou de celle de Saint-Marceau, sera conservée; mais l'une et l'autre seraient nécessaires et provisoirement la plus grande, suivant l'avis de MM. les députés d'Orléans. Voici, Messieurs, relativement à cette circonscription de paroisses, un projet de décret que nous vous proposons d'adopter : « L'Assemblée nationale, délibérant sur la réduction et la circonscription des paroisses de la ville d'Orléans, et sur les plans proposés à ce sujet, l'un par le directoire du district et par M. l'évêque d'Orléans, et l'autre par le directoire du département du Loiret ; ouï le rapport de son comité ecclésiastique, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les vingt-cinq paroisses de la ville d'Orléans et de ses faubourgs seront réduites aux six paroisses suivantes, savoir : celle de la cathédrale ou de Sainte-Croix, celles de Saint-Euverte, de Saint-Paterne, de Saint-Paul, de Saint-Laurent et de Saint-Marceau. Art. 2.
« Ces paroisses seront circonscrites suivant les limites indiquées au procès-verbal du district et de l'évêque d'Orléans, en date du 26 novembre dernier, et au plan arrêté le même jour, conformément audit procès-verbal, par l'évêque et les administrateurs de ce district, à l'exception que la paroisse de Sainte-Croix sera bornée au nord par les rues de la Serche, de Malte et de Vaslin, et au levant par la rue des Huguenots, et que les cinq îlots au delà de ces limites, attribués dans lesdits plans et procès-verbal à la paroisse cathédrale, dépendront de la paroisse de Saint-Paterne. Art. 3.
« Toutes les autres paroisses de la ville et faubourgs d'Orléans demeurent éteintes et supprimées. Art. 4.
« Les limites des paroisses de Saint-Laurent, Saint-Paterne, Saint-Euverte et Saint-Marceau, hors la ville, seront fixées définitivement en réglant la circonscription des paroisses limitrophes de la campagne. Art. 5.
« L'église de Saint-Aignan et celle de Saint-Marc, celles de Recouvrance et de Saint-Donatien seront conservées comme chapelles servant de secours aux paroisses dans lesquelles elles sont respectivement comprises. Art. 6.
« L'église de Saint-Pierre ou celle de Saint-Ma-
clou sera conservée, tant pour chapelle servant de secours à la paroisse de la cathédrale, cfuë pour l'u§age du Collège d'Orléans; l'Assemblée se réserve de déterminer par la suite, d'après l'avis du directoire du département donné sur ceux de l'administration et de la municipalité du chef-lieu de district d'Orléans, celle de ces deux églises qui obtiendra la préférence.
« L'église de Saint-Pierre sera provisoirement employée aux deux destinations indiquées dans le présent article, et celle de Saint-Maclou sera fermée aussitôt qUe la réunion des paroisses aura eu son entière exécution. Art. 7.
« Il sera conservé aussi l'une des deux chapelles appelées des Aides, au choix du département, et sur l'avis de la municipalité et du district, pour servir de secours à la paroisse dé Saint-Paterne. Art 8.
« Lés prêtres qui seront envoyés les dimanches et fêtes dans lésaites chapelles, pourront célébrer l'office divin et y faire des instructions publiques ; mais ils ne pourront y exercer aucunes fonctions curiales. Art. 9.
« Les plans, tableaux, procès-verbaux et observations du district d'Orléans et du département du Loiret, relatifs à la réduction et circonscription des paroisses de ladite villë} en date des 26 novembre et 17 décembre derniers, resteront déposés aux archives de l'Assemblée nationale, »
Gomme député d'Orléans, l'appuie la conservation de deux églises dans la ville, comme chapelles de secours, pour être desservies les dimanches et jours de fêtes. Il est important que la partie laborieuse de la Ville, que les bateliers, les ouvriers qui sont dans une activité continuelle de travail, soient à portée du service divin. J'appuie donc le projet de décret du comité. (Le projet de décret est adopté.)
,au nom du comité d'aliénation. Pour lever les difficultés que certaines municipalités opposent à l'exécution de vos décrets, relativement à l'apposition des scellés et la confection des inventaires, pour la conservation du mobilier des biens nationaux, je vous propose, au nom du comité, le projet de décret suivant : « Sur le compte qui a été rendu à l'Assemblée nationale par son comité d'aliénation des domaines nationaux, des obstacles que les directoires des districts éprouvent, de la part de quelques municipalités, à l'exécution des coihmissions dont ils les chargent pour les appositions des scellés, les Confections des inventaires et rétablissement des Catalogues ordonnés par les décrets de l'Assemblée Eour la conservation du mobilier dépendant des îéns nationaux ; « L'Assemblée nationale décrété que les officiers municipaux seront tenus d'exécuter sans délai les commissions qui leur seront adressées par lés directoires dé district, à peine de demeurer responsables de leur négligence, sauf à être remboursés des frais que lesdites commissions nécessiteront, sur les mémoires qui seront réglés par les districts, et sans que, sous le prétexte desdits frais, ils puissent prétendre aucune vacation pour eux. personnellement. » (Ce décret est adopté.)
,au nom du comité de l'extraordinaire. Notls avons été témoins dé l'empressement public pour les assignats dé 50 livres. Ces assignats sont déjà en grande partie en circulation, et les désirs ni les besoins du public ne sont remplis. Vous avez décrété qu'il serait fabriqué des assignats de 60, de 70, de 80 livres, etc... Ces derniers ne sont pas fabriqués; le papier qui doit servir à leur fabrication n'est pas même encore arrivé. Il n'y aura plus d'assignats de 50 livres, quand ceux de 60 livres commenceront à paraître... Vous avez décrété qu'il serait fabriqué 400,000 billets de 50 livres ; ce qui fait un total de 20 millions ; et qu'il Serait fabriqué pour 400 millions de billets de 2,000 livres. Nous vous proposons de distraire de cette somme 20 millions pour être employés à une nouvelle fabrication de 400,000 billets de 50 livres.
.....Les assignats dé 2,000 livres sont les plus nécessaires au service du Trésor public ; leur fabrication fournira plus promptement les valeurs dont a besoin le service de là caisse de l'extraordinaire. ttn membre. Je demande qu'au lieu de fabriquer 400,000 nouveaux billets de 50 livrés, cette nouvelle fabrication soit portée à 800,000 billets, formant la valeur de 40 millions.
,rapportèur. j'adopte l'amendement du préopinant. Il restera pour 360 millions de grosses valeurs, ce qui me paraît une somme raisonnable et suffisante. Le projet de décret avec l'amendement sont adoptés en ces termes : « Sur la quantité dé 000,000 assignats de 2,000 livres chacun, Il en sera distrait, quant à présent, 20,000 formant la valeur de 40 millions, pour former la quantité de 800,000 assignats de 50 livres.»
VoUs sentez tous la nécessité d'accélérer, par les soins d'une surveillance continuelle, la fabrication des nouveaux assignats. Je demande l'adjonction de quatre commissaires aux quatre déjà chargés de cette surveillance. (Cette proposition est adoptée.)
,rapporteur. Je demande également qu'on adjoigne deux signataires au comité de 1 extraordinaire. (Cette motion est adoptée.)
,au nom dit comité de la direction de liquidation, propose le projet de décret suivant qui est adopté : « Les créances devenues exigibles par l'effet des décrets qui ordonnent le payement des dettes de l'Ktat, et qui appartiennent à l'ordre dé Malte, ou à d'autres ordres Soit religieux, soit militaires, compris dans les ajournements précédemment prononcés, ne séront point remboursées, quant à présent; mais l'intérêt continuera d'en être payé sur le pied sur lequel il avait cours. »
,au nom du cômitê des pensions. Nous avons vu avec surprise qu'un très grand nombre d'officiers de fortune, après avoir servi 25 à 29 ans, après avoir fait plusieurs campagnes* étaient réformés avec une retraite de 15 sols par jour. Les pensions à l'avenir devant être plus
fortes et n'être accordées qu'après trente années de service, plusieurs de ces officiers, réformés il y a près de 27 annéeB, ne se trouvent pas dans la classe de l'augmentation. Nous avons cru que l'on, pouvait faire une exception en leur faveur et décréter que ceux d'entre eux qui auraient plus de 20 années de service, et qui- seraient arrivés à tfâge de 70 ans, auraient au moins 600 livres de pension. Ces officiers sont présumés n'avoir aucun patrimoine et nous croyons qu'il est de votre justice de venir à leur secours. Nous vous proposons donc le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale décrète que les pensions qui seront recréées en faveur dés officiers ci-devant appelés de fortune, actuellement âgés 70 ans ou au-dessus, et qui ont plus de vingt années dé service, indépendamment dfe leurs campagnes, ne pourront être moindres de la somme de 600 livres; à l'effet de quoi il sera fait les augmentations nécessaires aux pensions qui leur avaient été précédemment accordées. » (Ce décret est adopté.)
,au nom du Comité des pensions. Vous avez suspendu le payement des pensions jusqu'à ce qu'elles fussent rétablies; mais par l'article 4, vous avez dit : « Sont exceptées dé la suspension les pensions assignées aux ci-devant jésuites, aux anciens employés à la régie des économats au nombre de onze, lesquelles seront .payées, savoir : celles des ci-devant jésuites et des nouveaux convertis en leur entier, et celles des ci-devant employés pour l'es six premiers mois de 1790 et jusqu'à là concurrence de 30,000 livres. » ïl n'est plus question ici que des pensions des nouveaux convertis ; nous avons dit dans le temps qu'elles sont également modiques et ur-. gentes. Il y en a depuis 25 livres jusqu'à 150, peut-être quelques-unes de 500; mais quelles qu'elles soient, elles sont presque l'unique ressource des malheureux à qui elles sont dues. Nous vous proposons donc de décréter ce qui suit : « L'Assemblée nationale décrète que les pensions qui se payaient ci-devant à la caisse des économats, et qui ont été exceptées de la suspension générale par l'article 4 du décret du 27 juin dernier, seront payées sur le Trésor public; « Il en sera de même des pensions de 600 livrés et au-dessotis, qui étaient établies sur la caisse de l'ancienne administration du clergé, et dont il est fait meùtiôn dans l'article 31 du titre III du décret du 3 août sur les pensions. » (Ce décret est adopté.)
,au nom du comité des pensions. Le comité des pensions m'a chargé de prendre les ordres de i'Assemblée pour l'ordre de son travail. Il vient de livrer à l'impression son travail relatif aux pensions des septuagénaires. Vous avez décrété que vos comités ne pourraient se charger des objets qui exigent une responsabilité, et cest pour cet effet que vous avez ordonné l'établissement d'un bureau de liquidation, sous la direction du Commissaire du roi ; cependant vous avez autorisé votre comité à continuer les travaux qu'il avait commencés en exécution de vos décrets antérieurs. Je vous prie de décider si notre travail sur les pensions, dont il y a déjà quatre feuilles imprimées, sera renvoyé à la direction de liquidation, ou si vous recevrez des mains de votre comité le rapport qu'il a préparé.
Le travail sur les pensions est un travail qui ne peut être fait que par des personnes responsables. Il ne s'agit pas d'une simple application des règles que vous avez déterminées pour la concession des pensions ; mais il faut vérifier si chaque pétitionnaire se trouve dans le cas de la loi. Si Vous voulez être conséquents, vous devez charger les ministres de fixer les pensions de leurs départements respectifs, parce qu'ils sont censés connaître le temps du service de chaque sujet ; c'est à eux à vérifier les titres de ceux qui; se présentent pour obtenir des pensions, èt à certifier sur les états le temps de leurs services ; les fonctions de l'Assemblée et des comités doivent se borner à examiner et à contrôler ces états..... Jë demande dônc que le travail de votre comité dès pensions soit! renvoyé aux ministres des différents départements qu'il concerne.
Vous avez déjà décrété que la direction de liquidation serait chargée du travail dès pensions.
Les pensions ne sont point un objet4de liquidation......
Votre comité des pensions a employé un temps ,très considérable à la vérification des titres dès pensionnaires qui sont l'onjet du travail qu'il fait imprimer. Il serait cruel dé. retarder encore de plusieurs mois le payement des pensions des septuagénaires. Le travail qué nous vous proposons n'est qpe provisoire pour 1791 ; je ne vois pas d'inconvenieuts à ce qu'il soit présenté à l'Assemblée. Le décret suivant est adopté : « L'Assemblée nationale décrète qu'il lui sera fait incessamment, par son comité des pensions, le rapport des mémoires des pensionnâmes de l'âge de 70 ans et au-dessus, pour déterminer provisoirement les sommes qui seront payées auxdits pensionnaires, pour le cours des années 1790 et 1791 ; que le surplus desdits mémoires, même ceux des pensionnaires de l'âge de 70 àns et au-dessus, seront remis au directeur général de liquidation, conformément au décret du 16 décembre dernier, pour statuer définitivement, et au rapport du comité des pensions, sur le sort des personnes qui doivent être récompensées par l'Etat. »
au nOm du comité des pensions, présente le projet de décret suivant, qui est adopté : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le comité des pensions, décrète ce qui suit : '
Art. 1er.
« ïl sera destiné au payement de l'indemnité accordée aux porteurs de brevets de retenue, pâr le décret de l'Assemblée nationale du24 novembre dernier, une somme de 3 millions par mois, jusqu'au parfait payement desdits brevets. Art. 2.
« Les porteurs de brevets dç retenue qui auront droit à une indemnité, au terme du décret du 24 novembre, présenteront leurs mémoires au comité des pensions, où ils seront enregistrés le jour de leur présentation, avec mention'dé la
date du jour, et les payements se feront selon l'ordre de l'enregistrement. Art. 3,
« Le brevet sera remis en original; ou s'il est déposé chez un officier public, il en sera remis une expédition authentique, avec la mention des délégations et hypothèques qui étaient portées sur lesdits brevets, et un certificat du conservateur des oppositions sur le Trésor public, qu'il n'existe point d'autres oppositions que celles desdits délégataires et créanciers hypothécaires; le payement des sommes portées aux délégations et hypothèques sera acquitté avant de payer au porteur du brevet les sommes qui seront libres. Art. 4.
« A compter du jour de la remise des brevets de retenue et des actes qui établissent la propriété des porteurs desdits brevets, Iles intérêts des sommes y portées seront payées à raison de 5 0/0 jusqu'au remboursement. Art. 5.
« Ceux qui ne pourront pas comparaître en personne pour recevoir le montant de l'indemnité qui leur sera due seront tenus de se présenter par un fondé de procuration spéciale; il sera donné quittance du payement par-devant notaires, et il en sera, d'ailleurs, fait mention sur l'original du brevet. »
,au nom du comité aes pensions, présente ensuite le projet de décret suivant qui est adopté : L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« En exécution du décret du 10 décembre dernier, les pensionnaires auxquels il est dû d'anciens arrérages de pensions suspendues et payables sous le nom de décomptes, représenteront au directeur général de la liquidation les originaux de leurs brevets, faisant mention desdits décomptes; ils y joindront uu certificat de vie, donné par la municipalité du lieu de leur résidence, et un certificat du conservateur des oppositions sur le Trésor public, qu'il n'existe aucune opposition au payement de leurs décomptes. Art. 2.
« Sur le vu de ces pièces et sur la reconnaissance donnée par ie directeur de la liquidation, et sur le mandat de l'administrateur provisoire de la caisse de l'extraordinaire, lesdits décomptes seront payés dans l'ordre suivant :
« Les décomptes appartenant aux pensionnaires âgés de 75 ans et au-dessus seront; payés dans les mois de février et mars de la présente annép.
« Ceux des pensionnaires âgés de 65 à 75 ans seront payés dans les mois d'avril et mai. . « Ceux des pensionnaires âgés de 55 à 65 ans, dans les mois de juin et juillet.
« Ceux des pensionnaires âgés de 45 à 55 ans, dans les mois d'août et septembre.
« Ceux des pensionnaires âgés de 35 à 45 ans, dans les mois d'octobre et novembre.
« Ceux des pensionnaires au-dessous de 35 ans, seront payés dans le mois de ciécembre.
« A l'égard des décomptes appartenant à des pensionnaires qui seraient décédés avant le premier janvier 1791, ils seront payés de la znêrne manière qui avait lieu par le passé. Art. 3.
Les pensionnaires qui, ayant à se faire payer des décomptes, ne pourraient pas se présenter en personne, se présenteront par un fondé, de procuration spéciale.
« Ceux qui toucheront leurs décomptes, en donneront leur quittance devant notaires, par eux ou par leur fondé de procuration, et, en outre, il sera fait mention du payement sur l'original du brevet.
Art. 4.
« Les décomptes dont il vient d'être parlé dans les articles précédents pourront être employés, soit en acquisition de biens nationaux, soit pour l'acquit de la contribution patriotique, lorsque lesdits décomptes et la liberté de les toucher auront été constatés par la reconnaissance du directeur de la liquidation. »
,au nom du comité des finances, propose Je projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, et d'après les observations du.garde des sceaux, considérant que le nombre des commis qui composent le bureau de l'expédition et de l'envoi des décrets, est insuffisant, que leur traitement n'a pas été fixé, et que tous les décrets rendus jusqu'ici ne sont pas parvenus exactement aux tribunaux de justice 'et corps administratifs, décrète :
« 1° Qu'il sera payé à tous les commis employés au bureau d'expédition et d'envoi, par la caisse du Trésor public, et sur la quittance du secrétaire général du département de la justice pour chaque mois, à compter du 6 novembre dernier :
« Au chef de bureau........... 350 livres.
« A chacun des commis teneurs^ de registres....................... —
« A chacun des autres commis.. 120 —
« A chacun des deux commis-timbreurs........................ 100 —
« A chacun des deux garçons de bureaux..................................é 75 —
« 2° Que le garde des sceaux sera autorisé à augmenter provisoirement, de sept personnes, le nombre des commis actuellement existants dans les bureaux du département de la justice, dont une au moins capable de coopérer au travail de la correspondance sous les ordres du ministre de la justice, et la surveillance du secrétaire général du département, laissant à la prudence du ministre de la justice de supprimer et réduire le nombre des nouveaux commis à son choix, dès que les circonstances le permettront ;
« 3° Ces nouveaux commis seront également payés sur la quittance du secrétaire général du département, savoir : le premier à raison de 300 livres par mois, et les autres à raison de 120 livres;
, c 4° L'Assemblée ordonne qu'il sera procédé, aux frais de la nation, et sous la surveillance du garde des sceaux, à une édition complète et au nombre de 2,000 exemplaires de tous les décrets rendus jusqu'à ce jour, acceptés ou sanctionnés par le roi, dont un desdits exemplaires sera envoyé à tous les tribunaux de justice, commissaires du roi, districts, départements et bureaux de conciliation, de telle sorte qu'aucun de ces corps ne puisse, à l'avenir, prétexter l'ignorance des décrets. »
Il existe au comité des finances un plan pour l'impression et la publication des décrets, qui offre 1,200,000 livres d'économie. Je demande l'ajournement du projet de décret, pour qu'il soit fait un rapport définitif sur cet objet.
Le plan dont on vient de vous parler consiste à faire tirer à Paris tous les exemplaires des décrets nécessaires pour la distribution dans les départements. Il iaut calculer si l'économie sur l'impression ne sera pas rendue illusoire par l'augmentation des frais de poste... Mais il ne s'agit ici que d'une mesure provisoire pour faire réimprimer les décrets dont les éditions sont épuisées, ou dont la distribution n'a pas été faite par la négligence des ci-devant procureurs généraux.
Ce que vous devez ordonner, c'est qu'aucun décret ne puisse être distribué dans les départements, à moins que vous ne Payez expressément ordonné. J'ai appris, et d'une manière certaine, que toutes les fois que les municipalités font un emprunt de 10,000 livres, il en coûte 30,000 livres pour faire imprimer et distribuer dan s toutes les municipalités du royaume, le décret qui autorise cet emprunt... Je citerai, à l'appui de ce fait, un second fait, qui ne surprendra pas moins l'Assemblée nationale. Il y a six semaines que M. l'archevêque de Bordeaux, étant encore garde des sceaux, écrivit au comité de Constitution pour savoir s'il fallait envoyer dans les départements les décrets qui ne sont pas d'un intérêt général. Le comité resta quelque temps sans répondre, et ne pensa pas à consulter l'Assemblée nationale. Cependant je ne crois pas que vos comités puissent se permettre de donner une décision sur des matières aussi importantes, sans en rendre compte à l'Assemblée... Le délai que le comité de Constitution a mis à sa réponse au ministre, n'est pas moins répréhensible... Il a dit que tous les décrets devaient être envoyés; il ne vous a pas consultés sur une décision de cette importance, et nous fermons les yeux là-dessus 1... Vos comités se permettent de répandre une foule d'avis dans les provinces : je m'élève contre cet usage... (Une partie de l'Assemblée applaudit.) En revenant à l'objet pour lequel j'ai pris la parole, je demande qu'aucun décret ne soit distribué dans les déparlements, à moins que le décret lui-même ne le prescrive.
Le préopinant a oublié qu'à Versailles, au mois d'octobre 1789, vous avez expressément décrété que tous les décrets, sanctionnés par le roi, s'appelleraient lois; que les lois seraient envoyées à tous les tribunaux et corps administratifs. Cet article se trouve parmi les articles constitutionnels acceptés par le roi... Il est extrêmement important de faire connaître aux tribunaux et corps administratifs, nouvellement formés, tous les décrets de l'Assemblée nationale. .. Le préopinant a parlé d'une lettre de M. l'archevêque de Bordeaux, qui m'est parfaitement connue. Le miuistre exposait à votre comité de Constitution que beaucoup de tribunaux et de corps administratifs n'avaient pas reçu l'expédition de différentes lois importantes ; il n'a pas manqué de nous dire que ces omissions venaient de la part des procureurs généraux, et a jeté une partie de la faute sur le ministre de l'intérieur. Il nous a demandé s'il fallait envoyer les lois à toutes les municipalités ; nous ne lui avons pas donné d'autre décision que la transcription du décret constitutionnel que je viens de citer.....Quant aux 30,000 livres dont M. l'abbé Maury a parlé, j'ai effectivement entendu dire que cette assertion a échappé, je ne sais où, à M. le garde des sceaux. Nous avons aussitôt vérifié le fait, et nous avons trouvé qu'effectivement les dépenses sont trop fortes, mais qu'elles sont au moins trente fois au-dessous de ce que vous a dit M. l'abbé Maury. Vous pourrez les réduire à une somme encore vingt fois moindre ; le comité des finances vous fera un rapport sur cet objet. Il ne s'agit en ce moment que d'un décret provisoire. Je demande la question préalable sur l'amendement de M. l'abbé Maury.
Tous les bons esprits doivent reconnaître qu'il n'y a de lois du royaume que les décrets généraux, et que les autres ne sont que des ordonnances particulières. Votre comité de Constitution devait bien sentir que des décrets qui ne concernent que quelques particu-liers, ne sont pas des lois ; il aurait au moins dû suspecter cette vérité et consulter l'Assemblée nationale. Quel intérêt peut-on trouver à publier à grands frais dans toute l'étendue du royaume, des décrets qui ne concernent qu'un individu?.. Quant aux frais d'impression et de distribution, j'ai entendu dire, par un membre du comité de Constitution, que plusieurs décrets avaient coûté 30,000 livres.
Je demande que M. l'abbé Maury nomme le membre.
Un grand nombre de vos lois ont une juste, mais très grande étendue. Je demande comment on peut, avec cent pistoles, distribuer quarante-quatre mille feuilles de papier?...
Il est indispensable de donner la plus grande publicité à vos décrets ; nous devons avoir pour censeurs la nation entière. (On applaudit.) Il ne s'agit donc que d'une question d'économie : le comité des finances vous présentera un travail sur cet objet. Il ne s'agit en ce moment que de pourvoir, d'après les moyens les plus économiques actuellement existants, à la réimpression et la distribution des décrets dont la publication a été négligée. J'appuie la question préalable sur l'amendement de M. l'abbé Maury. (L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. l'abbé Maury.) (Le projet de décret du comité est adopté.)
,au nom des comités ecclésiastique et des finances, présente un projet de décret tendant à assimiler les poursuites à faire contre les fermiers en grains des biens nationaux, à celles qui étaient faites ci-devant par les percepteurs d'impôts indirects dans tous les départements.
demande le renvoi de ce décret au comité d'aliénation pour en rendre compte. (La motion de M. Camus est décrétée). Plusieurs membres du comité d'aliénation proposent des décrets de vente de biens nationaux à diverses municipalités. Ces décrets sont adoptés ainsi qu'il suit : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliéuation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant
les formes prescrites, déclare vêndfe les biens nationaux, dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations OU estimation^ desdits biens, aux charges. Clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, ët potir les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret ; « Savoir : « A la municipalité de Montpellier, département de l'Hérault, pour........ 1,196,668 1. Ils. 4 d « A la municipalité de la Valette,département du Var.. 95,834 4 2 « A celle de Dra-guignan, même département. .... *... 140,896 7 « A celle de Saint-Tropez» même dé* parlement* 4 22,669 4 » « A celle d'Hyères, même département. 669,549 10 » « A celles de Pau-gres et Davezieu, département de l'Ar- dèche............. 268,760 2 4 « A celle de Saint*-Maximin, départe* ment du Var...... 277,854 15 « A celle de Manos- que, département des Bat isses-Alpes...79,349 12 6 « AcelledeMâcon, département de Saô-nfe-et-Loire........ 1,746,403 9 « Le tout ainsi qu'il est au plus long détaillé dans les décrets de vente et états d'estimation respectifs annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
,après avoir iihndtldé l'ordre dti jour, lève la séance à deux heures èt demie.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. lei secret Aires fait lecture du procès-verbal de la séance de la veille, qui est adopté.
,député du bailliage de Saint-Flour, fait part à l'Assemblée d'une proclamation de la municipalité de la ville d'Aurtllàti (Cantal), qui est ainsi conçue (2) :
« La municipalité, informée du départ de quelques ci-devant nobles qu'où
croit animés du désir d'une contre-révolution, prévient le public
qu'elle en a donné avis à l'Assemblée et aux municipalités des Villes
par où ils doivent passer.
« Pour rassurer tout le monde éh cette circonstance et faire cesser les alarmes, il suffit d'observer que les tentatives de ces mécontents ne peuvent se former que loin de nous et ne pourront jamais prévaloir contre les efforts de quatre millions de citoyens armés qui ont juré de maintenir la Constitution au péril de leur vie.
« Fait en la maison commune de la ville d'Aurillac, Ce 14 décembre 1790 :
« Présents : MM. GroUrlat de Saint-Etienne, maire ; Boudet, Charmes, Besombe, Labro, Roquier, Textoris, Perret, Lorus, Nochery et Ternat, officiers municipaux. »
Telle est, Messieurs, la proclamation qu'a cru devoir faire la municipalité d'Au-rillac ; au moyen de cette précaution, il n'a été commis aucune eépèce d'hostilité contre les ci-devant nobles. Je demande qu'il soit écrit par M. le président Une lettré de satisfaction du zèle et de la vigilance que la municipalité et le directoire ont employés dans Cette occasion. L'Assemblée se rappelle que, dans le département du Qttercy, voisin de Celui du Cantal, il a été incendié plusieurs châteaux. L'incendie se serait communiqué de proche en proche, si le directoire du district et la municipalité d'Aurillac n'avaient pas employé une voie aussi salutaire. Plusieurs voix : L'ordre dû jour! L'Assemblée, consultée, décrète ce qui suit : « L'Assemblée nationale décrète que mention sera faite dé ladite proclamation dans le procès-verbal : charge son président d'écrire à la municipalité d'Aurillac, pour lui témoignée sa satisfaction sur son zèle et sa vigilance pour le maintien de la tranquillité publique et la conservation des propriétés particulières. »
J'ai l'honneur d'obsérvér que M. Camus a proposé hier une disposition très équitable, relativement aux brevets de retenue ; c'est-à-dire que, pour ceux qui auront remis leurs brevets de retenue dans un temps donné, les intérêts Commenceront à courir du jour de cette remise. Cette mesure me parait devoir être généralisée. Par un décret qui a été adopté in globo sur l'organisation de la caisse de l'extraordinaire, M. Camus a cru pouvoir hâter la liquidation des gens auxquels il peut être dû, et il â fait cesser lés intérêts â compter dU Ie* janvier. J'observe que Ceux qui se sont mis en règle pour leur liquidation, comme l'ont fait les porteurs de bre-vet8(de retenue, ne peuvent, malgré cela, être liquidés sur-le-champ par rëffet des lenteurs inévitables ; car il est impossible que dans une si grande liquidation, quelque activité qu'on y mette, 11 n y ait pas de lenteurs.
Je demanderais que ceux qui auront remis lehrs titres et qui en tireront un récépissé, jouissent de la faveur ou, pour mieux dire, de l'acte de justice que M. Camus vous a proposé pour les brevets de retenue.
Par le décret général de l'organisation de la caisse de l'extraordinaire, on a été attentif à continuer les intérêts jusqu'au jour du remboursement, excepté relativement à une espèce d'anticipation que l'on appelait anticipations suspendues. On a dit que celles qui n'avaient pas été rènouvelées au mois d'octobre dernier et dont, par conséquent, les intérêts ne couraient plus, auraient les intérêts depuis le mois d'Octobre. Je conviens que, pour aller avec une très graftde exactitude, il aurait fallu dire : Vous aurez les intérêts jusqu'au remboursement effectif, parce que, comme l'observe le préopinant, le remboursement ne peut pas se faire au moment même où on se présente. Nous avions pensé dans le comité que c'était assez d'ordonner le payement de ces intérêts jusqu'au 1er jattViêr-, parce qUe si les anticipations sur les domaines avaient beaucoup perdu, la plupart avaient été acquises à très gros bénéfice par les agioteurs qui se mêlent de ces sortes d'affaires, et nous avOnâ dit : Le remboursement se fera dâns le courant dii mois de janvier. — Ainsi, ils perdront quinze jours ou trois semaines d'intérêt ; c'est un petit objet qui est bien compensé par les avantages. Néanmoins, Messieurs, je ne m'oppose pas que vous décrétiez, comme le propose le préopinant, que ces intérêts borneront jusqu'au jour du remboursement; ét VOlêi pourquoi il vous est impossible, dans telle opération que ce soit, d'éviter les plaintes et les calomnies. Par exemple, on avait annoncé, dit tel créancier, qu'on payerait à bureau ouvert èt néanmoins nous nobs présentons inutilement, car nous sommes trente ou quarante mille qui voudrions être payéà et nous île pouvons l'être le même jour, ae sorte qu'il faut que noùs attendions nuit, dix ou quitté jours, et pendant ce temps nous perdons nos intérêts. C'est ainsi qu'on à crié à l'injustice de tous côtés. Il est indispensable de faire cesser ces clameurs, et d'ordonner effectivement le payement des intérêts jusqu'au jour du remboursement définitif. Il en coûtera très peu à l'Etat pour étouffer ces calomnies. Il en vièndra d'autres, il ne faut pas en douter ; car il y en a de ce genre-là de toutes espèces. J'ai lu hier dans un papier public qu'il était inconcevable que l'on né pût pas avoir des assignats de 50 livreâ et en très grande quantité. Ces assignats ont été mis en circulation le 31 décembre. Je crois qu'il en a été déjà répandu dans le public environ six à sept mille. Qui croira que l'on puisse faire par jour des milliers d'assignats et leé distribuer également par milliers? On a répondu également qu'il en avait été donné pour cinquante mille écus à une seule personne, tandis qu'on en refusait aUx particuliers qui allaient à la caisse de l'extraordinaire. Enfin on a dit que l'on ne pouvait pas les distribuer, parce qu'un abbé, peu habitué à compter les assignats, en était chargé et faisait attendre beaucoup ceux qui en demandent. Il n'y a rien de tout cela. La vérité est que parmi vos commissaires pour la fabrication des assignats; il y a un membre de cette Assemblée qui y donné tout son temps, qui passe presque tout son temps chez l'imprimear pour faire hâter la fabrication. Voilà comme les choses sont présentées par les malveillants. Nous ne devons pas nous embarrasser de tous ces vains discours, nous devons toujours faire notre devoir; mais il est bon néanmoins que l'on sache que toutes ces calomnies n'ont aucun fondement; que la caisse de l'extraordinaire né favorise ni les agioteurs, ni les usuriers, puisque, quoique les offices ne soient pas encore liquidés, on a eu soin d'attribuer Certains jours, non pas pour les faire payer, mais afin que les fonds destinés aux offices ne fussent pas employés à rembourser des effets sur la bourse. On rendra également justice à ceux qui sont créanciers de l'Etat, en leur payant les intérêts jusqu'au jour du remboursement effectif* Enfin on doit bien voir que c'est l'intention de l'Assemblée, relativement aux assignats de 50 livreé, qu'elle ne prétend préférer personne, qu'elle veut les mettre dans la circulation, puis-qu'hier elle en a ordonné la fabrication pour 40 millions de plus. Enfin il faut donner le temps de les imprimer. Ainsi, j'adopte la motiôn de M. de Folleville.
M. Camus, demande beaucoup plus que je ne demandais; mais c'est un acte de justice dont je veux lui laisser tout l'honneur. L'Assemblée adopte la motion de M. de Folle-ville, amendée par M. Camus, dans les termes suivants : « L'Assetnblëê nationale décrète que les porteurs de créances sur l'Etat, dont le remboursement est ordonné, seront payés des intérêts desdites créances, dans le cas où lesdits intérêts n'auraient pas cours d'ailleurs, depuis le moment où ils auront réuni leurs titres complets aux bureaux de l'administration de l'extraordinaire, jusqu'au jour de là date du mandat du commissaire du roi; à l'effet de quoi, à l'Instant dé la remise desdites pièces aux bureaux de l'administration, le jour de la remise sera inscrit sur lesdites pièces. »
,curé de Saint-Quentin. J'ai entre les mains une déclaration et une ins» truction pastorale de M. l'évêque de Strasbourg (1). Cet écrit contient des principes tout à fait contraires à la Constitution et propres à porter les peuples à la révolte; il est aussi méprisable que son auteur. Je demande qu'il soit renvoyé au comité des recherches pour en être rendu compte le plus tôt possible et je le dépose sur le bUreati. (Cette motion est décrétée.)
Je vaià donner lecture à l'Assemblée d'Une adresse des êccléèiàstiques de la paroisse de Saint-Sulpiee qui Ont prêté le serment.
Cette adresse est ainsi conçue :
« Messieurs, les ecclésiastiques de la paroisse de Saint-Sulpice, ou qui
résident dans son arrondissement, se font un devoir de vous adresser les
motifs de leur soumission à la loi. Ils ont prêté leur serment, parce
qu'ils ont vu, dans la constitution civile du clergé, le triomphe tle la
religion primitive et le retour à l'esprit de
« C'est donc à la nation française que le christianisme doit son retour à ses primitives institutions ; et l'Assemblée nationale a opéré ce que l'Eglise gallicane n'a jamais effectué, ce que les conciles ont vainement tenté, et, surtout, ce que tous les Pères de l'Eglise n'ont cessé de désirer, déplorant la décadence de notre discipline.
« Nous n'avons donc vu, Messieurs, dans vos décrets, que l'appui des premiers canons, et nos frères ecclésiastiques séparés ne tarderont pas de le dire, lorsqu'ils auront bien réfléchi que tout un peuple n'est pas fait pour son clergé, mais que le clergé est établi pour l'instruction, l'édification et l'exemple; lorsqu'ils auront reconnu que nous sommes sujets quoique ecclésiastiques, et que si nous étions ecclésiastiques indépendants, nous ne serions pas sujets.
« Baignez accepter. Messieurs, ces motifs de notre soumission entière et sans restriction à la loi; l'obéissance des Français ne peut être aveugle : une soumission motivée et raisonnable est celle d'un peuple libre.
« Signé : soulavie, envoyé des ecclésiastiques qui ont signé. »
(.Applaudissements.)
(L'Assemblée ordonne l'impression de cette adresse et son insertion dans le procès-verbal.)
Plusieurs membres du comité d'aliénation proposent des ventes de biens nationaux à diverses municipalités.
Ces ventes sont décrétées comme suit :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport, qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites, suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux, dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret;
Savoir : Département de l'Oise.
A la municipalité de Compiègne, pour la somme de..........................................1,336,209 1. 10"s. 1 d.
A celle d'Ermenonville,
pour la somme de..............79,750 » »
A celle de Gouvieux, pour la somme de..............21,010 » »
. A celle de Montherlent, pour la somme de...... 58,531 10 6- Département de VAveyron.
A la municipalité de Vil-lefranche, pour la somme de..................... 1,131,031 1. » s. 2 d.
A celle de Pierrefiche, pour celle de............ 651,097 » 6
A celle de Saint-Gôme, pour celle de,......... . 166,848 » »
A celle de Villeneuve, pour celle de........... 162,204 1. » s. 3 d.
A celle de Flavin, pour celle de................ 31,940 3 »
A celle de Maleville, pour celle de........... 28,934 18 11
A celle de Cenac, pour celle de................ 8,823 » »
A celle de Parisot, pour 6 celle de................ 15,994 19
A celle d'Orlhonac, pour la somme de........... 7,026 4 2
A celle de Ceignac, pour celle de................ 26,149 3 4
A celle de Marcillac, pour celle de........... 22,387 19 10
A celle de Sévérac, pour celle de................ 16,502 17 »
A celle du Vâl-sous- Rougemont, département du Haut-Rhin, pour eelle de.................... 3,430 18 »
A celle de Bavilliers, même département, pour celle de................ 11,726 » ; » -,
« Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et états d'estimation respectifs annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
J'ai reçu une adresse présentée par plusieurs citoyennes françaises et
libres, décorées de médailles que leur a décernées la commune de Paris,
pour leur patriotisme reconnu. Je vais en donner lecture à l'Assemblée :
« Pères de la patrie, « Plusieurs citoyennes françaises et libres,
décorées de médailles que leur a décernées la commune de Paris pour leur
patriotisme reconnu, viennent dans ce temple consacré à la vérité vous
apporter les vœux les plus sincères pour la prospérité de ce grand
empire. « Déjà le monument éternel de notre liberté et de notre bonheur
s'achève; tous les cœurs se sont ouvérts à l'espérance et désirent voir
couronner vos immenses travaux. « Mais, Messieurs, ce bon peuple, si
souvent opprimé, si souvent calomnié, dont vous avez brisé les chaînes,
et à qui vous avez créé une nouvelle patrie (car il n'en avait plus),
sera reconnaissant envers ses libérateurs. Ce même peuple s'occupe de
votre gloire et de votre triomphe. Vos noms écrits dans nos cœurs le
seront dans ceux de nos enfants et passeront d'âge en âge, jusqu'à la
postérité la plus reculée. « Ces citoyennes, fermes dans leurs
principes, viennent, dans le temple de la patrie, vous renouveler le
serment sacré d'être fidèles à la nation, à la loi, au roi, de maintenir
et faire aimer la Constitution du royaume, que vous avez décrétée et qui
a été sanctionnée par notre bon roi. Nous le jurons, pour nous et nos
enfants, et nous jurons encore de mettre tout en usage pour maintenir la
paix si désirable pour le salut de ce beau royaume .»
(Applaudissements.) (L'Assemblée ordonne que mention sera faite de cette
adresse dans le procès-verbal.) L'ordre du jour est la suite de la
discussion du projet de décret sur le droit du timbre (1).
Messieurs, vous avez décrété les six premiers articles du décret sur le timbre, qui vous a été présenté par le comité d'imposition. Les mesures proposées par le septième paraissent au premier coup d'œil d'une fiscalité révoltante. Nous ne pouvons le dissimuler à l'Assemblée ; ce n'a été qu'à regret que nous nous sommes déterminés à vous faire cette proposition, qui nous répugnait d'abord. Cependant, j'observe à l'Assemblée que, dès le moment qu'il y a uu impôt sur le papier, si l'on ne mettait des bornes au désir de se soustraire à l'impôt, il arriverait deux inconvénients: le premier, l'impôt produirait infiniment moins ; c'est une des grandes considérations qui nous ont déterminés, obligés que nous étions de remplacer cet impôt, à chercher les moyens de pouvoir en éloigner de plus mauvais encore. Nous avons dû chercher à le rendre productif ; mais il existe encore une considération puissante : c'est que, dès le moment où le papier sera payé beaucoup plus cher que sa valeur intrinsèque, les personnes qui en feront usage serreront tellement les lignes et l'écriture, que véritablement elle deviendra illisible. Par l'article 7, nous vous proposons de fixer le nombre des lignes et des syllabes par ligne que contiendront les expéditions. Un membre : Je demande la question préalable sur cet article : les procureurs et les notaires sont assez habiles à faire des grosses, sans les y autoriser expressément.
Ces petites vexations, dont on a trouvé l'exemple dans les arrêts du conseil, ont couvert le conseil de ridicule.
appuie la question préalable.
,rapporteur. Messieurs,la faveur que l'Assemblée accorde à certains impôts la conduit nécessairement à une rigueur aussi grande pour d'autres impôts. Il ne faut pas croire dureste que le comité assujettisse toutes les sortes d'actes soumis au timbre à renfermer un nombre déterminé de lignes et de syllabes ; nous ne proposons cette mesure que pour les expéditions, c'est-à-dire pour les actes qui sortent en copie, soit des mains des greffiers, soit des mains des notaires.
Ainsi, Messieurs, il faut d'abord écarter toute idée de gêne et de vexation pour le corps des citoyens.
En second lieu, nous avons voulu empêcher, par une loi, les clerc.sde notaires, de procureurs et de greffiers, de faire ce qu'on appelait de la grosse, c'est-à-dire de mettre un seul mot avec oeaucoup de contours dans une ligne.
Enfin je vous prie d'observer qu'ici nous faisons gagner environ 1,500,000 livres au Trésor public ; c'est ce point-là qui doit vous occuper et l'on ne peut pas faire une loi de l'impôt sans prendre l'esprit de l'impôt.
Tous vos autres comités, Messieurs, ont une tâche bien facile ; ils
n'ont, pour ainsi dire, qu'à s'élancer du despotisme vers la liberté.
Pour nous, nous avons toujours été obligés de marcher sur les limites de
la liberté, en courant le risque de transliner quelquefois. Ici nous ne
proposons rien qui ne soit un adoucissement à l'ancien usage ; les
expéditions se faisaient autrefois sur
Mais voulant cependant retirer le même produit, nous étendons l'impôt à toutes les expéditions, au lieu que, dans l'ancien régime, l'usage du parchemin n'était forcé que pour les premières expéditions, les expéditions exécutoires.
Le moyen d'exécution sera plus dispendieux que le bénéfice que l'on espère de cette correction, puisque l'on sera obligé d'employer dans chaque greffe un commis qui sera chargé de compter le nombre des lignes et des pages.
L'article présente plusieurs inconvénients ; cependant l'Assemblée est forcée de l'accepter ou d'augmenter le droit du timbre.
Les véritables inconvénients de l'article sont que, par les articles 11 et 12, on vous propose de déclarer nuls les actes qui ne contiendront pas le nombre de lignes et de syllabes déterminé par l'article 7 et que tout officier qui aura commis une contravention quelconque à votre loi, payera 300 livres pour la première fois et 1,000 livres pour la seconde. Pourquoi ces sommes énormes ? Pour avoir mis une syllabe de trop, je ne dis pas dans une page, mais dans la totalité de l'ouvrage. Voilà, Messieurs, où est l'extrême danger. Mais ce n'est pas tout encore, c'est que le plus grand problème en grammaire et en jurisprudence fiscale est de savoir ce que c'est qu'une syllabe. La diphtongue ne contient qu'une syllabe, suivant plusieurs grammairiens, elle en contient deux, suivant d'autres. Voyez, Messieurs, où vous mène une loi semblable; voyez à quels inconvénients elle livre tous les malheureux agents d'écriture3 publiques. 11 n'est pas possible de laisser passer l'article tel qu'il vous est proposé. S'il est conservé, il est nécessaire de mettre mots au lieu de syllabes, et de supprimer les articles 11 et 12, en trouvant un autre moyen de coercition ; car celui-là serait intolérable ; il renverserait la fortune des individus ; 300 livres ou 1,000 livres pour une syllabe 1
,rapporteur. On dit que la peine est excessive, qu'elle fait encourir la nullité des actes. Messieurs, elle ne fait encourir, aux termes de l'article 8, que la nullité de l'expédition qui aura été faite eu contravention ; on la recommencera et on en sera pour les frais d'un autre papier. Voilà tout ce qui résulte de l'article.
J'insiste pour que, dans les lignes, on ne compte pas les mots, mais les syllabes. Fixer le nombre des mots, c'est ne rien fixer, puisqu'il y a tel mot qui a plus d'étendue que plusieurs autres ensemble; mais la syllabe a une mesure à peu près invariable pour tout autre que pour les poètes, et c'estja syllabe qu'il faut prendre pour échelle.
Si vous voulez augmenter l'impôt, rien n'est si aisé, en augmentant le papier d'un quart, d'un tiers ; mais n'augmentez pas nos entraves, conservez notre liberté.
,rapporteur. Il n'y a qu'à rayer le mot syllabes; rien n'est si aisé que de s'assujettir au nombre de lignes.
Plusieurs membres insistent pour que la question préalable soit adoptée sur l'article.
Je demande la division. (L'Assemblée, consultée, adopte la première partie de l'article portant le nombre de ligues ; elle décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la deuxième partie qui a rapport aux syllabes.)
Je propose une addition, non pas seulement comme fiscale, mais comme utile; c'est de ne pas permettre les abréviations, parce que souvent d'un siècle à l'autre, on ne les entend plus.
Cela est très vrai; les modes d'abréviations ont changé de siècle en siècle.
demande la question préalable sur cet amendement. (L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer et adopte l'amendement de M. Bout-teville-Dumetz.) L'article 7 est, en conséquence, décrété oomme suit :
Art. 7.
* Les papiers employés à des expéditions ne pourront contenir, compensation faite d'une feuille à l'autre :
« Par page de petit papier, plus de 20 lignes.
« Par page de papier moyen, plus de 27 lignes.
« Par jpage de grand papier, plus de 30 lignes.
« Les expéditions seront écrites sans abréviations. »
,rapporteur, donne lecture de l'article 8.
Je demande l'ajournement de la dernière disposition qui porte que les actes écrits en contraventions aux dispositions précédentes donneront lieu aux mêmes peines et n'auront pas plus d'effet que s'ils étaient écrits sur papier non timbré.
,rapporteur. Nous consentons à la suppression de ce paragraphe. L'article 8 est décrété, en conséquence, dans ces termes *.
Art. 8.
« Le papier ou parchemin timbré, qui aura été employé pour minute ou expédition, ne pourra plus servir, même quand ces minutes ou expéditions n'auraient été que commencées.
« L'empreinte du timbre ne pourra être couverte d'écriture ni altérée.
« li ne pourra être fait ni expédié deux actes à la suite l'un de l'autre sur la même feuille, nonobstant tout usage ou règlement contraire, à l'exception des actes de ratification de ceux passés en l'absence des parties, des quittances de prix de vente et droits casuels, des quittances de directions de collèges de créanciers, des quittances de remboursement de contrats de constitution ou obligation, des inventaires, procès-verbaux et autres actes qui ne peuvent être consommés dans un seul jour et dans la même vacation.
« Les huissiers ne pourront mettre deux significations ou exploits d'assignation et autres
actes sur une même feuille de panier timbré ; cependant ils pourront donner des copies de pièces en tête de leurs exploits, et écrire, sur les expéditions des sentences ou jugements, l'original de leur exploit de signification. »»
Les articles 9 et 10 sont ensuite adoptés comme suit :
Art. 9.
« Les expéditions des actes civils et judiciaires qui seront délivrées, à compter du 1er avril prochain, dans les lieux où la formule n'était pas établie, ne pourront être faites que sur papier timbré. Art. 10.
« Les personnes, corps ou communautés dont les registres sont assujettis au timbre par le présent décret, seront tenues, dans les trois mois qui suivront sa publication, de faire timbrer à I extraordinaire, ou marquer d'un visa, toutes les feuilles qui, à l'époque de cette publication, n'auront pas servi. Sont exceptés de cette disposition les registres de naissances, morts et mariages de la présente année. »
,rapporteur. Je demande à faire quelques observations sur l'article 11. Nous avons fait dans le rapport notre profession de foi sur les nullités. Non seulement nous ne croyons pas pouvoir en proposer à l'Assemblée nationale, pour des lois purement fiscales, mais nous avons déclaré même que nous ne pensions pas qu'il fût dans sa puissance de prononcer des nullités pour des contraventions à ces lois. Notre principe sur ce point a été que des nullités de ce genre ne dégagaient point la conscience des honnêtes gens ; que la loi était nulle à leur égard, tandis que les malhonnêtes gens se prévalaient de ces nullités pour voler effrontément à la face de la loi même. Ils étaient dans cette position que, forcés de reconnaître le titre qu'on avait contre eux et par conséquent leur dette, ils disaient : je ne la payerai pas, et la loi m'y autorisé j ce qui est dire positivement : je vous vole et la loi m'y autorise. C'est d'après ces principes que nous nous sommes bien gardés, Messieurs, de vous proposer rien qui touchât à la nullité. Nous avons en cela purgé notre loi de tout ce que la loi sur le timbre, proposée aux notables en 1787, présentait de monstrueux et de révoltant. Mais des expéditions ne sont pas dans le même cas que des actes ; on peut prononcer la nullité de l'expédition sans prononcer la nullité de l'acte. II résulte de la nullité de l'expédition ce seul inconvénient que l'expédition est déchirée et n'existe plus et qu'il faut prendre la peine d'en recommencer une autre. Voilà le véritable sens de la partie de notre article qui concerne les expéditions, seul objet à quoi nous avons cru devoir nous permettre de vous proposer d'étendre la nullité.
On ne peut qu'applaudir aux vues très sages, très politiques et morales que vient de présenter M. le rapporteur ; mais puisque telle est son intention, je demande que la loi soit clairement exprimée ou plutôt corrigée en cette partie. Car, on ne saurait se le dissimuler, si l'expédition en vertu de laquelle une saisie se fait est déclarée nulle, il s'ensuit que la saisie faite en vertu de l'expédition est également nulle, à moins que la loi ne le dise. Il faudrait mettre simplement que les expéditions, dans le cas dont
il s'agit, ne pourraient être employées en justice. Par là vous ne dites pas qu'il y a nullité ; mais il résulte que l'officier en contravention en payera la peine.
J'appuie l'amendement qui vient d'être proposé par M. Lanjuioais, et cet amendement est dans les principes qui ont été développés par le comité. M. le rapporteur nous a dit qu'en déclarant un acte nul, c'était donner à un homme de mauvaise foi le moyen de voler impunément. Eh bien, si vous déclarez les expéditions nulles, vous produirez le même effet : car il y a des actes que l'on doit signifier dans tel délai ; si le délai est fatal, l'expédition que vous avez signifiée servant d'original, c'est comme si vous déclariez la minute nulle. Par ce moyen, je demande qu'il n'y ait point de nullité déclarée et que l'on impose telle amende qu'on jugera à propos contre l'officier qui ne se sera pas conformé à la loi, parce qu'alors la peine ne tombera pas sur la partie.
,rapporteur. J'accepte l'amendement.
L'article 11 est, en conséquence, décrété comme suit :
Art. 11.
« Moyennant le payement du droit de timbre et des amendes qui seront ci-après déterminées, selon les cas, tout acte, écrit ou expédition assujetti à être fait sur papier timbré, et qui ne le serait pas, ou serait marqué d'un " timbre différent de celui qui lui est propre, pourra être marqué à l'extraordinaire ou visé. »
Je rappelle à l'Assemblée que l'ordre du jour est la suite de la discussion sur les jurés, qui a été ajournée à aujourd'hui. Plusieurs membres demandent que cette discussion soit de nouveau ajournée à demain onze heures, pour ne pas interrompre le décret du timbre. (Cette motion est adoptée.)
,rapporteur. Messieurs, on peut diviser en deux parties ce qui vous reste à décréter dans le projet de décret qui est sous vos veux. La première partie, composée des articles 12, 43 et 14, constitue véritablement le code pénal, relatif à la perception du droit de timbre. Tous les articles subséquents ne sont que des précautions nécessaires ou qui nous ont paru l'être pour assurer l'exécution des peines et par conséquent de la loi, et le produit qu'on en attend pour le Trésor public. Il nous a paru qu'il ne suffisait pas de prononcer des peines, mais qu'il fallait encore en assurer l'application et trouver, dans des moyens de secours auxiliaires, de quoi assurer l'application même de la peine. C'est pourquoi nous vous proposons l'interdiction d'un an, outre l'amende de 1,00(3 livres en cas de récidive.
Ce dont je me plains le plus, c'est de la rigueur de cet article. 31 serait en vérité trop malheureux d'être obligé de payer 300 livres ou 1,000 livres pour s'être trompé d'une seule ligne et d'être encore interdit de ses fonctions. Un officier public qui aura beaucoup de secrétaires et beaucoup d'expéditions à faire faire ne pourra suffire à les vérifier, et sera né- cessairement obligé de s'en reposer souvent sur ses secrétaires. Je propose de réduire l'amende à 30 francs.
,rapporteur. J'observe à l'Assemblée que si elle veut que son droit produise, elle doit faire tout ce qui est nécessaire. Un fonctionnaire ou officier public exerce en quelque sorte une magistrature qui doit être auxiliaire de la loi; il a paru au comité devoir être plus puni qu'un autre, parce qu'il ne peut pas prétendre ignorer Aa loi et qu'il est chargé non seulement de suivre la loi, mais encore d'en surveiller l'exécution. Il est véritablement plus coupable que tout autre, lorsqu'il tombe en contravention,
Je retire mon amendement.
le demande la parole pour reproduire cet amendement et voici pourquoi : je prétends que toutes les fois qu'on veut qu'une loi pénale soit exécutée, il faut qu'elle soit proportionnée à ce quelle punit. Quand les peines sont d'une sévérité trop disproportionnée, il ne se trouve point de juges pour exécuter la loi et ils la violent par scrupule de eonscience. Dans le cas actuel, je dis que vous ne trouverez point de juge qui puisse, en sa conscience, condamner un officier public pour 'avoir mis quelques mots de plus ou de moins. Je demande donc que l'amende soit tout au plus de 30 livres.
Je demande également qu'on supprime l'interdiction portée pour le cas de récidive.
Il n'est pas possible de condamner un officier de justice pour mettre quelques lignes de trop.
Je demande à M. le rapporteur si un officier de justice sera condamné pour avoir mis vingt et une lignes au lieu de vingt ?
Il vaut mieux s'occuper à rendre les délits impossibles qu'à les punir; si l'administration du timbre raye sur chaque page de papier qu'elle vendra le nombre de lignes que chaque page doit contenir, il n'y aura plus de fraude, il ne faudra plus de peine.
J'invoque la question préalable sur l'amendement; vous ne pouvez faire de vos agents pour le timbre des marchands de papiers.
Nous vous proposerons une nouvelle rédaction en termes techniques au premier jour. Ajournons cette disposition.
Je demande qu'on mette aux voix l'amendement. Je suis étonné qu'on n'ait point fait observer que la rayure du papier fera que le paysan, .toujours trompé par l'astuce publique, verra parfaitement s'il est trompé. Un membre demande que l'officier public soit rendu responsable des dommages et intérêts envers le particulier dont les intérêts auront-été compromis dans l'acte. La discussion est close et l'article 12 est décrété en ces termes:
Art. 12.
« Tout officier ou fonctionnaire public qui, dans la minute ou l'expédition de quelque acte civil ou judiciaire, aura commis une contravention au présent décret, sera responsable des dommages-intérêts des parties, et en outre condamné a une amende de 100 livres pour la première fois, et de 300 livres en cas de récidive ; sont exceptées de la présente disposition les contraventions à l'article 1, pour chacune desquelles il ne sera prononcé qu'une amende de 30 livres. »
L'article 13 est adopté, sans discussion, comme suit: Art. 13. .
« Tout particulier qui ne se sera pas servi de papier timbré pour les actes privés, registres, pièces et écritures qui y seront assujettis, et autres que des lettres de change et mandements de payer dont il sera fait mention dans l'article suivant, sera condamné à 30 livres d'amende, et sera tenu d'acquitter cette amende, de faire timbrer ou viser ces pièces, actes ou écritures, et de payer le droit de timbre avant de pouvoir en faire usage en justice, à peine de nul^-lité de toute procédure et de tout jugement et exécution qui pourraient avoir lieu en conséquence. »
Il est donné lecture de l'article 14.
,rapporteur. Le suffrage d'un honorable membre instruit des détails du commerce, M. Le Gouteulx, nous a confirmé la bonté de cet article en nous assurant que nous avions trouvé le moyen le plus efficace de faire, payer les lettres de change sans violer la liberté et la propriété en recourant aux moyens de nullités adoptés par les notables. En effet, la théorie de l'article est extraordinairement simple. Nous avons voulu que le tireur se mit toujours en règle et écrivît toujours son effet sur du papier marqué. Pour lui intimer cette constante* volonté, nous avons voulu qu'il ait toujours devant les yeux les risques de l'amende. Pour augmenter la probabilité delà condamnation, les endosseurs seront intéressés à présenter la lettre de change à l'enregistrement et au droit du timbre, sous peine d'amende, sans quoi l'endosseur ne voudrait jamais le faire. Le tireur, sur qui porterait l'amende du sixième du montant de la lettre de change, serait en droit de dire à l'endosseur qui l'aurait dénoncé : « Vous avez trahi ma confiance gratuitement. » Pour parer à cet inconvénient, nous avons intéressé l'endosseur à faire cette dénonciation, qui. par là, perd tout son odieux. L'amende sera payée moitié par Je tireur comme auteur de la contravention, moitié par les endosseurs. Par ce moyen, nous évitons la peine de nullité, également odieuse et immorale et nous parvenons efficacement à obliger les tireurs à faire toujours leurs lettres de change sur papier timbré.
Une pareille imposition doit être en général supportée de bon gré par tous les négociants et elle le sera, j'en suis sûr ; mais aussi s'ils sont fidèles à acquitter ce droit, ils doivent désirer qu'on écarte tout ce qui peut leur être préjudiciable. Lorsqu'on a agité l'article des lettres de change j'ai demandé une exception pour celles venant de l'étranger. Le rapporteur a fait valoir comme moyen de réfutation que ces lettres payaient un droit de timbre en Angleterre; je me suis informé du fait auprès de deux Anglais résidant à Paris. Voici la réponse de l'un d'eux ; « Les lettres de change tirées de l'étranger sur l'Angleterre ne sont point sujettes au timbre. Lorsqu'il fut question de créer cet impôt, on fit la même erreur en Angleterre que l'Assemblée nationale vient de faire à ce sujet; mais sur les représentations du commerce, il fut supprimé dès son origine. » Le second m'écrit : « Les lettres de change tirées de l'étranger sur l'Angleterre ne sont sujettes à aucun droit de timbre; ce ne sont que celles faites en Angleterre qui y sont sujettes. Mais ce droit se perçoit de manière qu'il ne cause ni entraves ni préjudice au secret si indispensa-blement nécessaire au succès des affaires.Les négociants n'ont point en vue de favoriser le faux en général; la Révolution leur est trop favorable pour qu'ils se refusent à l'impôt; mais ils doivent désirer facilité et célérité dans leurs opérations. A ce sujet, je vous rappellerai ce que je vous ai dit, que l'embarras du timbre occasionnera des retards dans Renvoi des lettres de change, si on oblige l'accepteur à les y porter avant de les expédier. La formalité du timbre peut empêcher de profiter du courrier; elle entrave la circulation et peut faire manquer d'excellentes opérations chez l'étranger. J'espère donc que, sur les représentations qui vous seront faites inévitablement par le commerce, non pas vous dis-je, pour refuser l'impôt, mais bien pour faciliter vos rapports avec l'étranger, vous aurez égard à mes observations. Ce qu'il y a de vrai, c'est ce que ces lettres ne sont point sujettes au timbre en Angleterre, d'après le témoignage de deux Anglais dont M. fioinn est très connu.
,rapporteur. Votre comité a été guidé par les principes avant de se décider par des exemples; mais il s'est confirmé dans les principes en apprenant que l'Angleterre lui donnait l'exemple de ce qu'il vous propose. Nous avions, Messieurs, lorsque nous avons fait cette opération, un tarif en anglais et une traduction ; if est porté positivement une taxe pour les lettres de change venant de l'étranger.
Je suis peu versé dans les affaires du commerce, aussi est-ce avec timidité que je vous propose un avis. Pour obvier au retard de l'expédition des lettres de change, je penserais que quand leur aftluence serait telle qu'on ne pourrait les faire timbrer, les banquiers qui les recevraient prendraient copie et note des sommes et mettraient eu sus de l'endossement, Le timbre garanti par moi. Alors ils représenteraient la copie qu'ils en auraient faite et on en ferait une espèce de procès-verbal à leurs dépens. (Interruptions.)
,rapporteur. M. Le Couteulx s'est trompé. Le tarif des lettres de change sur l'étranger est formel. Voici nos titres; je lis ces mots : Toute traite ou billet au-dessus de 1,200 livres, lettres de change tirées sur l'étranger, quelle que soit leur valeur, douze sols.
Je ne dispute pas l'authenticité de cet acte; mais il ne fait rien contre moi, car j'ai avancé que le tarif avait été réellement créé et c'est un exemplaire fait lors
de sa création que l'on produit ici; mais aussi ce tarif fut aussi supprimé dès son origine. (Interruptions.)
,placé à la droite. Il n'est pa^ d'usage dans l'Assemblée de revenir sur un décret; il est très clair que c'est l'intérêt particulier qui milite ici contre l'intérêt général.
Vous n'êtes pas à votre place, monsieur; à l'ordre!
Pourquoi l'Assemblée agirait-elle avec plus de rigueur envers le négociant qu'envers un autre citoyen? L'amende d'un dixième de la valeur d'une lettre de change est exorbitante, je demande qu'elle soit réduite et uniforme.
,rapporteur. Dans ce cas-là, les négociants pourraient calculer s'il ne leur serait pas plus avantageux de subir l'amende que de se soumettre au droit. Si par exemple, sur cent lettres de change, il n'y en avait qu'une de protestée et que l'amende ne fût qu'à 36 livres ou deux louis, leur intérêt leur suggérerait de se laisser condamner. Plusieurs membres : Aux voix ! L'article 14 est mis aux voix et adopté comme suit:
Art. 14.
« Les porteurs de lettres de change et autres mandements de payer, non marqués du timbre auquel ils sont assujettis, ne pourront les endosser qu'après les avoir fait timbrer à l'extraordinaire ou viser.
« Les tireurs, endosseurs et accepteurs de lettres de change et mandements de payer faits en France, et non timbrés du timbre auquel ils sont assujettis, les endosseurs et accepteurs de pareils effets venant de l'étranger, seront condamnés solidairement au payement du droit et à l'amende du dixième du montant de ces effets.
« Le droit de timbre et moitié de l'amende du dixième seront supportés, pour les effets tirés de France, par le tireur; le surplus de l'amende, par l'accepteur et les endosseurs domiciliés en France; et pour ceux tirés de l'étranger, le droit et moitfé de l'amende, par le premier porteur domicilié en France qui aura endossé ou accepté, le surplus de l'amende par les accepteurs et. endosseurs domiciliés en France. Les effets non timbrés ne pourront être reçus à l'enregistrement à peine de 50 livres d'amende contre les receveurs du droit d'enregistrement, ni produits en justice, à peine de nullité 4e toute procédure et de tout jugement et exécution qui pourraient avoir lieu en conséquence.
« Les porteurs de pareils effets, qui les feront timbrer à l'extraordinaire ou viser, feront l'avance du droit et de l'amende, et auront leur recours contre les tireurs, accepteurs et endosseurs. »
L'article 15 est adopté, sans discussion, en ces termes : Art. 15.
« Les préposés de la régie ne pourront, à peine de 50 livres d'amende, admettre à l'enregistrement des expéditions d'actes judiciaires, si elles ne sont dans les formes réglées par le présent décret.
« Ils ne pourront, sous la même peine, admettre à l'enregistrement aucun exploit, signification et autres actes de poursuites faites en exécution d'expéditions délivrées par les notaires, si ces expéditions ne sont représentées et ne sont dans les formes prescrites.
« Ils ne pourront, sous la même peine, enregistrer aucun des actes, pièces et écritures soumis au timbre, s'il n'est timbré du timbre auquel il est assujetti, et s'il y a plusieurs actes écrits sur une même feuille, ou que cette feuille ait déjà servi.
« Ils ne pourront enfin, et sous les mêmes peines, admettre à la formalité de l'enregistrement les protêts de lettres de change et mandements de payer, que sur la représentation de ces effets en bonne forme. »
Je demande que la peine d'interdiction, portée par l'article 16 contre les huissiers et officiers servant près des tribunaux, soit supprimée. Vous ne l'avez pas admise pour d'autres ofliciers dans un article précédent.
Si vous n'infligez ppint de peine, vous n'aurez point d'impôt indirect. Une troisième contravention doit être punie, parce qu'il y a tout à présumer qu'elle n'est pas une inadvertance et une erreur.
Il faut punir la récidive quand on a lieu de croire qu'elle est coupable ; mais pourrait-on regarder comme tel un officier public qui, dans l'espace de trente ans, aurait fait trois fautes? Je voudrais donc qu'il fût dit dans l'article : Pour récidive dans la même année, à compter de l'époque de la faute. Cette dernière motion est adoptée et l'article 16 est décrété comme suit :
Art. 16.
« Aucun huissier ni officier servant près des tribunaux ne pourra faire de significations, poursuites et exécutions, en vertu d'expéditions informes, tant d'actes civils qUe d'actes judiciaires ni protêts, exploits ou significations pour raison d'effets, actes, titres, pièces, écritures sous signature privée, assujettis au timbre et qui ne seraient pas marqués de celui auquel ils sont assujettis ; et en cas de contravention, il sera condamné en 50 livres d'amende pour la première fois, et 500 livres d'amende pour la seconde; et en cas de seconde récidive dans la même année à compter de, la première contravention, à 500 livres d'amende et à l'interdiction pour un an ; il sera tenu, en outre, des dommages-intérêts des parties pour raison des nullités prononcées par les articles précédents. »
L'article 17 est adopté, sans discussion, en ces termes : Art. 17.
« Aucun juge ou officier public ne pourra coter et parapher les registres assujettis au timbre par le présent décret, si les feuilles n'en sont timbrées, et ce, à peine de 500 livres d'amende pour chaque contravention, et de 1,000 livres et interdiction pour un an, en cas de récidive. »
Un membre. Je demande, par amendement à l'article 18, que les juges soient tenus aux dommages et intérêts des parties, s'ils condamnent sur des pièces qui ne sont pas timbrées.
Je demande au préopinant si le
juge vérifie, à l'audience, les pièces sur lesquelles il juge? Quand il aura répondu, j'appuierai son amendement ; mais comme il ne pourra le faire, je demande la question préalable. (La question préalable est adoptée.) L'article 18 est décrété comme suit :
Art. 18.
« Les juges n'auront aucun égard aux effets de commerce, actes, pièces, écritures, registres et extraits d'iceux soumis au timbre par le» articles précédents, s'ils ne sont écrits sur papier marqué du timbre auquel ils sont assujettis ; ils ne pourront rendre de jugement sur ces actes, à peine de nullité de leurs jugements, de toutes poursuites et significations faites en conséquence. Les commissaires du roi, près des tribunaux, veilleront à l'exécution du présent décret. »
Il est donné lecture de l'article 19.
L'indulgence avec laquelle l'Assemblée a écouté l'amendement concernant les mineurs, que j'ai appliqué par inadvertance à un autre article, me fait présumer qu'elle ne voudra pas les assujettir au droit de timbre pour tous les actes. Ce serait ajouter encore au malheur qu'ils ont d'être orphelins une surcharge dont sont exempts les autres citoyens; car on sait que les particuliers ne sont pas obligés de tirer quittance de toutes leurs dépenses, ni de produire en justice leurs quittances ou leurs actes, et que le tuteur y est obligé par la loi.
,rapporteur. C'est à l'Assemblée à juger cet amendement. Nous n'avons pas cru devoir faire d'exception, parce qu'une exception conduit presque toujours à une autre. D'ailleurs il y a des mineurs très riches. (Il n'est pas donné suite à. cette motion.) Un membre. Dans nos églises» nous devons avoir un registre en papier timbré et un en papier mort, pour les actes du mariage. Ces deux registres sont commencés du mois de janvier. Je demande que par exception, celteannée-ci seulement, ces registres servent.
,rapporteur. J'adopte l'amendement pour l'année 1791.
La première partie de l'article permet de mettre plusieurs quittances sur un même papier; le second alinéa semble assujettir à des peines ceux qui auraient fait des quittances de la même espèce. Je crois que le louche disparaîtrait en mettant, d'une part, les quittances de 25 livres et au-dessous; de l'autre, les quittances de 25 livres et au-dessus, qui se trouveraient être sur le même papier.
,rapporteur. J'adopte l'observation ; mais il faut une nouvelle rédaction. La voici :
Art. 19.
« Seront exceptées des dispositions du présent décret les quittances sous signature privée, entre particuliers, de créances de 2& livres et au-dessous, lesquelles pourront être sur papier non timbré. Il ne pourra être donné plusieurs quittances sur une même feuille de papier timbré pour acompte d'une seule et même créance, ou d'un seul terme de fermage ou loyer*
« Les quittances au-dessus de 25 livres qui seront données sur une même feuille de papier timbré n'auront pas plus d'effet que si elles étaient sur papier libre, et les particuliers qui voudront faire usage desdites quittances seront assujettis aux mêmes peines que pour les actes écrits sur papier non timbré.
« Seront pareillement exceptés les copies des pièces de procédure criminelle qui, aux termes de l'article 14 des décrets des 8 et 9 octobre, doivent être délivrées sans frais et sur papier non timbré à l'accusé, et les registres des églises, pour l'année 1791 seulement. » (Cette rédaction est adoptée.) Les articles 20 et 21 sont ensuite décrétés,sans, discussion, comme suit : Art. 20.
« La régie fera afficher, dans chaque bureau de timbre, le présent décret avec le tarif joint et l'empreinte des différents timbres qui seront en usage, à peine de 100 livres d'amende pour chaque contravention. Art. 21.
« L'Assemblée nationale charge ses comités de Constitution, de jurisprudence, criminelle et des contributions publiques, de rédiger un projet de décret concernant les peines à infliger aux contrefacteurs de timbres et papiers, et à ceux qui feraient commerce de papier timbré, sans y avoir été autorisés par la régie. »
Je demande que les expéditions des actes du Corps législatif soient exceptées de l'imposition du timbre. (Cette motion est adoptée.)
,rapporteur. Le comité rédigera un article sur cet objet.
fait lecture à l'Assemblée d'une lettre de M. Bailly, maire de Paris, qui annonce trois adjudications de biens nationaux faites par la municipalité, le 7 de ce mois; la première, d'un terrain, quai Saint-Bernard, loué 176 livres, estimé 2,940 livres, adjugé 6,400 livres ; la seconde, d'une partie de terrain au même lieu, louée 427 livres, estimée-7,125 livres, adjugée 12,300 livres; et la troisième, d'une autre partie de terrain au même lieu, louée 362 livres, estimée 6,035 livres, adjugée 10,4001i-vres.
députés du département de la Creuse, absents de l'Assemblée par congé, constatent leur retour, en déposant chacun leur congé sur le bureau.
fait lecture à l'Assemblée d'une lettre de M. Papin, curé, député, commissaire aux assignats, dans laquelle, après s'être plaint d'une inculpation calomnieuse qui lui a été faite dans un papier public, il prie l'Assemblée de vouloir bien agréer sa démission de cet emploi, l'état actuel de sa santé ne lui permettant pas d'en remplir les fonctions. (L'Assemblée n'accepte pas sa démission et passe à 1 ordre du jour.)
,rapporteur, fait lecture du tarif de l'impôt du timbre.
Ce que je vais avoir l'honneur
de vous proposer me parait si important, qu'il réclame vos regards et votre attention. Je vous S rie de me permettre de lire quelques lignes a rapport du comité d'imposition. Avant de passer à ma motion, voici ce que M. de La Rochefoucauld vous a dit an nom du comité : « Messieurs, votre comité de l'imposition at-« tendait,pour vous présenter le tableau complet « des moyens par lesquels vous pourriez pour-« voir aux besoins de cette année 1791, que vous « eussiez celui des dépenses pour lecours de cette « même année qui va s'ouvrir. Mais quoique l'im-« mensi té de vos travaux et les difficultés qu'ont « éprouvées ceux de vos comités qui sont chargés « de vous présenter la fixation des différentes par-« ties ne vous aient pas permis encore de statuer « définitivement sur la somme totale de ces beat soins,ni sur la distribution des dépenses entre le « Trésor public et les départements, cette somme n'a cependant pas été assez discutée sur l'ap-« proximation, pour que vous vous déterminiez « sur les moyens de pourvoir à cette dépense. « Vous avez donc dû ordonner à votre comité « de l'imposition de vous soumettre l'impôt gé-« néral,afin d'appeleri'attention de tous les mem-« bres de l'Assemblée et de provoquer toutes les « lumières sur une discussion aussi importante « au salut public. Votre comité s'empresse de « vous obéir, et malgré la brièveté de l'intervalle « entre vos ordres et leur exécution, il tâchera « de les remplir d'une manière suffisante pour « que la discussion puisse s'ouvrir, se réservant « seulement de vous développer plus en détail, « dans le cours de cette même discussion sur le » plan général, les motifs d'après lesquels il a « adopté l'ensemble et les différentes parties du a plan qui vous est proposé. » D'après cela, avant de mettre en délibération le projet de tarif sur le timbre, je demande la permission d'observer que leptan de l'imposition présenté pour l'année 1791, loin d'offrir un système propre à ranimer la confiance, en présentant une égalité dans la recette et la dépense, et l'assurance de voir ensuite disparaître le déficit de 50 à 60 millions que nous avons été appelés à combler, ne laisserait au contraire à la France étonnée que la certitude, si dangereuse dans ses conséquences, de voir l'Assemblée nationale adopter un déficit réel de plus .de 100 millions entre la recette et la dépense, même en imposant, comme le propose le comité, sur les terres l'effrayante taxe de 300 millions. J'offre, Messieurs, de prouver cette assertion dans toute la rigueur des termes, et de démontrer: 1° que le tableau du comité offre l'anéantissement d'unesommeénorme de capitaux, savoir : contribution patriotique, 35 millions ; caisse des Américains, 4 millions : rente des tabacs, sels en magasinset vins, 20 millions 500,000 livres : total 59,500,000 livres ; 2° que la dépense de la mendicité qui est dans le plan du comité, le montant des erreurs sur les évaluations du déficit faites par tes comités, les droits d'enregistrement, les douanes et les forêts nationales amèneraient un déficit de 103 millions. D'après cela, je demande. Messieurs, que le tarif du timbre et la délibération sur les droits de licence soient ajournés, jusqu'à ce qu'une discussion éclairée sur l'ensemble général de nos ressources nous ait déterminés sur les bases de ce tarif. Je ne prétends pas augmenter d'une manière exagérée le tarif du timbre, je pense, au contraire, qu'il doit être contenu dans des bornes modérées ; mais il est temps de ne plus marcher en aveugles et de ne nous occuper des détails qu'après avoir pris une opinion sur l'ensemble : car, Messieurs, si vons n'admettez aucun impôt indirect sur les consommations, vous serez également obligés, et d'écraser les terres, et de forcer ce tarif pour arriver à des recettes proportionnées aux besoins. Je demande donc l'ajournement de la délibération sur le tarif, après la discussion du plan général de perception proposé par le comité.
Ce n'est pas le moment de répondre à toutes les objections que le préopinant vient de faire contre les plans qui ont été présentés. Votre comité y répondra lorsque la discussion s'ouvrira sor cet objet, il appuiera ses différentes assertions de preuves qui ne seront point susceptibles d'objections. Mais j'observe que le système proposé par M. de Delley s'opposerait absolument aux progrès de vos travaux, puisqu'il ne veut pas même que vous vous occupiez d'aucun détail du plan avant d'à voir délibéré sur l'ensemble, sur lequel cependant la connaissance des détails du plan vous est absolument indispensable. Le préopinant ne veut pas que vous vous occupiez des droits de licence, li faudra cependant bien qu'on vous fasse un rapport sur ce3 droits, que vous sachiez ce que seront ces droits avant que vous puissiez délibérer sur l'ensemble. Quant au tarif du timbre en particulier, je vous observerai que vous avez décrété que ce droit commencerait à être perçu le 1er avril. Il y a des préparatifs nécessaires : fabrication de papier, fabrication de timbre ; ces préparatifs-là exigent au moins deux mois. Plus vous retarderez la discussion et plus vous retarderez la perception. Je demande donc que la motion de M. de Delley soit réduite à ceci : il sera très incessamment statué sur le tarif du timbre et sur le tarif des douanes aux frontières.
Nous ne devons imputer l'insuffisance de vos résultats qu'à fa marche irrégulière que nous avons suivie jusqu'ici. Vous avez demandé à votre comité de l'imposition un plan complet d'impôt. Votre objet, en le demandant, a été d'examiner les bases sur lesquelles vous pourrie z établir un impôt suffisant pour nos besoins. Vous direz alors : le droit du timbre doit produire tant, ou celui de licence, si vous l'adoptez»
Je ne crois pas que la proposition de M. de Delley puisse être admise dans son entier; mais je ne pense pas non plus qu'elle ne soit réellement digne de votre attention* Il est certainement indispensable de nous occuper actuellement du tarif du timbre: nous avons suffisamment décrété qu'il y aurait un impôt sur le timbre, au moment où nous avons commencé de décréter les premiers articles du plan qui y est relatif. Aujourd'hui la délibération sur le tarif est absolument indépendante du plan d'imposition dont nous aurons à nous occuper après. Premièrement, quelle que soit la masse de nos besoins et les moyens par lesquels nous pourrons y subvenir, il est un terme au delà duquel nous ne devons pas porter ce même timbre. Nous savons suffisamment d'avance que nos besoins sont assez grands et nos ressources assez difficiles pour que nous portions ce même tarif aussi haut qu'il peut l'être sans nuire à l'industrie et sans tarir les sources de reproduction.
Aussi , n'avons-nous pas besoin de matières ultérieures pour nous déterminer sur le point auquel ce même tarif sera porté. Retarder aujourd'hui la délibération, ce serait faire naître de très grandes inquiétudes, puisqu'on pourrait croire que nous voulons porter sur ce même impôt la totalité de ce qui manquera à nos moyens de subvenir aux besoins^ - Je ne pense pas moins, avec M. de Delley que, lorsque nous aurons décrété le tarif du timbre, il sera indispensable de nous occuper immé-diatement, non pas des différents impôts que nous propose en détail le comité, mais de l'ensemble du plan, car il pourrait bien arriver qu'en vous menaut ainsi de détail en détail, en vous faisant décréter l'impôt sur les licences, on nous fît rejeter un autre impôt que nous aurions trouvé nécessaire. . Je m'étonne, avec le préopinant, que le comité ait absolument éloigné de son plan toute espèce de ressource, fondée sur les impôts de consommation. Je ne puis pas concevoir comment, lorsque l'Assemblée nationale l'a formellement chargé ae présenter un plan pour 1e remplacement de l'impôt du tabac, on ne trouve dans le plan du eomité aucune espèce de remplacement, fondé au moins sur une espèce d'impôt qui se rapproche de celui qu'on veut supprimer. Je ne m'étonne pas moins,quelque éloigné que je sois de toute espèce de loterie, quelque immoral que me paraisse en général cet impôt, quelque désir que j'aie en moi de voir très promptement s'évanouir cette sorte de ressource, je suis étonné de ne pas la voir placée, au moins pour la première année, dans l'état des moyens de survenir à nos beëoins, que nous présente le comité. . Je vois parfaitement, avec M. de Delley, qu'en portant dans son plan l'imposition territoriale à la somme vraiment effrayante de 300 millions, au moins dans les premiers moments,il ne subvient pas cependant réellement à la totalité de nos besoins. J'eu conclus donc qu'il y a véritablement une imperfection, puisqu'il surcharge les terres au moins au niveau, et peut-être au delà de ce qu'elles doivent supporter, et que cependant il n'arrive pas à la totalité du résultat auquel nous devons atteindre. Je ne puis pas donner plus d'extension aux vices, des détails de ce même plan ; mais il me paraît sulfisamment établi que, du moment que l'Assemblée aura décrété le tarif du timbre, qu'elle aura porté à la hauteur où il peut être,sans gêner l'industrie et la source de la reproduction, elle doit s'occuper immédiatement de la discussion de l'ensemble du plan, c'est-à-dire de l'adoption générale des différentes natures d'impôts qui sont à établir, ou de la substitution et addition des autres impôts dont il n'a pas parlé; car avant tout,il faut vous assurer d'atteindre ce niveau de la recette et de la dépense, sans charger l'agriculture de manière à tarir, d'une part, cette importante source de richesse, et, d'autre part, à porter le mécontentement, à porter une méfiance injuste chez ceux dont nous avons voulu faire particulièrement le bonheur, les agriculteurs qui se sont montrés les plus véritables, les plus constants, les plus essentiels soutiens de la Révolution. Nous devons faire supporter à cette nature d'impôts tout ce qui sera nécessaire à nos besoins, mais nous ne devons pas aller au delà; et nous devons conséquemment, avant de prendre un parti à cet égard, nous assurer véritablement de la totalité de nos ressources. Je demande donc que l'Assemblée continue à s'occuper du projet du timbre et délibère sur le tarif, et qu'immédiatement après ce plan elle s'occupe, avant de passer à des détails, de la discussion du plan général et de la subdivision générale des impositions qui lui ont été présentées par le comité. ( Vifs applaudissements.)
Je retire ma motion et me réfère à celle de M. Barnave.
Cette motion est bonne, et je crois qu'il est impossible que le comité lui réponde, parce qu'on ne répond ici jamais à la raison. (On rit.) Tous les objets susceptibles de tarif n'ont pas été compris dans le plan du comité, par exemple les dés, les cartes, les actions de la Caisse d'escompte. Je demande que tous ces objets soient compris dans le tarif.
,rapporteur. Il était inutile que M. Barnave mélàt à sa motion des choses étrangères et des reproches sérieux contre le comité. Le premier projet d'aides a été rejeté par des murmures. Nousenavons fait un second, distribué endroits de licence et en droits d'entrée des villes. . Nous le présenterons. Quant au tabac, notre plan a été ajourné seulement. Cet impôt a été remis à un àutre temps; mais on ne l'a pas rejeté. A l'égard des loteries, quoiqu'elles produisent plus de 12 millions, nous n'avons pas cru devoir conserver cet impôt immoral, qui cause tant de banqueroutes. On nous a reproché des omissions pour la mendicité, qui ne peuvent être imputées qu'au comité des finances ; on peut cependant appliquer, en attendant, le produit des loteries à soulager la classe malheureuse et indigente. J'adopte la motion de M. Barnave, mais je m'élève contre l'assertion injuste que le comité veut surcharger les terres; je suis bien loin de vouloir rien proposer qui soit défavorable à l'agriculture. Nous ne demandons pas mieux que l'on passe au tarif, et que la lice soit ouverte; et c'est là que nous attendons le membre qui nous dit que sa raison n'est point combattable.
La loterie étant un impôt immoral, il est inconcevable de le proposer comme un moyen de secourir la mendicité. L'Assemblée, consultée, décrète qu'après qu'elle se sera occupée du tarif du timbre et ae celui des traites, son comité des finances lui fera un rapport sur les dépenses publiques à faire dans 1e cours de l'année courante, et son comité des contributions publiques lui présentera un plan général des contributions pour la même année.
Messieurs, M. de Montmorin m'a fait parvenir Je serment de M. de
Choiseul, ambassadeur du roi à Turin; celui du sieur Lalande, secrétaire
d'ambassade à la même cour ; celui du sieur Laurent Bernier, ci-devant
de Maligny, chargé d'affaires de France à Genève ; celui de M. F. de
Moustier, ministre plénipotentiaire du roi à Berlin; J. M. de Falciola,
secrétaire de la légation à la même cour; du sieurGabardde Vaux,
secrétaire d'ambassade, chargé des affaires du roi à la cour de Vienne;
du sieur Gastebois de Surlair, secrétaire interprète de l'ambassade à la
même cour, et du sieur Puyabry, chargé des affaires de la marine et du
commerce, par intérim de celles d'Etat à Madrid. ; (Ces différents actes
seront déposés aux Archives nationales.)
Je dois également annoncer à l'Assemblée l'envoi qui m'a été fait,par les membres composant le directoire du département de la Loire-Inférieure, du registre de ses séances, commencé le 14 juin 1790 et fini le 19 octobre suivant, et du registre contenant le procès-verbal de la session du conseil général du même département, commencé le 3 novembre 1790 et Uni le 14 décembre suivant. (Ces deux registres seront déposés aux Archives nationales.)
J'ai reçu de M. Amelot, directeur de la caisse de l'extraordinaire, une lettre dont je vais vous donner lecture :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous prévenir que, conformément au décret de l'Assemblée nationale, du 27 décembre dernier, on a commencé à la caisse de l'extraordinaire, 4 de ce mois, le remboursement des objets compris dans ce décret, ét que, dans les quatre jours de la semaine dernière, ce remboursement s'est élevé à 9 millions 10,554 livres 17 sols.
« Je vous prie, Monsieur le Président, d'en faire part à l'Assemblée ; j'ai pensé qu'il lui serait agréable de voir remplir avec exactitude les engagements que la nation a contractés et de jouir enfin de la tranquillité sur la liquidation de la dette.
« Signé : Amelot. »
J'ai reçu un extrait du procès-verbal de la municipalité de Fontenay-en-Gâtinais, canton de Ferrières, district de Mon-tàrgis, département du Loiret, en date du 1er janvier de cette année.
Ce document est ainsi conçu :
« L'an mil sept cent quatre-vingt-onze, le premier du mois de janvier, vers les dix heures du matin, M0 Jean-Nicolas Despommier, prêtre et curé de notre paroisse, étant à l'autel, immédiatement après l'offertoire, s'est tourné vers le peuple, et, après nous avoir exprimé ses vœux pour nous, à ce renouvellement d'année, a dit :
« Quoique la loi qui ordonne à tous les ecclé-* « siasiiques de prêter le serment civique, requis « par le décret du 27 novembre dernier, ne soit « pas encore publiée dans cette paroisse, j'ai « cru (à l'exemple de plusieurs de nos véné-« rebles confrères, membres de l'Assemblée ûa-« tionale, et de plusieurs autres ecclésiastiques « du royaume) que je nepouvais trop tôt signaler « mon zèle, mon approbation et mon obéissance « à une Constitution qui va, tout à la fois, faire « le bonheur de la France, rétablir la nation dans « ses droits sacrés et imprescriptibles, rendre au « clergé ses mœurs, son zèle et sa piété primi-« tifs, et à notre religion sainte la pureté, la ma-« jesté et la vénération des premiers siècles de « l'Eglise ; en conséquence, je jure,en la présence « des saints mystères (conformément aux décrets « de l'auguste Assemblée nationale) de veiller « avec soin sur les fidèles de la paroisse confiés « à ma garde de les instruire et gouverner « d'après les principes et les règles établies par « la Constitution décrétée par l'Assemblée natio-« naie et sanctionnée par le roi, d'être fidèle à « la nation, à la loi et au roi, de défendre et em-« pêcher de tout mon pouvoir qu'il ne soit porté « atteinte en aucune manière aux lois de l'Etat « et à sa Constitution; protestant à l'avance
« contre toutes protestations qui pourraient être « faites, au nom du clergé de France, contre les « décrets de l'auguste et souveraine Assemblée, et notamment ceux concernant l'organisation « civile du clergé, que je regarde comme le ré-« sultat des vues de la plus haute sagesse, l'ac-« complissement des vœux de tous les conciles « et pères de l'Eglise, et l'unique moyen de ré-« générer saintement l'Eglise de Dieu sur des « débris amoncelés de l'orgueil, de l'ambition, « du faste et de l'oisiveté. »
Puis, retraçant sommairement les bienfaits de la Constitution, et particulièrement la suppression de la dîme et du casuel des ecclésiastiques, il s'est écrié :
« De combien de bienfaits ne sommes-nous « donc pas redevables à nos augustes représen-« tants, à l'Assemblée nationale, ou plutôt au « Dieu, auteur de tous biens, qui les a choisis « pour être les organes et les ministres de sa « bienfaisance envers la nation française! Pou-« vons-nous donc mieux commencer cette an-« née, qu'en nous jetant aux pieds de sa divine « miséricorde pour lui rendre mille actions de « grâces, pour la prier de rétablir la paix entre « nous et nos frères errants et divisés ; de faire « cesser ces proscriptions et ces violences si af-« fligeantes pour la religion et pour l'humanité ; « pour lui demander enfin, pour nos augustes représentants, la santé, la force, le courage et « la patience nécessaires pour achever leurs im-« menses et pénibles travaux, l'œuvre précieuse « de notre régénération morale et politique ; en « conséquence donc, il y aura aujourd'hui, à « l'issue des vêpres, salut, bénédiction, et en-« suite TeDeum, en action de grâces. »
Une voix à gauche. Bravo ! bravo !
« Nous, maire et officiers municipaux et procureur de la commune, certifions le présent extrait exact et sincère.
« A Fontenay, le
« Signé à l'original : Thuret, maire ; Mas-sou, officier municipal; Charles-Daix, procureur de la commune ; Petit, administrateur du district de Montargis; Despommier, curé de Fontenay en Gâti-nois. »
Je demande l'impression de ce document et son insertion eu entier dans le procès-verbal. (Cette motion est adoptée.)
annonce l'ordre du jour pour la séance de demain matin et lève la séance à trois heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de la veille, qui est adopté.
fait lecture d'un discours du ci ré de Triel, près Saint-Germain-en-Laye, dans lequel il expose les motifs de sa soumission à la loi sur la constitution civile du clergé.
Un membre demande et l'Assemblée décrète qu'il sera fait mention de ce discours dans le procès-verbal, ainsi que des applaudissements qu'il a excités.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une adresse du directoire du département du Gard, qui est ainsi conçue (1) :
« Messieurs, lorsque des âmes fortement pénétrées de l'amour de la patrie, et pleines d'estime et d'admiration pour les' vertus civiques auxquelles la France doit sa régénération, entendent des âmes qui leur répondent, lorsqu'elles sont frappées des accents de la liberté, prononcés par la voie du génie, elles s'agitent, elles s'excitent; leur courage s'accroît. Leur enthousiasme s'augmente, leurs efforts redoublent, les difficultés cèdent et s'aplanissent, et leur marche, dans la carrière du patriotisme, acquiert plus d'énergie et de rapidité.
« Tels sont, Messieurs, les sentiments qu'ont éprouvés les administrateurs du directoire du département du Gard à la lecture de l'adresse de l'assemblée électorale du département de Paris à l'Assemblée nationale; et dans l'effusion qui en a été ia suite, ils viennent de nouveau vous apporter l'hommage de leur adhésion solennelle aux principes qui y sont développés, avec le serment de vivre pour s'y conformer, ou de mourir pour les défendre.
« Combien les citoyens de Paris n'ont-ils pas mérité la reconnaissance de la France entière ! Que d'efforts, que de sacrifices ce peuple généreux n'a-t-il pas faits pour la liberté! Il l'a conquise par la valeur, il l'a soutenue par la constance, il la conservera par la sagesse, et tandis que, placés au sein de la capitale, les augustes représentants de la nation ont de bonne heure instruit les citoyens aux vertus des hommes libres; tandis que de bonne heure ils leur ont fait sentir les inappréciables avantages de la Constitution qu'ils créent sous leurs yeux; ceux-là ont à leur tour protégé la sûreté et la liberté de l'Assemblée, ils ont éloigné d'elle les pièges et les dangers sans cesse renaissants; et c'est à cet échange mutuel de lumières et de secours, à cette réunion de forces et de volontés que la Révolution a dû sa naissance et ses progrès, et que l'Etat devra sa gloire.
« Qu'il serait donc à la fois injuste, impolitique et dangereux d'ajouter de nouveaux sacrifices et de nouvelles privations aux privations, aux sacrifices que la capitale s'est imposés pour la félicité de la France; d'en éloigner jamais les assemblées des corps législatifs, de les déplacer de ce centre commun d'où elles doivent imprimer à toutes les parties du royaume le mouvement et l'activité; de les ôter du milieu de leurs premiers, de leurs plus ardents défenseurs, de les séparer, enfin, de ce prince vertueux qui préside à la monarchie.
« Le directoire du département du Gard croit
Un membre propose et l'Assemblée décrète qu'il sera fait mention de cette adresse dans le procès-verbal.
Messieurs, comme il est important d'abréger les discussions de l'Assemblée nationale et que le moyen le plus sûr de les abréger est que, avant de commencer, elle ait sous les yeux les pièces sur lesquelles la discussion peut s'étendre, je demande que l'Assemblée veuille bien ordonner que le travail que M. de Delley annonça hier, sur l'ensemble des contributions publiques.soit imprimé. (Voyez plus haut, séance du 7 janvier, le texte de ce document.) L'Assemblée va reprendre aujourd'hui son grand travail sur les jurés : lorsque ce travail sera fini ou interrompu, elle reprendra celui sur les impositions. Ce sera donc une avance pour elle que d'avoir sous les yeux un travail qui contient des vues différentes de celles de son comité et qui embrasse tous les détails de l'imposition. Le comité de l'imposition a toujours désiré la plus grande publicité; il a désiré qu'elle ne se concentrât pas dans la salle de l'Assemblée nationale; il a désiré que tout fût imprimé, afin que le public entier puisse prendre part à ce travail.
Je fais une annotation: c'est que la demande de l'impression et de la distribution ne soit pas un prétexte pour que la lecture n'en ait pas lieu à la tribune, comme il est arrivé de plusieurs rapports : car il est essentiel que ceux qui n'ont pas lu ce travail, ou qui ne s'en rappellent pas, en aient connaissance au moment de la délibération. (La motion de M. de La Rochefoucauld est adoptée.)
J'ai reçu de M. le ministre de la justice une note relative à la sanction de divers décrets par le roi; cette note est ainsi conçue : « Le roi a donné sa sanction, le 2 de ce mois : « 1° Au décret de l'Assemblée nationale, du 27 décembre, sur l'ordre delà délivrancedes mandats à l'administration de la caisse de l'extraordinaire, et sur celui des payements à la même caisse ; « 2° Au décret du même jour, portant que le directeur général du Trésor public est autorisé à établir, sous sa direction et sa surveillance, un bureau de correspondance générale avec les receveurs des districts ; « 3° Au décret du 28, qui, en improuvant les dispositions de différents arrêtés pris par le directoire du département de l'Ariège, renvoie la connaissance des abus et extensions de pouvoirs imputés au sieur Darmaing, maire de la ville de Pamiers, des troubles qui en ont éié la suite, devant les juges du district de Toulouse, et suspend provisoirement le sieur Darmaing de ses fonctions de maire; « 4° Au décret du 29, relatif à l'administration
des fabriques, et portant que le conseil municipal de la ville de Paris est autorisé provisoirement à réduire le prix des chaises ; « 5° Au décret du 1" janvier présent mois, relatif, tant à l'un des deux régiments en garnison à Montauban, pour y maintenir le bon ordre, Su'au droit que la Constitution donne au roi d'or-onner les mouvements des troupes; « 6° Et le 5 du même mois, au décret du 11 décembre, portant qu'il sera établi des tribunaux de commerce a Granville et à Arles; union,à la municipalité de Granville, du port de Granville, du Roc, des faubourgs de Saint-Nicolas et de Douville ; qu'il sera nommé treize juges de paix dans le canton de Bordeaux, un à Tulle, et fixe les.limites de ceux du canton d'Argenteuil; « 7° Au décret du 22, portant que toute présentation de comptes aux chambres des comptes cessera de ce jour ; « 8° Au décret du même jour, relatif au traitement des vicaires supérieurs et des vicaires directeurs des séminaires diocésains ; « 9° Au décret du 23, relatif à la liquidation du rachat des rentes ci-devant seigneuriales, et des droits casuels dépendant des ci-devant fiefs, appartenant à ta nation ; « 10° Au décret du même jour, concernant le métal et la forme du bouton uniforme des gardes nationales de France ; « 11° Au décret du même jour, concernant la nomination d'un nouveau receveur du district de Saint-Pons, ou la confirmation de celui déjà nommé; « 12° Et enfin au décret du même jour, concernant l'exécution des contraintes à décerner par les receveurs. « Le ministre de la justice transmet à M. le président les doubles minutes de ces décrets, sur chacune desquelles est la sanction du roi.
« Signé : M.. Lu-F. ÛCPORT.
« Paris, le
annonce que dans le district de Saint-Quentin, départemement de l'Aisne, la première adjudication des biens nationaux, estimée à 66,000 livres, a été portée à 125,000 livres.
annonce que, par la première adjudication qui s'est faite dans le district de Clermont-en-Argonne, département de la Meuse, les biens nationanx, estimés à 187,9*52 1. 10 s., ont été vendus 272,125 livres.
annonce que par une adjudication qui s'est faite dans le district de Bar-le-Duc, des biens nationaux, estimés 132,000 livres, ont été vendus 312,000 livres.
,au nom du comité de Constitution. Je vous présente, au nom du comité de Constitution, l'exécution de la loi que vous avez portée; comme elle contrarie l'intérêt particulier d'une ville, je vous demande un moment d'attention, afin que le texte formel de vos décets no soit pas violé par les législateurs eux-mêmes. Deux distractions, deux réunions vous sont proposées par deux départements; les districts intéressés sont d'accord ; le vœu des communes y est conforme; le district d'Aix, partie intéressée, consent à cette distraction; il l'a considérée dans la lettre et l'esprit de vos décrets; mais il expose qu'il est juste de lui accorder une com- pensation par la distraction de quelques paroisses que l'on a unies au district de Marseille, contre l'intérêt des administrés, votre comité vous ta proposera. Le lies de l'Isle-d'Elle est réclamé par l'administration du département de la Vendée; celle de la Charente-inférieure voudrait ie retenir. Les deux assemblées administratives ont eu une correspondance sur cet objet; elle n'a rien produit; mais la nécessité de la perception de l'impôt exige que vous prononciez. Les habitants de PIsîe-d'fille vous supplient de les unir au département de la Vendée; tout est donc en faveur de cette union : car, à Pcx pression de ce vœu se joignent toutes les convenances, limites naturelles de la rivière de Sêvre-Niortaise, rapports commerciaux et habituels, distance moins considérable, et beaucoup d'autres. La troisième réunion est sans difficultés; elle est fondée sur les mêmes principes. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter: « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des assemblées administratives des départements des fioucbes-du-Rhône, de la Vendée et de l'Ariège, décrète ce qui suit : « La commune d'Allauch est unie au district de Marseille, et l'administration du département des Bouches-du-Rhône présentera à l'Assemblée nationale la compensation, tant en population qu'en territoire, de cette distraction du district d'Aix, pour y être statué dans la quinzaine ainsi qu'il appartiendra. « Le lieu de l'Isle-d'Elle est uni au département de la Vendée, et incorporé au district de Fontenay-le-Gomte. « Les communes de Mérigon et de Mauvaisia sont distraites du district de Mirepoix, pour appartenir à celui de Saint-Girons. »
combat la disposition relative à la compensation à accorder au district d'Aix.
appuie la disposition. (Le projet de décret du comité est adopté.)
,au nom du comité de Constitution* Le département de l'Aisne a formé, il y a plusieurs mois, la demande de l'établissement d'un tribunal de commerce à Yervins. Votre comité de Constitution, frappé du fait constant que la population de Vervins ne va pas à trois mille âmes, et de la considération qu'une population de ce genre n'annonce ni une prospérité actuelle, ni des motifs prochains de l'espérer, a pensé crue cette pétition ne devait pas être accueillie. Plusieurs dépjtés se sont plaints de n'avoir pas été entendus avant cette décision ; ils ont fourni des mémoires. Le comité a reconnu que, quelle que soit Exiguïté de la population de Vervins, le commerce du district est considérable ; le département le porte à sept millions; il assure qu'il renferme plusieurs fabriques; et si un tribunal de commerce parait ne pas convenir à la ville de Vervins, on doit regarder au moins comme probable qu'il sera très utile aux commerçants du district qui le demande, et c'est ici la présomption de l'intérêt du plus grand nombre contre l'intérêt d'une ville. Enfin, votre comité a pensé que c'était le moyen de réunir deux villes rivales, de mettre la paix dans cette contrée, qui a été troublée, et qui l'est encore, sur l'intérêt qu'elles ont respectivement soutenu avec beaucoup de chaleur pour le partage des établissements du district, ou pour leur réunion.
Voici le projet de décret sur cet objet, et sur l'établissement de quelques juges de paix : c L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des assemblées administratives des départements de l'Aisne, de l'Aude, de la Meurthe, du Gers, du Pas-de-Calais et de la Haute-Loire, décrète ce qui suit : « Il sera établi des tribunaux' de commerce dans les villes de Soissons, Vervins, Carcassonne, Narbonne, Nancy et Auch. Les juridictions consulaires actuellement existantes dans quelques-unes de ces villes continueront leurs fonctions, nonobstant tous usages contraires, jusqu'à l'installation des juges de commerce qui seront élus, installés, et qui prêteront serment dans la forme établie par la loi. « Il sera nommé trois juges de paix dans le canton de Brest, deux dans celui d'Àrras, un dans ceux d'Aire et Boulogne, trois dans le Ganton de la ville du Puy, deux dans celui de Saint-Omer. « Les ressorts de leurs juridictions seront déterminés et limités par les assemblées administratives de leurs départements respectifs. »
représente que, si l'Assemblée décrète l'établissement d'un tribunal à Vervins, il n'y a pas de petit village qui ne puisse le solliciter aussi et qui n'ait droit de l'obtenir. Un membre répond que, de toutes les villes du district, Vervins est la seule qui demande un tribunal de commerce et que Guise est la seule ville qui le lui conteste, sans en demander elle-même. (Le projet de décret du comité est adopté.)
fait lecture d'une lettré de M. Bailly? maire de Paris, qui annonce que la municipalité de cette ville a fait, le 9 de ce mois, trois adjudications debiensnationaux, la première, d'une maison, rue Picpns, louée 600livres, estimée 22,000 livres, adjugée 22,000 livres; la deuxième, rue du Sépulcre, louée 1,600 livres, èstimée 24,500 livres, adjugée 45,600 livres; la troisième, d'un terrain, rue Notre-Dame-des-Ghamps, loué 200 livres, estimé 2,840 livres, adjugé 12,300 livres.
,au nom du comité d'aliénation, propose le décret suivant : « L'Assemblée nationale, sur le rapport,qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites par les municipalités de Simandre, d'Épernans et la Rougère, Saint-Marcel , Laives et Sermaize, Saint-Veran, Blanot, Cluny, Chalon-sur-Saône, Besouse, Romazan et Dijon, en exécution des délibérations prises par le conseil général, de leurs communes pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont les états sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier ; « Déclare vendre lesdits biens aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 1,056,750 livres 17 sous, Savoir :
« Département de Saône-et-Loire.
A la municipalité de Simandre, pour.....i... 19,105 1. » s. » d,
A celle d'Epernans et la Rougère.,........................157,889 »
A celle de St-Marcel..........132,561 » »
A celle de Laives et Sermaize.....................74,809 6 »
« Département de Saône-et-Loire.
A celle de St-Veran, pour. 14,910 1. » s. » d.
A celle de Blano........ 28,699 » »
A celle de Cluny...........284,612 4
A celle de Chalon-sur- Saône............. .. 321,386 12 10
« Département du Gard.
A celle de Besouse, pour 6,561 1 s. 4 d.
A celle de Domazan.....6,142 17 2
Et à celle de Dijon, département de la Côte-d'Or..................10,073 19 8
« Le tout payable de la manière déterminée par le même décret, suivant les décrets particuliers qui sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour . »
(Ce décret est adopté.)
,au nom du comité des pensions. Messieurs, le comité des pensions me charge de vous présenter un objet qui doit intéresser votre humanité et votre justice. Il y avait, dans plusieurs ci-devant diocèses, des ecclésiastiques qui, soit pour raison de démence, soit pour autre cause, étaient renfermés dans des maisons de sûreté ou de charité. Leur pension était payée par les caisses de.décimes de ces diocèses. Aujourd'hui ces caisses ne subsistent plus. Il n'y a personne pour venir au secours de ces malheureux ecclésiastiques. Ceux qui les ont en pension ne peuvent plus les nourrir et ils sont obligés de les renvoyer. Vous sentez, Messieurs, combien leur état est pressant. D'un autre côté, il y avait aussi des ecclésiastiques très âgés qui, après avoir servi fort longtemps dans le ministère, s'étaient retirés avec de modiques pensions sur les mêmes caisses. Il sera nécessaire d'examiner toutes ces pensions pour savoir à la charge de qui elles doivent être; mais les besoins pressants ne souffrent pas les retards. Il faut provisoirement pourvoir à leur subsistance.
,rapporteur, donne lecture d'un projet de décret. Un membre. Je demande à M. le rapporteur ce qu'il veut dire par ces mots : pour cause de démence ou autre?
,rapporteur. On peut mettre : Ou autre cause légitime.
Il y a plusieurs ecclésiastiques infirmes, soit par la caducité de l'âge, soit par des infirmités, qui étaient sur le point d'entrer
dans les hospices, lorsque la Révolution leur a opposé un obstacle. Il me semble qu'ils mériteraient/de la part de l'Assemblée, la même commisération et les mêmes secours.
Eu conséquence, je propose par amendement qu'il leur soit accordé un léger secours.
L'Assemblée adopte le projet de décret du comité, avec les amendements ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des pensions, décrète que par provision il sera payé aux ecclésiastiques détenus dans des maisons de sûreté ou de charité, pour cause de démence ou autre cause légitime, ainsi qu'aux ecclésiastiques infirmes ou Agés de plus de 70 ans, lesquels jouissaient de pensions et secours, sur la caisse des décimes de leur diocèse, un semestre de la pension ou secours annuel qu'ils recevaient précédemment.
« Le payement de ce semestre sera fait d'avance, mais en deux termes, par les receveurs de district, et l'Assemblée charge ses comités des pensions, des lettres de cachet et de mendicité, ae lui présenter incessamment un projet pour subvenir au soulagement et à l'entretien desdits ecclésiastiques. »
L'ordre du jour est un rapport des comités de l'extraordinaire et de l'organisation de la direction générale de liquidation, au sujet d'une créance réclamée par M. d'Orléans.
,rapporteur (1). Messieurs,vers la fin du mois de décembre dernier, M. d'Orléans, prenant les fait et cause des cessionnaires auxquels il avait transporté ses droits, s'est présenté à M. Amelot pour obtenir le payement d'une créance de 4,158,850 livres, montant de la dot constituée en 1721 à Louise-Elisabeth d'Orléans. Il était porteur d'un avis du comité de liquidation, du 24 septembre 1790, qui avait pensé que la créance se trouvant liquidée par des lettres patentes enregistrées à la chambre des comptes, il n'y avait pas lieu à délibérer de nouveau sur sa liquidation. M. Amelot a observé que les décrets de l'Assemblée ne lui permettant aucun payement que sur un décret particulier, il ne pouvait pas délivrer le mandat; et comme, d'un autre côté, après la déclaration du comité de liquidation, M. Amelot ne voyait aucun comité particulier auquel l'examen dé cette créance dût appartenir, il a engagé M. d'Orléans à s'adresser aux quatre commissaires nommés pour surveiller la caisse de l'extraordinaire. Ceux-ci ont cru devoir conférer avec les commissaires chargés de l'organisation de la direction générale de la liquidation.
Le résultat de l'avis des deux comités réunis a été : 1° qu'il y avait lieu d'ordonner le payement de la créance ; 2° que ce payement devait être décrété par l'Assemblée, sans qu'il fût besoin de remettre l'examen des titres au bureau général de liquidation : la dette se trouvant liquidée par des actes qui, dans les formes en usage alors, avaient toute l'authenticité des actes législatifs.
Le rapport a été fait à l'Assemblée. L'avis du comité a été combattu dans ses deux parties ; l'Assemblée a rendu un décret qui a ordonné : 1° l'ajournement ; 2° l'impression du rapport et des titres de la créance; 3° le renvoi de cette affaire à la direction générale de la liquidation.
Le membre des deux comités, qui avait été
Le 7 novembre 1721, il a été passé un contrat de mariage entre le prince des Asturies, fils aîné du roi d'Espagne, héritier présomptif de la couronne d'Espagne, et Louise-Elisabeth d'Orléans, tante de Louis XV, fille du duc d'Orléans, alors régent du royaume. .
Les motifs de cette alliance sont exposés dans le préambule du contrat. Il y est dit que le roi, « porté du désir d'affermir et de rendre durables « l'amitié parfaite et les liaisons étroites qui doi-« vent toujours subsister entre les deux branches « de la maison royale, aurait arrêté et conclu le « traité de son mariageavec lasérénissime infante t d'Espagne, daine Marie-Anne-Victoire ; Sa Ma-« jesté Très Chrétienne aurait regardé comme un « nouveau moyen de remplir plus parfaitement « les vues qu'elle s'est proposées, et de resserrer « plus étroitement encore des liens dont on ne « peut attendre que d'heureux effets, d'accorder « aux vœux du roi d'Espagne, pour épouse du « prince des Asturies, fils aîné de Sa Majesté Ca- « tholique____Louise-Elisabeth d'Orléans. »
Les conventions du mariage sont arrêtées entre Louis XV, alors mineur, et agissant sous l'autorité du duc d'Orléans, régent, en présence des princes de la maison de France, et les ambassadeurs du roi d'Espagne. Dans le premier article, il est dit que le roi veut, par l'affection particulière qu'il a pour Mademoiselle d'Orléans,la marier comme si elle était sa propre fille.
Le second article des conventions est conçu dans les termes que voici : « En faveur et con-« templation du futur mariage, Sa Majesté Très « Chrétienne a donné et constitué en dot à la sé-« rénissime princesse, sa tante, la somme de cinq « cent mille écus d'or sol, ou leur valeur : et ce, « pour tous droits paternels et maternels, et au-t très qui lui pourraient appartenir et échoir, aux-« quels, procédant sous la même autorité (du roi), « elle a renoncé et renonce en faveur de.....
« duc de Chartres, son frère ; ou à son défaut et « des siens, en faveur des autres enfants nés et « à naître des seigneur et dame ses père et mère; « et se fera ledit payement en la ville de Madrid : « savoir, un tiers au temps de la célébration dudit « mariage, et les deux autres tiers en deux paye-« ments égaux de six mois en six mois, en sorte « que le payement soit entier et parfait un an après « ladite célébration. »
Le contrat de mariage ne contient aucune clause de réversion au roi et à la couronne de la dot de 500,000 écus d'or.
Mademoiselle d'Orléans fut envoyée en Espagne, le mariage y fut célébré ; le prince des Asturies monta sur le trône, et Mademoiselle d'Orléans devint reine d'Espagne; mais bientôt après, la mort du roi d'Espagne,arrivée le 31 août 1724, la rendit veuve; et elle repassa en France, conformément à la faculté réservée par son contrat de mariage.
En 1725, il fut procédé à la liquidation des 500,000 écus d'or sol constitués en dot à Louise-
Elisabeth d'Orléans. Par des lettres patentes du 11 juin 1725, enregistrées à la ehambre des comptes le 28 août suivant, il fut déclaré que l'évaluation des 500,000 écu^ d'or se trouvait monter à la somme de 4,158,£50 livres ; en conséquence le roi liquide à cette somme la dot de Mademoiselle d'Orléans : « Et en attendant « qu'il ait pourvu au payement de ladite somme, « veut et ordonne qu'elle soit payée annuellement « de la somme de 207,942 I. 10 s., à laquelle « montent les intérêts de celle de 4,158,850 livres, « sur le pied du denier 20; et ce à compter du « jour de la mort du roi d'Espagne. »
Les lettres patentes de 1725 ont été représentées à la chambre des comptes en 1743, en exécution de la déclaration du 14 mars 1741, et inscrites de nouveau dans les registres de la Chambre.
Il paraît que les 207,942 I. 10 s., montant des intérêts de la dot de la reine d'Espagne, ont été payés exactement. Ils sont portés dans le compte général des revenus et dépenses fixes du premier mai 1789, à la page 84, parmi d'autres dépenses dont l'intitulé est Objets non suspendus, anciennes dettes liquidées.
Le litre qui a rendu les auteurs de M. d'Orléans propriétaires de la créance dont il s'agit est un acte passé entre Louis d'Orléans, son aïeul, et la reine douairière d'Espagne, le 26 avril 1742. La reine d'Espagne y cède à Louis d'Orléans, son frère, la nue propriété de la somme de 4,158,850 livres, montant de l'évaluation de la dot de 500,000 écus d'or, sous la condition : 1° du payement en six années d'une somme de 810,000 livres due à divers créanciers par la reine d'Espagne; 2° d'une rente viagère de 69,314 1. 3 s. 4 d., qui ne devait être payée qu'après l'expiration des six années données pour l'acquit des 810,000 livres, et qui n'a réellement pas été payée, parce que la reine d'Espagne est morte peu de temps après le transport de 1742; 3° à la charge de payer aux officiers et domestiques de la maison de la reine, sur un état de répartition qui était joint à l'acte, et à chacun annuellement, pendant leur vie, une somme montant en masse à 45,111 L 14 s.
Telle est la créance dont M. d'Orléans réclame aujourd'hui le payement, tels sont les titres sur lesquels il appuie sa demande.
Il ne paraît pas possible, d'abord, d'élever aucun nuage sur le fait de la propriété, existante dans Ja main de M. d'Orléans, de la créance de 4,158,150 livres. NVst-il pas incontestable que Louise-Elisabeth d Orléans a acquis, parson contrat de mariage du 7 novembre 1721, par la constitution de dot qui y est portée, par la donation que ce contrat contient en sa faveur, la propriété incommutable de 500,000 écus d'or? La donation est écrite dans un acte public et solennel, dans un acte qui tient même de la nature des traités entre deux Etats, puisqu'un des motifs du mariage était de resserrer les liens de l'union entre les deux branches de la maison de France, entre les deux royaumes d'Espagne et de France.
Ce don solennel, fait à la vérité par un roi mineur, mais fait en présence et de l'aveu de tous les princes (telles étaient alors les dénominations et la forme du régime public) à la fille du régent de France, est confirmé par les lettres patentes du 11 juin 1725, enregistrées à la chambre des comptes à l'époque de leur concession, vérifiées de nouveau .en 1743. Il est confirmé par une exécution constante et publique de ces mêmes lettres, par le payement annuel des
intérêts de la somme capitale, depuis le 31 août 1724, jusque et compris l'année 1789.
Louise-Elisabeth d'Orléans, après avoir conservé jusqu'en 1742 la propriété de la créance que son contrat de mariage lui avait donnée, que l'exécution de ce contrat de mariage lui avait assurée, la transmet alors, par une voie légitime, par une cession faite à titre onéreux, à Louis d'Orléans, son frère, duquel elle a passé, par succession, à M. d'Orléans qui demande aujourd'hui à en être payé comme de 6a chose ; comme d'une chose qui lui appartient à titre d'héritier de son père et de son aïeul; qui appartenait à son aïeul par une acquisition légitime, et qui était entrée originairement dans la main de Louise-Elisabeth d'Orléans par un acte que sa nature et une possession de soixante-cinq années, publique, tranquille, ne permettent pas d'attaquer.
Les comités n'ont pas pensé que l'article 1er, du tome III, du décret du 3 août 1790, qui supprime, avec les pensions et les dons, les assurances de dot et de douaires, fût applicable à la concession d'une dot faite à la fille au régent de France en 1721, pour contracter une alliance avec l'héritier présomptif de la couronne d'Espagne; à une concession faite par un acte authentique; à une concession suivie d'une possession longue, publique et paisible, de soixante-cinq années. Ils ont été persuadés que les dons que l'Assemblée avait anéantis étaient ceux qu'aucune forme publique n'avait mis sous la sauvegarde de la loi : mais qu'à l'égard de ceux qui se trouvaient portés dans des actes solennels, dans dpsact^s de l'ordre lég slatif, tels qu'étaient eri 1721 et 1725 des lettres patentes enregistrées dans les cours, la foi publique devait en maintenir l'exécution.
M. d'Orléans leur a donc, encore une fois, paru possesseur légitime d'une créance, à la charge de la nation. Le fait que l'aïeul de M. d'Orléans a acquis, par l'acte de 1742, la créance d'une somme donnée sous la condition de renoncer à des successions d jà recueillies par lui-même, n'a pas paru, aux yeux des comités, un moyen de nullité contre cet acte de 1742. Il est très ordinaire de voir les personnes en laveur desquelles un frère ou une sœur ont renoncé à des successions, lorsqu'on les a mariés, recueillir ensuite, par elles-mêmes ou par leurs représentants, la succession de ceux qui avaient consenti à ces renonciations en leur faveur ; les lois n'ont établi aucune prohibition à cet égard, et les principes ne permettaient pas d'en établir. Une dot, accordée soit sous la condition de renonciation aux successions, soit sous toute autre condition, devient la propriété de la personne à qui elle a été donnée. Or, il n'est pas douteux que l'on transmette à ses héritiers toutes ses propriétés : et comme elles se transmettent par la voie de la succession, elles se transmettent aussi par des dispositions faites du vivant du propriétaire, dans des actes légitimes. Le transport de 1742 a été un acte de cette nature. Louise-Elisabeth d'Orléans, propriétaire libre de sa constitution dotale, a pu la céder à son frère, aux conditions écrites dans l'acte de 1742. Elle aurait pu la céder à un étranger; pourquoi n'aurait-elle pas pu la eéder à son frère? Le titre de la cession, acte valable par sa nature, inattaquable dans la main d'un étranger, ne saurait perdre ces caractères pour se trouver dans les mains de M. d'Orléans.
De la considération de la créance en elle-même, les comités réunis ont passé à la considé-
ration de l'époque à laquelle elle devait être acquittée. La créance leur a par» actuellement exigible. Le contrat de mariage du 7 novembre 1721 porte la stipulation que la dot qui y est constituée sera payée, savoir ; un tiers au temps de la célébration du mariage, et les deux autres tiers en deux payements égaux, de six mois en six mois, en sorte que le payement soit entier et parfait un an après ladite célébration. Il y a donc longtemps que la créance devait être acquittée. C'est un manquement aux engagements pris par l'acte de 1721 que d'avoir différé de la payer; mais manquer à un engagement n'est pas l'anéantir : et loin que les années qui s'écoulent effacent une dette dont on reconnaîtchaqne année l'existence par le payement des arrérages, ces années ajoutent, en s'accumulant, un nouveau poids à la justice de la demande du créancier : plus on a tardé à lui faire justice, et plus on la lui doit exacte et complète, lorsqu'il élève la voix pour l'obtenir.
Les intérêts ont été payés; mais la nature de la créance stipulée, exigible à des termes fixes, n'a point été changée. Les lettres patentes, qui assurent les intérêts jusqu'au payement du capital, n'altèrent pas la clause du contrat de mariage qui déclare la dette exigible. La créance ne consiste pas dans une rente constituée; jamais il n'y a eu de rente établie en faveur de Louise-Elisabeth d'Orléans. Ce n'est pas Mademoiselle d'Orléans qui a versé, entre les mains du roi, 500,000 écus d'or pour acheter une rente , c'est le roi qui a contracté l'obligation de faire payer à Mademoiselle d'Orléans 500,000 écus d'or. Les intérêts n'ont été payés qu'à raison du retard de l'acquit du capital : et de tels payements, loin d'éteindre la dette du capital, sont un avertissement continuel qu'on a manqué à sa parole; qu'on a négligé de satisfaire à ses engagements, et qu'on ne doit pas différer à les remplir au delà du temps où l'on aura des fonds pour les acquitter.
Cette situation est celle du Trésor public vis-à-vis de M. d'Orléans. Tant que les fonds manquaient dans le Trésor, M. d'Orléans a dû se contenter des intérêts du capital qui lui étaient dus : aujourd'hui qu'il existe des fonds , M. d'Orléans exeree un droit légitime en demandant le payement de sa créance et la nation fera un acte de justice en l'acquittant, sauf à prendre les tempéraments convenables pour ne pas tirer, en un seul payement, une somme trop forte de la caisse de l'extraordinaire.
D'après ces réflexions, les comités réunis proposent le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera payé à M. d'Orléans la somme de 4,158,850 livres, montant de la dot de 500,000 écus d'or, constituée à Louise-Elisabeth d'Orléans.
« Le payement sera fait par la caisse de l'extraordinaire, en quatre parties, de mois en mois »
PIECES JUSTIFICATIVES
faisant suite au rapport de M. Camus.
Contrat de mariage de Louise-Elisabeth d'Orléans avec le prince des Asturies.
Du
Au nom du Dieu créateur, soit notoire à tous, qu'en même temps que très haut, très excellent
et très puissant prince Louis XV, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, porté du désir d'affermir et de rendre durables l'amitié parfaite et les liaisons étroites qui doivent toujours subsister entre les deux branches de sa maison royale, aurait arrêté et conclu le traité de son mariage avec la sérénissime infante d'Espagne, dame Marie-Anne-Victoire, Sa Majesté Très Chrétienne aurait regardé comme un nouveau moyen de remplir plus parfaitement les vues qu'elle s'est proposées, et de resserrer plus étroitement encore des liens dont on ne peut attendre que d'heureux effets; d'accorder aux désirs de très haut, très excellent et très puissant prince Philippe V, par la grâce de Dieu, roi d'Espagne, pour épouse de très haut et très puissant prince, le prince des Asturies, fils aîné de Sa Majesté Catholique, et de feu très haute, très excellente et très puissante princesse Marie-Louise-Gabrielle de Savoie, sa première épouse et compagne, très haute et très puissante princesse Louise-Elisabeth d'Orléans, tante de Sa Majesté, et fille de très haut et puissant prince Philippe, petit-fils de France, oncle de Sa Majesté, régent du royaume, et de très haute et puissante princesse Marie-Françoise de Bourbon, son épouse, tante de sadite M ijesté. Et comme les vertueuses et aimables qualités de ladite sérémesime princesse d'Orléans la rendent chère à Sa Majesté, elle a cru qu'elle ne pouvait lui donner une marque plus éclatante de son amitié, qu'en l'accordant en mariageaudit sérénissime prince des Asturies; et dans cette vue.elle aurait, de l'avis de M. le duc d'Orléans, régent, nommé des commissaires pour, conjointement avec ceux de Sa Majesté Catholique, convenir des articles et conditions nécessaires pour parvenir à l'accomplissement de ce mariage, lesquels articles ont été signés et arrêtés de nouveau à Paris, le 14 de oe mois, suivant les pouvoirs respectifs desdiiscom-missaires, et conformément aux traités et articles préliminaires de mariage arrêtés et signés à Madrid le 5 octobre dernier, ratifiés par Sa Majesté le 20 dudit mois, et par le roi catholiquele 28 du même mois; et c'est par les mêmes motifs, qu'en présence et du consentement et vouloir de très haut, très excellent et très puissant prince Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre; de très haut et très puissant Philippe, petit-fils de France, duc d'Orléans, régent du royaume ; de très haute et très puissante princesse Marie - Françoise de Bourbon, épouse et compagne dudit seigneur duc d'O iéans; et de ladite très haute et puissante princesse d'Orléans, stipulant sous l'autorité de Sa Majesté, et desdits seigneur et dame, ses père et mère ; et en présence aussi de très haute et très puissante princesse Elisabeth-Charlotte,princesse Palatinedu Rhin, duchesse de Bavière, veuve de très haut et très puissant prince Philippe d'Orléans, grand-oncle de Sa Majesté, de très haut et très puissant prince Louis d'Orléans, duc de Chartres ; de très haute et puissante princesse Anne Palatine de Bavière, veuve de très haut et puissant prince Henri-Jules de Bourbon, prince de Condé ; de très hauie et puissante princesse Louise-Françoise de Bourbon, légitimée de France, veuve de très haut et puissant prince Louis de Bourbon, prince de Condé; delrèshautet puissant prince Louis-Henri de Bourbon, prince de Condé, grand-maître de France, surintendant de l'éducation de Sa Majesté} de ttès haut et puissant prince Charles de Bourbon, comte de Charolais.; de très haut et puissant prince Louis de Bourbon, comte de Clermont ; de très haute et puissante princesse Marie-Anne de
Bourbon, légitimée de France, veuve de très haut et puissant prince Louis de Bourbon, prince de Gonti ; de très haute et puissante princesse Marie-Thérèse de Bourbon, veuve de très haut et puissant prince François-Louis de Bourbon, prince de Gonti ; de très haut et puissant prince Louis-Armand de Bourbon, prince de Gonti; de très haute et puissante princesse Louise-Elisabeth de Bourbon, épouse dudit seigneur prince de Conti ; de très haute et puissante princesse Louise-Anne de Bourbon; de très haute et puissante princesse Marie-Anne de Bourbon ; de très haute et puissante Princesse Louise-Adélaïde de Bourbon ; de très aut et puissant prince Louis-Alexandre de Bourbon, légitimé de France, comte de Toulouse, amiral de France, d'une part.
De haut et puissant seigneur dom Joseph Tel-lès, Giron, Venaridès, Cavillo, Tolède, Ponce-de-Léon et Aragon, Gomez-de-Sandoval, Henriquez-de-Rivera, duc d'Ossone, comte de Yrena et de Pinto, marquis de Penafiel, Garazena et de Fro-mistad, grand chambellan du roi d'Espagne, grand notaire des royaumes de Gastille, lieutenant général des armées de Sa Majesté Catholique, premier lieutenant de ses gardes du corps, son ambassadeur extraordinaire près Sa Majesté ; et du sieur Patricio-Laulès, chevalier de l'ordre d'Alcantara, commandeur dé Golmenar-de-Oreja, dans le même ordre, lieutenant général des armées du roi d'Espagne et son ambassadeur ordinaire près Sa Majesté ; munis de ses pleins pouvoirs et de ceux de très haut et très puissant prince Louis, prince des Asturies, agissant sous l'autorité dudit seigneur roi son père, à l'effet des présentes, d'autre part; les conventions et traités de mariage entre ledit sérénissime prince des Asturies et ladite sérénissime princesse d'Orléans ont été accordés et arrêtés ainsi qu'il suit :
Premièrement. C'est à savoir, que Sa Majesté Très Chrétienne promet de donner en nom et loi de mariage au sérénissime prince des Asturies la sérénissime princesse d'Orléans, sa tante, à ce présente, procédant sous l'autorité de Sadite Majesté Très Chrétienne qui veut bien, par l'affection particulière qu'elle a pour elle, ta marier comme si elle était sa propre fille; comme aussi promet le sérénissime prince des Asturies, agissant sous l'autorité de Sa Majesté Catholique, et représenté par les susdits ambassadeurs et plénipotentiaires de Sadite Majesté Catholique, et dudit sérénissime prince des Asturies, de prendre à femme et épouse la sérénissime princesse d'Orléans pour être ledit mariageparfait, accompli et solennisé aussitôt que les parties contractantes auront l'âge prescrit par les saints Canons, en face de la sainte Eglise catholique, apostolique et romaine, en la cour de Madrid, après avoir préalablement obtenu dispeuse de notre Saint-Père le Pape à raison de la proximité et consanguinité entre le sérénissime prince des Asturies et la sérénissime princesse d'Orléans.
Secondement. En faveur et contemplation dudit futur mariage, Sa Majesté Très Chrétienne a donné et constitué en dot à la sérénissime princesse, sa tante, la somme de cinq cent mille écus d'or sol, ou leur valeur, et ce pour tous droits paternels et maternels, et autres qui lui pourraient appartenir et échoir, auxquels, procédant sous la même autorité, elle a renoncé et renonce en faveur de très haut et puissant- prince le duc de Chartres son frère, ou, à son défaut et des siens, en faveur des autres enfants nés et à naître desdits seigneur et dame ses père et
mère ; et se fera ledit payement en la ville de Madrid, savoir : un tiers au temps de la célébration dudit mariage, et les deux autres tiers en deux payements égaux de six mois en six mois, en sorte que le payement soit entier et parfait un an après ladite célébration.
Troisièmement. Et de plus mondit seigneur duc d'Orléans donne à la sérénissime princesse, sa fille, la somme de quarante mille écus, espèces en bagues et joyaux, qu'il lui fera remettre entre les mains, lors de son passage en Espagne.
Quatrièmement. A été convenu et accordé que ledit seigneur roi catholique, en son nom et en celui du sérénissime prince des Asturies, futur époux, assurera ladite somme de cinq cent mille écus d'or sol sur bonnes et suffisantes rentes à raison du denier vingt, au contentement raisonnable des ministres qui, à cet effet, seront nommés et députés par Sa Majesté Très Chrétienne, et seront données bonnes et suffisantes hypothèques pour la sûreté dudit dot ; et si ladite sérénissime princesse aime mieux jouir des rentes, villes et lieux qui lui seront donnés pour hypothèques, que de la rente dudit dot, à raison du denier vingt, et qu'il lui soit pourvu, comme aux autres princesses de pareil rang en Espagne pour leurs maisons, en la forme et grandeur qu'il en a été usé et s'use ; en tel cas la rente desdites hypothèques sera comptée selon et ainsi que lesdites rentes sont à présent en Espagne, et ainsi que les autres de même qualité sont assignées.
Cinquièmement. Plus a été promis par lesdits sieurs commissaires du roi d'Espagne, au nom de Sa Majesté Catholique et du sérénissime prince des Asturies stipulant comme dessus, de donner à ladite sérénissime princesse des bagues et joyaux de la valeur de cinquante mille écus d'or sol, qui sortiront nature de propre et d'héritage à ladite sérénissime princesse, comme seront aussi toutes les autres bagues et joyaux qu'elle portera, lesquels demeureront pour elle, ses hoirs, successeurs et ayants cause.
Sixièmement. Ledit seigneur roi ca tholique, et le sérénissime prince des Asturies, stipulant sous la même autorité, promettent de donner à ladite sérénissime princesse entretènement pour son état de maison, tel qu'il convient à si grande princesse destinée à porter la couronne., et icelui assigner sur bonnes rentes, avec sûres et fermes assignations et suffisantes hypothèques, au contentement de la susdite princesse.
Septièmement. A été aussi convenu et accordé, qu'au lieu de douaire dont on a accoutumé d'user en France, ladite sérénissime princesse aura pour augment de dot dudit mariage, selon l'usage des royaumes d'Espagne, la somme de cent soixante-six mille six cent soixante-six écus d'or sol, qui reviennent au tiers de la somme entière dudit dot ; lequel augment de dot, étant ledit mariage dissolu, et ladite sérénissime princesse survivant ledit sérénissime prince des Asturies son futur époux, lui sortira nature d'héritage pour elle, les siens et ayants cause, pour en pouvoir disposer soit entre vifs ou par dernière volonté, conformément à l'usage et coutume d'Espagne ; et lorsque ledit mariage sera consommé, sera baillé assignation à ladite sérénissime princesse de la susdite somme de cent soixante-six mille six cent soixante-six écus d'or sol, pour en jouir ledit cas d'augment de dot arrivant, et ce en la même forme et ma-
nière que les deniers etrentes dudit dot lui seront assignés.
Huitièmement. A été arrêté que la dissolution dudit mariage avenant, et ladite sérénissime princesse survivant ledit sérénissime prince son époux, elle pourra partir et se retirer franchement et librement dudit royaume d'Espagne toutes et quantes fois qu'il lui plaira; et avec elle tous ses officiers, domestiques et serviteurs, et retourner en France, faire apporter et amener avec soi tous et chacun ses biens, joyaux, habits, vaisselle et autres meubles quelconques, sans que, pour quelque occasion que ce soit, ou qui pourrait survenir, il fût fait ou mis directement ou indirectement aucun empêchement ou retardement à son départ, ni à la jouissance dudit augment de dot et assignation des deniers de son-dit mariage qui lui auront été donnés ou dû être donnés ; pour sûreté de quoi, seront donnés par le roi catholique, tant pour lui que pour le sérénissime prince futur époux, à Sa Majesté Très Chrétienne, avant que ladite sérénissime princesse sorte d'auprès d'elle, les lettres d'assurance qui seront à ce nécessaires, scellées du sceau de Sa Majesté Catholique, avec promesse sur sa foi et parole royale, et sur celle du sérénissime prince des Asturies, agissant sous son autorité, de les garder et accomplir inviolablement, tant pour Sadite Majesté Catholique pour ledit sérénissime, prince, que pour ses successeurs en ses royaumes.
Neuvièmement. Plus a été convenu et accordé que ladite sérénissime princesse sera conduite et rendue aux frais de Sa Majesté Très Chrétienne, comme il convient à une princesse de son rang, et à l'alliance qu'elle prend, jusqu'aux frontières d'Espagne, et qu'elle sera reçue et accueillie avec les mêmes honneurs et distinctions de la part dudit seigneur roi d'Espagne, et du sérénissime prince des Asturies.
Dixièmement. Tout ce que dessus a été convenu et arrête par exprès, en faveur dudit mariage, promettant Sa Majesté Très Chrétienne, en foi et parole de roi, l'entretenir, garder et observer inviolablement, sans aller, ni souffrir qu'il soit allé directementou indirectement au contraire; comme le susdit duc d'Ossone, ambassadeur extraordinaire du roi d'Espagne, et le sieur Patricio-Laulès, son ambassadeur ordinaire et ses plénipotentiaires, au nom de Sa Majesté Catholique, et en celui du sérénissime prince des Asturies, stipulant comme dessus, et en vertu de leurs pleins pouvoirs et procurations, promettent pareillement d'entretenir, garder et observer tout le contenu ci-dessus, sans jamais aller, ni souffrir qu'il soit allé directement ou indirectement au contraire, le tout sous l'obligation de tous et chacun leurs biens présents et à venir. Renonçant réciproquement lesdites parties à toutes lois, coutumes, usages et autres choses à ce contraires. Et ont signé de leur propre main le présent contrat, duquel l'original est demeuré par devers nous, pour, en vertu d'icelui, en délivrer les expéditions nécessaires en la forme ordinaire. Fait 'et passé au château des Tuileries, le seizième jour de novembre mil sept cent vingt-un, par devant nous, conseillers secrétaires (l'Etat et des commandements de Sa Majesté.
Signé : Le cardinal ÛUBOIS et PHILIPPE AUX.
Certifie véritable et conforme à l'original, étant aux archives du Palais-Royal.
BlCHET.
Lettres patentes pour la liquidation de la dot de Louise-Elisabeth
d'Orléans. Du
Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à nos amés et féaux conseillers, les gens tenant notre chambre des comptes de Paris, salut. Nous avons donné et constitué en dot à notre très chère et très aimée tante, Louise-Elisabeth d'Orléans, à présent reine douairière d'Espagne, cinq cent mille écus d'or sol, ou leur valeur, par son contrat de mariage avec le prince des Asturies, passé entre nous et notre très cher et très-amé frère et oncle le roi d'Espagne, le seize novembre mil sept cent vingt-un. Suivant l'évaluation que nous avons fait faire desdits cinq cent mille écus d'or sol, ils se sont trouvés monter à la somme de quatre millions cent cinquante-huit mille huit cent cinquante livres; et en attendant qu'il ait été par nous pourvu au payement de ladite somme, nous avons jugé à propos d'assurer à la reine douairière d'Espagne, notre sœur, cousine et tante, la jouissance des intérêts de ladite somme sur le pied du denier vingt. A ces causes nous avons, par ces présentes, signées de notre main, liquidé et liquidons à la somme de quatre millions cent cinquante-huit mille huit cent cinquante livres, les cinq cent mille écus d'or sol, que nous avons donnés et constitués en dot à notre très chère et très-amée sœur, cousine et tante, Louise-Elisabeth d'Orléans, reine douairière d'Espagne, par son contrat de mariage du seize novembre mil sept cent vingt-un ; et en attendant que nous ayons pourvu au payement de ladite somme, voulons, ordonnons et nous plaît, que ladite reine douairière d'Espagne soit payée annuellement par le garde de notre Trésor royal en exercice, et sur les quittances du trésorier de sa maison, de la somme de deux cent sept mille neuf cent quarante-deux livres dix sols, à laquelle montent les intérêts de celle de quatre millions cent cinquante-huit mille huit cent cinquante livres, sur le pied du denier vingt, et ce, à commencer du jour de la mort du roi d'Espagne, qui est du trente-un août mil sept cent vingt-quatre; ordonnons que les quittances du payement aesdits intérêts seront par vous passées et allouées dans la dépense des comptes du garde de notre Trésor royal, sans aucune difficulté. Si vous mandons que ces présentes vous ayez à faire registrer, et le contenu en icelles, garder et exécuter selon leur forme et teneur, car tel est notre plaisir. Donné à Chantilly, le onzième jour de juin, l'an de grâce mil sept cent vingt-cinq, et de notre règne le dixième. Signé : Louis. Au-dessous est écrit : Par le roi. Signé: Philippeaux.
Et plus bas : Registrées en la chambre des comptes, ouï et ce requérant le procureur général du roi, pour être exécutées selon leur forme et teneur, le vingt-huit août mil sept cent vingt-cinq. Signé j Ducornet.
En marge est écrit : Représentées le dix-huit mars mil sept cent quarante-trois, transcrites, insérées dans les registres de la chambre des comptes, en exécution de la déclaration du roi, du quatorze mars mil sept cent quarante-un, et suivant l'arrêt de la chambre dudit jour dix-huit mars mil sept cent quarante-trois, intervenu sur requête à elle présentée, à cette lin, dont acte. Signé : Ducornet.
Certifié véritable et conforme à l'original, étant aux archives du Palais-Royal.
BlCHET.
Transport fait par Louise-Elisabeth d'Orléans, à Louis d'Orléans, de la
somme de 4,158,850 livres, montant de sa dot. Du
A tous ceux qui verront ces présentes lettres, Gabriel-Jérôme de Bullion, chevalier comte d'E-climont et autres lieux, maréchal des camps et armées du roi, son conseiller en ses conseils, prévôté et vicomté de Paris, salut. Savoir faisons que par-devant maîtres Jacques-Louis Leverrier et Antoine-François Doyen, conseillers du roi, notaires au Chàtelet de Paris,soussignés, fut présente très haute, très puissante et très excellente prince8se Louise-Elisabeth, reine douairiee d'Es- Eagne, demeurant £t Paris au palais du Luxem- ours:, peroisse Saint-Sulpice.
Laquelle voulant pourvoir tant au payement de huit cent dix mille livres de dettes, que Sa Majesté Catholique a été obligée de faire à son retour d'Espagne en France, qu'à la récompense des ofliciers et domestiques de sa maiton au temps de son décès, et désirant assurer de son vivant l'exécution de ses volontés à ce sujet, même se procurer pendant sa vie une jouissance plus considérable que celle qu'elle a actuellement, s'est déterminée à l'aliénation de la nue propriété (sans se départir cependant de l'usufruit et jouissance pendant sa vie) des quatre millions cent cinquante-huit mille huit cent cinquante livres, à quoi ont été évalués l'es cinq cent mille écus d'or sol que le roi lui a constitués en dot par son contrat de mariage du seize novembre mil sept cent vingt-un avec le sérénissime prioce des Astu-ries, décédé roi d'Espagne.
Et Sa Majesté Catholique ayant communiqué son dessein à Monseigneur le duc d'Orléans son frère, en faveur de qui elle souhaite faire cette aliénation, elle l'aurait trouvé disposé à seconder et remplir ses justes et légitimes intentions, en acceptant cette aliénation.
En conséquence, Sa Majesté Catholique a cédé, quitté et transporté à très haut, très puissant et très excellent prince Monseigneur Louis cl Orléans, duc d'Orléans, de Valois, de Chartres, Nemours et Montpensier, premier prince du sang, demeurant à Paris au Palais-Royal, paroisse Saint-Eus-tache, à ce présent et acceptant:
La nue propriété de la somme de quatre millions cent cinquante huit mille huit cent cinquante livres à laquelle, par l'évaluation que le roi a fait faire, se sont trouvés monter les cinq cent mille écus d'or sol que le roi a constitués en dot à Sa Majesté Catholique par son contrat de mariage du seize novembre mil sept cent vingt-un avec le sérénissime prince des Asturies, décédé roi d'Espagne.
Sa Majesté Catholique se réservant expressément l'usufruit et jouissance pendant sa vie, des deux cent sept mille neuf cent quarante-deux livres dix sols, que le roi, par ses lettres patentes données à Chantilly le onze juin mil sept cent vingt-cinq, registrées en la chambre des comptes le vingt-huit août en suivant, a ordonné être payées annuellement par le garde de son Trésor royal en exercice, à Sa Majesté Catholique, sur les quittances du trésorier général de sa maison, pour les intérêts sur le pied du denier vingt, de ladite somme de quatre millions cent cinquante huit mille huit cent cinquante livres, en attendant le payement du capital.
Pour de ladite somme de quatre millions cent cinquante-huit mille huit cent cinquante livres, jouir, l'aire et disposer dès à présent, en. toute propriété par mondit Seigneur duc d'Orléans, sous les conditions ci-après, et n'en avoir la jouissance par mondit Seigneur que du jour du décès de Sa Majesté Catholique, laquelle s'en réserve expressément l'usufruit et jouissance pendant sa vie.
Sa Majesté Catholique a fait remettre une copie de son contrat de mariage et des lettres patentes du onze juin mil sept cent vingt-cinq entre les mains du sieur Danjant, garde des archives de Monseigneur le duc d'Orléans qui le reconnaît.
Ce transport fait sous les charges et conditions qui suivent :
La première, que mondit Seigneur duc d'Orléans sera tenu, comme il le promet, de faire payer par le trésorier général de sa maison, dans l'espace de six années à compter du premier janvier mil sept cent quarante-trois, en six payements, chacun de cent trente-cinq mille livres par année, la somme de huit cent dix mille livres à laquelle montent les dettes que Sa Majesté Catholique a été obligée de faire à son retour d'Espagne en France,suivant l'état demeuré ci-joint: lesquels payements se feront annuellement tant du vivant qu'après le décès de Sa Majesté Catholique, si elle décédait dans cet espace de temps, entre les mains et sur les quittances du trésorier général de sa maison, dont le premier payement se fera au premier janvier mil sept cent quarante-quatre, et ainsi sera continué d'année en année jusqu'au parfait payementde ladite somme de huit cent dix mille livres.
La seconde, qu'à compter du premier janvier mil sept cent quarante-neuf, temps de l'expiration desdites six années convenues pour le payement de ladite somme de huit cent dix mille livres, mondit Seigneur le duc d'Orléan? sera tenu et promet de faire payer annuellement, par le trésorier général de sa maison, à Sa Majesté Catholique pendant sa vie, sur les quittances du trésorier général de sa maison la somme de soixante-neuf mille trois cent quatorze livres trois sols quatre deniers par augmentation aux deux centsept mille neuf cent quarante-deux livres dix sols de revenus annuels que Sa Majesté Catholique s'est réservés ci-dessus, dont le premier payement se fera au premier janvier mil s-ept cent cinquante, et ainsi continuer d'année en année pendant sa vie et jusqu'au décès de Sa Majesté Catholique, lors duquel Monseigneur ie duc d'Orléans demeurera déchargé de ladite somme de soixante-neuf mille trois cent quatorze livres trois sols quatre deniers d'augmentation an- ' nuelle : et même dans le cas où Sa Majesté Catholique viendrait à décéder soit avant ou dans le cours des six années convenues pour le payement desdits huit cent dix mille livres.
La troisième, qu'à compter du jour du décès de Sa Majesté Catholique, en quelque temps qu'il arrive et sans suspendre ni diminuer le payement de ladite somme de huit cent dix m ile livres dans le cours desdites six années, mondit Seigneur duc d'Orléans demeurera chargé, comme il se charge par ces présentes, tant pour les princes ses hoirs et ayants cause, de faire payer annuellement à compter du jour dudit décès, par le trésorier général de sa maison, pendant la vie, sur la tête et pour récompense di s officiers et domestiques de Si Majesté Catholique au temps de son décès, entre les mains et sur les quittances du trésorier général de sa maison, la somme de
quarante-cinq mille cent onze livres quatorze sols six deniers de pensions viagères, faisant la moitié de leurs gages et appointements, que Sa Majesté Catholique veut être payée aux officiers et domestiques de sa maison au temps de son décès, suivant l'état ci-joint, pour récompense de leurs services : lesquelles pensions viagères diminueront et s'éteindront à mesure du décès de chacun desdits officiers et domestiques, conformément à sa distribution dans ledit état.
La quatrième, que les soixante-neuf mille trois cent quatorzeli vresquatorze solssix deniers d'augmentation annuelle pour Sa Majesté Catholique pendant sa vie, et les quarante-cinq mille cent onze livres quatorze sols six deniers destinés par année pour récompense des officiers et domestiques de sa maison au temps de son décès, ne serontsujets à aucune retenue ni diminution, en quelque temps et pour quelques causes que ce soit, même pour dixième imposé ou à imposer; telle étant la volonté et l'intention de Sa Majesté Catholique et de Monseigneur le duc d'Orléans.
La cinquième et dernière, que Sa Majesté Catholique se réserve son privilège de droit sur les quatre millions cent cinquante-huit mille huit cent cinquante livres cédées par le présent acte, pour l'exécution de toutes les conditions ci-dessus, à laquelle mondit Seigneur le duc d'Orléans, sans qu'une obligation déroge à l'autre, affecte tous ses biens, domaines et possessions.
L'état des dettes et l'état des officiers et domestiques de Sa Majesté Catholique, qui sont joints à ces présentes, ont été paraphés par Sa Majesté Catholique et par Monseigneur le duc d'Orléans, en présence des notaires soussignés.
Et pour l'exécution des présentes et dépendances, Monseigneur le duc d'Orléans a élu domicile en la demeure du sieur Palerne, trésorier général de sa maison, sise rue des B jns-Enfants, paroisse Saint-Eustaehe, auquel lieu il consent la validité de tous actes de justice, nonobstant changement de demeure, promettant exécuter ces présentes en tout leur contenu, forme et teneur, sous l'obligation, comme dit est, de tous et chacun ses susdits biens meubles et immeubles présents et à veuir, qu'il a pour ce soumis à la justice et contrainte de la juridiction du Cbâtelet de Paris, renonçant en outre à toutes choses contraires à cesdttes présentes qui furent scellées par ledit M. Ooyen, et faites et passées à Paris, à l'égard de Sa Majesté Catholique au palais du Luxe ubourg, et à l'égard de Monseigneur le duc d'Orléans au Palais-Royal, le vingt-sixième jour d'avril de l'an mil sept cent quarante-deux, avant midi. Sa Majesté Catholique et Monseigneur le duc d'Orléans ont signé en présence des notaires soussignés; la minute des présentes demeurée audit MeDoyen, notaire.
Signé : Leverrier et Doyen, notaires, avec paraphe.
Certifié véritable et conforme à l'expédition, étant aux archives du Palais-Royal. blchet.
Je propose un amendement au projet de décret qui vient de vous être lu. La mesure que propose votre comité est de toute justice; je trouve toutefois que le délai du premier payement est trop rapproché. En rendant justice a M. d'Orléans, il faut laisser à ses créanciers un temps suffisant pour former les oppositions que vous avez autorisé tous les créanciers à faire à la caisse de l'extraordinaire. Je demande donc que le premier payement soit différé de six semaines.
Je suis bien éloigné d'avoir la moindre inquiétude sur l'exactitude de vos | comités; mais il ne nous appartient pas, ni au comité non plus, de liquider une créance. On nous dit qu'elle a été liquidée par des lettres patentes. Nous ne devons pas connaître toutes ces liquidations. Nous avons établi en principe qu'il nous fallait absolument une responsabilité; il y a donc une nécessité indispensable que ces titres passenî sous les yeux du bureau de liquidation, et je demande en conséquence que l'affaire lui soit renvoyée. (Applaudissements.) Il est très possible que cette créance ait été acquittée en tout ou en partie. Ce n'est point à l'Assemblée nationale à entrer dans ces détails, à juger qu'elle n'a pas été remboursée, à en ordonner sur-le-champ la rentrée; ce serait nous ériger en tribunal, en bureau de liquidation et nous ne sommes rien de tout cela. Nous faisons des lois, c'est ensuiteaux tribunaux, à l'administration, de les appliquer. Je m'oppose formellement au projet de décret qui vous est proposé; il n'y a pas ici de responsabilité et, s'il arrivait par ^événement qu'on découvrit que cette créance a été acquittée, je demande, Messieurs, sur qui la nation exercerait son recours? Nous n'avons pas le droit de juger, de liquider. Je demande le renvoi au bureau général de liquidation.
,rapporteur. Messieurs, voici les motifs qui ont d éterminé à vous proposer cette créance : M. d'Orléans s'est adressé d'abord au comité de liquidation, qui lui a dit : « Il n'y a pas lieu à délibérer, attendu que la dette est liquidée. » Lorsqu'on s'est présenté à M. Amelot, il a dit : « La dette me paraît liquidée; mais comme elle n'est pas comprise dans le décret sur la caisse de l'extraordinaire, je ne peux pas l'admettre comme étant liquidée, sans que l'Assemblée n'en ait connaissance et ne l'ait ordonné. » Nous nous proposons aussi de faire passer sous vos yeux, lorsqu'il en sera temps, les titres de suppression d'une partie de la maison du roi, des gens d'armes et des chevau-légers. Je vous prie de vous rappeler, Messieurs, que le jour où je fis le rapport de la caisse de l'extraordinaire, un des honorables membres me demanda pourquoi nous n'avions pas compris, avec les offices de la maison civile du roi, supprimés et liquidés en 1787, les offices de la gendarmerie et des chevau-légers. Je lui répondis que nous n'avions pas ces élits sous les yeux. Lorsque nous aurons ces édits sous les yeux, alors nous vous en rendrons compte. Il me semble qu'il n'est pas possible d'envoyer, au comité de liquidation, des créances de cette nature, qui sont déjà liquidées par des édits; cela ne peut plus passer que sous les yeux de l'administration de la caisse de l'extraordinaire.
D'après l'exposé des faits de M. le rapporteur, je vois que Mademoiselle d'Orléans a été dotée par le régent, au nom de Louis XV, avec les fonds de l'Etat, à la décharge de M. de Chartres, puisque Mademoiselle d'Orléans devait être dotée sur les biens qui devaient revenir à M. de Chartres. Or, c'est à la décharge de ces biens-là que la dot a été fournie par Louis XV ;
et aujourd'hui c'est la maison d'Orléans qui réclame une somme payée à sa décharge, ou plutôt donnée pour elle, et qui a été fournie par le Trésor royal. Je demande l'ajournement et l'impression du rapport et de3 titres.
rapporteur. Le contrat de mariage s'est fait par Louis XV d'une part, et par les ministres d'Espagne de l'autre; les motifs de l'alliance sont exprimés dans le préambule du contrat; l'intention du roi était de resserrer les liens entre les deux puissances. Est-il bien étonnant que la France ait accordé une dot à la fille du régent, qui épousait l'héritier présomptif de la couronne d'Espagne? Nous avons proposé d'annuler tous les dons secrets de la faveur ; il ne s'agit pas ici de confirmer un article du livre rouge, mais d'acquitter un engagement contracté par le roi pour consommer une alliance favorable à l'intérêt ae la nation et à l'éclat du trône.
Si Mademoiselle d'Orléans avait eu des enfants de son mariage, etqUe ses enfants se présentassent aujourd'hui pour recevoir le payement de la dot, nous n'aurions pas même à délibérer; ils mériteraient toute la faveur due à la foi d'un contrat de mariage; mais qui est-ce qui se présente aujourd'hui pour recevoir le payement de cette dot? C'est l'héritier de'Celui en faveur de qui mademoiselle d'Orléans, dotée par la nation, a renoncé à la succession paternelle et maternelle ; c'est-à-dire que celui qui a la chose voudrait encore en avoir le prix. (Phisieurs membres applaudissent.) Je demande la question préalable sur le projet de décret, ou le renvoi au bureau de liquidation.
Il faut avant tout décréter le remboursement demandé.
Je ne doute pas que le mariage de la tille du régent avec le prince des Asturies n'ait été déterminé par de fort bonnes raisons d'Etat; mais il me parait évident qu'il a été fait aux dépens de la nation française. Je réclame, comme M. Martineau, la loi de la responsabilité et je crois, du reste, que cette réclamation n'aurait peut-être pas été connue, si M. d'Orléans n'avait point exposé l'état de ses affaires lorsqu'on traitait de son apanage.
Le payement de la dot n'ayant pas été effectué du vivant de la princesse, je crois ses héritiers sans titre pour la réclamer.
Je m'étonne que l'on mette en doute la validité d'un titre qui a été si souvent reconnu. La nation ne fait aujourd'hui que ce que fait un particulier en payaut ses dettes^ Assurément aucun particulier ne pourrait contester la validité d'un titre semblable. L'Assemblée, consultée, décrète ce qui suit : « L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par ses comités de l'extraordinaire et de la direction de liquidation, des demandes formées par M. d'Orléans pour le payement de la somme de 4,158,850 livres, montant de la dot de Louise-Elisabeth d'Orléans, liquidée par lettres patentes du 11 juin 1725, ajourne sut la décision de cette demande, et cependant ordonne l'impression du rapport, du contrat de mariage, ainsi que des lettres patentes dont il a été rendu compte, et le renvoi du tout à la direction générale de liquidation. » L'ordre du jour est la suite de la discussion su£ te projet ae décret concernant l'établissement du droit ae timbre.
,rapporteur, fait lecture des articles qui ont été décrétés hier et ajoute : Vous pouvez, par un seul article que je vais vous proposer, régler une chose infiniment simple et infiniment instante. Il faut que l'Assemblée sache que les notaires de Paris, qui autrefois n'étaient poiut assujettis au contrôle, étaient soumis en revanche à un droit de timbre beaucoup plus rigoureux qu'il ne l'était dan^| tout le reste du royaume. C'est à compter du 1er janvier prochain que, comme tous les autres notaires du royaume, ils seront soumis au nouveau droit d'enregistrement que vous avez substitué au droit de contrôle. Il est donc juste, Messieurs, qu'à compter du ^'février prochain, vous autorisiez les notaires de Paris à user jusqu'au lep avril prochain, époque du nouveau timbre, à user, dis-je, du papier timbré dont on se sert dans le reste du royaume. En conséquence, je vous propose ce décret, qui ne me paraît susceptible d'aucune discussion : « L'Assemblée nationale décrète qu'à compter du 1er février et jusqu'au 1er avril prochain, les notaires de Paris pourront employer du papier timbré tel qu'il est maintenant en usage dans le reste du royaume. » (Ce décret est adopté.) L'Assemblée reprend la suite de la discussion sur la jurisprudence criminelle et l'institution des jurés.
Il s'agit de décider, Messieurs, quelle sera la procédure qui aura lieu devant le juré de jugement, et si l'instruction se fera verbalement ou par écrit? Commençons par reconnaître qu'il n'est personne qui ne s'élève avec vous contre le détestable abus qui mettait tout individu à même de vérifier le fait et d'appliquer la loi, et qu'un des plus zélés défenseurs des preuves écrites est convenu que les magistrats n'avaient point partagé le ridicule versé sur les docteurs en us accusés d'en être les inventeurs; que le juge n'a d'autre loi que la direction intérieure «de sa conscience. Une autre vérité recounue dans toutes les opinions, c'est que le calcul des preuves écrites est une grossière et monstrueuse absurdité, qui ne doit plus souiller ni corrompre votre procédure criau-neile. Ici, Messieurs, commence la diversité des principes et des opinions. Il n'est pas douteux, disent les défenseurs de l'éeriture, que les preuves morales ne l'emportent infiniment sur les preuves écrites; mais les unes et les autres ayant leurs avantages, est-il impossible de les conserver? Deux avantages ne valent-ils pas mieux qu'un seul? Or, quel moyen vous offre-t-on pour les conserver et aplanir toutes les difficultés? Rien de si aisé : en mettant les jurés entre leur conscience et la loi, en leur remettant la preuve écrite, à laquelle ils seront les maîtres d'avoir tel égard que de raison. Par là vous remédiez à tout; vous vous épargnez l'embarras de choisir entre les deux genres de preuves différentes que vous parvenez à vous assurer. Voilà donc l'état actuel de la délibération. L'écriture devant le juré de jugement est-elle, en effet, applicable dans l'exécution? Nous laisse-t-elle jouir de
l'institution du juré, ou n'en est-elle pas destructive? Jamais questions n'ont été plus dignes de toute l'attention de l'Assemblée nationale. Pourquoi, nous dit-on, serait-il impossible de confier au papier les dépositions faites devant le public, les jurés et les juges, et même de retenir et décrire les débats, interlocutions, etc., si tous y portez l'ordre qui doit y régner? La rédaction des dépositions, celle même des débats, n'a rien d'effrayant, rien qui ne se soit exécuté. Oui, dans le cabinet du magistrat. Mais, outre tout ce que cette rédaction avait d'intolérant, c'est précisément fa facilité d'exécution de cette pratique qui la rendait extrêmement vicieuse. Ou le soin de la rédaction sera abandonné à une seule main, et alors renaîtra tout entier le funeste abus qu'on veut éviter, l'influence d'un seul homme sur la déposition, sur les débats, sur le sort de l'accusation, ou l'accusé, ses conseils, l'accusateur, les jurés, les juges et les assistants y veilleront; et alors quel temps une pareille marche ne dévorerait-elle pas? On se permet de calomnier l'institution des jurés, et on ose n'y voir qu'une vaine théorie; mais c'est en voulant lui adapter des principes hétérogènes qu'elle devient un monstre de bizarreries et d'absurdités. Vouloir y incorporer les anciennes pratiques, c'est dire franchement qu'on ne veut pas de jurés, c'tst demander l'ancienne procédure, les sages et sublimes arrêts de la chambre de la Toumelle; et on ne peut supposer une autre intention, quand on prétend que l'instruction, par écrit, ne portera aucune atteinte à l'institution du juré. Les preuves écrites éclairaient, dit-on, la conscience des juges, mais ne la commandaient pas. Je crois fermement que l'assertion est fausse, et que le système de la mesure et du calcul des preuves était réellement celui de notre législation criminelle. Si les premiers juges, qui seuls avaient l'avantage de voir et d'entendre les témoins, au lieu de calquer leur décision sur le cahier des charges, eussent écouté de préférence le sentiment de leur conviction intérieure, iis auraient vu tous les jours leurs jugements réformés. Il fallait donc nécessairement qu'ils prissent eux-mêmes, pour règle, les fautes commises par les anciens juges. L'usage de la déposition écrite a donc dû produire et a produit en effet l'établissement de certaines règles politiques pour conserver la mesure, l'appréciation des preuves écrites. Conserver l'usage de l'écriture, c'est donc aussi ramener nécessairement le système du calcul et de la mesure des preuves, quelqueabsurdequ'on aitbien voulu le reconnaître. Aussi n'a-t-on rien négligé pour nous rassurer contre son retour. Ou nous offre deux garants infaillibles, la simplicité des jurés, qui ne consulteront pas les docteurs, et l'avertissement que la loi leur donnera elle-même de n'avoir à l'écriture que tel égard que de raison; mais si leur liberté morale reste parfaitement entière, si leur conscience est la seule loi qu'ils aient à consulter prenez tout d'un coup la généreuse résolution d'ordonner qu'aussitôt après la décision des jurés toutes les écritures seront livrées aux flammes. Car si, comme on le veut, elles sont un monument durable de la justice, de l'impartialité de l'examen des preuves, leur décision sera toujours celles d'une conscience libre et affranchie de toutes les entraves, une conviction intime, en un mot une vraie décision de juré. Non, Messieurs, leur décision sera celle qui leur paraîtra la mieux appuyée par le cahier des charges, celle qu'ils prévoieront cadrer mieux avec l'opinion publique. Ne nous le dissimulons pas, Messieurs, vous n'aurez pas de jurés, ou plutôt vous aurez de misérables, de détestables juges; car autant les hommes appelés à cette fonction étaient propres à former de vrais et d'équitables jurés, autant ils le seront peu à devenir des juges, autant ils le seront peu à saisir les vrais rapports, à en faire les plus véridiques résultats. Ces agents hétérogènes à notre institution, en seront tout aussitôt fatigués que vous-mêmes; les hommes ne s'exposeront pas deux fois à la cruelle censure de l'opinion publique. Bientôt et infailliblement ils laisseront à vos juges le soin de feuilleter le fatras dont votre fatale prudence les aura chargés. Non, encore une fois, vous n'aurez poiut de jurés. Si telle est l'intention secrète des partisans de l'écriture, ils sont alors très certains de réussir. Mais qui nous rassurera contre la précipitation, la confusion de nos jurés, contre les torts de leur mémoire, contre leserreurs de temps et de fait, source fatale des plus grands malheurs ? Nous ravirez-vous donc le consolant espoir de revenir contre des juges, contre un jugement évidemment injuste et barbare? Je n'entrerai point plus avant dans les objections, persuadé que je suis qu'elles vont être bientôt toutes aperçues et toutes victorieusement réfutées. Je me résume et je soutiens qu'adopter l'écriture devant le juré de jugement, c'est anéantir dès aujourd'hui l'institution des jurés et tout ce qui se concilie avec la constitution d'un peuple libre. J'adopte le plan du comité.
(1). Messieurs, vous avez décrété l'institution du juré pour le jugement des crimes, comme une base constitutionnelle du nouvel ordre judiciaire. Grâces éternelles en seront rendues à cette Assemblée, dont rien n'a pu ni tromper ni intimider le patriotisme, lorsqu'il a été question d'assurer les fondements de la liberté publique. Il s'agit ici de savoir si, en réalisant cette promesse faite à la nation de lui donner le juré, vous l'instituerez d'unemanière qui lerende praticable ; si vous l'organiserez en même temps sur les principes qui lui sont propres, avec ces grands caractères de force et de moralité qui peuvent seuls en remplir l'objet, et qui seuls conviennent à la nature de cette sublime^omtw? par le jugement du pays ; ou s'il ne sortira de nos délibérations qu'une conception débile, mé^-ticuleuse, assemblage informe de deux procédés naturellement inconciliables, qui ne sera ni le juré, ni l'ancien régime, ne vaudra pas le premier, et sera pire que le second. (Applaudissements.)
Puisque nous voulons établir le juré, il faut employer le mode qui peut assurer dans la pratique, non seulement le commencement, mais encore la longue durée de sou exécution; car nous tomberions, au détriment de tout ce que nous avons fait jusqu'ici, dans le mépris de la France et de l'Europe, si une institution aussi intéressante périssait au sortir de nos mains par notre propre impérilie dans la constitution de ses formes. Il ne faut donc pas établir la nécessité d'écrire toute la procédure devant le juré; car, avec cette forme, il ne peut pas subsister uu an. C'est là le premier point que je me propose de développer.
Ge ne serait pas assez de rendre le juré prati-
Je répondrai aux objections de M. Tronchet, et montrerai ce qui rend inadmissible son système absolu d'écrire et de remettre au juré toute l'instruction, même avec la modification plus apparente que ré 'lle, que les jurés n'y auraient que tel égard que de raison. Ce sera le troisième point de ma discussion.
Enfin, je vous apporte et vous soumets le résultat des derniers efforts de vos comités, pour faciliter votre délibération, en éclaircissant quel est le seul système d'écriture qui ne dénature pas essentiellement le juré, et que vous pourrez adopter.
PREMIÈRE PARTIE.
Je commence par examiner s'il est possible, en fait, de soutenir l'institution des jurés, avec le mode d'écritures proposé par M. Tronchet. Il s'est mis sur ce poiDt à côté de la difficulté, en se dissimulant la nature et la véritable espèce de cette impossibilité à laquelle il a toujours éludé de répondre. Elle consiste dans la certitude que l'institution ne pourra pas résister au découragement général qui naîtra du dégoût, de la fatigue, du tourment qu'elle occasionnera, s'il faut que chaque jury tout entier donne à l'instruction des affaires tout le temps nécessaire, pour que tous les actes de la procédure soient écrits devant lui. Il faudra, pour le jugement de chaque procès, douze citoyens pris dans toutes les classes de la société, appelés des différentes parties de l'arrondissement, déplacés de leurs domiciles, et détournés du soin de leurs affaires. Qui de nous peut penser, dans la sincérité de son âme, que la nation supportera la gêne de ce service, s'il exige le sacrifice de plusieurs semaines pas ées dans la dégoûtante inactivité qu'entraînera la longue rédaction de toutes les procédures? Voilà la première raison d'impossi-nilité sur laquelle il importe fort à chacun de nous de ne pas s'étourdir. Le devoir de nos consciences est de voir et de reconnaître toujours, et plus scrupuleusement encore dans cette grande occasion, la vérité où elle est, et telle qu'elle est.
Une seconde raison d'impossibilité se tire de l'aggravation intolérabie pour les témoins de les tenir éloignés de chez eux pendant tout le temps u'il faudra donner à l'écriture, non seulement e toutes les dépositions, mais encore de toutes les longueurs du débat qui aura lieu entre eux et l'accusé. S'est-on bien fait l'idée juste du
temps qu'emporteront toutes ces rédactions, surtout celles des interpellations, des réponses, des répliques et de tous les autres incidents du débat, quand il sera plus réel que nos insuffisantes confrontations actuelles, quand la contradiction sera plus intéressée, plus pressée, plus animée par la présence des parties, du public, de tous ies juges qu'il s'agira de convaincre, et par l'honneur et l'amour-propre des conseils provoqués par cette assistance à déployer leur zèle et leurs talents? Celte seconde considération, relative aux témoins, n'est pas moins décisive que la précédente.
Voulez-vous voir, Messieurs, constatée d'avance par l'expérience, cette vérité déjà si évidente moralement, que le service des jurés manquera dans la pratique, s'il est rendu aussi pénible qu'il le deviendrait nécessairement par leur assistance aux écritures? Voyez ce qui est arrivé à l'égard des adjoints que vous avez établis par votre décret de règlement provisoire sur la procédure criminelle. En beaucoup d'endroits on éprouve la plus grande difficulté à s'en procurer, quoiqu'ils soient toujours de la ville même où est le tribunal; quoiqu'il n'en faille que deux ; quoiqu'il ne soit pas nécessaire que les mêmes suivent tout le progrès de la même procédure; quoiqu'ils n'assistent enfin qu'aux premiers actes de l'instruction jusqu'à l'arrestation seulement, et jamais au débat contradictoire.
Je sais bien que la fonction de juré, étant d'un intérêt bien plus stimulant que celle de simple adjoint, et d'ailleurs ce service étant obligé sous les peines de la suspension de l'éligibilité civique, et d'une amende, l'exécution en sera plus assurée : mais l'intérêt patriotique s'amortirait bientôt, si la gêne personnelle était trop forte ; et lorsque l'institution n'aurait plus d'autre garantie que la coaction de la peine, de ce moment-là elle serait perdue ; le peu d'utilité qu'elle produirait dans cet état de réprobation publique, ne vaudrait pas qu'on se donnât la peine, probablement inutile, de chercher à la réhabiliter dans l'opinion. Le juré, cependant, cette création du génie de la liberté, objet du culte politique des peuples libres, palladium de toutes les Constitutions fondées sur la reconnaissance des droits et de la dignité des hommes, ne peut pas subsister avec l'indifférence de l'opinion publique. Gardons-nous donc, au moment où nous cherchons à le naturaliser parmi nous, de le présenter à la nation sous des formes rebutantes qui étoufferaient le sentiment de son excellence, avant qu'il soit éprouvé par la jouissance, et ne le montreraient que sous le rapport d'un assujettissement trop pénible pour les citoyens.
Je place ici l'examen de toutes les objections relatives à cette première partie de la discussion.
On a dit : 1° qu'il ne sera pas plus impossible d'écrire vingt témoignages, qu'il ne l'a été jusquici d'en écrire quelquefois cinquante;
2° Qu'on aura, pour faire ces écritures, le greffier qui les a toujours faites ;
3° Que le public, le juge et les jurés présents garantiront la fidélité de la rédaction ;
4° Qu'on pourra bien écrire la discussion ou le débat contradictoire, puisque jusqu'ici on a écrit les confrontations; et que celte rédaction ne sera pas plus impossible devant les douze jurés, qu'elle ne l'est actuellement devant deux adjoints.
La conclusion de tous ces détails a été qu'on
peut encore continuer de faire ce qu'on à bien pu faire depuis des siècles.
Celte argumentation parait sans réplique, puisque la conséquence est déduite de l'exécution à la possibilité; mais en l'approfondissant, on y découvre deux vices qui la rendent absolument inconcluante.
Le premier est que nous ne disons pas qu'il soit matériellement impossible d'écrire devant le juré assistant, si l'on peut s'assurer que le juré pourra soutenir la gêne de cette assistance : mais nous disons qu'il est démontré moralement impossible, que l'exécution du juré puisse subsister longtemps, avec cet assujettissement. C'est à cela que M. Tronchet ne répond pas, lorsqu'il répond à ce que nous n'avons pas dit.
Le second vice de son raisonnement est que l'exécution passée dontil argumentent la possibilité qu'il en conclut, ne sont point sur le même état de choses. Ce qu'ona fait précédemment, on l'a fait avec des tribunaux et des Tournelles ; là, on écrivait pendant des mois entiers une information à remplir des volumes ; on y écrivait aussi des interrogatoires etdes confrontations. Et comment encore les écrivait-on? Etait-ce devant le tribunal assemblé ? Les juges réunis étaient-ils spectateurs de ces fastidieuses rédactions? Non : on n'a jamais écrit que devant un commissaire, maître de suspendre et de reprendre la suite de ces opérations à sa commodité; eton n'a jamais écrit de confrontation en la présence des adjoints, dont le ministère cesse aussitôt que l'accusé est arrêté.
La vérité est dans la proposition diamétralement contraire à celle de M. Tronchet; c'est qu'on n'a pas encore fait ni même essayé de faire ce qu'il propose. Il n'y a donc pas d'exécution passée qui en garantisse la possibilité.
lia cherchéà insinuer qu'en payant les jurés,on pourraitobtenird'eux depluslongs déplacements. La nécessité du payement avouée, renferme l'aveu de la solidité de nos raisons et n'en est pas la réfutation. Si on ne peut pratiquer les écritures que M. Tronchet propose, qu'en payant les jurés il ne doit plus rester douteux qu'il faut rejeter son système; et plutôt que de l'adopter, il vaudrait même mieux renoncer entièrement à l'institution. Sa sainteté serait profanée, sa dignité avilie et toute sa moralité corrompue et détruite, du moment que l'argent serait devenu un ressort nécessaire à son activité. Entre ces deux partis, n'avoir point de jurés ou avoir ceux qu'on ne pourrait obtenir qu'à prix d'argent, il n'y a pas d'hésitation raisonnable.
Je finis sur cet objet par quelques éclaircissements que l'objection qui nous a été faite d'un passage de Blakstone rend intéressants. Ce passage est aux pages 18et 19 dudiscours de M. Tronchet. Il l'a cité en preuve qu'il y a des cas etdes tribunaux en Angleterre où l'écriture des dépositions est admise dans la procédure parjurés; et il en conclut que l'écriture des preuves est praticable avec le juré.
M. Tronchet s'est entièrement trompé sur la conséquence qu'il a tirée de ce passage; l'auteur ne dit point là ce que M. Tronchet a entendu, et c'est Blakstone lui-même qui va constater la méprise.
Le passage est extrait du chapitre qui traite du jugement par jurés au civil. Blakstone commence ce chapitre par expliquer la différence de la déposition orale qui est propre à l'examen par jurés et de la déposition écrite qu'il dit être le^ méthode établie par le droit civil. Il fait va-
loir ensuite les avantages de la déposition orale qu'il élève suivant l'opinion constante de l'Angleterre, bien au-des3us de la déposition écrite. Il fait remarquer ensuite quelques inconvénients de ce que les jurés ne reçoivent les témoignages que viva voce sans écritures; c'est là que se trouve le passage qui nous est objecté.
L'inconvénient que Blakstone y remarque, est que le juré ne recevant que des dépositions orales, il devient impossible de faire prendre par écrit celle des vieillards ou des voyageurs par précau-. tion contre le cas de leur mort ou deleur départ, pour s'en servir s'ils meurent ou partent avant le temps où le juré aurait pu les entendre.
Cependant aujourd'hui, dit-il, l'usage de l'écriture dans ces eus est fréquemment admis, lorsque les parties y consentent : il y a encore dans l'original, if the parties are open and candid, c'est-à-dire quand elles procèdent loyalement et ne tiennent pas à la rigueur des formes. On le pratique aussi dans les cours d équité, mais cela ne peut point être admis dans les cours de la commune loi, si ce n'est dans le cas d'un procès né dans l'Inde, et dont la poursuite se fait dans les cours du roi à Westminster.
J'observe premièrement qu'il ne s'agit là que des procès civils, et nullement des procès criminels : c'est une simple enquête sans débat.
J'observe secondement que ce sont deux cas extraordinaires, et hors de l'ordre commun; il s'agit de se prémunir contre la perte prochaine d'un ou de deux témoins précieux; il n'est pas question d'écrire les dépositions de vingt à trente témoins, et tous les détails d'une confrontation.
Ainsi les témoins dont il s'agit là seraient entendus littéralement devant les jurés, qu'on n'en pourrait conclure ni la pratique ni la possibilité d'écrire devant eux toute une instruction criminelle : mais je dis de plus que dans ces deux cas, et dans les cours d'équité, quand les dépositions se font par écrit, ce n'est point devant les jurés, mais devant des commissaires-enquêteurs. J'ajoute enfin que quand les cours d'équité autorisent les dépositions écrites, ce n'est que dans les matières légères, et que quand les faits contestés sont importants, elles renvoient déposer devant des jurés.
Voyez dans Blakstone le chapitre des procédures dans les cours d'équité : il explique très clairement que, quand une de ces cours, où jamais les jurés ne sont admis, ordonne une preuve, elle se fait, conformément au droit civil, en prenant les dépositions pur écrit; il détaille les formes de l'enquête et la nomination des commissaires qui y procèdent. 11 observe de plus, d'une manière très expresse : 1° que si quelque point de fait est fortement discuté, cette cour est si fort persuadée de la défectuosité de l'examen par des dépositions écrites, qu'elle ne liera point les parties par là, mais ordinairement renverra l'examen de l'affaire aux jurés, particulièrement les faits importants ; 2° que comme on ne peut sommer les jurés de comparaître à cette cour, il est ordinairement enjoint que le fait sera examiné à la barré de la cour du banc du roi, ou aux assises sur une feinte issue.
L'erreur de M. Tronchet sur le sens du passage qu'il a cité, et sur le fait de la pratique anglaise, reste donc parfaitement démontrée. Il est bien loin d'avoir prouvé qu'en aucun cas, ni dans aucun tribunal d'Angleterre, on écrive toute l'instruction d'un pro ès criminel devant des jurés ; qu'on y écrive même une simple preuve civile. Il n'a donc point l'autorité de l'exemple et de
l'exécution, pour montrer que son système soit praticable.
Je conclus que, si chacun de nous est bien intimement convaincu que des jurés ne pourront pas soutenir longtemps ces longues et fastidieuses séances qui se passeront à écrire, et que le dégoût inévitable d'une telle corvée fera bientôt haïr et déserter ce service, proposer les écritures, comme le fait M. Tronchet, c'est proposer la destruction du juré. Nous avons été tous unanimes au comité pour reconnaître qu'il ne pouvait pas entrer dans les vues de M. Tronchet, dont la loyauté ne nous est pas douteuse, d'enfermer un germe certain de la ruine prochaine du juré dans le mode de son établissement. Je suis chargé par mes collègues, et j'aime personnellement à rendre cette justice publique à notre estimable adversaire; mais nous devons à la confiance de l'Assemblée et à nos consciences de dire contre son système pris en lui-même, et sans aucune application personnelle, que s'il existe un moyen indirect d'anéantir par le fait le décret constitutionnel de l'établissement des jurés, c'est précisément celui de l'écriture de toutes les procédures en leur présence. (.Applaudissements.) SECONDE PARTIE.
Une seconde raison de l'incompatibilité des écritures avec le juré, et celle-ci doit être principalement sentie par une Assemblée législative, est que l'effet de l'écriture altérera inévitablement la moralité qui fait de l'institution du juré le moyen le plus voisin de l'infaillibilité qui soit pami les hommes.
Je dis le moyen le plus voisin de l'infaillibilité, car les facultés humaines ne vont pas plus loin. Dans quelque système que ce soit, dès que ce sont des hommes qui vérifient des faits qui leur sont étrangers, par le témoignage d'autres hommes, il reste toujours des chances à l'erreur. Mais que doivent laire les législateurs? Etablir le mode de vérification qui donne pour la découverte de la vérité le plus haut degré de probabilité ; et voilà ce que nous devons tous rechercher de concert, dans la sincérité de nos cœurs, et par toutes les puissances de notre entendement. (Applaudissements.)
Ici se présente la nécessité de bien éclaircir les idées sur la distiuction des preuves légales et morales.
On appelle preuve légale ce que la loi ou une doctrine ayant acquis le même crédit que la loi déclare être probant. Ainsi la preuve légale est factice et artificielle; elle peut, dans bien des cas, n'avoir rien de commun avec la vérité intrinsèque du fait.
La preuve morale, au contraire, est celle qui, indépendante de toute règle ou de toute préoccupation étrangère à la vérité intrinsèque des faits, se puise sur chaque fait particulier dans toutes les circonstances qui produisent, par l'assentiment libre, une conviction uniforme sur le très grand nombre des hommes impartiaux. (Applaudissements.)
Tout le discours de M. Tronchet et le décret même qu'il propose ont pour base cette vérité qu'il reconnaît et professe, que la preuve morale est la seule qui mérite confiance, et qui doive déterminer la conscience et la décision des jurés. En effet, s'il propose des écritures judiciaires, tout aussitôt il les rend indifférentes pour la conviction, en laissant les jurés maîtres de n'avoir
à ces écritures, quoique rédigées sous leurs yeux, que tel égard que de raison. Je prie ceux de mes collègues dont je sais que l'erreur a été portée sur ce point jusqu'à penser que dans la conviction morale était renfermé un arbitraire destructif de la sûreté judiciaire, de se rallier avec nous autour de la vérité reconnue par M. Tronchet.
Ses connaissances en législation l'ont autorisé à dire que la doctrine des preuves légales n'est établie par aucune loi positive; nous en sommes convaincu comme lui : et son éloignement naturel pour les procès criminels l'ayant peu instruit de la pratique des Tournellës, il ne lui a fallu que son bon esprit pour rester dans la persuasion que cette doctrine, qui lui paraît avec raison monstrueuse, n'existait pas.
Nous mettons, Messieurs, en fait positif qu'elle existait, qu'elle vivait dans le plus grand nombre des tribunaux détruits, et ce qui est bien plus fâcheux encore, qu'elle vit dans l'opinion commune et vulgaire des habitants des 83 départements, dans cette classe de citoyens qui seront le plus fréquemment appelés à remplir les fonctions de juré ; et certainement ce n'est pas nous qui avons inventé ici le système de la distinction des deux consciences, celle de l'homme et celle du juge.
Comment n'aurait-elle pas existé, cettedoctrine funeste, quand elle était le premier fondement nécessaire de tout jugement porté sur des dires qu'on n'avait pas entendus, et sur la foi des écritures qu'on n'avait pas vu rédiger? Cette créance que les juges étaient obligés de donner non .seulement aux minutes, mais même aux grosses des actes de l'instruction, qu'était-elle autre chose qu'une preuve légale ?
Ce n'est pas, il est vrai, aussi textuellement de la loi, mais c'est de
son effet inévitable, de la nécessité de se faire des règles pour
apprécier les témoignages, quand on n'avait pas pu apprécier les
témoins, que sont nées toutes les autres parties du système de la preuve
légale, et surtout cette opinion trop répandue, trop réellement
pratiquée, que deux témoins positifs, uniformes, non valablement
reprochés, faisaient une conviction légale. Rappelez-vous, Messieurs,
les mémoires imprimés dans les affaires criminelles les plus célèbres;
ouvrez les registres de la Tournelle de Toulouse, dans l affaire de
Calas; ceux de la Tournelle de Paris, dans l'affaire de Bradier, Si-mare
et Lardoise, dits les trois roués, parce qu'ils ont failli de l'être ;
apprenez qu'un de nos collègues, qui était un des juges de ce dernier
procès, et qui résistait à la condamnation par la force de la conviction
morale contraire aux témoignages, d'ailleurs très suspects, fut
réprimandé par le président qui lui dit que c'était une prévarication
dans son ministère de ne pas céder à la preuve faite par deux témoins
non reprochés. Lisez enfin le réquisitoire de M. Séguier, avocat
général, dans la même affaire, dont toutes les pages sont saturées de la
doctrine de la preuve légale, de sa défense, et même de son éloge (1).
La seule capacité supposée dans le juré est la rectitud-e du jugement ; son tact est celui de sa conscience ; sa règle est exclusivement sa conviction intime; et la garantie qu'il est si naturel de désirer contre le danger apparent de tant d'indépendance se trouve complètement dans sa nature même, dans sa composition, dans son impartialité indubitable, dans sa rénovation pour chaque fait, dans la plus nombreuse réunion des suffrages.
Les jurés sont placés au sein, pour ainsi dire, de la preuve; ils en
suivent tous les progrès matériels et moraux; ils voient et entendent
les témoins déposer, ils voient et entendent l'accusé se défendre, ils
voient et entendent les témoins et l'accusé poursuivant , pressant
réciproquement et faisant sortir la vérité par leur débat
contradictoire. A mesure que ce débat s'avance et s'anime, ils reçoivent
une conviction intime et s'imprègnent de la vérité par tous les sens et
Quand on considère que la nécessité des preuves écrites se trouve établie partout où l'on n'a pour juges que des tribunaux et qu'à Rome, tant qu'elle a eu l'équivalent des jurés, en Angleterre et dans les Etats-Unis d'Amérique, les preuves : orales sont une méthode propre au juré, on est forcé de reconnaître que cette différence constante n'est pas arbitraire. Avec des tribunaux, tels que nous les avions, susceptibles non seulement de toutes les passions des corps permanents, mais encore de toutes celles des individus permanents aussi qui les composaient, qui décrétaient et jugeaient, et qui jugeaient le fait et le droit, il était nécessaire de contenir le pouvoir effrayant dont ils étaient armés, en les obligeant de constater par écrit les bases et les motifs de leurs jugements.
Quand on a des jurés, au contraire, on peut employer avec un plein succès, comme l'Angleterre et l'Amérique libre le prouvent sans réplique, la méthode des preuves vives, qui peut seule assurer la pleine liberté de la conviction morale. C'est la pureté même de l'institution du juré qui en donne le droit et qui repousse toutes les vaines alarmes. Les jurés sont les citoyens, l'extrait du peuple, ils le représentent. Deux cents sont sur la liste ; on en tire douze pour chaque jugement; c'est le sort d'abord, ensuite des récusations très étendues, qui déterminent quels sont ces douze. Ils sont appelés au moment de l'épreuve, sans que ni eux, ni les parties intéressées aient pu le prévoir. Ils sont juges une fois, et rentrent aussitôt dans la foule des citoyens ; ils sont jurés aujourd'hui, et pourront être*demain accusateurs ou accusés devant ceux qu'ils vont juger; ils sont sous les yeux et sous l'opinion de leurs concitoyens qui les entourent, gui voient comme eux tout le procès, et qui jugent leur jugement.
Ces hommes ne vous présentent-ils pas, Messieurs, tout ce qu'on peut réunir, quand on emploie des hommes pour établir la confiance publique et individuelle à laquelle il faudrait renoncer dans l'ordre social, si elle ne se trouvait pas là? Et il faut encore la conviction uniforme de dix de ces hommes sur les douze pour condamner I Et il ne faut que celle de trois seulement pour absoudre! Et ils n'ont en général aucun autre intérêt que celui de l'ordre et de la justice, dont dépend leur propre sûreté 1 Qu'on m'indique donc une autre combinaison possible, qui offre, par autant de données favorables à la vérité, une chance qui soit aussi sûre pour l'innocence! Lorsqu'on a une institution aussi parfaite pour garantir la bonne application de la conviction morale, c'est se tourmenter à plaisir que d'en craindre les résultats; et c'est mal servir la société, que d'altérer un tel établissement par le mélange de quelques restes d'un ancien ordre de
choses qui a tant de fois trahi la vérité. (Applaudissements.)
Ces développements étaient nécessaires avant d'entrer au centre de la question.
M. Tronchet soutient, et c'est son assertion la plus spécieuse, que Vêcriture devant le juré ne nuira point à la conviction morale; qu'avec Vêcriture, il réunit deux avantages, au lieu que sans elle nous n'en avons qu'un.
Après un mûr examen, nous avons aisément reconnu que l'exécution matérielle et durable du juré présent aux écritures de toute l'instruction, étant impossible, comme je l'ai établi d'abord, loin de s'assurer la jouissance de deux avantages, on n'en aurait pas même un, et qu'on finirait par perdre en peu de temps l'institution même.
Nous avons ensuite pensé unanimement que, s'il était possible d'écrire, il ne le serait pas, quelque précaution qu'on prît, que les avantages de la conviction morale fussent conservés sans altération avec l'écriture. Voici nos raisons :
Laplupart des absurdités du système des preuves légales, quoiqu'elles ne soient autorisées par aucune loi, se sont établies cependant : c'est qu'elles sont nées naturellement, et presque invinciblement, de l'écriture. Il y en a deux causes : la première est que, quand on opère sur des écrits qui sont des objets purement matériels, l'embarras qu'on éprouve souvent à en tirer, surtout à en apprécier comparativement les résultats, oblige à se former, pour cette opération des règles conventionnelles; la seconde est que les écritures qui se conservent forment le contrôle perpétuel du jugement dont elles peuvent être rapprochées en tous temps, au lieu que les autres termes de comparaison, tirés des preuves morales non susceptibles d'être écrites, ne laissent aucunes traces. Or, les juges ont, et auront toujours, tant qu'on écrira, une propension naturelle à conformer leur jugement plutôt aux indications permanentes des actes écrits, qu'aux impressions de la conviction morale, dont les motifs disparaissent.
Pour rendre sensible l'application de ces réflexions, supposons des jurés qui auront assisté à plusieurs séances d'instruction, rentrés dans leur chambre, et saisis du cahier d'écritures. Il faudra d'abord qu'ils examinent tout ce qui y sera contenu, que l'un d'eux par conséquent soit rapporteur, et que les autres écoutent: je trouve la chambre des jurés transformée, par la nature et par le mode de son travail, en une séance de Touruelles, obligée de s'accorder à la presque unanimité sur le résultat des pièces; pour fixer le degré d'égards qu'elle doit y avoir : je vois les esprits se uivisant sur la valeur, ou le sens, ou l'exactitude de telles expnssions, et la vérité mise au hasard du plus ou moins de justesse dans l'appréciation des écritures.
Ou a dit que cela favoriserait et renforcerait les effets de la conviction morale, en rappelant les imposions qui l'ont produite. Il y a bien plus à craindre que cette méthode n'en détournât plutôt,etn'en altérât tout l'effet dans des hommes sans expérience. Combien d'entre eux, qui auront saisi ia conviction avec le plus de justesse, se trouveront cependant le moins en éiat de la conserver et de la défendre contre le choc d'une contradiction apparemment motivée? Des écritures dans les mainsdes jurésseront poureuxu îesource indispensablede disputes,de tiraillements,d'incertitudes d'opinion, et d'anxiélédeconscience. Pour ces hommes simples et qui n'apportent à l'exercice de leurs fonctions que les notions communes de
la vieprivée, des procédures écrites seront comme ces instruments dangereux qu'on ne peut utilement confier qu'àceux qui en connaissentl'usage. Si quelqu'un d'entreeux saittirerhabileraentpartf de quelques rédactions pour inquiéter les autres sur la vérité des impressions qu'ils auront ressenties; s'il a surtout quelque poids parmi eux; s'il a l'art d'alarmer leur conscience, ou d'intéresser leur honneur en leur faisant craindre que l'écriture ne déposât perpétuellement contre leur décision, ces derniers aimeront mieux souvent se défier de la justesse de leur conviction, que de s'exposer au blâme d'avoir rendu un jugement qu'on leur montrerait flétri pour toujours dans l'opinion publique par le témoignage impérissable des procédures écrites.
Il n'est donc pas exact que l'écriture laisse un libre cours aux effets de la conviction morale ; mais si elle peut l'altérer et la corrompre après qu'elle est acquise, elle peut encore l'empêcher de se former. Il est difficile de croire que si le débat devant le juré était aussi froid, aussi traînant, aussi inanimé, qu'il serait nécessaire pour que tous les détails en fussent rédigés par écrit, il fournît beaucoup de ces traits de vérité, dont la conviction morale se compose ; ils ne peuvent être produits que par le mouvement et la chaleur ; ils n'échappent que dans l'abandon. Peu de nos confrontations en fournissent des exemples; elles sont en général insignifiantes, parce que l'effet en est ralenti sans cesse par la nécessité de s'asservir à la lenteur de l'écrivain.
Il est difficile encore d'espérer que les jurés, excédés par les fatigues et l'ennui de longues séances employées presque entièrement à rédiger, pussent conserver le degré d'attention et d'intérêt nécessaire pour recueillir les vives impressions de la c'onviction, lorsqu'ils auraient surtout la confiance qu'on leur remettrait toute la procédure écrite.
Nous insistons, Messieurs, sur cette dernière réflexion dont la vérité nous paraît moralement évidente, quoique M. Tronchet ait cru y trouver une occasion favorable de frapper les jurés d'ana-thème, en s'écriant que si ce sont-là les hommes auxquels la vie et l'honneur des citoyens seront confiés, il faut se hâter de révoquer le décret qui les appelle.
Une voix du côté droit : Il a raison 1
Non, il n'a pas raison 1
Cette proscription est trop rigoureuse ; tout ce qu'on peut raisonnablement conclure de notre observation, c'est que les forces et l'attention des hommes ayant un terme marqué par la faiblesse de leur nature, il ne faut jamais les mettre dans une position qui exige plus de vertu que n'en comporte l'imperfection humaine. C'est aux institutions publiques à former les hommes ; mais l'habileté des législateurs consiste à calculer les institutions, et à les organiser sur ce qu'on peut se promettre d'obtenir des hommes. Formons donc une institution de jurés, telle que les citoyens ordinaires puissent en remplir physiquement et moralement l'objet, et pour cela n'y admettons pas la rédaction complète de toutes les procédures en présence du juré; car les écritures et le jugement sur l'examen de ces écritures seraient, au physique et au moral, l'anéantissement des jurés. Je demande à l'Assemblée la permission d'in-
terrompre l'opinion actuelle; il n'est pas possible à ma poitrine d'en dire davantage.
Il est malheureux que M. Thouret n'ait pas pu continuer son rapport. Vu son extrême importance, j'en demande l'impression la plus prompte. Cette précaution sage est, pour l'Assemblée nationale, un commencement de preuve que, dans le xviii0 siècle, l'on ne doit juger des matières importantes que sur des preuves écrites. (Il s'élève quelques murmures.) Si l'Assemblée nationale doit se déterminer à supprimer la procédure par écrit, je demande, au moins par respect pour l'usage admis jusqu'à présent dans la nation,.... Plusieurs voix : 11 était mauvais 1
que dans une discussion où il ne s'agit pas d'un intérêt particulier, mais de la vie de tous ceux qui seront traduits par devant les tribunaux; je demande, dis-je, que cette question ne soit décidée qu'après le plus sévère examen. Sans rien préjuger, sans entamer une discussion qui ne pourrait être continuée, puisque l'universalité des moyens de M. Thouret n'est pas connue, je m'engage personnellement (On entend quelques applaudissements.) à réfuter victorieusement tout ce qui vous a été dit par M. le rapporteur. (Il s'élève des murmures dans la partie gauche.) Je sens toute la force de l'engagement que je contracte, mais je prie les personnes qui montrent de l'inquiétude sur ma fidélité à le remplir d'observer que je ne prétends pas faire de ceci une affaire de faveur. C'est en faveur de l'humanité que je préviendrai tous les inconvénients d'une procédure non écrite. Ici je prie l'Assemblée de se souvenir que par une fatalité que je ne saurais expliquer, mais qui existe, c'est dans les pays les plus libres que les faux témoins sont les plus multipliés. Il y en a davantage eu Angleterre que dans le reste de l'Europe.(Murmures dans la partie gauche.) Je ne prétends pas que la seule cause de ce fait soit le défaut d'écriture dans les procédures, mais il y a infiniment contribué. Si les procédures ne sont pas écrites, les faux témoins recevront de vous un brevet d'impunité. (Interruption.)
Monsieur le Président, vous n'avez donné la parole à M. l'abbé Maury que sur la question du fonds.
Il ne faut pas se laisser séduire par les maximes philosophiques qui tendent à une perfection idéale. Il y a des inconvénients dans les dépositions par écrit; mais si l'on veut de bonne foi la sûreté et l'égalité, on avouera qu'il y en a cent fois davantage dans les dépositions seulement verbales.
Vous présumez bien que je ne me présente pas ici pour répondre au discours ou à la partie du discours que vient de prononcer M. Thouret ; mais pour vous faire une observation d'ordre que je crois très importante. Nous cherchons tous ici la vérité, nous cfierchons tous à donner à la nation l'établissement le plus parfait; car je ne crois pas qu'on me soupçonne de mauvaise foi. Plusieurs voix : Non 1 (Applaudissements.)
Une phrase a été dite à cette tribune, non certainement par M. Thouret, — il est trop poli, — mais par le préopinant, M. Du-metz : « Si l'intention secrète (ce sont ses propres termes), l'intention des personnes qui demandent l'écriture est de détruire l'institution des jurés, ils y réussissent parfaitement. » Ce n'est pas par des phrases aussi insidieuses et aussi malhonnêtes qu'il s'agit de juger ces intentions.
se présente à la tribune avec vivacité.
L'observation d'ordre que je veux faire à l'Assemblée, c'est que le discours de M. Thouret se trouve interrompu précisément à mes yeux dans la phrase la plus importante. Vous avez pu déjà entrevoir que l'on s'est servi de cette explication : Si l'on veut une écriture complète. Vous n'avez pas oublié que l'on vous annonce déjà d'avance une espèce de modification à la preuve écrite. C'est déjà un premier aveu que ceux qui demandent l'écriture n'avaient pas des intentions aussi funestes qu'on le suppose. Il serait fort dangereux que M. Thouret achevant son discours demain, dans la partie la plus essentielle à mes yeux, on voulût enlever immédiatement après la décision de l'Assemblée; car je ne vois pas qu'il ait encore répondu un seul mot aux grands inconvénients que j'ai opposés au défaut d'écriture. Je supplie donc l'Assemblée de permettre que ceux qui ne sont pas encore convaincus, de part ou d'autre, aient le temps de réfléchir sur une matière aussi importante. Je demande que le discours de M. Tbouret soit sur-le-champ livré à l'impression, et qu'il ne soit rien décidé qu'aprè3 qu'il aura pu, de cette manière, être parfaitement connu de toute l'Assemblée. (La motion de M. Tronchet est adoptée.)
J'ai à vous faire part d'une pétition qui est adressée à l'Assemblée par la dame Marie Humbert, âgée de 34 ans ; cette dame demande à paraître à la barre ce soir avec les habits avec lesquels elle a fait divers actes de valeur. A l'âge de 15 ans, elle s'était engagée dans le Régiment-Royal-marine ; blessée dans un combat particulier, elle craignait d'être découverte et déserta. Peu de temps aprè3, elle s'engagea dms le régiment de Navarre; il s'éleva des soupçons sur son sexe, et elle s'enrôla enfin dans les dragons de Custine. (L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
proposent, au nom du comité d'aliénation, la vente de plusieurs bieus nationaux à diverses municipalités. Ces ventes sont décrétées comme suit : « L'Assemblée nationale, sur le rapport, qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs desévaluationsouestimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-apiès, payables delà manière déterminée par le même décret:
Savoir : A la municipalitéd'Is-sengeaux, département de la Haute-Loire, pour....... 8,800 1. s. d. 'A celle de Tance, même département. 52,797 14 8 A celle d'Aix, département des Bouches-du-Rhône......... 286,583 11 A celle de Cusset, département de l'Allier............... 62,194 10 4 A celle de Noyant , même département. 11,968 A celle de Senlis, département de l'Oise, 2,697,051 14A celle de Chaumont-■ en-Vexin, même département.......... 67,786 1 A celle de Geri-Fon-- taine, même département............ 9,989 14 A celle de Nauroy, département de l'Aisne 37,200 5A celle de Pont-à-Bus-sy, même département............. 20,390 6 8 À celle de Montloué, même département. 28,514 6 2 Acellede Châteaudun, département d'Eurè- ; et-Loir............ 1,215,219 18 2 A celle de Rouen, département de la Seine-Inférieure... 3,910,101 17 2 A celle de Souppes, département de Seine-et-Marne— ...... 7,723 9 2 A celle de Rumont, même département. 1,764 4 4A celle deLay-Chevil-ly, département de Paris............. 202,939 12 3 A celle de Meulan, département de Seine-et-Oise............ 97,963 16 4 A celle de Versailles, même département. 1,093,474 12 A celle de Salins, département du Jura. 697,725 18 A celle de Goligny,département de l'Ain. 132,687 3A celle de Viriat, même département. 28,622 A celle de Sâint-Nico-las-de-Bourgueil, département d'Indre- et-Loire........... 180,761 A celle de Château-roux, département de l'Indre......... 373,315 11
annonce l'ordre du jour pour la séance du soir et pour celle du lendemain, et lève la séance à trois heures.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes :
Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la Société des amis de la Constitution de la Réole. Elle demande que les séances des corps administratifs soient rendues publiques;
Adresse des syndics de la communauté des juifs de Metz, qui supplient l'Assemblée nationale d'agréer l'hommage de la reconnaissance dont ils sont pénétrés pour elle, et les voeux ardents qu'ils forment en ce renouvellement d'année pour la prospérité de tous les membres qui la composent.
Adresse des juges du tribunal du district de Bagnères qui, aussitôt après leur installation, présentent à l'Assemblée le tribut de leur admiration et de leur dévouement.
Adresse de la Société des amis de la Constitution séante à Foix. Elle gémit sur les scènes affligeantes qui se sont passées à Pamiers, et atteste que les projets de contre-révolution n'ont jamais été dans cette ville qu'un prétexte dont se sont servis quelques intrigants pour assouvir, sous le masque du patriotisme, les haines particulières dont ils étaient dévorés depuis longtemps. Elle supplie l'Assemblée d'interposer son autorité pour pacifier au plus tôt cette malheureuse cité.
Adresse des administrateurs du district de Chartres, quiannoncent qu'ils viennent de commencer la vente des biens nationaux; que le prix des adjudications a été porté au double des estimations, et même jusqu'aux deux tiers au delà.
Le sieur Bomert, premier adjudicataire, prête, au bas de cette adresse, son serment civique entre les mains de l'Assemblée.
Adresse des membres du conseil général de la commune de Nantes qui font hommage à l'Assemblée du premier exemplaire de leur compte public ; ils demandent que ce monument de leur administration et de leur comptabilité occupe une place dans les archives nationales.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait de cette adresse une mention honorable dans le procès-verbal de cette séance, et que l'exemplaire du compte de la municipalité sera déposé dans les archives nationales.)
Adresse de la Société des amis de la liberté établie à Coutances. Elle dénonce à l'Assemblée une adresse aux citoyens actifs du département de la Manche, qui tend à prévenir le peuple contre l'égalité des partages.
(M. de Saint-Simon demande la parole sur cette adresse.)
Monsieur le président, c'est en mon nom et en celui de mes codéputés qui
ont signé la lettre au département de la Manche, dénoncée au club des
amis de la liberté de Coutances, que je vais vous donner l'explication
de ce fait d'une manière franche et irréprochable. J'ai une observation
plus importante à
Vous avez ordonné, il y a quelque temps, l'impression et la distribution d'un projet de décret sur les successions ab intestat. Ce projet a paru à plusieurs députés du département delà Manche, partie de l'ancienne Normandie, mériter la plus sérieuse attention. Nous l'avons médité pendant longtemps avec toute l'attention dont nous sommes capables. Nos réflexions augmentant nos inquiétudes, nous avons désiré nous entourer des lumières de nos concitoyens et connaître leur vœu avant d'émettre le nôtre.
Nous nous sommes dit : Si cette loi leur paraît bonne, ils nous diront d'y concourir et nous ne perdrons pas le temps de l'Assemblée nationale dans une vaine discussion. Voici la lettre ; je la mettrai moi-même sur le bureau et je demanderai qu'elle aille au comité des rapports.
Ce que demande M. l'opinant est fort juste ; je crois qu'il y a lieu à renvoyer au comité des rapports.
Je vous dénoncerai des choses qui sont contraires à votre Constitution. Plusieurs voix : A l'ordre du jour !
Messieurs, six de vos collègues sont inculpés dans les pamphlets.
Monsieur, ce que vous dites là n'est point dans l'ordre du jour.
Un représentant de la nation ne peut pas se coucher sur une dénonciation sans se justifier.
(L'Assemblée, consultée, ordonne le renvoi de l'adresse au comité des rapports et passe à l'ordre du jour.)
Il est ensuite donné lecture des adresses suivantes :
Adresse de la Société des amis de la Constitution séante à Aigueperse. Elle sollicite l'établissement d'une maison d'éducation dans cette ville.
Lettre de M. Le Cocq, curé de Saint-Etienne de Vézelay, département de l'Yonne, sur la résistance funeste et incendiaire d'un grand nombre d'ecclésiastiques à la constitution civile du clergé, et au serment sacré et infiniment sage ordonné par le décret du 27 novembre dernier.
Adresse du directoire du département de la Meuse, et dénonciation à
l'Assemblée nationale d'un mandement attribué à M. l'archevêque de
Trêves, en date du 26 novembre dernier (1), à laquelle se trouve joint
un arrêté pris sur icelle par ce directoire, le 23 décembre suivant ; un
autre pris par ie directoire du district de Mont-médy, du 15 du même
mois, et une lettre du procureur syndic, en date du même jour ; lesdits
arrêtés tendant à maintenir l'obéissance et la soumission due par les
ecclésiastiques eux-mêmes aux lois décrétées par l'Assemblée nationale
et sanctionnées par le roi, et notamment à
Un membre propose que M. le président soit autorisé à écrire à ce directoire une lettre de satisfaction des mesures qu'il a prises pour prévenir toute infraction aux décrets de l'Assemblée nationale.
(Cette motion, mise aux voix, est adoptée.)
,secrétaire, donne lecture d'une adresse des maréchaux de: logis, brigadiers et dragons du régiment de la Reine, en garnison à Laon, par laquelle ils réclament l'attention de l'Assemblé j nationale sur la régie chargée de la subsistance de l'armée, et la mauvaise qualité du pain qu'elle lui fournit, et qui détruit plus d'hommes que le fer des ennemis. Ils sollicitent la bonification de celte subsistance de première nécessité, et demandent que l'augmentation de solde que l'Assemblée nationale a bien voulu lui procurer, et son fidèle emploi, la fassent jouir de cet avantage. (L'Assemblée nationale ordonne le renvoi de celte adresse à son comité militaire.) Il est fait lecture d'une adresse d'adhésion des officiers municipaux de Nemours, et de soumission à tous les décrets de l'Assemblée nationale, à laquelle est joint le procès-verbal de prestation de serment de tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics de cette ville.
,curé de Souppes. Messieurs, tous les ecclésiastiques du district de Nemours ont prêté le serment. Jadis, on dit que la chaire de Saint-Pierre a tressailli de joie; les vrais amis de la paix tressaillent aussi de joie, en voyant les pasteurs de tout un pays repousser le dangereux exemple du fanatisme et de l'ignorance. (Applaudissements.) Il est donné lecture d'une déclaration des négociants et armateurs de la ville de Saint-Malo, souscrite des maire et officiers municipaux de Saint-Malo et de Saint-Servan, par laquelle ils notifient aux marins de leur département, de service sur l'escadre et dans le port de Brest, qu'ils n'emploieront à l'avenir que les marins qui auront bien mérité de la patrie par leur entière subordination à la loi et à leurs supérieurs, et qu'ils priveront de ces avautages tout homme qui se sera rendu coupable d'insubordination et de désobéissance à la loi. (L'Assemblée ordonne qu'il sera fait une mention honorable de la déclaration ci-dessus, dans ie procès-verbal de ce jour.) Il est fait lecture d'une adresse du nommé David, relative à un terrain qu'il occupe dans le jardin des ci-devant capucins, et dans la jouissance duquel il se trouve troublé par la nouvelle construction d'un bâtiment qu'on élève sur ce terrain contre le sien. Un membre propose de renvoyer l'examen de cette adresse au comité des rapports et d'ordonner la suspension provisoire des ouvrages. (Cette proposition est adoptée.) Il est fait lecture d'une lettre de M. Cotte, prêtre de l'Oratoire, correspondant de l'académie royale des sciences, par laquelle il fait à l'As-
semblée nationale l'hommage d'un ouvrage ayant pour titre : Leçons élémentaires d'agriculture, par demandes et par réponses, à l'usage des enfants* (L'Assemblée nationale agrée cette offre, et ordonne qu'il en sera fait une mention honorable dans le procès-verbal de ce jour.)
fait lecture d'une lettre du maire de Paris, par laquelle il prévient l'Assemblée nationale de l'adjudication faite la veille de deux maisons nationales situées, la première rue Beaubourg, louée 600 livres, estimée 9,500 livres, adjugée 19,000 livres; la seconde, vieille rue du Temple, louée 1,500 livres, estimée 17,500 livres, adjugée 40,100 livres.
fait lecture d'une lettre de M. Marret, curé et maire de 1a paroisse du Teil, district de Bellesme, département de l'Orne, par laquelle il annonce qu'il a prêté, le 6 de ce mois, le serment prescrit par le décret du 27 novembre dernier, quoiqu'il n'ait pas encore été envoyé officiellement, malgré l'envoi fait par M. l'évêque de Séez à tous les curés de ce diocèse, de deux ouvrages ayant pour titre, l'un:Prône d?un curé, et l'autre : Développement du serment civique à prononcer ; et supplie l'Assemblée nationale d'accueillir favorablement cette nouvelle preuve de son adhésion à la Constitution, à l'effet que son exemple, le-premier que fournisse ce diocèse, puisse exciter ses confrères à le suivre.
Ce respectable pasteur n'a pas attendu la notification du décret pour s'y soumettre : il regrette d'avoir été prévenu par M. l'abbé Grégoire et ses collègues à l'Assemblée nationale.
(L'Assemblée'nationale décrète qu'il sera fait une mention honorable de cette lettre dans le procès-verbal de ce jour.)
Un membre du comité d'aliénation propose divers projets de décrets d'aliénation de biens nationaux à différentes municipalités.
Ces projets sont adoptés par l'Assemblée dans les termes suivants :
i L'Assemblée nationale, sur le rapport, qui lui a*, été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret ;
Savoir : Déparlement de Rhône-et-Loire.
A la municipalité de Saint-Chamond, pour la somme de ......209,318 1. 2 s. 2d
A celle de Saint-Martin à Coalteu..........64,555 14
A celle de Château- neuf..............19,064
A celle de Saint-Ge-nest en Ftugerolles.9,750 8 »
A celle de Lavalla....131.263 16
A celle de Valbenoite. 16,258 4 8
A celle de Celiieu....3,902 16
A celle de Saint-Jean deBonnefond...........23,883 I. 4 s. » d.
A celle de la Faye et la Faurie................20,416
A celle de Saint-Ro-main-en-Jarest..........2,428 Département de la Drôme.
A celle de Valence... 600,839 15 10
A celle deSaint-Marcel- lès-Sa'z-t............68,681 ' » :
A celle de Grignan... 19,535 » »
A celle deSauzet..... 48,075 ; »
A celle de Condillac.. 2,056 » » Département de l'Isère.
A celle de Janéyrias.. 21,684 » »
« Le tout ainsi qu'il est plus au long porté aux décrets de vente et états d'estimations respectifs annexés à la minute du présent procès-verbal. »
Ce que je vais avoir l'honneur dé vous soumettre n'est, à proprement parler, qu'une motion d'ordre. Les différences que la nature a mises entre les objets physiques des colonies et ceux de la mère patrie, des considérations locales d'une haute importance, ont déterminé la prudence comme la sagesse de l'Assemblée nationale à établir un comité qu'elle a spécialement chargé d'examiner tout ce qui concerne ces possessions éloignées. Elle a senti que chacune d'elles formait un tout, et qu'il y aurait de l'inconvénient, peut-être même du danger, à en isoler des parties. Cependant plusieurs comités de l'Assemblée se sont livrés à la discussion des matières qui ont plus ou moins de rapport avec les colonies. Je suis bien loin de critiquer leurs motifs, j'y applaudis au contraire; mais n'est-il pas à craindre que la proposition incidente, et pour ainsi dire accidentelle, de quelque disposition à appliquer aux colonies ne soit contraire à leurs localités ? El si tous les comités s'occupaient de ce qui les concerne, les raisons qui ont donné lieu à la formation du comité colonial ne seraient-elles pas méconnues? Je sens néanmoins que dans la division naturelle des travaux dé chaque comité, il peut y avoir des points relatifs aux colonies ; mais alors il convient encore que le comité colonial en soit instruit. C'est pour remplir ces différentes vues, que j'ai l'honneur de vous proposer le décret suivant : « L'Assemblée nationale, voulant conserver l'unité qui existe entre les différentes parties de la constitution et de l'administration des colonies, décrète : « 1° Que les objets qui intéresseront immédiatement les colonies ne pourront lui être pré-sentis que par son comité colonial; « 2° Que les autres comités ne pourront soumettre à sa délibération aucune disposition relative aux colonies, ni prendre aucun arrêté à cet égard, sans en avoir préalablement conféré avec le comité colonial. »
Je demande la suppression du préambule qui contient des principes suscep-
tibles d'examen, et qui gêneraient peut-être un jour l'Assemblée nationale.
Quoique je croie que ce préambule n'exprime que les principes de l'Assemblée, je consens à la suppression.
La motion proposée n'est rien moins qu'une motion d'ordre. Elle tend à gêner la liberté qu'a l'Assemblée de décréter, et chaque membre de proposer ce qui sera trouvé utile aux colonies. C'est tout soumettre au comité colonial. Je demande la question préalable.
Je n'ai prétendu gêner ni la liberté de l'Assemblée ni celle de ses membres; mais l'Assemblée ayant établi un comité colonial, et décrété que les colonies auraient une constitution qui leur fût propre, il serait dangereux que chaque comité pût, en se trompant lui-même, mettre l'Assemblée dans l'embarras, par l'impossibilité où elle serait peut-être de bien juger l'influence qu'une disposition aurait sur les localités coloniales. L'Assemblée a décrété, le 29 novembre, que son comité colonial lui présenterait un projet d'instructions destinées à accélérer la constitution des colonies. C'est laque les localités sont recherchées et consultées, et l'on doit redouter la moindre erreur qui pourrait produire au loin de très funestes effets. Je ne demande que le concours des lumières, et je ne soumets pas les autres comités au comité colonial.
Il est étonnant que le comité colonial ait chargé M. le rapporteur...
Je parle en mon nom personnel.
La proposition tend à rendre le comité colonial très despotique. C'est lui qui est cause des troubles qui agitent maintenant les colonies. Il s'est opposé à ce que des membres de cette Assemblée n'y fissent valoir des principes qui auraient tout calmé. L'Assemblée ne peut abdiquer son droit pour le donner à ce comité; j'appuie la question préalable.
Il est de ma délicatesse de répéter que je ne parle pas au nom du comité colonial, mais au mien. Je ne veux que la paix des colonies, et elle exige que tous les comités ne s'occupent pas indistinctement de ce qui les concerne. Le comité des rapports a pris des arrêtés sur les objets coloniaux; le comité militaire s'est occupé de la réclamation d'un officier colonial; celui des domaines, de concessions de terrain, c'est-à-dire de la base de nos propriétés; celui d'agriculture et de commerce, des îles Saint-Pierre et Miquelon ; enlin, celui d'imposition, de la nature de nos actes par-devant notaires : voilà ce qui peut devenir dangereux, et non pas le despotisme du comité colonial. Quant à ce que le préopinant appelle ses principes, si l'Assemblée les avait adoptés, il ne serait pas question de délibérer sur les colonies, car elles n'existeraient plus. Plusieurs voix réclament l'ordre du lour. (La question préalable est mise aux voix et adoptée.) L'ordre du jour est la discussion d'un rapport du comité des monnaies sur la fabrication d'une pelite monnaie (1).
,rapporteur. Messieurs, votre comité vous présentera sous peu de jours un projet de règlement pour la surveillance et l'organisation des monnaies, que l'abolition de la vénalité des offices et la suppression de la cour et autres juridictions des monnaies rendent également instant et indispensable. Vendredi dernier, un de mes collègues vous présenta, en mon absence, le projet du comité. Je ne puis que m'y référer, non parce qu'il est le meilleur, mais parce que, dans la circonstance, il me paraît le moins mauvais.
Avant de traiter ce qui est relatif aux monnaies, il ma semble que
l'Assemblée nationale doit statuer sur quelles questions elle croit
devoir se fixer. On dit souvent dans cette Assemblée que l'on prolonge
la session actuelle : je ne connais qu'une véritable nécessité, c'est
que l'Assemblée nationale fasse ce qui est indispensable et qu'elle ne
fasse rien de ce qui n'est pas indispensable. J'ai entendu dire très
souvent par M. Le Chapelier que nos commettants pressaient le moment où
l'Assemblée nationale lèverait cette session. C'est trahir la nation que
de dire à l'Assemblée nationale : la nation désire voir arriver le
moment où vous terminerez. — Car si la nation voyait l'Assemblée
nationale s'en aller en laissant une chose de grande importance sans
être faite, une chose qui pourrait compromettre l'édifice, elle le
trouverait mauvais. Tout ce qui n'est pas indispensablement nécessaire,
tout ce qui ne tient pas au succès de la Révolution, nous devons le
renvoyer à nos successeurs. Or, Messieurs, dans ce moment, il est d'une
très grande importance, pour le soulagement du peuple, de faire do la
petite monnaie, et je crois que l'Assemblée nationale doit s'occuper de
la question. Quant au système monétaire, je ne crois pas que nous soyons
assez instruits, à moins d'une très longue discussion, à laquelle nous
ne pouvons pas donner une demi-heure, au lieu que la prochaine
législature y donnera quinze jours. Nous devons renvoyer à nos
successeurs ce qu'ils pourront faire, parce qu'ils le feront mieux que
nous. (Applaudissements.) D'après cela je demande que la discussion
s'ouvre non sur la question élémentaire, mais sur le billon. Un membre :
Il ne s'agit pas de changer le titre des monnaies; nous ne devons pas
nous occuper de l'examen de cette question. Deux projets vous ont été
présentés qui tendent à la fabrication de petite monnaie; l'un est de M.
Démeunier; l'autre vous a été présenté par M. Belzats-Courménil, au nom
du comité. Je demande la priorité pour ce dernier projet. (La priorité
est accordée au projet de décret du comité.)
Quoique nous ne devions pas nous occuper de réformer le système monétaire, il ne me paraît pas nécessaire de fabriquer du billon : l Angleterre qui a suivi les grands principes monétaires n'a point de billon; l'Espagne, le Portugal n'en ont pas non plus. L'Amérique septentrionale n'a adopté, dans son nouveau système des monnaies, que des pièces d'or, d'argent et de cuivre pur. Préservons donc notre système monétaire d'un nouveau billon. Ne consultons que les besoins du moment. Ce n'est pas actuellement qu'il faut décrier la petite monnaie ; mais il sera nécessaire de la détruire un jour, et c'est dans cette vue que je vous propose de ne pas suivre les divisions actuelles de l'écu. Il y a actuellement dans la circulation une très grande quantité de mauvaises pièces de 24, de 12 et de 6 sous ; si cette monnaie doit être prochainement retirée, il serait très désavantageux d'en émettre aujourd'hui de la même valeur. La concurrence qui s'établirait entre les pièces nouvelles et les anciennes, dont la valeur intrinsèque est de beaucoup inférieure à leur valeur conventionnelle, déprécierait ces dernières. Vous adopterez, sans doute, l'idée que je vous propose, de substituer à l'ancienne légende une légende plus nationale, et conçue en langue française. Le peuple préférera les pièces dont l'inscription et l'empreinte l'ail» cteront d'une manière plus agréable ; et cette préférence contribuera à rendre la concurrence désavantageuse à l'ancienne monnaie. Ce sont ces motifs qui m'ont déterminé à m'éloigner du système de M. l'évêque d'Autun, et à vous proposer une nouvelle division de l'écu.
Votre comité des monnaies est tombé dans une grande erreur, quand il a dit que le besoin d'une petite monnaie datait de l'époque de la Révolution. Il se faisait sentir bien avant. Dès le mois de mai 1789, les bailliages d'Alsace avaient chargé les porteurs de leurs cahiers de demander de la petite monnaie pour remplacer la monnaie de Bâle, que les collecteurs des impositions auraient recueillie pour être employée aux pensions que nous payons annuellement dans la Suisse. Le second motif était que l'étranger enlevait à la circulation la monnaie actuelle, ainsi que les écus. Cependant le comité ne vous indique aucun moyen de prévenir cette soustraction; il vous propose de conserver l'ancien titre des monnaies, de les faire fabriquer aux frais du Trésor public, afin d'augmenter leur valeur, afin d'exciter les fondeurs d'argent à les soustraire à la circulation. (IL s'élève des murmures.) Un membre : Le système du préopinant ne tend à autre chose qu'à favoriser le faux monnayage.
Je rappelle M. Rewbel à l'ordre de la question ; elle n'est pas de savoir si l'on changera le titre des monnaies.
quitte la tribune.
Pour atteindre un but auquel vous êtes empressés d'arriver, j'examinerai toutes les questions relatives au système monétaire, non que j'adopte l'universalité des principes, et surtout les conséquences qui nous ont é é présentées par votre comité des monnaies, non que j'adopte les principes et les conséquences développés par M. de Mirabeau. Je crois, Messieurs, que sans nous jeter dans des discussions scientifiques, nous avons pour nous une expérience très récente à interroger. Au commencement du dernier règne, il fut question, comme à présent, de renouveler les monnaies. En 1718, M. de Noailles, alors président du comité des monnaies, f it préposé à la refonte des monnaies. M. le maréchal de Noailles composa un mémoire très savant sur cette matière; il était tiré de l'ouvrage de M. Le Blanc sur les monnaies; et il a été parfaitement développé par M. d'Aguesseau, lorsqu'il acombattule système de M. Law. Il semble que les principes lumineux invoqués au commencement de ce siècle avec le plus grand succès, puisque ce ne fut qu'en 1726 qu'on put enfin convenir d'un système monétaire, aient été totalement perdus de vue dans cette discussion; mais, Messieurs, il serait bien inutile de vous les rappeler aujourd'hui, si vous ne voulez en appliquer l'universalité; car je soutiens qu'il faut changer en entier le système monétaire, ou ne p s y toucher. Il serait inconcevable, Messieurs, que dans une nation où l'on estime que le numéraire est de deux milliards, on prît des précautions infinies pour faire quinze millions de petite monnaie, tandis qu'on est obligé de frapper tous les ans quatre millions de monnaie nouvelle dans vos hôtels des monnaies, si vous voulez entretenir vos monnaies dans la proportion avec les mines du Pérou et du Mexique. 11 semble que quinze millions doivent ici opérer un grand changement dans le commerce et dans le système des monnaies. Je ne le crois pas: car annuellement on fait plus de quinze millions de monnaie, et annuellement on ne change pas le système des monnaies. Votre système monétaire tient non seulement à votre commerce, mais à beaucoup d'égards il tient à vos mœurs; et vous ne pouvez pas répandre dans la circulation des pièces de 30 sols et de quinze sois pour remplacer celle de 24, 12 et 6 sols. Qjandmême cette ancienne division serait mauvaise, elle deviendrait bonne par son unité; et il serait du plus grand danger d'adopter ainsi perpétuellement des portions d'un système nouveau qui, fût-il excellent dans son ensemble, ne présenterait que des dangers si vous vouliez l'exécuter partiellement. Vous avez besoin de monnaie; il faut sans contredit faire des monnaies nouvelles; vous avez probablement des lingots pour en frapper; mais qu'avez-vous besoin de vous écarter du système monétaire pour le billon? Est-ce une expérience? Je m'abstiens de toute discussion ; car cela ne peut pas entrer dans l'espritd'un législateur quel qu'il soit. Je passe maintenant à l'article de la monnaie de billon. On vous dit que ia monnaie de billon, c'est-à-dire la monnaie mélangée avec l'argent, qui lui donne une valeur supérieure à la simple monnaie de cuivre, est une mauvaise monnaie; mais il en existe assez dans le royaume pour que vous ne puissiez pas la retirer, si c'est la monnaie la plus respectée de l'étranger, celle dont il se soucie le moins vous ne pouvez pas la décréditer; et ce n'est pas dans un moment d'embarras et de pénurie que l'on imagine le luxe de perfectionnement. Il faut donc conserver notre monnaie de billon : nous sommes trop heureux d'en avoir, et si le peuple se plaint, c'est de sa rareté et non pas de son abondance. Relativement à la monnaie de billon, comme je crois que cette institution n'est pas bonne par elle-même, comme je croisqu'il serait infiniment dangereux d'ouvrir ce nouvel appât de contre-
bande aux étrangers en les invitant à fondre votre billon pour en extraire le métal fin que vous y auriez employé, je ne demande pas que la nation frappe de nouveau billon; je demande seulement que le billon qui existe actuellement ne soit pas décrédité. Relativement à la monnaie de cuivre, puisque vous en éprouvez le besoin, vous devez la multiplier. Mais ici, Messieurs, il me semble que l'on confond l'effet avec la cause. L'extraction du numéraire, qui paraît dans ce moment la plus grande calamité, devrait nous conduire à d'autres résultats qu'à ceux que l'on vous présente. Ce n'est pas la monnaie de billon, ce n'est pas la monnaie de cuivre qui sort du royaume, qui est sortie du royaume : savez-vous pourquoi la monnaie de cuivre est si rare ? c'est parce que les espèces d'or et d'argent ne sont pas communes. Il y a, Messieurs, une observation qui a toujours frappé les yeux des observateurs du système monétaire, c'est que l'extrême abondance comme l'extrême rareté du numéraire produisent le même effet apparent. Lorsque l'or et l'argent sont très communs, il est très difficile de se procurer de la petite monnaie, parce que cette petite monnaie ne se trouve plus en proportion avec le numéraire qui circule. Lorsque l'or et l'argent disparaissent, comme celte petite monnaie qui n'était destinée qu'à des appoints qu'au payement des petits achats est mise à la placedel'autremon-naie, comme elle sort alors de la ligne que le législateur lui avait tracée puisqu'on est obligé de donner 60 pièces au lieu d'un écu qu'on n'a pas, il en résulte évidemment, Messieurs, que la rareté du numéraire, comme son extrême abondance font également disparaître la petite monnaie. On peut donc frapper de cette monnaie de cuivre ; je ne m'y oppose pas. On dit qu'elle est la richesse du pauvre. Cela n'est pas vrai, Messieurs ; c'est le signe dont le pauvre a besoin pour vivre dans sa pauvreté, car jamais la petite monnaie ne pourra l'enrichir. Il faut que cette petite monnaie soit commune autant qu'il sera possible, et son abondance vous obligera d'augmenter la monnaie de mine, mais à une condition, c'est qu'il ne sera rien changé ni au poids ni au titre, et que le système monétaire sera respecté tel qu'il était. Relativement aux inscriptions monétaires dont on vous a occupé, il semble très Indiscret, dans une assemblée de législateurs français, de combattre le projet de se servir de la langue française ; mais, Messieurs, ce n'est pas par respect pour la langue latine que tous les peuples du monde ont renoncé à leur idiome particulier pour cette langue. Les pronoms, les articles, les verbes de vos langues modernes sont tellement multipliés qu'on ne pourrait pas écrire deux mots sur une petite pièce, au lieu qu'en se servant de la langue latine, on écrit plusieurs mots, et on ajoute, Messieurs, par la multiplicité des mots, à la difficulté de la contrefaçon. Au reste, cette question est oiseuse ; et je voterai pour donner la préférence à la langue française, mais à une condition, c'est que votre comité des monnaies vous présentera une inscription pour les pièces de 6 sols qu'on pourra y graver; et je vous préviens qu'il sera impossible de vous en donner une qui ait le sens commun, parce que votre langue est trop prolixe. Votre langue qui est la première de toutes par sa clarté, parce que la clarté est non seulement son premier caractère mais surtout son premier besoin, votre langue ne peut, sans beaucoup de mots, ourdir une phrase qui ait un sens. Cette question a été discuté tant de fois dans la nation pour les inscriptions lapidaires, que je ne crois pas qu'elle doive vous occuper plus longtemps. Je conclus, relativement aux pièces de monnaies d'argent, à ce qu'on donne aux nouvelles le titre et la valeur de celles actuellement existantes ; relativement aux pièces de billon, à ce qu'on conserve la valeur commerciale de celles qui sont dans la circulation, sans en faire de nouvelles ; relativement aux pièces de monnaie de cuivre, à ce qu'on en frappe le plus qu'il sera possible, mais toujours en se conformant au titre ancien ; relativement aux inscriptions nouvelles, à ce que cette question soit ajournée jusqu'à ce que le Corps législatif du royaume, adoptant un système monétaire qui embrasse l'universalité des monnaies, ait plus de temps à perdre que nous. (La droite applaudit.)
J'appuie les principes du préopinant. Il faut une réforme totale du système monétaire, ou il n'en faut point. 11 n'y a en ce moment qu'une chose constante pour l'Assemblée, c'est le besoin d'une petite monnaie. La discussion des questions de savoir quel est le titre le plus avantageux des monnaies, et quelle est la division la plus commode, serait trop étendue, trop difficile pour ne pas consumer un temps précieux. Je demande donc qu'il ne soit rien innové dans la forme actuelle des monnaies. Les articles 1 et 2 du projet de décret sont adoptés en ces termes : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités des monnaies et des finances réunis, et sans rien préjuger sur les principes du système monétaire, qu'elle se réserve de prendre en grande considération, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il sera incessamment fabriqué une menue monnaie d'argent jusqu'à concurrence de quinze millions de livres. Art. 2.
« Cette fabrication sera faite au titre actuel des écus et avec les mêmes remèdes. »
Messieurs, je demande la permission de rétablir une opinion que M. l'évêque d'Autun a eue avant moi, qu'il a proposée à cette Assemblée avec l'applaudissement universel. Puisque vous n'adoptez aucun changement de système ou droit de seigneuriage et au titre, c'est de ne pas changer la division numéraire et de faire des pièces de 12 et de 6 sous (Murmures.) Messieurs, il n'y a pas de côté droit, ni de côté gauche dans cette discussion; je ne vois pas pourquoi vous voulez altérer un système ancien pour une faible portion d'un système nouveau et cela pour vous exposer à des inconvénients réels. Par exemple, lorsqu'une pièce de 15 sous sera un peu effacée, comment la distinguer d'une pièce de 12 sous? Messieurs, je vous prie de considérer qu'il vous est aussi facile de faire des pièces de 12 et de 24 sous, avec une légende française, que d'en faire de 15 et de 30 sous. Je ne m'oppose pas à la légende française; je suis le premier à la solliciter, pour que les coins soient de la plus grande perfection, parce que la perfection des empreintes est le seul moyen qui existe d'empêcher le faux monnayage. Mais prenez garde, Messieurs, que pour une faible émis-
sion de 15 millions, la multiplication de la division des signes devienne un véritable embrouillamini. Il y aura des pièces de 24, de 30, de 15, de 12, de 6 sous et ainsi de suite. (Mwmures.) Messieurs, si votre parti est pris de ne pas m'en-tendre, je me retire; mais je dénonce votre opération ; elle est mauvaise, vous vous en repentirez.
Vous adopterez sans doute une nouvelle inscription et une empreinte plus nationales; vous reconnaîtrez qu'il est utile de multiplier à l'infini les signes de la liberté. (On applaudit.) Mais si vous changez la .légende et l'empreinte, il est presque indispensable d'adopter une nouvelle division; en fabriquant des pièces de 15 et 30 sous, vous ferez un grand pas vers la division décimale tant désirée.
Je m'oppose de toutes mes forces à ce qu'on décrète des pièces de 30 et de 15 sols et j'en donne deux raisons. La première vient de vous être énoncée par M. de Virieu; la seconde estqu'ayantle pauvre en vue vous trouverez dans vos 15 millions un plus grand nombre de pièces de 12 et de 24 sols que de 15 et de 30 sols. Un membre : Je demande la question préalable sur l'amendement de M. de Virieu. (La question préalable est adoptée.) Les articles 3, 4, 5, 6 et 7 sont successivement mis aux voix et décrétés dans la forme suivante :
Art. 3.
« Cette monnaie sera divisée en pièces de 30 sols et de 15 sols, et il en sera fait pour 7,500,000 livres de chaque espèce. Art. 4.
« La valeur de chaque pièce sera exprimée sur l'empreinte. Art. 5.
« L'Assemblée nationale invite le3 artistes à proposer le modèle d'une nouvelle empreinte, et elle charge son comité des monnaies de lui rendre compte de leur travail dans la quinzaine. Art. 6.
« Il lui présentera, dans le même délai, ses vues sur la légende qu'il convient de substituer aux anciennes, et sur les moyens d'éviter les abus qui pourraient s'introduire dans cette fabrication. Art. 7.
t. Les divisions actuelles de l'écu en menue monnaie d'argent, et la monnaie de billon qui existent dans la circulation, continueront d'avoir cours, comme par le passé, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné; mais il n'en pourra être fabriqué d'autres. »
Un membre Dans l'article 8 du projet de décret actuellement en discussion, il est dit qu'il sera fabriqué de la monnaie de trois deniers; je crois que cette monnaie est inutile, même pour l'aumône, car on donnera à un pauvre deux liards au lieu d'un.
Un membre : Le préopinant ne connaît point les besoins des pays pauvres. Dans ma province les ,
liards sont aussi nécessaires que les sous le sont à Paris.
De l'émission d'une petite monnaie dépend, dans les pays pauvres, la diminution du prix des denrées.
Le besoin de la petite monnaie est proportionné au nombre des pauvres, des ouvriers, des manufactures. A Rouen, il se fabriquait annuellement une quantité considérable de monnaie, et elle ne suffisait pas au besoin des manufactures, Je demande en outre, par amendement, qu'il ne puisse être frappé de monnaie de cuivre avec du métal laminé et taillé en pays étranger. (L'amendement de M. Le Couteulx est adopté.) L'article 8 est décrété comme suit :
Art. 8.
« Il sera fabriqué de la monnaie de cuivre de 12, 6 et 3 deniers; elle ne pourra être frappée sur des flans de métal laminés et taillés dans les pays étrangers. »
Un membre : Je demande, par amendement à l'article 9, que la fabrication de la monnaie de cuivre soit limitée à un million.
(La question préalable est demandée sur cet amendement et adoptée.)
L'article 9 est décrété en ces termes : Art. 9.
« II en sera incessamment fabriqué pour un million, ensuite pour 100,000 livres par mois; et la fabrication sera continuée ou suspendue par décret de l'Assemblée nationale, suivant les besoins de chaque département. »
Quand on vous dit, dans l'article 10, que la fabrication sera faite à la taille actuelle, on entend que sur une livre pesant de cuivre on fera 42 gros sous, ou, ce qui revient au même, 21 au marc. La loi cependant fixe la taille à 20 au marc, ou 40 à la livre; mais il est d'usage de permettre aux directeurs des monnaies de la porter à 42 ; et cette permission, on l'appelle remède, appellation bizarre, qui n'est pas la seule dont le langage monétaire soit embrouillé. En général, ces prétendus remèdes ne sont que des appâts de plus pour exciter à la fraude. Quel que soit le bénéfice ordinaire, la cupidité une fois réveillée tend toujours à l'agrandir. Celui des directeurs est pourtant assez considérable pour qu'ils dussent s'en contenter. Un calcul fort simple, à la portée de tout le monde, va vous mettre en état d'en juger. Observons, en passant, qu'il y a des directeurs qui ont taillé et taillent eucore clandestinement jusqu'à 24 au marc ou 48 à la livre. Le plus beau cuivre se vend 10 à 12 sous le marc, selon le cours du commerce. Les directeurs des monnaies achètent, pour le roi,le cuivre purifié, travaillé, réduit en flaons, c'est-à-dire en ronds, prêts à recevoir l'empreinte du monnayage, de 13 à 14 sous le marc, et ils ont, à leur profit, une remise assez considérable, quand ils en prennent une certaine quantité. Les frais de cette dernière opération leur reviennent à moins de 15 deniers par marc. Le droit de sei-gneuriage, qu'ils payaient au roi, est 8 deniers par marc, ce qui Tait, pour ces deux objets, moins de 23 deniers, total du prix d'achat et des
frais, 15 à 16 sous. Si vous comptez la remise, ce sera tout au plus 15 sous par marc. En se tenant fidèlement à la loi, et au remède dont ils doivent compte, et donnant ce même marc au public pour 21 sous, ils gagnent 5 sous par marc. S'ils fraudent le remède, ce qui arrive souvent et facilement, ils gagnent 6 sous; s'ils taillent à 24, ils gagnent 9 sous. Dans le premier cas, le bénéfice des directeurs, est 25 0/0; dans le second cas, 30 0/0 ; et dans le troisième, 45 0/0. Ce calcul est clair et incontestable. Il est également évident que la proposition, qui vous a été faite ici par M. de Mirabeau, de faire fabriquer pour 83 millions de cette monnaie de cuivre, un million par départemental est évident, dis-je, que cette motion, si vous l'adoptiez, procurerait au moins 20,750,000 livres, de bénéfice net, aux directeurs qui feraient la fabrication ; car à 5 sous par marc, le bénéfice est toujours le quart de la totalité de la somme fabriquée, comme à 9 sous, c'est près de la moitié. Mais ne parlons que des 4 millions qu'un des avis du comité doit vous proposer. Le bénéfice énorme d'un million, qui en sera le résultat, il dépendra de vous, Messieurs, de le tourner au profit de la nation, sans faire d'injustice à personne, sans nuire à la chose, en ajoutant même à sa célérité et à sa perfection. Le moyen facile vous en sera présenté par votre comité des monnaies, dès qu'il sera temps. On l'a déjà pratiqué plus d'une fois avec avantage. J'imagine que vous ne vous laisserez pas entraîner par les qualifications vagues et injurieuses que vous avez entendu lancer ici contre tous les entrepreneurs quelconques. Ces sortes d'arguments, toujours odieux aux âmes honnêtes, ne sauraient prouver autre chose que la passion, ou la légèreté indiscrète de celui qui parle; ce sera à vous à juger qui méritera la préférence, ou ceux qui chercheront à gagner un million sur quatre, aux dépens de la nation, ou ceux qui voudront que la nation elle-même le gagne. Je viens aux amendements. En supposant que vous voudrez faire, à peu près comme par le passé, établir un bénéfice sur cette fabrication, pour que les sous nouveaux n'aient pas un poids et un volume trop éloignés de ceux qui circulent aujourd'hui, je demande : 1* Que le remède d'un sou par marc soit supprimé, et qu'ainsi la taille soit réduite à 40 à la livre, conformément à la loi existante, au lieu de 42, conformément à l'usage abusif, il me parait qu'un bénéfice de plus de 5 sous par marc, qui porterait l'impôt sur cette monnaie au delà de 25 0/0, serait presque ridicule. O i doit regarder d'ailleurs, comme un avantage, l'exacte observation de la loi, et le retranchement d'un abus qui affaiblit la monnaie, et l'éloigné encore plus de sa véritable valeur ; 2° je propose de faire frapper une modique quantité de sous, avec les sous-divisions convenables, à la taille de 15 au marc, ou 30 à la livre, et une autre partie à 10 au marc, ou vingt à la livre. A 30 à la livre, il n'y aurait ni bénéfice, ni perte, tous les frais se trouveraient couverts. A 20 à la livre, qui est ordinairement le prix du bon cuivre dans le commerce, les pièces auraient précisément leur valeur intrinsèque, de manière que, s'il arrivait un engorgement, lorsque les écus seront revenus dans la circulation, ceux qui ne pourraient s'en défaire comme monnaie, s'en déferaient sans perte, en les vendant au poids. Mais cette taille de 20 à la livre, qui rappelle l'ancien et véritable compte, sup- pose que le Trésor public ferait les frais de la fabrication, lesquels, pour 600 francs de cette monnaie, seraient une bagatelle. Le but de ces derniers amendements est de procurer au public des objets de comparaison, et de les mettre à portée de manifester son opinion, avec connaissance de cause, sur le choix de ces différentes tailles, pour les fabrications à venir. La monnaie de cuivre, à valeur intrinsèque, qui vous a déjà été proposée par M. l'évêque d'Autun, et qui pourra l'être encore aux législatures prochaines par d'autres citoyens éclairés et bien intentionnés, peut n'être pas préférée dans le moment actuel, vu la longue habitude qui domine, vu la disproportion d'une telle monnaie, en poids et en volume, avec la grande quantité de celle qui circule aujourd'hui, vu enfin qu'elle n'intéresse point le commerce extérieur, n'étant guère employée qu'aux petits détails de l'intérieur. Ce fut pourtant la monnaie des anciens, c'est encore celle de quelques pays. Un autre but de mon amendement est de faire que la première empreinte nationale ne commence pas par se souiller d'un mensonge, en attestant que telle pièce vaut ce qu'elle ne vaut pas réellement ; car, qu'on ne dise pas que la valeur des monnaies est purement conventionnelle : cela est vrai pour la valeur qu'on leur attribue au-dessus de la valeur intrinsèque ou commerciale. Cet excès de valeur, appelée numéraire, est borné à certains lieux et à certains temps, et s'anéantit à l'approche d'autres temps et d'autres lieux. Par exemple, le sou actuel, valant numérairement, c'est-à-dire convention-nellement, 12 deniers, ne vaudra que la moitié, lorsqu'il y aura engorgement, lorsqu'on ordonnera une fabrication différente, et toutes les fois qu'il approchera des pays étrangers. Il sera réduit alors à la valeur que lui dounont sa pureté, son poids et le cours du commerce. C'est ce qui arrive à toutes les monnaies, même à celles d'or et d'argent. L'empreinte ne peut être exactement vraie, que quand elle l'est pour tous les temps et pour tous les lieux, quand la valeur qu'elle atteste est partout la même, aux variations du commerce près. De là naît le grand principe monétaire, si respecté des anciens, suivi encore aujourd'hui par la plus habile, comme la plus puissante des nations commerçantes, Végalité entre la valeur numéraire et la valeur intrinsèque, mais ce n'est pas de quoi il s'agit aujourd'hui. Je demande seulement que les premiers fruits du premier poinçon national présentent la vérité dans toute son exactitude, soit pour l'honneur de l'empreinte, soit pour mettre l'opinion publique à portée de se former à cet égard. L'opinion publique, c'est-à-dire le jugement du public éclairé, devant servir de guide à toutes les opérations de ce genre, comme de toute autre, il est essentiel de lui montrer des points d'appui, qui puissent fixer l'imagination et la garantir des incertitudes et des erreurs. L'article 10 est décrété dans les termes suivants :
Art. 10.
« Les pièces de 12 deniers seront faites à la taille de vingt au marc, celles de 6 et 3 deniers dans la même proportion. »
demande,par amendement à l'article 11, que la moitié de la fabrication de la
monnaie de cuivre soit faite en pièces de 3 deniers. (Cet amendement est adopté.) Les articles 11 et 12 sont décrétés comme suit :
Art. 11,
« Un quart de cette fabrication sera en pièces de 12 deniers, un quart en pièces de 6 et la moitié en pièces de 3 deniers. Art. 12.
« Elle sera faite avec de nouveaux coins, dont le modèle sera incessamment décrété par l'Assemblée nationale; toute fabrication de monnaie de cuivre avec les anciens, cessera, dans toutes les monnaies du royaume, aussitôt que les nouveaux pourront être employés. Les anciens seront brisés en présence de la municipalité, qui en dressera procès-verbal, qu'elle adressera sans délai au ministre des finances. »
Un membre demande qu'on retranche la dernière partie de l'article 13 qui oblige les adjudicataires des cloches à payer partie du prix de l'adjudication en ciiivre pur jusqu'à concurrence du besoin des monnaies,
(Cet amendement est adopté.)
Les articles 13 et 14 du projet de décret sont en conséquence réunis en un seul article, qui est décrété dans les termes suivants : Art. 13.
« Pour accélérer l'exécution du présent décret, les cloches des églises supprimées seront incessamment vendues à l'enchère ; et les comités des finances et d'aliénation proposeront à l'Assemblée nationale les charges et les clauses qu'ils jugeront couvenablé d'employer dans l'adjudication. »
lève la séance à neuf heures.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
,secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier matin.
,secrétaire, fait lecture du procès-Yerbal de la séance d'hier soir. (Ces procès-verbaux sont adoptés.)
J'ai reçu de M. le maire de Paris l'annonce de trois ventes de biens
nationaux faites par la municipalité, savoir : la première, d'un
terrain, quai Saint-Bernard, loué 1,200 livres, estimé 15,160 livres,
adjugé 18,000 livres; la seconde, d'une maison louée 6,143 livres,
estimée 73,860 livres, adjugée 120,300 livres ; la
J'ai reçu également de M. le ministre de la justice une note dont je vais donner connaissance à l'Assemblée :
« Le roi a donné, le 5 de ce mois, son acceptation ou sa sanction :
« 1° Au décret de l'Assemblée nationale du 23 décembre, portant que les procédures relatives tant aux excès commis dans la paroisse de Saint-Thomas-de-Cosnac et autres circonvoisines, qu'au vol fait chez le sieur Messier de Jonzac, seront renvoyées au tribunal du district de Pons;
« 2° Au décret du 24, relatif au brhlement des effets rentrés au Trésor public, par la voie de l'emprunt national ou de tous autres;
« 3° Au décret du même jour, portant que les administrations de département et de district ne peuvent ni nommer ni entretenir des agents auprès du roi et du Corps Législatif :
« 4° Au décret du même jour, relatif à l'appel des jugements prévôtaux, à l'exécution desquels il a été sursis ;
« 5° Au décret du 26, concernant les dessèchements des marais, des lacs et terres;
«6° Au décret du même jour, relatif au compte à rendre par le sieur Quin^on, de la recette et de la dépense de la caisse générale du clergé;
« 7° Au décret du 27, relatif à la perception des rapports des gardes, concernant les délits commis dans les bois;
« 8° Au décret du même jour, concernant la construction de moulins dans la partie des fortifications de la ville d'Auxonne, appelée le bastion de Béchaux ;
« 9° Au décret du même jour, relatif à une erreur qui s'est glissée dans la rédaction de l'article 6 du décret du 6 décembre, concernant la caisse de l'extraordinaire ;
« 10° Au décret du même jour, relatif aux baux et sous-baux des entrepreneurs chargés de la conduite des voitures des messageries, tant par terre que par eau;
« 11° Au décret du 28, relatif à la nomination des juges de paix dans différentes villes et cantons, aux limites de leurs juridictions, à l'établissement de tribunaux de commerce et à leur installation ; à la nomination d'un sixième juge au tribunal du district d'Orléans, et à l'union d'une paroisse et de partie d'une autre au district deBellac;
« 12° Et enfin, au décret du même, jour, relatif au payement du centième denier, pour les charges de perruquiers. »
« Le ministre de la justice transmet à M. le Président les doubles minutes de ces décrets, sur chacune desquelles est la sanction ou l'acceptation du roi.
Signé : M. L. F. DÙport. « Paris, 10 janvier 1791. »
,au nom du comité de Constitution. Des difficultés se sont élevées entre le département de Parù et celui de Seine-et-Oise, relativement aux lieux des Moulineaux et de Fleury. Votre comité a vérifié les procès-verbaux de la division des deux départements : un examen approfondi le conduit a vous proposer le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de Constitution, déclare que, confor-
mément à son décret du 19 janvier 1790, et uu procès-verbal des limites des départements de Paris et de Seine-et-Oise, dressé par les commissaires respectifs desdits départements, le lieu des Moulineaux est entièrement dans le département de Paris, sous la municipalité d'Issy, et le lieu de Fleury entièrement dans le département de Seine-et-Ôise, sous la municipalité de Meudon; en conséquence décrète que l'administration générale desdits lieux appartient, savoir : celle des Mouiineaux au département de Paris, district du Bourg-la-Reine, municipalité d'Issy; et celle de Fleury, au département de Seine-et-Oise, district de Versailles, municipalité de Meudon. » (Ce projet de décret est adopté.)
,au nom des comités de Constitution et des rapports. Après l'installation du tribunal de district de Gonesse, séant à Montmorency, M. Gobert, premier juge, fit faire, à son de tambour, l'annonce du jour auquel l'audience suivante aurait lieu. Celui qui fit cette publication était muni d'un ordre par écrit signé de M. Gobert, sous la qualité de président du tribunal. La municipalité de Montmorency trouva que M. Gobert avait entrepris sur les fonctions municipales, en ce qu'il avait, de son autorité, fait faire une annonce à son de tambour, sans avoir pris l'attacbe de la municipalité. Elle arrêta que M. Gobert serait cité à l'audience de police de la municipalité : 1° pour voir dire que défenses lui seraient faites de faire faire de pareilles annonces à l'avenir, et se voir condamner en l'amende pour être contrevenu aux règlements de la municipalité; 2° pour se voir faire défenses de prendre (a qualité de président du tribunal, qualité inconstitutionnelle. L'assignation fut commise à ces fins le 10 décembre, sentence fut rendue par défaut le 13, qui approuva les conclusions prises par la procureur de la commune : cependant une des dispositions de la sentence porte la remise, pour cette fois, de l'amende prononcée. Cette sentence fut publiée et affichée à l'audience du tribunal du district, du 22 décembre ; sur la remise qui fut faite de 1a sentence de la municipalité sur le bureau, on ordonna qu'elle serait communiquée au commissaire du roi, pour donner ses conclusions. Il conclut à ce que la sentence fût cassée comme inconstitutionnelle, nulle et attentatoire au respect dû aux tribunaux. Il demanda, de plus, que le procureur de la commune fût assigné, pour se voir faire défenses de donner de pareils réquisitoires à l'avenir. Cette dernière disposition est évidemment outrée; les conclusions du commissaire du roi furent approuvées par le tribunal. Le lendemain 23, le conseil de la commune s'assembla, et, après maintes considérations, la municipalité s'égara jusqu'au point d'arrêter que son opposition contre le jugement du tribunal serait signifiée au greffier, avec défenses de faire la délivrance et de procurer l'exécution audit jugement. . Je croirais abuser de vos moments si je m'appesantissais davantage sur cet objet; je vous propose donc, au nom de vos comités de Constitution et des rapports, le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités de Constitution et des rapports, sur Ja pétition des juges du tribunal du district de Gonesse, séant à Montmorency; « Déclare que la sentence de police rendue par la municipalité de Montmorency le 13 décem-l>re dernier, contre le sieur Gobert, relativement à la publication faite par ses ordres, et à la qualité par lui prise de président du tribunal, est inconstitutionnelle, nulle et attentatoire au respect dû aux tribunaux; « Déclare pareillement nuls et comme non avenus la délibération de ladite municipalité et tous actes qui en ont été la suite, portant opposition à la délivrance et à l'exécution du jugement du tribunal de Gonesse, qui annulait la sentence rendue par ladite municipalité ; « Décrête que, aussitôt la réception du présent décret, la municipalité de Montmorency sera tenue de le faire publier aux lieux accoutumés de la ville de Montmorency. » (Ce projet de décret est adopté.)
,au nom du comité de Constitution, fait un rapport sur la demande de la commune d'Epones et la pétition du directoire du département de Seine-et-Oise, tendant à faire établir deux juges de paix dans le canton deLimav, dont l'un serait pour les paroisses d'Epones, Mezières et la Falaise, et l'autre, pour le surplus des paroisses du canton ; H expose qu'un seul juge suffira à la bonne administration de la justice dans ce canton ; il propose un projet de décret pour l'établissement d'un seul juge de paix dans le canton de Limay. M. Belzais-Conrménil. On s'est permis dans quelques cantons de nommer plusieurs juges de paix, sans l'autorisation de l'Assemblée nationale . Je demande donc que le premier nommé pourra seul exercer les fonctions attribuées aux juges de paix dans toute l'étendue dece canton, la nomination des autres devant être considérée comme non avenue, sauf aux cantons dont l'étendue ou la population pourrait exiger plus d'un juge de paix à adresser leur pétition à l'Assemblée nationale pour y être pourvu par elle. Je propose donc, par amendement, qu'il n'y ait qu'un juge de paix par canton, à moins d'un décret particulier de l'Assemblée.
Je demande qu'on passe à l'ordre du jour sur l'amendement du préopinant, quoiqu'il soit très juste et très sage, parce qu'il serait très dangereux de décréter de nouveau ce qui 'est déjà. Nous ne finirions pas; il faudrait donc décréter qu'il n'y aura qu'un tribunal de district par district, qu'une municipalité, par municipalité, etc. On pourrait peut-être rendre un décret général pour annuler les doubles élections des juges de paix ; mais ce parti n'est pas sans inconvénient, puisque par là nous casserions les élections doubles sans savoir laquelle des deux doit subsister. Ceci me fait conclure à renvoyer les réclamations sur ces objets au comité de Constitution, afin que, d'après son examen, l'Assemblée casse celle des élections qui n'est pas valable.
Je demande qu'on passe à l'ordre du jour; c'est au ministre de la justice à faire observer Ja loi.
Je demande que l'amendement soit converti en celui-ci : « Dans le cas où, contre les décrets, il aurait été nommé des juges de paix là où il ne devait point en être établi, il sera statué sur cela par le tribunal compétent, conformément au décret. »
Je m'y oppose; il est impossible qu'on donne au tribunal de district une compé-
tence sur les élections populaires; ce serait lui attribuer une juridiction absolument étrangère aux fonctions qui lui sont données par la Constitution. Eu conséquence, je demande la question préalable sur l'amendement du préopinant.
Mais le tribunal de district connaît des sentences des juges de paix; c'est ce tribunal qui le reçoit.
J'en conviens; mais parce que le juge de district connaît des sentences des municipalités, en conclurez-vous qu'il doit connaître des élections des municipalités ? Le juge de district reçoit le juge de paix, comme le roi reçoit celui de district; mais le roi n'a pas le droit de prononcer sur la validité des élections. Je conclus a renvoyer l'amendement au comité de Constitution.
propose l'amendement suivant : « Dans les cantons dont la population totale sera au-dessous de huit mille âmes, en y comprenant celle des villes ou bourgs qui s'y trouvent, il ne sera établi qu'un seul juge de paix. »
Je demande le renvoi de tous les amendements au comité de Constitution. (Ce renvoi est ordonné.) L'Assemblée adopte ensuite le projet du comité dans les termes suivants : L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de Constitution, décrète qu'il ne sera établi qu'un juge de paix dans le canton de Limay. »
,au nom du comité des rapports. Messieurs, vous avez chargé les administrations des départements de district et les municipalités, chacun suivant l'ordre de leurs fonctions, de veiller à l'exécution de vos décrets sur la constitution civile du clergé et la conservation des biens nationaux. Le clergé de Dax avait montré des dispositions à la désobéissance ; les administrateurs prirent des mesures pour que les décrets fussent exécutés. Il y eut une proclamation qui fut suivie d'une espèce de déclaration protestatjve du clergé de Dax, qui - continuait de s'assembler comme à l'ordinaire dans l'église et y célébrait les anciens offices. Pour faire cesser l'inexécution des décrets, le directoire du département prit le parti de faire apposer les scellés sur les portes du chœur de l'église ; il chargea de cette mission le directoire de district, qui la remplit le 21 décembre. Cette apposition n'eut pas un long effet, car 24 heures après les scellés n'existaient plus. Le sacristain, constitué gardien dans cette opération, se rendit au directoire de district qui, ne voulant rien prendre sur lui, dépêcha un courrier au directoire de département pour l'informer des faits. Celui-ci, par une délibération du ^décembre, chargea le procureur syndic du district de porter plainte au tribunal du district de Dax. La plainte faite, elle est déposée au greffe du tribunal. Sur la plainte, il y a une ordonnance qui porte : « Sera montrée au commissaire du roi ; » et c'est ici, Messieurs, la difficulté qui a amené l'affaire devant vous. La plainte est portée en effetau commissaire du roi provisoire; car c'est un gradué qui en fait les fonctions provisoirement. Il fait au-dessous une longue dissertation dans laquelle il s'efforce de prouver que les deux directoires n'ont point eu le droit de faire faire l'apposition des scellés, qui est une fonction judiciaire hors de la compétence des corps administratifs. En conséquence,le commissaire du roi requiert qu'il n'y a lieu, quant à présent, à la plainte, jusqu'à ce qu'il ait été prononcé par le roi sur l'incompétence de la sentence administrative du département des Landes. Les juges du tribunal rendent une ordonnance parfaitement conforme à la réquisition. De là naît l'inexécution de vos décrets. Quoique la contravention, la désobéissance aux ioia soit visible dans l'enlèvement des scellés; quoiqu'il y ait un véritable délit, tout cela demeure impuni. C'est à cette occasion que le département des Landes vous a fait parvenir une adresse que vous avez renvoyée à l'examen du comité des rap-*-ports. IL nous a paru, d'après vos décrets qui sont formels, que la surveillance sur la constitution civile du clergé et la conservation des biens nationaux appartenant aux corps administratifs, ils ont dû prendre toutes les mesures qu'ils ont cru nécessaires ; que l'apposition des scellés étant une suite de la désobéissance du clergé de Dax, le fait de l'enlèvement est un véritable délit. Voici le projet de décret que vous présente votre comité : « L'Assemblée nationale, après avoir ouï le compte qui lui a été rendu, de la part de son comité des rapports, de ce qui s'est passé à Dax à l'occasion des scellés apposés sur les portes du chœur de l'église de cette ville, approuvant la conduite des directoires du département des Landes et du district de Dax, décrète : « 1° Que la réquisition du commissaire provisoire du roi auprès du tribunal de Dax, et l'ordonnance des juges du même tribunal, au bas de la plainte du procureur syndic du district, du 25 décembre dernier, relativement à l'enlèvement desdits scellés, sont et demeurent comme non avenus; 29 Que le roi sera prié de faire donner des ordres pour que lesdits scellés soient apposés de nouveau; qu'il soit enjoint, tant à son commissaire provisoire qu'aux juges du tribunal de Dax, de se conformer à l'avenir aux dispositions de la loi, et que la plainte du 25 décembre soit renvoyée par devant l'un des sept tribunaux désignés, pour connaître des appels de celui de Dax, afin qu'il y soit informé des faits dont il s'agit, et procédé selon la loi, jusqu'à jugement définitif inclusivement. » Je ferai d'ailleurs observer à l'Assemblée que si la cour de cassation existait, ce serait à elle à connaître jdes compétences et des conflits de juridiction*
Malgré la plainte du procureur-syndic devant le tribunal, pour constater le délit et faire informer contre les auteurs, fauteurs et complices, on voit le commissaire du roi, d'accord avec le tribunal, soutenir le ci-der vant chapitre deDaxet chercher à faire triompher l'aristocratie. Sans doute, il est bon d'observer ici que cette espèce d'insurrection doit sa première source à l'orgueil de (a municipalité de Dax,qui eut l'impudeur de se formaliser de ce que faisait le directoire de district. Je demande, par amendement, que le gradué faisant Les fonctions de commissaire du roi et le juges soient mandés à la barre.
, rapporteur. Votre comité n'a point vu, après un examen approfondi, riep qui autorise la mesure sévère de mander à la barré. Je deman4e donc la question préalable sur l'amendement prqpoçé.
retire son amendement. (Le projet de décret du comité est adopté.)
(ci-devan t de Vieuzac), au nom'fiu comité des domaines. Messieurs, en prononçant, le 6 août dernier, l'abolition du droit d'aubaine et de détraction, vous avez donné un grand exemple de fraternité à toutes les nations, et vous avez commencé à effacer de leur code un droit odieux et barbare que la raison et la philosophie avaient proscrit depuis longtemps, Mais la disposition trop vague du décret que vous avez rendu peut en diminuer les bienfaits. Le fisc, toujours ingénieux à reproduire ses prétentions, menace d'élever deux questions importantes, mais bieq simples, sur lesquelles vous devez prononcer aujourd'hui pour dissiper tous les doutes, La première consiste à savoir si le droit d'aubaine, aboli en général par votre décret du 6 août, est aboli dans vos possessions dans les deux ïndesl Sans doute il n est aucun de vous qui pen§e que les législateurs de l'Empire français puissent en isoler quelques parties, et les priver ainsi des bienfaits de la législation. Q^qd un droit qui avait été attaché à la souveraineté nationale est aboli,il l'est pour toutes les possessions françaises : car, comment le fisc engloutirait-il les spqpes-sions des étrangers morts dans les colonies, tandis qu'il les laisserait intactes en Europe ? Oui, les étrangers qui abordent nos ports dans les deux hémisphères doivent trouver partout une loi aussi hospitalière, partout le même caractère de liberté. Cependant des vaisseaux ont été saisis dans nos colonies à des habitants de l'Amérique septentrionale; et vous sentez déjà combien il est important de poursuivre, dans son dernier refuge, ce droit d'aubaine qui n'a pas encore cédé tout entier à la justice de l'Assemblée nationale. Il importe à la gloire du législateur que les dernières racines de cet usage Visigoth soient extirpées de tous nos domaines. Il importe à la bonne intelligence qui doit régner entre deux peuples libres que cette opération soit prompte. Vous concevez sans peine l'effet que doit produire sur la nation américaine la répétition de cette cruelle confiscation qu'encourt, à la mort de son capitaine, un vaisseau qui est la propriété de plusieurs familles des Etats-Unis. Des hommes libres, qui n'ont jamais connu cet infâme usage, inventé en Europe, ne doivent point le trouver chez leurs semblables, leurs amis, leurs frères en liberté. - Prenez gardç l demander la suppression, ou plutôt déclarer que vous l'avez étendue aux colonies comme au continent, c'est ne rieq demander qui augmente les privilèges ou les avantages commerciaux des Américains, Par les Iqîs françaises. les vaisseaux de gp'tte nation sont libreipént admis dans certains ports 4e no? îlè$; c'est en leur faveur seulement que le droit d'aubaine dqit être aboli- Quant à y^sgeaux qui §e livrent dans les mêmes îles à un commerce interlope et frauduleux, nous n'avons rien à demander pour eux ; et pour avoir le droit de les confisquer, on n'a pas besoin d'attendre la mort de celui qui les commande. Le cqmité a pensé, sur cette première question, que vous devez déclarer que votre décret s'étend aux possessions françaises dans les deux Indes. La seconde question consiste à savoir si, en abolissant le droit d'aubaine, vous avez entendu que les étrangers fussent capables de succéder à leurs parents français décédés en France ou dans les possessions françaises, sans être assujettis à y demeurer pour y exercer leurs droits héréditaires. Pour décider cette question, il faut savoir que tous les traités par lesquels la France a fait des conventions concernant le droit d'aubaine se divisent en deux classes. La première classe est de ceux portant abolition du droit d'aubaine, avec concession de la faculté de recueillir toutes successions testamentaires ou ab intestat, comme les régnicoles. Tel est le traité passé, signé par la France, à Aix-la-Chapelle. La seconde classe renferme les traités contenant l'abolition réciproque du droit d'aubaine, avec concession de la faculté de tester en autres concessions qui n'équivalent pas à ce qui est porté par les traités çle la première classe, en ce qu'il n'en résulte pas que l'étranger ait droit de recueillir la succession de son parent français, seul ou concurremment avec d'autres parents français. Tels sont les traités de la France avéç la Bavière, la Pologne, Francfort, etc., etc. Ainsi, la simple abolition du droit d'aubaine, prqnoqcée par votre décret du 6 août, est insuffisante et incomplète, si vous ne déclarez le droit qu'a l'étranger de succéder à son parent français décédé en France. Vous devez effacer le vice de pérégrinité dont le fisc pourrait encore abuser contre vos intentions connues. Vous devez accorder le même bienfait à tous les peuples. Voici les principes du fisc : Les étrangers sont incapables de succéder et de recevoir par testament. Les étrangers sont incapables de transmettre leurs successions, soit ab intestat, soit par testament. La seule exception est en faveiir de leurs enfants et descendants régnicoles, c'est-à-dire, non seulement établis dans le royaume, mais encore naturels ou naturalisés. Et ce qui est encore plus barbare, c'est que les pères et mères ne succèdent pas, dans les mêmes cas, à leurs enfants, la réciprocité n'ayant pas lieu à leur égard. C'est à vous qu il appartient de faire cesser cette différence odieuseîque nos lois établissaient entre le droit strictement appelé droit d'aubaine et le vice de pérégrinité ou capacité de succéder. C'est à vous de faire cesser cette distinction de droits plus ou moins favorables à diverses nations. Sans doute, vous n'avez pas voulu faire seule*-ment pour les autres palions une simple remise du droit fiscal, qui donnait au roi la succession de l'étranger. Vos froids diplomatistes allaient bien plus loin, lorsqu'ils accordaient à quelques peuples voisins, nop seulement la capacité de transmettre leurs successions, mais encore la capacité de succéder et 4e rçcevpir par testament sans aucune restriction. il y a plus, les ançïèns tfibjinaux 4e France adjùgeaient les successions à des étrangers. On connaît tous les efforts que fit en 1781, devant un de ces tribunaux (tes requêtes du îpalais), un de nos collègues (M. Martineau), plaidant pour MM. Pellerin, Français, pour faire exclure de la succession de M. Lemmens M. Maximilien Lem-
mens, prêtre, ancien curé de Lenzon en Brabant, sous prétexte que l'ordre des successions est immuable, et que les étrangers seulement exempts du droit d'urbaine sont incapables de successions et de legs, parce que les privilèges accordés par les traités ne pouvaient, disait-il, avoir lieu que sous la réserve des droits de leurs sujets ; mais les principes de monopole, de succession, furent rejetés par une sentence des requêtes du palais. Ainsi, ce que des diplomatistes et des juges de l'ancien régime écrivaient et jugeaient, ce que le législateur provisoire accordait aux autres nations, ce que la politique a accordé pour certaines foires et marchés, pour certaines professions, pour certaine nature de biens et de rentes, le véritable législateur peut l'accorder en faveur des grands principes de la liberté et de la raison, et de l'esprit fraternel qui doit unir tous les peuples. C'est d'après ces observations que j'ai l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant, au nom du comité des domaines : « L'Assemblée nationale ne voulant laisser au-3un doute sur l'intention qu'elle a manifestée par son décret du 6 août 1790, concernant l'abolition du droit d'aubaine et de détraction, déclare qu'il doit être exécuté dans toutes les possessions françaises, même dans les deux Indes. « Déclare en outre que tous étrangers demeurant hors du royaume sont capable? de succéder à leurs parents français décédés en France et dans toute l'étendue des possessions françaises, sans pouvoir être assujettis à y demeurer pour y exercer leurs droits héréditaires'. »
J'ai demandé Ja parole pour solliciter le renvoi au comité colonial de cette expression du décret, même dans les deux Indes. Quelque penchant que j'aie à adopter cette loi sage, elle a cependant besoin d'examen quant aux colonies. Je ne suis pas suspect en parlant ainsi, car à l'époque de Ja Révolution j'étais chargé par le gouvernement d'un projet de loi sur ia suppression de l'aubaine relativement aux colonies. Mais ce projet lui-même a trouvé des difficultés tirées du local. Par exemple, des lettres patentes en formed'édit, du mois d'octobre 1727, interdisent le commerce dans les colonies à l'étranger, même naturalisé. Il n'y a donc qu'à gagner au renvoi que je propose.
Je demande le renvoi du tout au comité diplomatique. Voici ma raison : le droit de succéder résulte du droit civil et non pas du droit naturel, line peut appartenir qu'aux citoyens et aux sujets du même Etat. La communication de ce droit n'a jamais pu résulter que de conventions réciproques entre deux puissances.
, rapporteur. J'appuie moi-même le renvoi demandé ; ma proposition est trop évidemment juste pour que je puisse craindre de la voir subir l'examen auquel on veut la soumettre. Je demanderai donc que le projet soit également renvoyé au comité de Constitution. (L'Assemblé!1, consultée, décrète le renvoi du projet de décret à l'examen des comités des colonies, de Constitution, diplomatique et des domaines, réunis, pour en faire le rapport incessamment.) L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur le droit du timbre.
, rapporteur. Messieurs, diverses observations ont été faites au comité ; on s'est plaint de ce que nous n'avions pas soumis au timbre plusieurs actes de transactions et l'on a particulièrement insisté sur les actions de l'ancienne Compagnie des Indes et de la Caisse d'escompte, qu'on prétend devoir être timbrées. Je crois devoir vous rappeler que vous n'avez assujetti les provinces qui n'étaient pas soumises au droit du contrôle, qu'à se servir seulement de papier timbré pour les actes sous seing privé. Cet exemple prouve combien vous avez craint de donner à votre loi un effet rétroactif; c'est par cette raison que vous devez éviter de timbrer des actions maintenant émises et déjà en circulation. Nous croyons cependant raisonnable de soumettre à la loi commune du timbre les effets que la Compagnie des Indes et la Caisse d'escompte, ou toute autre compagnie qui pourra se former à l'avenir, mettront en circulation postérieurement à la loi ; mais tout ce qui est antérieur au décret doit être aussi libre que le sont les actes antérieurs à 1674, époque à laquelle le timbre a été, pour la première fois, connu en France.
Mon observation n'a pas été absolument comprise; elle ne portait pas sur un effet rétroactif à l'égard des actions mises en circulation, mais sur les quittances des dividendes.
, rapporteur. J'accepte cette proposition et je prie, en conséquence, l'Assemblée d'adopter l'article additionnel suivant : « Les actions qui seront formées pour des entreprises de commerce et de banque, les feuilles, reconnaissances ou quittances sur lesquelles seront payés les dividendes de semblables actions, même de celles qui existent maintenant, tels que les dividendes des actions de la Compagnie des Indes et de la Caisse d'escompte. » (Adopté.)
, rapporteur. Messieurs, le comité propose également d'assujettir au droit de timbre, comme registres prescrits par la loi, les cueilloirs ou cueillerets de rentes. Ces registres font foi en justice; ils doivent donc être assujettis au timbre comme les autres registres qui ont le même avantage. Cet objet, Messieurs, n'était pas compris dans le tarif présenté à l'Assemblée des notables; on pensait alors à épargner les soit-disant seigneurs qu'on avait en profonde vénération. Mais comme ce temps est passé, le comité d'imposition ne croit pas devoir des ménagements qui contrasteraient avec le décret sur les droits îéodaux.
Messieurs, les cueilloirs ou cueillerets ne font foi en justice que dans quelques coutumes, et, dans les pays mêmes où cet usage est établi, ce n'est que par un privilège dérivant de la féodalité. La féodalité n'existe plus; ce privilège doit donc être anéanti,et con-séquemment le droit qu'on vous propose ne peut exister.
, rapporteur. Nous n'insistons pas sur ce droit, si l'Assemblée veut prononcer l'abolition du privilège.
Plusieurs voix : Oui! oui!
Le timbre apposé aux cueilloirs ou cueillerets des ci-devant seigneurs donnerait à ces registres une sorte d'authenticité qui serait désastreuse. Cet abus, il ne faut pas le maintenir et l'étendre à toute la France pour en retirer un léger droit de timbre. Il vaut infiniment mieux renoncer au droit de timbre sur ces registres et décréter que désormais ils ne feront nulle part aucune foi en justice. Je propose, en conséquence, la disposition suivante : « Les coutumes, statuts, usages ou jurisprudence qui accordaient une autorité et une foi en justice aux cueilloirs ou cueillerets ci-devant tenus pour la perception des ci-devant droits seigneuriaux et des rentes foncières, sont et demeurent abrogés à l'avenir : lesdits cueilloirs ou cueillerets ne seront plus regardés que comme des registres purement domestiques, encore qu'ils eussent été affirmés. » (Adopté.)
, rapporteur, donne ensuite lecture du tarif du timbre. Un membre propose, par amendement, d'ajouter au premier article une disposition, concernant les quarts de feuille. (La question préalable est demandée sur cet amendement et mise aux voix.) L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer. L'article, mis aux voix, est adopté dans les termes suivants : « La feuille de petit papier,de neuf pouces sur quatorze, feuille ouverte........... 4 s.' 1 »d. « Demi-feuille de même format... 2 6 « Feuille de papier moyen, de onze 6 pouces sur seize.................. N « Feuille de grand papier, de qua- torze pouces sur dix-sept.......... 8 » « Grand registre, de dix-sept pouces 10 sur vingt et un.................... » « Le très grand registre,de vingt-un pouces sur vingt-sept.............. 15 » L'article relatif aux droits sur le papier des lettres de change est adopté ainsi qu'il suit : « Lettres de change et quittances comptables, et des rentes sur le Trésor public de 400 livres et au-dessous..................... » s. 5d. « De 400 livres à 800 livres inclusivement......................... •> 10 « De 800 livres à 1,200 livres inclusivement....................... » 15 « Au-dessus de 1,200 livres indéfiniment............................ 1 » Celui concernant les papiers d'expéditions et les quittances des droits d'entrée des villes est décrété en ces termes : « Papier d'expédition, le double du prix du papier de minute, de même format ; c Quittances des droits d'entrée et d'octroi des villes et contributions indirectes.... 1 s. 6d.
, rapporteur, propose à l'Assemblée de prendre une délibération sur la dernière partie de l'article 6 du décret sur le timbre, qui a été ajournée dans une des séances précédentes, et qui a pour objet le prix des papiers qui seront présentés au timbre et qui excéderont le plus grand papier de régie. L'Assemblée nationale rend le décret suivant : « Si les papiers présentés au timbre excèJent le plus grand papier de la régie, le prix du timbre sera de 20 sous, à moins qu'ils ne soient destinés pour expéditions, et, en ce cas, le prix sera du double. » Un membre propose de faire timbrer les deux feuillets qui forment une feuille ordinaire.
, rapporteur, observe que cette précaution, pour éviter toute fraude, sera indiquée dans l'instruction relative aux droits du timbre et à l'exécution de la loi, et que le timbre du second feuillet sera différent de celui dont sera marqué le premier. (Il n'est pas donné suite à la motion.) L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret relatif à l'institution des jurés.
reprend son discours; il rappelle en peu de mots ce qu'il a dit hier,dans les deux premières parties, de son opinion, et continue en ces termes : J'arrive maintenant à ma troisième partie et j'examine ici les frois principales objections faites contre la méthode des preuves orales. La première est que cette méthode rend la preuve du faux témoignage presque impossible. Je réponds que M. Tronchet a excessivement exagéré ses craintes sur ce point. Il dit que c'est dans la déposition même du témoin que se trouve souvent la preuve complète du faux témoignage, et il en cite en preuve ces deux faux témoins qui disaient avoir vu | commettre un meurtre, tel jour, au clair de la lune, et qui furent convaincus par un almanach qui prouva que ce jour-là il n'y avait point eu de clair de lune. La réponse est que, quand ces témoignages n'auraient pas été écrits, leur fausseté aurait toujours pu être constatée aussi facilement, aussi sûrement, et tout de même, par un almanach. (Murmures.)
dit ensuite que, quand on opposera l'alibi du témoin à son témoignage de visu, il pourra répondre,ou qu'il n'a pas indiqué le jour qu'on suppose, ou que la rapidité de sa déposition orale l'a fait tomber dans une erreur, et qu'il sera ainsi enhardi par l'impunité. — Je réponds que M. Trouchet va être étonné lui-même de l'erreur qui lui est échappée ici. Le jour et l'heure où le crime a été commis, et qui doivent être indiqués dans l'acte d'accusation, ne peuvent pas varier. Ainsi quand le témoin est venu pour déposer, quand, après avoir entendu l'acte d'accusation, il a déposé de visu, il a bien prétendu qu'il était au lieu du délit le jour et à l'heure qu'il a été commis. Il ne peut donc s'excuser, quand son alibi est constant, ni en disant qu'il n'a pas entendu parler de ce jour-là, puisqu'on ce cas, n'ayant rien vu, il n'aurait eu rien à déposer, ni en se rejetant sur la rapidité de la déposition, parce que ce n'est pas cela qui lui a fait dire qu'il a vu, tel jour,ce qui s'est passé à un lieu où, ce jour-là, il n'était pas présent.
Enfin M. Tronchet a objecté le cas du faux témoignage, découvert plusieurs mois après le jugement, dans cette espèce où, de six témoins entendus, quatre n'avaient aucune connaissance, et deux auraient faussement chargé l'accusé. Il serait impossible, a-t-il dit, de faire punir ces deux témoins; on ne pourrait pas les convaincre d'avoir seuls formé la fausse preuve qui a trompé
la justice, parce que les jurés ne se souviendraient plus, entre les six témoins, lesquels auraient déterminé leur jugement.
Je réponds qu'il est hors de doute, au contraire, que les jurés de cette affaire,qui, tous peut-être, ou du moins le plus grand nombre, n'auront fait que cette fois en leur vie la fonction de juré, qui auront raconté souvent à leur famille et à leurs amis tous les détails de l'action judiciaire où ils jouaient le premier rôle, et qui, en ayant reçu une forte impression, en auront bien gardé le'souvenir, fourniraient une voie de record infaillible dans le cas proposé; mais j'espère qu'avant que j'aie fini de parler, il ne restera pas même de prétexte à l'objection du cas particulier dont il s'agit en ce moment.
M. Tronchet a supposé sans cesse que nous professions la dangereuse doctrine de l'impunité du faux témoignage. Nous nous justifions par notre projet même, qui contient un article formel pour assurer la punition de ce crime, c'est l'article 31 du titre V, qui porte que : « Si la dépo-« sition d'un témoin est évidemment fausse, le « président en dressera procès-verbal; il pourra « d'ollice, et sur la réquisition de l'accusateur « public, ou de l'accusé, le faire arrêter sur-le-«- champ, et le renvoyer par-devant le juré de « district du lieu, pour prononcer sur l'accusa-« lion dont l'acte, dans ce cas, sera dressé par « le président lui-même. »
L'exécution de cet article se conçoit aisément. La déposition sera entendue par les juges, par les jurés et par le public. Si l'accusé parvient à en constater la fausseté, soit par les aveux du témoin, soit par la déposition de ses propres témoins, sans doute ce combat sera assez intéressant pour fixer l'attention de toute l'assistance. Il y aura là, et le juge pour dresser procès-verbal du faux constaté^ et des témoins nombreux pour le confirmer, j'observe que notre projet d'article porte : si la déposition est évidemment fausse, parce qu'il y aurait de l'injustice à prendre toute variation pour crime de faux, et parce que c'est l'intérêt de l'accusé de ne pas trop inquiéter les témoins, afin qu'ils se livrent avec plus d'abandon aux éclaircissements favorables à sa justification.
Cette dernière idée me provoque à rétorquer, contre M. Tronchet, l'exagération de son opinion sur la nécessité de lier les témoins par leurs dépositions écrites.
Il faut punir le faux témoin, sans doute ; mais avant l'intérêt de sa punition, il y a un autre intérêt plus précieux et plus touchant : c'est celui d'empêcher qu'il n'insiste et qu'il ne parvienne pour son propre salut à faire périr l'innocent. Les Anglais s'applaudissent d'avoir su concilier ces deux intérêts; c'est par là principalement qu'ils estiment et préfèrent la méthode des preuves orales. Nous, au contraire, en liant trop le témoin, nous sacrifions le principal intérêt à celui qui n'est que secondaire ; puisque nous intéressons le témoin à consommer son crime par la perte de l'innocent, pour assurer plus qu'il n'est nécessaire la facilité de sa punition.
Voulez-vous, Messieurs, vous convaincre pleinement de la vérité sur ce point ? Donnez votre attention à l'hypothèse que voici : supposons qu'un accusé ait préparé un plan de défense, par lequel il se croie certain d'amener quelques témoins à des rétractations décisives. Supposons que, conférant librement avec son conseil, il lui fasse part de ses vues et de ses justes espérances ; que celui-ci en convienne, mais qu'il lui dise :
« Il est vrai qu'avec cela votre succès paraît indu-« bitable, mais vous ne parviendrez pas aussi sù-« rement à faire punir les témoins; il vaut mieux « prendre avant tout un parti par lequel, si vous « obtenez la rétractation de ces témoins,leur puni-« tion sera assurée. »
Ne voyez-vous pas l'accusé, déjà inquiet de la proposition, s'empresser de demander à son conseil : « Mais les témoins ne seront-ils pas ins-« fruits de cette position où vous proposez de les « mettre, et du danger qu'ils courront ? -> Du moment où le conseil aurait répondu qu'ils eh seront instruits, ne voyez-vous pas, n'entendez-vous pas l'accusé s'écriant : « Gardons-nous de « donner aux témoins cette entrave funeste qui ■t va les rendre plus attentifs, plus obstinés et « plus difficiles à conduire au point où j'eâpôre « les amener, et dont dépend mon salut. C'est « mon innocence qu'il faut avant tout protéger ; « car la punition d un coupable n'est rien au prix « de la vie d'un innocent. Et vous-mêmes, qui « vous occupez surtout de faire punir ces témoins, « vous allez contre votre objet : car, avant de les « punir, il faut les convaincre ; et vous rendez « les moyens de leur conviction plus difficiles. » (.Applaudissements.)
Occupons-nous donc, Messieurs, du salut de l'accusé d'abord, et pour cela ne donnons pas à la déposition du témoin une telle invariabilité avant le débat, qu'il la voie sans cesse présente à son esprit, comme l'arrêt de sa propre condamnation, s'il n'insiste pas à ce qu'elle contient.
Quel sera donc, dira-t-on, le moyen de déterminer quand le faux sera punissable ? Le voici : 11 est maintenant reconnu que les preuves morales sont plus sûres que les preuves légales. Or, ce serait une preuve légale que d'établir qu'à partir de tel acte, ou de tel point de la procédure, et non avant, le crime de faux existe : car ce crime pouvait exister antérieurement, si le faux avait été primitivement déposé avec méchanceté, et il pourrait encore à toute force ne pas exister après, s'il y avait plus d'impéritie ou d'étourderie que d'intention. Laissons donc à l'accusateur public, aux juges et aux jurés, à apprécier, par la moralité du fait, le vrai caractère de ce fait, et le degré de méchanceté du témoin. Nous aurons certainement plus fait pour les accusés, et nous aurons suffisamment pourvu à la sûreté sociale.
J'ai entendu dire hier dans une excursion qui fut faite à travers la discussion, lorsque j'eus cessé de parler, qu'il n'y avait pas de pays où les faux témoins fussent plus communs qu'en Angleterre. Il s'ensuivrait nécessairement qu'il n'y aurait pas de pays où il fût plus ordinaire de voir périr des innocents ; ou bien il résulte de l'institution du juré sans écritures, que cette méthode ne multiplie pas les faux témoins, ou * ce qui est aussi bon, les empêche d'être dangereux.
Or, c'est une vérité de fait notoirement connue, qu'il n'y a pas de pays où les exemples d'innocents condamnés soient moins communs qu'en Angleterre : et il y en a deux raisons : la première est que la méthode d'entendre le téfnoin publiquement, et de le soumettre à un examen très exact et très détaillé sur toutes les circonstances de sa déposition, quoiqu'on n'écrive pas, est certainement la plus décourageante pour les faux témoins; la seconde est que la liberté de la conviction morale laisse là faculté de ne pas faire entrer le témoin simplement suspect dans la somme des charges, quoiqu'il ne puisse pas être légalement convaincu de faux témoignage.
Je passe à la seconde objection, qui consiste à dire que les preuves orales ne laisseraient plus de possibilité à la revision et à la réhabilitation de la mémoire, contre les condamnations déterminées par une erreur de fait.
Cette objection tient au système général de la latitude à donner aux voies de réformation sur les décisions du juré. L'Assemblée en examinera les principes, lorsqu'elle s'occupera de cette partie du projet qui est soumis à ses délibérations; il serait trop long d'ajouter ici à la discussion actuelle, déjà si surchargée, tous les développements dont cette autre partie du sujet sera susceptible.
Je dirai brièvement que le jugement parjuré, étant le jugement du pays, c'est-à-dire celui du peuple même, est par sa nature infiniment plus respectable que la décision des simples tribunaux; que la sûreté des accusés repose plus solidement sur la certitude générale et commune des épreuves faites par cette méthode que sur les moyens de relèvement qui ont été établis pour réparer les erreurs des tribunaux; qu'enfin, dans les deux pays célèbres où le juré est en pratique, il jouit au plus haut degré de i'estime et de la confiance publique.
NoUs croyons être certains, à la manière dont M. Tronchet s'est expliqué relativement au remède de l'appel, qu'il convient que (es décisions du juré n'en sont pas susceptibles.
Il a cependant cité YAttaint pour faux jury, en preuve que les lois anglaises avaient cru devoir offrir un secours contre les mauvais jugements, et encore pour avoir occasion d'attribuer au vice de la non écriture l'abrogation de cet Attaint pour faux jury.
Il faut savoir, d'abord, que ce n'est point le défaut de procédures écrites qui a fait tomber en désuétude YAttaint des Anglais. Elle fut abrogée pour y substituer la méthode plus raisonnable du nouvel examen que vos comités vous proposent aussi, et que vous pourrez instituer avec telle étendue ou restriction que vous jugerez convenable. La preuve sans réplique que YAttaintn'a pas péri par l'inconvénient du défaut d'écriture, c'est qu'en établissant le nouvel examen,qui en tient lieu, ou n'a point cependant établi l'écriture. Le motif de l'abrogation de YAttaint est que c'était un moyen par lequel on rendait les jurés personnellement responsables de leurs jugements; il ne faut pas chercher d'autres raisons du discrédit inévitable dans lequel ce moyen est tombé, que le vice même de sa nature et de son objet. La nature du jury exclut toute responsabilité légale, et il n'est même bon que quand on ne l'expose pas à être faussement compromis par la responsabilité d'opinion. Au surplus, le nouvel examen n'est, pas plus que YAttaint ne l'était, une voie de droit commun et ordinaire, ouverte contre toutes les décisions du juré; c'est un remède extraordinaire, dont on ne peut se servir que quand on y a été autorisé parles formes établies.
Vous verrez, Messieurs, lorsqu'il en sera temps, ce que vous aurez à décider sur la revision et la réhabilitation, qui sont la même chose ; il n'y a là de différence qu'en ce que la réhabilitation est la revision après la mort. J'observe ceci afin que la différence des mots ne fasse pas croire que dans une. seule objection il y en ait deux. Il nous suffit en ce moment de montrer comment la revision pourrait encore subsister sans les écritures, que M. Tronchet demande.
Le motif de la revision est la découverte d'une erreur de fait décisive, ignorée lors de la con-
damnation. Or, cette erreur a tombé* ou sur le corps du délit, ou sur la personne accusée, ou sur les preuves.
Si l'erreur était sur le corps du délit, comme si l'homme qu'on a prétendu tué vit et reparaît : en ce cas le moyen de revision ne soHffre pas de ce que la procédure n'a point été écrite*.
Si l'erreur était sur la personne accusée, comme si le vrai coupable se découvre, s'il avoue ou s'il est justifié que c'est lui qui avait commis le crime : en ce cas encore le moyen de revision ne souffre pas du défaut d'écriture des charges trompeuses sur lesquelles l'innocent avait été condamné.
Si l'erreur était sur les preuves : en ce cas,sub-divisions; si les preuves étaient littérales, c'est-à-dire résultant d'actes produits au procès; s'il est découvert que ces pièces produites fussent fausses, ou si l'accusé en recouvre de nou^ velles qui détruisent tout l'effet de celles sur lesquelles il a été condamné, alors le moyen de revision est encore entier : car pour les cas de cette nature, où les preuves de part et d'autre seront tirées d'actes produits* il est horâ de doute qu'il faudra assurer ces productions respectives. Si* au contraire, les preuves n'ont été que des dépositions recueillies par écrit, alors il n'y a guère que Y alibi des témoins qui puisse faire ouverture déJrevision. J'y ai déjà répondu et je le ferai tantôt plus péremptoirement. Il n'y a donc pas dans cette objection, tirée de la prétendue impossibilité de la revision, quand elle est décomposée par l'analyse, cette réalité d'inconvénients et cette importance d'intérêt qui puissent permettre de la mettre un seul instant en balance avec un autré intérêt tout autrement important l'intérêt politique et national de bien organiser le juré.
Je remarque, en finissant sur ce point, cette contradiction frappante dans le projet de M. Tronchet, qu'après avoir désavoué la preuve légale, et tout en annonçant que les écritures qu'il sollicite ne feraient pas cette preuve, cependant il les rétablit avec ce caractère, et ce plein effet destitué de toute moralité, en les destinant à servir pour la revision»
La troisième objection qui me reBte à examiner est celle tirée de l'impossibilité de juger, sans preuves écrites, les procès compliqués, ou ceux dans lesquels le nécessité d'entendre de nouveaux témoins indiqués introduira des retards.
La complication des procès criminels procède de l'une de ces trois causes; ou de ia nature des crimes, ou du grand nombre, soit des accusés, soit des chefs d'accusation, ou du vice même des écritures.
Les crimes compliqués par leur nature sont, non pas le poison, l'incendie ou l'assassinat prémédité, qui se réduisent à un fait simple ; mais la banqueroute, le péculat.le faux par altération des actes. Pour ces crimes-là, dont la complication est dans leur nature même* et qui exigent des formes d'instruction particulières, les comités ont annoncé, par une note au pied de leur projet, la nécessité d'un règlement particulier.
Quant à la complication qui procédera ou du nombre des accusés ou du nombre des chefs d'accusation,il est démontré, par l'expérience de deux peuples très éclairés, que l'impossibilité de juger dans ces cas n'est pas si absolue qu'on le prétend ; et c'est bien là l'occasion de rétorquer à M. Tronchet que Ce qui s'est fait et se fait encore tout auprès de nous peut Be faire par nous. Si ce sont les accusés qui sont nombreux,
rien n'est si simple que de faire le débat séparément, et même d'arrêter la décision successivement sur chaque accusé; et si ce sont les chefs d'accusation qui sont multipliés, il est encore très aisé de procéder sur chaque chef à part, comme s'il s'agissait d'autant de procès séparés; et, dans le vrai, est-ce que chaque chef d'accusation n'est pas une accusation particulière?
Enfin, la complication qui procède du vice même de l'écriture trouve son remède dans l'institution du juré. Elle fera disparaître la surcharge de dépositions, qui était un des abus de notre méthode d'informer par écrit et secrètement. On ne verra plus le scandale de ces cahiers d'information inquisitionnels, ouverts pendant des mois entiers, où l'on compilait ténéhreuse-ment et à loisir tous les dires et ouï-dire insignifiants ou concertés que l'esprit de parti, ou les animosités personnelles, ou la suggestion, ou les vains babillages fournissaient.
A l'égard du cas où quelque témoin en aura indiqué d'autres qui paraîtront décisifs, il est indubitable qu'il faudra donner le temps nécessaire pour faire venir ces nouveaux témoins. Mais M. Tronchet entend-il qu'on ferait toujours le débat partiel avec les témoins présents pour ne juger que sur ce qui en resterait par écrit, lorsque les nouveaux témoins auraient été entendus? En ce cas, nous demandons comment il concilie la vérité et la sûreté de la conviction morale avec cette méthode de ne juger après un long intervalle que sur des preuves écrites? Si au contraire il est indubitable qu'il faut, dans le cas supposé, retarder le débat pour le faire complet, et au moment même de la décision, après que les témoins indiqués auront comparu: alors il devient évident que l'écriture, qu'on aurait faite d'abord, ne sert à rien.
Après nous être défendus, nous ne pouvons pas nous dispenser de livrer une attaque directe au projet de décret proposé par M. Tronchet ; c'est dans sa substance même que nous allons le frapper.
Il présente, au premier aspect, la proscription apparente de la preuve légale; il paraît assurer la prépondérance de la conviction morale, en disant que les jurés n'auront pour les preuves écrites que tel égard que de raison ; mais en résultat vrai, il ne tend à rien moins, en maintenant la méthode d'écrire, qu'à maintenir aussi les abus qu'elle a produits et qu'elle perpétuerait; et comme le système de la preuve légale s'est accrédité par l'effet lent, mais naturel, des preuves écrites, à présent qu'il a été connu, professé et pratiqué, il ne se déracinera pas, tant qu'on écrira des procédures complètes.
M. Tronchet n'a pas peusé, sans doute, qu'en paraissant élever, par les termes de son projet de décret, la conviction morale au rang exclusif qui lui est dû, on n'apercevrait pas toujours la préférence qu'il incline naturellement à donner à la preuve écrite, qui devient raêmq preuve légale dans plusieurs cas par la suite nécessaire de sou système.
Voyez, Messieurs, l'esprit et le but de ses raisonnements sur VAttaint pour faux jury; ils portent en substance sur le dauger qu'il ne subsiste rien pour servir à réformer les décisions des jurés. Le même esprit et le même but se remarquent dans ce qu'il a dit au sujet de la revi-sion.Voicimaintenantnotredilemme : ou M. Tronchet entend que les écritures ne seront pas une preuve légale qui puisse gêner la conviction des jurés, de manière qu'ils pourront se déterminer,
indépendamment des écrits par toutes les impressions morales que ces écrits ne peuvent pas représenter; en ce cas, les écritures ne transmettront point à d'autres les vrais motifs qui auront pu et dû déterminer les jurés, et qui les auront déterminés en effet; elles ne perpétueront donc que des notions trompeuses, incomplètes, et par conséquent insuffisantes et dangereuses à ceux qui voudront s'en servir pour reviser la décision ; ou M. Tronchet, entendant que les écritures pourront servir au contrôle légal deladécision, entend par là que les jurés se trouveront moralement portés à conformer leur jugement aux écritures; et alors comment sera-t-il vrai qu'ils resteront maîtres de n'y avoir que tel égard que de raison? Gomment ces écritures qui, destituées de toute la moralité recueillie par lejuré, pourront passer à d'autres hommes et servir à ceux-ci pour contrôler le jugement, ne seraient-elles pas dans les mains de ces derniers une preuve légale ? Gomment enfin, dans ce système, ne serait-ce pas à la preuve légale que la prépondérance définitive se trouverait attribuée sur la conviction morale des jurés? (Applaudissements.)
Le projet de décret de M. Tronchet, s'il était adopté, s'éloignerait donc beaucoup des véritables intentions que son auteur a développées dans son discours : 1° Ce projet est basé sur l'établissement de preuves écrites qui ne seraient pas cependant des preuves pour le juré, et ne serviraient de rien à d'autres, ou ne pourraient leur servir que comme preuves légales, que M. Tronchet n'admet pas ; 2° L'effet indubitable du projet de décret serait de détruire toute la moralité du juré qui serait toujours ramené par une pente invincible vers les écritures qu'il saurait destinées à la réformation de sa décision ; et M. Tronchet, pénétré de l'excellence de la conviction morale, s'en est montré le zélé défenseur; 3° Enfin, le projet de décret tend à détruire même physiquement le juré, par l'impossibilité de le faire subsister avec l'obligation d'assister à la rédaction des procédures complètes : or, il n'est pas possible que M. Tronchet, coopérant avec nous à l'établissement du juré, veuille contrarier le succès du travail commun.
M. Tronchet, et nous, et l'Assemblée entière, ne pouvons plus vouloir que la meilleure et la plus sûre exécution du décret constitutif des jurés. Eh bien, décidons tous, par le sentiment de notre conviction intime, et comme si nous étions nous-mêmes des jurés, si nous pensons, si nous osons garantir à Ja France que le juré pourra se soutenir avec des écritures. Mais si quelqu'un de nous, ou persistant intérieurement dans l'opinion primitive qu'il aurait eue contre l'établissement du juré, ou s'étant, depuis le décret, réuni à cette opinion, pensait aujourd'hui que la liberté et le civisme peuvent se conserver longtemps sans cette institution qui en est l'âme ; c'est le rapport du décret qu'il faudrait demander, et que l'Assemblée devrait ordonner. Il n'y a plus que ce moyen pour faire qu'il n'y ait pas de jurés en France ; et quelque fâcheuse, quelque alarmante pour la Constitution que fût la révocation d'un décret aussi marquant, le mal en serait encore moins profond que celui d'organiser le juré assez malhabilement pour qu'il pérît incessamment dans la pratique par un vice radical d'institution, imputable à l'Assemblée. (Applaudissements.)
QUATRIÈME PARTIE.
Nous venons, Messieurs, de justifier les motifs qui ont déterminé vos deux comités à vous proposer la méthode des preuves orales devant le juré, sans modification ni restriction. Nous avouons que, comme on ne peut pas méditer profondément sur cette belle institution sans en sentir tout le prix, ni vérifier par un sérieux examen les prétendus inconvénients dont elle peut d'abord paraître susceptible, sans en reconnaître l'illusion, il ne nous est resté dans l'âme, après un long travail, que le désir vif de la voir bien établie en France, et la plus grande confiance dans la bonté de ses effets. C'est ce double sentiment qui nous a encouragés à vous proposer l'organisation du juré dans toute la pureté de ses principes, et de la manière qui répond le mieux à la franchise, à l'énergie et à l'esprit de civisme qui sont ses caractères essentiels.
Nous avons depuis recueilli soigneusement, et mis à profit autant qu'il est en nous, toutes les lumières nouvelles que l'Assemblée a répandues sur cette matière pendant le cours du débat, et que plusieurs de nos collègues nous ont communiquées particulièrement. Nous nous sommes occupés spécialement du discours de M. Tron-chet, dans lequel nous avons reconnu plusieurs observations qui, sans pouvoir déterminer à adopter son système d'écritures complètes, sont dignes de ses lumières et de sa sagesse, et méritent d'influer sur le parti qui reste à prendre.
Tout cela nous a définitivement conduit à penser que la plus forte considération, dans l'état actuel, était d'adoucir et de tempérer, au moment de l'établissement, la délicatesse du passage du régime ancien à l'ordre nouveau, et que, d'un état de choses où l'habitude de voir tout écrire avait établi l'opinion que l'écriture est indispensable pour la sûreté, transporter tout à coup les esprits à l'extrémité de l'état contraire où il n'y aurait absolument rien d'écrit, ce serait peut-être leur donner une secousse trop forte. Et comme c'est dans cet état d'anxiété qu'on s'exagère de bonne foi l'idée des inconvénients, sans pouvoir se rendre maître de ses craintes, il peut être utile, au succès de l'institution, de mettre son berceau sous la sauvegarde des opinions tranquillisées.
Vos deux comités ont donc recherché par quelle combinaison on pourrait concilier, avec la pratique et la moralité du juré, et avec la liberté des témoins au débat, des écritures suffisantes seulement pour fixer et conserver la substance des témoignages, et assurer, après le jugement, la découverte des erreurs de fait.
Nous croyons que cette combinaison se réduit, sous les modifications que je vais expliquer, à ce que toutes les dépositions soient reçues par écrit, en présence du juge et non du juré, et à ce que l'examen du témoin, devant le juré et le débat, soient faits sans écrire : avec cela l'essence du juré subsiste encore; mais elle serait altérée et dépravée, si l'on allait au delà.
Voici, Messieurs, ie point de vue sous lequel nous vous offrons cette opinion. De quoi s'agit-il principalement? D'acquérir sur chaque procès un fonds de renseignements permanents qui constatent la nature et les circonstances de l'accusation, les témoins qui ont déposé, la nature et le caractère de leurs dépositions, celles qui ont présenté des charges, et celles qui étaient insignifiantes. Or, on aura le fait, le lieu, l'heure et les circonstances du délit dans l'acte d'accu-
sation ; et l'on aura le nombre, les noms des témoins, et le caractère de leur témoignage dans les dépositions écrites. Gela répond à toutes les difficultés de M. Tronchet, sur l'impossibilité de constater, pour la revision, le faux témoignage, et les erreurs de fait découvertes depuis le jugement.
Nous insistons pour que ces dépositions, ainsi recueillies et fixées, ne restent que comme renseignements des personnes qui ont déposé, et de la nature de leurs dépositions, pour qu'elles fassent foi de leur contenu seulement, c'est-à-dire que les personnes y dénommées se sont présentées pour déposer telles choses, mais pour qu'elles ne puissent, sous aucun rapport, être considérées ni contre l'accusé, ni pour les jurés, comme pièces probantes du crime. Par cette raison, nous croyons qu'elles doivent être recueillies également, soit devant l'officier de police pour les témoins qui y seront produits; soit devant le directeur du juré d'accusation pour ceux qui seront amenés devant ce juré; soit, enfin, devant un des juges du tribunal criminel pour les témoins que l'accusateur ne produira qu'à cette dernière époque, et pour ceux de l'accusé.
Nous persistons à penser que ces dépositions ainsi recueillies ne doiveut pas lier le témoin ; parce qu'il nous paraît du plus haut intérêt, pour la vérité et pour l'innocence, que le témoin se présente au débat libre de se livrer à toutes les impressions de la conviction, ou de la résipiscence, qui peuvent le conduire à des aveux favorables à l'accusé; sauf à l'accusateur public, aux juges et au juré, à apprécier moralement le caractère des variations qui devront le rendre punissable, et cela, soit sur l'accusation en faux témoignage de l'accusé, soit d'office.
La séance devant le juré s'ouvrira par l'exposition que le président du tribunal y fera du fait de l'accusation ; et la lecture de toutes les dépositions recueillies sera faite publiquement; elle préparera l'attention des témoins et de l'accusé, et elle facilitera aux jurés, par des notions générales, l'intelligence et l'appréciation de tous les détails du débat.
Jusqu'ici, Messieurs, l'essence du juré est conservée, et elle subsistera si les témoins sont ensuite examinés de vive voix devant lui sur les détails, et les explications de leurs dépositions ; si le débat se fait de vive voix devant lui; si le témoin y est libre; si le mouvement propice à la manifestation de la vérité n'y est point ralenti par de froides et traînantes écritures ; si l'attention du juré y est provoquée par la certitude qu'il ne lui sera rien remis par écrit; si elle est soutenue par l'intérêt auquel cette situation l'aura disposé; si enfin sa conviction morale et intime s'établit bien par le concours de tous ces éléments nécessaires à sa formation. Si vous faisiez écrire le débat, vous en énerveriez tout l'effet, en arrêtant son activité; vous détruiriez dans le juré l'intérêt et l'attention, en les émoussant par l'ennui ; si vous remettiez au juré tout le procès par écrit, vous égareriez sa simplicité, son inexpérience ; vous croiseriez, par l'embarras de ses idées sur l'appréciation des écrits, les impressions naturelles qu'il a reçues dans son âme ; vous tenteriez enfin sa loyauté, en lui montrant des actes qui survivraient aux motifs de sa conviction.
H n'est point désavantageux à l'accusé, sous le rapport de la revision, que les dispositions soient écrites et que le débat ne le soit point : car un débat écrit mais réduit aux termes pro-
posés par M. Trohcbet, c'est-à-dire àiicfuel le juré resterait maître dé ne pas avoir ègaïd, ne donnerait qu'un indice, on sitnple aperçu, et non paà une preuve sûre de ce qui a dû aéter-minef le juré, et de ce qui l'aurait dêtefminé en effet. Oi*, ôh a ce même indice dans les dépositions.
Dans l'hypothèse où le moyen de révision consisterait a prouver le faux témoignage, et où Q s'agirait de constater que le témoin a réellement influé sur la décision, lé débat ne prouverait que l'une de ces deux choseà : ou que lé témoignage n'a pas été détruit, et, en ce cas, la déposition écrite vaut autant; ou que le témoignage aurait été rendu Suspect, et, en ce cas, le débat écrit nuirait plutôt à l'admission de la revision, en prouvant que le témoin n'a pas dû influer sur le juré.
Par là enfin, il ne résultera rien qui puisse décrêditer, dans l'opinion publique t la haute considération que le jugement par juré doit y Conserver; car de deux choses l'une: ou le jugement sera conforme aux aperçus de charges contenus dans les dépositions, et alors on pensera que ces dépositions n'ont pas été détruites par le débat; ou le jugement ne paraîtra pas conformé à ce qu'indiquaient ces aperçus de charges, et alors on penèèra qu'elles ont été atténuées ou détruites par le débat.
Ainsi, Messieurs, l'écriture des dépositions, telle que nous la proposons, comme résultat final des dertiières conférences de vos comités, répond à tout, satisfait à tout, concilie tous les intérêts et toutes les opinions ; mais nous sommes restés convaincus que tout système tendant au delà ehtrainerait là destruction du juré.
Nous, Messieurs, détruire le juré au moment de son organisation même! Voici ce que lés Anglais, qui en jouissent, pensent de l'importance de le conserver : « Les libertés de l'Angleterre, « dit Blakstone, subsisteront aussi longtemps « que ce palladium sera sacré, et à l'abri, non « seulement des attaques ouvertes (et qui est-ce « qui oserait à visage découvert ?), mais encore « des machinations Secrètes potir le miner sour-« dement, en introduisant de nouvelles formes « de jugement...... N'oublions jamais que les
« délais et d'autres inconvénients dans notre « forme de justice sont le prix que notre nation « paye pour sa liberté dans les matières capi-« taies. N'oublions pas que les plus petites at-« teintes au boulevard sacré de la nation èbran-« leraient les fondements de notre Constitution, « et que, paraissant d'abord fort peu de chose, « elles pourraient devenir assez considérables pour « faire disparaître le juré dans tes causes du plus « grand intérêt. »
Ëh bien, voilà aussi pour nous la mesure de notre intérêt à l'acquérir, et des efforts à faire pour consolider cette acquisition.
Dans Une discussion dont la matière est si féconde, il y sans doute des considérations partielles, favorables aux divers systèmes, même aux moins bons» Mais les vraies raisons sont celles qui, tirées de la nature des choses et des hommes, sont également prises de l'essence de l'institution, qui en soutiennent l'esprit, et qui en complètent l'effet. Or, des deux modes comparés ici, celui proposé par vos comités est le seul qui soit bien réellement dans la nature des choses et dans Celle du juré.
Ce n'est pas un intérêt peu important que c^lui de relever en France l'esprit civique par la vigueur du caractère moral que l'institution
des jurés, aussi pure qu'il est possible, ne peut pas manquer d'établir. Chaque session de jurés montrera au peuple l'exercice de sa puissance, réveillera dans chaque citoyen le sentiment de sa dignité et de son indépendance, et, faisant sentir aux hommes le besoin qu'ils ont de l'estimé et de la confiance les uns des autres, les rapprochera par la fraternité, par l'égalité, par tous les sentiments qui nourrissent et fortifient le Civisme. (.Applaudissements.)
Est-ce là le cas d'examiner si l'on perd quelque chose de bien précieux en perdant quelques avantages, d'un intérêt secondaire^ attachés à l'ancienne méthode ? H faut voir dans l'ensemble ce qu'on gagne à être aussi délivré de ses abus, et, surtout, ce qu'on gagne par la prépondérance en masse des avantages du juré.
Il faut voir, enfin, de la hauteur où notre Constitution nous élève âu-dessUs dé l'Angleterre, combien il serait rapetissant de n'oser l'imiter (|ue gauchement et mesquinement dans la seule institution qui entretient dans ce peuple l'esprit et l'amour de la liberté, qui le rend enfin ce que nous lui avons si longtemps envié d'être.
Qui nous arrêterait donc? Le doute sur l'assentiment national? Eh! la nation française a si bien prouvé depuis dix-huit mois qu'elle saisit avec reconnaissance tout le bien qu'on lui démontre, et que, mûre pour la liberté, elle est capable de tout ce qui la fonde et la soutient! L'hésitation viendrait-elle de nous? Non, Messieurs, ce n'est pas encore eh cette circonstance qu'il sera prouvé à l'Europe jalouse des succès de cette Assemblée qu'elle ait usé ses forces, et qu'elle ait dégénéré de sa primitive énergie. Votre délibération confondra ses calomniateurs.
PROJET DE DECRET.
1° Les dépositions des témoins seront faites et reçûtes par écrit, savoir : devant les officiels de police, pour ceux des témoins qui y fieront produits; et devant le directeur du juré d'accusation, pour les témoins qui, n'ayant pas comparu devant l'officier de police, seront amenés d'abord devant le juré d'accusation.
2" Les nouveaux témoins que l'acctisateur voudra produire encore devafit le jUré de jugement, ainsi que les témoins de l'accusé, seront entendus d'abord, et leurs dépositions écrites devant un des juges du tribunal criminel.
3° L'examen des témoins et le débat seront faits ensuite devant le juré de vive voix et sans écrit, après la lecture publique qui sera faite de toutes les dépositions, et ils serviront seuls à la conviction. (Applaudissements.)
(La suite de la discussion est ajournée jusqu'à ce que le discours de M. Thouret ait été imprimé et distribué.)
— Un membre du comité dsaliénation propose le projet de décret suivant, qui est adopté :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport, qui lui a été fait par son comité d'aliénation des domaines nationaux^ des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 24 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret ; savoir ;
« A la municipalité d'Orléans, département da Loiret, pour............... 110,656 l. 6 s, 8
« A celle de Roujan, département dé l'Hérault— 121,367 »] »
« A celle de Saint-Ger-main-de-Bourgueil, département d'Indre-et-Loire... 544,129 » »
" A celle de Châteaudun, soumissionnaire, département de Loir-et-Cher..... 132,608 »
« A Celle de Rugles, département de l'Eure...... 129,674 4 9
« A celle de Courmenin, département de Loir-et-Cher................... 9,425 2 » Département de la Moselle.
« A la municipalité d'Is-
selange................
« A celle de la Croix.. « A celle de Laumesfeld. « A celle de la Petite-
Hettange...............
« A celle de Macque-
nom...................
« A celle de Keda tige.. « A celle de Kun^zich. » A celle de Kœnisma-
ker.............; ;______
« A celle de Mailing..
- « A celle de Kirschno-
mén...................
« A celle de Metzeres-
che .................
« A celle de Gavise... « A celles de Blettange, Bousse et Landrevange.. « A celle de Duraoge. « A celle de Monde-
lange..................
« A celle de Volstroff. « A celle de Kirsche.. « A celle de Richemont.
10,470 1. 10 s. 10 d.
6,145 1,040
8,989
4,330 30,294 3,877
27,376 17,828
10 9
5 14
16,102 17
11,753 1,812
6,022 26,348
17,504 1,983 13,543 20,896
10 5
15 4
14 17 4
« Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et états d'estimation respectifs aunexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
donne lecture de la lettre suivante adressée au président de l'Assemblée par M. Amelot, commissaire du roi pour la caisse de l'extraordinaire :
«. Paris, le
« Monsieur le Président,
« Avant la nouvelle division de la France, et jusqu'au moment de l'organisation des nouvelles administrations, je n'ai rien négligé vis-à-vis des anciennes pour accélérer les opérations relatives à la contribution patriotique, et j'en ai successivement mis les résultats sous les yeux du comité des finances de l'Assemblée nationale.
« Aussitôt que les départements ont été mis en activité, je me suis occupé du soin de fixer essentiellement leur attention sur cette partie intéressante de leur administration, et je les ai engagés à presser vivement la confection des rôles et leur mise en recouvrement ; enfin, je leur ai demandé, par une lèttfe ttti 12 octobre dernier, de m'a-
dresser promptement le bordereau général dans la forme qui leur avait été indiquée, poilh fcoh-naître les ressources que l'on jpouvait attendre de la contribution patriotique dans chaque département, le montant total de chaqué rôle, et sa division par les trois époques dè pàjfe-ment.
« Malgré mes instances, plusieurs fois réitérées, Monsieur le Président, et celles de la section du comité dès nuances,1 chargée dé la contribution patriotique, qui ne cesse par son zèle de seconder mes efforts, je n'âj encore pu r&è procurer* qu'une partie de ces bordereau*, et je rie puis, dabs ce moment, préseritér â PAssemblêe nationale Un résultat aussi satisfaisant que j'avais lieii de l'es* pérer; je vous prie cependant, Monsieur le Président, de vouloir bien inëttre sotiS séS yeux les trois tableaux qhe j'ài l'honneur de vous adresser. L'un de ces tableaux fera Connaître le résultat par dépkrtemént, et le montant total des bordereaux qui ine Sont parvenus jusqu'au 31 décembre dernier. Od y remarquera çéux des corp.S administratifs qui h'eû ont point ëtitiore fourni, et ceux dont le zèle rtiéritë d'être distingué. Dans le second tableau, l'Assemblée verra, a'après la correspondance, les motifs des retards qu'éprouve la confection des bordereaux, l'espoir que donne plusieurs départements qui n'en ont point encore adressé, et ceux qui n'ont encore fait aucune réponse aux demandes réitérées qui leur ont été faites depuis le 12 octobre demiër.
« Enfin, Monsieur le Président, le troisième de ces tableaux mettra l'Assemblée à portée de juger de la situation des recouvrements, d'après les anciens arrondissements de recettes, qui ont subsisté jusqu'au 31 décembre.
« J'ai Phonneur d'être, avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé: Amelot. »
Les tableaux de la situation de la contribution patriotique, qui ont été mis sous vos yeux jusqu'à ce jour, ont été faits par généralités et pays d'Etats; ils présentaient, d'après un relevé de déclarations, un total de 107,690,891 livres.
L'administration de cette contribution se suit actuellement avec les départements, et les états de situation vousenindiqueront la position dans chaque département.
Cette position n'est plus présentée d'après les déclarations, mais d'après les bordereaux d'assiette.
D'après cette nouvelle disposition, M. Amelot vous présente, Messieurs, trois tableaux : ils mériteront voire attention, vu les détails intéressants qu'ils contiennent, la clarté, l'intelligence avec lesquelles ils sont dressés.
Un de ces tableaux présente le nombre de municipalités par chaque département.
Les quatre-vingt-trois départements contiennent quarante-quatre mille huit cent vingt-huit municipalités. Au 31 décembre, les départements n'avaient encore envoyé les bordereaux d'assiette que de treize mille quatre cent cinquante-quatre municipalités; ainsi il y a trente-un mille trois cent soixante-quatorze municipalités en retard.
Les bordereaux des treize mille quatre cent cinquante-quatre municipalités en règle présentent une assiette de contribution de 31,919,899 livres 1 sou. Paris n'y est pas compris.
La section de votre comité des finances,char-
gée de concourir à tout ce qui peut accélérer le recouvrement des impositions, a fait agir toute votre influence pour mettre en activité la correspondance des départements avec le commissaire du roi.
Un des trois tableaux vous présente la situation de cette correspondance; en voici le résultat :
Départements qui n'ont rien fourni.
Hautes-Alpes, les Ardennes; Bouches-du-Rbône (n'a fait aucune réponse); la Charente, la Creuse; l'Eure-et-Loir (n'a fait aucune réponse); la Haute-Garonne, l'Hérault, Loire (Haute-) (n'a fait aucune réponse) ; Maine-et-Loire, la Mayenne, la Meurthe, l'Orne, Basses-Pyrénées, Bas'-Rbin, Rhône-et-Loire, la Vienne, les Vosges, Ardèche, Ariège, la Charente-Inférieure, le Cher; les Côtes-du-Nord (n'a fait aucune réponse); le Finistère (n'a fait aucune réponse); la Gironde; l'Isère (n'a fait aucune réponse); Loire-Inférieure, le Lot, la Manche, la Nièvre; Paris (s'occupe des taxes d'offices) ; Haut-Rhin, les Deux-Sèvres, le Var, Haute-Vienne.
Recouvrements.
Argent............................................. 3,987,111
Assignats.......................................... 7,107,176
Bons de M. Garat.................................. 6,144,404 2 5
Valeurs d'extinctions de toute nature............................................! 11,942,078 Départements en règle, ou à peu de chose près.
Aisne, 1:Allier, Basse3-Alpes, l'Aube, l'Aude, TAveyron, la Corrèze, la Côte-d'Or, le Gard, l'Indre, le Jura, les Landes, le Loir-et-Cher, Marne (Haute-), la Meuse, le Nord, l'Oise, le Pas-de-Ca-lais, Hautes-Pyrénées, Saône-et-Loire, la Sarthe, Seine-et-Oise, la Somme. Départements qui ont envoyé successivement, ou qui sont prêts à envoyer.
L'Ain, Calvados, Cantal, la Dordogne, le Doubs, la Drôme, l'Eure, le Gers, Ille-et-Vilaine, l'Indre-et-Loire, le Loiret, Lot-et-Garonne, la Lozère, le Morbihan, la Moselle, le Puy-de-Dôme, Pyrénées-Orientales, Haute-Saône, Seine-Inférieure, Seine-et-Marne, le Tarn, la Vendée, l'Yonne.
Enfin, Messieurs, voici un troisième tableau qui vous présente la situation des recouvrements au 31 décembre 1790 :
Valeurs actives.
1. 13 s. 10 d.
17,238,692 I. » s. 3 d.
17
6
Total...................................... 29,180,770 1. 17 s. 9 d.
Je demande à l'Assemblée de décréter J'im-pression de la lettre de M. Amelot et des tableaux qui y sont annexés.
(Cette motion est adoptée.) Suivent les tableaux annexés
Tableau.
TABLEAU
la correspondance avec les départements, jusqu'au 31 décembre inclusivement, depuis la circulaire du 12 octobre 1790, par laquelle on leur a demandé les bordereaux des rôles arrêtés et mis en recouvrement dans chaque municipalité de leur arrondissement.
CONTRIBUTION
patriotique.
TABLEAU de la correspondance avec les départements, jusqu'au 31 décembre inclusivement, depuis la
en recouvrement dans chaque muni
NUMEROS des
départements.
NOMS
des departements.
9 10
11 12
13
U
15
16
17
18
19
20 21
22 2-3
24
25
26
Ain.
Aisne.
Allier...........
Alpes (Hautes-).
Alpes (Basses-).
Ardèche........
Ardennes.
Allège. Aube.. Aude..
Aveyron..........
Bouches-du-Rhône.
Calvados.
Cantal.
Charente...........
Charente-Inférieure.
Cher.
Corrèze.
Corse............
Côte-d'Or......
Gôtes-du-Nord...
Creuse.
Dordogne. Doubs.... Drôme....
Eure.
27 I Eure-et-Loir,
28 I Finistère.....
DATES DES LETTRES qui leur ont été écrites depuis la circulaire du 12 octobre.
12 octobre, 26 novembre et 17 décembre..
12 octobre, 25 novembre et 16 décembre,
OBJET DES LETTRES.
Demande des bordereaux, renouvelée deux fois de la manière la plus pressante.
12 octobre, 25 novembre et 16 décembre. 12 octobre, 18 novembre...............
Demande des bordereaux, renouvelée deux fois de la manière la plus pressante.
Demande des bordereaux, renouvelée deux fois de la manière la plus pressante.
12 octobre, 28 novembre et 19 décembre. Même demande
Même demande.
12 octobre, 19 novembre et 20 décembre.
12 octobre, 27 novembre.
12 oclobre, 27 novembre et 18 décembre. 12 octobre, 19 novembre...............
12 octobre, 25 novembre.
Même demande renouvelée deux fois de la manière la plus pressante.
Même demande réitérée une fois.
Même demande réitérée deux fois. Même demande réitérée une fois. .
Même demande réitérée une fois.
12 octobre, 19 novembre et 18 décembre. 12 octobre, 25 novembre et 18 décembre.
12 octobre, 19 novembre et 19 décembre,
12 octobre, 25 novembre et 18 décembre.
12 octobre, 19 novembre et 15 décembre.
12 octobre, 19 novembre et 17 décembre. 12 octobre, 19 novembre et 18 décembre.
Même demande réitérée deux fois d'une manière très pressante.
Même demande...........................
Même demande pour l'envoi des bordereaux dans la forme prescrite.
Même demande réitérée deux fois de la manière la plus pressante.
Même demande.
Même demande Même demande.
circulaire du 12 octobre 1790, par laquelle on leur a demandé les bordereaux des rôles arrêtés et mis cipalité de leur arrondissement.
DATES DES RÉPONSES.
16 octobre, 14 décembre.....
20 octobre...................
8 décembre..................
29 novembre.................
10 novembre.................
23 octobre, 4 et 18 décembre
23 octobre..................
6 décembre..................
6 décembre..................
27 octobre...................
16 octobre, 14 novembre.....
16 octobre.. .................
30 novembre.................
SITUATION ACTUELLE DES OPERATIONS, D'APRÈS LES RÉPONSES.
Annonçait, par la première lettre, qne presque tous les rôles étaient formés, et que le défaut d'instruction de la part des districts retardait la formation du bordereau. Par la seconde lettre, il en a été envoyé un dont on n'a pu faire usage, n'étant point en règle, mais qui présente un résultat de plus de 800,000 livres de rôles vérifiés.
Ce département est au courant. Il envoie successivement des bordereaux et presse vivement les municipalités en retard.
Les bordereaux de ce département sont complets, à dix municipalités près,
Ce département n'a rien envoyé : annonçait que le retard provenait des districts; n'a point fait de réponse aux deux dernières lettres.
Ce département est au courant. Il envoie successivement des bordereaux; plus des trois quarts des rôles sont vérifiés, et il presse les municipalités en retard.
Ce département n'a encore envoyé aucuns bordereaux. Il annonçait que l'on s'occupait de leur rédaction, et que le retard provenait des districts et des municipalités ; mais depuis sa lettre du 8 décembre on n'a rien reçu de lui.
N'a encore rien envoyé ; annonce la meilleure volonté; il se trouve forcément en retard, parce qu'il est formé de plusieurs démembrements d'anciennes provinces, et il ne connaît pas encore toutes les communautés qui entrent dans sa composition.
Promettait exactitude et célérité; mais n'a rien envoyé depuis, ni même répondu.
Les bordereaux de ce département sont complets à treize municipalités près.
Ce département est au courant. Il envoie successivement des bordereaux; cependant jl y a encore plus de la moitié des rôles qui ne sont pas encore vérifiés : il presse vivement les districts et les municipalités.
Même résultat.
N'a encore fait aucune réponse.
Les bordereaux fournis par ce département ne présentent qu'un peu plus du quart des rôles vérifiés; mais il annonce beaucoup de zèle et n'être arriéré que par le défaut des municipalités à se mettre en règle.
A envoyé des résultats dont on n'a pu faire aucun usage, et le retard qu'éprouve l'envoi des bordereaux en règle provient des districts : il les presse on ne peut plus vivement.
Annonçait qu'il allait presser les districts; mais il n'a rien envoyé ni répondu depuis le 23 octobre.
Promettait l'envoi très prochain des bordereaux : le retard provenait des districts ; n'a cependant rien envoyé depuis.
Ce département annonce que le retard provient des municipalités qui n'avaient pas encore envoyé les doubles de leurs registres; mais il n'a rien négligé et prend de nouvelles mesures pour accélérer la confection des rôles.
Ce département est au courant; plus des trois quarts des rôles sont vérifiés : il envoie successivement les bordereaux.
Est en règle à soixante municipalités près, sur sept cent quatre-vingt-une.
N'a absolument fait aucune réponse.
A répondu qu'il envoyait sur-le-champ copie de la lettre du 12 octobre aux districts, en les évitant à la célérité; mais que ceux-ci se plaignaient de la lenteur des municipalités : n'a rien fourni depuis ni même répondu aux deux dernières lettres.
A envoyé des notes partielles dont on n'a pu faire aucun usage, de sorte qu'on ne peut présenter de résultat sur le nombre ni sur le montant des rôles arrêtés; mais il s'occupe de la confection du bordereau général et presse les municipalités en retard.
A annoncé, à cette époque, qu'il n'y avait que quatre-vingt-trois municipalités en retard; qu'il allait prendre des mesures pour qu'elles se missent en règle, et presser les districts relativement aux bordereaux; cependant il n'a rien fourni depuis.
A envoyé un état sommaire dont on n'a pu faire usage ; n'a pas encore répondu 5 la dernière lettre par laquelle on lui a demandé un bordereau en règle; cependant il paraît que la majeure partie des rôles est vérifiée.
Ce département est plein de zèle; il n'a encore pu fournir de bordereaux en règle que pour un très petit nombre de municipalités : il s'occupe sans relâche de la vérification de ces rôles, dont la plupart sont mal faits et qu'il faut recommencer.
Ce département n'a encore fait aucune réponse.
N'a encore fait non plus aucune réponse.
NUMEROS des
départements.
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60 61
62
63
64
NOMS
des departements.
Gard............
Garonne (Haute-),
Gers Gironde.
Hérault........................
Ille-et-Vilaine..................
Indre..........................
Indre-et-Loire.................
Isère... Jura..., Landes.
Loir-et-Cher,
Loire (Haute-).. Loire-Inférieure.
Loiret..........
Lot.............
Lot-et-Garonne.
Lozère.........
Maine-et-Loire.
Manche. Marne..
Marne (Haute-). Mayenne........
Meurthe.. Meuse.... Morbihan. Moselle...
Nièvre
Nord.
Oise...........
Orne .........
Paris.........
Pas-de-Calais.
Puy-de-Dôme......
Pyrénées (Hautes-). Pyrénées (Basses-).
DATES DES LETTRES qui leur ont été écrites depuis la circulaire du 12 octobre.
12 octobre, 25 novembre et 19 décembre.
12 octobre, 28 novembre.
12 octobre, 27 novembre et 18 décembre.
12 octobre, 25 novembre. 12 octobre, 19 novembre .
12 octobre, 17 novembre.
18 octobre, 19 novembre et 18 décembre.
12 octobre, 19 novembre et 18 décembre. 12 octobre, 25 novembre...............
12 octobre, 28 novembre.
12 octobre, 19 novembre...............
12 octobre, 19 novembre et 18 décembre.
12 octobre, 27 novembre.
12 octobre, 25 novembre et 18 décembre.
12 octobre, 25 novembre et 22 décembre,
12 octobre, 16 novembre.
12 octobre, 19 novembre et 18 décembre.
12 octobre, 19 novembre et 18 décembre.
OBJET DES LETTRES.
Même demande renouvelée deux fois d'une manière très pressante
Même demande..........................
Même demande..........................
Même demande..........................
Même demande..........................
Même demande renouvelée par la seconde lettre, en renvoyant un état qui n'était point en règle.
Même demande réitérée deux fois.........
Même demande réitérée deux fois........
Même demande..........................
Demande des bordereaux, renouvelée d'une manière pressante.
Même demande..........................
Même demande réitérée deux fois d'une manière pressante.
Même demande..........................
Même demande renouvelée deux fois de la manière la plus pressante.
Même demande..........................
Même demande..........................
Même demande réitérée deux fois avec instance.
DATES DES RÉPONSES.
24 octobre..................
8 décembre.................
23 octobre, 7 décembre.....
4 décembre........ ......
5 décembre.................
10 novembre................
21 octobre, 2 décembre.....
2 novembre, 8 décembre.....
2 décembre................
28 décembre................
29 octobre, 5 décembre.....
26 octobre, 21 décembre....
29 octobre, 17 décembre.... 28 novembre...............
25 octobre..................
SITUATION ACTUELLE DES OPÉRATIONS, D'APRES LES REPONSES.
Ce département est au courant; ses bordereaux sont presque complets.
Annonçait que le retard des municipalités à se mettre en règle ne lui permettait pas de donner alors aucuns résultats; mais qu'il espérait, dans an mois, pouvoir faire passer les bordereaux : il n'a rien envoyé depuis, ni même répondu aux deux dernières lettres.
A fait espérer que sous peu il allait être en état d'envoyer le bordereau général.
Annonce qu'il ne néglige rien pour accélérer la confection du bordereau général; mais que ce travail sera encore long, et il n'a rien envoyé depuis.
Annonce qu'il n'a encore rien reçu de la part des districts, mais qu'il sait qu'ils ne doivent pas tarder à être ea règle.
Envoie un bordereau pour cinquante-cinq rôles seulement sur trois cent soixante-quinze, et annonce qu'il ne tardera pas à donner suite à cet envoi : il n'est encore rien parvenu depuis.
Ce département est au courant; il ne manque que quatre-vingt-une municipalités pour que ses bordereaux soient complets.
Envoie un état informe dont on n'a pu faire aucun usage : annonce les meilleures disposilio.is ; mais il n'est point secondé par les districts; il les presse vivement.
N'a encore fait aucune réponse.
Est en règle, à treize municipalités près sur sept cent quarante-trois.
Est au courant; il enveie successivement des bordereaux, et il en résulte que plus de la moitié des rôles sont vérifiés.
Est également au courant; ses bordereaux présentent les résultats de plus des trois quarts des rôles vérifiés, et ils arrivent successivement.
N'a encore fait aucune réponse.
Annonce qu'il ne cesse de presser les districts; mais que ceux-ci se plaignent de la lenteur des municipalités; au surplus, il manifeste le plus grand zèle.
Ce département envoie exactement ses bordereaux, et il en résulte que sur trois cent soixante-dix-neuf rôles, il n'y en a plus que soixante-quatre à vérifier.
N'a encore rien fourni. Il presse les districts qui sont arrêtés par la lenteur des municipalités; il promet de renouveler ses efforts pour terminer les opérations, et manifeste te plus grand zèle.
Envoie successivement ses bordereaux qui ne présentent encore que le tiers des rôles vérifiés. Il presse vivement les districts de se mettre en règle.
A envoyé le seul bordereau du district de Mende; il enverra successivement les autres.
N'a encore rien fourni; mais il annonce qu'il fait tout ce qui dépend de lui pour presser les districts.
N'a encore rien fourni; mais il annonce l'envoi de tous les bordereaux en règle dans le courant de janvier.
Envoie successivement ses bordereaux qui présentent le résultat de tous les rôles vérifiés à cinquante-cinq près qui le seront sous peu.
Est aussi bien en règle; il n'y a plus que vingt-sept rôles à vérifier sur cinq cent quatre-vingts.
N'a encore rien fourni, et donne pour motif que les districts, ayant égaré les modèles qui leur avaient été adressés, ont fait un travail informe qu'il a fallu leur renvoyer; enfin la tenue des conseils de districts et le renouvellement des municipalités ont aussi contribué au retard des opérations.
N'a encore rien fourni; annonce que le district de Nancy est en règle et qu'il presse virement les autres à s'y mettre.
Est bien au courant ; envoie successivement ses bordereaux : il n'y a plus que cent quatre-vingt-neuf rôles à vérifier sur six cent soixante-six.
A envoyé successivement presque tous ses bordereaux; on n'a pu faire usage que d'une partie; les autres ont été renvoyés, s'étant trouvés défectueux.
A envoyé les bordereaux de six districts ; étant informes, on n'a pu en faire usage ; on tes a renvoyés, en recommandant de les mettre promptement en règle, et de presser les districts en retard.
N'a encore rien fourni; annonce qu'il presse vivement les districts qui se plaignent de la lenteur des municipalités à se mettre en règle; beaucoup de rôles de l'un de ces districts ont été adressés à la commission intermédiaire de l'Isle-de-France, qui ne les a pas renvoyés : on lui a écrit à ce sujet.
Ce département est au courant. Il envoie successivement ses bordereaux ; plus de la moitié sont vérifiés.
Ce département est absolument au même degré d'avancement.
N'a rien envoyé; mais il espère être en état de faire passer incessamment son travail complet.
On s'y occupe des taxes d'offices.
Ce département est au courant. Il envoie successivement ses bordereaux, desquels il résulte que plus de la moitié des rôles sont vérifiés.
A commencé l'envoi de ses bordereaux, qui présentent plus du quart des rôles vérifiés, et annonce qu'il va .envoyer successivement le surplus.
Est au courant : envoie ses bordereaux à mesure que les rôles sont vérifiés, et il y en a près de la moitié jusqu'à présent : il annonce que le surplus arrivera incessamment.
A annoncé qu'il allait prendre les mesures nécessaires pour satisfaire promptement à la demande des bordereaux, et n'a fait depuis aucuu envoi, ni même de réponse aux deux dernières lettres.
NUMEROS
des départements.
65
66
67
68
69
70
71
72
73
74
75
76
77
79
81
82 83
NOMS
des départements.
Pyrénées-Orientales. Rhin (Haut-)........
Rhin (Bas-) *.....
Rhône-et-Loire *.
Saône (Haute-). Saône-et-Loire. Sarihe.........
Seine-et-Oise..., Seine-Inférieure,
Seine-et-Marne. Sèvres (Deux-).
Somme........
Tarn...........
Var.....
Vendée. Vienne.
Vienne (Haute-)
Vosges *. Yonne____
DATES DES LETTRES
qui leur ont été écrites depuis la circulaire du 12 octobre.
12 octobre, 26 novembre et 17 décembre.
12 octobre, 16 novembre...............
12 octobre, 19 novembre et 16 décembre.
OBJET DES LETTRES.
Même demande.
Même demande.........................
Même demande réitérée deux fois avec instance.
12 ociobre, 19 novembre et 18 décembre.
12 octobre, 19 novembre,
12 octobre,27 novembre,10 et 18 décembre.
12 octobre, 28 novembre et 19 décembre.
12 octobre, 25 novembre et 18 décembre.
Même demande... .................
Même demandé
Même demande renouvelée trois fois avec instance.
Même demande réitérée deux fois avec instance.
Même demande
Nota. — Tous les départements où se trouve cette marque * ont, depuis le 31 décembre dernier, satisfait en totalité ou en partie,
jours du mois
On observe encore ici qu'il résulte en général de la correspondance, des départements, que le retard qu'ils apportent à fournir les adressées à ces départements, on les presse vivement de faire exécuter vis-à-vis des municipalités arriérées l'article 5 du décret D'un autre côté on procède aux rectifications ordonnées tant par ce décret que par celui du 25 octobre, et cela contribue à retarder sauf à en former de supplémentaires pour les rectifications dont il s'agit,
DATES DES REPONSES.
4 décembre...........
30 novembre..........
27 novembre..........
7 décembre............
20 octobre, 2 décembre
29 octobre.............
22 octobre.............
SITUATION ACTUELLE DES OPÉRATIONS, D'APRES LES RÉPONSES.
A commencé renvoi des bordereaux, desquels il résulte qu'il n'y a qu'un quart des rôles vérifiés; annonce qu'il ne néglige rien pour accélérer les opérations.
N'a encore rien envoyé; mais il assure avoir pris toutes les mesures possibles pour accélérer les opérations, et espère être sous peu en état d'en présenter le résultat par les bordereaux.
Annonçait qu'il ferait l'envoi du bordereau dans dix jours; et il n'est rien parvenu.
N'a encore rien fourni ni même fait aucune réponse aux trois lettres dont il s'agit.
Tous les rôles, à l'exception de quarante-quatre sur six cent cinquante, sont vérifiés, ainsi qu'il résulte des bordereaux envoyés successivement et exactement.
Ce département est également en règle. Il résulte de ses bordereaux que, sur six cent trente rôles, il n'y en a plus que vingt-deux à vérifier.
Est au courant : envoie successivement ses bordereaux. Il en résulte qu'il y a jusqu'à présent plus de la moitié des rôles de vérifiés : il annonce que le surplus ne tardera pas à l'être.
Même résultat, avec la différence qu'il y a deux tiers des rôles vérifiés.
Envoie successivement les bordereaux, desquels il résulte qu'il n'y a à peu près qu'un quart des rôles vérifiés : ne néglige rien pour accélérer les opérations, et le retard provient de la lenteur des municipalités à se mettre en règle.
Envoie successivement et exactement ses bordereaux. Il en résulte que plus des trois quarts des rôles sont vérifiés : il ne néglige rien pour accélérer le surplus.
Faisait espérer que, sous peu de temps, il satisferait à ce qui a été demandé : cependant il n'a encore rien fourni.
Est bien au courant : envoie successivement des bordereaux, desquels il résulte que plus de la moitié des rôles est vérifiée; il presse vivement pour le surplus.
Ce département annonce que les districts s'occupent sans rclâche de la vérification des rôles. Il y en a déjà plus d'un quart de vérifiés, d'après les bordereaux envoyés : le surplus le sera incessamment.
Il annonee qu'après beaucoup de peine il est parvenu à réunir le travail de huit districts; qu'il presse le neuvième, et qu'il travaille au bordereau qu'il enverra incessamment.
A envoyé des bordereaux provisoires de ses six districts : on n'a pu en faire usage n'étant point en règle; on les a renvoyés pour les rectifier: ce département manifeste le plus grand zèle.
Par la première lettre, il annonçait avoir pris toutes les mesures vis-à-vis des districts; par la seconde, il les accuse de lenteur ainsi que les municipalités dont il annonce qu'il n'y a pas un vingtième qui aient fourni leurs rôles; enfin il n'a rien fourni depuis, ni même répondu aux deux dernières lettres.
A annoncé avoir adressé une copie de la lettre du 12 octobre aux districts, en leur recommandant exactitude et célérité; mais il n'a rien fourni depuis, ni même répondu aux deux dernières lettres.
Même résultat et même défaut de réponse aux deux dernières lettres.
A envoyé un bordereau de trois cent quarante-trois rôles vérifiés sur quatre cent quatre-vingt-quatorze, et annonce qu'il presse les opérations pour le surplus, dont il ne tardera pas à envoyer le résultat.
aux demandes des bordereaux qui eur ont été faites, et les résultats en seront portés sur l'état qui sera fourni dans les premiers prochain.
bordereaux, provient de celui des municipalités à se mettre en règle : qu'en conséquence, dans tontes les lettres qui ont été du 8 août, qui prescrit aux directoires des districts, de nommer des commissaires pour achever les opérations dans ces municipalités, la remise d'un grand nombre de rôles, quoiqu'on ait eu soin de marquer de mettre promptement les premiers rôles en recouvrement.
ÉTAT de situation, par département, de la contribution patriotique du
royaume, au
m o ta •w s
E3 SE
1 2
3
4
5
6
7
8 9
10 11 12
13
14
15
16
17
18
19
20 21 22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60 61 62
NOMS
DF.S DEPARTEMENTS.
Ain.................
Aisne...............
Allier...............
Alpes (Hautes-).....
Alpes (Basses-).....
Ardfcche............
Ardennes...........
Ariège..............
Aube...............
Aude......à........
Aveyron............
Bouches-du-Rhône...
Calvados............
Cantal..............
Charente.............
Charente-Inférieure..
Cher.................
Corrèze.............
Corse...............
Côte-d'Or............
Côtes-du-Nord........
Creuse ..............
Dordogne..........:
Doubs..............
Drôme...............
Eure................
Eure-et-Loir.........
Finistère.............
Gard.................
Garonne............
Gers................
Gironde..............
Hérault..............
Ille-ct-Vilaine........
Indre...............
Indre-et-Loire.......
Isère...............
Jura................
Landes .............
Loir-et-Cher......
Loire (Haute-)......
Loire-Inférieure.....
Loiret ............
Lot.................
Lot-et-Garonne.....
Lozère..............
Maine-et-Loire......
Manche.............
Marne..............
Marne (Haute-)......
Mayenne............
Meurthe............
Meuse..............
Morbihan...........
Moselle............A
Nièvre..............
Nord...............
Oise................
Orne................
Paris...............
Pas-de-Calais........
Puy-de-Dôme........
NOMBRE
des
MUNICIPALITÉS,
paroisses ou communautés par
chaque département.
547 896 393 226 344 358 545 375 496 608 885 243 923 281 482 545
321 337 360 781 430 332
712 609 457 895
464 346 406 822 872 688 446 375 298 366 691 743
465
322 268 236 379 806 862 201
466
713 739 580 309 786 666 270
1,344 389 674 777 651 100 967 513
des
MUNICIPALITÉS, paroisses ou communautés dont
les rôles sont vérifiés.
MONTANT des
BORDEREAUX
d'assiette.
1. s. d.
D » » » 547
473 826,777 5 1 423
383 624,012 13 1 10
» » » » 226
242 384,144 13 6 102
» » » » 358
» » » 9 545
» 9 9 » 375
483 721,934 11 2 13
276 525,512 16 6 332
304 431,775 2 4 581
» » » 9 243
277 889,412 6 6 646
» » » » 281
» » » » 482
» » » » 545
» » » » 321
243 220,314 2 6 94
» » 9 » 360
721 1,862,665 19 10 60
» » » » 430
» » 332
» » » 712
jt » » » 609
» » » » 457
168 268,436 1 11 727
» » » » 464
» » » » 346
340 1,979,168 8 6 66
» » » 9 822
» » 9 » 872
» » » » 688
» » » » 446
55 724,135 1 7 320
217 349,980 8 10 81
» » 9 9 366
» » » » 691
730 1,069,693 16 2 13
257 472,729 4 2 208
248 514,880 5 1 74
» » » » 268
» » » 236
3lb 480,642 10 1 64
» » » » 806
244 1,455,730 9 3 618
24 51,602 2 9 177
» » 9 9 466
» » » 9 713
664 888,989 » 7 55
553 694,712 1 9 27
» » V 9 309
» » » » 786
547 776,858 14 8 119
96 329,232 17 » 174
» 9 » 9 1,344
s » » » 389
1,614,960 13 » 279
428 912,694 13 6 349
» » » 9 651
» * » 9 100
488 1,675,361 15 11 479
160 275,723 4 6 353
NOMBBE des
MUNICIPALITÉS,
paroisses ou communautés qui
n'ont pas encore fourni leurs rôles.
NOMBRE NOMBRE
MONTANT des
NOMS des municipalités,
o des des paroisses
•a municipalités, municipalités, ou communautés
5 6 paroisses paroisses bordereaux qui
z des départements. ou communautés ou communautés n'ont pas encore
par dont d'assiette. fourni
chaque département. les rôles sont vérifiés. leurs rôles.
1. s. d.
63 Pyrénées (Hautes-)............. 735 304 308,094 17 11 431
64- 698 » » » yt 698
65 Pyrénées-Orientales............. 294 95 257,498 16 6 199
66 Rhin (Haut-)................... 517 » » » » 517
67 Rhin (Bas-).................... 555 9 » » » 555
68 619 » » » » 619
69. 650 606 759,399 11 » 44
70 Saône-et-Loire................ 630 608 1,571,293 13 3 22
71 Sarthe......................... 435 281 932,440 14 3 154
72 696 428 2,705,076 8 7 268
73 1,015 237 1,050,025 2 2 778
74 590 481 846,138 7 9 109
75 373 » » » 373
76 930 572 1,405,043 17 3 358
77 Tarn........................... 492 148 358,387 5 4 344
78 Var.......................... 287 » a » » 287
79 332 » » k » 332
80 Vienne. .................... 341 » » » » 344
81 259 » » 1) » 257
82 504 « » D 3> 504
83 494 343 704,417 7 7 151
44,838 13,474 31,919,899 1 i» 37,174
RÉSULTAT.
Les bordereaux, dans la nouvelle forme, envoyés par trente-huit départements, comprenant treize mille quatre cent soixuante-quatorze municipalités, paroisses ou communautés, dont les rôles de contribution patriotique présentent un total de...................................................................................................... 31,919,899 liv. 1 t.
OBSERVATIONS.
En comparant le produit des sommes de ce tableau, avec celui du dernier état de situation, par anciennes provinces, lequel montait à 107,690,891 livres, on remarque que ce total présente une grande différence en plus ; mais il est a observer que plus de la moitié des départements n'a encore fourni aucun des bordereaux prescrits par l'instruction concernant les fonctions des assemblées administratives. Il a été écrit différentes fois aux directoires pour les presser de faire l'envoi de ces bordereaux. Il résulte de leurs réponses, qu'ils se sont occupés essentiellement de leur confection, et que plusieurs pourront les adresser sous peu.
Les instances, à cet égard, viennent d'être renouvelées : on espère pouvoir compléter, dans le cours de janvier, la collection des bordereaux d'assiette; au surplus, on ne négligera aucun des moyens propres à l'accélérer.
ÉTAT des recettes faites par généralité et pays d'États, sur la
NOMS VALEURS ACTIVES.
DES ARRONDISSEMENTS. ARGENT. ASSIGNATS. TOTAL.
1. s. d. 1. s. d. 1. s. d.
Généralités....' Pays d'États... Alençon................. Amiens................ Auch................... Bordeaux .............. Bourges................ Caen................... Châlons................ Flandres, Hainaut....... Franche-Comté......... Grenoble............... La Rochelle............ Limoges................ Lorraine................ l Lyon................... Montauban.............. Moulins................. Orléans................. Paris................... Poitiers................ Riom................... Rouen.................. Soissons................ Tours.................. 1 Ville de Paris.......... ' Bourgogne.............. Bresse et Bugey........ i Bretagne............... Languedoc.............. Marseille,terres adj acentes Marches communes...... | Provence ............... , Roussillon.............. 544 5 > 150,333 3 7 4,459 » 6 y> » » 50,091 2 2 10,849 1 3 390,735 7 7 256,328 4 6 418,088 13 10 224,020 12 9 59,617 16 6 61,870 13 6 278,782 4 1 86,949 » 7 128,974 19 5 9,729 12 9 » » » 158,359 3 2 2,850 » » 164,701 10 2 38,783 11 2 97,938 4 6 75,106 1 4 121,135 17 7 45,960 11 » 177,881 9 7 9,982 1 5 466,489 18 1 264,763 11 3 1,091 » » 2,670 14 » 100,336 14 10 117,837 13 9 849 14 » 35,271 1 11 150,668 » 10 » » » 1,174,907 15 8 27,898 16 1 25,958 16 8 128.965 6 7 214,008 4 9 83,733 » » 135,341 8 » 51,216 11 6 10,225 5 8 92,002 19 10 158.966 1 » 134,081 18 4 4,147 19 6 99,220 16 7 40,602 3 8 70,530 15 9 45,935 9 11 15,435 5 > 18,467 7 6 93,737 9 11 234,346 3 » 2,653,990 11 11 116,335 7 5 77,474 4 10 542,361 7 8 311,554 19 3 233,607 15 1 » » » 76,336 14 8 46,297 17 2 3,548 8 4 35,815 6 11 301,001 4 5 4,459 » 6 1,174,907 15 8 77,989 18 3 36,807 17 11 519,700 14 2 470,336 9 3 501,821 13 10 359,362 » 9 110,834 8 » 72,095 19 2 370,785 3 11 245,915 1 7 263,056 17 9 13,877 12 3 99,220 16 7 198,961 6 10 73,380 15 9 210,637 » 1 54,218 16 $ 116,405 12 » 168,843 11 3 155,482 » 7 2,699,951 2 11 294,216 17 » 87,456 6 3 1,008,851 5 9 576,318 10 6 243,698 15 1 2,670 14 » 176,673 9 6 164,135 10 11 ' 4,398 2 4
3,987,111 13 10 7,107,176 4 » 11,094,287 17 10
contribution patriotique jusqu'au
VALEURS D'EXTINCTION de
TOUTE NATURE.
5,070 84,758 1,061 131,563 26,615 15,349 99,291 100,256 74,702 30,375 22,733 1,175 70,719 265,644 151,119 8,574 13,069 97,086 97,316 16,552 20,780 8,370 65,107 53,078 9,596,245 187.012 13,345 294,491 198,685 163,769
s. d,
1 1
15 10
6 9
2 T. 7 L
4 12 4 8
9 6
3 2
5 »
19 5
11 »
9 9
9 9
10 4
» 2
15 4
14 3
3 2
4 6
15 2
18 s
3 1
6 3
18 6
8 1
3 6
11 10
8 11
11 11
6 7
}> »
» »
11 10
16 »
11,942,078 17 6
DONS de
M. GARAT.
I. S. d.
5,802 75,535 255 50,794 8,303 3,265 49,306 13,036 40,322 102,396 14,443 1,690 43,470 90,781 127,038
12,664 52.997 44,708 10,401 8,341 14,702 29,245 39,702 4,770,701 80,981 5,484 244,622 62,305 108,134
13 5 18 9
9 »
15 » 10 6
14 »
16 10 3 »
2 9
10 4 11
5 3 19 4
» 7
» »
2 6
14 8
8 3
10 3
13 6
6 4 8 6
14 10
4 1
14
5
9 7 1
» » » » 5) »
32,967 5 4 » » >
6,144,404 2 5
TOTAL GÉNÉRAL.
I. s. d.
46,688 461,295 8,775 1,357,265 112,908 55,423 668,299 583,628 616,846 492,134 143,011 74,962 484,974 601,341 541,213 22,452 124,954 349,045 215,405 237,591 83,341 139,478 263,196 448,263 17,066,898 562,210 106,286 1,547,964 837,309 515,602 2,670 176,673 224,934 4,722
1 5 19 »
6 13 13
6 3 1 7
» 6 15 5 9 » 4 11 10 » 3 11 18 11 11 3
18 7
13
6
7
4
8 6 6 8
5 »
9 8 7 9 5
17 » 6 9 14 » 9 6
18
29,180,770 17 9
OBSERVATIONS.
Cet état n'étant formé que d'après les bordereaux fournis par MM- les receveurs généraux des finances, il diffère de deux millions avec la recette faite à la caisse de l'extraordinaire; ce qui provient des versements faits dans le courant du mois de décembre et partie de ceux du mois précédent dont on n'a pas encore pu obtenir les bordereaux, malgré les demandes réitérées qui en ont été faites : on vient de renouveler tout récemment ces demandes, et ces bordereaux parviendront infailliblement dans le courant du mois de janvier, attendu que toutes les fonctions des receveurs des finances cessent à compter du 1« dudit mois.
L'Assemblée va se retirer dans ses bureaux pour procéder à la nomination de quatre commissaires adjoints chargés de surveiller l'exécution des assignats.
(La séance est levée à deux heures et demie.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de la veille.
Je propose une addition à l'article relatif aux cueilloirs et cueillerets qui avaient le privilège de faire foi en justice lorsqu'ils étaient aflirmés; je propose que cet usage soit supprimé, car c'est encore une dépendance de l'ancien régime. Une voix : Le décret de suppression est porté et on a donné pour motif ce que vous venez de dire. (Le procès-verbal est adopté.) Un de MM. les secrétaires fait lecture à l'Assemblée d'une lettre adressée à M. le Président par M. de Marbois, dans laquelle il annonce l'envoi de pièces justificatives sur une imputation dirigée contre lui dans un mémoire présenté à l'Assemblée. (Ces pièces sont renvoyées aux Archives nationales.)
, prieur de Marly-la-Ville, fait lecture du procès-verbal rédigé par les officiers municipaux de la paroisse de Ferrières, district de Meaux, de la prestation du serment de M. Bourdon, curé dudit lieu, laquelle a été suivie d'un Te Deum. L'Assemblée ordonne qu'il en sera fait mention dans le procès-verbal.
communique à l'Assemblée l'adresse d'une société d'artistes, qui la supplie d'accepter la dédicace d'un ouvrage, daus lequel ils se proposent de consacrer, par le burin, les principaux événements de la Révolution.
, au nom du comité militaire. La multitude des
occupations de l'Assemblée nationale n'ayant pas laissé au comité
militaire le temps de soumettre à votre délibération toutes les parties
de l'organisation de l'armée, a empêché le ministre de la guerre de
Jbire, pour le 1er janvier 1791, la nouvelle formation. Plusieurs
parties manquent encore au travail général. Le projet de décret sur la
formation des commissaires des guerres, et le travail sur les masses,
qui vous seront incessamment présentés, doivent précéder encore le
travail du ministre, parce qu'ils sont nécessaires à l'en-
C'est un article qui renferme ces deux dispositions que je suis chargé de vous soumettre au nom du comité militaire.
, rapporteur, ]it un projet de décret conforme aux dispositions du rapport.
Tant qu'il n'y aura point de réforme, il n'y aura point d'officiers réformés. Il n'est pas besoin d'un décret pour que tous les officiers de l'armée soient payés jusqu'à la nouvelle organisation. Le projet de décret qui vous est proposé me paraît donc inutile; ou il faut dire simplement que l'armée restera sur l'ancien pied, jusqu'à la nouvelle organisation.
, rapporteur. La difficulté vient du décret qui porte que la nouvelle organisation commencera à compter du 1er janvier, il a paru nécessaire de proroger l'exécution de ce décret en ce qui concerne le payement des officiers qui devaient être réformés au lor janvier. La différence entre la proposition de M. d'André et celle du comité est celle-ci : il propose que tous les officiers de l'armée, indistinctement, continuent d'être payés sur l'ancien pied, jusqu'à la nouvelle organisation. Le comité, au contraire, propose de faire payer sur le nouveau pied, à compter du 1er janvier, les officiers, sous-officiers et soldats qui doivent être conservés ; et de faire payer sur l'ancien pied, jusqu'au moment de l'établissement effectif de la nouvelle organisation, ceux qui doivent être réformés : c'est à l'Assemblée à décider entre ces deux propositions. (L'amendement de M. d'André est adopté.) Le projet de décret ainsi amendé est adopté en ces termes : « L'Assemblée nationale décrète que les officiers, sous-officiers et soldats qui seront dans le cas de subir la réforme, lors de la prochaine organisation de l'armée, seront payés de leurs appointements et soldes sur l'ancien pied, jusqu'au jour de la réforme effective. « Les différents employés de l'artillerie et du génie continueront d'être payés jusqu'à ce qu'il ait été statué sur leur conservation. »
, rapporteur du comité de l'imposition, fait lecture des articles décrétés sur la contribution mobilière et d'une instruction
sur les trois premiers titres, pour en accélérer l'exécution provisoire.
, de Folleville et plusieurs autres membres font quelques observations de rédaction.
discutent l'article relatif à la progression de l'impôt sur le prix du loyer.
Plusieurs amendements sont adoptés et l'Assemblée décide que les articles décrétés, avec les amendements, l'instruction et les modèles annexés, seront imprimés ; elle charge son Président de les porter sans délai à l'acceptation du roi.
Suivent ces divers documents (1) :
Décret et instruction de VAssemblée nationale du
13 janvier 1791, sur la contribution mobilière,
avec les modèles y annexés.
TITRE PREMIER.
Des dispositions générales.
Art. 1er.
Il sera établi, à compter du lor janvier 1791, une contribution mobilière, dont la somme sera déterminée chaque année. Art. 2.
La législature déterminera, chaque année, la somme de la contribution mobilière, d'après les besoins de l'Etat, et, en la décrétant, en arrêtera le tarif. Art. 3.
Une partie de la contribution mobilière sera commune à tous les habitants ; l'autre partie sera levée à raison des salaires publics et privés, et des revenus d'industrie et de fonds mobiliers. Art. 4.
La partie de cette contribution, commune à tous les habitants, aura pour base de répartition les facultés équivalentes à celles qui peuvent donner la qualité de citoyen actif, les domestiques , les chevaux et mulets de selle , de carrosses, cabriolets ou litières, et la valeur annuelle de l'habitation, fixée suivant le prix du bail ou l'estimation qui sera faite. Art. 5.
La partie qui portera uniquement sur les salaires publics et privés, les revenus d'industrie et de fonds mobiliers, aura pour base ces revenus, évalués d'après la cote des loyers d'ha-bitatioo. Art. 6.
Il sera établi un fonds pour remplacer les non-valeurs résultant, soit des décharges et réductions qui auront été prononcées, soit des remises ou modérations que les accidents fortuits mettront dans le cas d'accorder. Art. 7.
Ce fonds ne pourra être détourné de sa destination ; il sera pris sur la
contribution mobt-
Les administrations de département et de district, ainsi que les municipalités, ne pourront, sous aucun prétexte, et ce sous peine de forfaiture, et d'en être responsables personnellement, se dispenser de répartir la portion contributive qui leur aura été assignée dans la contribution mobilière; savoir : aux départements, par un décret de l'Assemblée nationale ou des législatures ; aux districts, par la commission de l'administration de département; et aux municipalités, par les mandements de l'administration de district. Art. 9.
Aucun département, aucun district, aucune municipalité, ni aucuns contribuables ne pourront, sous quelque prétexte que ce soit, même de réclamation contre la répartition, se dispenser de payer la portion contributive qui leur aura été assignée, sauf à faire valoir leurs réclamations, selon les règles qui seront prescrites. TITRE II.
De la contribution mobilière pour 1791.
Art. 10.
La somme qui sera décrétée par l'Assemblée nationale pour la contribution mobilière sera répartie entre les départements, par un décret particulier. Art. 11.
La partie de la contribution qui sera établie à raison des facultés équivalentes à celles qui peuvent donner le titre de citoyen actif sera fixée à la valeur de trois journées de travail, dont le taux sera proposé par chaque district pour les municipalités de son territoire, et arrêté par chaque département. Art. 12.
Les citoyens qui ne sont pas en état de payer la contribution des trois journées de travail ne seront point taxés au rôle de la contribution mobilière, mais seront inscrits soigneusement et sans exception à la lin du rôle. Art. 13.
La contribution des trois journées de travail sera payée par tous ceux qui auront quelques richesses foncières ou mobilières, ou qui, réduits à leur travail journalier, exercent quelque profession qui leur procure un salaire plus fort que celui arrêté par le département pour la journée de travail dans le territoire de leur municipalité. Art. 14.
La partie de la contribution, à raison des domestiques mâles, sera payée par chaque contribuable par addition à son article; savoir : pour un seul domestique, 3 livres; pour un second, 6 livres ; et 12 livres pour chacun des autres.
Celle à raison des domestiques femelles sera de 1 livre 10 sous pour la première, de 3 livres pour la seconde, et de 6 livres pour chacune des
autres; et ne seront comptés les apprentis et compagnons d'arts et métiers, les domestiques de charrue et autres destinés uniquement à la culture ou à la garde et au soin des bestiaux, ni les domestiques au-dessus de l'âge de soixante ans. Art. 15.
La partie de la contribution, à raison des chevaux ou mulets, sera payée par chaque contribuable par addition à son article ; savoir : pour chaque cheval ou mulet de selle, 3 livres; et par chaque cheval ou mulet de carrosses ou cabriolets et litières, 12 livres; et ne seront comptés que les chevaux ou mulets servant habituellement au contribuable pour ces usages. Art. 16.
La partie de la contribution qui sera établie sur les revenus d'industrie et de richesses mobilières, sera du sou pour livre de leur montant, présumé d'après les loyers d'habitation, et pourra même être portée au dix-huitième. Art. 17.
La cote des gens en pension et des personnes n'ayant d'autre domicile que dans les maisons communes sera faite à raison du loyer de l'appartement que chacun occupera, et elle sera exigible vers le locateur, sauf son remboursement contre eux. Art. 18.
Les loyers dé 12,000 livres et au-dessus seront présumés être du douzième et demi du revenu du contribuable.
I inclusiv. exelusiv. 2° Ceux de 11,000 L à 12,000 1. du 11® 1/2. 3° Ceux de 10,000 1. à 11,000 1. du 11® 4» Ceux de 9,000 1. à 10,000 1. du 10e 1/2. 5° Ceux de 8.000.1. à 9,000 1. du 10e.
-.6» Ceux de 7,000 1. à 8,000 1. du 9* 1/2. 7" Ceux de 6,000 1. à 7,000 1. du 9» 8" Ceux de 5,0001. à 6,000 1. du 8® 1/2. 9° Ceux de 4,000 1. à 5,000 1, du 8".
10° Ceux de 3,500 I. à 4,000 1. du 7*1/2.
il» Ceux de 3,000 1. à 3,500 I. du 7».
12» Ceux de 2,500 1. à 3,000 1. du 6* 1/2.
13o Ceux de 2,000 1. à 2,500 l. du 6".
14» Ceux de 1,500 1. à 2,000 1. du 5e 1/2.
15» Ceux de 1,000 1. à 1,500 1. du 5».
16° Ceux de 500 1. à 1,000 1. du quart.
17» Ceux de 100 1. à 500 1. du tiers.
18» Ceux au-dessous de 100 1. seront présumés être de la moitié du revenu du contribuable. Art. 19.
A l'égard de tous les contribuables qui justifieront être imposés au rôle de contribution foncière, il leur sera fait, dans le règlement de la taxe mobilière, une déduction proportionnelle à leur revenu foncier.
Art. 20.
fin 1791, la déduction à raison du revenu foncier, qui doit être accordée sur la cote de facultés mobilières, sera évaluée d'après la contribution foncière qui aura été payée en 1790. Quant aux parties du royaume qui n'étaient pas taxées aux contributions foncières, on recevra la déclaration des propriétaires, pourvu qu'ils Paient communiquée à la municipalité de la situation des biens, et fait certifier par elle.
L'Assemblée nationale se réserve de statuer sur les déductions à faire aux étrangers résidant en France, et aux Français propriétaires de biens, soit dans les colonies, soit à 1 étranger. Art. 21.
Tous ceux qui jouiront de salaire, pension, ou autre traitement public, à quelque titre que ce soit si leur loyer d'habitation ne présente pas une évaluation de facultés mobilières aussi considérable que ce traitement, seront cotisés sur leur traitement public, dans la proportion qui sera déterminée. Art. 22.
Toute personne ayant un salaire, pension ou traitement public au-dessus de la somme de 400 livres, ne pourra en toucher aucune portion pour 1792, qu'il ne représente la quittance de sa contribution mobilière de 1791, et ainsi de suite chaque année. Art. 23.
Chaque chef de famille qui aura chez lui ou à sa charge plus de trois enfants sera placé dans la classe du tarif inférieure à celle où son loyer le ferait placer.
Celui qui aura chez lui ou à sa charge plus de six enfants sera placé dans une classe encore inférieure. Art. 24.
Les manouvriers et artisans seront cotisés à deux classes au-dessous de celle où leur loyer les aurait placés ; et lorsqu'ils seront dans la dernière, leur cote sera réduite à moitié de celle que leur loyer établirait.
Il en sera de même des marchands ayant des boutiques ouvertes, vendant au détail, et des commis et employés à appointements fixes dans différents bureaux, ou chez des banquiers, négociants, etc., pourvu que leur loyer n'excède pas, savoir: pour Paris, 1,200 livres; 800 livres dans les villes de 60,000 âmes; 500 livres dans celles de 30,000 à 60,000 âmes; 400 livres dans celles de 20,000 à 30,000 âmes ; 200 livres dans celles de 10,000 à 20,000 âmes; 100 livres pour les villes au-dessous de 10,000 âmes.
Au moyen de ces réductions, les uns et les autres ne pourront réclamer celles accordées par les décrets pour les pères de famille. Art. 25.
Tout citoyen qui, d'après les dispositions des précédents articles, sera dans le cas de demander une déduction sur la taxe de facultés mobilières, à raison de son revenu foncier, ou de se faire taxer dans une classe inférieure à celle où son loyer le placerait, sera tenu d'en justifier avant Je 1er décembre de chaque année. Art. 26.
Les célibataires seront placés dans la classe supérieure à celle où leur loyer les placerait. Art. 27.
La partie de la contribution qui sera établie à raison de l'habitation sera du trois centième du revenu présumé, d'après les loyers d'habitation. Art. 28.
La cote d'habitation sera susceptible d'augmentation et de diminution. On établira par addition au marc la livre, d'abord sur la cote des facultés mobilières, jusqu'au dix-huitième seulement, et ensuite sur la cote d'habitation, ce qui restera à répartir au delà du produit des autres
coles, pour parfaire la cotisation générale de chaque municipalité ; mais si le produit des diverses cotes de la contribution mobilière excède la somme assignée par le mandement, la répartition de cet excédent sera faite, par diminution au marc la livre, sur la cote d'habitation, et ensuite au marc la livre sur la cote des facultés mobilières, lorsque la totalité de la cote d'habitation se trouvera absorbée. Art. 29.
Nul ne sera taxé à la contribution mobilière qu'au lieu de sa principale habitation, et sera considérée comme habitation principale, celle dont le loyer sera le plus cher : en conséquence, tout citoyen qui aura plusieurs habitations sera tenu de les déclarer à chacune des municipalités où elles sont situées; il indiquera celle dans laquelle il doit être imposé, et justifiera, dans les six mois, l'avoir été. Si, au surplus, il a des domestiques et des chevaux dans différentes habitations, chaque municipalité taxera dans son rôle ceux qui séjourneront habituellement dans son territoire. Art. 38.
La portion contributive, assignée à chaque département, sera répartie, par son administration, entre les différents districts qui lui sont subordonnés : le contingent, assigné à chaque district, sera pareillement réparti, par son administration, entre les municipalités de son arrondissement; et la quote-part, assignée à chaque municipalité, sera répartie entre tous les habitants avant domicile dans le territoire de la municipalité, parmi lesquels, pour faire la matrice du rôle, il sera nommé, par le conseil général de la commune, des commissaires adjoints, en nombre égal à celui des officiers municipaux. Art. '31.
Il sera retenu, pour 1791, dans la totalité du royaume, sur le montant de la contribution mobilière, des deniers pour livre; et de cette somme, partie sera versée au Trésor public, et l'autre restera à la disposition de l'administration de chaque département.
TITRE III.
Assiette de la contribution mobilière de 1791.
Art. 32.
Aussitôt que les municipalités auront reçu le présent décret, et sans attendre le mandement du directoire de district, elles formeront un état de tous les habitants domiciliés dans leur territoire ; elles le feront publier, et le déposeront au greffe de la municipalité, où chacun en pourra prendre connaissance. Art. 33.
Dans la quinzaine qui suivra la publication, tous les habitants feront ou feront faire au secrétariat de la municipalité, et dans la forme qui sera prescrite, une déclaration qui indiquera : 1° s'ils ont ou non les facultés équivalentes à celles qui peuvent donner la qualité de citoyen actif ; 2° le nombre de leurs domestiques; 3° celui des chevaux et mulets de selle, de carrosses, cabriolets et .litières; 4° la situation et la valeur annuelle de leur habitation; 5° s'ils sont célibataires ou non, et le nombre de leurs enfants; 6° s'ils sont manouvriers et artisans, marchands en détail,
commis et employés à appointements fixes ou salariés publics; 7° enfin, pour ceux qui sont propriétaires, les sommes auxquelles ils auront été taxés pour la contribution foncière, dans les divers départements. Art. 34.
Ce délai passé, les officiers municipaux, avec les commissaires adjoints, procéderont à l'examen des déclarations, suppléeront à celles qui n'auront pas été faites ou qui seraient incomplètes, d'après leurs connaissances locales et les preuves qu'ils pourront se procurer. Art. 35.
Aussitôt que ces opérations seront terminées, les officiers municipaux et les commissaires adjoints établiront dans la matrice de rôle, en leur âme et conscience : 1° la taxe de trois journées de travail pour ceux qui ont les facultés équivalentes à celles qui peuvent donner la qualité de citoyen actif; 2° ils ajouteront à l'article de chaque contribuable une taxe relative au nombre de ses domestiques ; 3° une taxe relative au nom^ bre de ses mulets et chevaux de selle, de carrosses, cabriolets et litières; 4* ils évalueront la taxe d'habitation; 5e ils feront l'évaluation des revenus d'industrie et du richesses mobilières de chaque contribuable, sauf la déduction des revenus fonciers, suivant l'article 19. 6° Si, après avoir établi ces différentes cotes dans l'ordre qui vient d'être prescrit, il. restait une portion de la somme fixée par le mandement, à répartir en plus ou en moins, la répartition en plus sera faite, lors de la confection du rôle, au marc la livre sur la cote de facultés mobilières, jusqu'au dix-huitième, et ensuite sur la cote d'habitation, conformément à l'article 28; et dans le cas de diminution, elle séra faite d'abord au marc la livre de la cote d'habitation, et ensuite de celle de facultés mobilières. Art. 36.
Les officiers municipaux, avec les commissaires adjoints, procéderont aussitôt que le mandement du directoire de district leur sera parvenu à la confection de la matrice de rôle, conformément aux instructions du directoire de département, qui seront jointes au mandement; et lorsque cette matrice de rôle sera terminée, elle sera déposée, pendant huit jours, au secrétariat de la municipalité, où chaque contribuable pourra en prendre connaissance et la contredire. Après ce délai, les officiers municipaux arrêteront définitivement le projet, le signeront, et l'enverront au directoire de district.
La forme des rôles, le nombre de leurs expéditions, de leur envoi, leur dépôt et la manière dont ils seront rendus exécutoires, seront réglés par l'instruction de l'Assemblée nationale. Art. 37.
Les administrateurs de département et de district surveilleront et presseront, avec la plus grande activité, toutes les opérations ci-dessus prescrites aux municipalités.
TITRE IV.
Des demandes en décharge ou réduction.
Art. 38.
Si quelque contribuable se croit lésé dans la
répartition, il adressera, dans la forme qui sera prescrite, une réclamation au directoire de son district, lequel la communiquera à la municipalité, pour décider ensuite sur sa réponse. Art. 39.
Si le contribuable ou les officiers municipaux se croient fondés à réclamer contre cette première décision, ils adresseront une requête au directoire du département, qui, après l'avoir communiquée à celui du district, statuera définitivement. Art. 40.
Toute cote, réduite par la décision du directoire de district ou de département, sera imputée sur le fonds des non-valeurs établi par l'article 6 du présent décret. Art. 41.
Si c'est une communauté entière qui se croit fondée à réclamer, elle s'adressera au directoire de département. La réclamation, envoyée par lui à l'administration du district, sera communiquée aux communautés dont le territoire touchera celui de la communauté réclamante; et il y sera de même statué contradictoirement et définitivement par l'administration du département, sur l'avis de l'administration du district.
Si la réduction de la cotisation est prononcée, la somme excédante sera de même imputée sur le fonds des non-valeurs. Art. 42.
La réclamation d'une administration de district qui se croit lésée sera de même adressée au directoire du département, et communiquée par lui aux autres districts du même département, pour y être ensuite statué contradictoirement et définitivement par l'administration du département, sur le rapport et l'avis de son directoire.
Les administrations de département adresseront, chaque année, à la législature, leurs décisions sur les réclamations des administrations de districts, avec les motifs de ces décisions.
Quant aux réductions accordées aux districts, elles seront aussi imputées sur le fonds des non-valeurs laissées à la disposition des départements. Art. 43.
Enfin, si c'est une administration de département qui se croit fondée à réclamer, elle s'a* dressera, par une pétition, à la législature. La pétition sera communiquée aux administrations de département dont le territoire touchera celui de l'administration réclamante, et il sera ensuite statué par la législature.
L'imputation de la réduction accordée sera sur le fonds des non-valeurs, à la disposition de la législature.
TITRE V.
De la perception et du recouvrement.
Art. 44.
Il ne sera alloué pour la perception de la contribution mobilière que 3 deniers pour livre du montant du rôle. Le recouvrement sera toujours fait par celui qui sera chargé de la perception du rôle de la contribution foncière. Art. 45.
Chaque année, aussitôt que le rôle pour jire-couvrement de la contribution mobilière aura été rendu exécutoire et renvoyé à la municipalité, il sera remis au percepteur du rôle de la contribution foncière. Art. 46.
Les 3 deniers pour livre attribués au percepteur seront pris, par retenue, sur le recouvrement effectif. Art. 47.
La cotisation de chaque contribuable sera divisée en douze portions égales, payables le dernier de chaque mois. Art. 48.
Les officiers municipaux, les administrateurs de district et de département pourront, en tout temps, vérifier sur le rôle l'état des recouvrements, et les receveurs des communautés seront tenus de verser chaque mois, dans la caisse du district, la totalité de leur recette. Art. 49.
Dans la dernière huitaine de chaque trimestre, c'est-à-dire dans la dernière huitaine des mois de mars, juin, septembre et décembre, il sera fourni, par les receveurs des communautés, un état de tous les contribuables en retard, lequel, après avoir été visé par les officiers municipaux, sera publié et affiché; et faute de payement dans les huit premiers jours du mois suivant, le contribuable pourra être contraint par saisie de meubles et effets mobiliers. Art. 50.
Le percepteur sera tenu de compter, dans les délais prescrits, soit en argent, soit en ordonnances de décharge et modération, soit enfin en justifiant de l'insolvabilité des contribuables dans la forme qui sera prescrite. Art. 51.
La forme des états des contribuables en retard, celle des saisies, et la nature et les frais des contraintes, seront déterminés par un règlement particulier.
Instruction de VAssemblée nationale,"du 13 janvier 1791, sur la contribution mobilière.
TITRE PREMIER.'
Des dispositions générales.
La contribution mobilière doit atteindre tous les revenus qui ne peuvent l'être par la contribution foncière.
Il est juste qu'ils contribuent à la dépense commune, puisqu'ils profitent de la protection publique.
Il a été nécessaire de l'établir pour porter les revenus de 1 Etat au niveau des besoins ; elle sera formée de plusieurs taxes, dont l'une à raison des revenus mobiliers, et les autres relatives à toute espèce de richesses et aux signes qui en annoncent.
Le citoyen qui est réduit au salaire commun de la journée de travail, et qui n'a pas d'autres revenus, sera exempt de toute contribution ; celui
qui aura peu de facultés, ne payera guère que la cote de trois journées
de travail. L'homme riche sera atteint plus fortement par les taxes
additionnelles, à raison de ses domestiques, de ses chevaux, et par la
progression graduelle du tarif d'évaluation de ses revenus. Art. 1er.
« Il sera établi, à compter du 1er janvier 1791, • une contribution mobilière , dont la somme u sera déterminée chaque année. »
Cette disposition, commune à la contribution foncière, a été dictée par la nécessité de prévenir ces accroissements de contributions trop fréquents sous l'ancien régime. Les législatures vérifieront chaque année les besoins et les ressources du Trésor public ; elles fixeront, en raison des besoins, la somme de la contribution mobilière, et chaque département, chaque district, chaque municipalité sauront, après la répartition faite, quelle est la somme précise qu'ils auront à payer. Tout citoyen en sera également instruit, et sera en droit de réclamer contre les accroissements et les extensions qu'on aurait pu tenter. Art. 2.
«i La législature déterminera, chaque année, la « somme de la contribution mobilière, d'après « les besoins de l'Etat, et en la décrétant en arrê-« tera le tarif. »
Cet article est une conséquence des principes de la Constitution et de l'article précédent; chaque législature doit avoir le droit de fixer la somme de la contribution mobilière, et d'en arrêter le tarif, puisqu'à chaque législature appartiendra le droit de voter les contributions. Art. 3.
« Une partie de la contribution mobilière sera « commune à tous les habitants; l'autre partie « sera levée à raison des salaires publics et privés, « et des revenus d'industrie et de fonds mobi-« liers. »
Il faut distinguer ici deux dispositions également intéressantes. L'une rappelle la loi salutaire de l'égalité : plus de privilèges, plus d'exemptions. Tous les habitants en état de payer seront également assujettis à la partie de la contribution qui doit être commune, comme le détermine l'article suivant,
La seconde disposition assujettit singulièrement à la contribution mobilière les salaires publics et privés, et les revenus de fonds mobiliers. Art. 4.
La partie de cette contribution, commune à « tous les habitants, aura pour base de répartition « les facultés équivalentes à celles qui peuvent « donner la qualité de citoyen actif, les domes-« tiques, les cnevaux et mulets de selle, de car-« rosses, cabriolets ou litières, et la valeur an-« nuelle de l'habitation fixée suivant le prix du « bail ou l'estimation qui sera faite. Art. 5.
« La partie qui portera uniquement sur les » salaires publics et privés, les revenus d'indus-« trie et de fonds mooiliers, aura pour base ces « revenus évalués d'après la cote des loyers d'ha-• bitation. >
Ainsi les évêques, les curés, les membres des directoires des départements et districts, les juges, les régisseurs des contributions indirectes, leurs
commis et employés, et tout citoyen payé des fonds publics se trouvent compris dans cette disposition ; ainsi les gens attachés au service des particuliers, les intendants, receveurs, caissiers et commis s'y trouvent également compris.
L'Assemblée nationale n'a été arrêtée que par la difficulté de connaître les revenus d'industrie et de fonds mobiliers. Il est impossible de soustraire aux yeux de l'administrateur une propriété foncière, un champ ou une maison; mais les revenus d'industrie sont faciles à cacher.
La différence des professions ne pouvait pas servir de moyen pour les connaître : deux hommes du même état ont souvent des fortunes inégales, et souvent des professions de même nature sont plus ou moins productives, à raison des villes où on les exerce. Il était plus difficile encore de connaître les revenus des capitaux. Le débiteur et le créancier, presque toujours également intéressés au secret de leurs opérations, ne laissent aucun moyen de les découvrir. Il fallait enfin prévenir l'arbitraire tant de fois reproché aux anciennes contributions personnelles, source d'embarras pour les administrateurs honnêtes, et instrument d'animosité et de passion entre les mains de tous les autres.
L'Assemblée nationale ne s'est pas dissimulé qu'il était impossible d'atteindre à une évaluation parfaite; mais convaincue qu'il y aurait trop d'inconvénients à asseoir une contribution sans autre base que l'opinion des administrateurs, elle a adopté la présomption résultant des loyers d'habitation, comme la base la moins fautive.
L'Assemblée nationale savait d'ailleurs que, dans plusieurs villes, des administrateurs éclairés avaient réparti l'ancienne capitation à raison des loyers, et avaient trouvé ce moyen plus propre que tout autre à prévenir les inégalités et les injustices ; il lui présentait une base commune à tous les citoyens du royaume, et c'était un grand motif de préférence, puisque ce ne peut être qu'au moyen de bases communes qu'on pourra parvenir à établir l'égalité de contribution entre tous les départements. Tout concourait donc à faire adopter, pour base d'évaluation des revenus mobiliers et d'assiette de leur contribution, les loyers d'habitation.
Il se trouve une grande différence entre cette base et la capitation. La tête du citoyen n'indique aucun revenu imposable; l'habitation est, au contraire, relative aux facultés; elle indique les revenus, et peut pHr conséquent servir de base à la contribution.
Au surplus, si cette base d'évaluation des revenus est quelquefois fautive, l'Assemblée a encore pris des précautions propres à réparer les inconvénients. Celui qui n'aura pas une habitation relative à ses richesses, aura toujours à supporter les taxes additionnelles, à raison de ses domestiques et de ses chevaux ; et ces additions auront encore l'heureux effet d'empêcher la dépopulation des campagnes, et de faire porter sur le luxe une partie de la contribution. Art. 6.
« Il sera établi un fonds pour remplacer les - non-valeurs résultant, soit des décharges et « réductions qui auront été prononcées, soit des « remises ou modérations que les accidents for-« tuits mettront dans le cas d'accorder. » Art. 7.
« Ce fonds ne pourra être détourné de sa des-« tination; il sera pris sur la contribution mo-
« bilière, et partagé en deux portioas, dont « l'une sera confiée à l'administration de chaque « département, et l'autre restera à la disposition « de la législature. »
Ces articles sont encore une conséquence de la fixation de la contribution mobilière ; il faut un fonds de non-valeurs pour suppléer aux réductions que pourront opérer des réclamations fondées : autrement la somme fixe affectée aux dépenses publiques ne serait pas toujours versée au Trésor, et le déficit pourrait produire de fâcheux inconvénients.
Quant à ta disposition du fonds des non-va-leurs, attribuée partie aux départements, partie à la législature, elle ne présente que des vues de justice. Tous les Français forment un peuple de frères, ils se doivent tous les secours mutuels; et lorsqu'un département aura tèllement souffert, que son fonds de non-valeurs ne pourra lui suffire, il trouvera auprès de la législature une ressource dans les fonds communs. Art. 8.
« Les administrations de département et de « district, ainsi que les municipalités, ne pour-« ront, sous aucun prétexte, et ce, sous peine de « forfaiture, et d'en être responsables personnel-« lement, se dispenser de répartir la portion « contributive qui leur aura été assignée dans « la contribution mobilière, savoir : aux dépar-« tements, par un décret de l'Assemblée natio-« nale ou des législatures ; aux districts, par la « commission de l'administration de déparle-« ment; et aux municipalités, par les mande-« ments de l'administration de district. » Art. 9.
« Aucun département, aucun district, aucune « municipalité, ni aucuns contribuables nepour-« ront, sous quelque prétexte que ce soit, même « de réclamation contre la répartition, se dis-« penser de payer la portion contributive qui « leur aura été assignée, sauf à faire valoir leurs « réclamations, selon les règles qui seront pres-« crites. »
Ces articles sont des dispositions nécessaires pour prévenir les effets de la mauvaise volonté ; mais l'Assemblée espère que l'application n'en aura jamais lieu, et que tous les citoyens, réunis de sentiments et également convaincus des avantages de la Constitution, s'empresseront de concourir à la consolider par l'établissement des contributions.
TITRE II.
De la contribution mobilière pour 1791.
Les développements donnés sur Je titre premier font connaître les principes et les bases de la contribution mobilière. Les dispositions du titre II ont pour objet d'en déterminer l'application. Art. 10.
« La somme qui sera décrétée par l'Assemblée « nationale pour la contribution mobilière sera « répartie entre les départements par un décret
particulier. »
L'Assemblée nationale, n'ayant pas encore fixé la quotité pour 1791, n'a pu par conséquent la lépartir entre les départements ; mais les administrations et les municipalités doivent toujours
faire les opérations préparatoires pour l'assiette et la répartition. Art. 11.
« La partie de la contribution qui sera établie « à raison des facultés équivalentes à celles qui « peuvent donner le titre de citoyen actif, sera « fixée à la valeur de trois journées de travail, « dont le taux sera proposé par chaque district t pour les municipalités de son territoire, et t arrêté par chaque département. »
Il ne faut pas perdre de vue que la contribution mobilière comprend cinq objets : 1° la taxe de citoyen actif; 2® celle des domestiques; 3° celle des chevaux ; 4* celle des revenus mobiliers ; 5° celle d'habitation. Il s'agit ici et dans les deux articles suivants de la première taxe. Chaque district doit proposer à son département le taux des journées de travail à déterminer pour chaque municipalité, et le faire arrêter par le département.,
Cette opération est simple, et doit être facile. La journée de travail dont il s'agit est celle que gagne communément l'homme de peine, le journalier employé aux travaux communs de la terre.
Les salaires de cette classe de citoyens ne diffèrent guère que des campagnes aux villes, et des villes de l'intérieur des terres aux villes de commerce et maritimes.
Cette première opération des districts servira à distinguer les citoyens, qui, dans chaque municipalité, ne devront pas être taxés à trois journées de travail.
Tous ceux à qui un travail journalier ne procure en salaire que le prix des journées, arrêté par le département, et qui n'ont pas d'autres revenus, ne doivent aucune contribution*mais seront seulement inscrits à la fin du rôle, suivant la disposition de l'article suivant. Art. 12,
« Les citoyens qui ne sont pas en état de payer « la contribution des trois journées de travail, « ne seront point taxés au rôle de la contribu-« tion mobilière, mais seront inscrits soigneuse-« ment et sans exception à [a fin du rôle. »
Mais celui qui exerce quelque profession plus lucrative, ou qui a quelques revenus indépendants de son travail, doit être taxé à trois journées, suivant l'article qui suit. Art. 13.
« La contribution des trois journées de travail « sera payée par tous ceux qui auront quelques « richesses foncières ou mobilières, ou qui, ré-« duits à leur travail journalier, exercent quelque « profession qui leur procure un salaire plus « fort que celui arrêté parie département pour la « journée de travail dans le territoire de leur mu-* nicipaiité. »
Il est aisé d'apercevoir que l'Assemblée nationale, ne voulant faire payer de contribution que sur le revenu mobilier qui n'est pa3 d'absolue nécessité, n'a pu en supposer aucun au journalier qui ne gagne que le salaire commun, tandis qu'au contraire elle a dû en supposer à celui qui gagne davantage. Elle a aussi entendu que cette contri-bution devait être payée par tous ceux qui jouissent de leurs droits, comme Jes veuves, les garçons et filles, les femmes vivant séparées de leurs maris, et leurs pupilles. Art. 14.
« La partie de la contribution, à raison des
« domestiques mâles, sera payée par chaque con-« tribuable par addition a son article; savoir : « pour un seul domestique, 3 livres; pour un « second, 6 livres, et 12 livres pour chacun des « autres. »
« Celle à raison des domestiques femelles sera * d'une livre 10 sous pour la première, de 3 li-« vres pour la seconde, et de 6 livres pour cha-- cune des autres ; et ne seront comptés les ap-« prentis et compagnons d'arts et métiers, les « domestiques de charrue et autres destinés uni-« quement à la culture ou à la garde et au soin « des bestiaux, ni les domestiques au-dessus de . « l'âge de soixante ans. »
Cet article est relatif à la seconde partie de la contribution mobilière ; il sera facile à exécuter; la municipalité, en faisant le rôle des habitants de son territoire, ajoutera pour ceux qui auront des domestiques autres que ceux destinés uniquement à la culture des terres, et par conséquent des jardins, ou à la garde et au soin des bestiaux, les taxes ordonnées suivant leur sexe et suivant leur nombre. -
Il ne se présentera de difficultés qu'autant qu'on voudrait faire passer pour apprentis et compagnons de véritables domestiques, ou qu'on prétendrait comprendre au nombre des domestiques de culture ou des gardiens de bestiaux, ceux qui n'y sont pas uniquement destinés; mais dans ces hypothèses, les municipalités auront presque toujours des moyens sûrs de connaître la vérité. La publicité des rôles préviendra les fraudes ou les fera découvrir.
On observe seulement que les garçons de moulins et autres usines ne doivent pas être taxés; ceux qui sont attachés à une chose, et non pas au service personnel d'un maître. Art. 15.
« La partie de la contribution, à raison des che-« vaux ou mulets, sera payée par chaque con-« tribuable par addition à son article ; savoir : « pour chaque cheval ou mulet de selle, 3 livres ; « et par chaque cheval ou mulet de carrosses ou « cabriolets et litières, 12 livres; et ne seront « comptés que les chevaux ou mulets ser-« vaut habituellement au contribuable pour ces « usages. »
Cet article qui se rapporte à la troisième partie de la contribution mobilière présente une opération tout aussi simple que la précédente; la municipalité aura à ajouter à l'article de chaque contribuable qui aura des chevaux ou mulets de selle ou de carrosses, cabriolets et litières, les taxes ordonnées à raison de leur nombre et de leur espèce.
L'Assemblée, en prescrivant de ne compter que ceux qui servent habituellement au contribuable pour les usages indiqués, a eu pour objet de ne pas faire payer de taxes pour les bêtes de somme, pour les chevaux de louage et de roulage, pour ceux de charrue, et pour les élèves, ni par conséquent pour les haras de toute espèce.
En effet, cette taxe n'ayant pour objet que d'atteindre la richesse, c'eût été s'écarter de son but que de prendre pour signe les chevaux de louage, ceux de voituriers et les juments et élèves ; ce serait aller contre le même but, que de taxer aussi à raison des chevaux habituellement occupés au labourage, et dont le propriétaire ne se sert qu'accidentellement pour son usage personnel. Enfin, il est une exception nécessaire, en considération du service public. Les officiers des
troupes de ligne ne devront pas supporter de taxe additionnelle à raison de leurs chevaux de selle, si ce n'est dans le cas où ils en auraient un plus grand nombre que l'ordonnance ne leur accorde de places de fourrages ; mais leurs chevaux de voitures seront toujours taxés.
Il suit des dispositions de ces deux articles que les municipalités ne doivent pas négliger les taxes à raison des domestiques et des chevaux, lors même que leurs maîtres seront taxés daus d'autres municipalités. Il arrive assez fréquemment qu'on laisse, dans une maison de campagne, des domestiques et des chevaux qui, n'étant pas connus au domicile principal du maître, ne seraient pas taxés : aussi, dans ces cas, les municipalités établiront un article pour les maîtres absents et ne les taxeront qu'à raison des domestiques et des chevaux qui resteront habituellement dans leur territoire, ainsi que le prescrit l'article 21 du présent titre.
Mais en taxant à raison de ces domestiques, on ne fera pas entrer en compte ceux que le même citoyen aurait à son principal domicile. Art. 16.
« La partie de la contribution qui sera établie « sur les revenus d'industrie et de richesses mo-« bilières sera du sol pour livre de leur mon-« tant, présumé d'après les loyers d'habitation, et « pourra même être portée au dix-huitième. »
Cet article qui fixe la base du quatrième objet de la contribution mobilière est une suite de l'article 4 ; il nécessite pour son exécution une opération à laquelle les municipalités ne pourront apporter trop de soin. Le type des principales taxes de la contribution mobilière est le loyer d'habitation ; il faudra en conséquence, pour la confection du rôle de cette contribution, connaître le montant du prix ou de l'estimation du loyer de chaque habitant.
Mais : 1° on ne doit pas comprendre dans le prix d'habitation les boutiques,échoppes ou étaux de marchand, ateliers, hangars, charniers, magasins, greniers et caves servant de magasins : on ne peut prendre pour présomption de richesses, le loyer d'ateliers et de magasins que le citoyen n'occupe pas en raison des revenus qu'il a, mais bien pour exercer sa profession, et même se procurer assez de revenus pour payer son habitation;
2° Les granges, les pressoirs, les étables ne peuvent aussi être compris comme faisant partie de l'habitation, pour entrer dans le prix de loyer; ainsi on n'estimera que la partie occupée par les propriétaires fonciers ou métayers pour leur-logement ;
3° Les maisons servant d'auberges et hôtelleries, d'hôtels garnis, de pensionnats et de collèges, demandent encore une exception : le citoyen qui tient et administre ces diverses maisons, ne les tient que par spéculation des loyers qu'il pourra retirer de ceux qu'il logera. Ce n'est pas à raison de ses richesses qu'il prend de tels établissements, c'est un genre d'entreprise ; et ce serait s'éloigner des vue3 de justice, que de supposer à ce citoyen des revenus relatifs au loyer qu'il paye. Il faut par conséquent faire, dans ce cas, pour lui comme pour les locataires des ateliers et magasins, réduire, à ce qui lui sert véritablement d'habitation, l'estimation de son loyer, et considérer le surplus comme ateliers et magasins.
Dans les cas où les municipalités feront l'évaluation des loyers d'habitation, elles la porteront à sa véritable valeur et sans déduction, quoique
la loi sur la contribution foncière accorde une diminution du quart à raison des réparations. Art. 17.
« La cote des gens en pension et des personnes « n'ayant d'autre domicile que dans des maisons « communes, sera faite à raison du loyer de l'ap-« partement que chacun occupera, et elle sera « exigible vers le locateur, saur son rembourse-« ment contre eux. »
Les municipalités auront à taxer, suivant cet article, outre le principal locataire, tout citoyen qui, dans ces sortes de maisons, a un domicile habituel ; il sera dans le cas d'être taxé, dès qu'il ne justifiera pas l'être ailleurs; et, de ce moment, le principal locataire restera responsable de la contribution de ses sous-locataires, sauf à lui à prendre les précautions propres à assurer son remboursement.
Cependant on ne doit pas le dispenser de faire un article séparé des gens en pension, d'autant mieux qu'ils peuvent avoir des exceptions à faire valoir.
L'estimation une fois faite, les revenus imposables sont faciles à calculer, d'après le tarif que renferme l'article suivant. Art. 18.
« Les loyers de 12,000 livres et au-dessus se-« ront présumés être du douzième et demi du « revenu du contribuable. »
2® Ceux 3° Ceux 4° Ceux 5? Ceux 6® Ceux 7° Ceux 8* Ceux 9° Ceux 10° Ceux 11° Ceux 12» Ceux 13° Ceux 14° Ceux 15" Ceux 16° Ceux 17° Ceux 18® Ceux être de
de 11,000 1 de 10,000 1 de 9,000 1 8,000 I 7,000 1 6,000 1 5,000 1 4,000 1 3,500 1 3,000 1 2,500 1 2,000 1 1,500 1 1,000 1 500 1 100 1 an-dessous la moitié.
à 12,000 1. du 1I« 1/2.
à 11,000 1. du Il8
à 10,000 1. du 10e 1/2.
à 9,000 1. du 10".
à 8,000 1. du 9e 1/2.
à 7,000 1. du 9°.
à 6,000 1. du 8'.
à 5,000 1. du 8*.
à 4,000 1. du 7e 1/2.
à 3,500 1. du 7*.
à 3,000 1. du 6* 1/2.
à 2,500 1. du 6®.
à 2,000 1. du 5e 1/2.
à 1,500 1. du 5«.
à 1,000 1. du quart.
à 500 1. du tiers.
de 100 1. seront présumés
Il résulte des dispositions de cet article, que le citoyen dont le loyer d'habitation sera au-dessous de 100 livres, ne présentera pour revenu que le double de ce loyer. Par exemple, celui qui a un loyer de 30 livres sera présumé n'avoir de revenu que 60 livres, qui, au sol pour livre, fixeraient à 3 livres sa taxe de revenu mobilier, et au dix-huitième à 3 liv. 6 sols 8 deniers. Celui qui a 400 livres de loyer sera présumé avoir 1,200 livres de revenu, qui, au sol pour livre, fixeraient sa taxe à 60 livres et au dix-huitième à 66 liv. 13 sols 4 deniers.
L'application du surplus de l'article est aussi simple ; il n'est pas plus difficile de dire, celui qui a 2,000 livres de loyer est présumé avoir six fois 2,000 livres de revenu, et par conséquent 12,000 livres, que de dire, celui qui a 30 livres de loyer est présumé avoir deux fois ce revenu, et par conséquent 60 livres. L'un et l'autre doivent le sol pour livre du montant du revenu présumé, le premier 600 livres ; le second, 3 livres et éventuellement le dix-huitième. Art. 19.
« A l'égard de tous les contribuables qui jus-« tifieront être imposés aux rôles de contribution
« foncière, il leur sera fait, dans le règlement de « la taxe mobilière, une déduction proportion-« nelle à leur revenu foncier. »
Cet article présente une disposition devenue nécessaire, dès que la base d'évaluation des revenus, le loyer d'habitation, ne pouvait pas distinguer les revenus fonciers d'avec les revenus mobiliers, mais confondait les uns et les autres.
Il est en effet sensible que de deux citoyens qui ont chacun un loyer de 2,000 livres, et dont par conséquent le revenu présumé est égal et de 12,000 livres, l'un peut avoir son revenu en biens-fonds, et des 12,000 livres il n'a que ce qui lui reste après avoir acquitté la contribution foncière ; f'autre peut avoir son revenu de 12,000 livres en capitaux, placés dans le commerce ou sur l'Etat, et qui n'auront encore payé aucane contribution. Or, s'il est juste d'atteindre ceux-ci par la cote de contribution mobilière, il serait injuste de faire payer à ceux-là une nouvelle contribution, puisqu'ils en ont déjà payé une très forte.
La réduction ordonnée au profit de celui qui justifiera que tout ou partie de ses revenus sont le produit de propriétés foncières, est donc de toute justice.
Quant au mode à adopter pour cette déduction, il a été nécessaire de prendre des mesures provisoires jusqu'à la nouvelle répartition de la contribution foncière. Art. 20.
« En 1791, la déduction à raison du revenu « foncier, qui doit être accordée sur la cote de « facultés mobilières, seraévaluée d'après la con-» tribution foncière qui aura été payée en 1790. « Quant aux parties du royaume qui n'étaient pas « taxées aux contributions foncières, on recevra « la déclaration des propriétaires, pourvu qu'ils « l'aient communiquée à la municipalité de la « situation des biens, et fait certifier par elle.
« L'Assemblée nationale se réserve de statuer « sur les déductions à faire aux étrangers rési-« dant en France, et aux Français propriétaires « de biens, soit dans les colonies, soit dans « l'étranger.»
Cet article ordonne que le citoyen qui sera dans le cas de demander une déduction sur sa cote de contribution mobilière, fera évaluer son revenu sur l'extrait de son imposition à la contribution foncière de 1790.
Par exemple, celui qui a 2,000 livres de loyer et 12,000 livres de rente en propriétés foncières demande une déduction proportionnelle à son revenu foncier ; il suffira qu'il présente l'extrait de sa cotisation aux vingtièmes de 1790 ; cet extrait prouvera qu'il payait pour deux vingtièmes et 4 sols pour livre du premier 1,320 livres; il s'ensuivra qu'il a 12,000 livres de rente de propriétés foncières qui, devant être taxées au rôle de la contribution foncière, ne doivent pas l'être à celui de la contribution mobilière.
L'application de la même règle n'est pas moins facile, lorsque le contribuable n'a qu'une partie de ses revenus en propriétés foncières. Ainsi, supposons qu'au lieu de payer 1,320 livres, le contribuable qui aurait 2,000 livres de loyer, ne paye que 660 livres pour les deux vingtièmes et 4 sols pour livre, il faudra conclure qu'il n'a que 6,000 livres de revenu foncier ; que le surplus de ses revenus est le produit de capitaux placés dans le commercé ou de fruits d'industrie, et il sera taxé à la cote de contribution mobilière
au sol pour livre de 6,000 livres ou au dix-hui-tième éventuellement.
Cet exemple prouve comment se doit faire la réduction proportionnelle au revenu foncier, et il n'y aura pas de difticultés toutes les fois que les vingtièmes ou une contribution dont on connaîtra la proportion avec le revenu pourront servir à fixer l'évaluation.
Mais dans les parties du royaume où il n'existe pas de contribution lixée par quotité du revenu foncier, dans celles où il n'existé même aucune contribution foncière, il faudra bien pour cette année s'en rapporter aux déclarations des contribuables, qui auront été communiquées aux municipalités de la situation des biens, et certifiées véritables par elles.
Au surplus, comme c'est dans le règlement de la taxe de revenus mobiliers et d'industrie qu'il faut faire la déduction proportionnelle des revenus fonciers, il devenait indispensable de fixer un délai, pendant lequel le contribuable serait tenu de justifier la déduction qu'il peut prétendre. Ce délai a été borné à la quinzaine qui suivra la
fiublication de l'état des habitants ordonnée par 'article 33 pour cette année, et pour les années suivantes par l'article 25 au 1erdécembre ; delà il résulte que les contribuables auront deux déclarations à faire en 1791: la première pour les déductions à demander sur la contribution de cette année, et la seconde au mois de décembre pour les déductions sur la contribution de 1792. Il ne sera accordé aucune déduction à ceux qui ne profiteront pas de ce délai. Il serait trop embarrassant d'en faire, lorsqu'une fois les rôles auront été arrêtés ; et le contribuable en retard n'éprouvera que la juste peine de sa négligence en payant sans déduction. Art. 21.
« Tous ceux qui jouiront de salaire, pension, « ou autre traitement public, à quelque titre que « ce soit, si leur loyer d'habitation ne présente « pas une évaluation de facultés mobilières aussi « considérable que ce traitement, seront cotisés « sur leur traitement public dans la proportion « déterminée. »
Ainsi : 1° un juge, un administrateur, un officier militaire ou autre salarié public, qui, ayant un loyer de 400 livres, ne serait présumé avoir que l,2001ivres de revenu, et qui aurait un traitement de 1,800 livres, sera taxe au sol pour livre de 1,800livres pour la taxe mobilière, ou éventuellement au dix-huitième;
2° Si un salarié publia,avec 1,800 livres de traitement et un loyer de 1,200 livres, qui ferait présumer 6,000 livres de revenu, justifiait qu'il a un revenu foncier de 6,000 livres, et demandait une déduction proportionnelle, on ne l'en taxerait pas moins au sol pour livre des 1,800 livres ; car s'il est évident qu'il a 6,000 livres de rente en revenus fonciers, il l'est aussi qu'il a un revenu mobilier de 1,800 livres qui doit une contribution. * Alors la vérité reconnue l'emporte sur la présomption ; et quoique le loyer ne fasse présumer que 6,000 livres de revenu qui ont payé à la contribution foncière,on taxe les 1,800 livres de revenus mobiliers ;
3® Si un salarié public, avec le même traitement de 1,800 livres, avait un loyer de 1,200 livres et ne justifiait aucun revenu de propriétés foncières, son traitement serait considéré comme partie de son revenu présumé, et il ne devrait le sol pour livre que des 6,000 livres auxquelles son loyer ferait évaluer son revenu.
Toutes ces conséquences dérivent des dispositions de cet article, dont l'exécution sera d'autant plus difficile à éluder, que par l'article suivant l'Assembléea pris une précaution sûre contre la fraude. Art. 22.
« Toute personne ayant un salaire, pension ou « traitement public au-dessus de la somme de « 400 livres, ne pourra en toucher aucune por-« tionpour 1792, qu'il ne représente la quittance « de sa contribution mobilière de 1791, et ainsi « de suite chaque année. »
Les personnes chargées de les payer, lors même qu'elles payeraient mois par mois, doivent tenir la main à l'exécution de cet article. Art. 23.
« Chaque chef de famille qui aura chez lui, ou « à sa charge, plus de trois enfants, sera placé « dans la classe du tarif, inférieure à celle où son c foyer le ferait placer.
« Celui qui aura chez lui, ou à sa charge, plus « de six enfants, sera placé dans une classe en-« core inférieure. »
Les articles 16, 17,18, 19, 20,21 et 22 établissent les règles du quatrième objet de 1a contribution mobilière, celui-ci et le suivant y font quelques exceptions.
L'intention de l'Assemblée nationale a été que le père d'une famille nombreuse, obligé par cela même à une plus grande dépense de loyer, ne fût pas encore exposé à payer une forte contribution, puisque c'est alors moins sa richesse que le besoin qui lui rend une grande habitation nécessaire.
Il est facile de faire l'opération prescrite par cet article. Un citoyen sans enfants a 600 livres de loyer, on lui présume, d'après le tarif, 2,400 livres de rente. Un père de quatre enfanis a ie même loyer, on ne lui présume que 1,800 livres de rente : si c'est un père de sept enfants, on ne lui présume que 1,200 livres de rente; au premier cas on applique le tarif sans restriction, et suivant la seizième classe, le loyer de 600 livres est présumé du quart du revenu, et par conséquent suppose 2,400 livres : au second cas, on place le père de quatre enfants dans la première classe inférieure, c'est-à-dire dans la dix-septième, et son loyer n'est plus présumé que le tiers de son revenu, et par conséquent de 1,800 livres : enfin au troisième cas on le place dans la classe encore inférieure, c'est-à- lire dans la dix-huitième, et son loyer n'est plus présumé que moitié de son revenu, et par conséquent de 1,200 livres.
Au surplus,ce revenu présumé n'est imposable qu'autant que 1e contribuable ne justifiera pas qu'il est le produit de propriétés foncières.
Cependant si un père de quatre enfants, rangé dans une classe inférieure à celle où son loyer ie placerait, est salarié public, et a un traitement de 2,400 livres, son loyer de 600 livres lui ferait présumer un revenu égal à son traitement en calculant d'après le tarif général; mais au moyen de ce qu'il doit être placé dans une classe inférieure, son loyer de 600 livres, évalué d'après la dix-septième classe du tarif, ne lui ferait présumer que 1,800 livres de revenu.
La présomption doit encore céder à la vérité: et lorsqu'on connaît par le traitement public qu'il a un revenu mobilier plus fort que celui présumé par l'évaluation, il doit être taxé d'après son traitement. L'intention de l'Assemblée nationale est
que chaque citoyen paye sur le montant entier de BfB revenus mobiliers.
La taxation de ce père de famille à la cote de facultés mobilières doit donc toujours être sur la totalité de son traitement de 2,400 livres.
Mais si un père de famille se trouvait naturellement dans la dernière classe, comme on ne pourrait pas alors le placer dans une classe inférieure, il ne devrait pas perdre les avantages de cet article, il faudrait en ce cas lui appliquer la disposition de l'article suivant; ainsi supposons un père de quatre enfants avec un loyer de 60 livres, il ne devrait être taxé à la cote de facultés mobilières qu'à-raison du sol pour livre de 60 livres ; supposons que ce soit un père de sept enfants qui ait le même loyer, il ne devrait que le sol pour livre de moitié, c'est-à-dire de 30 livres. Art. 24.
« Les manouvriers et artisans seront cotisés à « deux classes au-dessous de celle où leur loyer « les aurait placés ; et lorsqu'ils seront dans la « dernière, leur cote sera réduite à moitié de celle « que leur loyer établirait.
« Il en sera de même des marchands ayant des « boutiques ouvertes vendant en détail, et des « commis et employés à appointements fixes dans v dilférents bureaux, ou chez des banquiers, né-» godants, etc., pourvu que leur loyer n'excède « pas, savoir : pour Paris, 1,200 livres; 800 liv. « dans les villes de 60,000 âmes; 500 livres dans « celles de 30 à C0,000 âmes; 400 livres dans « celles de 20 à 30,000 âmes; 200 livres dans « celles de 10 à 20,000 âmes; 100 livres pour les « villes au-dessous de 10,000 âmes.
« Au moyen de ces réductions, les uns et les « autres ne" pourront réclamer celles accordées « par les décrets pour les pères de famille. »
Cet article prescrit de placer Jes manouvriers, artisans, marchands à boutiques ouvertes et de détail, et lts commis ou employés à appointe ments fixes, à deux classes au-dessous de celle où leur loyer les aurait mis; mais cette disposition ne peut recevoir son application qu'autant que le loyer de ces citoyens n'excédera pas les taux fixés par le même article, et on ne pourra aussi cumuler en faveur d'un même citoyen l'ar-tii le précédent et celui-ci.
Il ne peut se présenter de difficulté dans l'exécution, qu'autant que le contribuable ne serait pus bien connu, et qu'on lui supposerait une profession qu'il n'aurait pas; mais la publicité des rôles arrêtera ces tentatives de fraude.
Au surplus,les dispositions de cet article ont été déterminées par les mêmes motifs que celles de l'article précédent. L'Assemblée nationale, ayant adopté pour base d'évaluation des revenus les loyers d'iiabitation, n'a pu se dissimuler qu'un artisan, un marchand étaient obligés d'avoir, à raison de leurs états, des loyers qui n'avaient po nt la même proportion avec leurs revenus, que pour les autres citoyens; elle a été également convaincue que des commis, ne pouvant se dispenser de prendre leur domicile aupiès de leur bureau, devaient faire une depense de loyer beaucoup au-dessus de la proportion ordinaire du revenu; et dès lor» il était indispensable d'adopter pour ceo citoyens une évaluation particulière.
Il en résultera que le marchand qui aura boutique ouverte, et dont le loyer d'habitation sera de 1,100 livres, ne sera présumé avoir que 3,300 livres de revenu, et sera taxé pour sa cote de revenus mobiliers au sol pour livre de cette somme,
s'il n'a point de déduction à prétendre pour revenus fonciers. De même l'artisan, qui aurait 600 livres de loyer d'habitation, ne sera présumé avoir que 1,200 livres de revenu, et sera taxé pour sa cote de revenus mobiliers au sol pour livre de cette somme, s'il n'a pas de déduction à demander pour propriétés foncières, et de même pour les commis.
Mais s'il arrivait qu'au moyen de cette déduction, un employé, un commis dont le salaire serait public et notoire, se trouvât réduit à une taxation inférieure à ses appointements, il faudrait toujours le taxer relativement à leur véritable produit, comme les autres salariés publics, sauf aussi à les faire jouir, en ce cas, des avantages accordés aux pères de famille. Art. 25.
« Tout citoyen qui, d'après les dispositions des « précédents articles,
sera dans le cas de de-« mander une déduction sur la taxe de facultés «
mobilières, à raison de son revenu foncier, ou « de se faire taxer dans
une classe inférieure à « celle où son loyer le placerait, sera tenu
d'en « justifier avant le 1er décembre de
chaque « année. »
Cet article renferme une disposition nécessaire pour accélérer la confection des rôles; tous ceux qui auront des déductions à demander, ou qui seront dans le cas de se faire taxer dans une classe inférieure à celle où leur loyer les placerait, devront en justifier avant le décembre de chaque année. Art. 26,
« Les célibataires seront placés dans la classe « supérieure à celle où leur loyer les placerait. »
L'article 24 établit une exception de justice pour les pères de famille, en les plaçant dans une classe inférieure ; celui-ci a le même caractère en portant les célibataires à une classe supérieure; l'application en sera tout aussi facile, quoiqu'elle soit eu ordre inverse.
Le motif de cette disposition a été la présomption naturelle qu'un célibataire, pour être aussi bien logé qu'un père de famille de même fortune, n'était p;*s obligé à employer pour son habitation une aussi forte partie de son revenu.
Ainsi, quoiqu'un loyer de 1,000 livres soit du nombre de ceux de la quinzième classe, et ne suppose dès lors qu'un revenu de 5,000 livres, un célibataire qui aura 1,000 livres de loyer, sera cependant présumé avoir un revenu de 5,500 livres, comme si son loyer était du nombre de ceux de la quatorzième classe qui sont présumés être le cinquième et demi du revenu ; cette disposition s'applique aux célibataires des deux sexes. Art. 27.
« La partie de la contribution qui sera établie « à raison de l'habitation sera du trois-centième « du revenu présumé, d'après les loyers d'ha-« bitation. >>
Après avoir traité successivement les quatre premières parties de la contribution mobilière, savoir : celle des trois journées de travail, celle à raison des domestiques, celle des chevaux, celle des revenus d'industrie et de richesses mobilières, il reste la cinquième partie, la taxe d'habitation.
La base de cette taxe est la même que celle des revenus mobiliers : c'est toujours le loyer d'habitation.
Ainsi celui qui, avec un loyer de 600 livres, sera présumé avoir 2,400 livres de revenu, devra être taxé à la cote d'habitation, au 300#, de 2,400 livres, c'est-à-dire à 8 livres.
Toutes les dispositions décrétées en faveur des pères de famille, des artisans, marchands et commis, de même que celles qui concernent les célibataires, sont communes à la cote d'habitation et à celle des revenus mobiliers.
Ces deux cotes devant être fixées d'après le revenu présumé, tout ee qui sert à régler la présomption s'applique à i'uhe comme à l'autre.
Mais elles dilfèrent, en ce que la cote d'habitation est fixée sur la totalité des revenus, et sans déduction de ceux qui proviennent de propriétés foncières; au lieu que la cote des revenus mobiliers ne peut s'étendre sur les revenus de propriétés toncières.
Par exemple, le sieur Ange a 600 livres de loyer.
Son revenu, présumé d'après la seizième classe du tarif, est de............2,4Q0 livres.
La cote des revenus mobiliers au sol pour livre, de 120 livres ; mais il justifie avoir 1,200 livres de rentes de propriétés foncières, sa taxe est fixée à..................... 60 livres.
Celle d'habitation est fixée, sans déduction, au 300® du revenu total de 2,400 livres, présumé d'après le loyer d'habitation de 600 livres. 8 livres.
Cepéndant cette taxe est susceptible de diminution et d'augmentation. C'est la disposition de l'article suivant qui sera rendu sensible par des exemples et par le développement de ses motifs. Art. 28.
« La cote d'habitation sera susceptible d'aug-« mentation et de diminution. On établira par « addition au marc la livre, d'abord sur la cote « des facultés mobilières, jusqu'au dix-huitième « seulement, et ensuite sur la cote d'habitation, « ce qui restera à. répartir au delà du produit « des autres cotes, pour parfaire la cotisation « générale de chaque municipalité; mais si le « produit des diverses cotes de la contribution « mobilière excède la somme assignée par le « mandement, la répartition de cet excédent « sera faite, par diminution au marc la livre, « sur la cote d'habitation, et ensuite au marc la « livre sur la cote des facultés mobilières, lors-« que la totalité de la cote d'habitation se trou-« vera absorbée. »
Les cotes de trois journées de travail, celles des domestiques et celles des chevaux, sont iu-variablemtnt fixées dans leur taxation.
Ainsi, pour la taxe de trois journées, on ne pourra demander à un ç^toyeii que 3 livres, si la journée a été fixée à 20 sous ; de même pour la taxe des domestique^ on ne pourra demander que 3 livres à celui qui en a un, 9 livres à celui qui en a deux, et 21 livres à celui qui en a trois; enfin, pour chaque cheval de selte, ou ne pourra taxer qu'à 3 livres, et à 12 pour chaque cheval de carrosse.
Si, de même, on ne pouvait demander aux contribuables , pour taxe de revenus mobiliers, que le sol pour livre de ces revenus présumés d'après les bases décrétées ; si l'on ne pouvait leur demander, pour la taxe d'habitation, que le 300e de tous revenus présumés d'après les mêmes bases ; et si on leur demandait toujours la totalité de ces taxes, il arriverait que la contribution mobilière, au lieu de produire au Tré-
sor public une somme fixe et déterminée, produirait tantôt plus, tantôt moins : ce qui serait contraire à l'article 1er du présent décret,
L'Assemblée nationale, en décrétant que la contribution mobilière serait d'une somme fixe et déterminée, a voulu prévenir tous les abus dont le montant incertain des contributions serait la source ; mais alors il est devenu indispensable de répartir graduellement entre les départements, districts et municipalités, cette contribution par sommes fixes; il est devenu nécessaire d'é donner le moyen de compléter pour chaque municipalité sa cotisation générale, en cas d'insuffisance du produit des diverses taxes pour y atteindre ; enfin il a fallu aussi donner le moyen de réduire les taxes, lorsque leur produit excéderait la cotisation générale.
Tels ont été les principaux motifs de cet article ; mais il faut observer : 1° Que dans le cas d'insuffisance des diverses taxes, l'Assemblée nationale a décrété que l'addition nécessaire pour atteindre la cotisation générale se ferait sur la cote des revenus mobiliers, jusqu'à ce qu'au lieu du 20°, ils eussent contribué du 18e; que ce ne serait qu'après cette première addition qu'on reporterait le surplus sur la taxe d'habitation.
Au restet toute addition nécessaire après celle qui portera au dix-huitième la cote des revenus mobiliers, doit porter sur la cote d'habitation, parce que cette cote est commune à tous les citoyens, à tous les revenus, et que c'e?t une cote commune qui doit supporter l'excédent à répartir lorsqu'on a fait contribuer eu égalité proportionnelle les revenus„ fonciers et mobiliers;
2° Dans le cas où les diverses cotes de la contribution mobilière excéderaient la somme assignée à la municipalité, on doit faire pot ter la diminution sur la taxe d'habitation jusqu'à ce qu'elle soit entièrement absorbée, avant de la faire porter sur la taxe des revenus mobiliers.
Il faut, en effet, décharger de la cote d'habitation un propriétaire de bitns-fonds,avant que de décharger un propriétaire de richesses mobilières de la cote du sol pour livre de ses revenus. Le premier a payé non seulement la cote des trois journées de travail, et celle des domestiques et chevaux, mais encore une contribution foncière; le second n'a payé que la coté dé trois journées de travail, celle des domestiques et des chevaux, et ses r^veuus, souvent plus considérables que ceux du propriétaire foncier, n'ont rien payé et ne seront spécialement atteints que par la taxe.du Sol pour livre,
Eufin, pour présenter la facilité de l'opération en exécution de l'article dont on vient dé développer les ràoiifs, on joint à la présente des modèles cotés 2, 3, 4 et o. Art. 29.
u Nul ne sera taxé à la contribution mobilière « qu'au lieu de sa ,principale habitation, et sera « considérée comme habitation principale* celle « dont le loyer sera le plus cher : en consé-« quence, tout citoyen qui aura plusieurs babi-« talions sera tenu de les déclarer à chacune des « municipalités où elles sont situées; il indiquera « celle dans laquelle il doit être imposé et justi-i « fiera dans les six mois l'avoir été : si, au sur-I « plus, il a des domestiques et des chevaux dans « différentes habitations, chaque municipalité taxera dans son rôle ceux qui séjourneront « habituellement dans son territoire, »
Cet article ne demande aucune explication; il a été déterminé par la nécessité de prévenir les abus. Les municipalités devront -veiller à son exécution, et ôter aux citoyens qui n'auraient pas assez de patriotisme pour se soumettre à la contribution commune, tout espoir d'y échapper. Art. 30.
« La portion contributive, assignée à chaque « département, sera répartie, par son administra-« tion, entre les différents districts qui lui sont « subordonnés; le contingent, assigné à chaque « district, sera pareillement réparti, par son ad- ministration, entre les municipalités de son « arrondisst ment; et la quote-part, assignée à « chaque municipalité, sera répartie entre tous « les habitants ayant domicile dans le territoire « de la municipalité,: parmi lesquels, pour faire « la matrice du rôle, il sera nommé, par le con-« seil général de la commune, des commissaires « adjoints, en nombre égal à celui des officiers « municipaux. » Art. 31.
« Il sera retenu, pour 1791, dans la totalité du « royaume, sur le montant de la contribution « mobilière, des deniers pour livre, et, de cette « somme, partie sera versée aU Trésor public, et « l'autre restera à la disposition de l'administrait tion de chaque département* »
Les deux articles précédents ne présentent aussi que des dispositions dont l'application sera facile; ils ne sont que la suite des articles 6 et 8.
TITRE III.
Assiette de la contribution mobilière de 1791.
Art. 32.
« Aussitôt que les municipalités auront reçu le « présent décret, et sans attendre le mandement « du directoire de district, elles formeront un « état de tous les habitants domiciliés dans leur « territoire; elles le feront publier, et le dépoli seront au greffe de la municipalité, où chacun « pourra en prendre connaissance. » Art. 33.
« Dans la quinzaine qui suivra la publication, « tous les habitants feront ou feront faire au se-« crétariat de la municipalité, et dans la forme « qui sera prescrite, une déclaration qui indi-« quera : 1° S'ils ont ou non les facultés équivale lentes à celles qui peuvent donner la qualité de « citoyen actif; 2" le nombre de leurs domesti-« ques; 3° celui des chevaux et mulets de selle; « de carrosses, cabriolets et litières ; 4° la situait tion et la valeur annuelle de leur habitation; « 5° s'ils sont célibataires ou non, et le nombre « de leurs enfants ; 6° s'ils sont manouvriers et « artisans, marchands en détail, commis et émit ployés à appointements fixes ou salariés pu-« blics; 7° enfin pour ceux qui sont proprié-« taires, les sommes auxquelles ils auront été c taxés pour la contribution foncière, dans les « divers départements. » Art. 34.
« Ce délai passé, les officiers municipaux, « avec les commissaires adjoints, procéderont à
«l'examen des déclarations, suppléeront à celles
« qui n'auront pas été faites, ou qui seraient in-« complètes, diaprés leurs connaissances lo-« cales et les preuves qu'ils pourront se procu-« rer. » Art. 35.
« Aussitôt que ces opérations seront terminées, « les officiers municipaux et les commissaires « adjoints établiront dans la matrice de rôle, en • âme et conscience : 1° La taxe de trois jour-« nées de travail, pour ceux qui ont les facultés « équivalentes à celles qui peuvent donner la « qualité de citoyen actif; 2° ils ajouteront à l'ar-« ticle de chaque contribuable une taxe relative « au nombre de ses domestiques; 3° une taxe « relative au nombre de ses mulets et chevaux « de selle, de carrosses, cabriolets et litières; « 4° ils évalueront la taxe d'hubitation ; 5° ils « feront l'évaluation des revenus d'industrie et « de richesses mobilières de chaque contribuable, sauf la déduction des revenus fonciers, suivant « l'article 19; 6® si, après avoir établi ces diffé-« rentes cotes dans l'ordre qui vient d'être pres-« crit, il restait une portion de la somme fixée « par le mandement à répartir en plus ou en « moins, la répartition en plus sera faite lors de « la confection du rôle au marc la livre sur la « cote de facultés mobilières, jusqu'au dix-hui-« tième, et ensuite sur la cote d'habitation, con-« formémentà l'article 28; et, dans le cas de dite minution, elle sera faite d'abord au marc la c livre de la cote d'habitation, et ensuite de celle « de facultés mobilières. » Art. 36.
« Les officiers municipaux, avec les commis-i saires adjoints, procéderont, aussitôt que le « mandement du directoire de district leur sera « parvenu, à la confection de la matrice de rôle, « conformément aux instructions du directoire « de département, qui seront jointes au mande-« ment; et lorsque cette matrice de rôle sera ter-« minée, elle sera déposée pendant huit jours « au secrétariat de la municipalité, où chaque c contribuable pourra en prendre connaissance « et la contredire. Après ce délai, les officiers » municipaux arrêteront définitivement le projet, « le signeront et l'enverront au directoire de dis-« trict. »
« La forme des rôles, le nombre de leurs expé-« ditions, de leur envoi, leur dépôt et la manière « dont ils seront rendus exécutoires, seront ré-« glés par l'instruction de l'Assemblée nationale. »
Ces articles fixent l'ordre des opérations que les municipalités et les corps administratifs ont à suivre pour la rédaction des rôles de la contribution mobilière.
Ainsi, en exécution de l'article 32, chaque municipalité devra former, à la réception du décret, un état de tous les habitants domiciliés dans son territoire, et le faire publier et déposer à son secrétariat, pour que chacun puisse y en prendre connaissance. Tous ceux qui jouissent ae leurs droits, doivent être compris dans cet état, quand bien même ils ne seraient pas dans le cas de payer la taxe de trois journées de travail ; alors leur nom doit être reporté à la fin du rôle; les enfants qui n'ont aucun état ni profession, et qui demeurent chez leur père, sont les seuls à excepter.
L'instruction sur la contribution foncière ayant déjà prescrit aux municipalités de former des sections de leur territoire pour faciliter la confection de leurs rôles, elles peuvent de même
faire l'état de leurs citoyens d'après ces divisions.
Les municipalités doivent ensuite faire publier cet état, et le déposer au greffe, pour mettre à lieu de réclamer ceux qui y auraient été compris mal à propos ; et faire indiquer ceux qui auraient pu être omis.
L'article 33 prescrit à tous les citoyens des déclarations à faire au secrétariat de la municipalité, dant la quinzaine de la publication de l'état des habitants. Ces déclarations doivent être faites avec empressement, puisqu'elles n'ont pour objet que de faire connaître la vérité, et qu elles sont nécessaires pour faire obtenir aux contribuables les justes déductions qui leur seront dues. L'objet en est détaillé dans le modèle annexé, numéro 1. Ce n'est pas ici une invention fiscale qui puisse tendre à faire supporter à la bonne foi des surtaxes. Tout ce que l'Assemblée nationale désire, est de parvenir à établir dans les contributions la plus scrupuleuse égalité.
Le délai pour les déclarations étant passé, les officiers municipaux avec les commissaires adjoints, procéderont à leur examen, suppléeront celles qui n'auront pas été faites ou qui seront incomplètes.
Toutes ces opérations peuvent être regardées comme préalables à l'assiette de la contribution qui, suivant l'article 35, doit d'abord être établie par une matrice de rôle.
Le modèle de matrice, annexé à la présente, donne une grande facilité pour le mécanisme d'exécution. On a placé le nom du contribuable entre les colonnes de taxes fixes d'un côté et des taxes variables de l'autre.
On y a joint les indications des différentes exceptions. Mais comme les unes frappent tout à la fois la cote mobilière et la cote d'habitation, et que l'exception qui concerne les propriétaires fonciers ne peut porter que sur la cote mobilière et non pas sur la cote d'habitation, on a placé les premières exceptions immédiatement sous l'article du contribuable, comme devant servir à fixer son revenu imposable, et on a placé l'autre comme dans une colonne parallèle et sous la cote mobilière, ne devant avoir d'application qu'à cette cote.
Les premiers articles sont en blanc, on peut les appliquer à toutes les espèces. Les articles suivants en sont la preuve. Celui de Henriot fournit l'exemple d'un contribuable qui n'a aucune exception à proposer, et dans ce cas, en procédant à la matrice de rôle, on raie l'exception. Celui d'Adam présente l'exemple d'un père de famille de quatre enfants. L'article de Leblanc fournit l'exemple d'un célibataire, et enfin celui de Legris fournit l'exemple d'un père de sept enfants ; il peut s'assimiler, sous ce rapport, à celui de manouvrier, artisan, marchand en détail, commis ou employé à appointements fixes,en ce que, dans tous ces cas, les contribuables sont portés à deux classes inférieures; mais cet article présente de plus l'exemple de la déduction pour propriétés foncières, et enfin celui de l'application de l'article 21, qui prescrit de taxer les
salaires publics sur leur véritable produit, sans aucune déduction, et lors même que le loyer d'habitation ne présenterait pas une évaluation de facultés mobilières aussi considérable que ce salaire ou traitement.
Les opérations des municipalités se termineront en établissant à l'article de chaque contri-I buable ses cotes fixes, en évaluant son loyer d'habitation et son revenu, en statuant sur les exceptions personnelles qui peuvent augmenter ou diminuer l'évaluation du revenu, et fixant en suite sa cote d'habitation au trois centième; enfin en taxant au sol pour livre les mêmes revenus, et accordant aux propriétaires les déductions proportionnelles à leurs revenus fonciers.
Il ne leur restera, après ces opérations, qu'à déposer leur matrice de rôle au greffe de la municipalité pendant huit jours, où chaque contribuable pourra en prendre communication et donner ses observations. Les municipalités délibéreront, après ce délai, sur les observations qui auront pu être faites, arrêteront définitivement leur projet et l'enverront aux districts.
Il résultera de ces matrices de rôles une connaissance exacte des revenus imposables dans chaque municipalité à la contribution mobilière, suivant les diverses taxes dont elle est composée ; mais comme il pourrait arriver que le produit de ces taxes serait inférieur ou supérieur à la cotisation que la municipalité aura à supporter par la répartition générale, les districts y pourvoiront, en portant à leur juste proportion les cotes mobilières ou d'habitation qui sont en conséquence susceptibles d'augmentation ou de diminution.
C'est là, en effet, une des principales fonctions de ces corps administratifs; mais ce n'est pas encore le moment de songer à cette dernière formalité. L'Assemblée nationale ne demande aux municipalités et corps administratifs que de préparer la confection des rôles. Bientôt elle décrétera la somme de la contribution mobilière, et en fera la répartition ; alors il sera facile de donner la dernière main à ce travail.
Ainsi tout ce que l'Assemblée nationale attend du zèle des municipalités, n'est qu'une prépara tion; mais on ne peut trop se presser de la faire; c'est le moyen le plus sûr de concourir au succès de la Révolution. Art. 37.
Les administrateurs de département et de district surveilleront et presseront, avec la plus grande activité, toutes les opérations ci-dessus prescrites aux municipalités.
Cet article prescrit aux administrations de district et de département de surveiller et presser ces opérations préliminaires.
Les corps administratifs, établis par la Constitution et le suffrage des citoyens, continueront sans doute de donner des preuves de leur dévouement à la chose publique, en secondant de tous leurs efforts une opération dont ils doivent reconnaître la nécessité et les avantages.
Modèles.
ANNEXÉS AU DECRET ET A L'INSTRUCTION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE du
SUR LA CONTRIBUTION MOBILIÈRE.
CONTRIBUTION MOBILIÈRE. MUNICIPALITÉ d SECTION d L demeurant à Je soussigné, habitant domicilié dans la municipalité d pour me conformer aux dispositions de l'article 33, de la loi concernant la contribution mobilière, déclare, Trois journées de travail, i* Que j'ai les facultés équivalentes à celles qui peuvent donner la qualité de citoyen actif. Nombre de domestiques mâles ou femelles. 2° Que j'ai Nombre de chevaux ou mulets de sélle, ou de chevaux ou mulets de carroâ9e, litière ou cabriolet. Valeur de l'habitation. 36 Que j'ai 4° Que mon habitation est dans la rue d n° et que la valeur annuelle de cette habitation est de la somme de S'il est célibataire ou marié, ou père de plus de trois enfants, ou de plus de six. S'il est artisan ou manouvrier, ou marchand en détail, Ou commis ou employé à appointements fixes, ou salarié public, avec l'ihdicadon du montant des âppOiû-ements ou salaires. 5° Que je suis 6° Que je suis 7* Que je suis propriétaire dans la municipalité d et qu'en somme totale j'y paye la contribution foncière à raison d'un revenu de ainsi qu'il résulte des extraits de rôles que je joins à la présente. Fait à le
MUNICIPALITE DISTRICT ANNÉE 1791. Matrice du rôle pour la contribution mobilière, rédigée et arrêtée par les officiers municipaux et commissaires de la communauté d soussignés, en exécution du mandement délivré par MM. les administrateurs du district d le NOMBRE des domestiques des chevaux ou mulets 00 tfS CO s-O co £ « CO jj « S a) Q DETAILS RELATIFS aux taxes fixes. PRODUIT des parties fixes. 3 journées de travail Domestiques mâles.... ...........femelles... Chevaux ou mulets de selle............... Chevaux ou mulets de carrosse, litière ou cabriolet............ 3 journées de travail à................... Domestiques mâles.... ...........femelles... Chevaux ou mulets de selle ............... Chevaux ou mulets de carrosse, litière ou cabriolet,........... DETAILS RELATIFS AUX TAXES VARIABLES. cote d'habitation. Article 1er. -"Loyer évalué à ~ Ce loyer étant du nombre de ceux compris dans la classe, qui sont présumés être d du revenu. Le revenu de ce contribuable est de............... Exception. L doit, en exécution de l'article de la loi du janvier 1791, être porté dans la classe à celle où le plaçait son loyer, suivant laquelle le loyer étant présumé être d du revenu, ce contribuable est dans le cas d'être taxé pour un revenu de.......... Article 2. Loyer évalué à Ce loyer étant du nombre de ceux compris dans la classe, qui sont présumés être d du revenu. Le revenu de ce contribuable est de............... Exception. L doit, en exécution de l'ariicle de la loi du janvier 1791, être porté dans la classe à celle où le plaçait son loyer, suivant laquelle le ioyer étant présumé être d du revenu, ce contribuable est dans le cas d'être taxé pour un revenu de......... produit. cote mobiliere. produit. Le revenu présumé étant de.. Le sou pour livre de ce revenu donne, pour la cote mobilière........... Exception. L ayant justifié avoir de revenu en biens-fonds, il y a à déduire le sou pour livre de cette somme, ci..... Reste pour la cote mobilière.. Le revenu présumé étant de.. Le sou pour livre de ce revenu donne,pour la cote mobilière........... Exception. L ayant justifié avoir de revenu en biens-fonds, il y a à déduire le sou pour livre de cette somme, ci..... Reste pour la cote mobilière..
NOMBRE des domestiques S D h des chevaux ou mulets «3 Q co s « o DÉTAILS RELATIFS aux taxes fixes. DÉTAILS RELATIFS AUX TAXES VARIABLES. PRODUIT des parties fixes. cote d habitation. produit. cote mobilière. produit. Article 3. 3 journées de travail à............... Domestiques mâles... ...........femelles. Chevaux ou mulets de selle............. Chevaux ou mulets de carrosse, litière ou cabriolet......... journées de travail à 20 sous......... Domestique mâle..... Domestiques femelles. Chevaux ou mulets de selle............. Chevaux ou mulets de carrosse, litière ou cabriolet. -Loyer évalué à Ce loyer étant du nom-Ibre de ceux compris dans lia classe, qui Isont présumés être d | du revenu. Le revenu de ce I contribuable est de............... Exception. I doit, en exécution! de I l'article de la loi [du janvier 1791, être |portédansla classe à celle où le (plaçait son loyer, suivant laquelle le loyer | étant présumé être d du revenu, ce contribuable est dans le cas Id'être taxé pour un revenu de......... Le revenu présumé étant de.. Le sou pour livre de ce revenu donne, pour ta cote mobilière...... .... Exception. ayant justifié avoir de revenu en biens-fonds, il y a à déduire le sou pour livre de cette somme, ci..... Reste pour la cote mobilière.. Article 4. Henriot (Jean-Baptiste), demeurant du Puits, n° 7. rue | Loyer évalué î 1,200 1 Ce loyer étant du nom-» s. lt>re de ceux compris dans la 15* classe, qui sont présumés être du cinquième du revenu, 10 I Le revenu de ce contribuable est de.............. 6,0001. Exception. doit, en exécution de |l'article de la loi [du janvier 1791, être |porté dans la classe à celle où le (plaçait son loyer suivant laquelle le loyer |étant présumé être d du revenu, ce contribuable est dans le cas |d'être taxé pour un re-Ivenu de ........ 20 I. Le revenu présumé étant ae.. 6,0001. Le sou pour livre de ce revenu donne,pour la cote mobilière........... 300 Exception. ayant justifié avoir de revenu en biens-fonds, il y a à déduire le sou pour livre de cette somme, ci..... Reste pour la cote mobilière.. 300 1. x
NOMBRE des domestiques « fa- des chevaux ou mulets V a DÉTAILS RELATIFS aux taxes fixes. PRODUIT des parties fixes. 3 journées de travail à 20 sous......... Domestique mâle.... ...........femelle.... Chevaux ou mulets de selle............. Chevaux ou mulets dï carrosse, litière ou cabriolet.......... 3 journées de travail à 20 sous.......... Domestiques mâles.... .......... femelle.. Cheval ou mulet de selle............... Chevaux ou mulets de carrosse, litière ou cabriolet............ 3 1. » s. 1 10 » » 10 12 DÉTAILS RELATIFS AUX TAXES VARIABLES. cote d'habitation. produit. COTE MOBILIÈRE. produit. Article 5. Adam (Pierre), demeurant rue du Puits, n° 8. Loyer évalué à 1,200 1. Ce loyer étant du nombre de ceux compris dans la 15e classe, qui sout présumés être du cinquième du revenu, Le revenu de ce contribuable est de..............6,0001. Exception. Le sieur Adam ayant 4 enfants, doit en exécution de l'article 23 de la loi du janvier 1791, être porte dans la i6° classe inférieure à celle où le plaçait son loyer, suivant laquelle le loyer éiant présumé être du quart du revenu, ce contribuable est dans le cas d'être taxé pour un revenu de......4,8001. 16 1. Le revenu présumé étant de.. * Le sou pour livre de ce revenu donne, pour la cote mobilière........... Exception. L ayant justilié avoir de revenu en biens-fonds, il y a à déduire le sou pour livre de cette somme, ci..... ,,8001 210 Reste pour la cote mobilière. 240 1. Article 6. Leblanc (Joseph), demeurant rue du Pressoir, n° 1. Loyer évalué à 1,200 1 Ce loyer étant du nom bre de ceux compris dans la 15e classe, qui sont présumés être du cinquième du revenu. Le revenu de ce contribuable est de..............6,0001. Exception. Le sieur Lebtam étant célibataire doit, en exécution de l'article 26 de la loi du janvier 1791,être porté dans la 14* classe supérieure celle où le plaçait son loyer, suivant laquelle le loyer étant présumé être du cinquième et demi du revenu, ce contribuable est dans le cas d'être taxé pour un revenu de........6,6001. 22 1. Le revenu présumé étant de.. 6,6001. Le sou pour livre de ce revenu donne, pour la cote mobilière........... 330 Exception. L ayant justifié avoir de revenu en biens-fonds, il y a à déduire le sou pour livre de cette somme, ci..... Reste pour la cote mobilière.. 330 1.
NOMRRË des domestiques o> S V U. des chevaux ou mulets D Q tr rQ o « DETAILS RELATIFS aux taxes fixes. PRODUIT des parties fixes. 3 journées de travail à 30 sous.. »...... Domestique mâle...... Domestiques femelles., Chevaux ou mulets de selle.......I...... Chevaux ou mulets de carrosse, litière ou cabriolet...*........ 3 1. » s, 3 » 4 10 63 1. » s. DÉTAILS RELATIFS AUX TAXES VARIABLES. cote d habitation. PRODUIT. COTE MOBILIERS, produit. Article 7. Legris (Jean), administrateur du département, demeurant rue du Pressoir, w 2. Loyer évalué à 1,200 1. Ce loyer étant du nombre de ceux compris dans la 15e classe, qui sont présumés être du cinquième du revenu, Le revenu de ce contribuable est de..............6,0001. Exception. Le sieur Legris ayant 7 enfants doit, en exécution de l'article 23 de la loi du ^ jan- vier 1791, être porté dans la 17e classe inférieure à celle où le plaçait son loyer, suivant laquelle le loyer étant présumé être du tiers du revenu, ce contribuable est dans le cas d'être taxé pur un revenu de.i..,.. 3,6001. 12 1. 70 1. Le revenu présumé étant de.. 3,6001. Le sou pour livre de ce revenu donne, pour la cote mobilière. .4.. 180 Exception. Le sieut Le-ffris ayant justifié avoir 3,OÔOl. de revenu en biens-fonds, il y a à déduire le sou pour livre de cette somme, ci............. 150 Reste pour la cote mobilière.. 301. Mais le sieur Legris jouit d'un salaire public de 2,000 livres dont le sou pour livre est de 100 livres....t........ 180 l. 100 970 1. RÉCAPITULATION. DÉSIGNATION des pages. TAXES fixes. COTE d'habitation. COTE mobilière. DÉSIGNATION des taxes. TAXES fixes. COTÉ d'habitation. COTÉ mobilière. Première •... « * Ci-contre..... Nous officiers municipaux et commissaires de la communauté de en exécution du mandement en date du à nous adressé à MM. les administrateurs du directoire du district d au département d et qui nous est parvenu je Avons constaté que d'après les proportions réglées par la loi, concernant la contribution mobilière, les taxeë fixes s'élèvent à la somme de............. n ; i j .. i......... .....................................\ La cote d'habiiation à celle dè...........m .:....;;...>.....................................J Et enfin la cote mobilière à Celle do.................................................................f Lesquelles trois sommes réunies donnent un total de. Fait á
DÉPARTEMENT d DISTRICT d MUNICIPALITÉ d RÔLE POUR L'ANNÉE 1791. * Lorsque 1» différence sera en plus, cet arrêté devra être continué suivant le modèle coté (4) * Lorsque la différence sera en moins, l'arrêté devra être continué suivant le modèle coté (5) Vu par Nous, administrateurs du directoire du district d au département d la matrice du rôle de la contribution mobilière de la municipalité d pour l'année 1791, suivant laquelle matrice, les taxes fixes s'élèvent à la somme de................................. La cote d'habitation à celle de...... Et enfin la cote mobilière à celle de.................................. Lesquelles trois sommes réunies donnent un total de................. Avons reconnu que la somme de............... à laquelle nous avons fixé, par notre mandement, en date du de ce mois, la portion contributive de ladite municipalité dans la contribution mobilière de 1791, est à celle résultant de la matrice du rôle, de».............. Laquelle somme de a * montant de la matrice de rôle doit être répartie EMARGEMENT NOMS, TOTAL COLONNE RÉSERVÉE pour des professions et taxes l'imposition locale payements des de répartie au marc la livre de la faits par les contribuables. contribuables. la contribution mobilière. contribution mobilière. Art. 4. L 1° Taxes fixes. 2° Cote d'habitation........ 3° Cote mobilière........... H|§§ Payera la somme totale de Art. 5. L 1° Taxes fixes. 2° Cote d'habitation........ 3° Cote mobi- 1 lière........... 1 - Payera la somme totale de
ÉMARGEMENT NOMS, TOTAL de COLONNE RÉSERVÉE des professions et taxes pour l'imposition locale PAYEMENTS des répartie au marc la livre faits par les contribuables. contribuables. la contribution mobilière de la contribution mobilière. Art. 6. L l°Taxes fixes. 2° Cote d'habitation........ 3° Cote mobilière........... j . Payera la somme totale de Article premier. 1»Taxes fixes. 161. 10 s. ld. 2° Cote d'habitation........ 12 » » 3° Cote mobi- Payera la somme totale do deux cent huit livres dix sous. Art. 2. L 1» Taxes fixes. 2» Cote d'habitation........ 3° Cote mobi- Payera la somme totale de Art. 8. L 1° Taxes fixes. 2* Cote d'habitation........ 3» Cote mobi- 1 lière........... Payera la somme totale de Art. L 1° Taxes fixes. 1 2° Cote d'ha- i bitation....... > 3° Cote mobl- v lière........... , Payera la somme totale de Art. L 1° Taxes fixes. 2° Cote d'ha- t bitation........ V 3° Cote mobi- \ lière........... J Payera la somme totale de
ÉMARGEMENT des pavements faits par les contribuables. NOMS, professions et taxes des contribuables. TOTAL de la contribution foncière. COLONNE RÉSERVÉE pour l'imposition locale répartie au mare la livre de la contribution mobilière. Art. L 1° Taxes fixes. 2» Cote d'habitation........ 3° Cote mobilière..,........ Payera la somme totale de Art. L 1° Taxes fixes. 2» Cote d'habitation........ 3° Cote mobilière........... Payera la somme totale de Art. L 1° Taxes fixes. 2° Cote d'habitation........ S8 Cote mobi- Il Payera la somme totale de Art. L 1° Taxes fixes. 2» Cote d'habitation........ 3° Cote mobi- Payera la somme totale de Récapitulation.
RÉCAPITULATION.
1" page 2® page 3 page
Ci-contre.
i Vu par Nous, administrateurs du directoire du district d au département
d le rôle de la contribution mobilière de la municipalité d
pour l'année 1791, après avoir procédé à la vérification dudit rôle, en avons arrêté le montant à la somme totale de égale à celle fixée par le mandement par Nous expédié et
adressé à ladite municipalité, pour le recouvrement des sommes contenues audit rôle de la contribution mobilière être fait sur les contribuables y dénommés, et le montant d'icelles versé par le percepteur chargé dudit rôle, entre les mains du receveur-trésorier du district d dont dépend ladite municipalité, et ce dans les termes prescrits.
Enjoignons pareillement à tous les contribuables, cotisés dans le présent rôle, d'acquitter, chacun en droit soi, le montant de leur contribution, dans les délais prescrits, sous peine d'y être contraints, conformément aux articles du titre de la loi du janvier 1791,
concernant la contribution mobilière.
Fait et arrêté par Nous
DÉPARTEMENT 4. d —--— MODÈLE DISTRICT du délibéré des administrateurs des directoires de district, à d porter en tète de la minute du rôle, lorsque le montant -du mandçmpnt, portant fixation de la portion contributive d'une communauté, sera supérieur à la somme totale résultant de la matrice de rôle. Premier cas prévu par l'ajrl. titre du décret. Second cas prévu par l'art, titre du décret. Vu par Noys, administrateurs du directoire du district d au département 4 la matrice du rôle de la contribu- tion mobilière de la municipalité d pour l'année 1791, suivant laquelle matrice, les taxes fixes s'élèvent à la somme de............. La cote d'habitation à celle de..... Et enfin la cote mobilière à celle de. Lesquelles trois sommes réunies donnent un total de»,,,........... Avons recopnu que la somme de............. à laquelle nous avons, fixé, par notre mandement, en date du de ce papisf la portion contributive de ladite municipalité dans la contribution mobilière de 1791, est supérieure 4 celle résultant de la matrice du rôle, de.f........................... du Laquelle somme de ~ à ajoute? au montant de U matrice du rôle, doit être répartie en ajoutant à la cote mobilière qui est de les pquf l|yre de ladite cote mobilière, qui, malgré cette addition, se trouvera encore inférieure au dix-huitième du revenu imposable, proportion jusqu'à laquelle cette cote peut être portée. (Ou bien :) du Laquelle somme de à ajouter au montant de la matrice du rôle, doit être répartie en plus, ainsi qu'il suit : 1° Kn ajoutant à la Cote mobilière, telle qu'elle est réglée par la matrice du rôle, et qui est de un neuvième du montant de ladite cote, pour la porter jusqu'au dix-huitième des facultés mobiliè- . res: laquelle addition d'un neuvième à la cote mobilière donnera..................... 2° En rejetant au marc la livre de de la cote d'habitation, et en sus de ladite cote, la somme de nécessaire pour compléter le montant du mandement, lequel rejet reviendra à pour livre de la cote d'habitation, ci.................... En conséquence de quji nous avons fait rédiger le présent rôle. | Somme égale à la différence à répartir en plus. Fait à quatre-vingt-onze. ce mil sept cent
DÉPARTEMENT 5. à _. MODELE DISTRICT Du délibéré des administrateurs des directoires de district, à porter en tête de la minute du rôle, lorsque le montant du mandement portant fixation de la portion contributive d'une communauté, ^ sera iaférieur à la somme résultant de la matrice du rôle. Premier cas prévu par l'art, titre du décret. Second cas prévu par l'art, titre du décret. du Vu par Nous, administrateurs du directoire du district d au département d la matrice du rôle de la contri- bution mobilière de la municipalité d pour l'année 1791, suivant laquelle matrice les taxes fixes s'élèvent à la somme de..,....... La cote' d'habitation à celle de.... Et enfin la cote mobilière à celle de. Lesquelles trois sommes réunies donnent un total de.....................( Avons reconnu que la somme de............. à laquelle nous avons fixé, par notre mandement, en date du de ce mois, la portion contri- butive de ladite municipalité dans la contribution mobilière de 1791, est inférieure à celle résultant de la matrice du rôle, de....................... Laquelle somme de à diminuer sur le montant de la matrice du rôle, doit être répartie en moins sur la cote d'habitation, en réduisant d pour livre chaque article de ladite cote d'habitation. (Ou bien :) Laquelle somme de à diminuer sur le montant de la matrice du rôle, doit être répartie en n oins : 1° Par la suppression totale de la cote d'habitation qui, suivant la matrice du rôle s'élevait à.......................... 2* En diminuant en outre de pour livre, la cote mobilière dont le montant, suivant la matrice du rôle, était de ce qui opérera une réduction de........... En conséquence de quoi, Nous avons fait rédiger le présent rôle. Fait à ce mil sept cent quatre-vingt-onze. Somme égale à lia différence à répartir en moins.
demande un congé de quinze jours qui lui est accordé par l'Assemblée.
Le district de Montpellier a commencé l'adjudication desbiens nationaux; en voici l'état : Un domaine estimé 4,000 livres adjugé 10,000 livres; un autre estimé 38,000 livres vendu 55,000 livres ; un autre estimé 38,000 livres adjugé 54,000 livres ; un autre estimé 52,000 livres adjugé 132,000 livres; un autre estimé 16*000 livres adjugé 33,000 livres ; un autre estimé 28,000 livres adjugé 45,000 livres; un autre estimé29,000 livres adjugé 50,000 livres. (On applaudit.) Vous voyez que nos espérances ne sont point frustrées. La foule est immense ; les uns se présentent pour acquérir, les autres pour applaudir ceux qui acquièrent. De cette manière nous verrons bientôt attaché à la Révolution ce qui n'est pas digne de lui appartenir par des moyens plus purs.
Je demande à l'Assemblée qu'elle veuille bien accorder quelques minutes d'audience ce soir à la barre aux officiers marins invalides. Je sais que c'est une exception à.votre décret qui défend de recevoir de telles députations; mais cet exemple sera sans danger : personne ne pourra vous présenter des titres semblables à ceux de ces vieux serviteurs mutilés au service de la patrie. (Cette motion est adoptée.) . L'ordre du jour est un rapport du comité de marine sur Vorganisation de la marine militaire.
, rapporteur (1). Messieurs, le comité de la marine me charge de vous présenter le plan qu'il a tracé de l'organisation militaire de la marine. Plein de l'importance de ce sujet, et placé entre la nécessité de développer avec une certaine clarté des vues absolument neuves, et l'obligation de ménager votre temps, toujours si précieux, je ne me jeterai point dans les épisodes brillants auxquels le sujet semble m'inviter; je ne vous ferai point l'historique de la marine française; je ne vous dirai point ce que sont actuellement les autres marines de l'Europe. Dans tous ses travaux, l'Assemblée nationale a moins cherché ce qui a été que ce qui doit être. Pénétré de ces principes, le comité de la marine a suivi son exemple, Il a cherché d'abord quelle serait la meilleure composition d'une marine militaire; il en a tracé le plan, sans égard à son état actuel, et abstraction faite des difficultés de l'exécution. C'est ce plan que je suis chargé de vous présenter; les moyens d'exécution à employer pour y ramener la marine actuelle seront l'objet d'un autre rapport qui vous sera incessamment présenté.
Nécessité d'une marine militaire.
La nécessité d'une marine militaire est généralement reconnue.
Jusqu'à l'époque, malheureusement très reculée encore, où les
peuples de l'Europe, revenus de ce féroce amour de la guerre, qui
semble être une maladie do l'espèce humaine, auront reconnu que la
guerre est le plus grand des maux, même pour le pays à qui ellè
semble procurer le plus d'avantages, et qu'ils seront convenus de
terminer de tout autre manière
Des vaisseaux, et des hommes pour les mouvoir, voilà ce qui compose une marine. Les vaisseaux destinés à servir pendant la guerre doivent être construits et entretenus pendant la paix. Le commerce forme les hommes que la guerre doit employer : il fait des matelots, il fait aussi des officiers. Mais cette pépinière d'officiers dispense-t-elle d'avoir, même pendant la paix, un corps permanent d'officiers militaires destinés principalement à servir pendant la guerre ? Voilà la seule question sur laquelle on pourrait élever des doutes : ils seront bientôt résolus. Nécessité d'un corps d'officiers militaires constamment entretenu.
Si le service de la marine du commerce et celui de la marine militaire étaient absolument semblables, sans doute que les hommes qui remplissent le premier avec succès seraient égalément propres à l'autre; mais cette similitude est loin d'exister. Il est sans doute des choses communes entre ces deux services. Dans l'un et dans l'autre un édifice flottant, frêle production de l'industrie humaine, doit parcourir les mers, lutter contre les tempêtes, éviter les écueils semés sous ses pas; dans l'un et dans l'autre il faut savoir apprécier avec une sorte de certitude une route toujours incertaine, interroger le ciel pour savoir sur quel lieu de la terre on est placé, chercher sous les eaux les indices des terres dont on redoute ou dont on désire le voisinage. Tout est semblable lorsqu'il ne faut que partir, arriver, voyager. A cela en effet se réduit la véritable destination du bâtiment de commerce ; mais cela même n'est que l'accessoire de la mission destinée au vaisseau de guerre. Il est armé pour combattre; il traverse les mers pour chercher l'ennemi. C'est dans ces rencontres que se déploie un art nouveau, un art terrible, dont la navigation ordinaire n'offre pas même l'image. La nécessité de combiner ensemble les mouvements toujours irréguliers d'un grand nombre de vaisseaux, de les diriger vers un but commun, de donner à une armée navale, et la force d'un ensemble bien uni, et cette légèreté qui tient à la mobilité des parties qui la composent, a produit la tactique navale, véritable science de la guerre maritime, et qui exige, pour sa parfaite exécution, toutes les ressources de la manœuvre, comme elle suppose, dans celui qui en prescrit les mouvements, ce coup d'œil du génie que la nature prépare, mais qui n'acquiert sa perfection que d'une longue habitude.
La guerre maritime est donc un art, et un art différent de celui de la navigation. Une théorie peu difficile en apprend les principes; l'expérience en développe le talent. Il faut donc former des élèves pour cet art malheureusement trop nécessaire ; il faut former pendant la paix ceux qui doivent agir pendant la guerre ; il faut donc un corps militaire entretenu pendant la paix comme pendant la guerre. Mais ce corps doit être peu nombreux pendant la paix, pour être sans cesse exercé; l'objet de son institution sera rempli s'il peut fournir pendant la guerre ceux qui doivent en diriger les opérations, le
ni lai Lié et les principaux officiers de chaque
vaisseau. Les estimables navigateurs du commerce, que la guerre laisse sans occupation, s'empresseront alors de recruter le corps militaire : de navigateurs ils deviendront guerriers, et la paix viendra les rendre à leur gré à leur première occupation, ou les laisser voués à l'art nouveau dont ils auront fait l'apprentissage et dont ils auront développé le progrès.
Je pourrais, pour rendre plus sensible cette nécessité d'un corps militaire, je pourrais montrer combien d'autres connaissances, étrangères à la navigation, sont cependant nécessaires au guerrier marin ; celle de l'artillerie, par exemple, arme principale des vaisseaux ; la science plus difficile sans doute de conduire une grande multitude d'hommes, de les enflammer de l'amour de la gloire et de la passion de la guerre ; la pratique de la discipline militaire, la tradition de tous les usages des vaisseaux de guerre qui en déterminent et en règlent le service; peut-être même aussi quelques connaissances de la guerre de terre, car le marin ne combat pas toujours sur son élément. Je parlerais aussi de la nécessité de diriger vers un but purement militaire les idées et les espérances de ceux que l'on destine à conduire d'autres hommes au combat, de les animer de l'esprit guerrier, de les attacher à cette profession par une préférence volontaire, une pratique continuelle et un abandon sans bornes. J'appellerais en témoignage de cette vérité l'opinion et l'exemple des nations de l'Europe, qui toutes entretiennent pendant la paix une marine militaire ; mais j'en ai dit assez en prouvant que l'art de la guerre de mer n'est pas le même que l'art de la navigation, et que dans l'un comme dans l'autre, pour avoir des maîtres, il faut commencer par former des élèves. Rapport et rapprochement de la marine militaire et de la marine du commerce.
Mais si ces deux arts sont distincts, ils ont au moins entre eux une grande connexité. Le talent de l'un suppose la connaissance de l'autre. Ii faut d'abord être homme de mer pour devenir militaire marin. La marine du commerce forme des marins. Elle est donc, par cela même, l'école de la marine militaire, et la marine militaire doit être l'élite de la marine marchande : c'est cette double vue qui a tracé le plan que le comité a l'honneur de vous proposer.
Il a pensé d'abord, et j'en ai dit assez pour le prouver, que le corps de la marine militaire à entretenir pendant la paix ne devait être composé que d'officiers et d'un petit nombre de principaux maîtres de chaque classe. Le matelot du vaisseau de guerre n'a pas besoin d'une pratique différente de celle du matelot du commerce. Il n'a donc pas besoin d'une école particulière. Le service du canon pourrait seul faire supposer la nécessité d'un apprentissage particulier; mais il n'est pour les matelots qu'un exercice manuel auquel leur agilité et leur adresse les rendent très propres et dont ils acquièrent facilement l'habitude par quelques jours de pratique. Les premiers mois d une guerre suffisent pour donner au plus grand nombre d'entre eux cette utile connaissance. J'entre actuellement dans le détail du plan du comité.
Composition du corps militaire. Grade d1 enseigne donné à tous les capitaines du commerce. Motifs de cette institution.
Des officiers généraux, des capitaines-lieutenants et enseignes, tels sont les grades qui composeront le corps de la marine militaire. Le titre d'enseigne sera donné à tous les capitaines du commerce. Assujettis par la conscription navale à un service militaire, il faut qu'ils sachent sous quels titres ils viendront le remplir. Il faut leur donner d'avance ce titre pour bien marquer l'utile alliance des deux marines^ pour rendre au commerce la justice qui lui est due* pour réparer, par ce tardif hommage, les trop longs torts du gouvernement et de l'opinion publique envers cette utile profession. C'est une conséquence presque nécessaire de la Constitution nouvelle, dont la bienfaisante influence doit s'étendre aux citoyens de toutes les classes et de toutes les professions. C'est enfin un avertissement solennel à tous les Français qui se destinent à la marine militaire, que la marine marchande peut aussi en être l'école. Inconvénients de cette institution.
Je dois cependant annoncer à l'Assemblée que cette disposition a trouvé dans le comité beaucoup de contradicteurs. Pourquoi, disaient-ils, ce mélange, cette confusion de deux états qui diffèrent essentiellement par le but, par les moyens^ et surtout par l'esprit qui doit les animer ? Craignez de porter, dans la marine du commerce, l'esprit et les prétentions militaires si opposées à ses véritables intérêts, si opposées à cette simplicité modeste, à cette économie sévère qui doivent diriger toutes ses opérations, et qui seules peuvent en assurer le succès; craignez également d'affaiblir, par des idées et des spéculations mercantiles, l'esprit guerrier qui doit animer un corps militaire. Puisque la conscription s'étend aux capitaines de navires, bornez-vous à leur annoncer que lorsqu'ils seront appelés au service public, ce sera en qualité d'enseignes; qu'ils conservent ce grade lorsqu'ils en auront une seule fois rempli les fonctions; mais ne leur donnez pas d'avance un titre qui n'a aucun rapport avec leurs fonctions habituelles, qu'ils ne désirent pas tous, et qui, trop prodigue, perdra nécessairement le degré de considération que pour l'utilité publique il importe de lui attacher.
La majorité du comité a répondu que tous ces inconvénients étaient prévenus par l'institution des enseignes entretenus, qui marquait, par une distinction utile, ceux qui voulaient se vouer uniquement à la carrière militaire. Il a observé d'ailleurs que puisque dans tous les systèmes les capitaines des navires étaient appelés à servir comme enseignes, leur donner ou leur refuser ce grade, avant qu'ils en aient rempli les fonctions, n'était plus qu'une question de mots assez peu importante, et sur laquelle l'opinion d'une grande partie de la France avait déjà prononcé, en prescrivant le parti adopté par le comité, et dont je vous ai développé les motifs. Aspirants de la marine militaire.
Telle sera donc la route principale qui ouvrira l'entrée aux grades militaires de la marine, ïe
service du commerce. Mais ce moyen de parvenir ne doit pas être exclusif. Il ne faut pas que celui qui aura fait son apprentissage dans la marine militaire soit exclus d'y exercer jamais le grade d'officier; il ne faut pas renvoyer du service de l'Etat celui qui n'aura jamais servi que l'Etat.
Cette bizarre exclusion serait aussi impolitique qu'injuste. Que les élèves de la marine militaire entrent en concurrence avec les agents de la marine commerçante; qu'à raison même de l'apprentissage pénible auquel il convient de les assujettir, des sacrifices que l'on exigera d'eux, de l'utilité de leurs services toujours rendus à l'État, leur marche puisse être plus rapide: voilà sans doute ce que la justice prescrit, ce que l'intérêt de V&-tat exige. Mais en présentant ici deux genres de service ou plutôt d'apprentissage, tous les deux conduisant au même but, le comité n'entend pas séparer ceux qui B'y destinent. Les deux services pourront être remplis par les mêmes individus ; tour à tour employé sur les vaisseaux de l'État comme aspirant, sur les bâtiments du commerce sous un titre quelconque, le jeune navigateur, qui a déjà fait quelques preuves d'instruction, se livrera tantôt à l'un, tantôt à l'autre de ces services, suivant son goût, ses intérêts et les occasions qui s'offriront à lui. S'il se destine à la marine militaire, son intérêt sera sans doute d'être employé sur les vaisseaux de guerre ; mais au défaut de ceux-ci l'intérêt de son avancement sera encore de servir sur les bâtiments de commerce. L'Etat lui tiendra compte de tout, excepté du temps qu'il passera dans 1 inaction.
Ainsi donc la marine militaire aura ses élèves sous le titre d'aspirants; mais ces élèves ne feront point comme jadis une classe exclusive et privilégiée. Tous les jeunes navigateurs y seront admis, lorsque, par un premier examen, ils auront fait preuve d'une instruction peu difficile à acquérir. Le nombre des aspirants deviendra très grand sans doute, puisque l'effet de cette nouvelle institution est de rendre l'instruction générale ; et cependant ces élèves ne seront point à charge à l'Etat : il ne les payera que lorsqu'ils seront en activité de service ; et cependant la paix ne les exposera plus à une longue inaction, source de fautes et d'ignorance. La marine du commerce concourra avec la marine militaire pour leur fournir des occasions de service et par conséquent des moyens d'avancement. Aspirants de la première classe.
Pour leur donner un double intérêt à joindre l'instruction à l'expérience, et exciter la plus utile émulation, le comité a pensé qu'il convenait de marquer, parmi les aspirants, une classe particulière à laquelle une instruction supérieure .pourrait seule conduire, et de la borner à un nombre fixe, afin d'établir un véritable concours entre les prétendants, moyen infaillible d'enflammer leur zèle et de les forcer de développer les talents dont la nature leur a donné le germe par des efforts toujours mesurés à la difficulté, sans ceBse croissante, d'atteindre le but qui en doit être la récompense. Tel est le motif de l'institution d'une première classe d'aspirants, à laquelle on accorde quelque avantage : ceux de la deuxième et de la troisième ne seront distingués que par le temps de navigation.
Telles sont donc toutes les routes promptes, faciles, accessibles à tous les navigateurs, qui conduiront au grade d'enseigne. D'une part, le
titre d'aspirant avec un certain temps de navigation sur les bâtiments de l'Etat ou des particuliers, de l'autre le titre de capitaine ae commerce. Ces enseignes titulaires seront sans doute très nombreux. Si tous ne peuvent être employés, même pendant la guerre la plus longue et la plus active, le nombre de ceux dont l'Etat réclamera les services pendant la paix, sera très peu considérable. Enseignes entretenus.
Cependant il importe d'en employer un certain nombre pendant la paix pour les préparer au service que la guerre exige ; il importe surtout de destiner à ce nouvel apprentissage Ceux qui annoncent plus de talents, ceux qu'une vocation plus décidée appelle de préférence au service militaire. De là, la nécessité de faire un choix, et ce choix sera justé lorsqu'il sera déterminé par le talent et l'instruction. Qu'il soit donc ouvert un concours où tous les enseignes, jaloux de servir l'Etat, puissent se présenter. Qu'ils soient examinés sur toutes les parties de l'art maritime et sur toutes les sciences qui en sont la théorie ; que la préférence soit donnée aux plus instruits. Mais pour que ce concours soit suivi* il faut y attacher quelque avantage. La certitude d'être attaché au service de l'Etat en est un très honorable sans doute ; mais cet honneur pourrait exiger un sacrifice de la part de marins voués à une profession plus lucrative, et le comité a cru qu'il fallait les en dédommager par une paye continuelle. Tels sont les motifs qui le déterminent à vous proposer d'entretenir constamment, même pendant la paix, un nombre peu considérable d'enseignes pour être particulièrement voués au service militaire, et qui seront choisis parmi tous les autres par un examen au concours. Après avoir déjà fait de la marine marchande l'école de la marine militaire, cette dernière institution vous assure que la marine militaire sera, ce qu'elle doit être, l'élite de la marine marchande.
Jusqu'à présent je n'ai parlé que de l'admission au dernier grade de la marine t il me reste à développer les motifs d'avancement aux grades supérieurs.
Dans le plan du comité le grade d'enseigne est le premier échelon de la marine militaire. G'est le terme où arrivent, soit les élèves de la marine militaire, soit les sujets formés par ia marine du commerce; et comme tous y parviennent après un temps déterminé de navigation, propre à garantir leur expérience, et un examen qui constate leur instruction, le nombre des places d'enseignes titulaires ne peut être borné. Lieutenants.
Celui de lieutenant, grade immédiatement supérieur, de ceux du moins que l'Etat doit entretenir, est limité; tous les enseignes peuvent prétendre à cet emploi. Mais dans ce nombre très considérable de concurrents, quel motif, quelle règle déterminera la préférence? L'ancienneté du titre ne peut établir de droit, lorsque le titre n'a point nécessité de service qui en fût la suite nécessaire, et qu'entre des prétendants d'une égale ancienneté, il peut y avoir une extrême disproportion de service.
Grade acquis seulement par des services » militaires.
Au lieu de suivre cette règle qui ne peut être applicable à ce nouvel ordre de choses, le comité en a suivi l'esprit; il a écouté la justice et la politique qui prescrivent de récompenser par des préférences ceux qui ont déjà servi l'Etat, et il croit avoir satisfait à leur vœu en appelant au gradf de lieutenant ceux des enseignes qui auront fait en cette qualité le plus de navigation sur les vaisseaux de l'Etat. Mais le comité a cru devoir consulter encore l'intérêt de l'Etat qui ordonne, sous peine des plus fâcheux revers, de n'admettre à ce grade de lieutenant que des hommes assez jeunes encore pour parvenir aux autres grades de la marine avant le moment où la veillesse, toujours précoce pour les hommes de mer, après avoir épuisé toutes leurs forces physiques et morales, ne leur laisse plus que du courage et de la bonne volonté; et tel est le motif de cette disposition qui exclut du grade de lieutenant, de lieutenant entretenu par l'Etat, ceux des enseignes qui auront passé l'âge de 40 ans. Cette disposition, très nouvelle et cependant très nécessaire, exige plus de développements. Nécessité de parvenir jeune dans la marine.
Voulez-vous avoir une bonne marine militaire? 11 ne suffit pas que ceux que vous y appelez ne soient entrés dans cette carrière que pourvus de ces connaissances mathématiques qui doublent le produit des leçons de l'expérience, nécessaires aux marins, utiles à tous les hommes auxquels elles donnent et la justesse de l'esprit et l'habitude de la réflexion; il ne suffit pas qu'à ces lumières acquises ils s'empressent de joindre une pratique d'autant plus sûre qu'elle sera plus éclairée; il ne suffit pas qu'ils passent par tous les grades ; mais il faut qu'ils les parcourent rapidement; il faut que le talent puisse leur donner des ailes pour parvenir aux grades supérieurs. 11 faut que dans tous les temps de leur vie ils soient jeunes, relativement à leur emploi, je dirais presque relativement à leur âge. On ne peut trop le répéter : pour bien faire cette profession, il faut surtout les qualités de la jeunesse, son infatigable activité qui lui fait courir les aventures et chercher les dangers, son audace et cette heureuse confiance qui lui montrent des succès là où les autres ne voient que des revers, et par-dessus tout cette opiniâtreté invincible qui se raidit contre les obstacles et surmonte toutes les résistances.
Dans la guerre de mer, celui qui ose le plus est celui qui fait le plus. Pour un homme de cette profession, les défauts de la bouillante jeunesse sont presque des vertus. Mais la sage vieillesse qui réfléchit sans cesse, qui calcule les daDgers, pèse les inconvénients et prévoit toutes les chances auxquelles elle s'expose, n'est pas propre à un état où tout est danger, où les difficultés naissent à chaque pas, où l'on n'a que le choix des inconvénients, et dont les hasards sont aussi incalculables que les vicissitudes des éléments contre lesquels il faut sans cesse combattre. Gomment en effet celui qui ne soupire qu'après le repos pourrait-il être propre à ce mouvement perpétuel, à cette succession rapide
de situations critiques, qui obligent à déployer et toute la force du caractère et toutes les ressources du talent? Comment pourrait-il lutter avec succès contre la nature, et le marin est sans cesse aux prises avec elle, celui à qui elle a déjà fait éprouver tant de pertes, à qui elle n'a plus laissé que la force de vivre ? Pour cet état pénible et contre nature, il faut toute la plénitude de la vie, il faut, au moral comme au physique, une surabondance de forces, pour qu'elles ne soient pas bientôt épuisées par des épreuves sans cesse renaissantes.
Je sais que l'habitude, que l'on a appelée avec raison une seconde nature, peut nous rendre ce gue celle-ci nous ôte ; je sais que l'on fait bien à 60 ans ce que l'on a bien fait à 40, ce que l'on a fait toute sa vie. Mais à 60 ans il est trop tard pour faire un nouvel apprentissage, pour faire le plus difficile de tous les apprentissages, celui de général. Et tel était le plus grand des vices de notre constitution maritime : à l'âge auquel on oublie tout, il fallait tout apprendre. On devenait général lorsque l'on cessait d'être capable de commander un vaisseau. L'emploi le plus difficile pouvait être dans les mains les plus faibles. Ce vieillard, apprenti général, s'épouvantera d'autant plus des difficultés de son poste, qu'elles lui sont moins connues. L'expérience, ce guide unique de la vieillesse, lui refuse son secours. C'est un aveugle qui n'a plus son bâton conducteur. Sa prudence enchaîne son courage ; et les forces dont il est dépositaire languiront dans une longue inaction, vain objet d'une dispendieuse parade qui prolonge la guerre en aggravant son fardeau sur le peuple qui en supporte les frais. Ayez donc des généraux à l'âge où l'on peut encore apprendre ; qu'ils puissent être exercés à cet art difficile du commandement, que l'on n'apprend pas dans des postes subalternes ; qu'ils puissent s'instruire même par leurs fautes, et gardez-vous d'amener à ce poste des hommes dont la vie presque entière écoulée dans des emplois subalternes ne les rend plus propres qu à ceux qu'ils ont toujours remplis.
Si je me suis bien étendu sur cette nécessité de parvenir jeune dans la marine, c'est qu'elle doit être sans cesse présente à ceux qui tracent la constitution d'une marine militaire. C'est par cette nécessité bien sentie que le comité vous propose de fixer, pour chaque grade, un âge passé lequel l'ancienneté ne sera plus un titre pour y être promu. Cette disposition, utile partout, est surtout nécessaire dans notre organisation qui, appelant aux grades militaires tous les navigateurs de la marine marchande, c'est-à-dire un très grand nombre de concurrents pour un fort petit nombre de places, réduirait le corps militaire à n'être plus que l'asile et la retraite de tous les navigateurs surannés de la France. Lieutenants surnuméraires.
Mais l'âge a toujours des droits à des égards, lors même qu'il n'a plus de titres de service. Etre âgé n'est pas un tort, et on ne peut pas en être puni. Aussi en refusant d'admettre parmi les lieutenants entretenus les enseignes au-dessous de 40 ans, le comité a-t-il pensé que, s'ils étaient encore appelés au service, il fallait que ce fût en qualité de lieutenant, mais de lieutenant surnuméraire. Ils auront même rang, même autorité que les autres. Leur ancienneté sera réglée par leurs services. Mais cette ancienneté ne pourra
seule les conduire au grade de capitaine de vaisseau. Us n'obtiendront ce titre que du choix du roi. Motifs et avantages de cette institution.
Cette disposition est bonne en ce qu'elle concilie les égards dus à l'âge avec l'avancement rapide que méritent des officiers plus jeunes, et distingués par une plus longue suite de services militaires; elle est bonne surtout parce qu'elle laisse au roi la faculté de faire les exceptions que prescrivent des talents, qui n'en sont pas moins réels pour s'être montrés tard, et qui semblent exiger une réparation d'autant plus éclatante qu'ils ont été plus longtemps méconnus.
Ainsi donc, l'âge seul sera un titre d'avancement; mais cet avancement, acquis seulement par des années, ne nuira point à l'avancement plus rapide que méritent des talents plus jeunes et plus développés ; de l'autre côté, l'âge même le plus avancé ne sera point un obstacle à cet avancement très rapide que réclament des talents reconnus. Tel est le principe et l'effet de cette disposition que vous présente le comité, de lieutenants entretenus, jeunes encore et uniquement dévoués au service public, attendant leur avancement et de leur ancienneté et du choix du roi, et de lieutenants surnuméraires, plus âgés, ne servant l'Etat que lorsque des circonstances extraordinaires l'exigent, et ne pouvant obtenir d'avancement que par le choix du roi. Le comité range aussi dans cette classe de lieutenants surnuméraires ceux des enseignes qui, appelés par leurs services au grade de lieutenant, préféreront le service du commerce. L'Etat ne peut rien devoir de plus que ce simple titre à ceux qui ne donnent pas à son service une entière et exclusive préférence. Inconvénients de cette institution.
Cette création de lieutenants surnuméraires a été vivement combattue dans le comité, comme impolitique et injuste. Vous donnez ce titre, disait-on, ou à des enseignes qui, appelés par leurs services au grade de lieutenant, y renoncent volontairement pour se vouer à une profession qui leur offre dé plus grands avantages, ou à des enseignes dont l'unique titre est d'avoir passé l'âge de 40 ans. Daus le premier cas, vous accordez une faveur à ceux à qui vous ne devez rien; vous leur accordez un titre dont ils ont dédaigné les fonctions: cette inutile prodigalité vous rend injustes envers ceux qui se consacrent uniquement au service public, puisque vous faites entrer en partage des honneurs de leur grade ceux qui n'en partagent pas les devoirs. Dans le second cas, vous récompensez des hommes des années qu'ils ont acquises; vous n'exigez pas même qu'ils aient consacré une partie de ces années au service de leur patrie, et vous leur attribuez encore gratuitement un honneur qui devrait être la récompense des services rendus à l'Etat.
Comment ne sentez-vous pas qu'en prodiguant indistinctement des titres honorables, qui cessent alors d'être honorés, vous vous réduisez à la fâcheuse obligation de n'avoir à payer qu'avec de l'argent les services rendus à l'Etat? C'est surtout dans un pays libre qu'il faut attacher un grand prix à l'honneur de défendre la patrie. Ne donnez donc le titre de lieutenant de vaisseau qu'à ceux
qui se voueront uniquement à l'état militaire; et gardez-vous d'imiter les pays du Nord, où le despotisme, qui confond tout, attache des rangs militaires à des fonctions civiles, comme si le terrible métier des armes fût le seul dont un citoyen pût s'honorer. Mais avec une Constitution qui a rendu l'homme à sa dignité primitive, il faut laisser chaque citoyen recueillir le degré de considération que sa profession doit lui donner, en partant de ce principe qu'il n'en est aucune qui ne doive paraître aussi honorable qu'elle est utile.
Ces raisons, très précieuses, n'ont pas prévalu sur la disconvenance qu'il y aurait à appeler au service de l'Etat un homme distingué par son âge et par son expérience, pour le faire servir sous les ordres d'un officier plus jeune, qui aurait sur lui l'unique avantage d'avoir servi plus longtemps l'Etat; elles n'ont pas prévalu sur l'utilité que la marine militaire peut retirer de ce rapprochement de la marine du commerce, si propre à faire passer de l'une à l'autre les hommes de talent, dont l'Etat réclamerait les services. Capitaines de vaisseau.
J'ai déjà parlé des capitaines de vaisseau, grade immédiatement supérieur à celui de lieutenant; j'ai déjà dit qu'ils seraient pri3 à l'ancienneté et au choix du roi. Il faut bien une espérance à ceux qui servent avec zèle la patrie; il faut des espérances plus prochaines à ceux qui la servent avec zèle et talent. Par cette double disposition l'ancienneté trouve sa récompense, et le talent, des encouragements. Le comité a pensé que le partage devait être égal entre eux, et que par conséquent les promotions devaient être faites, moitié à l'ancienneté, moitié au choix du roi. Sans doute, il est inutile de vous exposer pourquoi les choix sont laissés au roi seul, que vous avez nommé chef de l'armée navale : ce serait vous expliquer vos propres décrets. Tous les principes de cette disposition sont renfermés dans ce peu de mots : le choix des sujets, abandonné aux officiers supérieurs, serait un privilège dangereux; exercé par les inférieurs, il deviendrait un droit abusif, destructeur de toute discipline, produisant la molle complaisance des chefs et l'indépendance des subordonnés. Que dans la Constitution les administrés choisissent leurs administrateurs : l'administration est faite pour le plus grand bien des administrés ; elle n'a et ne peut avoir un autre objet. Mais une constitution militaire n'est pas faite pour le plus grand avantage de ceux qui y sont soumis; mais pour l'avantage de l'Etat et" la perfection du service qu'elle établit.
En attribuant au roi seul le choix des sujets que leurs talents doivent porter aux grades supérieurs, vous avez pu, vous avez dû régler la condition de ce choix. Le comité vous propose d'établir qu'on ne puisse être élevé d'un grade à un autre sans un temps déterminé de navigation dans le grade inférieur. Cette disposition n'a pas besoin d'être motivée.
Ainsi donc vous n'aurez pour capitaines de vaisseau que des hommes sur la capacité desquels on ne pourra élever aucun doute. Ceux que leur ancienneté aura conduits à ce poste y apporteront des lumières et l'expérience, fruit de leurs longs services, et ils ne seront point d'un âge qui j les rende incapables du service auquel ils sont appelés. Ceux que le choix du roi aura élevé à
ce grade auront pour eux une présomption de plus, celle du talent qui seul aura pu être le motif de cette distinction. Et qu'on ne craigne pas les abus de ces choix, souvent faits par les ministres au nom du roi. Lorsque tous les marins expérimentés de la France pourront y concourir, l'opinion publique désignera de loin au monarque ceux qui doivent y prétendre. Sa voix tonnante, qui sera plus que jamais l'organe des peuples et la leçon des rois, sera toujours plus écoutée que ces perfides insinuations des courtisans que le mérite blesse et qui, toujours livrés aux calculs de l'intérêt ou de la vanité, ne savent que récompenser la bassesse qui les flatte, et punir le talent qui les dédaigne. De tels conseillers fuiront loin d'un roi citoyen. Ses courtisans, si l'on peut encore se servir de ce titre, seront les amis de sa vertu et de sa gloire, et par conséquent les défenseurs des droits du peuple, et les protecteurs du mérite et des talents. Officiers généraux.
C'est parmi ces capitaines de vaisseau, élite de tous les navigateurs de la France, que seront pris les officiers généraux. Ceux-là seuls ont prouvé qu'ils étaient propres à commander des escadres, qui ont servi dans des escadres en commandant des vaisseaux. Plus les fonctions auxquelles des militaires sont appelés sont difficiles et importantes, moins il faut laisser l'ancienneté, qui est une espèce de hasard, déterminer ceux qu'on y destine. C'est par ce motif que le comité vous propose de ne laisser à l'ancienneté que le tiers des places vacantes dans le dernier grade d'officier général, et les deux tiers au choix du roi. Le comité a adopté les dénominations d'officiers généraux de mer, usitées chez nos voisins : amiral, vice-amiral et contre-amiral ; elles lui ont paru avoir plus d'analogie avec les fonctions qui y sont attachées.
Ce n'est pas qu'il y ait une différence très marquée entre les fonctions attribuées aux vice-amiraux et aux contre-amiraux. Le comité en a tiré cette conséquence, que là où le service est le même, le changement de grade n'est plus qu'un changement de titre, et qu'il n'y a plus nécessité de faire un choix. L'ancienneté peut donc seule, sans inconvénients, déterminer le passage du grade de contre-amiral à celui de vice-amiral.
Il n'en est pas de même du grade d'amiral. Le petit nombre de ceux qui seront revêtus de ce titre seront plus souvent appelés au commandement des armées navales. Ils auront entre leurs mains le destin de nos flottes, et souvent celui de la France. Frappé de l'importante nécessité d'élever à ce grade ceux qui y seront le plus propres, le comité vous propose de laisser toutes les places d'amiral au choix du roi, et pour donner plus de latitude à ce choix, de lui accorder la faculté de choisir entre les vice-amiraux et les contre-amiraux. Cette dernière disposition tient essentiellement à celle qui établit l'ancienneté, comme déterminant seule le passage du grade de contre-amiral à celui de vice-amiral. Par l'une, le talent vraiment supérieur est promp-tement appelé au commandement des armées, malgré la distance qui l'en sépare; par l'autre, des talents moins éclatants, mais qui ont pour eux l'appui d'une longue suite de services, trouvent, dans le grade de vice-amiral, une sûre et honorable récompense. Commandemen .
Les dernières dispositions du comité sont relatives au commandement des vaisseaux et escadres. La faculté de les accorder ne peut appartenir qu'au roi, ou bien il ne serait plus le chef suprême de l'armée navale, et ses ministres n'auraient plus à répondre de la conduite des opérations de la guerre. De la faculté attribuée au roi de donner les commandements dérive celle de les ôter à son gré, sans cause évidente, sans jugement préalable. Un commandement n'est que l'emploi du moment, et l'utilité publique peut exiger qu'il passe souvent et rapidement d'un individu à un autre. En cela, il dilfère du grade, fruit durable des longs services d'un officier, devenu en quelque sorte son patrimoine et une partie de son existence, et qui, à moins de suppression de la place, ne peut lui être ôté, pour être transféré à un autre, que par un jugement d'une cour martiale. Ces principes sont consacrés dans le plan du comité. Avancement des matelots.
Jusqu'à présent, Messieurs, je ne vous ai entretenus que des officiers de la marine, et je ne vous ai rien dit encore de cette classe précieuse d'hommes qui font la sûreté de la France, la richesse de son commerce, la force de3 armées navales; je veux dire les matelots. Sans doute, je suis loin de méconnaître, par un injuste oubli, les droits de ces hommes dont j'ai été le compagnon d'armes, et dont j'ai si souvent vu avec admiration les services éclatants et les prétentions modestes. Une Constitution qui a rétabli l'égalité primitive et proscrit de vaines distinctions pour ne laisser subsister que la seule réelle, quoique souvent la plus méconnue» celle du mérite et des services, une telle Constitution m'impose sans doute le devoir de mettre au premier rang, en traitant de l'organisation de la marine, les hommes les plus nécessaires à son existence, ceux qui font à l'Etat les plus grands sacrifices, puisque sans espérance de profit et d'honneur ils lui donnent tout ce qu'ils possèdent, leurs bras et leur existence- Aussi la détermination de leur sort a-t-elle paru au comité devoir être l'objet d'un décret particulier que vous avez adopté; mais il a cru que c'est dans ce décret général que j'ai l'honneur de vous présenter, qu'il fallait poser les principes, énoncer quels sont envers eux les bienfaits de la Constitution nouvelle, quelle est la justice que vous leur préparez, et le dédommagement de tant de siècles d'oubli ou de rigueur.
Le comité ne fera pas valoir, comme un avantage, la faculté accordée aux marins de toutes les classes d'être faits officiers dès le moment où ils ont fait preuve de connaissances nécessaires pour l'être; cette faveur n'est pas particulière aux matelots qui sont rarement dans le cas d'en profiter. Le comité vous propose d'autres dispositions qui leur sont plus directement utiles, et qui deviennent la récompense de leurs services rendus comme matelots.
1° Une augmentation graduelle et rapide de solde, proportionnée à la durée de leurs services sur les vaisseaux de l'Etat.
Après les augmentations de solde, des avancements en grade, qui les mènent par échelons k
celui d'officier, auquel, faute d'une instruction suffisante, ils ne pouvaient prétendre.
Enfin la certitude d'être constamment appointés dès le moment où ils sont faits officiers, et de poursuivre cette carrière nouvelle sans éprouver d'obstacles qui puissent arrêter ou suspendre leur marche. Comment ils deviendront officiers.
C'est donc par le titre d'enseignes entretenus, que débuteront les matelots parvenus par leurs services au grade d'officier, après avoir passé successivement par tous les grades d'officiers mariniers, maîtres et maîtres entretenus. Le comité vous propose de leur attribuer le dixième des places vacantes. Cette fixation peut paraître modique. Elle est cependant considérable relativement au petit nombre des maîtres entretenus : on la trouvera plus considérable encore, si l'on veut observer que dans le service de terre les fonctions d'un sous-officier le plus élevé en grade se rapprochent beaucoup, par leur nature, de celles de l'officier du grade le plus subalterne, de manière que l'habitude d'une de ces places donne ou suppose le talent de l'autre. Dans le service de mer, au contraire, il y a, entre l'état d'un premier maître et celui d'un officier, même subalterne, une telle diversité de fonctions, que le même homme sera rarement propre à l'une et à l'autre. Sans doute, il ne faut pas indiscrètement prodiguer une faveur qui tend à changer de bons maîtres en officiers médiocres; mais aussi il faut laisser une espérance à ceux qui ont le noble désir de servir la patrie, un but a leurs efforts, une récompense à leurs succès. Ici il faut se rappeler que c'est dans la parfaite justice qu'est la saine politique. Le comité croit avoir saisi le juste milieu que prescrivent ces considérations opposées. Plan du ministre de la marine. Ne diffère de celui
du comité que sur deux articles essentiels.
Tel est le plan du comité. Celui du ministre de la marine, M. de La Luzerne, s'en rapproche beaucoup, ou plutôt est parfaitement le même, tant sur le nombre et l'hiérarchie des grades, que sur le mode d'avancement fait, partie à l'ancienneté, partie au choix du roi. Mais il en diffère beaucoup sur deux articles essentiels. Le ministre a pensé qu'il pouvait être utile de conserver cette ancienne institution des gardes de la marine, qui, sous le nom d'élèves, a acquis dernièrement un nouveau degré de perfection. Ces élèves, il les fait entretenir par l'Etat, et leur assure l'entrée exclusive à tous les grades d'officiers de la marine. Motifs de cette différence.
Le comité a pensé, au contraire, que, tandis que la marine marchande formait, sans aucune dépense pour l'Etat, une foule de navigateurs, source féconde d'officiers, d'où naissait la facilité de faire de bons choix, il était inconséquent de renoncer volontairement à une telle richesse ; il était au moins inutile d'élever à grands frais une autre pépinière d'officiers. Que ceux qui se destineront à la marine aient intérêt à être bien élevés, et ils s'élèveront eux-mêmes. L'intérêt,
ce premier mobile de toutes les actions humaines, fera plus que la sagesse des lois et la puissance de la nation.
Mais comme les élèves remplissent à bord des fonctions nécessaires, il a paru essentiel de les remplacer, non pas à terre où ils n'ont qu'à s'instruire, mais sur les vaisseaux, où ils servent avec utilité. C'est ce que fait le comité en créant des aspirants. Ce titre, donné, comme je l'ai déjà dit, à tous ceux qui auront subi un certain examen, pourra devenir très prodigué, et ce sera un grand bien, ou du moins l'annonce d'un grand bien, puisque cela prouvera que l'instruction est devenue de plus en plus commune parmi les navigateurs, et que ce germe d'émulation, jeté au milieu d'eux, a heureusement fructifié. Nous aurons donc des aspirants aussi instruits que pourraient l'être les élèves de la marine, avec cette différence que leur instruction, comme leur expérience, n'aura rien coûté à l'Etat.
Après avoir renoncé à conserver une pépinière exclusive d'officiers militaires, il entrait dans les vues du comité d'appeler à servir l'Etat tous les navigateurs de la marine du commerce : dans son plan, les principaux agents de cette utile navigation ont tous un titre militaire. C'est parmi eux que les lieutenants sont nécessairement choisis; c'est au milieu d'eux que l'on peut même prendre des capitaines de vaisseau. Cette conséquence de principe, qui a dirigé le comité, était étrangère au plan du ministre, et c'est la seconde et la plus importante différence qui existe entre ce plan et celui qui vous est présenté par le comité.
Le comité vous soumet son plan après de longues et de très longues discussions, après des re visions sans nombre, lorsque toutes les parties intéressées ont été appelées et entendues: lorsque le nouveau ministre de la marine, à qui le plan a été communiqué, a remis au comité les observations dont il lui paraissait susceptible, lorsqu'enfin son premier projet, modifié ou cnange par cette foule d'observations dont aucune nYa été négligée, a paru mériter de vous être offert. Voici l'intention principale qui l'a fait naître. Vue générale du plan du comité.
Confondre les deux marines là où elles peuvent être réunies avec utilité, en leur donnant une origine commune; les distinguer dès le moment où des fonctions plus importantes exigent une plus grande réunion de talents et une expérience des opérations militaires, qui ne peut être le partage de tous ; faciliter dans tous les temps leur rapprochement de manière que l'une puisse toujours s'approprier les hommes de mérite que l'aiitre aura formés ; ne laisser à la charge de l'Etat pendant la paix qu'un corps peu nombreux d'officiers aussi instruits qu'exercés ; inspirer à tous les navigateurs une noble émulation propre à élever notre marine commerçante à un rang distingué parmi les marines de l'Europe; rendre l'instruction commune et le talent utile, quelque part qu'il se trouve : telle est la base du plan du comité.
Si ses vues sont remplies, une généreuse émulation animera les navigateurs de toutes les classes ; cette profession utile acquerra en France la considération qu'elle mérite, et deviendra de plus en plus digne de cette considération. Le matelot sera encouragé par la perspective plus étendue qui lui est ouverte; l'officier marinier aura une
plus haute idée de la placé qu'il occupe ; tant d'estimables navigateurs,qui enrichissent l'Etatdu fruit de leurs sueurs, sauront également travailler pour la fortune et combattre pour la gloire ; défenseurs nés des fortunes particulières dont ils sont les dépositaires, ils ne défendront pas avec moins de zèle la fortune publique, qu'elles augmentent et qui les conserve. Le corps actuel de la marine qui, malgré les vices de sa constitution, possède un si grand nombre d'officiers très précieux, que l'étude a instruits, que la guerre a formés par la plus pénible mais la plus utile de toutes les expériences, qui ont abordé avec courage et parcouru avec gloire une carrière plus rebutante encore, tant par la difficulté d'en atteindre le terme, que par les fatigues auxquelles elle expose ; ce corps, dis-je, trouvera, dans une marche plus rapide, un encouragement qu'il n'a que trop longtemps attendu : des talents distingués seront mis à la place où les appellent et l'opinion publique et l'intérêt de la patrie ; de nouveaux talents s'empresseront d'éclore ; dans un moment où tous les Français sont soldats, parce qu'ils sont citoyens, la patrie comptera autant de défenseurs que d'hommes de mer ; plus que jamais elle sera servie avec zèle et sans doute avec succès ; et le pavillon national, signe brillant de notre liberté, deviendra l'emblème" d'une puissance qu'il faut craindre, d'une justice qu'il convient d'imiter. projet de décret
Sur l'organisation de la marine française et sur le mode d'admission et d'avancement.
L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de marine, décrète :
Art. 1er. Tous les citoyens soumis à la
conscription maritime sont compris dans la marine française.
Mousses.
Art. 2. Nul ne pourra être embarqué comme mousse sur les bâtiments de l'Etat, que de 10 à 16 ans. Novices.
Art. 3. Tous ceux qui commenceront à naviguer après 16 ans, et qui n'auront pas satisfait à l'examen exigé par l'article 14, seront novices. Matelots.
Art. 4. Ceux qui auront commencé à naviguer en qualité de novices pourront, après douze mois de navigation, être admis à Pétat de matelot.
Art. 5. Les matelots obtiendront, suivant le temps et la nature de leurs services, des augmentations de paye ; et à cet effet la paye des matelots sera graduée en plusieurs classes.
Art. 6. Aucun matelot ne pourra être porté à la haute paye, sans avoir passé par les payes intermédiaires. Officiers mariniers.
Art. 7. Il y aura des officiers mariniers ayant autorité sur les matelots; ils seront divisés en plusieurs classes. Ce grade ne sera accordé qu'aux matelots ou ouvriers matelots parvenus à la plus haute paye, et seulement lorsqu'ils au-
ront les qualités nécessaires pour en bien remplir les fonctions.
Art. 8. On ne pourra être fait officier marinier de manœuvre, sans avoir été employé pendant une année de navigation en qualité de gabier.
Art. 9. Toutes les augmentations de solde et avancements en grade pour les gens de l'équipage seront faits pour chaque vaisseau par son commandant, qui se conformera aux règles établies à cet égard. Pilotes côtiers.
Art. 10. Nul ne pourra commander au petit cabotage, qu'il n'ait le temps de navigation, et satisfait à l'examen qui sera prescrit. Ces maîtres seront employés au moins comme timoniers.
Art. 11. Nul ne sera embarqué comme pilote côtier, s'il n'a commandé au moins trois ans en qualité de maître au petit cabotage, et satisfait à l'examen qui sera prescrit. Maîtres entretenus.
Art. 12. Les officiers mariniers parvenus par leurs services au -premier grade de leur classe pourront être constamment entretenus; et le nombre des entretenus sera déterminé d'après les besoins des ports. Les deux tiers des places des maîtres entretenus, vacantes dans chaque département, seront donnés à l'ancienneté, et l'autre tiers au choix du roi. L'ancienneté des maîtres ne sera évaluée que par le temps de navigation fait sur les vaisseaux et frégates de l'Etat, avec le grade et en remplissant les fonctions de premier maître.
Art. 13. Les maîtres entretenus de manœuvre et de canonnage deviendront officiers conformément aux règles ci-après énoncées, encore qu'ils eussent passé l'âge auquel l'admission aux différents grades d'officiers pourrait avoir lieu. Écoles publiques.
Art. 14. Il y aura des écoles gratuites de navigation dans les principales villes maritimes, ainsi qu'il sera déterminé par un règlement particulier. Aspirants de la marine.
Art. 15. Ceux qui se présenteront pour servir en qualité d'aspirants dans la marine ne pourront y être admis qu'après 15 ans d'âge accomplis, et seulement après avoir subi un examen public sur l'arithmétique, la géométrie, les éléments de la navigation et de la mécanique.
Art. 16. Les aspirants seront divisés en trois classes.
Dans la troisième seront compris tous ceux qui commenceront à naviguer. Ils feront sur les vaisseaux l'apprentissage et le service des matelots, et seront exercés aux fonctions de gabier et de timonier.
Dans la deuxième on admettra tous ceux qui auront 18 mois de navigation. Ils feront le service de quartier-maître, et passeront successivement à tous les grades d'officiers mariniers, celui de maître et de second maître exceptés.
Ils ne seront reçus dans la première, classe qu'après deux ans et demi de navigation, et après avoir subi d'une manière satisfaisante un examen sur la théorie et la pratique de l'art maritime, suivant ce qui sera prescrit. Le temps de
navigation sera évalué conformément aux dispositions énoncées dans l'article 21.
Art. 17. — Les aspirants de la marine de la première classe prendront rang après le premier maître d'équipage et le premier maître canonnier; ils ne seront, ainsi que ceux des deux autres classes, payés que pendant le temps qu'ils seront en activité de service dans les ports ou sur les vaisseaux de l'Etat. Officiers de la marine.
Art. 18. — Les grades d'officiers de la marine seront ceux d'enseignes de vaisseaux, lieutenants de vaisseau et capitaines de vaisseau, et les grades d'officiers généraux.
On ne pourra être fait officier avant l'âge de 18 ans accomplis. Enseignes.
Art. 19. — Le grade d'enseigne sera le dernier grade d'officier de la marine.
Art. 20. Les aspirants Art. 20. Les aspirants de la première classe seront de la première classe se-susceptibles d'être embar- ront faits enseignes de qués comme enseignes de vaisseau après quatre ans vaisseau, après quatre ans de navigation, dont une au de navigation, dont une au moins obligée sur les vais-moins obligée sur les vais- seaux de l'Etat en qualité seaux de l'Etat en qualité d'aspirant, et avoir satis-d'aspirant, et avoir satis- fait à l'examen qui sera fait à l'examen qui sera prescrit; et pour les trois prescrit ; et pour les trois autres années, le temps de autres années, le temps de navigation sur les bâti-navigation sur les bâti- nents de commerce sera ments de commerce sera compté à raison des deux compté à raison des deux tiers de sa durée effective, tiers de sa durée effective : ils en auront le titre et le grade, dès qu'ils auront été appelés au service à tour de rôle.
Art. 21. — L'année de navigation énoncée dans tous les articles précédents est censée faite sur les vaisseaux de 1 Etat ; et si elle a eu lieu sur les bâtiments de commerce, elle ne sera comptée que pour huit mois; toute navigation antérieure à l'âge de 12 ans n'entrera pas en compte.
Art. 22. On pourra être Art. 22. Tous les ensei-fait capitaine de navire gnes seront babiles àcom-après l'âge de 24 ans, mander des bâtiments de lorsqu'on aura 72 mois de commerce, pourvu qu'ils navigation, dont 12 mois aient l'âge de 24 ans, et ils au moins sur les vaisseaux pourront seuls commander de l'Etat et 12 mois de au long cours, cabotage sur les côtes de France, et après avoir subi un examen public.
Art. 23. — Le grade d'enseigne imposera à tous ceux qui le recevront l'obligation de servir, sur l'armée navale et dans les arsenaux, en cette qualité, lorsque les circonstances l'exigeront. Enseignes entretenus.
Art. 24. — Sur la totalité des enseignes, il en sera pris un nombre déterminé, pour les destiner uniquement au service public. Ils seront payés constamment, et tenus à résider dans leur département.
Art. 25. — Ces places d'enseignes entretenus seront données aux maîtres entretenus.
Art. 26. — Les enseignes entretenus et non entretenus prendront rang immédiatement après
les lieutenants, et entre eux suivant le temps de navigation qu'ils auront fait en cette qualité sur les vaisseaux de l'Etat.
Art. 27. — Les enseignes n'auront d'appointements et n'exerceront l'autorité de ce grade que lorsqu'ils seront en d'activité de service militaire. Ils ne pourront en porter l'uniforme que lorsqu'ils auront été appelés à servir en cette qualité sur les vaisseaux de l'Etat.
Art. 28. — Les bâtiments de commerce commandés par des officiers militaires ne pourront arborer les marques distinctives réservées exclusivement aux vaisseaux de l'Etat. Lieutenants.
Art. 29. — Le grade de lieutenant sera immédiatement au-dessus de celui d'enseigne. Il sera donné au concours, d'après un examen public sur la théorie et la pratique de l'art maritime, suivant ce qui sera prescrit.
Art. 30. Seront admis à Art. 30. Seront admis à
cet examen tous ceux ayant cet examen tous ceux ayant
rempli les conditions né- le titre d'enseigne, et
cessaires pour être ensei- n'ayant pas passé l'âge de
gne et n'ayant pas passé 30 ans. l'âge de 30 ans.
Art. 31. — Ceux qui se trouveront à la mer pendant le concours, et auront atteint l'âge de 30 ans pendant ce voyage, pourront se présenter au premier concours après leur retour.
Art. 32. — Les lieutenants seront entretenus, et entièrement et perpétuellement voués au service de l'Etat, et prendront rang entre eux, suivant leur ancienneté d'admission.
Art. 33. — Il y aura un certain nombre de places de lieutenant qui ne sera pas donné au concours ; une partie sera réservée aux enseignes entretenus, et leur sera donnée par ancienneté sans égard â l'âge; l'autre sera réservée au choix du roi, parmi tous les marins, aussi sans égard à l'âge. Capitaines de vaisseau.
Art. 34. — Les capitaines de vaisseau ''seront pris parmi tous les lieutenants, de la manière suivante : une moitié de ce remplacement se fera en suivant le rang d'ancienneté, et l'autre moitié au choix du roi, sans égard à l'âge.
Ce choix ne pourra porter que sur ceux qui auront au moins deux ans de navigation dans ce grade. L'ancienneté ne sera plus un titre pour les lieutenants âgés de 50 ans.
Art. 35. Les capitaines de vaisseau prendront rang entre eux de la date de leur brevet. Les officiers faits capitaines de vaisseau dans la même promotion conserveront entre eux le rang qu'ils avaient lorsqu'ils étaient lieutenants. Officiers généraux.
Art. 36. Les officiers généraux sont divisés en trois grades :
Les amiraux, les vice-amiraux et les contre-amiraux.
Art. 37. Les contre-amiraux seront pris parmi les capitaines, un tiers par ancienneté, deux tiers au choix du roi. Ce choix ne pourra porter que sur ceux des capitaines de vaisseau qui auront au moins douze mois de navigation dans ce grade.
Art. 38. Les contre-amiraux parviendront au grade de vice-amiral par rang d'ancienneté.
Art. 39. Lee amiraux pourront être pris parmi les vice-amiraux et les contre-amiraux, et toujours au choix du roi.
Art. 40. Les officiers, commandant en temps de guerre les escadres dans les mers de l'Amérique ou des Indes, seront autorisés par le roi à récompenser par des avancements conformes aux règles précédentes, et en nombre déterminé, les officiers gui l'auront mérité. Les officiers ainsi avancés jouiront provisoirement du grade qu'ils auront obtenu et de ses appointements ; mais ils ne pourront le conserver qu'autant qu'ils auront été confirmés par le roi. Ces avancements seront comptés parmi ceux laissés au choix du roi.
Art. 41. Les remplacements par ordre d'ancienneté dans les différents grades marcheront avant ceux par choix, et auront lieu à mesure que les places viendront à vaquer, et, au plus tard, deux mois après la connaissance de la vacance. Nomination aux commandements,
Art. 42. Le commandement des armées navales et escadres composées au moins de neuf vaisseaux de ligne ne pourra être confié qu'à des amiraux, vice-amiraux ou contre-amiraux, mais indistinctement entre eux.
Art. 43. Le commandement des divisions sera confié aux contre-amiraux et capitaines indistinctement, et celui des vaisseaux de ligne armés en guerre à des capitaines.
Art. 44. Les commandants de frégate seront pris indistinctement, soit parmi les capitaines, soit parmi les lieutenants.
Art. 45. Les commandants pour les autres bâtiments, comme corvettes, avisos, flûtes, ga-barres, lougres et autres bâtiments appartenant à l'Etat, seront pris indistinctement, soit parmi les enseignes entreténus ou non entretenus, pourvu que ces enseignes aient fait une campagne en cette qualité sur les vaisseaux de l'Etat, soit parmi les lieutenants.
Art. 46. Le roi nommera aux commandements, et il pourra les ôter par un ordre simple, quoiqu'il n'y ait pas d'accusation.
Art* 47. Les commandants des armées navales et escadres, pendant le cours de leurs campa^-gnes, exerceront le droit donné au roi par l'article précédent. Retraites et décorations.
Art. 48. Tous les hommes de profession maritime auront droit aux retraites et décorations militaires, en raison de leurs services, ainsi qu'il sera déterminé par un règlement particulier.
Art. 49. L'Assemblée nationale se réserve de statuer par un décret particulier sur la manière d'appliquer le présent décret à l'état actuel de la marine.
(L'Assemblée ordonne l'impression de ce rapport.)
demande à l'Assemblée si sou intention est de mettre à l'ordre de ce soir l'affaire de la compagnie du Sénégal. L'Assemblée ajourne cette affaire au 18 du courant, séance du soir.
demande et obtient un congé de quinze jours. L'ordre du jour est un rapport du comité eo clésiastique relatif à la circonscription de la paroisse cathédrale de la ville de Paris et à la validité de Vélection d'unévêque dans le département de la Creuse.
rapporteur. Messieurs, je demande la permission de vous proposer deux décrets dont l'adoption ne demandera pas une longue discussion. Le premier est relatif a la circonscription de la cathédrale de Paris ; la municipalité,qui a touiours apporté à l'exécution de vos décrets d'autant plus d'activité qu'elle savait que l'exemple de la capitale aurait une grande influence pour maintenir la liberté qu'elle a également servi à conquérir, la municipalité de Paris devait sans doute être la première à vous faire cette proposition. Mais des circonstances dont il est inutile de vous parler l'ont engagée à mettre dans l'exécution de vos dispositions sur cet objet la modération dont vous-mêmes lui avez donné l'exemple. Le système combiné d'inertie qu'on lui oppose l'a forcée à la fin de sortir de ces bornes ; elle espère qu'elle aura votre approbation. Après avoir rempli, Messieurs, toutes les formalités de l'article 6 du décret du 14 novembre, elle a pris hier une délibération dont vous accueillerez avec grand empressement l'homologation. Elle a arrêté la suppression des paroisses que contenaient ci-devant les îles de Saint-Louis et du Palais et la réunion de ces paroisses à l'église-cathédrale. Il est inutile de vous donner les motifs d'une pareille délibération; il suffit, je crois, de vous la proposer pour vous la faire adopter. En conséquence, je vais vous faire la lecture du projet de décret que votre cômité ecclésiastique m'a chargé de vous présenter, d'après la délibération et les pièces justificatives dont il a eu communication : « L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité ecclésiastique, d'une délibération prise, le onze de ce mois, par la municipalité de Paris, faisant provisoirement fonction de district et de département, en l'absence de l'évêque métropolitain de Paris, invité et requis, par procès-verbal de la veille, de concourir par lui-même, ou son fondé de pouvoirs, à la circonscription de sa paroisse cathédrale, décrète; « 1° Que les paroisses de la Madeleine, Saint-Germain-le-Vieux,Saint-Pierre aux-Bœufs,Saint-Landry, Sainte-Croix, Saint-Pierre-des-Arcis, Saint-Barthélémy, Sainte-Marine, Saint-Jean-Baptiste et Saint-Denis, la Basse-Sainte-Cbapelle et Saint-Louis-en-l'Ile, toutes renfermées dans les deux îles appelées île du Palais et île Saint-Louis, sont et demeurent supprimées, et que le territoire de toutes ces paroisses forme l'arrondissement de la paroisse cathédrale de Paris, établie dans l'église de Notre-Dame. « 2° Que l'église de Saint-Louis-en-l'Ile subsistera provisoirement, pour servir de succursale à la paroisse cathédrale, jusqu'à ce que la communication entre les deux îles Saint-Louis et du Palais ait été établie. »
Je ne me permettrai pas d'examiner en détail toutes les parties dq projet qu'on vous propose. Pour peu que l'Assemblée ait connaissance de la ville de Paris, elle doit être bien convaincue qu'il est aussi absurde que barbare de vouloir séparer l'île Saint-Louis de sa paroisse, parce qu'elle est séparée de l'île de
Notre-Dame par la rivière de Seine. La communication n'en est établie que sur uu pont de bois, communication, Messieurs, gui est fréquemment interceptée, communication qui n'est jamais ouverte aux voitures, de sorte que les personnes âgées et infirmes ne pourraient plus aller à leur paroisse, parce que les voitures ne passent pas sur le pont de bois. (Murmures.) On vous dit que la paroisse de Saint-Louis sera conservée comme succursale; et moi, j'ai l'honneur de dire au comité ecclésiastique, que je suppose très instruit de l'histoire ecclésiastique, puisqu'il s'est emparé de ce département (Rires.), que, depuis le commencement du monde, il n'est entré dans l'esprit de personne d'établir une succursale au milieu d'une ville. Il faut une paroisse, ou il n'en faut pas. (Murmures.) On juge sur une phrase préparatoire..... Un membre : Une proposition très absurde.
Si l'Assemblée veut bien m'écouter jusqu'au bout, je répondrai peut-être d'avance aux objections qu'elle a la bonté de me faire. Je répète qu'il est sans exemple de placer une succursale dans le centre d'une ville. Plusieurs membres : Il y en a à Pau, à Lyon, à Rennes.
L'île de Saint-Louis est séparée des autres quartiers de la ville par une rivière : il serait inhumain d'ôter à cette île le droit d'avoir une paroisse dans son sein. J'ajoute, Messieurs, (fue le décret qu'on vous propose avec une facilité qui nous montre combien l'habitude des affaires forme les hommes (Rires.); je dis, Messieurs, que ce décret me paraît exiger plus d'une considération. La première, c'est de savoir si vous avez donné aux municipalités le droit de faire des décrets. Vous pouvez les autoriser à faire des requêtes. Eh 1 que signifient ces formes impératives ? Que signifie ce style des arrêts des anciennes cours souveraines que nous trouvons dans ces municipalités naissantes? Où veut-on nous conduire, en plaçant ainsi tous les pouvoirs dans les municipalités? La municipalité de Paris peut présenter des requêtes, la municipalité de Paris peut fournir des mémoires. (Murmures.) Je ne crois pas, Messieurs, que dans une matière aussi importante que celle des circonscriptions des paroisses, la municipalité de Paris ait reçu de vous le droit de donner défaut aux paroissiens, de donner défaut à M. l'archevêque de Paris. Un membre : Il n'y a plus d'archevêques.
Il est archevêque : il n'est pas plus en votre pouvoir de le faire que de le défaire. Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
Je dis, Messieurs, que lorsqu'il s'agit des plus petits intérêts, un juge, et un juge compétent, n'est autorisé à accorder défaut qu'après les délais employés par la loi. Ici, quels sont les délais qui ont été employés ? Nous n'en savons rien. Qu'est-ce qui a constitué i'évêque diocésain en demeure ? Qu'est-ce qui a interrogé les paroissiens ? Qu'est-ce qui a fait l'information de commodo et ineommodo? (Rires.)
Je vous prie, Messieurs, d'être bien persuadés
que s'il m'était possible de savoir ce que signifie ce rire, je n'en demanderais pas la signification. Mais quand on plaide dans cette Assemblée la cause de la liberté, il est bien inconcevable que l'on voie les règles les plus intolérables du despotisme pré. valoir au point qu'un sourire l'emporte sur toutes les raisons. Vous regardez, Messieurs, comme au-dessous de vous.... (Interruption). Quel est l'homme, Messieurs, quel est le membre de cette Assemblée assez ennemi de votre gloire pour vous persuader qu'il est de votre dignité de vous affranchir de cette procédure que j'appelle de son nom, et qui est la sauvegarde de tout droit ? Quel est l'homme qui peut se persuader que la grandeur ne consiste qu'à ne connaître aucune règle? Messieurs, rien n'est solide sans les règles, rien n'est sage sans les formes. Les changements les plus utiles, précisément parce qu'ils sont utiles, doivent être soumis à ces formes protectrices de la liberté, parce qu'on n'éteint pas des paroisses comme on donnerait un ordre d'accorder la liberté à un citoyen. Ce n'est point ainsi que les institutions sociales se sont formées. Hier au soir la municipalité décide la suppression de plusieurs paroisses ; elle ne trouve sous sa main, ni l'autorité ecclésiastique, ni le vœu des paroissiens; néanmoins, elle nous envoie un projet de décret. Il faut en faire une loi du royaume. Ce n'est point ainsi qu'il faut procéder quand on connaît le respect dû aux lois. Vos lois sont d'une grande importance ; vos lois ne sont pas destinées apparemment à subir des changements, qui seraient inévitables, si vous n'aviez pas prévu toutes considérations, si, dès l'origine de la discussion, vous n'aviez pas agi avec toute la maturité que vos délibérations exigent.
Je dis, Messieurs, qu'il faut, avant de supprimer une paroisse, nous convaincre de plusieurs vérités. La première, que la municipalité de Paris n'en a pas le droit ; la seconde, que les corps administratifs n'en ont pas le droit ; la troisième, que l'Assemblée nationale n'en a pas le droit. (Murmures.) Remarquez, Messieurs, que vous êtes appelés par la nation à remplir des fonctions législatives. Or, je demande ce qu'il y a de commun entre des fonctions législatives, qui sont votre apanage, et le décret qu'on vous propose aujourd'hui? Gomment l'Assemblée nationale peut-elle concourir à de pareilles opérations, bonnes ou mauvaises? Est-ce, Messieurs, pour en donner l'ordre ? Et vous n'avez écouté personne; vous n'êtes pas instruits; vous ne savez pas si ce décret est sage ; vous ne pouvez donc pas employer votre autorité, lorsque vous n'avez pas éclairé votre raison. Est-ce, Messieurs, pour faire faire à l'Assemblée nationale le rôle passif d'un greffe où l'on fait insinuer des décrets 1 Est-ce là, Messieurs, l'intention de cette Assemblée? Quelle part devons-nous prendre à une pareille opération? Est-ce d'en prendre sur nous tout l'odieux, de n'obliger personne, et de ne rendre aucun service aux citoyens ?
Messieurs, si vous voulez supprimer des paroisses, prenez des mesures convenables pour le faire ; mais prenez des voies légales, et non pas des voies despotiques; et tout ce qu'on vous propose aujourd'hui dans cette même nation, qui parle sans cesse de liberté, est précisément l'antipode de la liberté, car ce serait ainsi que des despotes décideraient, et vous ne voulez pas être des despotes: et il ne faut pas se persuader que parce qu'un ecclésiastique réclame pour les lois, cet ecclésiastique doive être suspect à cette As-
semblée. Quel intérêt ai-je personnellement? (Murmures.)
Il y a environ un mois que l'on vous instruisit que M. l'évêque de Gahors avait consenti à la suppression de quelques titres paroissiaux dans la ville de Cahors. On vous proposa un décret en conséquence. Nous vous représentâmes que rien n'était peut-être plus sage, mais que rien n'était plus étranger à l'Assemblée ; que personne ne s'y opposait ; que nous ne voyions pas que l'intervention du Corps législatif pût être employée à autoriser, à légitimer la validité d'un décret rendu par un évêque. (Murmures.) Eh bien, Messieurs, ce décret d'autorisation que personne n'avait intérêt de contredire, que personne n'avait l'intention de combattre, et qui était bien manifestement inutile puisque toutes les parties étaient d'accord, puisque le juge compétent avait prononcé, ce décret de circonstance était une préparation pour vous conduire à d'autres, et vous en voyez ici le développement. On vous demandait alors de donner votre sanction qui n'était pas nécessaire au décret d'un évêque ; et on se proposait, Messieurs, la première lois qu'il serait question de suppression de paroisses, de vous déterminer à suppléer à ce décret, en décrétant vous-mêmes, de plein droit, cette suppression.
Messieurs, rien ne doit se faire avec précipitation, quand on veut se conduire avec sagesse. Vous voulez supprimer des paroisses dans Paris ? Ce projet peut être fort sage ; je dirai plus : je le crois, je suis persuadé que leur nombre est excessivement multiplié. Que l'on suive les formes, que l'on ne fasse rien d'arbitraire ; qu'on écoute les paroissiens, que l'on constitue au moins en demeure ceux qui doivent y concourir, afin qu'on ne décide pas de l'état des particuliers sans les avoir entendus* parce qu'il est à craindre, Messieurs, que les lois générales sur des affaires particulières n'effrayent la liberté et n'amènent beaucoup de calamités particulières, de calamités inutiles, de calamités contre lesquelles vous n'aurez nul recours, si vous usez de précipitation, et que vous pouvez écarter légalement, que vous pouvez écarter avec l'applaudissement unanime de tous vos concitoyens, en professant que jamais une loi ne doit être faite pour un cas particulier, ni contre un petit nombre d'individus. Une loi doit être faite pour l'universalité des citoyens français. Que la municipalité de Paris prenne les voies légales ; mais que ce ne soit pas à cette Assemblée qu'elle s'adresse... Plusieurs membres à gauche : Au pape, à l'abbé Maury.
Il s'agit dans le décret qu'on vous propose de l'état paroissial de plus de 30,000 âmes. C'est au nom de ces 30,000 citoyens que je demande qu'on ne prononce (Murmures), sans que toutes les parties intéressées soient entendues. Je demande surtout que l'Assemblée nationale ne juge point les affaires particulières, parce qu'elles lui sont étrangères; je demande que le comité ecclésiastique ne vienne point nous faire homologuer des délibérations municipales qui excèdent visiblement les bornes de la juridiction des officiers municipaux; et j'ajoute que les moyens d'opposition que vous devez prévoir sont si faciles, si évidemment assurés dans cette capitale, que si on voulait mettre un obstacle prompt à toutes ces destructions que le comité ecclésiastique vous propose, le moyen le plus propre que l'on pût imaginer, ce serait d'a- dopter précisément ce décret de circonstance contre lequel je vous annonce que vous recevrez les plus fortes réclamations et les réclamations les plus funestes.
Je regrette beaucoup que M. l'abbé Maury n'ait pas présenté les dispositions du décret du 14 novembre, décret qui est dûment sanctionné. La municipalité de Paris, qui fait les fonctions de district et de département, n'a fait que ce qui avait été ordonné par l'article 13 de ce décret : il porte que les assemblées administratives procéderont à la circonscription de la paroisse cathédrale, après avoir invité l'évêque, sans que son refus ou son absence puisse en aucune manière suspendre les opérations.
Cela n'est point dans le décret : je m'inscris en faux contre cette assertion. Plusieurs membres ; Gela y est.
Je l'ai envoyé chercher.
Je raisonne dans cette supposition que la municipalité, faisant les fonctions de district et de département, a fait ce qu'elle devait faire. Il suffit de connaître la localité pour sentir combien sont sages les dispositions qui vous sont présentées. Dans le vrai, il est de la plus grande importance que la paroisse cathédrale de Paris soit promptement organisée ; et on n'ignore pas que le secrétariat, que le greffe de l'archevêché, que toutes les personnes qui ont eu quelque part à l'administration du diocèse ont abandonné l'archevêché. On pense peut-être que la capitale se trouvera dans l'embarras : on se trompe, vous y avez pourvu, vous avez préparé, Messieurs, les administratéurs de tous les diocèses par votre décret du 14 novembre, en statuant que les curés delà paroisse cathédrale sont de droit les vicaires de l'évêque ; et votre décret dûment sanctionné porte qu'ils en exerceront provisoirement les fonctions. On espère que l'église de Paris sera sans administrateurs ; c'est là, Messieurs, le seul but qu'on se propose, lorsqu'on veut vous empêcher d'organiser la paroisse cathédrale de Paris. Je conclus à ce que vous adoptiez le décret parfaitement conforme à celui que vous avez déjà rendu pour la ville de Gahors, pour Orléans, etc. (Applaudissements.)
Voici l'article 13 du décret du 14 novembre : « L'évêque diocésain sera invité, et même requis par le directoire, de concourir par lui-même, ou par son fondé de procuration, aux travaux préparatoires des suppressions et unions ; mais son absence ou son refus d'y prendre part ne pourra, en aucun cas, retarder les opérations du directoire. (Applaudissements à gauche; murmures adroite.)
M. l'archevêque de Paris a-t-il été invité et même requis ?
rapporteur. Par procès-verbal du 4, il a été constaté qu'il était absent, et on a répondu qu'il était à Cham-béry. Par procès-verbal du 11 le délai est expiré.
Pourquoi votre évêque va-t-il à Chambery ?
(L'Assemblée ferme la discussion et adopte le projet de décret du comité.)
rapporteur : ûes doutes qui se sont élevés sur la validité de son élection dans l'esprit du sieur Mourellon, élu à l'évéché du département de la Creuse, ont donné lieu au second projet de décret que le comité ecclésiastique m'a chargé de vous présenter. On a procédé à la nomination, par scrutin de liste double, sur une délibération des électeurs. Il ne s'est élevé de réclamation sur cette forme qu'au troisième scrutin, et une nouvelle délibération des électeurs a prescrit encore le scrutin de liste double. Le résultat de ce dernier scrutin donna la majorité relative à l'ecclésiastique élu, qui avait même une grande majorité absolue. Le comité n'a vu dans le scrupule de l'élu qu'une preuve de la sagesse des électeurs, il vous propose le projet de décret suivant...
Est-ce un décret contre les scrupules?
rapporteur, lisant : « L'Assemblée nationale, instruite des doutes élevés sur le point de savoir si .L'élection des évêques et celle des curés doivent être faites au scrutin individuel ou autre scrutin de liste, ouï le rapport de son comité ecclésiastique, décrète ce qui suit : « L'élection des évêques et celle des curés se feront au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages, suivant les dispositions des articles 3 et 15 du titre II du décret du 12 juillet dernier, sur la constitution civile du clergé ; accepté le 24 août suivant. « Et cependant elle déclare bonne et valable l'élection faite par le corps électoral du département de 1a Creuse, selon les procès-verbaux du 28 novembre dernier et jours suivants, de la personne du sieur Jean-François Mourellon, curé de Neony, ci-devant arcbiprêtre d'Aubusson, à l'évéché du même département, si toutefois il remplit les conditions d'éligibilité prescrites par les décrets de l'Assemblée, acceptés et sanctionnés par le roi, attendu qu'il a obtenu la majorité absolue des suffrages. » (Ce projet de décret est adopté.)
annonce l'ordre du jour et lève la séance à trois heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes :
Adresse des tribunaux des districts d'Etampes et de Lodève, des nouvelles municipalités de
Figeac et d'Huningue, qui présentent à l'Assemblée leurs hommages et un dévouement sans bornes à l'exécution de tous ses décrets.
Adresse de la société des amis de la Constitution de la ville de Saint-Etienne, par laquelle elle supplie l'Assemblée de décréter constilution-nellement la publicité des séances des corps administratifs.
Adresse de la société des amis de la Constitution de la ville de Meaux ; elle exprime à l'Assemblée sa vive sensibilité sur l'honorable monument qu'elle a décerné à l'immortel auteur du Contrat social.
Adresse du sieur Jean-Baptiste l'Abbé, qui sollicite la bienfaisance nationale, pour avoir sauvé plusieurs personnes en danger dans la dernière inondation de la Loire. Adresse de plusieurs curés et vicaires de campagne des départements d'Eure-et-Loir et de Seine-èt-Oise.
Cette adresse est ainsi conçue (1) :
« Profondément affligés de l'égarement et de l'obstination malheureusement trop notoire d'un grand nombre de membres du clergé, nous nous empressons d'épancher notre douleur dans le sein paternel des augustps défenseurs de la cause publique, et de désavouer solennellement, autant qu'il peut dépendre de nousr toutes les protestations, déclarations, expositions de principes, discours ou insinuations tendant à empêcher l'exécution des lois décrétées par l'Assemblée nationale, et acceptées ou sanctionnées par le roi, ou à diminuer dans l'esprit des peuples le respect qui leur est dû.
« Ministres aussi d'une religion qui ne prêche que la paix et l'amour fraternel, chargés par état d'en exposer les principes, d'en faire aimer les préceptes à une petite portion de la grande famille des Français, nous nous bornerions à bénir le souverain modérateur de l'univers de ce qu'il nous a fait naître dans un siècle où l'heureuse Révolution, qui rend la liberté à la France, va faire refleurir la morale de l'Evangile dans toute sa pureté, si la conduite scandaleuse et perverse de ces hommes, que nous rougissons presque de nommer nos confrères, ne nous forçait de rompre le silence, et d'opposer hautement l'improbation la plus éclatante à leurs manœuvres impies. Toutes ces déclamations sacrilèges sont, à la vérité, les dernières et inutiles tentatives d'une cabale injuste et désespérée; mais elles n'en tendraient pas moins à nous plonger dans toutes les horreurs d'une guerre civile, si, comme autrefois, on pouvait encore égarer à ce point l'esprit des peuples; l'effet immédiat de cette résistance injuste et opiniâtre n'en est pas moins d'indisposer, d'indigner le peuple contre tout le clergé.
« Et de quel grand malheur la nouvelle constitution civile du clergé de France menace-t-elle donc notre sainte religion? Car, à les entendre, c'est uniquement sa cause qu'ils défendent ; et quoique de tous côtés, et notamment encore dans le département d'Eure-et-Loir, ils menacent, de la part de Dieu, des plus terribles châtiments quiconque aura la témérité d'acheter un pouce de terrain national, ils n'osent plus avouer hautement ce motif d intérêt. Deux choses surtout paraissent exciter leur indignation et font la matière de leurs plaintes hypocrites : la nouvelle
circonscription des diocèses et le mode adopté pour l'élection des pasteurs.
Mais que les bons ecclésiastiques ne s'y laissent pas méprendre : ou ce ne sont là que de vains prétextes, dont ceux qui les emploient sentent eux-mêmes toute la futilité ; ou, dans la destruction dé cet ancien ordre de choses, ils regrettent par-dessus tout, et cet étalage de grandeurs, dont la considération personnelle qu'on leur accordera ne les dédommagera pas, ep ce privilège presque exclusif qu'ils avaient, eux et les leurs, d'être promus aux places, non pas les plus utiles, mais les plus brillantes de la religion.
« Qu'importe, en effet, à l'Eglise de France d'être gouvernée par 150 évêques, ou de n'en avoir que 83 ? Et quand vous eussiez réduit le nombre à celui des métropolitains, le peuple en eût-il été moins instruit ? eût-il, pour cela, manqué des secours et des consolations de la religion ? On ose dire que la nation n'a pas eu le droit de toucher, quoique pour son plus grand avantage, à cette ancienne division ; comme si cette ancienne divisionétait elle-même autre chose que celle de l'Empire romain en métropoles et en cités ! Mais si on a suivi tout naturellement pour l'érection des premiers évêchés la division civile de l'empire, pourquoi ne la suivrait-on pas encore? Quoi, dans un moment où il est reconnu nécessaire d'effacer les limites antiques qui séparaient les provinces ; dans un temps où l'on a pu, sans réclamation, faire disparaître tous les rapports civils, politiques et commerciaux de ces anciennes divisions de l'Empire français, la juridiction ècclésiastique, juridiction purement spirituelle, serait la seule qui ne pourrait être circonscrite par de nouvelles bornes !
« Ce serait avec aussi peu de succès qu'ils attaqueraient cette disposition, si juste et si sage, par laquelle vous avez rendu au peuple le choix de ses pasteurs. Sans prendre ici pour objet de comparaison la plupart des choix que l'on faisait anciennement, sans relever l'absurdité qu'il y a d'invoquer aujourd'hui d'anciennes règles, qui, selon les détracteurs de la Constitution, rendent nécessaire l'influence directe du clergé dans les nominations, sans leur objecter que le clergé n'exerçait aucune influence réelle sur les nominations des collateurs laïcs, ni sur celles plus importantes que les rois s'étaient réservées ; ne pourrait-on pas se borner à leur soutenir que les choix du peuplé seront généralement bons? Qu'on en juge par ceux qu'il a déjà faits. (Nous ne parlons que de ceux faits directement par le peuple» et non de ceux auxquels il n'a eu aucune part.) Que fou considère l'Assemblée nationale ; que l'on porte ensuite ses regards sur tous les points dé ce vaste empire, et qu'on les y arrête sur les nouveaux tribunaux, sur lès corps administratifs; quelle foule d'heureux choix ! Le peuple, sans doute, en a fait quelques-uns de mauvais, et il est tel de ses serviteurs qu'il pourrait compter aujourd'hui au nombre de ses ennemis ; mais, heureusement, que le nombre en est petit I Eh ! ne doit-on paB plutôt admirer que le peuple, à peine sorti des ténèbres épaisses dans lesquelles on le tenait enchaîné depuis tant de siècles, ait su distinguer, en un instant, les hommes éclairés et intègres dont il avait tant besoin ?
« Et l'on dit qu'il se trompera dans le choix de ses pasteurs 1 Lui qui est pour nous un juge si sévère, lui qui sait que nous sommes par état les gardiens des mœurs, lui qui sait encore, et qui nous dit tous les jours, avec juste raison, que
nous devons être les premiers à donner l'exemple du respect pour les préceptes de morale dont nous lui recommandons la pratique I Croit-on de bonne foi que ce peuple qui, quoique adonné quelquefois à des vices grossiers, sait pourtant connaître et estimer la vertu, choisira pour précepteurs de morale des hommes dont la doctrine soit perverse ou la conduite scandaleuse, et qu'il leur confiera la première éducation de ses enfants? Non: qu'on ne le craigne pas. Il est une vérité bien consolante, et dont l'exercice de nos fonctions nous fournit de nouvelles preuves tous les jours : c'est qu'à quelque degré de corruption que puisse parvenir une société, l'amour du vrai et de l'honnête domine toujours parmi les hommes, et que le vice a infiniment moinB de partisans que l'honneur et la raison. Que sera-ce donc quand le peuple aura eu le temps de s'éclairer et de s'instruire! Alors on n'aura plus à craindre, de sa part, ni corruption, ni erreurs.
« C'est à nous à hâter cet heureux temps ; oui c'est aux ministres de la religion à redoubler d'efforts pour apprendre aux peuples et ce qu'ils doivent connaître, et ce qu'ils doivent faire, et ce qu'il leur importe d'éviter. Oh! combien avonB-nous dit de fois dans l'amertume de notre cœur : faut-il que les ministres de la religion soient les premiers à donner l'exemple d'une criminelle indifférence, ou d'une opposition plus criminelle encore! Faut-il que tous les curés, tous les prêtres utiles ne pensent pas à se réunir de cœur et de sentiments, et à opposer un concert unanime d'adhésions solennelles aux injustes diatribes de tant d'hommes qui, pour la plupart, ont été leurs oppresseurs ?
« Combien nous eussions prévenu de troubles, d'écarts et de désordres ; combien nous eussions empêché d'infortunes et de chagrins particuliers, si, nous élevant, dès les premiers jours de la Révolution, au-dessus des vils et affreux calculs de l'intérêt personnel, nous nous fussions déclarés hautement ce que nons devrions toujours être : de véritables apôtres de la justice et de la vérité, les fidèles amis des peuples qui nous sont confiés, leurs plus généreux défenseurs !
« 0 nos libérateurs, combien nous vous eussions épargné à vous-mêmes d'angoisses et de perplexités ; combien nous eussions facilité, abrégé même, en quelque sorte, vos immenses travaux, si, dans tout l'empire, nous nous fussions empressés d'assurer, par nos enseigne- J ments, la stabilité de vos sages décrets, et d'en ~ accélérer l'exécution par l'exemple de notre obéissance!
« Pères de la patrie, qu'il nous soit au moins permis de vous présenter la seule récompense qui puisse flatter véritablement l'homme de bien, la seule digne de vous : le témoignage de l'attachement et de la reconnaissance de ceux de nos concitoyens et des vôtres au milieu desquels nous vivons ! On vous bénit ici chaque jour ; on reçoit avec le plus grand respect, on exécute avec la plus parfaite soumission les lois salutaires que vous donnez dans votre sagesse. Chez nous les propriétés sont respectées, les impôts se perçoivent, la tranquillité règne, et nous ne nous apercevons de la Révolution que par ses bienfaits.
« Loin donc que le nouveau Gode de l'empire diminne en rien, comme le disent méchamment ses ennemis, le respect dû à la religion ou à ses ministres utiles, nous avons la douce satisfaction de voir que la lecture et l'explication que nous
aimons à faire, dans nos temples, de cette sublime Constitution que vous donnez à la France, rappelle au cœur de l'homme cet amour de la justice, ces sentiments de fraternité, qui avaient été affaiblis, mais non pas effacés par nos folles institutions. Nos frères sortent de ces instructions plus reconnaissants envers l'Etre suprême, plus disposés à remplir toutes leurs obligations sociales, et plus attachés à des pasteurs véri-diques, qui, en ne cessant de leur retracer leurs devoirs, ne craignent pas de leur faire connaître leurs droits, qu'ils ont trop longtemps ignorés.
« 0 vous donc, ministres d'une religion dont les maximes condamnent si hautement votre conduite; vous qui avez tant de fois calomnié le peuple et qui le craignez aujourd'hui, ou qui feignez de le craindre, apprenez à le connaître. Le peuple n'est que trop confiant; traitez loyalement avec lui, et il sera tout à vous; mais craignez de le tromper ; quelque ignorant qu'il vous paraisse, on ne le trompe pas deux fois impunément. Mais plutôt, revenez à votre devoir : consolez la religion, rassurez la patrie; ou si vous ne vous sentez plus dignes de vos places, hàtéz-vous d'en descendre et de les abandonner à d'honnêtes citoyens qui, moins égoïstes que vous, travailleront avec courage au maintien et à l'affermissement de la Constitution, de ce nouvel ordre de choses qui va tout purifier et tout régénérer, qui va rendre à la morale toute sa force, assurer à la religion sa véritable splendeur, et faire goûter aux habitants de ce superbe empire le bonheur auquel la nature les avait si visiblement destinés.
« Ce onzième jour de décembre, mil sept cent quatre-vingt-dix.
« Signé : Vaugeois, desservant du Mesnil-Simon ; J.-L. Fournier, curé de Berchères-sur-Vêgres; Garnier, curé de la Ville-''^vêque; Mauduit, curé deBoissets; Gollard, vicaire de Bu ; J.-P. Querrière, curé de Saint-Sulpice de la fîaye-sur-Vêgres. »
Il est inutile de fatiguer l'Assemblée d'adresses supposées, probablement aussi fausses que celle de la communauté de Saint-Sulpice.
11 ne faut pas dire que l'adresse de la communauté de Saint-Sulpice soit supposée. Elle n'est point fausse, parce qu'il n'y en a pas eu qui fut envoyée par cette communauté. C'est moi-même qui ai pris note de l'adresse à laquelle il est fait allusion; j'ai dit que les prêtres habitués de Saint-Sulpice avaient envoyé une députation; que cette députation était chargée d'une adresse pour l'Assemblée. Ces faits-là sont vrais; l'adresse est souscrite, elle n'est donc pas fausse et je n'ai jamais parlé de la communauté de Saint-Sulpice. (Applaudissements.) Je n'aurais certainement pas, d'ailleurs, fait connaître ce document à l'Assemblée avant de m'être assuré de son authenticité. {Applaudissements.) Un membre demande l'impression de l'adresse des curés et vicaires de campagne d'Eure-et-Loir et de Seine-et-Oise. (Cette motion est adoptée.) Un de MM. les secrétaires fait ensuite lecture des ; adresses suivantes : Adresse du sieur Fontaine, vicaire d'Amblain- ville, département de l'Oise, dans laquelle il expose les motifs de son entière adhésion à la cons-, titution civile du clergé. Adresse des ferblantiers de Paris, contenant une pétition contre le privilège obtenu en 1787, par le sieur Argan, pour une fabrication de lampes. Adresse des administrateurs du district de BU-lom; ils informent l'Assemblée des adjudications qu'ils ont faites des biens nationaux, à un prix beaucoup plus considérable que celui des évaluations.
Messieurs, je suis chargé de vous présenter une adresse des sous-officiers et soldats du régiment de Touratne, en garnison à Montauban. Elle est très propre à dissiper les soupçons qu'on a tâché de répandre sur les vertus patriotiques de ces braves militaires.
Voici ce document (1) :
« Le régiment de Touraine ne peut se voir, sans douleur, accuser au sein même de votre auguste Assemblée. Les inculpations qu'on s'est permises contre lui peuvent laisser, chez les personnes mal informées, des impressions funestes à son honneur. Ce serait pour lui le regret le plus cruel, que l'Assemblée pût douter un moment de ses principes. Il n'oubliera jamais que c'est à l'aide des calomnies et des insinuations les plus perfides, qu'on a rendu des soldats infortunés victimes des passions des uns et des égarements des autres. Dés les premiers jours de la Révolution, il s'est déclaré hautement le partisan le plus zélé de la Constitution ; il a juré de la défendre ou de mourir : les menaces, les entraves, la séduction n'ont pu un moment ébranler ses principes, et n'ont servi qu'à développer son patriotisme et sa fermeté.
« M. Feydel (sûrement trompé par des malintentionnés) l'accuse d'avoir maltraité des habitants dans leur propre maison, deux jours après son arrivée dans la ville de Montauban.
« Le régiment de Touraine, qui, dans tous les temps, a su se concilier l'estime et l'amitié de3 habitants des garnisons où il s'est trouvé, a-t-il pu mériter ce reproche dans la ville de Montauban ? Les malheurs de cette ville, ses dangers, ont dû rendre sans doute la vigilance de ce corps plus active, mais ce ne fut jamais un prétexte
gour lui de maltraiter même les ennemis de la onstitution.
« On l'accuse, en second lieu, d'avoir maltraité un citoyen de cette ville, dont tout le crime était d'avoir été garde du corps. Il est vrai qu'un soi-disant garde du corps, plus connu par sa corruption et sa haine pour la Constitution que par la qualité qu'il se donne, insultait dans beaucoup d'occasions les soldats du régiment de Touraine ; mais ils ne se sont jamais permis aucune voie de fait contre lui; ils se sont réduits, à son égard, aux sentiments qu'on doit à un ennemi faible et méprisable.
« La ville de Moissac, dit encore M. Feydel, a refusé deux compagnies du
régiment, parce qu'elles avaient porté le trouble dans celle de
Montauban. Ce refus purement généreux des habitants de Moissac avait une
cause plus honorable. Us sentaient qu'un affaiblissement dans la
garnison de Montauban pourrait ramener la scène du 10 mai ; ils savaient
aussi que ces scènes d'horreur ne pouvaient jamais se répéter aux yeux
des soldats de Touraine.
« C'est dans votre sein, Messieurs, que le régiment de Touraine porte encore une fois ses réclamations. Non, il n'a jamais maltraité des citoyens ; il respectera toujours, et vos décrets, et les citoyens qui les observeront ; il se rappellera toujours l'engagement qu'il a contracté avec les malheureux habitants de Montauban et avec tous les citoyens français. De vains prétextes de religion ne nous séduiront pas ; amis delà Constitution et de la tolérance, nous devons l'être de l'humanité ; nous volerons partout où le danger menacera un citoyen ; ses biens, ses propriétés, sa liberté, seront l'objet de nos veilles : ce sont nos engagements avec vous, avec toute la nation, et nous ne les violerons jamais.
« Nous avons l'honneur d'être avec respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
Les sous-ofliciers et soldats du régiment de Touraine.
« Signé : Chenaux, adjudant; Rochefort, adjudant; Paviez, sergent; Poirrin, sergent; Pity, caporal; Bouche, grenadier; Cheron, sergent; Dutrieux, fourrier; Pourcel, sergent-major; Lubin, sergent-major ; Morel, sergent-major; Dubois, sergent ; Furavel, sergent-major; Malherbe, sergent; Gérard, sergent-fourrier; Liebeaux, sergent; Ghas-seret, sergent; Duval, sergent; Lejeune, caporal; Paris, fusilier; Jullien, caporal; Holtzmann, fusilier ; Détaillé, caporal ; Diversay, chasseur; Vaslin, fusilier; La-plume, tambour; Degat, caporal; Vidal, caporal ; Mottard, fusilier ; Moro, appointé; Lecocq, appointé; Blancard, chasseur; Cabaret ; Lacour, sergent-major; Lemaire, sergent-major; Lavaine, sergent-major; Fondrain, sergent-major ; Mazoyé, sergent-major; Carmevilie, sergent. »
demande l'impression de cette adresse. (Cette motion est adoptée.)
annonce que MM Millin et Drouhin font hommage à l'Assemblée de la seconde livraison de leur ouvrage sur les Antiquités nationales. MM. les députés des invalides de la marine sont admis à la barre et présentent une pétition à l'Assemblée. L'Assemblée leur accorde les honneurs de la séance. Elle ordonne l'impression de l'adresse et le renvoi aux comités de marine et des pensions. Suit la teneur de cette adresse ; « Les députés des invalides de la marine, résidant dans le département de Paris, se présentent devant l'Assemblée nationale avec la confiance que leur inspirent les services de leurs commettants et les principes des représentants de la nation. « Le premier objet dont ils sont chargés est de professer un attachement invariable à la Constitution, respect pour les lois émanées de ce sanctuaire auguste, et amour pour le roi que la nature nous a donné dans un jour de faveur, pour ce père commun qu'ils ne séparent point de la patrie, et qui présente à l'idée d'un Français les affections les plus chères à son cœur. « Si les invalides de la marine, affaiblis par l'âge et les infirmités, ou privés d'une partie de leurs membres, ne peuvent plus être comptés au nombre des défenseurs de la liberté, ils en ont toute l'énergie, et ils espèrent que les sacrifices qu'ils ont faits seront surpassés par ceux de leurs enfants et de leurs frères d'armes. Oui, Messieurs, à cet attrait pour la gloire, qui a toujours distingué les Français, vont se joindre cet esprit national, cet amour de la patrie, cette sorte d'effervescence dans les âmes, qui donnent le mouvement et la vie à tous les projets, à toutes les actions d'un peuple de frères toujours unis par une intention principale, malgré les chocs particuliers des opinions qui l'agitent. « Les exemples éclatants du patriotisme de tout un peuple qu'on cite avec respect se renouvelleront parmi les Français sous un gouvernement libre ; nos âmes ne sont point dégénérées ; nous en attestons les mânes du brave du Couëdic et celles du généreux Désilles. « Telle sera, Messieurs, l'influence suprême de la Constitution et du patriotisme d'un bon roi. Les conseils intéressés sont déjà réduits au silence; le règne des dissensions, de l'égoïsme, fera place à celui de l'équité, et le meilleur des monarques aura la gloire de le maintenir. « Ce sont de ces jouissances prochaines, Messieurs, dont les invalides aiment à entretenir leurs enfants. Les sentiments doux n'excluent point la bravoure; ils s'unissent à l'humanité ; ils sont naturels, surtout à des hommes qui ont visité tous les peuples, et dont la vie a été exposée à tous les dangers; ils sont le premier besoin de l'âme qu'ils maintiennent satisfaite et paisible. « Les invalides de la marine, bons patriotes, et abjurant tous sentiments personnels, viennent donc vous représenter les besoins de leurs frères, officiers, matelots ou soldats, qui ont contribué comme eux à la masse de leurs fonds, et qui en attendent des secours. Us vous supplient, avec les plus vives instances, Messieurs; ils vous conjurent, ils nous ont chargés d'employer toutes les expressions capables d'intéresser votre sensibilité, et de vous déterminer à ne pas différer plus longtemps de vous faire rendre compte de leur administration particulière et paternelle, qui mérite votre protection, qui ne coûte presque rien à l'Etat, qui procure la subsistance à plus de 15,000 familles ou veuves, qui fait l'espoir de 100,000 autres, et à laquelle ils espèrent que vous applaudirez, lorsqu'elle vous sera connue. « Ils espèrent aussi, Messieurs, que vous trouverez juste de leur accorder une augmentation de solde, particulièrement à ceux qui, étant mutilés, sont hors d'état de travailler. « Enfin, les invalides de la iharine, dont la plupart sont pères de famille, ne demandent point d'asile particulier où ils puissent se retirer; ils savent qu'un semblable établissement absorberait les fonds qui sont le fruit de leurs économies et d'une administration vigilante ; mais ils demandent que ceux de leurs camarades qui sont sans famille et sans ressources soient admis dans les hôpitaux nationauxaux, quels ils abandonneraient leur solde, sauf la réserve que vous trouverez juste pour leurs besoins personnels. ,« S'il m'est permis, Messieurs, d'exprimer un sentiment particulier, je dirai qu'en me procurant le bonheur d'être leur organe auprès des
représentants de la nation, les invalides de la marine ont récompensé, au delà de mes espérances, mon zèle pour la prospérité d'une administration qui m'est confiée sous les ordres du ministre. J'espère donc, Messieurs, que vous ne désapprouverez point qu'en votre présence, je donne à ces braves vétérans, dont je partage tous les sentiments, les assurances les plus solennelles de mon entier dévouement à leurs intérêts. « Arrêté par nous, invalides de la marine, le 2 janvier 1791. « Signé: Ch.^Em. Micoud-Dumons,commissaire élu par les invalides de la marine; Lécuyer, secrétaire et commissaire; Daubanton, Gaudin, Bé-rard; marque de Claude Lucas -f- ; Léger, Chéron, Guerrier, Pamolle, Auriaux, Gauthier, Letailleur, Lafaye, Lebel, Verrier, Barbier; marque du sieur Etrieur +, marque du sieur Verdier 4-, marque du sieur Floquey +» marque de Ch. Dufaye, dit la Terrasse Cornu, Marchand, Biard, Lar-rieux, Perinet, Davo, Lebel, Trouillet, Jean-Baptiste Jeannot, Briois, marque de Pierre Présent -f-, Lucot, marque de Crepin Aunet, marque de Liégois -f-, marque de Chatagnon +, Verrier, Barbier, Guerrier, marque de René Hubert Fondeux, Tercet, marque de Roset +, marque du sieur Valentin +, Biard, marque de Jacques Durand +, marque du sieur Winard -f-, Parodé, Daubanton, B^sansoy, margue de Dufays -h Go-mant, marque d'Augustin Boisson+, marque de Jean Martin -f-, marque de Letreillard »
répond : De braves soldats, de bons Français, de bons citoyens ont toujours droit au plus vif intérêt de l'Assemblée nationale; elle prend en considération votre demande et vous accorde l'honneur d'assister à la séance. Il est ensuite donné lecture d'une adresse du directoire du département de la Seine-Inférieure, qui dénonce à l'Assemblée le n° 355 de ïAbeille politique et littéraire. (L'Assemblée en ordonne le renvoi au comité des recherches.)
au nom du comité des rapports. Je suis chargé de vous faire le rapport d'une réclamation de M. Tribert, qui a employé toute sa fortune à approvisionner de subsistances le département de Paris et celui dé l'Allier : suspecté d'accaparement, il a essuyé toutes les vexations possibles,quoique en 1789 vous l'eussiez mis sous la protection de la loi. Il continua en 1790 les approvisionnements; mais il éprouva encore de plus grandes vexations dans le département de la Vienne. On détruisit ses usines, ses moulins économiques, qu'il avait fait construire ; on pilla ses magasins, on enleva ses chevaux, on le menaça de l'égorger. Il vint se réfugier à Paris pour solliciter l'Assemblée nationale d'avoir égard à sa position et de lui accorder une indemnité. Vous avez décrété que tout citoyen qui aurait rendu des services à sa patrie, et qui aurait fait des sacrifices pour elle, ou aurait essuyé des pertes, en serait récompensé ou indemnise par des pensions ou des gratifications. Votre comité vous propose donG d'ordonner qu'il sera accordé à M. Tribert une indemnité, après qu'il aura donné des preuves probantes des pertes qu'il a essuyées. Voici le projet de décret que nous croyons devoir vous présenter : u L'Assemblée nationale, prenant en considé- ration les pertes et les vexations de tout genre qu'a éprouvées le sieur Joseph-Jérémie Tribert, négociant à Poitiers, qui a sacrifié la plus grande partie de sa fortune à servir la chose publique et à procurer des subsistances tant au département de la Vienne qu'à celui de Paris, déclare : « 1° Que s'en référant à son décret du 21 avril 1790, elle met sous la sauvegarde de la loi le sieur Joseph-Jérémie Tribert et sa famille ; . « 2° Que conformément aux articles 2, 3 et 6 du décret de l'Assemblée nationale sur les pensions, il sera accordé au sieur Tribert une somme pour indemnité des pertes et vexations qu'il a éprouvées, à charge par lui de produire les pièces probantes de ses pertes et vexations; « 3° L'Assemblée renvoie l'affaire Tribert à son comité des pensions pour régler la quotité de la somme qui pourra lui être accordée. »
Messieurs, votre humanité vous fait un devoir d'adopter le décret proposé; vos lois antérieures prononcent en toutes lettres que tout citoyen qui aura fait pour la patrie des sacrifices réels sera recevable à demander des indemnités. Or, le sieur Tribert est dans ce cas.il est de fait qu'il a nourri de sa fortune le département de la Vienne et celui de Paris et qu'il n'a point été payé.
Je demande le renvoi de cette affaire au pouvoir exécutif. Vous avez rendu un décret général sur les récompenses et les indemnités à accorder aux services publics, et pour les sacrifices faits à l'Etat; qui doit exécuter cette loi ? c'est le pouvoir exécutif... Je profite de cette occasion pour observer à l'Assemblée qu'il est du plus grand danger de présenter au Corps législatif des pétitions qui intéressent l'humanité, et qui en excitant la générosité nationale pourraient entraîner l'Assemblée hors des bornes d'une sage économie. Vous ne devez d'ailleurs, pas plus que vos comités, vous charger des détails de responsabilité.
La raison du préopinant serait marquée au coin de la justice si le sieur Tribert se présentait pour la première fois à l'Assemblée. Mais le décret actuel n'est que l'exécution d'un décret antérieur rendu dans le mois de janvier dernier ; ce décret a été enfreint dans sa personne par les vexations qu'il a éprouvées. Le peuple n'a pas voulu rendre hommage à la loi; aussi le sieur Tribert s'est présenté de nouveau à l'Assemblée, qui a renvoyé à son comité des rapports et celui-ci vous présente à son égard un projet de décret et j[e demande qu'il soit adopté.
(de Saint-Jean-d1 Angély). J'appuie la proposition du renvoi au pouvoir exécutif; mais seulement pour la vérification des faits, et pour vous proposer la quotité de l'indemnité par l'organe de votre comité. Le pouvoir exécutif n'a pas d'argent; il ne peut en donner.
Je suis du même sentiment que le préopiuant. Le pouvoir exécutif ne doit rien vous faire dépenser sans votre concours. Il faut que les faits soient vérifiés par lui, mais qu'en dernière analyse la demande en indemnité soit présentée au Corps législatif, avec les observa tioas de son comité.
J'appuie l'amendement proposé ' par M. Regnaud ; renvoyez l'affaire au pouvoir
exécutif pour vérifier, autant qu'il est en lui, ces objets et qu'il vous les renvoie de suite avec les certifications aux fins de voir s'il y a contraste ou non avec ce que vous avez décrété.
Vous avez décrété que les pensions et les gratifications ne seront accordées que Sur l'avis des directoires de département; c'est donc à eux à vérifier les faits.
, rapporteur. Il est inutile d'ordonner une mesure qui appartient au pouvoir exécutif; c'est à lui à consulter les départements. L'Assemblée adopte le décret Suivant : « L'Assemblée nationale, conformément aux articles 2, $ ét 6 de son décret sur les pensions, en date des 10, 16, 23, 26 et 31 juillet dernier, décrète qu'elle renvoie au pouvoir exécutif, pour vérifier les faits relatifs aux pertes et vexations de tout genre qu'a éprouvées le sieur Joseph-Jérémié Tribert, négociant à Poitiers, et proposer ensuite une indemnité qui sera jugée convenable, et proportionnée aux dommages qu'il a essuyés ; pour, sur le compte qui en sera rendu, sous quinze jours, à l'Assemblée nationale, être accordé par elle les fonds nécessaires au payement de ladite indemnité. » L'ordre du joUr est lin rapport du comité de Constitution sur ta pétition des auteurs dramatiques.
Rapporteur. Messieurs, vous avez chargé votre comité de Constitution de vous rendre compté de la pétition des auteurs dramatiques; et, par ce renvoi, vous avez semblé préjuger la question qui vous est soumise.
Elle tient réellement aUfc principes de la liberté et de la propriété publiques ; elle doit être décidée par Ces principes.
Les auteurs dramatiques demandent la destruction du privilège exclusif qui place dans la capitale un théâtre unique où sont forcés de s'adresser tous ceux qui ont composé des tragédies ou des comédies d'un genre élevé ; ils demandent que les comédiens attachés à ce théâtre ne soient plus, ni par le droit, ni par le fait, les possesseurs exclusifs des chefs-d'œuvre qui ont illustré la scène française; et* en sollicitant pour les auteurs et leurs héritiers ou cessionnaires la propriété la plus entière de leurs ouvrages pendant leur vie et cinq ans après leur mort* ils reconnaissent et même ils invoquent les droits du public, et ils n'hésitent pas à avouer qu'après le délai de cinq ans, les ouvrages des auteurs sont une propriété publique.
Les comédiens, vulgairement connHg sous la dénomination de comédiènB français» se permettent de convenir qu'il ne peut plus exister de privilège exclusif, et ils vont jusqu'à avouer qu'il peut être établi dans la capitale un autre théâtre où pourront» comme sur le leur, être représentées les pièces qu'ils ont jusqu'à présent regardées comme.leur domaine particulier.
Mais ils prétendent être propriétaires sans partage des chefs-d'œuvre de Corneille, Racine, Molière, Crébillon et autres, et de tous les auteurs qui, par la disposition d'un règlement, ont, suivant les comédiens, pferdu leur propriété, ou qui, sous la loi d'un privilège exclusif, ont traité avec eux.
Tel est le débat que vous devez terminer par
une loi générale sur les spectacles, sur la propriété des auteurs, et sur la durée qu'elle doit avoir ; enfin il est nécessaire, puisque la matière se présente, que vous fassiez quelques dispositions législatives sur la police des spectacles.
Les auteurs dramatiques devaient, autant et plus que tous les écrivains, être libres dans le choix de ceux qui représentent leurs ouvrages et dans l'expression de leur pensée.
Le public devait avoir la propriété de ces chefs-d'œuvre, qui, plus et mieux que les conquêtes de Louis XIV, ont illustré son règne ; et chacun devait être maître de s'emparer des ouvrages immortels de Molière, de Corneille et de Racine, pour essayer d'en rendre les beautés et de les faire connaître.
Mais le despotisme qui flétrissait tout, qui portait ses regards sur toutes les institutions pour les maîtriser, avait envahi cette propriété commune et l'avait mise éh privilège exclusif.
Cela n'était pas étonnant, lorsqu'une administration vicieuse avait tout transformé en privilèges, et que son unique système semblait être de blessér les droits de tous pour Servir quelques intérêts particuliers, lorsque l'inquisition de la tyrannie était placée jusqu'à côté du talent et de la pensée pour étouffer l'Un et gêner l'autre.
Mais cé qui doit surprendre, c'est qu'il y ait une petite aggrégation d'hommes qui se prétendent encore possesseurs d'un privilège qui leur donne la propriété exclusive des œuvres de tous les autèurS dramatiques, et qui, s'établissant les héritiers privatifs de tous les génies qui ont rendu la France célèbre, veulent qu'ils ne parviennent au public que par eux, et que tous tes citoyens n'aient pas comme eu£ la faculté de iouer les ouvrages dramatiques dont s'honorent le dix-séptième et le dix-huitième siècle.
Les comédiens français soutlennneht que les pièces de Corneille, de Racine, de Molière, de Voltaire et autres sont leur propriété.
Si on lisait cette phrase à un homme fort instruit des principes des gouvernements, mais ne sachant ni l'histoire de celui dont nous sommes débarrassés, ni celle de la superbe Révolution qui nous ramène aux maximes pures de l'ordre social, il regarderait comme un délire une semblable prétention, et il ne croirait pas qu'elle fût née parmi des hommes qhe leur état, consacrant à l'étude des chefs-d'œuvre de l'esprit humain, aurait dû rendre apôtres religieux de la maxime qui fait de ces chefs-d'œuvre une propriété publique, et qui n'admet une exception à cette règle générale, que pour l'intérêt des auteurs et la Conservation du droit qu'ils ont de retirer un honorable salaire de leur glorieux travail.
Les comédiens français, après avoir longtemps, à l'aide d'un privilège exclusif, subjugué les auteurs dramatiques, et par un étrange renversement dans l'ordre des choses, les avoir rendus leurs tributaires, sont devenus leurs adversaires, quand CéuX-ci ont réclamé les droits que venait de leur rendre Une Constitution libre; pour prendre ce rôle, ils n'ont eu qu'un changement de mots à faire, ils ont appelé propriété leur privilège.
Dans le mémoire qu'ils ont donné pour essayer d'opérer cette utile métamorphose, ils ont fixé la discussion à quatre points principaux, qui réellement peuvent faire passer sous vos yeux tous les objets de la pétition des auteurs dramatiques.
Ces derniers, après avoir exposé le régime ty-rânnique sous lequel ils ont vécu, ont demandé qu'il fût permis à tout citoyen d'établir un théâ-
tre public sous l'inspection de la municipalité des lieux ;
Que de règlements arbitraires ne fussent plus ciaudestinement faits par des commissaires que la loi ne connaît pas ; que ces règlements fussent l'ouvrage des municipalités... Que toutes les pièces des auteurs, morts depuis cinq ou dix ans et plus, pussent être jouées sur tous les théâtres qui s'établiront ou qui sont établis... Que la même faculté fut donnée aux auteurs vivants de faire jouer leurs pièces partout, et qu'elles ne pussent être jouées que de leur consentement, sauf les actes qu'ils auraient pu passer avec des troupes de comédiens.
De là, ont dit les comédiens établis près le Luxembourg, il résulte qu'il faut examiner :
Notre privilège exclusif ;
La demande d'établissement d'un second théâtre;
La propriété des pièces des auteurs morts;
La propriété des pièces des auteurs vivants.
Il faut observer sur l'énonciation de la seconde question » qu'elle est contraire à la pétition des citoyens qui s'occupent dej'art dramatique; ils ne demandent pas l'établissement d'un second théâtre; ce serait, comme ils l'ont fort bien observé, diviser le privilège et non l'abolir ; ils demandent la libre faculté pour tous les citoyens ^'établir un théâtre public. Jadis les auteurs dramatiques auraient pu se borner à demander un second théâtre ; ils auraient été obligés de composer avec une administration qui ne connaissait que les privilèges; aujourd'hui ils ne pouvaient parler, ils n'ont parlé que de liberté.
Les comédiens n'ont pas osé soutenir la partie la plus saillante de leur privilège. Ils renoncent à être les seuls à Paris qui puissent jouer des tragédies; ils consentent à l'établissement d'un second théâtre, c'est leur langage, et par conséquent à rétablissement de plusieurs théâtres.
Il faut examiner si cette liberté doit être accordée, si les principes la réclament, si l'intérêt de l'art la sollicite, si ie bon ordre n'en peut pas souffrir.
Nous croyons, Messieurs, que cette question est du nombre de celles qui, pour recevoir leur décision, n'ont besoin que d'être exposées.
L'art de la comédie doit être libre comme tous les autres genres d'industrie ; ce talent, longtemps flétri par le préjugé, a enfin pris, au nom de la raison et de la loi, la place qu'il doit occuper dans la société : qu'il soit permis à chacun de l'exercer, et que seulement une surveillance de la police municipale empêche les abus qui tiennent, non à l'exercice de l'art, mais aux fautes des comédiens.
Il est désormais très reconnu que chacun doit à son gré exercer son industrie ; ce n'est que sous le règne des privilèges qu'on met des entraves à cette faculté de l'homme, et on cherche à cet abus d'autorité de frivoles prétextes dans le perfectionnement de l'art, dans la conservation des mœurs.
Le perfectionnement de l'art tient à la concurrence; elle excite l'émulation, elle développe le talent» \elle entretient des idées de gloire, elle réunit l'intérêt à l'amour-propre, et tourne au profit du public ces deux sentiments, qui, quand ils sont séparés, ne sont pas toujours assez vifs chez les hommes pour les exciter à de pénibles travaux.
r La conservation des mœurs est assurée par l'inspection de la police municipale ; il faut que les spectacles épurent les mœurs, donnent des
leçons de civisme, qu'ils soient une école de patriotisme, de vertu, et de tous ces sentiments affectueux qui font la liaison et le charme deâ familles, et qui, pour ne composer que des vertus privéeè, n'en sont pas moins les garants et les précurseurs des vertus publiques.
C'est à la concurrence, c'est à la liberté que nous devrons cette perfection du théâtre, tandis que nous perdrions à jamais l'espoir de trouver dans nos amusements une grande école nationale, si le spectacle était un lieu privilégié, et si l'imagination des auteurs était soumise au despotisme d'hommes à privilèges; car par la force des choses ils sont despotes.
Les amis de l'ordre public et des mœurs, qui le sont toujours des principes et de la liberté, les amateurs des arts ne doivent former qu'un souhait : c'est que les farces ridicules et souvent licencieuses ne déshonorent plus nos théâtres et n'amolissent plus nos esprits; c'est que partout les spectacles donnent quelque chose à apprendre, et que toutes les pièces fassent désormais gagner la patrie, en formant de meilleurs citoyens. Espérons qu'un règlement sage dirigera cette partie de l'éducation publique; car c'en sera une alors, et consacrons le principe, qu'il est libre à tout citoyen d'établir un théâtre.
Vous ne vous laisserez pas sans doute arrêter par ces objections trop futiles qui nous entourent.
Il y aura trop de spectacles ; les citoyens seront détournés de leurs occupations utiles; les provinces seront fatiguées de troupes de comédiens, s'ils peuvent jouer dans tous les lieux en faisant leur déclaration à la municipalité.
Laissez à l'intérêt le soin de ne former que des établissements qui pourront être avantageux; laissez encore à ce guide très sûr le soin de tempérer le goût des spectacles, et de préférer des occupations lucratives à des délassements dispendieux. Tant mieux au reste, tant mieux si, quand les spectacles auront pris un air de liberté, quand ils seront épurés par son régime sévère, on fréquente des spectacles instructifs.
Et à Paris y en aura-t-il jamais plus qu'il n'y en a? A des spectacles frivoles seront substitués des spectacles que l'esprit patriotique pourra avouer, et vous verrez périr ces farces de la foire, dont le goût et la vertu s'indignent également.
Quant aux provinces, nous qui en sommes habitants, nous savons que, moins qu'à Paris, les spectacles sont dangereux, parce que, moins qu'à Paris, les scènes grossières ou licencieuses avaient le don de nous séduire.
Nous savons qu'une troupe établie dans une petite ville trouve avec peine des spectateurs pendant un mois; que les municipalités cherchaient souventdes comédiens et n'en trouvaient pas ; et que la faculté d'élever des théâtres ne peut être exercée que dans les très grandes villes, où les théâtres sont indispensables, et où la concurrence devrait être excitée par le gouvernement, si elle n'était pas autorisée par la première loi, celle de la raison.
Il ne se formera plus de grands comédiens... Eh pourquoi doncl Parce qu'ils seront libres d'aller d'un théâtre à l'autre, quand ils se déplairont dans celui qu'ils auront d'abord choisi; parce qu'ils pourront plutôt faire connaître leurs talents, y ayant plus de lieux où les exercer; parce qu enfin ils seront dégagés de toutes ces entraves auxquelles le régime actuel les assujettit?
Il est même à remarquer que par une heureuse sympathie les grands talents se cherchent et se réunissent. C'est surtout dans l'art du théâtre que cette vérité est plus pratique. Toutes les fois qu'un spectacle renfermera deux ou trois comédiens célèbres, ceux qui les égaleront dans d'autres rôles chercheront à se réunir à eux, et ce théâtre acquerra ainsi la seule suprématie qui soit utile, celle des talents.
Il y avait autrefois deux troupes de comédiens à Paris ; c'était le sujet de querelles et de rivalités ; Louis XIV les réunit.
Vous parlez d'établissements, qui, dans la naissance des lettres, formèrent des partis entre ces personnages, qui, suivant la mode du jour, s'érigeaient en protecteurs des arts, et dont quelques-uns d'eux étaient digues de monter plus haut eu les cultivant. Il est tout simple que deux théâtres aient produit l'effet que vous rappelez; quand c'est le despotisme qui, pour dédommager un peu l'humanité et occuper les esprits,se charge de taire fleurir les arts, la concurrence dans les spectacles peut être plutôt un sujet de querelles qu'un moyen de perfection : il n'y a plus que des protecteurs et des protégés; et les protégés n'ont de talent qu'en raison du crédit de leurs protecteurs. Sous la liberté, c'est le mérite qui prévaut, la concurrence ne fait que l'exciter.
Et voyez comme, dans les choses qui semblent les plus simples, le despotisme a toujours la même marche et la même influeoce.
On a d'abord donné douze mille francs de gratification; les comédiens qui les ont reçus ont pris le titre de comédiens du roi, pour préparer ou consolider leur privilège exclusif. Des officiers de la maison du roi furent chargés de la distribution de ces douze mille livres; ils usurpèrent la police, la législation réglementaire des spectacles; ils devinrent les arbitres souverains des auteurs et des acteurs.
Qu'en est-il résulté? que les acteurs n'ont plus été que des courtisans subalternes, et se sont plus occupés d'obtenir la laveur des hommes en place que les applaudissements du public; que les auteurs, jouets perpétuels des intrigues de coulisse, indignés de la morgue et de l'air suffisant de ceux dont ils employaient l'organe, y ont pourtant sans cesse été exposés ; que les talents en ont souffert, qu'ils ont été découragés par les auteurs, arrêtés par cette censure inquisitoriale qui épiait dans chacun de leurs vers un axiome de liberté et de raison pour l'effacer, et souvent le dénoncer à ceux qui vivaient d'esclavage.
Il s'est formé d'étonnants chefs-d'œuvre, il s'est échappé quelques pièces qui présentent toute la raison embellie des charmes de notre poésie, et les discours fiers des hommes libres. Cela est vrai, mais c'est que le génie rompt quelquefois les digues que les institutions les plus barbares lui opposent; sûrement Racine, Molière, Corneille, Voltaire, Crébillon et beaucoup d'autres auraient existé dans un pays libre ; mais s'il n'y avait eu ni privilèges, ni despotisme, ils auraient eu plus de disciples, et peut-être des émules.
Il a fallu tout l'ascendant que Voltaire avait pris sur la nation, pour obtenir qu'on jouât quel-ques-unes de ces pièces où son génie, traversant un siècle, atteignait la Révolution actuelle, et semblait la prédire et l'accélérer ; encore il n'avait pas pu soutenir au théâtre quelques-uns de ses chefs-d'œuvre que nous reprenons maintenant, et souvent la morgue comique a exigé de lui des sacrifices, auxquels un privilège exclusif l'a forcé de s'abaisser.
Voudrait-on qu'il subsistuât encore un lieu où les auteurs fussent forcés d'aller porter et soumettre leurs productions? Voudrait-on que celui qui parlerait avec énergie de liberté et de haine des tyrans, fût forcé d'effacer ces maximes sacrées, si une troupe privilégiée ne voulait pas les proférer? Voudrait-on que la police, les règlements des spectacles fussent faits par des hommes privilégiés, par des commissaires illégaux, qui n'auraient aucun caractère public ?
Non ; que pour le bien de l'art et la conservation de nos principes, il n'existe plus de privilèges ; que chacun jouisse du droit d'élever des théâtres et de prendre ce moyen légitime d'exercer son industrie ; que les auteurs puissent s'adresser à d'autres comédiens, quand ceux auxquels ils auront proposé leurs pièces leur feront éprouver d'injustes ou d'insultantes difficultés.
Je dois dire un mot sur la propension des comédiens à s'emparer d'un privilège exclusif. Tout en semblant y renoncer, ils s'intitulent : « Théâtre de la Nation ; » ce titre ne serait que ridicule s'il ne présentait pas l'enseigne d'un privilège exclusif, d'autant plus condamnable que la nation semble y prendre part.
Sans doute, il nous suffit de remarquer cette inconvenance, pour avertir les comédiens que leur théâtre n'est pas plus celui de la nation que ne le sont et ne le seront tous ceux dans lesquels on donnera des pièces que le goût, les mœurs et le patriotisme pourront applaudir.
De tout cela, il résulte que nous pensons que tout citoyen doit pouvoir élever un théâtre; qu'il ne suffirait pas d'en permettre deux, parce que ce ne serait que diviser le privilège et non le détruire ; que le droit de former des établissements de ce genre est une suite du droit naturel qui appartient à tout homme d'exercer son industrie; qu'ainsi restreindre ce droit, c'est véritablement le rendre exclusif en faveur de quelques personnes, et par conséquent agir contre tous les principes sur lesquels vous travaillez depuis que vous êtes assemblés ; enfin, qu'il faut que la municipalité ait la police sur les spectacles.
Il reste maintenant à examiner la propriété des pièces des auteurs morts et de ceux qui sont vivants.
Quoiqu'il y ait quelque distinction à faire entre les uns et les autres, cependant les deux questions se tiennent par trop de rapports généraux pour que nous les séparions.
Nous vous avons lu, Messieurs, la phrase qui constate la prétention des comédiens, de s'approprier toutes les pièces des auteurs morts ; et reculant à leur gré l'époque de leur propriété, ils croient que cent ans de jouissance ne les oui pas dédommagés, ni leurs prédécesseurs, du léger honoraire que ceux-ci ont donné pour les chefs-d'œuvre dont ils veulent être exclusivement les déclamateurs.
Peut-être ne devrions-nous pas traiter sérieusement cette prétention ; c'est à la gravité de l'Assemblée que nous rendons hommage en posant quelques principes à cet égard.
La plus sacrée, la plus légitime, la plus inattaquable et, si je puis parier ainsi, la plus personnelle de toutes les propriétés, est l'ouvrage, fruit de la pensée d'un écrivain ; cependant c'est une propriété d'un genre tout différent des autres propriétés.
Quand un auteur a livré son ouvrage au public, quand cet ouvrage est dans les mains de tout le monde, que tous les hommes instruits le
connaissent, qu'ils se sont emparés des beautés qu'il contient, qu'ils ont confié à leur mémoire les traits les plus heureux ; il semble que dès ce moment l'écrivain a associé le public à sa propriété, ou plutôt la lur a transmise tout entière; cependant, comme il est extrêmement juste que les hommes qui cultivent le domaine de la pensée tirent quelque fruit de leur travail, il faut que, pendant toute leur vie et quelques années après leur mort, personne ne puisse, sans leur consentement, disposer du produit de leur génie. Mais aussi, après le délai fixé, la propriété du public commence, et tout le monde doit pouvoir imprimer, publier les ouvrages qui ont contribué à éclairer l'esprit humain.
Voilà ce qui s'opère en Angleterre pour les auteurs et le public, par des actes que l'on nomme tutélaires, ce qui se faisait autrefois en France par les privilèges que le roi accordait, et ce qui sera dorénavant fixé par une loi ; moyen beaucoup plus sage et le seul qu'il convienne d'employer.
Les auteurs dramatiques demandent à être, les premiers, l'objet de cette loi.
Il nous paraît que cette demande est fondée sur les maximes les plus claires de la justice; les comédiens sont, pour les auteurs dramatiques, ce que les imprimeurs et les libraires sont pour les écrivains; les uns et les autres transmettent au public les pensées des hommes de génie, à cette différence près que les comédiens sont bornés à l'enceinte du théâtre sur lequel ils jouent, et que les autres n'ont que le monde pour limites.
Quant aux auteurs vivante, leur propriété doit être considérée sous plusieurs aspects; les uns ont pu passer des actes translatifs de toute leur propriété, de manière que leurs ouvrages soient devenus celle des comédiens auxquels ils l'ont cédée.
Les autres n'ont vendu que la faculté de jouer leurs pièces, et sont libres de traiter sur la même faculté avec toutes les autres troupes de comédiens qui s'établiront ou qui sont établies.
C'est aux tribunaux à juger la valeur des actes qui ont été passés.
Mais il est une autre classe d'auteurs : ce sont ceux qui, sous l'empire d'un privilège exclusif et d'un règlement injuste, ont vu les comédiens français conquérir leur propriété et en devenir les héritiers anticipés.
Vous savez, Messieurs, que quatre officiers du roi s'étaient emparés de la législation du théâtre, et avaient soumis les auteurs dramatiques à un règlement auquel ces derniers avaient été forcés de consentir, parce qu'ils n'avaient aucun moyen d'obtenir un meilleur sort.
Ce règlement, enté sur un autre règlement, porte que toute pièce qui n'aura pas produit 1,500 livres de recette en hiver, et 1,000 livres en été, appartiendra aux comédiens.
Quelques auteurs dramatiques n'ont point été la victime d'une loi si bizarre; et quand le privilège exclusif aura péri comme tous les autres abus, ils pourront porter librement sur tous les théâtres le fruit de leurs veilles.
Mais d'autres, en très grand nombre, ont vu leur propriété sortir de leurs mains, et par une espèce de droit de conquête passer dans celles des comédiens : la loi leur rendra ce qu'on n'a pas pu leur ravir, ce qui est une véritable spoliation que rien ne peut légitimer.
Certes il n'y a aucune justice dans cette disposition réglementaire; car c'est faire dépendre une chose sacrée, la propriété, de la fantaisie, de la
nésligence, des manœuvres de ceux qui ont intérêt de l'envahir. On sait très bien qu'il y a beaucoup de moyens d'exciter, de ménager la curiosité du public, et de soutenir ou de faire tomber une pièce, ce que les comédiens, toujours heureux en expressions palliatives, appellent dans les règles.
C'était déjà beaucoup que ce règlement déterminât la quotité qu'aurait un auteur dans la recette que produit sa pièce ; car c'était faire pour lui un contrat que lui seul a le droit de faire avec les comédiens, et sa misérable part était le septième.
Mais c'est le comble de l'injustice que de lui dire : Si les comédiens jouent lâchement votre pièce; s'ils la placent à un jour où le public est entraîné à d'autres amusements; s'ils la joignent à une pièce qui éloigne les spectateurs ; enfin, tous ces si que la malveillance ou l'intérêt rend non seulement très probables, mais très fréquents, c'en est fait de votre propriété. Il n'a pas pu exister une loi pareille, elle ne peut pas être reconnue, elle ne peut pas avoir d'effets ; c'est beaucoup trop que les comédiens en aient joui, elle ne peut plus leur servir de titre. L'auteur n'a point perdu sa propriété par un règlement aussi injuste. Il a le droit de reprendre sa pièce, et d'empêcher qu'on la joue sans son consentement.
Il y a plus ; tout favorable que leur fût ce règlement, les comédiens l'ont violé. Ils y ont manqué de la manière la plus étonnante, et par là ils auraient rendu nuls les effets de la loi la mieux établie.
La recette devait être moindre de 1,500 livres en hiver, et de 1,000 livres eu été ; il fallait, pour calculer la recette, joindre les loges à l'année au produit de la distribution des billets : on a mis celles-là à part pour ne compter que la recette des autres ; ainsi on a enfreint le règlement pour dépouiller plus sûrement les auteurs.
Telles sont, Messieurs, les raisons qui nous décident pour la pétition des auteurs dramatiques.
L'intérêt des comédiens eût été d'y consentir et de se joindre aux auteurs de cette pétition pour solliciter votre décret. Leur existence, leurs talents, l'habitude du public leur répondent qu'avec quelques efforts, ils auront un avantage décidé sur leurs concurrents. Ils seront à la place où ils doivent être, encourageant les productions littéraires par les charmes dont ils les parent, jouissant de leurs talents que l'infériorité de leurs émules fera davantage ressortir, formant des contrats libres avec les auteurs, et cessant de commencer par être des usurpateurs heureux pour devenir des propriétaires légitimes,affranchis enfin de ce servage avilissant pour les arts, et n'étant plus que sous l'inspection sage des magistrats du peuple.
Je ne sais pas, Messieurs, si je dois vous entretenir d'une réclamation acccessoire faite pour soutenir la prétention des comédiens, et qui ne me paraît qu'offensante jpour eux ; c'est la réclamation de personnes qui se disent créanciers du Théâtre-Français.
On ne conçoit guère ce que peut faire, dans une question de cette nature, l'intervention des créanciers. Si la destruction des privilèges, si le renversement de tous les abus avaient tenu à l'inquiétude des créanciers de ceux qui vivaient de privilèges et d'abus, il se serait opéré peu de réformes.
Les comédiens ont des engagements, ils y sa-
tisferont ; leur état, loin de diminuer par la concurrence et la liberté, doit augmenter par l'émulation et le perfectionnement des talents; pourquoi leurs créanciers doutent-ils des efforts qu ils feront et des moyens qu'ils auront pour attirer le public à leur beau spectacle? Longtemps encore, ou pour mieux dire, toujours, les comédiens qui ont un établissement tout formé, qui ont des talents distingués, qui ont montré un zèle auquel nous nous plaisons à rendre justice, auront de grands avantages sur leurs concurrents ; et si les créanciers n'ont pu raisonnablement compter que sur la fidélité et les talents de leurs débiteurs, ils n'ont rjen perdu des sûretés sur,lesquelles ils ont spéculé.
Je n'ai plus qu'à vous parler d'une disposition de police que vous trouverez dans le projet de décret que je vous propose.
Sans doute, vous avez été souvent scandalisés de ces satellites armés qui sont dans l'intérieur des salles de spectacle, et qui mettent les signes de l'esclavage et de la contrainte à côté des plaisirs paisibles des citoyens.
Il faut sûrement que le bon ordre et la tranquillité régnent dans ces lieux où beaucoup d'hommes se rassemblent ; il peut être quelquefois nécessaire d'employer la force publique pour calmer des gens qui cherchent à mettre le trouble et pour faire observer les règlements ; mais, pour cela, il n'est pas nécessaire que des baïonnettes entourent les spectateurs, et que tous les yeux rencontrent les signes de la défiance de l'autorité armée. Des officiers civils dans l'intérieur delà salle et une garde extérieure qui puisse être par eux requise au besoin, voilà toutes les précautions que l'ordre public réclame, que la raison autorise et que le régime de la liberté puisse permettre.
Voici le projet de décret que le comité de Constitution m'a chargé de vous présenter :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de Constitution, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Tout citoyen pourra élever un théâtre public, et y faire représenter des pièces de tous les genres, en faisant, préalablement à l'établissement de son théâtre, sa déclaration à la municipalité des lieux. Art. 2.
« Les ouvrages des auteurs morts depuis cinq ans, et plus, sont une propriété publique et peuvent, nonobstant tous anciens privilèges, qui sont abolis, être représentés sur tous les théâtres indistinctement» » Art, 3.
« Les ouvrages des auteurs vivants ne pourront être représentés sur aucun théâtre public, dans toute l'étendue de la France, sans le consentement formel, et par écrit, des auteurs, sous peine de confiscation du produit total des représentations au profit des auteurs. Art. 4.
• La disposition de l'article 3 s'applique aux ouvrages déjà représentés, quels que soient les anciens règlements; néanmoins,les actes qui auraient été passés entre des comédiens et des auteurs vivants, ou des auteurs morts depuis moins de cinq ans, seront exécutés. Art. 5.
c Les| héritiers ou les cessionnaires des au-
teurs seront propriétaires de leurs ouvrages, durant l'espace de cinq années, après la mort de l'auteur. Art. 6.
« Les entrepreneurs, ou les membres des différents théâtres seront, à raison de leur état, sous l'inspection des municipalités; ils ne recevront des ordres que des officiers municipaux, qui ne pourront pas arrêter ni défendre la représentation d'une pièce, sauf la responsabilité des auteurs et des comédiens, et qui ne pourront rien enjoindre aux comédiens que conformément aux lois et aux règlements de police, règlements sur lesquels le comité de Constitution dressera incessamment un projet d'instruction. Provisoirement les anciens règlements seront exécutés. Art. 7.
« II n'y aura au spectacle qu'une garde extérieure, dont les troupes de ligne ne seront point chargées, si ce n'est dans le cas où les officiers municipaux leur en feraient la réquisition formelle. Il y aura toujours un ou plusieurs officiers civils dans l'intérieur des salles, et la garde n'y pénétrera que dans le cas où la sûreté publique serait compromise, et sur la réquisition expresse de l'officier civil, lequel se conformera aux lois et aux règlements de police. Tout citoyen sera tenu d'obéir provisoirement à l'officier civil. »
Un membre demande l'impression du rapport.
L'Assemblée l'ordonne,
Je demande la question préalable sur le projet de décret. Quelques membres, à gauche, appuient la question préalable.
J'ai cru devoir attendre, pour prendre la parole, que quelqu'un eût parlé contre le projet du comité. J entends demander la question préalable ; pour peu qu'elle soit appuyée, je demande à parler. (iOn demande à aller aux voix.)
Je n'ai point demandé la parole pour discuter les articles du projet du comité; une pareille matière ne peut jamais être un objet de délibération pour les ecclésiastiques. Sans m'écarter du silence le plus absolu sur ce projet, j'ai cru cependant qu'il importait que je demandasse la parole pour déclarer que les ecclésiastiques se regardent comme incompétents dans cette matière.
Je demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre. On ne monte point à cette tribune en qualité d'ecclésiastique.
J'ai cru, et je m'honore de le répéter, que nous étions incompétents pour opiner en pareille matière, et que je pouvais annoncer, au nom de mes collègues membres de cette Assemblée, que nqus n'y prenions aueune part, pardonnez cette opinion de scrupule dans... (On entend quelques éclats de rires mêlés.d'applaudissements.) Pardonnez, dis-je, cette opinion de scrupule dans un jour où vous avez bien voulu rendre un décret contre les scrupules. La seule observation à laquelle j'ai voulu me réduire, et à laquelle tout bon citoyen doit rendre hommage,
c'est que le comité de Constitution, qui a voulu rassurer la confiance des auteurs dramatiques, en disant qu'il serait libre à tout citoyen d'élever un théâtre public d'après les règles particulières qu'il se proposait de présenter à l'Assemblée, a ajouté qu'en attendant, les théâtres seraient soumis au règlement de police : or, j'ai l'hohDeur de vous prévenir que les théâtres ne sont soumis à auoun règlement de police. (Il s'élève des murmures.) Je vais, selon mon usage, prouver ce que j'ai avancé. Je sais que l'état des comédiens, et ce qu'on appelle spectacle est soumis à une police ; mais je crois savoir que depuis quelque temps, et vous en savez l'époque, les pièces de théâtre ne sont soumises à aucune police. Il y avait autrefois dans le royaume, c'était dans un temps où nous étions barbares, comme sous Louis XIV, il y avait, dis-je, des censeurs qui empêchaient qu'on ne représentât rien qui fût contraire ni aux mœurs ni aux lois. Je ne vois pas que cet usage existe dans notre nouvelle Constitution; je ne vois cependant pas non plus qu'il puisse être avantageux pour l'Assemblée d'accorder cette liberté qui pourrait l'exposer à se voir jouer elle-même. Je ne prétends pas pour cela demander des censeurs, ni indiquer à votre sagesse le degré de liberté que vous devez accorder aux auteurs. Il serait cependant nécessaire qu'il existât une loi de police pour empêcher d'outrager les mœurs, la religion et le gouvernement. Il importe de prévenir les écarts de l'imagination. Je supplie donc l'Assemblée d'examiner, en adoptant ce décret, s'il est possible de laisser provisoirement la composition des pièces sans police. Je répète que je ne décide rien, parce que je ne puis prendre aucune part â la délibération,
Il m'a été difficile de deviner si le préopinant était monté à la tribune pour son plaisir ou pour le nôtre. (On applaudit.) Il nous a très bien dit, et avec beaucoup d'esprit, que, comme ecclésiastique, il ne pouvait monter à la tribune, et on pouvait lui répondre qu'en effet on n'y était jamais comme ecclésiastique. (On applaudit dans la partie gauche.) Plusieurs voix dans ta partie droite ; Cela ne vaut rien.
J'entends très bien : Gela ne vaut rien. Je suis de votre avis si vous pensez que j'ai voulu faire une épigramme; mais si j'ai voulu rappeler un principe qui condamne à l'absurdité quiconque voudrait arguer de la compétence ou de la non-compétence des ecclésiastiques dans cette Assemblée, j'ai dit une vérité incontestable. Au reste, le préopinant, s'il ne pouvait pas paraître à la tribune comme ecclésiastique, aurait pu y paraître comme académicien (car il y a encore des académiciens), ou comme censeur royal (car les censeurs royaux ne sont pas encore supprimés...)
Je ne suis censeur public que depuis que j'ai l'honneur d'être membre de l'Assemblée nationale.
Je ne cherche point à répondre à aucune objection de M. l'abbé Maury; car, sans doute, il n'a pas eu la prétention d'en faire. Je lui témoignerai seulement ma reconnaissance pour l'avis sage gu'il a bien voulu nous donner, afin de prévenir les écarts de l'imagination des auteurs : nous le supplions d'être aussi tranquille sur les Melitus que nous le sommes sur les Socrates. Quant à la seule chose qui aurait pu paraître une objection, celle de la licence qui pourrait résulter de permettre à tout citoyen d'élever un théâtre, il serait fort aisé d'enchaîner toute espèce de liberté en exagérant toute espèce de danger ; car il n'est point d'acte d'où la licence ne puisse résulter. La force publique est destinée à la réprimer, et non à la prévenir aux dépens de la liberté. Quand nous nous occuperons de l'instruction publique, dont le théâtre doit faire partie ; quand nous nous occuperons d'une loi, non sur la liberté de la presse, mais sur les délits de la liberté de la presse, car c'est ainsi qu'il faut s'expliquer pour être conséquent aux principes, alors on verra que les pièces de théâtre peuvent être transformées en une morale très active et très rigoureuse. Quoi qu'il en soit, où il n'y a pas d'objection il ne faut pas de réponse. Je demande donc qu'on aille aux voix sur le projet du comité.
L'Assemblée dérive insensiblement de ses principes. Elle a solennellement renoncé à tout esprit de conquête; cependant après la conquête facile de la Bastille, elle a passé à la conquête commode des biens du clergé. Un membre : Je demande que M. de Folleville soit rappelé à l'ordre.
Aujourd'hui elle veut passer à la conquête des biens du théâtre dit autrefois français, et aujourd'hui de la nation. Si tout cela n'était que des privilèges, on devrait bien supprimer aussi les concessions de terrain, et enfin les privilèges de la librairie ; car un marché entre un comédien et un auteur est le même que celui entre un auteur et un imprimeur. L'un imprime en caractères et l'autre fait valoir par la déclamation. Je demande donc que, conformément aux droits de l'homme, les comédiens ne puissent être dépouillés qu'après une indemnité préalable. Sans les grands comédiens, les grands auteurs n'auraient pas fait merveille ; et il y a beaucoup de pièces où l'acteur est plus recommandable que l'auteur. Un membre. Si l'Assemblée doit s'occuper aujourd'hui d'une loi de police sur les spectacles, je demande que tout citoyen,qui établira un théâtre, soit tenu de donner le cinquième du produit net aux pauvres.
II me semble que l'article de police n'est pas assez sûr. Lorsqu'il y aura du tumulte au spectacle, que pourra faire un officier municipal? Il sera sans moyens pour réprimer le tumulte; car on sera maître de l'empêcher de sortir.
Une salle de jeux publics, hérissée de baïonnettes, est un spectacle qu'il faut repousser avec horreur.
Depuis un an, on a introduit à Metz, ville très peuplée, ville de garnison, l'usage de n'avoir qu'une garde extérieure ; le bon ordre n'a jamais été troublé ; et je crois que cette épreuve,
encore justifiée par l'expérience de tous les pays libres, suffit pour nous faire adopter le projet. (On applaudit.) (La discussion est fermée.)
Rien ne doit porter atteinte à la liberté des théâtres, et cependant l'article 6 du comité la détruit. Ce n'est pas assez que beaucoup de citoyens puissent élever des théâtres, il ne faut pas qu'ils soient soumis à une inspection arbitraire. L'opinion publique est seule juge de ce qui est conforme au bien. Je ne veux donc pas que, par une disposition vague, on donne à un officier municipal le droit d'adopter ou de rejeter tout ce qui pourrait lui plaire ou lui déplaire; par là on favorise les intérêts particuliers et non les mœurs publiques. Je conclus à ce que l'on ajourne tout le projet, plutôt que d'adopter le sixième article.
Je loue extrêmement les intentions du préopinant; elles sont les nôtres.
Il ne suffit pas de les louer, il faut les adopter.
S'il arrivé qu'on représente des pièces qui blessent les mœurs ou la religion, il faut bien que les auteurs et les comédiens soient responsables. C'est ce que porte l'article 6; il porte aussi que l'officier municipal ne pourra rien ordonner que conformément aux lois; ainsi rien n'attente au droit qu'a tout citoyen de faire représenter une pièce.
Je demande à répondre un seul mot. (L'ajournement est rejeté par la question préalable).
Je demande par amendement que la propriété de l'auteur soit conservée, après sa mort, à ses héritiers pendant dix ans, au lieu de cinq. (Les amendements sont rejetés.) (Le projet présenté par le comité de Constitution est décrété.)
L'ordre du jour est un rapport du comité des domaines relatif au Clermon-tois.
,rapporteur. En prescrivant à votre comité des domaines de vous rendre compte de ce qui regarde le Clermontois...
Cette affaire mérite un sérieux examen et entraînera sans cloute une longue discussion. Comme le temps ne nous permettrait pas de la terminer aujourd'hui, je demande qu'elle soit renvoyée à un autre jour. (Cette motion est adoptée.)
lève la séance à 9 heures.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des procès-verbaux des deux séances de la veille qui sont adoptés.
fait la motion qu'un exemplaire in-4° du procès-verbal des séances de l'Assemblée soit incessamment délivré à chacun de ses membres. L'Assemblée nationale décrète cette motion et accorde à l'imprimeur un délai de quinzaine pour commencer cette livraison.
au nom du comité d'aliénation, propose la vente de biens nationaux à différentes municipalités du département de Saône-et-Loire. Il présenté le projet du décret suivant :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité d'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites par les municipalités de Chalon-sur-Saône, de Cuisery, Tour-mes, Gergy, Saint-Martin-des-Champs, Pontoux, MarnayetChaigny, département de Saône-et-Loire, en exécution des délibérations prises par le conseil général de leur commune, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir entre autres domaines nationaux ceux dont les états sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier ;
Déclare vendre les biens ci-dessus mentionnés, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de,
savoir :
« A la municipalité de Chalon-sur-Saône, pour
la somme de........................355,6131. 6 s. 2 d.
« A celle de Cuisery pour
la somme de........................78,186 8 6 »
« A celle de Tourmes
pour la somme de..............180,220 » »
« A celle de Gergy pour
la somme de............ 37,914 » »
« A celle de Sain t-Martin-des-Champs pour la somme
de............................64,112 8 »
A celle de Pontoux pour
la somme de..................3,865 8 »
« A celle deMarnaypour
la somme de..............13,904 » »
« AcelledeGhaignypour
la somme de..........................124,238 18
Total.
858,0341. 8 s. 8d.
« Le tout payable de la manière déterminée par le même décret, et suivant les décrets particuliers qui sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour.»
(Ce décret est adopté.)
informe l'Assemblée de la rapidité avec laquelle les ventes de biens nationaux se font dans plusieurs départements depuis les derniers décrets relatifs à leur aliénation.
J'ai reçu de M. le ministre de la justice une note contenant la liste des décrets auxquels le roi a accordé sa sanction ; voici cette note :
« Le roi a donné sa sanction, le 15 de ce mois:
« 1° A trente décrets de l'Assemblée nationale, des 1, 5, 6, „7, 8, 9 et 29 décembre, relatifs à la vente' des biens nationaux aux municipalités de Tours, Neuville-aux-Loges, Friguicourt, Orléans, Dijon, Lux, Gemeaux, Genlis, Spoy, Rungis, Bourges, Jugières, Paris, Mantes, Barey, Tours, Chaume, Langeais, Fublames, Trocy, Moissy-Gra-mayel, Valenciennes, Villedubert, Chartres, Germaine, Braye-Saint-Christophe, Lannerav, Ver-vins et Bourges ;
« 2° Au décret, du 27 du même mois de décembre, relatif à la création d'un régiment d'infanterie et d'un régiment de cavalerie de trois escadrons ;
« 3a Au décret, du 29, relatif aux travaux à faire dans le port de Cherbourg ;
« 4° Au décret, du même jour, relatif, tant à la suppression du conseil de la marine et des places de directeurs et d'intendants des bureaux de la marine, qtf'à l'organisation de ses bureaux;
« 5° Au décret du même jour, concernant les rentes perpétuelles actuellement à la charge de l'Etat, tant celles constituées sur le clergé, sur les pays d'Etat pour le compte du roi, qu'autres affectées ci-devant sur les différentes caisses publiques ;
« 6° Au décret, du 18 du même mois, relatif au jugement du sieur Trouard, ci-devant de Riolles ;
' « 7° Et enfin au décret du 31, relatif aux désignations, estimations ou évaluations des biens nationaux, pour lesquels les municipalités ont fait leurs soumissions avant le 15 septembre dernier.
« Le ministre de la justice transmet à M. le Président les doubles minutes de ces décrets, sur chacune desquelles est la sanction du roi.
Signé: M. L. F. Duport. « Paris, le
au nom du comité des finances. Votre comité des pensions a renvoyé à celui des finances une affaire dont tout nous fait une loi de vous entretenir sans délai. Il est doux d'avoir à vous remettre sous les yeux un nouvel exemple de cette prédilection avec laquelle les hommes d'un mérite rare ont aimé à choisir la France pour leur patrie adoptive, considérant la capitale de ce bel empire comme la métropole de l'univers savant ; mais la France, déjà si bien traitée par la nature, offrira désormais au génie l'attrait le plus digue de lui, la liberté et l'estime inappréciables d'un peuple qui a secoué tous les préjugés,comme il a rompu toutes les servitudes. C'est de M. de la Grange que nous avons à vous entretenir, et le nom de cet incomparable géomètre est au-dessus de tout éloge. M. de la Grange né à Turin d'une famille française d'origine, fut attiré à Berlin par Frédéric II ; il y jouissait d'un traitement de nuit mille livres. Après la mort du roi de Prusse, l'impératrice de Russie et le roi dé Naples firent à M. de la Grange les offres les plus avantageuses pour le fixer dans leurs Etats. Il
préféra le séjour de la France, et laissa pressentir ses intentions à notre ambassadeur. Le roi, instruit par son ministre des dispositions de l'illustre géomètre, lui fit offrir un traitement annuel de 6,000 livres, que M. de la Grange accepta. A son arrivée, le roi lui fit remettre une somme de4,000 livres pour les frais de son déplacement, et le philosophe non moins sensible à cette attention qu'il n'avait pas sollicitée, que modéré dans ses désirs, répondit à l'ami qui lui apportait l'ordonnance : Voilà qui est bien ; mais il ne faut plus qu'on parle de moi.
Votre comité des pensions a trouvé le mémoire de M. de la Grange parmi la foule de ceux qui lui ont été remis ; mais il a distingué aussitôt non seulement le nom du pétitionnaire, mais encore la nature de l'engagement pris par l'Etat. Il a regardé la pension de M. de la Grange comme un traitement donné à un savant pour des travaux actuels utiles à l'Etat, et il a pensé que d'après l'article 2 du décret de 14 août dernier, c'était à votre comité des finances à vous faire le rapport de cette affaire. Votre comité des finances a pensé qu'on ne pouvait pas même confondre le traité fait avec M. de la Grange avec les simples grâces pécuniaires accordées aux gens de lettres ; celles-ci ne sont que des encouragements accordés au génie et au talent pour les services qu'ils rendent à l'Etat, ou des récompenses des services qu'ils lui ont rendus.
M. delà Grange,au contraire, est en droit de réréclamer l'exécution d'un contrat synallagmatique, par lequel il reçoit, de la part de la nation, un traitement annuel de 6,000 livres, et de la sienne, il est venus'établir en France, renonçant au séjour de Berlin,aux avantages dont il y jouissait, et à ceux que plusieurs Couronnes se disputaient l'honneur de lui offrir. Aucun traité ne nous a paru plus sacré que celui-ci ; aucun ne peut être plus avantageux à la France, puisqu'en échange de ses dons, elle reçoit des lumières, le plus grand présent qu'un nomme puisse faire à ses semblables.
Nous vous proposons, en conséquence, le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, décrète que Joseph-Loui3_ de la Grange continuera de jouir, sa vie durant," d'un traitement annuel de 6,000 livres, à lui accordé par le brevet en date du 20 juillet 1787 ; charge son comité des finances de comprendre cette somme dans l'état des dépenses publiques.»
(Ce décret est adopté.)
Messieurs, si vous avez la douleur de voir plusieurs ecclésiastiques fonctionnaires publics se refuser ou montrer peu de zèle à se soumettre à la loi du serment civique, vous avez d'une autre part lieu de vous féliciter de l'empressement d'un grand nombre à obéir à votre décret.
Voici un procès-verbal qui nous a été adressé par la municipalité de Sézanne, département de la Marne, pour le communiquer à l'Assemblée ; elle y reconnaîtra l'empressement le plus patriotique du clergé de cette ville à se soumettre à ses décrets, notamment à celui du serment civique.
Le procès-verbal annonce que dimanche dernier, vingt et un ecclésiastiques, M. le curé et ses vicaires à leur tête, ont prêté le serment : M. Meslet, curé; M. Seraine, l'un des vicaires; M. Vitu, principal du collège; M. Moutier, fils de mon collègue, chapelain de Saint-Nicolas, l'ont
fait précéder d'un discours analogue à la circonstance, où respiraient également la religion et le patriotisme. Avec eux étaient des chanoines et chapelains de Saint-Nicolas, des prêtres habitués, des religieux bernardins, bénédictins et autres.
Je demande qu'en témoignage de satisfaction de cette nouvelle preuve de soumission, de zèle et de patriotisme dont la ville de Sézanne donne l'exemple, l'Assemblée ordonne qu'il en soit fait mention honorable dans le procès-verbal.
(Cette motion est adoptée.)
au nom du comité des finances, propose d'autoriser la municipalité de Paris à signer les contrats de constitution ou de reconstitution de rentes sur l'Etat. Il demande également que le comité de Constitution soit tenu de proposer incessamment la nouvelle forme qui doit être employée dans les grosses de ces sortes de contrats-
L'Assemblée rend le décret suivant ;
« L'Assemblée nationale décrète que la municipalité actuelle de Paris commettra trois de ses membres pour signer les contrats de rentes, constitués ou reconstitués sur l'Etat.
« Charge son comité de Constitution de lui proposer la nouvelle forme qui doit être employée dans les grosses des contrats. »
L'ordre du jour est la discussion du projet de décret sur l'organisation de la marine militaire,
Un de MM, les secrétaires fait lecture du projet présenté par le comité (1),
Messieurs, je me bornerai à faire quelques observations très courtes sur le projet de décret qui vous a été présenté hier par votre comité de marine.
Tout d'abord,il vous propose d'admettre,comme aspirants dans la marine, tous les jeunes citoyens qui se présenteront avec les connaissances de mathématiques et d'astronomie, de mécanique, etc., qui sont nécessaires pour l'art de la navigation. Je pense avec lui que ces places doivent être ouvertes indistinctement à toutes les classes de citoyens; mais je crois qu'il est juste d'en limiter le nombre, si l'on veut leur assurer un avancement, et de ne les admettre aux places vacantes, qu'après des examens publics et au concours.
On propose, en second lieu, de supprimer les corvettes ; et moi, je crois
que les élèves feront plus de progrès en six mois sur les corvettes,
toujours en activité, qu'ils n'en feraient dans dix-huit mois sur les
vaisseaux de ligne. Je pense aussi qu'il faudrait payer les aspirants :
ne le pas faire, serait éloigner les citoyens pauvres, qui auraient déjà
fait des sacrifices pour acquérir les connaissances qu'on exige d'eux;
ce serait véritablement établir l'aristocratie des riches. Je trouve
encore le service sur les vaisseaux marchands inutile pour former les.
élèves. Les vaisseaux emploient deux mois, par exemple, à la navigation
d'Amérique; ils s'établissent ensuite pendant quatre mois dans un
magasin. Les officiers passent ce temps, soit dans ces magasins, avec
les armateurs, soit à aller dans le pays pour faire des armements ; on
voit que ce temps serait en pure perte pour les élèves,....
Je demande qu'on n'admette sur les vaisseaux de l'Etat que ceux qui auront l'instruction particulièrement nécessaire à la marine militaire, ceux qui auront fait l'exercice continuellement actif des vaisseaux de guerre. La France est la seule puissance maritime à laquelle on ait proposé l'alliance qu'on voudrait faire aujourd'hui de la marine marchande et de la marine militaire. Vous n'auriez sur les vaisseaux de l'Etat que les offi^ ciers qui n'auraient pu obtenir la confiance des armateurs, le service de la marine marchande étant plus avantageux pour le spéculateur que celui de la marine militaire/ Ajoutez à cet inconvénient l'injustice d'exclure les enseignes de l'avancement. .. La disposition qui vous est proposée d'admettre les quartiers-maîtres aux places d'officiers me paraît infiniment juste; mais l'homme qui n'a point d'instruction théorique, qui n'a pas même la connaissance de la boussole, peut-il exercer utilement les fonctions d'officier ? Il me semble qu'on pourrait lui en donner le grade et le laisser dans l'exercice des fonctions qui lui sont familières.
On propose de faire parvenir au grade de lieutenants de marine militaire, les capitaines de la marine marchande qui auront 24 ans de service; cette disposition, comme je l'ai déjà dit, est injuste envers les enseignes. Il faut que leur avancement soit invariablement réglé; c'est le seul moyen d'entretenir l'émulation. L'Assemblée n'a pas fait perdre leurs rangs aux officiers de l'armée ; je. ne sais pas pourquoi on vous présente un projet aussi injuste pour la marine. Aussi les membres du comité de marine n'ont pour laplu-
Sart qu'une faible connaissance dans ces matières, eux qui avaient quelque expérience s'en sont retirés, et les deux marins qui y sont restés ont été d'un avis contraire à celui qui vous est proposé. Ce comité n'a consulté que deux officiers de marine : le comité militaire avait pris les conseils de soixante officiers distingués.
Je demande que le comité soit tenu de consulter des officiers généraux, et de soumettre à un nouvel examen le projet de décret qu'il vous a présenté, à l'effet de proposer ensuite un nouveau projet de décret plus favorable aux intérêts de l'Etat, et plus analogue aux principes manifestés par l'Assemblée sur l'organisation militaire.
(1). Messieurs, la faiblesse de mon organe étant cause que je suis obligé de forcer ma voix pour me faire entendre, je ne puis parler que fort peu de temps de suite. Je me contenterai de vous dire ce que je pense sur quelques parties de cette organisation ; et lorsqu'on discutera chaque partie du projet de décret, présenté par le comité de marine, si je m'aperpois que ceux qui auront parlé auront eu des idees différentes des miennes et qui n'auront pas été assez combattues, je demanderai la parole pour défendre mon opinion.
Je pense que la marine nationale doit être composée d'un nombre suffisant
d'officiers pour qu'il puisse y avoir toujours alternativement à la mer,
en temps de paix ou dans les départements, deux tiers des lieutenants et
enseignes de vaisseaux et l'autre tiers à se reposer chez eux.
Cette marine doit être fort exercée en temps de paix, soit sur des escadres d'évolution, soit sur des frégates en station dans nos colonies ou sur le grand banc et à la côte de Terre-Neuve, pour protéger les pêches, et sur des flûtes et ga-barres employées le long des côtes pour le transport de tout ce qui approvisionne les ports.
Je pense que 120 capitaines, 600 lieutenants, 400 enseignes de vaisseaux seraient suffisants en temps de paix. Il faudrait sur tous les bâtiments y armer beaucoup d'officiers, ce qui ne serait qu'une fort petite dépense de plus.
Je pense qu'il convient d'avoir un corps d'élèves dans les trois départements de Brest, Toulon et Rochefort. On peut les appeler soit élèves, soit aspirants ; mais le mot « élèves » me paraît mieux désigner l'état d'apprentissage où ils sont. Il en faudrait 100 dans chaque département.
Les élèves étant la pépinière des officiers de la marine, on ne peut avoir trop d'attention à leurs mœurs et à leurs études. C'est pourquoi je voudrais qu'on leur donnât des surveillants qui eussent l'autorité de les punir et même de les renvoyer à leurs parents, s'ils étaient trop vieux pour espérer de les corriger.
Je désirerais qu'il y eût un capitaine de vaisseau, deux lieutenants et deux enseignes pour les commander et les surveiller à terre, et qu'à la mer, un officier de l'état-major fût chargé de les surveiller,
L'âge de 16 à 18 ans me paraît le plus convenable pour les recevoir ; ils auraient eu le temps d'avoir leur éducation formée dans les collèges ; ce qui les rendrait beaucoup plus propres à l'étude des sciences nécessaires à la marine.
Les élèves doivent être reçus au concours ; mais comme à cet âge ils ne peuvent avoir qu'un commencement d'étude dans les mathématiques, il conviendrait d'entretenir dans chaque département trois maîtres de mathématiques, parmi lesquels il y en aurait au moins un en état de donner des cours publics de physique et d'astronomie : un maître de langue anglaise serait aussi fort nécessaire, ainsi qu'un maître de dessin.
L'usage où l'on est d'armer, tous les étés, dans chaque département, une corvette d'école pour les jeunes élèves, me paraît devoir continuer, étant le moyen le plus propre pour les former à la manœuvre. Mon avis est que les élèves soient faits enseignes de vaisseau après 48 mois de navigation dans la marine militaire.
Lorsque la guerre se déclarerait, les deux cents premiers élèves seraient faits enseignes de vaisseau, sans examen ; mais lorsque leur rang viendrait pour être faits lieutenants de vaisseau, ils seraient obligés d'en subir un.
Il serait convenable de donner aux maîtres d'équipages et aux maîtres pilotes le titre d'enseigne de vaisseau.
Au moyen de cette augmentation dans le nombre des officiers de la marine, je crois que l'on ne serait pas obligé d'avoir recours aux places de commerce. Je pense qu'il est très dangereux d'amalgamer ces deux corps ensemble et qu'on doit éloigner de l'esprit militaire celui du commerce; le désir des richesses ne peut que lui nuire.
Messieurs, votre comité de marine ne renferme plus que deux hommes de mer ; il ne peut être que com- plètement ignorant sur l'organisation de la marine. Aussi a-t-on remarqué une extrême différence entre le préambule du rapport et la conclusion. Le comité a dédaigné de prendre l'avis des gens instruits et expérimentés, il n'a consulté que des hommes intéressés. Son plan ne peut donc être que défectueux. Je n'entreprendrai point de le discuter en entier; ce serait une tâche trop pénible et trop difficile ; mais il est un article sur lequel je ne puis m'empêcher de vous présenter des observations.
Il résulterait du projet, que tous les officiers marchands pourraient devenir officiers de la marine militaire, c'est-à-dire que sur 5,550 officiers marchands, il y aura 5,550 bons officiers militaires toujours prêts pour la guerre. Le rapporteur de votre comité vous a dit avec raison que l'exercice et l'expérience pouvaient seuls donner la connaissance des manœuvres militaires, et il a conclu, sans doute contre son avis, et d'après les idées des autres membres au nom desquels il parlait, qu'il fallait admettre dan3 la marine militaire les officiers de commerce, comme si d'une école mauvaise on pouvait jamais tirer des sujets instruits. C'est principalement cette concurrence entre la marine marchande et la marine militaire que je vais discuter.
La marine marchande a toujours é>té étrangère à la guerre. L'art de l'abordage ne peut s'apprendre que par une longue expérience. Le petit nombre d'hommes d'équipage des vaisseaux marchands exige un surcroît de précautions contre la tempête, précautions qui nuisent dans les manœuvres de la guerre, et qui fait contracter aux matelots une mauvaise habitude. Peut-on dire que des hommes qui ont des habitudes si différentes sont propres à exercer également bien toutes les fonctions des deux marines? Lorsque la guerre oblige de réunir les vaisseaux marchands, il n'y a pas de plus grand embarras que de les tenir réunis. L'inquiétude de l'abordage l'emporte sur la crainte de tomber entre les mains de l'ennemi. Aussi les Anglais ont-ils toujours établi une distinction entre les deux marines, et les ont-ils séparées par des dénominations différentes... Les spéculations de commerce sont presque l'unique but de l'officier marchand ; elles sont une partie essentielle de son instruction. L'officier militaire s'occupe uniquement des manœuvres militaires; une campagne lui donne plus d'expérience que quatre années de navigation n'en donnent à l'ofhcier marchand.
Ce que l'on a craint, surtout dans tous les temps et chez toutes les nations, c'est que l'esprit mercantile:ne s'introduisît dans la marine militaire, qui ne doit avoir pour but que la gloire et la défense de la patrie. L'amour des richesses rend insensible à l'honneur, et détruit l'effet de l'influence des grands exemples... Les capitaines qui auront la confiance des négociants, préféreront servir dans la marine marchande ; ceux qui seront rejetés par les armateurs seront les seuls qui brigueront des places dans la marine militaire. Les capitaines qui auront de la réputation dans les places de commerce ne quitteront pas leur état pour prendre un grade inférieur dans la marine militaire. Votre premier objet doit être d'entretenir l'émulation dans vos escadres et parmi vos élèves. Les officiers militaires ne pourront prétendre qu'à l'honneur, premier mobile des grandes actions; ils ne partageront pas les spéculations de la marine marchande: celle-ci doit-elle partager les récompenses de la marine militaire ? Après avoir servi l'Etat avec distinction
les officiers des escadres doivent-ils être privés de leur avancement, unique récompense que vous leur décernez ? Vous avez le corps de marine le plus instruit de l'Europe ; n'allez pas le rendre le plus ignorant en détruisant l'émulation... Je me réserve de vous proposer dans un autre moment un projet de décret.
Je dois vous parler un moment d'un mémoire publié par la marine marchande. Je ne me permettrai pas de répondre aux diatribes indécentes qu'il renferme; mais je réfuterai, quand il en sera temps, l'inculpation qui est faite à la marine militaire d'avoir employé les armes, qui lui étaient confiées pour la défense de la patrie, à vexer les négociants. Je défie de citer un seul fait de ce genre, appuyé de preuves. J'ai servi pendant vingt-trois ans dans la marine; j'ai toujours vu la marine militaire fournir des secours d'hommes et de vivres au commerce, et protéger sa navigation. Il serait à désirer seulement qu'elle séjournât plus longtemps dans les rades et dans les ports de commerce, ce qui rendrait les officiers militaires plus habiles dans l'art de protéger les convois.
Voici le projet de décret que je propose : (1)
Art. 1er Le corps des officiers de la marine
militaire sera entretenu par l'Etat et sera toujours assez nombreux pour
fournir à l'armement des vaisseaux en temps de guerre.
Art. 2. Le corps sera partagé en différents grades,savoir: enseignes, lieutenants et capitaines de vaisseau, chefs d'escadre, amiraux et vice-amiraux ; et à la suite il sera placé une classe d'élèves de la marine, égale en nombre au quart de la totalité des officiers des différents grades.
Art. 3v Tous recevront une solde de l'Etat, mais tout commerce leur sera rigoureusement interdit tant qu'ils seront attachés au service de la marine militaire.
Art. 4. Le nombre total des officiers des différents grades sera réglé à raison de ce qui est nécessaire tant pour le commandement des vaisseaux, que pour fournir quatre justes quarts sur chaque vaisseau de ligne et sur chaque frégate, et deux sur les moindres bâtiments. Ainsi 80 vaisseaux, 80 frégates ou 80 autres bâtiments exigent 800 lieutenants ou enseignes, et environ 170 capitaines de vaisseau.
Art. 5. En temps de guerre le nombre des officiers pourra être augmenté de 120, en accélérant graduellement l'avance des élèves, et en accordant au premier maître le grade d'officier, sans cependant quitter leurs honorables fonctions, leurs utiles et honorables fonctions de maîtres.
Art. 6. Les conditions exigées pour être admis aux places d'élèves de marine, seront : 1° De n'avoir aucune infirmité ou difformité corporelle essentielle; 2° d'être âgé de 14 ans accomplis et non de 18 ans; 3° pour se présenter à un examen au concours, de savoir l'arithmétique, la géométrie et les éléments de mécanique, comme une preuve de l'intelligence de l'élève ; 4° d'avoir une fortune suffisante pour faire présumer une éducation honnête et les moyens de paraître avec décence chez les différentes nations étrangères.
Art. 7. Les avancements seront réglés ainsi qu'il suit : L'élève de la marine, après 6 ans de service, 48 mois de mer, sera tenu de subir un nouvel examen public sur les mathématiques, la tactique navale, la mécanique et l'artillerie,
et sur les principes de la construction et de l'astronomie, à compter du jour où les 48 mois de mer et les 6 ans de service auront été accomplis : s'il ne peut satisfaire à cet examen, il sera tenu de remplacer ce qui lui manquera de théorie par 3 ans de service d'élève : pendant ces 3 ans, il aura le droit de se représenter, s'il a acquis l'instruction prescrite pour prendre rang avec les nouveaux promus : mais le temps employé à l'étude et à la théorie ne comptera jamais, ni pour les décorations, ni pour les retraites. On passera du grade d'enseigne à celui de lieutenant. Dans le cas de remplacement pour les grades inférieurs, nul ne pourra cependant y être admis qu'il n'ait 24 mois de mer. Le roi pourra choisir un tiers des enseignes hors rang pour leur conférer le grade de lieutenant. On suivra la même règle pour faire des capitaines de vaisseau ; mais le roi aura le droit de choisir la moitié hors de rang parmi ceux qui auront commandé. Les officiers généraux de tout grade seront entièrement à la nomination du roi; mais nul ne pourra obtenir cette dignité qu'il n'ait commandé soit une escadre ou une armée.
Art. 8. Le roi seul conférera aux officiers le commandement des vaisseaux de l'Etat, et il pourra le leur retirer par un ordre simple.
Art. 9. L'officier général commandant en chef une escadre un vaisseau ou une division, aura autorité de démonter un capitaine commandant un vaisseau sous ses ordres, et aussi de pourvoir au commandement qui viendra à vaquer ; mais après la campagne il sera tenu un conseil de guerre pour juger la conduite du capitaine qui aura été démonté.
Art. 10. Il sera, pour la formation des élèves aux évolutions de la mer, armé une corvette; et le temps qu'ils serviront dessus leur sera compté pour temps de mer.
Art. 11. Les élèves de la marine auront des écoles dans les trois ports de Brest, Toulon, Ro-chefort, où ils seront tenus d'assister régulièrement.
Art. 12. Le roi sera prié de donner des ordres au ministre de la marine à l'effet de faire rédiger une ordonnance conformément aux principes que je viens de développer.
(1). Messieurs, je ne m'attendais pas que le projet du décret de la marine serait si promptement discuté. J'ai seulement classé quelques idées qui devaient être les éléments d'un ouvrage complet que je travaille et qui n'est pas terminé.
Je vous prie d'avoir quelque indulgence pour mes observations qui ne vous seront pas présentées, dans ce moment, avec le développement que j'aurais désiré.
Le rapport que M. de Ghampagny vous a fait sur l'organisation de la marine, a mérité, à juste titre, les suffrages de l'Assemblée. J'adopte la plupart des idées qu'il vous a développées avec autant de sagesse que d'énergie; mais je me permettrai de faire observer au comité de la marine, que plusieurs des articles du décret replacent encore la marine commerçante dans le même état où elle était autrefois.
Ce projet est déjà parvenu dans les ports les plus voisins; et des
réclamations sans nombre arrivent du Havre, de Saint-Malo, de Cherbourg
Je me permettrai de dire aux officiers de la marine commerçante que j'ai trouvé quelques-unes de leurs demandes exagérées; et décidé à combattre le décret proposé par le comité, je supplie l'Assemblée de me permettre quelques réflexions préliminaires qui prouveront qu'en désirant ne jamais m'éloigner des bases constitutionnelles que vous avez décrétées je connais également les dangers qu'il y aurait pour la chose publique, en confondant les deux corps ensemble, ainsi que plusieurs mémoires que j'ai lus en forment le vœu.
Je n'ajouterai rien à ce que M. le rapporteur vous a dit pour prouver l'indispensable nécessité d'une marine militaire.
Nous avons un commerce immense à protéger, des colonies à défendre, et une nation rivale et voisine dont les forces navales sont redoutables.
Qui plus que le commerce de France est intéressé à la parfaite organisation de cette armée qui doit le protéger et le défendre?
L'immortel décret que vous avez prononcé, qui rend tous les hommes égaux et également susceptibles de tous les emplois civils et militaires, est la base fondamentale de l'organisation de tous les corps.
Lorsque cette loi admirable aura été respectée pour l'admission des sujets dans le corps de la marine, nul n'est en droit de se plaindre.
La marine militaire, la marine commerçante forment ensemble un seul corps que je désigne, dans mon système, sous le nom de marine de France; et chacun, dans ce grand ensemble, doit y remplir les fonctions auxquelles il s'est le plus particulièrement attaché.
Chacun des citoyens, au moment où il se destine à remplir un emploi utile dans la société, est le maître du choix qu'il veut faire; aucun obstacle ne doit l'empêcher de se livrer à la profession qu'il veut suivre : mais chacune de ces professions exige une instruction particulière et des apprentissages différents. Chacun dans le genre qu'il a adopté, est, sans doute, l'égal de celui qui en professe un autre; mais cette subordination, nécessaire pour la parfaite harmonie du tout, classe chaque individu dans un poste moralement égal et politiquement subordonné.
C'est ce principe que l'on n'a pas encore assez réfléchi, qui jette l'alarme parmi nos braves marins. Dans l'ancien système, ils ont éprouvé quelquefois des traitements rigoureux; et l'homme rendu libre, d'esclave qu'il était, se ressouvient des anciennes offenses, et voit avec colère la marque de la chaîne qui l'accablait.
La Constitution française a nivelé tous les citoyens; il ne faut donc plus considérer la marine militaire, actuellement existante, que sous le même point de vue où elle sera dans quarante années, où tous les individus qui la composeront auront été constitutionnellement admis.
On ne peut refuser à ce corps une instruction qu'il serait difficile d'atteindre. Cette instruction est indispensablement nécessaire, puisque nous avons en opposition les officiers les plus expérimentés de l'Europe. La théorie et la pratique sont d'absolue nécessité dans ce métier savant ; et le citoyen qui se destine à l'art de la navigation, prend,, à cette époque, si j'ose me servir de cette expression, possession de l'univers, et ses connaissances doivent être aussi étendues que
l'immensité du monde qu'il est destiné à parcourir.
Je suis irrévocablement de l'opinion que rien n'est plus aisé à concilier. La marine militaire et la marine commerçante s'estiment et s'aiment mutuellement ; l'une ne peut rien sans l'autre ; elles se soutiennent réciproquement ; ce sont des frères qui ont des détails différents dans la maison paternelle ; il est de notre devoir d'écouter leurs représentations, de les instruire de leurs véritables intérêts. Les combats d'amour-propre sont le partage des peuples esclaves ; mais une nation libre ne doit consulter que l'intérêt public; elle doit peser dans sa sagesse ce qui est juste, ce qui est utile à toute la société : quel est le citoyen qui peut oser faire combattre des prétentions particulières, quand la nation les a toutes proscrites? Je ne doute pas que nos braves marins ne donnent ce grand exemple: cette sainte fédération que nous avons jurée, ils vont la renouveler entre eux. Examinons leurs réclamations respectives, voyons ce qui peut blesser la marine commerçante dans le décret proposé par le comité, et discutons sans passion les amendements que nous croirons nécessaires. Aspirants de,la marine.
Je crois qu'il suffit d'organiser parfaitement les règles et le mode d'admission au grade d'aspirant pour concilier tous les intérêts. C'est sur ce premier grade que l'égalité entre tous les citoyens doit être particuliêremen t respectée : la loi que vous devez faire est de prescrire que nul citoyen ne pourra être admis, dans le corps des aspirants de la marine, qu'à l'âge de quinze ans, et après avoir subi un examen préalable sur les connaissances théoriques nécessaires. Quelle est l'inquiétude et la crainte des navigateurs commerçants ? je vais vous les faire connaître. Si le corps des aspirants de la marine est toujours permanent daus les trois grands ports de l'Etat, ainsi que par le passé, il en résultera que les parents des jeunes gens des différents ports, qui se destinent au métier de la mer, ne pourront, sans de grands frais, envoyer leurs enfants aux écoles nécessaires, où ils seront obligés de les entretenir, vu la nullité des appointements; que peu seront en état de faire cette dépense ; et que le corps de la marine sera recruté, comme autrefois, par les enfants des gens riches et en état de faire les frais de leur instruction ; qu'il ne restera de ressources aux enfants des marins qui sont établis dans les différents ports du royaume, que de les faire naviguer sur les vaisseaux de commerce, et pour lors vous voyez que ce n'est pas sans quelque raison que cet article les alarme.
Navigateurs de père en fils, ils doivent avoir l'espérance de défendre leur patrie par leur courage, après l'avoir enrichie par leur industrie.
Je vous propose de substituer aux articles qui ont rapport aux aspirants de la marine ceux que je vais avoir l'honneur de vous lire. _ Il vous sera facile d'observer que je ne m'écarte pas un moment du décret constitutionnel qui doit être notre guide et que, cette règle ayant été respectée pour l'admission dans le corps, toutes les autres prérogatives honorifiques, que la marine militaire peut et doit obtenir, deviennent les propriétés de tous les citoyens, et que chacun d'eux pouvant les obtenir par son mérite et ses talents, aucun n'a droit de s'en plaindre.
Dans un vaisseau, il faut nécessairement des
officiers, des officiers mariniers, des matelots, des charpentiers, des voiliers, des calfats. Chacun v remplit le talent et le métier qu'il a adopté, et il serait également ridicule à un officier de la marine marchande d'être jaloux de son ami qui a embrassé la profession militaire, comme le paraîtrait un charpentier de vaisseau, qui serait jaloux du voilier.
Avec la sage précaution crue je vous propose d'adopter pour 1 admission des jeunes gens dans le corps de la marine militaire, j'éteins toutes les haines et calme toutes les prétentions. Én effet, lorsqu'un père de famille destinera un de ses enfants au commerce, l'autre au service de la marine militaire, que nos flottes partiront de France, et seront escortées par des escadres dé la nation, et que les marins commandant les vaisseaux de commerce, pourront dire: Mon frère, mon père commande tel vaisseau de guerre qui m'escorte, chaque individu travaillera pour le bien général.
Voici les articles du décret que je vous propose :
Art. 1er. Dans tous les ports de France,
depuis Dunkerque jusqu'à Bayonne, et depuis Cette jusqu'à Antibes, où
les vaisseaux de deux cents tonneaux et au-dessus peuvent être
construits et armés, il sera établi une école d'hydrographie gratuite,
où les enfants des citoyens pourront apprendre les éléments de la
navigation, et se mettre en état de subir l'examen nécessaire pour être
admis dans le corps des aspirants de la marine. De ta mariné.
Art. 2. Le corps des aspirants sera fixé à 400, dont 140 seront à Brest, 120 à Toulon, 90 à Rochefort et 50 à Lorient.
Art. 3. La municipalité de chacun des ports de France aura une inspection suivie sur les écoles d'hydrographie établies dans leur havre, et ils enverront, chaque mois, au ministre ayant le département de la marine, la liste nominative des sujets qui y sont instruits.
Art. 4. Lorsqu'il faudra un remplacement pour le corps des aspirants de la marine, le ministre annoncera, dans tous les ports de France, l'examen public qui doit se faire pour juger delà capacité et de l'instruction de chaque individu.
Art. Cet examen se fera publiquement par Je professeur d'hydrographie, devant les ofhciers municipaux et les corps administratifs, et en présence des cinq plus anciens capitaines de navires du port.
Art. 6. Suivant le nombre de sujets nécessaires pour compléter le corps des aspirants de la marine, le ministre, qui aura la liste de chaque école, proportionnera la quantité des sujets que chaque école doit fournir. Et si le nombre des sujets n'était pas assez considérable pour que l'on pût en prendre dans tous les ports, il tiendra une note de ceux qui auront fourni au remplacement, pour que les autres ports y participent à leur tour au remplacement suivant*
Art. 7. Les aspirants seront, dans les écoles de Toulon, Brest» Rochefort et Lorient, partagés en trois classes, et ils monteront successivement d'une classe dans l'autre, suivant leur ancienneté.
Art. 8. Il y aura constamment dans les quatre ports une corvette armée qui sera en rade, où la moitié des aspirants sera de service pendant huit
joursj dans le temps que l'autre moitié suivra les écoles de théorie. Ils se renouvelleront toutes les semaines; et ils feront, dans ce bâtiment, uniquement destiné à leurs instructions pratiques, le service de l'équipage.
Art. 9. Cette corvette sera commandée par un lieutenant en second, et il y aura une mestrance complète pour instruire les aspirants.
Art. 10. Nul aspirant ne pourra être élevé au grade d'officier qu'au bout de six années d'école et après avoir fait au moins trois campagnes sur les vaisseaux de l'Etat.
Art. 11. Le rang des aspirants, à bord, sera immédiatement après le maître d'équipage, le maître pilote et le maître canon nier.
Art. 12. Lecorpsdes aspirants sera commandé par un capitaine de vaisseau, qui aura sous ses ordres un lieutenant en premier et un lieutenant en second.
Art. 13. Les aspirants de la première classe auront cinquante livres d'appointements par mois; ceux de la seconde classe quarante, et ceux de la troisième classe trente.
L'article du décret où je fixe le rang des aspirants immédiatement après les maîtres principaux de l'équipage, ne me parait pas pouvoir être raisonnablement contredit.
Les aspirants sont à l'école de leur art et ne peuvent parvenir au grade d'officier qu'après avoir soutenu un examen très rigoureux. Le maître d'équipage est un citoyen qui,dans la profession qu'il a embrassée, e6t parvenu au premier grade ; il doit paraître au moins irrégulier qu'il fût commandé par un jeune homme qui n'est encore rien. Cette utile leçon de subordination est encore un grand avantage, et nul corps n'a plus besoin que la marine d'un apprentissage sévère à cet égard. Officiers de là mdriné.
C'est avec peine que je vois le comité de la marine proposer de rétablir le grade d'enseigne que nous avions sagement aboli.
Voici les inconvénients de ce grade.
Les jeunes gens qui se destinent à la marine, et qui sont obligés à des écoles continuelles et à une surveillance exacte, passent rapidement de cet état subordonné à un état d'indépendance au moment où ils sont faits enseignes ; et par leur grade n'étant chargés d'aucun détail de confiance dans les vaisseaux, j'ai souvent vu des jeunes gens qui avaient montré de grands talents, devenir des officiers très médiocres, par la seule raison qu'ils cessaient d'être surveillés, et qu'ils n'avaient aucun emploi de confiance à remplir.
D'ailleurs ce grade intermédiaire entre le poste d'aspirant et de lieutenant retarde trop l'avancement, et lorsqu'un sujet est instruit, il faut l'avancer rapidement ; et ainsi que vous l'a si parfaitement démontré M. le rapporteur, il faut pouvoir commander les vaisseaux de ligne à 30 ans, c'est l'âge de l'audace ; et il en faut dans ce métier hasardeux.
Quand notre brave Suffren entra dans la rade de la Praia, en ne consultant que la gloire des armes françaises et le succès de sa campagne, ne sauva-t-ii pas, par cette action, les établissements hollandais et français au delà du cap de Bonne-Espérance?. Un vieil officier aurait continué sa route, en consultant ses iustructions.
Je ne puis, Messieurs, me dispenser de vous faire eu ce moment une courte observation ; mais
elle naît du sujet, et depuis plus de trente ans t j'ai toiyours désiré la faire en bon lieu : j'en ai l'occasion et j'en veux profiter.
Si vous daignez jeter les yeux sur la liste des ministres qui ont uirigé la marine depuis trente années, vous ne pourrez concevoir quel esprit d'aveuglement présidait à ces choix bizarres : on donnait hardiment tous les arsenaux de France à diriger, toutes les colonies à présider, toutes les campagnes et les instructions des généraux à combiner et à rédiger, à des citoyens qui n'avaient jamais vu d'autre port, que le port Saint-Paul, ou le port Saint-Bernard, et qui, par leur ignorance et leur impéritie, ont mis nombre de fois l'Etat à deux doigts de la perte.
Gomment un ministre de la marine ose-t-ij fixer à un officier de mer ce qu'il doit faire à mille lieues de la France 1 J'aimerais autant qu'il ordonnât au vent de souffler, à telle époque, de la partie du nord.
Cet objet mérite votre attention ; formons de bons officiers, et que les ministres dorénavant se bornent à leur dire :
La nation veut opérer tel mouvement dans telle partie du monde, elle vous confié les forces nécessaires, elle vous honore de sa confiance, et s'en repose sUr votre honneur.
Je prends acte, Messieurs, et vous demande la parole un jour sur l'organisation des bureaux de la marine, je pourrai vous donner à ce sujet quel* ques détails qui ne vous sont pas connus, et dont il est nécessaire que voUs soyez informés.
Je reviens à mon grade d'enseigne que je crois inutile, et je graduerai seulement leâ lieutenants en une et deux classes, ave^ une augmentation d'appointements.
Je demande que l'Assemblée décrète l'impression du discours et du projet de décret de M. de Sillery. (Gette motion est adoptée.)
(1). Messieurs, membre de Votre comité, j'ai concouru au travail qui vous est présenté, sans en admettre toutes les dispositions : je me proposais donc de vous soumettre quelques observations sur le projet de décret; mais je crois devoir m'expliquer en cet instant sur un nouveau plan qui vous a été proposé dans des mémoires distribués hier et avant-hier. — Je sais ce qu'il en coûte pour attaquer des systèmes protégés par une grande puissance qu'on appelle aujourd'hui l'opinion publique, non celle qui résulte des vérités senties, et du jugement réfléchi de tous les bons, esprits, mais du mouvement impétueux des volontés et des intérêts dominants qui repoussent avec empire toute contradiction. -- Déjà les discussions de votre comité ont été transmises dans tous les ports, et on y signale les prétendus ennemis des navigateurs. — Ces considérations ne m'arrêtèrent jamais, et je dirai jusqu'à la fin tout ce que je crois juste et utile.
L organisation du corps militaire de la marine doit être, comme toute
autre opération du Corps législatif, considérée sous le rapport de
l'intérêt général ; il n'est ici ni esprit, ni intérêt de corps, ni
aucun préjugé qui puisse vous en imposer : mais aussi, frappés des abus
que nous avons à réformer, nous devons nous préserver de tout
entraînement vers des idées absolument
Le corps militaire de la marine a été jusqu'à présent privilégié : un intervalle immense séparait ses officiers de ceux de la marine marchande ; ceux-ci n'ont longtemps servi sur les vaisseaux de l'Etat qu'en qualité de matelots ou d'aides-pilotes. Dans la dernière guerre, en les appelant momentanément en qualité d'officiers auxiliaires, on a créé pour eux le grade de sous-lieutenant de vaisseaux dans lequel ils restaient sans avancement. C'est dans l'armée de terre comme dans celle de mer et dans toutes les fonctions publiques, cette distinction humiliante pour la classe la plus nombreuse de la nation* qui a le plus accéléré et motivé le redressement de tous les griefs.
Mais assurés maintenant de l'égalité politique, la réparation des anciennes injustices peut-elle avoir d'autre mesure que celle même de l'intérêt général ; et après avoir mis sur la même ligne tous les citoyens, pouvons-nous confondre aussi tous les services, toutes les fonctions? devez-vous, comme on vous le propose, n'établir qu'une seule marine nationale, sans aucune distinction de marine militaire ou de marine du commerce ?
C'est la première question à décider avant d'entrer dans les détails de l'organisation, et c'est celle que je vais traiter,
La plus étonnante conception de l'esprit humain, est sans doute d'avoir osé se confier aux vents et aux flots dans l'espérance de leur commander, et le chef-d'œuvre de l'art est d'y réussir assez souvent, pour qu'on puisse regarder comme un malheur d'être victime de cette audace. Mais si les hommes avaient imaginé la navigation comme un moyen de plus de s'attar quer et de se détruire ; si cet art sublime était nécessairement lié à celui de la guerre, il n'y aurait pas de plus détestable et de plus folle invention ; tout nous indique, au contraire, que des besoins mutuels et des projets de secours, de lumière et de communication entre les peuples, formèrent les premiers navigateurs. Tel est encore aujourd'hui l'objet éminent et la fin naturelle de la navigation. Le premier mouvement des hommes qui se rencontrent dans les vastes déserts de l'océan, sera toujours de s'aborder en frères et de se secourir en amis, quand ils ne craindront pas respectivement d'être attaqués en ennemis.
Ainsi cette profession, vouée plus particulièrement aux relations sociales des différents points du globe, sollicite la paix entre les hommes par la raison qu'elle est toujours en guerre avec les éléments, et qu'elle a besoin de recueillir contre eux toutes ses forces.
Ainsi lorsque nos passions, nos sanglantes discordes transforment un vaisseau en place de guerre, c'est par une véritable violation des mœurs, des habitudes et de l'intérêt des navigateurs. — On ne saurait donc confondre en principe la navigation commerciale et la force maritime armée, encore que les mêmes hommes puissent alternativement remplir les deux destinations-
Depuis les flottes des Phéniciens et des Carthaginois, jusqu'à celles de nos temps modernes, sur les vaisseaux d'Alexandre, sur ceux de Ghar-lemagne, qui défendait par des vaisseaux armés les côtes de ses vastes Etats, de l'embouchure de l'Elbe jusqu'à celle du Rhône, comme sur les escadres de Louis XIV, on a toujours distingué les
hommes qui formaient l'équipage de ceux qui composaient la garnison. Ou appelait chez les anciens et même chez les modernes, les premiers mariniers, et les autres, gens de guerre : les deux professions n'avaient rien de commun que les périls. — Nous avons conservé de cette dénomination ce qu'on appelle encore aujourd'hui la garnison des vaisseaux, uniquement composée de soldats et un corps de canonniers, exclusivement consacrés au service du canon, mais depuis la conquête du nouveau monde, les armements des flibustiers et ensuite ceux des corsaires, ont associé plus fréquemment les gens de mer aux exercices militaires et à toutes les manœuvres des combats.
Je suis donc loin de penser que les navigateurs soient étrangers aux talents et aux manœuvres de la guerre, et que le courage qui brave les tempêtes soit inférieur à celui qui se présente au feu de l'ennemi : mais je dis que, pour remplir ce service avec succès, il faut y êlre exercé, il faut en avoir pris les habitudes, et l'esprit et les mœurs, ou sur les corsaires ou sur les vaisseaux de guerre; il faut avoir recherché, de préférence à toute autre, cette destination qui est absolument différente de celle du commerce et de la navigation marchande.
Ceux qui veulent abolir toute distinction entre la marine militaire et celle du commerce, défendent leur système par des raisons spécieuses; et d'abord il est essentiel de remarquer que, parmi les navigateurs marchands, il y a aujourd'hui et il y a toujours eu des hommes distingués, également propres à la guerre et à la navigation; et qu'il ne s'agit plus, comme autrefois, d'éloigner de tels hommes des grades et des honneurs militaires. Il leur serait sans doute permis de s'indigner en se souvenant que La Bourdonnais, commandant dans l'Inde une escadre triomphante après avoir battu les Anglais et pris Madras, n'avait encore obtenu, dans la marine royale, que le grade subalterne de lieutenant de frégate. Cet homme célèbre, que l'histoire place déjà au rang des plus grands amiraux, se trouve encore dans les états de la marine à la suite des lieutenants de vaisseaux. Mais qu'est-ce que prouve cet exemple et celui des marins illustres, tels que Jean Bart et Duguay-Trouin, sortis des vaisseaux marchands? Il prouve qu'ils y acquirent, dans la première jeunesse, les connaissances nautiques, et qu'aussitôt qu'ils purent suivre l'impulsion de leur génie qui les portait à la guerre, ils abandonnèrent les mœurs, les habitudes et les spéculations du commerce pour n'y revenir jamais.
Ces exemples tant répétés ne peuvent donc démontrer qu'une vérité non contestée, c'est que dans l'équipage d'un vaisseau marchand il peut se développer de grands talents pour la guerre maritime, et que tout accès doit leur être ouvert dans la carrière militaire.
Mais doit-on en conclure qu'un seul corps de marine puisse suffire à la guerre comme au commerce, que tous les officiers propres à la navigation soient également propres à la guerre, que l'une et l'autre destination soient identiques? c'est ce qui ne me paraît pas juste; c'est ce qu'aucun marin célèbre n'a jamais avancé; c'est ce qui se trouve enfin démenti par la pratique dans toutes les marines de l'Europe.
On vous dit que l'armée navale est essentiellement composée des matelots navigants pour le commerce ; que les officiers marchands sont obligés d'avoir les mêmes connaissances nautiques que les officiers de vaisseaux ; que les uns
î et les autres ont à faire exécuter les mêmes manœuvres; qu'enfin les officiers marchands sont appelés pour servir en leur qualité sur les vaisseaux de guerre, qu'ainsi il est inutile d'avoir un corps particulier d'officiers entretenus sous le nom de marine militaire, lorsqu'on est obligé de le recruter pendant la guerre par les navigateurs du commerce.
Telles sont les principales objections auxquelles j'ai à répondre.
Il est bien certain que sur un vaisseau de guerre, comme sur un vaisseau marchand, l'équipage manœuvrant ne peut être composé que de matelots, et que les connaissances comme les instruments nautiques sont les moyens nécessaires de la navigation; que tous les jours et dans tous les instants du jour il faut en faire usage, au lieu que les combats n'arrivent que par intervalle.
Mais que serait une armée navale dépourvue de canonniers, de fusiliers, d'officiers mariniers et d'officiers supérieurs, accoutumés à la discipline et aux manœuvres de guerre? — Que l'on suppose un vaisseau monté par les meilleurs hommes de mer, mais dont aucun ne serait familier aux exercices et aux commandements militaires, inhabiles au maniement des armes et aux manœuvres rapides que nécessitent les événements d'un combat; —je dis que la bravoure la plus intrépide n'empêcherait pas un tel équipage de succomber sous Je feu de l'ennemi.
Les matelots, quoique moyen principal de la guerre maritime, ne peuvent donc y être employés que comme auxiliaires des gens de guerre, quand ils ne sont pas eux-mêmes exercés dans cet art ou dirigés par des officiers mariniers et des officiers supérieurs, consacrés à la discipline et aux manœuvres militaires.
Or, je demande où se fera cet apprentissage, où se conservera ce dépôt de discipline, de manœuvre et d'habitude militaire, si ce n'est dans un corps militaire?
Et que l'on ne croie pas résoudre la difficulté en disant que toute la marine nationale formera désormais le corps militaire, dont la moindre partie sera à la charge de l'Etat?
Je réponds que s'il y a une alliance naturelle entre la marine commerciale et la marine militaire, ce sont cependant nécessairement deux destinations différentes; et qu'en y employant indifféremment les mêmes officiers, les mœurs et les habitudes de la guerre dénatureront les mœurs et les habitudes du commerce, à son grand détriment, et réciproquement.
Pour juger de cette influence alternative, il suffit d'observer la différence d'occupation et de régime du marin militaire et du marin commerçant.
Les uns et les autres sont, pendant la traversée, également occupés de manœuvres nautiques; mais sur un vaisseau de guerre, même pendant la paix, l'exercice du canon, celui de la mousqueterie, s'exécutent régulièrement; la discipline militaire s'observe avec ponctualité, la dignité du commandant est maintenue, les subalternes sont soumis à une subordination plus imposante, les élèves ou aspirants sont astreints à des études journalières : arrivés dans les rades, les mêmes exercices se répètent jusqu'à la fin de la campagne. Sur un vaisseau marchand, il n'est question d'aucun de ces détails, la manœuvre des voiles et celle du gouvernail, les observations méridiennes, l'estimation de la route occupent toute la traversée : arrivés dans les rades, les fonctions de l'officier marchand cessent d'appar-
tenir à la navigation, deviennent celles d'uu commerçant ; alors ce n'est plus sur un vaisseau, c'est dans un magasin qu'il commande; là il devient un spéculateur intelligent pour les intérêts de son armateur ou pour sa fortune propre. Le prix des denrées, les conditions utiles de vente et d'achat, la correspondance des commettants, celles des commissionnaires, les recouvrements, les stipulations de fret et d'assurance : voilà ses occupations. Et qu'on ne pense pas que j'entende ravaler, par cet exposé, la profession des navigateurs commerçants; qui pourrait être assez insensé pour croire qu'il n'y a d'utile et d'honorable que la profession des armes? c'est au législateur surtout qu'il appartient de proscrire de telles erreurs; mais il doit se garder aussi de ravir à l'homme de guerre cette opinion qui lui est chère de la prééminence de son état; car il n'y aurait plus d'armée redoutable, si l'on parvenait à détruire le fanatisme de l'honneur.
Et n'est-ce pas une considération de justice, que celle qui nous fait placer au premier rang les hommes dévoués au service public, et parmi eux ceux qui retirent de leur dévouement plus de peines et de dangers que de profit? Sans doute, le gouvernement doit honorer et protéger tous les efforts, tous les succès de l'industrie; mais il est juste qu'il environne de plus d'honneur le zèle généreux, qui n'est souvent que l'amour de la renommée, mais dont la vanité même a de nobles et d'utiles effets.
Gette réflexion, Messieurs, m'en suggère une autre uniquement applicable aux intérêts du commerce et des armateurs. Croyez-vous qu'il pût leur convenir que l'esprit militaire s'emparât subitement de leurscomptoirset de leurs navires? que l'indépendance et la fierté de cette possession en tout ce qui ne tient pas à l'ordre du service, s'accommodassent avec l'autorité qu'il importe aux armateurs de conserver sur les capitaines de leurs navires? Croit-on que les uns et les autres ne se trouveraient pas respectivement gênés dans leurs relations; que la dignité d'un officier de l'Etat se plierait à la déférence nécessaire au préposé d'un particulier? Ou, si cela arrivait, retrouveriez-vous également dans tous ces officiers particuliers, la dignité nécessaire des officiers de l'Etat ?
Je ne sais si je me trompe, mais n'y eût-il que ce seul inconvénient dans la réunion en un seul corps de tous les navigateurs, il suffirait, je crois, pour faire abandonner ce système. Remarquez maintenant quel autre inconvénient ce serait d'avoir une quantité immense d'officiers de marine, sans traitement et sans emploi, même dans le commerce; car on compte aujourd'hui près de six mille capitaines marchands, au grand et au petit cabotage, quoique nous n'ayons pas cinq mille bâtiments de commerce : ainsi, en faisant tous ces capitaines officiers de vaisseaux, vous auriez habituellement plus de trois mille officiers sans emploi.
Je n'ai pas encore attaqué la plus forte raison qu'on puisse alléguer pour réunir en un seul corps militaire et commercial tous les navigateurs.
Cette réunion, dirait-on, s'opère partiellement pendant la guerre, et la preuve que vous y croyez propres les officiers du commerce, c'est que vous les appelez sur la flotte, c'est que vous les employez comme officiers militaires, quand le nombre des entretenus est épuisé. Or, est-il juste que vous nous fassiez faire un service dont nous essuyons tous les dangers sans en partager les honneurs?
Dans l'ancien régime cette objection était dans
toute sa force : la servitude des navigateurs, pendant la guerre, n'était compensée par aucun des avantages auxquels ils avaient droit, et nous sommes loin de défendre cette insigne injustice. Mais en la réparant, en assignant aux officiers du commerce le rang d'ofliciers militaires, aussitôt qu'ils remplissent un service public, en les mettant dès cet instant dans une parité absolue de grades et d'avancement, tant qu'ils serventsur les vaisseaux de l'Etat; en leur laissant les moyens de s'y consacrer tout à fait; s'ils rede-viennentcommerçants, n'abandonnent-ils pas volontairement la carrière militaire ? et est-il juste alors qu'ils restent en parité de droits, avec ceux qui la poursuivent sans interruption ? Sans doute, l'armée navale peut être utilement recrutée par les officiers marchands; mais n'est-ce pas aussi une ressource honorable pour eux que de servir utilement la patrie, quand la suspension du commerce les laisse sans emplois? et lorsqu'ils entrent dès ce moment en partage des honneurs et de tous les avantages du corps militaire, qu'ont-ils de moins que ceux qui sont exclusivement voués au service public? La même voie d'avancement est ouverte aux uns comme aux autres. Ceux qui arrivent plus tard sur la flotte, qui ont été livrés jusqu'alors aux travaux et aux spéculations commerciales, ne peuvent, que par des actions d'éclat, percer les rangs de ceux qui les précèdent; et-il serait véritablement injuste de mettre sur la même ligne les jours employés au soin de sa fortune, et ceux consacrés à défendre la fortune publique.
Je reprends encore cette objection sous les rapports de l'analogie des deux services : pourquoi deux corps, pourquoi des distinctions si marquantes entre des hommes qui doivent avoir en général les mêmes connaissances, qui vivent sur le même élément, et qui enfin deviennent hommes de guerre aussitôt qu'on en a besoin? Graduez, ajoute-t-on, les modes de service et d'avancement, mais qu'il n'y ait qu'un seul corps ; qu'on ne distingue plus la marine militaire et celle du commerce.
Je rappellerai ici, sans les répéter, mes premières observations, et j'ajouterai que l'analogie des deux services n'est pas l'identité ; que ce qu'ils ont de ressemblant n'anéantit pa3 ce qu'ils ont de différent, et que parce qu'un marin militaire doit être bon navigateur, il ne s'ensuit pas que tout navigateur ait les connaissances nécessaires à la guerre de mer : mais aussitôt qu'il les possède, aussitôt même qu'il en remplit le service, alors il ne s'agit plus, comme ci-devant, de lui en contester les honueurs, de le tenir à une distance humiliante des grades et des décorations militaires; alors il est officier de l'armée, prenant rang du premier jour de son service, concourant à tous les remplacements ; et comme son expérience acquise sur les bâtiments du commerce est un véritable titre, je trouve juste, comme le demandent les capitaines marchands, que leur navigation soit comptée pour moitié de celle sur les vaisseaux de guerre : mais ce qui n'est pas juste, ce qui serait funeste au commerce comme à l'armée navale, c'est qu'on pût avancer en grades militaires, en naviguant seulement sur les vaisseaux du commerce; c'est de ne former qu'un seul corps de marine, dans lequel on ne pourrait conserver, dans leur intégrité, ni les habitudes de la guerre ni celles du commerce.
Les auteurs de ce système en présentent les avantages en proposant pour l'avenir de ne recevoir comme capitaines et officiers sur les bâti-
ments du commerce, que ceux qui auront passé par le grade et les examens d'aspirant; ainsi désormais les sciences mathématiques et la théorie de la navigation deviendraient familières à tous les navigateurs.
Ce qu'il y a d'utile dans cette proposition a été saisi par votre comité, mais il en a rejeté ce qui serait dangereux. Il est utile qu'il y ait un grand nombre de marins, qu'une éducation plus soignée, des connaissances plus approfondies rendent propres au commandement; il est utile que dans cette quantité de candidats les plus distingués se consacrent au service militaire, et que les autres trouvent un honorable emploi sur les navires de commerce ; mai3 il serait dangereux d'interdire tous autres moyens de parvenir à ceux qui se consacrent à la navigation commerciale; es auteurs du nouveau système remarquent eux-mêmes que la pratique de la mer, la connaissance des manœuvres sont plus importantes que la plus savante théorie, ce qui est vrai surtout pour la marine marchande ; pourquoi interdire au simple matelot, au jeune homme qui débute comme mousse et non comme aspiran t, qui ne peut suffire aux frais des premières années d'étude, pourquoi lui interdire l'espérance de commander des navires marchands, lorsque, dans le plan de votre comité, il peut conserver celle de devenir amiral ?
Nous adoptons donc le plan d'une instruction commune, d'une pépinière commune pour tous les officiers de l'armée navale et du commerce ; mais nous ne pouvons adopter celui de confondre absolument les deux services, et je m'éloigne même, d'après ce principe, de deux dispositions du comité qui multiplient les grades d'enseignes et celui de lieutenants surnuméraires, en ce que je ne saurais accorder des grades militaires qu'à des services militaires : je veux, je trouve juste d'élever au rang d'officier de l'armée tous les capitaines de navire ; mais le brevet et le titre ne peuvent appartenir qu'à ceux qui servent en cette qualité sur les vaisseaux de l'Etat.
C'est avec peine que j'ai vu au nombre des observations, à l'appui du nouveau système de marine, une censure amère du corps militaire actuellement existant. Ce n'est pas le moment de relever tous les torts qui résulteraient de3 préjugés des distinctions que vous avez effacées; mais c'est celui de remarquer qu'il n'est peut-être pas en Europe de corps plus instruit que celui de la marine de France; les talents qui s'y sont développés dans la dernière guerre, les succès qu'ils ont obtenus, sont encore au-dessus des fautes et des revers : et cependant tandis qu'on soutient aussi légèrement que la science de la tactique navale est un épouvantai! dont on se sert pour éloigner des grades les navigateurs marchands, le corps militaire dont l'instruction est plus soignée depuis quinze ans que celle d'aucune autre marine ; ce corps, dont l'activité pendant la dernière guerre n'est pas contestée, cite lui-même avec éloge le petit nombre d'officiers distingués par leurs connaissances de tactique. Ah ! réformons les abus ; mais ne renversons pas les principes que la raison et l'expérience ont consacrés ! Ceux d'un bon régime militaire sont incompatibles avec toute autre profession ; la discipline ne veut point de relâche; les mœurs, l'esprit militaire qu'il faut surveiller et contenir, mais point anéantir, ne permettent point de spéculation mercantile, repoussent toute autre subordination que celle du ser-
vice. Le corps de la marine fut privilégié, il ne l'est plus; mais son institution modifiée doit être maintenue ; son instruction perfectionnée par les derniers règlements des écoles, par l'établissement des corvettes d'instruction pour les élèves, par les escadres d'évolutions n'est pas moins précieuse, quoiqu'elle appartienne à l'ancien régime. Il n'y a ni générosité, ni justice à exciter les préventions du peuple et de ses représentants contre un corps militaire, parce qu'il était noble. Vous n'avez détruit, Messieurs, de la noblesse que ses chimères; mais la mémoire des grandes actions, celle des services rendus, la statue élevée à Rousseau, comme celle de Duguay-Trouin (1), confirment la noblesse héréditaire, pour les enfants dignes de leurs pères, et il n'y eut jamais que cette généalogie des vertus et des talents qui obtint de justes et durables hommages.
Je conclus à ce que l'Assemblée nationale décrète qu'il y aura un corps militaire de la marine entretenu ; que ce corps sera composé de mate-lots-canonniers, officiers, mariniers, aspirants, enseignes, lieutenants, capitaines, Contre-amiraux, vice-amiraux et amiraux. Voici les changements et additions que je propose au projet du comité.
Tous les jeunes gens, au-dessous de l'âge de dix-huit ans, qui voudront débuter dans la navigation en qualité d'aspirant de la marine, en auront la faculté, en subissant un premier examen sur les éléments de la navigation.
Il y aura trois classes d'aspirants, on passera de l'une à l'autre, au concours, après des examens successifs et une année de navigation dans chaque classe.
Les élèves de la première et de la seconde classe seront admis aux écoles militaires établies dans les grands ports; ils y seront soumis à une inspection militaire, ét enseignés, mais non entretenus aux dépens de l'Etat.
Les aspirants de la seconde classe, qui auront quatre années de navigation, un an au moins sur les vaisseaux de l'Etat, pourront être choisis par les armateurs, pour commander leurs navires sans être reçus capitaines.
Les navigateurs qui auront été reçus capitaines sans être aspirants de la marine, et ceux desdits aspirants de la seconde classe, qui auront commandé des navires marchands, au grand ou un petit cabotage pendant douze mois, auront le rang d'enseignesde vaisseau, et en recevront le brevet aussitôt qu'ils seront appelés pour servir en cette qualité sur les vaisseaux de l'Etat.
Tous les autres navigateurs employés en qualité d'officiers sur les navires marchands serviront sur les vaisseaux de l'Etat, savoir : les seconds comme aspirants de la première classe, et les lieutenants comme aspirants de la seconde classe.
Ceux des capitaines de navire qui ont été employés militairement comme auxiliaires, et ceux qui ont commandé peudant douze mois des navires de 150 tonneaux et au-dessus, obtiendront dès à présent le brevet d'enseigne de vaisseau ; ils seront admis au concours pour remplir les places vacantes d'enseignes entretenus.
Le grade de lieutenant de vaisseau ne pourra
Si les enseignes non entretenus, après avoir rempli en temps de paix les conditions de service prescrit, ne pouvaient être compris, à défaut de places vacantes, dans la classe des lieutenants de vaisseau entretenus, ils seront faits lieutenants surnuméraires; et s'ils ont servi cinq années pendant la guerre sur les vaisseaux deï'Etat en qualité d'officiers, il leur sera accordé en demi-paye, la moitié du traitement dont jouiront les entretenus, jusqu'à ce qu'ils puissent, par rang d'ancienneté, ou au choix du roi, être placés dans la classe des entreténus.
Telles sont les modifications que je désire être faites au projet du comité dont j^adopte les autres dispositions.—Mon plan ne diffèredu sien : 1® qu'en Ce que je mets une grande importance à conserver des écoles militaires dans les grands ports, à ouvrir ainsi une route plus directe aux jeunes gens que leur inclination dirige particulièrement vers le service militaire, — 2° En ce que je ne fais pas nécessairement de tout officier du commerce un officier de la marine militaire, mais j'assUre également à tout navigateur, à tout capitaine de navire qui servira militairement, la perspective d'honneur et les avantages auxquels il a droit. — Je distingue donc les deux services, lorsque ta raison, la justice et l'intérêt même du commerce le commandent. — Je les réunis, ou plutôt j'en cumule les titres et le mérite, lorsqu'il est utile et juste de les faire valoir l'un par l'autre,
Je demande que l'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Malouet (Cette motion est adoptée.) (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.)
M. Gault, membre de l'assemblée coloniale de Saint-Domingue, à la suite de l'Assemblée nationale, demande un congé de six semaines pour se rendre à Rennes dans sa famille.
Je ne mets aucun obstacle au congé qui vous est demandé : mais 1a forme de la demande exige une observation importante. L'auteur y prend la qualité de membre de l'assemblée coloniale de Saint-Domingue, assemblée que vous avez dissoute par votredécret du 12 octobre» Ces méprises sont peu importantes ici; mais à 2,t)00 lieues, il est facile de s'en servir pour faire croire aux colonies à une espèce de renonciation tacite de l'Assemblée à un décret formel et pour exciter de nouveaux troubles. Cette désignation erronée est d'autant .plus dangereuse qu'elle s'est glissée dans les procès-verbaux de quelques-unes des séances précédentes. Je demande donc que mon observation soit rapportée dans leprocès-verbal et que l'Assemblée manifeste ses intentions d'une manière si précise qu'il ne puisse s'élever à cet égard aucun doute. De cette façon, on détruira toute impression con- traire qu'on aurait voulu induire de la fausse qualification qu'aurait pu prendre ou qui aurait pu être donnée à quelques membres de la ci-devant assemblée coloniale de Saint-Domingue. (Cette motion est adoptée et le congé est accordé.) L'ordre du jour est un rapport du comité des finances sur Taperçu de la dépense des trois premiers mois de 1791 (1).
rapporteur. Je viens mettre sous vos yeux l'aperçu spéculatif de la dépense publique dans les trois premiers mois de cette annëe.
Une partie, îa plus grande partie de cette dépense, n'appartient point à l'année 1791. Placés entre les débris d'un régime nouveau, vous avez bien prévu, et toute la France a dû prévoir qu'il y aurait nue langueur inévitable dans les recouvrements, des accroissements momentanés dans les dépenses; vous entendrez donc sans inquiétude des détails que votre prévoyance a anticipés. Ce n'est point avec de vains ménagements que nous devons vous exposer le tableau d'une situation que vous pouyezchanger, dont le changement est irrévocablement arrêté, et par la nature des choses, et par là sagesse de vos décrets.
Les besoins présumés des trois derniers mois de 1790 devait élever la dépensé à 132,342,000 liv, au-dessus dé la recette effective. Au 1er octobre dernier il n'y avait dans la caisse nationale qu'environ 8 millions, soit en numéraire réel, soit en valeurs équivalentes. Les secours que vous avez fournis jusqu'au 31 décembre ont été de 124,095,000 livres. Il restait dans le Trésor public au V* janvier 29,018,000 livres, dont prés de 16 millions en numéraire. Les dépenses ont donc été réellement de 29,247,000 livres au-dessous de l'évaluation portée dans l'aperçu spéculatif.
Quelques recettes plus fortes qu'on ne les avait prévues, quelques recouvrements inespérés, tels que les3,700,000 livres payées par les Américains, les retards de nombre de pensionnaires qui n'ont point encore réclamé ce qui leur était dû sur 1789, ce que vous les aviez autorisés à toucher pour 1790, ont produit cette différence entre le calcul des événements et le calcul de la prévoyance; cependant toutes les rentes de 1789, toutes celles du moins qui se sont présentées, ont été acquittées eu entier. Le payement des arrérages de 1790 est entamé ; quelques capitaux ont été remboursés, et laissent au Trésor public d,es répétitions à exercer sur la caisse de l'extraordinaire.
Il ne reste à fournir à la marine, sur sa dépense fixe de 40,500,000
livres, que 3,580,0001* environ 9 millions à la guerre, quelques objets
de la liste civile sur les premiers mois de 1790, et antérieurement au
décret qui Ta séparée de la dépense publique, et tout cela par la
nécessité inéyitable de ces arrièrements qui existeront dans tous les
temps et sur toutes les caisses. C'est cette loi dés arrièrements qui
doit vous faire sentir la sagesse de l'institution rigoureuse d'une
caisse uniques, le danger, la perte réelle qui naîtraient de la
division, de l'insubordination ues caisses. Cest celte indispensable loi
qui vous rappellera toujours à ce principe d'unité qui doit soumettre
toutes les parties de la recette et de la comptabilité à l'empire d'un
seul ordonnateur, sous l'inspection suprême, sous la surveillance
Je commence par la recette générale, jusqu'ici contrariée dans plusieurs parties, par les erreurs des contribuables, par la crainte des receveurs, par la fluctuation des principes, par les retards dans l'imposition, atténuée enfin par les vices et par la ruine même de l'ancien régime.
Les impositions directes des anciens pays d'élection et pays conquis ne sont évaluées, pendant les trois premiers mois de cette année, qu'à 16,300,000 livres. Cette évaluation, Messieurs, je la crois trop faible. Vous avez mis un terme à l'exercice languissant et intermittent des receveurs particuliers et des receveurs généraux; une correspondance plus active, une surveillance plus sévère, et j'ose l'espérer, une harmonie plus confiante, plus entière entre l'administration générale et les administrations subordonnées, la rentrée des impositions arriérées, celle du remplacement de la gabelle à des droits divers, que vous avez supprimés, marqueront les progrès de l'ordre nouveau que vous avez établi ; 1,800,000 livres existaient dans la caisse des recettes générales, et ont été versées dans le Trésor public. La stagnation d'une pareille somme dans une caisse particulière, et dans des temps plus heureux, la stagnation constante d'une somme plus forte vous démontre la sagesse des mesures que vous avez prises en supprimant d'inutiles intermédiaires. Les impositions des ci-devant pays d'Etat donneront plus de 4 millions; elles en donneront 6, si la Bourgogne, qui doit plus de 2 millions d'arriérés, tient l'engagement que semblent avoir pris ses administrateurs, et que nous garantissent leur zèle et leur patriotisme.
Vous avez mis un terme aux fonctions des receveurs généraux et des receveurs particuliers dans les anciens pays d'élection; il faut étendre la même disposition aux ci-devant pays d'Etats. Les anciennes impositions des ci-devant pays d'Etats étaient et sont encore affectées à des arrérages de rentes constituées pour le compte de l'Etat, au remboursement des capitaux de leurs emprunts, à des dépenses locales; mais cette affectation ne sera point intervertie. Les recettes seront faites par le trésorier de chaque district, pressées, surveillées par chaque département. On payera en Bourgogne, en Bretagne et en Languedoc tout de qui devait être payé en Languedoc, en Bretagne, en Bourgogne; on payera au Trésor public tout ce qui devait être payé à Paris, à la caisse de l'extraordinaire tout ce qui devait être remboursé, et dès ce moment, chaque administration aura pour le passé, comme pour l'avenir, son activité distincte séparée. La ferme générale produira peut-être dans les trois premiers mois 6,500,000 livres.
On n'ose plus, Messieurs, asseoir des calculs ni des espérances sur les débris d'un établissement qui s'écroule de tous côtés, il faut se hâter ou de la détruire ou d'en relever quelque ruine. Son existence ne fait plus qu'altester l'impuissance des lois et tromper les peuples sur la soumission qu'ils doivent à vos décrets.
Depuis que la question sur la vente exclusive du tabac se discuta devant vous, la contrebande s'accrédite, elle devient une profession. Ceux qui
s'y vouent, dangereux par cela même qu'ils portent atteinte à vos lois, sont plus dangereux encore, parce qu'ils anéantissent une fabrication nationale, et livrent notre numéraire à l'étranger. Depuis Brest jusqu'à Dunkerque, nos rivaux envahissent cette nouvelle branche de commerce, trompent nos citoyens, et affament le royaume d'un argent déjà trop resserré pour nos besoins. En vain les départements, les districts, les municipalités s'arment contre cette fraude meurtrière, elle s'accroît chaque jour pour la ruine du royaume, pour la corruption des mœurs nationales et la perte de l'esprit public.
Les traites attendent toujours leur tarif, et il est urgent de le décréter, dût-il être imparfait; puisque enfin vous avez voulu qu'il y eût des droits de traites; puisqu'il existe une administration des traites; puisque des établissements dispendieux sont déjà formés sur nos frontières, il faut qu'ils entrent immédiatement en activité. L'expérience vous démontrera qu'il faut pour l'appui, pour l'économie de cette administration, la réunir à d'autres perceptions, à d'autres entreprises. 11 y a déjà longtemps, Messieurs, que nous vous avons présenté l'idée de l'associer à l'administration des postes. Séparées, elles se gênent, elles se tourmentent, elles se contrarient. Quelle que soit la surveillance, quelle que soit la délicatesse et la sévérité du directoire des postes, les postes seront l'éternel véhicule de la contrebande, si vous ne les incorporez à la régie chargée de la détruire.
La régie générale des aides, tout expirante qu'elle est, a encore du produit et présente plus de 20 millions de recouvrements à faire, mais qui s'évanouiront avec elle, si vous en prononcez l'anéantissement. Elle versera, par aperçu, dans les trois premiers mois, plus de 5 millions dans le Trésor national. La régie des domaines nous promet un peu plus de 5 millions, et c'est promettre peut-être plus qu'elle ne pourra effectuer. Tout se porte sur les biens nationaux, et vos décrets n'en ont soumis l'acquisition qu'à de modiques droits. Les autres transactions entre les citoyens languissent; les procédures sont encore suspendues entre la chute des anciens tribunaux et la formation complète des nouveaux tribunaux que vous avez créés.
En février, commenceront les droits d'enregistrement ; ils commenceront dans tout ie royaume ; mais la perception ne sera vraiment active qu'au mois d'avril. C'est en avril encore que commencera le timbre, et le timbre lui-même aura ses lenteurs, ses tergiversations ; mais enfin il s'établira; et réuni avec le droit d'enregistrement, il vous présentera un revenu de 48 à 50 millions. Je ne veux ni affaiblir, ni exagérer vos espérances, mais je crois que pendant les deux premières années, celte administration sera plutôt au-dessous qu'au-dessus de mes calculs. Ce sera toujours des biens nationaux, et presque rien autre chose que des biens nationaux, qui seront vendus. La Révolution fera longtemps encore sentir ses ondulations; les esprits, frappés d'une espèce de stupeur, n'oseront d'abord se livrer aux grandes entreprises ni s'abandonner à leurs spéculations. Mon devoir est de vous défendre des illusions, et de vous roidir d'avance contre toutes les difficultés qui nous attendent encore dans notre longue et périlleuse carrière.
La loterie royale donnera 1,800,000 livres; elle donnera davantage, si vous en décrétez la conservation : en la décrétant, vous la mettrez sous la garde des lois; vous réprimerez, comme des
délits publics, des atteintes qui seraient encore des délits publics quand ils n'attaqueraient pas un revenu national. Ce serait trop ajouter à l'immoralité de cette institution, que d'appeler, par notre indolence, la cupidité des étrangers et les fraudes de nos propres citoyens. Nous aurions déjà invoqué la sévérité de vos décrets contre une foule d'agents qui trafiquent de l'ignorance et de la misère du peuple, si nous n'avions pas cru devoir attendre la décision qui fixera le sort de cet établissement.
Les messageries attendent la nouvelle organisation que votre sagesse a déterminée; nous ne les comptons point dans les revenus publics, et pussent-elles n'y être jamais comptées I Loin de calculer sur ce genre de produit, vous encouragerez partout la liberté qui doit le détruire. Vous regarderez comme l'époque de notre prospérité celle où le voyageur ne payera plus qu'au citoyen, et ne lui payera que des salaires ou des consommations. Vous vous rappellerez toujours que Colbert soudoyait les voitures qui allaient sur nos frontières s'offrir aux marchandises étrangères. Vous êtes tellement situés, que vous pouvez être le lien de communication entre les différentes parties de l'Europe. Un si beau ciel, tant de monuments, tant de jouissances, des mœurs jadis douces, jusqu'à la faiblesse, mais qui désormais seront fortes, franches et généreuses comme la liberté! Les citoyens de tous les pays voudront encore, comme autrefois, voir la France; ils voudront s'y arrêter quelques instants, et il ne tiendra désormais qu'à nous qu'ils veuillent s'y fixer sans retour.
La régie des poudres et salpêtres ne versera rien, mais elle éteindra des dettes, mais elle remplira ses magasins et nos arsenaux. La caisse de Poissy ne fait plus guère que rembourser les fonds d'avance de ses régisseurs; et dans quelques mois elle vous livrera un établissement dégagé de toute dette, un établissement que vous pourrez compter encore dans vos revenus, ou dans ceux de la municipalité de Paris. Les affinages demandent toujours un compte de clerc à maître. Ils ne sont pas absolument sans produit, mais le fermier les garde et renvoie le Trésor public à son cautionnement.
La contribution patriotique doit encore, sur le premier tiers, 7,687,000 livres. La caisse de l'extraordinaire versera par mois 5 millions, ainsi que vous l'avez décrété, pour balancer les revenus nationaux qui lui sont affectés. Quelques recettes particulières, quelques débets de comptable rendront à peu près un million; et dans cette somme je comprends 300,000 livres qui seront payées par le duc des Deux-Ponts. Tous ces objets de recette, et ce qui était en caisse au 31 décembre, sont évalués, pour les trois premiers mois, à 99,123,000 livres, et cette somme est distribuée ainsi qu'il suit :
En janvier, 57,300,000 liv. )
En février, 21,683,000 f 99,123,000 liv.
En mars, 20,140,000 )
Dépense.
La dépense est bien loin de cette recette ; vous en connaissez les divers éléments, une grande partie est déjà déterminée par vos décrets.
La liste civile, les maisons des princes ont des limites qu'elles ne déborderont pas. Je dois vous observer que vous avez assigné sur le Trésor public le payement des rentes viagères de
M. d'Artois; elles s'élèvent aujourd'hui à environ 850,000 liv. Ce serait une mesure sage, une mesure économique pour lui et pour la nation, de les assigner sur la même caisse, qui payera les intérêts de la dette publique.
Les affaires étrangères ont une dépense fixe; la guerre, la marine ne roulent encore que sur des aperçus. On a évalué la guerre à 7 millions par mois, indépendamment des 4 millions que vous avez affectés aux fortifications à réparer, dépense successive, etqui se prolongera au moins sur toute l'année 1791. On a porté encore la marine à 40,500,000 liv., 3,375,000 liv. par mois, et on ne croit pas que ni la marine, ni la guerre s'écartent beaucoup de cette estimation. Plus de dettes désormais quipèsentsur les départements; et dans le système général de l'Europe, rien encore qui fasse craindre une fluctuation dans la dépense.
Les renies, les intérêts des créances, vous avez arrêté que l'année entière 1790 en serait payée dans les six premiers mois 1791. Vous voudrez sans doute que toute l'année 1791 des pensions qui vont être rétablies, soit payée dans la même époque. Ces différents objets formeront pour les six premiers mois la sommed'environ 235 mil lions. Mais les payements seront plus lents dans les trois premiers; et d'ailleurs, le créancier dort quand le débiteur est exact et ponctuel. On peut donc n'évaluer la dépense des trois premiers mois qu'à 100 millions, à 115 ou 117, si vous y ajoutez ce qui reste de rentes de 1789 et de pensions non réclamées.
Vous seriez effrayés de cette masse de dépenses, si vous ne vous rappeliez pas que tout entière elle appartient à l'arriéré, qu'en l'acquittant vous libérez le présent d'un ancien fardeau qui l'accablait; qu'en accélérant l'extinction de cet arriéré, vous ranimez les contributions, vous rendez la vie au commerce, des capitaux à l'industrie, à la culture ; au peuple, des salaires et du travail ; du travail, son véritable besoin, sans lequel il n'existe ni bonheur ni espérance pour lui, ni sûreté pour les autres citoyens, ni salut pour la Constitution.
Une dépense plus sacrée, mais une dépense indéterminée encore, c'est celle du culte, celle des pensions dont l'Etat est chargé envers les ecclésiastiques, envers les religieux qui n'ont point de fonctions publiques. Cette double dépense, nous l'avons évaluée à 140 millions par année. Si elle eût été toute entière affectée sur le Trésor public en 1790, vous auriez à payer dans les trois premiers mois 175 millions : 140 millions pour 1790, 35 millions pour 1791.
Mais un grand nombre d'ecclésiastiques, plusieurs maisons religieuses ont joui, en 1790, des revenus dont ils étaient en possession ; d'autres ont reçu des secours, et ils est permis de penser que 50 millions suffiront à la dépense effective qui se fera dans les trois premiers mois. Les dîmes, les revenus affermés formeront dans les caisses de districts, et bientôt dans la caisse de l'extraordinaire, une masse de recette qui compensera les versements que nous vous demanderons dans le Trésor public. Jusqu'i i cette recette a dû être languissante; à peine les administrations ont-elles pu en former les états préparatoires; les fermiers et les locataires ont profité du sommeil et des lenteurs des administrations. Désormais une impulsion constante entretiendra partout l'activité ; et le travail des directoires, mûri par le temps et déjà par l'expérience, rappellera tout à la règle et àl'exactitude.
Les dépenses premières de l'ordre judiciaire, tes dépenses des districts et des départements, tes dépenses d'administration ont été fixées à $,500,600 livres.... Vos décrets ont rejeté ees dépenses sur les départements mêmes; mais ce n'est que pour l'année. 1701 que cet ordre nouveau doit commencer, et avec le système général que vous allez créer pour 1791. Jusque-là les administrations sont sans revenus et sans moyens; il faut donc que l'établissement premier et les frais intermédiaires soient portés sur la masse commune. Mais, et ce sera une sage, une nécessaire opération, il faudra que toutes ees avances soient restituées par tes départements. Ce n'est qu'à cette époque que commencera la véritable économie, que les administrations seront vraiment épurées, qu'une censure sévère et toujours vigilante les contiendra dans les bornes du besoin et de la nécessité.
Des anticipations qui vous sontconnues exigeront dans le cours de ces trois mois 32,147,000 L; 3,700,000 livres de plus achèveront d'éteindre tout ce qui restera de cette ancienne lèpre de la finance. Peut-être quelques receveurs généraux ne pourront pas faire face à leurs engagements. Ce hasard a été calculé à 5 millions.
Vous avez décrété un secours général de 15millionS délivres» et de ces 15 millions de livres 6,640,000 livres portent sur les trois premiers mois 1791.
Les ponts et chaussées réclameront 252,0001., reste de la dépense qui leur avait été fixée pour 1790; bientôt nous vous présenterons sur cette partie les besoins de 1791. Si nos espérances se réalisent, si Je calme public vient ranimer les travaux, les 15 millions que vous avez accordés rendront peut-être mutile toute autre dépense dans ce département.
Il n'est dans le cours ordinaire des choses qu'une somme de travaux publics qu'on puisse exécuter: quand l'industrie particulière est en activité, quand te commerce et tes arts ont de la Vigueur, les bras manquent aux entreprises, et les travaux publics ne feraient que peser sur les fortunes particulières et sur la véritable propriété de l'Etat. C'est donc cette activité dans tous tes genres que nous devons réveiller par toutes sortes de moyens, surtout par les plus puissants de tous tes moyens, l'exécution des lois, le rétablissement de l'ordre, 1e retour de la paix et de la sécurité. Alors, fiez-vous au génie de la nation, à cette ardeur qui la tourmente, à cette impatience des obstacles, à ces charmes puissants de tous nos maux, l'espérance et l'illusion. Des dépenses à solder, des dépenses courantes, et qui toutes vous sont connues, à payer à leurs époques, des remboursements à Gênes et èn Hollande : voilà l'énumération rapide de tous les objets que comprend ce trop long chapitre de dépenses.
Je n'ai point parlé des gages des offices, les derniers qui vous resteront à acquitter; mais ces gages ne porteront point sur 1791, ils appartiennent tous à 1790. Peut-être serait-il dans l'ordre que tout ce qui én reste fût payé à la caisse de Pextraordinairé, puisqu'en effet le Trésor public en a déjà payé une année entière en 1790.
Nous avons craint surtout, Messieurs, de vous tromper par des calculs atténués; nous avons placé les bornes à la plus grande distance, et l'évaluation porte à 207,518,000 livres, le secours extraordinaire que le Trésor public pourra réclamer dans les trois premiers mois.
Eb janvier, 60,521,000 1. )
En février, 73,295,0001.} 207,518,000 livres.
En mars, 73,702,000 L )
Mais le tableau spéculatif suppose et comprend dans cette somme 1,200,000 livres pour des besoins imprévus et un fonds de caisse de 20 millions.
Après vous avoir développé nos besoins et leurs causes, qu'il me soit permis de m'arrêter sur tes véritables dépenses de 1791, d'en mesurer encore l'étendue; d'éclairer, si je puis, de presser du moins votre patriotisme sur la détermination des impôts et des moyens qui doivent la remplir. Nous avons fixé cette dépense à 528 millions» en supposant que 40 millions de plus fournis par les revenus des biens nationaux.
Nous vous avons prévenu que celte fixation n'embrassait, ni tes dépenses d'administration dans les départements, ni les dépenses de la justice, ni la prestation nécessaire pour l'entretien et la réparation des routes. Nous avons supposé que vous cumuleriez avec tes capitaux tes portions d'intérêt qui seront dus pour 1791, aux diverses créances que vous éteindrez dans cette année; enfin, vous avez décrété, depuis, 15 millions de secours généraux. Nous croyons toujours que nos calculs sont rigoureusement exacts. Si le travail de vos autres comités ne dérange pas des bases dont leur marche jusqu'ici nous a garanti l'exactitude; si l'on peut nous sauver tes hasards et les événements imprévus, j'oserai, moi, répondre des évaluations, et c'est tout ce que vous pouvez exiger de votre comité.
Des tableaux, qui bientôt sont tous dressés, vous présenteront la partie de la dépense qui n'est point entrée dans notre fixation, et que vos décrets ont rejetée sur tes départements. Mais tout cela ne sera qu'un vain calcul, si bientôt, si tout à l'heure, des impositions déterminées ne sont pas réparties et assises; si 1e citoyen, qui attend avec inquiétude te sort de la Constitution, n'en voit pas les fondements irrévocablement fixés dans rétablissement d'un revenu public. Je ne dis pas, Messieurs, un revenu parfaitement égal à votre dépense. Loin de vous la funeste idée de vouloir tout à l'heure constituer, répartir, asseoir des impositions qui correspondent exactement à la totalité de vos besoins. Ce n'est pas là ce que je vous demande, ce n'est pas là ce qu'attendent de votre sagesse ceux qui veulent la fin de vos travaux, et le dénouement heureux de notre longue et douloureuse entreprise.
Que faut-il donc? il faut que des bases posées d'une main sûre, appuient un véritable système de finances. Qu'aucune partie de ce système ne blesse dans la racine de la prospérité publique. Que de vains égards, des considérations de circonstance ne fassent pas fléchir tes principes, et ne mettent pas vos successeurs dans l'impossibilité de rectifier, d'améliorer votre ouvrage.
J'avais cru jusqu'ici qu'il ne convenait pas à ma position particulière de vous parler de contributions. J'avais retenu soigneusement toutes les idées que j'avais recueillies dans un temps où 1e comité des finances semblait appelé à cette difficile et périlleuse tâche. J'oserai pourtant aujourd'hui jeter parmi vous quelques opinions qui semblent tenir à mon sujet, qui tiennent du moins au bien public, qui vous offriront peut-être quelque clarté, ou du moins épargneront à d'autres la peine de rebattre mes erreurs.
Pour être véritablement une nation, il faut avoir un territoire, et un territoire tel qu'il puisse
nourrir sa population, salarier ses administrateurs et ses juges, payer la dépense du culte public, stipendier la force extérieure qui doit le défendre des incursions étrangères, et la force domestique, qui doit garantir la Constitution des insurrections de ses ennemis, et le citoyen des attentats du citoyen.
Ainsi, ce n'est point une nation, ce n'est qu'une nation précaire, celle qui ne fait pas toutes les dépenses de nécessité première, avec les revenus de son territoire, qui n'entretient sa population et ses forces qu'aux dépens de son commerce ou de son industrie mercantile. Qu'une nation plus industrieuse, plus active, devienne sa rivale, ses moyens s'affaiblissent et s'énervent, sa population languit et décroît à la mesure de son petit territoire. Que toutes les nations donnent l'essor à leur commerce, à leur industrie, il faut qu'elle-même disparaisse et s'efface. Ainsi, la contribution de notre territoire, notre contribution directe, la seule vraiment directe, celle qui porte sur ses biens réels et sur leurs produits, cette contribution doit égaler nos premiers besoins, nos besoins permanents. Cette contribution, je l'évalue à 261 millions; et en voici les éléments :
Il vous faut un magistrat suprême, un monarque; et vous avez fixé sa dépense, celle de sa famille, à environ 31 millions.
Il vous faut un cuite et des ministres du culte : cette dépense réduite aux limites du nécessaire, s'élèvera à 60 millions.
Il vous faudra une institution publique, celle qui forme les hommes et les citoyens. Elle ne sera pas dispendieuse, Messieurs, si elle est sagement conçue et sagement ordonnée. Je la porte à 3 millions.
Vous devez avoir une armée extérieure et une gendarmerie nationale ; jusqu'ici c'est à 89 millions que doit s'en élever la dépense.
Une marine.....mais la marine n'appartient pas tout entière à vos premiers besoins ; elle est nécessaire surtout au commerce avec l'étranger, et ce commerce ajoute plus à nos jouissances qu'il ne donne à nos besoins, et ce commerce doit avoir pour nous une balance avantageuse, ou il n'est que funeste à nos intérêts. Ce n'est donc pas sur le territoire seul que doit porter la dépense de la marine, il faut qu'elle se partage entre le territoire dont elle accroît les richesses, et l'industrie nationale, dont elle augmente les bénéfices. J'en assigne 25 millions à la contribution foncière.
Il nous faut des administrateurs et des magistrats. Je n'estimerai point cette dépense d'après les bases que des circonstances impérieuses lui ont données. Déjà vous avez senti, bientôt les peuples sentiront, avec plus d'énergie, qu'ils ont, et trop d'administrateurs, et trop de juges. Je fixe pour ces objets 20 millions.
Vos relations avec les puissances étrangères : si vous ne considériez que celles qui tiennent à l'intérêt de votre existence comme nation, la dépense en serait médiocre, en serait presque nulle. Il n'est point de voisins redoutables pour des hommes qui ont du fer et une patrie. C'est comme nation commerçante, comme nation qui a des possessions lointaines, que ces relations sont chères et précieuses. Je n'en mettrai que 3,000,000 à la charge du territoire.
Vous avez besoin de routes, de communications, de canaux, cette dépense reste indéterminée. C'est au territoire de la supporter tout entière. Elle enrichit le territoire, elle s'y consomme, et s'y reproduit au même instant. C'est une sim-
ple avance qui rentre avec usure dans les mains qui l'ont faite. Je la porte à 30 millions.
Je récapitule toute cette dépense première, nécessaire, permanente :
Dépense du roi et de sa famille... 31 millions
Dépense du culte................ 60
Dépense de la guerre et de la gendarmerie nationale............ 89
Marine à la charge du territoire.. 25
Affaires étrangères.............. 3
Administration, justice.......... 20
Education nationale............. 3
Routes, navigation.............. 30
Total........ 261 millions
Et pour aller jusqu'aux dernières limites du besoin, 300 millions. C'est là que j'arrêterais en ce moment la masse des contributions directes. Je n'en sépare point la contribution personnelle que je réprouve, et qui ne pourra être tolérée qu'autant qu'elle sera presque insensible. Je ne crois pas que jamais, je ne crois pas surtout qu'aujourd'hui vous puissiez excéder cette mesure.
Mais, vous a-t-on dit, ie territoire payait davantage; mais il payait la dîme, mais il y avait des exemptions et des privilèges; mais toutes les dépenses publiques se résolvent en impôts, et tous les impôts, quelque nom qu'on leur donne, quelque forme qu'ils empruntent, sur quelque objet qu'ils soient assis, se résolvent toujours en impôt territorial.
Je sais jusqu'où peut nous conduire une subtile analyse. Mais pour moi, pour le vulgaire des hommes, toutes les vérités d'administration sont à la surface des choses, et je ne veux entendre que ce que peut concevoir le simple bon sens de mon fermier. Ni mon fermier, ni le peuple ne vous suivront point dans vos décompositions. Ils appliqueront au territoire l'impôt qui est assis sur le territoire; ils trouveront cet impôt cruel, oppressif, s'il emporte une grande partie du produit net du territoire.
Mais la survente de ce tabac qu'ils sont libres d'acheter, la survente de ce vin qu'ils sont libres de consommer, mais tant d'autres perceptions qu'ils payaient volontairement et qu'ils oubliaient au moment où ils les avaient payées, ils ne les regarderont point comme un impôt sur leur propriété.
Le territoire payait davantage..... Mais le
peuple était malheureux, mais l'agriculture était sans force, mais les campagnes étaient sans population, mais au milieu de vos plus belles provinces vous aviez de vastes landes et d'immenses déserts. Le territoire était donc trop chargé;-ce n'est donc point une charge égale à l'ancienne qu'il faut lui donner ; ce n'est pas seulement une charge moindre que l'ancienne, c'est uniquement celle qu'il peut supporter, celle que commandent vos besoins naturels et indépendants de votre dette, vos besoins fixes, vos besoins permanents, ceux qui resteront encore quand vos dettes seront éteintes.
Je vous dirai plus, Messieurs, il serait d'une sage politique, d'une sublime administration, même en finance, de diminuer cette contribution quand les circonstances seraient telles que vous pussiez l'étendre, sans altérer la prospérité de votre territoire. En effet, vous avez, en ce moment, une population qui n'a plus d'aliment ni d'appui; la population de vos grandes villes, cette population qui n'existait que par le luxe que
vous avez détruit, que par les abus que vous avez frappés, que par les professions dévorantes que vous avez anéanties : il faut la repomper cette population dans les campagnes, et vous ne le pouvez qu'en lui montrant là le bonheur et d'utiles travaux. Si vous ne lui ouvrez pas cet asile, elle se consumera dans la misère et la honte, accusant vos lois et calomniant votre ouvrage.
J'ajouterai que vous avez à répartir cette contribution entre les différentes parties de l'Empire, entre des parties jusqu'ici soumises à des lois inégales, les unes courbées sous la verge de l'oppression, les autres tranquilles à l'ombre des privilèges. Si vous faites un fardeau trop lourd, vous ne pourrez le partager ni avec une rigoureuse égalité, ni avec une juste proportion. Les départements, jadis favorisés , repousseront la part que vous leur aurez faite ; les autres accuseront encore une distribution qui ne les soulagera pas.
Atténuez donc votre contribution, afin de faire supporter ici une augmentation légère, là une moindre diminution. Atténuez-la, parce qu'aujourd'hui tous vos moyens sont atténués; parce que l'anarchie a tout appauvri, tout énervé; parce que vos denrées sont sans valeur et sans circulation. Bientôt l'activité de la culture, ses progrès, ses entreprises vous livreront une nouvelle matière imposable; bientôt tous les genres d'industrie répandus dans vos villes, et de vos villes dans vos campagnes, y porteront, avec l'abondance et la vie, de nouveaux moyens de contribution.
Ainsi, Messieurs, ont fait les grands administrateurs; c'est en diminuant les impositions qu'ils sont toujours parvenus à rétablir la perception et a restaurer les finances.
Mes calculs sur la contribution foncière et directe me laissent à 300 millions au-dessous de vos besoins effectifs.
Je dis 300 millions, parce que je n'avais pas compris dans l'évaluation spéculative des dépenses de 1791, ni l'administration, ni la justice, ni les routes,
Je ne prétends point couvrir ce déficit tout entier par des impositions effectives en 1791; ce serait une erreur, ce serait, j'ose le dire, un crime d'y penser. Mon opinion personnelle, c'est qu'une pareille eutreprise nous jetterait dans les convulsions du désespoir et dans les horreurs de l'anarchie.
Mais il faut approcher de cette somme autant que Je permettront les circonstances, il faut surtout préparer Je germe d'une augmentation nécessaire dans nos perceptions.
11 faut établir des bases sur lesquelles les législatures qui nous succéderont puissent poser l'équilibre de la recette et de la uépense; il ne faut pas sacrifier à de vaines terreurs, à des considérations du moment, des sources importantes de revenu.
Vous avez établi le droit d'enregistrement, vous avez établi le timbre, vous étendrez les conservateurs des hypothèques dans tous les départements, vous conserverez la marque d'or et d'argent, et le droit sur les cartes. Tous ces objets vous formeront un revenu de 54 à 56 millions.
Les postes, bien organisées, les postes liées à une autre administration rendront. 15 millions ; les traites unies aux postes 12 millions. Les forêts nationales, les débris des droits féodaux
18 millions. La loterie royale, si vous croyez la conserver, 10 millions; en total 111 millions.
Il vous manquera encore 200 millions pour vous élever au niveau de la dépense de 1791. Vous en prendrez, Messieurs, une partie sur vos capitaux, vous prendrez l'autre sur les consommations, sur les jouissances de luxe; vous ferez ce que font les nations libres, les nations commerçantes. Vous avez vu en Angleterre des droits onéreux sur le thé, vous en avez vu sur les boissons, et le peuple consomme le thé, et le peuple boit sans murmurer contre l'impôt ; mais le peuple a du travail, et quand le peuple a du travail il paye plus facilement que le riche ses jouissances et ses plaisirs.
Vous conserverez donc et le tabac et les droits sur la boisson ; mais des droits modifiés, transformés, purgés de ce régime décrié, dont le nom seul arme contre eux ceux qui ne le connaissent pas.
Le tabac réduit au prix le plus modéré, vous donnera encore 23 millions; vous en sacrifierez cinq pour apaiser les cris de l'Alsace, de la Flandre, de l'Artois. Avec cinq millions vous encouragerez dans les auciennes provinces d'autres cultures, d'autres fabrications, et elles ne perdront pas encore la fabrication du tabac, qu'une Compagnie privilégiée pourrait y exploiter avec plus d'étendue que des manufactures particulières.
Vous réduirez les droits sur les boissons à 25 millions, et sur ce pied vous n'aurez ni fraudes ni murmures. Je ne puis adopter ces licences, ces maîtrises qu'il faudrait vendre tous les ans et tous les ans racheter, qui armeraient l'industrie contre l'industrie, qui ne feraient que substituer aux exercices des commis les inquisitions des citoyens. Avec 15 ou 20 millions d'entrées dans les villes, vous aurez en 1791 un revenu de 471 millions, et avec les 60 millions de la caisse de l'extraordinaire, 531 millions. De là, jusqu'à 600 millions, il ne vous reste que 70 millions à prendre sur vos capitaux, et je vous abandonne la contribution patriotique, et, s'il le faut, une partie des restes de 1790.
En 1792, votre culture, votre commerce, les travaux du peuple seront dans la plus grande activité. Alors des remboursements de capitaux, des extinctions de rentes viagères et de pensions auront diminué de plus de trente millions ia masse de vos besoins ; alors les parties arriérées de la dépense publique vous laisseront encore un jeu de 20 à 25 millions. Votre déficit réel ne s'évalue donc en 1792 que d'environ 20 millions, et vous les trouverez dans l'augmentation naturelle, insensible de vos impositions indirectes. Chaque année qui succédera, effacera une partie considérable de votre dette, et peut-être cette vaste opération que vous avez osé entreprendre l'absorbera tout entière.
Osons, Messieurs, nous élever à ces grandes espérances, mais surtout assurons-en la réalité par l'union, par la concorde. Qu'un heureux oubli de nos dissensions nous rende à notre véritable caractère, à nos véritables sentiments, et et que désormais tout se rallie au nom de la religion, de l'humanité, de la patrie et du trône !
Je reviens au Trésor public. J'avais oublié de vous en rappeler l'organisation. Il est urgent, Messieurs, que vous ia décrétiez; il est urgent que vous reconstituiez ce ministère. Dans l'état de fluctuation et d'incertitude où il est aujourd'hui, son action est sans force et sans mesure. Il est chargé d'instruments inutiles; il lui manque
les instruments nécessaires. Personne n'est à sa place, personne ne connaît ses fonctions; les départements hésitent et cherchent l'autorité qu'ils doivent reconnaître; tout appelle une force de compression qui unisse, qui relie toutes les parties de l'Empire.
Je doute, ou plutôt je ne crains pas que vous adoptiez le plan qui vous a été proposé par votre comité de l'imposition; je le combattrai avec tout l'avantage de la raison et des principes, et j'aurai pour auxiliaires votre sagesse, le grand intérêt de la Constitution, votre intérêt à vous et votre gloire. Il faut enfin que les incertitudes cessent, et que la nation sache à quels pouvoirs elle doit obéir.
Je vous propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que la caisse de l'extraordinaire versera dans celle du Trésor public soixante millions cinq cent vingt et une mille livres. »
Je demande l'impression du rapport de M. Lebrun. Plusieurs voix : Oui! ouil... Non! non!
J'ai l'honneur de prévenir l'Assemblée que le comité n'a pas eu connaissance du rapport qui vient d'être fait. Ce n'est pas la première fois que sur des matières importantes M. Lebrun a lu son travail sans l'avoir communiqué. Les états qu'il vous a présentés ne sont connus ni du comité des douze, ni du comité des finances. L'opinion particulière de M. Lebrun est ici un hors-d'œuvre ; il ne pouvait en présenter une sur les impositions, que quand celte matière aurait été à l'ordre du jour. Il y a même dans ce travail des choses contraires à vos décrets. Si vous ordonnez l'impression, il faut séparer cette opinion de la première partie, qui serait imprimée, non pas au nom du comité, mais pour lui être communiquée. Au surplus, je conclus à ce qu'on décrète les secours nécessaires au Trésor public.
rapporteur. J'ai l'honneur d'observer au préopinant qu'il n'était point hier au comité des finances, quand j'ai présenté les états au nom de la section du Trésor public, il est inutile d'ordonner l'impression pour communiquer au comité. L'Assemblée doit se rappeler qu'elle avait ajourné ce rapport. Le jour fixé pour l'ajournement, je me suis présenté. Comme il ne s'agissait que de l'exécution du décret, j'ai cru pouvoir rédiger ce travail ; je l'ai porté à la section du Trésor public, où les états ont été discutés. Quant à la seconde partie de mon rapport, il est certain qu'elle contient mon opinion personnelle. Je demande que l'Assemblée décrète le secours de 60 millions au Trésor public. Elle décidera sur le reste ce que sa sagesse lui prescrira. (Le projet de décret présenté par M. Lebrun est adopté.)
L'Assemblée a ordonné à son comité ecclésiastique de lui présenter une adresse aux Français sur la constitution civile du clergé. Le comité ecclésiastique a nommé des commissaires pour rédiger cette adresse.
Un de MM. les commissaires a observé que M. de Mirabeau avait un travail sur celte matière; nous l'avons prié de vouloir bien nous le communiquer.
D'après des observations que nous avons faites
à M. de Mirabeau, et auxquelles il a bien voulu avoir égard, nous avons relu ce travail, et votre comité l'a adopté.
En conséquence, je vous propose d'en entendre la lecture en ce moment. (Applaudissements.)
lisant (1) :
Français, au moment où l'Assemblée nationale coordonne le sacerdoce à vos lois nouvelles, afin que toutes les institutions de lE'mpire se prêtant un mutuel appui, votre liberté soit inébranlable, on s'efforce d'égarer la conscience des peuples. On dénonce de toute part la constitution civile du clergé, décrétée par vos représentants, comme dénaturant l'organisation divine de l'Eglise chrétienne, et ne pouvant subsister avec les principes consacrés par l'antiquité ecclésiastique.
Ainsi, nous n'aurions pu briser les chaînes de notre servitude sans secouer le joug de la loi?... Non : la liberté est loin de nous prescrire un si impraticable sacrifice. Regardez, ô concitoyens ! regardez cette église de France dont les fondements s'enlacent et se perdent dans ceux de l'empire lui-même ; voyez comme elle se régénère avec lui, et comme la liberté, qui vient du ciel, aussi bien que notre foi, semble montrer en elle la compagne de son éternité et de sa divinité! Voyez comme ces deux filles de la raison souveraine s'unissent pour développer et remplir toute la perfectibilité de votre sublime nature, et pour combler votre double besoin d'exister avec gloire, et d'exister toujours !
On nous reproche d'avoir refusé de décréter
D'avoir changé, sans l'intervention de l'autorité ecclésiastique, l'ancienne démarcation des diocèses, et troublé par cette mesure, ainsi qu'en plusieurs autres points de l'organisation civile du clergé, la puissance épiscopale;
Enfin, d'avoir aboli ^ancienne forme de nomination des pasteurs, et de la faire déterminer par l'élection des peuples.
A ces trois points se rapportent toutes les accusations d'irréligion et de persécution, dont on voudrait flétrir l'intégrité, la sagesse et l'orthodoxie de vos représentants. Ils vont répondre, moins pour se justifier, que pour prémunir les vrais amis de la religion contre les elameuFS hypocrites des ennemis de la Révolution. (Applaudissements.)
Déclarer nationale la religion chrétienne, eût élé flétrir le caractère le plus intime et le plus essentiel du christianisme' En général,'la religion n'est pas, elle ne peut être un rapport social; elle est un rapport de l'homme privé avec l'être infini. Comprendriez-vous ce que l'on voudrait v'ousdire, si l'on vous parlait d'une CQnsçience nationale ? Eh bien! là religion p'est pas plqs nationale que la conscience ; car un homme n'est pas véritablement religieux, parce qu'i} est de la religion d'une nation ; et quand il n'y aurait qu'une religion dans l'univers, et quê tons les hommes se seraient accordés pour la professer, il serait encore vrai que chacun d'eux n'aurait un sentiment sincère de religion, qu'autant que chacun serait de la sienne ; c'est-à-dire qu'autant qu'il suivrait encore cette religion univèrselle, quand le genre humain viendrait à l'abjurer. (Applaudissements.)
Ainsi, de quelque manière que l'on envisage une religion, ja dire nationale, c'est lui attribuer une dénomination insignifiante ou ridicule.
Serait-ce comme juge de sa vérité, ou eomme juge de son aptitude à former de bons citoyens, que le législateur rendrait une religion constitutionnelle? Mais d'abord y a-t-il des vérités nationales? Ensecopd lieu, peut-il jamais être utile au bonheur publjç que la conscience des hommes soit enchaînée parla loi de l'Etat ? La loi ne nous unit les uns aux autres que dans les points où nous nous touchons. Or, les hommes ne se touchent que par la superficie de leur être; par la pensée et la conscience, ils demeurent isolés, et l'association leur laisse, à cet égard, l'existence absolue de la nature* (Murmures.)
Enfin, il ne peut y avoir de national, dans un Empire, que les institutions établies pour produire des effets politiques; et la religion n'étant que la correspondance de la pensée et de la spiritualité de l'homme avec la pensée divine, avec l'esprit universel, il s'ensuit qu'elle ne peut prendre sous ee rapport aucune forme civije ou légale. Le christianisme principalement s'exclut, par son essence, dé tout système de législation locale. Dieu n'a pas créé ce flapabeay pour prêter des formes et des couleurs à l'organisation sociale des Français; mais il l'a posé au milieu de l'univers pour être le point de ralliement et le centre d*unité du genre humain. Que ne nous blâme-t-on aussi de n'avoir pas déclaré que le soleil est Vastre de la nation, et que nul autre ne sera reconnu devant la loi, poqr régler I3 succession des nuits et des jours?
Ministres de l'Evangile l vous croyez que le christianisme est un profond et étprnel système de Dieu ; qu'il est la [raison de l'existence d'un univers et d'un genre humain ; qu'il embrasse toutes les générations et tous les temps ; qu'il
est le lien d'une société éparse dans tous les empires du monde, et qui se rassemblera des quatre vents de la terre, pour s'élever dans les splendeurs de l'inébranlable empire de l'éternité; et avec ces idées si vastes, si universelles, si supérieures à toutes les localités humaines, vous demandez que, par une loi constitutionnelle de notre régime naissant, ce christianisme, si fort de sa majesté et de son antiquité, soit déclaré la religion des Français 1 Ah 1 c'est vous qui outragez la religion de nos pères 1 vous voulez que, semblable à ces religions mensongères, nées de l'ignorance des hommes, accréditées par les dominateurs de la terre, et confondues dans les institutions politiques, comme un moyen d'op-préssion, elle soit déclarée la religion de la loi et des Césars !
Sans doute, là où une croyance absurde a enfanté un régime tyrannique, là où une Constitution perverse dérive d'un culte insensé, il faut bien que la religion fasse partie essentielle de la Constitution.
Mais le christianisme, faible et chancelant dans sa naissance, n'a point invoqué l'appui des lois, ni l'adoption des gouvernements. Ses ministres eussent refusé Ipour lui une existence légale, parce qu'il fallait que Dieu seul parût dans ce qui n'était que son ouvrage ; et il nous manquerait aujourd hui la preuve la plus éclatante de sa vérité, si tous ceux qui professèrent, avant nous, cette religion sainte, 1 eussent trouvée dans la législation des empires.
0 étrange inconséquence ! quels sont ces hommes qui nous demandaient avec une chaleur et une amertume si peu chrétiennes un décret qui rendît te christianisme constitutionnel? Ce sont les mêmes qui blâmaient la Constitution nouvelle, qui la présentaient comme la subversion de toutes les lois de la justice et de la sagesse, qui la dénonçaient de toute part comme l'arme de la perversité, de la foree et de la vengeance: ce sont les mêmes qui nous disaient que cette Constitution devait perdre l'Etat et déshonorer la nation française. 0 hommes de mauvaise foi ! pourquoi vou-lez-yous donc introduire une religion que vous faites profession de chérir et d'adorer, dans une législation que vous faites gloire de décrier et de haïr ? Pourquoi voulez-vous unir ce qu'il y a de plus auguste et de plus saint dans l'univers, à ce que vous regardez comme le plus scandaleux monument de la malice humaine? Quel rapport, vous dirait saint Paul, peut-il s'établir entre la justice et l'iniquité et que pourrait-il y avoir de Commun entre Christ et Bélial ? (Applaudissements.)
Non, Français ! ce n'est ni la bonne foi, ni la piété sincère qui suscitent au milieu de vos représentants toutes ces contestations religieuses; ce sont les passions des hommes, qui s'efforcent de se cacher sous des voiles imposants, pour couvrir plus impunément leurs ténébreux desseins.
Remontez au berceau de la religion : c'est là que vous pourrez vous former l'idée de sa vraie nature, et déterminer le mode d'existence sous lequel son divin fondateur a voulu qu'elle régnât dans l'univers. Jésus-Christ est le seul de tous les sages qui se sont appliqués à instruire les hommes et à les rendre bons et heureux, qui ne les ait envisagés sous aucun rapport politique, et qui n'ait, en aucune circonstance, mêlé à son én-seignèment, des principes relatifs à la législation des empires. Quelle que soit l'influence de l'Evangile sur la moralité humaine, jamais, ni Jé-sus-Christ, ni ses disciples ne firent entendre que
l'institution évangélique dût entrer dans les lois constitutionnelles des nations. Il n'ordonne nulle part à ceux qu'il a choisi pour publier sa doctrine, de la présenter aux législateurs du monde, comme renfermant des vues nouvelles sur l'art de gouverner les peuples : « Allez et instruisez « les hommes, en disant : Voici que le royaume « de Dieu approche; et lorsque vous entrerez « dans une ville ou dans un hameau, demandez « qui sont ceux qui veulent vous écouter, et res- « tez-y autant qu'il le faudra pour leur apprendre « ce que vous devez leur enseigner ; mais si l'on « refuse de vous écouter, sortez et soyez en tout « prudents comme les serpents, et simples comme « les colombes. » (Applaudissements.)
L'Evangile est donc, par son institution une économie toute spirituelle, offerte aux mortels, en tant qu'ils ont une destination ultérieure aux fins de l'association civile, et considérée hors de toutes leurs relations politiques : il est proposé à l'homme, comme sa seconde raison, comme le supplément de sa conscience; et non à la société, comme un nouvel objet de mesures législatives* L'Evangile a demandé, en paraissant au inonde, que les hommes le reçussent et que les gouvernements le souffrissent. C'est là le caractère extérieur qui le distingua, dès son origine, de toutes les religions qui avaient tyrannisé la terre ; et c'est aussi ce qui doit le distinguer, jusqu'à la fin des temps, de tous les cultes qui ne subsistent que par leur incorporation dans les lois des empires.
C'est donc une vérité établie sur la nature des choses, sur les lumières du bon sens et sur l'essence même de l'institution évangélique, que vos représentants, ô Français! ne devaient, ni ne pouvaient décréter nationale la religion catholique, apostolique et romaine.
Mais puisque le christianisme est une économie toute spirituelle, hors de la puissance et de l'inspection des hommes, pourquoi nous sommes-nous attribué le droit de changer, sans l'intervention spirituelle, l'ancienne démarcation des diocèses?
Certes on devrait nous demander aussi pourquoi nous sommes chrétiens, pourquoi nous avons assigné sur le Trésor national aux ministres de l'Evangile et aux dépenses du culte, la plus solide partie des revenus de l'Etat. (Murmures à droite.)
D'après les éléments de la constitution chrétienne, son culte est l'objet de Vacceptation libre des hommes et de la tolérance des gouvernements. Il ne peut être réputé que souffert, tant qu'il n'est reçu et observé que par un petit nombre de citoyens de l'Empire; mais, dès qu'il est devenu le culte de la majorité de la nation, il perd sa dénomination de culte toléré ; il est alors un culte reçu; il est de fait la religion du public, sans être, de droit, la religion nationale ; car une religion n'est pas adoptée par la nation, en tant qu'elle est une puissance, mais en tant qu'elle est une collection d'hommes,
Dans cet état du culte, son exercice n'ayant aucune correspondance avec l'ordre civil, il en résulte plusieurs conséquences.
Premièrement : L'autorité ecclésiastique peut partager, entre les pasteurs, la conduite spiri* tuelle des fidèles, suivant telles divisions ou dé+ marcations que lui prescrira sa sagesse; et le gouvernement, qui n'est lié par aucun point au régime religieux, n'a rien à voir ni à réformer dans des circonscriptions qui n'ont pas de visibilité politique.
Secondement : Dans cette situation du culte, qui fut si longtemps la seule que l'ancien sacerdoce ait demandée aux puissances de la terre, la subsistance des ministres, la construction et l'entretien des temples et toutes les dépenses du cérémonial religieux sont une charge étrangère au fisc; car ce qui n'appartient pas à l'institution politique, ne peut être du ressort de la dépense publique.
Troisièmement :Mais du moment que l'institution chrétienne, adoptée par la majorité des citoyens de l'Empire, a été allouée par la puissance nationale; du moment que cette même puissance, prenant sur elle toutes les charges de l'état temporel de la religion» et pourvoyant à tous les besoins du culte et de ses ministres, a garanti, sur la foi de lia nation et sur les fonds de son trésor, la perpétuité et l'immutabilité de l'acceptation qu'elle a faite du christianisme, dès lors cette religion a reçu dans l'Etat une existence civile et légale, qui est le plus grand honneur qu'une nation puisse rendre à la sainteté et à la majesté de l'Evangile; et dès lors aussi, c'est à celte puissance nationale» qui a donné à. l'institution religieuse une existence civile, qu'appartient la faculté d'en déterminer l'organisation civile, et de lui assigner sa constitution extérieure et légale. Elle peut et elle doit s'emparer de la religion, selon tout le caractère public qu'elle lui a imprimé, et par tous les points où elle l'a établie en correspondance avec l'institution sociale. Elle peut et elle doit s'attribuer l'ordonnanoe du culte dans tout ce qu'elle lui a fait acquérir d'extérieur, dans toute l'ampleur physique qu'elle lui a fait contracter, dans tous les rapports où elle l'a mis avec la grande machine de l'Etat; enfin, dans tout ce qui n'est pas de sa constitution spirituelle, intime et primitive. C'est donc au gouvernement à régler les démarcations diocésaines, puisqu'elles sont le plus grand caractère publie de la religion et la manifestation de son existence légale. Le ministère sacerdotal est subordonné, dans la répartition des fonctions du culte, à la même autorité qui prescrit les limites de toutes les autres fonotions publiques et qui détermine toutes les circonscriptions de l'Empire.
Ehl que l'on nous dise ce que signifie l'intervention de l'autorité spirituelle dans une distribution toute politique? Une nation qui, recevant dans son sein et unissant à son régime la religion chrétienne, dispose tellement le système de toutes ses administrations, que partout où elle trouve des hommes à gouverner, là aussi elle prépose un premier pasteur à leur enseignement religieux : une telle nation s'attribue-t-elle un pouvoir sacerdotal? entreprend - elle quelque chose sur les consciepces, sur les dogmes de la foi, sur ses sacrements, sur ses rapports et ses dépendances hiérarchiques?
Mais, nous dit-ion, la juridiction spirituelle des évêques a changé avec l'anoienne division des diocèses; et il faut bien que le pontife de Rome intervienne pour accorder aux évêques des pouvoirs accommodés à la nouvelle Constitution.
Que ceux d'entre nos pasteurs qui ont le coeur droit et l'esprit capable d'observation, s'élèvent au-dessus des idées et des traditions d'une théologie inventée pour défigurer la religion et la subordonner aux vues ambitieuses de quelques hommes, et ils reconnaîtront que le fondateur du christianisme semble avoir constitué son sacerdoce, d'après la prévoyance de sa destinée future;
c'est-à-dire qu'il l'a fait tel qu'il put se prêter à toutes les formes civiles des Etats où l'institution chrétienne serait adoptée, et s'exercer dans toutes les directions et selon toutes les circonscriptions qui lui seraient assignées par les lois des empires.
Est-ce en donnant à chacun d'eux une portion de puissance, limitée par des bornes territoriales, que Jésus-Christ a institué les apôtres? Non! c'est en conférant à chacun d'eux la plénitude de la puissance spirituelle, en sorte qu'un seul, possédant la juridiction de tous, est établi le pasteur du genre humain. « Allez, leur dit-il ; ré-« pandez-vous dans l'univers ; prêchez l'Evangile
« à toute créature.....Je vous envoie comme mon
« père m'a envoyé . >
Si donc, au moment de leur mission, les apôtres se fussent partagé l'enseignement de l'univers, et qu'ensuite les puissances fussent venues changer les circonscriptions qu'ils s'étaient volontairement assignées, aucun d'eux se serait-il inquiété que sa juridiction ne se trouvât point la même ? Croit-on qu'ils eussent reproché à l'autorité publique de s'attribuer le droit de restreindre ou d'étendre l'autorité spirituelle ? Pense-t-on, surtout, qu'ils eussent invoqué l'intervention de saint Pierre pour se faire réintégrer dans les fonctions de l'apostolat, par une mission nouvelle ?
Et pourquoi auraient-ils recouru à ce premier chef de l'Eglise universelle? Sa primauté ne consistait pas dans la possession d'une plus grande puissance spirituelle, ni dans une juridiction plus éminente et plus étendue. Il n'avait pas reçu de mission particulière ; il n'avait pas été établi pasteur des hommes par une inauguration spéciale et séparée de celle des autres apôtres. Saint Pierre était pasteur en vertu des mêmes paroles qui donnèrent à tous ses collègues l'univers à instruire et le genre humain à sanctifier. Aussi voyons-nous saint Paul et les autres apôtres établir des évêques et des prêtres dans les différentes contrées où ils ont porté le flambeau de l'Evangile, et les instituer pasteurs des troupeaux qu'ils ont conquis au christianisme dès son origine ; et nous ne voyons nulle part qu'ils aient invoqué, pour remplir cet objet sacré, l'autorité de saint Pierre, ni que les nouveaux pasteurs aient attendu de lui l'institution canonique.
Quoi ! les pontifes de notre culte ne reconnaissent plus, dans leur mission, le même caractère dont les apôtres furent revêtus? S'il est vrai que le sacerdoce chrétien n'a été institué qu'une fois pour tous les siècles, la puissance apostolique ne subsisle-t-elle pas aujourd'hui dans ses évêques comme successeurs des apôtres dans l'universalité de sa primitive institution ? Chacun d'eux, au moment de sa consécration, n'est-il pas devenu ce que fut chaque apôtre au moment où il reçut Ja sienne aux pieds du pasteur éternel de l'Eglise? et n'est-il pas envoyé comme Jésus-Christ l a élé par son père? Enfin, n'a-t-il pas été investi d'une aptitude applicable à tous les lieux, à tous les hommes, et toujours subsistante, sans nulle altération, au milieu de tous les changements, de tous les croisements et de toutes les variations que peuvent éprouver les démarcations des eglises ?
« Veillez votre conduite, dit saint Paul aux « évêques qu'il avait établis en Asie ; veillez « votre conduite et celle du troupeau pour lequel « le Saint-Esprit vous a consacrés évêques, en « vous donnant le gouvernement de l'Eglise de « Dieu que Jésus-Christ a fondé par son sang... »
Pesez ces paroles, et demandez-vous si saint Paul croyait à la localité de la juridiction épiscopale.
Les évêques sont donc essentiellement chargés du régime de l'Eglise universelle, comme l'étaient les apôtres : leur mission est actuelle, immédiate et absolument indépendante de toute circonscription locale. L'onction de l'épiscopat suffit aussi à leur institution, et ils n'ont pas plus besoin de la sanction du pontife de Rome, que saint Paul n'eut besoin de celle desaint Pierre. Le pontife de Rome n'est, comme saint Pierre le fut lui-même, que le pasteur indiqué pour être le point de réunion de tous les pasteurs, l'interpellateur des juges de la foi, le dépositaire de la croyance de toutes les Eglises, le conservateur de la communion universelle, le surveillant de tout le régime intérieur et spirituel de la religion.
Or, tous ces rapports n'établissent aucune distinction, ni aucune dépendance réellement hiérarchique entre lui et les évêques des autres églises; et ceux-ci ne lui doivent, en montant sur leur siège, que l'attestation de leur union au centre de la foi universelle, et de leur volonté d'èlre pasteurs dans l'esprit et dans le sens de la croyance catholique, et de correspondre au saint-siège, comme au principal tronc de l'autorité que Jésus-Christ a donnée à son Eglise.
On ne connut jamais, dans l'antiquité ecclésiastique, d'autres formes pour l'installation des pontifes. Je professe, écrivait une fois un évêque au pape saint Damaze, que je suis uni de communion à votre sainteté, c'est-à-dire à la chaire de saint Pierre. Je sais que l'Eglise a été bâtie sur cette pierre. Celui qui mange la pâque hors de cette maison, est un profane. Qui n'amasse pas avec vous, est un dissipateur. Voilà la détermination précise du rapport que Jésus-Christ a établi entre saint Pierre et les autres apôtres, et la seule règle de la correspondance à maintenir entre Rome et toutes les églises de la catholicité; et c'est aussi la seule dont l'Assemblée nationale ait recommandé l'observation aux premiers pasteurs de l'Eglise de France.
C'est en recourant à cette source antique et incorruptible de la vraie science ecclésiastique, que les bons esprits se convaincront aussi que les évêques métropolitains reçoivent, par leur seule occupation du siège désigné pour métropole, tous les pouvoirs nécessaires pour exercer leurs fonctions. Les bornes purement territoriales, que des considérations d'ordre et de police ont forcé de prescrire à la puissance épiscopale, sont les seules limites qu'on lui ait jamais reconnues dans l'Empire français.
Les métropoles ne sont elles-mêmes que des établissements de police. L'épiscopat du métropolitain n'est pas différent de celui de ses évêques suffragants. Sa supériorité sur eux, il ne la tient pas d'une mission particulière, mais seulement de la suprématie de ia ville où son siège est établi. Cette espèce d'hiérarchie sacerdotale était toute calquée sur ia hiérarchie civile, et les empereurs désignaient à leur gré le siège de ces établissements.
Loin d'avoir rétréci la puissance épiscopale, et d'avoir élevé le simple sacerdoce au niveau de l'épiscopat, dans les dispositions que nous avons statuées sur son régime, nous lui avons plutôt rendu cette immensité qu'il eut dans son origine, nous avons détruit toutes ces limites où un ancien et épais nuage de préjugés et d'erreurs en avaient concentré l'exercice, à moins que ce n'eût été rompre la gradation hiérarchique qui distingue les premiers pasteurs et les pasteurs
inférieurs, que de donner à l'évêque de chaque église un conseil, et de régler qu'il ne pourrait faire aucun acte d'autorité, en ce qui concerne le gouvernement du diocèse, qu'après en avoir délibéré avec le presbytère diocésain : comme si cette supériorité que le pontife possède de droit divin sur son clergé l'affranchissait du devoir imposé de droit naturel à tous les hommes chargés d'un soin vaste et difficile, d'invoquer le secours et de consulter les lumières de l'expérience, de la maturité et de la sagesse 1 comme si, dans ce point, de même que dans tous les autres, l'Assemblée nationale n'avait pas rétabli l'usage des premiers siècles de l'Eglise 1 « Tout s'y faisait par « conseil, dit Fleury, parce qu'on ne cherchait « qu'à y faire régner la raison, la règle, la vo-
« lonté de Dieu.....En chaque église l'évêque
« ne faisait rien d'important sans le consentement
des prêtres, des diacres et des principaux de « son clergé : souvent même il consultait tout le « peuple, quand il avait intérêt à l'affaire, comme « aux ordinations. »
Mais la même puissance qui possède exclusivement la législation nationale a-t-elle pu et dû faire disparaître l'ancienne forme de la nomination des pasteurs, et la soumettre à l'élection des peuples ?
Oui, certes, elle a eu ce droit, si l'attribution d'une fonction appartient essentiellement à ceux qui en sont l'objet et la fin; et le sacerdoce français doit aussi, à cet égard, l'exemple du respect et de l'obéissance. C'est pour les hommes qu'il existe une religion et un sacerdoce, et non pour la divinité, qui n'en a pas besoin. Tout pontife, dit saint Paul, choisi du milieu des hommes, est établi pour le service des hommes; il doit être tel qu'il sache compatir à l'ignorance, se plier à la faiblesse et éclairer l'erreur.
Et non seulement l'apôtre proclame ici le droit du peuple aux élections ecclésiastiques, comme dérivant de la nature des choses, mais il l'appuie par des considérations particulières d'ordre et de circonstances. Le service sacerdotal est un ministère d'humanité, de condescendance, de zèle et de charité; c'est pourquoi saint Paul recommande de ne le contier qu'à des hommes doués d'une âme vraiment paternelle et sensible, qu'à des hommes dès longtemps exercés aux bonnes actions, et connus publiquement par leurs inclinations pacitiques et leurs habitudes bienfaisantes. C'est pourquoi aussi il indique pour juges de leur aptitude aux fonctions de pontifes et de pasteurs du peuple, ceux qui ont été les spectateurs de leur conduite, et les objets de leurs soins.
Cependant, parce que l'Assemblée nationale de France, chargée de proclamer les droits sacrés du peuple, l'a rappelé aux élections ecclésiastiques; parce qu'elle a rétabli la l'orme antique de ces élections, et tiré de sa désuétude un procédé qui fut une source de gloire pour la religion aux beu ux jours de sa nouveauté, voilà que des ministres de cette religion crient à l'usurpation, au scandale, à l'impiété; réprouvent, comme un attentat à la plus imprescriptible autorité du clergé, le droit d'élection restitué au peuple, et osent réclamer le concours prétendu nécessaire du pontife de Rome. .
Lorsqu'au trefois un pape immoral et un despote violent fabriquèrent, à l'insu de l'Eglise et de l'Empire, ce contrat profane et scandaleux, ce concordat qui n'était que la coalition de deux usurpateurs pour se partager les droits et l'or des Français, on villa nation, le clergé à sa tête, op-
poser à ce brigandage tout l'éclat d'une résistance unanime, redemander les élections, et revendiquer avec une énergique persévérance la pragmatique, qui seule avait fait jusqu'alors le droit commun du royaume.
Et c'est ce concordat irréligieux, cette convention simoniaque qui, au temps oCi elle se fit, attira sur elle tous les anathèmes du sacerdoce français; c'est cette stipulation criminelle de l'ambition et de l'avarice, ce pacte ignominieux qui imprimait, depuis des siècles, aux plus saintes fonctions la tache honteuse de la vénalité, qu'aujourd'hui nos prélats ont l'impudeur de réclamer au nom de la religion, à la l'ace de l'univers, à côté du berceau de la liberté, dans le sanctuaire même des lois régénératrices de l'Empire et de l'autel!
Plusieurs voix à droite : A l'ordre!... Lisez les Pères de l'Eglise! (Applaudissements à gauche.)
Mais, dit-on, le choix des pasteurs, confié à la disposition du peuple, ne sera plus que Je produit de la cabale. Parmi les plus implacables détracteurs du rétablissement des élections, combien en est-il à qui nous pourrions faire cette terrible réponse ? « Est- « ce à vous d'emprunter l'accent de la piété pour « condamner une loi qui vous assigne des suc- « cesseurs dignes de l'estime et de la vénération « de ce peuple qui n'a cessé de conjurer le ciel « d'accorder à ses enfants un pasteur qui les « console et les édifie ? Est-ce à vous d'invoquer « la religion contre la stabilité d'une Constitu- « tion qui doit en être le plus inébranlable « appui, vous qui ne pourriez soutenir un seul « instant la vue de ce que vous êtes, si tout à « coup l'austère vérité venait à manifester au v grand jour les ténébreuses et lâches intrigues « qui ont déterminé votre élévation à l'épisco- « pat ; vous, qui êtes les créatures de la plus « perverse administration (Applaudissements à « gauche); vous,quiètes le fruit de cette iniquité « effrayante qui appelait aux premiers emplois « du sacerdoce ceux qui croupissaient dans l'oi- « siveté et l'ignorance, et qui fermait impitoya- « blement les portes du sanctuaire à la portion « sage et laborieuse de l'ordre ecclésiastique ? >» (Murmures à droite.)
Ce sont des vérités ! Une voix : Ce sont des horreurs !
Comment ces hommes, qui font ostentation d'uu si grand zèle pour assurer aux églises un choix de pasteurs dignes d'un nom si saint, comment ont-ils donc pu se taire si longtemps, lorsqu'ils voyaient le sort de la religion et le partage des augustes fonctions de l'apostolat abandonnés à la gestion d'un ministre esclave des intrigues qui environnaient le trône? Les occasions de s'élever contre un sacrilège trafic se présentaient au clergé à des époques régulièrement renaissantes; mais que faisait-il dans ces assemblées ? Au lieu de chercher un remède à la déplorable destinée de la religion, et d'éclairer la sagesse d'un prince religieux et juste, sur l'impiété qui laissait le soin de pourvoir de pasteurs l'église de France aux impitoyables oppresseurs du peuple, ils portaient puérilement aux pieds du monarque un vain et lâche tribut d'adulation, et des contributions dont
il imposait la charge à la classe pauvre, assidue et résidente des ouvriers évangéliques. (Applaudissements.) Eh ! qui ne voit que demander une autre forme de nominations aux offices ecclésiastiques eût été, dans nos prélats, condamner trop ouvertement leur création anti^canonique, et s'avouer, à la face de la nation, pour des intrus qu'il fallait destituer et remplacer ?
Que si, n'osant réprouver d'Une manière absolue le rétablissement de la forme électivè pour les offices ecclésiastiques, les prélats répètent encore que le mode décrété par le corps constituant lest contraire aux formes anciennes, qui toujours accordèrent au Sacerdoce les honneurs de la prépondérance,nous leur demanderons s'ils ont trouvé cette influence fondée sur une loi précise de la constitution évangélique, et si elle était un effet des règles sur lesquelles Jésus-Christ a organisé le régime de la religion. Nous leur demanderons quelles furent les premières élections qui suivirent immédiatement la fondation du christianisme. La multitude des disciples choisit, sur l'invitation des apôtres, sept hommes pleins du Saint-Esprit et de sagesse, pour les aider dans les soins de l'apostolat ; ces hommes reçurent des apôtres l'imposition des mains, et ils furent les premiers diacres.
Et de nos jours, quand, et comment le clergé intervenait^ donc dans le travail de la distribution des places diocésaines et paroissiales ? Il y avait dra sièges pontificaux à remplir, et le roi les donnait; il y avait des titres de riches abbayes à conférer, et la cour les conférait; une très grande partie des bénéfices-cures était à la disposition des patrons ou cortateurs laïcs, et ces laïcs en disposaient. Un non-catholique, un juif, par la simple acquisition de certaines seigneuries, devenaient les arbitres de ia destinée de la religion et de l'état moral d'un grand nombre de paroisses; ainsi les grands titres et les grandes places de l'Eglise se distribuaient sans la participation et même à l'insu du clergé*, et ce qui lui restait de droit, sur les nominations obscures et subalternes, oe servait qu'à rendre plus publique et plas sensible sa nullité en administration bé-nénciale.
Sans doute, il fut un âge de l'Eglise où le sacerdoce présidait les assemblées convoquées pour créer des pasteurs, et où le peuple réglait) sur le suffrage du clergé, la détermination de son choix. Mais pourquoi nos prélats, au lieu de s'arrêter à des temps intermédiaires où les formes primitives étaient déjà altérées, ne remontent-ils pas jusqu'à ces élections si contiguës au berceau de l'Eglise, où chaque ville et chaque hameau avait son pontife, et où le peuple seul proclamait et intronisait son pasteur? Car il faut bien remarquer que l'association du clergé aux assemblées électives date de la diminution des sièges épiscopaux; c'est-à-dire qu'elle a sa cause dans 1a difficulté de rassembler la multitude de ceux qui appartenaient à une seule église.
A ces mêmes époques où le sacerdoce était l'âme des assemblées convoquées pour l'élection des ministres du sanctuaire, les évêques pauvres et austères portaient tout le fardeau du ministère religieux; les prêtres inférieurs n'étaient que leurs assistants; c'étaient les évêques seuls qui offraient le sacrifice public, qui prêchaient les fidèles, qui catéchisaient les enfants, qui portaient les aumônes de l'Eglise dans les réduits de l'infortune, qui visitaient les asiles publics de la vieillesse, de l'infirmité et de l'indigence, qui parcouraient de leurs pieds meurtris et vénéra-
bles les vallées profondes et les montagnes escarpées, pour répandre les lumières et les consolations de la foi dans le sein des innocents habitants des champs et des bourgades. Voilà des faits précisément parallèles à celui de l'influence des évêques sur le choix des pasteurs. Or, voudrait-on transformer ces faits en autant de points du droit ecclésiastique, et prononcer que la conduite des prélats qui n'évangelisent pas leur troupeau, et qui voyagent dans des chars somptueux, est contraire à la constitution essentielle de l'Eglise?
Le mode d'élection adopté par l'Assemblée nationale est donc le plus parfait, puisqu'il est le plus conformèau procédé des temps apostoliques, et que rien n'est si évangélique et si pur que ce qui dérive de la haute antiquité ecclésiastique.
La coupable résistance d'une multitude de prêtres aux lois de leur pays, l'opiniâtreté de leurs efforts pour faire revivre le double despotisme du sacerdoce et du trône, ont aliéné d'eux la confiance de leurs concitoyens, et ils n'ont pas, de nos jours, été appelés en graud nombre dans les corps chargés désormais de proclamer le choix du peuple.
Mais le temps arrivera où une autre génération de pasteurs, s'attachant aux lois et à la liberté comme à la source de son existence et de sa vraie grandeur, regagnera cette haute considération qui donnait tant d'autorité au sacerdoce de la primitive Eglise, et rendait sa présence si chère à ses assemblées majestueuses, où les mains d'un peuple innombrable portaient solennellement la tiare sacrée sur la tête la plus humble et la plus sage.
Alors les défiances inquiètes et les soupçons fâcheux disparaîtront; la confiance, le respect et l'amour du pauvre ouvriront aux prêtres les portes de ces assemblées, comme aux plus respectables conservateurs de l'esprit public et de l'incorruptible patriotisme. On s'honorera de déférer à leurs suffrages; car rien n'est en effet pt-us honorable pour une nation, que d'accorder une grande autorité à ceux que son choix n'a pu appeler aux grandes places de la religion, sans leur reconnaître l'avantage des grands talents et le mérite des grandes vertus. Alors le sacerdoce et l'Empire, la religion et la patrie, le sanctuaire des mystères .sacrés, et le temple de la liberté et des lois, au lieu de se croiser et de se heurter au gré des intérêts qui divisent les hommes, ne composeront plus qu'un seul système de bonheur public; et la France apprendra aux nations que l'évangile et la liberté sont les bases inséparables de la vraie législation, et le fondement éternel de l'état le plus parfait du genre humain.
"Voilà l'époque glorieuse et salutaire qu'a voulu préparer l'Assemblée nationale, que hâteront, de concert avec les lois nouvelles, les lumières et les vertus du sacerdoce, mais que pourraient aussi reculer ses préjugés, ses passions, ses résistances.
Pasteurs et disciples de l'Evangile, qui calomniez les principes des législateurs de votre patrie, savez-vous ce que vous faites? Vous consolez l'impiété des insurmontables obstacles que la loi avait opposés au progrès de son désolant système; et c'est de vous-mêmes que l'ennemi du dogme évangélique attend aujourd'hui l'abolition de tout culte, et l'extinction de tout sentiment religieux. Figurez-vous que les partisans de l'irréligion, calculant les gradations par où ]e
faux zèle de la foi la conduit à sa perte, prononcent dans leurs cercles ce discours :
« Nos représentants avaient reporté sur ses « bases antiques l'édifice du christianisme, et « nos mesures pour le renverser étaient à jamais « déconcertées. Mais ce qui devait donner à la « religion une si grande et si imperturbable « existence, devient maintenant le gage de notre « triomphe, et le signal de la chute du sacer- « doce et de ses temples. Voyez ces prélats et ces « prêtres qui soufflent, dans toutes les contrées « du royaume , l'esprit de soulèvement et de « fureur; voyez ces protestations perfides où l'on « menace de l'enfer ceux qui reçoivent la liberté; « voyez cette affectation de prêter aux régéné-I- rateurs de l'Empire le caractère atroce des an- « ciens persécuteurs des chrétiens; voyez ce « sacerdoce méditant sans cesse des moyens « pour s'emparer de la force publique, pour la « déployer contre ceux qui l'ont dépouillé de a ses anciennes usurpations.....
Plusieurs voix à droite : C'est fauxl
Plusieurs voix à gauche : C'est vrai !
.....pour remonter sur le
« trône de son orgueil, pour faire refluer dans « ses palais un or qui en était le scandale et la « honte; voyez avec quelle ardeur il égare les a consciences,alarme la piété des simples, effraye « la timidité des faibles, et comme il s'attache à faire croire au peuple que la Révolution et la « religion ne peuvent subsister ensemble.
« Or, le peuple finira par le croire en effet; et « balancé dans l'alternative d'être chrétien ou « libre, il prendra le parti qui coûtera le moins « à son besoin de respirer de ses anciens mal- « heurs. Il abjurera son christianisme ; il maudira « ses pasteurs; il ne voudra plus connaître ni « adorer que le Dieu créateur ae la nature et de « la liberté. Et alors, tout ce qui lui retracera le i « souvenir du Dieu de l'Evangile, lui sera « odieux; il ne voudra plus sacrifier que sur « l'autel de la patrie; il ne verra ses anciens « temples que comme des monuments qui ne
sauraient plus servir qu'à attester combien il « fut longtemps le jouet de l'imposture et la « victime du mensonge : il ne pourra donc plus « souffrir que le prix de sa sueur et de son « sang soit appliqué aux dépenses d'un culte « qu'il rejette, et qu'une portion immense de la « ressource publique soit attribuée à un sacer- « doce conspirateur. Et voilà comment cette re- « ligion, qui a résisté à toutes les controverses « humaines, était destinée à s'anéantir dans le « tombeau que lui creuseraient ses propres mi- « nistresl »
Ah l tremblons que cette supputation de l'incrédulité ne soit fondée sur les plus alarmantes vraisemblances 1 Ne croirait-on pas que tous ceux qui se font une étude de décrier comme attentatoire aux droits de la religion, le procédé que vos représentants ont suivi dans l'organisation du ministère ecclésiastique, ne croirait-on pas qu'ils ont le même but que l'impie, qu'ils prévoient le même dénouement, et qu'ils sont résolus à la perte du christianisme, pourvu qu'ils soient vengés, et qu'ils aient épuisé tous les moyens de recouvrer leur puissance, et de vous replonger dans la servitude?
{Tumulteadroite. Applaudissements à gauche.)
sort; plusieurs membre du clergé le suivent.
C'est à dire que la seule différence qui distingue ici la doctriue irréligieuse de l'aristocratie ecclésiastique, c'est que la première ne souhaite la ruine de la religion que pour rendre plus sûr le triomphe de la Constitution et de la liberté, et que la seconde ne tend à la destruction de la foi, que dans l'espoir de la voir entraîner dans sa chute la liberté et la constitution de l'Empire. L'une n'aspire à voir la foi s'éteindre parmi nous qu'en croyant qu'elle est un obstacle à la parfaite délivrance des hommes; l'autre expose la foi aux plus grands dangers dans le dessein de vous ravir ce que vous avez reconquis de vos droits, et de jouir encore une fois de votre abaissement et de votre misère. Enfin, l'une ne hait dans la religion que ce qui paraît y consacrer des principes favorables aux tyrans, et l'autre la livre volontairement à tous les hasards d'un choc dont elle attend le retour de la tyrannie, et la renaissance de tous les désordres. Ainsi, l'esprit d'humanité qui se mêle aux entreprises de l'incrédulité contre l'Evangile, en adoucit et en fait, en quelque sorte, pardonner la témérité et l'injustice. Mais comment pourrait être excusé notre sacerdoce du mal qu'il fait à la religion, pour renfoncer les hommes dans le malheur, et recouvrer une puissance dont la privation soulève toutes ses passions, et contrarie toutes ses habitudes? 0 vous qui êtes de bonne foi avee le ciel et votre conscience I pasteurs, qui n'avez balancé jusqu'à ce jour à sceller de votre serment la nouvelle constitution civile du clergé que par l'appréhension sincère de vous rendre complices d'une usurpation, rappelez-vous ces temps anciens où la foi chrétienne, réduite à concentrer toute sa majesté et tous ses trésors dans le silence et les ténèbres des cavernes, tressaillait d'une joie si pure, lorsqu'on venait annoncer à ses pontifes austères et vénérables le repos du glaive de la persécution; lorsqu'on leur apprenait la fin d'un règne cruef, et l'avènement d'un prince plus humain et plus sage ; lorsqu'ils pouvaient sortir, avec moins de frayeur, des cavités profondes où ils avaient érigé leurs autels, pour aller consoler et affermir la piété de leurs humbles disciples, et laisser jaillir de dessous terre quelques étincelles du flambeau divin dont ils gardaient le précieux dépôt. Or, supposons que l'un de ces hommes vénérables, sortant tout à coup de ces catacombes antiques où sa cendre est confondue avec celle de tant de martyrs, vienne aujourd'hui contempler au milieu de noU3 la gloire dont la religion s'y voit environnée, et qu'il découvre d'un coup d'œil tous ces temples, ces tours qui portent si haut dans les airs les éclatants attributs du christianisme, cette croix de l'Evangile qui s'élance au sommet de tous les départements de ce grand Empire.... quel spectacle pour les regards de celui qui, en descendant au tombeau, n'avait jamais vu la religion que dans les antres des forêts et des déserts I quel ravissement I quels transports! Je crois l'entendre s'écrier, comme autrefois cet étranger à la vue du camp du peuple de Dieu: 0 Israël! que vos tentes sont relles! ô jacob! quel ordre, quelle majesté dans vos pavillons !... Calmez donc, ah! calmez vos craintes: ministres du Dieu de paix et de vérité, rougissez de vos exagérations incendiaires, et ne voyez plus
notre ouvrage à travers vos passions. Nous ne vous demandons pas de jurer contre la loi de votre cœur ; mais nous vous demandons, au nom du Dieu saint qui doit nous juger tous, de fie pas confondre des opinions humaines et des traditions scholastiques, avec les règles inviolables et sacrées de l'évangile. S'il est contraire à la morale d'agir contre sa conscience, il ne l'est pas moins de se faire une conscience d'après des principes faux et arbitraires. L'obligation de faire sa conscience est antérieure à l'obligation de suivre sa conscience. Les plus grands malheurs publics ont été causés par des hommes qui ont cru obéir à Dieu et sauver leur âme. Et vous, adorateurs de la religion et de la patrie, Français, peuple fidèle et généreux, mais lier et reconnaissant ! voulez-vous juger les grands changements qui viennent de régénérer ce vaste Empire ? contemplez le contraste de votre état passé et de votre situation à venir. Qu'était la France il y a peu de mois ? Les sages y invoquaient la liberté ; et la liberté était sourde à la voix des sages. Les chrétiens éclairés y demandaient où s'était réfugiée l'auguste religion de leurs pères ; et la vraie religion de l'Evangile ne s'y trouvait pas. Nous étions unenation sans patrie, un peuple sans gouvernement, et une église sans caractère et sans régime.
On ne peut pas entendre cela, on a mis là des abominations qu'on ne peut écouter de sang-froid ; je demande l'ajournement et le renvoi au comité... Il faut lever la séance. (Tumulte.)
11 n'y avait de régulier et de stable parmi nous que la déflagration de tous les vices, que le scandale de toutes les injustices, que le mépris public du ciel et des hommes, que l'extinction totale des derniers principes de la religion et de la morale. Quel pays que celui où tout se trouve à la disposition absolue de quelques hommes sans frein, sans honneur et sans lumières, et devant qui Dieu et le genre humain sont comptés pour rien I et quelle révolution que celle qui fait succéder tout à coup à ce désordre un spectacle où tout se place et s'ordonne selon l'ancien vœu de la nature, et où l'on ne voit plus dissonner que la fureur impuissante de quelques âmes incapables de s'élever à la hauteur d'un sentiment public, et faites pour rester dans la bassesse de leurs passions personnelles 1 Français 1 vous êtes les conquérants de votre liberté, vous l'avez reproduite au sein de ce vaste Empire par les grands mouvements de votre courage; soyez-en maintenant les conservateurs par votre modération et votre sagesse. Répandez autour de vous l'esprit de patience et de raison ; versez les consolations de la fraternité dans le sein de ceux de vos concitoyens à qui la Révolution a imposé de douloureux sacrifices; et n'oubliez jamais que, si la régénération des Empires ne peut s'exécuter que par l'explosion de la force du peuple, elle ne peut non plusse maintenir quedans le recueillement des vertus de la paix. Songez que le repos et le silence d'une nation victorieuse de tant d'efforts et de complots dirigés contre son bonheur et sa liberté, sont encore la plus redoutable des résistances à la tyrannie qui voudrait tenter de relever ses remparts; et que rien ne déconcerte plus efficacement les desseins des pervers que la tranquillité des grands cœurs. (Les membres de la partie droite se répandent tumultueusement dans la salle; les uns se portent vers le bureau, les autres vers la tribune; quelques membres du côté gauche se lèvent. — Plusieurs minutes se passent dans de vives agitations. — Différentes personnes demandent ou prennent la parole. — Un murmure général étouffe leurs voix.)
(de Saint-Jean- d'Angély). On a fait la motion de renvoyer cette adresse au comité ecclésiastique pour une nouvelle revision.....
parle; il ne parvient pus à se faire entendre.
(de Saint-Jean d'Angély). Il est possible qu'on ait l'ait des changements depuis la dernière lecture au comité.
Cela est faux, je n'ai fait aucun changement.
(de Saint-Jean-d'Angély). Il paraît que le vœu de l'Assemblée est d'ensager le comité à la revision de cette adresse... Une grande discussion est inutile; il ne faut pas répandre de l'amertume là où la paix est nécessaire. Le zèle de celui qui a rédigé l'adresse le déterminera sûrement à ne pas s'opposer au renvoi au comité, et à ce qu'on lève la séance.
Ce n'est pas seulement la revision qu'il faut ordonner, mais la réfacture de l'adresse contre laquelle on s'élève. Je dois articuler un fait, c'est que depuis la seconde et dernière lecture que le comité ecclésiastique a entendue, je n'ai pas changé à mon adresse un seul mot, une seule virgule. Pour ma justification personnelle, je demande que l'état actuel de cette adresse soit constaté; il faut qu'on la connaisse et qu'on ne puisse soupçonner un seul changement; elle ne contient pas une expression, pas une ligne dont je ne réponde sur ma tête et sur mon honneur.
(M. de Mirabeau dépose son adresse sur le bureau, et la fait signer et parapher par les secrétaires.)
(Le renvoi au comité est décrété à une grande majorité.)
Je demande qu'on fasse mention dans le procès-verbal de l'exemple de patience que nous a inspiré notre religion.
(La séance est levée à 4 heures.)
Nota. — M. de Viefville des Essarts, député du département de l'Aisne, fit imprimer et distribuer à tous les membres de l'Assemblée un travail sur l'organisation de la marine qui fait partie des documents parlementaires de l'Assemblée nationale et c'est à ce titre que nous l'insérons ci-dessous (1).
Idées sur Vorganisation de la marine et sur les changements et réformes dont elle est susceptible dans différentes parties, par M. de Vief-ville des Essarts, député du département de l'Aisne (1).
Les circonstances et quelques rapports de liaison m'ayant facilité les moyens de connaître l'organisation de la marine, d'en remarquer les abus et d'en méditer la réforme, je soumets à l'Assemblée nationale les résultats de mes réflexions.
Il suffit de jeter les yeux sur la dernière ordonnance de la marine, du mois de janvier 1786, qui a fixé les forces navales du royaume, et de les reporter ensuite sur la liste des officiers de ce corps que l'on publie chaque année, pour être frappé de l'excessive quantité d'officiers généraux, et de leur surabondance, comparativement au nombre des vaisseaux. Elle est telle, qu'il serait possible d'en mettre un sur chaque vaisseau.
La marine de France est fixée, par cette ordonnance, à 80 vaisseaux de ligne, divisés en 9 escadres de 9 vaisseaux chacune, et d'un certain nombre de frégates, cutters, corvettes, lougres et autres bâtiments légers ; mais elle est rarement complète, et elle ne doit l'être qu'en temps de guerre. Il est bon seulement que les choses soient disposées de manière qu'elle puisse être complétée aussitôt que les circonstances l'exigent. En temps de paix, elle n'a guère besoin que de 60 vaisseaux; elle n'en a même pas actuellement un pareil nombre en état d'être armés, et son armement total n'emploierait que dix officiers généraux, un commandant en chef et neuf chefs d'escadre.
Qu'on ajoute quatre officiers généraux commandants des ports de Brest, Toulon, Rochefort et Lorient (encore ce dernier port n'exige-t-il qu'un capitaine de vaisseau pour commandant et celui de Rochefort ne paraît-il pas susceptible d'être conservé), on aura un total de quatorze officiers généraux (2).
Voilà, strictement, le besoin réel de la marine dans la classe supérieure des officiers, non compris deux ou trois employés aux Indes et en Amérique en qualité de gouverneurs,mais qui sontor-dinairement pris parmi les capitaines de vaisseau.
Que l'on en admette, si l'on veut,10 de supplément, ce qui portera le nombre à 24, 2 vice-amiraux, 8 lieutenants généraux et 14 chefs d'escadre. C'est sûrement autant qu'il en faut, et même le plus haut nombre auquel on puisse porter cette classe d'officiers.
Mais, au lieu de 24, il s'en trouve 62, 4 vice-amiraux, 16 lieutenants généraux et 42 chefs d'escadre. Il y en a donc 38 de surérogation à laisser éteindre auparavant qu'il soit fait de promotion,ou plutôt à mettre hors d'activité ; et en leur laissant les deux tiers de leurs appointements, on y gagnera un tiers, et le remplacement plus prompt d'officiers plus utiles.
Autrefois, il n'y avait qu'un vice-amiral : aujourd'hui on en compte quatre, ainsi qu'on vient de l'observer ; et il est rare qu'il y en ait un d'employé, soit parce que l'on ne parvient à ce grade que dans un âge très avancé, ou parce que le traitement de cet officier, lorsqu'il est employé à la mer, est très considérable ; car, outre 24,000 livres d'appointements, il lui est passé 160 livres par jour en supplément et pour sa table ; personnelle (1).
Il paraît juste, et c'est un point essentiel delà constitution de la marine, indispensable pour la comptabilité et la détermination de la dépense, que le nombre d'officiers de tous les grades soit invariablement fixé en temps de paix ; qu'on ne voie plus ce corps sujet à ces éternelles variations que chaque mutation de ministre lui a fait éprouver, et qui, depuis 25 ans, est le jouet constant de leurs caprices, chacun d'eux a laissé une ordonnance que le successeur a détruite, soit par la crainte de ne point laisser {de preuve de son ministère, soit par l'intention de corriger son prédécesseur.
Si l'on a pensé que 24 officiers généraux suffisaient, on pense également que 100 capitaines de vaisseau suffisent pour le commandement de 81 vaisseaux de ligne et le service des ports. Les 40 premiers seront chefs de division, ayant le rang de brigadier des armées du roi (ils le sont), et tous seront en activité dans les ports.
Mais au lieu de 100, la liste en porte 130, 40 chefs de division, 70 en activité, et 20 en non-activité. Il s'en trouve donc 30 de supplément à laisser éteindre, ou à mettre hors d'activité, en leur accordant les deux tiers de leurs appointements.
Cent majors de vaisseau paraissent également suffisants, un pour chaque vaisseau : les dix-neuf restant pour les détails et le commandement des frégates supérieures portant du 18. (Ils sont sur la liste, ils ont le rang de lieutenants-colonels ; il n'y a conséquemment rien à changer à cet égard.)
Plus, ,500 lieutenants de vaisseau (ils sont également sur la liste)] mais on pense qu'il convient de les diviser en deux classes pour le rang, ainsi qu'ils le sont pour les appointements: la première, quia 1,600 livres, continuera de jouir du rang de major ; la seconde, qui a 1,050 livres, sera mise au rang de capitaine d'infanterie.
Il est en effet hors des règles de la subordination et de l'émulation du système militaire, que des. jeunes gens, encore écoliers après six années de navigation en qualité d'élèves, passent tout à coup au grade supérieur de major d'infanterie. C'est trop abaisser ce rang, qu'un officier de terre n'obtient qu'après de très longs services. Il est bon, d'ailleurs, d'établir une gradation qui les
mette dans une évidence à pouvoir les faire juger dignes de l'occuper,
M. le maréchal de Castries a créé, par l'ordonnance de 1786, 840 sous-lieutenants de vaisseau, destinés à compléter l'armement en temps de guerre. Ce nombre n'est point complet; on a jugé convenable de ne pas le remplir pendant la paix, et il n'y en a environ que 450 portés sur la liste.
Mais cette création, à charge à l'Etat pendant la paix, a été mal vue et mal combinée.
On pourrait, lors de la guerre, prendre ce supplément d'officiers parmi les capitaines les plus expérimentés des navires marchands, qu'on a, jusqu'ici, fait marcher indécemment comme matelots. Le ministre de la marine demanderait, au mois de janvier de chaque année, à toutes les chambres de commerce du royaume un état de tous les capitaines de nayire, reçus au grand cabotage et au loug cours dans chaque port. En marge de cet état, il serait fait mention de l'ancienneté, du mérite, de la nature des campagnes de chacun, s'ils sont à la mer ou à terre ; et, de tous ces états particuliers, serait formé un état général sur lequel seraient apostillés ceux qui auraient été jugés propres à être emp loyés sur les vaisseaux du roi, avec indication des parties dumonde où chacun aurait le plus voyagé et acquis le plus de connaissances, pour les y employer de préférence.
Certes, des officiers ainsi formés et instruitspar l'expérience vaudraient bien des jeunes gens pris au hasard et par faveur ; ils seraient employés eu qualité d'officiers surnuméraires, concurremment et sans distinction avec les lieutenants de vaisseau de la seconde classe. - Ainsi, et d'après les états annuels des chambres de commerce, lorsque la guerre viendrait à se déclarer, on commanderait à l'instant les capitaines de navires marchands, portés sur la liste d'emploi. ce ne serait qu'alors que l'Etat les solderait. A la paix; ils retourneraient à leurs fonctions; il leur serait décerné les. récompenses qu'ils auraient méritées ; et ceux d'entre eux qui se seraient distingués resteraient à la solde de l'Etat.
SI l'on adopte ce projet qui, sous tous les rapports, me paraît utile et avantageux, en ce qu'il honore le commerce, en fait une école de navigation pour la marine militaire, et tend à n'avoir que des officiers expérimentés, les 450 sous-lieutenants de nouvelle création deviennent inutiles.
On peut, dès ce moment, en leur laissant le tiers de leurs appointements, les dispenser de tout service dans les ports ; en conséquence, leur donner la permission de naviguer pour le commerce, où ils continueront de s instruire, jusqu'à ce que la guerre oblige de les rappeler au service de rEtat. Comme ils coûtent 450,000 livres environ, ce serait une économie de 300,000 livres.
On observe ici que le service des canonniers militaires se faisait autrefois par des canonniers bourgeois classés, dont la marine a toujours été très satisfaite. C'était une pépinière précieuse d'excellents marins que l'ordonnance de 1786 a détruite, et qu'on ne cesse de regretter. Il paraît bien difficile de suppléer avantageusement pour l'Etat à cette classe d'hommes distingués, chers à la marine sous tous les titres, réputés les premiers canonniers de l'Europe qui, de retour d'une campagne, rentraient dans leurs foyers, ne coûtaient rien au gouvernement et étaient toujours prêts à marcher au besoin. On croit donc qu'il serait in-
téressant de les rétablir. Pourquoi, en effet, ne se rapprocherait-on pas de l'ancienne forme pour rendre au service ces hommes précieux, en réduisant en proportion le corps d'infanterie des canonniers-matelots ? - £
Le corps des officiers de port, rendu sédentaire depuis l'ordonnance de 1786, ne partageant plus le service de mer, est trop nombreux; il peut être réduit de moitié dans les grades de lieutenant et sous-lieutenant : ils sont 48; ce serait 12 dans chaque grade à supprimer.
Peut-être, cependant, serait-il plus juste et plus convenable de traiter en tout les sous-lieu-tenants de port comme les sous-lieutenants de vaisseau,avec qui ils ont rapport ; en conséquence, de leur accorder le même sort, c'est-à-dire la permission de naviguer sur les bâtiments de commerce, en conservant le tiers de leurs appointements jusqu'à ce qu'il y ait lieu à leur remplacement.
La partie des officiers d'administration pour la comptabilité est encore susceptible de réduction, particulièrement dans les chefs.
Les intendants généraux des armées navales, des fonds, des classes et pêches, toutes places de résidence à Paris, d'une très grande dépense pour l'Etat, sans utilité réelle, ne peuvent jamais échapper à la réforme. De simples chefs de bureau suffisent dans chaque partie, sans qu'il soit besoin d'intermédiaires pour les comptes à rendre au ministre; et l'économie résultant de leur suppression pourra procurer à la marine un bâtiment de plus tous les ans, ce qui est préférable et vaut infiniment mieux.
Les intendants des ports et arsenaux et des places de commerce peuvent et doivent être supprimés, comme à charge et inutiles.
Il y a un intendant et un commissaire général dans chaque port de département, faisant les mêmes fonctions en l'absence l'un de l'autre; c'est un double emploi. L'intendant peut être supprimé, et le commissaire général, qui coûte moitié moins, et qui d'ailleurs ne parvient à ce rang que par ancienneté et une longue expérience, doit être conservé. Il sera chargé, à ce titre seulement, de toutes les fonctions d'intendant auxquelles il est habitué; et en cas d'absence, il sera suppléé par le plus ancien commissaire. Il en coûtera moitié moins en appointements et traitements.
Les places de commerce déBordeaux, du Havre, de Lorient, de Dunkerque, etc., ont chacune un commissaire général qui a le titre d'intendant, et, pour cette seule cause, un supplément considérable qui double ses appointements. L'ordonnance n'en comporte pas, et elles n'en ont pas besoin, puisque Marseille, qui n'est pas moins important, n'en a point; ce sont des grâces purement ministérielles : il ne faut pas même de commissaire générai, un commissaire ordonnateur suffit pour Lorient, et de simples commissaires eu chef pour les autres places.
Les inspecteurs généraux et particuliers de la marine militaire doivent subir la même réforme que les intendants généraux et particuliers. Il n'est pas besoin d'inspecteurs en titre ; ces sortes de places ne doivent avoir de durée que le terme de leur utilité. Lorsqu'une tournée sera jugée né-cessaireet qu'il sera question de faire une inspection ou vérification des troupes, des classes, etc., il sera nommé instantanément des officiers généraux ou commissaires, qui seront payés seulement pour le temps de leurs tournées, et dont le
titre, les fonctions et les traitements cesseront à la fois (1).
Les officiers de la marine, fixés aux classes, devraient avoir ces places pour retraite, de même gue les officiers du service de terre ont les majorités; mais on leur donne d'abord leur retraite, et ensuite, par supplément, les appointements attachés aux inspections etchefferies des classes : c'est un abus.
Si les chefferies des classes ne paraissent pas suffisamment payées pour tenir lieu de retraite, et qu'il soit jugé utile de les conserver, il faut les augmenter; il en coûtera beaucoup moins que d'accorder la retraite, plus, ces places en sus.
L'administration des colonies est encore susceptible d'une grande réforme; le pouvoir des intendants, leur traitement, celui des gouverneurs, doivent être réduits, et les frais de bureau d'une extension arbitraire, absolument fixés.
La meilleure administration, d'une surveillance facile, est la plus uniforme; c'est celle dont toutes les parties s'enchaînent mutuellement ; et l'on ne voit pas, dans l'administration générale des colonies, cette unité si désirable qui annonce l'esprit d'ordre, et qui peut seule prévenir une infinité d'abus.
Les chefs et presque tous les individus soudoyés par l'Etat dans toutes les parties civiles et militaires,fquoiqueayant la même surveillance, le même travail, que leur existence soit peu variée, y sont payés différemment, sans qu'on puisse apercevoir d'autre cause dans cette différence que le vice d'un régime arbitraire.
Les intendants sont payés depuis 40 jusqu'à 80,000 livres ; les gouverneurs, depuis 24 jusqu'à 100,000, livres ; les commissaires, depuis 6 et au-dessous jusqu'à 16,000 livres.
Le titre d'intendant, au surplus, n'y paraît pas plus nécessaire que dans les ports de département, et partout ailleurs où il vient d'être supprimé. Des commissaires généraux pour les colonies les plus importantes, telles que Saint-Domingue, la Martinique et l'Ile-de-France, et des commissaires ordonnateurs en chef, ou de simples commissaires pour les autres suppléeraient avantageusement les intendants. Il en résultera une grande économie et un meilleur ordre de comptabilité (2). Ces officiers d'administration secondaires, étant généralement plus instruits, choisis par ancienneté de service dans leurs corps, sont formés par une longue habitude d'expérience, qui aide l'esprit de toutes les connaissances locales; leur nombre serait fixé et réduit; ils seraient payés en raison de leurs occupations et de l'importance des lieux. La différence des traitements est abusive, lorsqu'elle n'est pas l'objet d'une plus grande étendue de travail»
Le traitement des gouverneurs doitéire également déterminé sur l'importance de la colonie ; ces places ne doivent plus être à l'avenir un objet de spéculation pour y relever ou y faire sa fortune. Ils seraient suffisamment payés, dans les principaux établissements, en fixant la totalité de leurs appointements et traitements depuis
50,000 livres et au-dessus. Il vaut mieux qu'ils représentent par leur surveillance, leur activité, leurs soins, que de tenir table ouverte.
Les commandants en second et particuliers, dont la plupart ne sont pas obligés à la représentation, peuvent et doivent être également réduits, ainsi que les chefs des différentes parties civiles et militaires; tels-que ceux des corps d'artillerie, du génie, les officiers des états-ma-jors, etc.
L'extrême facilité avec laquelle on a multiplié toutes les places et les postes soldés sont les principales causes auxquelles on peut attribuer l'accroissement successif des dépenses de la marine, qui n'ont jamais eu de fixité.
Les Anglais, avec une marine plus considérable, ont un moindre nombre d'agents d'administration, et ils suffisent.
Voici comment je réglerais les appointements et traitements de tous les officiers civils :
A chacun des commissaires-généraux de Brest et de Toulon, pour appointements et frais de
bureau........................... 15,000 liv.
Au commissaire - ordonnateur de
Lorient, pour idem................ 10,000
Aux commissaires en chef de Bordeaux, du Havre, de Marseille, Dun-kerque, Cherbourg, pour idem, chacun.............................. 7,000
Aux trois commissaires généraux des colonies, pour appointements,
iraitements et frais de bureau..... 25,000
A celui de Saint-Domingue, à cause de l'étendue de sa juridiction, pour
les frais de déplacement............ 30,000
Au commissaire-ordonnateur de la Guadeloupe et ses dépendances, appointements et frais idem.......... 18,000
Aux commissaires en chef des autres colonies, telles que Sainte-Lucie, Tabago, Gayenne, l'île Bourbon,
Pondichéry, à chacun.............. 10,000
Nos autres établissements de peu d'importance n'ont besoin que d'anciens commis faisant les fonctions d'écrivains principaux, à qui il suffirait de donner 3 à 4,000 livres, excepté pour le Sénégal, mais qui est régi par une compagnie, chargée de toutes les dépenses, et dont 1 économie peut servir de modèle pour nos moindres établissements.
Les commissaires ordinaires dans les colonies, comme ailleurs, ne sont pas trop payés, mais ils sont trop nombreux, et leur nombre doit être réduit de concert avec le ministre, de même que celui des écrivains principaux et ordinaires.
Toutes ces réductions seraient un objet d'économie de plus de 400,000 livres.
Voici également ce que j'estimerais devoir être accordé, pour traitements, aux gouverneurs et commandants particuliers, en suivant la même proportion dans la réduction des sous-ordres :
Aux commandants de la marine de Brest et de Toulon, pour tout généralement quelconque, appointements, traitements et frais de bureau, à
chacun.......................... 20,000 liv.
Au commandant de Lorient, pour
idem............................ 12,000
Au gouverneur de Saint-Domingue, pour idem..........................50,000
Au commandant en second, pour
idem............................ 15,000
Aux gouverneurs de la Martinique
et de l'Ile-de-France, à chacun..... 40,000
(11 n'y a que la colonie de Saint-
Bomiugue, qui, par son étendue, soit susceptible d'un commandant en second.) >
Au gouverneur de la Guadeloupe
et ses dépendances................ 30,000
. Aux commandants particuliers de Sainte-Lucie, Cayenne, l'Ile Bourbon, à chacun................... 15,000
Pondichéry a été évacué; il n'y a plus de troupes, par conséquent point de commandant militaire.
Tous les autres lieux de peu d'importance n'ont besoin que d'un capitaine de détachement, èt un petit supplément d'appointements, proportionné à la valeur du lieu, suffit. ~ Il doit en être de même de l'article des consulats, A l'énormité du traitement d'un grand nombre de consuls, chargés d'affaires, agents généraux et particuliers, se joignent l'inutilité de plusieurs, et une disparité injuste dans leurs traitements, à laquelle il est impossible d'assigner d'autre cause que l'arbitraire ministériel.
• Les consuls de Cadix, Lisbonne, Gênes, Naples et Amsterdam (ici c'est un commissaire général, mais le titre n'y fait rien, puisque ses fonctions sont celles d'un consul), Saint-Pétersbourg , Maroc, Bassora', sont payés comme des ambassadeurs; £t à "Madrid, outre l'ambassadeur, on y tient un agent chargé des,affaires de 'la marine et du commerce, qui reçoit 24,000 livres de traitement, et 6,000 livres qu'on lui rembourse pour les présents -annuels.
Ceux de l'Amérique septentrionale reçoivent également des sommes énormes pour les lieux qu'ils habitent. Le*commerce ne rend pas, dans la plupart, ce qu'il coûte en représentation.
L'Angleterre ne paye pas de frais de consulat en France, ou * du moins peu de chose ; et nous tenons chez eux des agents qui sont payés jusqu'à 20,000 livres, et dans des ports où l'on ne voit pas quatre bâtiments français paraître dans l'année.
Dans la plupart des lieux, un simple agent, pris parmi les négociants français qui y sont établis, peut tenir lieu de consul, et en remplir les fonctions avëc un simple traitement de 2,000 livres, plus ou moins, selon l'importance des relations et du commerce de l'endroit.
Il y a donc bien évidemment une forte réduction à faire sur cette partie.
* Ainsi le chargé des affaires de la marine et du. commerce à Madrid est inutile ; l'ambassadeur peut faire l'un et l'autre sans intermédiaire : ce n'est pas un port de mer où les affaires sont minutieuses et journalières.
Un consul à qui l'on payerait, à cause de l'importance du lieu-, pour ses appointements et traitement, 10,000 livres, au lieu de 24,000 livres qu'on lui donne, suffirait.
Lisbonne, qui est un des grands ports que nous fréquentons le moins, et où nous tenons un ambassadeur, n'a pas besoin d'un vice-consul, et encore moins d'un juge conservateur et d'un hôpital. Un consul payé 6,000 livres, au lieii de 16,000 que celui' actuel reçoit-,• sera bien traité. (Nous admettons ici un consul avec l'ambassadeur, parce que c'est un port de mer; mais nous retranchons la représentation, qui ne convient qu'à l'ambassadeur.) 1
A Livourne, 4,QO0 livres au lieuse 3tQ00.
Naples, 6,000' livres au lieu de 15,000.
Amsterdam. 6,000 livres au lieu de 15,200.
Hambourg, 6",ÛÔ0 au lieu de 8,500.
Stockolm, Elseneur, Saint-Pétersbourg, 6,000 livres au lieu de 8, 9 et 17,000.
Boston, Baltimore, Richemont, New-York, Charles-Town, Philadelphie, Portsmouth» (dans l'Amérique septentrionale), à chacun 6,000 livres au lieu de 8, 12 et 20,000.
Wilmingstown (Amérique), 4,000.
Maroc, 10,000 livres au lieu de 19,000.
Bassora, 8,000 livres au lieu de 14,000.
Londres, 10,000 livres au lieu de 20,000.
Dublin, 8,000 livres au lieu de 16,000.
Bristol, Edimbourg, Liverpool et Cork, 4,000 livres au lieu de 8 et de 9,000.
(Tous les frais de consulat des ports du commerce du Levant et des côtes de Barbarie, dans la Méditerranée, sont à la charge de la chambre de commerce de Marseille.)
Quant aux autres ports inférieurs, et à tous ceux où nous avons peu de relations de commerce, il faut y retrancher le titre de consul ; de simples agents, payés depuis 2,000 jusqu'à 3,000 livres, selon l'importance du commerce, suffisent ; et partout où il y a un consul, un vice-consul n'est pas absolument nécessaire; un négociant désigné suppléera le consul, en cas d'absence ou de maladie.
L'Angleterre, dont le commerce est beaucoup plus étendu que le nôtre, emploie fort peu d'agents :elle ne fait pas sur cet objet,en Europe, la sixième partie de notre dépense.
Nos consuls et agents dans la majeure partie des lieux, surtout dans ceux où nous avons un ambassadeur, peuvent se dispenser de la représentation; elle n'est pas utile à. l'objet de leur mission.
Un nouvel objet de suppression a dû encore, depuis longtemps, frapper l'attention du gouvernement. Le port de Rochefort, construit avec faste par Louis XIV, malgré toutes les difficultés que la nature y opposait, et dont le séjour malsain, pestilentiel, occasionné par les marais qui l'entourent, a fait périr et nous fait perdre encore chaque année des milliers d'hommes, n'est point du tout propre à former un département, d'autant que les vaisseaux qui y sont renfermés ne peuvent y être entièrement armés, que la rivière n'a pas assez de fond pour leur tirant d'eau, qu'on est obligé de les descendre de la rivière sans leur artillerie, par conséquent sans défense; de sorte qu'en temps de guerre (nous l'avons vu dans celle de 1744 et la suivante) un seul vaisseau ennemi, en station à l'île d'Oléron, a pu et peut encore empêcher tous les vaisseaux renfermés dans ce port d'en sortir. II est donc non seulement inutile, mais à charge et dangereux ; il coûte des sommes immenses en entretien, et la nature y a constamment surmonté l'art et les dépenses qu'on y a faites. Il n'est personne qui, connaissant sa situation, ne sente l'avantage de sa suppression. On peut le réunir à ceux de Brest et de Lorient ; ce qui ajouterait à plusieurs avantages célui bien important de rapprocher l'ensemble de nos forces dans l'Océan, dont la disjonction nous a été si souvent funeste.
Cette suppression,impérieusement exigée sous tous les rapports, nous conduirait encore à une grande économie. Le commandant de ce département, l'intendant, les directions, toute l'administration de comptabilité deviendraient inutiles, puisque les ports de réunion désignés ont l'ensemble des officiers nécessaires dans toutes les parties, qu'un plus grand nombre de vaisseaux n'oblige pas de les augmenter. Enfin, un article qui peut offrir le plus d'économie, c'est l'appro-
visionnement des ports. Ce sont toujours les mêmes personnes qui, par une prédilection qui suppose la faveur, obtiennent les adjudications des fournitures des arsenaux ; tout cela s'arrange de manière que nul autre ne se présente pour les rabais, parce qu'on sait que c'est une porte de succession, qui tient à des arrangements, à des motifs intéressés que l'habitude et le temps ont presque passés en loi. Le nouveau fournisseur craint la rigidité, les difficultés des recettes et les retards des payements ; tous moyens faciles à employer, qui l'empêchent de se mettre en concurrence.
Qu'on détruise cet usage ; que les entreprises ne soient plus des successions pour des particuliers favorisés ; que la concurrence soit admise ; que chacun puisse se présenter aux enchères ; que les adjudications soient annoncées, publiées, affichées dans tous les lieux qui seront jugés nécessaires, trois mois à l'avance, et faites au jour fixe sans nulle préférence ; que l'exactitude des payements soit assurée ; que les époques en soient déterminées six mois après les fournitures faites et passées en recette dans les ports ; qu'il suffise à l'adjudicataire de donner caution valable de remplir ses engagements, de satisfaire à toutes les clauses et conditions de son adjudication, alors il se présentera des concurrents aux adjudications, et le bénéfice des rabais deviendra incalculable (1).
L'on pense encore qu'il ne faudrait pas comprendre le fret des approvisionnements dans le prix des achats; le transport en serait fait, pour les objets qui en sont susceptibles, par les flûtes du roi. On y trouverait l'avantage de joindre l'économie à l'instruction des officiers, en les faisant ainsi naviguer dans les mers du Nord,qu'ils connaissent peu ; d'employer et de former un plus grand nombre de matelots : on épargnerait un fret qu'il faut payer aux Hollandais, Suédois, Danois, que les fournisseurs emploient de préférence, parce qu'ils coûtent moins, en ce qu'ils naviguent avec plus d'économie.
Quand même le fret coûterait plus, en employant les flûtes du roi aux transports des approvisionnements, l'argent nous resterait ; et nous formerions des officiers et des matelots. D'ailleurs, comme on est obligé d'armer des bâtiments, et uniquement pour faire naviguer et former des officiers, on en armera moinsl Par ce moyen, ce que l'on dépenserait plus, d'un côté, serait regagné avantageusement de l'autre.
D'après ces observations, on est donc autorisé à croire que la dépense de la marine, eu égard à ses forces actuelles, peut encore être réduite. Une simple comparaison va en établir l'évidence.-
La marine de France est à celle d'Angleterre, à peu près comme deux sont à cinq. Les bâtiments légers ne sont même guère que dans la proportion d'un à cinq, parce que le commerce de cette île étant considérable pour les comestibles qui lui sont nécessaires et qui sont chargés de droits, elle a besoin d'avoir continuellement des flottilles en station et d'être armée contre la contrebande.
Elle a toujours vingt mille matelots en activité ; à peine en avons-nous la moitié. Sa marine coûte 54 millions, par conséquent la dépense de
la nôtre, portée dans ce moment au-dessus de 46 millions, compris l'extraordinaire, est donc proportionnellement trop forte.
Dans ces circonstances, et où l'Assemblée nationale jugerait à propos d'adopter les réductions et réformes qu'on vient de lui soumettre, voici le projet de décret que je proposerais : projet de décret.
L'Assemblée nationale considérant que, dans l'ordre social et politique, l'arbitraire laissé aux agents du pouvoir est une source intarissable d'abus de toute espèce, d'insouciance et de mépris pour les lois, d'injustices et de faveurs dans la distribution des places, d'intrigues et de corruption pour les obtenir, de désordre dans la dépense ;
Considérant qu'il ne peut y avoir de bonne Constitution que celle dont les lois reposent sur des bases fixes et immuables, commandent impérieusement à ceux qui sont chargés de leur dépôt, en règlent la conduite, le3 placent dans l'heureuse impuissance de ne pouvoir impunément y substituer leur volonté ;
Considérant qu'un tel ordre de choses,si désirable dans les toutes parties qui constituent un grand Empire, l'est surtout dans celles établies pour sa conservation et qui constituent sa force et sa prospérité ; que sous ce rapport et celui de l'économie politique, il devient essentiel de fixer irrévocablement tout ce qui tient au régime et à l'organisation de la marine ; de substituer un ordre fixe et durable à l'arbitraire ministériel qui a régné jusqu'à présent ; de retrancher^ supprimer les grades, places, pouvoirs, autorités et objets inutiles ; d'établir une telle fixité dans toutes les parties, que la dépense comme l'ordre de la comptabilité deviennent invariables, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. Les forces navales du royaume
seront et demeureront fixées à 81 vaisseaux de ligne, divisés en 9
escadres de 9 vaisseaux chacune, ainsi qu'il est porté par l'ordonnance
du mois de janvier 1786.
Art. 2. Le nombre d'officiers militaires de tous les rangs et de tous les grades sera et demeurera irrévocablement fixé ainsi qu'il suit :
Deux vice-amiraux.
Huit lieutenants généraux.
Quatorze chefs d'escadre.
Cent capitaines de vaisseau, dont les quarante premiers seront chefs de division.
Cent majors de vaisseau.
Cinq cents lieutenants de vaisseau.
Douze lieutenants de port.
Douze sous-lieutenants, idem.
Sans que ce nombre puisse en aucun cas être augmenté, même en qualité de surnuméraire. (1)
Art. 3. Il sera incessamment pourvu à la retraite de deux vice-amiraux, huit lieutenants généraux, vingt-sept chefs d'escadre, trente capitaines de vaisseau et douze lieutenants de port, qui se trouvent en supplément et au delà du nombre fixé par l'article précédent.
Art. 4. Les ofaciers qui se retireront dorénavant du service ne pourront plus prétendre à un gracie supérieur à celui qu'ils occuperont lors de leur retraite.
Art. 5. Les cinq cents lieutenants de vaisseau seront divisés en deux classes : la première,ayant 1,600 livres d'appointements et le rang de major d'infanterie; la seconde, ayant 1,050 livres et le rang de capitaine d'infanterie.
Art. 6. Les sous-lieutenants de vaisseau, du nombre des huit cent quarante créés par l'ordonnance susénoncée, qui se trouvent portés sur la liste d'activité, ainsi que les douze sous-lieutenants de port de supplément, cesseront d'y être employés. Ils seront et demeureront dispensés de tout service dans les ports; il leur sera permis de naviguer pour le commerce, où ils continueront de s'instruire jusqu'à ce que les circonstances exigent ou permettent de les remettre en activité, leur laissant cependant le tiers de leurs appointements, et le temps de leur service continuant de leur compter.
Art. 7. A l'avenir, en cas de guerre qui nécessitera le besoin d'un supplément d'officiers, ce supplément sera pris parmi les capitaines les plus expérimentés des navires marchands ; en conséquence, au mois de janvier de chaque année, il sera fourni au ministre de la marine, par toutes les chambres de commerce du royaume, un état de tous les capitaines de navire reçus au grand cabotage et au long cours dans chaque port. Cet état, divisé en plusieurs colonnes, fera mention de l'ancienneté, du mérite, de la nature des campagnes de chaque capitaine, s'ils sont à la mer ou à terre ; et de tous ces états particuliers sera formé un état général, sur lequel seront inscrits ceux des capitaines qui auront été jugés propres à être employés sur les vaisseaux du roi, avec indication des parties du monde où chacun d'eux aura le plus voyagé et acquis le plus de connaissances.
Art. 8. Lorsque les circonstances l'exigeront, ceux des capitaines de navires marchands, portés sur la liste d'emploi, seront commandés ; ils serviront en qualité d'officiers surnuméraires, concurremment et sans distinction avec les lieutenants de la seconde classe. Et lorsque leur service cessera d'être utile, ils retourneront à leurs fonctions ; mais ceux d'entre eux qui se seront distingués continueront d'être employés et resteront à la solde de l'Etat.
Art. 9. Les maîtres seconds et aides-canon-niers des classes sous le titre de canonniers-bour-geois, supprimés par l'effet de l'ordonnance de 1786, seront et demeureront rétablis sur le même pied où ils étaient auparavant ladite ordonnance, et il sera fait une réduction proportionnée à ce remplacement,dans le corps royal des canonniers-matelots.
Art. 10. Le traitement personnel de table des officiers commandant à la mer, ainsi que des passagers à leur bord au compte du roi, sera et demeurera dorénavant fixé, pour tous les rangs et grades généralement quelconques, aux trois quarts de ce qui leur est accordé par l'ordonnance de 1786 ; en conséquence, le décret provisoire du 26 juillet restera définitif.
Art. 11. Les intendants généraux des colonies, des armées navales, des fonds, des classes et des pêches ; les intendants des ports et arsenaux, des places de commerce, soit en exercice ou ayant seulement le rang; ensemble les intendants particuliers des colonies, les inspecteurs généraux et particuliers de la marine militaire et des classes, sont et demeureront supprimés: îl sera pourvu incessamment à leur retraite,s'il y a lieu.
Art. 12. Les intendants particuliers des ports
et colonies seront remplacés, savoir : dans les deux grands ports de Brest et de Toulon, par deux commissaires généraux; dans le port de Lorient, par un commissaire-ordonnateur; dans les ports de commerce de Bordeaux, du Havre, de ûunkerque, Cherbourg et Marseille, par de simples commissaires en chef.
Dans les colonies importantes de Saint-Domingue, la Martinique, l'Ile-de-France, par des commissaires généraux.
Dans celle de la Guadeloupe et ses dépendances, par un commissaire-ordonnateur.
Dans toutes les autres, par de simples commissaires en chef. Les traitements desquels commissaires seront réglés en raison de l'importance du lieu de leur emploi, et fixés avec le miDisfre du département, ainsi que les traitements et le nombre des commissaires ordinaires et écrivains.
Art. 13. Le traitement des gouverneurs, commandants en second et particuliers, des officiers des états-majors, des chefs des corps du génie et d'artillerie; celui des officiers d'administration civils et militaires, des consuls, chargés d'affaires, agents généraux et particuliers, et leur nombre, seront réduits et invariablement fixés d'après l'importance des lieux et des relations.
Art. 14. Lorsqu'il sera jugé nécessaire de faire une inspection ou vérification des troupes, des classes, etc., il sera nommé instantanément des officiers généraux, ou commissaires, qui seront payés seulement pour le temps et la durée de leurs fonctions.
Art. 15. Lorsqu'il sera question de l'approvisionnement des ports pour toutes les fournitures des arsenaux^ les adjudications ne pourront être faites qu'au rabais ; toute personne y sera admise en donnant caution valable ; et elles seront annoncées, publiées et affichées trois mois à l'avance, dans tous les lieux qui seront jugés nécessaires. Les époques des payements seront déterminées, et les payements faits dans les six mois des fournitures passées en recette dans les ports ; et il en sera fait mention dans les publications et affiches.
Art. 16. Le fret des approvisionnements ne sera pas compris dans le prix des achats; le transport en sera fait, pour les objets qui en sont susceptibles, par les flûtes du roi.
Art. 17. Le port de Rochefort est et demeure supprimé et réuni à ceux de Brest et de Lorient. Il sera en conséquence donné des ordres et pris les mesures nécessaires pour opérer et consommer très incessamment ces suppressions et réunions.
Telles sont les réformes, suppressions, réductions et économies que j'ai cru pouvoir s'opérer par la nouvelle organisation de la marine.
Il en est encore beaucoup d'autres qui se remarquent facilement d'après le rapport des dépenses du département ae la marine, fait à l'Assemblée nationale par le comité des finances, mais qui n'auront certainement pas échappé au comité de marine, ou qu'il suffit de lui indiquer pour qu'il en fasse le sujet de ses délibérations.
Ainsi l'article de dépense des gardiens, portiers, rondiers, pour les vaisseaux et magasins, canotiers et gabariers, porté pour 424,808 livres, est si considérable, qu'il est difficile qu'il ne renferme pas d'abus. Le détail sur cet objet est nécessaire; on est fondé à croire qu'il peut être réduit de 150,000 livres au moins.
La mauvaise régie des hôpitaux est sensible; la plus simple comparaison suffit pour convaincre
que les administrateurs en usent mal; que la surveillance est trop négligée ; que ceux qui en sont chargés ne la font pas, on la font mal ; qu'il faut changer entièrement le régime de cette administration, fixer ce qu'il convient de payer pour chaque malade, sous une inspection rigoureuse, attentive et surveillante.
On remarque, à cet égard, que les hôpitaux confiés aux femmes sont les mieux administrés, pour l'économie, la propreté et les soins.
Les frais de régie des vivres,portés à 624,500 livres, sont énormes et paraissent susceptibles d'une forte réduction. Il est d'autant plus nécessaire de détailler cet article que cette partie est grevée de pensions qu'il convient d'examiner.
L'article des conseils supérieurs et justices subalternes paraît encore excessivement cher. Les sièges et les officiers sont trop nombreux. On compte jusqu'à trois substituts du procureur général.
Les gardes-magasins et receveurs des domaines sont également nombreux et susceptibles d'être réduits.
Les ateliers entretenus par le roi dans nos colonies ne sont avantageux qu'aux particuliers qui les dirigent. Il est nécessaire de les faire surveiller par des personnes qui ne soient pas soumises à l'administration.
On voit, dans l'île de Tabago, une commission établie depuis la paix pour liquider les dettes de l'Etat, qui coûte près de 19,000 livres chaque année. Cette somme est peut-être au-dessus de l'intérêt du principal que l'on ne paye pas. Le commissaire-ordonnateur, le gouverneur, ou quelques principaux agents de l'administration pouvaient être chargés de ces objets, sans qu'il eût été besoin d'établir cette singulière commission, En général la dépense de l'état militaire de cette colonie et de toutes les parties de son administration est au-dessuS de son importance actuelle, j
Mais on ne doute pas qu'à l'avenir le gouvernement ne donne un® attention particulière à ces différents objets.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier qui est adopté.
,rapporteur du comité des finances. Messieurs, vous avez rendu un décret, le 28 juillet dernier, qui ordonne aux receveurs particuliers des décimes du clergé de cesser leurs payements à l'époque du 1er septembre, d'envoyer au 1er octobre l'état de leur situation et de verser dans la caisse générale les sommes dont ils pouvaient se trouver débiteurs à cette époque.
Votre comité des finances ayant nommé des commissaires pour recevoir ses
comptes, le receveur du clergé leur a dit qu'un grand nombre de
,rapporteur, donne lecture d'un projet de décret.
Je demande qu'on accorde quinze jours pour tout délai. (Cet amendement est adopté.) Le projet de décret est adopté dans ces termes : « L'Assemblée nationale décrète ce qui suit:
Art. 1er
Les receveurs particuliers des décimes, qui n'auront pas fourni et soldé leurs comptes dans quinze jours, à compter de la publication du présent décret, et qui n'auront pas satisfait à ce qui est prescrit par l'article 4 du décret du 18 juillet dernier, seront déclarés débiteurs personnels des sommes dont les diocèses sont en retard envers la caisse générale du ci-devant clergé, sauf à eux à en faire le recouvrement sur les contribuables.
Art. 2.
« La situation de ces receveurs des décimes sera constatée sur les registres du sieur Quinson, lors de l'arrêté de ses comptes.
Art. 3.
« A l'époque fixée parle présent décret, le sieur Quinson sera autorisé à refuser les quittances que ceux désdits receveurs des décimes ne lui auront pas encores fournies, sauf à eux à se faire remplir du montant de ces quittances par le payeur des rentes de l'Hôtel de Ville de Paris, chargé d'acquitter les rentes constituées sur le ci-devant clergé.»
proposé à l'Assemblée le projet du décret suivant : « L'Assemblée nationale décrète qu'après leà interrogatoires des accusés détenus dans les prisons d'Aix, de Marseille, de Toulon et autres villes, pour crimes de lèse-nation, les procédures seront envoyées au comité des recherches de l'Assemblée nationale ; et qu'il sera sursis au juge-ment jusqu'à ce que, sur le rapport du comité des recherches, l'Assemblée nationale ait ordonné ce qu'il appartiendra.» (Ce projet de décret est adopté.)
Je viens, Messieurs, réclamer votre justice pour un grand nombre de citoyens qui languissent dans les prisons et qui ne sont pas tous guéris de leurs blessures.
Vous avez décrété, relativement aux troubles arrivés à Perpignan,que les malheureuses victimes qui étaient gardées à la citadelle y seraient retenues jusqu'au jour de l'arrivée d'un régiment que le roi serait prié d'envoyer à Perpignan. Le ministre a cru suffisant de n'y envoyer qu'un seul bataillon du régiment de Cambrésis. Le départe-
ment ne se croit pas autorisé, d'après le teneur de votre décret, à ordonner l'élargissement des malheureux prisonniers. Le désespoir est près de s'emparer de leurs âmes.
Je ne vous citerai pas, Messieurs, plus de huit, cents familles qui s'intéressent au sort de leurs alliés ou de leurs parents.Sans doute, vous n'avez ordonné de les élargir après l'arrivée des troupes que pour assurer leur liberté : or, un bataillon est suffisant pour leur sûreté; je viens donc supplier l'Assemblée de décréter que M. le Président écrira de suite au département quel'intention de l'Assemblée est que les prisonniers soient élargis, soit que le roi ait envoyé un régiment ou un bataillon.
Je m'oppose à la motion qui vient d'être faite. Vous avez décrété qu'il serait envoyé un régiment à Perpignan et que le lendemain de son arrivée les prisonniers seraient mis en liberté. Cette affaire regarde essentiellement le pouvoir exécutif : il y a eu un décret sanctionné par le roi ; c'est au ministre à en assurer l'exécution et c'est à lui que le préopinant doit porter sa réclamation,
Je dénonce le ministre de la guerre pour n'avoir pas exécuté votre décret, et je le rends responsable des maux qu'il fait éprouver à d'honnêtes citoyens.
Vous avez, il est vrai, décrété qu'il serait envoyé un régiment à Perpignan ; mais ce décret n'empêchait pas le roi d'en envoyer deux au lieu d'un, si les circonstances l'eussent exigé. Par les mêmes raisons, il a pu n'envoyer qu'un bataillon au lieu d'un régiment, si ce secours lui a paru suffisant ; il l'a pu sous la responsabilité du ministre. Lorsque l'Assemblée décrète l'envoi d'un régiment, elle entend par là le nombre d'hommes nécessaire. Nous n'avons pas la disposition des troupes quant au nombre d'hommes qu'il faut répartir dans tel ou tel endroit. Si votre décret porte qu'il sera envoyé un régiment à Perpignan, c'est un défaut de rédaction. On me dit qu il s'agit d'une interprétation. Eh bien, vous ne pouvez pas mieux interpréter ce décret qu'en renvoyant au pouvoir exécutif la réclamation qui vous est présentée. En effet, ce sera dire que vous n'avez pas entendu précisément fixer le nombre d'hommes qui devait être envoyé. Le ministre jugera,sous sa responsabilité, s'il y a assez de troupes à Perpignan pour la sûreté des personnes détenues, ou s'il en faut envoyer encore. Dans l'un et l'autre cas, on fera élargir les prisonniers. Je demande donc le renvoi de la réclamation au pouvoir exécutif. (Ce renvoi est décrété.)
dénonce à l'Assemblée un mandement de M. l'archevêque de Paris, donné à Chambéry le 31 décembre 1790, auquel est jointe l'instruction pastorale de M.l'évêque de Boulogne sur l'autorité spirituelle (1), donnée à Boulogne le 24 octobre 1790, de l'imprimerie de Crapart, place Saint-Michel.
En raison des principes anticonstitutionnels contenus dans ces deux documents, il en demande le renvoi au comité des recherches.
(Cette motion est décrétée.)
donne lecture d'une lettre écrite àM. le Président parles administrateurs et procureur syndic du directoire du district de Saint-Malo, faisant mention d'un paquet à l'adresse de M. Ruste, député de la ville de Saint-Pierre de la Martinique, sous le cachet de cette municipalité. L'Assemblée ordonne Je renvoi de cette lettre et du paquet aux comités colonial et de la marine.
,au nom du comité des domaines. Messieurs, il s'est élevé des doutes dans quelques endroits sur la manière dont doivent être interprétés vos décrets provisoires sur les ventes et adjudications des coupes des bois nationaux. Un directoire de département (celui de l'Oise), nonobstant les explications qui lui avaient été données par votre comité des domaines, vient de prendre un arrêté par lequel il déclare que toutes les adjudications doivent être faites devant les directoires de district; et que les officiers des maîtrises ne doivent point être appelés à celles des taillis. Il est essentiel de maintenir l'uniformité du régime et de fixer le véritable sens de vos décrets.
,rapporteur, lit un projet de décret.
Je réclame pour la marine le droit dont elle a toujours joui, et dont l'exercice éprouve en ce moment des obstacles, de prendre dans les forêts nationales, au prix convenu ou à dire d'experts, les arbres nécessaires à son approvisionnement.
(de Saint-Jean-d'Angély). Les officiers des maîtrises coûtent beaucoup à l'Etat; il est nécessaire de veiller à ce qu'ils ne s'attribuent pas des salaires excessifs, dans un moment où ils n'ont pas l'intérêt personnel pour surveillant. Je demande que le comité des domaines présente un tarif de leurs vacations.
,rapporteur. Je ne m'oppose point à cette mesure, si elle est jugée utile ; je dois observer cependant qu'il est important d'y songer et de parler de réduction des salaires, quand les fonctions cessent. Les maîtrises ont eu cette année des surveillants plus attentifs que jamais dans les corps administratifs. Je dois d'ailleurs aux officiérs des eaux et forêts, au nom du comité des domaines, qui ne me désavouera pas, cette justice qu'ils ont témoigné beaucoup d'activité et de courage dans ces derniers temps, où leurs fonctions expirantes ne sont pas sans quelque danger. Le projet de décret du comité des domaines est adopté, avec les amendements de MM. Malouet et Regnaud, ainsi qu'il suit : «L'Assemblée nationale, voulant dissiper les doutes qui se sont élevés, dans quelques endroits, sur l'interprétation de ses décrets concernant la forme dans laquelle il doit être provisoirement procédé aux ventes et adjudications des bois nationaux, après avoir entendu son comité des domaines, déclare que les officiers des eaux et forêts doivent continuer, comme par le passé, de procéder aux ventes et adjudications des coupes ae bois nationaux, qui ont toujours été faites devant eux; et que,quant aux ventes et adjudications qui ne se faisaient point devant eux, il y doit être procédé par le directoire de district, dé-
légué à cet effet par le directoire de département, en présence de deux officiers au moins, du nombre de ceux qui auront fait les opérations préparatoires, ou eux dûment appelés. « Et, en ce qui concerne les approvisionnements des arsenaux de marine en bois de construction, l'Assemblée décrète qu'avant l'ouverture des adjudications, les préposés de la marine seront admis, comme par le passé, à marquer dans les forêts nationales, et à réclamer, pour le service de l'Etat, les bois reconnus propres à la construction des vaisseaux de guerre, et ce, aux prix convenus de gré à gré, ou à dire d'experts. « Se réserve enfin, TA?semblée nationale, de régler les salaires et vacations des officiers des eaux et forêts, d'après le tarif qu'elle arrêtera, et qui lui sera proposé par son comité des domaines. » (Adopté.) L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur Vorganisation de la marine militaire.
Messieurs, l'esprit de la marine militaire est plus éloigné qu'on ne pense de l'esprit de la marine marchande : dans celle-ci tous les moyens d'encouragement sont fondés sur des vues de commerce; l'officier de la marine militaire ne doit écouter que la voix de l'honneur et du patriotisme. L'esprit de pacotille doit être absolument défendu dans la marine militaire; s'il en était autrement, les vaisseaux encombrés de marchandises seraient retardés dans leur marche, ne pourraient combattre et deviendraient aisément la proie de l'ennemi. Si vous admettiez le plan du comité, vous n'auriez point de marine militaire, vous n'auriez que des militaires marchands. L'esprit d'intérêt n'inspire pas de courage et l'homme qui calcule n'est pas celui qui se bat. Une voix:ka contraire!
Il faut que l'honneur soit le seul agent du service de la marine, il faut que l'ambition des grades augmente l'amour de la gloire, et c'est sur ces bases que l'organisation de la marine doit être décrétée. Le système de confondre et d'unir la marine militaire et la marine marchande est un système inventé par cet esprit novateur qui a créé une partie de nos maux, et qui peut-être prépare les chaînes de notre servitude. Ce système, proscrit par la raison des siècles, et par l'expérience des nations maritimes, ne peut soutenir le jour de la contradiction. En effet, peut-on espérer que le même homme sera tout à la fois un commerçant habile, un navigateur hardi, un tacticien consommé? Toutes les professions utiles sont honorables ; toutes doivent être honorées1, tant qu'elles ne s'écartent pas de leur institution. Le négociant, citoyen de l'univers, est l'ami de tous les peuples; le navigateur paisible s'unit à ses travaux, et son heureuse audace a rapproché les continents; le navigateur guerrier les couvre de son égide : toujours attentif aux entreprises de la jalousie, il balance l'intérêt des nations. Les uns ont enrichi leur patrie, l'autre l'a défendue; tel est leur but réciproque; et par des moyens différents, ils ont mérité 1 estime publique. Mais lorsqu'on abandonne les principes, lorsque l'on confond des professions étrangères ou mixtes, on en affaiblit l'esprit, et dès lors elles tendent à leur avilissement. Craignez donc d'avilir, par un mélange incohérent, une profession dont le seul esprit tient l'hOmme dans le dévouement absolu, dans l'obéissance la plus passive. Le sacrifice de la fortune, de toutes les commodités de là vie et souvent de l'existence n'en sont communément que des résultats très certains. La profession des armes est la moins lucrative. Un petit nombre d'individus, après avoir semé pendant de longues années, ne récoltent à la fin de leur carrière, que quelques traitements pécuniaires, que quelques décorations; le plus grand nombre est moissonné avant l'époque de la maturité. L'opinion publique est la plus flatteuse récompense des militaires, et si tous les dangers disparaissent à la voix de la patrie, au sentiment de l'honneur, conservez précieusement cette monnaie d'opinion qu'aucun avantage ne peut remplacer. Si l'Etat n'avait d'autres officiers de marine que ceux de la marine marchande, il serait sans armée navale. L'officier marchand, de retour dans le port, ne s'occupe que d'opérations mercantiles, il ne commande plus que dans ses magasins. Il faut donc un corps distinct, puisqu'il faut des commandants de ports et d'arsenaux, des inspecteurs des classes et des officiers toujours prêts à s'embarquer ; il en faut donc de résidants dans les départements de la marine, qui, livrés entièrement à leurs fonctions et à la méditation de leur métier, n'en soient pas distraits par des vues d'intérêt et de commerce. Il sera nécessaire de fixer les rapports des grades de la marine avec ceux de l'armée de terre ; ces rapports sont une conséquence du principe.Ils élèveront l'âme des marins, ils les accoutumeront à ne se proposer d'autre but que la gloire et le succès des armes de la nation. Ces rapports sont d'ailleurs nécessaires, parce quedans une descente les armes peuvent se mêler. Les privilèges exclusifs sont détruits et telle est l'essence de l'Etat monarchique et le principe de cette Constitution, que toutes les classes sont appelées aux premiers emplois auxquels tout sujet, dans une monarchie, puisse arriver. Le règlement contraire n'est que de ce règne et il offre des preuves multipliées que tous les Français pouvaient parvenir aux grands emplois. Si ce règlement avait existé, les armées de terre et d8 mer ne nous auraient pas donné des Fabert, des Vauban, des Catinat, des Duguay-Trouin, de ces hommes qui ont le plus mérité de l'humanité, et, de nos jours, nous n'aurions pas vu M. Cornic soutenir avec gloire l'honneur du pavillon français. Un autre vice non moins radical a jusqu'ici ralenti l'énergie de la marine française. En Angleterre, un marin avec des talents parvient de bonne heure au grade d'officier de pavillon. Il n'est pas rare d'y voir des contre-amiraux de l'âge de 30 à 40 ans. En France, la plupart des officiers n'arrivent aux grades importants que lorsque les années commencent à les glacer. II faut toutes la force de l'âge pour supporter les fatigues de la mer. Ces changements si prompts des glaces du Nord aux chaleurs de la zone torride ; cette vie livrée à une agitation et à une surveillance continuelles, appellent de bonne heure les infirmités de la vieillesse. Il est donc nécessaire d'assurei au marin un avancement plus rapide et c'est d'après ces vues que je demande à l'Assemblée de me permettre quelques observations sur le plan du comité. Je propose donc que le grade d'enseigne de
vaisseau corresponde à celui de capitaine dans les troupes de terre, et ainsi de suite ; qu'il soit entretenu, dans les plus grands ports de Toulon, Brest et Rochefort, une école pour deux cents élèves, qui seront choisis à l'examen et au concours dans les deux dernières classes des aspirants, et j'observe que sans école vous n'aurez pas de si bons officiers de marine. Quant au fond du projet de décret proposé par le comité, je crois qu'il faudrait l'ajourner; car il demande une grande discussion. J'ai donc l'honneur de proposer à l'Assemblée les dispositions suivantes : « L'Assemblée nationale a décrété et décrète comme articles constitutionnels: l*Que la nation française aura une marine militaire entretenue aux frais de l'Etat; 2° que la marine militaire sera composée de mousses, de novices, dematelots, de canonniers, d'officiers mariniers, de maîtres entretenus, d'aspirants, ou d'élèves dans la marine, d'enseignes de vaisseau, de lieutenants de vaisseau, de capitaines de vaisseau, de cbefs d'escadre ou contre-amiraux, de lieutenants généraux ou vice-amiraux et d'amiraux ; 3° que tous les citoyens de l'Empire sont susceptibles des grades, des décorations militaires et des avancements successifs, d'après le mode déterminé par la loi et l'organisation de la marine militaire ; 4° que le roi, comme chef suprême de l'armée navale, aura le choix d'un certain nombre d'emplois, d'après les bases de la nouvelle organisation de la marine; 5° que le roi a la nomination et la destitution des commandants des armées navales, des escadres, des vaisseaux de ligne et de tous les autres bâtiments de guerre faisant partie de la marine militaire de l'Etat; 6°qu'enfin l'Assemblée nationale se réserve d'expliquer, par des décrets ultérieurs, l'organisation de la marine et de statuer sur la manière de l'appliquer à son état actuel. »
Je m'oppose à l'ajournement. Il vous a été présenté, par le comité de la marine, une base de travail sur laquelle vous pouvez entendre la discussion et prononcer sur-le-champ. L'objet essentiel est de fixer vos idées sur l'existence de l'armée navale. Je pense que, s'il est démontré qu'il ne peut y avoir d'armée navale sans un corps de marine militaire constamment entretenu, vous pourrez sur-le-champ adopter le projet de décret queje vous propose : « Il y aura un corps de marine militaire entretenu aux dépens de l'Etat et composé de canonniers, de matelots, d'officiers mariniers, d'enseignes, de lieutenants, de capitaines, de chefs d'escadre ou contre-amiraux, de vice-amiraux et d'amiraux. » Quand vous aurez décrété ce point, le plan du comité, quelles que soient les imperfections qu'il contienne, sera digne d'être discuté et médité. En général, l'esprit de votre comité a été de déterminer la grande querelle qui subsiste entre les deux marines et de rallier, à l'intérêt général, tous les intérêts particuliers. Si quelques-unes des dispositions qu'il vous présente ont trop d'extension, il vous sera facile de les réduire à ce qu'elles doivent être. Je m'oppose donc à l'ajournement.
Vous avez décrété qu'il y aurait une marine militaire, puisque vous avez décrété que le roi est le chef de 1 armée navale. Il ne s'agit plus que de savoir comment cette armée sera composée et comment elle sera augmentée en temps de guerre. On vous a dit que le projet de décret du comité de marine a été fait par une quantité de membres complètement ignorants et dirigés par l'impulsion de l'intérêt personnel. Vous jugerez de la vérité de ces inculpations. On vous a dit que les marins qui étaient dans le comité s'en sont éloignés, et c'est de la part d'un de ces mêmes marins que nous avons reçu ce reproche. Je crois que l'exemple qu'a donné M. le rapporteur, qui a constamment suivi nos opérations, est une preuve que les autres ne se sont éloignés que parce que leurs opinions étaient tellement contraires aux nôtres et à celles de l'Assemblée qu'ils étaient sûrs d'avance qu'elles ne seraient point adoptées. On vous a dit que l'esprit des officiers marchands est un esprit mercantile, et que les officiers militaires De doivent marcher qu'à la gloire, que par conséquent la marine militaire doit être entièrement séparée de la marine marchande. Lorsque nous vous avons proposé la circonscription pour la marine, nous avons dit: il est impossible que l'Etat entretienne, en temps de paix, un nombre excessif de gens de guerre ; il faut donc qu'en temps de guerre tous les citoyens qui exercent la profession de marins contribuent à la défense de l'Etat. Qu'est-ce qui fera la force de votre marine? sera-ce cette classe à laquelle on voudrait déléguer des fonctions particulières ? Non, ce ne sont pas les chefs qui font l'armée. Pour la terre il faut des soldats, et pour la mer il faut des matelots. Il faut, il est vrai, des chefs instruits et dans lesquels la nation puisse placer sa confiance; mais il faut que ces chefs ne soient pas étrangers à ceux qu'ils commandent, et il faut que ces derniers aient l'espérance de parvenir aux grades. C'est d'après ces principes que nous pensons que si la marine marchande doit servir en temps de guerre sur les vaisseaux de l'Etat, elle adroit de prétendre aux grades, sauf les précautions à prendre pour que vous ayez toujours les meilleurs chefs possibles. Il faudra des examens pour parvenir au commandement, il faudra un certain temps de navigation. Celui qui n'aura que 18 mois ae navigation ne pourra être que quartier-maître. Voudra-t-on devenir aspirant de la première classe? il faudra se présenter au concours. Si le comité ne nous avait pas proposé toutes ces précautions,on aurait pu lui faire le reproche de placer à la tête de la marine militaire des hommes non instruits. Le comité, vous a-t-on dit, veut établir une classe privilégiée, puisqu'il propose de breveter les officiers marchands, quoiqu'ils ne doivent pas servir habituellement sur les vaisseaux de l'Etat. Je ne vois pas pourquoi l'on voudrait éloigner les officiers marchands des grades qu'ils peuvent acquérir par leur service. En adoptant le principe de la circonscription militaire, vous ne consacrerez par l'injustice de l'ancien régime, où un chef de classes pouvait commander un capitaine de la marine marchande pour faire le service de matelot sur un vaisseau de guerre. Celui qui sera reçu enseigne sera appelé pour faire le service d'enseigne. Le comité vous propose d'avoir 200 enseignes entretenus. Gomment a-t-on pu craindre l'abus d'un trop grand nombre d'enseignes, lorsqu'ils ne seront admis qu'en nombre déterminé et au concours? Plus il se présentera de sujets au concours, plus il y aura d'émulation, et mieux les choix seront faits. Ce n'était pas assez de prendre la précaution du concours, le comité a senti qu'il fallait que les officiers de la marine pussent parvenir aux grades avant d'avoir atteint un âge trop avancé. Ils ont besoin, pour affronter les dangers, de toute
la force physique et morale... Dans les opinions qu'on vous a présentées, d'une part, plusieurs personnes proposent une séparation formelle et absolue entre la marine marchande et la marine militaire ; de l'autre part, le comité vous propose une circonscription militaire; il veut qu'en temps de guerre tous les marins soient tenus de servir l'Etat. Le comité vous propose de désigner la marine sous la dénomination générale de marine nationale. D'après son projet de circonscription, tout homme exerçant la profession de marin, sera tenu de servir, en temps de guerre, sur les vaisseaux de l'Etat. On ne peut pas trop réunir des hommes qui sont appelés à partager les mêmes fonctions. Les officiers militaires qui croiraient rebutant pour eux de voir leurs inférieurs et leurs compagnons de travaux admis au même avancement, en raison de leurs talents, ne seraient pas dignes de commander. On a objecté que la profession du commerce est incompatible avec le métier des armes ; cette objection porte à faux ; car ce ne sera qu'en quittant Je commerce que les officiers marchands pourront parvenir au commandement militaire. En temps de guerre, il faut qu'ils aillent au service malgré eux ; il est juste que si le goût martial se développe en eux, ils puissent quitter la marine marchande pour se présenter au concours de la marine militaire et qu'ils puissent parvenir aux grades, pourvu toutefois qu'ils s'appliquent uniquement à l'étude de la tactique militaire, je ne vois pas pourquoi on s'opposerait à mettre dans l'armée navale ceux que leurs goûts et leurs talents appellent au service militaire, encore qu'ils aient antérieurement servi sur des vaisseaux de commerce. Jamais l'émulation ne sera mieux entretenue que quand le nombre des concurrents sera très grand; cette concurrence ne pourra pré-judicier à l'avancemenl. J'ai toujours entendu dire qu'il serait à désirer qu'il y eût plus de matelots, plus de marins et plus d'officiers. Nous vous proposerions un plus grand nombre d'officiers entretenus, si les fonds publics le permettaient; mais puisqu'il est impossible de solder, en temps de paix, une armée navale aussi considérable, pourquoi se refuse-t-on à réunir, en temps de guerre, les deux marines, et pourquoi ne veut-on pas faire partager les avantages du service militaire à ceux qui en partageront les fatigues? Je demande que l'Assemblée décide que la marine de France sera nommée marine nationale.
Je ne m'oppose pas à la dénomination qu'on vous propose; car elle ne préjuge rien sur l'organisation de la marine, ni sur les difficultés qui se sont élevées.
Il ne s'agit pas de la dénomination de la marine. La difficulté est de savoir en quelle qualité les capitaines marchands serviront sur l'escadre.
Sur cette question particulière, j'avoue que je suis d'une parfaite ignorance. Je Crois même que l'Assemblée, qui réunit d'ailleurs beaucoup de lumières, n'en a pas assez sur cet objet. Je demande qu'on ajourne pour nous donner le temps de comparer les différents plans dont vous avez ordonné l'impression. Je propose un autre objet de délibération plus important et plus pressant; l'Assemblée me paraît trop tranquille sur la situation politique du royaume : il est éton- nant qu'au milieu de3 mouvements des puissances voisines et surtout des princes allemands, l'Assemblée ne se fasse pas présenter le rapport de son comité militaire sur l'organisation de l'armée auxiliaire, afin qu'au premier moment on puisse mettre sur le pied de guerre une force imposante, dont peut-être nous aurons bientôt besoin.
Le projet du comité de marine me paraît déplaire également à la marine militaire et à la marine marchande. L'Assemblée ne peut pas, sans de mûres réflexions, prendre un parti sur un plan qui déplaît également aux deux parties intéressées.
Parmi les dix-huit membres composant le comité de la marine, il n'y a que deux officierà de ce corps ; c'est là un très grand inconvénient pour la perfection des travaux de ce comité. Ce ne sont pas seulement des dissertateurs qu'il faut pour traiterune pareille matière, il faut dis juges. Ce n'est pas pour moi que je parle; j'ai quitté depuis dix ans le service de la marine et je n'ai personne de ma famille à y placer. Je demande, Messieurs, qu'il soit adjoint au comité un certain nombre de personnes instruites, qui connaissent les vaisseaux, la mer et la guerre; vous avez dans cette Assemblée MM. de Noailles, de Lameth, de Lafayette qui ont été en Amérique, gui connaissent les opérations maritimes et qui jouissent éminemment de notre confiance. Je propose de les adjoindre au comité.
Pour contenter tout le monde, il ne suffirait pas de renouveler le comité, ou d'augmenter le nombre de ses membres, mais il faudrait établir autant de comités qu'il y a d'opinions. il en faudrait un pour la marine militaire et un pour la marine marchande.
Je demande spécialement que le comité de marine soit invité à admettre dans son sein les personnes étrangères à l'Assemblée, qui voudront lui communiquer des lumières. Plusieurs officiers de marine qui se sont présentés au comité ont été rejetés. M. Kersaint, notamment, a toujours été écarté par une main invisible, sans qu'il ait pu connaître les motifs de cette conduite. Je demande que les hommes reconnus comme bons citoyens par les précautions qu'ils ont déjà prises ponr éclairer l'opinion publique soient invités à faire part de leurs connaissances au comité.
Je puis assurer à l'Assemblée que M. Kersaint n'a jamais été refusé. II a même été invité à venir au comité. Nous n'avons pas insisté à le rappeler,depuis qu'il a rendu publiques ses observations. (L'Assemblée ordonne l'ajournement de la discussion sur le projet d'organisation de la marine.)
L'Assemblée nationale ne peut pas avoir admis l'ajournement et ne pas le rendre aussi utile qu'il peut l'être. Je pense donc que pour multiplier au comité le nombre des personnes qui ont fait une étude particulière de cette matière et pour que la discussion puisse être contradictoire, je uemande, dis-je : 1° que tous les étrangers qui auraient des notions en ce genre soient admis au comité ; 2° qu'il y soit fait une adjonction de six membres.
Je demande la question
préalable sur cette proposition. D'abord la première est inutile; car les comités ne refusent jamais d'entendre ceux qui viennent leur douner des lumières. Pour la seconde, elle est dangereuse. C'est en ajoutant ainsi des membres à des membres qu'on ne parvient à aucun résultat. Il est reconnu que les comités les moins nombreux sont ceux qui travaillent le plus, et d'ailleurs dans une question où il s'agit d'effacer la ligne de démarcation qui séparait les deux marines, il ne faut point donner assez de poids au comité pour que l'on croie devoir s'en rapporter à sa décision.
Quoiqu'il soit reconnu que les comités réduitâ à un petit nombre, sont ceux qui travaillent avec leplus d'activité, je pense cependant que dans une matière neuve, où chaque membre peut apporter de nouvelles lumières, il est nécessaire, quand il y a eu une différence d'opinion bien manifestée, d'admettre de nouveaux membres pour changer peut-être totalement les bases déjà adoptées. Les comités,en restant toujours dans le même état, finissent par prendre des habitudes qui pourraient attenter à la liberté de l'Assemblée. Si on entrait dans des détails, il serait facile de prouver que les comités se reposent sur deux ou trois membres qui font le travail à la longue. Je demande que les propositions de M. Barnave soient adoptées.
met aux voix la question préalable sur la proposition de faire au comité de marine une adjonction de six membres. (La partie droite et l'extrémité de la partie gauche se lèvent pour rejeter la question préalable. — Après deux épreuves, M. le Président déclare qu'il y a lieu à délibérer.)
Je demande par amendement, afin de donner à cette adjonction tout l'effet qu'elle doit produire, que les six membres qui seront nommés ne soient d'aucun comité. D'abord j'observerai que je crois la motion inutile, et non dangereuse et que je me suis levé contre. Elle tend à rendre interminables les travaux du comité. Par le conflit qui a eu lieu, je crois avoir aperçu que le comité avait saisi le véritable point de la question ; d'un côté, on a réclamé pour la marine ci-devant royale; de l'autre, pour la marine ci-devant marchande ; c'est-à-dire que ni les Uns ni les autres ne sont contents. Il y a longtemps que ceux qui désirent le plus aller en avant, se plaignent de voir la même personne de ciriq à six comités; et si l'on s'informait bien pourquoi uh rapport n'est pas toujours prêt à temps, l'on saurait que le rapporteur s'est quelquefois présenté huit jours de suite au comité sans y trouver personne.
Je trouve étonnant que, sous prétexte de faire un amendement, le préopinant contrarie la motion.
Je demande aussi que les six membres ne soient pris dans aucun comité; cela répond à tout. (L'Assemblée, consultée, ordonne qu'il sera adjoint au comité de la marine six membres, qui seront tenus d'opter, s'ils font partie d'autres comités.) L'ordre du jour est un rapport du comité des domaines sur la donation et l'échange du Cler-montois.
,rapporteur (1). Messieurs, en prescrivant à votre comité des domaines de vous rendre compte de ce qui regarde le Clerraentois, vous avez semblé ne mettre à son travail et à ses recherches d'autres limites que les principes, d'autres bornes que l'utilité publique.
Il ne répondrait donc qu'imparfaitement à vos vues, si, se constituant lui-même juge de l'importance que vous attachez à telle ou telle question, il se permettait d'en élaguer quelques-unes : vous avez désiré tout connaître; tout doit vous être soumis. C'est dans cet esprit qu'a été rédigé ce rapport que je viens vous offrir en son nom ; il se diviseen deux parties nécessairement liées l'une à l'autre, mais que la différence des époques et des contrats nous a forcés de distinguer.
Dans la première, le comité vous présentera les observations dont lui a paru susceptible la donation faite du Glermontois au Grand-Condé, en 1648, sous la minorité de Louis XIV.
Dans la seconde, nous fixerons vos regards, et nous appellerons plus particulièrement votre attention sur le contrat d'échange passé entre le gouvernement et M. de Condé, en 1784, sous le ministère de M. de Galonné.
Pour procéder avec méthode dans une discussion si importante par ses résultats, il est indispensable de vous présenter en avant de l'analyse des deux actes dont il s'agit, quelques détails historiques absolument nécessaires pour l'intelligence des faits et le développement des pricipes qui doivent servir de base à votre décision.
Le Glermontois est une petite contrée située entre le Verdunois, le Barrois, la Champagne et la principauté de Sedan ; il a fait longtemps partie du patrimoine des ducs de Lorraine sous la mouvance de nos rois.
En 1632, le cardinal de Richelieu conçut le projet de réunir cette petite province à l'Empire français, et de terminer, par des sacrifices pécuniaires, les longues querelles dont cette langue de terre avait été le prétexte ou l'occasion entre les deux puissances.
Tel fut l'objet du traité d'Yverdun ; traité éludé presque aussitôt que conclu.
Les négociations se reprirent avec plus de succès en 1641. Les armes de la France avaient de nouveau conquis la Lorraine et toutes les possessions du duc Charles, troisième du nom ; ce prince, devenu plus facile par ses revers, et cédant à l'empire de circonstances dont il est inu^ tile de rendre compte, signa en personne le traité dit de Paris.
Par ce traité, en date du 29 mars 1641, on assure au duc la restitution de ses duchés de Lorraine et de Bar, à l'exception :
« 1° Du comté et de la place de Clermont, et « de toutes leurs appartenances et dépendances, « qui demeureront à l'avenir, pour jamais, unis « à la couronne;
« 2° Des places, prévôtés et terres de Stenay « et Jametz, qui demeureront aussi à sadite Ma-« jesté et à ses successeurs rois, pour toujours en « propriété, avec le revenu d'icelles, et tous les « villages et territoires qui en dépendent. »
Les diverses places, cédées par cet article, forment la petite province connue aujourd'hui sous le nom de Glermontois.
C'est de cette époque que date sa réunion définitive à la France.
Les années qui suivirent ce traité jusqu'en 1648,
L'acte de donation est du mois de décembre 1648. Cette époque nous rappelle la guerre de la Fronde et les intrigues de toutes espèces auxquelles elle donna lieu. Nous voudrions pouvoir dire que le prince de Condé, étranger à tous les partis, n'employa sa médiation et le crédit que lui donnait la gloire dont il s'était couvert en combattant les ennemis de l'Etat qu'à pacifier les troubles intérieurs si nuisibles aux succès du dehors ; mais recherché à la fois par la cour et le parlement, cédant tour à tour aux impulsions de Mazarin et à celles de ses rivaux d'ambition, il mit la sienne à tirer parti des circonstances, et fiait par faire marchander sa protection. Le Clermontois en fut le prix. « Ce prince, ditReboulet* attentif à profiter du besoin qu'on avait de le ménager,et puissamment secondé par La Rivière, favori de Monsieur, obtint enfin ce qu'il désir - rait. »
Les lettres patentes éprouvèrent de longues contradictions au parlement; la duchesse de Lorraine forma opposition à l'enregistrement, et son opposition fut reçue. « Cette compagnie, ajoute l'historien que j'ai cité plus haut, avait raison; la reine avait excédé ses pouvoirs, le régent pou vant tout faire à l'avantage de son peuple, mais non en détériorer la condition. »
Quoi qu'il en soit de la vérité de cette réflexion, Condé, n'ayant pu vaincre par ses caresses la résistance du parlement, ne laissa pas que de se mettre en possession des objets compris dans les lettres patentes du mois de décembre 1648; et ce n'est que très postérieurement quelles ont été enregistrées.
Cette jouissance du prince concessionnaire ne fut pas de longue durée; dans Je cours de l'année 1654, six ans après l'investiture, Fabert entra à main armée dans le Clermontois et en lit la conquête sur les officiers du prince. Je ne vous parlerai ni des causes ni des motifs de cette guerre ; je ne vous peindrai point Condé proscrit et fugitif, obligé de chercher une retraite chez les Espagnols qu'il avait vaincus ; et je me hâte d'arriver au traité des Pyrénées, conclu le 7 novembre 1659 ; traité en vertu duquel la restitution du Clermontois lui est assurée.
Les grands intérêts qui divisaient la France et l'Espagne furent plus aisés à accommoder que les stipulations de ce traité, qui concernaient le prince de Condé : des vingt-quatre conférences qu'exigea la consommation des articles, sept seulement roulèrent sur les affaires générales, quinze furent employées à régler les conditions sous lesquelles ce prince rentrerait en France. La fermeté du roi d'iispagne fît échouer tous les projets de vengeanceque le plénipotentiaire de Louis XIV méditait; et Condé fut rendu à la France aux conditions énoncées depuis l'article 79 jusqu'à l'article 88 inclusivement.
L'article 79 commence ainsi :
« M. le prince de Condé ayant fait dire à M. le « cardinal Mazarin, plénipotentiaire du roi Très « Chrétien, son souverain seigneur, pour le faire m savoir à Sa Majesté, qu'il a une extrême dou-« leur d'avoir, depuis quelques années, tenu une « conduite désagréable à Sa Majesté; qu'il vou-« drait pouvoir racheter de la meilleure partie « de son sang tout ce qu'il a commis d'hostilité « dedans et hors de la France, etc. »
Il la supplie de le recevoir en grâce.
En conséquence, l'article 86 porte :
« Après que ledit sieur prince aura satisfait, de « sa part, au contenu dans les trois articles 80, « 81 et 82 du présent traité, tous duchés, comtés, « terres, seigneuries et domaines, même ceux de « Clermont, .Stenay et Dun, comme il les avait « avant sa sortie de France, et celui de Jametz « aussi, en cas qu'il l'ait eu, lesquels apparte- « naient ci-devant audit seigneur prince......lui « seront restitués réellement et de fait. »
Cette clause du traité des Pyrénées et l'acte de donation du mois de décembre 1648 constituent les titres en vertu desquels la maison de Coudé a joui jusqu'à ce jour du Clermontois.
Nous examinerons dans la suite quelle est la force de ces aetés, et jusqu'à quel degré ils peuvent obliger la nation ; mais la donation primitive que les mémoires du temps évaluent à un produit annuel de 100,000 livres, ayant reçu, par des donations additionnelles faites à diverses époques, un accroissement considérable, l'ordre des faits nous appelle à vous rendre compte de ces donations secondaires qui ont plus que doublé le produit des droits anciens du- Clermontois.
Les droits établis depuis la donation, et indépendants de ce premier bienfait, sont :
I. Le droit de formule et des greffes des hypothèques.
Louis XIV, par sa déclaration donnée au camp devant Maëstricht le 2 juillet 1673, ayant ordonné que les papiers et parchemins sur lesquels on inscrirait les actes publics seraient assujettis au droit de timbre, décida, par arrêt de son conseil du 30 décembre de la même année, que le prince jouirait des droits de formules et des greffes des hypothèques dans le Clermontois, et que les papiers et parchemins porteraient l'empreinte de ses armes ;
2° Le droit de capitation.
La capitation ayant été introduite dans tout le royaume en 1696, il fut décidé qu'elle serait perçue par le prince sur le pied de 27,470 1.15 s.;
3° La vente exclusive du tabac introduite dans le Clermontois au profit de la maison de Condé en 1719, par arrêt du conseil du 21 mars de la même année,sous le ministère de M. Le Duc, chef de cette maison.
Louis XV n'avait, à cette époque, que neuf ans;
4° La subvention, le huitième sur les boissons, le droit de 14 sols par queue de vin, le droit de contrôle des exploits, le droit de contrôle des actes des notaires et des actes sous signatures privées.
A l'occasion de ce quatrième article, le comité doit observer que les divers droits y mentionnés n'ont point, comme ceux rappelés précédemment, pour fondement unique, la libéralité du prince. En effet, la déclaration du 15 août 1769, qui les a établis en faveur de M. de Coudé, les présente comme un remplacement avantageux à la province d'un droit de traite intérieure connue sous le nom de droits de six deniers pour franc, et de
ceux de petit passage,qui se percevaient en vertu de la donation primitive; mais il doit observer en même temps que la substitution des nouveaux droits aux droits anciens, loin d'être favorable, comme l'annonce le préambule de la déclaration aux habitants du Clermontois, a singulièrement aggravé leurs charges.
Ce fait, iuliniment peu important à constater, sera établi lors de la discussion des moyens, si on le juge nécessaire. Quant à présent, le comité se borne à indiquer qu'il considérera cette extension, ainsi que toutes celles qu'ont subies les droits anciens, comme des donations nouvelles absolument étrangères à celle de 1648 et beaucoup moins susceptibles de faveur.
Au surplus, ce n'est là qu'un des motifs qui ont déterminé votre comité à tirer une ligne de démarcation entre les droits perçus dans le Clermontois en vertu de la donation primitive, et ceux qui ont été établis postérieurement par des concessions nouvelles du gouvernement. Cette distinction est d'autant plus importante à saisir qu'elle est échappée aux auteurs de l'échange de 1784, et qu'ils ont voulu rapporter tous les droits du Clermontois, actuellement existants, à ia donation de 1648. Le comité a cru de son devoir de relever cette erreur dangereuse avant d'aborder cet acte digne, sous tous les rapports, de l'examen réfléchi des représentants de la nation.
Les lettres patentes de 1769 fixent, comme on vient de le voir, le dernier état de la, jouissance de la maison de Condé sur le Clermontois. ïl ne paraît pas que, depuis cette époque jusqu'en 1784, le gouvernement eût rendu aucune ordonnance relative aux droits du concessionnaire, soit pour les augmenter, soit pour les modifier.
Ces droits sont de deux espèces :
Les uns consistent en droits cehsuels et de fief, auxquels sont attachés quelques domaines corporels; les autres sont de véritables, contributions publiques et participent plus ou moins de la nature de l'impôt. Ces derniers, aussi variés que dans les autres provinces de France, y sont moins onéreux peut-être (1); mais la diversité daus le mode et la qualité, résultant des intérêts opposés des finances françaises et de celles du prince, multipliait les agents et les frais, et montrait dans l'avenir un obstacle perpétuel pour l'introduction d'un meilleur régime. Ce fut là le prétexte dont on se servit pour arrêter et colorer les bases de l'échange de 1784.
Voici comme s'exprime l'arrêt du conseil, en date,du 15 février de ladite année, rendu sur le rapport du sieur de Galonné :
« Le roi s'étant fait représenter les lettres patentes données à Paris
par le roi Louis XIV, au mois de décembre 1648, enregistrées en ses
cours de parlement, chambre. des comptes et cour des aides, par
lesquelles, pour les causes et motifs y exprimés, ce monarque a fait don
à Louis de Bourbon, prince de Condé, premier prince du sang, premier
pair et grand maître de France, des terres et seigneuries de Stenay,
Dun, Jametz et Glermont-en-Argonne, ainsi que des domaines et prévôtés
de Vareunes et des Monti-
« 1° Le droit de grandes gabelles, qui consiste dans la vente exclusive des sels dans l'étendue du Clermontois;
« 2a La vente exclusive du tabac ;
« 3° Le droit du haut-conduit ou grand-passage ;
« 4° L'impôt Fredeau ou traite foraine, et les acquits-à-caution ;
« 5° Le droit de quatorze sols par queue de vin façonné dans le Clermontois, mesure de Bar ;
« 6° Le droit de faciende de bière ;
« 7° Le droit de huitième de toutes les boissons et liqueurs;
« 8° Le droit de formule ou de timbre des papiers et parchemins, et des registres et acquits ;
« 9° Le droit de contrôle des exploits;
« 10° Le droit de contrôle des actes des notaires et des actes sous signatures privées;
« 11® Le droit des actes d'affirmation de voyage ;
« 12° Le droit de tabellionnage ; en outre les
droits de greffes et hypothèques, et la police des ponts et chaussées, ainsi que tous autres droits qui ne se trouveront pas réservés ci-après, et qui pourront être imposés et établis par la suite dan3 ledit pays, en principal, ou par addition aux droits précédents, et ce, moyennant une rente annuelle et perpétuelle de six cent mille livres au principal de douze millions, laquelle rente lui sera constituée pour lui, ses héritiers ou successeurs, pour, et au nom de Sa Majesté, sous l'hypothèque générale de tous les domaines de la couronne, et avec assignat spécial d'icelle, tant pour le principal que pour les arrérages, sur les domaines des duchés de Lorraine et de Bar: ladite rente franche et exempte de toute retenue et imposition, de dixièmes, vingtièmes, ou autres impositions présentes et à venir, sous quelque forme et dénomination qu'elles puissent être établies par la suite; cette exemption faisant partie des conditions dudit échange : laquelle rente aura cours à compter du l** janvier 1784, que commencera la jouissance des objets et droits échangés et sera acquittée et payée de six en six mois, a raison de trois cent mille livres par chaque semestre, par les fermiers, régisseurs, et sur les revenus desdits domaines de Lorraine et de Bar, des mains desquels fermiers et régisseurs M. le prince de Condé et ses héritiers et successeurs recevront directement et sur leurs simples quittances, lesdits arrérages; et en outre aux conditions suivantes, et qui sont :
« 1° Que Sa Majesté demeurera chargée de l'exécution dudit bail fait à Jean Loriot et ses cautions, par M. le prince de Condé, par lesdits actes desdits jours 6 mars 1781 et 12 décembre 1783, ou de l'indemnité qu'ils pourraient prétendre, en cas qu'il plût à Sa Majesté de résilier lesdits baux;
« 2° Que ladite rente audit capital sera et demeurera chargée de la substitution ci-devant annoncée, de même que pouvaient l'être lesdits droits échangés ; et que dans le cas où il plairait à Sa Majesté de remoourser le capital de ladite rente, elle fournirait à M. le prince de Condé des fonds de terre suffisants pour produire un revenu égal;
« 3° Enfin, que M. le prince de Condé continuera de posséder et de jouir incommutablement et en toute propriété, et pareillement ses descen-dants et successeurs, desdités terres, comtés, fiefs et seigneuries de Stenay, Dun, Jametz, Cler-mont-en-Argonne, domaines et prévôtés de Va-rennes et des Moutiguons; ensemble de tous les droits non compris en la cession et réservés, lesquels consistent :
« 1° Dans le droit de percevoir à son profit la capitation fixée à la somme de vingt-sept mille quatre cent soixante-dix livres quinze sols, ainsi que la subvention fixée à vingt-sept mille livres, par la déclaration du 15 août 1769, de la même manière que ces droits ont été perçus jusqu'à présent au profit de M. le prince de Condé, lesquelles sommes seront réparties en la manière accoutumée, par le commandant et intendant pour M. le prince de Condé dans le Clermontois, à l'assistance d'un gentilhomme de la province, quant à la capitation des .nobles et privilégiés, et a l'assistance des prévôts de chaque prévôté, quant à la capitation et à la subvention à répartir sur les roturiers ;
« 2° Dans les droits d'accrue ; atterrissement, alluvion, police et pêche sur la rivière navigable de Meuse, dans toute l'étendue du Clermontois,
de même que le roi l'exerce sur les autres rivières navigables de son royaume ;
« 3° Dans le droit d'avoir à instituer Un grand-maître, et de faire administrer par ledit grand-maître et par les officiers des maîtrises particulières des eaux et forêts, établies par lettres patentes de 1677, à l'instar des grands-maîtres et maîtrises particulières royales du royaume, les eaux, forêts et buissons appartenant à M. le prince de Condé, aux particuliers et aux communautés laïques et ecclésiastiques, et autres gens de mainmorte; et de connaître par lesdits officiers de toutes les matières d'eaux et forêts, suivant les lois et ordonnances du royaume, et les règlements particuliers de simple administration de M. le prince de Condé, conformément aux lettres patentes de 1648 et aux règlements et arrêts rendus en conséquence; et que les appellations des jugements des maîtres particuliers continueront d'être portées et relevées au bailliage de Clermont séant à Varennes, et dudit bailliage au Parlement de Paris, de même que dans le droit d'avoir un receveur des domaiues et bois, dans la caisse duquel on continuera de verser le prix des adjudications des bois des communautés et gens de mainmorte pour n'être les fonds remis aux propriétaires que sur les résultats du conseil de M. le prince de Condé, ainsi que cela s'est pratiqué jusqu'à présent ;
« 4° Dans le droit de nommer et instituer les officiers et cavaliers de maréchaussée, dont la brigade continuera d'être habillée aux couleurs de M. le prince de Condé, et de correspondre avec les maréchaussées des provinces de Champagne et des Trois-Êvêchés, ainsi et de la même manière qu'il en a été jusqu'à présent ;
« 5° Dans le droit de pouvoir tirer de France, ou de Lorraine et Barrois et des Trois-Evêchés, en exemption de tous droits d'entrée, de sortie et démarqué de mines, toutes les mines nécessaires à l'aliment des forges de Stenay et de Montblain-ville, appartenant à M. le prince de Condé;
« 6° Dans le droit de fabrique, vente et distribution de poudres et salpêtres dans toutel'étendue du Clermontois, ainsi que M. le prince de Condé en a toujours joui ;
« 7° Dàns le droit de présenter à Sa Majesté les sujets pour les places de lieutenants et autres officiers du roi, composant l'état-major de Stenay, et autres villes et places qu'il plairait à Sa Majesté d'établir dans le Clermontois;
« 8° De conserver au lieutenant du roi de Stenay, aux officiers de M. le prince de Condé et autres personnes dénommées en l'état annexé au bail du Clermontois, leur franc-salé en argent, conformément audit état;
« 9° Dans la juridiction Civile, criminelle, police des eaux et forêts, avec le droit de donner des provisions et nommer à tous les offices, tant des mairies, des hautes justices appartenant à M. le prince de Condé, des prévôtés du bailliage de Clermont séant à Varennes, que de la grande maîtrise et des maîtrises particulières, et de la nomination et présentation du juge des cas royaux à Clermont et du procureur du roi, comme M. le prince de Condé en a le droit par lesdites lettres patentes de 1648; et que les appellations des jugements qui seront rendus par les officiers des bailliages desdites terres et seigneuries,et par les prévôts, pour ce qui concerne le domaiue et les droits domaniaux et seigneuriaux de M. le prince de Condé, continueront d'être relevées, nûment et sans moyen, tant au parlement, qu'à la cour
des aides de Paris, suivant la nature des cas, avec les mômes privilèges et prérogatives que les pairies du royaume, suivant les arrêts et règlements faits et rendus pour l'exercice desdites juridictions bailliagères et prévôtales ;
« 10° Dans le droit d'administration des hôpitaux, maisons et établissements de charité;
« 11° Dans les domaines corporels consistant dans les villes, châteaux, forteresses et terrains en dépendant, dans l'état de démolition où ils se trouvent actuellement, et des forges, moulins banaux et non banaux, à eau et à vent, pressoirs banaux et non banaux, métairies, fermes, ga-gnages, terres labourables, près, vignes, chene-vières, enclos, tuileries, papeteries, et toutes autres usines et bâtiments quelconques, bois, taillis et de haute-futaie, terres vaines et vagues ;
12° Dans les domaines incorporels, consistant dans le droit d'aubaine, déshérence, bâtardise, épaves et confiscation , droit de troupeau à part, tel qu'il est exercé dans les duchés de Lorraine et de Bar, et qu'il est compris dans les baux et sous-baux des domaines de M. le prince de Condé dans le Clermontois; le droit du tiers-denier de tou3 les bois et usages communaux dans les hautes justices de M. le prince de Condé ; dans les sei- fneuries engagées à faculté de rachat et dans les ois justifiés venir de l'ancienne concession des ducs de Lorraine,comme ledit droit de tiers-denier perçu au profit du roi sur les bois et usages communaux des duchés de Lorraine et de Bar ; le droit de guet et de garde dans les lieux où ils sont établis; le droit de carrière, l'aide de Saint-Rémi, la faculté de rentrer dans les domaines et seigneuries engagés à faculté ; les cens, rentes, droit de bourgeoisie; le droit appelé le rachat de Noël, amendes ; droit de halage, stellage et minage des grains, dîmes et terrages des grains et des vins; la redevance appelée la taille des conduits, payable par chaque ménage dans les villes et bourgs, à raison de six livres par année; et dans les villages et hameaux, à raison de quatre livres seize sols par année ; et par chaque ménage, pressurage des vins et ébarbages des marcs, droits de taverniers. pour la pente d'enseignes, de jaugeage, droit de pêche dans les rivières et ruisseaux, droit de chasse, droit de péage et passage par eau, droits de bacs, ponteaux et bateaux ; droits de tonlieu, foires Saint-Gilles et autres foires et marchés, plaids banaux, droits de bienvenue, droits sur les bouchers et sur tous autres métiers, mairies et doyennés, nomination à tous bénéfices qui ne sont point consistoriaux, corvées seigneuriales,droits de sauvements, fiefs, arrière-fiefs et mouvance ; droits seigneuriaux en cas de mutation, foi et hommages, lods et ventes et autres droits féodaux, suivant les coutumes, titres, arrêts et règlements rendus pour le maintien et la conservation desdits droits et redevances, Comme dépendant desdits comtés, terres et seigneuries du Glermontois, selon que lesdits droits sont dus à cause de ladite seigneurie ;
« 13° Dans l'exemption du droit de contrôle des actes pour les adjudications de bois et cautionnements faits par le grand maître et les officiers des maîtrises particulières des eaux et forêts de M. ie prince de Condé. A l'égard des exploits faits à la requête de ses procureurs fiscaux, tant en matière civile et criminelle, que des eaux et forêts, ils continueront d'être contrôlés gratis, sauf à être le'payement desdits droits de contrôle poursuivi et recouvré au profit du roi contre les particuliers, après qu'il sera
intervenu jugement de condamnation contre eux.
« Dans tous lesquels droits ci-dessus détaillés, appartenant aux seigneuries particulières et locales de M. le prince de Condé, il demeure maintenu et conservé sans aucune chose en excepter ni réserver ; et à la charge par M. le prince de Condé, ses hoirs,successeurs et ayants cause,ès dits comtés, terres et seigneuries, de continuer d'acquitter les fiefs, aumônes et autres charges foncières suivant le procès-verbal qui en fut fait par le commissaire départi pour leur liquidation, après le traité de Paris, du 29 mars 1641, et qui a servi jusqu'à ce jour pour régler l'état annuel et le payement de la quotité desdits fiefs, aumônes et charges foncières ; le tout conformément aux lettres patentes, brevet de garantie de 1648, et arrêts et règlements rendus en conséquence; les^ quels, quant aux propriétés, droits et objets ci-dessus réservés^ demeureront en leur force et vertu, pour être exécutés selon leur forma et teneur.
Lesquelles propositiÔns et stipulations ayant été agréées et acceptées par Sa Majesté, il ne reste plus qu'à consommer lesdits cession et échange auxdits prix et conditions. A quoi voulant pourvoir : ouï le rapport du sieur de Ca-lonne, conseiller ordinaire au conseil royal, contrôleur général des finances :
Le roi, étant en sou conseil, a commis et commet les sieurs: Moreau de Beaumont et Lenoir, conseillers d'Etat, pour, conjointement avec ledit contrôleur général, acquérir, par voie d'échange, pour et au ndm de Sa Majesté, lesdits droits perceptibles dans le Glermontois, taqt ceux compris aux baux passés par M. le prince de Condé à Jean Loriot, ainsi qu'ils ont été ci-dessus énoncés, que tous autres non réservés ou qui pourraient être imposés et établis par la suite, et constituer en remplacement ladite rente de six cent mille livres, aux charges, clauses et conditions qui viennent d'être expliquées ; lesquelles Sa Majesté a agréées et agrée, et passer du tout contrat par-devant notaires, pour, sur ledit contrat et sur le présent arrêt, être ensuite expédié toutes lettres patentes nécessaires.
« Fait au conseil d'Etat du roi, Sa Majesté y étant, tenu à Versailles le quinze février mil sèpt cent quatre-vingt-quatre.
« Signé : Le Maréchal de Ségur. »
Le comité observe dans cet arrêt, ainsi que dans tous les actes qui l'ont suivi, deux omissions bien importantes :
1° On n'y énonce point le produit des droits cédés; on se conteDte de rappeler le bail de Loriot;
2? Il n'y est fait aucune mention des 7,500,0001., promises à M. de Condé,outre la rente perpétuelle et viagère de 600,000 livres.
Les motifs de cette double réticence sont faciles à saisir : cela n'exige pas de commentaire.
En vertu des pouvoirs donnés aux commissaires, pouvoirs limités à la seule apposition de leur signature au bas de l'acte, ces commissaires se transportent chez M® Bro, notaire, avec M. de Condé, et y consomment l'échange passivement et sans examen.
Le contrat ainsi signé est rapporté au conseil en avril 1784, et y est revêtu de lettres patentes adressées aux cours souveraines, qui en ordonnent l'enregistrement; et cet enregistrement a lieu partout sans difficulté et sans obstacle. La seule cour des aides de Paris, qui ne veut pas
apercevoir le préjudice causé à nos finances par cette transaction, se montre au contraire très attentive à empêcher que cette transaction ne porte atteinte à l'étendue de sa juridiction et de son ressort; c'est là l'unique objet de ses sollicitudes et de ses réserves.
L'assentiment des magistrats, chargés alors de stipuler les intérêts de la nation, n'entraîna point la sanction de l'opinion publique. Des murmures, qui sont venus jusqu'à vous, ont constamment dénoncé l'échange dont il s'agit, comme un de ces marchés désastreux qui ont signalé la carrière de ce ministre déprédateur, dont presque tous les pas ont été des erreurs, et toutes les décisions des prodigalités. Le public jugeait ainsi sur de simples aperçus; le comité a dû donnera son opinion des bases plus solides, et l'environner de tout ce qui peut lui concilier votre approbation et vo3 suffrages. C'est dans ces vues qu'il a entrepris de remonter jusqu'à la donation de 1648, et devons en soumettre, préliminairement à tout, la validité. Et en effet, si, par cette discussion première, on arrive à prouver que la donation de 1648 et celles qui l'ont suivie sont nulles, qu'elles répugnent aux principes et qu'elles ne sont point conformes aux lois de l'Etat, il en résulte évidemment que M. de Condé n'ayant vendu au gouvernement que des droits que le gouvernement pouvait revendiquer sans compensation, l'échange tombe de lui-même, et nous n'avons plus le même intérêt à insister sur la lésion quia paru caractériser cet acte.
D'après cette considération, la marche que nous avons à suivre se trouve toute tracée. Nous examinerons d'abord les donations pour venir ensuite à l'échange, et chaque fois nous débuterons par l'exposé des principes sur la matière.
§ I.
Principes sur les donations des biens du domaine, et leur application àcellè de 1648 et suivantes.
Le prince en France n'a jamais été considéré que comme usufruitier et simple administrateur des biens du domaine. Loin qu'on lui ait reconnu le droit d'e i disposer par ventes, donations et actes de toutes natures, la maxime contraire est une des plus cunslantes de notre droit public : elle a sa base dans les ordonnances de nos rois, dans l'opinion des publicistes, dans les arrêts du conseil, et enfin dans toutes les espèces d'autorités qui existaient avant que vous vous occupassiez de la régénération de l'Empire. Vous-mêmes, Messieurs, venez récemment de la consacrer par l'article 29 de votre décret sur la législation domaniale, portant que «les dons, conces-« sions et transports à titre gratuit de biens et « droits domaniaux, faits avec clause de retour à « la couronne, à quelque époque qu'ils puissent « remonter; et tous ceux postérieurs à l'ordon-« nance de 1566, quand même la clause de retour « y serait omise, sont et demeurent révocables à « perpétuité, même avant l'expiration du terme « auquel la réversion à la couronne aurait été « lixée par la concession ».
Dès aujourd'hui la nation peut donc, en conformité des lo s anciennes et nouvelles, exercer le retrait du Clermontois.
Or, ce qu'elle peut, elle le doit; car la faveur qu'elle accorderait au donataire en retardant cette dépossession contrarierait vos vues bienfaisantes d'économie et établirait entre les apa-
nagistes que vous avez dépossédés, et le conces -sionnaire que vous laisseriez investi des propriétés nationales, une distinction choquante opposée aux idées qu'on s'est faites jusqu'à ce jour de ces deux espèces de titres.
Quelque clair que soit ce princip3, quelque impérieuse que soit cette considération, on a combattu l'application de la loi de la révocabilité dans la circonstance, par diverses objections, du mérite desquelles vous pourrez juger par la réponse que le comité va faire aux deux principales.
Ces objections se trouvent dans des écrits anonymes publiés en faveur de M. de Con lé.
On s'y est prévalu fortement de la clause du traité des Pyrénées, que j'ai copiée dans le cours de ce rapport; et l'on a prétendu que cette clause faisant une des conditions essentielles de la paix de 1659, on ne pouvait l'enfreindre sans porter atteinte à tout le traité, san3 s'exposer au risque de voir l'Espagne, garante de cette clause, en réclamer l'exécution.
Quand cet argument serait sans réplique, je remarque d'abord qu'il serait au plus propre à protéger la donation de 1648, et qu'il ne pourrait servir d'égide aux concessions secondaires qui ne sont pas moins importantes en masse que celle-ci.
Je remarque ensuite qu'il s'en faut bien que l'auteur de l'ouvrage dont il s'agit ait saisi l'esprit de la clause 86 et celui du traité en général. Q je demandait le prince de Coudé pendant les conférences? Que sollicitait pour lui le roi d'Ks-pagne? Le rétablissement du prince dans sa patrie, dans ses biens, dans ses titres et dans se3 honneurs, pour en jouir comme par le passé.
Celte restitution prononcée n'a pu changer la nature de ses titres, ni rendre patrimoniaux des biens d'essence domaniale. Pour que cela fut, il aurait fallu que le traité contînt, à cet égard, une stipulation expresse. Elle ne se trouve nulle part; il y est dit, au contraire, que le Clermontois lui sera restitué comme il l'avait par le passé avant sa sortie de France; ce qui exclut toute idée de novation de litre.
Ainsi le traité des Pyrénées a laissé au Clermontois sa nature de bien domanial; ainsi cette concession est, comme toutes les autres, restée sujette à la loi de révocabilité.
Elle y est restée sujette, nonobstant la clause de perpétuité énoncée dans les lettres de don : car ce ne sont pas seulement les aliénations à temps du domaine que la loi proscrit, mais toutas espèces d'aliénations.
Elle y est restée sujette, nonobstant les titres certains qu'avait le prince de Cjndé à la reconnaissance de la nation et à la libéralité du monarque: car il n'est aucune espèce de service qui puisse motiver l'infraction des lois qui défendaient d'aliéner les biens du domaine.
Elle y est restée sujette, et le prince concessionnaire l'a si bien senti lui-même, que, dans la vue d'échapper à cette révocabilité qui le menaçait d'avance, et qu'on pouvait exercer un jour contre lui ou ses successeurs, il fit insérer, dans le contrat, que le Clermontois n'avait jamais été uni au domaine de la couronne; assertion inexacte, démentie par le texte même du traité de 1641, où on lit ces mots à la suite de renonciation des objets cédés : qui demeureront à Va-venir pour jamais unis à la couronne.
Cependant le Clermontois en a été séparé; il en a été séparé dans la partie des droits régaliens, apanage unique et exclusif de la souveraineté ;
il en a élé séparé dans la partie des domaines fonciers que les lois de l'Etat ne permettaient pas d'aliéner ou de concéder. C'est à vous qu'il appartient de prononcer si ces branches, distraites au corps de l'Empire, doivent y être rattachées. Le comité vous propose de le faire et, si son avis motivé sur les lois anciennes (1), sur l'autorité de vos décrets, dont il n'a ni pu ni voulu s'écarter, obtient votre approbation, le plan de ce rapport se simplifie, et il ne nous reste qu'à vous indiquer les effets nécessaires de la révocation des donations de 1648 et suivantes, sur l'échange de 1784.
§ II.
Réflexions sur l'échange de 1784.
Dans ce système, il ne peut être question d'examiner si cet échange est
préjudiciable aux droits de la nation et contraire à ses intérêts, et si
l'oubli des formalités ordinaires n'est pas encore surpassé par
l'énormité de la lésion ; car n'y eût-il rien d'exact dans ces
propositions, du moment où les donations de 1648 et suivantes sont
er, son successeur, le
prodigue François I*' fut plus loin ; il révoqua tous les dons et
aliénations, à la réserve des terres aliénées pour le fait de la guerre.
Mais pour opérer la ruine de l'échange dont il s'agit, il n'est pas besoin d'insister sur l'effet possible d'un décret que vous n'avez pas encore rendu : déjà il en existe un qui le pruscrit : c'est celui où, en déclarant le principe que toutes espèces de contributions publiques ne peuvent jamais être la propriété d'aucuns citoyens, vous avez voulu que les contrats faits au nom du gouvernement pour l'acquisition de droits tenant de la nature de l'impôt fussent annulés, ainsi que les rentes constituées en remplacement. Par cette disposition vous avez affranchi I Etat du payement de la rente de six cent mille livres, et détruit, dans toutes ses parties, le fameux traité de 1784; et il ne vous reste pas même à délibérer sur l'indemnité, car vous avez dii en même temps qu'il ne serait pas accordé d'indemnité.
Mais ce n'est pas seulement l'échange de 1784 qui se trouve anéanti par l'effet de votre décret, qui déclare caducs entre les mains des particuliers, et incessibles de la part du gouvernement, tous titres donnant le droit de lever des impôts; cette suppression frappe également de mo't toutes les donations postérieures à celle de 1648, lesquelles ne consistent qu'en droits de ce genre, et réduit celle-ci aux seuls domaines fonciers.
Ainsi, le seul intérêt qu'ait encore M. de Condé à la question est uniquement relatif à la jouissance des domaines corporels, au delà tout est jugé,et ce point mêmeencore incertain ne saurait l'être longtemps si l'on se réfère aux principes que nous avons établis dans le cours de ce rapport. Il n'est pas douteux que la nation, dont vous exercez les droits, n'ait celui de rentrer dans ses domaines; elle en a usé ainsi à l'égard des apa-nagistes; elle doil, à plus forte raison, en user de même à l'égard des cessionnaires, qui sont en générai bien moins favorab es que les premiers. Le comité n'entend point infirmer par là les droits que le grand Condé, et par lui ses descendants, ont à la reconnaissance de la nation; il sait qu'il est du devoir et de l'intérêt des peuples d'honorer les grands hommes : de justes récompenses excilent l'émulation et fécondent Je champ de l'héroïsme et de la vertu. Aussi, Messieurs, votre comité voit-il avec satisfaction qu'il est des moyens, dans cette cause, d'unir la générosité à la justice, et la munificence nationale à l'économie publique. Si cette économie commande le retrait total du CermontoH, d'un autre côté, vous pouvez laisser à M. de Coudé, à titre d'indemnité, les 7,500,000 livres qu'il a touchées lors de l'échange de 1784, et la patrie sera généreusement acquittée. Et qu'on ne dise point que cette indemnité, est insuffisante : 325,000 livres de revenus fixes ne peuvent, dans aucun temps, dans aucun lieu, ni sous aucun rapport, être considérées comme une indemnité légère : car lorsque les services du grand Gondé étaient encore présents à l'esprit des peuples, Je ministre qui lui donna le Clermontois ne croyait disposer que de 100,000 livres de rente. Ce l'ait est consigné dans le mémoire que la reine régente présenta au parlemeut, contre Gondé, proscrit et persécuté; et alors on avait intérêt à grossir le bienfait, à exagérer les grâces de la
cour, pour signaler davantage l'ingratitude reprochée au prince.
En terminant ce rapport, nous devons mettre encore sous vos yeux deux objections qui ont été faites au comité, lors de la discussion du projet de décret, contre la partie de ce projet qui ordonne la reprise des domaines corporels du Clermontois : car, je le répète, tout le reste est jugé par votre décret du 22 novembre sur la législation domaniale.
D'un cô;é, l'on a prétendu que le Clermontois était une possession légitime de la maison de Condé, parce qu'il avait pu être donné; qu'il avait pu être donné, parce qu'il n'avait point été uni aux domaines ne la couronne, et qu'il n'avait point été uni aux domaines de la couronne, parce qu'il n'avait point été compté de ses revenus à la Chambre des comptes, et quece3 mêmes revenus n'avaient point été gérés pendant dix ans par l'administration.
De l'autre, l'on a dit que la restitution du Clermontois, lors du traité des Pyrénées, ne fut point gratuite, et que la Fi ance en a été indemnisée par l'acquisition d'Avennes et de Juliers, et par la cession de trois autres villes importantes, Rocroy, le Catelet et Linchamp.
La réponse à la première de ces objections est dans notre cod^ domanial ; la réponse à la seconde est dans le traité des Pyrénées.
Ce fut Louis XIII qui unit le Clermontois à la couronne; ce fut Louis XIV, ou plutôt son ministre, qui Je donna.
Ce fait posé, je présente aux adversaires de l'opinion du comité le dilemme suivant :
A l'avènement de Louis XIV au trône, le Clermontois était, ou une piopriété domaniale et nationale, ou une propriété particulière de ce prince. Dans le premier cas, il est visible que l'argument de la non-gestion pendant dix ans par les préposés du domaine ne signifie rien; dans le second, il n'est ni plus heureux ni plus concluant: car il n'y a pas de maxime plus certaine, en matière domaniale, que celle qui veut que les biens patrimoniaux et particuliers du prince qui parvient au trône soient réunis de droit aux domaines de la couronne ; le concours de sa volonté ou de ses agents est inutile pour cette réunion;elle s'opère ipso facto. Henri IV a rendu hommage à cette loi. Louis XIV ne pouvait donc disposer du Clermontois comme d'une propriété particulière. Est-il d'ailleurs permis de considérer comme propriétés particulières d'un prince les conquêtes qu'un peuple fait sur un autre peuple? Si ce ne sont pas là de véritables propriétés publiques, il faut dire que le sang et l'argent des nations appartiennent aux rois.
Je passe à la seconde objection ; j'ai dit que la réponss se trouvait dans le traité des Pyrénées.
Je lis l'article 79 et je vois que Condé ne veut rien tenir que de la bienveillance du roi son maître; qu'il n'entend point imposer des conditions à son souverain seigneur, et qu'il s'en réfère absolument à ses bontés royales.
Je lis l'article 84, et je vois que la remise de Juliers au duc de Neubourg, et celle d'Avennes à la France par l'Espagne, sont uniquement subordonnées au consentement donné par le roi de rendre au prince de Condé le gouvernement de Bourgogne, et à M. le duc d'Engbien, la charge de grand-maiire de sa maison ; l'article le dit expressément, et ne dit que cela; et il faudrait moins d'art pour en tirer parti en faveur du projet de décret du comité que pour s'en prévaloir en sens contraire.
Je lis l'article 49 ; et je vois que c'est le roi d'Espagne, et non le prince de Condé, qui restitue Rocroy, le Catelet et Linchamp; que cette stipulation précède tous les arrangements qui regardent ce prince et que,, s'il intervient dans la suite pour cette partie de la convention, ce n'est qu'eu qualité de dépositaire de ces places qui lui avaient été confiées par son allié comme un gage de la sûreté de ses promesses et pour se soumettre à les rendre toujours, eu qualité de dépositaire.
Un mot de LouisXIV nous fera mieux juger, au reste, que toute dissertation ultérieure, de la nature des obligations qu'eut la France à Condé, à l'wccasion de cette paix. Un jour qu'ils parcouraient ensemble la carte des Flandres, le roi lui dit: • Mon cousin, sans vous j'aurais toutes ces places. —Sire, lui répondit le prince, vous m'aviez promis de ne m'en jamais parler. »
projet de décret.
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des domaines, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er.
Les don et cession faits en décembre 1618 par la reine régente, mère de Louis XIV, à Louis de Bourbon, prince de Condé, des comtés, terres et seigneuries de Stenay, Dun, Jametz, Clermont-en-Argonne, et des domaines et prévôtés de Varennes et des Montignons, leurs appartenances et dépendances, composant ce qu'on appelle aujourd'hui le Clermontois, sont et demeurent révoqués, ainsi que tous brevets, arrêts du conseil, édits, déclarations, lettres patentes portant, au profit dudit Louis de Bourbon ou de ses successeurs, garantie, confirmation ou amodiation desdils don et cession.
Art. 2.
Le contrat d'échange passé au nom du roi entre ses commissaires et Louis-Joseph de Bour-bon-Condé, le 15 février 1784, est déclaré nul et comme non avenu. En conséquence, la rente de six cent mille livres constituée en faveur dudit Louis-Joseph de Bourbon-Condé, par ledit contrat d'échange, demeure supprimée et éteinte à compter du jour de la publication du décret du 22 novembre dernier sur la législation domaniale.
Art. 3.
Défenses sont faites aux agents et préposés de Louis-Joseph de Bourbon-Condé de s'immiscer à l'avenir dans la jouissance des biens et droits dépendant du Clermontois ; et seront lesdits biens et droits, conformément à l'article i,r du décret du 22 novembre dernier, administrés, régis et perçus, suivant leur nature, par les commis, ageuts et préposés du fisc, chacun en ce qui les concerne.
Art. 4.
L'Assemblée nationale, prenant en considération les services rendus à l'Etat par Louis de Bourbon, surnommé le grand Condé, décrète : l°Que la somme de sept, millions cinq cent mille livres,comptée à Louis-Joseph de Bourbon-Condé, lors de l'échange ci-dessus annulé, lui demeurera en mémoire desdils services ; 2° que les finances des offices créés par Louis de Bourbon,
donataire primitif, ou par ses successeurs, dans le Glermontois, et dont le prix a été retiré par eux, seront remboursées par le Trésor public, dans la même forme et au taux décrété pour les offices de même nature étant à la charge de l'Etat.
(L'Assemblée ajourne la discussion de ce rapport à la séance de ce soir.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture de la lettre suivante adressée à M. de Montmorin par le directoire du département des Pyrénées-Orientales et relative aux événements survenus à Perpignan les 5 et 6 du mois dernier :
« Nous avons reçu, par le retour du courrier que nous avions expédié à Paris pour rendre compte de l'affaire du 5 au 6, la loi relative à cet événement. Elle est transcrite, publiée et affichée; mais il est de notre devoir de mettre sous vos yeux des circonstances particulières qui out eu lieu.
« Avant l'affaire du 5 au 6, les assemblées primaires pour l'élection des officiers municipaux de Perpignan avaient terminé leurs séances; une section entière réclamait contre la légalité des opérations. L'affaire fut portée par-devant le département, qui nomma un commissaire du district pour recueillir les preuves. Dans cet intervalle, le procureur de la commune donna sa démission. Le maire suivit son exemple et fut imité lui-même par trois officiers municipaux. Les notables furent appelés en remplacement. Deux seuls acceptèrent et entrèrent en exercice. Dans ce moment, la municipalité convoqua les citoyens actifs pour procéder à de nouvelles élections. On se réunit dan- les quatre sections, le 25 décembre : tout s'y passa avec calme et tranquillité. Le maire, le procureur de la commune, son substitut, six officiers municipaux et vingt-deux notables furent nommés à la presque unanimité des suffrages. La nouvelle municipalité avait été installée et avait prêté son serment avant que la loi sur l'affaire du 5 au 6 fût légalement connue. Dans cette position, nous avons cru devoir nous borner à nommer trois commissaires pour remplacer les trois anciens municipaux qui étaient encore en exercice et dont les seules fonctions sont suspendues par l'article 3 de la loi.
« Nous devons espérer, Monsieur, que vous voudrez bien nous faire connaître si nous nous sommes écartés du texte de la loi ou de l'esprit de la loi, n'ayant rien tant à cœur que d'exécuter fidèlement la loi sur ce qui est confié à notre administration. »
demande la question préalable. (L'Assemblée renvoie celte lettre au comité des rapports.)
demande que le comité des finances soit tenu "de présenter, mardi prochain, un projet de décret pour la sûreté des envois confiés à la poste. (Cette motion est adoptée.)
propose la motion suivante : « Le lundi de chaque semaine, l'ordre du jour « de la semaine, concerté entre le Président et « le comité central, sera proclamé par le Prési-« dent. » (Cette motion est décrétée.)
,président, ayant quitté l'Assemblée pour porter des décret-! à la sanction du roi, est remplacé au fauteuil pan1 M. Treilhard, ex-président. Plusieurs membres du cômité d'aliénation proposent et l'Assemblée décrète des ventes de biens nationaux à diverses municipalités: « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux, dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des estimations ou évaluations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret ;
Savoir :
A la municipalité de Sancerre, département du Cher, pour.............80,204 1. 16 s d. »
A celle de Saint-Pierre de Cholet, département de Maine-et-Loire.......40,700 » »
A celle de Joué, département d'indre-et-Loire .19,822 » »
A celle de Nantes, dans le département de Maine- et-Loire ...............56,534 » »
A celle de Notre-Dame de Cholet, département de Maine-et-Loire.......90,700 » >
A celle de Ménéthou-ratel, département du Cher..................14,411 11 4
A celle de Brou, département d'Eure-et-Loir. ..2,425 10 »
A celle de Ramicourt, département de l'Aisne.. 8,622 14 4
A celle de Gercy, même département...........24,360 » »
A celle de Béville-le-Gompte, département d'Eure-et-Loir..........28,864 » »
A celle de Coucy-le-Château, département de l'Aisne................90,244 » H
A celle de Gaswille, subrogée à celle d'Orléans.56,352 16
A celle de Saint - Lubin de Gravaut, département d'Eure-et-Loir..........2,314 2 6
A celle de Grépy, département de l'Aisne ....70,568 f8 8
A celle de Mortagne, département de la Vendée.1,307,667 15 3
A celle de Warhem, département du Nord......33,720 » »
A celle de Verdun, département de la Meuse ..4,276 16 »
A celle de Courbétault, département de la Marne. A celle de Béthon, même département ...........4,276 16 »
A celle de Baunes,même département...........1,438 » »
A celle de Monfey, département de l'Aube ....7,436 15 9
A celle de Saint-Mards-en-Othe, même département ..................4,147 » n
A celle de Bagneux,
département de la Marne. 6,476 16 s. » d.
A celle de Vosnon, département de l'Aube.... 13,714 5 3
« Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et états d'estimations respectifs annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
Un membre propose que désormais les ventes de biens nationaux aux municipalités ne fassent chaque semaine que l'objet d'un seul décret de la part du comité.
(Cette motion est décrétée.)
L'Assemblée va se retirer dans ses bureaux pour procéder à la nomination d'un président et de trois secrétaires. La séance est levée à trois heures.
Mandement de M. Le Clerc de Juigné, archevêque de Paris.
Antoine-Eléonor-Léon, par la miséricorde divine et par la grâce du Saiut-Siège apostolique, archevêque de Paris, etc.; au clergé séculier et régulier et aux fidèle* de notre diocèse, salut et béuédiction en Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Depuis trop longtemps, hélas! nos très chers frères, nous sommes séparés de notre troupeau par des circonstances impérieuses et retenus loin de vous dans une terre étrangère. Mais Dieu nous est témoin « que vous avez toujours été «' présents à notre esprit, que nous n'avons cessé « de lui offrir nos prières pour vous, et que votre « bonheur et votre sanctification ont été constam-« ment l'objet de nos vœux les plus ardents et de « notre sollicitude (1). »
Mais aujourd'hui, nos très chers frères, nos prières et nos vœux n'acquittent pas tout ce que nous devons à la religion et aux peuples confiés à nos soins, dans l'ordre du salut éternel. Il ne nous est plus permis de garder le silence dans un moment où l'autorité de l'Eglise est méconnue et attaquée; où elle-même, celte épouse de Jésus-Christ, dont il a confié la garde aux pasteurs, en les établissant ses vicaires avant de monter vers son Père (2), est menacée des plus grands malheurs; dans un moment où, par un acte de la puissance séculière seule, et sans aucune forme canonique, on peut détacher de notre juridiction une portion du troupeau qui nous a été confiée par l'Eglise, et dont nous devons rendre compte ;iu souverain pasteur; dans un moment où on exige de nos coopérateurs un serment qui les obligerait à reconnaître, à exécuter une constitution nouvelle du clergé de France, qui change toute sa discipline, sans aucune intervention de
la puissance ecclésiastique. Oui, nos très chers frères, un plus long silence serait une prévarication.
Déjà, il est vrai, nous avons ren lu hommage à la religion sainte dont nous sommes les ministres, en adhérant à la déclaration d'une partie des membres de l'Assemblée nationale sur le décret du 13 avril, concernant la religion, et à l'exposition des principes sur la constitution du clergé, dressée par les évêques dé >utés à l'Assemblée nationale. Mais, d;ins un moment aussi critique que celui où nous sommes, notre zèle pour la gloire de Dieu, pour les intérêts de la religion, pour la sanctification de vos âme-', nous fait un devoir de vous rappeler les principes sur la juridiction de l'Eglise et de vous faire connaître nos dispositions et nos sentiments.
Nous croyons, nos très chers frères, ne pouvoir mieux remplir cet objet qu'en adoptant et en vous adressant l'instruction pastorale que vient de publier un pontife qui a d'autant plus de droit à notre confiance qu'il a été constamment associé à nos travaux, jusqu'au moment où la divine Providence l'a appelé au gouvernement de l'église de Boulogne; un pontife, votre concitoyen, plus recommandable encore par sa tendre piété et sa profonde modestie que par sa science et ses la-lents; qui, formé dans l'école la plus célèbre de l'univers, dont il était devenu lui-même une de3 plus vives lumières, a employé uu grand nombre d'années à méditer et enseigner les Ecritures, approfondir les Pères, et amasser ce trésor de connaissances qui l'avaient rendu si précieux à notre diocèse, et capable de toute espèc • de bien, selon l'expression de l'Esprit-Saint, adomneopus bonum paratum (1).
Vous trouverez, nos très chers frères, dans cette excellente instruction, les principes de votre foi sur la puissance spirituelle de l'Eglise développés avec autant de clarté et de précision que de sagesse et de modération ; vous y verrez aussi combien doit être sincère et parfaite notre soumission aux puissances de la terre, dans tout ce qui appartient au gouvernement civil deshommes. Car, à Dieu ne plaise, nos très chers frères, qu'en vous exposant la nature d^s droits de l'autorité, nous voulions vous éloigner de la soumission que nous devons aux lois et à l'autorité temporelle. Nous savons que « toute puissance vient « de Dieu; que c'est lui qui a établi toutes celles « qui sont sur la terre, que quiconque s'y oppose « s'oppose à sa volonté et attire sur lui une « juste condamnation; et qu'il est nécessaire de « s'y soumettre, non seulement par la crainte « des châtiments, mais encore par devoir de • conscience (2). » A Dieu ne plaise que nous voulions troubler l'ordre public I Ehl qui, plus que nous, est disposé à faire, pour le bien de la paix, tous les sacrifices qui ne blesseraient ni la religion ni la conscience? Mais nous savons aussi que Dieu a marqué une distinction entre la puissance spirituelle et la puissance civile; qu'il les a établies souveraines et indépendantes, chacune dans leur ressort; qu'en fondant son Eglise, il en a
confié le gouvernement aux pasteurs (1); que vouloir subordonner la puissance spirituelle à celles de la terre, c'est atlaquer l'édifice de l'Eglise dans ses fondements et exposer la religion à une ruine prochaine. Nous serions donc coupables, nos très chers frères, si nous abandonnions en des mains étrangères quelque portion du iroupcau qui nous est confié : comme si une usurpation sacrilège pouvait nous décharger devant Dieu des soins qu'un pasteur doit à touies ses ouailbs; comme si la puissance temporelle pouvait former et d ssoudre à son gré les liens spirituels qui unissent les pasteurs à leurs troupeaux, et réciproquement les fidèles à leurs pasteurs légitimes.
Mais nous ne craignons pas de déclarer en même temps que nous sommes disposé à consentir au démembrement de notre diocèse, aussitôt que la voix de l'Eglise se sera fait entendre, soit dans un concile national,soit de toute autre manière canonique. Ce sacrifice sera sans doute pénible : et il nous sera bien douloureux de nous séparer de tant de coopérateurs fidèles, qui nous sont chers, qui nous ont donné des témoignages si louchants de leur attachement et de leur confiance; de nous séparer d'un peuple dont le bonheur a été constamment le sujet de nos pensées habituelles, l'objet de nos désirs les plus ardents, la fin de nos travaux ; d'un peuple dont les peines, les besoins, les misères retentissaient à notre cœur dans tous les instants ; d'un peuple à qui nous ferions encore le sacrifice de notre vie, s il était utile à son salut.
Pouvions-nous prévoir, nos très chers frères, quand nous avons été appelé au gouvernement de 1 église de la capitale, que nous verrions disparaître tant d'établissements si précieux à la religion ; tous ces asiles nombreux de l'innocence et de la piété, où la vertu trouvait encore un port assuré contre les dangers du monde; où de vertueux cénobites et des vierges chrétiennes, dont le monde n'était pas digne (2), se dévouaient à la pratique des conseils évangéiiques, et levaient au Ciel leurs mains pures pour attirer sur l'Eglise et sur la France les bénédictions divines. Pouvions-nous prévoir la destruction de tant d'églises, où des prêtres, blanchis dans les travaux du saint ministère, goûtaient un repos honorable à l'ombre du sanctuaire et consacraient le reste de leurs jours à chanter les louanges du Seigneur et à remplir les obligations sacrées que leur avait imposées la piété de nos pères. Mais, ce qui met le comble à notre douleur,nos très chers frères, c'est la suppression du chapitre de notre église métropolitaine, de cette église de nos rois, et,en quelque sorte, l'église de la nation, où la majesté du culte, l'ordre et la dignité des cérémonies, la modestie et la piété des ministres, annonçaient d'une manière si frappante la grandeur du Dieu que nous servons. Le tribut des prières que tant de ministres payaient à Dieu jour et nuit depuis une longue suite de siècles, pour la prospérité du royaume, est donc interrompu : et ce corps, respectable par ses vertus et ses lumières, ce corps, destiné par sa nature à être le conseil du premier pasteur et à exercer la juridiction dans le diocèse pendant 1a vacance du siège, ne présente plus maintenant que le triste spectacle de ses membres dispersés qui versant des larmes sur les ruines de
Jérusalem. 0 nos vénérables frères l avec quelle sensibilité nous mêlons nos larmes aux vôtres. Mais, hélas I peut-être nous est-il réservé d'en verser de plus amère3 encore. Ne le permettez pas, grand Dieu ! ne permettez nas que jamais la foi s'éteigne dans ce royaume où elle a été si florissante ! Jetez enfin un regard de miséricorde sur votre Eglise, sur notre patrie. Rétablissez au milieu de nous le règne de la paix et de la concorde. Réunissez soit le gage de la régénération des mœurs, de la régénération de l'Etat, de la prospérité de l'Empire et de la félieité publique. Et vous, nos chers coopérateurs, vous tous, prêtres et lévites consacrés au service des autels, redoublez de zèle et de ferveur. A la prière joignez le spectacle imposant de toutes les vertus sacerdotales. Attachez-vous fortement à Jésus-Christ et à son Eglise; mais surtout, quelque chose que vous ayez à souffrir de la part des hommes, ne laissez jamais refroidir dans vos cœurs la charité, l'amour de vos frères, cette aimable et sublime vertu qui caractérise spécialement la religion sainte dont nous sommes les ministres.
A ces causes, nous avons déclaré et déclarons que nous adoptons l'instruction pastorale de M. l'évêque de Boulogne, donnée à Boulogne le 24 octobre dernier, et imprimée à la suite de notre présent mandement, comme contenant les vrais principes sur l'autoiité spirituelle, la discipline ecclésiastique, et sur le respect et la soumission que l'Eglise catholique prescrit à l'égard de l'autorité civile.
Donné à Chambéry, le
+ Ant. E. L., arch. de Paris. INSTRUCTION PASTORALE
De M. Jean-René Asseline, évêque de Boulogne, sur l'autorité spirituelle.
Jean-René, par la miséricorde divine et l'autorité du Saint-Siège apostolique, évêque de Boulogne : au clergé séculier et régulier, et à tous les fidèles de notre diocèse, salut et bénédiction en Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Nous vous devons la vérité, nos très chers frères; nous allons vous la dite, dans cet esprit de douceur qui nous est expressément recommandé par le grand apôtre (1), et nous espérons que vous recevrez notre enseignement avec la soumission et la docilité qui caractérisent les véritables disciples de Jésus-Christ. Ce Dieu sauveur nous en est témoin. C'est à cause de lui seul que nous vous adressons la parole; jusqu'ici nous avons cru lui devoir de garder le silence : maintenant nous lui devons de le rompre (2).
Nous commençons cette instruction, nos très chers frères, par vous rappeler les droits sacrés de la puissance civile et les obligations indispensables que vous avez à remplir à son égard.
La puissance civile est souveraine, absolue, indépendante dans tout ce qui est de son ressort. Pour tout ce qui concerne les objets temporels, elle ne peut être comptable qu'à Dieu, et le voit seul au-dessus d'elle. Dieu, père et protecteur de Ja société, a établi cet ordre, même avant la prédication de l'Evangile, et l'Evangile, bien loin de
l'affaiblir, et d'y rien changer, l'a rendu plus inviolable. Jésus-Christ déclare que son royaume n'est pas de ce monde (1). 11 fait le commandement le plus exprès de rendre à César ce qui est à César (2); et donne lui-même l'exemple de la fidélité à accomplir ce précepte, en faisant un miracle pour payer le tribut (3). Soyez donc soumis à la puissance civile, en tout ce qui est de sa compétence, non seulement par la crainte du châtiment, mais aussi par le devoir de la conscience (4). Rendez à chacun ce qui lui est dû; le tribut à qui vous devez le tribut; les impôts à qui vous devez les impôts ; la crainte à qui vous devez la crainte; l'honneur à qui vous devez l'honneur (5): et marchant sur les traces des premiers chrétiens, vos pères dans la foi, montrez constamme nt, par votre conduite, combien notre sainte religion doit être chère aux Empires, puisque c'est elle qui forme les meilleurs citoyens.
Mais après vous avoir rappelé les droits de la puissance civile, et vos devoirs envers elle, nous ne pouvons nous empêcher de vous avertir que cette puissance a des bornes qu'elle ne p- ut dépasser, qu'il est des objets sacrés sur lesquels elle ne peut s'étendre; et que toutes dispositions qu'elle entrepiendiait de faire au préjudice de l'autorité spirituelle ne devraient être regardées que comme des erreurs dans lesquelles elle tomberait, et non pas comme des lois qu'elle aurait pu prescrire.
Car elle existe sur la terre, cette autorité spirituelle, aussi souveraine, aussi absolue, aussi indépendante, en ce qui est de son ressort, que la puissance civile dans ce qui est du sien; et comme ce n'est pas aux dépositaires de l'autorité spirituelle qu'il apiartienL d'administrer l'Empire, de même ceux qui exercent la puissance eivile n'ont point le droit de gouverner l'Eglise.
Dès le temps de l'ancienne alliance, Dieu a établi cette distinction des pouvoirs, et a voulu qu'elle fût inviolable.
Aussi voyons-nous que «le pieux roi Josaphat... distingua exactement les deux fonctions, la sacerdotale et la ruyale, en donnant cette instruction aux lévites, aux sacrificateurs et aux chefs des familles d'Israël... Amarias, sacrificateur, votre pontife, présidera dans les choses qui regardent le service de Dieu; et Zabadias, fils d'Is-maël, qui est chef de la maison de Judas, conduira celles qui appartiennent à la charge du roi...» On voit avec quelle exactitude il distingue les affaires et détermine à chacun de quoi il se d it mêler, ne permettant pas à ses ministres d'attenter sur les ministres des choses sacrées, ni, réciproquement, à ceux-ci d'entreprendre sur les droits royaux (6).
Cette distinction des pouvoirs n'est pas moins formellement prescrite sous la nouvelle alliance et doit y être d'autant plus respectée que les fonctions du ministère èvangélique sont infiniment supérieures à celles du sacerdoce d'Aaron.
Jésus-Christ étant incontestablement le principe unique d'où puisse dériver toute autorité spirituelle, aucune partie de cette autorité sainte ne peut appartenir qu'à ceux à qui il a daigné la communiquer. Or, ce n'est pas aux souverains du monde, ce n'est qu'à ses apôtres et à leurs successeurs qu'il a dit : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié aussi dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera aussi délié dans le ciel (1). Toute puissance m'a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez donc, instruisez tous les peuples, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit; leur apprenant à observer toutes les choses que je vous ai commandées ; et assurez-vous que je serai avec vous, tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles (2). » Et, en les envoyant ainsi, il ne leur a pas donné seulement le droit d'enseigner les dogmes et d'administrer les sacrements : il a joint celui de porter des lois qui obligent tous les membres de l'Eglise, et de prononcer des peines spirituelles contre ceux qui se rendraient coupables de désobéissance (3); car il compare leur mission à la sienne. « Comme mon Père m'a envoyé, leur dit-il, je vous envoie aussi de même (4).» Et qui oserait prétendre que le fils du Dieu vivant, envoyé par son Père, n était pas revêtu de l'autorité législative en matière spirituelle?
C'est en conséquence de cette mission divine que les apôtres, assemblés en concile à Jérusalem, prescrivent, comme nécessaire alors au salut, la pratique de certaines observances, qui ne devait pas être durable dans l'Eglise, et font clairement connaître qu'ils tiennent de l'Ësprit-Saint l'autorité qu'ils exercent, en portant ce décret (5). Aussi saint Paul, visitant les églises, leur ordonne-t-il d'observer les préceptes des
apôtres et des prêtres (1), et en fait-il lui-même de nouveaux. Qui ne sait qu'après s'être p'aint de plusieurs abus qui s'étaient introduits daRS les assemblées de l'église de Corinthe et avoir prescrit des règlements pour y apporter remède, il se réserve ei core de statuer sur d'autres objets, quand il sera arrivé (2)? Le même apôtre n'hésite point à prononcer des reines contre les réfrac-taires : livre à Satan Hyménée et Alexandre, afin qu'ils apprennent à ce plus blasphémer (3); traite avec une égale sévérité l'incestueux de Corinthe (4), et se glorifie d'avoir reçu de Jésus-Christ lui nême le pouvoir de punir ainsi les prévaricateurs (5). Cet exemple des apôtres est suivi par leurs successeurs sans aucune interruption ; et depuis la naissance du christianisme, les premiers pasteurs ont constamment exercé dans l'Eglise le pouvoir législatif.
Jusqu'à l'époque à jamais mémorable où Constantin se soumit à l'Evangile, la puissance civile ne s'était pas occupée, sans doute, de l'administration de l'Eglise : ses édits sanguinaires n'avaient eu pour but que de l'anéantir. Cependant, au milieu dts hoireurs de la persécution, l'autorité spirituelle s'était développée dans toute son étendue, comme avec toute son indépendance : les premiers pasteurs avaient tout réglé ; et au moment où l'Eglise commença à jouir de sa liberté, elle se montra au monde comme une société saint0, dont toutes les parties étaient parfaitement assorties et bien ordonnées, par le seul exercice du pouvoir que ses chefs avaient reçu de Celui dont ie royaume n'est pas de ce monde.
Cette autorité spirituelle, que l'Eglise a exercée durant la violence des persécutions, aurait-elle pu la perdre par la conversion des princes ? Non, il n'en est pas ainsi, nos très chers frères. « Non, le monde, en se soumettant à l'Eglise, n'a point acquis le droit de l'assujettir; les princes, devenant les enfants de l'Eglise, ne sont point devenus ses maîtres (6).
11 est vrai que depuis l'heureuse révolution qui a rendu la croix de Jésus-Christ le plus bel ornement du diadème, le dépositaire de la puissance civile est appelé l'évêque du dehors; et qu'une des plus belles prérogatives de sa dignité est de protéger l'Eglise: mais il ne peut mériter cet honneur qu'en donnant d'abord l'exemple de l'obéissance. L'autorité spirituelle ne connaît sur la terre que des protecteurs soumis dans l'ordre de la religion, et ne peut permettre que, sous prétexte de la secourir, on l'anéantisse en lui faisant la loi. « Il est vrai, dit le grand ar-« chevêque de Cambrai, que le prince pieux et
« zélé est nommé Vévêque du dehors, et le protec-« teur des canons : expressions que nous répé-« tons sans cesse avec joie, dans le sens modéré « des anciens qui s'en sont servis; mais l'évêque « du dehors ne doit jamais entreprendre les « fonctions de celui du dedans; il se tient le « glaive en main à la porte du sanctuaire ; mais « il prend garde de n'y pas entrer; en même a temps qu'il protège, il obéit : il protège les « décisions; mais il n'en fait aucune. Voici les « deux fonctions auxquelles il se burne: la pre-« mière est de maintenir l'Eglise en pleine li-« berté contre tous se3 ennemis du dehors, afin « qu'elle puisse, au dedans, sans aucune gêne, « prononcer, décider,approuver, corriger, abattre « toute hauteur qui s'élève contre la science de « Dieu ; la seconde, c'est d'appuyer ces mêmes « décisions, dès qu'elles sont faites, sans se per-« mettre jamais, sous aucun prétexte, de lesin-« terpréter. Cette protection des canons se tourne « donc uniquement contre les ennemis de l'E-« glise, c'est-à-dire contre les novateurs, contre « les esprits indociles et contagieux, contre tous « ceux qui refusent la correciion. A Dieu ne « plaise que le protecteur gouverne, ni prévienne « jamais rien de ce que l'Eglise réglera I II attend, « il écoute humblement, il croit sans hésiter, il « obéit lui-même; il fait obéir, autant par l'au-« torité de son exemple, que par la puissance « qu'il tient dans ses mains; mais enfin, le pro-« tecteur de la liberté ne la diminue jamais : sa « protection ne serait plus un secours, mais un « joug déguisé (1), s'il voulait déterminer l'E-« glise, au lieu de se laisser déterminer par elle-« même. »
On ne cesse encore de répéter que l'Eglise est dans l'Etat. Cette maxime est vraie, sans doute; mais il faut en bien saisir le sens, de peur d'en abuser. L'Eglise est dans l'Etat, c'est-à-dire que l'Eglise n'a aucun droit sur l'administration temporelle de l'Etat ; que la puissance civile conserve toujours, sur cet objet, une entière souveraineté, une indépendance absolue, et que tous les membres de l'Eglise, soit pasteurs, soit simples fidèles, doivent être soumis à cette puissance, dans tout ce qui concerne l'ordre temporel et le gouvernement politique. Mais l'Eglise dans l'Etat ne peut rien perdre de la souveraineté et de l'indépendance de sou autorité spirituelle: la puissance civile n'a et ne peut avoir le droit d'exercer, à cet égard, aucun acte de supériorité; parce que ce droit, elle ne pourrait Je tenir que de Jésus-Christ seul ; et qu'il est plus clair que le soleil qu'il ne le lui a j.imais donné.
Si chaque Eglise nationale est dans l'Etat, chaque Etat catholique est dans l'Egiise : et comme chaque Etat catholique conserve dans l'Eglise une indépendance absolue, en ce qui concerne l'ordre politique, chaque Eglise nationale conserve dans l'Etat la même indépendance, en ce qui concerne l'ordre spirituel.
Non, « les intérêts du ciel et ceux de la terre « n'ont pas été réunis dans les mêmes mains. « Dieu a établi deux minisières différents: l'un « pour faire passer aux citoyens des jours doux « et tranquilles ; l'autre pour la consommation « des saints, pour former les enfants de Dieu, « ses héritiers et les cohéritiers de Jésus-Christ. « La sagesse diviue ne pouvant être contraire à « elle-même, Dieu n'a pu établir les deux puis-« sances, pour qu'elles fussent opposées ; il a
« voulu qu'ellfs pussent ?e soutenir et s'en-« U'aider réciproquement : leur union est un don « du Ciel, qui leur donne une nouvelle force et « les met à portée de remplir les desseins de « Dieu sur les hommes..... Mais cette union « réciproque ne peut être un principe de sujé-« tion pour l'une ou pour l'autre puissance : « chacune est souveraine, indépendante, absolue « dans ce qui la concerne ; chacune trouve en « elle-même le pouvoir qui convient à son insti-« tution : elles Fe doivent une assistance rau-« tuelle, mais par voie de concert et de corres-« pondance, et non par voie de subordination et « de dépendance (1). »
Aussi depuis que la lumière s'est approchée du trône, et que ceux qui portent la couronne sont devenus les disciples de la croix, les plus puis, sants monarques ont-ils solennellement reconnus leur incompétence, en ce qui concerne la religion, et le droit exclusif de l'autorité spirituelle de prononcer sur ces objets.
Constantin était présent au concile de Nicée : il y fut fait plusieurs canons concernant la juridiction des patriarches et des métropolitains, l'institufion des évêques et l'ordination des différents ministres. On n'y vit point l'empereur décider, pendant que les pères du concile gardaient le silence. Ceux-ci seuls prononcèrent, l'empereur ne fut que témoin (2).
Cette incompétence fut encore solennellement reconnue par l'empereur Bazile, dans l'admirable discours qu'il fit au huitième concile général.
« 11 n'est pas accordé aux laïques et à ceux « qui sont chargés des affaires civiles d'ouvrir « la bouche sur les matières ecclésiastiques : « c'est le partage des évêques et des prêtres..... « En quelque état que vous soyez, soit distingués v par les charges, soit réduits au commun des « citoyens, je n'ai rien à vous dire, si ce n'est c qu'étant laïques, il ne vous est permis en au-« cune manière de traiter les affaires ecclésias-« tiques, ni de vous opposer aux décisions de « l'Eglise universelle et du concile général. Ce « qui regarde le spirituel appartient aux mi-« nistres du Seigneur, qui sont préposés au gou-« vernement des âmes pour les sanctifier ; qui « ont le pouvoir de lier et de délier, et qui ont « reçu les clefs du royaume céleste. Ce n'est « point là une chose qui soit de notre district ; « nous avons besoin d'être conduits dans les « pâturages, d'être sanctifiés, d'être liés ou déliés. « Car quelque religieux, quelque sage que soit « un laïque, il demeure toujours au rang des « brebis. Au contraire, quelque indigne de son « caractère que puisse être un évêque, tandis « qu'il est attaché à la vérité, il a toujours l'au-c torité de pasteur. Pourquoi donc, simples « brebis, osons-nous juger de nos pasteurs, leur « opposer de fausses subtilités, et décider ce qui « est au-dessus de nous ? Nous devons n'appro-« cher d'eux qu'avec une foi sincère et une « crainte respectueuse, parce qu'ils sont les mi-« nistres et les images du Seigneur ; nous devons « ne nous élever jamais au-dessus de notre état. « Cependant, que voyons-nous aujourd'hui? Un « grand nombre de séculiers qui, oubliant leur « état, et qu'ils ne sont que les pieds du corps « mystique de l'Eglise, prétendent faire la loi à « ceux qui en sont les yeux. Ils sont toujours « les premiers à accuser leurs maîtres dans la « foi, et les derniers à corriger leurs propres dé-
« fauts. Or, j'avertis tous ceux qui méritent ce « reproche de prendre garde à eux-mêmes ; de « ne plus juger leurs propres juges; et de se « comporter désormais d'une manière plus con-« forme à la volonté de Dieu, en ré,trimant leur « haine et en renonçant à leurs calomnies : car « le juge suprême a les yeux ouverts sur leur • conduite; sa colère éclatera contre eux; et ils « sentiront, par de terribles effets, tout le poids « de sa vengeance (1). »
Tels ont été aussi les sentiments de nos rois. « La France.... n'en a jimais eu, depuis plus de « douze cents ans,qui n'ait été enfant de l'Eglise « catholique. Le trône royal est sans tache, et tou-« jours uni au Saint-Siège ; il semble avoir parti-« cipé à la fermeté de cette pierre. En écoulant « leurs évêques dans la prédication de la vraie « foi, c'était une suite naturelle que ces rois les « écoutassent dans ce qui regarde la discipline « ecclésiastique. Loin de vouloir faire en ce point « la loi à l'Eglise, un empereur, roi de France, « disait aux évêques : Je veux qu'appuyés de no-« tre puissance, comme le bon ordre le prescrit, « famulante, ut decet, poteslate nostrà.... (Pe-« sez ces paroles, et remarquez que la puissance « royalé qui, partout ailleurs, veut dominer, et « avec raison, ici ne veut que servir.)Je veux donc, « dit cet empereur, que secondés et servis parno-« tre puissance, vous puissiez exécuter ce que votre « autorité demande ; paroles dignes des maîtres « du monde, qui ne sont jamais plus dignes de « l'être ni plus assurés sur leurs trônes, quelors-« qu'ils font respecter l'ordre que Dieu a établi. « Ce langage était ordinaire aux rois très chré-« tiens. Leurs capitulaires ne parlent pas moins « fortement pour les évêques que les conciles. « C'est dans les capitulaires des rois qu'il est or-
« donné aux deux puissances, au lieu d'entre-« prendre l'une sur l'autre, de s'aider mutuelle-« ment dans leurs fonctions ; qu'il est ordonné en « particulier aux comtes., aux juges, à ceux qui ont « eu main l'autorité royale, d'être obéissants aux « évêques. C'est ce que portait l'ordonnance de « Cbarlemagne ; et ce grand prince ajoutait «qu'il « ne pouvait tenir pour de fidèles sujets ceux qui « n'étaient pas fidèles à Dieu, rien espérer une sin-« cère obéissance, lorsqu'ils ne la rendaient pas aux « ministres de Jésus-Christ, dans ce quiregar-« dait la cause de Dieu et les intérêts de l'E-« glise. C'était parler en prince habile qui sait « en quoi l'obéissance est due aux évêques, et • ne confond point les bornes des deux puis-« sances; il mérite d'autant plus d:en être cru. « Selon ses ordonnances on laisse aux évêques « l'autorité tout entière dans les causes de Dieu « et dans les intérêts de l'Église, et avec raison, « puisqu'on cela l'ordre de Dieu, la grâce atta-« chée à leur caractère, l'écriture, la tradition, « les canons et les lois parlent pour eux (1)».
Que si quelquefois il s'est rencontré des souverains qi iont entrepris d'avoir, dans les affaires de religion, une influence qui ne leur appartenait pas, Dieu a suscité de généreux pontifes qui les ont avertis de rentrer dans le devoir, en leur marquant les bornes qu'ils ne pouvaient franchir. Qui ne sait ce que le grand Osius de Cordoue écrivait à l'empereur Constance qui avait eu le malheur d'être éiiaré par les Ariens ? ; Dieu, qui « vous a donné l'Empire, nous a confié ce qui con-« cerne l'Église. Et comme celui qui vous ravirait « l'Empire, renverserait l'ordre établi de Dieu, « craignez aussi qu'en attirant à vous les affaires » de l'Eglise, vous ne vous rendiez coupable d'un « grand crime.....Il ne vous est donc pas per- « mis de dominer sur la terre, et vous n'avez pas « le droit de mettre la main à l'encensoir (2). »
Et le pape saint Gélase Ier n'a-f-il pas rappelé la même règle à l'empereur Anastase qui favorisait l'euiycbianisme? « Prince auguste, lui écrit « ce saint pape, il y a deux moyens par lesquels « ce monde est principalement gouverné : l'autc-« riré sacrée des évêques et la puissance royale. « La charge des évêques est d'autant plus grande « qu'ils doivent rendre compte des rois mômes au « jugement de Dieu : car vous savez qu'encore « que votre dignité vous élève au-dessus dugenre « humain, vous baissez la tête devant les prélats, « vous recevez d'eux les sacrements et leur êtes « soumis dans l'ordre de la religionrVous savez t que, dans ces affaires, vous devez suivre leur « jugement: il ne faut donc pas que vous préten-« diez les assujettir à vos ordres. Que si les évê-« ques obéissent à vos lois, quant à l'ordre de « la police et des choses temporelles, sachant que « vousavi zreçud'en haut la puissance,avec quelle * affection dêvez-vous être soumis à c ux qui « sont établis pour d spenser les sacrements ! C'est « pourquoi, comme les évêques courent un grand « risque, s'ils se taisent sur le culte qui est dû « à la divinité, on s'expose à un grand péril, si, « ce qu'à Dieu ne plaise, au lieu de leur obéir,
« comme on le doit, on méprise leurs instruc- tions (1). »
Des principes qui viennent d'être établis sur la distinction des deux puissances il résulte claire-| ment que, comme il ne peut appartenir à l'autorité spirituelle de régler ce qui concerne l'ordre politique, la puissance civile nfa point le droit de prononcer sur ce qni est de l'ordre spirituel.
Mais dans quel ordre faut-il ranger la suppression, l'érection, la circonscription des métropoles, des diocèses et des cures ; la suppression des églises cathédrales et autres titres de bénéfices ; les règles concernant le choix et l'institution des pasteurs, et la manière d'exercer la juridiction spirituelle dan3 les différents degrés de la hiérarchie ecclésiastique ? C'est, nos très chers frères, ce qui nous reste à vous expliquer dans cette instruction, afin de vous prémunir, comme nous y sommes iudispensablement obligé, contre tout ce qui pourrait, dans une matière si importante, devenir pour vous une occasion d'erreur ou de péché.
Une simple réflexion se présente d'abord, qui conduit naturellement à reconnaître que ces objets appartiennent à l'ordre spirituel : c'est que les hommes n'auraient pas même pu s'en former l'idée, si cet ordre supérieur n'avait été institué par le Sauveur du monde. Quel mortel, en effet, sans la révélation de Jésus-Christ, aurait jamais pu penser qu'un Dieu, après s'être revêtu de notre nature, ait voulu demeurer toujours réellement présent au milieu de nous, être lui-même chef du corps mystique dont tous les fidèles sont les membres, et leur offrir sans ce^se l'application des mérites de sa mort ? Quel mortel aurait jamais pu penser que, pour exécuter ses desseins de miséricorde, ce Dieu sauveur ait daigné choisir des hommes et les rendre dispensateurs de ses mystères, dépositaires de sa puissance, ses coopérateurs dans le grand ouvrage de la sanctification de leurs frères, afin de consommer éternellement dans la gloire l'union du chef avec les membres, commencée dans le temps par la grâce ? Et n'est-ce pas, suivant la doctrine du grand apôtre, à cette consommation des saints, à cette édification du corps de Jésus Christ, que se rapportent uniquement toutes les parties de la hiérarchie de la loi nouvelle, toutes les fonctions du ministère pastoral, tout l'exercice de la juridiction ecclésiastique (2) ?
La disposition de ces objets sacrés n'est donc point un apanage de la puissance civile : elle n'en avait point lorsqu'elle proscrivait les disciples de l'évangile : elle ne l'a point acquise en se soumettant au joug de la foi.
On ne connaît aucun édit d'empereur qui, du vivant du disciple bien-aimé, ait fixé les sièges épiseopaux de l'Asie, à Ephèse, à Smyrne, à Pergame, à Thya'ire, à Sardes, à Philadelphie, à Laodicée (1). Ce n'était pas en vertu d'un sénatus-consulte, mais par l'ordre de saint Paul, que Titus était chargé d'établir des évêques dans toutes les villes de Crète (2); et tant que les souverains, convertis au christianisme, ont conservé la véritable foi, il n'est point arrivé.dans l'Eglise latine, que la suppression, l'érection, la circonscription d'aucune métropole, ni d'aucun diocèse, se soient opérées sans l'influence de l'autorité spirituelle. En vain a-t-on prétendu citer quelques exemples pour établir le contraire : la fausseté de ces allégations a été démontrée avec la dernière évidence; et il a été prouvé, par les monuments mêmes qu'on s'est permis de mettre en avant que, dans toutes et chacune des circonstances objectées, l'autorité spirituelle était intervenue comme cause nécessaire (3).
Sans doute, la puissance civile peut proposer des vues sur ces importants objets, et, quand elles sont compatibles avec le bien de la religion, l'autorité spirituelle se fait un devoir d'y accéder ; mais l'action de celle-ci est indispen-sablement requise, et la puissance civile seule ne peut conduire l'ouvrage à sa lin.
On ne peut en effet ériger une métropole, un diocèse sans donner au métropolitain, à l'évêque, la juridiction spirituelle sur un clergé et des fidèles : on ne peut reculer les anciennes limites d'une métropole, d'un diorèse, les agrandir par une nouvelle circonscription, sans "étendre la juridiction spirituelle du métropolitain, de l'évêque, en leur assujettissant, dans l'ordre de la religion, un clergé, des lidèles qui, avant, ne leur étaient pas soumis : on ne peut enlîn supprimer une métropole, un diocèse, sans dépouiller le métropoliiain, l'évêque de la juridiction spirituelle qu'ils exerçaient sur le clergé et les lidèles qui leur avaient été confiés. Mais donner la juridiction spirituelle, ôter la juridiction spirituelle sont évidemment des actes de l'autorité spirituelle. Comment donc la puissance civile pourrait-elle se les permettre ? D'où en aurait-elle le droit? Elle ne le tient certainement pas de sa nature. Où sont les témoignages des divines Eciiiures ou de la tradition,qui prouvent que Jésus-Christ le lui ait donné?
Non, si quelque nation se portait à de pareilles entreprises, l'Eglise catholi |ue ne pourrait s'empêcher de lui dire: « Vuus êtes un peuple, un Etat, une société; maisJ sus-Christ qui est votre roi ne tient rien de vous ; son autorité vient de plus haut : vous n'avez pas plus le droit de lui donner des ministres, que de l'établir lui-même votre prince. Ainsi ses ministres, qui sont vos pasteurs, viennent de plus haut comme lui-même; et il faut qu'ils viennent par un ordre qu'il ait établi. Le royaume de Jésus-Christ n'est pas de ce monde, et la comparaison que vous pouvez
faire entre ce royaume et ceux de ce monde est caduque; en un mot, la nature ne vous donne rien qui ait rapport avec Jésus-Christ et son royaume; et vous n'avez aucun droit que ceux que vous trouverez dans les coutumes immémoriales de votre société: or, ces coutumes immémoriales, à commencer par les temps ap tstoliques, sont q^e les pasteurs déjà établis établissent les auires (1). »
Et qu'on ne prétende point, pour justifier le procédé dont il s'agit, qu'au moment de la consécration des pontifes, l'Eglise leur communique une juridiction indéfinie, qui peut être ensuite étendue ou restreinte et même anéantie, au gré de la puissance civile, selon qu'il lui plaît de changer la circonscription des métropoles et des diocèses. Non, l'Eglise n'en agit pas ainsi : quand elle consacre ses pontifes, elle ne leur attribue qu'une juridiction déterminée à tels lieux nom-mém nt, indivMuellement et exclusivement à tous autres. L'intention de l'Eglise sur ce point se connaît par ses lois, et les dispositions de celles-ci sont précises. C'est pour cela qu'elle détend si expressément, et sous des peines si graves, à tout évêque, d'exercer les fonctions épiscopaies dans un diocèse étranger, sans la permission de l'évêque de ce diocèse.
« Il est défendu à tout évêque, disent les pères « du troisième concile de Cartilage, d'envahir les « peuples étrangers, et d'empiéter sur le diocèse « de son collègue (2). »
Le quinzième canon du concile de Sardique est encore plus formel. L'évêque 0-ius dit : « Définissons aussi tous que, si l'évêque d'un « autre diocèse veut promouvoir à quelque grade « un ministre étranger, sans le consentement de « son propre évêque, une semblable promotion « soit regardée comme nulle et de nul effet; et « que si quelques-uns se permettent d'eu agir « ains;, ils soient avertis et corrigés par leurs « confrères et collègues dans l'épiscopat. » Tous les pè es dirent que ce décret soit stable et irrévocable (3).
On trouve encore une disposition semblable dans le quinzième canon du troisièm ; concile d'O léans. « L'évê iue ne doit point entrer dans les « diocèses étrangers, pour ordonner des clercs « étrangers, ou consacrer des autels. Que, s il le « l'ait, l'autel, il est vrai, demeurera consacré; « mais ceux qu'il aura ordonnés seront exclus de « leurs fonctions, et lui-même, comme trans-« giesseur des canons, sera suspendu, durant « une année, de la célébration des messes (4).
Enfin le concile de Trente, renouvelant cette loi observée dans l'Eglise depuis tant de sièc es, a
réglé : « qu'il ne soit permis à aucun évêque, « sous prétexte de quelque privilège que ce soit, « d'exercer les fondions épiscopales dans ledo-« cèse d'un aulre, si ce n'est avec la per i ission « ex t resse de l'ordinaire du lieu, et à l'égard « seulement des personnes soumises au même « ordinaire. Et que, s'il en arrive autrement, « l'évêque, et ceux qui auront été ainsi ordon-« nés, soient, de droit, suspendus, celui là des « fonctions épiscopales, ceux-ci de l'exercice de « leurs ordres (1). »
Il est facile d'appliquer ce qui vient d'être dit à l'érection, suppression, nouvelle circonscription de tous bénéfices auxquels est attaché le soin des âmes, et à la suppression de ces corps vénérables, si dignes de former le conseil habituel de l'évêque, et à qui, suivant une discipline déjà ancienne dans l'Eglise, l'exercice de la juridiction épifCopale est dévolu, pendant la vacance du siège. Comment un nouvel ordre de minisires pourrait-il les remplacer dans cet exercice, sans l'aveu de l'autorité spirituelle? Ne faut-il donc plus être établi par i'fisprit«Saint, pour gouverner l'Eglise de Dieu? Ou est-ce par l'organe de la puissance civile que cet esprit adorable désigne ceux qu'il appelle à une si sublime fonction? Et quant à ce qui concerne tous les autres bénéfices, de quelque nature qu'ils puissent être, il suffit d'observer que, n'ayantété érigés que pour une fin spirituelle, et avec le concours de l'autorité spirituelle, ils ne peuvent être supprimés par le seul fait de la puissance civile.
Cette puissance n'est pas moins incompétente pour régler cequi a rapport au choix des pasteurs et à l« ur institution. Nous le demandons à tous de bonne foi : donner le droit de choisir les pasteurs, lixer les conditions requises pour l'éligibilité, deléguerle pouvoir de confirmer ceux qui auront été élus, prescrire les précautions qu'il faut prendre, pour s'assurer de la doctrine de ceux qui demanderont l'institution canonique, ne sont-ce pas cncore autant d'actes de l'autorité spirituelle? Et d'après quels principes la puissance civile pourrait-elle s'atlnbuer le droit de les faire ?
Remontons toujours à l'origine des temps; et que la pratique des siècles qui nous ont précédés nous instruise.
JéfUs-Christ choisit ses apôtres (2) : il choisit encore soixante-douze autres disciples qu'il envoie deva it lui, deux à deux, dans toutes les villes, où lui-même devait aller (3).
Saint Pierre marque les qualités qu'ils doivent avoir et celui qu'il faut substituer au perlide Iscariote, pour compléter le collège apos olique (4), et ceux qui seront appelés aux fonctions du diaconat (5). L'Esprit-Saint lui-même dit aux pro-
phètes et aux docteurs réunis à Antioche : « Séparez-moi Saûl et Barnabé pour l'œuvre à laquelle je lésai appelés (1) »; et saint Paul défend d'élever à l'épiscopat un bigame, ou un néophyte (2).
Les successeurs des apôtres ont usé du même pouvoir. Longtemps avant que le glaive de la persécution fût brisé dans la main des tyrans, l'Eglise seule avait réglé par ses lois tout ce qui peut avoir rapport à l'entrée dans le sanctuaire: elle a continué, dans la suite des siècles, de renouveler ces anciennes dispositions ou d'en faire de nouvelles, quand les circonstances lui ont paru exiger quelques changements dans cette partie de sa discipline : et si quelquefois les souverains catholiques sont intervenus, lorsqu'il s'agissait de statuer sur ces importants objets, ils ont toujours agi de concert avec l'autorité spirituelle, et n'ont jamais rien décidé sans sa participation.
En vain, pour excuser une autre conduite de la part de la puissance civile, alléguerait-on qu'elle ne se propose d'autre but que de rappeler la discipline primitive. Qu'il serait facile de répondre, d'abord, que le retour à la discipline primitive ne peut être ordonné que par la même autorité qui l'avait établie ! Mais vit-on jamais, dans les premiers siècles, des élections d'évêques, faites sans que le clergé y fût appelé? Que le savant historien de l'Eglise nous donne une idée bien différente de son ancienne pratique à cet égard! « Le choix (des évêques) se faisait par les « évêques les plus voisins, de 1 avis du clergé et « du peuple de l'église vacante, c'est-à-dire par « tous ceux qui pouvaient mieux connaître le « besoin de celte église. Le métropolitain s'y « rendait avec tous les comprovinciaux. On con-« sullait le clergé, non de la cathédrale seule-« menf, mais de tout le diocèse. On consultait les « moines, les magistrats, le peuple; mais les « évêques décidaient..... Voilà la promotion des « évêques, telle que vous l'avez vue, pendant les « six premiers siècles; et vous la verrez encore à « peu près semblable dans les quatre suivants (3).»
N'est-ce pas une chose inouïe, dans l'histoire des premiers siècles, que les laïques aient entrepris de choisir ceux qui devaient, sous la conduite des évêques et comme pasteurs du second ordre, leur dispenser les choses saintes ! Dans ces premiers temps, il n'y avait proprement de titulaire que l'évêque, qui était chargé de la conduite de tout le diocèse. Les antres ministres restaient attachés auprès de l'évêque, ou ils allaient prêcher en différentes parties du diocèse, toujours près de lui, quand il les appellerait, soit pour demeurer dans la ville, soit pour aller annoncer l'Evangile dans quelque autre endroit (4).
Mais faisons connaître le véritable principe de cette ancienne discipline. « Les apôtres, dit le savant Père Thomassin, et leurs successeurs, qui * sont les évêques, ayant été les fondateurs de « toutes les églises, il est visible que ce sont aussi « les évêques qui doivent, ou les gouverner eux-« mêmes, ou en commettre le gouvernement à
« ceux qu'ils en jugent capables »... Originairement les bénéfices n'étaient qu'une suite des ordres, parce qu'il est juste que celui qui sert à l'autel vive de l'autel ; comme l'évêque est le seul dispensateur des ordres, il l'est aussi des bénéfices. Enfin l'évêque étant le souverain prêtre de son diocèse, c est à lui à distribuer toutes les charges, parce que ce sont comme autant de participations et d'écoulements de sa souveraineté sacerdotale (1).
Aussi le changement qui est survenu dans cette partie de la discipline, et qui a attaché d'une manière inamovible les prêtres à des églises particulières, n'a-t-il pas empêché de reconnaître, dans tous les temps, la vérité de ce qu'écrivait sur cette importante matière le célèbre Guillaume, évêque de Paris. « Vous devez savoir « que c'est aux évêques, comme successeurs des « apôtres, comme ministres de la dignité apos-« tolique, qu'il appartient, en vertu de la fonc-« tion épùcopale, d'instituer les clercs dans les « églises canoniales et les prêtres dans les cha-« pelles et les paroisses : je parle d'une inslitu-« tion pleine, pour ce qui est du droit commun ; « quoique, par une concession spéciale des évê-« ques, le droit de patronage ait été attribué à « quelques personnes. (2) »
A quelle époque a-t-on vu que les pasteurs du peuple catholique pussent être choisis par des hommes qui ne seraient pas membres de l'Eglise, qui, peut-être même, n'auraient pas eu le bonheur d'être régénérés en Jesus-Chrisl?
La discipline primitive défendit-elle jamais de prendre les précautions les plus exactes pour s'assurer de la foi de ceux qui devaient être élevés au rang des pasteurs, et força-t-elle de se borner à recevoir le serment d'une profession générale, sous laquelle les sectateurs de l'hérésie pourraient cacher les erreurs les plus dangereuses? Cette espèce de discipline n'était assurément pas en vigueur à l'époque du concile de Calcédoine. En vain Théodoret y protesta-t-il qu'il avait été nourri par des catholiques et instruit de la doctrine catholique; qu'il l'avait prê-cliée; qu'il rejetait non seulement Nestorius et Eutychès, mais quiconque avait de mauvais sentiments: ce ne fut qu'après avoir dit formellement anathè;ne à Nestorius, et souscrit à la lettre
de saint Léon, qu'il obtint le consentement des Pères du concile, pour être rétabli dans le siège épiscopal de Cyr (1).
La vie mona-tique ne fut-elle donc pas en honneur dans les plus beaux âges de l'Eglise? Ecoutons encore son savant historien. « Après les « martyrs, vient un spectacle aussi merveilleux, « les solitaires. Je comprends sous ce nom ceux « qu'on nommait ascètes dans les premiers temps, « les moines et les anachorètes. On peut les « appeler les martyrs de la pénitence... Je re-« garde ces saints solitaires comme des modèles « de la perfection chrétienne. C'étaient les vrais « philosophes, comme l'antiquité les nomme « souvent. Ils se séparaient du monde pour « méditer les choses célestes : non pas comme ces « Egyptiens que décrit Porphyre, qui, sous un « si grand nom, n'entendaient que la géométrie « ou l'astronomie : ni comme les philosophes « grecs, pour rechercher les secrets de la nature, « pour raisonner sur la morale, ou disputer du « souverain bien et de la distinction des vertus. « Les moines renonçaient au mariage et à la « société des hommes, pour se délivrer de l'em-« barras des affaires et des tentations inévita-« blés dans le commerce du monde... Toute leur « étude était la morale, c'est-à-dire la pratique « des vertus... Ils se cachaient aux hommes « autant qu'ils pouvaient, ne cherchant qu'à « plaire à Dieu. Ce n'était que l'éclat de leurs « vertus et souvent leurs miracles, qui les fai-« saient connaître... Tels étaient les moines tant « loués par saint Chrysostome, par saint Augus-« tin, et par tous les Pères (2). Il y eut aussi « des monastères de filles, même dans les dé-« serts... Il y en eut dans les villes; et on fit « ainsi vivre en communauté toutes les vierges « consacrées à Dieu, qui demeuraient auparavant « en des maisons particulières (3). »
Les titres d'archiprêtres, de pénitenciers, d'archidiacres ne se montrèrent-ils pas dans l'histoire presque aussitôt que la religion chrétienne fut devenue la religion de l'Empire? Etjqui pourrait ne pas reconnaiîre l'origine des églises collégiales dans les basiliques élevées sur les tombeaux des martyrs, dès les temps voisins de ceux des apôtres, et desservies par des ecclésiastiques que les conciles distinguent si expressément des clercs préposés au gouvernement des paroisses, et de ceux qui résidaient dans les monastères? Alors les propriétaires opulents, convaincus du dogme d'une Providence qui veille sur les familles et sur les Empires, croient bien mériter de la patrie on employant une partie de leurs biens à multiplier les monuments consacrés d'une manière spéciale à la prière publique.
Les premiers siècles, enfin, reconnurent-ils jamais que le témoignage de l'unité de foi, et de la communion que chaque évêque doit entretenir avec les successeurs de saint Pierre, dût nécessairement se borner à lui écrire, comme au chef visible de l'Eglise universelle? Cette dernière réflexion nous conduit à examiner ce qui concerne l'exercice de la juridiction dans les différents degrés de la hiérarchie ecclésiastique.
Il serait inutile de s'arrêter à prouver que c'est à l'autorité spirituelle toute seule qu'il appartient de régler l'exercice de la juridiction qui lui est propre. Qui ne voit, du premier coup d'oeil, que cette juridiction, dont Jésus-Christ est la source,
se trouve, par là même, à une hauteur à laquelle la puissance civile ne peut jamais atteindre?
Mais celle-ci ne peut surtout rien changer à la forme de gouvernement, à l'ordre d'administration qui ont été immédiatement établis par le Sauveur du monde. L'Eglise elle-même n'a aucun pouvoir sur ces objets consacrés ; et tout • sa gloire, à cet égard, consiste à conserver iaviola-blement le dépôt qui lui est confié et à perpétuer, Sans aucune altération, jusqu'à la fin des temps, l'ouvrage de son auteur.
Appliquez-vous, nos très chers frères, à bien saisir le plan de cet admirable édifice, qui porte tout entier sur Jésus-Christ. Cette connaissance ne peut vous être étrangère, puisque, suivant la doctrine de saint Paul, vous êtes vous-mêmes « édifiés sur le fondement des apôtres et des « prophètes, et unis en Jésus-Christ qui est lui-« même la principale pierre de l'angle sur lequel « tout l'édifice, étant posé, s'élève et s'accroît dans « sa proportion et sa symétrie, pour être un saint « temple consacré au Seigneur (1). »
L'H mrue-Dieu, avant de quitter la terre, a donné à son Eglise un chef visible, à qui il a attribué la principauté d'honneur et de juridiction sur les pasteurs et les fidèles. Les preuves de Ci tte prééminence que saint Pierre a reçue de son divin Maître sont incontestables. Il a été nommé le premier à l'apostolat (2). Jé?us-Christ lui a dit : « Vous êtes Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enter ne prévaudront i as contre elle (3). Simon, j'ai prié pour vous, afin que votre foi ne défaille point ; iors donc que vous serez converti, ayez soin de confirmer vos frères (4). Paissez mes agneaux, paissez mes brebis (5). Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel (6). »>
Il e.-t vrai que le Seigneur a adressé ensuite ces dernières paroles à tous les apôtres (7), et qu'il leur a dit encore : Tous ceux dont vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, et tous ceux dont vous retiendrez les péchés, ils leur seront retenus (8). Mais la suite ne renverse pas le commencement, et le premier ne perd pas sa place. Cvtte première, parole, tout ce que tu lieras, dite à un seul, a déjà rangé sous sa puissance tous ceux à qui on dira : Tout ce que vous remettrez; car les promesses de Jésus-Christ, au-si bien que ses dons, sont sans repentance, et ce qui est une fois donné indéfiniment et universellement est irrévocable. Outre que la puissance
donnée à plusieurs porte sa restriction dan3 son partage, au lieu que la puissance donnée à un seul et sur tous, et sans exception, emporte la plénitude, et n'ayant à se partager avec aucune autre, elle n'a d'autres borues que celles que donne la règle.
« Saint Pierre paraît le premier, en toutes manières ; le premier à confesser la foi ; le premier dans l'obligation d'exercer l'amour ; le premier de tous les]apôtres qui vit Jésus-Christ ressuscité des morts, comme il en devait être le premier témoin devant tout le peuple ; le premier, quand il fallut remplir le nombre des apôtres; le premier qui confirma la foi, par un mirac'e; le premier à convertir les Juifs ; le premier à recevoir les Gentils ; le premier partout.
« Qu'on ne dise point, qu'on ne pense point, que ce ministère de saint Pierre finisse avec lui : ce qui doit servir de soutien à une Eglise éternelle ne peut jamais avoir de fin. Pierre vivra dans ses successeurs, Pierre parlera toujours dans sa chaire.
« C'est celte chaire romaine, tant célébrée par les Pères,'.où ils ont exalté, comme à l'envi, la principauté de la chaire apostolique, la principauté principale, la source de l'unité, et dans la place de Pierre, Véminent degré de la chaire sacerdotale, VEglise-mère qui tient en sa main la conduite de toutes les autres églises, le chef de l'é-piscopat, d'où part le rayon du gouvernement ; la chaire principale, la chaire unique en laquelle toutes gardent l'unité. Voua entendez dar.s ces mots : saint Optât, saint Augustin, saint Gyprien, saint Irénée, saint Prosper, saint Avide, saint Theoret, le concile de Calcédoine et les autres; l'Afrique, les Gaules, la Grèce, l'Asie, l'Orient et l'Occident unis ensemble (l). »
La qualité de chef visible de l'Eglise universelle n'est donc point, dans l'évêque de Rome, un vain titre. Elle lui assure, comme à saint Pierre, la principauté, non seulement d'honneur, mais encore de juridiction dans toute l'Eglise; et on ne peut être catholique sans reconnaître son autorité.
Cette autorité, sans doute, n'est point arbitraire. « Il faut (co m me 1 a solennellement déclaré le clergé de France) régler l'usage de la puissance apostolique par les canons faits par l'esprit de Dieu, et consacrés par le respect général de tout l'univers. Les régies, les mœurs et les institutions reçues dans le royaume et dans l'Eglise gallicane, doivent avoir leur force et leur vertu ; et les usages de nus pères doivent demeurer inébranlables. Il est même de la grandeur du Saint-Siège apostolique, que les lois et les coutumes établies du consentement de ce siège respectable subsiste invariablement (2) ; mais dès que cette autorité se renferme dans, les justes bornes, il est indispensable de s'y soumettre. « Tout est « soumis à ces chel6; tout, rois et peuples, pas-« teurs et troupeaux; nous le publions aveejoie, « car nous aimons l'unité, et nous tenons à gloire » notre obéissance (3). »
Gomme le Souverain Pontife succède à saint Pierre, les évêques sont successeurs des autres apôtres (1). Ceux-là, unis entre eux et à leur chef, forment ie tribunal suprême de l'Eglise. Au corps des premiers pasteurs appartient l'autorité infaillible de prononcer en matière de foi, de mœurs et de discipline, et personne, dans l'Eglise, n'est indépendant de cette autorité.
G'est un article de foi que les évêques sont supérieurs aux prêtres. Ce point a été solennellement défi ni par le concile de Trente (2). « Si « quelqu'un dit que les évêques ne sont pas « supérieurs aux prêtres, qu'il soit anathême. »
L'évêque a, dans le clergé de son diocèse, des coopérateurs qu'il doit honorer : mais il ne peut jamais reconnaître, lans les pasteurs du second ordre, ni de3 supérieurs, ni même des égaux. Ceux-ci ne peuvent donc jamais être ses juges. Timotliée était évêque d'Èphè-e, lorsque saint Paul lui écrivait : « Ne recevez point d'accusation contre « un prêire, que sur la déposition de deux ou « trois témoins. » L'apôtre ne prescrit point aux prêtres des règles pour recevoir des accusations contre les évêques, parce qu'ils ne peuvent les juger. G'est le raisonnement de saint Epiphane sur ce texte. « A quoi servirait, dit ce Père, de « défendre à l'évêque de reprendre le prêtre avec « trop de sévérité, si l'évêque n'avait une plus « grande puissance? Pourquoi l'apôtre donne-t-il « ensuite cet avis à son disciple? Ne vous pres-« sez pas d'admeure d'accusation contre un prê-« tre: ne le faites que sur la déposition de deux « ou trois témoins. Nous ne voyons pas qu'il « ait prescrit à aucun prêtre de ne pas se presser « de recevoir d'accusation contre l'évêque, ou « de ne pas reprendre l'évêque avec trop de sévé-« rité (4). »
En effet, comme le remarque le judicieux historien de l'Eglise, « la juridiction ecclésiastique « réside proprement dans les évêque. Jésus-« Christ la donna à ses apôtres; ils la communi-« quèrent à leurs disciples par l'imposition des « mains : eeux-là à d'autres, par une tradition « continuée jusqu'à nous, et qui durera jusqu'à « la fin des siècles; puisque Jésus-Christ a promis « d'être toujours avec ses disciples enseignant « et baptisant (5). »
Que le même auteur nous donne ensuite une idée bien vraie et bien conforme à l'institution de Jésus-Christ de la manière dont cette juridiction s'exerçait dans les premiers siècles 1 « Le « gouvernement de l'Eglise, dit-il, n'est pas une « domination comme celle des princes temporels. « 11 est fondé sur la charité et tempéré par l'hu-« milité. G'est pourquoi, dans les premiers temps « les évêques ne faisaient rien que de l'avis des « prêtres qui étaient le sénat de l'Eglise, et avec « la participation des diacres et des clercs..» Si
l'affaire était importante, l'évêque ne se contentait pas de consulter les clercs cjui résidaient ordinairement dans la cité, et près de sa personne; il convoquait ceux qui étaient dispersés par les titres de la campagne; et cette assemblée extraordinaire est ce que nous appelons aujourd'hui le synode diocésain. Les évêques s'assemblaient ensuite de temps en temps auprès de leurs métropolitains et formaient les couciles ou synodes provinciaux. Là, se jugeaient les plaintes contre les évêques mêmes, et les plus grandes affaires de l'Eglise. Voiià donc les deux tribunaux ordinaires : l'évêque assisté de son clergé, et le concile provincial. Dans le premier tribunal, l'évêque était seul juge, dans le second, tous les évêques étaient juges et avaient ie métropolitain pour président (1).
La différence si essentielle et si remarquable entre les deux tribunaux vient de la différence de ceux qui les composent. An concile provincial, le métropolitain voit, dans les suffragants, ses collègues dans l'épiscopat, auxquels il n'est supérieur qu'en vertu du droit positif de l'Eglise. Au synode diocésain, l'évêque seul a le complément du sacerdoce; et tous ceux qui siègent autour de lui n'occupent qu'un degré inférieur dans la hiérarchie instituée par l'Homnie-Dieu (2).
Le droit de juger seul, aprè3 avoir consulté son presbytère, appartient surtout à l'évêque, pour tout ce qui concerne l'éducation des jeunes ministres, et leur promotion aux saints ordres; parce que c'est à lui qu'il est dit : « N'imposez légèrement les mains à personne (3). » Et lorsque, après les avoir éprouvés, il les a revêtus du sacerdoce, ils ne peuvent néanmoins remplir 13 ministère de la parole, ni celui de la conduite des âmes, sans avoir reçu de lui la mission : et tout acte de juridiction qu'ils entreprendraient d'exer^ cer dans le sacré tribunal, sans avoir é é délégués, serait non seulement illicite, mais même de nul effet :
« Parce que quelques-uns, disent les pères du « troisième concile de Latran, affichant l'appa-« rence delà piété,mais en en ruinant, selon le lan-« gage de l'apôtre, la vérité et l'esprit, s'arrogent « le pouvoir de prêcher; quoique le même apôtre « dise : comment prêcheront-ils, s'ils ne souten-« voyés ? Que tous ceux qui en ayant reçu la dé-« fense, oun'ayantpas obtenu la mission, oseront, « sans y être autorisés par le Saint-Siège, ou l'é-« vêque catholique du lieu, usurper la charge « d'aunoqcer la divine parole soit en public, soit « en particulier, soient frappés de ta sentence « d'excommunication (4).
« Quoique les prêtres (c'est la décision du con-« ciie de Trente) reçoivent dans leur ordination « le pouvoir d'absoudre les péchés, néanmoins « le concile décide qu'aucun, même régulier, ne
« peut entendre les confessions des séculiers, « mêmes prêtres, ni être réputé propre à remplir « ce ministère, à moins qu'il ne soit titulaire d'un « bénéfice-cure, ou qu'il n'ait été jugé capable « par les évêques, d'après un examen, s'il le juge « nécessaire, ou autrement, et qu'il n'en ait ob-« tenu l'approbation qui sera donnée gratuite-« tement, nonobstant tout privilège et usage « même immémorial (4). » Et le même concile ajoute : parce que la nature et l'idée de jugement demande qu'une sentence ne soit portée que sur ceux qui sont sujets; on a toujours été persuadé, dans l'Eglise de Dit u, et ce concile assure que c'est une vérité incontestable, que l'absolution n'est d'aucun poids lorsqu'un prêtre la prononce sur celui sur qui il n'a point de juridiction, ni ordinaire, ni subdélégué (1).
Ces dispositions ont été adoptées par les conciles provinciaux tenus depuis en France : « Comme « suivant la doctrine évangélique et apostolique, « disent les pères du concile de Bordeaux, per-« sonne ne peut ni ne doit prêcher la parole de « Dieu,à moins qu'il ne soit légitimement envoyé; « puisque Jésus-Christ lui-même ne s'est chargé « de cette fonction qu'après avoir reçu la mission « de son père, et que les apôtres ne l'on fait qu'en « vertu de l'ordre et du commandement de Jésus-« Christ : nous, en conséquence, nous appuyant « sur la règle évangélique et apostolique, statuons « et ordonnons qu'aucun, soit séculier, soit ré-« gulier, n'entreprenne de parler publiquement « au peuple de la religion, à moins que l'évêque « ne lui ait donné, par écrit, la permission et « commission spécialederemplirceministère(2).» Et les pères du concile de Toulouse déclarent : « qu'il n'est permis à aucun, ni séculier, ni ré-« gulier, d'entendre les confessions, sans avoir « obtenu l'aoprobation prescrite par le saint Con-« cile de Trente(3). »
Les mêmes décisions se trouvent répétées dans les conciles de Rouen de 1581, de Reims et de Tours de 1583, de Bourges de 1684, d'Aix de 1585, de Narbonne de 1609, et elles ont été insérées dans les ordonnances du royaume.
L'article 11 de i'édit de 1606 porte « que les prédicateurs ne pourront obtenir la chaire des églises, même pour l'Avent et le Carême, sans la mission et permission des archevêques et évêques, ou leurs grands vicaires,chacun en leur diocèse. Et l'article 11 de I'édit de 1695 (conforme à l'article 28 du règlement spirituel de la Chambre ecclésiastique aux états généraux de 1614) porte « que les prêtres séculiers et réguliers ne « pourront administrer le sacrement de pénitence, « sans en avoir obtenu la permission des arche-« vêques ou évêques, etc. »
Telle est, nos très chers frères, la véritable forme du gouvernement ecclésiastique ; nos pères nous l'ont transmise de siècle en siècle, par une tradition non interrompue : et nous devons la transmettre nous-mêmes, sans aucune altération, à ceux qui viendront après nous.
Soyez doue soumis à l'autorité spirituelle, en tout ce qui est de son ressort. Il est nécessaire de vous y soumettre aussi, par un devoir de conscience (1), puisqu'il est écrit : Obéissez à vos conducteurs, et soyez-leur soumis; car ce sont eux qui veillent pour le bien de vos âmes; comme en devant rendre compte; afin qu'ils s'acquittent de ce devoir avec joie, et non en gémissant : ce qui ne vous serait pas avantageux (2). Et pour donner maintenant à cette autorité sainte, dont Jésus-Christ est le principe, la preuve de soumission qu'elle a droit d'attendre de vous, ne coopérez à aucun changement, dans l'ordre spirituel, avant qu'elle ait parlé.
Demeurez inviolablement attachés à la chaire de saint Pierre, à la sainte Eglise romaine, mère et maîtresse de tontes les églises, centre de l'unité catholique. Ne perdez jamais de vue cette vérité, qui vous a été enseignée dès l'enfance, que notre Saint-Père le pape est vicaire de Jésus-Christ, le chef visible de l'Eglise universelle, le père commun de tous les fidèles, et rendez-lui toujours le respect et l'obéissance qui lui sont dus à ces titres.
Demeurez-nous attachés comme à votre seul véritable évêque; car de même qu'il n'y a qu'une chaire de notre Seigneur, un seul autel, un seul calice, aussi n'y a-t-il qu'un seul évêque dans chaque église (3); et ceux qui ne sont pas envoyés par la puissance ecclésiastique et canonique, mais viennent d'ailleurs, ne sont pas ministres légitimes de la parole et des sacrements (4). Vous ne pouvez donc reconnaître aucun autre évêque que nous,jusqu'à ce qu il plai-e à Dieu de nous appeler à lui, ou que l'autorité spirituelle ait délié le nœud sacré qui nous unit à vous.
Ah! sans doute quelque désir que nous ayons de vous servir jusqu'à la mort, si cette autorité prononce que les circonstances exigent que nous remettions en d'autres mains le soinde vos âmes, nous sommes prêt à acquiescer à cette décision : nous répéterons ce que saint Grégoire de Na-
zianze disait au concile de Gonstantinople: « Si « je vous suis une occasion de trouble, je serai « Jonas : jetez-moi dans la mer pour apaiser la « tempête (1). » Non, jamais, avec la grâce de Dieu, aucun sacrifice ne nous coûtera pour contribuer à la paix de l'Eglise, et éviter les horreurs du schisme. Mais, tant que cette autorité n'aura point parlé, il ne nous est pas permis d'abandonner le poste où il a plu à la divine providence de nous placer; Dieu nous défend de vous laisser comme des brebis qui n'ont point de pasteurs (2). Que si, pour remplir ce devoir, il fallait que nous fussions exposé à quelques tribulations, nous supplierions le père des miséricordes de nous élever à ces dispositions sublimes où était l'apôtre saint Paui, quand il écrivait aux Colossiens:.te me réjouis de souffrir pour vous (3). Et nous pouvons du moins vous assurer, nos très chers frères, qu'au lieu de nos peines, nous aurions un grand sujet de consolation, en pensant qu'elles seraient la preuve de l'amour immortel que nous avons voué à cette église et à vous tous.
Demeurez aussi inviolablement attachés à vos pasteurs actuels, qui veillent sous notreconduite, pour le bien de nos âmes: vous ne pouvez en reconnaître d'autres, à moins qu'ils n'aient reçu la mission canonique de nous, ou de nos successeurs légitimes, ou de nos supérieurs dans l'ordre de la hiérarchie.
Et vous, nos chers coopérateurs, conservez toujours les sentiments dont vous avez été pénétrés jusqu'ici pour l'épiscopat. Ayez toujours devant les yeux ce que l'illustre martyr, saint Ignace, évêque d'An tioche ; cet homme, qui avait vu les apôtres, écrivait aux fidèles de son siècle : « Vous êtes soumis à votre évêque comme à Jésus-Christ, et c'est ce qui fait que je vous regarde comme vivant, non selon les maximes des hommes, mais selon celles de Jésus-Christ quiest mort pour vous... »
Il est nécessaire, en effet, de ne rien faire sans l'évêque.....Il faut le révérer comme celui qui est l'image du père (4)... suivez tous l'évêque, comme Jésus-Christ a suivi son père ; que personne ne fasse rien sans l'évêque, dans toutes les choses qui appartiennent à l'Église... Il n'est permis ni de baptiser,ni de tenir des assemblées sans l'évêque : mais tout ce qu'il approuvera ne peut manquer d'être agréable à Dieu.... Celui qui honore l'évêque est honoré de Dieu (5).
Que si nous vous rappelons ces témoignages si glorieux à l'épiscopat, ne pensez pas, nos très chers frères, que ce soit un esprit de domination qui nous anime (6). Ah ! que ce sentiment est éloigné de nous! Grâce au Seigneur, nous ne voyons dans le rang où nous sommes élevé, qu'une servitude honorable que la charité nous
impose pour sauver les âmes(l). Nous savons que le disciple n'est pas au-dessus du maître (2) et que celui dont nous avons l'honneur d'être le ministre n'est pas venu pour être servi mais pour servir (3). Enfin nous avons présente à l'esprit cette maxime si terrible de l'Esprit-Saint : Ceux qui président seront jugés avec une extrême rigueur (4). Aussi pourrions-nous dire, comme autrefois le grand évêque d'Hippone: Vous voyez avec quelle frayeur nous tenons ce langage (5). Mais c'est cette crainte même dont nous sommes saisis, dans l'attente d'un jugement si redoutable, qui nous oblige de conserver, avec le plus grand soin, les droits de la dignité dont nous sommes revêtus. Car le souverain juge nous en demandera un compte rigoureux, et la négligence à les maintenir deviendrait un titre de condamnation contre nous.
Donné à Boulogne, le vingt-quatrième jour d'octobre mil sept cent quatre-vingt-dix.
-J- Jean-René, évêque de Boulogne.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes :
Adresse des juges du tribunal du district d'Or-thez, de ceux du district de Pau, du district de Dreux, et du district de Bain, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l'Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement.
Adresse des membres du club de l'unité de Genève, qui remercient vivement l'Assemblée du décret qu'elle a rendu en l'honneur de J.-J. Rousseau. Ils annoncent qu'un très grand nombre de Genevois, qui sont exclusivement membres de leur conseil national, s'étant réunis à ceux qui en sont exclus pour voter la présente adresse, cette adhésion est un favorable augure qu'ils ne tarderont pas à jouir d'une Constitution fondée sur les bases de la liberté et de l'égalité politiques.
Adresse de M. Gaspary, consul honoraire à Athènes, résident à Marseille, qui envoie le procès-verbal du serment civique qu'il a prêté par-devant la municipalité de cette ville.
Adresse du curé et des vicaires de la paroisse de Villers-le-Bel, département de Seine-et-Oise, qui font part à l'Assemblée de leur entière adhésion à ses décrets, et de leur résolution de, prêter le serment prescrit au sujet de la constitution civile du clergé.
(Cette dernière adresse est vivement applaudie.)
Il est ensuite fait lecture d'une lettre écrite à M. le Président par M. Bailly, maire de Paris, qui rend compte de deux adjudications de biens nationaux, faites la veille par la municipalité.
Il est donné lecture d'un mémoire présenté à l'Assemblée nationale par le sieur Yieilh de Va-rennes pour réclamer la récompense due aux services qu'il a rendus à la chose publique, à l'époque de la Révolution, et depuis le siège de la Bastille, où il fut blessé, et où il sauva la vie, au péril de la sienne, au sieur Clouet, régisseur des poudres et salpêtres, services qui sont attestés par un grand nombre de citoyens les plus re-commandables.
Un membre demande le renvoi de ce mémoire au comiié des pensions.
(Ce renvoi est décrété.)
fait lecture d'une pétition relative à l'égalité des partages entre les enfants et signée par plus de quatre mille citoyens de différentes sections de la ville de Lyon et par la société des amis de la Constitution, réunis au comité central. — Il demande que cette pétition soit renvoyée aux comités de Constitution et féodal réunis, chargés de présenter un travail sur cette matière, et que mention en soit faite dans le procès-verbal. (L'Assemblée décrète cette motion.)
,au nom des comités du commerce et militaire. Vous avez décrété, le 5 septembre dernier, un modèle de bouton uniforme des gardes nationales. Sur l'observation qui vous fut faite qu'il se fabriquait à Londres un approvisionnement de ces boutons, dont l'importation allait faire tort aux manufactures françaises, vous ordonnâtes, le 23 décembre, un nouveau modèle. Depuis ce dernier décret, un grand nombre de manufacturiers français vous ont adressé des réclamations, fondées sur ce qu'ils ont fait, sur la foi de votre premier décret, des avances considérables pour la fourniture des boutons des gardes nationales ; qu'ils ont traité avec plusieurs districts. 11 serait injuste en effet de donner à votre décret du 23 décembre une exécution immédiate, dont l'effet serait de ruiner une foule de manufactures. Un délai de dix-huit mois suffirait pour assurer le débit des boutons déjà fabriqués. Je suis chargé, par vos deux comités, de yous présenter le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités du commerce et militaire, décrète que le bouton uniforme, décrété, le 23 décembre dernier, pour les gardes nationales du royaume, ne pourra être en usage qu'à l'époque du 14 juillet 1792, et que, jusqu'à cette époque, les gardes nationales continueront de porter le bouton tel qu'il a été décrété le 5 septembre dernier. »
Si les fabricants ont en ma- > gasin une grande quantité de boutons à l'ancien type, d'autres fabricants n'en ont peut-être pas moins au nouveau, etjevousdemandes'ilestjuste défavoriser les premieis pour écraser les autres. Je prévois d'avance votre réponse et vous pei,serez comme moi qu'il est plus sage, qu'il est plus juste d'admettre les deux espèces de boutons au concours. Je demande la question préalable surlapropo- i sition dgs comités. I
,rapporteur. Le décret du 27 novembre n'est pasencore sanctionnée^ par conséquent, il n'est pas présnmable que les manufacturiers aient déjà fabriqué des boutons au nouveau type. Il serait dangereux d'ailleurs d'admettre à la concurrence les deux espèces de boutons, parce que ce serait un motif de division parmi les gardes nationales et une satisfaction pour les ennemis du bien publie.
Rappelez-vous, Messieurs, que lorsqu'on fit dans cette Assemblée la motion de donner les boucles d'arg'ni, cette motion favorisa évidemment une trame spéculatrice de l'Angleterre; car, au mome it où elle fut adoptée, on vit pleuvoir en France un déluge de boucles de cuivre, qui se vendirent jusqu'à 15et24 livres la paire. Prenez bien garde, Messieurs, que oe nouveau projet ne cache quelque spéculation ; mais je n'ose la prévoir, je n'ose même la soupçonner; mais je ne puis m'empêcher de vous dire que la conduite de votre comité est étrange et qu'il semble se jouer de cette Assemblée. Voilà déjà, dans l'espace de moins de deux mois, le troisième décret sur le même objet; qui sait si dans quinze jours il ne vous en proposera pas un quatrième? Un décret, Messieurs, n'est pas un jeu d'enfant; un décret ne doit pas être soumis à tant de variations. J'appuie donc la demande de question préalable.
Je demande que la discussion soit fermée. (L'Assemblée consultée décide que la discussion est fermée.) (La question préalable est ensuite mise aux voix et rejetée.) (Le projet de décret du comité est adopté.)
Je demande la permission de communiquer à l'Assemblée une adresse du sieur Templier, curé d'Aubagne, district de Marseille, qui annonce qu'il a prêté son serment curial, à la grande satisfaction du peuple, et au milieu de tout le clergé séculier et régulier de sa paroisse; elle renferme des sentiments vraiment patriotiques, et conformes au véritable esprit de la religion... (Il s'élève de violents murmures du côté droit.) Les membres ecclésiastiques de la minorité demandent l'ordre du jour.
Je demande que Monsieur soit entendu; c'est l'ordre du jour. (La lecture de l'adresse est ordonnée.)
Cette lettre est ainsi conçue : « Conformément au décret de l'Assemblée nationale rendu sur le rapport du comité ecclésiastique que vous présidez, le premier de ce mois, j'ai prêté dans mon égiise le serment civique concernant les curés conservés dans leurs fonctions; il a été suivi à la grande satisfaction du peuple, de celui de tout le clergé de cette ville séculier et régulier. « Le conseil général de là municipalité, animé du civisme le plus pur, a assisté à la cérémonie qui a été annoncée et consommée avec la plus grande célérité. Ministres d'une religion dont les principes ne contrarient aucuoe forme de gouvernement, que les hommes, par conséquent les empires, veulent adopter, nous nous sommes empressés de
donner l'exemple de l'obéissance qu'elle nous •commande. « Puisse mon zèle à faire connaître mon dévouement pour la chose publique, être profitab'e à la patrie et déconcerter les menées des ennemis de la Révolution et mérit r l'honneur de vous dire qu'on ne peut être avec plus de respect, etc...» (Applaudissements.) Un membre du comité des rapports entretient l'Assemblée d'un conflit de commerce élevé entre un restaurateur et un maître de café, tous les deux établis dans la partie de l'enceinte de l'Assemblée, appelle jardin des Capucins. Le second établi s'est tellement rapproché du premier que l'on ne peut plus parvenir chez celui-ci que par une ruelle; en outre, son enseigne se trouve totalement masquée...
Je ne sais pourquoi le comité des rapports vient entretenir l'Assemblée d'une pareille affaire. Je demande qu'en punitio i ne nous avoir fait perdre du temps pour un semblable sujet, le comité soit : 1° rappelé à l'ordre; 2° cassé. L'Assemblée adopte le décret suivant : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports sur la pétition de Louis-Charlemagne David, concernant la construction entreprise par Robert Payen dans Je petit jardin des Capucins, déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer, et que la suspension des ouvrages, ordonnée le 11 de ce mois, n'aura aucun effet, sauf aux parties à se pourvoir, s'il y a lieu, devant qui de droit. » L'ordre du jour est la discussion du rapport du comité des domaines sur la donation et Vé-ehange du Clermontois (1).
J'ai plusieurs titres à mettre sous vos yeux, relativement à l'affaire
du Clermontois; l'ordre à mettre dans cette discussion m'oblige à en
rejeter l'examen à la seconde partie de mon discours. Le rapporteur du
comité a commencé par discuter les principes de ia législation
domaniale, pour prouver que Je Gler-montois n'a pas pu être cédé au
grand Gondé. Il a effectivement toujours été de principe dans la nation
française que le domaine national est inaliénable; son
imprescriptibilité a été consacrée par toutes les lois du royaume, et
ces lois me paraissent infiniment sages; car on ne peut se dissimuler
que dans les dons des cours il y avait les plus grands abus. Sans
m'étendre davantage sur les principes qu'a établi à cet égard M. le
rapporteur, principes auxquels je donne un plein et entier assentiment,
je vous rappellerai, en faveur de M. de Gondé, les devoirs les plus
rigoureux, non seulement du législateur, mais de tout homme chargé de
remplir les engagements et les dettes d'une nation. 1° Faut-il appliquer
à M. de Condé la rigueur des principes nationaux, relativement au
domaine? 2° Doit-il être dépouillé ? Telles sont les deux questions que
je vais discuter. Je prouverai que la rigueur des principes ne peut être
appliquée à l'affaire dont il s'agit, que M., de Gondé ne peut être
privé du droit dont il jouit depuis 150 ans. La maison de Gondé,
branctie cadette de la maison de Bour-
Groyez-vous, Monsieur l'abbé1, que la gloire de la nation dépende de M. Capet Condé, d'un homme qui l'a quittée, qui est devettu l'ennemi de sa patrie...
Rien n'est plus digne d'un ban citoyen, dans une discussion de cette importance, que de présenter paisiblement ses observations. Je demande donc que le membre qui m'a interrompu soit entendu.
Puisque M. l'abbé Maury demande qu'on lui fasse paisiblement des observations, j'en ferai quelques-unes sur la prêta,ière partie de son discours. J'ai l'honneur d'observer que longtemps on s'est servi, eu parlant des rois, du terme de générosité: ce n'ét it qu'un mot vide de sens. Les roi^ etaient généreux de l'argent qui ne leur appartenait pas. (On applaudit.) M. Necker, qui ne s'attenJait peu -être pas à être cité ici, nous a dit, par citation aussi, dans ses ouvrages ; que les courtisans jouissaient de la générosité des rois, et les peuples de leurs refus.......
C'est Montesquieu qui a dit cela.
Je sais très bien que
c'est Montpsquieu qui l'a dit. Aussi disais-je que M. Necker l'a répété par citation. Je connais très bien Montesquieu, et j'aurais pu très souvent faire voir à M. l'abbé Maury qu'il le citait inexactement ; mais ce n'est pas là la question. Le prëopinant a cherché à exciter, en faveur de M. Condé, la générosité de l'Assemblée nationale: cette considération est illégitime; il faut juger la question d'après les principes. Il est inconvenable d'invoquer une générosité à laquelle l'Assemblée ne peut se livrer qu'aux dépens des peuples..... 11 ne faut pas fatiguer l'Assemblée d'une érudition inutile. Il faut remonter aux principes; s'ils sont favorables à M. de Condé, il faut lui laisser le Clermontois; s'ils lui sont contraires, il faut le lui ôter : voilà toute la discussion.
Lorsque j'ai osé invoquer la générosité de la nation, je n'ai pas entendu parler de la générosité des rois. Je sais bien que dans les cours la générosité du prince s'exerçait aux dépens de la nation ; mais la nation est juste lorsqu'elle récompense avec générosité les services qui lui ont été rendus. Je trouve précisément dans l'ordre de cet argument un moyen qui doit établir que ce que j'appelle générosité, la nation doit l'appeler justice. J'appelle justice ce qui représente une dette nationale, la récompense d'un service rendu, l'exécution d'un engagement légitimement contracté... Lorsque Louis XIV a disposé de Clermont, de Stenay et de Janm tz en faveur du prince de Condé, quels étaient les titres de ce prince pour obtenir cette faveur de la munificence du roi? J'ai là-dessus à vous présenter quelques considérations particulières : 1° La cession du Clermontois a été faite au grand Condé en vertù du traité des Pyrénées; elle a été garantie par ce traité. Je ne prétends pas faire de ce traité un titre positif et suffisant, ni présenter la garantie à l'Espagne comme une considération qui doive vous déterminer seule. Il me suffit de prouver qu'on ne peut, contre la donation nu Clermontois, tirer d'argument des abus ordinaires des cessions, puisque M. Condé se trouve dans un cas particulier, et qu'il était de l'intérêt de la nation de souscrire à la convention proposée par l'Espagne.
Le grand Condé ayant sauvé la France sous la minorité d'un jeune roi, ayant assuré à la France la possession de trois provinces, n'avait encore reçu, je ne dis pas en faveurs de la cour ; mais en domaines ou apanages, pas un pouce de terre. Voici comment Louis XIV s'exprime dans le préambule de l'édit de la donation, comme s'il eût prévu qu'un jour on demanderait compte à sa mémoire des dons qu'il a faits. Je doute qu'un seul d'enire vous trouve M. le prince de Condé trop récompensé; on n'estime pas la nation trop heureuse d'avoir payé des services aussi importants à un aussi bas prix. « Les services de notre cousin le prince de Condé, sont tels qu'il doit en résulter une paix universelle dans la chrétienté, et surtout le repos et la sûreté du royaume. Nous nous croyons obligés de prouver à la nation que nous savons reconnaître de si grands services, etc. » Ce héros qui avait protégé le berceau d'un roi enfant, qui avait gagné la bataille de Rocroy, qui avait résisté aux insinuations des puissances étrangères et aux conseils de l'ambition, qui avait gagné les batailles de Fribourg, Norlingue, Lens, etc., ne put obtenir un gage de la reconnaissance des Français, lorsqu'il était le sauveur de la France.
C'est à cette époque où par une singularité bien remarquable et bien instructive, ce même grand Condé, qui était toujours victorieux quand il combattait pour la France, fut toujours battu quand il prit les armes contre ses concitoyens; c'est, dis-je, à cette époque qu'il reçut le Clermontois en rentrant en France, et par l'effet d'une des stipulations de la paix des Pyrénées. Cette donation fut évaluée à 100,000 livres. Après 140 ans de jouissance d'une donation aussi légitime, une nation qui s'est toujours montrée juste et reconnaissante des services qu'on lui a rendus, ne privera pas les héritiers d'un héros de la seule récompense qu'il ait obtenue ; elle ne pensera pas que les services du grand Condé sont trop récompensés, puisqu'elle a vu depuis des particuliers qui n'avaient rien mérité, recevoir des récompenses beaucoup plus considérables ; j'ai insisté sur des considérations, non pas comme des preuves légales, mais pour vous rassurer sur les conséquences que vous pourriez craindre qu'on ne tirât de votre décret, si vous consacriez une concession de Louis XIV. En effet, vous conclurez de mes observations que nulle concession particulière ne peut être comparée à celle qui a été faite au grand Condé.
Je vais essayer de prouver que M. de Condé peut braver la rigueur des principes domaniaux. En effet, lorsque le Clermontois a été cédé à la maison de Condé, le domaine avait deux objets : les droits régaliens qui étaient abusifs; ils ont été supprimés, et je n'en parle point à présent. J'avoue que M. de Condé a été indemnisé de leur suppression, quoiqu'il n'eût pas dû en jouir; mais les domaines particuliers du Clermontois ont pu lui être légitimement cédés; et pourquoi? Parce qu'ils n'étaient pas alors réunis au domaine de la couronne. Selon les publicistes, lorsqu'un pays était conquis, il y avait deux formalités nécessaires pour le réunir au domaine, ou les lettres patentes qui déclaraient cette réunion opérée, ou la simple perception des droits que faisait le receveur général des finances. Le Clermontois a été conquis en 1633 par le grand Condé. Le rapport qui vous a été fait porte sur cette base unique, car c'est ici où se trouve toute la difficulté, et c'est ici que je prie me3 adversaires de me prêter une grande attention; car si je prouve que par cette conquête, et par le traité de 1641, la réunion au domaine n'a pas été opérée, j'aurai prouvé que le Clermontois n'était pas inaliénable, et qu'il a pu être cédé au prince de Condé.
11 y a eu, relativement au Clermontois, trois traités : l'un en 1641, l'autre en 1644, le troisième en 1661. Je crois pouvoir soutenir que le rapporteur aux lumières et à l'intégrité duquel je me plais d'ailleurs de rendre justice, s'est trompé de vingt ans sur l'époque de la réunion. Je prouverai : 1° que,par le traité de 1641, le Clermontois n'a pas été réuni à la couronne; 2° je ferai voir que, quelles que soient les stipulations de ce traité, celui de 1644 prouve que la réunion n'était pas effectuée à cette époque; 3° j'établirai que le Clermontois n'a été réellement réuni qu'en 1661. (Il sélève quelques murmures.) Je ne me dédis pas. Le rapporteur n'a pas eu connaissance des titres que je vous présente, ces titres je les ai puisés, non pas dans les archives de la maison de Condé, mais dans l'histoire. Le traité de 1644 se trouve imprimé dans tous les codes diplomatiques répandus en Europe; il est absolument décisif dans la question qui vous occupe.
En 1641 s'est fait un premier traité entre Charles de Lorraine et Louis XIII. Il ne stipulait
aucune espèce de réunion; ce n'est pas en effet par un traité avec un prince étranger qu'on réunit un territoire dans l'intérieur du royaume; mais la raison quia fait regarder encore après le traité de 1641, le Clermontois comme un bien extradomanial, c'est que les divisions subsistèrent toujours entre la France et le duc de Lorraine. Il y eut un traité particulier en 1644; en voici un extrait imprimé : Article 3. « Sa Majesté gardera, jusqu'à la lin des différends le Glermontois,comme un dépôt seulement. »
Or, si le Glermontois avait été réuni en 1641, comment aurait-on pu stipuler en 1644 que Louis XIV conserverait ce territoire comme un dépôt seulement1 II est évident, d'après cette expression, que ni Louis XIV ne croyait avoir déjà réuni le Glermontois à son domaine, ni le duc de Lorraine ne croyait l'avoir abandonné.
Un membre : Je demande par quel ministre le traité dont parle M. l'abbé Maury a été ménagé ?
J'ai le traité en original sur mon bureau; je vais le faire chercher. (Il s'élève des murmures.) J'ai l'honneur d'observer, que quand j'insiste sur ce traité, je sens parfaitement bien que mon argument n'a de force que par ce traité même. Si l'Assemblée ne veut pas juger actuellement sur la foi de ce traité, je serai le premier à demander qu'elle ordonne que je présente au comité l'acte original; je certifie que quand la question sera réduite à ce point de fait, la discussion sera fort courte. Si Louis XIV ne conservait en 1644 le Glermontois, que comme un dépôt, il n'était donc alors pas encore réuni au domaine; il a donc pu en disposer. (Il s'élève des murmures.) Un membre: La réunion est formellement prononcée par le traité de 1641, et ratifiée par celui de 1661. Je crois que M. l'abbé a confondu.
Il serait fort au-dessous de la majesté de l'Assemblée de s'arrêter plus longtemps à une question de fait. Je n'ai pas droit à votre confiance, mais à votre attention. Je vais faire chercher le texte original. Un membre : Ce texte ne fait rien à la discussion.
Voici l'extrait de l'article : « Les forteresses et châteaux de Clermont seront rasés avant d'être rendus au duc. » Si l'on supposait que Clermont pouvait être rendu au duc, il ne lui était donc pas donné; il lui appartenait ; il n'était pas réuni au domaine de Fiance. (Les murmures augmentent ; il s'y mêle quelques éclats de rire.) Le pius grand malheur pour un orateur, c'est d'avoir à discuter une question de fait dans une nombreuse assemblée... On m'objecte que si le Clermontois a été donné au duc de Lorraine en 1644, il n'a pu être donné par la France au prince de Condé en 1648, sans qu'il ait été fait une rétrocession, et un nouveau traité intermédiaire à ces deux époques. On m'objecte encore que si le Clermontois n'a pu être donné, mais rendu au duc de Lorraine en 1644, il n'a, par la même raisun, pu être donné au prince de Condé en 1648. On me fait plusieurs arguments autour de latrioune... Je supplie de considérer que j'improvise... Ces objections sont dignes de toute votre attention. Le Clermontois a été conquis par la France en 1633; il était une conquête sans être un domaine national. L'incorporation au domaine n'était pas faite en 1644. Si le traité a été fait avec le duc de Lorraine en 1641, il n'a pu avoir pour objet les domaines particuliers et les droits régaliens mouvants de l'empereur... Un membre: Ce n'est pas là la question..... Vous parlez contre vous.....
Je prouverai tout contre la nation, si je prouve que, lorsque Louis XIV a disposé du Clermontois, ce pays ne faisait pas partie du domaine.......Je continue de lire le texte du traité de 1644......Art. 5. « Sa Majestépourra garder la ville de Stenay, pour être réunie à la couronne »..... Ce comié n'était donc pas réuni, puisque le roi voulait en stipuler la réunion. Sa charge de l'indemnité est un autre article du traité ; ce qui prouve la non-réunion. Ce mot explique : 1° que le duc fait l'abandon d'un territoire qui devait servir à récompenser le prince de Condé; 2° que Louis XIV a contracté, d'une manière peu explicite, l'engagement de l'indemniser..... J'arrive à une considération également importante. Autant j'ai regardé la stipulation faite par une puissance étrangère en faveur d'un sujet de l'Empire, comme ridicule et de nulle considération, autant j'ai reconnu, à l'égard du traité des Pyrénées, que les stipulations particulières qu'il renferme au sujet de M. le prince de Condé, sont un moyen décisif dans cette cause. Ce n'est plus une convention diplomatique; c'est un véritable contrat. Ce n'est donc pas sans raison que j'ai appelé sur ce traité les regards de l'Assemblée comme sur le critérium de la cause, comme un traité d'après lequel M. le prince de Condé ne se présente plus devant vous comme pétitionnaire pour invoquer votre munificenc„e, mais comme plaideur pour réclamer votre justice. Ce traité est encore imprimé dans tous les codes diplomatiques. Il porte expressément, comme conditions de la paix, que le Clermontois sera donné à la maison de Condé. Louis XIV ne prévoyait pas qu'un jour il aurait d'autres juges de "ses dons que lui et ses successeurs. Si cependant il avait prévu ce qui arrive aujourd'hui, il n'aurait pas pu prendre des précautions plus rigoureuses que celles qui sont renfermées dans ce traité pour la conservation de la jouissance de M. de Condé.....Je conclus, en me réservant d'abord le droit de répondre aux objections particulières qui seront faites, que i'atfaire soit renvoyée au comité des domaines. Je vous ai cité un fait nouveau ; je vous ai présenté un traité qui n'était pas à la connaissance du comité. Il y aurait ouverture à requête civile aux tribunaux; comme juges vous ne pouvez refuser un nouvel examen. Il est parvenu à votre connaissance un fait de la plus haute importance, un titre que j'invoque, un titre que je vous dénonce; ce que je demande n'est pas un sursis. Qu'importe-t-il à M. de Condé quel jour il succombe? Ce que je demande est un jugement qui lui soit favorable; un jugement qui ne peut être juste que lorsque la matière aura été bien approfondie. Lorsque le comité verra que le Glermontois n'était pas encore réuni aux domaines lorsque le roi en a disposé, if ne pourra plus contester cette propriété. Un membre: On croirait, après le traité que M. l'abbé Maury a cité, que Louis XIV a rendu au duc de Lorraine Clermont avec les fortifications rasées ; or, ie fait est faux.
Un autre membre: Si on a pu proposer de rendre Clermont en 1614 , ce comté appartenait donc à la couronne en 1641, je fais cette objection sans donner aucune importance au traité qu'on a cité.
,rapporteur. En qualité de rapporteur du comité, je ne crois pas devoir m'op-ser à la vérification du fait allégué par M. l'abbé Maury ; mais je dois observer, a l'égard du prétendu traité de 1644, que s'il existe, il ne d>oit rien changer au projet de décret de votre comité des domairn s. Pendant la guerre de Trente ans, il a été fait plusieurs traités. En 1631,1e duc de Lorraine vendit Clermont et ses dépendances.En 1641, sa condition étant plus mauvaise, il fut obligé de le céder. C'est à cette époque que la réunion s'est faite. La ratification n'est pas nécessaire pour la réunion aux domaines. Le traité de 1644 ne doit pas être regardé comme un véritable traité. La position du duc de Lorraine était alors celle d'un véritable aventurier, qui n'avait qu'une armée de 15,000 hommes. C'est pour le détacher du parti de l'empereur et de l'Espagne qu'on lui fît la proposition de lui donner Clermont avec ses fortifications rasées.
Je parle rarement dans cette AssemLlée ; je vous prie de me donner un moment. Comme il est question d'un point d'histoire sur lequel j'ai quelque connaissance, je suivrai le rapport de votre comité, pour faire voir les endroits où il s'écarte de l'exactitude des faits. L" rapporteur parle d'abord d'un traité fait en 1631 par le cardinal de Richelieu, et dit ensuite: ce ministre se détermina à un sacrifice pécuniaire, pour terminer une longue querelle. Richelieu désirait réunir à la couronne une petite province qui était à l'extrémité de la frontière (car vous savez qu'alors la Lorraine ni l'Alsace n'appartenaient à la France) ; il proposa au duc de Lorraine de lui acheter le territoire de Clermont au denier 50. Ce traité n'ayant point eu d'exécution, et les hostilités ayant commencé en 1632, parce que Monsieur, frère du roi, s'était réfugie en Lorraine pour épouser une princesse sans le consentement nu roi, le cardinal de Richelieu déclara ce prince criminel d'Etat, et fit la guerre au duc de Lorraine. En 1641, il intervint un traité ; mais ce traité n'effectuait pas la réunion ; car,dans celui de 1644, on cédait au duc de Lorraine, qu'on vous a justement représenté comme un aventur ier à la tête d'une petite armée, qu'il vendait successivement à différentes puissances ; on offrait, dis-je, de lui rendre et de conserver, comme dépôt seulementet provisoirement, Nancy et le château de Clermont ; ce qui prouve qu'il ne faisait pas encore partie du domaine national. M. l'abbé Maury a prétendu que Je duc de Lorraine avait été indemnisé; il ne l'a pas été; battu et dépouillé, il a été obligé de se contenter de ce qu'on a bien voulu lui laisser.....Le roi a eu Te droit de reunir Clermont à la couronne ; mais Stenay et les autres fiefs et prévôtés qui mouvaient de l'Empire, il ne pouvait point les réunir au domaine. Aussi, lorsqu'on a donné au prince de Condé, Stenay et Jametz, la duchesse de Lorraine a-t-elle fait des oppositions au parlement. Si ce territoire avait alors déjà été réuni au domaine, il n'y aurait pas eu d'opposition. Par l'effet du traite de" 1644, la duchesse espérait pouvoir être réintégrée dans la possession de Clermont tde ses uépendances; mais sa requête au parlement ne fut point reçue..... Dans le moment où e g rand Condé est entré en possession, il a nom- mé des juges, des administrateurs ; la maréchaussée avait pris sa livrée, comme c'était alorsl'usage. Ici je diffère d'opinion arec M. l'abbé Maury ; il vous a dit que le roi n'avait pas pu donner à M.de C ndé les droits régaliens sur le Clermontois, puisqu'il est de principe, dans la monarchie, que ces droits sont incessibles. Le fait est inexact: le roi s'était réservé sur le Clermontois la souveraineté, le droit d'établir les impôts, la législation. Il n'a cédé aucun des droits dits régaliens. Quand vous avez déclaré les droits régaliens incessibles,, vous n'avez entendu par ces droits que ceux dont jouissaien t autrefois les grands IVudataires, savoir : le droit de frapper monnaie, de lever l'impôt, etc. Jamais la maison de Condé n'a jo i de ce pouvoir-Elle a joui du produit des droits, sans pouvoir les établir ; et comme les fermiers généraux jouissaient des droits qui leur étaient abonnés; enfin, elle n'avait pas l'exercice des droits régaliens. La concession est donc légitime de ce côté-là. Je m'écarterai encore de l'avis de M. l'abbé Maury. Il a dit qu'il n'était pas convenable qu'une puissance étrangère prescrivît à l'Etat des conditions en faveur d'un sujet de l'Empire; il a même ajouté que la considération de cette stipulation n'était d'aucun poids. Voici comment la chose se passa. Les articles relatifs au prince de Condé éprouvèrent tant de difficultés; parla haine et la crainie qu'il inspirait au cardinal, que sur vingt conférences, quinze le concernèrent. Les deux puissances avaient besoin de la paix. Le roi d'Espagne consentait à céder Avesne, à condition que le Clermontois serait rendu au grand Condé. Le judicieux président Hénault a rapporté, dans son histoire, que Louis XIV craignait que le prince de Condé, recevant du roi d'Espagne la possession de plusieurs places françaises, ne devînt pour la France un ennemi redoutable, il céda donc sans peine le Clermontois. (On applaudit.) Il était déjà dit que les domaines étaient inaliénables ; mais lors même que Je Clermontois eût été alors réuni au domaine, il n'eût pas moins fallu le céder, puisque c'était le seul moyen d'obtenir la paix... L'on a bien cité ces mots : « Ledit seigneur prince sera restitué dans la jouissance du Clermontois ; » mais on n'a pas ajouté qu'il lui serait restitué avec I autorité et le droit de justice, tels qu'i s s'y exercent actuellement, sans qu'il puisse être jamais poursuivi ni troublé dans sa possession nonobstant toute donation ou réunion à ce contraire. Voilà ce qui a été promis par le roi de Fiance, législateur de la nation, au roi d'Epagne; voilà ce que le traité garantit ; et je commence par féliciter la nation d'avoir pu rentrer dans la jouissance immédiate des droits du Clermontois, sans une beaucoup plus considérable indemnité. Je répète que, par le traité de 1641,1a réunion du Clermontois au domaine n'avait pas été opérée ; que ce n'est qu'en 1661, que ce traité a été ratifié. Le prince de Condé avait d abord été mis en possession, sans être assuré d'y être maintenu : car le roi n'avait pu lui donner plus de droit sur le Clermontois qu'il n'en possédait lui-même ; il n'avait pu surtout lui donner ceux qu'il ne possédait pas encore. Par le dernier traité, les donations antérieures furent ratifiées, et la possession garantie. Je n'entrerai pas aujourd'hui dans la question de savoir si, dans l'échange du Clermontois, la nation a été lésée, si cet échange est légitime ; c'est une seconde question importante que je traiterai dans un autre moment, et sur laquelle j'ai plusieurs moyens à faire valoir et plusieurs
faits à citer. Il est plus intéressant en ce moment d'examiner si le Clermontois a jamais été réuni au domaine. Je demande le renvoi de cette question au comité des domaines, réuni au comité diplomatique, pour examiner quel effet le traité des Pyrénées doit avoir sur la possession de M. de Condé. Il est surtout de l'intérêt de la nation que les puissances étrangères n'aient aucun prétexte de se mêler de nos affaires, etpourcela il ne faut pas les choquer. (La partie droite et un très grand nombre des membres de la partie gauche applaudissent.)
paraît au milieu de la salle, agitant des mains, et offrant aux regards de l'Assemblée un in-folio, qu'il veut porter à la tribune, pour lire le traité de 1644. L'Assemblée adopte le décret suivant : « L'Assemblée nationale décrète l'ajournement de la question : le comité diplomatique se réunira à celui des domaines pour examiner ensemble l'effet du traité des Pyrénées, celui de 1664, et autres traités antérieurs et intérieurs concernant le Clermontois, pour lui en être fait incessamment un nouveau rapport. »
Le scrutin de ce matin pour la nomination d'un président n'a pas donné de résultat. Aucun des candidats n'ayant obtenu la majorité, il y a lieu de procéder à un second scrutin. Les nouveaux secrétaires élus en remplacement de MM. Armand, Bion et l'abbé Latyl, sont : MM. Voidel, Goudard et l'abbé Jacquemart. Les quatre commissaires adjoints au comité pour la surveillance de la nouvelle fabrication des assignats sont: MM. GasleManet, l'abbé Latyl, Dufau et Dauchy.
Je forme opposition, autant qu'il est en moi, à ce que M. l'abbé Jacquemart soit secrétaire ; il n'a pas prêté le serment. (Cette observation n'a pas de suite.) La séance est levée à dix heures.
Séance du
La séance est ouverte à onze heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des aeux séances d'hier qui sont adoptés.
Il est donné lecture de l'adresse suivante du siéur Christophe Poiter, manufacturier anglais, établi à Paris (2) :
« Messieurs, le fruit de vos lois bienfaisantes est non seulement de rendre les Français citoyens, mais encore de rendre les étrangers français. Le
sieur Christophe Potier, manufacturier, Anglais de nation, s'empresse en ce moment, non à vous en assurer, mais à vous en convaincre. Etabli à Paris vers les commencements de la session, il lui a été facile d'augurer que la régénération de l'Empire commencerait celle de l'industrie. Son espoir n'a point été trompé. Il a lit le décret qui désormais va faire de cette contrée la patrie des arts; et cette patrie, il l'adopte pour la sienne. Dans ce pressentiment qui ne l'a jamais abandonné, le sieur Potter a constamment exercé environ cinquante ouvriers à différents essais dans des genres inconnus. Ses divers travaux l'ont obligé à des recherches, et ces recherches l'ont conduit à des découvertes, parmi lesquelles il en est une fort intéressante po.ur ses nouveaux concitoyens, c'est que le sol de la France renferme dans son sein les matières premières qui, jusqu'à présent, ont fourni à l'industrie étrangère une branche de commerce très étendue, et qui lui donnait les plus grands avantages sur votre industrie nationale.
« Le sieur Potter demande en conséquence à élever en France une manufacture où diverses matières et productions indigènes, traitées d'après des principes nouveaux et sans le secours des étrangers, seront employées en fabrications utiles à toutes les classes de citoyens, donneront du travail à plus de cinq cents ouvriers des deux sexes, depuis l'enfance jusqu'à l'âge le plus avancé, et procureront à la nation française la supériorité la plus marquée sur ses concurrents.
« Le sieur Potter ne perd donc pas un moment à faire, devant l'Assemblée nationale elle-même, sa soumission pour une patente qui lui assure la propriété de ses découvertes pendant quinze années, en déposant par écrit ses secrets et manière d'opérer.
« Mais, à cette demande, il en joint une autre qu'il supplie la nation de ne point rejeter» G'eSit d'être admis à offrir, tous les ans, en don patriotique le quart du produit net de ses bénéfices affirmés par serment ; et son vœu, Messieurs, est que cette somme, quelle qu'elle puisse être,, soit ajoutée à celles qui seront employées en encouragements pour les artistes français, avec lesquels le sieur Potter espère toujours fraterniser. »
(L'Assemblée ordonne l'impression de cette adresse, son insertion au procès-verbal et son renvoi au comité d'agriculture et de commerce.)
J'ai reçu du sieur Trannoy, curé de Rezoy, chef-lieu du canton de Liancourt, di.-trict de Glermont-en-Beauvoisis, département del'Oise, une déclaration contenait la prestation du serment faite par cet ecclésiastique le 14 janvier 1791.
Cette déclaration est ainsi conçue (1) :
Déclaration de mes sentiments sur le décret de la constitution civile du clergé, et la prestation de serment qu'il requiert.
« Commepersonnen'ignoreragitatioin, l'anxiété f t le trouble d'un grand
nombre de consciences timorées, à l'occasion du décret de la
constitution civile du clergé et de la prestatian de serment requise par
ledit décret, peut-être laisse-
» Je déclare donc, avec ce même organe que la suprême vérité a daigné se choisir pour éclairer les consciences, édifier les âmes, et toucher les cœurs, qu'après les plus mûres réflexions sur une constitution qui a malheureusement été un sujet d'erreur et un objet de calomnie pour plusieurs, je n'y vois rien de contraire aux quatre principaux caractères qui distinguent l'Eglise de Jésus-Christ, à son unité, à sa sainteté, à sa catholicité, à son apostolicité.
« Je déclare que j'y vois, au contraire, le plus puissant préservatif, dont aucune assemblée de principaux ministres de l'Eglise ait encore jusqu'ici conçu le projet, contre tout usage arbitraire et abusif de la puissance que Jésus-Christ a laissée à son Eglise, et par conséquent un moyen très efficace de faire respecter à jamais cette puissance parmi nous.
« Je déclare que si, d'après cette constitution, il survenait quelque schisme, ce qu'à Dieu ne plaise, il ne pourrait être la suite naturelle de cette constitution, mais bien l'effet funeste de l'anti-patriotisme, de l'égoïsme, ou delà religion trompée, et de la conscience erronée des ministres opiniâtres à y refuser leur serment d'adhésion ; et que toute résistance de cette nature pouvant seule être une semence de scission, j'ai cru que j'en devais avoir la plus vive horreur, et m'en faire le plus grand crime.
« Je déclare, et ma conscience me force à publier hautement, au mépris de tout respect humain, même de tous périls et risques, que je n'ai vu, dans cette constitution, qu'un plan de réforme, dont le plus célèbre concile n'eût probablement pas été capable ; etqu'après l'avoir soigneusement médité dans tous ses points, je n'ai senti que la plus vive ardeur d'y joindre le sceau de mon serment requis, et la trop juste impatience de rendre l'hommage de mon adhésion Ja plus parfaite aux lumières pures et infiniment profondes dont elle est l'ouvrage.
«Je déclare,enfin, qu'une seule chose ma paru, d'après le plus sérieux examen, pouvoir être encore à désirer, dans cette constitution, par tout prêtre également fervent et éclairé ; ce serait un nouvel article additionnel, qui autorisât tous les ministres fonctionnaires, et notamment tous les évêques et autres pasteurs de l'Eglise, à renouveler ce même serment, tous les ans, à une époque déterminée par ledit article, pour s'entretenir dans la confiance de leurs ouailles, et à recevoir ensuite, de la part de celles-ci, le serment de persister jusqu'au dernier soupir dans la pratique de la foi chrétienne, et d'avoir pour les ministres des autels, qui en sont les prédicateurs, les gardiens et les défenseurs, la vénération, les égards et le respect qui leur sont dus.
« Telle est ma profession particulière de foi, à laquelle je joins, comme article nécessaire et essentiel, l'engagement déjà contracté par ma première prestation de serment civique : laquelle m'oblige à toutes les conditions, à tous les sacrifices, à tous les renoncements, à tous les actes en un mot, commandés ou à commander par la loi, soit pour le maintien ou pour la perfection et la consommation de la, nouvelle Constitution de ce royaume, tant que cette loi n'exige rien de contraire à l'orthodoxie de la loi ou aux bonnes mœurs.
« Tels sont les grands et puissants motifs qui me guident dans ma prestation de serment, et qui me pressent irrésistiblement à l'accomplissement de la loi qui le requiert: de manière que ce n'est pas moins pour suivre l'impulsion de ma conscience et obéir au secret penchant de mon cœur, que pour me conformer au décret de ladite Constitution, que je promets et jure de veiller soigneusement sur le troupeau confié à ma garde et à ma sollicitude, de remplir exactement toutes mes obligations civiques et mes fonctions curiales ou ecclésiastiques; d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale ; et acceptée par le roi.
« Signé : Trannoy, curé de Rozoy, département de l'Oise, à Beauvais, district de Clermont-en-Beauvoisis, et chef-lieu du canton de Liancourt.
« Le
(L'Assemblée ordonne l'impression de cette déclaration et son insertion au procès-verbal.)
M. Galpin,curé de Fresne, département de Paris, fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : Serment du clergé ou dissertation théologiqne et politique en faveur de la constitution civile du clergé de France. (L'Assemblée ordonne qu'il en sera fait une mention honorable dans le procès-verbal.)
J'ai reçu également de M. Du-pleicb,prêtre de la section des Plantes, le
serment suivant (1) : . Par la grâce de Dieu, revêtu du caractère
auguste du saint sacerdoce, en présence de l'Eternel, et pour obéir au
cri de ma conscience, je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au
roi, d'employer tous mes moyens pour soutenir, jusqu'à mon dernier
moment, la Constitution en général, et en particulier la constitution
civile du clergé, décrétée par l'Assemblée nationale, et acceptée par le
roi. 0 mon Dieu! recevez mes très humbles actions de grâces pour le
bonheur que vous m'avez accordé, en me faisant naître dans un siècle où
vos fidèles serviteurs sont enfin délivrés, pour toujours, de
l'oppression et de la tyrannie des ennemis de ma chère patrie et de
votre sainte religion ! Que toutes les saintes intelligences, de
concert, célèbrent votre gloire dans l'éternité, pour le bienfait
inestimable que vous avez accordé à la nation française, en lui donnant,
dans votre miséricorde, cette sublime Constitution qui, en établissant
sa liberté sur des bases inébranlables, sera l'effroi des oppresseurs du
genre humain! Oui, Seigneur, cette étonnante Révolution, dont vainement
on chercherait des
Il est bien juste que l'Assemblée entende les déclarations faites par les bons patriotes, tandis que ceux qui sont les ennemis de notre sainte religion font tout ce qu'ils peuvent pour détruire notre travail. Voici une publication nouvellement faite d'écrits incendiaires, envoyée dans le diocèse de Toulouse. On répand à pleines mains, on adresse aux chefs des conférences, des libelles dans lesquels on regarde la constitution du clergé comme nulle; on traite d'hérétiques tous les évêques qui seront nommés d'après vos décrets, notamment M. d'Expilly. Ces ouvrages sont imprimés chez Grapart, libraire à Paris, pont Saint-Michel. J'en fais la dénonciation afin qu'on s'occupe au plus tôt d'arrêter celte édition secrète; car je préviens l'Assemblée que des membres qui n'osent pas remettre eux-mêmes ces papiers incendiaires, courent secrètement les comités de l'Assemblée et vont les remettre aux garçons de bureaux. Je demande à être autorisé à remettre cette pièce au comité des recherches, afin qu'if eu fasse son rapport. (Cette motion est adoptée.)
Vos commissaires inspecteurs des bureaux sont dans l'intention de vous présenter un projet de règlement contre l'abus criminel incroyable que l'on fait de votre contre-seing; on s'en sert pour envoyer dans les provinces les ouvrages les plus incendiaires. Un de ces jours, on vous proposera un règlement par lequel les précautions les plus sûres seront prises. Un membre du comité d'aliénation propose la vente de plusieurs biens nationaux, que l'Assemblée décrète ainsi qu'il suit : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux, dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des estimations ou évaluations desdits biens, aux charges, clausps et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret ; Savoir :A la municipalité de Riom , département du Puy-de-Dôme, pour.....96,761 1 . 6 s. » d. A celle de Montpensier, même département......51,870 » » A celle de Noue, même département............3,836 10 » A celle de Riom, même département............1,186,218 » 6 A celle de Mouton, même departement............194,699 3 » A celle de Montpellier,departement de l'Herault.646,247 9 »
,Messieurs, lors des inondations de la Loire, à Roanne nommément, il y a eu des personnes qui se sont comportées avec la plus grande valeur; pareillement à Saint-Dizier, lors de l'incendie ; enfin à Metz et à Nancy, il y a des gardes nationales qui sont dignes des éloges de la nation et de ses récompenses. L'intention de l'Assemblée est-elle que ces objets passent à la direction générale de la liquidation? ou bien l'Assemblée veut-elle, pour le bon exemple et l'encouragement des braves gens, que le comité des pensions, à qui elle a renvoyé ces affaires, lui propose, sans délai, différents rapports? L'Assemblée décrète ce qui suit : « L'Assemblée nationale décrète que le comité des pensions lui fera, sans délai, et sans renvoyer préalablement à la direction de liquidation, ie rapport des gratifications et récompenses qui peuvent être dues aux personnes qui ont donné des preuves de courage et de bravoure à Nancy, à Metz, à Palamini, dans les départements situes le long de la Loire, lors des inondations de ce fleuve ; et à Saint-D zier, lors d'un incendie qui a eu lieu depuis peu. »
Plusieurs personnes se présentent au comité pour avoir part aux récompenses accordées aux vainqueurs de la Bastille, et prétendent avoir été oubliées sur la listo de 833 qu'en a donnée la municipalité. Nous demandons que tous ceux qui se disent ainsi vainqueurs de la Bastille soient renvoyés à la direction générale de liquidation pour vérilier scrupuleusement les faits sur lesquels ils se fondent; car nous avons peine à croire qu'il y en ait eu beaucoup d'omis. Le décret suivant est rendu : « L'Assemblée nationale décrète que les personnes qui prétendront devoir être comptées au nombre des vainqueurs de la Bastille, et sur les demandes desquelles il n'a pas été statué, seront tenues de se présenter à la direction générale de liquidation, pour y rapporter la preuve des faits qu'ils allégueront, et, sur le compte qui en sera rendu par le directeur général de liquidation au comité des pensions, être, sur ie rapport dudit
comité, décrété par l'Assemblée ce qu'il appartiendra. »
,au nom du comité de Constitution. Messieurs, j'ai demandé la parole pour un instant; c'est pour vous proposer, de la paît du comité de Constitution, un décret additionnel concernant les assemblées -d'administration de département et la nomination d'un président. Un cas survenu dans le département de Seine-et-Oise semble motiver ce décret. J'en ferai un rapport détaillé, si elle le souhaite ; sinon, je vais lui proposer simplement mon projet de décret, gui est ainsi conçu : « Les administrations de département procéderont à chaque nouvelle session à la nomination d'un nouveau président; mais le président alors en fonction pourra être réélu. »
Je demande que cette loi soit commune aux districts et aux départements et que les présidents de districts soient réélus comme ceux de département.
,rapporteur. Ce décret n'est proposé que pour les administrations de département. Vous savez que celles de district en sont plutôt les conseils que toute autre chose; du reste, Messieurs, je ne mets aucune opposition à l'amendement. L'Assemblée adopte le décret et l'amendement en ces termes : « Les administrations de département et de district procéderont, à chaque nouvelle session, à la nomination d'un nouveau président, mais le président alors tn fonction pourra être réélu. » L'ordre du jour est un rapport du comité militaire sur la première organisation de la gendarmerie nationale (1).
,rapporteur. Messieurs, vos c. mués de Constitution et militaire m'ont
chargé de vous présenter quelques modifications indispensables aux
dispositions adoptées sur la gendarmerie nationale. Ces modilications ne
touchent nullement au fond du plan et aux dispositions permanentes et
législatives : elles ne sont relatives qu'aux premières mesures
nécessaires pour le mettre en activité; et loin de s'écarter des
principes qui ont servi de base à ce grand et utile établissement, elles
tenueift à l'y ramener dès les premiers moments de son institution.
Elles sont indispensables pour le rendre propre, dès à présent, aux
fonctions que vous lui avez assignées; et leur nécessité est tellement
démontrée, qu'il serait à craindre qu\n ne les adoptant pas, le desordre
ne naquît des moyens mêmes que vous auriez employés pour assurer
l'empire des lois. Lorsqu'une nation se régénère, lorsqu'elle forme les
institutions qui doivent la régir, elle est souvent obligée de se servir
des éléments d'une ancienne institution correspondante à la nouvelle et
d'em(-/oyer ceux qui remplissaient-, dans le régime ancien, des
fonctions d'unie nature semblable. Alors il y a deux objets très
distincts à considérer: u'abord, la première partie du plan de la
nouvelle institution doit présenter les principes
ils se trouveraient appelés; et cependant. Messieurs, ces fonctions civiles et militaires à la fois, intéressent essentiellement l'ordre public et la liberté individuelle des citoyens. C'est aussi pour les approprier à cette double destination que, dans l'organisation de la gendarmerie nationale, vous avez donné pour l'avenir une influence au peuple sur leur choix, en y faisant concourir les admi-nistraleu rs de-département.Vous n'avez pas ^craint., à la vérité, de laisser à l'ancienneté une grande part dans l'avancement; mais vous ne l'avez fait qu'en vous assurant que cet avancement ne pourrait jamais porter que sur un élément pur, je veux dire une liste formée par les départements. Toutes ces dispositions sages, que vous avez arrêtées, Messieurs, pour l'organisation de la gendarmeiie et la marche habituelle de l'avancement seraient entièrement éludées dans cette première formation; et le trop graud nombre de plaees d'ofliciers, données exclusivement à la ci-devant maréchaussée, porteraient au grade de lieutenant des individus qui n'ont pas été préparés et qui, par conséquent, ne seraient pas propres à remplir des fonctions aussi délicates. En appelant votre aiten'ion sur lesineouvénients graves qui résulteraient de ces mesures, nous ne prétendons pas vous engager, Messieurs, à priver des citoyens du grade auquel ils sont déjà parvenus, ou à ralentir leur avancement tel qu'il leur est assuré dans l'ordre établi par votre décret ; mais nous pensons qu'une promotion universelle et simultanée, en mettant le plus grand nombre des plaees d'offieiers de police entre les mains de personnes qui n'y auraient jamais été préparées, compromettrait, dans le premier moment, la sûreté des citoyens et le succès de l'institution. Nous pensons qu'il est important, qu'il est indispensable que les administrateurs aient la faculté de choisir parmi les sous-officiers actuels ceux qui devront occuper les plaees qui sont à remplir; nous pensons qu'ils doivent être obligés d'y prendre une partie de ceux qu'ils élèveront à ce grade; mais que si tous s'y trouvaient subitement portés, les lumières qui sont nécessaires, surtout clans les premiers moments d'une institution, manqueraient à la plupart d'entre eux; ils rempliraient imparfaitement des fonctions auxquelles quelques années de préparation et d'habitude auraient pu les rendre propres; et cet inconvénient fâcheux pour eux-mêmes, serait funeste à la chose publique, en ajoutant aux difficultés attachées aux premiers essais d'une institution celles qui résulteraient des personnes appelées à la mettre les premières en mouvement; ainsi les nouvelles pourraient, en quelque sorte, se trouver frappées de paralysie. Et cette considération, Messieurs, est d'autant plus importante que vous n'avez délégué que provisoirement les fonctions de police aux officiers de la gendarmerie nationale, et que le moment où elle doit les exercer serait précisément celui où elle se trouverait composée de manière à ne pouvoir le faire avec succès : ainsi la nation pourrait attribuer à l'institution elle-même des abus qui ne résulteraient que de sa composition momentanée; et à tous les autres maux, se réuuirait le mal plus grand encore de voir diminuer ie respect et l'amour qu'elle doit avoir pour ses lois. Les modifications que nous vous proposons, Messieurs, sont extrêmement simples, d'une facile exécution, et,en assurant la capacité de ceux qui seront employés dans la gendarmerie nationale, elles leur préparent une confiance qui est indispensabiemipnt nécessaire pour remplir avec succès Jes fonctions délicates qui vont leur être confiées. Ces modifications, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, n'apportent aucun changement à l'organisation habituelle et permanente de la gendarmerie nationale ; elles ne s'appliquent qu'à sa première composition ; elles ont pour but de donner plus d'influence aux départements, en augmentant le nombre de plaees que vous remettrez à leurs choix, et en diminuant eeiui très disproportionné que l'on accordait à la ci-éevant maréchaussée. Ainsi, sur deux plaees de capitaine1 par départements, une sera donnée à un officier de la ci-devant maréchaussée; et l'autre, par le choix du directoire du département, à un sujet ayant servi, au moins dix ans, comme officier dans la ligne. Sur quatre cent quatre-vingt-dix-huit places de lieutenants, c'est-à-dire trois par chaque capitaine, un tiers sera donné exclusivement à la maréchaussée ; et les deux Mitres tiersr au choix du directoire de département, à des sujets seivant dans la ligne, ou y ayant servi 1 espace de six ans, comme officiers ou maréchaux des logis et sergents. Il résultera de ces dispositions que trois eent-soixante places seront données exclusivement à la maréchaussée, et que ee nombre surpassant celui des officiers qui y sont maintenant employés, une partie des maréchaux des logis de ce corps sera élevée au grade de lieutenant; et comme le choix du directoire pour les places qui ne sont pas attribuées exclusivement à la maréchaussée, pourra cependant encore s'y exercer s'ils Je trouvent utile, il s'ensuit que tous les sous-officiers qui auront les lumières et les qualités requises seront susceptibles d'avancement. Cette promotion de maréchaux des logis au grade de lieutenant élèvera à leurs plaees des brigadiers qui seront eux-mêmes remplacés par les cavaliers qui en seront jugé3 les plus dignes. Eufin, il est une autre mesure relative aux inspecteurs et prévôts généraux actuels. Leur nombre excède de dix celui des colonels qui seront établis ; il est indispensable d'accorder ce nombre de retraites,. si l'on veut que tous ceux . qui occuperont ce grade aient l'âge, l'activité et toutes les qualités nécessaires aux fonctions que vos décrets leur oM attribuées ; nous avons: cru que ie choix de ceux qui resteraient devait être déterminé d'après les observations des départements, et que le traitement de ceux qui se reti-* reraient pouvait être d'autant plus avantageux que leur nombre était plus limité. Telles sont,. Messieurs, Jes modifications que vos comités vousproposent. Vous voyez que bien Join de s'écarter des principes que vous avez adoptés dans l'organisation de la gendarmerie nationale, elles tendent à l'y ramener dès sa pre-mièie composition; elles assurent à cette institution ce premier succès sans lequel il serait à craindre qu'elle ne fût décriée avant d'avoir pu devenir utile; elles s'approprient à ses fonctions militaires et civiles, et lui impriment son véritable caractère, en donnant aux départements, c'est-à-dire au peuple, par l'intermédiaire de ses administrateurs, une inlluence sur le choix de ceux qui la composent. Ainsi n'étant i^oint purement militaires, et n'étant pas appelées à des fonctions si délicates indépen lam nent de tout examen, ceux qui auront à les remplir obtiendront des citoyens une confiance et un respect qui seront tout en faveur de l'ordre et de
l'observation des lois. Le3 administrateurs de département y trouveront un nouveau moyen de considération ; l'influence qu'ils pourront avoir sur l'avancement aux différents grades de la gendarmerie nationale leur assurera de justes égards de la p irl de ceux qui espéreront y être appelés; leur choix limité parmi ceux qui ont étééprouvés dans-le service, mais libre de s'exercer parmi ceux qui s'en sont retirés, trouvera facilement dans le pays des hommes qui civiliseront l'institution, qui lui imprimeront leur caractère et l'estime qu'ils auront acquise. Cette institution, appuyée sur tout ce qui doit faire sa force et son succès et dépouillée de tout ce qui aurait pu la rendre inquiétante et redoutabl?, deviendra un moyen puissant d'attacher à la Constitution, en présentant aux citoyens, à côté de la liberté, l'assurance de la paix et la garantie de leurs personnes et de leurs propriétés : la loi invoquée avec énergie le sera aussi avec intelligence et régularité; la police non plus tyran-nique, non plus oppressive, comme sous le régime des anciennes lois, mais bien plus exacte et plus régulière, maintiendra toujours la sûreté, sans jamais la compromettre; et vous aurez prouvé à tous les calomniateurs de la lib rtéque le peuple n'est jamais plus tranquille que sous l'influence des lois qu'il aime, et que les institutions qui le dirigent le mieux sont cellesqui sont calculées, non pour son esclavage, mais pour son bonheur.
PROJET DE DÉCRET
sur la première composition de la gendarmerie nationale.
L'Assemblée nationale décrète que le titre VII du décret sur la gendarmerie nationale sera modifié ainsi qu'il suit :
Art. 1er. Les divisions seront formées ainsi
qu'il suit :
lre division. Paris, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne.
2 S ine-Inférieure, Eure et Oise.
3 Calvados, Orne et Manche.
4 Finistère, Morbihan, Côtes-du-Nord.
5 Ille-et-Vilaine, Mayenne, Mayenne-et-Loire,
Loire-Inférieure.
6 La Vendée, Deux-Sèvres,Charente-Inférieure.
7 Lot-et-Garonne, Dordogne et Gironde.
8 Landes, Basses-Pyrénées, Hautes-Pyrénées.
9 Hante-Garonne, Geis et Tarn.
10 Ariège, Pyrénées-Orientales, l'Aude.
11 L'Hérault, le Gard et la Lozère.
12 Bouches-du-Rhône, Drôme, Ardèche.
13 Basses-Alpes, Hautes-Alpes et Var.
14 Isère, Rhône, Loire et l'Ain.
15 Saône-et-Loirr, Côte-d'Or et Jura.
16 Doubs, Haute-Saône, Haut-Rhin.
17 Bas-Rhin, Meurthe-et-Moselle.
18 Meuse, Haute-Marne et Vosges.
19 Aisne, Marne, Ardennes.
20 Somme, Pas-de-Calais, Nord.
21 Sarthe, Eure-et-Loir, Loir-et-Cher.
22 Indre, Vienne, Indre-et-Loire.
23 Charente, Haute-Vienne et Corrèze.
24 Lot, l'Aveyron, le Gantai.
25 Haute-Loire, Puy-de Dôme et la Creuse.
26 Loiret, i'Yonn'e et l'Aube.
27 Cher, Nièvre et l'Allier.
28 La Corse.
Art. 2. Les officiers, sous-officiers et cavaliers
de la gendarmerie nationale, actuellement pourvus, demeureront provisoirement dans le lieu de leur résidence.
Art. 3. Les inspecteurs et prévôts généraux de la ci-devant maréchaussée remettront l'état de leurs services au directoire du département de leur résidence, qui les adressera au ministre de la guerre, avec ses observations sur lesdits inspecteurs et prévôts généraux ; et, d'après ces observations, la retraite sera accordée aux inspecteurs, prévôts généraux, excédant le nombre de vingt-huit places de colonels de division, décrétées pour la formation de la gendarmerie nationale.
Art. 4. Ceux desdits inspecteurs et prévôt3 généraux qui ne seront pas conservés dans les places de colonels de division recevront leur retraite, conformément à l'article ci-dessus, et d'après les règles fixées par le décret du 3 août dernier ; mais elles ne pourront être, quelles que soient leurs années de service, au-dessous de deux tiers des appointements dont ils jouissent en ce moment.
Art. 5. Les places de lieutenant-colonel seront données par ordre d'ancienneté aux lieutenants de la ci-Jevant maréchaussée.
Art. 6. Les places de capitaine seront données, moitié aux officiers de la ci-devant maréchaussée, ainsi qu'il sera expliqué ci-après, moitié à des sujets ayant servi au moins dix années en qualité d'officiers, et le choix en sera fait par les directoires des départements.
La moitié des places de capitaine, destinées aux officiers de la ci-devant maréchaussée, sera donné aux lieutenants qui, par leur ancienneté de service, n'auront pas été portés aux places de lieutenant-colonel, et aux plus anciens sous-lieutenants de ladite maréchaussée.
Art. 7. Les places de lieutenant seront données : un tiers aux officiers de la ci-devant maréchaussée, ainsi qu'il sera expliqué ci-après; deux tiers à des sujets ayant servi au moins six ans comme officiers ou maréchaux des logis et sergents dans les troupes réglées, la maréchaussée, ou daDS les compagnies supprimées de la maréchaussée, et le choix en sera fait par les directoires des départements.
Le tiers des places de lieutenant, destiné aux officiers de la ci-devant maréchaussée,sera donné aux sous-lieutenants qui n'auront pas été portés, par leur ancienneté, à d s places de capitaines.
Quant aux places de lieutenant, comprises dans le tiers assigné à la ci-devant maréchaussée, et auxquelles il ne serait pas pourvu par le remplacement des sous-lieutenants, il y sera nommé des maréchaux des logis de ladite maréchaussée, et le choix en sera fait par les directoires des départements, sur l'avis qui leur en sera donné.
Art. 8. Les places des maréchaux des logis seront données, moitié à des brigadiers de la ci-devant maréchaussée, au choix des directoires de département; et l'autre moitié, par le même choix, soit aux brigadiers de ia maréchaussée, soit à des sous-officiers servant maintenant dans la ligne, ou ne l'ayant pas quittée depuis plus de trois ans.
Art. 9. Les places de brigadier qui deviendront vacantes seront données, par les directoires de départements, à ceux des cavaliers de la ci-devant maréchaussée qu'ils en jugeront les plus susceptibles.
Art. 10. La gendarmerie nationale des départements sera formée provisoirement dans chacun
des départements, autres que ceux de Paris, Seine-et-Oise et Seine-et-Marne, sur le pied de quinze brigades, sauf ensuite à faire les distributions définitives, conformément aux articles 7 et 8 du titre premier. .
Art. 11. Les officiers, sous-officiers et cavaliers de la gendarmerie nationale continueront à être payés suivant l'ancienne division des compagnies, et ils seront rappelés de leurs appointements, traitements et solde du l8r janvier 1791, sur le pied fixé par le décret du 23 décembre sur la gendarmerie nationale.
Art. 12. Les officiers, sous-officiers, secrétaires, greffiers et cavaliers actuels exerceront les fonctions de leur état et de leur grade, sans nouvelle commission, en prêtant seulement le serment ordonné dans l'article 6, g III.
Il sera délivré par le roi, aux officiers actuellement pourvus, et qui, par l'effet des dispositions du présent décret, auront eu un avancement de grade, le brevet de celui qui leur sera échu.
La discussion est ouverte sur ce projet de décret.
L'article 1er est adopté en ces termes : «
L'Assemblée nationale décrète que le titre VII du décri t sur la
gendarmerie nationale sera modifié ainsi qu'il suit : Art. 1er.
« Les divisions seront formées ainsi qu'il suit : 1er division. Paris, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne.
2 Seine-Inférieure, Eure et Oise.
3 Calvados, Orne et Manche.
4 Finistère, Morbihan, Çôtes-du-Nord.
5 Ille-et-Vilainé, Mayenne, Mayenne-et-Loire,
Loire-inférieure.
6 Vendée, Deux-Sèvres, Charente-Inférieure.
7 Lot-et-Garonne, Dordogne et Gironde.
8 Landes, Basses-Pyrenées, Hautes-Pyrenées.
9 Haute-Garonne, Gers et Tarn.
10 Ariège, Pyrénées-Orièntales, Aude.
11 Hérault, Gard et Lozère.
12 Bouches-du-Rhône, Drôme, Ardèche.
13 Basses-Alpes, Hautes-Alpes et Var.
14 Isère, Rhône-et-Loire et l'Ain.
15 Saône-et-Loire, Côte-d'Or et Jura.
16 Doubs, Haute-Saôue, Haut-Rhin.
17 Bas-Rhin, Meurthe et Moselle.
18 Meuse, Haute-Marne et Vosges.
19 Aisne, Marne, Ardennes.
20 Somme, Pas-de-Calais, Nord.
21 Sarthe, Eure-et-Loir, Loir-et-Cher.
22 Indre, Vienne, Indre-et-Loire.
23 Charente, Haute-Vienne et Gorrèze.
24 Lot, Aveyron, Cantal.
25 Haute-Loire, Puy-de-Dôme et Creuse.
26 Loiret, Yonne et Aube.
27 Cher, Nièvre et Allier.
28 La Corse. »
Un membre propose, sur le second article, un amendement tendant à ce que les officiers, réformés par cette nouvelle organisation, conservent la moitié de leur traitement et l'espérance d'être remplacés, lorsqu'il se trouvera des places vacantes.
La question préalable est demandée, mise aux voix et adoptée.
L'article est, en conséquence, décrété dans les termes suivants, ainsi que les articles 3 et 4 : Art. 2.
« Les officiers, sous-officiers et cavaliers de la
gendarmerie nationale, actuellement pourvus, demeureront provisoirement dans le lieu de leur résidence. Art. 3.
« Pour parvenir à la nouvelle composition de la gendarmerie nationale, il sera formé un état, par ancienneté, des officiers de la ci-devant maréchaussée, et la nomination aux places d'officiers et de sous-officiers aura lieu suivant ce qui sera fixé ci-après. Art. 4.
« Les inspecteurs et prévôts généraux de la ci-devant maréchaussée remettront l'état de leurs services au directoire du département de leur résidence, qui les adressera au ministre de la guerre, avec ses observations sur lesdits inspecteurs £t prévôts généraux, et d'après ses observations, la retraite sera accordée aux inspecteurs, prévôts généraux excédant le nombre de vingt-huit places de colonels de division, décrétées pour la formation de la gendarmerie nationale. »
Un membre demande, par amendement à l'article 5, que sur les quatre-vingt-trois places de colonels, nécessaires à l'organisation de la gendarmerie nationale, il en soit affecté un quart aux maréchaux des logis de la gendarmerie réformée, en abandonnant leurs pensions de réforme.
La question préalable est demandée, mise aux voix et adoptée.
L'article 5 est décrété comme suit, ainsi que les articles 6 et 7 : Art. 5.
« Ceux desdils inspecteurs et prévôts généraux, qui ne seront pas conservés dans les places de colonels de division, recevront leur retraite, conformément à l'article ci-dessus, et d'après les règles fixées par le décret du 3 août dernier ; mais elles ne pourront être, quelles que soient leurs années ae service, au-dessous des deux tiers des appointements dont ils jouissent en ce moment. » Art. 6.
« Les places de lieutenants-colonels seront données, par ordre d'ancienneté, aux lieutenants de la ci-devant maréchaussée. Art. 7.
« Les places de capitaines seront données, moitié aux officiers de la ci-devant maréchaussée, ainsi qu'il sera expliqué ci-après moitié à des sujets ayant servi au içoins dix années en qualité d'officiers, et le choix sera fait par les directoires des départements.
« La moitié des places de capitaines, destinées aux officiers de la ci-devant maréchaussée, sera donnée aux lieutenants, qui, par leur ancienneté de service, n'auront pas été portés aux places de lieutenants-colonels, et aux plus anciens sous-lieutenants de ladite maréchaussée. »
Un membre propose, par amendement à l'article 8, que les places de lieutenants soient remplies par ceux des sous-lieutenants de l'ancienne maréchaussée qui n'ont pas été élevés au grade de capitaine, et par ceux des maréchaux des logis, déjà brevetés de ia commission de lieutenant ou de sous-lieutenant.
propose que les officiers ré-
formés de la maréchaussée, qui ont continué à servir sous le titre d'exempts, soient toujours élevés au grade de lieutenant, préférablement aux maréchaux des logis, aux sergents. Ce serait une hérésie militaire que des hommes ayant ; grade d'officier depuis tant de temps soient mis ; au-dessous de simples soldats.
le jeune et M. de FoIIeville appuient cet amendement.
le combattent. ! Le grade de ces exempts n'assure aucunement qu'ils soien t ca pables des nouvelles fo iétions des i lieutenants de là gendarmerie ; s'ils en sont capables, ils pourront y être élevés par les direc- ; ioires et un grade dans un ordre ancien ne peut i jamais constituer un titre pour des fonctions i nouvelles. Un membre propose, par amendement, que les maréchaux des logis, ci-devant exempts, qui n'au- ; ront pas été proposés par les départements pour i les places de lieutenants, obtiennent leur retraite j sur le taux fixé pour les prévôts généraux réformés, en vertu du décret relatif à l'organisation de la gendarmerie nationale.
s'élève contre la disposition attribuant aux directoires de département le droit de faire un certain nombre de choix dans les troupes de ligne; cette disposition est la destruction du principe déjà établi, qui veut que la nomination au grade de lieutenant soit partagée entre le colonel et les départements.
,rapporteur, répond que le principe général exige seulement qu'on éiève à ce grade des hommes qui donnent 1 assurance d'être à la fois bons militaires et bons citoyens; leur service dans les troupes de ligne est une garantie qu'ils auront la première qualité et la seconde sera garantie par le choix des directoires. La question préalable est demandée sur ces divers amendements ; elle est mise aux voix et adoptée. L'article 8 est en conséquence décrété, ainsi que l'article 9, dans ces termes :
Art; 8.
« Les places de lieutenants seront données, un i tiers aux officiers de la ci-devant maréchaussée, ! ainsi qu'il sera expliqué ci-après; deux tiers à des sujets ayant servi au moins six ans comme ! officiers ou 'maréchaux des logis, sergents dans les troupes réglées, tai maréchaussée, ou dans les compagnies supprimées delà maréchaussée, et le choix en sera fuit par les directoires de département.
« Le tiers des places de lieutenants, destiné aux officiers de la ci-devant maréchaussée, sera donné aux sous-lieutenants qui n'auront pas été portés, par leur ancienneté, à des places de capitaines.
« Quant aux places de lieutenants, comprises dans le tiers assigné à la ci-devant maréchaussée, et auxquelles il ne serait pas pourvu par le remplacement des sous-lieutenants, il y sera j nommé des maréchaux des logis de ladite maré- ; chaussée, et le choix en sera fait par les direc- ; toires de département, sur l'avis qui leur en sera donné. Art. 9.
« Les places de maréchaux des logis seront données, moitié à des brigadiers de la ci-devant maréchaussée, au choix des directoires de département, et l'autre moitié, pour le même choix, soit aux brigadiers de la maréchaussée,soit à des sous-officiers servant maintenant dans la ligne, ou ne l'ayant pas quittée depuis plus de trois a ns. »
Un membre du comité militaire propose de changer quelques mots à un article du décret du 24 décembre, pour en rendre l'application plus facile ; l'Assemblée nationale l ayant ainsi ordonné, l'article 10 est décrété en ces termes : Art. 10.
« Les places de brigadiers, qui deviendront vacantes, seront données,, par les directoires de département, à ceux des cavaliers de la ci-devant maréchaussée qu'ils en jugeront les plus susceptibles. »
Les articles 11 à 13 sont décrétés, sans discussion, ainsi qu'il suit : Art. 11.
« La gendarmerie nationale des départements sera formée, provisoirement, dans chacun desdépartements,'autres que ceux de Paris, Seine-et-Oise et Seine-et-Marne, sur le pie I de quinze brigades, sauf à faire ensuite les distributions définitives, conformément aux articles 7 et 8 du paragraphe premier. Art. 12.
« Les officiers, sous-officiers et cavaliers de la gendarmerie nationale continueront à être payés suivant l'ancienne division des compagnies, et ils seront rappelés de leurs appointements, traitements et soldedu premier janvier 1:791. sur le pied fixé par le décret du 23 décembre 1790, sur la' gendarmerie nationale. Art. 13.
« Les officiers, sons-officiers, secrétaires, gref-fiers et cavaliers actuels exerceront les fonctions de leur état et de leur grade,sans nouvelle commission, en prêtant seulement le serment ordonné daus l'article 6 du paragraphe troisiè ne.
« Il sera délivré par le roi, aux officiers actuellement pourvus, et qui, par l'effet des dispositions du présent décret, auront eu un avancement de grade, le brevet de celui qui leur sera échu. »
Un membre propose un article additionnel, tendant à ce que la qualité de membre de directoire de département ne soit pas un titre d'exclusion contre ceux qui pourraient avoir dea droits aux places de gendarmerie.
Un autre membre propose, au contraire, que les membres de directoire ne puissent se choisir eux-mêmes pour ces places.
Cette dernière motion est mise aux voix et décrétée ainsi qu'il suit :
« Les membres de directoire de département ne pourront se choisir pour les places de la gendarmerie nationale, qui seraient à remplir. »
Je viens de recevoir une lettre du ministre de ia guerre ; elle est ainsi conçue : « Monsieur le Président, « J'ai l'honneur de vous adresser une copie, « signée de moi, de la note que j'ai reçue hier de
« M. Despeyron, commandant le régiment de Sois-« sonnais, en garnison à Avignon; cette note m'a « été remise par un officier du régiment, dépêché « par le commandant pour me l'apporter. J'ai or-« donné à cet officier de se rendre sur-le-champ « près des différents comités de l'Assemblée na-« tionale, qui doivent connaître les affaires d'Avi-« gnon, afin de leur rendre personnellement « compte des faits dont il a été témoin. « J'espère que l'Assemblée nationale aura reçu « de son côté des détails plus circonstanciés que « ceux que j'ai l'honneur de mettre sous ses yeux, « d'après lesquels elle pourra déterminer dans « sa sagesse le parti à prendre dans cette circons-«' tance délicate. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, « votre très humble, etc... Signé : duportail.
A cette lettre était jointe la copie suivante de la note de M. Despeyron,
lieutenant-colonel du régiment de Sjissonnais,à M. Duportail, ministre
de la guerre : « Avignon, le
« M. Négrier, lieutenant au régiment de Sois-« sonnais, est envoyé à M. Duportail, pour lui « rendre compte de l'événement arrivé hier à « Avignon, et de tout ce que j'y trouve relatif. « Ce compte, en ce qui concerne ce régiment, sera « bien différent de celui que j'ai eu l'honneur de « rendre le 6 de ce mois à M. Duportail. 25 gre-« nadiers, 20 chasseurs et 26 fusiliers en insurrec-« tion sont partis cette nuit avec la garde natio-« nale, et le peuple armé, soit de cette ville, soit « des environs, pour aller assiéger Carpentras. « Quels que s lent mes soins, ceux des offi-« ciers et des sous-officiers, je ne dois pas dissi-« muler que le régiment de Soissonnais est perdu « sans ressource, s'il ne part pas très prompte-« ment d'Avignon.
« Cinq dragons de la compagnie du régiment de « Penthièvre ont suivi la troupe, qui s est portée « sur Carpentras.,
« Signé : despeyron.
« Pour copie : Duportail. »
Plusieurs membres demandent le renvoi de cette affaire aux comités diplomatique, militaire et d'Avignon.
Il me semble qu'il faut attendre des nouvelles plus détaillées (Mur-mures à droite.), non pas pour renvoyer cette note aux comités, mais pour déterminer qu'ils en rendront compte demain à l'Assemblée. En effet, il est impossible qu'ils le fassent sans connaître toutes les circonstances et les détails de l'affaire ; d'ailleurs cette lettre est envoyée du commandant du régiment iffc Soissonnais seulement. Il serait possible que ce chef, dont je ne dis encore rien, se soit abandonné à de fausses inductions. (Murmures à droite.) Je crois que la seule règle qu'il y ait à suivre ici est d'agir d'après les principes qui ont toujours guiué l'Assemblée, et de ne prononcer qu'api ès connaissance de cause. De là je conclus à ce que l'on charge vos comités de s'informer des causes de l'insurrection arrivée à Avignon ; que la lettre dont on vient de faire lecture leur soit renvoyée, pour en faire le rapport le plus tôt possible, dès qu'on aura reçu les procès-verbaux des faits.
La municipalité ne peut ni ne doit avoir de communication avec vous.
Loin d'acquiescer à la proposition qui vient de lui être faite, j'espère que l'Assemblée voudra bien ordonner sur-le-champ la réunion de ses trois comités, qui, s'étant occupés dés hier soir decetteafl'aire, seront, j'imagine, en état de présenter avant la lin de la séance un projet de decret. Voici les faits que je tiens de l'officier dépêché ici : Le dimanche 9 de ce mois, apiès la messe du régiment, la garde nationale d'Avignon emmena dans des cabarets une grande partie des grenadiers, des chasseurs et des soldats. Lorsque l'ivresse fut un peu forte, on dansa des faridon-daiues. Depuis l'arrivée du régiment, ce genre d'amusement était proscrit formellement, comme pouvant entraîner des suites fâcheuses. Aussi, sur-le-champ, le lieutenant-colonel, qui en prévit toutes les conséquences, fît-il battre la générale et prévenir les officiers municipaux de ce qui se passait.Le régiment se rassembledans ses différents quartiers: car, malgré les promesses de la ville, d'un côté, et de l'autre, malgré les demandes positives du ministre pour que ce régiment fût réuni en un seul corps de caserne, quoiqu'il y ait à Avignon, dans la ville, des bâtiments capables de le contenir, on a toujours eu soin de le tenir divisé dans quatre quartiers différents. Le régiment se rassemble donc dans ses différents quartiers, Je lieutenant-colonel en fait faire l'appel et s'aperçoit qu'il lui manque beaucoup de monde. Alors il imagine que les soldats voyant les drapeaux se rallieront autour. Il commande en conséquence au peu de grenadiers qu'il a autour de lui d'aller les chercher. Lorsque le détachement est arrivé à peu près vis-à-vis le palais du légat, où est toujours un corps considérable de gardes nationales, cette troupe sort en grand nombre, reconnaît militairement le détachement de Soissonnais, et après l'avoir reconnu lui fait défense de passer outre, et le menace en termes injurieux de faire feu s'il poursuit. Le commandant de ce détachement se porte cinq pas en avant de sa troupe, s'annonce avec les intentions les plus pacifiques à la garde nationale d'Avignon, lui représentant que le régiment de Soissonnais, envoyé pour rétablir la paix, l'ordre, est bien loin de vouloir porter le trouble; que cependant il lui demande de lui laisser le passage libre pour exécuter les ordres de son chef. Les injures n'en sont que plus forte?, les menaces de faire feu sont réitérées. Le capitaine des grenadiers fait faire demi-tour à droite à sa troupe, et se replie sur l'hôtel de ville, et de là envoie un sergent rendre compte au colonel de ce qui se passe, et lui demande des ordres ultérieurs. Le lieutenant-colonel lui ordonne de rester au poste de l'hôtel de ville, et, ne croyant pas devoir quitter le régiment ni pouvoir le conduire dans la disposition où il était, envoie sur-le-champ trois officiers à la maison de ville pour demander aux officiers municipaux de se porter au palais du légat, et de faire en sorte que l'oflicier des grenadiers puisse apporter tes drapeaux. Les officiers municipaux se rendent à la tête du régiment, uisent au lieutenant-colonel que l'insurrection du peuple est telle qu'il est impossible d'aller chercher les drapeaux sans encourir lies risques d'augmenter le mal. Ils lui demandent de retirer l'ordre qu'il avait donné, ce qu'il fait sur-le-champ, inquiet sur son régiment, il prie les officiers municipaux d'aller degager la coin-
pagnie qui se trouve sur la place de l'hôtel de ville, si par hasard elle était empêchée par le peuple de se réunir au régiment. Les craintes du colonel étaient fondées, car le peuple avait effectivement arrêté cette compagnie, avait serré de très près l'officier supérieur, en menaçant de le pendre, et de plus près encore un lieutenant qui n'avait pu se débarrasser des mains du peuple qu'en sortant deux pistolets de sa poche; par ce moyen il se lit jour. En se retirant il aperçut un officier municipal; il alla à lui et lui dit : J'ai été obligé de montrer mes pistolets pour empêcher qu'on ne me fît violence. Du moment qu'il y a quelqu'un pour maintenir le peuple dans le bon ordre, je suis assuré qu'ils ne me sont plus nécessaires; et, pour vous prouver que je suis loin de vouloir en faire un mauvais usage, je viens vous les remettre. Voilà, Messieurs, l'état des choses. Je dois cependant ajouter encore qu'il manque à la retraite 74 hommes, qui, pendant que le régiment était assemblé, se sont formés en bataille devant le palais du légat. Les armes des soldats de Soissonnais leur avaient été fournies par les soldats de la garde nationale; et dans le palais du vice-légat, on attendait des ordres pour aller attaquer le régiment. A dix heures et demie du soir la garde nationale est partie. Les soldats l'ont suivie. Depuis ce moment tous les officiers sont insultés, dans les rues, parles sentinelles mêmes de lagarde nationale.L officier qui a été dépêché ici craint beaucoup pour eux ; il craint qu'il n'y en ait dans ce moment-ci plusieurs égorgés. L'insurrection du peuple doit tout faire craindre, surtout après ce qui s'est passé à Avignon au mois de juin. J'observerai qu'il n'était pas possible de charger cet officier de procès-verbaux. Il a été arrêté vingt fois depuis Avignon jusqu'aux frontières de France; et s'il eût été porteur de pareilles pièces, il ne fût point arrivé jusqu'ici. Je demande que vos comités se retirent sur-le-champ pour conférer sur cette affaire, et nous en rendre compte aussitôt. (Cette motion est adoptée.)
Il n'est pas possible de décider celte affaire séance tenante, mais on y peut décider que le régiment de Soissonnais sortira d'Avignon, afin que l'officier puisse partir dès ce soir. Je réponds sur ma tête, et en mon propre et privé nom, de la véracité du compte qui vous est rendu.
Les trois comités se sont rassemblés hier pour l'examen de cette affaire ; d'après l'exposé qui vient de vous être fait et qui nous le fut hier aux comités, nous convînmes unanimement qu'il fallait retirer d'Avignon le régiment de Soissonnais.
On observe également que la compagnie des dragons de Penthièvre, qui est aussi à Avignon, est dans le même cas que le régiment de Soissonnais, et que l'on fait pour elle la même réclamation. Plusieurs membres : Aux voix ! Le décret suivant est rendu : « L'Assemblée nationale décrète que le roi sera prié de faire retirer à l'instant, de la ville d'Avignon, le régiment de Soissonnais et la compagnie du régiment dePenthièvre-dragons.»
Nous n'avons pas entendu ce qui a été mis aux voix.
La proposition a été faite de renvoyer l'affaire aux trois comités réunis, pour en rendre compte ; elle a été ado >tée. Il a été ensuite demandé que le régiment de Soissonnais fût retiré de la ville d'Avignon ; pareille demande a enlin été faite pour la compagnie des dragons de Penthièvre.
Par qui?
Par M. de Noailles. Ce sont ces deux dernières propositions que l'Assemblée vient d'adopter.
Il n'y a pas de preuves contre la compagnie de Penthièvre ; s'il y en avait, elles nous auraient été fournies par les officiers de cette compagnie; alors je n'aurais rien à dire. Mais puisque cela n'est pas, on ne peut suspecter la note, au moins sur cette disposition. Plusieurs voix à droite : Il y a un décret.
Si vous prononcez tout d'un coup la retraite de Penthièvre et de Soissonnais, vous allez livrer Avignon et le comtat à des désordres affreux. Une compagnie de dragons est peu de chose ; mais elle est capable de contenir les séditieux. D'ailleurs la compagnie de Penthièvre a montré des sentiments conformes à la Révolution. Quoique je ne sache rien de positif sur les sentiments des officiers du régiment de Soissonnais, tout fait présumer qu'ils n'eu ont pas montré de pareils. (Applaudissemen tsàgauche.) Le peupleaété alarmé. [Interruptions à droite.) Monsieur le président, si ces messieurs (en montrant les membres de la droite) s'imaginent que je suis ici pour leur déplaire, je conclus, d'après le danger que j'aperçois à retirer tout d'un coup la compagnie de Penthièvre, que le décret rendu ne concerne que Je régiment de Soissonnais.
M. Bouche ignore certainement que lorsqu'il y a deux régiments ensemble, le plus ancien des deux régiments les commande. C'est comme commandant des troupes à Avignon et non comme lieutenant-coionel que M. Despeyron vous a rendu le compte que vous venez d'entendre; d'ailleurs cette compagnie, dont il est question, est depuis longtemps en insurrection, car, dès le 6, M. Despeyron avait prié le ministre de la faire retirer. La chose était telle que l'officier de cette compagnie voulait se retirer, si M. Despenroy ne s'y était opposé. Il faut donc que la compagnie de Penthièvre soit comprise dans le décret. Il est notoire, d'après la note, que les soldats de cette compagnie se sont portés avec les autres sur Carpentras.
Je ne m'oppose pas aux mesures que vous venez de prendre, mais elles me paraissent insuffisantes dans la situation critique où se trouvent tout à la fois et le régiment de Soissonnais, et la compagnie de Penthièvre, et la ville, et vos établissements. Je crois qu'il faut prendre des précautions ultérieures; je demande que, sans désemparer, les comités nous présentent leurs vues sur tous ces objets-là à la fois.
Ayant été nommé rapporteur
de cette affaire, le provisoire venant d'être décrété, il est impossible, et c'est ainsi que l'ont pensé hier vos comités réunis, délibérant sur cette affaire, de vous en rendre un compte exact avant d'avoir des nouvelles ultérieures et des pièces plus probantes. Ainsi je demande l'ajournement du fond. (Cette motion est adoptée.)
annonce l'ordre du jour de la séance de demain et avertit l'Assemblée de se retirer dans ses bureaux à l'effet de procéder à un nouveau tour de scrutin pour la nomination d'un président. La séance est levée à trois heures et demie.
Nota. — M. Macaye (ci-devant de) fit imprimer et distribuer la lettre par laquelle il donnait sa démission de membre du comité des recherches. Cette pièce, faisant partie des documents parlementaires de l'Assemblée nationale, devait naturellement trouver place dans les archives parlementaires, et nous l'insérons ci-dessous :
Paris,
Monsieur le Président.
Je vous prie de faire agréer à l'Assemblée nationale la démission de ma place de membre du comité des recherches. Le pouvoir inquisitoriàl que ce comité a été dans le cas d'exercer a si généralement déplu, qu'il ne saurait être profitable à la chose publique. En supposant que son institution ait pu être nécessaire dans des temps de trouble et de confusion où tous les tribunaux de justice étaient paralysés, sa suppression n'en deviendrait pas moins indispensable, dans ce moment plus calme, sans doute, où les nouveaux tribunaux viennent d'être mis en activité.
D'après ces réflexions, Monsieur le Président, je me permets d'observer à l'Assemblée qu'elle ferait un acte vraimentconstitutionnel et conforme aux principes de la liberté, en supprimant ce comité, qui pourrait être suppléé par celui des rapports, quant à la partie utile des subsistances, unique but de son établissement. Je crois également devoir informer l'Assemblée d'un arrêté fait au comité le 17 novembre dernier, et dont voici, mot pour mot, la teneur :
« Gejourd hui,dix-septième novembre mil sept « cent quatre-vingt-dix, le comité a arrêté que « les lettres et paquets adressés audit comité ne « seront ouverts que par les président, vice- président et secrétaire, et a défendu au secré-« taire-commis de donner communication d'au-« cune pièce à d'autres qu'aux membres du « comité, sans une délibération expresse qui l'y « autorise.
« Ainsi signé :
Charles Cochon, secrétaire.
« Charles Voidel, vice-président.»
Il résulte de cet arrêté que ceux qui l'ont fait ont restreint aux président, vice-président et secrétaire la connaissance d'affaires confiées par l'Assemblée nationale à la totalité des : membres du comité; d'où il suit que les président,vice-président et secrétaire sont seuls arbitres de toutes
les opérations du comité,et peuvent prendre entre eux des délibérations que la majorité du comité pourraitimprouver. Quant àmoi, Monsieur le Président, j'avoue que depuis cet arrêté, auquel je n'ai pris aucune part, je me suis abstenu de paraître au comité, par la crainte de me voir imputer des fautes dont j'aurais ignoré les causes et l'origine. Aussi je déclare n'avoir participé en rien à l'arrestation de MM. de Mentier et d'Au-teuil, ni aux autres entreprises faites depuis cette époque au nom du comité. Je dois ajouter que M. de Pardieu, notre président, ayant aussi quitté le comité, MM. Voidel, vice-président, et Cochon, secrétaire, sont les dépositaires des secrets et de tout le pouvoir confiés au comité. Il n'est point de citoyen qui ne doive trembler de voir concentrer entre deux individus une autorité aussi illimitée et aussi arbitraire. L'Assemblée ordonnera dans sa sagesse ce qu'elle jugera convenable; quant à moi, je crois avoir satisfait à mon devoir, en lui donnant cet avertissement.
Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : Macaye.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de M. M. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
Messieurs, nous avons décrété hier que le régiment de Soissonnais se retirerait d'Avignon. Votre décret est rendu; il faut qu'il soit exécuté. Mais, Messieurs, si vous aviez eu la liberté de me donner un moment d'audience, je vous aurais instruit des causes des désordres qu'on dit être arrivés à Avignon; et vous n'avez été instruits que des faits, et encore d'une manière très illégale et très imparfaite. J'aurais eu l'honneur de vous dire que les soldats du régiment, de Soissonnais (car, Messieurs, les soldats sont patriotes et ils le sont partout ; lorsqu'ils manquent à leur devoir, ce n'est jamais que par la faute de leurs officiers), les soldats, dis-je, du régiment de Soissonnais sont patriotes *, mais les officiers se sont rendus odieux au peuple et voici pourquoi : ils ont commencé, en arrivant à Avignon... (Interruptions.)
La motion de M. Bouche n'est point à l'ordre du jour.
Je demande que la question concernant Avignon... Plusieurs voicp : L'ordre du jour I (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
J'ai reçu de M. le ministre de la justice la note suivante :
« Le roi a donné, le 5 et le 7 de ce mois, sa sanction aux décrets
suivants :
« 2° Et le 7, au décret du 30, relatif à la nomination des juges de paix; aux limites de leur juridiction; à l'établissement de tribunaux de commerce dans différentes villes ; aux tribunaux de ce genre actuellement existants ; et à l'union de plusieurs municipalités.
« 3° Au décret du même jour, portant que jusqu'à l'organisation du département de Paris, le corps municipal de la ville de Paris exercera les lonctions attribuées aux administrations de département, en ce qui concerne les travaux publics et les ateliers de secours.
« 4° Au décret du même jour, relatif aux recettes et dépenses pour la ville de Paris.
« 5° Au décret du 31.. sur les classes des gens 4e mer.
« 6° Au décret du même jour, portant qu'il sera établi des tribunaux de commerce dans les villes maritimes où il existe des amirautés.
« 7° Au décret du même jour, sur l'avancement des gens de mer en paye et en grade sur les vaisseaux de l'Etat.
« 8° Au décret du même jour, portant que toute découverte, ou nouvelle invention dans tous les genres d'industrie, est la propriété de son auteur.
« 9° Au décret du même jour, portant que l'information attribuée à la municipalité de Toulouse, relativement aux troubles qui ont eu lieu à Mon-tauban, sera continuée devant le tribunal du district de Toulouse.
« 10° Au décret du même jour, relatif à l'établissement de tribunaux de commerce dans les villes de Troves et de Chartres; aux juridictions consulaires de ces villes, et à la nomination de juges de paix dans les cantons de Lorient et de Cette.
« 11° Au décret du même jour, relatif aux rentes de l'année 1790, employées dans les états des payeurs des rentes, au profit des pauvres.
« 12° Et enfin au décret du premier de ce mois, portant qu'à l'avenir la décoration militaire sera accordée aux officiers de toutes les armes et de tous les grades, à vingt-quatre années de service révolues.
« Le ministre de la justice transmet à M. le Président les doubles minutes de ces décrets, sur chacune desquelles est la sanction du roi.
« Signé : M. L. F. Duport.« Paris, le
J'ai également reçu de M. le maire de Paris une lettre par laquelle il annonce que la municipalité a vendu samedi dernier trois maisons nationales. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de prestation du serment de M. Maurice Rivoire, curé de Gaudelud, membre du directoire du département de l'Aisne, et des sentiments religieux et civiques -qu'il a manifestés dans cette occasion. L'Assemblée ordonne qu'il en sera fait mention dans son procès-verbal.
secretaire, fait lecture de l'adresse suivante émanant du directoire du
district de Château-Thierry (1) :
(de Saint- Jean-d'Angély). M. Claude Marin-Saugrain m'a chargé d'offrir de sa part à l'Assemblée la .dédicace d'une nouvelle édition de l'Evangile, ornée de gravures, dont les dessins sont de M. Moreau et la partie typographique de M. Didot. Voici du reste comme s'exprime M. Marin-Saugrain : « Mon zèle pour les arts, le désir d'employer des talents que les agitations de la Révolution laissaient oisifs, m'ont fait concevoir et exécuter une édition nouvelle du plus beau et du plus parfait de tous les livres : l'Evangile. « L'Assemblée nationale a décrété qu'elle n'accepterait aucune dédicace. Je le sais : mais son attachement, son respect pour la religion, le désir d'en ajouter une preuve nouvelle à toutes celles qu'elle a données, pourraient peut-être la décider à faire une exception pour l'édition d'un ouvrage émané de la Divinité même. « Heureux si l'idée que j'ai conçue, si la prière que je vous fais d'agréer la dédicace de mon livre, peut vous fournir une nouvelle occasion de manifester à tout le monde chrétien que les conquérants, les défenseurs, les gardiens de la liberté, sont aussi les enfants respectueux de l'Eglise, les protecteurs zélés de la religion. » (L'Assemblée accepte cette dédicace avec acclamations.)
,au nom du comité militaire. Messieurs, dans les différents articles de décrets qui vous ont été présentés sur l'avancement des militaires, je vous déclare qu'il en a été omis un que, sans doute, vous regarderez comme nécessaire, puisqu'il a pour objet les officiers des troupes de ligne qui, au commencement de la Révolution et depuis la Révolution, sont entrés dans les gardes nationales. En conséquence, voici deux articles que j'ai l'honneur de vous proposer au nom du comité militaire : « L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité militaire, décrète ;
« 1° Que les officiers de tout grade qui, ayant servi dans les troupes dé ligne jusqu'au commencement de la Révolution, sont entrés, depuis celte mémorable époque, dans les gardes nationales, et y ont fait un service continuel et actif jusqu'au moment de h nouvelle organisation de l'armée, ont conservé leurs titres d'activité, et concourront en conséquence avec les officiers de leur grade pour arriver, aux termes des décrets, à celui immédiatement supérieur dans leur arme; « 2° Ceux qui? ayant servi depuis dix ans dans les troupes de ligne, avaient le grade de lieutenant, et qui, lors du commencement de la Révolution, et depuis celte époque, sont entrés dans les gardes nationales, ët y ont fait un service continuel et actif, seront susceptibles d'élre employés comme aides de camp, mais seulement lors du premier choix qui aura lieu à l'instant de la nouvelle organisation de l'armée ; passé cette époque, ils n'auront plus droit d'y prétendre. »
Il manque à ces deux articles un troisième; c'est celui des lieutenants à la suite, des capitaines à la suite et des capitaines en réforme qui, dans le cours de la Révolution, auraient été blessés en soutenant l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale ; celte classe est certainement nombreuse. Je ne veux pas qu'ils soient préférés en rien; mais je demande à l'Assemblée qu'ils puissent être aides de camp. Je propose, en conséquence, l'article additionnel suivant : « 3° Seront également admissibles aux places d'aides de camp, mais seulement à l'époque fixée par le précédent article, les capitaines à la suite, ou de réforme, et les lieutenants en activité ou à la suite dans les troupes de ligne, qui, dans le cours de la Révolution, auraient été blessés en soutenant l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale. » (Le projet de décret et l'article additionnel sont adoptés.)
,au nom du comité des rapports (l). Messieurs,un événement extrêmement
minutieux par lui-même a donné lieu, à Brie-Comte-Robert, à des scènes
qu'il est intéressant de vous rapporter pour que vous puissiez prendre
des précautions qui en préviennent les effets. Il existait à
Brie-Comte-Robert, comme dans plusieurs autres villes, une compagnie
distincte de la garde nationale. Cette compagnie, connue sous le nom de
la compagnie du bon Dieu, avait été sans cesse en discussion avec la
garde nationale. Par votre décret du 12 juin, vous avez ordonné que
toutes les compagnies différentes de la garde nationale seraient
obligées de se fondre dans ce corps, et qu'un mois après la publication
dé votre décret elles ne pourraient avoir aucune existence légale. Vous
avez ajouté à ce décret une seconde disposition qui porte que les
drapeaux de ces compagnies seraient supendus à la voûte des principales
églises des lieux, en signe de la paix. La compagnie établie à
Brie-Gomte-Robert, ayant voulu mettre à exécution cette seconde partie
du décret, a trouvé une grande résistance de la part de la garde
nationale. Cette résistance
ne voyant aucune sûreté pour eux, ont été aussi obligés de se retirer à Melan, où ils sont en ce moment. Tels sont les faits consignés dans les procès-verbaux, et qui nous ont été attestés par la députa-tion du directoire du département.Votre comité ne peut point se dissimuler que le département était autorisé à faire informer contre les auteurs de ce délit. Il ne s'est point dissimulé aussi que le département devait s'adresser directement au pouvoir exécutif pour requérir une force suffi-saute, afin de maintenir l'exécution de vos décrets; mais le directoire du département nous a représenté qu'il n'avait pu prendre des mesures de force pour faire exécuter vos décrets, parce que les habitants de Brie-Gomte-Robert, égarés par quelques esprits inquiets et perturbateurs, avaient déjà préparé quelques moyens de résistance. Ils avaient armé tous les citoyens, chargé leurs canons pour s'opposer à un détachement de troupes de ligne que le département avait requis de se transporter à Brie-Comte-Robert. Cette résistance vient de ce que les villes de Brie-Gomte-Robert et de Melun, étant rivales, se sont disputé le chef-lieu du département ; elle vient ensuite de ce qu'on avait persuadé a ces habitants que le directoire du département voulait envahir la puissance exécutrice, voulait subjuguer cette ville, et assujettir tous les citoyens par la force. D'après cela, Messieurs, si le département avait usé des pouvoirs que vous lui avez confiés, il était à craindre que ces citoyens ne se portassent à des excès très condamnables, et qui auraient entraîné de grands malheurs. Ces circonstances ont déterminé votre comité à vous demander un décret, afin d'ôter tout prétexte à ceux qui voudraient se prévaloir du silence de l'Assemblée nationale à cet égard : il se borne uniquement à prier le roi d'envoyer des troupes, et à ordonner l'information contre ceux qui ont été les auteurs des troubles. Comme cela ne préjuge rien, je crois qu'il est inutile de vous en dire davantage pour motiver le décret que voici : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, décrète que son président se retirera dans le jour par devers le roi, pour le prier de faire incesâament passer à Brie-Comte-Robert une force publique capable d'y Procurer l'exécution des lois, faire respecter autorité des corps administratifs, et assurer le retour et la tranquillité des citoyens qui ont été fofcés de s'éloigner de ladite ville. « Décrète en outre que les procès-verbaux, dressés par les commissaires du district de Melun, seront envoyés à celui qui fait, dans le tribunal' de district, les fonctions d'accusateur public, pour faire informer contre les auteurs des trouDles qui ont eu lieu, dans le cours de janvier, dans la ville de Brie-Gomte-Robert. » (Ce décret est adopté.)
demande et obtient un congé de trois semaines.
,au nom du comité d'emplacement des tribunaux, propose d'obtempérer à la demande du département du Puy-de-Dôme, en adoptant le décret suivant : « L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement des tribunaux, décrète qu'elle autorise le département du Puy-de-Dôme à occuper provisoirement l'ancien palais de la cour des aides de Ciermont-Ferrand et ses dépendances, à la charge d'en payer le loyer à dire d'experts, et à y faire, aux frais des administrés » les réparations portées au devis estimatif du sieur Fretel, du 4 décembre dernier, sans que ladite occupation puisse retarder en rien l'aliénation de ce domaine, dont le département pourra se rendre adjudicataire aux termes des décrets. » (Ce décret est adopté.)
,au nom du comité d'aliénation. Messieurs, quoique vous ayez décrété que l'adjudication des domaines nationaux vous serait présentée en masse, il se trouve des difficultés qui doivent vous être présentées isolément. La municipalité de Vitry-en-Perthois, département de la Marne, a fait sa soumission pour acheter la maison abbatiale, les lieux claustraux et la ferme habités par l'abbesse et les religieuses de Saint-Jacques. L'estimation des experts a porté tous ces immeubles à la somme de 158,000 livres; mais depuis l'estimation, les religieuses ont déclaré vouloir profiter des dispositions de l'article 3 des lettres patentes du 19 février 1790, portant que les religieuses pourront rester dans les maisons où elles sont aujourd'hui. Les experts doivent donc faire, sur leur estimation, défalcation de l'usufruit pendant la durée de la vie de ces religieuses. C'est d'après cette observation qu'il a paru juste à votre comité d'adopter le projet de décret çi-après : « L'Assemblée nationale déclare vendre à la municipalité de Yitry-en-Perthois les biens appartenant aux religieuses de Saint-Jacques pour la somme de 158,000 livres ; et, attendu que les experts n'ont pas estimé la maison, déduction faite de l'usufruit des religieuses qui ont déclaré vouloir l'habiter, décrète que la municipalité sera dédommagée. »
J'examine s'il est de l'intérêt, de la nation de vendre des nues propriétés et s'il ne serait pas beaucoup plus prudent d'attendre que les usufruits fussent éteints, parce qu'il est incontestable qu'une propriété grevée d'usufruit se vend toujours à très bas prix.
(de Saint-Jean-d Angély). Je demande que la question générale de savoir s'il est de l'intérêt de la nation de vendre des objets grevés d'usufruit soit renvoyée aux deux comités réunis d'aliénation et ecclésiastique. (L'Assemblée décrète la vente proposée par le comité d'aliénation, tout en réservant la question relative à la maison abbatiale, aux lieux claustraux et à la ferme de Saint-Jacques, question qu'elle renvoie à ses comités d'aliénation et ecclésiastique.) L'ordre du jour est la suite de la discussion sur les jurés.
M. Thouretest d'accord avec M. Tronchet sur certains points; mais voulant une restriction sur les preuves écrites, qu'il borne simplement aux dépositions, cela rend illusoire son adhésion aux vrais principes ; il veut d'ailleurs les faire rédiger devant le juré de jugement. Je soutiens que cette opération est inutile, si on veut les faire écrire devant le juré d'accusation. Pour prouver combien la raison est de mon côté, je me contente de faire cette hypothèse : si trois témoins sont entendus devant le juré, deux déposent contre l'accusé, le troisième fait une
déposition à sa décharge ; mais il meurt pendant le procès, donc il ne
peut plus être produit ; les deux autres témoins le sont et deviennent
d'autant plus préjudiciables à l'accusé qu'il n'a plus le témoignage du
troisième à leur opposer. Un tel procédé va directement contre nos vues,
puisqu'il peut priver l'innocence d'un de ses moyens de justification.
Mon opinion sur cette importante matière est simple : je voudrais écrire
sommairement devant les officiers de police les dépositions des témoins
et non pas, comme le comité, les assujettir aux formes ordinaires pour
se dispenser de les entendre devant le juré d'accusation; faire entendre
les témoins devant le juré d'accusation et faire rédiger par écrit les
dépositions,au lieu de le faire, comme le vent le comité, devant le
directeur du juré auquel il attribue la rédaction des dépositions
écrites; donner à l'accusateur public, à l'accusé et à son conseil la
faculté de faire dans le procès-verbal, après les débats, écrire les
faits, les aveux, les délits propres à justifier l'accusé ou à concourir
à sa conviction. Ën conséquence, je propose les trois articles suivants
: « Art. 1er. L'officier de police rédigera
ou fera rédiger par écrit les déclarations des témoins. Cette rédaction
sera faite sommairement, et n'exigera d'autres formalités que la
signature du témoin à chaque feuillet, ou sa déclaration qu'il ne sait
pas signer. « Art. 2. Les témoins seront entendus devant le juré
d'accusation, et les dépositions seront écrites par le greffier du
tribunal de district, sous la rédaction du directeur de juré» « Art. 3.
Ce qui sera dit entre les témoins et l'accusé ne sera point écrit; mais
l'accusateur public et l'accusé et son conseil auront la faculté de
demander qu'il soit fait, dans le procès-verbal, mention sommaire des
faits, des aveux et des dénis qu'ils croiront propres à établir
l'innocence de l'accusé ou sa conviction. »
(ci-devant de Villeneuve).Il est temps de fixer votre opinion sur la grande question qui vous occupe. Le cercle de nos idées sur chaque matière est circonscrit, et lorsqu'une fois on le parcourt dans tous les sens, l'esprit se fatigue et l'attention s'épuise ; et,au lieu d'avancer, il semble qu'on rétrograde. L'état de la question a d'abord été posé dans des termes simples : Les dépositions des témoins seront-elles écrites, oui ou non ?» On n'a pas tardé à s'apercevoir que l'un et l'autre parti entraînaient des inconvénients. Tel est le sort des institutions humaines : le bien est à côté du mal, aucune n'est parfaite, et celle-là est la meilleure, qui a plus d'avantages que d'inconvénients. C'est la une grande vérité qu'il ne faut jamais perdre de vue dans cette discussion. Il me semble que ceux qui combattent le système des dépositions non écrites ne sont frappés que des dangers et n'examinent pas assez qu ils sont balancés par les avantages. Il me semble aussi que ceux qui adoptent le système des dépositions non écrites se laissent éblouir par les avantages et ne considèrent pas assez les dangers. Dans le choc des opinions, dans cette fluctuation d'idées, que devait-il arriver? Ce que nous voyons, un mélange des deux systèmes, une composition avec les principes. Il est d'autant plus à craindre que cet assemblage informe ne séduise les esprits et ne trouve des partisans, qu'il ne choque pas trop les anciennes idées et s'accommode avec la timidité et la faiblesse. M. Tronchet a été le premier à proposer cette transaction entre la vérité et l'erreur ; il a demandé que l'instruction devant le juré du jugement se fît en présence des juges; qu'elle fût écrite pour être remise aux jurés et y avoir tel égard que de raison. M. Thouret a combattu cette opinion avec beaucoup de logique et de force; mais s'écartant de la ligne droite tracée par ie comité, il a conclu à ce que les dépositions des témoins fussent reçues par écrit, soit devant l'officier de police s'ils y étaient appelés; soit devant le juré d'accusation, s'ils y étaient traduits; soit enfin devant le juge du tribunal criminel, s'ils ne paraissaient qu à cette époque à l'instruction, exceptant toutefois le débat, fait en présence du juré, de la formalité de l'écriture. M. Tronchet et M. Thouret se réunissent sur un point fondamental : ils veulent l'un et l'autre que le juré ne prononce que d'après la conviction intime, que d'après le cri impérieux de sa conscience, qui le garde mieux dans la route de la vérité que toutes les combinaisons métaphysiques et les efforts de l'esprit. Ils sentent que le maintien, le regard, le geste, toutes ces expressions vivantes de l'âme, ne peuvent s'écrire, et ne doivent pas néanmoins être perdues. Ils conviennent que la preuve n'existe que dans l'assentiment, que la conscience est essentiellement libre, qu'elle ne peut être commandée ni par le nombre des témoins, ni par leur unanimité apparente, qu'il ne dépend pas même de l'homme d'éprouver ou de ne pas éprouver une répugnance à croire certains faits qui paraissent d'ailleurs établis d'après les probabilités humaines. La conviction personnelle, de quelques éléments qu'elle se compose, est la seule, l'unique règle à laquelle puissent obéir les jurés. Si des témoignages, quels qu'ils soient, peuvent les forcer à croire ou à ne pas croire, il n'y a pas de jurés. Faites une instruction publique, et remettez-la à des juges. M. Tronchet, tout en admettant la conviction morale, veut néanmoins y joindre l'écriture des dépositions et des débats ; il prétend que l'écriture n'affaiblira pas cette conviction, mais qu'elle l'éclairera, qu'elle la rectifiera, qu'elle en préviendra les inconvénients : il est tellement persuadé lui-même que la conviction morale est la base du jugement par jurés, qu'il ne veut pas, dit-il, que les jurés se trouvent gênés par 1 instruction écrite ; il leur laisse la liberté apparente d'y avoir tel égard que leur dictera leur prudence. Précaution illusoire ! c'est là le nœud de la question; c'est là où viennent se réunir toutes les difficultés; c'est là où votre attention doit se porter tout entière. Si l'écriture ne détruit pas la conviction morale,si elle peut sympathiser avec elle, il ne s'agit plus que de chercher la meilleure manière de l'employer; mais si au contraire l'écriture détruit cette conviction, il est impossible de l'admettre, puisque la conviction étant le vrai point d'appui de l'établissement, l'édifice s'écroule, si on la retire. Il ne s'agit même pas de savoir s'il existe ou non des inconvénients à ne pas écrire, puisque ces inconvénients sont tels qu'on ne peut tenter d'y toucher sans anéantir l'institution même. On se réduit alors à des termes rigoureux : voulez-vous cette excellente institntion avec les défauts qui y sont inhérents, ou aimez-vous mieux la rejeter ? — En bonne logique, on pourrait donc se passer d'examiner ces inconvénients, lors-
qu'ils sont balancés par des avantages inappréciables. Attachons-nous fortement à ce point décisif. Ne permettons point à notre imagination de s'égarer dans un dédale inextricable de combinaisons, de doutes, d'incertitudes. C'est la seule manière de résoudre avec justesse la grande question qui nous occupe. Ceux donc qui croiront que l'écriture peut s'allier avec la conviction morale admettront l'écriture; ceux-là au contraire la rejetteront, qui seront persuadés que l'écriture portera un coup funeste à cette conviction. Quant à moi, il m'est démontré que l'écriture altérera d'abord et étouffera ensuite la conviction morale. Plus j'y ai réfléchi, plus je me suis pénétré de cette vérité. Il me semble que M. Thouret l'a établie avec une irrésistible évidence. « En réunissant la discussion orale et l'instruction écrite, a dit M. Tronchet, j'ai deux moyens au lieu d'un ; or, deux valent mieux qu'un. » Mais si ces deux moyens se détruisent réciproquement, ou du moins s'énervent l'un l'antre, alors les deux n'en valent pas un bon. « Mais, continue M. Tronchet, sans doute que la discussion écrite et séparée de l'action à laquelle le juge n'a pas assisté ne lui présente pas les détails moraux qui peuvent concourir à la conviction du sentiment et du cœur; mais ces détails moraux se représentent nécessairement à la mémoire et à l'âme du juge qui en a été témoin, lorsque les résultats écrits lui sont remis. » Mais ces détails écrits amèneront indubitablement l'indifférence des jurés, ils seront moins attentifs à la déposition, à la discussion orale ; ils se reposeront sur l'écriture. Dans le concours habituel de deux moyens, l'un l'emportera sur l'autre, et finira par le faire disparaître. C'est ici où M. Tronchet s'écrie : « Vous calomniez vos jurés 1 » Non, mais il faut voir les hommes avec leurs passions et leurs faiblesses ; il faut voir les institutions dans l'avenir, et examiner les causes qui peuvent entraîner leur chute. Voyez, je vous prie, quels efforts pénibles et embarrassés ont été faits pour amalgamer la discussion orale et l'instruction écrite. La raison en est simple; c'est que cette réunion n'est pas naturelle, c'est qu'il y a de l'antipathie entre ces deux systèmes. Voyez, en même temps, si aucun des moyens proposés pour ce mélange bizarre est satisfaisant pour l'homme qui cherche la vérité et le bien public. L'expédient, indiqué par M. Tronchet, a été attaqué avec succès par M. Thouret, et celui que M. Thouret y a substitué peut être combattu à son tour. Je ne présenterai à cet égard que quelques idées générales et rapides. Si, comme le veut M.Tronchet, on transcrit littéralement, devant les jurés, les longues et fatigantes narrations des témoins, la discussion vive et pressante qui s'engage naturellement entre eux et les accusés, les interpellations, les reproches, les répliques, tout ce qui se passe enfin dans ces moments terribles où l'homme combat pour son honneur et souvent pour sa vie, il n'y a plus de jurés II n'est point de sophisme qui puisse effleurer cette vérité, dont chacun se sent pénétré comme malgré soi, et tout ce qu'a dit M. Tronchet à cet égard n'est pas même spécieux, pour quiconque vent réfléchir. Le procédé de M. Thouret a des inconvénients d'un autre genre. Il a évité sagement celui que nous venons de relever, qui serait le tombeau des jurés. Ce n'est pas devant eux qu'il fait écrire les dépositions. Le débat seulement a lieu devant eux, ils ne l'écrivent pas. Remarquez d'abord que les dépositions de M. Thouret se font devant un seul homme et secrètement, vice reproché avec tant de raison à notre ancienne procédure. Ensuite, le témoin se trouve engagé au moment même où il se présente à la justice. Il a déposé sous le sceau du serment, et vous le mettez dans la cruelle perplexité de rétracter ce qu'il a dit, ou de persévérer en immolant l'accusé. C'est cette chance périlleuse que vous n'avez pas voulu faire courir au prévenu d'un délit. C'est contre elle que M. Thouret s'est élevé lui-même avec tant de véhémence. Cependant, par la contradiction la plus manifeste, il tombe dans cet écueil ; il fait écrire la déposition du témoin, soit par un officier de police, soit par le directeur du juré, soit par le juge du tribunal criminel ; et ainsi, lorsque l'accusé paraît devant le témoin, lorsqu'ils sont en présence l'un de l'autre, le témoin,qui n'ignore pas ce qu'il a déclaré, se met en garde contre les interpellations de l'accusé, et fait tous ses efforts pour que ses réponses rentrent dans ce qu'il a précédemment avancé. M. Thouret va plus loin : pour enchaîner de plus en plus le témoin, il fait donner une lecture publique de ses dépositions avant que le combat s'engage enlre lui et l'accusé, de sorte que le témoin, entouré de spectateurs, se voyant couvert d'humiliation et d'opprobre, s'il tergiverse, est encore plus vivement intéressé à être opiniâtre et à soutenir avec force ses allégations. Ou le témoin peut modifier ou même rétracter ce qu'il a dit, ou il ne le peut pas. M. Thouret conviendra sans doute qu'il le peut. Dans cette hypothèse, de quelle ressource serait sa déposition, si on en voulait faire usage ? Ainsi, je le suppose, par des faits découverts on tenterait de constituer un témoin en mauvaise foi ; on lui dirait : voilà votre déposition, elle contient telles et telles circonstances qui sont fausses.Il répondrait : cela peut être vrai ; mais lors des débats, l'accusé m'ayant fait des réflexions, j'ai reconnu des erreurs qui m'étaient échappées, et je les ai rectifiées. Or, comme les débats ne s'écrivent point, le faux témoin échapperait facilement aux poursuites. Il en serait de même des faits que l'accusé ou sa famille opposerait après le jugement. Il est vrai que les dépositions des témoins n'en font pas mention, mais ils ont été présentés lors delà discussion orale. Si les dépositions s'écrivaien t, à quelque époque de l'instruction que ce fût, il arriverait infailliblement que presque tous les jugements seraient attaqués; on se plaindrait del'inexactitude des faits exposés par les témoins, d'omissions, d'erreurs. On recourrait aux dépositions écrites, et ainsi la conduite des jurés serait exposée à une censure perpétuelle. On n'examinerait que ce qui serait écrit; on trouverait qu'il n'y avait pas lieu à condamnation; les jurés voudraient inutilement se justifier par les débats, comme il n'en subsisterait pas de vestiges, comme les preuves vivantes seraieut disparues, il en résulterait des doutes fâcheux, tout au moins des tracasseries dégoûtantes, qui finiraient par décourager et peut-être par avilir les jurés. Tant il est vrai que les dépositions écrites ne peuvent pas s'allier avec les procédures parjurés; tant il est vrai que la conviction morale est illusoire et anéantie, si l'on recourt à l'écriture. 11 y a des inconvénients à ne pas écrire les dépositions, répète-t-on sans cesse : je le veux. Mais
si vous écrivez, vous renversez votre institution; choisissez. Au surplus ne nous refusons pas à jeter un coup-d'œil sur les inconvénients. Ils se réduisent à deux: 1° difficulté de prononcer le faux témoignage; 2° impossibilité de recourir à une revision lorsque l'innocent a été condamné sur une erreur de fait qui se découvre après le jugement. Il suffit de parler de faux témoins, de dire qu'on va les multiplier par l'espoir de l'impunité, pour qu'à l'instant l'imagination se perde dans des généralités alarmantes. Chacun, faisant un retour sur soi-même, craint d'être la victime de la scélératesse. Il est facile de nous toucher, de nous émouvoir, lorsqu'on met au jour notre intérêt personnel et-celui de l'humanité ; examinons cependant Fobjection avec le calme de la raison. Prenez garde d'abord qu'il faut un corps, de délit certain avant de défigurer un coupable; des crimes ne se commettent pas ainsi à plaisir et à volonté : pour faire des victimes, il faut au moins des vraisemblances contre les personnes à qui on veut les imputer, et déjà de grandes difficultés se présentent contre les intentions des hommes pervers. Voilà les vrais obstacles contre les faux témoins ; du reste, aucune législation criminelle ne peut empêcher des scélérats de faire un faux témoignage ; la nôtre n'avait pas plus ce privilège que toutes celles qui nous sont connues. Combien de fois cette cruelle vérité n'est-elle pas échappée de notre bouche : « Le plus honnête homme n'est pas sûr de ne pas monter sur l'échafaud.» Pourquoi? c'est que le faux témoignage est presque impossible à découvrir. J'en atteste les annales judiciaires, et qu'on dise combien de criminels ont été convaincus d'avoir déposé sciemment contre leur conscience; le nombre en est à peine remarquable. Un témoin peut se tromper et se tromper de bonne foi ; il peut exposer un fait faux et qu'il croit vrai ; entre l'erreur involontaire et l'erreur volontaire, la nuance est si délicate qu'ii est très difficile de porter un jugement; et puis l'homme qui veutmen-tir à la justice prend des précautions pour ne pas se mettre en évidence; il a soin de se ménager une issue pour échapper à la conviction. Que fait alors une écriture qui ne vous conduit pas à la découverte de ce que vous cherchez, et qui laisse aux coupables une impunité presque assurée? Mettez en parallèle notre procédure actuelle avec la procédure par jurés, où la déposition des témoins est publique, où la contradiction que peuvent leur opposer les accusés est également publique, où enfin les jurés peuvent ajouter aux dépositions le degré de confiance et de valeur qu'ils jugent convenable, et dites de quel côté les témoins sont le plus à redouter. Les uns déposent en secret ; ils ne sont point intimidés par la présence du public, par celle de l'accusé ; ils ne paraissent devant le prévenu que lorsque déjà ils se sont liés et ont intérêt à soutenir leur déposition. Les autres parlent devant des spectateurs de leur conduite, et devant l'accusé; ils tremblent d'être démasqués et sont retenus, sinon par leur conscience, au moins par la honte et la crainte des peines. Les juges ne reconnaissent d'autres récusations que celles prononcées par la loi, et la déclaration des témoins qui leur inspirent le moins de confiance fait foi, si elle n'est prouvée fausse ; ce qui est presque toujours impossible. Les jurés, au contraire, qui éprouvent un sentiment intérieur de répugnance contre cette déclaration, la rejettent, sans être obligés d'en donner aucun motif, et écartent souvent par là un faux témoin qui, aux yeux de la loi, ne pourrait pas être jugé tel. Ët on déclame contre la procédure des jurés,sous le prétexte qu'elle encourage les faux témoins en les laissant impunis, tandis que notre ancienne procédure leur donnait un accès plus facile, et qu'il était presque impossible à la loi de les atteindre. On a allégué avec une grande assurance qu'il y avait plus de faux témoins en Angleterre que dans le reste de l'Europe ensemble. Nous ne demanderons pas à l'auteur de cette assertion quels sont ses documents à cet égard, mais nous lui dirons qu'on a observé que les faux témoins en Angleterre étaient en général à la décharge des accusés. Je ne prétends pas justifier l'homme qui soustrait un citoyen coupable à la vengeance des lois ; mais au moins ce délit ne peut pas se comparer à celui qui conduit un innocent sur l'échafaud. Quant à la revision, je répondrai en fort peu de mots. Quelle sera, dit-on, la ressource de l'innocent condamné sur une erreur de fait, lorsque les faits ne seront pas consignés dans des écritures et déposés dans un greffe? Ces idées vagues peuvent en imposer d'abord ; elles s'évanouissent lorsqu'on les particularise, et lorsqu'on en vient à l'application. Toutes les erreurs de fait ne donnent pas et ne peuvent pas donner lieu à la revision; il faut que Terreur soit telle, que l'innocence de l'accusé résulte évidemment de la vérité découverte. Ainsi, et ces exemples, je crois, vous ont déjà été cités, un homme a été condamné pour avoir assassiné une personne, et la personne reparaît; un homme a été condamné pour un délit dans une instruction postérieure; les vrais'coupables se trouvent convaincus de l'avoir commis, ils en conviennent. Dans ces cas, dans ceux d'une évidence semblable, et ce sont là les erreurs de fait qui appellent et nécessitent la revision ; dans ces cas, dis-je, il importe peu que les dépositions aient été ou n'aient pas-été écrites, parce qu'il est démontré que, si des faits de cette nature eussent pu être connus, l'accusé n'aurait pas subi de condamnation. Que l'erreur frappe,ou sur le corps du délit, ou sur la personne accusée, ou sur les preuves, elle peut être facilement reconnue. Reste-t-il encore des doutes fâcheux dans les esprits, tous les inconvénients ne paraissent-ils pas dissipés?... Eh bien 1 je dirai : sachez supporter les imperfections d'un établissement utile, comme nous sommes tous condamnés à supporter les maux de l'humanité. La perfection serait ici une chimère dangereuse : les moyens qu'on vous a indiqués pour y parvenir ne me paraissent propres qu'à voua égarer et à dénaturer la sublime institution des jurés. Si vous ne croyez pas les esprits suffisamment préparés, si vous ne les croyez pas assez mûrs pour la recevoir, si les circonstances ne vous paraissent pas favorables, remettez à d'autres temps, mais sous prétexte de vous accommoder à notre faiblesse, de faciliter le passage d'un ordre ancien à un autre ordre nouveau, n'altérez pas dès le principe, ne dégradez pas la majesté de cette institution. Je demande donc la question préalable tant sur l'article proposé par M. Tronchet, que sur le projet présenté à la dernière séance par M. Thouret, et je conclus à ce que les dépositions des témoins ne soient pas écrites, et à ce que la discussion soit orale.
La manière scientifique dont on a traité la question qui nous occupe a obscurci la matière, au lieu de l'éclaircir. Cette
discussion me rappelle qu'on demandait à un grand magistrat s'il était difficile de juger. «Rien, répondit-il, n'est si aisé que de juger quand une question se présente à un tribunal ; mais il n'en est pas de même quand les avocats ont parlé. » (On applaudit.) Or, comme je suis profondément convaincu qu'il ne faut pas être savant pour faire des lois, je vais vous soumettre des observations extrêmement simples. On est parti d'un fait ; on a dit qu'il ne fallait pas hésiter quand il s'agissait de suivre l'exemple donné par une nation des plus éclairées de l'Europe; on a dit qu'en Angleterre une loi défendait de recevoir les dépositions écrites. Lorsqu'au troisième siècle on institua le juré, il n'y avait pas cent personnes qui sussent écrirent. Cet usage barbare des siècles d'ignorance est cité dans cette Assemblée comme le chef-d'œuvre de la raison humaine. Les Anglais, qui conservent un respect profond pour leurs institutions, et qui craignaient de toucher à l'édifice de leurs lois, n'ont pas osé changer cet usage. Toute Ja liberté de l'Angleterre lient à l'institution des jurés. 11 y a dans ce royaume douze grands juges ambulants, ayant 48,000 livres de traitement, nommés par le roi et révocables à volonté. C'est pour se prémunir contre les inconvénients d'un pareil ordre judiciaire que la législation anglaise a fait de la condamnation d'un homme un syllogisme. La loi fait la majeure : tout homme (jui commet tel délit doit subir telle peine. Le juré fait ia mineure : tel homme a commis tel délit. Le juge tire la conséquence : donc tel homme subira telle peine. (On applaudit.) Rien n'est plus beau qu'une telle institution. Ce concours sublime de la loi, du juré qui en est le témoin, du juge qui en est l'organe, mérite l'admiration de l'Europe entière. Dans l'état où se trouve le royaume, il est aussi facile de lire, d'écrire, que d'entendre les témoins. Les juges seraient des despotes, s'il n'y avait pas des pfeuves écrites qui réclamassent contre eux. Quand même on pourrait se fier à leur équité, faudrait-il se fier à leur mémoire? L'un dira qu'on a déposé tel fait, l'autre lui reprochera d'avoir oublié telle circonstance; il arrivera au tribunal ce qui arrive tous les jours dans les salons où il y a cinq ou six personnes ; on ne peut s'accorder sur un fait. Sous le règne de Charlemagne et auparavant on ne connaissait point la preuve testimoniale ; elle n'était pas admise en matière civile : ensuite elle ne l'a pas été au-dessus de la somme de cent livres... Il serait à désirer de pouvoir s'en passer en matière criminelle, comme en matière civile; mais on n'écrit pas sur les tablettes le crime qu'on veut commettre. C'est un grand malheur de condamner un homme sur le témoignage d'un autre homme. Il faut donc inspirer au témoin cette sainte terreur qui lui donne la crainte d'attirer sur lui le plus grand des malheurs, s'iL abuse de la confiance que la loi lui accorde. Il faut qu'on écrive, et que si le témoin trompe la justice, il voie dans chaque ligne le titre de sa condamnation. Je le répète, l'Angleterre renferme un très grand nombre de faux témoins. Les gens instruits attribuent cet inconvénient aux dépositions verbales. Us gémissent, mais ils craignent de changer la législation de leur pays, et ils voient plus de malheurs dans la perfection de leur institution que dans la continuation de cet usage. L'Alcoran a défendu les dépositions écrites, et il y a un grand nombre de faux témoins en Turquie. L'ouvrage du septième siècle ne doit pas être le flambeau du dix-huitième. Il est diffi- cile, dit Chardin, de poursuivre un criminel, sans en faire dix autres qui viennent déposer pour ou contre l'accusé.... Si l'innocent succombe, quel moyen aura-t-il de s'élever contre un jugement inique? Tout aura disparu; il ne restera qu'une grande injustice qu'on ne pourra réparer. Je m'appuie aussi des exemples de Calas et des trois roués. Jamais on n'aurait pu revoir leur procès, réhabiliter leur mémoire, si les preuves n'avaient pas été écrites. (On entend des applaudissements et des murmures.) N'y eût-il qu'un seul exemple d'une réhabilitation, c'en serait assez pour que la loi ordonnât les preuves écrites. Considérez dans quel siècle, chez quelle nation vous vivez I L'opinion publique est un tribunal qui veut juger de tout : comment l'éclairer sans preuves écrites? Tout le monde sait que ce fut l'opinion publique de Toulouse qui entraîna les juges, qui les força de condamner Calas. Eh bien ! placez-vous dans l'hypothèse de dépositions non écrites ; voyez si vous laissez quelque barrière au jugé contre lui-même et contre ropinion ; comment se défendra-t-il contre ce flot de l'opinion populaire? Vous lui ôtezle seul moyen qui lui reste pour être juste, la seule arme dont il puisse se servir pour attaquer l'erreur, la seule digue contre l'ostracisme dont il sent l'injustice. C'est parce que la procédure était écrite, et sans examiner si Calas était innocent ou coupable, que l'Europe entière a reconnu que les juges de Toulouse n'avaient pas de preuves concluantes. Si depuis vingt ans l'institution des jurés sans preuves écrites existait, la mémoire de Galas n'aurait pas été> réhabilitée. Plusieurs voix : Il n'aurait pas été condamné.
On oppose enfin la supériorité de la preuve morale sur la preuve légale. Je me permettrai de croire que plusieurs orateurs ne se sont pas entendus eux-mêmes; il faut nous défendre des mots obscurs, car ils sont plus dangereux que les sophismes» Est-ce que le juge, quand on écrit une déposition, ne voit pas le témoin, n'étudie pas ses gestes, ses regards...? Si vous n'écrivez pas, vous vous jetez dans tout le danger des dénégations, des désaveux du témoin... La preuve légale est la dernière de toutes les preuves. Que des commis arrêtent des contrebandiers, la loi les déclare témoins nécessaires; voilà une preuve légale autorisée par la loi; mais ce n'est pas une faveur accordée à l'accusé ; ce ne sont donc pas des preuves légales qu'il faut nous donner, elles sont les plus redoutables de toutes. (On applaudit.) Beccaria, dans son traité des délits et des peines, nous a révélé cette grande vérité, que le caractère véritable des preuves devait être leur indépendance l'une de l'autre. Pour bien reconnaître cette indépendance, il faut comparer les preuves, les examiner mûrement; et certes ou ne pourra les examiner si elles ne sont pas écrites. Ge ne sera pas en nous ramenant aux siècles de barbarie, comme si l'écriture était un moyen de corruption, que vous arriverez à traiter avec justice votre semblable, (ha droite applaudit.)
Considérons maintenant le nouvel ordre judiciaire qu'on vous propose relativement aux scélérats et aux grands intérêts de la société. Pour peu qu'on ait étudié la jurisprudence criminelle et les criminalistes, on sait qu'il est peu de crimes isolés ; toutes les procédures criminelles se tiennent. Les scélérats ont de grands moyens d'impunité, et peut-être n'en est-il pas un sixième
qui puisse être puni par les lois. Un homme exécuté à Meaux révèle ses complices et les auteurs d'un crime commis à Cambrai. Si vous n'avez rien écrit vous brisez tous ces anneaux, vous ôtez aux scélérats un frein puissant et nécessaire, et vous vous privez de tant de lumières indispensables pour la sûreté publique. Vous voulez épargner le temps des jurés, leur donner une facilité qu'ils n'exigent pas de vous. Un homme appelé à remplir les fonctions de juré,une seule fois peut-être, consacrera sans murmures son temps à la société, sinon ce n'est pas un citoyen. Mais ne nous mêlions pas du patriotisme de jurés, mettons-les à même de bien se convaincre du crime ou de l'innocence de l'accusé; ils ne peuvent s'en convaincre que par l'écriture des dépositions. Si nous vous sacrifions l'unanimité en usage en Angleterre, vous devez en échange vous rallier à un moyen que tout le monde connaît. Il ne faut pas nous donner les Anglais pour maîtres, si vous les abandonnez vous-mêmes en renonçant à la clause salutaire de l'unanimité. Nos concitoyens sont effrayés de voir des procès sans une ligne d'écriture: vous devez à leur faiblesse cette sage condescendance. Vous ne nous opposez qtf une légère perte de temps, et nous vous présentons des considérations de justice, de patriotisme et d'humanité. (La partie droite applaudit.)
Je persiste à penser que les dépositions purement orales sont le genre le plus parfait de procédure qui puisse être adopté. Je ne suis donc pas même du dernier avis de vos comités qui admettent jusqu'à un certain point l'écriture. Je me bornerai à vous présenter quelques considérations particulières. On a fait valoir les obstacles que les preuves orales mettent à la revision d'un jugement. La revision ne peut avoir lieu que pour deux causes : ou quand il est survenu des preuves depuis le jugement, ou quand les preuves que contient la procédure ont été mal considérées, mal interprétées. Dans le premier cas, on ne peut invoquer la nécessité de l'écriture des dépositions. L'examen des nouvelles preuves sera indépendant du premier examen, il suffira de faire la comparaison des preuves nouvellement acquises avec la déclaration du fait consigné dans le jugement. Dans le second cas, il est évident que quand des juges ont mal interprété, mal conçu des dépositions, c'est probablement que ces dépositions étaient mal rédigées, perplexes et équivoques : ainsi il faut chercher dans l'imperfection même de la procédure la source de la nécessité de la révision. Il est pareillement évident que cette imperfection n'existe pas dans les dépositions orales. Le juge perplexe a les témoins et l'accusé devant lui. Il peut continuer l'examen tant qu'il le croit nécessaire. Difficilement il y aura de mauvaise conception et de jugement rendu sans examen suffisant. Ainsi, sous le second rapport, la revision n'est pas nécessaire. G-tte revision est un faible avantage pour un accusé après la condamnation ; pour lui conserver cet avantage, le priverez-vous de la méthode qui peut assurer qu'il ne sera pas condamné ? On vous a fait envisager le danger de la multiplicité des faux témoins ; je ne répéterai pas ce qu'a ditM.Thouret.il est certain qu'ils seront plus rares avec des preuves non écrites ; un témoin trouve des ressources dans la procédure écrite: une fois son dire écrit, il n'a rien à craindre; il n'a qu'à dire qu'il persiste. Quand les preuves sont écrites, il est exposé à la peine du faux té- moignage, il est très difficile d'obtenir qu'il se contredise ; ce conseil évident de la loi est du plus grand danger pour l'accusé. Il voit la peine qui l'attend, s'il dit trop tardjla vérité que réclame 1 innocence. Avec des preuves orales, le témoin se ravisera sur l'explication que pourra lui donner l'accusé ; il reviendra sur ses pas, il ne craindra pas la preuve écrite de son délit, qui lui montre déjà la peine qu'il a encourue. Ainsi, il y aura moins de faux témoins. Il y aurait peut-être un moyen de ramener ceux qui craignent Ie3 faux témoignages. Je ne verrais pas d'inconvénient à ce que, sur la réquisition des accusés, il fût écrit que le témoin a dit telle chose, qu'il a articulé tel fait. On pourrait de cette manière, sans détruire l'institution, rassurer l'accusé et effrayer le témoin. Je ne veux pas d'écriture au delà. On a dit, en parlant des preuves légales, que la loi n'avait jamais déterminé la masse des preuves nécessaires pour condamner. Cependant nous trouvons dans le droit écrit que, dans tel cas, la loi exige tel nombre de témoins. La loi XI, au Digeste, porte « que là où la loi n'a pas défini le nombre des témoins, le nombre.de deux suffit». Quand même il n'y aurait pas de loi qui nous prouvât ce fait, il n'en serait pas moins incontestable que la jurisprudence établissait qu'il fallait deux témoins pour condamner; et que quand ces deux témoins étaient au-dessus des exceptions que la loi regarde comme pouvant atténuer les dépositions, le juge était obligé de condamner : il est donc certain qu'il existait des preuves légales.... La prééminence des preuves orales n'est pas douteuse. Les jurés n'ont pas seulement devant eux des phrases, mais un tableau actif et vivant; ils contemplent les témoins, ils les circonscrivent de toutes parts ; un mouvement, un geste portent la défiance et communiquent au juré une circonspection salutaire ; 1e juré et l'accusé lui-même ont mille moyens pour parvenir à confondre le témoin et à lui arracher la vérité..... Je conclus à ce qu'il n'y ait pas de procédure écrite, ou que du moins l'accusé puisse seulement demander qu'il soit fait mention au procès-verbal de tels ou tels faits articulés par le témoin. Si l'Assemblée n'est pas convaincue du danger des preuves écrites, je demande l'ajournement indéfini de la question.
(1). Messieurs, il est un moment où les discussions les plus importantes peuvent et doivent se simplifier. Tel est le précieux avantage du choc des opinions, soutenues avec le calme de raison et dictées par le véritable désir de rechercher la vérité, qu'il simplifie les difficultés les plus abstraites en les éclaircissant, et qu'en développant les inconvénients des deux extrêmes, il fait sortir la vérité des nuages que rassemblaient sur elle des vents dirigés en sens contraires.
Déjà le comité, en s'amendant lui-même, a cédé une partie du terrain;
voyons si,en nous amendant à notre tour, nous ne pouvons pas nous
rapprocher; voyons s'il n'est pas possible, sans compromettre le succès
de l'institution décrétée, sans altérer la sévérité des principes du
comité, ni ce qu'il considère comme l'essence du jugement par jurés,
faire encore quelques pas en avant, et obtenir quelque nouvelle
concession en faveur des deux grands intérêts que nous défendons, celui
Tel est l'esprit qui me ramène une seconde fois à cette tribune, et l'objet des nouvelles réflexions que je vais vous soumettre.
Je distingue trois choses principales dans le projet de décret que le comité a mis en opposition avec celui que j'avais eu l'honneur de vous présenter.
Eu premier lieu, il me parait avoir montré une trop grande indifférence sur la forme de la rédaction des dépositions dont il consent la rédaction par écrit; je me propose de vous prouver qu'il est nécessaire, même sans rien préjuger sur 1 étendue de l'effet qu'elles doivent produire entre l'accusé et les témoins, d'en assurer la fidélité de la rédaction, et que cet objet peut et doit être rempli par une précaution qui ne compliquera point la simplicité de l'instruction devant le juré de jugement.
En second lieu, il me paraît que le comité, en se bornant à la seule rédaction des dépositions, ne peut pas remplir l'objet pour lequel il destine cette écriture, et que, quand même cette écriture n'aurait que ce seul intérêt pour but, on pourrait y ajouter un second procédé qui ne compliquerait pas beaucoup la forme du débat et n'en détruirait pas le caractère essentiel.
En troisième lieu, je ne peux adhérer à la sévérité duprincipe, qui refuse aux jurés toute communication des dépositions, et de ce qui aura pu être écrit dans mon plan, même lorsque les jurés croiraient cette communication nécessaire pour soulager leur mémoire et tranquilliser leur conscience; je me propose de vous prouver que cette communication, dont il pourra résulter de grands avantages, ne peut offrir aucun danger, et qu'elle ne peut altérer en rien la nature de la conviction morale; surtout si l'on ajoute à la procédure du jugement une formule qui me paraît devoir former une barrière insurmontable contre tout retour au système absurde des preuves légales.
Tel est, Messieurs, le plan des réflexions que je vais vous présenter ; leur développement vous fera connaître combien je crains moi-même de contrarier le succès de l'institution des jurés, et combien je respecte tout ce qui me paraît appartenir à son essence. I.
Je n'examine point s'il n'y a que la délicatesse du passage de l'ordre ancien à l'ordre nouveau qui ait dû déterminer à consentir la rédaction par écrit des dépositions ; si c'est par ménagement pour notre faiblesse, ou par nécessité, que le comité nous a fait cette concession. Nous ne combattons point dans cette tribune pour une gloire personnelle, mais pour l'intérêt public ; et je me contente, par cette raison, de considérer ici ce que l'intérêt public exige quant à la forme de cette rédaction.
Je remarque dans le projet de décret trois sortes de déposition : celle devant l'officier de police, celle devant le directeur du juré, celle devant l'un des juges du tribunal criminel.
De ces trois dépositions, j'en vois la rédaction absolument abandonnée à un seul officier, l'officier de police, le directeur du juré, l'un des juges du tribunal criminel, et par conséquent toute l'authenticité de la rédaction dépendant de la foi que la loi peut attacher au caractère de l'officier.
C'est retomber dans un des plus grands incon-
vénients de l'ancien ordre des choses. On se plaignait alors, avec grande raison, de ce que l'officier qui recevait les dépositions restait maître de leur substance, de ce qu'il pouvait en quelque façon changer la substance en traduisant à sa façon le langage rustique d'un témoin.
Je crois infiniment important de ne pas faire renaître cet abus, et cela par deux raisons : la première relative à l'intérêt de l'officier qui recevra les dépositions; la seconde pour l'intérêt de l'accusé.
Ne croyez pas, Messieurs, que par les précautions que je désire, j'entende lier le témoin, ni décider cette grande question, s'il doit y avoir une époque où le témoin ne puisse plus varier bien entendu dans des points essentiels. Dépuis mon premier discours, j'ai réfléchi sur cette importante question ; j'en sens plus que jamais toute la difficulté, mais cette question ne tient en rien à celle que nous agitons. Il a fallu dans l'ordonnance de 1670 une loi textuelle pour ôter au témoin la faculté de varier. Un silence absolu sur ce point suffit pour la réserver tout entière ; et te] parti que vous preniez dans la suite à cet égard, les précautions que je vous proposerai ne m'en paraissent pas moins nécessaires.
Quoique le témoin reste libre, à l'instant du débat, de se livrer aux impressions de la conviction ou de la résipiscence, il existera toujours un embarras pour lui, lorsqu'il s'agira de faire un aveu directement contraire à sa déposition ; la crainte ne l'arrêtera pas, s'il est convaincu qu'il n'y a point de peine à encourir ; mais une fausse honte suffira pour le porter à chercher une excuse. Il se rèjettera sur l'inexactitude de la rédaction de sa déposition ; et pour se décharger d'un mensonge, il imputera uue fausseté à l'officier qui aura rédigé sa déposition. Sans doute, une pareille imputation ne produira aucun effet légal; mais elle poura produire des effets moraux très-dangereux. Plus vous avez attaché, Messieurs, d'importance au choix populaire de vos officiers publics, plus vous devez accumuler les moyens de leur assurer la confiance du peuple ; plus vous (levez les mettre à l'abri des imputations.qui peuvent altérer la confiance, et qui souvent sont suivies avec d'autant plus d'avidité, qu'elles sont plus actives. Première considération.
Ma seconde considération est relative à l'intérêt de l'accusé. Quoique le comité conserve au témoin sa liberté jusque dans le débat, il convient néanmoins qu'il faut un terme à l'impudence ; il réserve à Vaccusateur publie, aux juges et au jury, à apprécier moralement le caractère des variations qui devront rendre le témoin punissable. Mais n'est-il pas évident que le caractère moral dè ces variations ne peut se saisir que par la comparaison de la nature et de l'importance de la première assertion avec le désaveu forcé? N'est-il pas évident, dès lors, que cette combinaison morale ne peut résulter que de la comparaison du fait écrit dans la déposition, de la manière dont il a été circonstancié, avec les désaveux arrachés au débat ? N'est-il pas évident enfin que vous vous enlevez presque tous moyens de cette appréciation morale du caractère des variations, si vous laissez au faux témoin l'arme du désaveu de sa déposition écrite ?
L'intérêt de l'accusé se réunit donc à la nécessité de protéger l'honneur du juge, pour exiger une forme qui donne un caractère d'authenticité à la déposition dont vous confiez la rédaction à un seul officier.
Je ne vous proposerai pas, sans doute, l'adjonction des notables. L'institution des jurés doit anéantir cette constitution purement provisoire. Il ne faut prs multiplier les charges civiques. Mais je vous proposerai un expédient fort simple.
Je n'exige aucune formalité pour la déposition faite devant l'officier public et devant le directeur du jury; j'en assurerai la fidélité en rappelant les témoins devant le jury d'accusation. Là, je ferai relire aux témoins leurs dépositions; je les ferai interpeller de déclarer, nbu pas si .leur déposition contient vérité, mais s'ils reconnaissent que la rédaction en est conforme à ce qu'ils ont déclaré et entendu déclarer. Je ferai faire la même interpellation devant le jury de jugement, et devant le public aux témoins qui auront été entendus par le juge du tribunal criminel; et en ôtant au faux témoin la ressource de nier la fidélité de la rédaction, j'assurerai l'honneur des officiers qui auront reçu leurs dépositions, et je fournirai à l'accusé une ressource de plus contre le faux témoignage.
Je passe au second objet. II.
Il s'agit ici de savoir si l'examen des témoins devant le. jury du jugement doit être écrit, ou même si le décret sévère qui proscrit toute écriture à cet égard ne peut pas être susceptible de quelque modification.
J'avoue que, si je ne suivais pas mon impulsion naturelle, et cette conviction morale dont on parle tant, j'inclinerais à exiger l'écriture entière de cette seconde partie de l'instruction.
Dans toutes les objections du comité, je n'en ai vu qu'une seule importante: la crainte de faire manquer l'institution dans son établissement par le découragement et le dégoût que pourraient inspirer aux jurés des longueurs qui rendraient leurs fonctions trop "pénibles.
Ces longueurs sont bien abrégées par le retranchement de tout le temps qu'exigerait la rédaction des dépositions.
La rédaction des débats souvent ne serait ni longue ni difficile, si l'on fait régner dans nos tribunaux cet ordre, cette dignité, cette simplicité, que j'ai admirés dans le procès qui a été instruit en 1690, en. Angleterre, contre milord Preston, et. que des tachygraphes vraisemblablement nous ont transmis avec une fidélité, qui, je l'avoue, m'a donné la plus haute idée de l'institution anglaise. Avec cet ordre et cette simplicité, il me paraîtrait que la rédaction des débats n'exigerait, le plus souvent, qu'un sacrifice de quelques heures, et perfectionnerait plutôt qu'elle altérerait cette belle institution.
Mais le comité s'est prêté à nos faiblesses ; je veux, à mon tour, me prêter à l'enthousiasme qui lui fait craindre d'altérer ce qu'il ne veut qu'imiter servilement.
Je me borne à examiner si l'on ne peut pas, sans altérer la pureté de l'institution, ajouter à la rédaction des dépositions un procédé sans lequel cette rédaction ne pourrait pas remplir l'objet même pour lequel le comité l'accorde.
C'est ma seconde réflexion.
Dans les observations qui ont été présentées par les différentes personnes qui demandaient une instruction inscrite, votre comité a cru ne devoir en distinguer qu'une seule. Il paraît n'avoir été frappé que de la nécessité de conserver à l'accusé la voie de la revision et de la réhabili-
tation ; et il a supposé qu'il suffisait, pour remplir cet objet, que les dépositions fussent écrites.
« 11 s'agît principalement, vousa -t-il dit, d'ac-« quérir sur chaque procès un fond de ren-« seignements permanents qui constatent la « nature et les circonstances de l'accusation, les « témoins qui ont déposé, la nature et le carac-« tère de leurs dépositions, celles gui ont présenté « des charges, et celles qui étaient insignifiantes. »
Je suis bien éloigné de convenir que la rédaction des dépositions ne puisse avoir pour objet que ce seul intérêt. Je la regarda encore-comme un grand préservatif contre le faux témoignage, comme une grande facilité dans le jugement des procès compliqués, comme un moyen d'empêcher en partie le dépérissement des preuves dans les procès dont les incidents inévitables interrompront et suspendront le jugement.
Mais il me suffit, pour l'objet que je me propose, déconsidérer l'écriture des dépositions sous le seul point de vue auquel s'est arrêté le comité.
La revision est indépendante des chargesj lorsqu'elle porte sur une erreur de fait qui anéantit le corps du délit ou qui substitue un autre coupable ; mais elle est absolument dépendante des charges, toutes les fois qu'elleporte sur une erreur de fait volontaire ou involontaire, appliquée au genre des preuves.
Il a été et il sera toujours impossible de fixer invariablement Jes motifs d'une condamnation, dès lorsque les juges ont toujours eu et auront toujours le droit de ne se déterminer que par l'impulsion de leur conscience, et de se contenter de déclarer qu'ils ont jugé l'accusé coupable d'un tel fait. Dans une pareille position, ce n'est donc que par l'inspection du fond même du procès que l'on peut, non pas affirmer, mais présumer les circonstances qui ont pu les entraîner ; et s'ils ont pu être entraînés par quelque erreur de fait, Une forte présomption de ce genre doit suffire, en faveur de l'innocence, non pas pour annuler un jugement, mais pour en faire permettre la revision.
Dans l'ancien état des choses, où les témoins ne pouvaient plus varier après leur récolement, et où les confrontations étaient écrites, l'état des charges demeurait invariable à cette époque ; et il était facitede présumer, d'après la seule lecture des dépositions et des confrontations écrites, si le jugement avait pu porter sur une telle erreur de fait.
Aujourd'hui cela deviendrait impossible, d'après la liberté que l'on donne aux témoins jusqu'à l'examen. Vainement un accusé viendra-t-il accuser un témoin d'être tombé dans une telle erreur de fait volontaire ou involontaire, et prétendra-t-il que cette erreur était capitale. On pourra toujours lui répondre : rien ne prouve que le témoin n'a pas révoqué telle déclaration ; rien ne prouve que lui ou d'autres témoins n'ont pas ajouté des charges plus précises à celles qui, dans le principe, pouvaient n'être pas assez graves ; rien ne prouve que ce que vous alléguez aujourd'hui pour prouver l'erreur, vous ne l'avez pas allégué lors de l'examen des témoins. En un mot, rien ne peut autoriser à admettre ou à rejeter la revision, dès lors que le véritable état du procès, à l'instant du jugement, ne nous est pas connu. C'est ainsi que vous vous exposez à un double inconvénient : ou vous anéantissez de fait le secours que vous croyez ne pouvoir pas refuser à l'innocence, ou bien, si la faveur de l'innocence vous porte à vous rendre moius dif-
ficile sur la revision, vous ouvrez une ressource au coupable qui sera parvenu à corrompre de nouveaux témoins, ou même les anciens, pour former la preuve de l'erreur qu'il articulera.
Il y a deux inconvénients également nécessaires à éviter dans la revision : celui de la rendre trop difficile pour l'innocence opprimée, celui de la rendre trop facile à l'homme puissant et intrigant. Ces deux inconvénients sont inévitables, s'il n'existe aucun tableau qui puisse donner une idée du progrès qu'a pu recevoir l'instruction.
Voici l'expédient que je propose pour fixer, au moins entre les deux parties qui seules sont intéressées à demander ou à combattre la revision , le dernier état du procès.
Il faut, après l'examen et le débat fini, accorder à l'accusé et à l'accusateur de requérir respectivement qu'il soit dressé procès-verbal sommaire, d'après l'indication qu'ils en feront, des faits, aveux et déclarations importantes qu'ils prétendront être résultées de l'examen et du débat, et dont ils croiront pouvoir tirer avantage.
Ce procès-verbal ne sera rien, sans doute, pour la conviction personnelle des jurés, auxquels ils ne feront que rappeler des faits, de 1 exactitude desquels ils demeureront juges, d'après ce qu'ils auront vu et entendu.
Mais ce procès-rverbal sera un titre contre les parties qui ne pourront point, en cas d'action en revision, nier la vérité des faits qu'elles auront allégués elles-mêmes.
Ce procès-verbal, ni même les débats, écrits en entier, ne pourront jamais démontrer au juge de la demande en revision que c'est telle circonstance décisive qui a déterminé la conviction intime du juré; mais ils pourront, au moins, fournir une présomption sur laquelle on pourra asseoir raisonnablement le refus ou l'admission de la demande.
Ce procès-verbal ne pourra point devenir, dans l'opinion publique, un contrôle du jugement des jurés, puisqu'il ne sera point leur ouvrage ; mais il sera entre les parties un contrôle irrécusable de l'état auquel elles ont elles-mêmes fixé la discussion.
Je n'ai pas besoin d'ajouter que ce procès-verbal, rédigé après l'examen et le débat fini, ne ralentira point l'activité et la chaleur de ses opérations ; qu'il ne sera qu'un préliminaire des plaidoyers des parties, qui doit suspendre la délibération des jurés, et que presque toujours il n'exigera qu'un léger sacrifice de quelques heures ; enfin que c'est un moyen aussi simple que nécessaire de fixer, au moins entre les parties, les progrès de l'instruction.
Voyons maintenant ce que doit devenir la partie écrite du procès : c'est-à-dire quel usage on fera des dépositions et du procès-verbal que je viens d'indiquer.
C'est l'objet de ma dernière proposition. III.
Soit que vous borniez, Messieurs, l'écriture aux dépositions des témoins, soit que vous l'étendiez à la totalité de l'examen, ou seulement aux points de cet examen dont l'accusé ou l'accusateur auront cru intéressant d'assurer par écrit la mémoire, chacun dans leur intérêt, il restera toujours à examiner si ce qui aura été écrit pourra être mis sous les yeux des jurés, au moins lorsqu'ils le croiront eux-mêmes nécessaire.
Je dis que ce mode présente de grands avantages et ne peut exposer à aucun danger réel.
L'établissement de ces deux points dépend d'une seule chose : c'est de bien développer ce que c'est que la conviction morale, en quoi elle diffère de la preuve légale, et de dissiper par des notions claires et précises, une erreur capitale sur laquelle a perpétuellement roulé le système du comité.
Cette erreur a consisté à tellement identifier le système des preuves légales avec l'écriture, qui conserve les preuves purement matérielles, qu'on a rendu synonymes ces deux expressions : preuve écrite et preuve légale; et qu'à l'ombre de cette erreur, en supposant démontré qu'une preuve écrite était une preute légale, il devenait bien facile de vous inspirer une espèce d'horreur pour toute espèce d'écriture.
J'aborde ce fantôme redoutable, et j'espère le voir disparaître à la lumière que je vais en approcher.
Pour dissiper l'erreur capitale dans laquelle on vous a si longtemps entretenus, il suffit de se former de3 notions justes sur ce que c'est que la preuve testimoniale, sur ce que c'est que la conviction qui opère le jugement, enfin sur la nature des moyens qui opèrent la conviction morale.
Ces notions une fois prises, il sera facile de reconnaître que l'instruction orale n'est point un moyen qui exclut l'abus du système de la preuve légale ; et que l'écriture n'est point un instrument qui exclut la conviction morale et qui nécessite l'usage de la preuve légale.
Si je parviens à démontrer ces deux vérités, j'aurai établi d'avance les deux points que je vous ai annoncés et qui formeront ma conclusion.
Qu' est-ce que là preuve testimoniale ? C'est un moyen de parvenir à constater la vérité d'un fait par la déclaration de plusieurs personnes qui viennent attester à la justice ce qu'ils ont vu et connu personnellement sur le fait en lui-même, ou sur ses accessoires, tels que les antécédents ou subséquents, sur la totalité ou sur une partie du fait.
Qu'est-ce qu'un jugement prononcé sur une preuve testimoniale? C'est la déclaration faite par le juge que celles qui lui ont été faites par les témoins lui ont paru suffisantes pour lui assurer la vérité du fait allégué.
Qu'est-ce qui doit fonder cette déclaration affirmative, ou négative, du juge ? C'est, sans doute, l'impression plus ou moins forte qu'ont produit, sur son esprit et sur son âme, les déclarations qu'il a vues et les observations qui lui ont été faites sur ces déclarations. La conviction n'est autre chose que le résultat de cette impression.
La conviction, qui n'est que le résultat de l'impression qu'a faite sur le juge tout ce qu'il a vu et entendu, les déclarations et les débats qu'elles ont pu opérer, cette conviction n'a pu s'opérer que par des moyens; et ce sont ces moyens seuls auxquels on peut attacher l'idée de la distinction de la preuve morale ou de la preuve légale.
Il n'existe et ne peut exister que deux moyens qui soient de nature à opérer cette forte impression qui doit déterminer le juge; l'un est intrinsèque à la déclaration même du témoin et aux contredits qu'elle a pu éprouver, et appartient à la rectitude de l'esprit; l'autre est extrinsèque et appartient à la sensibilité de l'âme et à la pureté au cœur; elle est de sentiment plus que de réflexion.
Le premier moyen, qui appartient à la rectitude du jugement, consiste dans l'attention scrupuleuse que le juge a faite à la déclaration du témoin, dans l'examen de la clarté de sa déposition, et dans la combinaison de ses diverses parties, combinaison qui seule peut conduire à juger la foi que mérite le témoin, abstraction faite des qualités qui peuvent le rendre re-prochable, à pressentir s'il peut être suspecté de faux témoignage, ou même de simple erreur, enfin dans la combinaison des faits qui sont opposés à la déclaration, et qui en anéantissent la force. Ce que le juge doit faire sur chaque déposition, il doit le faire sur toutes les dépositions réunies, dont le parfait accord et la combinaison générale doit former cette force irrésistible à laquelle le juge accorde sa conviction. Ce premier genre de conviction, absolument inhérent et intrinsèque aux dépositions, appartient évidemment à l'opération de l'esprit, à la rectitude du jugement. s;
Le second moyen de conviction, qui est absolument extrinsèque à la déposition, appartient plus au sentiment qu'au jugement; il frappe plus les sens que l'esprit. G'est l'altitude ferme et modeste d'un accusé innocent; c'est cet accent de la vertu, le mouvement simple et naturel qui accompagne une objection puissante qu'il fait à des témoins vendus ou prévenus; c'est cet embarras qui enveloppe presque toujours la défense d'un coupable tourmenté par le témoignage de sa conscience; c'est cette audace factice, qui se décèle par ses propres excès; c'est l'hésitation, la fluctuation de ce témoin pressé d'éclaircir un fait, d'en développer les circonstances. Cette seconde espèce de moyens est sans doute très précieuse; mais ce serait une grande erreur d'y réduire la conviction du juge. L'innocence peut se déconcerter; il est de ces scélérats profonds qui savent garder le calme et le sang-froid de linnocence.
Ce sont les deux moyens réunis, employés par des cœurs et des esprits droits, qui seuls peuvent former la conviction complète et nécessaire au juge, qui condamne, ou qui absout.
Quand je dis que ce sont ces deux moyens réunis qui forment la véritable conviction morale, je peux m'appuyer de l'autorité du comité lui-même. Je lis dans le discours de M. Thouret : La seule capacité supposée dans le juré est la rectitude du jugement ; son tact est celui de sa conscience. J'y lis : Les jurés sont placés au sein de la preuve; ils en suivent tous les progrès matériels et moraux. J'y lis enfin : Cette conviction-là est celle des hommes... qui ont, avec un cœur droit, un jugement sain. La capacité, qui, exige une ré-titude de jugement, un jugement sain, suppose nécessairement un usage à faire de cette rectitude de jugement; et l'objet principal de cette application est évidemment l'examen et la combinaison de ce que M. Thouret appelle la preuve matérielle,laquelle ne peut être que la substance même de la déposition, des objections et des réponses. En un mot, exiger pour la capacité du juré un cœur droit et un jugement sain, c'est avoir évidemment supposé que la conviction morale n'est que le résultat des deux opérations de l'esprit et du cœur.
Avoir défini, d'une manière claire et précise, ce qui forme la conviction en matière de faits, c'est avoir donné d'avance une définition claire de ce qui distingue la preuve morale, qui est la seule vraie, de ce que l'on a si faussement appelé la preuve légale.
La preuve morale n'e3t autre chose que le résultat de la double influence des deux moyens qui concourent à la conviction, l'opération de 1 esprit et le sentiment de l'âme. Ce genre de preuve ne peut évidemment être soumis à aucune règle, puisqu'il dépend entièrement de d eux choses, que rien ne peut commander et suppléer, la rectitude de l'esprit et la pureté du cœur, puisque ses combinaisons et ses résultats varient autant que les circonstances, et puisque les lois ne peuvent prévoir la variété innombrable des combinaisons qui peuvent résulter de l'examen des dépositions et des témoins eux-mêmes.
Que serait-ce donc qu'une prétendue preuve légale opposée à la preuve morale que je viens de décrire? Ce ne pourrait être que des règles positives, ou conventionnelles, qui prescriraient à un juge de condamner dans une telle circonstance, d'après une telle combinaison. Ici je ne peux point encore être contredit par le comité dans mes définitions. Je lis dans le discours de M. Thouret : On appelle preuve légale ce que la loi, ou une doctrine ayant acquis le même crédit que la loi, déclare être probant. La preuve légale est factice et artificielle ; la preuve morale (continue le comité) est, au contraire, celle qui, indépendante de toute règle, est puisée sur chaque fait particulier dans toutes les circonstances qui produisent, par Vassentiment libre, une conviction uniforme sur le plus grand nombre des hommes impartiaux.
Nous voilà donc entièrement d'accord, le comité et moi, sur nos définitions.
La conviction ne peut s'opérer que par la réunion de deux moyens : l'opération du jugement sur les preuves matérielles, le sentiment intime opéré sur l'âme parles accessoires moraux et extrinsèques qui accompagnent la preuve matérielle.
La conviction morale est celle qui ne résulte que de la double action libre du jugement et du cœur, et qui, indépendante de toutes règles, laisse au juge une entière liberté de détermination.
La conviction légale serait celle qui, subordonnée à des règles positives, commanderait la détermination du juge et lui ôterait la liberté d'opinion.
Si nous sommes d'accord sur ces principes, comment serions-nous divisés sur les conséquences ?
Si l'instruction orale exige la réunion des deux moyens qui seuls pourront opérer la conviction morale, il faut que le juré puisse faire l'application de ces deux moyens. S'il doit, d'un coté, faire une attention sérieuse à cette scène intéressante qui se passe sou3 ses yeux, si des incidents* de cette scène peuvent quelquefois l'entraîner par sentiment, d'un autre côté, il ne peut se dispenser de graver dans sa mémoire les faits attestés, d'en combiner les circonstances, enfin d'employer toutes les facultés de son jugement, pour saisir les vrais résultats de ce qu'il a entendu.
Mais il est évident que, dans l'opération du jugement, un juré pourrait appliquer le faux système des preuves légales, è^il en était malheureusement imbu, s'il était persuadé que deux témoins suffisent pour condamner, lorsqu'ils ne sont point reprochés, sans examiner la foi qu'ils méritent personnellement, celle qui résulté de la substance même de leur déposition, et de la combinaison des autres dépositions. Si le juge avait calculé avec ces faux docteurs le poids des semi-preuves et des quarts de preuve, il est évi-
dent qu'il ferait également l'application de sa fausse doctrine aux dépositions orales, il est évident qu'il donnerait la supériorité au premier moyen sur le second ; et il est par conséquent démontré que ce n'est point l'instruction orale qui seule peut garantir de l'abus du système des preuves légales.
Si ce n'est pas l'instruction orale qui garantit nécessairement de la fausse doctrine des preuves légales, il est également évident que ce n'est point la preuve écrite qui en nécessite l'application. Le juge y a également la faculté de peser l'autorité personnelle du témoin ; il a peut-être plus de facilité pour peser la substance de la déposition, pour la combiner avec elle-même et avec les autres ; il est également maître de ne suivre que l'impulsion de sa conscience et les résultats delà rectitude de son jugement. Il sera obligé de le faire, si la loi, loin de lui prescrire des règles, lui a commandé de ne suivre que sa conviction personnelle^ et si elle a voué à la proscription de la doctrine des preuves légales.
Sans doute, dans la preuve simplement écrite, il existait une imperfection ; il y manquait 1e second moyen qui doit concourir à la preuve morale, le puissant ressort de l'effet du sentiment dans l'action d'une scène vivante, et qui peut éclairer l'esprit du juge, en même temps qu'elle agit sur son âme.
Mais ces deux puissants ressorts de la conviction morale, l'opération de l'esprit et l'action du sentiment, se trouvent réunis, quand les deux secours de la présence du juge et de l'écriture sont réunis; et c'est outrer les préventions qu'a fait naître la juste horreur de la doctriue des preuves morales, de supposer qu'elle n'a pu exister qu'avec l'écriture et qu'elle est inséparable de récriture.
Supposer que la même déclaration d'un témoin devient une preuve légale par cela seul qu'elle est écrite; en un mot, confondre le système des preuves légales avec le simple fait de l'écriture, c'est ne présenter que des mots vides de sens et une idé? dont la moindre réflexion démontre la fausseté.
Le système des preuves légales existe hors de la forme de l'instruction écrite ou non écrite ; il peut s'adapter aux deux formes ; il n'aurait jamais dû s'amalgamer à la preuve écrite ; il ne s'est amalgamé à cette forme que parce qu'elle était alors la seule existante.
S'il esterai que ce système, contraire à la raison, funeste à l'humanité, existait encore dans quelques tribunaux, cette discussion solennelle en anéantira infailliblement jusqu'aux moindres vestiges; la loi, s'il est nécessaire, y imprimera le sceau de la réprobation. Mais ce n'est ni la suppression, ni la continuation de l'écriture qui fera cesser, ou qui prorogera cet abus, puisqu'il est démontré qu'il n'est point inhérent à l'écriture, et qu'il peut exister sans elle ; frappez la doctrine, mais ne calomniez point l'écriture pour vous fournir un prétexte de la proscrire.
Si ces vérités sont sensibles, j'ai démontré d'avance qu'il ne peut y avoir aucun danger à remettre l'instruction écrite entre les mains des jurés, bien avertis par la loi qu'ils sont entièrement libres de se déterminer suivant ce que leur dictera la rectitude de leur jugement et la pureté de leur cœur; aux jurés bien avertis que ce qui leur a été dit par le témoin, ou par l'accusé, n'est pas une vérité par cela seul que le dire est écrit ; aux jurés enfin, bien avertis qu'il n'existe aucune règle positive qui puisse commander leur opi-
nion. Je vous proposerai pour cela une formule qui formera une barrière insurmontable contre le retour de la fatale doctrine des preuves morales.
Ce n'est point assez de dire que la remise aux jurés de l'instruction écrite sera désormais sans danger ; j'ajoute qu'elle aura de grands avantages.
Elle aura le précieux avantage de réunir et de rendre plus facile l'emploi des deux moyens qui concourent à la conviction, de faciliter celui qui dépend de la rectitude du jugement, sans détruire celui qui dépend de l'impression du sentiment.
Cette réunion, utile dans tous les cas, devient nécessaire dans les procès compliqués, soit par la nature du crime, soit par le nombre des accusés et des témoins. La nature n'a pas doué tous les hommes d'une mémoire assez heureuse et assez ferme pour les mettre en état de combiner, de diviser, d'apprécier une multitude de déclarations, d'objections et de réponses, et d'appliquer tous les résultats aux divers accusés, dans les crimes desquels il y a des gradations qu'il faut suivre.
On m'objectera, peut-être, qu'il est inutile de remettre aux jurés le procès-verbal que j'ai proposé dans ma seconde réflexion, puisqu'il n'est qu'une allégation des parties, qui ne peut avoir d'autorité que contre elles, et dont les jurés peuvent et doivent juger le mérite.
Et le comité m'opposera vraisemblablement qu'il est inutile de remettre aux jurés les dépositions, puisqu'il pose en principe que l'examen des témoins et le débat doivent seuls servir à la conviction.
A la première objection je réponds qu'il ne peut jamais être inutile de mettre sous les yeux des jurés tout ce qui, même comme simple renseignement, peut servir à rallier leurs idées et à rafraîchir leur mémoire.
Quant à la seconde objection, ou je ne conçois pas le principe sur lequel on la fonde, ou si je conçois bien ce principe, je n'y peux pas rallier la conséquence.
Par examen des témoins on entend sans doute désigner l'appréciation de leur qualité personnelle et de la foi qu'ils méritent, c'est-à-dire les reproches. Le résultat de cet examen n'existe que dans l'opinion du juge pour lequel la déposition du témoin, auquel il a refusé toute confiance, devient nulle et comme ,non avenue. Tout ce qui en résulte, c'est qu'il ne se croira pas permis même d'y recourir, et que la communication est surabondante à cet égard.
Mais il n'en est pas de même de la disposition simplement débattue. Qu'est-ce que le débat d'une déposition? C'est de la part de l'accusé une objection proposée contre la vérité de la déclaration du témoin, une contradiction relevée, une invraisemblance opérée, qui tendent à altérer la foi due à la déposition. C'est de la part du témoin une réponse péremptoire, ou non, proposée contre l'objection, une explication qui fait disparaître la contradiction, ou l'invraisemblance. En un mot, le débat est ce qui tend à détruire ou à confirmer la déposition.
La déposition et le débat sont deux choses absolument indivisibles. Il n'y a point de déposition qui puisse déterminer le juge, tant qu'elle n'a point été débattue; il ne peut pas y avoir de débat sans une déposition qui en soit la matière.
Lorsque l'on pose en principe que le débat servira seul à là conviction, on pose une vérité, si
l'on se borne à en conclure que la déposition, détruite par le débat, n'est plus rien.
Mais on pose un principe vide de sens, si l'on applique cette maxime, que le débat seul sert à la conviction, au cas où le débat, loin d'avoir détruit la déposition, lui a donné une grande force. Il est évident alors qui c'est la déposition même qui devient la base de la conviction, que le débat n'en est que le supplément accessoire.
Si les dépositions elles-mêmes deviennent en ce cas l'unique fondement de la conviction, s'il est indubitable que le juge a encore le droit et le devoir de la poser et de la débattre lui-même, on ne peut point dire qu'il soit inutile de la lui présenter; il faut même avouer que cela devient nécessaire toutes les fois que les dépositions sont en grand nombre, et portent sur des faits compliqués et qui reçoiveut des applications différentes à plusieurs coaccusés.
Mais, a-t-on dit encore (et c'est par cette dernière objection que je termine), vous allez ouvrir une source de débats, de discussions et d'incertitudes entre les jurés; il faudra donc un rapporteur : voilà une séance de Tournelle.
Ma réponse est simple : à moins que vous ne vouliez restreindre l'opinion des jurés à un oui, ou à un non sec, ou les faire délibérer avec des fèves, comme vous l'avait proposé le docteur anglais Bentham, il faut que vous supposiez aux jurés la liberté d'opinions raisonnées, et que celui qui veut défendre l'innocence puisse essayer de convaincre celui qui croit pouvoir le condamner.
Dès lors, voilà un débat établi entre les jurés; il portera sur la valeur et le sens de telle déposition, non détruite par le débat; convenez que ce débat deviendra infiniment plus dangereux et plus interminable, si les jurés ne peuvent pas avoir un point de ralliement dans la faculté qu'ils auront de consulter la déposition qui aura donné lieu à cette division.
Il ne faut point de rapporteur, car le rapport existe dans le résumé qu'a fait le juge; il ne faut que des pièces sur le bureau pour y avoir un recours au besoin.
En un mot, cette communication, que je désire, n'est qu'un secours de plus accordé aux jurés, qui n'aura lieu que quand l'importance et la complication de l'affaire forcera les jurés à le demander ; il serait, selon moi, barbare de leur refuser un secours qu'ils croiraient nécessaire pour la tranquillité de leur conscience.
Vous avez voulu, par ménagement pour la faiblesse humaine, que la fonction des jurés ne fût pas trop pénible. Moi, je vous demande, par la même raison, un secours dont le refus enrayerait leur délicatesse.
Un sentiment intérieur suffit pour graver dans l'âme Je résultat de l'examen des témoins et du débat de leurs dépositions, pour fixer l'œil du juge 6ur ce qui doit arrêter sa conviction ; cet instinct ne suffit pas pour appliquer cette conviction à tous les détails qu'une affaire compliquée peut exiger.
Conservons la conviction morale dans toute sa pureté ; mais n'altérons point cette même conviction morale, et ne la réduisons point à un pur instinct trop dangereux pour la condamnation, et dont l'application ne peut être que rare et très circonspecte pour l'absolution : puisque vous exigez vous-mêmes une rectitude de jugement, n'en rendez pas l'usage impossible.
Je crois avoir démontré que la communication des dépositions et du procès-verbal relatif au
débat est utile, qu'elle sera même souvent nécessaire; qu'elle est absolument sans danger.
Le décret, que je vais prendre la liberté de vous présenter vous offrira d'ailleurs, à ce que je crois, une garantie infaillible contre le retour du prétendu système des preuves légales. PROJET DE DÉCRET DU COMITÉ, Amendé.
Art. 1er. Les dépositions des témoins seront faites et reçues par écrit, savoir : devant les officiers de police, pour ceux des témoins qui y seront produits ; et devant le directeur du jury d'accusation, pour les témoins qui, n'ayant pas comparu devant l'officier de police, seront présentés d'abord au jury.d'accusation. Lors de la convocation du jury d'accusation, les témoins entendus devant les officiers de police, ou devant le directeur du jury, comparaîtront en personne; lecture leur sera faite de leurs dépositions, et ils seront interpellés de déclarer s'ils reconnaissent que leurs dépositions ont été exactement rédigées, et de signer le procês-verbal, lequel fera mention de leur réponse.
Art. 2. Les nouveaux témoins, que l'accusateur voudra produire encore devant le jury de jugement, ainsi que les témoins de l'accusé, seront entendus d'abord, et leurs dépositions seront écrites devant Je juge, ou l'un des juges du tribunal criminel. A l'ouverture de la séance des jurés, ces dépositions seront relues aux témoins qui les auront faites; ils seront interpellés de déclarer s'ils reconnaissent que leurs dépositions ont été exactement rédigées, et de signer le procès-verbal, lequel fera mention de leur réponse.
Art. 3. À l'ouverture de la séance des jurés, il sera fait une lecture publique de toutes les dépositions faites, tant par les témoins de l'accusateur, que par ceux de l'accusé; il sera ensuite procédé à l'examen des témoins et au débat, lesquels seront faits de vive voix, et sans écrit, devant le jury; pourrout néanmoins, l'accusateur et l'accusé, ou leurs conseils, après l'examen et le débat finis, requérir qu'il soit dressé procès-verbal, d'après l'indication qu'ils en feront, des faits, aveux, déclarations qu'ils prétendront être résultés de l'examen et des débats, et dont ils prétendront tirer avantage.
Art. 4. Pourront les jurés, retirés dans leur chambre, requérir le juge, lorsqu'ils le croiront nécessaire, de leur donner communication des dépositions écrites et du procès-verbal qui aura pu être rédigé d'après la réquisition de l'accusé ou de l'accusateur.
Art. 5. Le juge, après le résumé de l'état du procès, et en invitant les jurés à se retirer dans leur chambre, les avertira que Ja loi ne leur a prescrit et ne pouvait leur prescrire aucune règle de conviction, et qu'elle leur laisse l'entière liberté de ne suivre que leur conscience.
(L'Assemblée ordonne l'impression de ce discours et du projet de décret.)
demande et obtient un congé de deux mois.
Conformément à votre décret du 25 de ce mois, je vais vous donner connaissance de l'ordre du jour des travaux de VAssemblée pour la semaine qui s'ouvre.
Cet ordre sera : Pour les séances du matin : Continuation des jurés ; Tarif des traites ; Projet de décret pour statuer une somme nécessaire aux besoins de l'année présente ; Ouverture de la discussion sur le système général de l'impôt et des moyens de subvenir aux dépenses ; Instruction sur le droit d'enregistrement ; Rapport intitulé : Bases constitutionnelles du système général de la législation et de Vadministration. des secours. Pour celles du soir : Rapport du comité militaire pour la distribution des armes ; Compagnie du Sénégal ; Projet de décret sur les dîmes inféodées ; Rapport relatif aux régiments qui composaient, au mois d'octobre dernier, la garnison de Bel-fort; Question sur les assignats ; Projet de décret relatif aux fabriques et aux frais du culte.
Je vais donner également connaissance à .l'Assemblée du résultat du scrutin pour Vélection des six adjoints au comité de marine :
Les six membres qui ont obtenu le plus grand nombre de voix sont : MM. Charles de Lameth, de Sillery, Gaultier de Biauzat, de La Galissonnière, de Lafayette, de Menonviiïe.
Le scrutin pour la nomination du président de l Assembléen'a pas donné de résultat; aucun des candidats n'a obtenu la majorité absolue; il y a lieu de procéder à un nouveau scrutin.
MM. de FoIIeville et l'abbé Grégoire, ayant obtenu la pluralité des suffrages, restent seuls éligibles. .
(La séance est levée à trois heures et demie.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
fait lecture d'une lettre de M. Fleurieu, ministre de la marine, et de Ja liste y jointe, des consuls, vice-consuls et agents de commerce qui se trouvent à Paris par congé ou résidents dans des pays étrangers, voisins du royaume,qui ont prêté le serment civique, savoir :
MM. de Lisle, consul de France à fîottem-bourg;
Fournier, son vice-consul, au même lieu.
Marianne, i
Herman, f agents du commerce de France
Darrangon, t en Angleterre et en Irlande.
JRestif, \
Puiabry, chancelier, à Madrid.
Puyon, agent de la nation, à Madrid.
DeMongelas, consul général de France, à Cadix.
Garnier, consul de France, à Ostende.
Lironcourt, commissaire de la marine et du commerce de France, à Amsterdam.
Lesseps; consul de France, à Cronstad.
De Saint-Didier, consul général de France, en Russie.
Valliêre, consul général, et chargé des affaires de France auprès du dey d'Alger.
Fronsuberte, vice-commissaire de France, à Rotterdam.
Saint-Sauveur, consul général de France, aux lies Vénitiennes.
Ghénier, vice-consul de France, à Alicante.
Hourtéjoulx, chancelier du consul de France de Saint-Ander.
D'Olhaberrïague, consul de France, à Saint-Ander.
fait ensuite part à l'Assemblée de l'envoi qui lui est fait par M. de.Montmorin, ministre des affaires étrangères, de la prestation du serment civique par M. Ghalon, ambassadeur du roi en Portugal.
fait également lecture de la lettre suivante de la municipalité du Petit-Bercy, du Ponceau, de la chaussée de Charenton, de la vallée de Fécamp et de la Râpée, relative à la prestation du serment du sieur Gollard, doctrinaire, leur recteur, faite la veille à l'issue de la messe :
« Monsieur le Président,
« Dans un moment où les ennemis de la Révolution font de derniers, mais vains efforts pour s'opposer à la régénération de l'ordre et du bien public, il est sans doute satisfaisant de voir la foule de ceux qui s'empressent à augmenter la liste des vrais honnêtes gens, des bons citoyens et des personnes que leur conscience pure et éclairée dirige vers le bonheur général.
« C'est sur celte liste, Monsieur le Président, que nous vous prions de faire inscrirë M. Gollard, doctrinaire et un des membres de l'assemblée électorale du déparlement de Paris, notre respectable et digne recteur, qui hier, à l'issue de la messe, a prêté, en notre présence et en celle de tous les fidèles confiés à ses soins, le serment prescrit par l'Assemblée nationale sur la constitution civile du clergé. Il a précédé son serment de la lecture de quelques passages de saint Paul, et par une application heureuse de l'Ecriture sainte à la loi, il a prouvé que, suivant même les Pères de l'Eglise, le clergé, comme les autres citoyens, devaient une soumission entière à la loi.
« Si des circonstances purement locales se sont opposées à ce que ce très digne ministre des autels prononçât son serment, on n'en doit pas moins rendre justice à ses sentiments vraiment patriotiques; il les a manifestés dans toutes les occasions, de manière à convaincre qu'en se soumettant aux décrets de l'Assemblée nationale, il ne faisait que céder aux impulsions de son cœur, de sa conscience et de sa propre opinion.
« Nous sommes avec le plus profond respect et la juste reconnaissance qu'inspirent les bienfaits de l'Assemblée nationale, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs, « Renat, maire ; Thiroust, procureur de la commune.
« A la municipalité, le 17 janvier 1791. »
(L'Assemblée ordonne l'insertion de cette lettre dans le procès-verbal.)
fait lecture d'une lettre de la société des amis de la Constitution de Cherbourg, adressée à l'Assemblée nationale, par laquelle cette société la prie instamment de rappeler dans son sein M. Beaudrap, l'un de ses membres, dont les démarches inconstitutionnelles lui sont dénoncées par les clubs de Coutances et de Valognes. (L'Assemblée ordonne que copie de cette lettre sera envoyée à M. Beaudrap.) Un de MM. les secrétaires fait ensuite lecture du procès-verbal de la séance de la veille,qui est adopté.
,au nom du comité d'aliénation, propose la vente des biensnationauxàdiverses municipalités du département de Saône-et-Loire et de la Côte-d'Or. L'Assemblée rend le décret suivant : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites par les municipalités de Losne, Chaugey et Maison-Dieu, Saint-Ambreuil, Bouzeron, l'Alheue, Saint-Désert, Varennes, Dracy-le-Fort, Sain t-Loup-de-Varennes, Chalon-sur-Saône, Dijon, Saulieu, Semur-en-Auxois, Beaune et de Chaunes, en exécution des délibérations prises par le conseil général de leur commune, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont les états sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des estimations ou évaluations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier ;
« Déclare vendre les biens ci-dessus mentionnés, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour les prix ci-après, savoir :
A la municipalité de Losne, Chaugey et Maison-Dieu, département de la Côte-d'Or, pour la
somme de............. 25,914 1.16s. ;»d.
A celle de Saint-Ambreuil, département de
Saône-et-Loire......... 116,620 » »
A celle de Bouzeron,
même département____ 7,704 12 6
A celle de l'Alheue,
même département..... 45,513 6 10
A celle de SaintrDésert, même département. 64,427 5 4
A celle de Varennes, même département.... 63,263 » »
A celle de Dracy-le-Fort, même département. 10,629 6 »
A celle de Saint-Loup-de-Varennes, même département............. 36,442 » »
A celle de Chalon-sur-Saône, même département.................. 18,009 14
A celle de Dijon, département de la Côte-
d'Or.................. 217,727 8 3
A celle de Saulieu, même département.... 245,287 13 »
A celle de Semur-en Auxois, même département................. 536,465 2
A celle de Beaune, même département.... 1,819,666 11 »
A celle de Chaunes, même département.... 46,517 10 »
« Le tout payable de la manière déterminée par le même décret, et suivant les décrets particuliers qui sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
annonce à l'Assemblée le résultat du scrutin d'hier pour la nomination d'un président.
,ayant obtenu la majorité des suffrages, est élu président de l'Assemblée et remplace M. Emmery au fauteuil.
Présidence de M. Vabbé Grégoire.
J'ai l'honneur de faire part à l'Assemblée de la note suivante que j'ai
reçue de M. le ministre de la justice : « Le roi a donné, le 9 de ce
mois, sa sanction aux décrets suivants : « 1° Au décret de l'Assemblée
nationale du 29 décembre, relatif au mot françaises, omis dans le décret
du20 novembre, pour l'envoi des troupes à Avignon ; 2° Au décret du 30
décembre, relatif à la caisse de l'extraordinaire, à l'établissement des
bureaux ; • 3» Au décret du même jour, concernant les propriétaires
d'offices supprimés, qui voudront user de la faculté d'employer la
moitié du prix de leur finance en acquisition de domaines nationaux; «
4° Au décret du même jour, relatif à l'établissement et à l'organisation
des bureaux de la direction de liquidation ; « 5° Au décret du 1er
janvier, présent mois, portant que le sieur de Weyland-Stahl pourra
établir à ses frais des nitriéres et fabriques de salpêtre, comme aussi
construire à ses frais un moulin à poudre ; « 6° Au décret du 4, relatif
au serment prescrit par le décret du 27 novembre dernier ; « 7° Et enfin
au décret du 7, relatif aux vacances des évêchés et des cures pendant
l'année 1791, et au choix des vicaires. « Le ministre delà justice
transmet à M. le président les doubles minutes de ce décret, sur chacune
desquelles est la sanction du roi. « Signé : M. L. F. DUPORT. « Paris,
le
Messieurs, lorsqu'il était question de nommer un rhéteur dans l'université de Reims, elle nommait trois sujets, les présentait à l'évêque. Aujourd'hui il est impossible de donner cette charge à M. l'évêque de Reims qui, n'ayant point prêté son serment, se trouve déchu de son évêché; en conséquence, je crois qu'il serait fort sage de décréter, jusqu'à ce que rAssemblée nationale ait décidé les bases de l'instruction publique, qu'il sera sursis dans toutes les universités à toute élection et nomination de tous officiers. Un membre demande le renvoi de cette motion au comité de Constitution. (Ce renvoi est ordonné.)
,au nom du comité de Constitution,
propose le projet de décret suivant, qui est adppté : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des assemblées administratives des départements 4e la Manche, de l'Indre, des Bouches-du-Rhône, de la Meuse, de Saône-et-Loire, de la Charente, du Loiret, des Deux-Sèvres, des corn'-munes de Montauban et de Villeneuve-le-Roi, décrète ce qui suit : « Il sera nommé deux juges de paix dans le canton de Goutances. « Il sera établi des tribunaux de commerce d$ns les villes de Qbàteaurqpx, lssoudun, Ta-rasppn, Martigues, la Ciotat, Angoulêpie, Tour-nus, Orléans, Moptargis, Niort et Montauban. « Les juridictions consulaires actuellement existantes dans quelques-unes de ces villes continueront leurs fonctions,nonobstant tous usages contraires, jusqu'à l'installation des nouveaux juges qui seront élus, installés, et qui prêteront sermept dans la forme établie par la loi sur l'organisation de l'ordre judiciaire. La municipalité de Villefolle, district de «Toigny, département de l'Yonne, est supprimée et réunie à celte de Villeneuve-le-Roi. « Il sera, en conséquence, procédé à l'élection d'une nouvelle municipalité ' pour lesdits lieux. La paroisse de Rallay demeurera unie au district de Loudun, département de la Vienne. »
,qui avait obtenu un congé de six semaines le lar décembre dernier, fait part à l'Assemblée de son retour et remet, son congé sur le bureau. L'ordre du jour est la suite de la discussion sur les jurés.
(1). Messieurs, deux transactions vous ont été présentées : Tune par le comité, l'autre par M. Tronchet.
M. Dupoi l, au nom du comité, a proposé, il y a quelques jours, de transiger sur le principe absolu. Je lui observe d'abord que le principe est comme une jolie femme : lorsqu'elle capitule, elle est bien près d'être prise. (On rit.) Il faut, dit-il, ce sacrifice dans la délicatesse du mbment. Qu'il me permette de lui observer qu'une loi constitutionnelle n'est pas faite pour le moment, mais pour le temps; que lorsqu'elle né convient pas au moment, On la décrète constitutionnelle-ment, maison en suspend l'exécution. Ce principe tombe donc, sous ce premier rapport, dans une grande inconséquence, et je demgqcje sur la transaction la question préalable.
Reste maintenant la transaction de M. Tronchet. Je crois, Messieurs, que le nouveau mode qu'il a adopté est inférieur en bonté à celui qu'il avait, présenté |ë 5'janvier.
Aussi je Viens demander la question préalable contre là proposition de M> Tronchet pour appuyer aa première proposition.
Première question à discuter. La conviction morale est-elle supérieure à la certitude que peut présenter la preuve qu'on appelle légale, et faut-il s'en tenir à cette conviction?
Secondé question. La preuve écrite est-elle destructive de l'institution
des jurés ? Enfin, en adoptant la procédure mixte, conservera-t-on dans
tous les cas le moyen de convaincre les té-
Il reste à l'homme un instrument très précieux, c'est sa raispn; ne doutez pas qu'il s'en serve dans l'occasion la plus intéressante. Je dis qu'il ne pqprra pas s'en servir, gi les dépositions ne sont pas écrites pour lui servir de ppint dé ralliement. Juger, c'est cornparer ; ainsi pour bien juger il faut avoir sous les yeux les points de comparaison immuables, Si les objets qu'il s'agit de comparer sont absents, comment asseoir un jugement splidg, pomment combiner ces dépositions entre eljes, et sans ceç combinaisons, où est lé moyen de juger? Ce iuré sera-t-11 sûr le lendemain qu'il a bjen décidé ? S'il n'y a plus de iraceg, comment retrouver la ro^ite qu'il a prise? Tout réside donc dans sa volonté intérieure.
Mais celte volonté ne laisse pas d'être dans les intervalles des séances, et ces intervalles vont être fréquenta et de plusieurs jours, si toutes les affaires étaient assez Simples pour que les témoins pussent être entendus et la preuve présentée dans le même jour, je conçois que les hommes qui auront en général le cœur juste et le sens droit pourraient prononcer sur le fait et dire : l'accusé est coupable ou non ; mais dans une procédure un peu chargée, les témoins entendus aujourd'hui qui seront assez éloignés pour ne pouvoir être entendus que sous 3, 4 et même 15 jours, pendant les 15 jours comment la mémoire des jurés conservera-t-elle non pas seulement la déposition des premiers témoins, mais les débats entre eux, l'accusé et son conseil? Quand ensuite il faudra ajouter et de nouvelles dépositions et de nouveaux débats; quand il faudra ordonner et classer tout dans sa tête, cette tâche sera très fort au-dessus dés facultés intellectuelles des jurés. Je ne nie point que la conviction morale ne soit précieuse ; mais la question bien précise se réduit à savoir si la question discutée devant les jurés s'oppose à la conviction déjà acquise par l'écriture? Non, sans doute, puisque cette première rédaction sera nette et aômmaire, puisqu'elle aéra avouée- -par les jurés et en partie de leur ouvrage. Ainsi quand ils se trouveront dans leur chambre, il sera à peu près possible qu'ils se partagent dans le sens des dé-positions écrites, puisque ce sens aura été partagé devant eux et par eux.Mais s'il était possible desesépaier sur le sens des dépositions écrites, il faut convenir qu'il le serait bien davantage sur celui des dépositions oralesqu'ilaauraiententenduea
15 jours auparavant. Il y a une différence extrême entre un cas et l'autre. Igi, ils demeureraient abandonnés à l'incertitude de leur mémoire et réduits à obéir à l'impulsion du plus entraînant d'entre eux et à des combinaisons de circonstances avant l'époque. Là l'écriture obvie à tous ces inconvénients. Pour m'expliquer, il faut une hypothèse : Pierre et Jean sont partis en même temps quelques heures après qu'il a été commis un assassinat dans l'hôtel où ils logaient tous deux ; i'-un est de Calais, l'autre est de Perpignan, ^'information commence. Il faut assigner l'un et l'autre et quelquefois même l'un après l'autre, ce qui entraîne des longueurs à l'infini.
Le comité ne s'aperçoit pas ensuite, Messieurs, qu'il sera forcé d'appliquer jusqu'à un certain degré lès règles de la preuve qu'il appelle légale, car il y a une sorte de philosophie nécessaire à la bonne conscience. S'il n'y a point de règles pour sentir, il y en a pour penser et pour décider. Si vous alliez jusqu'à dire dans un sens absolu que vos jurés peuvent prononcer d'après ieur conviction intime et libre, un seul témoin suffirait donc pour juger un homme à la mort, Si ces jurés pouvaient dire: ce témoignage a un tel caractère de vérité que nous croyons que là est l'évidence. Alors je vous le demande, Messieurs, quel avantage ne donnez-vous pas à l'homme riche qui aura une vengeance à exercer et à qui, pour perdre son ennemi, il suffira d'acheter une conscience ? A quoi n'exposez-vous pas celui contre lequel il y aura des préventions locales et que les jurés, confondant souvent le bruit populaire avec la voix publique, viendront juger?
Les juges du fait ont besoin d'un instrument quelconque pour mesurer les preuves, sans cela vous les autorisez à juger au gré de leur caprice ou de leurs passions, et c'est leur donner un pouvoir sans responsabilité. Quelle inconcevable tyrannie venez-vous donc nous proposer? La loi ne doit abandonner à l'erreur et aux passions des hommes que ce qu'elle ne peut pas leur ôter; et si le droit d'être jugé par ses pairs est aussi ancien que les sociétés mêmes, il ne doit l'être qu'avec des procédés simples. Or, avec votre conviction morale, nulle sûreté, nulle garantie ; l'erreur vient de ce que constamment on confond la conviction avec la certitude morale: la première trompe, et la seconde jamais. Avec la première, lorsqu'un accusé serait déclaré coupable par tous les jurés, rien ne prouverait que dix autres ne l'eussent pas déclaré innocent.
Maintenant il s'agit de la seconde question : la déposition écrite est-elle destructive des jurés ? J'établirai la proposition inversé, jé trouverai qu'il faudra renoncer à avoir de bons jurés si on Rejette entièrement la preuve écrite. Les jurés seront, dit-on, inattentifs si vous écrivez. Quoi ! Messieurs, selon le comité, les juges sont des hommes, les plus approchants de la perfection, et le premier sentiment du comité est un sentiment de défiance et il craint leur inattention et leur insouciance! Mais les juges insouciants, en matière criminelle surtout, sont bien près 4'être des juges injustes.
Sur cela je fais ce dilemme : toutes nos frayeurs sont fondées ou ne le sont pas. Dans le premier cas vous livrez donc, de gaieté de coeur, le sort d'un innocent à des juges inattentifs.
Au contraire, vos frayeurs ne sont-elles pas fondées, alors pourquoi vous opposer à ce qu'on écrive? L'éternel sophisme est de supposer que les abus de l'ancienne procédure yont renaître
si on écrit les dépositions; mais d'abord nous sommes plus que d'accord sur les abus qu'il nous oppose. Tout aboutit à ce point unique. Est-ce parce que la procédure de Galas a été écrite que ce malheureux père a expiré sur la roue ? On s'empresse de répondre que, s'il y avait eu des jurés, la justice n'aurait pas commis ce crime-là, et moi je serais tenté de croire que si Calas avait été jugé par des jurés catholiques, s'il n'avait pas eu des jurés protestants, au degré de fermentation qu'il y avait alors, il serait peut-être expiré plus vite. Lorsque les têtes seront enflammées, dans les provinces du Midi surtout, vos jurés seront une institution terrible ; et quand je vois certains membres l'appuyer et la défendre, je me dis que sans s'en douter ils fabriquent l'instrument sous lequel, dans un mouvement d'effervescence, tombera la tête de l'innocent.
Les jurés, dit-on encore, se décourageront si on écrit. En montant la première fois à cette tribune, je vous avais proposé de prendre des tachygraphes pour greffiers. Si par jurés vous entendez des hommes qui ne veulent pas accorder ni le temps ni l'attention indispensables pour juger sainement des affaires aussi intéressantes que les affaires criminelles, bannissez ces hommes, car alors, au nom seul de juré, l'innocence doit pâlir ; et si vous renoncez à un moyen d'éviter 1 erreur et de rencontrer la vérité, vous êtes coupables envers la société entière.
La défense du comité sur cette grande question consiste donc à dire : il faut proscrire la procédure écrite sur la difficulté de rassembler, de concerter et de conserver les jurés pendant le temps nécessaire à une instruction par écrit; en conséquence, il bannit la procédure écrite, parce qu'il lui semble plus expéditifet plus économique de faire pendre sur parole et sur énoncé que sur instruction écrite. Voilà, Messieurs, le précieux point d'économie du comité. Il faut convenir qu'il y a des économistes dans vos bureaux.
L'écriture est autant la sûreté et la garantie des jurés que celle dé là justice. Si vous les forcez à juger sans cette régularité, vous les livrez au ressentiment le plus profond, et surtout à des soupçons cruels que vous les mettez dans l'impossibilité de détruire. Les familles croiront qu'ils ont fait périr leurs parents par malice ou par ignorance ; ils susciteront, achèteront des accusateurs contre eux. Accepteront-ils un rôle où ils ne verront que haine et que danger?
Vous supposez sans doute que chacun de vos jurés sera un excellent physionomiste, que son âme ira fouiller l'âme de chaque témoin. Réalisez cette séduisante théorie, vous diront-ils; mais après que le combat sera engagé entre le témoin et l'accusé, fixez successivement sur le papier le seqs précis des dépositions pour que nous puissions nous en rendre compte à nous-mêmes, sans cela, diront-ils, la troisième déposition affaiblira la première, et la dernière finira par les effacer toutes,. Voilà, Messieurs, ce que vous répondront vos jurés. Répétez^nouS après cela que l'écriture, comme le dit le comité, détruit la moralité des jurés.
Ce sera, Messieurs, dans les affaires qui agitent l'opinion publique que sera le danger. Dans ces instants malheureux, chaque témoin, même de bonne M, n'a pour ainsi dire qu'un œil et qu'une oreille; il ne voit que le côté qu'il accuse, il n'écoute et n'entend que pour donner un corps aux chimères et une autorité aux apparences.
L'homme le plus sage tombe souvent dans le torrent de l'opinion. Et où ne nous conduirait pas un pareil système avec des jurés pour qui une simple notoriété deviendrait souvent l'évidence !
Le comité ne peut atteindre le faux témoin, car il conserve aux témoins la constante liberté des variations.
Quant au procès-verbal proposé par M. Tronchet pour contenir les aveux, la déclaratiuu de l'accusateur et des accusés, je dis que le procès-verbal sera d'une difficulté extrême à rédiger : il s'élèvera une lutte terrible entre l'accusateur, l'accusé et ses conseils, sur ce qui doit ou qui ne doit pas être écrit dans le procès-verbal ; on usera de longs moments dans le combat, si l'on écrit tout ce qu'ils voudront conserver, voilà la procédure écrite avec plus de lenteur que jamais et le nom seul en est changé. M. Tronchet convient que la déposition est indivisible du débat, et de là il avoue que la déposition doit être écrite; comment rejeter l'écriture du débat qui ne fait qu'un avec elle? Un procès-verbal en matière criminelle, placé où il le propose, est un acte indéfinissable. Et un tel acte, dans l'affaire du 6 octobre par exemple, eût il été bien concluant, el comment eût-il été possible de le rédiger? On rédige les débats sommairement, mais intégralement; si dans ce système ce remède de la division n'était pas précisément perdu, au moins il serait très difficile à appliquer.
Messieurs, tous les demi-moyens sont complètement insuffisants. Souvenez-vous, je vous en conjure, que cette ressource ne ferait pas taire le cri du sang de l'innocent que votre législation aurait fait répandre. Des systèmes, lorsqu'il s'agit de la vie des hommes ! de la métaphysique en matière criminelle, lorsqu'il s'agit de conduire un homme à la mort!
11 est un être (c'est celui de la lumière), s'il daignait paraître et dire que ce système est bon, il faudrait se soumettre avec un respect infini, parce qu'il est la lumière; mais comme le comité ne l'est pas, je demande la question préalable sur son projet de décret. (On rit.)
Je n'ai demandé la parole que pour vous soumettre une observation bien simple et qui m'a paru propre à concilier tous les systèmes. Le meilleur système c'est celui qui concilierait la preuve orale avec les longueurs de Ja preuve écrite, en appliquant à cette dernière tous les caractères de la preuve morale. Ce moyen consisterait en deux sortes de récusations. celle dé l'accusé, à l'égard des témoins qui, lorsqu'elle est fondée, ne souffre aucune difficulté, et celle du juré, après les dépositions. Je veux faire sentir l'utilité et la justice de cette dernière. Tel témoin qui n'est pas suspect à l'accusé peut le devenir au juré qui peut lui refuser sa confiance par des raisons inconnues à l'accusé. Cette récusation pourrait se faire à une pluralité égale à celle que la loi exigera pour le jugement du juré. Les témoins ayant passé par l'épreuve de cette double récusation acquerront une confiance qui fondera une conviction légale; et les jurés prononceront, d'après le résultat de de leur témoignage, le jugement le plus authentique dans l'ordre des certitudes humaines. Je demande donc que la preuve par écrit soit admise dans le sens proposé par le comité, en rectifiant son premier plan amendé par M. Tronchet, et que les jurés, avant de former leur juge-gement, soient autorisés à récuser, dans une pluralité convenue, ceux des témoins qu'une conviction intime leur indiquera comme indignes des regards de la justice.
(ci-devant de Préfeln). Je crois, Messieurs, que le dernier projet que le comité nous à présenté était indispensable ; que cependant l'article 3 doit être retranché. Je crois qu'on peut y ajouter des articles additionnels que je vais vous proposer. Le 3e article qui vous est présenté par le comité est conçu en ces termes: L'examen des témoins et des débats sera faits ensuite devant le juré, de vive voix et sans écrit, après la lecture publique qui en sera faite. L'article ajoute : Et ils serviront à la conviction. Je propose qu'on retranche ces derniers termes: Voici deux articles additionnels : « 1° Néanmoins si l'accusé ou ses conseils remarquent dans les déclarations faites par les témoins devant les jurés quelque chose qui puisse servir soit à infirmer le témoignage, soit à l'éclaircissement des faits ou à la justification de l'accusé, ils auront droit de requérir que ces déclarations soient rédigées par écrit, et cela ne pourra leur être refusé ; « 2° Si les témoins entendus, soit par le juré de police, soit devant le juré ou devant un des juges du tribunal du procès, ne comparaissent pas devant le juré d'accusation, les dépositions ne seront lues qu'au cas qu'elles aillent à la décharge de l'accusé. »
La crainte que j'avais hier d'abuser de vos moments m'a fait omettre une observation importante; elle doit répondre à une objection faite par M. Thouret. Vous vous rappelez que dans la troisième partie de mon discours je m'étais proposé de vous établir la nécessité d'écrire les dépositions toutes les fois que les jurés le croiraient nécessaire et le requerraient. Je me suis fondé sur ce qu'il est moralement et physiquement impossible que les jurés puissent, sans ce'secours, parvenir à juger une procédure compliquée. Voici l'objection principale et la réponse : Le comité dit et suppose qu'il ne peut y avoir de procès compliqué, si on établit séparément le débat pour chaque accusé. Je réponds qu'il est impossible à un législateur raisonnable de faire une pareille loi. Prenons pour exemple le procès contre milord Riston. Il y avait plusieurs coaccusés. Le vieux Rislon, en comparaissant devant le juré, demanda que son procès fût jugé séparément. Voici la réponse du juge : « Monsieur, si vous insistez sur votre demande, je ne puis vous la refuser, parce que la loi le permet; mais je dois vous avertir que vous allez contre votre propre intérêt, et qu'il vous est plus avantageux de vous défendre conjointement et en présence de vos coaccusés. » Vous voyez que ia loi anglaise permet à l'accusé de demander la séparation de son affaire; mais vous voyez aussi qu'elle ne l'exige pas, et la réponse pleine de sens et de justesse du directeur du juré vous en donne la raison; c'est qu'il est plus avantageux aux coaccusés d'être jugés en commun; c'est que la loi naturelle ne permet pas aux législateurs de priver l'accusé de tous les moyens que le droit naturel lui donne pour se défendre. S'il est impossible que vous fassiez une pareille loi, il est impossible que vous évitiez la complication de Ja procédure, parce que les accusés, connaissant la permission que leur donne
la loi naturelle, ne voudront jamais consentir à être jugés séparément.
(ci-devant de Saint-Far-geau), membre du comité (1). Je viens, au nom du comité, résumer en peu de mots l'état actuel de la grande question qui vous occupe; et, dans cet instant précieux qui précède immédiatement votre décret, je chercherai à recueillir votre attention sur les difficultés majeures et sur les considérations essentiellement décisives. Mais d'abord une première pensée se présente à moi. Si tout est important dans la délibération que vous allez prendre, si elle touche aux plus chers intérêts des hommes, si elle fixe l'attention de la Dation entière et partage l'opinion des meilleurs esprits, en un mot, si nul décret n'a plus besoin que celui-ci d'être sanctionné par la confiance publique, rien aussi n'est plus propre à fixer votre attention que cette discussion et les progrès qui l'ont amenée au point où elle se trouve aujourd'hui réduite.
Je ne vous dirai pas combien la discussion lumineuse qui a précédé a servi à éclairer la question : je ne vous rappellerai pas avec quelle sage lenteur vous devez marcher dans ces examens, appelant toujours à la raison du lendemain des impressions qui vous avaient frappé la veille; mais ce que je crois essentiel de vous rappeler, c'est avec quelle bonne foi, avec quel respect pour la vérité, avec quel abandon de tout amour-propre, les différents systèmes se sont et combattus et rapprochés : celui de la preuve orale pure et simple vous a d'abord été présenté par vos comités. M. Tronchet a parlé, et le système des preuves écrites en entier a compté en sa faveur le suffrage de la sagacité et de l'expérience. Votre comité n'a pas tardé à se rendre aux objections qui l'ont frappé : il a accueilli la preuve écrite dans la partie de l'instruction où elle lui a paru utile et compatible avec l'institution du juré; et M.Tronchet, imitant bientôt cet exemple, a abandonné aussi le système des écritures pour les portions de la procédure où il a reconnu qu'elles ne pouvaient pas être employées sans de graves inconvénients.
Ainsi de part et d'autre on a évité les extrémités de deux systèmes, on s'est combattu avec franchise, on s'est rapproché avec confiance, ralliés par le désir pur d'atteindre le vrai, et la question se trouve ramenée à des termes moyens, l'un présenté par les comités, l'autre par M. Tronchet. Examinons les nuances qui les distinguent.
Il faut en convenir, la première impression est favorable au système de la totalité de l'écriture. Ce système frappe d'abord l'esprit par des idées simples et qui paraissent évidentes au premier coup d'œil : vous l'avez éprouvé, mais vous avez senti l'effet des secondes réflexions, et nous regardons comme un témoignage précieux, comme un préjugé bien important à offrir à la confiance publique,que le système présenté par un jurisconsulte aussi recommandable que M. Tronchet et accueilli favorablement par l'Assemblée ait été abandonné dans ce qu'il a d'extrême et d'absolu par celui-là même qui l'avait proposé avec plus de conviction et de zèle, qui, sans doute, dans l'opinion de qui que ce soit ne manquerait ni de constance pour y persister, ni de lumières pour le défendre.
En quoi consiste la dernière opinion de vos
Vos comités vous ont proposé de faire écrire le témoignage par l'officier de police devant lequel auront paru les premiers témoins ; de faire . écrire, devant le directeur du juré d'accusation, les dépositions additionnelles que n'aurait pas reçues l'officier de police ; enfin de fixer également par écrit, avant le jugement, mais par-devant le directeur du juré de jugement, les dépositions des témoins produits par l'accusé, et celles des témoins que l'accusateur public aurait amenés. Vos comités vous proposent, en outre, de commencer les séances du juré par la lecture de ces dépositions, d'admettre le débat formel en présence du juré, et avec ces simples éléments de leur conviction, de livrer les jurés à leurs délibérations et à leurs consciences. Voilà le dernier avis de vos comités.
M. Tronchet adopte tout ce qui appartient à la réception par écrit des témoignages; il demande seulement que les dépositions soient lues aux témoins avant le juré d'accusation et avant le juré du jugement, pour qu'ils déclarent si c'est là ce qu'ils ont déposé. Il consent que le débat soit verbal ; mais il demande qu'après qu'il sera achevé, il soit dressé, à la réquisition de l'ac-, cusé et de son conseil, procès-verbal des faits principaux, des variations, des aveux, des déné-, gâtions importantes, enfin de la substance du débat.; que ce procès-verbal du juré soit rédigé en présence du juré; enfin il désire que ce procès-verbal écrit, que le cahier des dépositions écrites soient remis aux jurés lorsqu'ils se retireront pour délibérer. Ainsi l'état actuel de l'avis de.M. Tronchet se réduit à trois additions qu'il propose au projet du comité : lecture de leurs dépositions aux témoins devant les jurés d'accusation et de jugement, procès-verbal abrégé du débat après qu'il aura eu lieu verbalement, enfin remise âux jurés, lorsqu'ils le requerront, des dépositions écrites et de l'abrégé succinct du débat. Parcourons, Messieurs, ces trois additions.
M. Tronchet demande que les dépositions soient relues devant les deux jurés aux témoins pour bien constater la fidélité de la rédaction ; il considère trois intérêts dans cette formalité : l'intérêt du juge qui a reçu les dépositions pour que le témoin embarrassé dans le débat ne puisse pas inculper le juge d'infidélité dans la manière dont il a reçu son témoignage, et ne puisse pas prétendre qu'il n'a pas déposé ce qu'on lui fait dire; l'intérêt de l'accusé pour qu'il puisse saisir le faux témoin dans la rédaction, et que celui-ci ne puisse pas lui échapper par sa vaine allégation que sa déposition a été mal rédigée ; enfin l'intérêt du témoin lui-même pour qu'il soit bien assuré qu'on ne lui fait pas dire ce qu'il n'a pas dit, et qu'une rédaction inexacte ne puisse pas le livrer aux soupçons odieux d'un faux témoignage, aux inculpations de l'accusé et à la vengeance des lois. Ainsi il est. constant que M. Tronchet ne demande cette formalité que pour constater l'authenticité de la déposition, pour s'assurer qu'on a écrit fidèlement ce que le témoin a déposé. Ce n'est pas une forme employée pour s'assurer de la véracité du témoignage. Le témoin n'est pas en droit de dire si la déposition contient vérité, s'il veut ou la rétracter, ou y persister, ou la modifier. Ce serait là un véritable récolement; M. Tronchet ne l'a pas proposé. Il n'est point entré et il ne pouvait entrer dans un aussi bon esprit que le sien de ne pas sentir les inconvénients de ce récolement trop préma-
turé, ils sont trop sensibles et trop évidents. Son objet encore une fois n'est que de rendre la déposition authentique : le témoin n'est interpellé de déclarer autre chose, sinon s'il est vrai qu'il a déposé ce qui est écrit dans sa déposition.
Nous aurions accueilli, Messieurs, bien volontiers cette addition et toute formalité qui tendrait à rendre plus certaines et plus authentiques des pièces aussi importantes que celles qui doivent figurer dans un procès criminel; mais nos réflexions sur cette proposition nous y ont fait apercevoir des inconvénients considérables. Noiis vous prions de nous accorder un instant d'attention.
Cette formalité n'a point l'avantage qu'offre le récolement ; elle en a tous les inconvénients. Elle n'offre point au témoin le moyen ou l'occasion de rétablir la vérité qu'il aurait altérée dans sa déposition, mais elle le lie de nouveau à sa déposition; c'est-à-dire à son imposture, s'il a faussement déposé ; elle lui rappelle le mensonge qu'il a proféré avant que la justice lui offre les moyens de se rétracter ; elle lui retrace son iniquité avant qu'il puisse la réparer. Il a déclaré une prerhière fois, devant le juré d'accusation, que c'est bien là ce qu'il a dit; il a déclaré une seconde fois, devant le juré de jugement, que la déposition qu'on lui relit est la sienne, et il ne s'est pas encore écrié : déchirez ce témoignage; le remords me le reproche; il est temps que la vérité se manifeste. Ainsi il aura été rapproché deux fois de son imposture ; il aura été familiarisé avec son imposture; Le premier cri du remords au moment où on lui rappelle ce qu'il a dicté et ce que sa conviction désavoue ; ce premier moment si important aura été perdu pour le repetitir, puisqu'il n'aura pas encore été appelé à se rétracter ; et ces épreuves successives n'opposeront d'autres effets que de l'endurcir dans son iniquité et d'enchaîner ainsi sa conscience, du moins sa pudeur.
Voilà les inconvénients qui nous ont frappé dans cette nouvelle précaution. L'avantage d'ajouter quelque authenticité àla rédaction peut-il entrer en balance avec l'intérêt capital poiir l'accusé de ne lier lé témoin qtie le plus tard possible et de ne lui ouvrir toutes les portes du retour ; à la vérité, bien loin de l'ènchaîner au mensonge par l'habitude d'entendre répéter ce qu'il a déposé* par la fausse hôDte qui peut l'empêcher de désavouer devant lëjurê ce quë trois fois il sera convenu d'avoir dit ? D'ailleurs une nouvelle authenticité vous paraîtrait-elle bien nécessaire, tandis que cette pièce bien qu'essentielle n'a point toute l'influé il be dès anciennes procédures criminelles? Enfin les erreurs de rédaction sont toujours remédiables, puisque, si la dépositibh était écrite infidèlément, le témoin présent lors de là lecture ne manquerait pas dé se récrier sur l'infidélité de la rédaction au moment où Ses oreilles seraient remplies de là lecture d'un fait OU d'une circonstance dont il n'aurait pas déposé. Je conclus, Messieurs, sur ce point que la première addition proposée au plan dé vos comités n'est pas nécessaire et qu'il y aurait dë grands inconvénients à l'adopter.
Je passe à la troisième objection de M. Tronchet. Après que le débat verbal aura lieu devant le juré, ordonnerez-voiis qu'il soit rédigé par écrit et en abrégé dans un procès-verbal qui en constate les circonstances les plus essentielles ? Vos comités, Messieurs, së sont demandé d'abord de quelle nianière cette disposition pourrait s'effectuer dans la pratique. La rédaction n'étant pas faite devant l'accusé ou son conseil, cette
pièce ne serait pas contradictoire avec l'accusé; il pourrait se plaindre de la manière dont elle a étérédigée ; il pourrait alléguer que tel fait, telle circonstance, tel mot important a été omis, et que, s'il avait eu le droit de réquisition, il en aurait demandé l'insertion dans le procès-verbal.
Véritablement, sans le concours de l'accusé ou de son conseil, cette pièce serait imparfaite, elle serait pins nuisible qu'utile ; d'un autre côté, si vous donnez le droit de revision à l'accusé et à son conseil, dans quels embarras inextricables ne tomberez-vous pas? Comment vous défendre*-vous des trop excusables sollicitations d'un accuséi du zèle louable mais peut-être exagéré d'un conseil? Us s'attacheront à telles circonstances du débat qui leur paraîtront bien importantes ; ils saisiront tel mot, telle expression, tel aveu. Quel sera le contradicteur? quel sera le juge de l'utilité de la réquisition ? Voilà un incident ouvert pour ainsi dire sur chaque parole du débat; voilà une discussion pour savoir si elle sera insérée dans le procès-verbal, procès très verbeux et très animé, non pas sur le fondde l'affaire, mais sur la rédaction des pièces. Et qui décidera ce procès ? Seront-ce les juges? Mais ce qui tient à la preuve matérielle de3 faits est attribué par la Constitution aux jurés en matière criminelle. Seront-ce les jurés? En ce cas vous changez la nature de leur fonction; vous les faites juger des incidents d'une procédure. Vous trouverez bien des hommes pauvres, capables de descendre dans leur conscience chercher de bonne foi leur conviction, mais non pas dës hommes capables de prononcer sur lës Chicanes de rédactioU de procès-verbaux. Vdus adopterez par là un moyen béaiicoup plus long que la rédaction totale et par écrit du débat, car vous ne pouvez pas douter qu'il n'y ait incldeht presque sur chaque circonstance du débat, et que cette plaidoirie contradictoire n'en devienne une nouvelle confrontation et véritablerfîènt un riouveàu débat. Ce mojfetl nous a paru impraticable. Nous n'avons pu rallier notre vœu et notre opinion à cette nouvelle version.
Mais il nous en reste à examiner Une dernière qui présente de la difficulté et qui peut partager de bons esprits. M. Tronchet propose que le cahier des dépositions écrites et abrégées du débat soit remis aux jurés s'ils le demandent.
Dans l'dpinioh de votre comité, la question sur la remise du procès-verbal n'existe plus, puisque son vœu repousse comme impraticable cette rédaction de procès-verbal ; mais la difficulté est tout entière sur la remise des cahiers des dépositions écrites qui, suivant le dernier projet de votre comité, ne doit point être confié aux jurés pour leurs délibérations.
Sur cette question j'observe, Messieurs, que la Basë principale sur laquelle est appuyée la demande de cette communication est de fournir à la mémoire des juréS un point de ralliement dans les procès compliqués, et l'impossibilité où ils seraient de tenir un fil certain pour les conduire dans unë série de faits particuliers qui embrasseraient plusieurs accusés et des chefs nombreux d'accusation contre chacun d'eux. Or, la méthode peut seule fournir ce fil. Cette méthode sera présentée par la loi elle-même. Le moyen est très simple, et aucun procès ne peut être compliqué en suivant ce procédé. C'est, non pas comme l'observait tout à l'heure M. Tronchet, de faire un débat particulier sur chaque fait et sur chaque accusé, d'en faire tin débat général ; car certainement ce moyen ôterait aux accusés les
avantages d'Une diffébëncê cômtriuiie. ftôus avons donc pensé, Messieurs, qu'il ne fallait pas en priver les accusés, mais nous n'avons pas cru qu'on pouvait allier les avantages des deux systèmes; nous avons pensé d'abord qu'il fallait un débat général, un débat commun de tous les accusés, de tous les témoins, sur tous les articles compris au procès, sur tous les chefs d'accusation. Mais après ce premier débat nous avons pensé* Messieurs, que la méthode pouvait simplifier la discussion, et qu'alors il fallait que le président du juré, après avoir tout rassemblé d'abord, divisât tout ensuite et qu'il en fît un débat particulier qui succédât au débat général, mais Sans écrire. Ainsi, il ne peut plus y avoir de difficulté; il ne peut plus y avoir de complication : ce sont des idées simples, des idées séparées et isolées que l'on présente de cette manière aux jurés.
S'il est établi par ces réflexions que ia remise du cahier écrit de la déposition n'est pas nécessaire pour soulager la mémoire des jurés, et qu'un procès des plus simples peut bpëPél' Tethêmè effet, est-il bien vrai qu'on puisse sâtis inconvénients, sans altérer la pureté dej'ingtitution des jurés, leui1 confier ces preuves êéiïtëS ? Cet article est-il bien favorable aux accUsés?Quoi donc! nous reconnaissons tous qu'il existe deux genres de preuve dans Un procès ôriminël : là preuve écrite, la preuve orale, la déposition,.le débat; nous sentons dans nôtreihtime persuasion que la préhve essentiellement importante, la preuve la plus véràce existe dans les débats non écrits, et que si ips dépositions écrites peuvent porter dans 1esprit dés jurés un aperçu général et dé première impression, c'est la preuve morale résultant du débat qui fait éerûief la'conviction dans leur cceut- et qui Séble àttëiht lèUr conscience; et cependant, Messieurs, au dernier moment où ils vont prohoflCer ja àéeisiôn fatale, nous leur remettons lâ prëUVë écrite détachée du débat qûi ne l'est pas; nous appuyons leurs dernières pensées, non. pas sur' la preuve orale, sur la preuve vivante et animée ; mais au contraire nous l'en détournons, nous le transportons sur la preuve moins importante, sur celle qui charge je pliis l'accusé : car naturellement le débat est toujours une atténuation, en un mot, sur cette preuve que nous regardons comme l'élément je moins important; mais cette fausse mesure n'en-traînerait-elle pas l'inconvénient dbnt M. Trbn-chet a fourni Uhe preuve sans réplique en parlant des moitiés, des tiers, des quarts, des frab-tions, deï preuves légales?
Si le vrai principe des preuves légales peut se conserver au milieu des preuves; écrites, il est certain cependant que d'en remettre les cahiers aux jurés; c'est appeler auprès d'eux toutes les ab* surdités de la preuve légale. C'est eh remettant ces cahiers aux juges que l'on a jeté dans les tribunaux le gerthe d'une pfreuvô qU'dh âbpéllê légale.Remettre ces cahiers aUxjuréé,c'éétles exposer aux ittêmes vices ; c'est porter leur espMt par un assetttimëiit naturel à les disséquer, à les analyser,à distinguer les sëhii- preuves, les quarts de preuve. Eloignez d'eux de qui est trompeur: dès lors la conviction sera en eux noû plus une opération complète de l'esprit, mais un sentiment simple ; eile reposerà sur Un point ûiiiqUë de leur être, sur leur Consciettdë. ,
Telles sont, Messieurs, les considérations que. Vos comités vous soumettent et qui ne leur ont pas permis d'adopter les dernières modifications proposées à ce sujet. Ils ont pensé et pensent encore que l'écriture des dépositionsn'apasd'in-
convénients datis les bornes qu'ils vous ont proposées, et qu'ainsi modifiée, éllé pféSërite aujourd'hui tous fêS â/afifâgël; d âbord elië appelle lë témoin.à dire la vérité et â dire toute la vérité, et combien, dans les premiers moments dé Votre institution naissante, he S'en Sentiraient pas le courage Si a'onOrd la jOâtféë les livrait â lâ publicité de l'exameh ët de là vive altercation de l'acdUse et soh Consëll !
Les dépositions eferitës,*tëllé^ ifuë fioùs voUS les proposons, peuvent servir pàr la sliitë d'en-sëignëmëdt e^dë fuidé à l'accuse, én èônéervant la masse principale des faits, l ihdicàtlon dès témoins qui Pont chargé, et lë corpsle plus palpable des preuves qui lui ont été opposées ; elles ont uudouble avantage, c'est de.dohner aux jurés, ayant lé débat, une première idée du p.roëès ; au directeur du juré, uh code de faits, ët enlin à l'aC-cusé lui-même, un avertissement sur çë (Jui lui est imphtê, sur les preuves qui lui sont opposées et sur les endroits de sa défense vers lesquels 11 doit pofter toutes sës forces et celles de ie§ Conseils. Voilà en quoi cela peut être utilë ; biais là se borne gon.utilité? eu delà elle est inc®m-patible avec la forme du juré/
vos comités .persistant dans les premières modifications qu'ils ont jdint ft leur plan, vous conjurent, Messieurs; de ne pas compromettra le sort de cette belle institution, de cette balle institution que nous devons à l'Angleterre où elle troUve son berceau dans les temps les plus reculés ; qui a traversé intacte ët sans altération les siècles et les révolutions ; qui ne doit pas* comme on nous l'a dit hier à cette tribune*- sa conservation au respect des Anglais pour leurs anciennes institutions ët à la prétendue rotiitoe tlé cd peupHI pour ses vieille^ luiéi mais qui au déntralre a vu Se renouveler en entier religions, dynasties, formes dé gbuvëftiëttiëtlt, et, âu 1 niilféli tiëS §eëÔU9$es, des CohvlilBfôns ët des gUerfes civiles Iëé plus sanglâhtës,sëljlè ést dènldurée lnêbrtihlable; parce qu'ëlle frepbsâit sur jës base§ ifhniortêlleâ de là vérité, dë la rtiôfàlé; de iâjUstiCè ët de lâ fàisort.
fHùâëufàmêàiïMdeiilàlident qitô là discussion soit: feMeë;
(tîeuë inotidil est déérétèe.)
,rapporteur\ fait lecture des dif* férents projets de décret soumis à l'Assemblée, ; Plusieurs mèftibreà demandent la priorité péur lê pfbjét du comité.
ïàîjiê, ie fië Sàis Si M. ïrôtiêhèt abaii^ donne le uêël'et tjù'U- à pfd|jûSê ld?s dil prëmiei? discours qu'il fit sur cette importante question ; mais comme il est devenu celui de rAssëmblée touië entière, c'est pour lui qUe je réclame lâ priorité.
Avant dç prononcer sut* la prie* rité des objets qui .vous sont soumis, je demanda que voua vouliez bien prononcer sur un article commun à deux dq aei.projets et que je regarde comme l'un des plus importants à.insérer dans celui du comité* si vous l'adoptez : c}est qu'il soit permis à l'accusé de faire écrire, à sa réquisition, la partie des débats qui constatera des faiis. Je vous prie d'observer, Messieurs, que les réflexions par lesquelles M. de Saint-Fargeau a combattu cette proposition s'appliquent à un dis-
cours et à des raisonnements ; mais ce qu'il importe à l'accusé, c'est de recueillir les faits à sa décharge. Ainsi dans les débats qui auront lieu ce n'est point la tournure de la parole, des réflexions ou des débats qu'il s'agira de recueillir par écrit, c'est un nouveau fait, une nouvelle circonstance à la décharge de l'accusé ; et ii me parait de toute injustice que l'on refuse à l'accusé de constater dans l'instant un nouveau fait, UDe une nouvelle circonstance qui échappe au témoin, ou qu'il déclare volontairement. Je demande donc que cette partie du projet de décret de M. Tronchet et de M. Goupil soit insérée daDS le projet de décret qui sera adopté.
La proposition de M. Malouet n'est qu'un simple amendement. Il ne faut pas pour cela interrompre la question de priorité ; quel que soit le décret auquel on l'accordera, il sera toujours temps de ramener cette proposition. (L'Assemblée accorde la priorité au plan du comité.)
,rapporteur, donne lecture de l'article 1er du projet au comité, qui est
ainsi conçu : Art. 1er. « Les dépositions
des témoins seront faites et reçues par écrit, savoir : devant les
officiers de police, pour ceux des témoins qui y seront produits ; et
devant le directeur du juré d'accusation, pour les témoins qui, n'ayant
pas comparu devant l'officier de police, seront amenés d'abord devant le
juré d'accusation. »
Je demande que les dépositions soient rédigées par écrit devant le juré d'accusation.
Si vous adoptez la méthode de faire écrire les dépositions des témoins, vous perdez la plus belle partie de votre institution ; vous rendez le juré impossible. Si donc vous voulez un bon juré, il faut qu'il reçoive les dépositions, non pas par écrit, mais qu'il les reçoive et qu'il en tienne procès-verbal .(Ils'élève des murmures mêlés d'éclats de rire.) Quand je dis procès-verbal, je n'entends pas que les jurés copieront mot à mot tout ce qui sera dit devant eux; mais qu'ils tiendront procès-verbal de leurs séances, comme l'Assemblée nationale tient procès-verbal des siennes. 11 n'est pas question d'y entasser des inutilités, on n'entasse pas dans votre procès-verbal les inutilités qui se disent ici. Je demande donc que les dépositions des témoins ne soient point rédigées par écrit, mais que seulement les jurés en dressent procès-verbal, ou que l'accusé puisse faire insérer tout ce qu'il croira nécessaire à sa justification.
Si on avait pris le juré dans sa nature, on n'aurait rien du tout écrit dans la procédure, et mon avis est parfaitement conforme en cela à celui du préopinant. Je ne sais comment il peut, après cela, venir nous proposer la rédaction d'un procès-verbal. Cette idée est bien incompatible avec la première. Je ne sais trop comment on s'y prendrait pour une pareille rédaction. Qui jugerait de la validité de tel ou tel moyen qui aurait été fourni de part ou d'autre? Je voudrais l'institution dans toute sa pureté; et j'avoue que le dernier plan du comité ne me paraît autre chose qu'un souvenir de l'ancien système et un aveu de la faiblesse de l'Assemblée.
Je demande que la discussion soit rouverte.
J'ai quelques observations à présenter sur la manière de poser toutes les questions dans cette matière. Il y a cent vingt ans qu'on a rédigé l'ordonnance criminelle. (Il s'élève beaucoup ae murmures.) Je prie l'Assemblée d'être persuadée que je ne veux pasm'écar-ter de la question. Dans les projets de décret présentés, il y a des omissions importantes et une grande confusion. (Nouveaux murmures.) Puisque cela paraît convenir à l'Assemblée, je vais commencer par mes conclusions. Elles sont, que le projet du décret est mal rédigé. Il vous faudra, comme pour l'ordonnance de 1670, cinquante déclarations interprétatives. Vous changez l'ordre judiciaire, l'organisation de la procédure criminelle; tout le monde voudra s'en tenir à vos décrets; personne ne voudra rien prendre sur soi. Plusieurs voix : La discussion est fermée, présentez votre amendement.
Mais il est impossible à douze cents personnes de rédiger un bon projet de décret : il faudrait que le comité nous en présentât un autre. Je voudrais qu'il me fût permis de lui expliquer ce que je désire. Dans le premier article nous isolons trop notre travail ; on ne nous y dit rien des juges de paix, et plusieurs personnes confondent les nouveaux juges, avec les jurés, et les jurés avec les juges de paix.....Une loi ne peut jamais être trop claire. Puisque les juges de paix sont les premiers instruments de la loi, indiquez-les autrement que par ces mots : les officiers de police. Pourquoi, d'ailleurs, ne pas autoriser ces officiers à interroger les témoins? La loi n'ayant pas prononcé, les témoins diront : « Ecoutez-moi, je ne dois pas vous répondre, et je ne dois dire que ce que je veux...» L'article a dix ou douze lignes; or, vous n'aurez jamais une bonne loi, quand elle aura plus de deux ou trois lignes... Faisons le moins d'innovations possibles; la nation en supporte assez. Rédigez donc le premier article ainsi : « Les dépositions des témoins, en matière criminelle, seront reçues par écrit comme par le passé. »
Il me paraît absolument inutile de faire écrire les dépositions, si elles ne doivent plus reparaitre devant les jurés. Le comité, après avoir entendu le premier discours de M. Tronchet, a cherché à se donner l'air de se rapprocher de ce système, et il a paru faire un sacrifice qui, véritablement, n'aboutit à rien. Il faut absolument, ou abandonner toute espèce d'écriture, ou écrire tout devant le juré.
Les difficultés élevées par les préopinants me démontrent de plus en plus les inconvénients de l'espèce de transaction que le comité a faite avec ses adversaires. Nous avons demandé l'institution des jurés, qui, jusqu'à présent, a maintenu la liberté anglaise, malgré les vices de sa constitution, et qui est pratiquée avec tant de succès en Amérique. Craignons d'altérer par des modifications cette institution précieuse; adoptons le jury anglais et américain dans toute sa pureté. Je demande la suppression du premier article, et je me réfère au premier avis du comité. (On applaudit.) Plusieurs membres : Aux voix !
l'aîné. Si l'avis de l'honorable préopinant était adopté, il rendrait inutile l'article présenté et l'amendement que je voulais vous proposer. Je dois auparavant combattre cet avis. M. Lafayette s'est autorisé de l'exemple de l'Angleterre..... Plusieurs voix : Votre amendement!
l'aîné. Après avoir combattu celui de M. Lafayette, je présenterai le mien : vous avez donné ia priorité au second projet du comité ; c'est sur celui-là qu'il faut délibérer. Plusieurs voix : Point de discussion, votre amendement !
l'aîné. Eh bien ! ma seule observation sur l'avis du préopinant, c'est qu'on doit à son égard passer a l'ordre du jour. Je suppose que vous en êtes aussi convaincus que moi, et voici mon amendement. Il consiste à ajouter dans ['article, après ces mots : Reçues par écrit, ceux-ci : Comme elles'seront dictées par les témoins eux-mêmes. Il faut empêcher l'ancien abus de se renouveler. De tous les éléments dont se compose le témoignage, les exnressioDs exactes au témoin seront toujours la aonnée la plus sûre pour faire reconnaître le degré de confiance qu'il mérite. Ce n'est plus la moralité du témoin, si ce ne sont pas ses expressions.... Je soutiens que le témoin qui ne saura pas dicter sa déposition ne saura pas déposer.
Parmi les préopinants, les uns ont proposé des amendements sur l'article premier, les autres ont demandé la question préalable. Pour apprécier ces diverses demandes, il faut bien examiner quelle est l'intention du comité.
Cet article ne dit autre chose sinon que les dépositions seront écrites devant l'officier de police; j'observe à M. l'abbé Maury que, d'après les décrets, officier de police signifie les juges de paix et certains officiers de la gendarmerie nationale. L'article porte ensuite que si les dépositions ne sont pas faites devant l'officier de police, elles se feront devant le directeur du juré d'accusation. Votre comité ne pense pas que ces dépositions puissent êtes probantes.
Un autre point sur lequel on a fait des amendements, c'est celui de savoir si on fera lecture des dépositions à l'accusé. Mais tous les amendements de cette nature doivent être renvoyés à l'article 3. L'amendement de M. Rewbel rétablit les preuves écrites; celui de M. Loys se rapporte encore à l'article 3. Il est donc évident que l'article, tel qu'il est, n'est susceptible d'amendements que pour ceux qui veulent reproduire la procédure écrite. Le seul point est de savoir si vous adopterez cet article ou la question préalable contre ce même article, en le considérant comme attaquant le principe fondamental du juré. Les comités ont été unanimes sur ce principe; mais non pas sur les détails. Leur premier mouvement les a portés à condescendre au vœu de l'Assemblée.
Quelques personnes ont vu des inconvénients à s'ecarter du principe; elles ont pensé que faire écrire les dépositions devant l'officier de police c'était embarrasser la marche de la procédure par des écritures inutiles, puisqu'elles ne sont pas probantes, puisque les dépositions ne devien-
draient pas légales après le jugement ; dès lors qu'il est certain que dans les débats les témoins pourront changer. D'autres ont vu dans l'écriture des dépositions un avantage réel ; ils ont craint que des témoins peu accoutumés aux assemblées publiques ne fussent intimidés en paraissant devant le public, les jurés, l'accusé et le conseil, tandis qu'auprès de l'officier de police ils diront mieux tous les détails du fait. Ce léger avantage n'est important que pour la circonstance présente; il en est un autre de même nature et relatif à l'inexpérience des jurés : le directeur du juré d'accusation ayant connaissance des preuves écrites pourra plus aisément établir devant le juré la question à examiner pour décider s'il y a lieu à l'accusation.
Il y a donc des inconvénients etdes avantages dans ces propositions ; c'est à les balancer que l'Assemblée doit s'attacher. Quant à moi, mettant un vif intérêt à ce que i'iustitulion ne soit pas étouffée dans son berceau, j'adopte l'article premier et je demande qu'on supprime de l'article 3 ces mots : Après la lecture publique qui sera faite de toutes les dépositions.
J'appuie la question préalable sur l'article, et je soutiens que l'inconvénient qu'il présente est tellement grave, qu'il tend à ôter le jugement aux jurés pour en investir celui à qui la rédaction des dépositions sera confiée ; Il ne présente aucun avantage.Quaut à la revision, il est parfaitement inutile; car des dépositions écrites qui ne serviront pas au jugement ne peuvent servir à la revision.... Plusieurs membres : Aux voix !
l'aîné. On n'a pa8 voulu me laisser combattre la question préalable; le préopinant ne peut pas l'appuyer.
Vous n'avez pas la parole. Quant aux faux témoignages, le comité convient.....
Je demande à parler contre la question préalable.
Quant aux faux témoignages.... (Nouvelle interruption.) le comité convient, et il a dit qu'il était non seulement permis, mais même nécessaire que le témoin pût varier dans le débat, et qu'un juré qui connaîtrait les hommes pourrait aisément ramener à la vérité un témoin qui n'aurait rien laissé d'écrit derrière lui. Il est donc certain, d'après le comité même, que les dépositions écrites, en forçant le témoin à s'en tenir à sa première déposition, sont contraires à l'innocence.
l'aîné. Il faut ou rouvrir la discussion, ou convenir que l'Assemblée n'a plus de règlemeut.
Voici quelle est la seconde raison. Ceux qui ont défendu la preuve écrite, et notamment M. Tronchet, sont convenus que ce n'était pas les témoignages écrits qui devaient déterminer le jury. Plusieurs voix : C'est l'un et l'autre.
M. Tronchet, dans la première opiuiou, où il a demandé que les dépositions et même les débats fussent écrits, a dit que cë se-
rait pour y avoir tel égard que de raison : or, il est reconnu que c'est dans le débat oral que les jurés doivent trouver leur véritable conviction. On anéantirait donc cette Conviction....
Il faut rouvrir la. discussion, puisque MM. Barnave et de Lafayette ont; parlé sur le fond.
Il y aura donc deux moyens : les preuves écrites et les preuves orales. Les premières existeront toujours ; les autres disparaîtront: c'est sur les premières que pourra être jugée la décision du juré ; ainsi les jurés, pour conserver leur honneur, jugeront sur les preuves écrites ; alors le jugement appartiendra, réellement et uniquement à l'officier qui aura fait la rédaction des dépositions i.. (On applaudit.) Une voix à droite : La discussion est-elle fermée pour nous et ouverte pour vous ? Plusieurs membres : Aux voix 1
Le rédacteur des dépositions étant en même temps le directeur du juré, son influence sera sans bornes... (On demande de nouveau à aller aux voix sur Varticle, et plusieurs minutes se passent dans des agitations tumultueuses.) Ainsi donc vous aurez remis le sort des accusés entre les mains du seul homme qui, rédacteur des dépositions, et supérieur au juré par l'expérience, influera puissamment sur le jugement.
Je vais mettre aux voix la question préalable ;
Nous avons aceordé la priorité au plan du comité....
Je vous dis, Monsieur, qu'on demande que je mette aux voix la question préalable.
Moi, jë demande la question préalable sur tout le projet.
La priorité a été décrétée. La question préalable ne peut donc point être mise aux voix..*;
On demande la question préalable sur l'article. On demande aussi que M. Garat l'aîné soit entendu ; ce n'est pas à moi à le priver de la parole.; je vais consulter l'Assemblée. (L'Assemblée accorde la parole à M. Garat l'aîné.)
l'aîné. Les observations par lesquelles M. Barnave a appuyé la question préalable présentent un défaut essentiel qui n'aura pas échappé aux esprits attentifs : c'est de supposer que les deux autres articles du projet de décret seront adoptés. Qui lui a dit qu'on n'accueillera pas sur ces deux autres articles des amendements qui garantiront les moyens propres à faire sortir la vérité des débâts î Après avoir montré ce vice radical de son raisonnement, j'attaque les observations de M. Barnave, une à une. Les dépositions écrites ne seront pas probantes. Oui * mais elles seront des renseignements dont on pourra se servir pour deman- 1 der la revision ou la réhabilitation. Ainsi cette première observation est convaincue d'absurdité. - î . La seconde observation a pour objet de laisser au témoin la faculté de varier. M. Barnave ignore que la loi permettait la variation dans le récole-ment et dans la confrontation même ; ainsi, les dépositions, quoique écrites, permettront aux témoins de varier pour le salut de l'innocence. Pourquoi ne voulez-vous pas aussi qu'ils varient pour le salUt dé la société à venger ? Si vous êtes conséquents, vous croirez le témoin, quand après avoir attesté l'innocence de l'accusé, il vous dira : J'ai été trompé. (Il s'élève des murmures.) Plusieurs membres : Aux voix ! Plusieurs voix : La question préalable !
l'aîné. Vous ne voudriez pas, ni moi non plus, car je suis aussi humain que vous tou?, perdre un innocent pour le salut de ia société, nï compromettre la société pour sauver un coupable. ' ^ La troisième observation consiste à dire que les dépositions écrites ramèneront la doctrine des preuves légales et soumettront les jurés au juge Sui aura été chargé de la rédaction. Gomment k Barnave, qui se montre si docile à l'opinion du comité, n'a-t-il pas vu dans cette opinion que ce sera la discussion animée des débats qui décidera le jugement? Les jurés seront, je l'espère* des hommes d'un jugement sain ; voulez-vous qu'ils oublient la variation du débat pour s'en tenir à la preuve écrite que eette variation aura détruite ? Au reste, l'Assemblée ayant décidé que le second projet du comité aurait la priorité, on ne peut admettre sur le premier article de ce projet la question préalable. Ge premier article étant mis en délibération, il ne s'ensuivra pas que les deux autres seront adoptés. J'ai établi ce vice radical du raisonnement de M» Barnave ; or, je conclus que ses observations sont dénuées de sens et de sa logique coutUmièret
Je ne demande pas la parole sur le fond* mais sur la marche de la délibération. Plusieurs projets de décret ont été présentés ; le nouveau projet du comité a obtenu la priorité.M. de Lafayette a demandé qu'on revînt au premier projet que le comité avait offert ; en cela M. de Lafayette n'a fait qu'un amendement à l'article dont il s'agit; (Il s'élève des murmures à droite.) M. de Lafayette a motivé... ; Plusieurs voix de la droite : Il n'a pas donné une raison.
Il a motivé son amendement, et très bien à mon gré. Il à demandé qu'on tranchât cëtfe espèce ae transaction entre le comité et le parti opposé, et que l'Assemblée se conformât aux principes de l'Angleterre. Il faut donc, non pas délibérer sur la question préalable, mais sur l'amendement de M. de Lafayette ; s'il nasse, tout sera dit ; s'il ne passe pas, le second projet du comité sera mis aux voix; s'il est rejeté, vous vous occuperez de ceux do MM. Grbu-pil et Tronchet, et amendés l'un par l'autre
Je demande la question préalable sur ce que dit M. dé Lanieth, et sur la proposition de M. de Lafayette.
Je crois qu'en ce
moment, ayant entendu toutes les opinions pour et contre, vous devez délibérer sur les propositions qui ont été faites. Le désordre qu'on a occasionné dans l'Assemblée a pour objet de faire rendre un mauvais décret, afin de décrier ensuite, dans l'opinion publique, uné institution protectrice de la liberté.
Je crois que cette marche n'est pas conforme à la règle : on ne peut mettre en question si l'on délibérera sur une priorité accordée. La proposition de M. de Lafayettequi, j'en conviens, est dans les principes, ne jjeut être considérée comme un amendement, puisqu'elle ramène au premier projet de décret,,auquel la priorité a été refusée. Le premier article de celui qui a obtenu la priorité, n'étant que réglementaire, ne se. présentant que comme un essai accessoire de Constitution décrété souS ce rapport, présente un avantage du moment. On indiquera avec soin, dans le procès-verbal, que cet article n'est que réglementaire ; il pourrait être révoqué par la suite; L'utilité momentanée de cette disposition n'est pas équivoque. Nos concitoyens seraient effrayés de la célérité de la nouvelle procédure criminelle, et il ne faut pas fournir aux ennemis de cette institution les moyens de l'attaquer. Cette disposition pourra aussi être nécessaire au futur. Les jurés ne doivent pas; il est vrai, prendre connaissance des dépositions : on ne doit pas les leur lire ; mais n'est-il pas important que l'accusé ait un dépôt où il puisse trouver les traces qui conduisent à son innocence ? Mais si le témoin est mort ou s'il est impossible de le reproduire, ne serait-il pas utile de pouvoir reproduire les dépositions? Ainsi voilà, pour l'accusé, des avantages certains, auxquels aucun inconvénient ne se joindra si la lecture des dépositions n'est pas faite au juré. Dès lors je ne sais pas comment les vrais amis de l'institution des jurés pourraient se refuser à rejeter l'amendement, et à adopter purement et simplement l'article qui doit ensuite être mis aux voix. Voilà quelle doit être la marche de la délibération.
(L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur tous leâ amendements.)
L'article premier du projet de décret du comité, auquel la priorité avait été accordée* est adopté sans aucun changement, à une très grande majorité..
(La séance e8t .levée à trois heures et demie.)
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du matin qui est adopté et des adresses suivantes :
Adresses des juges du district de Montluçon,
et de celui de Quimperlé, qui, dès les premiers moments de leur installation, présentent à l'Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement.,
Les juges du district de Quimperlé annoncent que le curé dé Saint-Michel de cette ville, tous les ecclésiastiques attachés à son église, et tous les religieux, capucins, bénédictins et t>çc^arâins, ont adopté, le 8 du présent mois, par Un serment solennel, l'organisation civile du clergé.
Adresse du commissaire dti roi a Remirémont, département des Yosges, qui fait hommage à l'Assemblée nationale du discours patriotique qu'il a prononcé à l'installation des juges dti tribunal du district.
Adresse de M. Balin, cure de Conilecourt, près Meulah-sur-Sêine, qui, convaincu que la constitutioncivile du clergé, bien loin de porter atteinte à la religion, ne fait que rétablir l'ancien ordre, dont on n'aurait dû jamais s'écarter, s'est hâté de prêter ie serment prescrit par le décret du 27 novembre dernier, avant sa publication légale. Il envoie le procès-verbal que le conseil général de la commune en a dressé.
Adresse de M. Blanc-Pômpirac, curé et procureur-syndic de la commune du Gpudray-sur-Seiné, district de Gorbeil, contenant le procès-verbal de son serment civique, prêté le lep janvier dernier.
Cette adresse est ainsi conçue (1) :
« Monsieur lé Président,
« Aujourd'hui 12 du courant, j'ai reçu un paquet franc de port et contre-signé en lettres rouges Assemblée nationale, contenant quatre petites brochures de huit à dix pages chacune, dont les titres sont :
. « 1° Liste des évêques, députés à l'Assemblée nationale, qui ont signé l'exposition des principes sur la constitution du clergé, des autres ecclésiastiques, députés, qui y ont adhéré, et des évêques qui ont envoyé leur adhésion. A Paris, chez, Lau-rens jeune, libraire, imprimeur du clergé de France, rue Saint-Jacques;
« 2° Développement du serment exigé des prêtres en fonctions, par l'Assemblée nationale,extrait du Journal ecclésiastique, n° 129. De l'imprimerie de Crapart, place Saint-Michel;
« 3° La conduite des curés dans les circonstances présentes ; ou bien lettre d'un curé de campagne à son confrère, député à l'Assemblée nationale, sur la conduite à tenir par les pasteurs des âmes dans les affaires du jouri A Paris, de l'imprimerie de Crapart, 1790;
« 4° Prône d'un bon curé sur le serment civique exigé des évêques et des curés, des prêtres en fonctions. A Paris, chez Crapart.
« J'ai lu tout de suite ces quatre brochures; la liste même, en y apercevant M. l'abbé Maury, jadis de ma connaissance, m'a dessillé les yeux sur cet envoi. En conséquence, je ne puis croire que l'auguste Assemblée ait voulu mettre à l'épreuve mon respect pour ses décrets, et ma conscience à m'y soumettre, et mon zèle à les défendre.
« Si elle avait eu cette intention, elle n'y est plus à temps. Je n'ai pas attendu la réception dû décret pour donner à la nation des preuves de mon civisme. Je ne l'ai pas même encore reçu ; mais j'ai cru ne pouvoir mieux commencer cette
année qu'en prêtant ce serment, tel que M. l'abbé Grégoire, mon cher confrère, l'a prêté à la tribune. Je vous prie, Monsieur le Président, d'en convaincre l'auguste Assemblée par la copie de mon serment, extraite des registres de la municipalité du Coudray, que j'ai l'honneur de vous envoyer avec l'enveloppe du paquet que j'ai reçu, qui vous prouvera la vérité de ce que j'avance.
« Je crois devoir -vous avertir que vos décrets nous parviennent fort tard ; car de tous ceux que j'ai reçus cette semaine, le plus récent est du 19 novembre. Nous ne sommes cependant qu'à neuf lieues de Paris et de Versailles.
« J'ai l'honneur d'être, etc.,
« Signé: Blanc, curé et procureur syndic de la commune du Goudray. »
Il est ensuite fait lecture des adresses suivantes :
Adresse de la municipalité de Choisy-le-Roi, contenant le procès-verbal de prestation de serment des curé, vicaires et aumônier de la garde nationale dudit Choisy, ensemble le discours, vraiment patriotique, prononcé par le curé, avant son serment.
Adresse de la municipalité de Gourdon, qui annonce que les commissaires civils, ordonnés par l'Assemblée, sont arrivés dans cette ville, et y ont ramené la paix; qu'ils y ont replacé, avec pompe et solennité, les administrateurs du district, que la crainte tenait dispersés depuis plus d'un mois.
Adresse des officiers municipaux de la communauté de Cromas; ils font le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789.
Procès-verbal de la prestation de serment, faite par le clergé de la paroisse de Saint-Médard de Paris, et discours de M. Dubois, curé, après cette prestation, dans lequel il fait éclater les sentiments du patriotisme le plus pur et de la piété la plus vraie. On y lit ces paroles remarquables : « Qu'il me soit permis, mes frères, de former ici « un vœu qui doit être celui de tout bon citoyen ; « c'est de voir cesser cet esprit de parti, qui « fomente les animosités, et qui, depuis trop « longtemps, trouble la tranquillité des citoyens, « en perpétuant une dangereuse agitation. Puis-« sions-nous, en recueillant les fruits précieux « de cette liberté que nous nous félicitons d'a-« voir recouvrée, goûter les douceurs de la con-« corde, de cette union fraternelle qui, en faisant « le bonheur de chaque citoyen en particulier, « lait celui de la société I »
Adresse des juges du tribunal de Varennes, district de Clermont, département de la Meuse, par laquelle ils lui sémoignent leur profonde reconnaissance, leur dévouement absolu à la Constitution, leur soumission entière aux lois judiciaires qui l'affermissent, et leur attention sévère à ne pas en déliasser les bornes.
Messieurs, je viens vous dénoncer une pièce absolument fausse et qui ne peut avoir pour objet que d'égarer les citoyens qui avaient eu le patriotisme que vous désirez; on a distribué dans le département de l'Iile-et-Vilaine un prétendu bref du pape, qui annonce que Sa Sainteté a répondu au roi des Français que l'Assemblée nationale avait outrepassé ses pouvoirs, que ceux qui prêteraient leur serment ou qui l'avaient prêté étaient schismatiques, qu'ils ne pouvaien t adhérer à la constitution civile du clergé sans se rendre coupables du crime d'hérésie. Une voix à droite : Bravo I
Je demande que l'on recherche quel est le membre qui approuve ce prétendu bref.
Je vous dénonce encore que le secrétaire qui est à côté de moi a reçu de sa province une copie d'une semblable pièce. Il est visible que c'est d'un centre commun que sont parties ces pièces fausses pour tout le royaume. Une voix à droite:Elles sont bien dénoncées si elles sont fausses.
Le bon esprit percera partout.
J'ajoute, Messieurs, que cette pièce n'a pas été connue des membres du département de l'llle-et-Vilaine, qui se sont empressés de la dénoncer au tribunal de district; et je suis convaincu qu'il prendra toutes les mesures pour punir les auteurs et la distribution de pareilles pièces.Mais comme il est extrêmement intéressant que le peuple ne soit pas trompé par de pareilles distributions et que le moyen de la faire reconnaître et d'annoncer à la France la supposition de cette pièce est de faire connaître l'opinion qu'en prend l'Assemblée, je demande qu'elle veuille bien charger son président de témoigner au département de l'IlIe-et-Vilaine sa satisfaction des mesures qu'il a prises pour empêcher la distribution de cette pièce et qu'en même temps elle renvoie au comité des recherches la pièce même que je dépose sur le bureau.
L'ordre du jour 1
Messieurs, j'appuie la motion qui vient de vous être faite par M. De-fermon; je trouve cependant que la mesure n'est pas suffisante. Il est de la connaissance de plusieurs membres que les ennemis de la Constitution emploient tous les moyens pour retarder les heureux effets de vos travaux. Ils ont maintenant recours à la fourberie; ils supposent l'existence d'un bref qui serait indifférent en soi, quand bien même il existerait, mais qui cependant pourrait encore surprendre quelques esprits faibles. Il est donc essentiellement nécessaire de faire punir les auteurs de semblables libelles. Ainsi, j'ajoute aux dispositions delà motion de M. Defermon que M. le Président soit chargé de se retirer par devers le roi, pour le prier de donner ordre d'informer, dans tous les départements où ce prétendu bref aurait été distribué, contre ceux qui font et répandent de semblables imprimés. (Applaudissements.)
Aux voix 1
Je conviens que ceux qui ont répandu cette pièce veulent incendier les esprits et exciter à la révolte contre une loi quelconque; mais je conjure l'Assemblée de ne point prendre à cet égard de mesures partielles. (Murmures à gauche.)
Je suis étonDé du mouvement que cause dans l'Assemblée une observation très conforme aux principes qu'elle établit; jamais par les mesures
partielles, vous n'obvierez à tous ces malheurs qui résultent de la licence affreuse de la presse. (Murmures ironiques.)
Je dis, Messieurs, que vous ne pouvez pas raisonnablement ni décemment donner une information contre une pièce et tolérer l'existence de cent autres. Je vous conjure donc, Messieurs, de vous souvenir que vous avez donné des ordres à votre comité de Constitution, il y a trois mois, de vous présenter une loi sur la licence de la presse; cette loi a été réclamée très fréquemment dans cette Assemblée.
Voilà trois fois que M. Malouet revient à la charge.
J'observe à M. Cottin que je ne suis point accoutumé à me rebuter. Il n'y a ni murmure, ni huée, ni improbation qui puisse me faire renoncer à ce que je crois être juste et nécessaire. Ainsi, Messieurs, je vous annonce que si vous n'y mettez ordre, tous les jours je répéterai cette motion. Je demande donc, Messieurs, qu'il soit présenté un projet de décret (Murmures.) contre Jes auteurs et distributeurs de pièces incendiaires, des libelles les plus sanglants, les plus atroces, les plus infâmes....
Contre nous.
Donnez à votre décret le caractère d'une loi qui s'applique à tous les délits d'un même genre, qui se délibère d'après des principes et non d'après des circonstances particulières. Je demande que les informations soient ordonnées contre tous auteurs de libelles et que le comité de Constitution soit tenu de donner son projet incessamment.^
Messieurs, il me paraît qu'il ne peut y avoir aucune espèce de relation et de comparaison entre le délit qui vous est actuellement dénoncé et la liberté même la plus indéfinie d'écrire et d'imprimer sur les opinions et sur les personnes. Le délit qui vous est textuellement dénoncé est un faux évident; c'est la simulation, c'est l'imitation mensongère d'un acte public et légal ; car un tel acte chez tous les peuples du monde, et chez ceux même qui respectent le plus la liberté de la presse, a toujours été un délit public et punissable. Cet acte doit donc être poursuivi et puni sévèrement. Gela n'a même aucune espèce de rapport avec la loi demandée au comité de Constitution sur la liberté ou plutôt sur les limites de la liberté de la presse, loi dont la confection, selon moi, doit être encore retardée ; car je pense et j'observe par les faits que chaque jour l'opinion se forme a cet égard, que chaque jour, si chacun se persuade que si les calomnies privées doivent être réprimees, l'opinion, la liberté de s'énoncer et d'imprimer même, et sur les choses et sur les personnes publiques, doit avoir la plus grande latitude possible. Mais enfin, par un cours d'événements je ne sais comment dirigés, il arrive qu'aujourd'hui c'est presque exclusivement sur les personnes les plus attachées à la liberté que la calomnie se dirige ; et comme j'aime à croire ces personnes toujours plus attachées à la chose publique qu'à elles-mêmes, malgré les inconvénients et tous les nuages nécessairement passagers que la liberté de la presse peut attirer sur leurs per- sonnes, j'espère qu'à la fin les uns, conduits par leur intérêt, les autres par la vérité, nous nous réunirons à cette grande maxime, qu'il doit être permis de tout dire, de tout écrire, de tout imprimer concernant les hommes publics, parce que l'homme qui a accepté l'emploi imposant, remploi honorable, mais délicat, de gérer la chose publique, s'expose ce jour-là volontairement à la censure de ses concitoyens. Il n'y a pas de comparaison entre les maux qui résulteraient pour la chose publique de la gêne la plus légère à la liberté de cette censure, et les maux qui peuvent résulter pour les individus des calomnies toujours repoussées surtout par cette publicité d'actions et d'opinions qui est à la fois la sauvegarde de la liberté pour la nation et la sauvegarde de la réputation. (Applaudissements à gauche.) Je demande donc qu'on adopte la motion de M. Defermon et qu'on passe à l'ordre du jour sur celle de M. Malouet. (Applaudissements.)
Je demande la même loi contre le faux bref qui ordonne aux ecclésiastiques de prêter le serment. (Rires à gauche.) Monsieur le président, il y a un bref faux.
Je demande au moins la proscription de libelles qui conseillent l'assassinat. (Huées et murmures). Nous en sommes inondés. Je demande enfin que l'on mette un terme aux conseils donnés par la voie de l'impression de brûler, de massacrer, d'exterminer tous ceux qu'on prétend désigner par ennemis du bien public; et ceux-là sont sans doute exceptés de la tolérance que demande M. Barnave. Une voix : Dénoncez ces écrits 1
Tout homme qui écrit en faveur de la Révolution pour déterminer le peuple à obéir aux décrets n'est point un libelliste ; mais tout homme qui écrit contre est un coquin ; voilà ce qu'il fallait dire. La motion de M. Defermon est adoptée avec l'amendement de M. Gaultier de Biauzat dans les ternies suivants : « L'Assemblée nationale décrète que la copie du prétendu bref du pape, qui a été représentée à l'instant et déposée sur le bureau, sera remise au comité des recherches. « Elle charge son président de se retirer vers le roi, pour le prier de donner des ordres à l'effet qu'il soit informé contré les auteurs et distributeurs de ce prétendu bref, dans tous les départements où il a été distribué, et d'écrire à la commune de Rennes, pour lui témoigner sa satisfaction de son zèle et de sa surveillance. »
,au nom du comité de Constitution. Messieurs, la municipalité de Paris doit installer vendredi prochain ses nouveaux juges dont plusieurs sont membres de cette Assemblée. En vertu d'un décret prudent, il n'est.pas permis aux membres de cette Assemblée nommés juges de se faire installer pendant la session. Vous n'avez usé de cette précaution que pour ne pas priver l'Assemblée de leurs lumières pendant le temps qu'ils seraient obligés de s'absenter pour leur installation. Mais ici ce n'est plus la même chose : l'installation des juges de Paris prendra infiniment
peu de temps : la rouqjpipalité a envoyé au po-mité de Constitution une déljbératiqn par laquelle elle demandé s'il n'est pas possible que les mew-bres dp l'Assemblée assistent à l'iqsta}l«ition ; pour relever l'importance et la solennité dé cette cérémonie, elle désirerait que tp'iis les membres de l'Assemblé^ pussenj; y êtrp présents, (Murmures.) Comme le motif du décret prudemment rendu ne subsiste plus ici, je vous propose de décréter cet article s c L'Assemblée pationple, après avoir entendu [e comité de Constitution, déclare que son décret çlu 27 octobre dernier, ayant pour objet de prévenir l'absence de ceux de ses membres qui ont été nqmmés juges dans les tribunaux de district, ne regarde point ceux qui se trouvent élus aux places déjugés dans les tribunaux du département de Paris, ét en conséquence que rien ne s'oppose à ce que pes derniers soient installés dès à présent, sans néanmoins qu'ils puissent prendre part à aucune instruçt|onj ni à aupun jugement avant la fin dés' travaux' dé l'Assém-bpe. » (Ce projet de décret est adopté.).
L'Assemblée natiqn^îe, par des raisons particulières, a tardé à statuer sur le sort des juifs dans le royaume ; et néanmoins, par son décret du 28 janvier'1790, bien convaincue que ceux qui avaient déjà' l'état civil ne l'avaient pàg perdu, elle à ordonné que les juifs portugais, espagnols et avignonnais qui avaient des lettres ne naturalisation continueraient à jouir du droit dé pité et conséquemment à exercer les droits de citoyens actifs, si d'ailleurs ils réunissaient les qualités prescrites pour cela. Il semble, Messieurs, que d'après ce décret tpus les juifs qui avaient des lettres patentes de naturalisation ne devaient'éprouver aucune difficulté. Cependant comme datas votre décret vous avez .(Jénomipé particulièrement les juifs portugais, espagnols et avignonnais, on en a tiré la conséquence que ce décret était restrictifs t que les juils QUi n'étaient d'aqcuqe de ces trois nations, quoique munis dp lettres patentes de naturalisation, ne pouvaient pas jouir des droits de citoyens actifs. Les juifs des autres pays qui ont des lettres patentes vous suppjieqt, Messieurs, de vouloir bien déclarer que l'intention de l'Assemblée nationale n'a point été de restreindre, mais que son décret s'applique indistinctement ^ tous les juifs qui ont obtenu dés lettres patentes de naturalisation. Voici, en conséquence, le îffpjel de çlécret que j'ai l'honneur de voiis proposer : « L'Assemblée nationale, sur ce qui lui a été exposé que plusieurs juifs, naturalisés français par des lettres patentes, sont troublés dans l'pxer-cice des droits de citoyens actifs, sous prétexte qu'ils ne sont ni portugais, ni espagûQls, ni avignonnais, déolare que le décret du 28 janvier 1790 s'applique indistinctement à tous les juifs de quelque nation et sous quelque dénomination que ee soit, qui qnt obtenu des lettres patentes de naturalisation , et que tous ceux qui réuniront d'ailleurs les qualités requises par la loi doivent jouir des droits de citoyens actifs. » Un membre : J'observe que le ppoj'et de décret du préopinant est conforme aux avis donnés par le comité de Constitution, sur des demandes particulières qu'on lui a faites.
J| s'agit (]e l'exécution d'une loi; les juifs doivent donc s'adresser au roi.
Je demande que l'on consulte les convenances locales. Il est important de ne pas accorder, dans ce moment, aux juifs d'Alsace, la faculté que l'on réclame en grande partie pour eux en ce moment. Je demande donc le renvoi au comité de Constitution.
C'est avec surprise que j'entends renouveler à cette tribune Une proposition relative à un objet que vous avpz Si sagement ajourné depuis plusieurs mois ; jo ne guis pas moins étonné, je l'avoue, qu'un membre du comité ecclésja^tique, comité auquel affaire est entièrement étrangère, se goit permis d'inter-v|ftl| l'ordre du jour indiqué, pour fajre une proposition aiisçi dangereuse en elle-même que déplacée dans la circonstance. Je vais, en tfès peu de mots, vous en dévoiler les inconvénients et motiver les raisons qui me fout demander avec iqstanpe que cettp propqsition soit de nouveau ajournée et renvoyée au comité, de Constitution, déjà saisi çlej tou| ce qui a rapport à cette grande question. L'objet de la demande actuelle tend d'une part à donner une grande extension aux droits précédemment acquip ppr quelques juifs, puisque les droits de cité où del&ourgeôîsie ne peuvent assurément en aucune manière se cqmp^erà ceux qu'entraîne maintenant avec.elle là qualité de citoyen actif; d'un autre côté, en né se restreignant pas nux termes du décret précédemment rendu en faveur des juifs portugais, ayigappuais et espagnols, on jette l'alarmé dans les ci-devabt provinces 4e Lorraine et d'Alsace, qui assurément n ont pas besoin dans ce moment de cp nouveau germedechaleur et de fermentation : ét s'il m'est permis de parler ici ouvertement (je çe qui concerne particulièrement l'Alsace, je vqus dirai que tqqte cette intrigue est ourdie depuis longtemps, par quatre ou pina juifs puissants, établis dans le département du Bas-Rhin ; qii'un d'eux, entre autpes, qui a acquis une fortune itpmerig'e aux dépens de 1 Etat, répand depuis longtemps des sommes considérables dans cette c^piiftlp, pour s'y faire des protecteurs pt des appuis; je vous dirai que depuis longtemps la ville de Strasbourg est en fermentation, au spjet des prétention^ an-noqcées par plusieurs dp ces juifs; et que jamais la paix publique né fut' plus intéressée, n'pxigea plus impérieusement que la propo§itiqn qui ypus est faite par M. Martinpau soit écartée. Je demande donc qu'elle soit ajournée,renvoyée au comité de Constitution, et qu'on reprenne l'ordre du jour, dont, je le répète, il est surprenant qpe j'Assejiiblée nationale ^it permis qu'on se spit écarté un moment.
J'appuie cettp motion d'autant plus volontiers que, si pn adoptait le projet dp M. Martineau sous la présidence de M. l'abbé Grégoire, on pourrait en tirer contre lqi des inductions malignes s on se plaindrait pept-êtrp de ce que l'on ait attendu sa présidence pour abuser du système de tolérance qu'il professe pt qui, sans doute, p?t très honorable. Un mçmbxe : Monsieur, ayant disputé le fauteuil à M. l'abbé Grégoire pour la présidence» la délicatesse aurait dû vous interdire de pareilles réflexions.
(L'Assemblée, consultée, renvoie le projet de de M. Martineau au comité de Constitution.) L'ordre du jour esf; un rapport du covfàté d'agriculture et de commerce sur le commerce du Sénégal.
,rapporteur (1). Messieurs, au nom de voffe cqmité d'agriculture ef de commerce, je yiejjg soumettre à votre décision le sort d'un privijège exclusif, qui enchaîne lés mouvements du comtqercp maritime, et qui, au mépris des droits communs à tous les citoyens de l'Empire, concentre, dans les mains de quelques particuliers, la faculté de comniërperfr ja côte d'Afrique : ces particuliers forment ce qu'on appelle la compagnie du Sénégal.
Tout privilège est sans doute contraire au but dp toute société et à cette égalité de droits que les hommes se proposent de maintenir en se réunissant, et que l'Assemblée nationale n'a jamais perdu de vue dans ses sublimes opérations ; mais celui qui est l'objet de mon rapport, vicieux dans les motifs qui lui ont donné naissance, irrégulier dans les formes de spn établissement, odieux dans ses progrès qui n offrent que des invasions successives, n'a pas même rempli les espérances des particuliers qui l'avaient sollicité et a été par conséquent funeste, à tous égards, au commerce national ; et pour être tout à fait juste, en vous exposant ces différentes circonstances, je crois devoir yous faire conpaître aussi les frivoles prétexte^ dont la cupidité ne manque jamais de colorer ses usurpations.
Le berceau de la compagnie du Sénégal, qui a porté différents noms et subi diverses métamorphoses, fut à la Guyane, colonie restée dans une misérable enfance, et qui sans doute, à l'ombre de la liberté, prendra de l'accroissement et de la vigueur, lorsqu'elle ne sera plus immolée, par les caprices des ministres, aux spéculations de l'intérêt particulier.
La compagnie du Sénégal, qui porta d'abord le nom de compagnie d'Afrique, ensuitp celui de la Guyane, doit son existence à un prêtre, qui voulut faire servir les opérations du commerce au profit de la religion, ou peut-être celle-Gi au succès d'un commerce lucratif. Il promettait beaucoup d'or et de conversions; il disait que le fameux pays Ûel-Dorado, vainement cherché en Amérique, se trouvait sur les bords du Sénégal.
Il ne pouvait manquer d'intéresser beaucoup de passions à ses vues; et, en effet, plusieurs hommes puissants, avides, crédules, et peut-être même pieux, secondèrent son entreprise : il réussit à faire armer au Havre, par un député extraordinaire du commerce, quatre navires qui partirent au mois de décembre 1772.
Leur cargaison consistait en quinze ou seize prêtres pour baptiser les nègres, une grande quantité de pelles pour ramasser l'or, et quelques caisses mystérieusement fermées. L'expédition n'eut pas un succès brillant, un seul navire revint avec de la gomme, et les actionnaires perdirent plus de 300,000 livres.
L'année suivante, cette compagnie apostolique envoya deux navires, mais
cette fois avec l'in- i tention d'acheter tout bonnement les nègrës
qu'elle n'avait pu convertir, se flattant que s'ils ne pouvaient rien
faire de ces hommes pour l'autre monde, ils en tireraient du moins
quelque
Celte compagnie n'a cessé depuis de solliciter des privilèges et des faveurs, qu'elle a obtenus, et qui ont aussi peu servi .à sa fortune particulière qu'à l'accroissement de notre commerce en général.
Les administrateurs de fô compagnie ont pié ces privilèges et ces faveurs; mais les députés du commercé leur ont représenté l'arrêt du cqn-§ejl du 6" janvier jlSi, qui renferme ces privilèges en geui articles.
Ces concessions pë suffirent pas cependant, et le 14 aouf 1777, la compagnie obtint de traiter des noirs, pt de commercer sqr la PÔte d'Afriquè, depuis le Gap Vert jusqu'à ïa rivière de Gaza-iii an ce, pendant l'espace dé quinze années, exclusivement à tops les Français.
L'expériënjpë apprit à jà compagpje que ce privilège lui était inutile. Ellq offrit, le 3 décembre 1783, d'en fajrq Va^andon ; elle demanda pn remplacement celui de la traite dp ia gomme du Sénégal. 28 du piême mois un arrêt du cpuseil lui accorda sa demande. '
Le 29 Qctpbrp 1786, jg cgpipagnie offrit de payer des dépenses d'administration aii Sénégal pqur qpë somme de 260,000 livres, si on voulait en chasser les coqimergànts particuliers, qui, disait-elle, la troublaient, et jm concéder toutes les espèces dp commerce qu'on peut faire dans { intérieur du lleuye et sui )es côtes de la mer.
Le 26 novembre sqivapt, le ministre de la marine persuada an roi qup des particuliers ne pouvaient soutenir ia poncnrreqoe d'une compagnie ; que le bien public exigeait qu'on lui continuât tptjtps les espèces dp cutnm®rc®> puisqu'elle oiw Irait dp payer, au soulagement des finances, une somme de 260,000 liyres des dépenses de l'administration. Le rqi y consentit ; et par le mot approuvé de sa main, au bas du mémoire, le roi des Français chassa les Français d'une ppssesr-sion française, contre le vœu de son cœur.
Il paraît, par les dates des pièces que le rni^-nistre de |a marine a reipjses à votre comité, que, dès le 10 novembre, l'arrêt du conseil était prêt; en sorte qu'il résulte que le roi avait, le même jour, rendu dans son conseil un arrêt auquel il n'a consenti, par sa signatqre, dans son cabinet, que le 26,
Enfin, le 11 janvier 1789, le ministre proposa au roi d'admettre la compagnie à augmenter ses dépenses d'administration jusqu'à 302,221 livres et de lui donner en compensation la faculté de commercer, concurremment avec les particuliers, sur les bords de la mer, depuis le Gap Vert jusqu'à la rivière de Gambie.
G'est dans cet état de choses, Messieurs, que les députés du commerce ont dénoncé la compagnie de 1a Guyane et ce qu'ils appellent ses diverses métamorphoses, par lesquelles,se transformant en compagnie du Sénégal, elle s'est appropeié à elle seule tout le commerce de cette contrée. Ils remarquent d'abord que les différents arrêts du conseil, qui ont successivement fondé, étendu et consacré les privilèges de la compagnie, sont nuls, mêtue d'après les principes établis dans l'ancien régime:
1° Parce qu'ils ont éi£ rendus sans avoir entendu les commerçants du royaume, qui étaient parties au procès ; 2° parce qu'ils sont privés de la sanction de l'enregistrement dans les cours antiques qui ont quelquefois servi de barrière à
la tyrannie ; mais qui plus souvent la consacraient, en lui donnant un caractère plus légal. Quoi qu'il en soit, cet enregistrement était une formalité indispensable.
Les commerçants n'ont plus à réclamer les formes; libres par la destruction de la tyrannie qui les opprimait, ils pourraient reprendre leurs armements pour le Sénégal ; mais pénétrés de respect pour l'Assemblée natioi aie, ils ne veulent rentrer dans l'exercice de leurs droits naturels, que lorsque vous les y aurez réiablis par un décret : c'est un bel hommage, rendu à la nouvelle Constitution, que d'enchaîner devant sa justice une liberté que l'ancien régime, même environné de toutes ses forint s, ne pouvait légitimement lui enlever.
Vous avez entendu, Messieurs, à cette barre, les représentants des habitants de l'île Saint-Louis, au Sénégal; ils vous ont demandé la destruction de la compagnie. Les nouvelles reçues depuis de celte colonie nous ont appris que les habitants, informés de la Révolution française, ont brisé des fers qu'ils ne supportaient qu'impatiemment. Les Maures et les nègres se sont joints à eux; le cri a été unanime, parte que l'oppression était générale. Cette année le commerce a été perdu pour la France, parce qu'aucun des Français et des naturels n'a voulu traiter avec la compagnie.
Les Anglais qui possèdent la rivière de Gambie, au sud du Sénégal, et dont le gouvernement, toujours attentif aux intérêts du commerce national, a su se ménager par le dernier traité de paix le droit de traiter dans deux rades françaises au nord du Sénégal, Arguin et Portendic, ont profité de cette interruption du commerce; ils ont attiré la gomme dans leurs comptoirs.
La compagnie est donc anéantie par le fait, dans le pays;le commerceduSénégal est paralysé pour nous et,dans ce moment, exploité par les Anglais. Il est important de le rappeler promptement à la France : sans quoi vos manufactures seraient approvisionnées de gomme et d'ivoire par les étrangers.
Votre comilé écartera, Messieurs, beaucoup de raisons alléguées pour et contre, dans une cause que la Révolution a jugée sans appel ; vos moments sont précieux, et je ne les occuperai point d'une discussion devenue inutile. On vous a distribué les mémoires des députés du commerce; vous y avez vu par quel art les compagnies séduisaient le gouvernement. Un trait rapporté plus haut a dît vous faire voir que d'indignes ministres de la religion, profanant leur saint ministère, n'ont pas craint de couvrir de son voile respectable les plus honteuses spéculations.
Il ne faut attribuer qu'à la corruption de ces temps malheureux, et déjà oubliés, ce criminel usage de ce que nous connaissons de plus sacré.
Vous avez ramené le sacerdoce à sa véritable institution. Dans son honorablemédiocrité, dégagé des tentatives de l'ambition et de la cupidité, il sera désoimais le modèle de toutes les vertus et l'objet de tous nos respects.
Votre comité, Messieurs, a cru devoir s'arrêter à une considération à laquelle la nécessité de soulager le Trésor public pourrait donner quelque importance : c'est la considération de la dépense de l'administration du Sénégal, que la compagnie s'est soumise à payer, à la décharge du Trésor public. Cette dépense, portée par votre comité de marine à 252, 274 livres, est évaluée par le ministre de la marine à 260,000 livres, et dans le contrat passé le 11 janvier 1719, entre le gouvernement et la compagnie, elle est fixée à 302,2211.
Les vues étroites d'une fausse économie pouvaient, Messieurs, convenir aux agents d'un ministre absolu, qui, dans leurs opérations, consultaient si peu les droits des hommes et la dignité de la nation ; mais de pareilles vues souilleraient l'administration d'un peuple libre. Il ne convient point à la majesté de cet Empire d'en aliéner une portion à quelques particuliers pour une somme d'argent, et de mettre à leur solde et à leur disposition des citoyens français ; le service des défenseurs de la patrie ne peut être dignement payé que par la patrie.
Les députés du commerce prétendent que la compagnie s'indemnise de la dépense qu'elle fait pour l'Etat par une augmentation du prix de la gomme, et qu'elle met ainsi un impôt sur nos manufactures.
Les directeurs de la compagnie répondent que, bien loin d'avoir fait hausser le prix ae la gomme, ils Pont au contraire fait baisser de 200 livres à 125 livres, en en important une quantité supérieure à nos besoins, qui l'a mise dans le cas d'en réexporter à l'étranger pour environ 3 millions; ce qui est justifié par les états qui ont été soumis à votre comité. La compagnie prétend qu'elle s'indemnise des frais qu'elle s'est obligée de faire pour l'Etat, en les faisant tomber sur les Maures; mais les moyens qu'elle emploie pour cela ne sauraient avoir l'aveu d'une nation qui sent tout le prix de la justice et même ses vrais intérêts : car c'est par la violence du monopole, qui n'est pas moins inique lorsqu'il s'exercecontre les nations que lorsqu'il s'exerce contre les particuliers, et ne peuvent que ruiner tôt ou tard notre commerce du Sénégal, en repoussant les peuples de ces contrées vers les comptoirs des Anglais.
Que les membres d'une nation prodiguent leur fortune et leur sang pour défendre le domaine public des attaques d'un ennemi ambitieux, ce n'est qu'à ce prix qu'ils méritent le titre glorieux de citoyens ; c'est un devoir que ce titre leur impose, et ils font tous serment de Je remplir. Jusqu'à ce que Ja raison et la philosophie aient ramené les hommes à la paix et à leurs véritables intérêts, la guerre est malheureusement une nécessité à laquelle on peut céder sans honte ; mais c'est le dernier degré de l'opprobre dans les gouvernements de livrer la société à des convulsions affreuses pour assouvir la cupidité du monopole. Vous avez, Messieurs, donné un grand exemple en ce genre à l'Europe, en détruisant votre compagnie des Iudes ; et si vous êtes obligés de combattre en Asie, du moins les Français y combattront pour la France et pour la fortune de l'Empire.
Ainsi donc, Messieurs, l'honneur et l'intérêt vous sollicitent de rattacher à la charge du Trésor public une administration que de fausses considérations en avaient distraite. Votre comité estime que cette dépense est susceptible de quelque économie, et la réunion de vos comités des finances, de marine et de commerce, pourraient, si vous l'ordonniez, la concerter ensemble.
Les directeurs de Ja compaguie du Sénégal allèguent, pour justifier leur privilège, ce que toutes les compagnies n'ont cessé de dire, et que l'expérience n a cessé de démentir: c'est que le commerce du Sénégal ne peut être exploité que par une compagnie. Si les particuliers s'exposent à se ruiner dans un pareil commerce, la compagnie n'a que faire de privilège, car leurs pertes la délivreront bientôt de leur concurrence. Mais la crainte qu'elle leur inspire prouve que le
commerce sera mieux placé dans les mains des particuliers qui savent mettre une économie dans les moyens de détail et une mesure dans les expéditions que les compagnies n'ont jamais connues. Le commerce particulier, toujours actif et souple, épie toutes les occasions pour en profiter, se plie aux goûts et aux habitudes des peuples auxquels il a affaire ; tandis que l'esprit de domination qui caractérise les compagnies, incapable de ces égards et de ces ménagements nécessaires, fait fuir toutes les nations devant elles.
Les Maures, rebutés par la compagnie du Sénégal, aiment mieux traverser un désert aride de 25 à 30 lieues pour porter leur gomme aux Anglais, à Arguin et Portendic au nord du Sénégal, que de la vendre sans peine et sans fatigue à la comi agnie sur les bords du fleuve dont elle a pris le nom ; de sorte que le commerce de ce pays se trouve également perdu pour elle et pour la France.
Avant de finir ce rapport et de vous proposer un projet de décret, je ne puis, Messieurs, sans manquer à la justice, passer sous silence les réclamations delà compagnie; elle demande des dédommagements pour les avances qu'elle a faites à la conquête du Sénégal, pour les pertes qu'elle a souffertes à la prise de Gorée, et autres indemnités qui pourraient lui être dues à raison de la non-jouissance d'un privilège qu'elle considère comme un bail à ferme.
Quant aux perles qu'elle a souffertes à Gorée, lorsque les Anglais s'en sont emparés, elle a, ainsi que l'observent les députés du commerce, eu le sort de tous les Français dont les navires ont été pris par l'ennemi, soit à la mer, soit dans les ports, que les événements de la guerre lui ont soumis ; elle n'annonce pas en avoir éprouvé d'un genre particulier qui puisse fonder des réclamations.
A l'égard des avances qu'elle prétend avoir faites pour la conquête du Sénégal, elle n'articule rien ; et quoique le ministre de la marine (M. de La Luzerne) ait appuyé ses réclamations, votre comité ne peut, sur des demandes vagues et indéterminées, se livrer à aucun examen.
La compagnie a, comme tous les autres citoyens, druit à votre justice. Si elle vous présente des titres qui légitiment ses demandes d'indemnité, vous ne les repousserez pas; vous pèserez dans votre sagesse les droits qu'elle peut avoir à la reconnair-sauce publique, et quelque économes que vous deviez être du Trésor national, celte économie ne vous portera jamais à refuser à des citoyens le juste prix de leurs sacrifices.
La colonie du Sénégal n'est pas assez connue de votre comité, pour qu'il vous propose un décret sur son organisation intérieure ; les connaissances qu'il a acquises jusqu'à ce moment ne la lui font considérer que comme un comptoir de commerce.
Lorsque des notions plus précises et plus sûres, ainsi que le vœu de ses habitants, vous seront parvenus, vous chargerez sans doute votre comité colonial de s'entendre avec votre comité d'agriculture et de commerce, pour vous présenter le plun de cette organisation.
,Quant à présent, Messieurs, je me borne à vous présenter, au nom de votre comité d'agriculture et de commerce, le projet de décret suivant : Art. 1er.
« Le commerce du Sénégal est libre pour tous les Français. (Adopté.) Art. 2.
« La dépense civile et militaire du Sénégal sera renvoyée à l'examen des comités des finances, de marine, de commerce, pour être réduite à sa plus juste mesure, sans affaiblir la sûreté et la protection dues au commerce national. »
propose d'ajouter à l'article 2 ces mots : « Et ce, d'après la proposition du ministre du département de la marine. »
(L'article 2 et l'amendement sont adoptés.)
Art. 3.
« Les administrateurs de ladite compagnie pourront présenter leurs titres d'indemnités au ministre du déparlement de la marine, pour, sur son avis et sur lesdits titres, être décrété par l'Assemblée nationale ce qu'il appartiendra, d'après le compte qui lui en sera rendu par ses comités de marine, d'agriculture et de commerce, et des finances. » (Adopté.)
(L'ensemble du projet de décret est adopté.)
L'ordre du jour est un projet de décret des comités des finances et d'aliénation sur les dîmes inféodées.
,au nom de ces comités, propose le projet de décret suivant (1):
Art. 1er. Les propriétaires laïques de dîmes inféodées qui ont aflirmé ces dîmes par bail distinct, ayant une date certaine, antérieure à celle du décret du 14 avril 1790, portant suppression des dîmes inféodées, pourront, sur la représentation des baux, donner la valeur de leurs dîmes en payement dans les acquisitions des domaines nationaux : elle y sera reçue jusqu'à concurrence de la moitié du capital de la redevance annuelle de leurs fermiers, déduction faite sur la totalité de ladite redevance des charges de toute espèce, d'après l'état que lesdits propriétaires seront tenus d'en donner, certifié d'eux.
Art. 2. Ces baux seront représentés aux directoires des districts de la situation des biens, et seront par eux certifiés véritables ; sur la représentation et sur la remise desdits baux ainsi certitiés, le commissaire du roi, préposé à la liquidation générale des offices, expédiera provisoirement une reconnaissance équivalente à la moitié de la valeur du bail, conformément au précédent article, et ladite reconnaissance sera reçue en payement à la caisse de l'extraordinaire, conformément aux précédents décrets.
Art. 3. Ceux desdits propriétaires qui, à défaut de bail, pourraient produire un contrat d'acquisition fait depuis 1786, seront admis à présenter ledit contrat certifié de même ; et il sera reçu pour moitié de sa valeur en payement des domaines nationaux.
Art. 4. Quant aux propriétaires laïques dont les dîmes inféodées sont en régie ou affermées confusément avec d'autres héritages, ou ceux qui en auront joui par eux-mêmes, ils requerront la municipalité dudit lieu, qui appellera même, si elle le juge à propos, les curés décima-teurs ou autres qui en auraient fait la perception, de leur donner une estimation certifiée de la valeur de ladite dîme, d'après la notoriété publique, déduction faite de toutes les changes.
Art. 5. Cette estimation se fera dans une as-
Art 6. Cette estimation sera visée, par les directoires de district et de département, dans l'arrondissement dans lequel seront situées les dîmes.
Art. 7. Les biens nationaux, au payement desquels auront été admis, pour moitié, les baux, contrats d'acquisition ou estimation des dîmes inféodées, conformément aux articles ci-dessus, demeureront affectés par privilège spécial au payement du prix de l'adjudication jusqu'à la liquidation définitive, sans que cette hypothèque
Ïmisse être purgée par aucune espèce de forma-ité, ni laps de temps.
Art. 8. Pour plus grande sûreté, ceux des propriétaires de dîmes inféodées, qui voudront donner en payement d'acquisition de biens nationaux la valeur de leurs dîmes, sur une estimation provisoire, suivant l'article 4, seront tenus de donner caution, qui sera reçue par le directoire du district, de fournir et faire valoir la somme pour laquelle la valeur desdites dîmes aura été comptée dans l'acquisition.
Art. 9. Ceux qui auront fait liquider définitivement leurs dîmes pourront en donner la valeur entière en payement des domaines nationaux qu'ils acquerront, comme les autres créanciers de l'Etat, auxquels cette faculté a été accordée.
Art. 10. Pour faciliter la liquidation définitive, ceux dont la dîme se percevrait sur un territoire circonscrit, qui ne rapporteraient pas des baux aux termes de l'article 5 de la loi du 5 novembre dernier, seront censés avoir satisfait à l'article 7 de la même loi, en donnant un état du territoire, contenant : 1» les limites ; 2° une désignation des terres en friche, et de celles qui ne produisent pas des fruits décimables dans le canton ; 3° un dénombrement des terres possédées par le propriétaire de la dîme qui en réclame l'indemnité.
Art. 11. En donnant cet état, ou celui prescrit par l'article 5 de la loi susdite, les propriétaires de la dîme pourront, d'après l'évaluation qu'ils auront motivée, demander une somme fixe pour leur indemnité. Sur leur demande et ensuite des observations de la municipalité, le directoire de département, en prenant ravis de celui du district, pourra leur faire une offre. En cas de contestation sur l'offre, il sera procédé à une estimation par experts, conformément à l'article 9 de la loi du 5 novembre dernier, aux frais de •:elui qui succombera, lesquels frais seront, en tout cas, alloués au directoire du district, dans ia dépense de sou compte.
Art. 12. Dans le cas où les propriétaires, en donnant l'un des états dont il vient d'être parlé, ne formeraient pas une demande d'une somme fixe pour leur indemnité, il sera procédé à l'estimation prescrite par l'article 9 de la loi du 5 novembre dernier ; et les frais en seront supportés, par moitié, entre les propriétaires et le directoire du district qui portera la sienne dans la dépense dé son compte.
Art. 13. Les propriétaires des dîmes inféodées, qui, sur leurs autres propriétés, seraient grevés de rentes ou redevances quelconques envers le domaine, ou autres biens nationaux, pourront s'en affranchir en compensant le capital avec la totalité ou partie du prix de l'indemnité qui leur sera due pour la valeur de leurs dîmes.
La discussion est ouverte sur l'article premier.
Un membre demande que les précautions indi quées dans le projet de décret pour connaître les héritages ci-devant assujettis aux dîmes inféodées ne s'étendent pas aux dîmeries de cette nature, qui se trouvent tellement circonscrites, qu'il ne peut point y avoir d'erreur sur leur contenance.
Un autre membre demande que les dispositions de ce décret, relatives à la facilité de donner, en payement des biens nationaux,la moitié de la valeur de l'évaluation de ces dîmes, s'appliquent à tous les autres droits supprimés avec indemnité.
demande le renvoi du projet de décret, et des propositions auxquelles il a donné lieu, au comité des domaines.
observe qu'en renvoyant à ce comité le projet de décret, il est un objet relatif au taux du remboursement des dîmes inféodées, possédées à titre d'engagement, sur lequel il est instant que l'Assemblée veuille bien statuer ; il demande que ces dîmes ne puissent être remboursées que sur le pied de la finance d'engagement, et que toutes les demandes en liquidation d'indemnité, pour suppression de dîmes inféodées, soient communiquées par les corps administratifs à l'administration des domaines.
Je mets aux voix le renvoi du projet de décret, et des propositions auxquelles il a donné lieu, au comité des domaines.
(L'Assemblée, consultée, ordonne ce renvoi et charge son comité des domaines de lui faire son rapport d'ici au 15 février,)
La discussion est ouverte sur la motion relative au taux du remboursement des dîmes inféodées.
Un membre propose, par amendement, d'avoir égard, lors de ce remboursement, à la différence de la valeur intrinsèque des espèces d'or ou d'argent, à l'époque du payement de la finance d'engagement, d'avec celle qu'elles ont aujourd'hui.
La question préalable est demandée sur cet amendement.
L'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer et adopte, comme suit, la motion de M. de Vismes ;
v Les possesseurs des dîmes inféodées, à titre d'engagement, ne pourront être indemnisés et remboursés que sur ie pied de là finance d'engagement ; et à l'effet de distinguer si les possesseurs de dîmes inféodées sont propriétaires in-commutables ou engagistes, toutes les demandes en liquidation d'indemnité pour suppression de dîmes inféodées seront communiquées, par les corps administratifs, à l'administration des domaines, pour avoir son avis. »
Un membi'e propose un article additionnel tendant à fixer le délai dans lequel les administrateurs seront tenus de donner leur avis et à les autoriser à se faire représenter, par tous dépositaires publics, les titres et pièces qui peuvent être relatifs à la propriété de ces dîmes.
Cet article additionnel est décrété comme suit :
« L'Assemblée nationale décrète que les membres de l'administration des domaines seront tenus de s'expliquer, au plus tard, dans le délai de deux mois, sur ces demandes ; que leur avis sera visé dans l'arrêté de liquidation des corps administratifs, et que les greniers des chambres
des comptes et tous autres dépositaires publics seront tenus de leur communiquer, à toute réquisition, les pièces et renseignements relatifs à la propriété des dîmes inféodées qui seraient en leur pouvoir.
(La séance est levée à neuf heures et demie.)
ERRATUM. --M. Defermon. J'ajoute, « Messieurs, que cette pièce n'a pas été si'ôt « connue des membres du département d'Ille-et-« Vilaine, qu'ils se sont empressés de la dénon-« cer au tribunal de district; et je suis convaincu « qu'il prendra toutes les mesures pour punir les « auteurs et la distribution de pareilles pièces. « Mais comme il est extrêmement intéressant « que le peuple ne soit pas trompé par de pareil-« les distributions et que le moyen de faire recon-« naître et d'annoncer à la France, etc.,, » (Voir même séance page 316, 2e colonne, 6e alinéa.]
Nota. —M. Pezous, député de Castres, fit imprimer et distribuer une Opinion sur le pouvoir judiciaire {1); cette pièce faisant partie des documents parlementaires de l'Assemblée nationale, nous l'annexons à la séance de ce jour.
Messieurs (2), en applaudissant avec l'Assemblée aux principes d'humanité et de liberté, sur lesquels repose le plan qui nous a été soumis par le comité de Constitution du 23 décembre 1789, je crois néanmoins que, dans l'exécution, il y a des changements considérables à faire. Je ne saurais reconnaître l'utilité, ni des tribunaux de département, ni de la Cour suprême de revision ; et dès lors la compétence doit être différemment mesurée.
Selon mon opinion, les causes devraient être partaaées en trois classes, à raison de la valeur de l'objet : 1° Causés de 100 livres et au-dessous ; 2° causes de 2,000 livres et au-dessous; 3° causes excédant 2,000 livres ou dont l'objet est inestimable, comme celles qui tiennent à l'honneur, à la vie des citoyens, ou aux qualités d'époux, père et enfant.
Je serais d'avis que les causes de 100 livres et au-dessous commençassent et finissent devant le juge de paix de chaque canton, assisté de ses prud'hommes : que les causes de 200 livres et au-dessous fussent portées en première instance devant le juge de paix, et en dernier ressort au tribunal du district ; et que les causes excédant 2,000 livres ou d'un objet illimité, portées d'abord devant le tribunal du district, ressortissent immédiatement à la Cour supérieure. Je serais d'avis enfin que les fonctions ae la cassation ou revi-vision des jugements fussent attribués à des cours supérieures, voisines de celles qui auraient jugé.
Après vous avoir développé cet ensemble nou-
yeau, je me permettrai encore des observations de détail sûr plusieurs articles qui me paraissent contraires à vos principes ou à l'utilité des justiciables, Sur la compétence du juge de paix.
L'établissement d'un juge de paix dans chaque .cantpn est un moyen heureux de remédier à la bizarrerie des anciennes divisions de juridiction. Un juge nommé par le peuple, résidant dans lé canton, attaché à des fonctions assidues et honorées; devant qui la procédure sera très sommaire et très économique, remplacera plusieurs juges nommés par le roi ou par les seigneurs résidant rarement, sans cesse livrés à d'autres occupations, et distribuant la justice avec lenteur, avec des formalités tortueuses et une grande dépense.
Mais il me paraît, Messieurs, que votre comité a trop borné les effets d'une institution aussi utile. Il a très bien discerné les matières sommaires par leur nature; mais il y a d'autres demandes sommaires par la valeur de l'objet contesté. Car, en dernière analyse, la valeur de la chose est la règle la plus générale de son importance. L'ordonnance de 1667 appelle sommaires un grand nombre de matières, pourvu que l'objet n'excède pas 1,000 livres. Au Cbâtelet de Paris, le lieutenant civil est seul juge de ces sortes de causes. 11 me paraît qu'aujourd'hui les causes sommaires peuvent être appréciées plus haut, soit par l'augmentation du numéraire, soit principalement pour l'utilité des justiciables. Répu-tez causes sommaires toutes celles dont l'objet n'excède pas 2,000 livres; assurément de pareilles causes doivent être traitées, non avec légèreté, car aucune ne doit l'être ainsi, mais avec brièveté et économie : ces causes intéressent la classe la moins aisée du peuple, pour laquelle les longueurs et les frais deviennent un déni de justice. Dans le plan du comité, ces causes doivent être portées successivement au district et au département, c'est-à-dire subir deux instances réglées avec toutes les formalités des plus grandes affaires. Ce ne serait point simplifier et rapprocher la justice, puisqu'aujourd'hui ces causes, jugées d'abord dans la ville ou le village qui les a vues naître, finissent devant le présidial. Votre comité substitue au juge local le tribunal du district : il substitue au présidial le tribunal de département. Or, ces deux changements éloignent les justiciables de leur domicile,
La sentence du juge de paix, rendue de la manière prescrite par votre comité, pourrait être réformée par le tribunal du district, après une instance d'appel régulièrement instruite. Les juges de paix feraient ainsi les fonctions d'avocats consultés et d'arbitres, décidant sur les mémoires et sur les discours des parties.
Il me parait encore que le dernier ressort du juge de paix pourrait s'étendre jusqu'à 100 livres. Soyez persuadés, Messieurs, qu'il vaudrait mieux pour le laboureur qui demande 100 livres, les perdre devant le juge de paix, que les gagner après une instance suivie au district. Les faux frais, la perte de son temps, l'abandon de ses productions équivaudront à plus de 100 livres.
Comme nos esprits ne sont pas encore accoutumés à une distribution si simple de la justice, bien des personnes objecteront que la fixation de la compétence du juge de paix jusqu'à 2,000 livres est excessive. Mais je les prie ae considérer
que les juges des villages ont aujourd'hui uu e compétence illimitée : que les affaires y sont gouvernées par des formalistes intéressés à les obscurcir, et très propres à réussir dans ce dessein : que les procédures n'éclaircissent aucune affaire: que l'homme le plus ignorant devient habile quand il est aiguillonné par son intérêt : que chaque jour les paysans savent expliquer leurs droits à leurs procureurs, à leurs avocats, à leurs experts, à leurs arbitres ; et qu'ils les expliqueraient de même à un juge de paix : que ce magistrat dressara un procès-verbal, qui sera un tableau de la cause, plus fidèle sans doute que des écrivailieries de praticien : que le juge de paix sera élu et assisté de prud'hommes élus : que ses décisions, au-dessus de 100 livres, seront sujettes à l'appel; que cet arbitrage, préliminaire aux procès réglés, en étouffera le plus grand nombre, les éclairera tous, et que les erreurs n'en seront point irréparables. Sur les tribunaux de district.
Le roi Henri II fixa à 250 livres la compétence des présidiauxen dernier ressort. Le comité vous propose, au bout de 240 ans, après une augmentation aussi considérable dans Je prix du marc d'argent et dans le prix de l'industrie, de borner à la même somme la compétence de vos tribunaux de district. Ces tribunaux seront composés de magistrats choisis au scrutin : ils auront un ressort plus étendu que le comité ne l'avait pensé, puisqu'il avait proposé neuf districts par département, que vous avez permis de n'en faire que tiois, et que la plupart des départements en ont sagement fixé le nombre à cinq ou six. Si les tribunaux de district n'ont pas Ja compétence actuelle des présidiaux, vous aurez éloigné la justice des justiciables : car il y avait beaucoup plus de présidiaux, qu'il n'y aura de départements.
Pour multiplier les garants d'une bonne distribution de la justice, il est facile de porter jusqu'à sept le nombre déjugés de district, et d'exiger que cinq juges concourent à toutes les sen-tences^comme le ^comité l'exige dans lesj tribunaux de département. Sur les tribunaux de département.
Ces sortes de tribunaux, tels qu'ils ont été conçus par le comité de Constitution, ne seraient commodes ni pour le département, ni pour les districts. Ils seraient placés dans une des principales villes du département, qui rarement se trouvera au centre. Les habitants de tous les cantons, éloignés souvent de quinze ou vingt lieues, seront obligés de s'y rendre pour toute cause excédant 250 livres. Un tel déplacement ne sera pas proportionné à la valeur de l'objet. Mais le sort des habitants du district, où sera placé le tribunal de département, sera encore bien plus fâcheux. Tandis que les autres districts trouvent la justice dans l'enceinte du département, les habitants du district où le tribunal de département sera placé seront obligés de sortir du département, et peut-être de parcourir vingt-cinq ou trente lieues, pour toute cause au-dessus de 250 livres; car il peut se faire que les tribunaux de deux ou trois départements contigus soient placés à des extrémités opposées. Alors les habitants d'une ville que je suppose considérable, puisqu'elle aura été préférée pour le tribunal, iront
chercher au loin des jugements qu'autrefois ils trouvaient dans leurs foyers. Les habitants des quatre-vingt-trois districts, qui auront le tribunal de département, feront des comparaisons peu favorables au nouvel ordre de choses, et votre sagesse leur semblera en défaut.
Supprimez donc, Messieurs, du plan de votre comité ce rouage aussi inutile que vicieux ; et que toute affaire de 2,000 livres ne puisse pas sortir des limites du district. Alors la justice sera rapprochée des justiciables, et vous aurez fidèlement acquitté une des dettes les plus sacrées de la puissance souveraine.
Les affaires au-dessus de 2,000 livres ne pouvant pas être regardées comme sommaires, intéressant une classe plus riche de la société, et ayant été jusqu'à présent portées aux parlements, les citoyens ne répugneront pas à les porter devant vos cours supérieures, plus nombreuses que les parlements ne l'étaient; et ils éprouveront encore à cet égard un rapprochement, qui même ne paraîtra pas suffisant aux yeux de tous les membres de cette Assemblée.
Sur la Cour suprême de revision,
Je vois renaître tous les maux attachés à la juridiction contentieuse du conseil du roi. Sans doute, les magistrats de la Cour suprême, élus par vos suffrages, inspireront plus de confiance que des magistrats nommés arbitrairement; sans doute que vous prescrivez de meilleures règles; mais l'abus n'est pas seulement dans les personnes et dans l'ordre de procéder, il est dans la chose même; il est dans la nécessité où se trouve un citoyen de quitter son domicile, et de venir dans la capitale, à cent cinquante ou deux cents lieues, solliciter ou prévenir une cassation d'arrêt; il est dans l'impuissance où se trouve un citoyen de faire un pareil voyage, soit à cause de sa santé, ou de sa profession, soit à cause de sa pauvreté. Dans les procès criminels, il est encore plus rare que le condamné puisse être transféré, ou qu'il ait des amis assez ardents, ou que, à une aussi grande distance, il puisse faire entendre la vérité qui est étouffée ou déguisée de tant de manières.
Les lois existantes ont prescrit la voie de la requête civile qui se plaide devant le tribunal qui a jugé. La requête civile doit être fondée à peu prés sur les mêmes moyens qui donnent ouverture à la cassation. Craignez-vous, Messieurs, la prévention que produit] un premier jugement dans l'esprit du même tribunal? Ordonnez que les demandes en requête civile et cassation,ainsi que les revisions et évocations, soient portées devant une cour supérieure voisine. Il me paraît que les cours supérieures peuvent exercer les unes sur les autres, mais sans réciprocité entre elles, cette espèce d'autorité. Une telle précaution n'aurait pas suffi peut-être dans l'ancien ordre des choses, parce que les cours supérieures étaient des magistratures héréditaires, qui se mettaient au niveau de la puissance royale. Mais aujourd'hui que les magistrats seront élus; aujourd'hui que ces cours seront exactement subordonnées au pouvoir exécutif suprême; aujourd'hui que des assemblées nationales permanentes exerceront une surveillance continuelle sur toutes les parties de l'administration, et seront toujours prêtes à écouter les plaintes des citoyens, vous ne devez pas appréhender d'abus d'autorité, ni de connivence coupable. Craignez-vous, Messieurs, de donner trop de pouvoir à ces cours supérieu-
res? Mais la Cour de revision, investie de la suprématie du pouvoir judiciaire, ne oourrait-elle pas devenir plus redoutable ? Ne pourrait-elle être un jourfun?ste à la liberté publique?
Je vais vous présenter, Messieurs, uneréflexion générale. Pour juger des plans qui vous sont offerts, daignez les comparer à l'ancien état des choses : si la distribution de la justice n'est pas simplifiée et rapprochée, le plan est défectueux : simplifier et rapprocher sont le double but auquel vous devez atteindre, pour que les suffrages des peuples couronnent vos travaux. Il est de votre puissance t de votre amour pour l'humanité de délivrer nos villes et nos campagnes du fléau de la chicane; vous savez que dans un pays bien constitué, il faut peu de juges, et que l'accès des tribunaux doit être facile et immédiat pourtoutes les classes des citoyens.
Sur Vélection des juges.
Le comité a reconnu le principe que c'est au peuple à élire ses juges ; et il le prive de ce droit. Je conviens que l'élection ne peut pas être immédiate. Mais au moins il est juste de l'attribuer aux électeurs choisis immédiatement par tous les citoyens actifs. Cependant le comité leur associe, et les administrateurs, et les autres juges, et des avocats. Il est aisé de prévoir que, dans ce corps électoral si compliqué, les électeurs choisis dans les cantons, et qui sont les représentants les plus immédiats du peuple, auront la moindre influence ; et que leurs suffrages seront dirigés par ceux qui ne devraient avoir aucune part à l'élection. Montesquieu l'a dit il y a longtemps : le peuple est admirable dans le choix de ses généraux et de ses magistrats. Si les électeurs choisissent seuls, ils s'attacheront aux hommes les plus dignes de prononcer sur le sort de leurs semblables; les administrateurs, les juges, les avocats se livreront aux affections particulières et aux intrigues.
Aucune raison ne vous empêche, Messieurs, de faire élire les juges du district par lesélecteurs de son ressort.
A l'égard des cours supérieures, si vous jugez qu'il y ait trop de difficultés à rassembler les électeurs de tous les cantons de leur ressort, les magistrats pourraient être élus par les administrateurs des districts, comme plus nombreux et plus rapprochés du peuple que les administrateurs du département. Sur divers autres articles relatifs au juge de paix.
Je désirerais qu'il fût exprimé que le juge de paix sera domicilié dans le canton ; que le nombre des prud'hommes fût proportionné à la population de chaque municipalité; que l'assignation devant le juge de paix fût portée, non par le greffier qui ne voudrait pas exercer une fonction que les greffiers dédaignent, mais par un huissier. La présence de la partie qui commence les hostilités est dangereuse, sans être utile ; il ne faut pas irriter ainsi par le contact les intéiêts ou les passions des hommes, surtout dans le moment de l'attaque.
J'adopte avec joie cette institution des bureaux de paix, celle de jurisprudence charitable, et des tribunaux de famille, institution que l'opinion publique sollicite depuis tant d'années; mais il était réservé à l'Assemblée nationale de créer à
la fois tous les instruments de la félicité des hommes, et de combler les espérances des pu-blicistes les plus éclairés et des philosophes les plus sensibles et les plus vertueux.
Je propose les amendements suivants au plan de votre comité : 1° En ce qui concerne le juge de paix, que ce juge connaisse en dernier ressort jusqu'à la valeur de 100 livres, en se faisant assister de deux prud'hommes; qu'en première instance et aussi avec deux prud'hommes, il puisse connaître de toutes causes personnelles, réelles ou mixtes, qui ont pour objet une valeur de 2,000 livres et au-dessous, estimable suivant les règles de laprésidialité ; que l'assignation soit portée par un huissier seul; que ce juge soit domicilié dans le canton, et que le nombre des prud'hommes choisis par chaque municipa'ité soit fixé à un prud'homme par vingt citoyens actifs,et pour les nombres rompus, un de plus;
2° En ce qui concerne le tribunal de chaque district, que ce tribunal connaisse en dernier ressort de toutes les causes jugées par le juge de paix, à la charge de l'appel, et en première instance de toutes causes dont l'objet estimable excède 2,000 livres; que le nombre des juges soit porté jusqu'à sept, dont cinq concourent à chaque jugement; et qu'ils soient élus par les électeurs de cantons ;
3° Qu'il n'y ait point de tribunaux de départements ;
4° Que les cours supérieures connaissent directement de l'appel des causes portées en première instance devant les tribunaux de districts; et que les juges de ces cours soient élus par les administrateurs des districts de leur ressort;
5° Qu'il n'y ait point de Cour suprême de revision;
6° Que toutes les fonctions attribuées à cette cour dans le plan de votre comité soient remplies par les cours supérieures, voisines de celles qui auront jugé, ou desquelles on voudra faire évoquer les causes: en conséquence, le décret qui établira les diverses cours supérieures désignera celles qui doivent remplir ces fonctions à l'égard de chacune des autres.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des deux séances de la veille, qui sont adoptés.
donne lecture d'une lettre de M. Bailly, maire de Paris, par laquelle il annonce l'aliénation faite, le 17 de ce mois, de trois maisons nationales situées dans l'enclos Saint-Martin, la première louée 820 livres, estimée 10,850 I. 8 s., adjugée 19,400 livres; la seconde louée 1,375 livres, estimée 14,666 livres, adjugée 27,200 livres; la troisième louée 1,000 livres, estimée 11,885 liv., adjugée 19,600 livres.
,au nom du comité d'aliénation, propose la vente de domaines nationauxà diverses municipalités. L'Assemblée rend le décret suivant : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité d'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites par les municipalités de Cessey, Pontailler, Gorpeau, Saint-Broin-les-Moines , Charey, Saint-Jean-de-Lône, Dampierre, GommeVille, Montagny, Fontaine-Française, Selongey, Villers, Longchamp, Beau-mont-sur-Vingaume, Maxilly, Montbars, Grancey-sur-Ourc et Dijon, département de la Côtè-d'Ûr, en exécution des délibérations prises par le conseil général de leur commune, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont les états sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des estimations ou évaluations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier, déclare vendre lesdits biens, aux char-g es ,clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour les prix ci-après, savoir :
Aux municipalités de : Cessey, pour la somme
de..................
De Pontailler, pour....
De Gorpeau, pour......
De St-Brouin-les-Moines,
pour................
De Charey, pour........
De Saint-Jean-de-Lône,
pour...,.............
De Dampierre, pour.... De Goinmeville, pour.,.. De Montagny, pour.... De Fontaine-Française,
pour................
De Selongey, pour.....
De Villers, pour.......
De Longchamp, pour.... De Beaumont-sur-Vin-
gaume, pour........
De Maxilly, pour........
De Montbars, pour......
De Grancey - sur- Ourc,
pour................
Et de Dijon, pour.......
« Le tout payable de la manière déterminée par le même décret, et suivant les décrets particuliers qui sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
L'Assemblée ajourne, à la séance de demain matin, la discussion d'un projet de décret sur la forme du visa que sera tenu de donner le commissaire du roi, directeur général de la liquidation.
J'ai reçu de l'Assemblée représentative du Gomtat venaissin, séante à Gar-pentras, la lettre suivante :
« Monsieur le Président, « Pénétrés d'une vive douleur, plongés dans les alarmes, et entourés de périls, nous venons déposer dans le sein de l'Assemblée que vous présidez nos pressantes réclamations sur le traitement inoui que nous éprouvons à l'aurore de la liberté dont l'Assemblée nationale fait jouir la France ; au sein même de cette France, si chère
6,039 1. 3 s. 8 d.
142,132 17 4
16,171 1 »
22,693 14 »
12,396 15 »
2,077,050 15 »
58,279 12 »
26,259 7 »
35,191 14 »
68,878 18 »
13,857 9 »
24,498 6 »
46,745 13 »
43,303 6 " »
6,960 14 »
214,311 12 »
92,805 » »
1,348,789 6 »
à nos cœurs, nous sommes opprimés; et sous le prétexte spécieux de nous rendre libres, on veut nous asservir, on veut rompre tous les liens sociaux, on veut nous livrer a la fureur d'une faction ennemie de tout ordre et de notre propre tranquillité; votre décret sur la ville d'Avignon nous faisait espérer le calme, et il est devenu pour nous un moment d'orage.
« Une troupe de brigands sortis des murs d'Avignon avec de l'artillerie, accompagnée d'une partie de soldats indisciplinés de Soissonnais et de Penthièvre, ont pris et saccagé la ville de Gavail-lon le 10 de ce mois ; en retournant ils ont également pillé le bourg de Gaumont, et menacent de faire éprouver le même sort à tous les lieux de cette province et de cet Etat.
« Les machinationsles plus infernales, les entreprises les plus odieuses, et les calomnies les plus atroces sont employées contre nous : la voix d'un peuple innocent a droit de se faire entendre au milieu de votre Assemblée. Permettez, Monsieur le Président, que nous empruntions votre organe pour y porter nos instances et nos supplications ; ne laissez point périr ce même peuple, qui s'honore d'être Français sous une domination étrangère, qui s'enorgueillit d'être libre d'après vos lois et sous votre égide.
« Signé : Christigt, président ; « et RavouX fils, secrétaire. »
L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre aux comités diplomatique et d'Avignon.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une adresse de la municipalité de Haguenau, relative au rapport précédemment fait de l'affaire du sieur Westermann.
Cette adresse est renvoyée au comité des recherches.
fait lecture d'une lettre du ministre des finances, qui expose que le Trésor public a, jusqu'ici, toujours fourni les fonds destinés a l'entretien des dépôts de mendicité; ii est nécessaire que le service continue jusqu'à l'établissement du nouvel ordre de choses, parce que la fidélité des engagements et la sûreté publique en dépendent. — M. le ministre demande, en conséquence, un fonds de 1,291,977 livres pour l'année 1791, payable de mois en mois ; il propose que cette affaire instante soit renvoyée au comité de mendicité, qui en a connaissance.
représente que cette demande du ministre, à laquelle il est nécessaire de faire promptement droit, n'exige pas de nouveaux fonds, mais une simple attribution nouvelle de fonds déjà votés.
insiste pour que la lettre du ministre soit renvoyée au comité de mendicité. (Ce renvoi est ordonné.)
,au nom du comité des finances, présente le projet de décret suivant qui est adopté sans discussion :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des
finances, décrète ce qui suit : Art 1er.
« Les baux à loyer des bâtiments occupés par les dépôts d'étalons et autres établissements
relatifs aux haras, ainsi que les baux des mai-sons occupées par les bureaux des directions des vingtièmes, demeureront résiliés, à compter du 1er janvier 1791.
Art. 2.
« Les directoires des départements se feront représenter les baux à loyer dont la résiliation est prononcée par l'article précédent; ils en constateront les prix et la durée, et donneront leur avis sur l'indemnité qui devra être accordée aux propriétaires, conformément aux usages locaux ; les directoires de départements dresseront des procès-verbaux de leurs opérations, qu'ils enverront sans délai au ministre des finances, pour, sur le compte qui en sera rendu à l'Assemblée, être décrété ce qu'il appartiendra, »
(1), au nom du comité des finances. Messieurs, votre comité, saisissant l'esprit plutôt que la lettre du décret sur les assignats, a examiné s'il pouvait y avoir un moyen quelconque d'établir une circulation libre, assurée, et surtout en faisant les envois par la poste. Dès le moment où vous avez décrété les assignats, on agita la question de savoir s'il était possible, pour mieux observer leur circulation, de les passer à l'ordre de ceux qui seraient dans le cas de les recevoir; mais sans parler des embarras que cet ordre d'endossement pourrait entraîner avec lui, on a reconnu que ce serait ôter aux assignats le vrai caractère de papier-monnaie, le seul qui leur convienne.
Lé premier moyen est donc impraticable. Le deuxième projet était de faire des coupures aux assignats ; mais ce n'est là qu'un rêve, qui s'évanouit au réveil de la réflexion : car si l'une des deux parties est volée, l'autre sera perdue pour le propriétaire.
Un autre projet, qui ne peut séduire qu'un moment, quoique plus spécieux en apparence, embrasse deux moyens : le premier, ce serait de donner ordre aux receveurs de district et aux autres receveurs des revenus nationaux de délivrer le montant de la valeur des assignats qui auraient été déposés.
Pour se pénétrer de l'inconséquence de ce projet, il suffit de réfléchir que nous n'avons qu'un nombre déterminé d'assignats} il faudrait plus de 2 milliards pour établir les différents dépôts dans les caisses de correspondances.
Ces différents moyens ne nous ayant point paru praticables, le comité a pensé que s'il y avait un moyen dont on pût s'occuper, s'il y avait uue loi à prendre, ce serait de charger le comité des finances à conférer avec les entrepreneurs des messageries, pour régler le prix qui serait fixé à la circulation des assignats, pour prendre, de concert, les moyens les plus sûrs pour en assurer là circulation, et enfin pour fixer le mode de garantie.
La messagerie est, à coup sûr, le meilleur moyen ; ainsi, si l'Assemblée le juge à propos, nous la prions de donner une extension à vos décrets et d'ordonner à son comité des finances de lui présenter le projet de décret le plus convenable, et ce, relativement à la circulation des assignats, avec toute autre voie qui sera jugée convenable.
Si l'Assemblée adoptait cette proposition, chaque comité viendrait ainsi faire un rapport de demi-heure pour demander ensuite à êlre autorisé à se faire instruire. Les comités sont autorisés de droit à prendre tous les renseignements nécessaires au service public; il n'y a donc pas lieu à délibérer. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour. (L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
,au nom du comité de Constitution, rend compte des difficultés qui se sont élevées entre les départements du Puy-de-Dôme et de l'Allier, relativement à la démarcation de leurs limites respectives, et propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée décrète que la paroisse d'Echas-sières fera partie du département de l'Allier, et elle renvoie à son comité des rapports les pièces de cette affaire, relatives aux troubles qui ont eu lieu dans cette paroisse. »
(Ce décret est adopté.)
Un membre fait lecture d'une lettre signée des curés et vicaires des paroisses des Trois-Patrons et de Saint-Michel et adressée à M. le président de l'Assemblée nationale.
Cette lettre est ainsi concue (if?
« Monsieur le Président, depuis longtemps nos principes sont connus, une déclaration solennelle ne peut rien ajouter à la certitude de notre profession; mais un décret l'ordonne : nous jurons donc, en présence du souverain Maître des empires, que nous ne cesserons d'inspirer l'amour de leurs devoirs à tous ceux qu'il lui a plu de confier à notre vigilance; que nous leur donnerons toujours l'exemple d'une fidélité religieuse à la nation, à la loi et au roi; et que nous maintiendrons de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale, et acceptée par le roi,
« Nous prenons encore spécialement à témoin le Dieu vengeur des parjures, de notre adhésion sincère et invariable aux décrets sur la Constitution civile du clergé, que nous sommes bien éloignés de croire en opposition avec les vrais principes de notre religion sainte. Nous déclarons être pleinement convaincus qu'ils s'en rapprochent admirablement, qu'ils tendent, avec le plus grand avantage, à faire revivre cet esprit de douceur et de zèle, de bienveillance et de sagesse, cette vertu éclairée et solide, cette piété tendre et désintéressée; en un mot, ces moeurs simples et pures de la primitive Eglise, auxquelles le christianisme dut ses merveilleux progrès, et ses premiers ministres la haute considération, l'estime et le respect sans bornes dont Ils jouirent.
« Nous nous empresserons donc, en appuyant, autant qu'il est en nous, cette partie essentielle de notre sublime législation, dé remplir un devoir également cher à nos cœurs, et comme prêtres et comme citoyens, véritablement heureux de pouvoir servir ainsi utilement, à la fois, la religion et la patrie.
« Tel est, Monsieur le Président, le serment motivé que, dimanche 16 du
présent, nous avons prononcé dans nos églises respectives. Il eût pu
i'être immédiatement après l'émission du décret. Le 5 décembre, nous
nous présentâmes à la maison commune, pour, aux termes de la loi, faire
« Aussitôt après son envoi, différé jusqu'au 10 de ce mois, nous avons sollicité de nouveau la municipalité qui, à notre grande satisfaction, s'est empressée de se rendre à nos désirs.
« Nous avons cru, Monsieur le Président, devoir vous prier de faire agréer notre hommage à l'Assemblée nationale, dont vous avez si bien mérité la confiance.
« Nous avons l'honneur d'être, avec un profond respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs,
« Minée, curé des Trois-Patrons, en mon nom et en celui de M. Durand, curé de Saint-Michel,
malade de la goutte; Deharme, vicaire des
Trois-Patrons; Toulet, vicaire de Saint-Michel.
« A Saint-Denis-en-France, ce 18 janvier 1791.»
(Applaudissements.)
Un membre demande et l'Assemblée ordonne l'impression de cette lettre et son insertion dans le procès-verbal.
Messieurs, je suis chargé, de la part du district de Versailles, de vous faire part de la vente faite hier par-devant le directoire de ce district de différents biens nationaux. Ces biens ont été vendus aux prix ci-après :
1* La ferme de Contain, estimée à..................................................150,000 liv. a été vendue
2° La maison prieurale de Châteaufort, estimée à............7,000
3° 5 arpents 1/2 de prés, dépendant de l'abbaye de Gif, estimés à...................................................................2,000
4* 4 arpents 1/2 de prés, dépendant de la même abbaye,
estimés à..........................................................1,800
5" 1/2 arpent de terre, dépendant de la cure des Epoux, estimé à................................................256
6® La ferme des Troux, estimée à....................................................68,525
7° La ferme du grand et petit Vivier, estimée à..........................114,000
336,000 liv.
a été vendue....................12,000
ont été vendus.........6,000
ont été vendus................3,500
a été vendu......................1,350
a été vendue.............236,200
a été vendue.............300,3o0
Total des estimations.................. 343,588 liv. Total des ventes. 895,350 liv.
Plusieurs membres du comité d'aliénation proposent et l'Assemblée décrète la vente de domaines nationaux à différentes municipalités, dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux, dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret ;
Savoir :
A la municipalité de Montpellier, département de l'Hérault.....
A celle de Ëonnemai-son, département des
Hautes-Pyrénées......
A celle du Grand-Fresnoy, département
de l'Oise.............
A celle de Goudun, même département....
A celle de Ghambly, même département....
A celle de Saint-Fir-min, même département.................
À celle de Puiseux, même département.... ï A celle d'Eragny, même département— A celle de Sery, département de Loir-et-
Cher.................
A celle de Roches, même département....
A celle d'Armaignes, département des Ar-dennes...............
86,4951. 2 s. 2 d.
60,387 8 8
189,738 4
134,902 »> »
47,709 »
27,713 8
42,421 » 8
25,904 3 8
11,557 4 10
21,101 4
15,851 » »
A celle d'Arnicourt, même département....
A celle de Corny-la-Ville, même département.................
A celle de Fleury-sur-Aisne, même département ................
A celle de Gomont, même département....
A celle de Justine, même département....
A celle de Neuvelise, même département....
A celle deRenneville, même département....
A celle de Sorbon, même département....
A celle d'Agnès-lès-Duisans, département du Pas-de-Calais......
A celle de Mouchy-le-Preux, même département ................
A celle de Villerval, même département....
A celle de Beaumetz-lès-Cambray, même département ............
A celle de Morchies, même département....
A celle de Palluel, même département...,.
A celle de Sauchy-Lestrée, même département.................
A celle de Béthune, même département....
A celle de Bouvi-gnies-Boieffles, même
département..........
A celle de la Bussière, même département.... A celle de Divion,
45,936 1. >» s. »
47,993 »
16,117 ' 4
6,556 » »
23,344 8 »>
22,396 » »
80,176 12 »
22,906 8
28,666 » »
116,479 12 10
34,835 10 8
37,120 15 8
92,546 17 » 79,146
111,073 14 »
512,297 9
73,962 14 4
71,099 4
même département....
A celle de Fresaye, même département...
A celle deFonquiêres, même département....
Acelle deHaillicourt, même département....
A celle d'Houcbin, même département....
A celle de Lillers, même département....
A celle d'Oignier, même département...
A celle de Vergui-gneul, même département ................
A celle de Magnicourt-sur-Ganche, même département............
A celle de Feron, département du Nord....
A celle de Noyelle-sur-Sambre, même département ............
A- celle de Catillon, même département....
A celle de Beuvry, même département....
A celle de Montigny, même département...
A celle de Villereau, même département....
A celles de Lamballe et de Noyai, départe-mentdesCôtes-du-Nord.
A celle de Saint-Brieuc, même département ..............
A celles de Plomelin et Plugufan, département du Finistère.....
A celles de Bodivit, Combrit, Quimper, Saint-Evarzez, Loc-Ma-ria, Erqué-Armel, Plugufan et Plomelin.....
A celles d'Edern, Lo-they, Plonevez, Posan, Plomordien, Ploeven, Locornan, Glochar, Tré-gener, Quimper, Loc-Maria, Ergue - Armel, Landrevarsec , Briec, Hergue-Gaberie, Plogo-nec, Saint-Evarzel, Plo-meur, Plogonec, Foues-nant, Mahallon, Laba-bon, Pouldroisic, Tre-guennec, Lan ver n, Pion-court, Plouard, Plouhan, Meilbard, Pouldregat,
Moelan, pour.........
A celle de Quimper,
pour.................
A celle de Nivillac, département du Morbihan................
A celle de Marzan, même département....
A celle de Saint-Do-lay, même département.
A celle de Rochefort, même département.... A la municipalité de
51,006 I. 8 s.» d.
3,922 19 4
43,460 16 10 27,132 13
20,721 8 8 63,628
6,600 »
17,029 3 10
102,058 6 8
42,713 9 p
276,395 10 n
547,980 » »
98,394 8 2
103,967 17 6
73,400 » »
154,129 18 4
551,652 » »
129,564 9 »
94,913 14 »
142,751 6
210,555 » »
67,878 14
73,953 12 4
28,384 4 »
83,270 4 8
Hédé, département de
rille-et-Vilainfi.......
A celle de Blain, département de la Loire-
Inférieure............
A celle de Vay, même
département..........
A celle du Gavre, même département. A celle de Fay, même
département..........
A celle de Nantes, même département. .. A celle de Paris.... A celle d'Orsay, département de Seine-et-
Oise.................
A celle de Bièvres-le-Châtel, même département .................
A celle de Rueil,
même département----
A celle de Villepreux, même département....
A celle de Meudon, même département....
A celle de Limours, même département... . A Celle de la Cha-pelle-Milon, même département............
A celle de Saint-Remi-lès-Chevreuses, même
département..........
A celle de Villiers-le-Bel, même département.
A celle de Palaiseau, même département....
A celle de No sy-le-Grand, même département................
A celle de Luzarcbe, même département....
A celle de Boissy-aux-Cailles, département de
Seine-et-Marne........
A celle de Provins, même département....
A celle de Chablis, département de l'Yonne..
A celle de Beaugency, département de Loir-et-Cher
20,324 1. 19 s. » d.
31,861 10 »
16,165 15 8
2,443 4 6
14,360 10 »
4,379,967 » n
5,158,275 6 »
128,363 » »
253,323 »
11,339 » »
60,291 18 »
33,123 » »
30,867 » »
23,100 » N
25,952 10 »
232,618 19 6
106,394 2 6
70,001 16 8
307,669 17 7.
29,188 10 »
1.069,075 1 4
161,717 12 H
55,276
1
Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé dans les décrets de veute et états d'estimation respectifs, annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
Il y a dans le département de l'Allier de très grandes forêts que la nation s'est réservées, dans l'enceinte desquelles se trouvent des fermes ou métairies ci-devant ecclésiastiques, qu'il serait très préjudiciable de vendre, parce que ce serait placer des dévastateurs dans ces forêts. Je prie donc l'Assemblée d'ordonner à son comité d'aliénation de lui proposer un décret pour excepter ces fermes de la vente générale.
Je demande qu'on renvoie l'examen de l'observation du préopinant au comité des domaines. (L'Assemblée, consultée, renvoie la proposition au comité des domaines, qui est chargé de
présenter incessamment un projet de décret sur cet objet 0 L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret relatif à l'organisation du juré.
,rapporteur : Messieurs, vous avez décrété que les premières dépositions des témoins seraient reçues par écrit devant les Officiers de police ; vous avei senti la nécessité de cette disposition qui empêche l'arbitraire et l'indétermination de l'officier de policé. Il devient nécessaire pour etfx d'âvoir du moins vii le commencement de preuves, pour appuyer et justifier les ordres qu'ils auront donnés. NôiïS avions pensé que tous ces premiers témoins sont pour la plupart et presque tous dans les procès les plus importants. Cependant, comme il pouvait se trouver encore d'autres témoins vagues comme il arrive ordinairement par les additions d'informations, vous avez pensé, d'après les observations du comité, qu'il fallait aussi recévoir par écrit ces secondes dépositions. Ou petit observer en passant que cé qui multipliait anciennement ces secondes dépositions, c'étaient ces facultés presque indéterminées d'ouvrir un Cahier de dépositions de récolements et de confrontation, dans lequel tous les témoins auraient été entendus. Actuellement l'accusateur ayant le droit spécial de procéder à la poursuite, il y a lieu de croire qu'il ne fera point entendre tous les témoins qui n'auront point fait charge contre l'accusé. Il pourra savoir, par la lecture des dépositions, à peu près quels sont les éléments du débat qui aura lieu, et par là il pourra les diriger d'une manière plus directe, plus courte, plus usitée à la vérité. Voilà les avantages qiii résultent de la disposition que vous avez adoptée hier. Il en existe encore d'autres qu'il est inutile de révéler dans ce moment, mais j'ai crii cette observation nécessaire.
Je prie M. le rapporteur de m'expliquer une difficulté de forme que la lecture cte son. article me fait apercevoir. Il dit que les témoins qui n'auront pas été entendus devant l'officier de police et devant le directeur juré, et qui seront produits par l'accusateur, seront entendus par l'un des juges, et dit la même chose pour les témoins de l'accusé. Or, je le prie d'observer que ce ne sera très souvent que par le résultat des débats que l'accusé pourra de* mander à faire entendre des témoins pour se justifier : car, dans votre plan,l'accusé n'a encore eu aucune connaissance du nom des témoins produits contre lui ; il ne sait point la teneur des dépositions; ce ne sera donc que lorsqu'il én^ tendra les dépositions qu'il pourra dire : je prétends* par un tel fait, détruire tel fait annoncé par tel témoin, et je demande à faire preuve par témoins de ce fait justificatif. Il semble que de la manière dont ils sont liés avec les témoins de l'accusateur, ces mots seront entendus d'abord : que les témoins de l'accusé soient entendus avant que l'on ouvre la séance du juré. J'observe que ce sera les trois quarts du temps perdu, parce que ce n'est qu'après avoir entendu les témoins, et dâtis lë cours des débats, que l'accusé le plus souvent saura et dira qu'il a des témoins à produire pour établir ses faits. Je prie le rapporteur de m'expliquer comment se fera alors la procédure.
,rapporteur. Il y a plusieurs ré- ponses à faire à M- Tronchet, Voici la première : Vous avpz voulu, Messieurs, détacher du plan méthodique qui vous avait été présenté sur les jurés la question de savoir si l'on écrira pâr-devant les jurés, ou si les preuves seront écrites avec les modifications qui ont été proposées entre les deux propositions du comité et de M. Tronchet. On a dit : nous avons cru qu'il y avait, et l'Assemblée l'a pensé ainsi, qu'il y avait un milieu qui était de décréter que le débat ne serait paa écrit, mais simplement les dépositions. Ainsi l'Assemblée doit considérer ici que ce sont les bases qu'elle donne à son comité, pour qu'il puisse ensuite les fondre dans son travail et les placer à leur véritable place. Voilà d'abord une première observation. Ensuite je dirai à M. Tronchet: si dans le débat, l'accusé pouvait faire entendre sur-le-champ un homme qui pourrait le tirer d'affaire en disant qu'il est innocent, certes il n'est pas de l'institution du juré, d'une institution raisonnable, que parce qu'il n'a pas été entendu avant le débat, il ne puisse pas être entendu. Si cela était, vous auriez absolument détruit tout ce qu'il y a de beau dans cette institution,qui est de donner quelques fils aux juges et aux jurés pour se conduire, mais de n'en faire jamais une fin de non-recevoir contre la vérité. Ainsi l'observation de M. Tronchet est déjà réduite en partie par cette idée. Maintenant il est bon de savoir et de faire remarquer que notre système est construit sur le plan que nous avons cru le plus avantageux à l'accusé, sans blesser les droits de la société ; et il est en cela infiniment plus favorable à l'accusé que le système anglais. En Angleterre, l'accusé n'a point connaissance de l'acte d'accusation : lorsqu'on le lui lit pendant le débat, il ne peut pas en prendre copié. Les Anglais, lorsqu'ils ont institué les jurés, ont pensé qu'il fallait dire à l'accusé : voilà ce dont vous serez accusé, préparez-vous pour vous en défendre; il y a quelque chose de plus, c'est que l'accusé arrive au débat sans qu'il puisse avoir une connaissance bien précise de ce qui sera traité dans le débat, et cependant il est obligé d'y faire comparaître également ses témoins. Maintenant voici la différence, à l'avantage de l'accusé, que nous avons trouvé nécessaire de mettre dans le projet : c'est que l'acte d'accusation est communiqué à l'accusé, au moyen de quoi il voit non seulement ce dont on l'accuse en général, mais les différentes circonstances sur lesquelles il pourra établir des preuves contraires : ainsi, un nomme a été pris dans tel endroit avec telle circonstance de localité, il peut trouver et faire venir des témoins pour prouver la fausseté des faits généraux et des circonstances. Il existe dans notre plan une différence pour l'accusé : c'est qu'il connaît les témoins qu'il veut faire venir; de plus, nous avons cru nécessaire de faire connaître à l'accusé les dépositions des témoins; et ces dépositions donnent à l'accusé, encore plus que l'acte d'accusation, la facilité d'établir une contrariété entre ce qui est porté contre lui et ce qu'il prétend être vrai par ia déposition des témoins.
Voici sur quoi touche mon observation : Je n'ai certainement jamais pu douter que vous vouliez réserver à l'accusé qui veut produire les témoins dans le moment du débat la faculté de les faire entendre, mais ie désirerais que l'acte fût rédigé de manière à 1 indiquer, et vous ne parlez ici que des témoins que 1 accusé aura pu produire avant l'examen et le débat. Lorsqu'un accusé dira : j'ai un témoin à produire contre cette personne, mais je ne l'ai pas
sous ma main, il est à 10,15 ou 20 lieues, il faudra bien de toute nécessité que vous interrompiez votre débat et que vous fassiez des articles régie-mentaires sur la formation de cette instruction.
Avant que les débats commencent devant le juré du jugement, l'accusé a trois moyens de connaître les faits qu'on lui impute; il peut,dans ces cas, produire ses témoins: d'abord parce qu'on lui a dit devant le juré de police ce dont il était accusé; ensuite d'après ce que lui a dit le directeur du juré; et enfin parce que l'acte d'accusation lui a été communiqué. Après cette explication, Messieurs, il n'y a plus de difficulté que sur la rédaction. Je propose d'ajouter deux mots, et l'article sera ainsi conçu • « Les nouveaux témoins que l'accusateur voudra produire devant le juré de jugement} ainsi que les témoins que l'accusé voudra produire à cette époque de la procédure, seront entendus d'abord devant un des juges du tribunal criminel. » Plusieurs membres : Aux voix 1
Messieurs, il est intéressant que la rédaction soit plus claire sur un fait.Par exemple, je suis accusé; et dans le débat entre le témoin et moi» il m'apprend qu'il était en la compagnie de M. un teL Je ne m'en doutais pas; alors je lui dis: vous étiez dans la compagnie de M. un tel, je demande qu'il soit entendu, j'ai confiance en sa véracités II est sensible que je n'ai pâs pu .indiquer ce témoin avant le débat; et comme en faisant des lois, et surtout des lois aussi importantes que celles dont il s'agit, il ne faut rien laisser à l'équivoque, je demande que la rédaction soit conçue de manière qu'elle indique bien précisément que l'accusé sera admissible à produire même après un débat long et terminé.
(de Saint-Jean-d' Angêly), Il me semble que l'on n'a pas répondu à mes observations ni a celles de M. Tronchet et que je vais répéter : je suppose que le débat apprenne à l'accusé que des faits qui ont été assignés contre lui peuvent être détruits par la preuve d'un fait justificatif; qu'il lui soit nécessaire d'appeler des témoins qui, éloignés du lieu où se fait 1 instruction} ne pourront être arrivés qu'au bout d'un certain temps. Alors fera-t-on le débat en entier, et contestera-t-on ce qui s'est fait dans le débat pour faire revenir le témoin un autre jour; ou bien interrompra-t-on dès ce moment l'instruction de la procédure contre cet accusé, regar-dera-t-on comme non avenus tous les débats qui auraient été faits jusqu'à cet instant* et atten-dra-t-on à la recommencer à l'époque à laquelle il aura pu appeler ses témoins de la ville éloignée et les faire entendre? La seconde partie de l'objet de M. Tronchet est qu'il y a deux partis à preudre : ou d'achever le débat et d'en constater toutes les parties, ou bien de le faire cesser à l'instant même, pour le reprendre en entier au moment où l'accusé aura joint les témoins qui attesteront les faits justificatifs.
Le préopinant a bien senti mon objection, mais j'ajoute à ce qu'il vient de dire, qu'il y aura un cas qui forcera d'interrompre les débats: car je suppose que ce n'est qu'au moment et dans le milieu du débat qu'un de mes amis vient de m'avertir qu'il a acquis la preuve de la subornation des témoins. J'articule et j'en demande la preuve. Il faut bien que l'on interrompe le débat, mais je n'en tire pas de là la conséquence qu'il faut, dans ce moment, faire un article pour régler la procédure. M. Démeunier a rempli mon objet en demandant que cet article fût tellement rédigé, que l'on vît que ce n'est que les témoins que l'accusé aura pu produire avant le commencement du débat. Je demande donc à l'Assemblée que l'on se réserve à statuer sur ce qu'il y aura lieu de statuer.
Nous vous proposons une rédaction qui remplit les intentions de M. Tronchet, et la seconde observation de M. Goupil. De concert avec le rapporteur, je propose d'ajouler à l'article : le tout sans préjudice des nouveaux témoins que l'accusé pourra produire par la suite. Par le moyen de ces additions, l'article se trouverait ainsi conçu : « Les nouveaux témoins que l'accusateur voudra encore produire devant le juré, ainsi que les témoins que l'accusé voudra produire à cette époque de la procédure, seront entendus, et leurs dépositions écrites devant un des juges du tribunal criminel, le tout sans préjudice de nouveaux témoins. »
,Au titre II de la police de sûreté, il y a un article par lequel il est défendu à tout gardien de maison d'arrêt de recevoir un homme si le mandat d'arrêt ne contient les motifs d'arrestation ; ainsi il se sera écoulé près d'un mois et souvent plus, entre la première connaissance donnée à l'accusé de l'objet pour lequel il a été arrêté, et l'instant du débat. Je demande si l'accusé n'aura pas eu tout le temps de produire ses témoins?
L'accusé n'a pu produire un témoin qu'il ne connaissait pas, puisqu'il peut arriver qu'il ne les connût que dans le débat.
Pour ne rien préjuger, je voudrais qu'on ajoutât ces mots : ainsi qu'il sera réglé.
,rapporteur. La rédaction que M. Tronchet avait proposée d'abord m'a paru remédier à tout. Il ne faut pas mettre la dernière clause de M. Démeunier. Nous ne sommes pas dans l'intention de faire des articles comme dans l'ordonnance de 1570.
L'article 2, mis aux voix, est adopté comme suit i
Art. 2.
« Les nouveaux témoins que l'accusateur voudra produire encore devant le juré de jugement, ainsi que les témoins que l'accusé produira à cette époque de la procédure, seront entendus, et leurs dépositions écrites devant un des juges du tribunal criminel I le tout sans préjudice des témoins que l'accusé pourra faire entendre par la suite, et il sera donné connaissance à l'accusé des dépositions, de la manière qui sera réglée par la suite. »
,rapporteur, donne ensuite lecture de l'article 3 qui est ainsi conçu : « L'examen des témoins et le débat seront faits ensuite devant le juré, de vive voix et sans écrit, après la lecture publique qui sera faite de toutes
les dépositions, et ils serviront seuls à la conviction. »
Ici s'applique l'amendement que j'ai proposé hier, et qui résulte des deux projets de décret de MM. Tronchet et Goupil. Je ne demande pas que la lecture des dépositions soit faite devant le juré avant le débat. La déposition écrite étant communiquée à l'accusé, il est bien évident qu'il retirera le parti le plus favorable à sa cause; mais je demande que, dans le cours du débat, l'accusé ou son conseil, et même l'accusateur public, puissent exiger que l'on rédige par écrit les nouveaux faits, les nouvelles circonstances qui seront exposes par les témoins, ainsi que leurs aveux ou désaveux. Je pense, comme le comité, qu'il serait dangereux de lier les témoins par leur première déposition. Il faut leur laisser la faculté de la modifier, et même de la réduire sans qu'ils puissent être pris à partie; mais je pense aussi qu'il faut assurer à l'accusé et à la société la poursuite certaine des faux témoignages. Le voici : « Il sera libre, dans le cours du débat, à l'accusé ou à son conseil, aiusi qu'à l'accusateur public, de requérir qu'on rédige par écrit les nouveaux faits, les nouvelles circonstances,aveux ou désaveux que pourraient faire les témoins, lesquels auront la liberté de rétracter ou de modifier leur première déposition écrite, sans pouvoir être pris à partie. Mais dans le cas où ils persisteront dans leur première déposition, ou si, dans ie débat, ils articulent de nouveaux faits qui puissent être argués de faux, l'accusation en faux témoignage pourra être intentée, soit par l'accusé, soit par l'acusateur public. » Je demande qu'il soit délibéré sur les deux articles en même temps, car si vous commencez par décréter que rien ne sera écrit dans le débat, on m'opposera ce premier décret.
Le résultat de l'amendement du préopinant serait l'écriture entière du débat. Il n'y aurait pas un fait qui ne parût important à l'accusé, à ses amis, ou à son conseil. Chacun des jurés aura la faculté de prendre note des faits dont il se trouvera le plus frappé. On pourra pratiquer ce qui se fait en Angleterre; le juge avertit les jurés qu'un tel fait est intéressant, pour qu'ils en prennent note; d'après cette observation, je demande la question préalable sur l'amendement de M. Malouet.
Ce n'est point ici le moment d'examiner l'amendement qui vous a été présenté par M. Malouet, ceux qui pourrai* nt rentrer dans le même sei s,et celui que je vous avais présenté. Je me réduis en ce moment, et en réservant tous autres amendements, à l'unique question d'examiner l'amendement qui consiste à supprimer la lecture publique des dépositions. Je dis que si l'on adopte un pareil amendement, c'est détruire la conviction morale et ôteraux juges le meilleur moyen de se déterminer sur la conviction des preuves testimoniales ; je dis que c'est ôter à l'accusé le plus sûr moyen de défense pour prouver qu'il est innocent.
,rapporteur. Vos comités sont unanimes pour dire que les dépositions seront lues en public.
Je n'ai pas dû compter sur cette déciaration-là; mais je sais que le projet de dé- cret, tel qu'il nous a été présenté, et qui paraissait complet, ne donnait que la communication à l'accusé, et cela 24 heures, disait-on, avant de comparaître. Si l'on nous fait décréter que les dépositions seront communiquées par écrit à l'ac cusé avant qu'il comparaisse, alors mon objection tombe; mais je finis par avou-T que je n'entends pas ces mots par lesquels on finit l'article : « Et le débat servira seul à la conviction ». Une pareille phrase est à mes ye"x absolument insignifiante; car jene connais pas, dans une conviction morale, quelle est la différence entre le débat et la déposition. Le débat n'est rien sans la déposition, comme la déposition n'est rien sans le débat, puisque la conviction du juré n'est que le résultat de la déposition et du débat.
,rapporteur. Je retire cette dernière disposition. L'article 3 est décrété dans ces termes : Art. 3. « L'examen des témoins et le débat seront faits ensuite devant le juré, de vive voix et sans écrit. »
Je demanda à proposer un article additionnel, et la permission de faire une observation sur celui de M. Malouet. G'est ici le moment de mettre l'un et l'autre sous les yeux de l'Assemblée, pour qu'elle juge lequel des deux mérite son approbatiou. Voici l'article : « Si d.ms les déclarations faites par un témoin en présence du juré, l'accusé ou son conseil remarque quelque cnose qui puisse servir, soit à infirmer Je témoignage, soit à l'éclaircissement ou à la justification de l'accusé, ils pourront requérir que la réfaction par écrit en soit faite; et cela ne pourra leur être refusé. » Plusieurs membres demandent la question préalable.
,rapporteur : Ce n'est ni par oubli, ni par négligence que vos comités ne vous ont point présenté de dispositions sur cet objet ; mais je vous prie d'observer que la disposition que l'on vous demande n'est autre chose que l'écriture entière. Oc, je demande à l'Assemblée si, en rejetant l'écriture du débat, elle n'a pas décidé précisément que les dires de l'accusé, de ses conseils et des témoins ne seront pas écrits. Si on écrit ce qu'ils disent, ou écrit le débat; si on écrit le débat, il faut renoucer aux jurés.
(de Saint-Jean-d'Angély). Je crois que M. Malouet a mis dans son amendement une trop grande latitude, et que M. le rapporteur y a opposé un refus trop absolu. Il résulterait de l'amendement de M. Malouet, par la disposition naturelle de tous les individus intéressés au débat, la nécessité presque absolue de tout écrire^ si le directeur du juré était obligé d'adhérer à toutes les demandes qui lui seraient faites. Il est au contraire, comme l'a dit M. le rapporteur, dans l'essence de cette institution de laisser à ce directeur tonte la latitude possible pour la découverte de la vérité : aussi je voudrais que lorsque le témoin ou même l'accusateur public désireront qu'une allégation du témoin ou de l'accusé, qu'une portion du débat enfin soit constatée par écrit, ils aient alors la faculté de le requérir, et que le directeur du juré, qui ne peut avoir
d'autre intérêt que celui delà vérité et de la justice, soit libre d'adopter ou de rejeter cette demande.
On paraît craindre, en adoptant mon amendement, de voir renouveler la procédure ancienne. Je demande uniquement que l'accusateur publi , l'accusé ou sun conseil ne puissent obtenir l'écriture que des nouveaux faits, aveux, dénégations, etc. Cette disposition est tout en faveur de l'accusé et de la société. Gomment empêcher qu'un accusé, entendant un fait à sa décharge, demande qu'il en soit tenu registre? Lui refuserez-vous ce que le droit naturel et la justice universelle lui accordent? Quand les dires des témoins seront ainsi constatés,ils pourront être argués de faux, soit par l'accusé, soit par l'accusateur public. Je demande que mon amendement soit mis aux voix.
Je demande la parole. Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
La matière est trop importante pour ne pas être discutée mûrement. Le comité ne s'oppose pas à ce que la discussion soit continuée.
Je demande la question préalable sur l'amendement ue M. Malouet ; il tend à faire revivre l'écriture du débat.
Les deux amendements coïncident dans leurs parties essen ielles; vous voulez écarter l'un afin d'écarter plus facilement l'autre. Plusieurs membres : Aux voix 1 (L'Assemblée, consultée, décide à une très grande majorité que la discussion n'est pas fermée.)
Je demande la question préalable; sur le nouvel amendement proposé par M. Malouet et sur la nouvelle rédaction qu en vient de faire M. Goupil. Cet amendement, à mes yeux, ne peut présenter que deux effets : ou il rétablira l'écriture entière du débat, car lorsque l'accusé et l'accusateur auront le droit de taire écrire, il est évident que chacun d'eux fera écrire tout ce qui vient à l'appui de son opinion, ou bien si cela n'a pas lieu, le résultat sera plus vicieux encore, car en n'écrivant qu'une partie de dépositions, qu'une partie de débats qui pourront être trompeurs, celte écriture qui restera présentera au public un tableau souvent contradictoire avec la totalité du débat; et cependant cette partie fausse ei trompeuse subsistait seule, il arrivera de deux choses l'une : ou que le juré, craignant l'opinion publique qui s'établira sur la partie écrite, jugera conformément, et par conséquent mal; ou que si le jure ne s'attache pas à cette crainte et juge conformément à la vérité, il sera coudamné par l'opinion publique qui n'aura sous les yeux que ces mêmes écritures insidieuses faiies à ia réquisition de l'uue des parties. Messieurs, on parie beaucoup de l'arbitraire du juré, et l'on ne s'attache pas au véritable point de l'institution ; mettez une grande confiance dans le juré, et uonnez-lui la possibilité d'agir et celle de bien juger. Rien, parmi les hommes, n'est plus digne de la confiance que l'arbitrage de douze hommes épurés d'abord par le choix, ensuite par le sort, troisièmement enfin par les récusations. La saine raison, la saine équité d'un corps ainsi composé, est tout ce qui, dans le monde moral, peut présenter la plus grande probabilité. Ainsi donc. Messieurs, conservons cette institution précieuse, et n'en rendons pas l'exécution impossible. Le pouvoir de juger les crimes est le plus terrible des pouvoirs. Le peuple qui s'en dépouille ne peut jamais être libre; le peuple qui se le réserve ne peut jamais être esclave. Ce droit donnera toujours, aux magistrats à qui on voudra le confier, le moyen d'attenter, dans toutes ses parties, à la liberté publique; réservé au peuple, il sera toujours un rempart contre les usurpations des pouvoirs. Gouservons-le lui donc, et pour le lui conserver, rendons-en l'exercice possible. Ne lassons pas, ne décourageons pas le juré par des longueurs d'écriture, qui, tôt ou tard, feraient périr l'institution; ne 1 embarrassons pas, ne l'ensevelissons pas dans toutes les formes anciennes, dans des écritures éloignées de la nature de ses lumières et qui intimideront sa confiance au lieu de lui donner cette hardiesse, cette pureté, cette direction qui conviennent seules à l'homme de la nature; encore une fois, ou conservez le régime ancien, ou conservez dans sa pureté l'installation^ des jurés. (On applaudit.)
Il est évident que la question se réfère à l'article où on nous indiquera quelle e-t la fonction et le devoir du juge,ou à celui où il s'agira d'examiner comment se doit constater et déterminer l'acc isation du faux témoignage. J'appuie donc l'ajournement.
Ce n'est pas en mon nom individuel, c'est au nom de quatre membres des comités que je m'oppose à l'ajoumemeut, et que j'appuie la question préalable sur les deux amendements et le sous-amendement. Je fais ce dilemme : ou on obligera le juge à faire écrire sur toutes réquisitions (c'est l'objet des deux amendements): et, en ce cas, on rétablit indubitablement l'écriture des débats; ou, selon le sens du sous-amendement, il sera libre au juge d'accorder ou de reluser: et ainsi vous donnez au juge le moyen d'influencer l'opinion publique ou celle du juré. Il refusera au gré de sou sentiment particulier ou de ses préventions; il attachera de l'importance aux faits dont il aura accordé l'écriture : il diminuera celle de ceux pour lesquels il l'aura refusée. Cependant le juge ne doit avoir aucune influence sur le fait. D'ailleurs, ce ne serait jamais au juge qu'il faudrait s'adresser, mais aux jurés. Dans le procès du lord Peston, le directeur du juré, engagé à faire attention à un fait, répondit que ce n'était pas à lui qu'il fallait s'adresser, mais aux jurés, en les priant de faire attention à l'importance de telles circonstances, et d'en tenir note. Donner au directeur du juré la faculté d'accorder ou de refuser l'écriture, c'est le faire sortir de son pouvoir qui ne peut agir e;i aucune manière sur l opinion du fait. Quant à l'ajournement, il ne faut pas remettre à un autre temps ce qu'on est parfaitement en état de décider. Quand vous avez rendu un décret portant qu'il n'y aui ait pas d'écritures, pouvez-vous faire révoquer ce décret en prenaut ia forme d'uu sous-amendement? (La discussion est fermée.) L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements.
Je demande à l'Assemblée de décider aujourd'hui la formation du juré et les éléments de sa composition. Si le juré n'est pas exclusivement composé de propriétaires, ce sera l'iDstitution la plus barbare ; il y aura de quoi trembler.
,rapporteur. Le comité s'est occupé de cette question ; l'essence du juré étant dans la confiance qu'a la société dans la conviction et le jugement de ses membres, c'est évidemment dans leur choix que réside la meilleure composition du juré. Je crois toutefois que cette discussion devra venir au moment où il sera traité des qualités propres aux jurés. Je demande que l'Assemblée, actuellement qu'elle a pris un parti sur les preuves écrites, discute demain ia question de savoir s'il y aura oui ou non un tribunal criminel par département.
Je demande que le comité nous présente un article relatif à l'écriture de l'interrogatoire de l'accusé devant l'officier de police.
,rapporteur. Cette question appartient naturellement à la loi générale des interrogatoires; pour ne pas intervertir l'ordre des délibérations, je demande qu'elle soit renvoyée au moment où cette loi sera discutée.
Je demande que la discussion s'établisse sur la généralité du plan de l'organisation du jury.
,rapporteur. La totalité du plan est depuis longtemps connu ; il a été débattu. Recommencer une nouvelle discussion sur cet objet, ce serait du temps perdu.
(L'Assemblée décrète que, dans sa séance de demain, elle s'occupera de la formation des tribunaux criminels.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture de la lettre suivante adressée à l'Assemblée nationale par M. Duportail, ministre de la guerre :
« Monsieur le Président,
« J'ai appris seulement hier ce qui s'est passé dimanche dernier à l'Assemblée nationale, au sujet de Perpignan et que j'y avais été accusé de n'avoir point exécute le décret qui ordonne d'envoyer un régiment dans cette ville : quoique l'Assemblée n'ait donné aucune valeur à cette dénonciation, je n'en crois pas moins de mon devoir de prouver qu'elle était saus fondement, et justifier ainsi la confiance dont elle a bien voulu m'honorer dans cette occasion.
« Il y a six semaines que le département des Pyrénées-Orientales, et MM. les députés de ce département à l'Assemblée nationale, m'exposèrent le besoin urgent qu'il avait d'un renfort de garnison : j'en rendis compte à Sa Majesté, qui ordonna de faire passer à Perpignan le premier bataillon de Cambresis, qui était à Na-varreins; ce batailon a dû partir le 1er de ce mois, et il arrivera aujourd'hui à Perpignan : le décret dont il est question est survenu ; alors il a été expédié des ordres au second bataillon de Cambresis, de partir d'Orthez pour suivre la destination du premier, et il doit y être rendu le 26 de ce mois : ainsi, postérieurement au décret la garnison de Perpignan aura été augmentée d'un régiment entier; l'esprit et même la lettre du décret auront donc été remplis.
« J'ai tout lieu de me féliciter en ce moment que les choses aient pu s'exécuter ainsi ; cependant je prendrai la liberté, Monsieur le Président, de vous observer qu'il aurait pu, malgré toute ma bonne volonté, en arriver autrement.
« D'abord, la quantité que nous avons de troupes de ligne est beaucoup au-dessous de ce qu'exigeraient les besoins et les désirs de chaque département, surtout de ceux de la partie méridionale de la France; je dois d'ailleurs vous faire connaître les obstacles que j'éprouve souvent à leurs mouvements : tantôt ce sont les régiments qui, eux-mêmes, laissent entrevoir un esprit de résistance qu'il faut craindre de mettre à l'épreuve; tantôt des municipalités, des corps administratifs anloncent qu'ils ne laisseront pas partir les régiments qu'ils possèdent, ou qu'ils ne recevront pas tel autre qu'ils savent leur être destiné ; quelquefois ils veulent arrêter, en tout ou en partie, ceux qui passent sur leur territoire.
« Je ne donnerai pas plus d'étendue au tableau des contrariétés que je peux éprouver dans cette partie de mon administration; il pourrait plaire aux ennemis de la Constitution, qui croiraient y trouver des moyens de la calomnier, et de prouver l'impossibilité de son établissement ; ils me sauraient gré de justifier ainsi leurs vaines déclamations : mais je rejette leurs perfides applaudissements, et je dois détruire leurs coupables espérances.
« Sans doute, il y a encore des difficultés à vaincre; beaucoup d'individus, même quelques corps administratifs, n'ont point encore parfaitement compris les décrets, ou ils se croient trop aisément dispensés, par des circonstances particulières, de s'y conformer exactement ; mais je vois dans tous de bonnes intentions , de la bonne foi, du zèle, du patriotisme; aussi les inconvénients que j'ai exposés diminuent-ils tous les jours ; je l'éprouve depuis que je suis dans la place qui m'est confiée ; les résistances s'affaiblissent, les prétentions exagérées se relâchent, chacun commence à connaître ses devoirs en même temps que ses droits; et malgré les vœux impies des ennemis de la patrie, l'ordre se rétablira, et nous verrons bientôt, je l'espère, la Constitution, dégagée de toutes entraves, s'acheminer avec majesté vers son entier accomplissement.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre, etc.
« Signé : duportail. »
Je demande l'impression de cette lettre et son insertion au procès-verbal.
J'appuie la proposition du préopinant. (L'Assemblée décrète que cette lettre sera imprimée, insérée au procès-verbal et envoyée dans tous les départements.) Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de l'assemblée générale de la colonie de l'Ile-de-France, qui est ainsi conçue (1) : v Port-Louis, Ile-de-France, le 14 septembre 1790. « Nosseigneurs,..,. » (Murmures.)
Je demande que l'on entende
Il est démontré qu'ils ne sont pas coupables pour cela du crime de lèse-nation: pour nous, l'assurer, il n'est pas besoin de tout le talent de M. Barnave. JW. le secrétaire, continuant la lecture : « Nosseigneurs, le bienfaisant décret que vous avez rendu le 8 mars dernier, dans Votre sagesse et dans votre équité, en faveur des colonies, est parvenu en cette lie le 17 juin, par le vaisseau le Stanislas, surnommé depuis, et à, cette occasion, le Sauveur de l'Ile-de-France. « Nous étions dans ce moment environnés des plus grands dangers et le salut de la colonie est dû à l'arrivée imprévue, et en quelque sorte miraculeuse, de cette loi, qui comble à jamais notre reconnaissance. Nous mettrons cependant notre gloire à vous affirmer, Nosseigneurs, que notre conduite antérieure semblait avoir été dirigée, jusque dans ses moindres détails, par l'esprit qui vous a dicté cet heureux décret ; vous serez convaincus, Nosseigneurs, de notre fidélité et de notre attachement aux principes de la Constitution, par les règlements provisoires d'organisation de notre assemblée administrative et de nos municipalités, formées dans toute la colonie depuis le mois dernier. Ils ont eu pour base ceux que vous avez décrétés pour l'intérieur du royaume ; mais la localité et la faiblesse de la population ont déterminé quelques modifications dans le mode, et en raison de ces changements nous avons requis, et obtenu préalablement à leur exécution, la sanction provisoire des délégués du pouvoir exécutif dans cette île. « Pénétrés du plus profond respect pour les grandes vues que vous déployez, Nosseigneurs, pour assurer le bonheur d'une grande nation : Français, et brûlants comme vous du saint amour de la patrie, et de celui d'une juste liberté, nous ne pouvions nous égarer; mais il était naturel que nous fussions, comme vous l'avez été, environnés d'embûches et de machinations. « Nous avons pu nous flatter un moment, Nosseigneurs, que votre décret du 8 mars, ainsi que les instructions qui y sont annoncées, parviendraient officiellement au représentant du roi en cette île; mais notre attente a été vaine chaque jour, et ce n'est que par une voie particulière que nous avons eu connaissance, le 29 du mois dernier, des instructions qui nous concernent, en date du 28 mars. Convaincus, par l'expérience, de l'impossibilité de parvenir peut-être jamais à achever la Constitution en cette colonie, si elle attendait, par la voie ministérielle même, un avis de Ja Révolution, nous avons pris ie parti de demander au gouverneur général actuel, qui heureusement est Français, l'exécution de vos instructions, et celle du décret qui les accepte ; il a fait droit à notre demande, et sous huitaine les assemblées paroissiales, qui doiveut confirmer ou annihiler notre assemblée générale pour en créer une autre, auront exprimé leur vœu. Quelle que soit leur décision, nous n'avons point à craindre que la conduite que nous avons tenue soit la cause déterminante de la seconde alternative; si elle est préférée, nous sommes sûrs, Nosseigneurs, d'obtenir de vous cette justice, dès que le tableau fidèle de nos travaux aura été soumis à votre sagesse. f Le premier devoir que rempliront nos députés auprès de vous sera de vous rendre le compte le plus détaillé de la Révolution dans cette île ; nous bénissons la Providence de ce qu'elle s'est opérée sans qu'il ait été versé une seule goutte de sang ; leur départ est fixé au 15 du mois prochain sur le vaisseau particulier l Amphitrite. Nous nous bornons en ce moment ù vous présenter sommairement l'état des choses : la frégate la Nymphe, le premier vaisseau de la saison qui fasse voile pour l'Europe-, est chargée de cette adresse. Tous ceux qui ie suivront vous porteront successivement les preuves non équivoques de notre zèle, de notre fidélité et de notre dévouement à la patrie, à sa Constitution, à la loi et au roi, ainsi que les assurances jamais trop répétées de l'éternelle reconnaissance de cette colonie envers les augustes représentants de la nation à laquelle nous avons le bonheur et la gloire d'appartenir. « Nous sommes avec le plus profond respect, « Nosseigneurs, c Vos très humbles et très obéissants serviteurs; les membres composant l'assemblée générale de la colonie de l'Ile-de-France. «Parl'assemblée générale,Ricard de Bignicourt, président; jolivet et Durrans, secrétaires. »> Un membre demande l'impression de cette adresse et son insertion au procès-ver bal. (Cette motion est adoptée.)
donne lecture d'une lettre par laquelle M. Bailly, maire de Paris, annonce la vente, faite hier, de trois maisons nationales, situées enclos Saint-Martin : la première, louée 1,166livres,estimée 14,319 livres,adjugée30,100livres; la 2® louée 600 livres, estimée 10,400 livres, adjugée 10,800 livres; la 3° louée 1570 livres, estimée 22,040 livres, adiugée 59,300 livres. (La séance est levée à 3 heures.)
Nota. — M. Dupont, député du bailliage de Nemours, ayant fait imprimer et distribuer son opinion sur la manière dont les jurés doivent recevoir la déposition des témoins, ce travail doit naturellement prendre place parmi les documents parlementaires de l'Assemblée nationale.
OPINION
de M. Dupont ,député du bailliage de nemours, sur la manière dont les jurés doivent recevoir la déposition des témoins (1).
Je sens que j'écris trop : mais en demandant la parole, je pourrais ne pas l'obtenir; en l'obtenant, je pourrais n'être point écouté, lorsqu'il s'agit d'une matière qui n'est pas l'objet particulier de mes études. Cependant, Comment être chargé de représenter ses concitoyens dans le corps constituant de l'Empire sous lequel doivent vivre eux et leurs descendants, et taire sa
pensée sur les questions qui paraissent intéresser le plus essentiellement leur liberté, leur sûreté, leur bonheur?
Du moins daus celle dont je crois devoir parler aujourd'hui, je serai d'une extrême brièveté, et ce que j'ai à dire sera, je l'espère, d'une extrême clarté; je ne me perdrai point dans des raisonnements abstraits, je chercherai la vérité dans le cœur humain. Je n'exprimerai qu'un sentiment; mais il me semble que ce sentiment sera d'un intérêt si général et si pénétrant, qu'il deviendra celui de tous les citoyens sans passion, amis de l'humanité, et qui verront combien il est horrible d'exposer l'innocence à devenir souvent victime de la méchanceté, de l'inimitié, de la calomnie et surtout des préventions.
C'est l'opinion des comités de Constitution et de jurisprudence criminelle, que, dans la procédure par jurés, les dépositions ne doivent pas être écrites. « 11 suffit, dit M. Duport, que la « conscience du juré soit informée; elle te dé-« termine par une foule de petites circonstances « impossibles à écrire. »
Cette opinion me paraît la plus dangereuse que l'on puisse avoir dans une Republique; elle me paraît plus dangereuse encore dans une République naissante.
On ne peut pas se dissimuler que cette espèce de gouvernement achète la liberté au prix des orages, la Conquiert et la conserve dans le choc des paitis oppos» s, on dit même qu'ils y sont nécessaiies comme les tempêies à la mer pour en empêcher la corrui lion. Ou peut donc s'attendre que pendant longtemps, que peut-être toujours, l'esprit de parti influera dans les procès criminels; qu'il présidera au choix des jurés de manière à en rendre les récusations illusoires; qu'il environnera ces jurés des préventions de la multitude. Les jurés ont dune besoin eux-mêmes, pour leur sûreié, pour leur honneur, ue conserver les détails de la procédure et de les opposer à l'opinion publique, quaud cette opinion exaltée ou égarée se trouvera en contradiction avec leur conscience qui doit dicter leur jugement.
L'accusé a besoin de ce monument de la procédure pour détendre sa vie, ou pour sauver au moins devant la postérité sa réputation de l'in-floence des préjugés, et de l'ahimosité que le paru dont il ne sera pas aura répandue contre lui, aura répandue même sans crime, même sans se croiie calomniateur, par le seul effel de cet esprit déprédateur et injurieux qui caractérise les partis.
Je parle ici d'après ma conviction intime ; et je crois parler pour la majorité de la France, pour tous ceux qui ne veulent que la liberté des actions et des pensées, la sûreté des personnes, la propriété des biens, le progrès de l'agriculture, des arts, de l'industrie et du commerce, qui comme moi ne sont d'aucun parti, qui par conséquent se trouvent également en butte aux deux partis opposés, et oui doublé leurs ennemis eu se tenant dans le juste milieu, pLce honorable et dangereuse de la taison et de la vertu.
Je l'aime, celte place dout je connais tout le péril. Je veux bien q.iMle puisse me coûter la vie : il y a dix-buil mois que j'y suis résigne, et que celte idée, toujouis présente à ma vue, n'a pas fait chanceler ma mm elle de l'epaihseur d'un cheveu. Mais je ne veux pas qu • cet amour inviolable et fcévère du devoir et les persécutions qu'il peut entraîner pui&sent jamais me coûter mon honneur. Je veux, dans tous les cas, pouvoir
léguer ma mémoire à l'histoire et à mes enfants; je veux, si je tombe victime d'une cabale, qu'ils puissent chercher, et dans ma défense, et dans les discours de mes accusateurs, et dans les dépositions de leurs témoins, et dans celles qu'y opposeront les honnêtes gens que je pourrai invoquer aussi ; je veux qu'ils y trouvent et qu'ils en puissent faire ressortir, lorsque l'orage sera passé, mon innocence resplendissante et ma conscience noble et pure comme elle sortit des mains du Créateur. Je ne veux pas que cette dernière propriété de l'homme de bien, la réputation, puisse être opprimée et anéantie avec lui, et qu'on puisse dire froidement : « Il est mort, « les jurés l'ont condamné, donc il était cou-« pable. » Je veux qu'on puisse répondre : > Non « pas, il n'était que malheureux et calomnié. » Je veux qu'on puisse le prouver avec évidence. Citoyens philosophes, législateurs, n'enviez pas et n'enlevez pas cette résurrection aux morts vertueux.
Je veux encore pouvoir me défendre jusqu'à la dernière extrémité, même de la fureur des partis. Je veux pouvoir poursuivre le calomniateur et faire punir le faux témoin. Comment le pour-rai-je, si sa déposition n'est pas écrite, s'il peut nier demain d'avoir dit ce qu'il aura très effectivement prononcé hier?
Je veux qu'on ne m'enlève aucun des appuis que peut réclamer l'innocence outragée.
Il y aura deux jurés, celui d'accusation, celui d'iustruction. Si dans celui d'uccusation, un témoin m'a élé favorable, et s'il est mort avant le travail du second juré, je ne veux pas être privé de l'assistance de c>- témoin plus voisin du fait ; je veux que ses dépositions suieut constatées dans la première procédure, et puissent étayer ma défense dans la secunde.
Enliu si je suis appelé à témoigner moi-même dans un procès où l'innocence aura succombé, je ne veux pas que les parents, que les amis de l'infortuné puissent croire ou supposer que j'ai contribué à sa perte. Je veux devant eux, je veux devant tous mes concitoyens, me couvrir de la fidélité de ma déposition, je veux pouvoir leur dire : « Voyez le registre, en voici l'extrait, voilà « ce que j'ai raconté, voilà comme j'ai vu les « faits, et de quelle manière je les ai exposés aux « jurés. »
Si tous ces remparts pour l'accusé, pour les témoins,ne sont pas au nombre des droits les plus précieux de l'humanité, au nombre de ceux dont la société ne doit jamais permettre qu'il soit privé, je n'ai aucune idée de ce que c'est qu'une société politique; et l'état sauvage où tous les individus d'une famille se considèrent, s'appuient et se vengent : cet état de guerre, tuut barbare qu'il est, me semblerait préférable, car du moins il présenterait l'égalité et la réciprocité.
Que l'on prenne la forme des dépositions orales, qu'on n'écrive rien, et bientôt le crime ou l'in-noceuce Lie seront plus daus les actions, mais seulement dans les opinions : à Montauban, les aristocrate s et les fana iques feront pendre impunément les démocraies et les philotophes; à Paris ou a Rennes le cas inverse pourrait arriver.
A cela, que répond M. Duport? Il dit « que l'on « ne peut pas tout écrire, que dans une procé-« dure éci ite, les jures et le greffier auraient trop « d'influence; » il croii être encore dans son parlement, commissaire isolé d-ctanl à un greffier en titre d office. Et où dii-il cela ? où allègue-t-il celte prétendue impossibité de tout écrire ? à la tribune de l'Assemblée nationale, devant six tachy-
graphes qui écrivent jusqu'aux moindres syllaites, jusqu'aux virgules et aux points interrogatifs ou admiratifs de son discours ; qui ont écrit et publié mot pour mot tout ce qui s'est passé dans la séance où l'abbé de Barmont a paru à la barre.
Quoi ! l'art de la tachygraphie est connu, il commence à devenir commun, il est très facile à répandre; on peut avec de la méthode, une dépense presque nulle, une gradation d'instruction irès simple former en 6 mois 10,000 tachygraphes, et c'est dans ce moment qu'on vient nous dire, « qu'il est impossible d'écrire les dépositions des « témoius; qu'il faut rétrograder vers la bar-« barie, et faire nos procédures comme on les « faisait avant que le bel art de l'écriture, dont « la tachygraphie est le complément, eût été « inventé. »
Oui, certes, il ne pas faut se borner à écrire les dépositions des témoins; il faut écrire aussi les réponses de l'accusé, les conseils de son défenseur, tout ce gui sert à charge, à décharge, à conviction, à justification, tous les dialogues qui font l'instruction du procès; et quand il n en Coûte que la peine de les écouter et que le salaire de quel-, ques tachygraphes, il n'y a que dans le pays des despotes ou dans celui des tigres, que l'on pourrait refuser aux accusés et aux témoins cette sûreté réciproque. Avec le secours de la tachygraphie, elle ne consumera aucun temps et n'occasionnera qu'une si faible dépense, qu'il faut avoir honte d'en parler lorsqu'il s'agit d'assurer à l'innocence l'avantage de dormir en paix, et la certitude que son honneur au moins demeurera pour toujours à la garde du temps et des lois.
Je laisse aux jurisconsultes, au profond, au savant, au lumineux Tronchet, à l'ingénieux Pru-gnon, au sagace et au courageux Préfeln à revêtir ces vérités de toute la force de leurs raisonnements, de toute la sagesse de leurs observations, de tout le poids de leur expérience. Je ne suis ^pas de leur utile profession. Je n'ai sur cette matière que les lumières communes à tous les citoyens; mais par bonheur, elles sont tellement communes qu'elles suffiront peut-être pour nous préserver, dans cette occasion importante, des abus de l'esprit et du danger de porter dans la procédure criminelle un despotisme arbitraire et la tyrannie féroce de l'opinion du moment, sans lui laisser aucune trace ni aucun moyen de responsabilité, pas même devant le tribunal tardif, irréfragable de la postérité et de l'histoire.
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures l/£ du matin (1).
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
Il est ensuite donné connaissance à l'Assemblée d'une adresse de plusieurs notables de la municipalité de Màcon, relatives à quelques discus-
sions survenues entre eux et la municipalité de ladite ville.
Messieurs, M. de Barrai, évêque de Troyes, a notifié au directoire du département de l'Aube sa démission. Le procureur général syndic allait, en conformité de vos décrets, assembler les électeurs pour procéder à l'élection d'un nouvel évêque; mais M. de Barrai a annoncé qu'il avait un héritier à l'évêché ; que cet héritier était M. de Barrai, son neveu , actuellement errant et fugitif en Savoie. Il s'agit de savoir, Messieurs, si, contre la disposition de vos décrets, un coadjuteur peut être ressuscité dans le nouvel ordre et s'il peut hériter du siège de son oncle. Vous vous rappelez que, dans le nouvel ordre, il est décrété : 1® Que, ne reconnaissant pour fonctionnaires publics ecclésiastiques que des évêques et leurs'vicaires, des curés et leurs vicaires, vous avez aboli tout autre espèce de dignité ; 2° qu'en cas de vacance, soit par mort ou démission, tout fonctionnaire public ne serait remplacé que par la voie d'élection. Or, dans un instant où le peuple s'est ressaisi de ses droits les plus sacrés, l'Assemblée pourrait-elle reconnaître un coadjuteur? Je crois que la question est trop simple pour être discutée. Un membre. D faut renvoyer cette affaire au comité ecclésiastique.
On dit qu'il avait pris possession; mais tous les évêques que vous avez supprimés avaient pris possession ; tous les dignitaires que vous avez supprimés avaient également pris possession : ainsi on ne peut invoquer dans cet instant cette prise de possession. Je demande que l'Assemblée décrète que le procureur général syndic du département de l'Aube fera incessamment assembler les électeurs à l'effet de procéder à l'élection d'un nouvel évêque, d'après la démission qu'a donnée M. l'évêque de Troyes.
Lorsque vous avez voulu conserver les titres de plusieurs charges , vous n'avez entendu toucher aucun des droits qui étaient acquis à ceux qui en avaient été pourvus. De là, il me parait résulter que les coad-juteurs des évêques conservés qui avaient des titres, qui avaient pris possession et qui étaient en exercice, doivent conserver la totalité de leurs droits et qu'il ne peut y avoir ouverture à la nomination qu'après le décès ou la démission de ces coadjuteurs.
(de Saint-Jean-d'Angély). Il ne peut pas y avoir de difficulté : je pense qu'on ne doit pas mettre en problème ce qui existe, ce qui est consacré par vos décrets. Je demande donc qu'on passe à l'ordre du jour. (L'Assemblée, consultée, décide qu'elle passe à l'ordre du jour.)
UDe députation de six communautés , entre autres une d'Issy-l'Evêque , demande à être admise à la barre pour demander l'élargissement de M. Carillon, détenu, à ce qu'on prétend, au Châtelet. (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) L'ordre du jour est la discussion du projet de
décret sur les visa et reconnaissances à déliv rer pour les objets admissibles au payement des domaines nationaux (1).
,rapporteur du comité d'aliénation, donne lecture du projet de décret de ce comité.
Je ne crois pas qu'on puisse adopter le décret tel qu'il vous est proposé, car il me paraît qu'il faut l'examiner en entier. Je crois que le projet du comité de liquidation a été d'amener le prix des cautionnements de finances en même temps que les offices de finances, à l'acquisition des domaines nationaux. J'observerai que, par les formes prescrites dans le projet de décret, il est extrêmement difficile d'espérer que l'on atteigne le but désiré ; car on vous propose que l'emploi de ces fonds d'avances ne puissent être que ae la moitié des fonds des cautionnements.
Je me permettrai l'examen de s articles subséquents, parce qu'ifs peuvent in fluer sur l'article 2. Cette disposition essentielle est celle de donner la faculté aux propriétaires de cautionnements de finances de prendre moiti é de leur cautionnement en récépissés, lesque 1 s peuvent être employés en acquisition des domaines nationaux ; mais il résulte de cette disposition que ces propriétaires peuvent, au préjudice de leurs créanciers, dénaturer le titre de confiance qu'ils leur avaient donné. La plupart des financiers avaient l'usage d'emprunter, en tout ou partie, leur cautionnement, afin d'être plus libres de leurs fonds.
Ainsi, dès lors que vous leur ouvrez la faculté de venir acquérir d es domaines nationaux avec les récépissés qu'ils prendront, et que vous ne portez aucun empêchement à ce qu'ils ne remboursent pas leurs prêteurs, vous faites courir des risques aux créanciers et peut-être pouvez-vous opérer leur ruine. Prenez le moyen que vous avez pris p our les compagnies de finances, donnez-leur la'-acuité d'acquérir pour moitié de leur finance, en justifiant de la propriété.
D'un autre côté, j'observerai qu il est encore dit que ces récépissés ne pourront être employés en acquisition de domaines nationaux que pour moitié de la somme énoncée, et que cependant l'intérêt de la somme entière cessera. Cette précaution deviendrait à son tour nuisible aux propriétaires des cautionnements des finances, parce que si vous faites cesser l'intérêt de leur cautionnement à l'instant où vous leur donnez ces récépissés et qu'ils ne puissent en employer que moitié, il se trouve que la moitié de leurs fonds est employée en acquisition d'immeubles, l'autre moitié reste dans leurs mains. Comment voulez-vous que les créanciers continuent d'avoir confiance en eux jusqu'au remboursement, puisque d'un côté, ils n'auront que moitié d'acquisition en domaines nationaux et que l'autre moitié j reste en récépissé dont ils ne peuvent faire aucun usage ?
Je crois donc qu'il faut se réduire à proposer que /es cautionnements de finances soient admis à l'acquisition des domaines nationaux jusqu'à la concurrence de moitié, et, si vous voulez porter la précaution encore plus loin* c'est de dire que ces domaines nationaux qu'ils acquerront, seront par privilège obligés à toutes manutentions suivant l'intention de vos décrets.
,rapporteur. Le préopinant n'a pas fait attention au décret; car il dit ce qu'il demande.
La seule difficulté qui paraît s'élever, c'est que le préopinant voudrait, en attendant que ses fonds d'avance3 ou de cautionnements fussent employés à des acquisitions de domaines nationaux, que les reconnaissances provisoires portassent intérêt comme on l'a décrété pour Jes offices de judicature. Ceci est un amendement à former lorsque nous discuterons l'article 1er ; au moyen de quoi je ne vois pas qu'on doive hésiter à discuter le projet article par article.
(de Saint-Jean d'Angély). Vous autorisez le fermier général à acquérir des biens nationaux pour moitié des 500,000 livres de cautionnement et vous lui donnez une reconnaissance par laquelle les 250,000 livres restantes seront payées à une époque quelconque. Prenez garde que le créancier, qui a un billet exigible d'un fermier général, ne perde, vous dit M. de Cernon, parce qu'il n'aura que la faculté de se pourvoir contre le fermier qui, au lieu de 500,000 livres, en aura une reconnaissance de 250,000 livres, et, de l'autre côté, un bien-fonds de la même somme.
Non pas.
(de Saint-Jean-d'Angély.) Pardonnez-moi ; il ne pourra pas payer à ses créanciers la somme qui est exigée, mais ils pourront le poursuivre. L intérêt des individus, des employés, assure que celui de leur créancier ne sera pas compromis, parce que s'ils s'avisaient d'acquérir des domaines nationaux et de rester à découvert d'une somme considérable, ils n'en seraient pas moins poursuivis par Jes créanciers qui ne seraient pas obligés de recevoir l'hypothèque. Je crois l'article proposé par le comité infiniment sage et je pensé qu'il faut délibérer article par article sur le projet de décret.
,rapporteur. Dans l'article 6, il est dit que l'on pourra former des oppositions : on ne peut donc pas toucher le montaut du cautionnement sans que les créanciers soient avertis. Il est dit que l'opposition formée sera transportée Sans innovation sur des immeubles acquis ; mais il n'est dit nulle part et il n'aurait pas été juste de dire que l'opposition faite pour un billet échu deviendrait une constitution de rente. Dans l'article 8, le comité a dit : Les financiers pourront former opposition sur eux-mêmes à cause de la réception des récépissés. En effet, Messieurs, vous savez que la plupart des financiers, en donnant des récépissés sur leur cautionnement, joignaient des billets souvent au porteur pour les intérêts annuels, et, lorsque l'on fera opposition, on rapportera le récépissé ; mais il faut en même temps que l'on rapporte les billets d'intérêt. Voilà pourquoi le comité dit que le propriétaire du cautionnement ferait opposition sur lui-même, à cause du récépissé, afin qu'on ne pût pas payer le récépissé sans rapporter les billets d'intérêt, L'article 11 porte expressément que les intérêts cesseront jusqu'à concurrence des sommes portées dans la reconnaissance dont les intérêts continueront pour le surplus. M. de Cernon a
demandé de plus que les propriétaires des fonds d'avances ou cautionnements fussent autorisés à employer la totalité de leur cautionnement, comme étant un objet inutile dans la liquidation des domaines nationaux. Gela n'est pas juste dans le moment actuel, et voici pourquoi : les compagnies de finances ne sont pas encore totalement anéanties et, quoique les emprunts de fonds d'avances ne soient que de véritables anticipations, on pourrait leur dire : Il ne vous est rien dû tant que la compagnie de finances subsiste; un fermier général ne peut pas retirer ses fonds d'avances tant qu'il est fermier général, car sa convention avec l'Etat a été de donner des fonds d'avances pour toute la durée de son bail. Plusieurs membres : Aux voix !
Je n'ai pas demandé que la totalité de leurs fonds fût employée dans ce moment-ci; j'ai, demandé qu'il leur fût donné des reconnaissances et que la totalité de ces reconnaissances fût employée, afin qu'ils ne perdissent pas la totalité de leurs intérêts que vous leur faites perdre par l'article.
,rapporteur, fait lecture des articles 1 et 2. (L'article lar est mis aux voix et décrété.)
Je demande qu'incessamment il soit statué sur le remboursement des fonds des fermiers généraux : je le demande pour l'intérêt de l'Etat, à qui ces fonds sont fort à charge : nous en payons l'intérêt à 5 0/0 et la suppression n'en a été suspendue que parce que nous n'avions pas de fonds pour ces remboursements.
Je demande l'ajournement de la proposition de M. Lebrun. (L'ajournement est adopté.) (L'article 2 du projet de décret est adopté.)
,rapporteur. Voici la manière dont nous avons conçu que les reconnaissances seraient demandées. Uue personne a un fonds d'avances de 100,000 écus; elle veut payer 100,000 livres : elle demande une reconnaissance de cette dernière somme. On a raison d'en faire cesser l'intérêt, mais il ne faut pas forcer cette personne de recevoir une reconnaissance de 150,000 livres et faire cesser les intérêts de 450,000 livres, puisqu'elle n'a réellement que 100,000 livres a employer. Elle demandera la reconnaissance de la somme qu'elle voudra, pourvu qu'elle ne soit pas supérieure à la moitié. Les propriétaires desdits fonds d'avances remettront les originaux de leur titre de propriété entre les mains du commissaire du roi, directeur général des liquidations.
(de Saint-Jean-d'Angély). Je voudrais qu'on ajoutât : « Après avoir énoncé lé montant entier desdites créances, le directeur général désignera la portion inférieure à cette moitié admissible quant à présent à l'acquisition de domaines nationaux. » Les propriétaires qui voudront demander leurs reconnaissances en donneront leur reçu lorsqu'elles leur seront remises, de manière qu'un homme qui aurait, par exemple, la faculté de demander 50,000 écus et qui n'aura demandé que 100,000 livres, pourra se représenter pour demander une reconnaissance jusqu'à concurrence de la moitié.
,rapporteur. Il n' y a qu'à ajouter : c Sauf à se représenter pour demander d'autres reconnaissances jusqu'à concurrence de moitié. » (Cette disposition est adoptée ainsi que les articles 3 et 4.)
(de Saint-Jean-d'Angély). L'article 5 porte que la forme des reconnaissances sera concertée entre le comité de l'Assemblée nationale pour l'organisation de la direction générale de liquidation et le commissaire du roi en cette partie. Je ne demande pas pourquoi cela est porté dans l'article ; mais je propose que cela ne soit pas décrété.
,rapporteur. J'adopte cette proposition. (L'article 5 est supprimé.) (Les articles 6, 7 et 8 sont décrétés.)
J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée, à propos de l'article 9, que les conservateurs des rôles ne veulent pas encore délivrer de certificats. Par votre décret du 30 octobre 1790, vous avez déclaré que tout créancier pouvait former son opposition dans les six semaines à compter de la publication du décret ; le décret a été sanctionné le 5 novembre. Cependant les conservateurs des rôles des hypothèques veulent qu'on leur remette un certificat de cette publication. Il faut déterminer, par une loi précise, de qui il faut obtenir ce certificat : si c'est du directoire du département où l'office de judicature s'exerçait, ou dans lecbef-lieu delà municipalité où résidait l'officier supprimé.
Il me semble, monsieur le rapporteur, qu'M manque quelque chose dans votre article. Vous y dites que les certificats d'opposition ou de non-opposition une fois délivrés, on ne pourra former de nouvelles oppositions. C'est bien vague ; il faut indiquer un terme au delà duquel il ne pourra plus être formé d'oppositions nouvelles.
(de Saint-Jean-d'Angély). Voici pourquoi l'article a été conçu ainsi : C'est que l'opposition ne se forme pas dans les mains de celui qui délivre la reconnaissance, de manière que si vous admettiez la faculté de faire toujours une opposition à ladélivrance de la reconnaissance, jamais votre commissaire-liquidateur ne pourrait délivrer en sûreté la reconnaissance, parce qu'il serait possible que dans l'espace de temps même pour aller du palais chez lui, il y eût une nouvelle opposition.
Voici le motif de mon observation : On vous a déjà expliqué qu'il serait injuste, dans les transports de fonds, que les propriétaires du transport de fonds ne pussent pas les réclamer au moment où ils sont délivrés et qu'ils fussent obligés d'en suivre l'emploi sur les immeubles. D'après votre article, il est clair que si vous n'admettez pas mon observation, moi, propriétaire de transport de fonds n'étant point admis à faire l'opposition dans un délai fatal à la reconnaissance que vous donnez au propriétaire du cautionnement, je n'ai plus à faire valoir aucun droit d'hypothèque sur l'emploi de la reconnaissance.
,rapporteur. Il vous reste l'autre moitié.
Je demande qu'on rappelle le délai.
,rapporteur. Le premier délai était de six semaines et il est expiré. Ce décret a été sanctionné le 5 novembre; tous les opposants qui ne se sont pas présentés sont en retard.
Fixez le terme d'un nouveau délai.
Vous n'avez pas annoncé que les propriétaires de fonds d'avances pourraient employer ces fonds à l'acquisition de domaines nationaux. Ce n'est donc que d'aujourd'hui que les créanciers sont autorisés à faire leur opposition.
Il s'agit d'offices supprimés; or, dans le décret du 30 octobre vous avez accordé un délai. Pourquoi derechef en solliciter un autre?
,rapporteur. Avant que le décret soit sanctionné, on aura le temps de faire opposition.
(Les articles 9 et suivants sont décrétés.)
Le projet de décret est adopté dans ces termes:
« L'Assemblée nationale, voulant déterminer la forme du visa requis par
les articles 4 et 11 du décret du 7 novembre dernier relatif aux fonds
d'avances ou cautionnements non comptables, et par l'article dernier du
décret du 16 décembre, relatif aux rentiers du ci-devant corps du
clergé, pour admettre ces différentes créances en payement de domaines
nationaux, décrète ce qui suit : Art. 1er.
« Le commissaire du roi, directeur général de la liquidation, est substitué aux commissaires de l'Assemblée nationale, qui devaient délivrer le visa exigé par les décrets ci-dessus datés, duquel visa l'Assemblée nationale s'était réservé de déterminer la forme.
Art. 2.
« Les fonds d'avances ou cautionnements des régisseurs généraux , des administrateurs des domaines, des fermiers généraux, des administrateurs de la loterie, et des employés desdites compagnies, leurs caissiers et receveurs exceptés, seront admissibles en payement de domaines nationaux, dans la forme et la proportion qui vont être déterminées. Art. 3.
« Les propriétaires desdits fonds d'avances ou cautionnements, remettront les originaux de leurs titres de propriété entre les mains du commissaire du roi, directeur général de la liquidation, lequel leur donnera en échange une reconnaissance de finance, dans laquelle, après avoir énoncé le montantentier des fonds d'avances et cautionnements, le directeur général désignerê soit la moitié admissible, quant à présent, en payement des domaines nationaux, soit telle autre somme inférieure à la moitié pour laquelle la reconnaissance sera demandée. Les propriétaires qui auront demandé les reconnaissances, en donneront leur reçu lorsqu'elles leur seront remises, et ils auront la faculté de se représenter pour obtenir de nouvelles reconnaissances, jusqu'à l'épuisement de la moitié du total. Art. 4.
« Ces reconnaissances seront admises en payement de domaines nationaux, pour la somme pour laquelle les propriétaires les auront obtenues. Les receveurs des districts dans l'étendue desquels auront été faites les acquisitions, ou le trésorier de l'extraordinaire, rempliront, à l'égard desdites reconnaissances, les mêmes formalités qui ont été prescrites par le décret du 30 décembre dernier, à l'égard des reconnaissances de finances d'office. Art. 5.
« Les propriétaires de fonds d'avances, finances ou cautionnements, désignés dans l'article 2, joindront à leurs titres originaux un certificat des receveurs généraux respectifs des compagnies, entre les mains desquels se formaient les oppositions, significations de transports ou saisies, portant qu'il existe quelques-uns de ces actes entre leurs mains, ou qu'il n'en existe point : s'il y a des transports signifiés, les reconnaissances ne pourront être délivrées qu'aux personnes en faveur desquelles le transport aura été fait : s'il existe des oppositions ou saisies, le nom des opposants ou saisissants, la date et la cause de l'opposition ou de la sa sie seront énoncées dans lesdits certificats; elles le seront également dans les reconnaissances à délivrer; et l'effet des oppositions et saisies sera transporté, sans no.vation, et sans qu'il en résulte aucun retard pour l'acquit des termes des obligations, sur les domaines nationaux, au payement desquels les reconnaissances auront élé employées, suivant qu'il est porté aux décrets des 30 octobre, 7 novembre et 30 décembre derniers. Le privilège du Trésor public subsistera dans son intégrité pour raison des répétitions ou créances qu'il pourrait avoir à exercer par le résultat des liquidations définitives, les reconnaissances mentionnées dans les précédents articles ne pouvant être regardées que comme provisoires à l'égard du Trésor public. Art. 6.
« Les employés des compagnies de finance dénommées en l'article 2 fourniront au directeur général de la liquidation un consentement ou déclaration délivré par leurs compagnies respectives, pour constater que leur cautionnement est libre de toute comptabilité. Art. 7.
« Les régisseurs généraux, administrateurs des domaines et de la loterie, et les fermiers généraux pourront former opposition sur eux-mêmes, pour arrêter le payement, soit des récépissés qu'ils auraient déposés ou remis aux personnes qui leur auront prêté des fonds, soit des transports qu'ils auraient consentis ; et en ce cas, la reconnaissance demandée sur les récépissés ou sur les transports, ne sera délivrée qu'en présence de l'opposant, ou sur son consentement donné par acte authentique. Art. 8.
« Les propriétaires des rentes dues par le ci-devaut clergé, et ceux des offices supprimés, joindront pareillement à leurs titres, un certificat des conservateurs des oppositions et gardes des rôles portant ou qu'il n'existe point d opposition, Oq qu'il en existe de la part des personnes, et pour les causes qui seront énoncées dans le certificat
Art. 9.
« Les certificats d'opposition ou de non-opposition étant une fois délivrés , il ne pourra plus être formé d'opposition nouvelle, à l'effet d empêcher la délivrance des reconnaissances à employer au payement des domaines nationaux; mais lesdites oppositions auront leur effet lors de la liquidation définitive, pour les valeurs qui n'auront point été comprises daus lesdites reconnaissances, et sauf aux créanciers à faire valoir dans tous les cas, conformément aux décrets de l'Assemblée nationale, leurs droits sur les domaines acquis par leurs débiteurs. Art. 10.
« Les intérêts ou arrérages des créances mentionnées en l'article 12 et pour raison desquelles il sera délivré des reconnaissances, cesseront du jour de la date desdites reconnaissances, jusqu'à concurrence des sommes pour lesquelles les reconnaissances auront été obtenues ; il sera fait rejet des intérêts ou arrérages desdites sommes portées aux reconnaissances par tous receveurs, payeurs ou trésoriers, lesquels en feront mention sur les titres desdites créances : à 1 égard de l'intérêt des reconnaissances données pour des finances d'offices, l'article 8 du décret du 30 octobre dernier continuera d'être observé dans les termes dans lesquels il est conçu. Art. 11.
« Les reconnaissances délivrées par le commissaire du roi, directeur général de la liquidation, lui seront rapportées en original, lors de la liquidation définitive, avec les certificats ou mentions que les receveurs de district ou le trésorier de l'extraordinaire, aux termes du présent décret et de celui du 30 décembre, auront mis sur lesdites reconnaissances, pour constater les sommes pour lesquelles elles auront été reçues en payement de domaines nationaux. En procédant à la liquidation définitive, il sera l'ait mention, dans l'acte de liquidation, des sommes déjà employées par le propriétaire, en acquisition des domaines nationaux. La reconnaissance de liquidation définitive ne vaudra que pour l'excédent. Art. 12.
» Le trésorier de la caisse de l'extraordinaire aura, parmi les livrés auxiliaires qu'il est obligé de tenir, un livre auxiliaire particulier, contenant les payements faits, soit par le moyen de l'emploi des reconnaissances mentionnées aux précédents articles, soit par la remise de tous autres titres admis, aux termes des décrets de l'Assemblée nationale, en payement des domaines nationaux. Art. 13.
« Les articles ci-dessus seront communs aux propriétaires de contrats de rentes sur le clergé, qui voudront user de la faculté à eux accordée par le décret du 16 décembre dernier ; mais les reconnaissances qui leur seront délivrées, seront, aux termes dudit décret, de la totalité du capital au denier 20 des rentes énoncées auxdites reconnaissances ; et au moyen d'une quittance valable donnée par le propriétaire de»dites rentes, au pied de leur contrat, la liquidation sera définitive et vaudra remboursement. Art. 14.
«Le délai accordé par l'article 14 du décret
du 30 octobre dernier, sanctionné Je 5 novembre suivant, pour former opposition sur les offices supprimés, étant expiré, les conservateurs des hypothèques et gardes des rôles seront tenus de délivrer, aux parties qui le requerront, les certificats des oppositions existantes, ou le certificat qu'il n'existe point d'oppositions, sans pouvoir exiger la preuve des publications particulières du décret dudit jour, qui ont dû être faites dans les divers départements. »
,rapporteur du comité d'aliénation, présente un projet de décret relatif à l'exécution du décret du 16 décembre 1790, qui déclare la dette constituée du ci-devant clergé amortie, en ce qui appartient à des corps et communautés ecclésiastiques.
Il faudrait, à l'article 4, dire : « Le remboursement ou extinction des contrats de rente sur le clergé... », parce qu'on a oublié ce qui a rapport aux collèges.
,rapporteur. J'accepte cette rédaction. (Cette rédaction est décrétée.)
Je demande que M. le rapporteur veuille bien ajouter les créances du ci-devant clergé tant en corps qu'en particulier.
,rapporteur. L'Assemblée nationale a décrété le remboursement suivant certaines formes des renies constituées par le ci-devant corps général du clergé. Quant aux rentes du clergé en particulier, elle a voulu, avant de rien statuer sur cet objet, qu'elles fussent reconnues par les directoires de district et de département. On continuera à en payer les intérêts, si elles sont remboursables; mais on ne peut rien statuer qu'elles n'aient été reconnues.
(L'observation de M. d'Estourmel n'a pas de suite.)
Le projet de décret est adopté dans ces termes (1) :
« L'Assemblée nationale voulant, qu'il soit procédé à l'exécution du décret du 16 décembre dernier, qui déclare la dette constituée du ci-devant clergé amortie, en ce qui appartenait à des corps et communautés ecclésiastiques, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les contrats de rente sur le ci-devant clergé, qui ont été ou seront remis aux municipalités^ directoires de districts et départements, lors des inventaires, ou lors de toutes autres opérations faites relativement aux biens dont jouissaient lesdits corps et communautés ecclésiastiques, seront envoyés sans délai aux trésoriers de l'extraordinaire. Art. 2.
« Les contrats sur les aides et gabelles, ou sur toutes autres parties
des revenus de l'Etat, billets de loterie, actions de la Compagnie des
Indes, et autres effets de semblable nature, en nom ou au porteur, qui
se sont trouvés ou se trouveront lors des inventaires et opérations
mentionnés en l'article 1er seront pareillement
« A mesure que lesdits contrats et effets arriveront à la Caisse de l'extraordinaire, ils seront estampés d'un timbre portant le mot annulé et chaque mois l'état des contrats et effets ainsi annulés sera rendu public par la voie de l'impression, d'après le procès-verbal qui en aura été dressé en présence des commissaires de l'Assemblée nationale ; il sera ensuite procédé au brûlement desdits effets, en présence des mômes commissaires. Art. 4.
« Le remboursement ou extinction des contrats de rente sur le clergé, et autres effets remboursables qui pourraient appartenir à des établissements dont la vente des biens a été ajournée par le décret du 23 octobre dernier, seront suspendus ; mais les arrérages et intérêts continueront à en être payés auxdits établissements. Art. 5.
« A l'égard des autres créanciers du ci-devant corps du clergé par contrats des emprunts de 1780 et 1782, dont l'Assemblée nationale a décrété qué le remboursement serait fait dans la présente année à ceux qui le demanderaient, ils seront tenus de se présenter dans le cours de cette année : ceux qui auront laissé passer ce terme ne seront plus recevables à demander leur remboursement, et leur rente continuera à leur être payée comme par le passé. »
Je prie l'Assemblée de vouloir bien ordonner à son comité des recherches de lui rendre compte ce soir d'une affaire d'un malheureux avocat de Toulon, M. Granet, qui est au cachot depuis l'assassinat de M. Pascalis, parce qu'on a trouvé dans les papiers de ce dernier une lettre de ce jeune homme dans laquelle votre comité vous assure qu'il n'y a aucune trace de contre-révolution. Il est cependant détenu au cachot; on l'empêche de communiquer avec ses parents; il est malade. Je demande qu'on rende compte ce soir de son affaire.
Le comité n'a rien vu qui parût inculper ce citoyen; mais, par un décret de l'Assemblée, elle a ordonné que toutes les pièces de l'affaire qui se suit à Toulon seraient envoyées au comité qu'elle a chargé de lui faire ce rapport. Si l'Assemblée veut que le comité lui fasse Son rapport sur cette affaire, il est d'une indispensable nécessité d'attendre des informations oui ne sont pas encore arrivées ; ou, si l'Assemblée le veut, lé comité lui fera un rapport sur les premières pièces qui ne paraissent pas inculper ce jeune homme.
En attendant, il ne faut pas que ce malheureux citoyen, sur le compte duquel on ne trouve rien à redire que des traits d'imprudence, gémisse plus longtemps dans les fers; car il gémit dans les fers, puisqu'il est dans un cachot. Je demande que l'Assemblée ordonne que provisoirement il soit mis au civil dans une chambre.
Le rapport de M. Voidel est fait, dès que M. Voidel vous certifie qu'il n'y a aucune charge. Le rapport est complet et je demande que vous décrétiez la liberté de ce citoyen, ou bien vous irez contre tous les droits de l'homme.
Je désire plus que personne que la liberté soit rendue à M. Granet, d'autant plus que l'Assemblée, sur les pièces qui lui seront envoyées, se convaincra de sa parfaite innocence. Mais je remarque qu'il y a une information commencée à Toulon, une autre à Marseille, une troisième à Aix. Ces informations seiiennent toutes; elles ont toutes rapport à un projet de contre-révolution. 11 est du plus grand intérêt qu'elles eoient connues de l'Assemblée, avant qu'elle prenne aucun parti. Cependant il est de sa justice d'ordonner que l'on 6e relâche de la rigueur avec laquelle on traite ces prisonniers tant à Marseille qu'à Toulon et à Aix, et qu'un se conforme, à leur égard, à l'esprit de vos décrets envers les accusés dont la sûreté publique exige la détention. On refuse tout aux prisonniers dont je parle : papier, encre, communication, conseil. Je demande que le comité des recherches fasse son rapport sur cet objet et je m'engage à lui remettre des pièces qui y jetteront le plus grand jour.
Je suis de l'avis de M. d'André dans la première partie de sa motion; mais je n'en suis point dans la seconde. Il n'est pâs nécessaire d'un rapport du comité des recherches, puisqu'il ne s'agit pas d'élargissement. Je demande donc que, dans le moment même et sans entendre aucun rapport, l'Assemblée veuille bien décréter que son président se rendra auprès du roi et le priera dé donner incessamment des ordres pour que les accusés détenus dans les prisons soient traités avec douceur et humanité, conformément aux principes et aux décrets de l'Assemblée.
Je me rallie à l'avis de M. Chabroud et j'observe que toutes les pièces de la procédure contre M. Granet ont été envovées. Elles se réduisent à deux lettres dont l'une, pleine d'enthousiasme et d'attachement pour M. Pascalis, et l'autre parsemée d'injures contre un particulier : voilà tout ce qu'il y a.
Qu'oh traite les prisonniers avec humanité, cela est juste; mais vous ne pouvez pas prendre des mesures d'humanité pour tel ou tel prisonnier en particulier. Vos mesures doivent être générales. Tout ici doit se borner, suivant moi, à charger votre président d'écrire aux corps administratifs pour leur rappeler l'article de la déclaration des droits de l'homme qui veut qu'on n'emploie à l'égard des prisonniers que des précautions nécessaires pour qu'ils n'échappent pas à l'examen légal auquel leur conduite est soumise.
J'insiste pour que ma proposition soit mise aux voix. Un membre. Il est étonnant que presque aucun de nos décrets ne soit exécuté sans un nouveau décret d'exécution. Je demande quel est le commissaire du roi chargé de l'instruction d'Aix, qui laisse ainsi torturer des prisonniers, malgré la teneur de vos décrets I Gela fait voir combien nous
avons besoin des jurés. Je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
Nous connaissons tous les malheureux événements d'Aix, et nous savons que les commissaires du roi n'ont pas encore pu reprendre toute l'autorité et toute l'énergie qu'ils doivent avoir pour faire exécuter les lois. Comment, dans ces circonstances, peut-on se refuser à une mesure aussi sage, aussi humaine que celle de prier le roi de donner "des ordres pour faire vérifier les plaintes dont il s'agit, et faire traiter les prisonniers avec les égaras que commande la loi ?
Il ne faut pas préjuger que les prisonniers d'Aix sont maltraités, jusqu'à ce que vous en soyez bien informés ; j'appuie la proposition de M. Chabroud, à condition que le décret sera rédigé de manière à ne pas improuver les municipalités. L'Assemblée, consultée, décrète ce qui suit : « L'Assemblée nationale, sur la dénonciation qui lui a été faite, que les personnes détenues dans les prisons d'Aix, de Toulon et de Marseille, en suite des derniers troubles qui ont eu lieu à Aix, se plaignent d'y être traitées avec dureté; « Décrète que le roi sera prié de donner des ordres pour que les plaintes dont il s'agit, soient vérifiées, et pour que tous les prisonniers soient traités avec les égards dus à l'humanité, et conformément à la loi. »
demande un congé de quinze jours. L'Assemblée le lui accorde. L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les jurés. La discussion s'ouvre sur le titre II relatif à la formation du tribunal criminel.
,rapporteur. Messieurs, la question sur laquelle vous avez actuellement à prononcer, est celle-ci. Y aura-t-il un seul tribunal criminel par département? L'affirmative forme Je premier article du titre II de la formation du tribunal criminel. L'opinion publique agit avec d'autant plus de force, qu'elle est moins partagée ; ce serait détruire son action que de trop multiplier les tribunaux, qui ont principalement besoin de sa surveillance. Si on établissait un tribunal criminel dans chaque district, il en résulterait aussi l'inconvénient de multiplier le nombre des accusateurs publics, d'affaiblir leur caractère, et de les rendre moins étrangers à toutes les affections locales : il y aurait une disproportion sensible entre le nombre des juges criminels, la nature de leurs fonctions et l'étendue de leur juridiction. Dans un district, il peut se passer plusieurs mois, et même une année entière, sans qu'il se présente une seule affaire criminelle. Il est impossible que des juges, qui exerceraient si rarement leurs fonctions, pussent acquérir une grande expérience... Enfin, il nous a semblé que c'était une vérité presque de sentiment, que celle de croire qu'il serait inconvenant de multiplier jusqu'au nombre de 550 les lieux où la liberté, l'honneur et la vie des citoyens sont mis en question... Une forme simple et modeste convient à la justice civile, mais elle ne convient pas à ces grands établissements qui doivent juger entre la société et les individus... Je demande que la discussion se borne à la question de savoir s'il y aura un seul tribunal criminel par département.
J'ai examiné avec la plus sévère altention le projet d'un seul tribunal criminel par département; j'y ai trouvé des inconvénients majeurs et pas l'ombre d'un avantage. Le premier inconvénient que présente, à mes yeux, la proposition du comité de Constitution, est celui du déplacement des juges. Si vous obligez les cinq juges de chaque district à aller successivement au chef-lieu du département pour y former le tribunal criminel,vous priverez successivement chaque district, pendant un certain temps, de ses juges ; ou bien il arrivera que les jugements criminels seront confiés à des suppléants de juges, c'est-à-dire à des hommes qui n'ont la confiance publique qu'au second ordre. Je ne parle pas des dépenses, mais je remarque que l'office des juges criminels, après le verdict du juré du jugement, se réduit à très peu de chose; que chaque affaire, l'une dans l'autre, ne leur emploiera pas plus d'un jour. Ainsi, en supposant qu'il y ait, par an, 60 affaires criminelles dans un département, on voit que les juges criminels ne seraient occupés que deux mois dans l'année... Un autre inconvénient, c'est celui du déplacement des témoins, éloignés souvent de 40 lieues du chef-lieu de leur département. Combien est-il de personnes à qui, soit à cause de leur âge, soit à cause de leurs infirmités, un pareil voyage serait impossible? L'inconvénient du déplacement des jurés sera bien plus grave, puisqu'ils ne seront pas payés. On vous propose d'appeler à la fonction de juré tous ceux qui payeront 10 livres d'imposition; mais dans les pays où les propriétés foncières payent le sixième, tel homme a 10 livres d'imposition et n'a que 60 livres de revenu, voulez-vous obliger cet homme à des déplacements? Parmi les jurés, il s'en trouvera beaucoup qui n'inspireront pas la confiance, qui seront récusés et rayés de la liste; les honnêtes gens seuls y resteront. L'éloignement du tribunal serait donc en quelque sorte une taxe établie sur la probité. Comme les choses soumises au calcul de l'intérêt personnel font plus d'impression sur les hommes que les raisonnements et les vues d'utiiié publique, les inconvénients que je vous indique donneront occasion de parler contre l'institution des jurés. J'ai été frappé, en lisant le rapport de votre comité, de ne voir dans la formation du tribunal criminel qu'un tribunal de district, puisque ce seront les juges de district qui iront successivement siéger à ce tribunal criminel; puisque nous n'y trouverons que les mêmes lumières que dans les tribunaux de district; puisque ce seront les mêmes hommes, ce n'était pas la peine de faire voyager, à grands frais, les juges, les jurés et les témoins. Quand j'ai dit que le tribunal criminel ne sera autre chose qu'un tribunal de district, j'ai fait une grâce au plan du comité; car il est évident que les juges additionnels, qui compléteront ce tribunal, n'auront pas la confiance publique au même degré que les juges de district nommés avant eux, et préférés à eux pour composer les tribunaux de district ; et vous voulez que le peu pie confie sa vie et son honneur à celui à qui il n'a pas voulu confier sa fortune 1... N'ôtez-vous pas le plus grand de tous les avantages que vous avez voulu donner à l'accusé, celui d'être jugé par des hommes qui ont sa confiance? Ne
détruisez-vous pas l'effet des récusations, en lui donnant, pour juges, des jurés qu'il ne connaît pas, des jurés qui ne sont pas de son pays, qui ne connaissent ni son caractère, ni sa conduite ?... Si vous ne placez qu'un tribunal criminel par département, croyez-vous de bonne foi tenir la parole que vous avez donnée au peuple de rapprocher de lui la justice? Dans l'ancien régime, il n'y avait que le plaideur qui éprouvât l'inconvénient de l'éloignement, et les tribunaux étaient assez rapprochés. Aujourd'hui que tous les citoyens seront appelés, chacun à leur tour, à former le juré criminel, est-il proposable de n'en établir qu un par département? Je demande qu'il soit établi un tribunal criminel pour un ou deux districts.
Le projet du comité peut, à mon avis, compromettre la nature des preuves; apporter dans la décision des procédures criminelles une lenteur funeste à l'innocence et dangereuse pour le crime; arrêter les leçons salutaires de l'exemple, et compromettre enfin le repos, la dignité des juges que l'on veut transporter momentanément au tribunal criminel du département. II est assez douloureux d'avoir à déposer contre un accusé, sans être encore obligé à des voyages dispendieux dont le désagrément pourrait produire une insouciance dangereuse pour la vérité. — Voyez du reste la loi romaine; elle avait fixé à un terme court et précis l'expédition des causes criminelles, et rien n'est plus regrettable que les abus qui se sont établis en France à cet égard. Enfin, il est trois choses qu'on ne doit jamais perdre de vue dans la réforme de la jurisprudence criminelle; c'est : 1° l'ordre public, qui réclame la punition du coupable; 2° le droit de l'innocence et le respect pour l'humanité, qui veulent que les jours d'un accusé ne soient pas si longtemps empoisonnés par une incertitude presque aussi cruelle que la mort; 3° l'activité du magistrat, qui est, après l'équité, son premier devoir. Il ne faut cependant pas confondre cette activité avec celle qu'un ancien magistrat appelait la marâtre de la justice. L'activité a des bornes, et l'humanité les pose. Je ne parle donc que de cette activité si précieuse pour les droits de l'humanité ; il est impossible de ne pas l'enchaîner, si vous obligez les témoins et les juges à la marche tracée par vos comités. Je pense, d'autre part, que la justice doit surtout être rendue sur les lieux. Je citerai, en faveur de cette opinion. Servant, Blackstone et tous les criminalistes philosophes qui ont considéré la punition des crimes comme des exemples qui arrêtent les malfaiteurs et qui montrent partout la surveillance entière de la justice. Les observations que je viens de faire me font croire qu'il serait plus salutaire pour l'ordre public, l'intérêt de la justice, celui de l'humanité, d'établir en matière criminelle la forme des assises avec celte simplicité qui est en usage chez lt;s Anglais. Un seul juge, que vous nommeriez le président du tribunal, irait, lorsqu'il serait nécessaire, dans les districts où il y aurait des accusés à juger; il composerait son tribunal des juges du district; les jurés seraient appelés; l'instruction y serait achevée et le jugement serait prononcé. Par ce moyen, vous n'avez jamais qu'un même tribunal ; mais vous l'avez d'une manière moins onéreuse pour l'intérêt du peuple ; car tout se réduit à l'ambulance d'un individu qui remplirait les fonctions du directeur du grand juré. Je conclus à ce que le comité soit chargé de présenter incessamment un projet de jugement par assises.
La formation de vos tribunaux criminels repose, comme toutes les questions de jurés, sur le triple intérêt de l'accusé, de la société et du juré lui-même. Un crime nuit toujours à quelque citoyen en particulier et à la société entière. L'accusation peut être dirigée contre un innocent, et vous devez donner au juré tous les moyens de se soutenir. Je soutiens, sous ces rapports, que nous devons former un tribunal criminel par département, et nous garder de toute proportion moins considérable. S'il fallait réfuter les objections du préopinant, je lui dirais que nous serions peu dignes des établissements publics que la société élève pour la sûreté de ses membres, si quelques légers inconvénients, tels que ceux du déplacement de trois juges et des témoins pouvait y mettre obstacle. Dans l'ancien régime, les administrateurs publics et les grands maîtres n'éta ent-ils pas déplacés à tous les instants? Ne pouvons-nous pas faire les mêmes sacrifices pour la liberté civile ? Le déplacement des témoins est une considération fausse, puisque dans le projet du comité le juré de jugement ne peut pas se former dans le lieu où le crime a été commis, et qu'enfio, dans tous les cas, il faut que les témoins se déplacent. Quant au rapprochement de la justice et des justiciables, on ne peut l'invoquer contre un chef-lieu du département, relativement à ses districts qui en sont toujours rapprochés. D'ailleurs, c'est pour l'intérêt même de l'accusé et de la société, que Je tribunal sera placé au centre, et que les petits avantages de la justice locale doivent disparaître devant les grands intérêts de l'innocence et de d'humanité, qui seuls sont dignes de vous être présentés. Le plus grand intérêt qui me frappe d'abord est celui de l'accusé. Je tremble pour tout homme qu'on accuse ; et le législateur lui doit les premiers soins de sa prévoyance. Or, l'intérêt de l'accusé est d'avoir un tribunal incorruptible, impartial et éclairé. Pour obtenir ces avantages il est deux extrêmes qu'il est également nécessaire d'éviter. Les justices locales peuvent être facilement passionnées; les justices lointaines ordinairement sont mal instruites. Toutes les passions, et souvent des plus viles agitent un tribunal qui est sur les lieux où le crime a été commis. Les erreurs les plus dangereuses sont le partage des tribunaux placés à de grandes distances. Il est rare que la raison et la vérité soient dans les extrêmes ; je ne crois donc pas plus avantageux à l'accusé d'avoir un tribunal criminel par district que de l'avoir au milieu de trois ou quatre départements. Que ceux qui seraient tentés, par des intérêts locaux ou par des vues étroites de bien public, d'établir un tribunal criminel par district, se rendent compte d ; la différence énorme qu'il y a entre la justice civile et la justice criminelle. Que dans la justice civile, les tribunaux soient nombreux; que le juge, au civil, soit, pour ainsi dire, présent dans toutes les petites sections de l'Empire, il n'y a que des avantages à recueillir pour chaque citoyen. Des arbitres légaux, placés dans presque toutes les villes, apaisent, à tous
les instants,-les petites passions de l'avarice des citoyens et de l'intérêt des propriétaires. Cette justice civile qui ne distribue que quelques lambeaux de terre, qui fait exécuter quelques contrats, qui statue sur quelques successions ou des questions de murs mitoyens, n'a besoin que d'être juste. La majesté et la dignité tant vantée des anciens tribunaux n'était qu'un vain luxe; la dignité des tribunaux que la Constitution a établis est, dans leur justice, gratuite et incorruptible : leur majesté est dans l'élection du peuple. (On applaudit.) Combien la justice criminelle est différente dans ses rapports et dans ses intérêts I son premier soin est de résister aux passions de tous les genres, à cette passion même de bien public que la vue du crime inspire à la probité. Il lui faut aussi de la dignité, et c'est ici seulement qu'elle est une partie de la justice criminelle qui doit inspirer une terreur salutaire au crime par son appareil, plus encore que par ses jugements. Un crime est-il commis, les indices, les présomptions forment un cri vague et incertain; le nom d'un homme témérairement prononcé dans ces terribles circonstances : tout n'est que prévention, tout se change en certitude. La commotion donnée au peuple par un homme imprudent, ou par un homme pervers, se communique au tribunal qui est sur les lieux. Croyez-vous que ce soit là le moment de dresser des écha* fauds et d'assurer le triomphe des lois? Croyez-vous que, dans une petite ville, où chacun, encore exalté par ce qu'il aura entendu raconter vaguement, deviendra l'ennemi de l'accusé, un tribunal criminel et le juré qui l'entourera, soient froids et impassibles? Croyez-vous avoir travaillé par de tels établissements à la tranquillité domestique, à la sûreté intime que tout homme libre doit avoir dans sa patrie? Vous nous parlez sans cesse de la moralité de vos jurés ; vous en faites la base immuable de leur institution; donnez-leur donc un centre de moralité en les plaçant au milieu d'une réunion d'hommes assez forte pour résister aux cris insensés d'une populace effrénée ou aux clameurs intéressées de quelques accusateurs pervers; placez-les dans une ville qui, sans être trop éloignée des diverses scènes du crime, puisse connaître les mœurs et le caractère de l'accusé, et qui puisse par ses lumières, par sa distance, par sa population, laisser évaporer cette chaleur meurtrière, cette haine fanatique, que les premiers moments du crime impriment trop fortement dans les lieux témoins du délit. Obtiendrez-vous cette modération éclairée dans vos villes de district, disséminées avec tant de profusion sur la surface du royaume?... L'intérêt de la société s'unit encore à l'intérêt de l'accusé pour réclamer un tribunal criminel par département. On a vu souvent des scélérats impunis par l'atmosphère de terreur qui les environne. Ou a vu des juges assez pusillanimes pour les absoudre, et des citoyens assez lâches pour n'oser les accuser ou les poursuivre. C'est dans les campagnes surtout que le crime semblait s'ériger un domicile sous les yeux de quelques justices seigneuriales. Qui vous garantira de cette dangereuse impunité, si vous laissez vos jurés de jugement, et vos tribunaux criminels, dans les districts? Qui vous rassurera contre cet agiotage de famille, ces sollicitations de concitoyens, ces craintes même des veugeances locales*, qui ne manqueront point d'exister si vous ne donnez point assez de force, assez d'opinion, assez de latitude, assez de confiance aux tribunaux criminels? Quant à l'intérêt de l'institution même des jurés, la conservation de cet établissement si précieux tient au lieu où vous le placerez. N'oubliez pas qu'il vous faut non seulement une masse de iumières dans le juré, une masse d'opinions dans ce qui l'environne, et une masse de jurés assez considérable pour que les récusations puissent s'exercer, pour que les choix puissent être meilleurs, et pour que chaque citoyen repose tranquille en voyant la liste des citoyens qui doivent le juger s'il a le malheur d'être accusé. Je n'insiste pas sur ce point, il est senti par tous ceux qui m'écoutent..... Nous avons un excellent modèle de la division proposée par le comité; et c'est des peuples barbares que nous vient cet exemple. Les peuples du Nord, après la conquête de l'Europe, divisèrent le pays en comtés ou provinces, qui à leur tour étaient sous-divisées en d'autres parties appelées centaines, et les centaines sous divisées encore en dizaines. Chacun des habitants du royaume était obligé de se ranger sous une de ces dizaines. On regardait comme vagabonds ceux qui n'appartenaient à aucune. Il y avait une cour de justice à la tête de chacune de ces divisions ou sous-divisions ; mais les cours de dizaines et de centaines ne jugeaient que les causes de peu d'importance. Celles d'une grande considération, telles que celles où il s'agissait de la vie, de l'honneur et de la libeité, étaient réservées à la cour de toute la province ou comté, présidée par le gouverneur, et composée des hommes les plus recommandables de la province. L'Angleterre, par ses mœurs paisibles et sa position insulaire, a conservé les restes précieux de la sagesse de nos pères ; et c'est là que le comité a puisé son projet, qui me paraît concilier les intérêts de la société avec celui des citoyens, et qui nous promet une justice criminelle, telle qu'elle convient à un peuple libre et éclairé. Dépouillons ici nos intérêts de localité, nous ne sommes députés ni des départements ni des districts, nous sommes les représentants de la nation, nous lui devons une justice criminelle imposante, impariiale, éclairée, nous lui devons surtout les moyens conservateurs du juré, dont elle s'enorgueillit déjà, comme l'Amérique et l'Angleterre. (On applaudit.) Je conclus à l'adoption du projet du comité pour l'établissement d'un tribunal criminel par département.
Il importe, pour avoir de bons jurés, qu'on puisse les choisir dans une grande sphère. Dans un département, on a six, huit et neuf fois plus de moyens d'en avoir de bons, que dans un étroit district. Je soumettrai à l'Assemblée une autre considération. Désormais,notre justice criminelle va être la justice du pays ; mais elle ne peut avoir la pei-fection qui lui est propre qu'autant qu'une partie du pays accuse et qu'une autre partie du pays juge. Or, si chaque district avait son tribunal criminel, les accusateurs et les juges paraîtraient les mêmes hommes et on croirait que les arrêts sont prononcés, non par l'équité, mais par la vengeance ; alors, au contraire, que les accusateurs seront placés dans les districts et les juges tirés de tout le département, l'arrêt sera pro-noucé dans un lieu et par des hommes étrangers à toutes les passions, à toutes les préventions locales.
En multipliant les tribunaux criminels, on courrait le risque de ne pas trouver dan3 chacun la force suffisante pour faire exécuter les juge-? gements.
(l). Messieurs, nous avons tous été chargés par nos commettants de demander que la justice fût rapprochée des justiciables; s'ils avaient pu prévoir l'immensité de la carrière que nous étions destinés à parcourir, ils auraient aussi exprimé leur vœu pour que la justice fût rapprochée du juré. Connaissant l'institution bien prononcée de votre comité, je ne l'accuserai pas d'avoir voulu détruire dans sa naissance cette institution qui doit être la sauvegarde de notre liberté.
Mais est-ce bien sérieusement qu'ils nous proposent d'établir un tribunal criminel dans un chef-lieu où, de toutes les parties du département, chaque citoyen sera obligé tour à tour de se rendre, pour y exercer les fonctions de juré?
J'ai beau examiner l'ancien régime ; je n'y aperçois aucune corvée aussi désastreuse. La dépense qu'elle nécessiterait excéderait, pour les dix-neuf vingtièmes des citoyens, leur cote d'imposition.
En vain, m'objecterait-on l'exemple de l'Angleterre ; certainement, Messieurs, vous ne voudrez pas vous assujettir à tous les usages des Anglais. Leurs juges sont ambulants ; ils se transportent deux fois chaque année dans les chefs-lieux des Communautés, pour y tenir des assises ; c'est une espèce de fête nationale à laquelle les personnes aisées accourent de toute part. Dans cette foule immense, les juges prennent à leur volonté un nombre déterminé de jurés que les récusations réduisent ensuite à 12 ; la procédure ne peut éprouver aucun retard, puisque les jurés ne; sont élus qu'autant qu'ils se trouvent sur les lieux. L'accusé a l'avantage inapprécia; ble de considérer à loisir, avant de récuser ceux qui doivent prononcer sur son sort. Cet avantage lui est refusé dans le projet qui est soumis à votre discussion. Vos principes ne vous permettent pas d'accorder une pareille autorité aux juges et je ne pense pas qu'on ose vous proposer ae faire venir de 12 à 15 lieues les 200 citoyens qui formeront la liste du juré de jugement, pour en renvoyer comme inutiles 188. Je préférerais qu'on proposât de prendre en entier le juré dans la ville de résidence du tribunal Criminel, si cetté marche ne détruisàit pas les principes d'égalité établis par la Constitution et surtout si elle ne tendait pas à faire exercer, par les habitants du chef-lieu, l'ostracisme le plus terrible sur tous lés autres citoyens du département.
Je demande la question préalable sur l'article des comités et je propose qu'on lui substitue celui-ci :
« Chaque tribunal de district sera aussi tribunal criminel, lorsqu'après le juré d'accusation, la procédure v sera portée suivant le mode et d'après les formes décrétées pour les appels en matière civile, i
Il faut distinguer le pays qui accuse du pays qui juge, a dit M. Pétion,
et il importe à l'accusé que cette distinction soit faite ; l'opinion
publique est meilleure dans les lieux les plus peuplés. Il faut former
de bons juges pour le jugement ; ce n'est que par l'exercice qu'ils se
formeront
Par toutes ces considérations, je conclus à l'avis du comité.
Messieurs, je propose un amendement que je fais précéder d'une courte observation. Je ne vois dans le plan du comité qu'un seul inconvénient ; mais il m'a paru infiniment grave. J'ai jeté les yeux sur la carte et je vois que plusieurs de vos départements sont tracés de manière que les villes se trouvent à des extrémités. Il faudrait faire une ou deux journées de chemin pour y arriver. Je conclus de là que l'établissement de vos jurés ne se fera pas ou se fera d'une manière imparfaite. Les citoyens qui habiteront les extrémités opposées ue se feront pas inscrire sur la liste de ceux destinés à former le juré. Qu'arrivera-t-il de là, Messieurs ? Par la proposition que vous a faite votre comité, ceux qui ne se seront pas fait inscrire seront privés pour un an des droits de citoyen actif, c'est-à-dire des droits d'éligibilité et d'élection. De là, Messieurs, deux inconvénients : les jurés seront entièrement composés des Citoyens de la ville où le tribunal sera établi. Second inconvénient : l'administration de la justice criminelle se trouvera dans les mains des citoyens des Villes principales. D'après cela, Messieurs, j'ai l'honneur de vous proposer d'amender l'article du comité en ces termes.: « If sera établi pour chaque département au moins un tribunal criminel et il ne pourra eu être établi plus de trois. »
L'amendement de M. Chabroud ne tend qu'à faire renaître l'établissement d'un tribunal par district. Un motif bien précis et bien évident en faveur de l'avis du comité est que, si l'on établissait un tribunal par district, il serait trop rapproché des endroits où le crime aura été commis. Les préventions pourraient se glisser dans lés différentes villes. Je demande donc la question préalable sur l'amendementr de M. Chabroud.
Je demande que la discussion soit fermée : lès réflexions faites de part et d'autre ont suffisamment éclairci la question. Il me semble qn'il ne peut y avoir de difficulté sérieuse que celle qui est née d'une erreur sur l'opinion des comités. Nous n'avons jamais pensé que l'on dût préférer nécessairement le chef-lieu du département pour établir le tribunal criminel; nous offrons au contraire de consigner, dans la rédaction, qu'il sera placé dans là Ville la plus centrale du département. Plusieurs voix : A la bonne heure !
appuie l'amendement de M. Chabroud.
Je demande également la question préalable sur l'amendement de M. Le Gnape-lier. Ce n'est point ici le moment de délibérer sur la question de savoir où sera établi le tribu-
nal; c'est un objet de détail qui sera la matière d'une délibération particulière.
Je demande à parler sur la question préalable. L'amendement de M. Chabroud me paraît juste, parce qu'il est fondé sur cette considération que c'est trop peu d'un tribunal par département et trop d'un par district. Je démande que les départements qui ont une forme très allongée et, à leurs deux extrémités, de3 villes susceptibles de contenir un tribunal criminel, aient alors deux tribunaux de ce genre.
Je demande que chaque tribunal de district soit réputé tribunal criminel et que l'accusé soit le maître de choisir dans le département le tribunal qu'il préférera.
appuie cet amendement.
J'appuie la question préalable sur tous les amendements proposés à l'article des comités. J'observe que ces amendements ne tendent qu'à nous ramener aux difficultés et aux longueurs des prétentions respectives de toutes les villes du royaume, au grand détriment de la bonne administration de la justice criminelle; et certes, il y a lieu de s'étonner que des intérêts locaux nous retiennent si longtemps sur une question où j'ose dire que l'intérêt véritablement général, l'intérêt de la chose n'ont jamais pu balancer un moment*
Plusieurs membres demandent la division de la question préalable.
On demande la division de la question préalable et quoique je ne pense pas qu'on doive adopter aucun des amendements, il y a cependant une manière différente de délibérer pour ces amendements. Sur tous ceux qui tendent à multiplier le nombre des tribunaux de justice criminelle, je crois qu'il faut appliquer la question préalable, parce que, encore une fois, c'est assez d'avoir dans le royaume 83 villes où l'on jugera les citoyens à mort. Les tribunaux chargés de ce terrible pouvoir doivent être sans cesse environnés de i opinion publique, d'une opinion étendue. Les multiplier au delà de ce qui vous est proposé, c'est ensevelir loin des regards des citoyens la fonction la plus dangereuse, et qui doit être la plus surveillée ; mais l'amendement de M. Le Chapelier est d'une autre nature. Je crois que l'Assemblée doit se conserver la faculté de choisir la ville de chaque département où le tribunal sera établi ; et je propose l'ordre du jour sur cet amendement. Je demande donc la division. (La division est mise aux voix; la question ayant été mal entendue, une seconde épreuve est réclamée.)
J'observe que l'on a demandé l'ordre du jour sur l'amendement de M. Le Chapelier et la question préalable sur les autres amen-, dements. (L'Assemblée, consultée, adopte la division, et passe à l'ordre du jour sur l'amendement de M. Le Chapelier; elle déclare ensuite qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les autres amendements.)
L'article 1er du projet du comité, mis aux
voix, est adopté en ces termes :
Art. 1er
« Il sera établi un tribunal criminel chaque département. »
, rapporteuï, donne lecture de l'article 2 du projet de décret.
Né s'agissant, après la délibération du juré, que de l'application de là loi, et cette application étant une opération simple, je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'ajouter au président aucun adjoint. Si le président a mal appliqué la loi, le jugement sera redressé par la cour de cassation. Ainsi, Messieurs, je demande que l'on divise l'article et que la première partie soit conçue ainsi : « Le tribunal sera tenu par un président du juré, élu parles électeurs du département. »,
Les lois ne sont pas assez simples pour en laisser l'application à un seul juge. L'article 2 du projet du comité est mis aux voix et adopté comme suit :
Art. 2.
« Ce tribunal sera composé d'un président nommé par les électeurs du département, et de trois juges pris, chacun tous les trois mois et par tour, dans les tribunaux de districts, le président excepté, de telle sorte que le jugement ne pourra être rendu qu'à quatre juges. »
l'aîné.Je demande la question préalable sur l'article 3. La clameur publique sur laquelle les officiers de police se transporteront sur les lieux, le civisme et le patriotisme de tous les bons citoyens : voilà déjà, Messieurs, bien des provocateurs de la poursuite publique. Pourquoi ne pas prendre pour cette fonction l'homrhé qui est déjà près du tribunal, c'est-à-dire le commissaire du roi?
Le nom même d'accusateur public imprimera un caractère odieux à celui qui exercera les fonctions que le comité veut faire créer.
Je demande que le nom d'accusateur public soit changé en celui de défenseur public.
Plusieurs membres demandent que ce nom soit changé en celui de vengeur public,
Ces divers amendements sont rejetés, et l'article 3 est adopté en ces termes :
Art. 3. .
« Il y aura près du tribunal criminel un accusateur public, également nommé par les électeurs du département. »
Sur l'article 4, la division est demandée. La première partie dé l'article est adoptée comme suit :
Art. 4.
« Un commissaire du roi sera toujours de service près du tribunal criminel. »
La seconde partie portant que le commissaire
du roi sera celui du tribunal de district établi dans la même ville, et que dans le cas de maladie ou d'absence forcée il pourra être suppléé par celui du district le plus voisin, est ajournée.
L'article 5 est mis aux voix et adopté dans les termes suivants :
Art. 5.
« Il y aura, près du tribunal criminel, un greffier, nommé également par les électeurs du département. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 6 du projet de décret, fixant la durée des fonctions à 10 ans pour l'accusateur public, à 12 ans pour le président et à vie pour le greffier.
J'observe qu'il n'y a rien de plus intéressant que d'examiner si un président du tribunal criminel et si un accusateur public, chargés de fonctions si redoutables et d'une autorité aussi étendue, doivent être en place aussi longtemps. Je supplie l'Assemblée de ne pas prendre de détermination sur cet article.
Plusieurs membres demandent l'ajournement de l'article.
Il serait contraire aux principes de l'Assemblée, d'après lesquels elle a ordonné que les juges seraient amovibles tous les 6 ans, que le président du juré, chargé peut-être de la fonction la plus importante qu'on puisse confier à un individu, fût 12 ans en place. Je demande que cet article soit modifié et qu'il soit dit que chaque président de juré sera changé tous les 6 ans et l'accusateur public de même. (.Applaudissements à gauche.)
, rapporteur. Je demande alors qu'ils puissent être réélus.
Je demande que l'accusateur public soit nommé pour 4 ans et ensuite pour 6 aus.
, rapporteur. J'adopte cet amendement.
Je demande que l'accusateur public soit nommé pour 8 ans. Voici mes raisons : Il faut, ce me semble, un grand courage pour se charger d'une fonction aussi pénible. Le président du tribunal criminel est, à proprement parler, le défenseur de l'accusé; mais l'accusateur public est chargé de toutes les haines particulières. Si vous donuez cette place pour 4 ans, vous ne laissez point à l'accusateur public assez d'indépendance et vous ne trouverez pas beaucoup de gens qui veuillent se charger de fonctions aussi dangereuses pour si peu de temps.
Il arrivera à une élection qu'il faudra nommer et le président et l'accusateur public. Il faut que vous preniez pour la première fois ou le nombre de 4 ou le nombre de 8 années et qu'ensuite l'un des deux ne soit plus nommé que pour 6 ans.
L'article 6 est adopté dans ces termes :
Art. 6.
« L'accusateur public sera nommé à la prochaine élection, pour 4 ans seulement et à la suivante pour 6 années; le président sera nommé pour 6 années, l'un et l'autre pourront être réélus; le greffier sera à vie. »
annonce l'ordre du jour pour la séance de ce soir et celle de demain matin, et lève la séance à 3 heures.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes :
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la société des amis de la Constitution et de l'égalité, séante en la ville de Cette.
Adresse de M. Delelons, prévôt général de la maréchaussée du ci-devant Berri, qui, au nom de tous les cavaliers, sous ses ordres, adhère, avec une admiration respectueuse, aux décrets de l'Assemblée, concernant la gendarmerie nationale.
Discours patriotique pour la prestation du serment civique, prononcé, le 16 du présent mois de janvier, par M. Monard, prêtre de l'Oratoire, curé de la paroissse d'Aubervilliers, dite Notre-Dame-des-Ver tus, dont l'impression a été accordée par la commune.
Adresse des parcheminiers de la ville de Romo-rantin, dans laquelleils expriment que l'avantage que l'Assemblée nationale a rendu au commerce, en le dégageant des entraves qui le paralysaient, ne leur permet que des sentiments de reconnaissance et d'attachement à la Constitution, et que ce sentiment ne sera point affaibli par le bruit que les ennemis de la chose publique cherchent à répandre, que la loi sur le timbre est nuisible à l'état qu'ils professent.
Adresse des officiers municipaux de Treil, contenant le procès-verbal du serment civique qu'a prêté, selon la forme prescrite, le curé de la paroisse à la tête de son clergé, composé de huit ecclésiastiques, qui l'ont imité.
Adresse de la société des amis de la Constitution de la ville de Lorient, à tous les vrais Français, pour leur faire sentir combien la nouvelle Constitution du clergé est conforme aux bons principes, et ne porte aucune atteinte à la véritable autorité de l'Eglise.
Adresse des officiers, ci-devant dits de fortune, et des sous-officiers et canonniers de toutes classes du régiment du corps royal de l'artillerie des colonies, contenant des représentations sur le régime qui leur convient.
Adresse de l'assemblée générale des représentants de l'île Bourbon, qui ne trouvent point d'expressions assez énergiques pour peiudre fidèlement à l'Assemblée la vive et délicieuse sensation qu'a produite, dans l'âme de tous les ci-
toyens de cette colonie, l'envoi des décrets constitutionnels et instructions de la législature française, relativement aux colonies. Ils justifient que tous se sont empressés de s'y conformer.
Adresse des officiers du conseil supérieur de l'Ile de France, contenant l'expression d'un dévouement saris bornes pour l'exécution de tous les décrets de l'Assemblée nationale, en qui réside le pouvoir constituant. Ils protestent qu'il n'est pas une seule de leurs délibérations, relatives aux événements qui se sont passés en cette colonie, qui n'ait eu, pour base essentielle, ces deux principes : l'amour de l'ordre et du vrai patriotisme.
Adresse de M. Oudet, homme de loi de Paris, qui fait hommage à l'Assemblée de ses observations sur les successions, les testaments et les substitutions.
(L'Assemblée renvoie ses observations à ses comités réunis de féodalité et de judicature.)
Adresse d'adhésion et dévouement de toutes les communes et municipalités du canton de Yic-Dessos, département de l'Ariège, réunies dans un jour solennel. Biles font l'exposédetout ce qu'elles ont eu à souffrir des ennemis de la Révolution.
Adresse du sieur Revoud, maréchal des logis de la maréchaussée de Monttuel, qui, au nom de tous les maréchaux des logis et brigadiers de la maréchaussée du départementde l'Ain, présente à l'Assemblée leur très respectueuse reconnaissance pour l'honorable traitement qu'elle vient de faire à d'anciens serviteurs, à qui tout espoir d'avancement était interdit dans leur corps.
Adresse de M. Villemin, curé de. Sainte-Apollinaire, près Di,ou ; de M. de Lanoue, curé et officier municipal de Méréville en Beauce, et de M. Moynet, vicaire du Bourg d'Essones, qui annoncent à l'Assemblée qu'ils ont prêté, avec la plus vive satisfaction, le serment dans les formes prescrites par l'Assemblee, intimement persuadés que la constitution civile du clergé ne porte aucune atteinte au dogme, à l'unité de la foi, et qu'elle ne tend qu'à rendre à notre divine religion sa dignité primitive.
Adresse des administrateurs du département des Hautes-Alpes, qui envoient une délibération du conseil général de la commune d'Embrun, concernant des fonctions exercées en contravention de la loi, dans le diocèse du département des Hautes-Alpes, par le ci-devaut évêque de Gap.
Adresse des mêmes administrateurs, contenant des plaintes graves contre les membres du directoire du district d'Embrun et les officiers municipaux de cette ville.
Adresse du sieur Rivey, artiste et mécanicien de Paris, qui justifie avoir fait plusieurs découvertes utiles au commerce, à raison desquelles il a fait un sacrifice de plus de 60,000 livres ; il supplie l'Assemblée de lui accorder une indemnité proportionnée aux services qu'il a reudus et qu'il peut encore rendre à l'Etat, et une pension pour faire subsister sa famille.
donne connaissance à l'Assemblée ; 1° D'une lettre de l'abbé de Mondenoix, ancien chanoine de l'église de Paris, qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : Manifeste apologétique du serment sur la constitution civile du clergé; 2° D une lettre du sieur de ia Fargue, membre des académies des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux, Caen et Lyon, par laquelle il fait hommage à l'Assemblée d'un poème, dont il est l'auteur, intitulé : le beau Jour des Français, ou la France régénérée, avec des uotes historiques sur la Révolution ; D'une adresse du sieur Piquenot, graveur, qui fait également hommage à l'Assemblée d'une estampe, dont le dessin allégorique est le triomphe de ia Philosophie et de la Raison sur les préjugés.
demande à l'Assemblée la permission de lui faire lui-même l'hommage d'un ouvrage, dont il est l'auteur, sous le titre de Légitimité du serment civique exigé des fonctionnaires ecclésiastiques. L'Assemblée témoigne sa satisfaction de cette nouvelle marque du patriotisme de son président.
Messieurs, la municipalité de Cambrai a fait parvenir à mes collègues et à moi une adresse, à l'effet d'obtenir la continuation du canal souterrain de jonction de l'Escaut à la Somme; ce canal, interrompu en 1775, ouvre une communication directe de Paris à Amsterdam; il parcourt, sous terre, un espace de 1,U20 toises, et s'il eût été continué et amené à perfection en 1780, comme il pouvait l'être, les sommes qui ont été dépensées pour le transport parterre des mâts, de Boucbain à Saint-Quentin, eussent été plus que suffisantes pour payer l'achèvement du canal. Je demande le renvoi de la pétition au comité d'agriculture et de commerce. (Ce renvoi est décrété.)
, député français dans l'Inde. Je suis chargé, par la colonie de Pondichéry, de vous présenter un arrêt de la séance du 22 juillet dernier, par lequel elle déclare qu'elle n'est entrée pour rien dans les causes et dans le déve-> loppemeut des désordres de la colonie de Ghan-dernagor, dans le Bengale, et que son attention continuelle, depuis le nouvel ordre de choses, a été de ne pas s'écarter des principes d'union, de tranquillité et de fidélité à la nation, à la loi et au roi. Je demande, Messieurs, qu'il soit fait une mention honorable de cette déclaration dans le procès-verbal. C'est avec la plus vive douleur, Messieurs, que j'ai appris que la colonie de Chandernagor s'était portée à des excès, tels que la cassation du conseil, la création d'un nouveau, la destitution du commandant pour le roi, celle des principaux employés, la saisie de la maison de justice, des effets et des papiers des magasins du roi et des archives du greffe : je ne suis pas monté dans cette tribune pour atténuer ces excès ; je crois seulement devoir prévenir l'Assemblée que, par des lettres particulières que j'ai reçues de quelques habitants de cette colonie, je devais être chargé de solliciter le redressement de leurs griefs ; d'où j'infère que le repentir aura suivi ces désordres, et que les premières lettres annonceront le rétablissement de la tranquillité publique. Je demande que le comité colonial s'occupe de l'organisation des colonies dans l'Inde.;
L'Assemblée a nommé un comité exprès par les colonies de l'Inde.
La demande en fut faite, mais non accordée.
Il est instant de s'occuper de
l'organisation générale et définitive de toutes vos colonies ; toutes sont en proie aux désordres les plus affreux. C'est à Yûtre comité colonial à vous présenter les moyens de pacification et Torgapisation de toutes vos possessions lointaines ; elles doivent être soumises aux mêmes lois et au même régime. Si vous nommiez un comité asiatique, il faudrait aussi un comité africain, un comité américaiu, un comité pour chaque colonie. Je demande que la pétition qui vous est présentée soit renvoyée au comité colonial déjà institué.
Je demande qu'on déclare si les colonies de l'Inde sont françaises, ou si elles doivent être la proie du premier usurpateur, car elles sont absolument sans défense.
Je commence par repousser l'assertion extrêmement hasardée de M. Malouet. Vos décrets ont été reçus avec reconnaissance dans toutes les colonies, et y ont rétabli la tranquillité. S'ils n'ont pas produit les mêmes effets, soit à Saint-Domingue, soit à la Martinique, vous en connaissez les causes. Elles existaient antérieurement à vos décrets, et étaient plus graves que depuis, puisque la tranquillité commence à se rétablir dans ces deux colonies. Une dernière lettre du commandant de Saint-Domingue porte que « si l'Assemblée nationale condamne les principes de l'assemblée de Saint-Marc, le calme (est rétabli. » Tout le monde connaît les mesures sages que l'Assemhlée a prises pour rétahlir le calme à la Martinique. Le comité s'occupe sans relâche de l'instruction qui doit organiser les colonies ; il tient trois fois la semaine des séances où sont appelés les députés du commerce de France, les députés des colonies, et même les colons les plus instruits dans les affaires coloniales. Nous vous présenterons incessamment untravail très étendu.....Quant aux eolonies des grandes Indes, nous n'avons pas cru devoir nous en occuper, soit à cause de leur ékngnement, soit à cause des différences qu'on mettra probablement dans leur organisation. Si l'on veut que nous nous en occupions, comme ce travail exigedes notions très étendues, je demande que M. Monneron soit adjoint au comité colonial, pour que nous profitions de ses lumières. (L'Assemblée décrète le renvoi au comité colonial, et l'adjonction de M. Monneron.)
Un membre du comité £ aliénation propose et l'Assemblée décrète la vente de plusieurs biens nationaux de la manière suivante :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité d'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations et estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions^ portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret :
Savoir :
« A la municipalité d'Abbeville, département de la Somme, pour...... 4,644,706 l. 15 s. 5 d.
A celle de Cuàteauneuf, département d'Eure-et-Loir................... 307,387 5 8
A celle de Tremblai-le-Vicomte, même départe-.................... 1,936 1.
A celle de Louvilliers en Drouay, même dépar tement................ 5,581/ 8
A celle de Dampierre- sur-Avre, même départe- ......................79,311 /5 /8
A celle d'Ecluselles, même département............................. 7,744
A celle de Berchères,même département..... .........................1,793
A celle de Vert, même département........... 18,760 :/8
A celle de Saint-Remi- sur-Avre, même départe-................. 18,128
« Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et états d'estimations respectifs, annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
, membre du comité de l'aliéna-tion des domaines nationaux, présente l'état ci-après des diverses adjudications de domaines nationaux, faites à des particuliers dans le département de Mayenne-et-Loire, districts de Sau-mur et d'Angers.
« District de Saumur.
« Des biens» affermés 4,375 liv. 17 s. 5 d.r ont été adjugés pour 185,450 livres ; d'autres, affermés 10,887 liv. 8 s.3 d., ont été adjugés pour 316,850 livres.
« District Angers.
« Des biens, estimés 227,700 livres, ont été adjugés 364,450 livres. »
, rapporteur du comité des contributions publiques. Messieurs, j'ai l'honneur de présenter a l'Assemblée, au nom du comité des contributions publiques, des articles de décret, nécessaires pour l'exécution de celui que vous avez rendu sur le droit d'enregistrement.
L'article lw de ce projet de décret est ainsi conçu :
« Tous les préposés à la perception des droits de la régie des domaines et du contrôle feront clore et arrêter, le 31 de oe mois, leurs registres ; savoir : dans les villes où sont établis des tribunaux de district, par l'un des officiers dudit siège, et, dans les autres villes ou communautés, par le juge de paix du canton ou par un de ses assesseurs. »
J'observe sur cet article que l'exécution en est impossible. Le décret sera présenté à la sanction aemain : avant qu'il soit publié dans les départements, certainement le 31 janvier sera passé. Je demande qu'au lieu que le décret porte le 31 janvier, if dise que les préposés au recouvrement des droits du contrôle feront clore leurs registres dans les vingt-quatre heures à compter du jour de la publication.
, rapporteur. La disposition que propose le préopinant est de droit ; car la loi, quelques termes que vous lui prêtiez, n'est obligatoire que du jour de la publication ; mais vous avez décrété que le droit d'enregistrement aurait
son exécution à compter du 1er février. Il arrivera que daus la plupart des endroits, par la précaution que nous vous proposons, elle aura eu à cette époque son exécution et que, dans ceux où. elle ne l'aura pas eue, elle ne sera exécutée que lorsque le décret y sera publié.
(de Saint-Jean-d'Angêly). Il est incontestable que, quand le décret serait rendu ce soir, sanctionné demain, imprimé après-demain et envoyé de même, il ne pourrait pas arriver à temps par tout le royaume ; et cependant, en vertu de ia proclamation de la loi, la nouvelle perception se fera suivant le nouveau tarif. Pourquoi donner à la France le spectacle d'une loi promulguée sans pouvoir avoir son effet?
Je voudrais que M. le rapporteur adoptât ce que je vais lui dire ; c'est que dans les endroits où les districts ne sont pas encore organisés, où le juge de paix ne sera pas en activité, les officiers municipaux de ces endroits puissent vaquer à l'objet qu'il demande, et qu'il y ait, pour tout concilier, un deuxième article qui dirait que cela serait exécutoire au 1er mars. (Murmures!)
Ce décret-ci n'est pas celui qui ordonne que le droit sera perçu à compter du 1er février ; vous avez décrété cela le 5 décembre. Celui-ci n'est que pour arrêter afin qu'il y ait une démarcation entre l'ancienne et la nouvelle perception. Quand même cet arrêté ne pourrait pas être fait partout, il n'y a pas d'inconvénient; mais au moins il sera fait dans tous les lieux où le décret sera publié. Je demande donc qu'on aille aux voix sur le projet de décret proposé.
Il faut aussi que' vous disiez que néanmoins les actes qui seront contrôlés à cette époque pourront être contrôlés et insinués, ainsi qu'ils l'auraient été, s'ils eussent été présentés auparavant.
, rapporteur. Parmi les amendements qui vous sont proposés, il en est deux qui peuvent fixer votre attention. D'une part, on vous a observé qu'il y avait des chefs-lieux de district où les tribunaux n'étaient pas en activité et des cantons où il n'y avait pas de juges de paix. En conséquence, on a proposé de mettre qu'à défaut de juges de paix et de district, on eût à les faire arrêter par les officiers municipaux. Je n'ai point d'observation à faire sur cela ; j'adopte l'amendement. L'observation que vient de vous faire M. Moreau me paraît également juste. Il est sûr que les actes donnent ouverture au contrôle du momeut de leur date. Ainsi j'adopte encore son observation en ajoutant ces mots : « pour les actes antérieurs, il ne sera perçu que les anciens droits.»
L'Assemblée adopte les deux amendements et l'article 1er dans les termes suivants :
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité des contributions publiques, décrète ce qui suit :
Art. 1er
« Tous les préposés à la perception des droits de la régie des domaines et contrôles feront clore et arrêter, le 31 de ee mois, leurs registres ; sa-
voir, dans les villes où sont établis les tribunaux de district, par l'un des officiers dudit siège, et dans les autres villes ou communautés, par le juge de paix du canton, ou par un des assesseurs, ou, à défaut, par les officiers municipaux ; et néanmoins, pour les actes antérieurs et authentiques, il ne sera perçu que le droit ancien. »
Les articles 2, 3 et 4 sont ensuite adoptés comme suit :
Art. 2.
« Le même jour, les notaires et tabellions feront arrêter leurs répertoires par les mêmes officiers, et les préposés à la perception des droits pourront se faire représenter ces répertoires pour s'assurer de l'exécution de cette disposition.
Art. 3.
« A compter du 1er février prochain* la distribution du papier timbré sera confiée aux commissaires nommés pour la régie des droits d'enregistrement.
Art. 4.
« L'Assemblée nationale charge son présiden t de porter, dans le jour, le présent décret à l'acceptation du roi. »
au nom des Comités de constitution et des rapports. Messieurs, je suis chargé, de la part de vos comités de Constitution et des rapports, de vous prier de décider la question de savoir si le directoire de la Chareute-Inférieure s'est conformé à vos décrets dans la décision qu'il a portée sur l'élection de M. Rondeau, ci-devant membre du directoire, à la place de juge de Rochefort. Votie décret du 2 septembre porte «que les administrateurs qui ont accepté d'être membres des directoires, ainsi que les procureurs généraux syndics des départements, et les procureurs syndics des districts, ne pourront, à la prochaine élection, être nommés aux places de juges, mê ne en donnant leur démission, ni être employés dans la nouvelle formation des places de commissaires du roi. » Ce décret, répandu par la voie des papiers publics, fut bientôt connu à Saintes, et M. Rondeau donna sa démission de membre du directoire le 12 septembre, c'est-à-dire avant ia publication du décret, qui ne fut faite que le 27 septembre. Le 18 octobre, on procéda, dans les différents districts du département, à l'élection des juges : dans celui de Rochefort, la presque unanimité des suffrages 3e porta sur M. Rondeau. M. Rondeau crut que, dès qu'il avait donné-sa démission avant ia publication du décret que vous aviez rendu, il étaitdans le cas d'accepter l'honneur qu'on lui déférait. Cependant, cette nomination a été attaquée ; M. Rondeau s'est pourvu au comité de Constitution quia cru lui-même que c'était au département qu'il appartenait de statuer sur cette question, en vertu du décret qui lui confère ce droit. Le département, en vertu du renvoi qui lui avait été fait par le comité de Constitution, a requis l'avis du directoire de district de Rochefort. Ce directoire s'est attaché aux raisons qui lui ont fait présumer que le décret n'ayant été publié que postérieurement à la démission de M. Rondeau, cette élection était valable. Le directoire du département, sur l'avis du directoire du district, a également confirmé l'élection. M. Rondeau continua d'exercer les fonctions de vice-président, jusqu'à ce qu'il fût remplacé ;
et même le 28 octobre, plusieurs jours après sa nomination au tribunal, il signa, en qualité de vice-président, une adresse envoyée par le directoire à l'Assemblée nationale. C'est pour prévenir une défection funeste dans les directoires d'administration, que vous avez décrété que tous ceux qui auraient accepté d'en être membres ne pourraient être élus juges. M. Rondeau avait accepté; il était doue dans les termes exclusifs du décret ; il était donc inéligible aux places judiciaires. C'est dans cet état, Messieurs, que la question a été présentée à vos comités de Constitution et des rapports. Deux motifs en font la base : le département dit que M. Rondeau n'était plus membre du directoire à l'époque de la publication du décret ; qu'il était rentré dans ses droits ; que le décret était sanctionné le 12 septembre, à la vérité, mais inconnu à Saintes, où il n'a été connu que le 27. A cette époque, la loi n'atteint pas M. Rondeau, parce que la loi n'a pas d'effet rétroactif. Comme vos décrets sont formels, malgré la confirmation du département, je vous propose de décréter ce qui suit : « L'Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités de Constitution et des rapports, considérant que des motifs pressants d'Utilité publique l'ont déterminée à déclarer inéligibles pour la première élection aux places de juges les membre des corps administratifs qui faisaient partie des directoires, à l'époque du 2 septembre dernier ; « Déclare nulle l'élection du sieur Rondeau à la place de juge du district de Rocbefort, faite le 18 octobre; « Déclare en outre non avenue la délibération du directoire du département de la Charente-Inférieure, en date du 14 décembre, laquelle confirme cette élection ; décrète que les électeurs ou district de Rochefort se rassembleront, à la diligence du procureur syndic, et procéderont à la nomination d'un nouveau juge. »
La personne dont il s'agit est un excellent patriote et un citoyen très recom-mandable. M. Rondeau a d'ailleurs donné sa démission le 12 septembre, avant que le décret ait été enregistré à Saintes, chef-lieu du département; cet enregistrement n'a eu lieu que le 27 septembre. Les électeurs qui ont élu M. Rondeau juge du tribunal, ont dû le regarder comme parfaitement libre par sa démission. Nulle adresse, nulle plainte, nulle réclamation ne s'est élevée contre cette élection que le comité veut faire annuler aujourd'hui.
M. Rondeau ne fait que son devoir ; il montre le zèle le plus ardent dans un pays où le patriotisme a besoin d'être réchauffé.
(de Saint-Jean d'Angély). La nomination dé M. Rondeau vous fut dénoncée par M. Augier, l'un de vos collègues. Rigide observateur de la loi, il ne voulut pas qu'une exception en faveur d'un individu ouvrît la porte aux réclamations de tous les fonctionnaires publics qui avaient, lors de l'élection des juges, donné leur démission pour être éligibles. (Voix nombreuses : Aux voix !) (Le projet de décret est mis aux voix et adopté.)
, au nom de la commission des rapports. Messieurs, c'est au nom du comité des rapports et de toute la députation d'Alsace, que je suis chargé de vous rappeler sommairement quelques événements qui ont occasionné une fermentation dangereuse dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, et de vous proposer des mesures propres à rétablir le calme dans ce pays. Vous n'ignorez pas que dans le département du Bas-Rhin, et surtout à Colmar, il s'est fait des enrôlements pour l'Autriche, et que des émigrations considérables ont eu lieu. Le bruit répandu que ces enrôlements étaient destinés à une contre-' révolution, a excité à une grande fermentation. Les chapitres et l'évêque ne cessaient de répandre des écrits incendiaires, tendant à irriter les protestants contre les catholiques, et ces derniers contre les premiers. Vous avez renvoyé plusieurs de ces protestations et lettres pastorales de M. de Rohan au comité des recherches. Il y a quelques mois, une nouvelle effervescence a été excitée dans le département du Bas-Rhin par des protestations du cardinal et du grand chapitre de Strasbourg. Pour préciser les faits, je vais vous faire lecture d'une lettre envoyée au comité des rapports par M. Dietrich, maire de Strasbourg, en date du 16 janvier.....« J'ai été instruit hier matin, par la cessation des cloches seulement, que les capitulaires de cette ville venaient de cesser leurs fonctions et que, par conséquent, le service divin était interrompu dans plusieurs églises. La voix publique m'a appris que ces ordres avaient été donnés par le procureur-syndic du district ; mais le district n'en était pas plus instruit que moi.Sans les soins de la municipalité, cette circonstance aurait pu faire naître bien des troubles qu'eussent infailliblement excités des lettres d'Allemagne qui circulent ici, et qui annonçaient une contre-révolution pour le 15 ou le 16 de ce mois. On faisait aussi circuler, de maison en maison, des livres répandus par le fanatisme, pour exciter le peuple a s'opposer à ja prestation du serment des ecclésiastiques, outes ces menées produisaient une très grande fermentation. J'ai écrit aussitôt aux curés des différentes paroisses, qui ont continué le service divin dans les églises où il était suspendu. » Voici l'extrait d'une lettre de M. Klingiin, commandant de la place : « Les scènes de Nîmes sont prêtes à se répéter dans cette ville. La fermentation est extrême. Près de 2,000 citoyens se sont assemblés pour demander l'exécution du traité de Westphalie, et la rétractation des décrets sur le clergé. Il faut que l'Assemblée envoie des commissaires pour prévenir les désordres, plutôt que de les envoyer après. Nous allons mander le président de l'Assemblée; mais le seul moyen d'apaiser la multitude est d'envoyer des commissaires qui portent des lumières, et soient autorisés à requérir, en cas de besoin, les gardes nationales... Il s'élève, une nouvelle difficulté. Le procureur syndic du district se croit inculpé par la municipalité; ces différends entre les administrateurs pourraient produire de funestes effets... Le refus de serment, de la part des curés, pourrait entraîner d'autres inconvénients, par la nécessité où nous sommes d'avoir des prêtres qui sachent les deux langues. Cette circonstance exigerait des mesures particulières pour notre département... Aujourd'hui il y a un concours immense au département; on va signer des pétitions ; on fait même signer les femmes et les tilles. N'attendez pas un nouveau courrier pour solliciter de l'Assemblée nationale un decret qui ordonne l'envoi de deux commissaires, etc. » C'est d'après ces faits que le comité des rap-
ports m'a chargé de vous présenter le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, relativement aux événements qui se sont succédé, depuis environ un mois, dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, et notamment l'effervescence qui s'est manifestée à Strasbourg, les 3, 15, 16 et 17 de ce mois; « Décrète que son président se retirera dans le jour par devers le roi, à l'effet de supplier Sa Majesté d'envoyer incessamment trois commissaires dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, lesquels se rendront directement à Strasbourg, à l'effet de procurer, par tous les moyens de prudence et de persuasion, l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale, acceptés et sanctionnés par le roi, de prévenir les peuples contre les erreurs dans lesquelles il paraît que des mal-inteutioni és cherchent à les entraîner; à maintenir et rétablir, au besoin, la tranquillité publique; à requérir, à cet effet, le secours tant des troupes de ligne que des gardes nationales, même celles des départements voisins; à prendre tous les renseignements et éclaircissements qu'ils pourront se procurer, tant sur les mouvements qui ont eu lieu dans la ville de Strasbourg, les 3, 15, 16 et 17 de ce mois, que sur les circonstances qui ont pu les occasionner; enfin, de faire, s'ils le jugent convenable, toutes proclamations qu'ils croiront utiles au maintien de la tranquillité publique. »
(de Saint-Jean-d? Angely). Je demande que M. le président se retire à l'instant même devers le roi, pour présenter ce décret à la sanction. (Le projet de décret est adopté.)
L'ordre du jour est un rapport du comité de la marine sur les fonds de la marine et des colonies.
, rapporteur (1). Messieurs, c'était un usage consacre dans le département de la marine d'établir, au mois d'octobre de chaque année, le projet de dépenses de l'exercice suivant. Le minii-tre présentait ce projet au Conseil d'Etat, et sur une simple décision du roi, le contrôleur général des finances faisait les fonds accordés, et les délivrait au trésor de la marine, aux époques déterminées par Sa Majesté.
Les nouvelles lois de l'État ayant substitué à ces formes l'initiative du pouvoir exécutif et le consentement des représentant de la nation, voire comité avait décidé, dans l'ordre de son travail, de vous proposer une nouvelle fixation des dépenses de la marine pour 1791, sur la proposition formelle du ministre de ce département. Il se flattait alors d'achever, avant le commencement de cet exercice, les grands changements que vous avez confiés à ses méditations et à ses recherches, et de poser, sur la nouvelle constitution de la marine, les bases immuables de l'ordre et de l'économie que vous avez promis à la nation, et que la nation attend de vous.
Malgié le zèle le plus confiant, et l'exactitude la plus suivie, votre
comité n'a pu remplir la tâche qu'il s'était imposée. Trop souvent
détourné de ses travaux ordinaires par des événements qui exigeaient des
mesur s promptes, il a donné beaucoup de temps à une loule de décrets de
Dans une telle circonstance, votre comité a pensé qu'il lui convenait mieux de presser le terme de ses travaux, et d'accorder provisoirement les besoins du mois de janvier, que de combiner un projet de fonds sur des bases incertaines, et dont l'exécution instantanée eût infailliblement gêné la comptabilité.
Pour se convaincre de la sagesse et des avantages de ce parti, il suffit d'envisager l'état actuel de marine et les changements prochains qui l'attendent.
On a jusqu'à présent distingué, dans ce département, deux sortes de dépenses ordinaires: les unes fixes, les autres variables.
Les premières, qui ont été portées pour 1790 à 13,476,158 livres, sont relatives aux individus de toute espèce, employés au service de la marine, et à des objets de diverse nature, dont les détails ont été mis sous vos yeux par le comité des finances.
Les secondes, évaluées pour la même année à 16,523,843 livres, concernent les constructions, l'entretien des forces navales et les armements.
Bientôt une nouvelle organisation exigera une fixation nouvelle de dépenses, alors vous réfor-me'ez sans inconvénient tout ce que vous jugerez inutile, et vous serez d'autànt plus assurés de votre opération, que vous ne laisserez aucun intervalle entre l'ancien et le nouveau régime; ce qui est toujours la preuve d'un bon esprit, ce qui distingue dans tous les temps l'homme qui a des vues de l'homme qui n'a que des idées.
En effet, Messieurs, il.ne serait guère possible de porter utilement le flambeau de l'économie dans les dépenses de la marine, avant la promulgation des décrets qui doivent changer les institutions actuelles. Cette vérité est démontrée à tous ceux que l'étude et l'expérience ont familiarisés avec les principes d'une bonne administration. Il ne suffit pas d'ordonner que telle dépense sera réduite, il faut examiner si la réduction peut s'accorder avec le régime établi, si elle ne ralentit pas, si même elle ne suspend pas son action : car, Messieurs, les économies en administration dépendent beaucoup moins de ses agents que de son régime.
Il n'est pas moins nécessaire, Messieurs, avant de faire aucun plan de dépenses, que vous déter-minl z le nombre de vaisseaux qu'il convient à la France d'entretenir dans ses ports, soit en paix, soit en guerre, l'approvisionnement des arsenaux, le nombre et la force des stations qu'exige la protection due à vos possessions éloignées, à vos côtes et à votre commerce.
Ce n'est pas tout, Messieurs, vous avez encore à organiser constitutionnellement le ministère de la marine. Votre comité manque de bases pour assigner des fonds à l'entretien de l'administration supérieure. Il ignore si la marine et les colonies ne seront pas séparées ; ce n'est donc qu'après la décision .de ces questions importantes, qu'il sera possible à votre comité de vous indi-; quer le terme de toutes les dépenses.
Il conviendra cependant de fàire précéder ce travail par uti rapport sur là situation des finances de là marine, depuis 1778 jusqu'à la fin de 1790, inclusivement. Vous y vërrez la dette constatée sur chaque exercicë ; l'influence qu'elle a dû nécessairement avoir sur lés ëntrëpriSes et les fournitures. Vous reconnaîtrez les sdurceS du mal, et vous en ordonnerez le remède. Il consiste principalement à poser line ligne de démarcation entre les dépensés anciennes et les dépensés Courantes, à ordonner le remboursement des premières et à soumettre les autres, à des règles simples de comptabilité, ddnt l'e^écutioti^est tdujoiirs plus facile lorsqu'un ordonnateur rëjjoit exactement lés fonds destinés à son administration •
En attendant, Messieurs, que je jjhisSë îbiis soumettre cé travail, qùi ne m'a pas découragé, quoiqu'il soit obscur et. pénible, je vais vous rendre compte dés beSoiiis de la marine pbiir le mois dè janvier, et en bonstater les détails.
Les besoins de là màrihe, pour le mois dè janvier, s'élèvent à la somu^e de 4,347,8781.3 S. 4 d.
635,214 1. 16 s. 7 d. appartiennent à l'exercice de 1789.
3,017,708 1. 6 s. 9 d. à l'etérciee. & 1790, et 664,955 livres seulëinëiit à l'ëxëfclbë de cétte année.
Il convient dè fcbiistdtër lès dhicles dë dépensés qui appartiennent à Chaque exercice.
Année 4789.
Lettres de châiige des colonies, ci...........BlS,7341. 9 s. » d:
Récépissés des colonies. 7,000
.Lettres de change des ports...................12,480 7 ;.,7, ,
i Total pour1789.........;635,2141. 16 s. 7 d.
Aiinèë 1790.
Lettres de change dësco- lonies •........;.....;.. 592,8441. 14s. à d.
Lettres de change dè s ports................ 246;662 18 7
Idem d'Amsterdam et dë Hambourg............... l29;06t) 1 6
Vivres ordinaires. :. ;.. 1,200;000 » »
Achats de marchandises et munitions.m........... 197,968 16 7
Fret et transport:... i.l 7,020 » »
Bâtiments civils.. :.. î. 37,000 »
Appointements d'officiers militaires et d'administration imm^k •.. - 191.383 1 9
Conseil de marine..........37,500 » »
Armements et désarmé-mements ...............84,398 A »
Hôpitaux .....32,300
Loyers, .................... 9,275 • 4
» Affairés d'Algér:..23,849 11 8
Diverses dépettsesi:;:. 228,245 17 8
Total pour 17$)..3,017,708 1. 6s. 9,d.
Année 1791.
Pour journées d'ouvriers;....;:.; 400,300 1.
Bâtiments civilsifis.;.;.:. i. ; :i . 3,000
Solde des troupes et d'entretenus;. 247,280
Recrues.....12,000
Diverses dépenses.. :,......... ;32,375:
Total pour 1791....................1694.955
Il peut paraître étonnant, sans doute, de ne trouver, sur les 4,347,878 L 3 s. 4 d. demandés en 1791, qu'une somme de 694,955 livres, imputable sur cet exercice. L'étonnement même augmente, lorsqu'on se rappelle qu'il a été accordé, pour 1789, une somme de49,l87,186 livres, et, pour 1790, 48,823,554 livres, sàns compter 15,933,502 1: 6 à. 8 d., décrétés pour les armements extraordinaires, faits en juin et septembre derniers.
Tout cela, Messieurs, tient à des càuses qui ne peuvent ,être détruites auë par une nouvelle organisation dë l'administratidh de la mariné et des colonies, par la suppression absolue des enchevêtrements d'exercjcës, ët par la loi expresse de l'emploi des fonds aux seuls objets auxquels ils seront assignés.
PoUr rendre ces réflexions plus sensibles par des exemples, il suffira de vous rappeler ce que je vous disais au mois de septembre dernier- Il paraissait àlbltt que sur 40,500 livrés accordées pour lès fonds ordinaires dé 1790,15,200 livres étaient Imputables sur les dépenses de 1789. Aujourd'hui il paraît prouvé que sér ies 48,823,554 livres que la cbarine a reçbes pour Cet exercice,25,885,359 livres seulëment ont été appliquées aux dépenses courantes, et le surplus, montant à 22,938,195 livres, a été employé à l'acquittement, tant dès lettres de change Venant des colonies, des ports ët de l'étranger, qiiè, des autres dépenses faites sur les ëxërcicës antérieurs, et que vbs décrets avaient acceptées de l'arriéré.
Vous pourrez, Messieurs, avant la fin du mois prochain, recevoir des détails piiïs satisfaisants sur l'emploi dé cfes ronds,, et përcër l'obscurité qui dérobe à vos yeux leS dépensés qui appartiennent à chaque exercice. C'est à, cette époque, qu'après avoir e H tendu le rapport qiie j'ai été' chargé d'entreprendre sur les finances de la mariné, vous pourrei: ordonner l'apurement des comptes, et éclairer les inquiétudes que les boiïs citoyens ont conçues de la situation de ce département.
Alord, Messieurs, si, polir première opération, vous séparez dè l'êxercibe actuel toutes les dépenses qui appartienn^iii; aux années antérieures ; si vous pFeésez la liqùidàtidh, ët jè payëmënt des dettes ancienuei, qui pbHeront un caractère d'au-thenticité, Vous rendrez au département de la Marine ùn mouvement règle dans toutes.^es parties; vous lui dotinëreé, pour ainsi dire, une nou-velle Vie, et VOÙs sërèz assurés, pâr lë crédit ijue vous attacherez à ses transactions, de tous les avantages d'une économie bien entëndue*
En attetidarit, Messieurs, cettp epoqUé hèijrëuse, il bonvient de tenir au sëcourS.dës besoins ordi-nàiréfe de la marine pour ie mois de janvier 1791, ét Votrë cdtaitë Vous propose, par mon ministère, lë projet dë décret Suivant :
Projet dë décret.
« L'Aàserablée nationale, ouï le rapport de son comité de maripç, décrète :
« Qu'il sera mis à la disposition du ministre de ce département :
i 1° La somme cie L,l6 ,s. 7 d. pour
dépenses faites pendant; l'annéa 1780; a . , « 2° Là sonime de 3,0.17,708,1. 6 s. 9 d. pour dépenses faites pendant l'année 1790 ;
« 3° La somme de 694,955 livres, imputable Sur l'ëkërcice courant de 1791.
« Décrète que ces différentes sommes formant
celle dé 4,347,878 1. 3 s. 4 d. ne sont que provisoirement accordées, sans entendre rien préjuger sur la distribution qui en est faite, par le département de la marine, et sous l'obligation de rendre compte, mois par mois, et par exercice séparé, de remploi desdits fonds, conformément au décret du 1er septembre deroier. »
(Ce projet de décret est adopté.)
, s'étant absenté pour se retirer vers le roi,est remplacé au fauteuil par M. Em-mery, ex-président.
L'ordre du jour est un rapport du comité des rapports sur ta COtiaûité dès réglmerits qui composent la garnison de Belfort.
rapporteur (1). Messieurs lés désordres cbifrinlfe en là ville de Belfort, le 18 octobre dernier, par des officiers et soldats de Royal-Liégeois et Lauzun, qui y étaient en garnison, donneront lieu au rapport qui vous fut fait, le 30 du même mois, au nom des comités militaire et des rapports réunis. Il vous fut en même temps donné connaissance d'une information sommaire faite par ia municipalité; vous rendîtes un décret dont il est important, de vous rappeler les principales dispositions *, vous ordonnâtes d'arrêter les personnes dénommées dans l'information, de changer la garnison de JBelfort, de placer les régiments qui la composent dans les départements de l'intérieur, d'informër devant les juges de district des délits qui vous avaient été dénoncés, pour les accusés et,le proçès.être renvoyés par-devant le tribunal de lèse-nation. Vous vous réservâtes enfin de statuer sur le sort des régiments de Lauzun et de Royal-Liégeois, lorsque vous auriez vu l'information que vous ordonnâtes.
Une partie des dispositions de ce décret est exécutée : les sieurs Latour et Gremstein.se sçnt évadés ; le sieur de Gbalons s'est volontairement constitué prisonnier, du moment qu'il a eu connaissance de votre décret*, et est même dansjles prisons de l'abbaye de Saiat-Gennain. Lagjàrnisou a été changée, et les régiments placés ,dans les départements,de l'intérieur : l'information a été terminée par les juges de Belfort : un extrait de cette procédure vous a été adressé. 11 yous reste donc à statuer en ee moment, comme .yous vous l'étiez réservé, sur le sort des deux régiments de Lauzun et de Royal-Liégeois l et.c'est,sur cette dernière disposition de votre décret que le comité m'a chargé de vous présenter son avis.
J'aurai l'honneur de vous rappeler d'abord que, vers les premiers, jours
du. moi? de noyejnbre^ vous avez admis à la barre deux députations des
régiments de Lauzun et de Royal-Liégeois} que les députés de ces deux
corps, en vous exprimant leurs regrets de ce que quelques-uns de leurs
camarades avaient pris part aux désordres qui avaient été commis^ ont
désavoué les intentions qu'ils avaient manifestées et déclaré
solennellement que, loin de vouloir attaquer la Constitution, ils
étaieut prêts, au contraire, à mourir pour la défendre. En ordonnant
l'impression de ces adresses et leur inscription dans votre
procès-verbal, vous avez préjugé, en,quelque sorte, la confiance
qu'elles méritent. L'expression de ces mêmes sentiments a été renouvelée
dans des déclarations signéesde tous les officiers du régiment
Si je porte à présent votre attention sur les seuls points qui peuvent également déterminer votre opinion, je vous dirai que^'information prise devant les juges du district de Belfort, quoi* que très volumineuse, ne renferme que les mêmes faits qui. avaient été consignés dans la première information sommaire, f^ite/devant la municipalité de cette ville;.qu'il y est prouvé qu/ii y a $u des particuliers très coupables, mais qu'il n'existe aucune .preiive que ces, délits .aient étét partagés par la totalité des corps. On, y voit évidemment que lés principaux ou, pour mieux dire, les sous-auteurs de, ces désordre^ put été Mes sieurs, La-tour et Gremstein, l'an colonel, et l'autre major du; régiment de RoyaULiégeois. 11$ ont entraîné par.. leur exemple plusieurs officier^ qui avaient aîné avec eux; et quelques soldats, séduits ou égarés, ont partagé les fautes de lêurs chefs. Ce qui peut , encore excuser ces derniers, c'est que la plupart, ayant été régalés par leurs camarades, étaient présents au dîner des officie/s. Ces assertions vous seront démontrées, lorsque yous verrez que le. résultat de cette information, qui comprend 136 témoins, a produit seulement 9 dgcrcts, dont 3 contre lés officiers de Lauzun, 3 cpntre un officier et deux soldats de,Royal-Liégeois, et 3 enfin contre les individus étrangers à ces deux corps.
D'après cela, Messieurs, je crois qu'il serait inutile . d'entrer, dans de plpsgranqs détails sur Fin formation.-.'Votre (C9mité ^ donc pëiis^que si, après qne. information aussi complète, il ne se trouvait que 6 accuses, dans les .deux corps, la sévérité que vous dqviez..avoir à J'égard de ces particuliers ne pouvait s'étendre sur des corps qui n'avaieqt pas partagé leur faute; qu'en conséquence .vous né;,déviez pas laisser plus longtemps sous le poids de, l'accusation deux régiments auxquels vous devez rendre votre con-fiànpe; que vpus. devipz leur laisser surtout là faculté, de pouvoir, comme tous lèp régiments dé. l'arméé, être placés partout où l'exigerait le service tdii J)ien . public, el;, votre comité â d'autant plu? volontiers adopté cette opinion qu'il lui était difficile dë considérer corurne ennemis de la Révolution peux corps, dont l'un, né àù sein de là iiberté, était créé pour là. défendre, et l'autre ne pouvait, sans se déshonorer, abjurer lés principes qu'il \ avait soutenus en montrant de l'énergie au coiui^jjcemeutaq'^ite Révolution. .
Je pois vous, rendre compté d'uné pétition ma-nifestant les. sentiments de ces concitoyens, qui naguère fàis^iept éclater un désir,si ardent pour lai inerte, et qui, dpprimés plutôt que vaincus, s'étaienjt iponlres dignes de la posséder.
Ayant de. fous lire, le projet de décret du co-uiité, je aojd aussi vous rendre cpnipte d'une pétition .xdoiit vou? lui .avez, également renvoyé l examen. L^ sieur jle Çnâlôns,' dont, vous aviez ordonné l'arrèatîjîti^n^^g'es^Jîonàtitqé dé lui-même prisoqnierj! du moment où il a eu connaissance de votre décret,il demjmdg ,aué. attendu qu'il n'existe pas encq^ qé tt^bunal Jorm|i. pour le. juger, vous or,d6q.niez soji, élargissement provisoire, et qiië vous lui donniez la vilie de Belfort pour prison.
... Votre comité ne s'est pas dissimulé que si quelque chose pouvait fairè préjuger l'innocence de cet officier, .c'était sa soumission à votre décret; qu'on devait mettre line, graiïde différence .entre des accusés qui mpntrent dé la confiance à la loi, et ceux qui, par lèur fuite, ont avclue pour ainsi
dire leur crime, et qu'on devait ajouter quelque confiance à la promesse de se représenter, faite par un homme qui avait déjà obéi d'une manière si précise; mais votre comité, en se rappelant vos refus multipliés d'accéder à de pareilles dispositions, ne s'est pas permis de vous présenter un article favorable à fa demande de Gbalons; il abandonne à votre sagesse les considérations qu'il vous présente, et il se borne à vous représenter que la justice, et la justice la plus sévère, exige que vous donniez promptement un tribunal aux dilférents criminels de lèse-nation qui sont arrêtés dans ce moment, et qu'il est urgent que votre comité de Constitution vous propose une mesure provisoire à cet effet. Voici le projet de décret :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports;
» Considérant que, d'après l'information faite par les juges de Belfort, en suite de son décret du 30 octobre dernier, on ne peut imputer les délits qui ont été commis, le 21 octobre, dans cette ville, qu'à quelques individus, et non aux régiments de Royal-Liégeois et de Lauzun, décrète que les deux régiments, ci-dessus dénommés, pourrons comme tous les autres corps de l'armée, être placés partout où le service public 1 exigera, sans aucune distinction de départements frontières et de ceux de l'intérieur, et que son président se retirera devers le roi, pour lui présenter le présent décret. »
Je crois qu'il est satisfaisant pour l'Assemblée de pouvoir lui attester que le régiment de Lauzun, qui est actuellement en garnison à VUry-le-François, a mérité par son patriotisme la confiance de tous les bons citoyens.
Le refus que l'Assemblée a fait dans plusieurs occasions d accueillir les demandes en élargissement provisoire a été déterminé par des circonstances particulières qui ne se montrent pas dans cette affaire. M. de Chalons a en sa faveur d'abord de s'être mis lui-même en prison, ce qui me semble un acte de loyauté et de franchise qui, si j'étais juré, me donnerait une conviction morale eu sa faveur. La procédure ne présentant point de charges, le comité ne disant rien contre M. de Chalons, je demande qu'il obtienne la ville de Belfort pour prison.
Je suis bien obligé de chercher à atténuer h s présomptions qui résultent en faveur de l'innocence de M. de Châlons, de ce qu'il s'est rendu de lui-même en prison. Si les choses étaient encore dans le même état, c'est-à-dire s'il n'y avait pas eu depuis une information et une instruction criminelle, l'Assemblée, qui avait cru, d'après les premiers renseignements, pouvoir ordonner son arrestation, pourrait aujourd'hui lui accorder la liberté provisoire; mais prenez bien garde que les choses ne sont plus dans le même état : l'information a été faite devant les tribunaux, et le résultat de cette information juridique est un décret de prise de corps. Or, je pense que, dans aucun cas, l'Assemblée ne peut prononcer de jugement : ils sont du ressort du pouvoir judiciaire. Un article de la Gon&titution lui interdit cette faculté. Il y a une chose juste que nous devons faire en faveur de M. de Chalons, c'est de le mettre le plus tôt possible à même de purger son décret de prise de corps, de subir interrogatoire, et de présenter ensuite sa requête au tribunal pour avoir son élar- gissement. Ne ponrriez-vous pas, sans blesser les règles de la justice, déléguer au tribunal de Bel-fort, par suite de la première délégation, la faculté de recevoir l'interrogaioire de M. de Chalons, et de statuer sur son élargissement, s'il y a lieu? (L'amendement, mis aux voix, est rejeté.) (Le projet de décret du comité est adopté.)
lève la séance à neuf heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des deux séauces de la veille.
L'observation que j'ai à faire sur le procès-verbal vient d'uue conversation d'une niinute que j'eus hier avec M. Rabaud de Saint-Etienne.
Vous avez rendu un décret relativement à l'affairé de Belfort; vous n'avez pomt ordonné l'élargissement provisoire de M. de Chalons, par la raison que M. de Chalons étant suus un décret de prise de corps, vous avez pensé jus ement que l'Assemblée ne pouvait pas casser un tel décret. Mais vous devez à la justice et à l'humanité de fournir aux gens qui sont décrét s de prise de corps un moyen de se faire juger. Cela est incontestable.
Une autre observation importante est celle de la sûreté nationale: la sûreté nationale ne sera sûremeut établie que lorsqu'il y aura un tribunal pour juger les crimes de lèse-nation. Nous demandons l'établissement de ce tribunal depuis un temps infini; on nous a répondu qu'il fallait l'etabhssement des jurés et ensuite l'établissement d'un code pénal, qu'il fallait définir le crime de lèse-nation.
Tout cela est fort bon; mais les gens qui sont en piisou depuis longtemps ne trouvent pas cela très bon. D'un autre côté, la nation a droit de ne pas le trouver bon : car tant que l'on saura qu'il n'y a pas un tribunal pour réprimer, pour punir, pour poursuivie des gens qui conspuent contre la sûreté nationale, c'est-à-dire contre la Constitution, vous verrez sans cesse se renouveler des projets de complots réels on supposés : il est donc de votre justice, de votre humanité, de votre intérêt, d'établir bientôt un tribunal de lèse-nation.
Si l'établissement des jurés, qui est retardé, qui peut encore vous menei
loin par sa discussion et qui, lorsqu'il sera décidé, exigera encore du
temps par les élections qu'il faudra faire, si, dis-je, l'établissement
des jurés et d'une haut? cour nationale peut essuyer de très lungs
retards, il ne faut pas moins prendre des précautions à cet égard. Il me
semble qu'il y aurait des moyens très simples de se tirer d'affaire
là-dessus et d'ttab ir un tribunal provisoire pour juger ces
Je demande donc que l'Assemblée veuille bien ordonner au comité de Constitution de lui présenter incessamment, c'est-à-dire mardi, pour tout délai, un plan à cet égard.
Un membre : Le délai est trop court.
Si ce délai n'est pas suffisant pour le comité de Constitution, je propose de lire mardi un projet que M. Rabaud et moi avons conçu sur la matière. L'Assemblée, consultée, rend le décret suivant: « L'Assemblée nationale décrète que, _mardi prochain, le comité de Constitution lui présentera un projet de décret pour l'établissement provisoire d'un tribunal cbargé de juger les crimes de lèse-nation. » (Les procès-verbaux sont adoptés.)
Un membre fait une observation sur le décret rendu le 20 de ce mois et relatif au visa à délivrer par le directeur général de liquidation ; il demande que les reconnaissances et autres actes, qui seront remis par le directeur général de liquidation, soient délivrés gratis et sans frais. Il observe que tous les actes qui sortent des bureaux de liquidation, administration de l'extraordinaire, et autres du même genre, sont expédiés gratuitement et doivent l'être ainsi, les chefs desdits bureaux et les employés étant payés par l'Etat.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un des MM. les secrétaires donne lecture dps décrets prononcés à la séance du dimanche, 16 de ce mois, qui n'ont pu être rapportés plus tôt à l'Assemblée.
donne lecture : 1° D'une lettre d*> M. Dubuat, qui le prie de faire agréer sa démission à l'Assemblée. (Sur celte demande, il est décidé que l'on passe à l'ordre du jour.) 2° D'une lettre de M. Mayre, qui le prie de lui permettre de remettre sous ses yeux le premier numéro des jugements remarquables des tribunaux.
, au nom du comité de mendicité. Messieurs, vous avez continué provisoirement, l'année dernière, à l'établissement de la Charité maternelle, la jouissance des annexes de la loterie, qui se montent à 2,000 livres par -mois, et vous avez chargé votre comité de mendicité de prendre une connaissance particulière de cet établissement, auquel vous avez assuré protection. Votre comité vous a fait distribuer, ces jours derniers, son rapport à cet égard (1). Ce rapport n'est principalement que le mémoire donné par les citoyennes vertueuses qui régissent cet établissement, formé et soutenu par leurs soins, et vraiment digne d'élo^e^; dans ce mémoire, l'historique, l'intention et l'administration de cette association charitable sont complètement développés.
Votre comité y a ajouté quelques réflexions. Il
Votre comité croit aujourd'hui devoir remettre cette proposition définitive au moment où vous vous occuperez de l'organisation des secours dans la capitale. Il se borne seulement à vous proposer de décréter la continuation des mêmes secours de 2,000 livres par mois sur la loterie, dont jouit l'association de la Charité maternelle depuis sa formation ; secours que vous lui avez continué au mois de juillet dernier, et dont le payement n'est suspendu par le trésorier que parce que l'année dans laquelle vous l'avez décrété est finie. Ce don cessera quand vous aurez prononcé sur l'organisation des secours de Paris ou sur le sort des loteries. Voici le projet de décret :
« L'Assemblée nationale décrète que l'établissement connu sous le nom de la Charité maternelle de Paris continuera de jouir provisoirement de 2,000 livres par mois, qui lui ont été accordées sur la loterie, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné. »
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est un rapport du comité de l'emplacement des tribunaux et corps administratifs sur une pétition du département du Gard.
, rapporteur (1). Messieurs, dans une adresse du 10 décembre, le département du Gard expose qu'à sa oremière session il s'est occupé de la recherche d'un lieu convenable pour un établissement fixe dont les frais ne pouriaient plus être renouvelés ; qu'il a épuisé toutes les démarches préliminaires exigées par vos décrets. Après l'examen le plus exact, dit-il, il a été reconnu que la partie de la maison commune, qui n'est point occupée par la municipalité, ne pouvait fournir, par son peu d'étendue, que le logement du district qui a été autorisé à s'y placer. Quant au palais de justice, il présente à peine l'espace nécessaire pour le tribunal, et pour celui du commerce qui a été accordé à la ville de Nîmes. C'est donc, continue le conseil du département, sur les bâtiments nationaux qu'elle renferme, que nous avons été obi gés de diriger nos vues, et à l'instant une pensée assez heureuse, peut être, s'est trouvée naturellement liée à une grande convenance.
Le corps administratif d'un arrondissement destiné à rappeler, par sa
dénominat on nou-
Pépins J689 seulement, elle sert d'église aj|x révérends pères Aùgpstiris, à qui Ta donqa Louis XlV ;leur couvert fu] cônstrqjf topt auprès : les cinq ou six religfeu* qu'il renferniajt d ordinaire sont actuèflémèn^ rédiiits à c|ep?i et cette maison nationale ne saurait tarder à être sans emp}oi. L'administration de là Çi-dévant province^ niagnifique et Jibérale, en avait presque prononjcé la destruction pour isoler iântiqqe édifice au milieu d'une place p'ubjiquji. Le conseil du département obserye ^nsqite dué' la pé-moÏÏtion récente des remparts lV&pjljpamrnent développé dans toutes ses faces, et il vpùs de-mapde a l'occuper lui-même, afin dè véiliQr constamment à la conservation a un monufhent si précieux, et à son entretien, dont il se chargerait dp faire les frais : c'était riioteï dé yiljp de Nîmes au douzième pïècle ; abandonné de'pujs, u squfffit des dégradations considérables', et le consacrer d^ns ce moment aux travaux d'une administration populaire ét paternelle, ce serait assurer |jt durée éterpélje de ce majestueux bâtiment, et lier dans l'esprit des efr&Jg&rs, qui accourent de tqptes part^pour l'admirer, la vue du plus beau gage de la perfection dès àrfs chez les Romains, a |'idée du : plus doux biènfait de la régêiiferatiob des iQis cirez lés Français. Presque sans dépense le conseil général" pourrait en faire ffi jjeu de ses séances, et il Ipi permettrait dp les rëridré publiques, voeu qui vous a déj$ été présenté par plusieurs départements, et qui doit être énpqre plus celui dp? administrateurs que des citoyens qui les ont choisis.
La maison des Augpstins a cent ppze toises parrées d|? surface; sa valeur*n'est pas'de plus de 18,000 livres; et le devis, joint à la' lettré, prouve qu'une somme fié 2j40Q livrpVsuffira à tout, d'où il résulte qu'il séràït impossible de trouver un emplacement qui réunît plus d'éco-njqîhiè et d'avantages.
r l^e çpnéeirdu département demande donc que TAssémbiêé lui pèr'tiàëtfe de lotièr ou d'acquérir cette maison dès qu'elle sera libre, vu que l'église de la maison caprée 'hë d'aucune utilité pour le cuite diVin dans Nîmes, dès que le'§ Au-gustins ^'occuperont plus léur couvent. !
Cette adresse est tèrm]née par un morceau de haute expression, ef'd'u'iï'genre vraiment élevé.
« Par pé^tè inauguration noù'yellë dé la bâsiïi-« que, jaâis cpnsafcrée aux petits-fils d'Auguste, « un monument d'adulation et dé servit jide sera « transformé en un monument de patriotisme et « dé félicité : ainsi, apré$ avoir, pèndânt dix-« huit siècles, attesté |a magnificence et le goût « délicat' d^ùn peuple fljue Ie! despotisme com-« mençait V Corrompre, il deviendra l'heureux « théatré dtë cèè yertiis taâles ethéVèrés qu'ins-« pjre le titre' éjufcé de citoyen libre ; et construit « l'année} inêmè où commença1 Père chrétienne, « il servïra'encôré à marquer à jamais, aux yeux « des hàtfît^nts dè cette contrée, l'époque mémo-« rabje qé Celte grande Révolution; qui, par sa « vaste influence siir toutes lès nations, 'sera « peut-être justeméht appelée,'par la postérité, « l'ère française. * '
Lorsque l'on voit le pont du Gard, les arènes et la maison carrée de Nîmes, réunis presque dans un thème point, on 6é dit : un grand pëu-
p|e a passé par là... voilà des pas de Romains Après avoir mis son idiome d^ns l'a bouche, et ses lois dans le cœur de presque tops lés peuples, il a cjiàrge tous les arts d'écrire son histoire. Dans ï| nqmprè des monuments'qu'il a elevés, il en est que le temps'(cetàgènt invisible qui démolit en silence) n'a nu ou p'a osé franper ; et l'édifice dont nqus pârlpttà est encore dënôut.Tl avait été abandqpiië aux mains (les [npfiies, ét .teite à été la' desÉinée cdmrtjifnè des 'thonutaenls que lés siècles nous ontlégiiès. Cette tour oîi Demôsthène allait s'exej-cer sur Ips bords de }a mer. et d'où la liberté semblé encore1 se 'montrer àÛi Grecs,est devenue un clocher des capucins. Quand on demande à Tivoli où demeuraient Pî'operce. Horace et surtout Les|)ie,'on vqus montré les CamaljluleS et encore d'es capucins. L'ôh fié' réhcôdtïë plus guère, sur le Gapitole, que' d'és ! nèleVlns, dés mendiants et t^ès ^ècQlJets.' Gésar. Çlë'èron. Auguste n'âvaiént pa^ prëcisémënt compté su r ces suè'é'ésSejijrs-fô : c'est'là tràg'èdië dii' tèmps, lui sëiir connaît le sublime dès 'cont^listes.MÂ:ujoûr-d'hui que l'es moines ne sont, plus, est-il un "vœu plus raisonnable que de èonsafçrè'r" à [a liberté un monument aussi dignfe d'Wlëf Par la plils rémar-qqable (Igs métempsy^ses,. il (arciyera que ce sera pouc plie qqe' l'aufa nàti ûf n^uplès', qui. pe croyant encofe ïq roi de la terré, n é^it plus qqé l'é^plave a'un eqjppreur.
Lef Fwnçqis, dit Rbus^u. ^n parj^nj; fies arpnes de Ifîmes, çt gû'mnâràfjf ce y^s'le èt sp-perbe cirglp |. c|lur TprÔnê, moins bpa]^, mais entrptf(PUi fpaiç .Cfl^ery^ m : n'ontsoin f$ fjf r§spÀfitçnt ^ucy,^ mù^jjr^ent;ils'sûnt tqujt jeu vay-r éntrép^r.mçlrè. saventxxety firfai BîM^^ïenjr. |^rti| pq| ôette qp-jurgâtibn, les Etats dè liânguedôc Weù^ réparer les arènps. La liberté se laissera-'t-ellé yàinpré en vénération pour des monuments respectes par tapt 4e S'ècles, et en gqiqg pour leur auguste vi(ùlle§se 3 C'est uu d$s beftu;^ patrimoines que pqjssè avoir une nation, et leurs ruipes mêmes parlent encore à tous les âges.
Si donc il y a un domaine national vraiment inaliénable, dont nous dévions' assurer la Conservation et soigner l'existence, c'est la maison carrée; aussi le département !du Gard ne de-mande-t-il pas de l'acquérir, mais seulement d'y tenir ses séances, en se chargeant de l'entretenir d'une manière çonvepâble! Votre comité à pensé que, non seulement rien ne s?opposàit à ce que cettepétition fût accueillie, mais qu'elle méritait une juste approbation. On est digne de posséder un tel monument, quand on en sent piep tput le prixVèt èês mots " Vadminisfraïton dû Gard demande d'occuper $t 'de1 'soigner là maison carrée présentent à l'esprit un graûd èt touchant 'résultat d'idées. " ' '
Quant à la permission d'acquérir la maison desi Aîigustins, pour y placer lès bureaux et tout pè'qûi ést nécessaire • aû iservice ae' TaclùEiiriisfrà-tibtf,'ilâ pàru à Votre'cbmitè qu'elle ne' pouvait reiicpntrër de contradiction ; c'est le vœu des convénàùces, c'est celui de l'écopomie. La maison carrée devenant lè liéu des séances du département, lè monastère ' dés Augustins dévient l'enoplâcement nécessaire de ses bureaux. L'édifice est modeste, le prix de l'acquisition et des arrangements intérieurs sera faible; ainsi tout Se réunit potir faire réussir là double proposition du département du Gard. Le décret que votre comité va vous soùmëtti'e séra donc un décret conservateur, et iTeBtsî doux de*coaserver : c L'Assemblée nationale, ouï le Rapport de son
cpmité fie remplacement des tribunaux, autorise le département du Gard a acheter la maison ou couvent des Augustins, pour remplir le service ordinaire de l'administration, eh observant les formes prescrites pour l'aliénation des domaines nationaux; éî approuvant ses vues pour l'entretien d'un monument précieux à conserver, lui permet de tenir ses séances dans la maison carrée, à la charge, ainsi qu'il l'offre, dé l'entretenir d'une manière convenable, aux frais des administrés. »
(Le projet de décret est adopté.)
L'Assemblée ordonne l'impression de ce rapport.
,rapporteur du comité de Constitution (1). Messieurs, je "viens vous deipanc|er? au jjom de votre comité de Constitution, un décret que le respect aux lois et à leur majesté rend nécessaire, et 4qué les circonstances rendent instant. Voici quel en est l'objet :
Le théâtre de Monsieur a eu avec Mlle de Mon-tensier, au Châtelet......(Murmures.)
J'ai annoncé que c'était un objet qui intéressait le respect dû à la loi et à vos décrets ; c'est en leur nom que je vous prie de m?entendre.
L'objet du procès, Messieurs, c'était une redevance dont la demoiselle de Montensier demandait le payement. Cette redevance avait été imposée aux entrepreneurs du théâtre de Monsieur, en leur accordant le privilège. Il est dit dans l'acte que les entrepreneurs s'y soumettent, d'après la décision de Monsieur, etqu'ils la payeront tant que Monsieur leur conserverai ce privilège. Le Châtelet vient de juger que cette cause était légitime, que lés privilèges du théâtre n'avaient jamais cessé d'exister, ni dans le fait, ni dans le droit, et il a condamné les entrepreneurs à payer la redevance. Le comité n'a rien à vous dire sur le jugement du fond, et ce ntest pas de quoi je viens vous entretenir. C'est aux tribunaux que vous avez institués qu'il appartiendra de prononcer conformément â la loi ; mais le comité a dû vous porter la plainte qui lui a été adressée sur l'espèce de souveraineté que vient de s'arroger Je Châtelet, et qui porte l'alarme dans l'esprit de ceux qui sont encore exposés pour quelques jours à ces procédés arbitraires.
Les entrepreneurs ont interjeté appel de la sentence; mais où porter cet appel? Il n'y a point de tribunal en activité. Les entrepreneurs ont prétendu, aux termes de l'ordonnance de 1667, que cette ordonnance ne devait pas être exécutée nonobstant l'appel, ou au moins qu'elle ne devait l'être qu'en donnant caution. Ils ont, dans tous les cas, offert de déposer la somme à laquelle ils étaient condamnés jusqu'au jugement définitif. Gette prétention était fondée sur la jurisprudence passée ; elle l'était aussi sur la jurisprudence actuelle, puisque vous avez établi deux degrés de juridiction, et qu'il n'est pas permis d'éluder cette disposition. Les entrepreneurs étaient donc fondés à dire qu'on ne peut être définitivement dépouillé que par un jugement définitif; mais on a joué sur le théâtre de Monsieur le procès de Socrate, et sans doute il est resté au Châtelet de profonds souvenirs de Mélitus, de cette fameuse phrase... (Interruptions, murmures et applaudissements.) : , .
Il n'est pas permis, dans une assemblée législative, d'inculper un tribunal.
Plusieurs voix ; L'ordre du jpur I
, rapporteur. Hier, M. Boucher d'Argis a prononcé en référé dans son cabinet que la sentence serait exécutée, nonobstant l'appel, sans que la partie prenante donnât caution. Il a rejeta enfin l'offre du dépôt ; voilà, Messieurs, ce que je voulais vous soumettre. Je n'ai pas besoin de vous faire observer, Messieurs, que le Châtelet a abusé étrangement de l'inàction des tribunaux souverains, que cette forme rend la sentence du Châtelet souveraine, puisqu'elle la fait exécuter définitivement. Il a consommé cet acte de tyrannie arbitraire qui interdit aux appelants la faculté d'appeler. Cependant le Châtelet peqt jouir encore quatre jours de cette dangereuse usurpation de drpit. Quatré jours peuvept immoler plusieurs victimes (Murmures.) ét si le Châtelet dirige cette pleine puissance judiciaire, contre les plaideurs dont il pourrait personnellement aypir à se plaindre, plusieurs citoyens doivent être Ips victimes de ce papricé. Né dût-il y en aVoir qu'un seul, vous lui devez votre proteciipn; voqs devez à la sainteté des lois d'en consacrer les principes lors-qu'jlg sont publiquement yiolés. Il est juste que les citoyens, gui plaident au Châtelet ep première instance, jouîssepf pleinement et sans détour de la faculté de l'appel.'Il est justé que les tribunaux que vous avez "créés ne deviennent pas pour les plaideurs une ressource illusoire ; il est juste qu'une sentence du Châtelet ne soit provisoirement exécutée qu'en donnant pautiqn, afin que l'appelant ne soit pas exposé à se voir dépouillé avant la sentence définitive; il est juste qu'au moins le condamné, sur une demande qui qp serait pas foncjée en titre authentique, et qui a interjeté appel, ait la faculté de déposer la somme à laquelle il a été condamné, pour qu'il sache où la retrouver si I3, sentence définitive le rplève. Le coqaité de Constitution vous proposé le décret suivant : « L'Assemblée patiqnale, après ayoir entendu son comité de Constitution, décrète que, jusqu'à l'installation des tribunaux de diptrjpt de Paris, les ^enjences clu Châtelet en matière civijé ne seront exécutoires qu'en donnant caution par ceux au profit de qui elles s^ont, sauf à l'appelant, dans le cas qù la sentepce ne serait pas fondée en titpe authentique, à déposer la somme à laquelle il aura été condamné- L'Assemblée nationale ordonne à son président de sé retirer dans je jour par devers je roi pour donner sa sanction au présent décret. »
S'il était question de justifier la sentence du Châtelet, je demanderais que M. le rapporteur voulût bien nous rendre qn compte détaillé de toute la procédure et des pièces.....
Plusieurs membres : Aux voix !
On ne le peut pas sans discus-sioq. Vous, jurisconsultes, venez prendre ma place. Je dis, Messieurs, que ma demande est dans les règles de la plus stEicte justice, parce qu'il est de toute impossibilité de décider ai un tribunal a bien ou mal jugé sans connaître les pièces ou les faits. On vient de vous annoncer que c'était un despotisme, une tyrannie. (Les termes ne sont
pas bien doux.) On vient vous parler de despotisme, de tyrannie, parce qu'on a ordonné l'exécution provisoire d'une sentence; il est des cas où, suivant les ordonnances, les sentences doivent s'exécuter par provision, nonobstant et sans préjudice de l'appel.....
Une voix : Et sans caution?
Quel est le pouvoir de l'Assemblée nationale? De faire des lois. Non, Messieurs, vous n'avez pas le droit de juger. Ayez la bonté de m'entendre, parce que plus on murmurera, plus je serai longtemps. Ceci, Messieurs, est hors de votre pouvoir.
curé de Souppes» Monsieur le Président, je vous prie de rappeler M. Martineau à l'ordre; il n'est pas dans la question.
Je demande que M. le cUré de Souppes prouve que M. Martineau n'est pas dans la question.
Je suis dans la question et je vais le prouver; si vous voulez rappeler à l'ordre M. lerapporteur, je consens à y être rappelé, car si M. le rapporteur s'était présenté au nom du comité de Constitution pour vous proposer de décréter qu'aucune sentence qui n'est pas rendue en dernier ressort ne pourrait s'exécuter, même provisoirement, qu'à la charge de donner caution, je n'aurais rien dit...
Une voix: Eh bien, taisez-vous donc!
M. le rapporteur s'est permis de plaider une cause particulière, d'inculper un tribunal expirant, au moins dans ses derniers moments; vous devez avoir quelques égards et quelque indulgence. Votre comité de Constitution vient, avec une loi générale, anéantir un jugement particulier. Voilà ce qui est contre l'esprit du législateur; et je vais plus loin, Messieurs, une loi faite aujourd'hui, sanctionnée demain, publiée après-demain ne peut pas empêcher l'exécution provisoire du jugement du Châtelet : car votre loi ne peut pas avoir un effet rétroactif; ainsi vous voyez que la loi qu'on vous propose devient inutile pour l'affaire pour laquelle on veut la rendre ; et je dis plus, je dis que le comité de Constitution est dans le cas d'être rappelé à l'ordre, pour s'être livré à des déclamations injurieuses contre un tribunal, sous prétexte qu'il a rendu un mauvais jugement. S'il a mal jugé, il faut faire réformer son jugement, je demande que M. le rapporteur soit rappelé à l'ordre, et la question préalable sur le projet de décret.
Je ne connais ni le défenseur ni l'appelant, mais ce que je connais, c'est la justice. Je vous présente deux observations bien simples: la première, c'est que le décret qui vous est proposé renverse toutes les lois ; je ne 'dis pas seulement les ordonnances, mais les lois de la justice. Il y a une foule de matières où les sentences s'exécutent provisoirement sans donner caution; ce sont les sentences de provision pour le commerce, les sentences de provision pour la liberté, les se n te nces de provision pour les matières civile». (Murmures.)
Une voix : Il a raison.
Ainsi, le décret qui défend de faire exécuter les sentences indéfiniment, sans donner caution, est un décret qui ne peut émaner de vous, car il est injuste. En second lien, j'observe sur l'affaire que quelque pressant qu'il soit de s'opposer à toute usurpation de pouvoir de la part du Châtelet, cependant il est encore plus instant de ne condamner personne, et surtout des tribunaux, sans les entendre. Je demande donc que le décret soit ajourné à demain, afin qu'on puisse voir les pièces.
, rapporteur. Je demande la parole. (L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité des finances. Messi> urs, vous avez décrété, en dernier li«u, sur le rapnort du comité des recherches, que les sieurs Dubost, Mury, Girie, Chanut, Laupret, Servan, Platel frères, Borie et La Montagne,détenus dans les prisons de l'Abbaye, seraient mis en liberté. Votre comité des finances a pensé que, sur la requête présentée par dix d'entre eux, il y avait lieu de vous proposer une disposition additionnelle à ce décret digne de votre justice et de votre humanité, qui ordonne qu'ils soient défrayés par le Trésor public de la dépense qu'ils ne peuvent se dispenser de faire pour se rendre respectivement à leur domicile, éloigné de plus de 100 lieues de la capitale : quelque modique que soit cette dépense, il est convenable que vous l'autorisiez ; elle entre dans la classe des indemnité- ; et si, d'un côté, il est contre tout principe que vos comités soient continuellement consultés sur la faculté, le mode, l'emploi et l'administration des fonds accordés par vous aux divers départements; ce qui, contre votre volonté et celle de tous les vrais amis de ia Constitution, affaiblit la responsabilité, et donue à vos comités une faculté administrative et anticonstitutionnelle; si, dis-je, les ministres doivent, sauf leur responsabilité, être entièrement libres dans l'administration des fonds accordés à leurs dépariements, ils doivent soumettre à votre décision toute espèce de dépense extraordinaire, particulièrement celles qui entrent dans la classe des indemnités, à l'exception seulement de celles qui seraient prononcées en dernier ressort par un tribunal, parce que, dans les affaires où la nation sera partie intéressée, elle sera aussi soumise à l'autorité de la justice, que Uevaieut l'être nos rois, lorsqu'ils exerçaient exclusivement la souveraineté. Aucun tribunal n'est encore légalement institué pour faire droit sur la requête des prisonniers détenus aux prisons de l'Abbaye que vous avez mis en liberté. Je vous propose donc d'y suppléer par le décret suivant : « L'Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Le directeur général du Trésor public est autorisé à faire compter aux sieurs Platel frères, Mury, Girie, Dubost, Ghanut, Servan, Laupret, Borie et La Montagne, une somme suffisante pour les détiayer de leurs dépenses dans le voyage qu'ils ont à faire pour se rendre à leurs domiciles. »
Plusieurs membres : Il faut déterminer la somme.
(de Saint-Jean-d1 Angely). L'Assemblée ue peut déterminer la somme qu'avec
un livre de poste sous les yeux et en sachant quel est le lieu de la résidence.
, rapporteur. Vous voyez, Messieurs, les principes qui nous déterminent à vous faire celte demande : c'est que l'ordonnateur du Trésor public ne cro!e point devoir faire aucune dépense extraordinaire sans en prévenir l'Assemblée et sans y être autorisé.
(Le projet de décret est adopté.)
L'ordre du jour est la discussion d?un projet de décret du comité de liquidation sur la direction générale de la liquidation.
Un membre fait observer que ce projet, n'ayant été distribué que dans la matinée, n'a pu être suffisamment médité et approfondi.
(L'ajournement de la discussion est décrété.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les jurés (1).
, rapporteur, fait lecture de I'ar-ticle 1er du titre III, relatifs aux fonctions particulières du président. Cet article est décrété comme suit :
Art. 1.er.
« Le président, outre les fonctions de juge qui lui sont communes avec les autres membres du tribunal criminel, est de plus personnellement chargé d'entendre l'accusé au moment de son arrivée, de faire tirer au sort les juiés, de les convoquer, de les diriger dans l'exercice des fonctions qui leur sont assignées par la loi, de leur exposer l'affaire, même de leur rappeler leur devoir : il présidera à toute l'instruction. »
, rapporteur, donne ensuite lecture de l'article 2, qui est ainsi conçu :
Art. 2.
« Le président du tribunal criminel peut prendre sur lui de faire ce qu'il croira utile pour découvrir la vérité; et la loi charge son honneur et sa conscience d'employer tous ses efforts pour en favoriser la manifestation. »
Cet article me paraît conçu en des termes trop vagues et donner un pouvoir trop illimiié aux juges. L'intérêt de découvrir la vérité est un motif très légitime ; c'est le but de toute procédure et le vœu de tout juge ; mais il ne s'ensuit pas que la loi doive donner au juge le pouvoir indéfini de prendre sur lui de faire tout ce qu'il jugera à propos pour atteindre ce but. La loi, au contraire, doit limiter autant qu'il est possible l'autorité du juge et ne doit jamais substituer ni la volonté ni l'intention du juge aux règles qu'elle peut établir.
Le comité m'opposera peut-être qu'en Angleterre le directeur du juré a un pouvoir semLda-ble; il n'est pas vrai cependant qu'en Angleterre la loi, encore moins l'usage, donnent au directeur du juré le pouvoir illimité qui résulterait des termes vagues de cet article.
En Angleterre, ce pouvoir n'appartient au président que pour l'intérêt
seul de l'accusé; il ne lui est point accordé indéfiniment pour le
résultat de toute la procédure et, en général, pour
Je proposerai donc, suivant l'esprit de la jurisprudence, de rédiger l'article de la manière suivante :
« Le président du tribunal criminel pourra, sur la demande et pour l'intérêt de l'accusé, permettre ou ordonner ce qui sera nécessaire pour la manifestation de son innocence, encore que cela soit hors des formes ordinaires et décrétées par la loi. »
(de Saint-Jean-d'Angely). J'insiste pour que l'article soit conservé et je crois fermement que, sans cet article, l'institution du juré aurait absolument manqué son objet dans une de ses parties les plus essentielles. Il ne faut pas, Messieurs, comparer notre ancienne forme de la justice criminelle avec la nouvelle. Dans l'ancien système, tout se passait dans le mystère et l'obscurité. La destinée des accusés était remise absolument entre les mains du juge et de son greffier. Il était nécessaire conséquemment que le magistrat fût entouré de formes, qu'il en fût enveloppé, si je puis m'expri ner ainsi, afin qu'il ne pût jamais rien faire de contraire à l'intérêt de l'accusé. Dans votre nouvelle procédure, au contraire, le directeur du juré procède sous les yeux du public, devant, un juré nombreux, devant les conseils de l'accusé, qui tous peuvent réclamer a l'instant contre l'injustice ou même contre l'inutilité d'une de ses mesures. Car je suppose que le directeur du juré fasse une interpellation à un individu, qu'il prenne une mesure quelconque qu'il croit propre à développer la vérité à l'instant, l'accusé, même ses conseils, même les témoins, ont le droit de lui faire des observations sur ce qu'il propose, de le rappeler à des mesures plus opportunes à découvrir la vérité. Si vous lui ôtez cette faculté, sans cesse un homme de mauvaise foi, un accusé, un accusé vraiment coupable, un témoin qui aura menti à sa conscience et à la justice, arrêtera le directeur et lui dira : Ce que vous proposez n'est pas déni ndé par la loi; l'interpellation que vous me faites, vous n'êtes pas autorisé à me la faire et je peux me dispenser d'y rénondre. — Il peut aussi survenir des circonstances que l'imagination ne présente pas en ce moment.
Plusieurs membres : Aux voixl
(L'article du comité est mis aux voix et décrété.)
(de Saint-Jean-d1 Angely). Vous avez décrété hier qu'il y aurait des juges nommés qui formeront un tribunal particulier dans le département; vous avez vu que le décret qui exclut les membres des corps administratifs de la faculté d'illégibilité aux places de judicature a souffert beaucoup de difficultés. Les motifs qui vous ont forcés à le rendre n'existent plus en ce moment et je crois que lorsqu'il s'agira de choisir un accusateur public, de choisir un directeur du juré, c'est-à-dire d'instituer les plus sûrs gardiens de la liberté, d'attribuer les fonctions les plus importantes de l'ordre social, je crois qu'il n'est pas possible de laisser une trop grande latitude au choix du peuple. Je demande donc que le décret que vous avez rendu, qui déclare les membres des directoires des départements inéligibles aux places de judicature, ne soit pas applicable à l'élection qui
devra se fyjre des magistrats des tribunaux criminels^
Plusieurs membres : L'ordre du jour 1
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour.)
, rçipnorteiir, donne iecturç fje l'ar- ticle q-téj;'f^if^ffi mîfMs eusatéur publie. ' '., TJ Cet article.'èsj; aip$i Ç&Jïiïf j
Art. ler.
« L'accusateur pptyic sqra principalement chargé dè polifsdîyr'ëlès'délifs'spirlès (récusation admis par les pj-piiiiers jai^. f.
Un membre: Il résulte dë cet ^rtiple que ]£s fonctions de l'accusateur public ne commencent qu'après que lès premiers jurés oqt rendp leur jugement sur l'acciS^ation, uè manière qué l'ac-cusaté'ur pfte ' W'Sél cft^rgé dp nei'n moins qqp de faire Jet accusation?publiques.'
Je d'emande '4' w je rapporteur qui chargé de fàirrla dé n onciâ tion,'I orsq ue ' lps personnes chargées WW faire nçjé vqtydrOnjf pas ?..
,rapporteur.il me sembleqqe nous avions répondu à cette observation, lorsque, dans lé premier mom^ut,' nous avons exposé les mbtifs qui rjous avaient fait proposer à l'Assemblée de séparer la police dp la justice ; et il me seïnjîle qu'il est difficile de reprocher eh général à ce travail de manquer de njoyeps pour la poursuite des crimes. Il y a d'abord la poursuit quj'pppar-tient'à'chàdue particulier, la dénonciation qui reqjj chaque pitovett ddeuga^ur piîbifp,' seulement avec, l'obsfervanqn ijUè son acciiéa'tion sera reçue par un juge de juré. Il y a1 un droit, qi|i appartient au citoyen, qp plijjh'fjfë ; et ehfin il y a un drbif. attribué'a tous îés ' officiers dé police, de poursuivre les crimég ; inà$ nous avons pensé qu'il'fallait'que toutes Cefe pjqùrsuites? sqit officiellès, soït'Sur la plainte â'un citoyen', fussent portées à up juré d'accu'sâtiop, et que ce juré déterminât s'il faisait que les acpUsatioris diverses fussent présentées op non au juré de jugement; Aussitôt qu'ils auront statué là-dessus,nous croyons nécessaire qu'il y ait dans le tribunal criminel un officier public qui fasse entendre les témoins, 'qui établisse ïà contradiction ^vec i'ajç-cusé, qui, en!un tiiot, poursuivel'âffàire. (L'article proposé par |e comité est
, rapporteur. Je yais lire les déux articles suivants à la fois, parce qu'ils onrensemble un rapport immédiat ; « Art. 2. L'accusateur public sera également chargé de suivre l'expCution des ordres qui jîour-rout lui être adressés par la législature et parole roi pour la poursuite des crimes. « Art. 3. Dans le cas où la rëcherçhg Je quelqup crime, autre que le crime de lèsë-hàtfôn, âtt^a été ordonnée par la législature ou par lé roi, les ordres seront adressés dirëctemeiff à'l'accusateur public; il les transmettra aïjx Officiers de police et veillëraà cequ-ïjs soient exécutés parles voies et suivant lés férMés'tirâ'èssds' établies."»
(de Saint-Jean-d'Angély). J'ai une observation à' faire sur lès mots qui sont dans le premier et ie deuxième article; les ordres adressés par la législature et par le roi. * Je sais, Messieurs, que' l'Assemblée nationale a le droit d'ordonner que tel délit sèra pdiii4- suivi ; cependant il ne fayt pas comparer un tèm'ps de trouble et de désordre avec le moment où l'ordre sera rétabli. Il ne s'agira plus que de f^irë exécuter la loi par eplui qui est esspntiel-lejneni préposé 'à céttç fonction- Je sais, "je Ip répété, qu on ne doit p^s ôter à la législature le droit d'ordonner quë tel 'délit pera poursuivi ; mais remarquez quép£ ne sera jamais Ja législature qui aura ïë droit d'adresser ordres ^ l'àpppsàteur ' pbblic ; que lqrsqùe la Iégi^taturp aura décrété la poursuite d'un délit,' c est uttë question' que je prie M. le f^pRqrtpur d'examiner que de savoir fsl la Sanction au roi n'est pas hécessaire ail dé-crlf pè'rté par sla lègisïamfé, lorsqu'il s agit d'un crime ordinaire et non d^uù crime dë lèse-nation. Çdpn opinion particulière est qp'il faut ayojr le poncours de dëiix iu^oritps; qûe là loi n existe qu'au moment ou'elle 4 ou sa sanction. Ge'n'pst point à l'Assemblée nationale à faire parvenir la loi'à l'accusateUr public, mais bien au pouvoir pxécutif, à ffjji cette fqnctiqn est essentiellement confiée par là* loi. Par exemple, il s'est commis un crime dans tel département ; qn rend compte à l'Assemblée du délit qui a été commis, elle dit qu'il dôit être informé ; et ëllé prie le roi çle donner deg prâr^s pour faire informer. Eh bieti; je' dis qUe cë5 décret est susceptible de sanction ; què là législature n'a pas le droit d'envoyer le décret ; que c'est au pouvojr exécutif à le faire exécuter. Ainsi je demande que M. le rapporteur mette simplënient tes pVdres qui lèur seront àdresséè, parce tfu'pn jugera quaud et de quelle* manière les ordres devront être adressas.
Je ne crois pas qu'il soitdan's jes principes de Fa Constitution que'la ïé'gisï^ture pujs'slè adresser à l'accusateur public Tordre dé poursuivre un délit ordinaire.1 Ce qquY,qir* Confié à législature, serait trop redoutable pour Pàccus^ etv pourrait trop, facilement établir une prévention formidable contre lui, et faire pencher la balance de la justice. Un pareil droit est contraire aux pouvoirs établis par la Constitution. 'M pouvoir législatif ët ' lé' pouvoir judiciaire doivent ^être séparés, et né peuvent être rapprochas sous aucune forme. ûr| Messieurs, Vbus les rapprochez, vous lëâ confondez en quelque sorte, si vous pëfinettez quë là législature puisse mettre en rnouvement l'accusateur bubliç, si ce tJ'efift les crimes TBé lérae-naÇlbn. Les mêmes prijlcipek'dôivent s'applicruer nécëssàire-m^nt au pouvoir exécutif : il ne faut plus le con-Topdre avec'le pouvoir judiciaire. Combien serait dangereuse cette'initiative rbyale qui déclarerait un citoyen préVenu et' suspect, et qui rendrait le pouvoir exécutif accusateur 1 Tous ces dangers In^n'àCeraiéht l'a liberté, si la confusion1 des poii-Voirs avait lieu. Jp^èmande la question préalable sur cette partie des deux articles du comité.
L'admission du coqcoprs de la législature avec le potivoir executif j)où? la poursuite des crimes est uûe disposition contraire à la Constitution, qui à déclaré que la justice sera rendue au nom du foi. Si la législature pouvait donner des ordres pour la poursuite des crimes, nous retoinberioàs' sous iin (ieà^otisme aussi affreux que celui dont noué' avons brisé les fers.'
Quand bien même les craintes des pïéopinànts seraient fondées, la nation pré-
férerait encore le despotisme des législatures à la tyrannie des agents du' pouvoir exécutif.
Au surplus, cette partie du décret est de la plus haute importance; j'en demande l'ajourne-ment.
, rapporteur. Si Fon veut ajourner les deux Articles, j'y'consens. (L'ajournement est'décrété.)
, rapporteur, donne lecture de ^article 4, qui est ainsi conçu : « L'accusateur public aura la surveillance sur tous les officiers de police du département : en cas de négligence de leur part, il pourra lés avertir ou les réprimander; 'en cas de fadte plus grave, il pourra les déférer au tribunal criminel, lequel, selon la nature du délit, prononcera'lés peines correctionnelles déterminées par la loi. »
Je trouve que cet article donne trop de pouvoir à l'accusateur public. J'attaque'Cette disposition que, eh cas de négligence de la part des officiers dépolice, if pourra les avertir oil les réprirhander. Je crois que nous ne pouvons pas prudemment donner à un homme le droit de réprimander des officiers publics; je crois qu'il convient de spécifier les cas et le mode de sa conduite, et il est facile de le faire en mettant que, eu cas d'inaction de leUr part,'il'les avertira ; et que, en' cas de négligences gravés, il les traduira devant le tribunal criminel.
Avant que vous adoptiez l'amendement de M. dê'Biauzàt, je ne puis toiîèm-pêcher de vous représenter combien les accusateurs publics poùrraient facilement abuser dé ce droit de réprimande. Il veut que, en càs de négligences grades, on puisse dénoncer au tribunal criminel. Cela serait trop rigoureux pour un'e simple négligence. Il faudrait plutôt déférer au tribunal de police,' qui déciderait s'il y'à'lifeu à porter l'affaire au criminel.
, rapporteur. En adoptant l'idée de M. de Biauzat, je propose la rédaction suivante :
Art. 4, devenu art.2.
« L'accusateur public aura la surveillance sur tous les officiers de police du département; en cas de négligence de leur part, il les avertira; en cas de faute plus'grave, il'îes déférera au tribunal criminel, lequel, selon la nature du délit, prononcera les peines correctionnelles déterminées par laf loi. *»
J'observe, dîailleurs, que lorsqu'on vous présentera un* codé pénal, il s'y trouvera utt chapitre des délits des fonctionnaires publics.
(L'article 4 est adopté avec Cette nouvelle rédaction.)
, rapporteur, donne }ectii]*e de i'flrr tielé 5, qui est ainsi conçâ r « Si l'accusàtèur public est instruit qu'un officier soit dans le cas d'être poursuivi pour prévarication dans ses fonctions, il décernera contre lui je mandat d'améner", recevra ses éclaircissements, et, s'il y a lieu, donnera au directeur du juré la notice des faits, les pièces et la déclaration des témoins, pour que celui-ci dresse l'acte d'accusation et le présente au juré dans la forme ci-dessus prescrite. »
Un mandat quelconque laisse toujours quelque doute, quelque nuage sur un fonctionnaire public, et fait soupçonner sa probité. J'en conclus qu'on ne doit pas laisser à l'arbitraire d'un seul homme la faculté de lancer un pareil mandat. Qu'on n'oublie pas que les tribunaux les plus nombreux se permettaient de semblables mandats d'amener contre les offi-ci'erp de police' les plus intacts. J'en ai vu dans ma province des exemples formidables. Je crois que si vous admettez purement et simplement l'article qui vous est présenté, vous allez dégrader les juges de paix.
, rgpporfewr.Messieqrs, je demande à répondre. * On compare le mandat à l'ancienweAiàt des cours ; ils n'oqt aucun rapport ensemble. Il n'y aura de mandat donné que daus le cas de poursuite criminelle; ainsi, Messieurs, ou rayez de l'article la suppdsition qui en est la base, savoir : que l'officier* de police a donné lieu à être poursuivi criminellement, ou bien laissez ce qui existe pour la liberté, car les juges de paix sont faits pour nous et non pas noué "pour eux. Laissez aux citoyens cette garantie lorsque l'officier de pôlice a prévariqué : si donc il prevarique, ne le souffrez pas dans l'exércice 4e ses fonctions, et ne craignez pas de lui donner quelque désagrément.
Monsieur le rapporteur, à la tyrannie des parlements, vous substituez la tyrannie des accusateurs.
Le mandat d'amener n'est jamais ignominiëui, et dans un pays libre un citoyen ttë doit {Jas ftmgir de venir rendre compte de sa conduite. Si vdus jetez, dés le commencement de l'institution même, un coloris désagréable sur cette institution bonne en soi, qu'àrrivera-t-il? G!èst que les simples citoyens se croient déshonorés s'il s'se présentent. Ce serait' donc les engager à une sorte de désobéissance. Quand la loi ordonne à un citoyen de venir, elle ne fait pas de distinction. Tous doivent obéir également. Je demande la question préalable sur l'amendement.
, rapporteur. Vouloir établir en faveur du jûge de paix l'odieux privilège nue, èfuaiid uji citoyen est soumis à toute la Sévérité de'la police, lui seul en est excepté, c'est vous dégrader tous. (Applaudissements.) '
Au lieu de ces mots : il pourra le mander, rècevitir ses éclaircissements, je demattde qu'on y substitue : il lui demandera des éclaircissements. Té crois qu'il ne faut pas intimider la marche dé l'officier de policé par la surveillance trop'sévère et souvent passionnée d'uù ofncïet public qui profitera de là faveur de la loi pour 'tdurmenter ces hommes du peuplé, qu'il regardera' coipme subalternes, et qui finira pafr pàralysèr leur puissance en les décriant dans l'esprit du peuple fiàr des mandats indiscrets et sams fondement.
, rapporteur. Je pense, au contraire, que s! la loi doit être sévère, c'est surtout envers les fonctionnaires publics qu'elle doit rendre responsables de tous les abus d'autorité qu'ils peuvent exercer envers les simples citoyens sur lesquels se réunissent tous les potivoirs des agents de là M. C'est contre ces agents, pour lesquels les pitoyens ne sont pas faits, mais qui sont faits
pour les citoyens, qu'il faut exercer la surveillance la plus active. On vous dit que nous voulons établir la tyrannie des accusateurs publics; je demande à ceux qui nous font ces reproches, à qui ils veulent que nous déléguions le droit de reprendre les fonctionnaires publics qui dépassent les droits qu'ils ont reçus de leurs concitoyens? (L'Assemblée, consultée," déclare que la discussion est fermée.)
L'article 5 est décrété comme suit : Art. 5, devenu art. 3.
« Si l'accusateur public trouve qu'un officier de police est dans le cas d'être poursuivi pour prévarication dans ses fonctions, il décernera le mandat d'amener, et, s'il y a lieu, donnera au directeur du juré la notice des faitSi les pièces et la déclaration des témoins, le tout au cas qu'il en ait reçu, pour que celui-ci dresse l'acte d'accusation, et le présente au juré, dans la forme ci-dessus prescrite. »
, rapporteur du comité ecclésiastique. Avant de passer à la lecture du projet d'instruction sur la constitution civile du clergé que je suis obligé de faire, je demanderai à l'Assemblée de lui lire un décret concernant une réunion et une nouvelle division des paroisses de la ville d'Amiens.
J'exposerai du reste, Messieurs, que les administrateurs du département de la Somme ont rempli à l'égard de l'évêque toutes les formalités pour l'engager à conc- mrir à la formation et à l'arrondissement des paroisses de la ville d'Amiens.
Voici le projet de décret que le comité vous propose :
« L'Assemblée nationale, ouï son comité ecclésiastique sur le compte par lui rendu «le la lettre adres-ée par M. l'évêque d'Amiens, le 29 décembre 1790, à MM. les administrateurs nu département de la Somme, portant refus de sa part de concourir à la circonscription et formation des paroisses; de l'arrêté du conseil général de la commune d'Amiens, contenant cette formation et circonscription pour ladite ville, en date du 30 décembre 1790, de l'avis du directoire du district de lauite ville, approbatif de celui du conseil général de ladite commune; de la délibération du directoire du département de la Somme, du 19 janvier présent mois, décrète :
« Q 'il y aura ci q ég ises paroissiales dans la ville u'Amiens; que la paroisse cathédrale, sous l'invocation de Notre-Dame, sera formée des paroisses de Saint-Firmiu-le-Coiifesseur, de parties de quelques autres paroisses contiguës, et aura pour succursale l'église >iu séminaire, où l'office sera célébré pour les habitants du faubourg de Noyon, Boutiilière, la Neuville et la Voirie.
« Que la seconde paroisse sera établie dans l'église des Cordeliers, sous l'invocation de saint Firmin, évêque et patron du diocèse, et formée de la plus grande partie de l'ancienne paroisse de Saint-Remi, it de parties de paroisses conti-gi.ës, et aura pour succursales la chapelle Saint-Honoré, pour les deux faubourgs de Beauvais, et l'église du petit Saint-Jean pour les habitants du petit Saint-Jean ;
« Que la troisième, sous l'invocation et dans l'église de Saim-Jacques, sera formée de son territoire actuel et de quelques parties des anciennes paroisses contiguës, et qu'elle aura pour succursales, une église à Moutière-Clonnos, fau-
bourg de Hause et celui de la Hautoze, et une église à Beaucourt ;
« Que la quatrième; sous l'invocation et dans l'église de Saint-G rmain, sera formée de son ancien territoire et de quelques paroisses contiguës, qu'elle aura pour succursales une église de Saint-Maurice pour les habitants de Saint-Mau-ri e et ceux des fermes de Sainte-Madeleine et l'église de Lompré ;
« La cinquième, sous l'invocation et dans l'église actuelle de Saint-Leu, sera aussi composée de son territoire actuel et de quelques parties voisines, et aura pour succursale l'église de Saint-Pierre-Nivery.
« Le tout conformément au tableau arrêté par le conseil général de la commune de la ville d'Amiens, le 20décembre dernier; en conséquence toutes les autres paroisses de ladite ville d'Amiens, faubourgs et lieux y réunis, demeureront supprimées. »
Un membre: Messieurs, le directoire du département de la Somme m'a chargé de remettre à M. le président une lettre dont l'objet est de différer, pour des causes vraisemblablement exprimées dans la lettre, le décret qu'on vous présente.
, rapporteur. Je présente le projet de décret, à la sollicitation et après l'examen de MM. les députés du département de la Somme; cependant je ne m'oppose pas au renvoi au comité. (L'Assemblée ordonne ce renvoi.)
L'ordre du jour est la présentation,au nom des comités ecclésiastique, des recherches, des rapports et d'aliénation, d'une adresse aux Français sur la constitution civile du clergé.
, rapporteur. Messieurs, vous avez renvoyé au comité ecclésiastique l'examen d'une a tresse qui vous a été lue par M. de Mirabeau. Lorsque votre comité a voulu s'occ per de ce travail, Messieurs du comité des recherches sont venus lui faire part des différents objets qu'il était important d'examiner. En s'occup nt de ce travail, ces objets ont conduit le comité ecclésiastique à référer son travail aux mêmes comités co vo iués pour proposer à l'Assemblée la loi du 26 décembre sur lé serment des ecclésiastiques fonctionnaires publics. Pour concourir à ce nouveau travail, le comité ecclésiastique n'a cru devoir rien faire de mieux que de se réunir à ces quatre comités. C'est donc au nom des comités ecclésiastique, d'aliénation, des rapports et des recherches que je suis chargé expressément de vous présenter l'adresse dont je vais vous faire lecture :
Instruction de VAssemblée nationale sur l'organisation civile du clergé.
«L'Assembléenationaleadécrétéune instruction sur la constitution civile du clergé; elle a voulu dissiper des calomnies. Ceux qui les répandent sont ennemis du bien public; et ils ne se livrent à la calomnie avec hardiesse, que parce que les peuples, parmi lesquels ils la sèment, sont à une grande distance du centre des délibérations de l'Assemblée.
« Ces détracteurs téméraires, beaucoup moins amis de la religion qu'intéressés'à perpétuer les
troubles, prétendent que l'Assemblée nationale, confondant tous les pouvoirs, les droits du sacerdoce et ceux de l'empire, veut établir, sur des bases jadis inconnues, une rel gion nouvelle; et que,tyrannisant lesconsf.iei ces, elle veutob iger des hommes paisibles à renoncer par un serment criminel à des vérités antiques qu'ils révéraient, pour embrasser des nouveautés qu'ils ont en horreur.
« L'Assemblée doit aux peuples, particulière-mentaux personnes séduites et trompées, l'exposition franche et loyale de ses intentions, de ses principes et des motifs de ses décrets. S'il n'est pas en son pouvoir de prévenir la calomnie, il lui sera facile au moins ne réduire les calomniateurs à l'impuissance d'égarer plus longtemps les peuples eu abusant de leur simplicité et de leur bonne foi.
« Les représentants des Français, fortement attachés à la religion de leurs pères, à l'Eglise catholique, dont le pape eet le chef visible sur la terre, ont placé au premier rang des dépenses de l'Etat celle de ses ministres et de son culte. Ils ont respecté ses dogmes ; ils ont assuré la perpétuité de son enseignement. Co ivaincus que la doctrine et la foi catholique avaient leur fonde-, m nt dans une autorité supérieure à celle des hommes, ils savaient qu'il n'était pas en leur pouvoir d'y porter la main, ni d'attenter à cette autorité toute spirituelle; ils savaient que Dieu même l'avait établie, et qu'il l'avait confiée aux pasteurs pour conduire les âme», leur procurer les secours q* e la religion assure aux hommes, perpétuer la chaîne de ses ministres, éclairer et, diriger les consciences.
« Mais en même temps que l'Assemblée nationale était pénétrée de ces graudes vérités, auxquelles- elle a rendu un hommage solennel toutes les fois qu'elles ont été énoncées dans suu sein, la Constitution que les peuples avaient demandée exigeait la promulgation de lois nouvelles sur l'organisation civile du clergé; il fallait fixer ses rapports extérieurs avec l'ordre politique de l'Etat.
« Il était impossible dans une Constitution qui avait pour bases l'égalité, la justice et le bien général : l'égalité qui appelle aux emplois publics tout homme qu'un mérite reconuu rend digue du choix libre de ses concitoyens; la justice, qui, pour exclure tout arbitraire, n'autorise que des délibérations prises en commun; le bien général, qui repousse tout établissement parasite ; il était impossible, daus une telle Constitution.de ne pas supprimer une multitude d'établissements devenus inutiles, de ne pas rétablir les élections libres des pasteurs, et de ne pas exiger uaus tous lea actes de la police ecclésiastique des délibérations communes, seules garantes aux yeux du peuple de la sagesse des résolutions auxquelles ils doivent être soumis.
« La nouvelle distribution civile du royaume rendait nécessaire une nouvelle distribution des diocèses. Comment aurait-on laissé subsister des diocèses de 1,400 paroisses, et des diocèses de 20 paroisses? L'impotsibilité de surveiller un troupeau si nombreux contrastait d'une manière trop frappante avec l'inutilité de titres qui n'imposaient presque point de devoirs a remplir.
« Ges changements étaient utiles, on le reconnaît; mais l'autorité spirituelle devait, dit-on, y concourir. Qu'y a-i-il donc de spirituel dans une distribution de territoire? Jesus-Un isi a dit à ses apôtres : Allez et prêchez par toute la terre. Il ne leur a pas dit : Vous serez les maîtres de circonscrire les lieux où vous enseignerez.
« Li démarcation des diocèses est l'ouvrage des hommes. Le droit ne peut en appartenir qu'aux peuples, parce que cest à ceux qui ont des besoins à juger du nombre de ceux qui doivent y pourvoir.
« D'ailleurs, si l'autorité spirituelle devait ici concourir avec la puissance temporelle, pourquoi les évêques ne s'empressent-ils pas de contribuer eux-mêmes à l'achèvement de cet ouvrage? Pourquoi ne remettent-ils pas volontairement entre les mains de leurs collègues les droits exclusifs qu'ils prétendaient avoir? Pourquoi enfin, chacun d'eux ne se fait-il pas à lui-même la loi dont tous reconnaissent, et dont aucun ne peut désavouer ia sagesse et les avantages?
« Tels ont été les motifs du décret de l'Assem-ble nationale sur l'organisation civile du clergé; ils ont été dictés par la raison si prépondérante du bien public. Telles ont été ses vues : leur pureté est évidente; elle se montre avec éclat aux yeux de tous les amis de l'ordre et de la loi. Imputer à l'Assemblée d'avoir méconnu les droits de l'Eglise et de s'être enr aree d'une autorité qu'elle déclare ne pas lui appartenir, c'est la calomnier sans pudeur. (Murmures à droite; applaudissements à gauche.)
« Reprocher à un individu d'avoir fait ce qu'il déclare n'avoir ni fait, ni voulu, ni pu faire, ce sera.t suppo.-er en lui l'excès de la corruption dont l'hypocrisie est le comble. C'est là cependant ce qu'on n'a pas honte d'imputer aux représentants des Fiançais: on ne craint pas de les charger du repro. he d'av ir envahi l'autorité spirituelle, tan lis qu'ils l'ont toujours respectée, qu'ils ont toujours dit et déclaré que, loin d'y avoir porté atteinte, ils tenteraient en vain de s'en saisir,parce que les objets sur lesquels cette autorité agit et ia manière dont elle s'exerce sont absolument hors de la sphère de la puissance civile.
« L'Assemblée nationale, après avoir lancé un décret sur l'organisation civile du clergé, après que ce décret a été accepté par le roi comme constitutionnel, a prononcé un second décret par lequel elle a assujetti les ecclésiastiques fonctionnaires publics à jurer qu'ils maintiendraient la Constitution de l'Etat. Les motifs de ce second décret n'ont été ni moins purs ni moins conformes à la raison que ceux qui avaient déterminé le premier.
« Il était arrivé d'un grand nombre de départements une multitude de dénonciations d'actes tendant par divers moyens, tous coupables, à empêcher l'exécution de la constitution civile du clergé. L'Assemblée pouvait faire rechercher les auteurs des troubles et les faire punir. Mais eile pouvait aussi jeter un voile sur de premières fautes, avertir ceux qui s'étaient écartés de leur devoir, et ne punir que ceux qui se montreraient obstinément refractaires à ia loi. Elle a pris ce dernier parti.
« Elle n'a donné aucune suite aux dénonciations qui lui avaieutété adressées, mais elle a ordonné, pour l'avenir, une déclaration solennelle à faire par tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics, semblable à celle qu'elle avait exigée des laïcs chargés des fonctions publiques, qu'ils exécuteraient et maintiendraient la loi de TEiat.
« Toujouis éloignée du des-ein de dominer les opinions ; plus éloignée encore du projet de lyran-niter les cous îences, no i seulement l'Assemblée a laissé à chacun sa manière de penser, eile a déclaré que les personnes dont elle était en droit
d'interroger l'opinion} comme fonctionnaires oublies, pourraient se dispenser de répondre. Elle a seulement prononcé qu'alors ils Seraient remplacés, ils ne pourraient plus exercer de fonctions publiques, parce qu'en effet ce sont deux choses évidemment inconciliables, d'être fonctionnaire public dans un Etat, et de rfefuser de maintenir la loi de l'Etat. , i
« Tel a été l'unique but du serment ordonné par là loi du 26 décenlbre dernier, de prévenir ou de rendre inutiles les odieiises recherches qui portent sur les opinions individuelles: Une déclaration authëntiqrue du fonctionnaire public rassure la dation sur tous les doutes qu'on élèverait contre lui. Le refus de la déclaration, n'a d'autre effet que d'avertir que cëiui qui a refusé ne peut •plus pàrler au nom de la loi, parce qu'il n'â pas juré de fairé maintenir la loit
« Que les ennemis de la Constitution française cherchent à faire naître des difficulté^ sur la légitimité de ce serment, en lui dobndnt une éten3 due (ju'il n'a pas ; qu'ils s'étudient à diéséquer minutieusement chaque expression eihployéê dans la constitution civile du clergé, pour faire iiàître des doutés dans les esprits faibles .ou indéterminés : .leur conduite mâhife&tedes intentions et des artifices coupables ; mais les vues dè l'Assemblée sont droites : et ce n'est point par deë subtilités .qu'il faut attaquer sfesdécréter .
i> Si des pasteurs ont cjuittê leurs églises au môë meut où on leuf demandait de prêter letii* serment; si d'autres les avaient déjà abandonnées avant qu'on le leur demandât^ c'est peut-être par l'effet de l'etreur qui s'était glissée dafife l'intitulé de la loi* erreur réparée àugsitôt qU'ori l'a re-ebnnne. Ils craignaient,- disent-ils, d'être poursuivis comme perturbateurs dd repbs public; S'ils ne prêtaient pas ledr .s^rmënt:
& L'Assemblée; prévoyant à regret lé refus que pourraient fairë quelques ecclésiastiques} àvait dû annoncer les mesures qu'elle prendrait pour les faire remplacer: Le remplace aient êtaiit consommé} elle a tait dû nécessairemènt regarder comme perturbateurs du repos pdbliC Ceux qui, élevant autfel contre autel; ne céderaient pas leurs fonctions à leurs successeurs; c'est cettëdernière résistance qùe la lbi a qualifiée de criminelle: Jusqu'au remplacement^ l'eièrcice dfes fonfctibns est censé avoir dû être continué:
« Serait-be le sacrifice de quelques idées particulières, de quelques opinions personnelles/ qui les arrêterait? L'avantage gënêrâlHd rbyàume, la paix publique^ la tranquillité défe Citoyens; le zèle même pour la religion seront-ils donc trop •faiblës dans les ministres d'une rëligidnqui ne prêche que l'amour dU prochain} pour déterminer de tels sacrifices ? Dès que la fol n'êst pas en dàhger, tout est pertnis pour le bien deâ homtoefej tout est sanctifié par la charité: lift résistance à. la loi peut entraîner, danâ les cireonstancfes présentes, une suite dé maux incalculables; l'obéissance à la loi maintiendra le calme danfc tout l'empire; le dogmë n'est point ëb danger; aucun article dè la foi catholiqué n'est attaqué: Qolnment serait-il possiblfe, d&ils udë tëllë positionj d'hésiter entre obéir ou résisté?
« Français, VOUS connaissez maintenant les sentiments et les prineipfcs de vbs représentants; ne vous laissez donc plus ëgarër par des assertions mensongères.
« Et tous, pasteurs, réfléchissez que vous pouvez, dans cet instant; contribuer à la tranquillité des peuples. Aucun des articles de la foi n'est en danger. Cessez donc une résistance
sans objet ; qu'on ne puisse jahiais vbus reprocher la perte de la religion} et ne causez point aux rëprésentarits de la nation la douleur de vous voir écarter de vos fonctions par une loi que les ennemis de la Révolution ont rendu nér céssaire. Le bien public en réclame la plus prompte ëxécution ^ et TAsèemblée nationale sera inébranlable dans ses résolutions pour le procurer. i tî
.. tel estj Messieurs, l'instruciionquë nousayons l'honneur 4® vous présenter; s'il,gdjfait dans li'intehtiQQ. de l'Assemblée dei délibérer sur cette adresse fit de l'adopter, vpiçi ce que la$ comités veus .pribpofieraient dÇj décréter iUitèj , t„ * Ï/Assenablée, nationale -jeçretft. que l'ins-l^rjiçtion.sur la constitution civile du clergé, lue dans la sëancë dé ce joiir, sera envoyée éari§ délai acorps administratifs, .pour Failresser aux muhicîri&iitëé, fet iju'ellë|èi,a, sans rët4rde-njèrit, lue tin jour pe difhàHënè, à I'isSuë aë la irieèSe pRfbissiiile» [Jar .je ciirë bu tifi ylBàïrfe4; ËU § léiir dëfabf, par lé Eiiàirë bu lë ^ediier offï-cièr'^uiiiclHal;
. _ 1 Êfjé chaf-gë son président cm ëë retirëf, ddnà lejOUt, dëVers |e roi,pou£ m prié? d'àccorder sa sanctlod au bre§ént Jecjrei.' pt dë abnhèr les ordres Jég pitié bdéitifë pbùr sa plus promptë' ëxiifeditiqn et éxecution. » , jÇBaus tëiji%Itê,dù.ëjitëlld inlqque^ là qdëà-^o.n prëàlanlèVet plii^ieUré inëiiibrëâ Crier : Aux voix!)
Vbus ^ërisdfe^, Itèr M présence clahis cëtte tribune, cd.rhbièri je guis profondément persuadé qu'il h'est pas nécessaire d'Uvdir âuëutte favëlir (jër^odliëllë dans bëtte Aééëinblëé; ïjuâhd ôn y bféêënfé lë§ îàtëféts de là ilièticë ët dë là vérité, fi'aprëâ lèss principes qùë vouS ienez d'ëhtëhdrë tiknS l'ihsti'actibtl quë ioà fcdtfiitëé rë'dtiiè vbtis prèéëntéiït ën cé mbnîent; él nodfc cliét,cJiBdS kinëc ;ïlii pèlttidUtë le grârid intérêt de là, tfâhcjllillltë Butfllqtië; nous uëvdné ife troutfër dàns Uri idstàlft: Nos principes, Messieurs, et je ne crains pàë d'être cbdiredit par mes honorables collègues, nos principes se rapprochent infiniment dans la thédrie de ceux qui viennent d'être développés: Il ne s'agit plus dans ce moment que de chercher sans contention d'esprit, sans désii* d'opposer ufle vaine résistance; et surtout sans désir de faire ptéValtlir son opinion; si les conséquences quë l'on tire dë cèé tuêmëë principes doivent être admis pàr dés hbmmeS dé bonne foi. Nous convenons donc tfltlS} Messieurs', et nous bénissons la loyauté de vos comités qui en ont fait le hoble avetij nous convenons donc tous que les objets qui appartiennent à l'autorité de l'Eglise sont étrangers à cette Afesemblëfe i or, Messieurs^ il ne Suffit fias d'énoncer ce principe} il S'agit d'examiner dans cette Assemblée Ce qui dads ce moment, se discute dans toutes les paroisses du royaume} savoir i si véritablement les ecclésiastiques fonctionnaires publics sont sûlfisamment rassurés par cet aveu} et si Je tfèvbir impérieux de là feonnattcé leur permet d'adhéter à la copati-tutiott Civile du clergé sous la seule garantie de l'Assehibléë nâtiOnalë, qui déclare publiquement qu'ellé ne Vêtit porter aucune atteinte à l'autorité spirituelle. Ici; Messieurs, ld dièbUssiori devient infiniment facile ; et eoinmeil eûntiedt toujours à des législateur, et mêmë à dè'èlmplës citoyens^ de se tbohtfër ^êfiêfëtt^ ët Inddlgëfltâ envers: des hommes qu'on a réduits à la triste nécessité de faire
une apologie publique dë leurs sentiments, per-mettez-moi de vous le rappeler, Messieurs, sans yous le reprocher, mais uniquement pour consacrer une vérité incontestable ; permettez-moi, dis-je, Messieurs, de vous représenter avec respect que si on eût voulu reconnaître plus tôt dans cette Assemblée les mêmes principes que l'on adopte dans l'instruction qui vient d'être lue, nous n'àiiriohs.pas essuyé lp double désagrément d'avoir Sollicité inutilement dans cette Assemble,ë un décret par leqiiel elle rendit hommage aii principe ,qj|ie l'autorité J(spirituelle lpi est étrangère ;np us h'atiriphs pas présenté a cette Àssëip-blée iide formule de serinent dans laquejie. nous voulions précisément mettre à l'écart totis les objets, réserves à Impuissance spirituelle. Jjê ne reprdChë point âu Corps législatif ses décisions, jeJes liji rappelle dans çe moment* c'est bdUt justifier la Cdnauite deâ ecclëskstiqùjssjônt la consciedbe a été alarmée. Eh bien 1 Messieurs, puisque notis convenons tous que l'autorité Spirituelle est étrangère à l'Assemblée nationale, qui peut donc nous diviser ? Il ne s'agit, Messieurs, de cdhsultëi' datis Ce' mbniènt que l'intérêt dé la vérité, ët la vérité prend, Un càrâçiëre d'évidence qqi est incontestable. II. ne suffù pas, car ribus vdûldiis tb'liS pî'bèedër àvèc loyauté èt bonne foi, que l'Assemblée nationale he veuille pas pbHer atteinte à la puissance spirituelle : est-il vrai qiie la Constitutibh civile n'y porté aucune atteinte? (Murmures.)
Plusieurs voix ; ïfdn I nôn f
J'avobe et je crois pouvoir le déclarer oùvertebéât.ën^résèncë de tous Jës çbbtràdictëursqùiydtidropt in'ëclairer. j'avoue qu'il mépàriilt plus clair .que là lumière du soleil que, contre votre intéritibn, vods avez touché à l'autorité spirituelle. (Grands muïnïurès.)
L'ordré du jour n'esi point de discuter là bonètitution çtyilé ,'d.u clérgé, mâiè l'instruction présentée par vos comités.
M. Maury calomnie l'Assemblée ; je suis dans le cas de le prouver.
Mais, Messieurs, Il faut m'entendrel
L'opinant nous rejette dans l'équivoque interminable qui nous a été présentée il y a quelque temps. L'Assemblée n'a pas voulu toucher à la religion ; l'Assemblée l'a décidé par ses décrets: Nul cdrp'â dans l'Etat né pëut décider le contraire. Si une clâàSé U'hommes dans l'Etat pouvait, sur ce point,contredire le Corps légistatif, le corps constituant^.nous perdrions ici notre temps, il faudrait leur laisser la place, JPerspnne n'a le droit de limiter les pouvoirs du Corps législatif, parce que ni^l corps ne |ui est supérieur. Ou ne prouvera jamais que notre religion nods empêche de faire les dispositions que l'Assemblée nationale a faites, pour le bien du royaume. Si l'on nous prouvait qu'une religion quelconque peut et doit nécessiter l'obéissance à un prince étranger:
Une voix : Ce n'est pas cela !
(de Saint-ïean-d^Àngely). Je demande que M. le président dise à M., Maury qu'il s'agit eh ce mbdielit, noii de discuter un point de fait ou de droit qui n'est pas à Tordre dîi jour, mais d'examiner si l'adresse qui vient d'être lue, et aux principes de laquelle le. .préopinant a été forcé de. rendre hommage, renferme dës principes qu'il veuille contester ; je .demande donc qu'il soit rappéié à l'ordre de la discussion.
Si op discute l'adresse pour la correction du style,, elle doit ;être renvoyée à l'Académiè ; si c'est pour les principes, op doit permettre à M. l'abbé Maury de les examiner, ou biën il fyut l'adopter de confiance comme toutes les autres.
il s'agit, dans ce moment, d'un trop grand intérêt pour que je, veuille m'écarter des bornes de la plus sévère modération. Je prévièns l'Assemblée que. mes conclusions sont très douces. (On rit.) Je vous disais dernièrement^ e] je vous demande la permission de le répéter, qu il faiit toujours finir par entendre la v_éri$. Commençons, Messieurs, par la chercher. Si nous, la cherchons de^qnne foi, rioUs devonq être d'iiccbrd dans une minute. Considérez que j'ai l'honneur. de vous parler au nom d'ungràntj npmbre^dejCitoyeps dont la conscience estjnqtiiète. La question m'est absolument étrangère, je pe suis point fonctionnaire public. On be me demande aiiCiin serment; Je parle au nom d'une foule malheureux» qui n'ont point d'autre vdix pour së faire entendre.
Une voix : Que vous 1
Daignez donc, Messieurs, oublie^en ce moment l'orateur, et vous souvenir au nom de 1$ il vous.parle; il vous dit en leur nom,: vous nç voulez pus toùçher à,,l'autorité spirituëlfp et voiis le déclarez ; c'est bien lâ votre çonsciedpe, niais cç,n'est pas ,1a nôtre. Rassurez-nous, car dbus sommes très ipquiets. Nous vous disons qdë contre votre intention., puisque vous en fàitë§ une déclaratibn si authentique et si légale, nous remarquons, que. cette prétendue constitution c^yilë du clergé,nous paraît spirituelle ^ous deiix rapports. Eclairez-nous si nous nous trçipbbns, il y va de notre vie (Interruption); car lë peuple nous prend podr des ennemis publics.
Une voix : Il a raison 1
Ecoutez dès malheureux qui në yous, parlent qu'(aii moment où il y a déjà des niartyrs dans le royaume;
Plusieurs voix à gaucheGela n'est pas vrai I (Tumulte.)
Je prends pour moi les nuées, je demande les. lumières pour le clergés.
Eclairez des malheureux qu'on menace d'assassinats. Voici les deux
rapports d'inquiétudes, car il faut bien que vous les connaissiez ; il
faut bien que vous sachiez si ces hommes sont absurdes. Ils vous disent
: Votre constitution civile devient spirituelle sous deux rapports : 1°
H paraît démontré que., plusieurs , articles; dans votre prétendue
constitution civile du clergé, peuvent être simplës, raisonnables,
désirables pour le bonheur des peuples* mais qu'il y manque, pour les
faire unanimement applaudir, de demander la cqnsécratiQn.deJk puissance
spirituelle qUi doit intervenir. (&n rit et on murmure.)
, rapporteur. Je demande la parole pour uue question d'ordre.
On va nous dire : puisque vous trouvez cette constitution f>i raisonnable, que ne l'adoptez-vous sur-le-cbamp? Voilà votre argument. Eh bien, voici ma réponse : il me paraît bien extraordinaire qu'on ait posé ici en principe, au nom des quatre comités, que la démission volontaire des évêques ou des curés supprimés donnerait à votre loi toute la sanction que l'autorité spirituelle peut réclamer; c'est une grande erreur. (Murmures.) Je ne crois pas qu'aucun membre de cette Assemblée ait eu l'intention de rendre le clergé odieux au peuple; mais il est pourtant bien vrai que dans cette tribune on a dit plusieurs fois : si la constitution civile ne vous plaît pas, donnez votre démission, retirez-vous,; on vous donnera un successeur.
Plusieurs membres à gauche : Oui! oui!
Eh bien, sans examiner la nature u un tel ordre, qui vous paraît peut-être à vous-mêmes un peu sévère, lâ démission même volontaire de tous les titulaires qui ne veulent pas vivre sous le regime de la constitution civile du clergé ne prouverait rien encore, parce qu'un évêque, en faisant vaquer son titre, ne transmet pas son titre épiscopal à son voisin. (Murmures.) Ecoutez-moi doncjusqu'au boutl Je dis que si vous voulez procéder dans les règles, l'absence et la démission ne vous serviraient de rien, parce qu'une églisè veuve ne peut pas être anéantie; il faut que le double concours de la puissance spirituelle et de la puissance civile intervienne et traite... (Murmures.) Toutes les fois qu'on vous parle de moyens de traiter, vous supposez que ce sont des moyens de résistance; ce sont des moyens légaux, graves, tels qu'un Corps législatif n'en doit jamais connaître d'autres. Supposez que les évéques donnent leur démission aujourd'hui; demain, par quede autorité les évêques conserves seront-ils investis de la nouvelle juridiction? Ce ne sera pas par la puissance civile, puisque vous venez de reconnaître que vous n'aviez pas le droit de conférer une juridiction spirituelle. [Murmures.)
, rapporteur. Je demande la parole pour uue question d'ordre. Je fais la motion que... (Grands murmures à droite.) M. l'abbé Maury soit rappelé à l'ordre, et en conséquence qu'il soit restreint à discuter sur l'adresse qui vous est présentée, et qu'il ne vienne pas ici attaquer la Constitution civile.
Je ne l'attaque point. M. Chasset, rapporteur. Il s'agit de savoir s'il y a quelque chose à retrancher, à augmenter ou modifier dans l'adresse, et M. l'abbé Maury veut ouvrir uue controverse pour la constitution civile du clergé.
On commandé des tambours pour m'iuterrompre
, rapporteur. Quand la loi est portée, vous devez l'exécuter; discutez l'adresse sa us entrer dans l'examen de la Constitution civile. (Applaudissements.) comme on la discutera avec respect dans tout le royaume.
, rapporteur. Eh bien, que voulez-vous y changer?
Si vous voulez avoir des signataires, pernietttz-raoi de vous dire ce que l'on vous dira des quatre coins du royaume. Eh bien, on vous dira que vous n'avez pas le droit de toucher à l'autorité spirituelle.
Plusieurs membres à gauche se levant : C'est toujours le même cercle vicieux! Aux voix! aux voix! aux voix!
quitte la tribune. (Vifs ap-plaudiésements à droite; murmures à gauche.)
, en s1 avançant vers le milieu de la salle : Vous voyez ici le tableau de ce qui arrivera dans le royaume; la moitié approuvera, l'autre moitié murmurera.
Nous ne pouvons pas preudre part à ia délibération. (Une partie des membres du côté droit sort de la salle.) (On entend quelques applaudissements.) L'Assemblée décide que la discussion est fermée. (L'adresse est mise aux voix et adoptée, sauf rédaction.)
Le projet de décret est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète que l'instruction sur la constitution civile du clergé, lue dans la séance de ce jour, sera envoyée sans dél.ii aux corps administratifs pour l'adresser aux municipalités, et qu'elle s>-ra sans retardement lue un jour de dimanche, à l'issue de la messe paroissiale, par le curé ou un vicaire, et, à leur défaut, par le maire ou le premier officier municipal. Eile charge son président de se retirer dans le jour devers le roi, pour le prier d'accorder sa sanction au présent décret, et de donner les ordres les plus positifs pour sa plus prompte expédition et exécution. »
annonce l'ordre du jour de demain et lève la séance à trois heures.
Nota. — En vertu du décret du 12 juin 1790, le comité de mendicité fit imprimer et distribuer, dans Je cours de l'année 1791, divers rapports que nous insérons ci-dessous.
Troisième rapport du comité de mendicité.
Bases constitutionnelles du système général de la législation et de l'administration de secours (1), par M. de La Rochefoucauld-Uancourt.
(Le troisième rapport du comité, distribué M. l'abbé Maury. Je discute votre adresse
juillet 1790, — Voy. Archives parlementaires, t. 17e, p. 105— et qui est refondu dans celui-ci, devient sans objet.)
Messieurs, la législation qui, ayant pour objet l'extinction de la mendicité, ut porter des recours à la véritable indigence, doit poser sur les bases communes de la Constitution, et employer les moyens d'administration indiqués par elle pour l'administration de toutes ses autres parties.
Cette manière d'envisager l'important travail que l'Assemblée nationale a chargé le comité de mendicité de lui préparer, semble donner la solution de la première question qu'il devait examiner; celle sur la manière de répartir les fonds dans toutes les parties du royaume, dans une juste proportion des besoins ; et nous n'hésitons pas à penser qu'ils doivent tous être réunis en une masse commune dans les mains de la nation, pour être répandus par elle là où les besoins les appelleront, et dans la proporiion qu'ils indiqueront. Cette mesure est la seule à consulter, la seule qui pui.-se équitablement guider la distribution des secour?, puisque tous ceux qui ne soutpas exactement, essentiellement nécessaires, sont un mal politique, et que leur suffisance est une loi de l'Etat et de l'humanité.
Cette manière, dont votre comité a envisagé vos devoirs dans l'exercice de la bienfaisance publique, l'a conduit nécessairement à penser que tous les fonds appartenant aux hôpitaux, aux maisons de charité, aux aumônes dotées ou fondées, réunis en un centre commun, ne doivent plus avoir qu'une attribution commune, celle des malheureux, partout où il y en a dans le ro>aume, et de la manière dont il convient à l'intérêt de l'Etat de les assister. Votre comité n'ignore pas que cette idée effraye quelques bons esprits; que des ennemis de la chose publique s'en servent déjà pour persuader à la classe malheureuse, que nous proposons à l'Assemblée d'enlever le patrimoine des pauvres. Nous devons donc développer nos motifs, pour persuader de nos raisons ceux qui partagent avec nous l'amour de la Constitution et l'amour de l'humanité, et pour rendre sans effet les armes de ceux qui voudraient présenter la détermination sage et nécessaire que nous vous proposons de prendre, comme contraire aux intérêts de la classe que vous nous avez chargés de servir.
L'égalité des droits est Je principe fondamental de votre Constitution. Ce principe commun à tous les citoyens peut-il cesser d'être applicable pour ceux qui, n'ayant que des malheurs et des besoins, ont droit de réclamer les secours de la société, qu'elle-même a le devoir de ne leur donner que dans l'exact nécessaire? Et cependant cette égalité de traitement, suite naturelle de l'égalité de droit, serait rompue, si les hôpitaux, les maisons de charité, aujourd'hui existants, restaient avec leurs revenus actuels, et avec leur actuelle attribution, puisque dans certains départements, dans certaines parties de départements, les maladies, la vieillesse, les infirmités resteraient sans secouts, tandis que des aumônes abondantes entretiendraient dans d'autres, par des secours suprfius, l'éloignement du travail et de toute prévoyance.
Si les revenus des hôpitaux aujourd'hui existants leur sont laissés dans leur intégrité, et que cependant la nation veuille satisfaire l'engagement solennel qu'a pris en son nom l'Assemblée d'assister l'indigence, il faut alors que l'hôpital le mieux doté, celui dont le revenu le plus considérable doit pourvoir à un moins grand nombre d'individus, serve de modèle, d'échelle de comparaison pour la distribution générale des secours dans tout le royaume. Autrement plus d'égalité, plus de justice dans ce point important de la Constitution ; et certes, cependant, celte manière de doter ainsi la caisse des secours, absorbant à elle seule presque tous les revenus de l'Etat, serait encore profondément impolitique et vicieuse, contrarierait les vues sages que vous avez adoptées, et les devoirs que vous avez à remplir.
Dira-t-on que les biens des hôpitaux étant la propriété des pauvres des lieux qu'ils doivent desservir, c'est blesser le droit le plus sacré, le plus respectable de toute société, que de les distraire de leur première destination ? Nous pourrions répondre qu'il n'est peut-être pas un seul hôpital dans le royaume, qui, depuis sa fondation, n'ait reçu des modifications dans ses attributions, soit en extension, soit en diminution; qu'il n'en est surtout pas un qui n'ait reçu, dans les frais de son administration, une augmentation au moins inutile au soulagement des pauvres. Mais nous irons plus au fond de la question, et nous dirons que la classe des pauvres n'ayant malheureusement que trop de réalité, n'est cependant déterminée dans ses bornes, que par l'acception donnée au mot qui la désigne, par chacun de ceux qui l'emploient. Il est impossible de disconvenir que, quelle que soit la somme dont la bienfaisance ait assigné la distribution dans tel ou tel lieu, elle sera répandue sur des familles dont l'aisance accroîtra heureusement par cette ressource; mais si cette somme augmentée depuis l'époque de la dotation, par la plus grande valeur des fonds, doit assister un moins grand nombre d'individus, parce que le pays est, ou plus riche, ou moins peuplé, il est certain qu'elle assistera au delà du nécessaire, au delà même du vœu de la fondation, ceux sur qui elle sera portée; tandis que des lieux voisins, appauvris peut-être par les mêmes motifs qui ont enrichi celui qui se trouve aujourd'hui plus heureux, sont sans secours, et n'ont jamais reçu de dotation, parce qu'au moment où il leur en eût peut-être été fait, leur situation n'en exigeait pas. Nous dirons que l'explication arbitraire donnée au mot pauvre par les administrateurs, vaut souvent des secours à celui qui n'en a pas besoin, en refuse à celui à qui ils seraient nécessaires, crée des fainéants et des mécontents. Nous dirons que c'est à la nation seule qu'il appartient d'expliquer ce mot, parce qu'il est de son devoir et de son intérêt de donner aux secours publics la direction et l'application la plus utile au vœu de l'humanité, à la prospérité de l'Etat, à l'amélioration des mœurs de ses habitants ; et nous dirons enfin qu'en les distribuant ainsi, qu'en les affectant aux vrais nécessiteux, partout où ils se trouvent, la nation conserve, défend les droits, la propriété des pauvres, les étend, loin de les violer.
A tous ces motifs vraiment constitutionnels, et nécessairement conséquents de tous les principes qui vous ont dirigés jusqu'ici, nous en ajouterons d'autres, qui, moins essentiels, sont encore cependant de quelque poids.
Uue grande partie des revenus des hôpitaux sont diminués par ceux de vos décrets qui ont
détruit les péages, le droit de banalité, et surtout les dîmes. Si vous pensez devoir conserver les biens d'hôpitaux, dans leur nature et dans leurs attributions, vous devez remplacer pardes fonds, par des rentes, par des biens solides, la partie des revenus qu'ils ont perdue. Les raisons qui s'opposent à la réunion générale que nous proposons, et par elle à l'entière expropriation des biens d'hôpitaux, s'opposent avec toute leur force à leur diminution, ou bien il faudrait convenir que la partie de revenus de ces maisons, détruites par la Constitution* était précisément partout celle qui excédait les véritables besoins que ces maisons devaient assister ; et cette particulière combinaison de choses est difficile à concevoir. Quel que soit celui de ces deux partis auxquels vous vous déterminerez, vous n'aurez encore rien fait pour les campagnes, qui, dans presque toutes les parties du royaume, ne reçoivent aucun secours. Vous ne vous serez ménagé aucun moyen de balancer par une répartition éclairée les variations dans la richesse ou dans la pauvreté des départements. Vous vous serez condamnés à la funeste nécessité d'entretenir une classe de pauvres, là où les mêmes secours seront toujours apportés avec nécessité, quelque prospérité que puisse prendre le département ; et de laisser sans assistance des cantons, deB départements entiers, riches peut-être aujourd'hui; et que des événements, indépendants de toute activité et de toute prévoyance, auront plongés dans le malheur. Car si vous laisses les hôpitaux actuels rentés comme ils sont, ou comme ils le seraient avec les dédommagements que voua leur accorderiez, et si vous voulez cependant remplir vos vue3 sages et justes d'une répartition proportionnelle de secours dans toutes les parties de l'Empire, quelles réclamations n'éprouverez-vous pas de ceux qui verront ainsi positivement Ce qu'ils appellent leur bien devenir la propriété d'autres établissements ? Quelles réclamations n'éprouverez-vous pas dans la distribution que vous déterminerez des hôpitaux et hospices, selon la convenance des lieux, leur population et l'esprit général qui déterminera vos décrets sur les secours?
Dussiez-vous même n'apporter aucun changement dans la répartition des hôpitaux, et dans la distribution des secours, l'Assemblée devrait encore, par des vues de sagesse et de politique, aliéner les biens-fonds qu'ils régissent; leurs produits seront augmentés, en remettant dans la société, et livrant à l'activité des véritables propriétaires, des biens que des administrateurs éphémères, que des administrateurs chargés par devoir, avant tout, et sans distraction, du soin des pauvres, ne peuvent jamais porter à leur véritable valeur. Et certes, c'est pour un gouvernement un grand devoir, méconnu jusqu'ici, que celui d'influer de tous ses moyens à ce que tous les fonds rapportent à la masse de la société tous les produits dont ils sont susceptibles. L'Etat qui remplit mieux ce devoir est le plus riche, et celui dont les habitants sont les plus heureux.
L'idée de vendre les biens des hôpitaux n'est d'ailleurs pas une idée nouvelle : le chancelier Daguesseau regardait leur aliénation comme nécessaire, et un édit du roi avait, pendant son ministère, été donné à cet effet. Il était déterminé à cette résolution depuis longtemps, méditée, par la connaissance qu'il avait de la mauvaise administration de ces biens; de la rentrée incertaine de leurs revenus, qui mettait toujours au hasard la subsistance du pauvre, ou qui autorisait les
emprunts provisoires, d'où résultait avec nécessité l'endettement de ces maisons, la diminution de leurs ressources, et une charge nouvelle pour le Trésor public. Cet édit n'était qu'une amplia-tion de celui de 1561, rendu sous le chancelier de l'Hôpital, confirmé par les ordonnances de Moulins et de Blois, sous Charles IX. Un nouvel édit rendu en 1780, confirme les mêmes dispositions.
Personne n'ignore, dit le chancelier Daguesseau, dans une lettre au parlement de Grenoble, en réponse à des remontrances faites sur cet édit de 1749; personne n'ignore que le revenu des biens-fonds d'hôpitaux est consommé en grande partie, et quelquefois absorbé entièrement par les réparations (1) et les autres charges; à quoi il faut ajouter la difficulté d'affermer ou louer ces biens à leur juste valeur, l insolvabilité des fermiers et des locataires, les poursuites que l'on est obligé de faire contre eux, les procès qu'il faut soutenir pour les droits dépendant de ces biens. Les meilleurs administrateurs ne sont pas toujours capables d'entrer dans les détails que ces sortes d'objets exigent nécessairement, ou ils ne sont pas en état d'y vaquer. L'expérience a fait Voir que les biens-fonds d'hôpitaux diminuent presque toujours de valeur, et la dépense journalière d'un hôpital demande un revenu qui soit plus facile à percevoir.
Quant aux rentes sur les particuliers, elles engagent très souvent dans des discussions fort onéreuses, et c'est toujours avec regret que Von voit des administrateurs d'hôpitaux occupés à suivre dans les hôpitaux des saisies réelles, aes décrets ou des subhastations, des ordres, ét d'autres procédures semblables ; de qui les détourne au moins de l'attention continuelle qu'exige l'administration intérieure d'un hôpital, et fait quelquefois consommer le bien des pauvres en frais de justice.
Le Chancelier de l'Hôpital voyait, dans cette dernière source de ruine pour les hôpitaux, une sorte de scandale contre lequel il s'élevait fortement. Il ne pouvait tolérer qué les revenus des pauvres, fruit de la douce Compassion, et destinés par la bienfaisance, servissent de prétexte et de pâture à la chicane : il y voyait uue monstrueuse disconvenance.
Toutes les lois françaises, qui n'ont pas ordonné ou autorisé l'aliénation des biens d'hôpitaux, ont agi dans le même esprit, en défendant à ces maisous d'acquérir de nouveaux fonds, et l'expérience en a justifié le principe si approuvé déjà par la raison. Une grande quantité d'hôpitaux, de maisons de charité, ont été et sont encore aujourd'hui obérés de dettes; les plus riches sont, par une cbnséquence que l'habitude peut faire appeler naturelle, ceux dont la dépense a dépassé leur revenu dans une plus grande proportion, et dont l'acquittement est plus difficile. Aussi plusieurs ont-ils sollicité et obtenu, plusieurs sollicitent-ils encore l'aliénation d'une partie de leurs fonds ; aussi plusieurs, eu payant leurs créanciers avec des rentes Viagères, ont-ils, pour un temps très long, diminué leur revenu, et agi comme si, en attendant leur entier rétablissement, ils pouvaient rendre moins abondante la subsistance de leurs pauvres, en nourrir une moins grande quantité, en contracter encore de nouvelles charges. Cette situation, commune à un grand nombre d'hôpitaux, prouve à la fois la nécessité de l'aliénation,
si elle était sérieusement mise en doute. G'est véritablement ainBi que les secours seront certains pour ceux à qui l'Etat en doit, pour ceux à qui vous devez les assurer dans tous les moments, et indépendamment du mérite ou de l'impérltie des administrateurs. Les hôpitaux militaires, bien mieux servis dans plusieurs villes du royaume qne les hôpitaux fondés, n'ont cependant aucun bieù-fonds ; leurs revenus proportionnés chaque jour à leurs besoins, fournissent toujours avec suffisance les secours aux malades qu'ils doivent assister; tandis que les revenus des hôpitaux dotés en domaines, en octrois, en droits, soumis aux variations, et des saisons, et de l'exactitude des fermiers, très indépendants des besoins des malheureux, sont, ou plus considérables qu'il n'est nécessaire, et se consomment en superflu, ou insuffisants, et entraînent, comme nous l'a-vonsdit, dans un état de dette ét de dérangement, des maisons dont le désordre fait la ruine des malheureux qu'ellés doivent secourir.
Ainsi, aux principes vraiment constitutionnels'de l'égalité des droits du pauvre, par lesquels vous devez répartir dans une égale proportion les secours partout où ils sont nécessaires, se joignent, pour vous déterminer à la réunion dans un centre commun des biens d'hôpitaux, et à leur aliénation, la situation même de ces biens, la réduction que vos décrets leur ont fait éprouver, l'opinion des hommes recommanda-bles, qui, dans des temps déjà éloignés, en voyaient la nécessité; le vœu de vos lois, qui, depuis le chancelier de L'Hôpital, ayant expressément défendu aux hôpitaux d'augmenter leur propriété, ont prouvé qu'elles ne les jugeaient pas sans inconvénient ; enfin, l'expérience plus forte que toutes les opinions, plus éclairée que toutes les lois, qui démontre les vices sans nombre du revenu des hôpitaux établis sur des biens de cette nature.
Nous laissons à votre comité de Constitution à vous démontrer comment cette aliénation des biens des hôpitaux tient au système général de la Constitution ; comment l'aliénation des biens ecclésiastiques ne serait qu'un ouvrage imparfait, si vous laissiez encore propriétaires des corps de main morte ; et comment, enfin, les grands biens du clergé ayant eu une origine semblable à celle qui pourrait se retrouver dans la propriété des hôpitaux, vous devez éteindre jusqu'au moindre germe de la possibilité de ce retour.
Pour nous, nous renfermant exactement dans notre mission, nous nous bornons à considérer la nécessité de l'aliénation des biens d'hôpitaux, dans la certitude du soulagemeut des malheureux, dans leur égale assistance, dans l'acquittement de ce devoir précieux que chacun de vous veut complètement remplir; et nous l'y voyons avec évidence. Sans doute, si la nation, en voulant répartir les secours avec égalité dans les différents départements, avait le projet de ne donner que des secours insuffisants, les villes, les cantons pourvus d'hôpitaux pourraient réclamer avec raison contre un ordre de choses qui augmenterait à leurs dépens les ressources des autres. Mais quand la nation, prétend répandre partout des secours complets, et de la manière la plus utile aux différentes classes qu'elle doit pourvoir, quel intérêt auraient les villes de réclamer contre cette réunion ? Quel droit en ont-elles? La plupart des revenus des hôpitaux, fondés sur des octrois, sont perçus par les villes, mais payés le plus souvent par les campagnes,
qui ne profitent pas de leurs secours. Serait-ce à l'époque actuelle qu'une aussi injuste disposition pourrait être maintenue? D'ailleurs, le système nouveau de répartition des secours, devant s'étendre Sur toutes les parties du royaume, rendra le besoin des villes moins grand, et, quel qu'il soit, il y sera satisfait.
Il est donc sans la moindre apparence de réalité que le projet de déclarer nationaux les biens d'hôpitaux, de les aliéner, de faire une masse commune dé secours à répartir dans tout le royaume, puisse compromettre l'assistance de la classe indigente; qu'au contraire, il confirme qu'il consolide, et qu'il rend indépendante de tout événement, de toute chance inattendue, de tout hasard d'une bonne ou mauvaise administration.
Mais en convenant de là possibilité d'aliéner les biens d'hôpitaux, prétendra-t-on peut-être que l'Etat doit laisser, doit imposer à chaque municipalité le devoir d'entretenir ses pauvres? Cette idée si souvent répétée, si séduisante par sa simplicité, jugée d'ailleurs par quelques personnes d'une facile application, mérite d'être combattue par des raisons qui en démontrent l'impossibilité.
D'abord l'assistance pour ceux qui doivent être secourus ne serait pas égale ; elle dépendrait du plus oh moins de richesses de la municipalité, de la facilité plus ou moins grande des corps administrants. Si les lois de l'Empire prescrivaient un traitement égal pour tous les individus à assister, l'injustice et l'inégalité se trouveraient alors pour les citoyens qui devraient contribuer aux secours; car la proportion des besoins n'est pas toujours celle des richesses; le pays le plus pauvre, celui où un plus grand nombre de secours est nécessaire, est presque toujours au contraire celui où il existe moins de ressources. Ainsi, ou assistance insuffisante, ou charge insupportable pour les citoyens qui ne seraient pas assistés. Si l'on ajoute à ces raisons déjà déterminantes pour rejeter cette idée, celle qu'il faudrait alors que chaque municipalité eût un établissement propre à secourir toutes les infirmités de la vie, qui toutes pourraient assaillir quelques-uns de leurs habitants ; si l'on ajoute la difficulté des changements de domicile, et l'obstacle funeste mis par cette difficulté au mouvement de l'industrie, le malheur des pauvres rejetés d'une municipalité à une autre, avilis par les refus, par les repoussements de toutes, deviennent des sources continuelles et coûteuses de procès et de haines. Si l'on ajoute toutes les suites fâcheuses et nécessaires de ce mauvais ordre de choses, on trouvera bientôt sans doute que, malgré son apparente simplicité, cette idée n'est pas d'une exécution praticable.
Mais une autre considération la rend plus impraticable encore; C'est la nécessité, dans ce système, d'une taxe particulièrement appliquée au soulagement des pauvres. Ce projet, dont l'expérience de nos voisins démontre tous les vices, a cependant encore des partisans ; et comme il pourrait se reproduire sous des formes différentes, et qu'il est plein de dangers, le comité croit devoir encore donner quelques développements aux motifs qui lui en ont fait rejeter même l'idée, il ne s'attachera qu'aux principaux.
Cette taxe sera inégale dans tous les lieux, en raison des besoins auxquels elle devra faire face; alors elle rendra inégale la valeur des propriétés. Cette augmentation de charges sur fes propriétés
ne fera pas augmenter en proportion leur valeur, comme on pourrait le dire, si elle était égaledans tout le royaume : ainsi les propriétaires, sans avoir l'espérance d'augmenter leur revenu, courront le danger de voir leurs fonds tomber de valeur; et la conséquence de cet ordre de choses sera ruineuse pour l'Etat et pour les pauvres. Car les propriétaires, au lieu de chercher à attribuer et à favoriser l'industrie pour améliorer la propriété, s'entendront, au contraire, pour la repousser, parce qu'ils la regarderont comme une cause de charge pour eux. Ainsi le principe de toute amélioration se tarira dans sa source, et l'accroissement considérable des charges, dont le propriétaire craindra d'être grevé, repoussera fortement la tendance au travail que la liberté favoriserait eu vain.
Cette inégalité de taxe, impolitique pour le bien du royaume, peut doi.c encore être d te généralement injuste; mais elle aurait de plus le vice moral de porter un grand obstacle à l'établissement des secours que l'Assemblée nationale projette pour les pauvres. Les propriétaires, les domiciliés, les fermiers, qui, parla nature de l'irrégularité de la taxe, se trouveraient exposés à des augmentations qu'ils n'auraient pas pu calculer, se refuseraient, autant qu'ils pourraient, à la contribution de ces secours, auxquels cependant la loi les obligerait. Tous les moyens de ruse, de force seraient employés par les divers départements pour se renvoyer réciproquement les familles qu'ils devraient secourir, ou auxquelles ils prévoiraient devoir un jour donner des secours.
Cette dureté pour le malheureux, vice presque contre nature ou au moins contre toute société, serait cependant en quelque sorte excusable par la prodigieuse inégalité des secours à leur donner; et cependant elle ne diminuerait pas les charges : car il est de la nature de toute taxe individuelle, et dont le secours des pauvres est l'objet désigné, de s'augmenter même malgré l'opposition des contribuables. En vain, ceux qui payeront la taxe se raidiront-ils, de concert avec les administrateurs eux-mêmes, contre son augmentation, il n'en résultera qu'une lutte perpétuelle, qu'une plus grande incurie sur l'emploi de la taxe, et peu de soulagement profitable; mais la taxe augmentera. Le besoin, l'importu-nité, l'intérêt personnel des pauvres seront toujours plus forts que ne pourrait jamais l'être la constance des administrateurs à refuser. Des ambitieux, des intrigauts, disposés à flatter la multitude et à gagner une popularité du moment, détermineront cette augmentation, que les administrations suivantes n'oseront baisser, et qui peut-être s'étendront jusque sur les districts voisins; et c'est particulièrement encore ici que l'exemple de l'Angleterre est une grande leçon. La taxe des pauvres n'y était portée, au commencement du siècle, qu'à quinze millions; elle excède aujourd'hui soixante; et les contribuables, luttant sans cesse contre son poids énorme, sentent l'impossibilité de la diminuer, et se bornent aujourd'hui à chercher à l'empêcher de s'étendre davantage, sans oser espérer pouvoir s'opposer efficacement à son accroissement. La France nous fournit même l'exemple de la cherté et du danger Ce cette taxe pour les pauvres. On sait que, uans la ci-devant province de Flandre, les pauvres sont entretenus par leurs paroisses, et le mode de les adjuger par an au rabais, prouve que l'on veut mettre à profit l'esprit de charité des habitants de cette ancienne province, pour nourrir les pauvres à un plus bas
prix. Cependant la taxe pour les maintenir, inégale dans toutes les paroisses, s'élève dans quelques-unes à 4 livres par arpent, et est encore indépendante des biens d'hôpitaux.
Tous ces inconvénients, dont le comité a reconnu la réalité, lui ont fait rejeter toute idée, même éloignée, de taxe pour les pauvres; et comme elle est indispensablement nécessaire au projet de donner à chaque municipalité la charge des pauvres, ce projet, déjà avantageusement combattu par les raisons précédentes, nous semble entièrement démontré impossible; aucun d'eux ne se trouve dans le projet qu'il propose pour la répartition des fonds.
Il faut donc poser pour principe que les biens des hôpitaux seront réunis en une masse commune, dans les mains de la nation, qui les aliénera à son avantage, pour affecter des sommes nécessaires et complètement suffisantes au soulagement des malheureux, et que, dans cette sainte intention, l'administration des secours publics sera assimilée aux autres parties de l'administration publique, dont aucune n'a lieu avec des revenus de biens-fonds particuliers.
Ce fonds que nous proposerions d'appeler fonds de secours, pour que la nation, qui reconnaît le droit du pauvre, n'emploie plus celui de charité ou d'aumône, doit avoir pour objet de soulager la classe indigente, dans l'intention que l'Assemblée paraît avoir adoptée; travail aux valides; secours plus ou moins compl tsaux enfants, aux malades, aux infirmes et aux vieillards; enfin, répression et puuition des mendiauts valides.
Ces fonds doivent être suffisants pour remplir tous ces objets; bien entendu cependant qu'il faut y comprendre la partie des revenus que doit procurer le travail des pauvres dont Je produit sera vendu.
Ils pourvoiront donc aux soins des enfants, à ceux des malades, des hôpitaux, des hospices, des travaux qui ne sont pas ceux des grandes routes ou vulgairement appelés d'établissements publics, aux maisons de correction, aux frais de transportation, si l'Assemblée croit devoir admettre ce genre de punition ou plutôt de sûreté publique.
A chaque nouvelle législature, l'Assemblée nationale voterait, avec la sanction royale, la répartition des fonds par département, que les besoins connus pourraient exiger, de telle manière que, donnant à chaque département ce qui mi est nécessaire, elle réserverait dans un centre commun une somme disponible pour être versée dans tel ou tel départemeut, selon les besoins et dans le cas de malheurs extraordinaires.
Chaque législature faisant une nouvelle répartition de fonds, le détail en varierait dans les départements qui ne seraient pas tous traités de même, parce que tous ne seraient pas dans une égale situation de besoins; et la somme totale destinée aux secours recevrait elle-même la modification dont l'accroissement de prospérité ou de malheur impossible à prévoir lui ferait la loi.
La même proportion serait observée des départements pour les districts.
Comme nous supposons que les barrières où une partie de l'imposition générale servirait à la confection et à l'entretien (les grandes routes, le fouds de secours aiderait les contributions particulières des municipalités, pour faire les communications ou autres travaux utiles à la communauté.
Il se pourrait encore que les sommes à la disposition des départements fussent employées en prêt pour l'amélioration de l'agriculture, en établissements de bon exemple, comme maisons de prévoyance, mai-ons de santé pour les moins pauvres; et cette idée n'est pas à négliger : car un des caractères principaux de la bienfaisance politique est d'appeler, par tons les moyens, l'industrie et la prévoyance des hommes qu'elle secourt, et de les animer par leur intérêt et leur amour-propre à désirer de ne pas être à charge à l'État.
Il faut ajouter que les quêtes d'église, si on les laisse subsister, les produits des aumônes publiques, seraient à la disposition, ou du curé, ou des municipalités. De ce genre seraient encore les dotations, les souscriptions, les dons enfin particuliers, qui devraient être administrés au gré des donateurs, si leur disposition n'est pas contraire aux lois de l'E at, et pendant seulement le nombre de 50 années. Nous avons cru devoir vous proposer de borner à ce terme le droit des fondations, parce que cette révolution d'années est l'époque la plus éloignée de la probabilité de la vie du fondateur, pendant laquelle toutefois ses intentions devront être suivies; parce que cette époque fixée lui donnera la confiance de l'exécution entière de sa volonté pendant tout ce temps, et parce qu'enfin l'intention de la foniiatioii soumise après ce terme à la revision générale recevra, si elle est maintenue, sa nouvelle existence de la connaissance réfléchie de son utilité, ou sera tournée à l'avantage commun plus véritablement reconnu. L'acte de dotation, portant le nom des donateurs, resterait à jamais affiché dans le lieu principal de l'établissem nt.
Telle est l'idée que s'est formée le comité d'une répartition de deniers, qui, suffisant à tous les besoins, répandrait les secours dans la proportion de ces besoins, et dans une sorte d'ampleur qui, n'éteignant pas la nécessité du travail, tournerait évidemment à la prompte prospérité du royaume, porterait avec connaissance les secours jusque dans la plus obscure chaumière, et qui, enfin, est entièrement conforme à l'esprit de la Constitution.
Il ne resterait qu'à parer à l'inconvénient qui naîtrait pour les municipalités, districts et départements, de la certitude d'avoir des fonds suffisants; inconvénient d'où il pourrait résulter que, n'ayant aucun intérêt à ménager leurs fonds, ils seraient plus soigneux dans les économies de toute espèce qu'ils devraient faire, sans lesquelles les fonds tes plus abondants ne suffiraient pas, et que l'intérêt porsonnel peut seul opérer. Il s'agirait donc de le mettre en jeu. Ce problème serait résolu sans difficulté, et eut-être sans inconvénients, eu faisant cdntri-uer, dans une proportion quelconque, les départements, et par eux les districts et les municipalités, à l'addition de fonds de secours votés sur leur demande par l'Assemblée nationale. Ce problème, d'autant plus juste que les autres fonds affectés aux départrments seraient plus justement répartis, semble devoir parer à l'insouciance des administrations et à la faiblesse avec laquelle ils assi-teraient les familles qui pourraient se passer de secours, ou eu donneraient au delà du nécessaire.
Cette manière d'assurer les secours n'a aucun des inconvénients qui nous ont fait rejeter l'idée de la taxe. D'abord on pourtait dire que ces fonds, produits en grande partie par les biens natio-
naux, ne sont pas une imposition. Vainement prétendrait-on que la part destinée aux secours, employée à une autre intention, soulagerait d'autant les impositions, et qu'ainsi appliquée au soulagement des pauvres, elle grève dans cette proportion les contribuables. Il sera facile de démontrer que la partie des revenus publics, distraite pour cette intention, sera peu considérable, les biens des hôpitaux de charité, des maladreries, etc., aujourd'hui existants, devant remplir une grande partie des besoins; mais cette partie fût-elle plus forte, elle ne peut jamais être considérée comme une distraction faite aux autres obligations nationales. C'est un emploi de devoir que la natiou a reconnu tel en rentrant en possession des biens jadis ecclésiastiques. La nation est à cet égard comme recevant un héritage grevé, pour une partie, d'une délégation positive, et par conséquent sacrée; elle hérite de tous les biens domaniaux, ecclésiastiques, moins les charges dont elle les reconnaît affectés. L'égalité proportionnelle de répartition de ces secours dans tous les départements n'est donc pas une injustice.
La partie de ces secours qui est inégale, et qui exige, pour être obtenue, une contribution des municipalités, districts ou départements qui la sollicitent, n'a pas non plus, comme la taxe, l'impolitique inconvénient de mettre une grande inégalité dans la valeur des fonds; car la contribution exigée ne sera jamais forte, puisqu'elle ne sera qu'une proportion dans ce secours additionnel destiné au travail. Elle sera suffisante pour éveiller l'attention des contribuables, pour les tenir en garde contre une injuste admission sur la liste des pauvres; mais la différence de cette partie de contribution d'un département à un autre ne pourra jamais établir une grande différence dans l'estimalion des propriétés. D'ailleurs cette contribution particulièrement attachée à la part des secours destinée aux pauvres, recevra elle-même un grand profit des avantages utiles qu'elle fera faire par les ouvriers qu'elle soulagera, et elle répandra ainsi, à l'avantage commun, les sommes provenues de la contribution commune; elle eu haussera la valeur des propriétés. Ainsi un accroissement à cette contribution ne serait que d'un léger inconvénient pour le contribuable; mais il n'aura lieu »iue dans le cas toujours déterminant de la nécessité, parce que les contribuables déjà mis en garde par leur propre intérêt, seront préservés encore de la trop grande facilité de cette augmentation, par les districts, départements, et enfin par le Corps législatif, dont en dernier ressort l'approbation sera toujours indispensable.
L'assistance des malheureux étant une partie essentielle de notre Constitution, l'administration qui dispose des fonds qui lui sont attribués, qui répartit et qui distribue ces secours, doit être conduite d'après les mêmes principes et par les mêmes moyens qui administrent toutes les autres branches de cette Constitution. La Constitution doit être une. Si quelqu'une de ses parties pouvait s'en détacher sans nuire à l'ensemble, cet ensemble serait imparfait.
Toute l'administration étant sous la direction des assemblées de département et de district, l'administration des secours doit donc avoir la même marche.
Il n'est pas question ici de bureaux de charité, c'était bon pour l'aumône ; ils pourront avoir lieu encore pour les souscriptions volontaires, pour les actes libres de bienfaisance que feront les individus ; l'administration des secours
donnés par l'Etat, dans des vues générales de bien public, dans celles de la Constitution, ne peut appartenir qu'à ceux en qui la nation a confiance, et qu'elle a choisis pour remplir ses vues.
Mais comme cette importante administration, très variée dans ses branches, exige des soins, une activité, une surveillance continuels, et que les assemblées administratives, surchargées d'affaires de toute espèce, manqueraient de temps pour se livrer à ces détails avec suite, nous avons pensé que cette administration nécessitait une agence particulière, qui, dépendant du grand corps administratif, porterait une attention de tous les moments sur ces détails.
Cette agénce serait placée auprès des départements et auprès des districts.
Elle serait composée aux départements, de 4 citoyens choisis par les électeurs, et formerait le conseil et le moyen des départements dans cette branche d'administration.
Il est nécessaire que le choix du peuple, pour remplir utilement les fonctions de ces agences, porte sur des hommes véritablement amis de l'humanité, qui, guidés par une morale sévère et une sensibilité profonde et réfléchie, bravant tous les sacrifices d'amour-propre, toutes les contrariétés que leur bonne intention pourra quelquefois trouver dans son exécution, pour faire du bien aux hommes, et qui, peu soucieux du succès du moment, sachent attendre du temps, avec patience et courage, la justice due à leurs soins, à leur activité et à leur sagesse.
Il serait utile qu'il se trouvât dans cette agence un médecin, puisque le soin des malades et des enfants est du ressort de l'administration des secours ; et parce que, encore, il serait bon que les chirurgiens et sages-femmes, répandus dans les campagnes, pussent être dirigés, dans l'ensemble de leur traitement, par un homme de l'art ; il serait utile encore qu'il s'y trouvât un homme qui apportât quelques connaissances dans la fabrication et le commerce des ouvrages susceptibles d'être fabriqués dans les maisons de correction. Toutes ces convenances seront prises en considération par les électeurs.
Les agences de district pourraient n'être composées que de deux citoyens qui surveilleraient tous les établissements faits dans leur district. Ils feraient encore partie d'un comité que nous croyons devoir être utilement formé pour régir supérieuremènt les maisons de correction, les hospices, pour connaître des fautes, ou de la bonne conduite de ceux qui y sont détenus; prononcer sur les punitions ou sur les grâces de quelque importance qu'ils peuvent mériter; enfin, préserver les pauvres et les détenus de l'arbitraire toujours dangereux des agents subalternes.
Le juge de paix du canton où se trouverait chacun de ces établissements, devrait être membre, et peut-être président de ce petit comité. Les fonctions et la confiance du peuple l'y appellent avec nécessité. Les municipalités nommeraient ou un de leurs membres, ou un citoyen de leur commune, pour surveiller la distribution et l'emploi des secours dans leur étendue.
Telle est l'idée que s'est faite le comité de cette grande administration qui, conduite d'après les lois générales, prononcées par le Corps législatif, ou par des lois particulières approuvées par lui, et faisant partie de l'administration générale du royaume, devrait être, comme toutes les autres, supérieurement inspectée par
le roi en sa qualité de chef du pouvoir exécutif, afin que, chargé de leur exécution, il puisse les rendre conformes aux lois, en rappeler toutes les branches à un centre commun de surveillance, et maintenir dans ce rapport d'exécution, comme dans tous les autres, l'unité et l'ensemble de la monarchie.
Mais les besoins n'étant pas les mêmes dans les divers départements, les secours doivent être différents. Une sage législation doit prévoir et se prémunir contre la facilité si naturelle des administrateurs, qui chargeraient le rôle des pauvres de famille, qui ne devraient pas espérer de secours, et qui, par cette trop grande facilité, donneraient un exemple bientôt suivi généralement, et dont les bornes se reculeraient sans cesse. L'assistance accordée par l'éclat doit se borner aux vrais besoins. N'oublions pas que toute extension qui lui est donnée au delà de la nécessité est à la fois une sorte d'encouragement à la paresse et à l'imprévoyance, et une injustice à la société, puisque les sommes dépensées sans utilité ne devraient pas être levées, ou pourraient recevoir une meilleure application. Il faut donc poser des principes qui servent de bases aux secours que l'Assemblée nationale doit répandre dans les divers bâtiments; et ces bases sont encore données par la Constitution,
Ainsi, la population, la contribution et l'étendue, qui servent déjà de base à la représentation de chaque département, en serviront encore pour l'assistance à laquelle ils doivent prétendre de la nation; en donnant à cette base, pour premier élément, la proportion des citoyens actifs avec la population de chaque département, elle réunira toute l'équité et toute la perfection dont elle est susceptible. En effet, on ne peut nier que le département qui, toutes circonstances égales d'ailleurs, renferme une plus grande proportion de citoyens actifs, est celui dans lequel les secours doivent porter sur un moins grand nombre d'individus.
On ne peut nier encore, cette considération étant toujours la première, qu'entre deux départements d'une étendue pareille, et d'une égale population, celui qui versera dans le Trésor public moins de contributions, sera dans une moins bonne situation de richesses ; que celui-là aura moins de besoins, qui, avec plus de contributions, sera d'une étendue moins grande, et renfermera une plus petite population ; que celui qui, avec plus d'étendue, plus de population, fournira moins de contribution, aura plus besoin de secours ; qu'enfin celui-là sera le plus riche de tous, qui, avec moins de population payera plus de contribution dans une moindre étendue; bien entendu toutefois, que chaque département payera l'impôt dans la même proportion de ses ricnes-ses. Cette mesure équitable de la richesse et de la pauvreté, le sera encore de tous les besoins qu'il faut assister ; car, à quelques légères différences près, tenant à des causes particulières, qu'il est facile de connaître, la même masse d'hommes indigents amène la même quantité d'enfants à secourir, de malades à traiter, de vieillards et d'infirmes à assister, de fainéants et de mendiants à réprimer.
Mais quelque équitable que soit la base qui fixe la proportion de la distribution des secours dans tous les départements, il a paru à votre comité que si des sommes pareilles acquittaient les mêmes proportions de secours entre deux départements où le prix de la subsistance serait différent, l'égalité de proportion dans le secours se-
rait rompue. En effet, il est évident qu'un département où les denrées premières seraient d'un quart moins chères que dans un autre dont la part de secours résultant des bases constitutionnelles serait la même, recevrait, en recevant la même somme,le moyen de répandre plus de secours. Votre comité a donc pensé que le prix commun de la journée de travail dans le département devait être la mesure qui fixerait les sommes par lesquelles la proportion de secours due à chacun d'eux serait acquittée, et, par une conséquence nécessaire, celle qui les fixerait entre les diverses parties de chaque département. On objectera, peut-être, qu'il existe dans les moyens proposés, même par le plan du comité, des dépenses qui ne peuvent varier à un certain point; telles que le traitement des chirurgiens, l'achat des drogues, etc., ou qu'au moins leur variation ne peut suivre exactement le prix de la journée de travail, mesure généralement juste du prix des denrées de nécessité première. Nous répondrons que nous parons à cette difficulté, en ne proposant pas de prendre cette mesure dans l'exacte rigueur et dans tous ses détails. Ainsi, en prenant pour prix le plus cher de la journée d'ouvrier, le prix de 20 sous, et pour prix le plus bas, celui de 16 sous, rapportant à la première mesure toutes les journées au-dessus de 16 sous, et à la seconde toutes celles au-dessous, il est évident que chaque département aura, dans l'évaluation des sommes qui acquitteront, les secours auxquels il doit prétendre, une latitude avantageuse et qui suppléera suffisamment à la partie de ses dépenses, qui ne suit pas la mesure de la journée d ouvriers.
Mais en convenant de la vérité et de l'équité de ces principes, on dira peut-être encore qu'ils sont d'une exécution si compliquée, si difficile, que les départements ne pourront jamais les appliquer. Cette objection n a pas de solidité, si l'on réfléchit que cette répartition sera faite par la législature, sur la connaissance certaine qu'elle aura de tous les éléments qui devront ia diriger; et comme ces éléments seront les mêmes qui, réunis ou séparés, serviront à beaucoup d'autres calculs de l'administration, et dans ses points les plus importants, il n'est point à craindre que la négligence ou l'intérêt les présente inexacts. Le travail des départements se réduira donc à sa plus simple opération entre les districts que la législature aura faite entre tous les départements, et elle ne sera ni embarrassée, ni sujette à erreur.
La première partie des fonds de secours destinés aux départements aura pour objet l'assistance des malades, des enfants, des vieillards, des infirmes, la répression des mendiants, et serait augmentée du produit du travail qu'il serait possible d'exiger de ces classes différentes d'hommes à secourir. La seconde, dont l'objet serait dé secourir des pauvres valides dans les saisons où ils souffrent davantage, aurait pour but particulier de donner du travail. C'est cette partie à laquelle il a paru que les départements doivent contribuer dans une proportion quelconque, afin que l'intérêt de chacun d'eux et de chacune de leurs parties contînt les demandes dans leurs justes bornes, et ne mît pas bientôt à la charge de la nation un grand nombre de familles et d'hommes qui n'ont pas besoin d'être secourus.
Quelque sévère que puisse paraître à quelques personnes cette nécessité imposée aux départements, districts et municipalités, de contribuer aux secours qu'ils requièrent pour leurs familles indigentes, il n'est pas douteux que l'extension
indéfinie de secours, qui résulterait nécessairement de l'assistance gratuite et facile accordée à toutes les demandes, est le plus grand mal à éviter; qu'il ne peut s'éviter autrement qu'en intéressant les départements par une part de contribution, pour les secourir au delà du nécessaire reconnu et ordinaire: qu'enfin les départements, qui seront par là déchargés de la part de l'impôt qui faisait le fonds des ateliers de charité et du moins imposé, n'en recevraient pas une surcharge qui puisse les appauvrir, quand surtout cette part à l'augmentation de secours sera destinée à faire des ouvrages utiles aux cantons, aux districts, aux départements. Il semble alors que ce système de répartition répond à toutes les objections qui pour raient être faites d'une abondance trop grande, ou d'une trop grande parcimonie de secours. D'ailleurs, c'est ici le cas de rappeler qu'un fonds de réserve restera dans une caisse commune, pour secourir les malheurs accidentels, tels que les dégâts causés, ou par un incendie, ou par l'intempérie des saisons, et que ces fonds distribués aux vrais malheurs, le seront gratuitement et sans part de contribution.
Pour terminer l'ensemble des principes généraux qui doivent guider l'administration des secours, il ne s'agit plus que d'indiquer quelles règles doivent être suivies pour l'admission sur le rôle des secours.
Il ne faut pas oublier que nous avons admis, pour principe incontestable, que les pauvres valides doivent être seulement aidés par les moyens de travail, et que les distributions gratuites, soit d'argent, soit de nourriture, devaient être abolies. Les pauvres valides ne sont donc autre chose que des journaliers sans propriété. Ouvrez des travaux, ouvrez des ateliers, facilitez pour la main-d'œuvre les débouchés de la vente ; ceux qui, avec le besoin du travail, ne profiteront pas de ces facilités,ne reconnaissentpasapparemmentce besoin ; s'ils mendient, ils seront réprimés; s'ils ne mendient pas, ils trouveront sans doute ailleurs des moyens de vivre. Et c'est bien ce que doit désirer l'administration ; elle doit encourager dans cette vue, et par tous les moyens si puissants sur cette nation, d'honneur et d'éloges publics, les hommes qui feront travailler à leurs propres frais le plus grand nombre d'ouvriers : car celui-là est vraiment, et sous plusieurs rapports,le plus utile à la patrie. Mais les hommes capables de travail n'auront droit aux secours qu'en maladie et dans leur vieillesse. Encore il semble que, comme les moeurs publiques et l'économie nationale sont également intéressées à exciter l'homme dans toutes les classes à prévoir l'avenir, et préparer le moyen qui peut les dispenser de recourir à l'assistance de la société, il appartient au gouvernement d'exciter ces sentiments généreux et utiles à la société. On pourra, par exemple, utilement placer, non loin des hospices que l'on destinerait pour asiles gratuits des vieillards, des maisons où ceux qui fourniraient une somme, qu'une suite de calculs démontrera pouvoir être très modique, seraient traités mieux, pour la nourriture, le logement, les commodités , que dans les asiles gratuits. Sans doute, ainsi qu'il a été déjà dit dans un des précédents rapports, il ne faudrait pas que, pour cela, le traitement des vieillards secourus fût insuffisant, et que le nécessaire ne leur fût pas complètement donné ; mais il serait utile que tla maison de retraite, réunissant plus de, commodités, pluÊ d'avantages, l'ouvrier fût occupé toute sa vie du soin de pouvoir s'y ménager les moyens d'y être admis.
On dira peut-être qu'ainsi la pauvreté absolue recevrait une injuste humiliation de cette comparaison de traitement ; mais il serait plus vrai de dire quecette humiliation,si on peut l'appeler ainsi, serait bien plus pour l'imprévoyance que pour la pauvreté : car si cette idée peut se réaliser, la classe qui peuplerait les deux maisons serait la même, et, sans doute, la satisfaction de l'homme qui ne devrait l'aisance de sa vieillesse qu'à son économie, qu'à ses soins, qu'à lui-même, encouragerait beaucoup d'autres à se préparer une ressource pareille. Il ne faut pas croire que le sentiment d'énergie qui fait désirer à l'homme pensant, de ne devoir qu'à lui son bien-être, ne devienne pas beaucoup plus commun, même dans la plus intérieure classe des habitants de la campagne, qu'elle ne l'est aujourd'hui. La Constitution nouvelle, qui répandra plus d'instruction dans toutes les parties de la société, qui appelle tous les citoytns à la participation de l'administration et de la législation, donnera à chacun une idée de son existence, que, dans l'ancienne Constitution il ne pouvait pas avoir, et par laquelle ses sentiments seront, et plus élevés, et plus forts. La législation doit encourager, doit hâter cette révoluiion nécessaire; et il est évident que ce moyen est un de ceux qui doivent y contribuer plus puissamment.
Le comité vous soumettra, Messieurs, cette idée avec plus de développement, quand vous vous occuperez des détails du plan qui a pour objet de secourir les pauvres. Il n'est question, dans ce moment, que des hommes qui peuvent prétendre à être secourus par l'assistance publique.
Tout homme ne payant pas pour sa contribution la valeur d'une journée d'ouvrier, a paru à votre comité devoir être mis sur ie rôle des secours. Cette mesure semble être la plus juste; elle est d'ailleurs u'autant plus certaine, que tous les contribuables d'une commune, ayant intérêt à porter l'imposition de chacun à sa valeur, il n'est pas à craindre que le iôle des secours soit porté au delà de ce qu'il doit être. Quelques précautions doivent en assurer l'exécution exacte, et la préserver ries abus ; nous croyons les avoir indiquées dans le décret.
Un autre rôle comprendrait ceux qui, ne payant, pour contribution, que deux ou trois journées d'ouvriers, touchent à l'indigence absolue, et peuvent y être réduits, au moins acciu en tellement, et par diverses circonstances. Ceux-là ne devront pas être habituellement secourus: mais des accidents imprévus, un grand nombre d'enfants, de longues maladies, leur donnerait droit à des secours. Les règles précises de cette assistance sont plus faciles à sentir qu'à expliquer positivement, dans tous les cas qu'elles peuvent embrasser. Elles seront sûrement connues et suivies par la justice et l'expérience des administrateurs, auxquels l'exécution appartient; et nous vous proposerons, à cet égard, ces vues dans le développement des détails de notre travail.
Ici, Messieurs, nous bornons notre rapport, que vous pouvez considérer comme l'ensemble des principes qui doivent tixer votre législation sur les secours que la nation doit à l'indigence; et nous avons, en conséquence, 1 honneur de vous proposer de les déterminer par le décret suivant:
PROJET DE DÉCRET.
Art. ler. L'Assemblée nationale déclare
qu'elle
met au rang des devoirs les plus sacrés de la nation, l'assistance des pauvres dans tous les âges et dans toutes les circonstances de la vie ; et qu'il y sera pourvu, ainsi qu'aux dépenses pour l'extinction de la mendicité, sur les revenus publics, dans l'étendue qui sera jugée nécessaire.
Art. 2. Il sera accordé à chaque département les sommes nécessaires pour les objets indiqués dans le précédent article.
Art. 3. Les bases générales de répartition des secours à accorder aux départements, districts et municipalités, seront : 1° la proportion du nombre des citoyens actifs, avec le nombre de ceux qui ne le sont pas; 2° les trois bases combinées de la représentation nationale, population, contribution, étendue; de manière que cette proportion plus ou moins grande de citoyens actifs, étant toujours la b.ise principale, celui de deux départements égaux en territoire et en population, qui payera moins de contribution, aura une part proportionnellement plus forte ; qu'à égalité de contribution, celui-là aura une part plus grande, dans le territoire et la population seront plus considérables; qu'à égalité de contribution et de territoire, la plus grande population aura droit à une plus grande proportion de secours.
Art. 4. Les sommes à répartir dans chaque département, en conséquence de la proportion résultant des éléments énonces dans l'article précédent, seront tixé sur le prix commun des journées de travail dans chaque département.
Art. 5. Cette fixation sera faite, en estimant Je plus haut prix des journées à 20 sous, et mettant dans cette classe toutes celles payées au-dessus de 16 sous, et en estimant le prix le plus bas à 16 sous, et comprenant dans cette seconde classe toutes celles payées au-dessous de cette valeur.
Art. 6. Ces fonds auront pour objet les secours à donner aux enfants abandonnés, aux malades, aux vieillards, aux infirmes ; les ateliers de secours, les maisons de correction, et autres dépenses relatives aux secours des pauvres, et à l'extinction de la mendicité.
Ai t. 7. La répartition de ces fonds, qui aura lieu à chaque législature, sera faite de la manière suivante : Une partie, qui aura pour objet l'entretien des établissements permanents, c'est-à-dire les secours à donner en maladie, vieillesse, infirmité, aux enfants abandonnés, aux maisons de correction, sera donnée aux départements, sans que ceux-ci payent à cet effet aucune contribution particulière; l'autre, qui aura pour objet les ateliers de secours, sera augmentée d'une contribution payée par les départements, en proportion des sommes qu'ils recevront.
Art. 8. La répartition de ces fonds sera faite des départements aux districts, et de ceux-ci aux municipalités, aux mêmes titres, et dans les mêmes conditions; et devra, pour avoir son exécution, recevoir l'approbation de l'Assemblée nationale, sanctionnée par le roi.
Art. 9. Indépendamment de ces secours accordés à chaque département, il sera fait un fonds de réserve pour subvenir aux malheurs imprévus, occasionnés par des circonstances extraordinaires, dans quelque partie du royaume que ce soit, et pour les dépenses communes à tous les départements.
Art. 10. Ces fonds de réserve seront accordés par l'Assemblée nationale, avec la sanction du roi, sur la pétition des départements, pour les objets qui ne sont pas communs à tous, et par le
décret seul de l'Assemblée nationale, revêtu de la sanction du roi, pour les dépenses générales.
Art. 11. Les dotations, souscriptions, qui se feront à l'avenir au profit des pauvres, et qui ne contrarieront pas les lois du royaume, seront suivies dans toute leur intention, pendant l'espace de cinquante années, et toujours durant la vie des donateurs ou souscr pteurs. Le nom des souscripteurs ou donateurs sera gravé sur un des murs, dans le lieu le plus apparent du principal établissement.
Art. 12. Après la révolution des cinquante années, ou après la mort des donateurs et fondateurs, s'ils vivent plus longtemps, les fonds des donations rentreront dans les mains de la nation : les immeubles seront aliénés, et les revenus qui en résulteront, rentreront dans la masse destinée à l'assistance publique.
Art. 13. L'administration des fonds des secours et établissements qui en dépendent appartiendra, comme toutes les autres, aux départements, et sera exercée par les districts, sous leur autorité.
Art. 14. Il sera formé dans chaque département une agence, au co iseil de secours, composée d'autres citoyens que les membres de ces assemblées, qui sera chargée par le département, et sous ses ordres, des soins et détails de l'administration générale.
Art. 15. L'agence, au conseil des secours, sera, dans les départements, composée de quatre personnes i hoisies par les électeurs.
Art. 16. Elle sera composée de deux seulement dans les districts, choisis de même.
Art. 17. Indépendamment de ces agences, il sera formé un comité de surveillance pour le régime et la police intérieure de chacune des maisons de correction ou d'hospices. Ce comité, composé de quatre personnes, dont deux de l'agence du district, et deux domiciliés dans le canton, nommés par les électeurs, sera présidé par le juge de paix du canton; de manière que, si, dans le même district, mais dans des cantons différents, il se trouvait deux établissements de cette espèce, les deux mêmes membres de l'agence du district seront du comité de surveillance pour les deux, tandis que ceux qui ne seraient pas de cette agence, ne pourraient être attachés qu'à celui de leur canton.
Art. 18. Les membres des agences de secours et des comités de surveillance ne recevront aucun traitement.
Art. 19. Les assemblées de départements pourront déléguer aux municipalités l'administration et la surveillance des établissements compris dans leur ressort.
Art. 20. Le roi nommera six commissaires, chargés de parcourir annuellement tous les départements, de visiter les divers hôpitaux, hospices, maisons de correction, d'examiner si les lois sont scrupuleusement observées pour la distribution des secours.
Art. 21. Ces commissaires rendront compte au roi de l'état où ils auront trouvé les départements qu'ils auront parcourus, dans le rapport des secours, et ce compte sera rendu public tous les ans.
Art. 22. En conséquence des dispositions précédentes, les biens dont les revenus sont aujourd'hui destinés à l'entretien des hôpitaux, maisons de chariié, les biens régis par les ordres hospitaliers, les fonds affectés aux maladreries, et autres établissements du même genre, sous quelque dénomination que ce puisse être, sont déclarés biens nationaux, et toutes les dispositions
des lois relatives auxdits biens, leur seront communes; la question sur les biens assignés à l'ordre de Ma te demeurant ajournée.
Art. 23. Sont pareillement comprises auxdites dispositions toutes fondations particulières d'hôpitaux o i de charité.
Art. 24. A l'égard, néanmoins, de toutes fondations faites pour soulager certains cantons, certain nombre de communautés dans les campagnes, certains quartiers dans les villes, les parties intéressées présenteront leur mémoire aux assemblées de département, pour, sur leur avis, être statué définitivement par le Corps législatif.
Art. 25. Les nouvelles dotations et souscriptions comprises dans l'article 9 seront administrées seulement d'après les intentions des donateurs et souscripteurs, sous la surveillance des districts et départements. Le compte détaillé de leur administration sera, ainsi que ceux de tous les établissements de secours, rendu public tous les ans.
Art. 26. Les conditions pour être inscrit sur le rôle des secours seront : 1° d'être domicilié dans le canton; 2° de ne payer aucune imposition au-dessus du prix d'une journée d'ouvrier; 3° de n'être ni domestique, ni aux gages de qui que ce soit; 4° de faire constater son besoin réel des secours publics, par le serment de deux citoyens éligibles, domiciliés da is le canton.
Art. 27. Les rôles de secours seront formés tous les ans par municipalités, et arrêtés par cantons, en présence des maire et procureur de la commune de chacune des municipalités réunies, pour les discuter contradictoirement. Ces listes seront adressées aux directoires et districts de départements, pour recevoir leur approbation.
Art. 28. Il sera fait un second rôle, où seront inscrits ceux qui ne payent que de deux ou trois journées d'ouvriers; ceux-ci, dans des cas particuliers et accidentels, pourront avoir droit aux secours publics, en remplissant les autres conditions énoncées en l'article 25.
Art. 29. Dans le cas où une famille, ou un individu, prétendant avoir droit d'être inscrit sur le rôle des pauvres, n'y seraient pas compris par la municipalité, ils pourront présenter leur réclamation au directoire du district, qui statuera sur le rapport de l'agence de secours, sauf l'appel au directoire du département.
Suite du rapport (1) fait au nom du comité de mendicité des visites faites dans les divers hôpitaux de Paris (2). Hôtel-Dieu de Paris.
L'Hôtel-Dieu est Je plus grand et le plus important de tous les établissements formés à Paris
pour la réception et le traitement des pauvres malades.
Cet hôpital, situé au centre de la ville, couvre uue superficie de 3,600 toises carrées, ou de quatre arpents, mesure de Paris.
Deux bâtiments construits, l'un sur là rive méridionale de la Seine, l'autre sur celle du nord, se communiquent entre eux par deux ponts, dont l'un, appelé le pont Saint-Charles, et destiné uniquement à l'usage de l'Hôtel-Dieu, est fort large ; il a un côté couvert dans toute sa longueur, et un côté découvert; le premier sert à l'approvisionnement du bâtiment méridional et de passage au public ; le second est le seul promenoir qu'ait l'Hôtel-Dieu pour les hommes convalescents; il n'y en a pas pour les femmes qui sont relevées de maladie. L'autre pont, appelé le pont aux Doubles, parce qu'on n'y passe qu'en payant un double, est situé à la partie orientale de l'Hôtel-Dieu, entre la rue de la Bûcherie et le parvis Notre-l)ame. Les seules personnes à pied y passent, et cela pendant le jour. Sur un côté de ce pont, et dans toute sa longueur, on a élevé un assez beau bâtiment qui contient plusieurs salles, lesquelles établissent aussi une communication entre les deux bâtiments de l'une et l'autre rive.
Le bâtiment méridional est élevé de quatre étages, entouré de petites rues et de vieilles maisons; il occupe un espace de 970 mètres carrés; plusieurs escaliers conduisent aux différentes salles, mais ils sont étroits et insuffisants pour le service. Plusieurs des salles de ce bâtiment méridional sont adossées les unes aux autres; elles sont trop basses, mal aérées et exposées, presque toutes, au bruit perpétuel d'un passage très fréquenté.
Le bâtiment construit sur la rive du nord, a moins d'élévation que celui de la partie méridionale ; les salles y sont mieux disposées, reçoivent un meilleur air et en plus grande quantité.
Les bâtiments élevés sur le pont Saint-Charles et sur le pont aux Doubles, procurent sans doute plusieurs avantages à l'Hôtel-Dieu; mais on pense généralement qu'ils nuisent à la salubrité de l'air, dont ils interceptent le courant.
Dans l'un et l'autre bâtiment on trouve plusieurs grands souterrains qui communiquent immédiatement avec la rivière ; c'est là qu'on a placé les cuisines, les buanderies, les bûchers, les étuves à sécher; les greniers, la tuerie des gros bestiaux, la fonderie des suifs, la chaudronnerie, les magasins de charbon, d'huiles, d'eaux-de-vie; enfin tous les lieux jet toutes les matières nécessaires pour le service de cet immense établissement.
Ces souterrains sont immédiatement au-des-sous des salles des malades, et l'on ne doute pas que cette proximité ne leur soit nuisible et n'influe sur l'insalubrité de l'atmosphère qui les enveloppe. Elle a un inconvénient non moins frappant : c'est le danger du feu, auquel expose continuellement la quantité immense de matières combustibles et inflammables dont les souterrains sont remplis. Que d'accidents en effet à craindre au milieu de tant d'objets accumulés dans un espace si resserré ! c'est d'une fonderie que partit, en 1772, le feu qui réduisit en cendres une grande partie du bâtiment septentrional. Si l'incendie éclatait dans le bâtiment méridional, on ne voit pas comment il serait possible de sauver un seul des malades qui en occupent les parties élevées, vu le petit nombre d'is6ues, leur
étroitesse et les embarras multipliés qui en gênent le service.
L'Hôtel-Dieu contient vingt-cinq salles pour les malades; douze sont destinés aux hommes ; il y en a treize pour les femmes. Ces salles sont garnies de 1877 lits, grands, petits ou moyens. Les grands contiennent quatre et quelquefois jusqu'à six et huit malades à la fois. Chacun des petits lits n'est occupé que par une seule personne; les lits moyens sont partagés en deux par une cloison de planches, et reçoivent deux malades couchés ainsi séparément.
La position de l'Hôtel-Dieu, T'espace resserré qu'il occupe, la hauteur et la disposition de ses bâtiments et les inconvénients immenses qui en sont la suite, ont toujours été un objet de pitié, de censure et de réclamation pour tous les bons citoyens qui s'erttéressentau sort des pauvres. Le gouvernement s'est occupé, à plusieurs reprises, des moyens de remédier aux maux infinis qu'entraîne un établissement ainsi disposé. Divers projets ont été agités, celui surtout de diviser l'Hôtel-Dieu en plusieurs hôpitaux placés dans les divers quartiers de la capitale; mais de toutes ces discussions il n'a jusqu'à présent résulté qu'une preuve de bonnes volontés et d'intentions bienfaisantes, mais peu efficaces. Ou s'est borné à quelques additions que l'on a faites au bâtiment du nord et à quelques améliorations dans celui du côté méridional. C'est aux régénérateurs de la France et la nouvelle administration municipale de Paris qu'est réservée sans doute la gloire-d'effectuer des projets dont tant d'intérêts sollicitent l'accomplissement.
L'Hôtel-Dieu est toujours ouvert à tous ceux qui veulent y avoir recours. Tout malade attaqué d'un mal curable, quel que soit son pays, son âge, sa religion, peut s'y présenter; la maladie est le seul titre dont on ait besoin pour y être reçu; il faut en excepter la gale quand elle n'est pas jointe à une autre maladie, et les maux vénériens que l'on ne traite pas dans cette maison. Mais les établissements de Bicêtre et de Saint-Louis y suppléent pour le traitement de ces maladies, ainsi que pour celui de plusieurs autres maux regardés comme contagieux. La maison de Saint-Louis est une dépendance de l'Hôtel-Dieu.
Les malades ne sont reçus à l'Hôtel-Dieu qu'après avoir été visités, les hommes par un chirurgien, les femmes par une personne de leur sexe, appelée visiteuse. Ceux que l'on a admis sont aussitôt inscrit dans un registre où l'on marque leurs noms de baptême, de famille, le lieu de leur naissance, leur domicile habituel et le diocèse auquel ils appartiennent. Ge qui est marqué sur le registre est aussitôt transcrit sur une petite bande de parchemin que l'on attache au bras du malade, et sur laquelle est aussitôt mentionné, la date de l'entrée et la feuille du registre où le nom est écrit. Si le malade vient à mourir, le billet de parchemin est rapporté au bureau d'entrée, et la mort est écrite en marge du registre à côté du nom. On observe comme un défaut essentiel, que ce registre ne contient aucune colonne pour indiquer la sortie de çeu£ qui ont été traités dans la maison ou à ses frais. Par cette omission, il devient impossible de voir d'un coup d'œi| le nombre des journées de chaque malade, et d'apprécier la dépense qu'il a pu coûter. C'est un véritable abus qu'il faut se hâter de corriger ; il a les plus fâcheuses conséquences pour l'économie et le bon ordre.
Les malades admis, enregistrés et reçus sont
sur-le-champ distribués dans les salles destinées au genre de maladie dont ils sont attaqués. Ici se présente une observation importante. Sur les vingt-cinq salles de l'Hôtel-Dieu, on n'en trouve qu'une seule qui soit destinée aux maladies contagieuses, c'est la salle des variolés ; mais la petite vérole n'est pas la seule maladie qui porte la contagion; la gale, les lièvres malignes, la fièvre de prison, certaines dyssenteries et une infinité d'autres maux, se communiquent et devraient être traités à part. A l'Hôtel-Dieu tous les malades sont mêlés ensemble dans les diverses salles qui n'ont pas une destination particulière et déterminée ; les galeux même y sont reçus lorsque cette maladie se joint à une autre dans le même individu. Combien ne résulte-t-il pas de maux cruels et funestes de ce mélange I surtout si l'on considère la réunion des malades dans les mêmes lits, respirant de si près le même air, et s'infectant mutuellement par leur dangereux contact I
Le nombre des malades reçus, et existants habituellement à l'Hôtel-Dieu, sans compter ceux de Saiot-Louis, est de 2,200 ou 2,300. Plus de 700 personnes sont employées à leur service, parmi lesquelles 72 religieuses hospitalières, professes ou novices, 155 domestiques à gages, 20 filles de la chambre, appelées aussi Filles brunesy à cause de la couleur de leur habillement; plus de 200 convalescents sans gages, qui restent dans la maison en attendant le retour de leurs forces, et font les services les plus bas des salles. Les officiers de la maison sont une communauté de 24 prêtres, les médecins, les chirurgiens, apothicaires et autres employés de toute espèce qui servent l'Hôtel-Dieu et ont des appointements fixes. L'administration spirituelle a été jusqu'à présent sous l'inspection immédiate du doyen et du chapitre de Notre-Dame de Paris. Le gouvernement temporel a été jusqu'à présent conhé à un bureau de direction, composé de M. l'archevêque de Paris, des premiers magistrats et de plusieurs notables bourgeois, lesquels se partageaient entre eux les divers départements ae l'administration extérieure et intérieure de ce grand établissement, et remplissaient leurs importantes fonctions, sans autre intérêt que celui du bien public.
Les religieuses hospitalières, cloîtrées, qui servent à l'Hôtel-Dieu, suivent la règle de Saint-Augustin ; elles font les trois vœux de la religion, et un quatrième de se consacrer pour toujours, et dans la clôture, au soin des malades. Elles ont la direction de toutes les salles, et sont chargées de presque tous les départements de l'intérieur, elles président au traitement des malades, à l'administration des remèdes et à la distribution des aliments. Tous les domestiques de la maison leur sont subordonnés; elles sont maîtresses absolues de la police des salles, sous la direction néanmoins du bureau d'administration et la conduite des médecins. Elles sont sans doute respectables par leur zèle, leur pitié et leurs soins assidus auprès des malades. Nous aimons à répéter le témoignage que leur rendent tous les jours ceux qui éprouvent les effets de leur charité; mais quelque mérite que puisse être cet éloge, nous ne pouvons pas uous dispenser d'y mêler quelques observations, d'après des faits récents et bien avérés.
Les administrateurs, sur l'avis des officiers de santé, ayant formé le projet d'introduire dans l'Hôtel-Dieu plusieurs réformes salutaires, particulièrement dans le service des salles, pour la
distribution des remèdes et des aliments, et de rétablir dans toutes les parties un système régulier de manutention et de discipline, ont rencontré différents obstacles à des vues aussi larges et aussi justes : l'opposition des religieuses a été la première et la plus forte ; elle a éclaté avec scandale, et les tribunaux ont plus d'une fois retenti de ces fâcheuses discussions : il en a résulté une espèce de guerre intestine qui a banni de ce séjour la soumission et la paix qui sont si désirables dans la conduite d'un établissement aussi important. Nous ne pouvons donc pas nous empêcher de croire que c'est principalement à l'empire qu'exercent les religieuses dans l'Hôtel-Dieu, et à leur résistance à toute autorité, que l'on doit attribuer la perpétuité de plusieurs abus, et de très grands inconvénients dont nous n'hésitons pas de dénoncer ici les fâcheux effets.
Nous convenons, à la vérité, que le premier et principal vice de cet hôpital vient de l'emplacement qu'il occupe, du peu d'étendue de son local, de l'élévation excessive de ses bâtiments, de la multiplicité prodigieuse des objets que l'on trouve accumulés dans un espace si resserré, de la forme, de la dimension des salles, ainsi que de toutes les autres dispositions dont nous avons fait mention ci-dessus : mais il nous paraît en même temps évident que tout ce qui se passe dans l'intérieur de la maison est une source féconde de maux; un des principaux provient de la quantité immense de pauvres que l'on réunit dans le même lieu pour les traiter dans leurs maladies ; la seule salle, appelée de Saint-Charles, et celle de Saint-Antoine, que l'on doit regarder comme formant un même ensemble, renferment plus de malades qu'aucun des plus grands hôpitaux du royaume, si nous en exceptons celui de Lyon. Dans ces deux salles, ainsi que dans presque toutes les autres de l'Hôtel-Dieu, chaque individu n'a qu'une toise et demie, et au plus deux toises cubes d'air libre à respirer ; tandis que, d'après les observations des plus habiles médecins, un malade a le besoin indispensable d'une quantité d'air trois fois plus forte, pour que l'atmosphère qui l'enveloppe ne lui devienne pas toujours dangereuse et souvent funeste.
Mais lorsque dans des lieux aussi étroits et déjà infects par le nombre immense de leurs habitants, l'on voit des malades entassés dans un même lit ; lorsque des corps attaqués de maux ou de même genre ou de nature différente, très souvent contagieux et toujours d'un dégoût insupportable, sont rapprochés les uns des autres sous les mêmes couvertures, s'agitant, s'échauffant mutuellement, tourmentés et de leurs propres maux et des plaintes douloureuses de leurs tristes compagnons, quelle âme ne serait pas touchée et ne frémirait pas d'un pareil spectacle ? Faut-il s'étonner que l'établissement qui renferme de tels objets soit si décrié par le traitement que l'on y reçoit et par la mortalité qui y règne ? Cet entassement des corps dans un même lit est surtout pernicieux dans les cas de fièvres malignes, de uyssenterie, de petite vérole, de rougeole, de gale et d'autres maux contagieux ; il l'est particulièrement aux femmes enceintes et aux accouchées ; il n'en faut pas d'autres preuves que les effets constamment observés à l'Hôtel-Dieu, lorsqu'on les compare avec ceux que présentent les autres hôpitaux connus, soit dans le royaume, soit dans les pays étrangers. Les calculs les plus exacts, d'après une longue suite d'observations faites avec soin, prouvent que dans les autres hôpitaux la mortalité commune n'excède jamais
le sixième des malades reçus ; dans la plupart elleest d'un septième, dansplusieursd'un dixième; mais à l'Hôtel Dieu, elle n'est jamais inférieure au cinquième du nombre des malades, et le plus souvent elle est d'un quart ou d'un quart et demi.
Sur le nombre des femmes accouchées, il meurt dans les autres hôpitaux à peu près le cinquante-cinquième: à l'Hôtel-Dieuil en périt 1 sur 13. Plusieurs opérations chirurgicales y sont si redoutables qu'on en revient difficilement ; celle du trépan, dont le succès partout ailleurs est si commun, est presque toujours funeste à l'Hôtel-Dieu ; il est peu d'exemples qui o'attestent que cette opération y a été constamment suivie de la mort. Le nombre des enfants nés morts n'est, dans un autre hôpital, connu au d elà d'un dix-huitième, il est ici de 1 sur 13. L'Hôtel-Dieu envoie à l'hôpital des enfants trouves, tous les an«, environ 1,300 à 1,400 enfants au-dessous d'un an ; il en périt dans une proportion infiniment plus forte que de ceux qui viennent de la province, et même des autres endroits de la ville de Paris. Un grand nombre des sujets venus de l'Hôtel-Dieu sont attaqués d'une maladie presque toujours mortelle, le muguet ; on l'attribue principalement à l'élément corrompu où ces enfants sont venus au monde.
Nous ne présentons ici qu'une légère esquisse des maux inséparables de l'état actuel de l'Hôtel-Dieu de Paris ; ils sont l'effet certain du trop grand nombre d'individus accumulés dans un hôpital si considérable et en même temps si resserré. Ces maux ne peuvent cesser que par la division de cet établissement en plusieurs parties séparées, par la formation d'hospices, d'infirmeries ou d'autres hôpitaux répandus dans les divers quartiers de la capitale, et surtout par le traitement à domicile, qui est préférable à tous les autres, lorsque des raisons particulières ne s'opposent pas à ce parti salutaire.
Si l'on forn e de nouveaux hôpitaux, il sera essentiel de déterminer le nombre des malades qu'il sera permis d'y recevoir; ir sera essentiel de séparer les maux contagieux de ceux dont le voisinage n'est pas à craindre; il sera essentiel auedans tout hospice, infirmerieet hôpital,chaque malade ait au moins six toises cubes d'air libre à respirer, et il faut bannir à jamais l'usage homicide de réunir plusieurs malades dans un même lit; il sera enlin essentiel d'établir dans les nouveaux hôpitaux un autre ordre, une autre manutention que ceux qui existent actuellement à l'Hôtel-Dieu. Nous avons tracé quelques-uns des maux qui régnent dans cet hôpital, nous croyons en avoir indiqué les principales causes; tout ce qui s'y passe nous confirme de plus en plus dans l'opinion qu'un grand changement y est nécessaire.
Les médecins font tous les jours la visite des lits, ils sont accompagnés des autres officiers de santé et ils rendent leurs ordonnances; mais en vain en espérerait-on l'exécution, si les religieuses qui président aux salles, sont d'un avis opposé à celui du médecin. Il s'établit ainsi une lutte odieuse entre ces deux autorités, et les malades ne sont que trop souvent les ^victimes de cette mésintelligence.
Parmi ceux que l'on traite à l'Hôtel-Dieu, il en est un grand nombre à la diète; c'est cependant un fait avé'é que tous les jours le nombte des portions entières préparées dans les cuisines, est égal au nombre d'individus qui se trouvent réellement dans l'hôpital. L'usage de nourrir ainsi
et si mal à propos les malades est souvent suivi des plus funestes effets; il en résulte pour l'hôpital un gaspillage intolérable dans la dépense. La consommation, se faisant arbitraireme it et sans mesure, devient immense, et la comptabilité ne peut plus remédier à rien, parce que, dans un pareil état des chose", elle ne porte sur aucune base certaine; mais d» ux choses sont évidentes : la première, que les malades de l'Hôtel-Dieu sont toujours exposés à un grand danger par le traitement même qu'ils reçoivent, si les ordonnances des médecins ne sont pas exactement observées; la seconde, que la déprédation et le gaspillage continueront de déranger les affaires de cet hôpital, tant que l'ordonnance du médecin ne sera pas l'unique règle de la distribution des remèdes et des aliments, et tant qu'on allouera, dans la reddition des comptes, des articles de dépenses faites pour les malades qui ne seront pas justifiées par des feuilles du jour, régulièrement dressées, d'après la vi>ite des lits, et signées exactement par celui qui seul est compétent pour ordonner, à l'exemple des hôpitaux militaires, où l'ordre est si essentiel et où l'intérêt des directeurs répond de l'économie scrupuleuse qui y règne.
Si les pauvres de l'Hôtel-Dieu qui ont subi toutes ces épreuves, échappent à la maladie, de nouveaux dangers, les attendent à la convalescence, et de nouvelles dissipations se préparent alors dans les revenus de l'hôpital.
On ne sépare pas les convalescents des malades, on ne redouble pas de soins et de ménagements pour hâter leur entier rétablissement et leur sortie; mais ils restent toujours confondus dans les salles avec les malades et les mourants; ils se couchent avec eux dans les mêmes lits, ils continuent d'essuyer les mêmes dégoûts, les mêmes communications contagieuses. Il est arrivé souvent que ceux qui occupent ces lits y changent de place, et que ce changement les expose a un véritable danger et à des méprises funestes. Il arrive qu'un convalescent qui n'a besoin que de restaurants, est quelquefois saigné ou purgé au lieu d'un malade, lequel à son tour prend le repos du convalescent; l'un meurt d'indigestion, l'autre d'un remède administré par cette déplorable erreur. Ce ne sont pas des suppositions hasardées que nous faisons ici, mais une observation importante, et justifiée par des faits. Si les convalescents se lèvent pour changer d'air, ils n'ont pour se promener que la partie découverte du pont Saint-Charles; au-dessus de ce pont on trouve des étendoirs où l'on expose à l'air les draps mouillés de l'Hôtel-Dieu; l'humidité que ces étendoirs répandent fait souvent les plus lâcheuses impressions sur les convalescents, dont les corps exténués et affaiblis par de longues souffrances, sont affectés par la moindre altération dans l'atmosphère qui les enveloppe. Ces mêmes convalescents, lorsqu'ils se prumènent ainsi, même dans les saisons les plus rudes, ont les jambes nues, car l'hôpital ne leur fournit point de bas, et leurs pieds ne sont garantis que par des sandales légères qui s'attachent avec une simple courroie. Vainement ils redemande! aient les bas et les vêtements qu'ils avaient en entrant à l'Hôtel-Dieu, tous ces objets sont gardés en magasin, et il est de règle et d'usage de les y laisser tant que les malades restent daus la maison.
Ces promenades pernicieuses prolongent la convalescence, occasionnent des rechutes, et multiplient à l'infini le nombre des journées. On
compte habituellement dans la maison environ huit cents convalescents ; leur intérêt et celui de i'Hôtel-Dieu se réunissent et exigent qu'ils sortent aussitôt que leurs forces le leur permettront; ils respireront dehors un meilleur air, et l'administra tion ne sera pas dans le cas de faire une dépense en pure perte, en nourrissant et en soignant plus longtemps qu'il n'est nécessaire, des hommes qui ne cherchent qu'à prolonger leur séjour pour rester oisifs, et à abuser d'une fausse commisération qu'ils s'efforcent d'inspirer pour se dispenser de reprendre le travail. C'est donc encourager la paresse que de traiter ainsi les convalescents, et rien ne prouve mieux les abus et les vices de l'administration que cette énorme multitude de gens déjà rétablis, qui persistent à vouloir rester dans la maison et y restent en effet, malgré les administrateurs.
Lorsq /on entre dans tous ces détails, on n'est plus étonné de voir que les revenus de cet établissement, quelques coïK-idérables qu'ils soient, ne sullisent cependant pas à ses charges: les revenus de l'Hôtol-Dieu montent à plus de treize cent mille livres, et proviennent de biens-fonds, de maisons, de rentes et de secours publics ; ceux-ci, à la vérité, ont éprouvé une diminution depuis les nouveaux changements arrivés dans les droits d'entrée de Paris; mais nous ne doutons pas que la nation ne remplace ce déficit de quelque autre manière en faveur des pauvres. La comparaison que nous avons faite du nombre des journées des malades avec le montant des revenus, a donné pour résultat que dans l'état actuel chaque malade coûte 29 à 30 sous par jour, et nous ne faisons pas entrer dans ce calcul l'in-téiêt que représentent et l'emplacement et la construction de cet hôpital et son premier ameublement ; nous n'y comprenons pas non plus les terrains occupes par les autres établissements qui appartiennent à l'tiôtel-Dieu, les frais dépensés également pour leur construction et leur arrangement intérieur. L'intérêt de ces sommes, s'il était compté, serait très considérable, et augmenterait notablement dans notre calcul le prix de la journée des malades reçus et traités dans cet hôpital.
Telle est l'idée que nous nous sommes formée de l'Hôtel-ûieu de Paris, après l'avoir parcouru et examiné avec attention ; tel nous a paru son état actuel et la situation des malades qu'il renferme. Nous devons rendre justice aux administrateurs qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour répondre à la confia ce publique; mais il leur est impossible de remplir l'oujet de cette immense fondation, tant qu'elle occupera l'emplacement actuel, et qu'elle recevra dans un même lieu le même nombre d'individus qui sont à sa charge. Ces abus sont infinis, et perpétuent de grands maux dans la capitale; il est cependant indubitable que cet établissement est nécessaire jusqu'à ce qu'on ait pourvu d'une autre manière au secours de ceux qui sont dans le cas d'y avoir recours; mais tous bs bons citoyens doivent soupirer après celte réforme ; il faut qu'elle soit prochaine; elle est indispensable; car l'existence même de l'Hôtel-Dieu, tel qu'il est dans sou emplacement actuel, est le premier de ses abus ; il faut d'autres ressources dans cette capiiale à l'humanité souffrante ; le comité proposera celles qu'il croit les plus efficaces et les plus inf •illibles pour remplir promptement les vues bienfaisantes de l'ASSEMBLÉE NATIONALE.
Hôpital Saint-Louis.
L'hôpital Saint-Louis est, comme nous l'avons observé, une dépendance de I'Hôtel-Dieu : il a été bâti et fondé par Henri IV, pour la réception et le traitement des malades attaqués de maux contagieux.
Les bâtiments en sont fort beaux et très spacieux : ils forment deux grands carrés concentriques : celui de l'intérieur est divisé en plusieurs salles, dont quatre fort vastes, élevées et bien aérées reçoivent la plus grande partie des malades qui sont envoyés à cet hôpital, on en traite le reste dans les salles du rez-de chaussée, quoiqu'elles soient trop trop basses, humides et mal aérées.
Le carré extérieur contient les logements des gens employés au service de l'hôpital, l'apothi-cairerie et toutes les autres choses nécessaires à l'hôpital.
Cet établissement contient habituellement 6 ou 700 malades attaqués de maux contagieux ou de maladie dégoûtantes, qu'il est indispensable de séquestrer tt de traiter à part, quoiqu'. Ile ne soient pas contagieuses ; tels sont les cancers, les plaies provenant d'un sang vicié, scrofuleux ou appauvri, le scorbut, etc., etc.
158 personnes desservent cette maison; médecins, chirurgiens, infirmiers, domestiques, officiers et «ens à gages, et plusieurs religieuses hospitalières de l'Hôtei-Dieu, euvoyées à Saint-Louis pour conduire cet hôpital.
Tout ce qui se consomme ici est fourni par l'Hôtel-Dieu ou à ses frais : ceux qui y servent les tnala ies en viennent également.
L'on trouve autour de i'hô ùtal Saint-Louis des potagers immen-es, et, dans les deux enceintes des bâtiments, des cours très vastes, et toutes les commodités que l'on peut désirer pour le service et pour faire prendre l'air aux malades.
Le service se fai t à Saiut-Louis com me à l'Hôtel-Dieu, et l'on y trouve à peu près les mêmes abus : plusieurs malades y sont couchés ensemble dans le mê ne ht, quoiq j'ils soient attaqués de maux contagieux et des maladies les plus dégoûtantes. Lorsque nous y avons demandé l'état de la mortalité, l'on nous a renvoyés aux registres de l'Hôtel-Dieu; ainsi nous n'avons pu en avoir une idée bien exacte; mais nous sommes persuadés qu'elle est inférieure à celle qui règne à l'Hôtel-Dieu.
Si le plan de diviser ce dernier établissement s'exécute et si l'on convertit ce grand ensemble en plusieurs hôpitaux, hospices, infirmeries ou traitements répandus proportionnellement dans les divers quartiers de Paris, il sera facile de tirer le plus grand parti de l'emplacement et des bâtiments de Saint-Louis; mais il sera nécessaire d'y procurer de meilleures eaux que celles que l'on y trouve à présent.
Nous regardous cet hôpital comme un objet du plus grand intérêt, sous tous les rapports. C'est l'asile d'une multitude de malheureux attaqués de maux graves qu'envoient, pour y être soignés, I Hôtel-Dieu, Bicétre et la Salpêtrière. C'est en même temps uue grande décharge pour ces lieux infects et un moyen qu'il est facile d'empl >yer avec succès et d'étendre avec avantage pour le bien de l'humanité.
Hôpital Sainte-Anne.
L'hôpital de Sainte-Anne, fondé par Aune d'Au-
triche, reine de France, avait la même destination que celai de Saint-Louis; c'était de recevoir pour y être soignés les malades attaqués de maux contagieux. 11 est situé sur la rivière de Bièvre, qui se jette dans la Seine au-dessus de Paris.
Cet établissement n'a jamais été achevé, et l'on en a rarement fait usage pour l'objet de la fondation.
Le local pouvait contenir un hôpital considérable et devenir une ressource importante pour le soulagement des malades de la partie méridionale de Paris; mais l'on a détruit en dernier lieu tous les bâtiments, et à peine en reste-t-il assez aujourd'hui pour y loger un fermier.
L'hôpital Sainte-Anne dépend, ainsi que celui de Saint-Louis, de l'Hôtel-Dieu ; mais pour pouvoir en tirer parti, il faudrait le rebâtir à neuf, ce qui serait une immense entreprise.
On peut se rappeler à cet égard ce qui s'est passé en 1788. Le gouvernement, ayant pris une dernière résolution de diviser l'Hôtel-Dieu en plusieurs établissements partiels, ouvrit alors une souscription pour fournir à une partie de la dépense de ce grand et important projet; cette souscription produisit des soumissions pOur une somme de 2,200,000 livres, dont une partie a déjà été réalisée. Le gouvernement établit aussi une loterie, calculée pour rendre un bénéfice de 1,200,000 livres au profit de l'Hôtel-Dieu; mais, pressé dans le temps par le besoin d'argent, il consomma les fonds et de la souscription et de la loterie, et ces objets réunis font aujourd'hui un article de la dette exigible.
Hôpital des Incurables.
La dame Le Bret, l'abbé Jean Joullet de Châ-tillon et un illustre cardinal de la maison de la Rochefoucauld furent les premiers fondateurs de l'hôpital des incurables. Touchés du sort d'un grand nombre d'infortunés qui joignaient à une extrême misère le malheur d'être atteints de maux irrémédiables, ces bienfaiteurs de l'humanité résolurent d'ouvrir un asile à cette espèce de pauvres et fondèrent pour eux l'établissement dont il est ici question. L'objet qu'ils eurent en vue est exprimé dans les titres de l'œuvre qu'ils ont fondée : ce fut de secourir et de soulager ceux des pauvres malades qui seraient attaqués de maux invétérés, dont il ne leur resterait aucun espoir d'être radicalement guéris; mais ils exclurent de cet asile les personnes attaquées de maux contagieux, ainsi que les fous, les épilep-tiques et les autres infirmes, qu'il est nécessaire de séquestrer et de traiter dans des lieux séparés.
On fit des règlements adaptés à ces intentions ; et c'est d'après ces principes que les administrateurs doivent gouverner l'hôpital des incurables ; les règlements spécifient dans une longue énurné-ration, les maux pour lesquels on peut être admis dans la maison, et ceux qui doivent servir de motifs d'exclusion ; ils ajoutent qu'aucun malade n'y peut être reçu, s'il n'est âgé de plus de vingt ans, s'il n'est dépourvu de rentes, de revenus et de toute espèce de biens de la fortune, ainsi que de la possibilité de gagner sa vie par le travail ; enfin ils exigent qu'il présente un certificat de bonne conduite, de catholicité et d'admission aux sacrements de l'église.
Tel est le genre de secours que voulurent préparer aux pauvres ces illustres fondateurs : leur exemple fut imité dans la suite par un grand nombre de personnes charitables, qui augmentè-
rent considérablement par leurs dons ce pieux établissement. Ces accroissements successifs en ont porté les revenus à une somme de près de 400,000 livres, sans y comprendre l'intérêt des capitaux que représente un emplacement immense, et la construction de bâtiments très considérables et très solides.
Dans la vaste enceinte qu'occupe cet hôpital, ou trouve plusieurs cours séparées, qui se communiquent entre elles, et un promenoir spacieux, planté d'arbres, qui est d'une grande ressource pour les infirmiers.
Les bâtiments principaux sont deux grands corps de logis, séparés par une église assez vaste et ouverte au public : l'un de ces bâtiments est destiné aux hommes, l'autre est pour les femmes incurables. Le logement des sœurs grises qui desservent la maison est à part et tient au quartier des femmes; il est commode et suffisant pour l'usage auquel il est destiné; presque tous les départements, mais plus particulièrement ceux au bois, au charbon, la cuisine, la boulangerie, sont séparés les uns des autres, ainsi que des bâtiments principaux, pour éviter les dangers du feu.
Chaque bâtiment a sa lingerie particulière : celle des femmes est remarquable par l'abondance, l'ordre et la propreté qui y régnent.
La maison n'a pour son usage qu'environ cinq pouces d'eau que lui fournissent les fontaines de la Charité et du Luxembourg ; ces eaux se rassemblent dans deux réservoirs trop peu élevés pour que la distribution s'en fasse aussi bien qu'on le désirerait.
L'on a arrangé dans la maison plusieurs appartements commodes, loués chèrement àdes particuliers de l'un et de l'autre sexe; le prix de ces loyers est un article intéressant de revenu.
Dans les deux principaux bâtiments on trouve plusieurs salles disposées en croix : celles du rez-de-chaussée sont grandes, élevées et très bien aérées; mais on leur reproche l'inconvénient d'être trop froides en hiver pour des vieillards et des infirmes; les salles placées au-dessus des premières ont moins d'élévation, moins d'air; mais elies ont l'avautage d'être plus facilement chauffées, et plus commodes à habiter dans les temps froids et humides.
Ces salles contiennent 446 incurables; savoir : 199 hommes et 247 femmes : elles sont divisées en plusieurs compartiments, dont chacun renferme un lit, une table, une chaise, un réchaud et quelques autres meubles nécessaires à une personne^ c'est dans ces compartiments qu'habitent les incurables, reçus à cet hôpital, cnacun d'eux seul, à côté de son voisin, mais séparé de lui par un rideau qui leur tient lieu de cloison. Tous les jours, matin et soir, on leur porte leur portion de pain, de vin et de viande : le linge et l'habillement leur sont aussi fournis, ainsi que tous les secours temporels et spirituels qu'exige leur état : ils sont de leur côté astreints à une règle qui leur impose l'obligation de s'occuper d'un léger travail pour l'utilité de la maison : le refus de s'y soumettre serait regardé comme une rebellion, et pourrait être puni par l'exclusion.
L'hôpital des Incurables est desservi par 74 employés, savoir : par 4 prêtres, 4 officiers, 43 sœurs de la congrégation de Saint-Vincent de Paul, et 22 domestiques à gages fixes. Un ancien usage, que l'on a toujours regardé comme un abus, a aussi introduit dans le service des salles, plusieurs femmes étrangères à la maison, et con-
nues sous le nom de commissionnaires, lesquelles, sans aucune mission de la part des administrateurs, remplissent diverses fondions, où leur ministère, loin d'être nécessaire, est au contraire nuisible, incommode et embarrassant pour le service; c'est d'ailleurs une source féconde de tracasserie, de gaspillage, de petits désordres et d'une multitude d'inconvénients contre lesquels l'administration a constamment etj jusqu'à présent inutilement cherché à se défendre.
Nous avons dit que les revenus de cet établissement montaient à près de 400,000 livres : les calculs les plus modérés les porteut, année commune, à 336,000. Le nombre des] journées, en supposant les 446 lits toujours occupés, est de 162,790 par an : ainsi, en appréciant la dépense totale par le nombre de ceux auxquels Cet œuvre est destinée, il se trouve que chaque incurable coûte près de 42 sous par jour, sans comprendre dans cette appréciation le prix de l'emplacement des bâtiments et de l'ameublement, tous objets dignes d'être considérés, et d'entrer en ligne de compte. r
Les mêmes personnes qui gouvernent l'Hôtel-Dieu sont aussi chargées de 1 administration des incurables ; mais sans confusion de menses, chacune d'elles ayant sa destination distincte et particulière.
Les places dans cette maison sont possédées par ceux que les fondateurs ou leurs représentants nomment pour les remplir. On peut devenir fondateur d'une place moyennant la somme de 10,500 livres une fois payée.
Ceux qui se présentent en vertu d'une nomination ne sont admis aux salles qu'après avoir été visités et examinés par les médecins et chirurgiens de la maison, dont le rapport décide de "admission ou de la rejection du présenté.
La mortalité dans cette maison est de 40 personnes décédées par an sur la totalité de toutes celles qui y habitent, c'est-à-dire sur le nombre de 528; c'est daus ia proportion d'un à 13. Mais il faut observer que ces 520 personnes ne sont pas toutes des malades; les unes sont en pleine santé, les autres en étal de maladie, et le reste doit être regardé comme étant dans un état moyen entre la santé et la maladie.
Nous ne connaissons aucun établissement public sur l'administration duquel on élève plus de réclamations et de plaintes, que sur celle de l'hôpital des Incurables ; soit que ces reproches aient des motifs réels, soit qu'on doive en attribuer une grànde partie à une espèce d'inquiétude et de mauvaise humeur, que 1 on peut assez naturellement supposer dans des individus qui souffrent et qui s'ennuient parce qu'ils s'occupent trop peu pour se distraire. Ils se plaignent surtout de la parcimonie avec laquelle on les traite, tant pour les aliments que pour tous les autres objets de nécessité ou d'agrément : ils sont également mécontents du service des sœurs et des domestiques attachés à la maison; ils accusent les premières de dureté et de despotisme, les seconds de négligence et de mauvaise volonté. La rareté des visites des médecins et des administrateurs est un autre grief sur lequel ils insistent, et à cet égard ils invoquent les règlements de la maison, qui porteut, en termes exprès, que les médecins viendront souvent pour soigner les malades, et que les administrateurs paraîtront pour corriger les abus, s'opposer aux irrégularités et améliorer le sort des pauvres, dont le soin leur est confié : ils ajoutent que ces mêmes administrateurs agissent perpétuellement en contravention aux titres
de la fondation, en recevant dans là maison deâ infirmes, qui ne doivent pas y être admis, ou parce que la nature de leurs infirmités a du les exclure, ou parce qu'ils sont en état de gagner leur vie par le travail, ou enfin parce qu'ils ont d'ailleurs des ressources suffisantes de fortune. — Nous n'avons pas eu le temps d'approfondir ces divers objets de réclamations que nous croyons exagérés; cependant il nous a paru résulter de tout ce que nous avons vu et entendu relativement à l'hôpital des Incurables, que l'administration y est fort loin de la perfection, dont elle serait susceptible, et nous aurions désiré que l'on eût maintenu dans cet établissement plus d'ordre, d'économie et d'exactitude aux règlements qui doivent le diriger. Nous avons observé avec quelque peine que, de tous les incurables qui vivent aux dépens de la fondation, aucun ne nous a paru content de sa position.
Ne serait-il pas possible de tirer un meilleur parti de cet établissement, pour le soulagement, et même pour le bonheur d'un beaucoup plus grand nombre d'individus? Si l'on supprimait entièrement une maison qui n'est point nécessaire pour l'objet que les fondateurs ont eu réellement en vue ; si l'on séparait des individus qui n'ont jamais pu être heureux dans leur commune habitation; si l'on aliénait l'emplacement, les bâtiments, etc., on épargnerait des frais immenses de réparations, d'entretien et d'employés; on tirerait une somme très considérable de la vente des objets, et nous n'hésitons pas de croire que par ce moyen il serait facile de porter les revenus de l'établissement au delà de 450,000 livres. On distribuerait cette somme en pensions annuelles à des pauvres qui seraient dans le cas de participer au bienfait, de la fondation : on leur fournirait à domicile de quoi subvenir à leurs besoins, de ijuoi soigner leurs infirmités au milieu de leurs parents, de leurs voisins, de leurs amis. On graduerait les secours suivant les besoins et les circonstances, et aucune partie de cette importante dotation ne serait .employée que pour ceux que les fondateurs ont eu en vue de soulager. Nous croyons qu'au lieu de 446 incurables qui, dans l'état actuel des choses, se plaignent tous de leur position, on pourrait secourir efficacement 1,000 à 1,500 individus de même espèce, qui combleraient de bénédictions leurs bienfaiteurs, et apprécieraient avec reconnaissance les ressources que la providence leur aurait préparées. Nous soumettons ces vues à la considération d'une municipalité éclairée et juste.
Hôpital des Frères de la Charité.
L'hôpital des frères de la Charité est situé à Paris entre les rues de Taranne, Saint-Benoît, Jacob et des Saints-Pères, sur un terrain en pente, très favorable à l'écoulement des eaux et à la propreté ; il contient 208 lits de malades, distribués dans 6 salles : cet hôpital est, sans contredit, l'un des mieux ordonnés de tous les établissements de ce genre à Paris. Les salles en sont spacieuses et bien aérées; les lits rangés des deux côtés à des distances convenables avec un espace au milieu de 13 à 14 pieds de largeur. Chaque malade est couché séparément, et a pour le moins 6 toises cubes d'air libre.à respirer.
La plupart des lits y sont fondés par des bienfaiteurs particuliers ; il en coûtait ci-devant 10,400 livres pour cette fondation ; mais aujourd'hui elle revient à 12,000 livres.
Les familles fondatrices ont le droit de nommer les malades qui doivent occuper ces lits; mais lorsque ces familles négligent leurs droits, les frères de la Chariié l'exercent pour elles, en recevant d'autres pauvres qu'ils traitent aux frais de leurs fondations ; car il est rare que les lits de l'hôpital de la Charité restent vides.
La mortalité y est à peu près d'un septième et demi; il semble qu'elle ne devrait pas être si forte dans un lieu où le traitement est si bon, et l'on a soupçonné qu'elle venait de quelque cause particulière : on a cru découvrir cette cause dans la trop grande proximité de la salle des blessés, de celle où l'on traite les fièvres malignes. L'on a observé, en effet, que dans cet hôpital, les opérations chirurgicales ont souvent des» suites fâcheuses, ce qu'on croit venir de l'altération de l'air dans un lieu dont l'atmosphère se trouve, par un effet de ce voisinage, nécessairement chai gé de particules fébriles et corrompues.
On ne reçoit les malades à l'hôpital de la Charité qu'à de certains jours, à des heures marquées, et avec des conditions qui ont des inconvénients très graves. Nous remarquons entre autres celui de restreindre le bienfait aux seuls catholiques, et d'exiger que les malades, qui se présentent pour être reçus, commencent par se confesser, comme si les secours de la charité ne devraient pas être communs à tous les hommes, quelle que puisse être leur croyance, et quelque religion qu'ils professent. Nous ne croyons pas que l'on puisse alléguer aucune bonne raison pour justifier cet usage.
La léception des malades et leur enregistrement se font d ns la même forme qu'à l'Hôtel-Dieu : les lits sont numérotés; les malades revêtus de l'habit de la maison pendant le séjour qu'ils y font, et reprennent en sortaut les vêtements qu'ils avaient en y entrant.
Les salles sont chauffées, pendant l'hiver, avec des poêles dont la chaleur se répand au moyen de tuyaux de cuivre, et entretientdans toutes les parties de l'hôpital une température douce et saine.
La comparaison que l'on a faite dans cet hôpital du nombre des blessés, avec celui des autres malades qui y sont traités, donne la proportion de 5 à 18; celle des convalescents est comme 2 sont à 5.
Le nombre des personnes employées au service de ces malades est, en comi tant les religieux, de 102; c'est une personne pour un plus que 2 malades: mais il faut remarquer que cet hôpital est en même temps maison ue noviciat, et une école de chirurgie pour les jeunes gens; ce qui augmente le nombredes religieux au delàde ce qu'exigerait naturellement le service des malades.
Les frères de la Charité ont présenté un état de leur recette et de leur uepense. La recette est de 247,000 livres, la dépense est de 253,000 ; le déficit conséquemment de 6,000 livres. Il résulterait de ce calcul que chacun des 208 malades soignés à la Charité, coûterait, par jour, plus de 50 sous; niais, à cet égard, il faut observer que les revenus de cet établissement sont grevés d'une somme annuelle de-99,217 livres pour des dépenses fixes; savoir : le payement de renti s, les unes viagè e-, les autres perpétuelles, les frais de régie des biens, les impositions, etc. Ainsi le revenu net ne se monte qu'à la somme de 147,783 livres. — Le nombre des journées de malades pendant une année, en supposant les 208 lits constamment occupés, serait de 75,920. Si leur dépense était de 147,783 livres, cha-
que journée reviendrait à environ 39 sous ; mais il faut considérer cet établissement sous le double rapport d'hôpital et de communauté religieuse. Il faudra conséquemment, à l'avenir, défalquer de la somme du r venu net, celle qui sera nécessaire pour la pension d'environ 50 religieux; il restera près de 100,000 livres pour les malades. La journée de chacun d'eux reviendrait ainsi à un peu moins de 30 sous; mais on ne comprend pas dans ce calcul la somme que représentent l'emplacement, la construction des bâtiments et le premier ,ameublement ; articles qui, s'ils entraient en ligne de compte, augmenteraient considérablement l'estimation du prix de chaque journée.
Il est bon d'observer que sur les articles de dépenses fixes, il y a 18,918 livres de rentes viagères, et que la nation doit aussi regarder comme rente viagère, la pension alimentaire qu'elle fera aux religieux ; qu une grande partie des biens de cet hôpital consiste en fonds de terre et en autres objets susceptibles d'augmentation, dout la vente doit produire un bénéfice très considérable; de manière qu'un peut se flatter d'avoir, au milieu de Paris, un établissement pour les ma-I adesdont les revenus,encomprenant dans leur évaluation la somme représentée par les intérêts du prix de l'emplacement, de la construction des bâtiments, etc., pourront un jour monter à plus de 100,000 écus. G est un objet de grande [importance. pour cette capitale, et il sera essentiel d'en tirer un parti convenable.
Il est bien à désirer que ceux qui succéderont aux frères de la Charité, héritent de leur zèle et de leur habileté dans le traitement des malades : il faut convenir qu'aucun établissement de ce genre ne paraît comparable à celui que ces religieux ont formé.
Hôpital des convalescents.
La dame Angélique Faure, veuve de M. Claude de Ëulliou, surintendant des finances, touchée du sort de plusieurs compagnons et ouvriers qui, en sortaut de l'hôpital, ne se trouvaient pas encore en étal de reprendre le travail, leurs forces n'étant pas entièrement rétablies, ou qui, a rès ce rétablissement, étaient embarrassés de trouver de l'emploi et les moyens de gagner leur vie, fonda pour eux,eu 1631, l'hôpital des convalescents. Elle crut devoir en exclure les prêtres, les soldats et les domestiques en maison. Elle a supposé que les premiers avaient une ressource dans l'honoraire de leurs messes ; les seconds, dans leur paye, et qûe les troisièmes pouvaient se retirer chez leurs maîtres.
Cette maison, peu considérable, est située dans la rue du Bac, et le service en est confié aux religieux de la Charité. Les revenus annuels montent à la somme d'environ 34,000 livres; et si l'on calcule l'intérêt du capital qui a servi à construire ou à acheter la maison, ce revenu peut, sans exagération, être évalué à la somme de 40,000 livres.
L'hôpital des convalescents contient 18 lits ; et en supposant chacun de ces lits continuellement rempli, le nombre des journées serait, par an, de 6,570 : le prix de chacune d'elles serait plus que b livres.
Mais cette maison est un lieu de retraite pour d'anciens religieux de la Charité, que leur âge et leurs infirmités mettent hors d'état de continuer leurs travaux; et, sous ce rapport, nous devons
la regarder comme une espèce de communauté religieuse.
Si la nation destine une somme de 6,000 livres pour la pension alimentaire des frères qui y vivent, le revenu disponible en faveur des convalescents se trouvera, dans ce cas, réduit à 34,000 livres ; et le prix de la journée ne serait plus, pendant quelque temps, qu'un peu plus que 5 livres, y compris la valeur de la maison et du jardin.
Ceux qui sont reçus dans cet hôpital y sont' bien traités, mais la dépense en est excessive ; elle est telle, que nous croyons que cet établissement est en état de secourir trois et quatre fois plus d'individus que nous n'y en avons trouvés. Cet objet mérite toute i'atteotion de la municipalité de Paris.
Maison royale de santé.
Un autre établissement, confié aux frères de la Charité, est la maison royale de santé. Elle est destinée à recevoir et à traiter, dans leurs maladies, des ecclésiastiques et deR militaires pauvres. Sa fondation date de 1781. Le clergé de France, alors assemblé, donna une somme de 100,000 livres pour commencer cette œuvre. Avec ce fonds, et quelques autres secours, on fit l'acquisition d'un terrain considérable, dans lequel on éleva un bâtiment assez vaste et très solide pour le logement de ceux auxquels cette nouvelle ressource était destinée. On y trouve au rez-de-chaussée une salle assez élevée contenant seize lits pour les malades. Ce bâtiment a aussi plusieurs appartements commodes, destinés à loger des pensionnaires qui désirent se retirer du monde, et les religieux auxquels est confié le service de l'établissement.
L'état qu'on nous a fourni porte les revenus de cet hospice à la somme de 24,778 1. 4 s., et les charges à 4,422 1. 8 s. ; mais, dans ce calcul n'est pas compris l'intérêt du capital qui a été employé en acquisition de terrains et en construction de bâtiments. Ces articles pourraient être évalués à une somme annuelle de 5 à 6,000 livres ; de manière que nous pouvons regarderies revenus de la maison royale de santé comme formant une somme de 25 â 26,000 livres quittes de toutes charges. Il en résulte que le prix de la journée de chaque malade y est au moins de 4 livres à 4 1.10 s.
En examinant cependant le traitement et la situation actuelle de ces malades, leur sort ne nous a pas paru meilleur que celui des malades qui sont reçus à l'hôpital de la Charité ou dans les différents hospices que nous avons visités.
Ceux qui gouvernent cet établissement y sont très bien logés ;et la maison royale de santé nous a paru employée à l'agrément de ceux qui la desservent, plutôt qu'au véritable soulagement des j ecclésiastiques et militaires pour qui elle a été i construite à grands frais.
Les malades y sont rarement visités par un médecin ; un frère de la Charité fait les fonctions de chirurgien, et soigne en cette qualité ceux qui j sont confiés à son zèle : le médecin y paraît tout au plus une fois chaque semaine.
En «combinant ces défauts avec la cherté des j journées, nous avons conclu que cet établissemen t, dans son état actuel, est abusif, et demande une j granderéforme.
La position de cet hôpital est saine ; les dimensions de la salle des malades assez bonnes. On
s'y sert d'eau d'Arcueil pour les usages ordinaires : il est difficile d'en avoir de la rivière, à cause de son éloignement.
Hôpital de Charenton.
Un des établissements les plus intéressants qui appartiennent aux frères de la Charité, c'est l'hôpital de Charenton. Il fut commencé en 1641, au moyen d'une donation faite à cet ordre par M. Sébastien Leblauc, d'une maison située à Charenton, avec ses appartenances et dépendances. Le fondateur ajouta à ce premier bienfait, en 1662, un don d'une autre maison située à Paris, rue des Noyers, et de quelques rentes dont il était propriétaire; le tout a la charge qu'il y aurait à l'avenir dans la maison de Charenton sept lits pour les malades.
Le revenu total de cet établissement, en 1641, ne montait qu'à la somme de 1,208 livres. L'économie et le zèle d'une bonne administration le portèrent, en 1670, à celle de 2,214 livres. Le tableau intéressant qu'on nous a présenté des accroissements successifs que reçut cet hôpital en fait monter les revenus, en 1740, à la somme de 12,042 livres, et en 1790, à celle de 29,206 livres, de laquelle il faut distraire 7,927 livres de charges dont ces revenus sont annuellement grevés. Le principal article de ces charges est une rente de 4,656 livres constituée au profit de l'ordre de la Charité : ainsi le revenu net et fixe de l'hôpital de Charenton est de 21,278 livres.
Ses dépenses annuelles sont celles qu'exigent 5840 journées de malades, en supposant les 16 lits qu'on trouve dans cet hôpital constamment occupés; celles que «coûtent l'entretien de dix religieuses, dont trois infirmes; les appointements de deux aumôniers, les réparations des bâtiments, la régie des biens, et les secours répandus dans le lieu et aux environs, pour les pauvres, tant en santé qu'en maladie; enfin les impositions publiques.
Les malades reçus à cet hôpital y sont bien soignés; chacun d'eux est couché séparément. La maison et l'enclos sont très considérables, et la situation du lieu fort belle. Nous n'avons pas compris dans le calcul des revenus la somme que représentent la valeur des bâtiments et l'emplacement ; ce serait sans doute un article important dans leur évaluation.
L'état des malades reçus dans cette maison, depuis le t,r janvier 1780 jusqu'au 31 décembre 1789, donne le nombre de 1,336; de ce nombre il n'est mort que 87 ; la mortalité y est donc moindre que de 1 sur i 5.
Mais ce n'est ni sous le rapport d'hôpital ni sous celui de communauté religieuse, que l'établissement de Charenton présente le plus grand intérêt; il faut le considérer sous un autre point de vue non moins cher à l'humanité et à la religion. C'est un asile ouvert à des infortunés que leur état de démence, de fureur ou d'imbécillité a fait séquestrer de la société, et reléguer dans cette retraite. La maison contenait, lors de notre visite, 87 pensionnaires, logés, soignés et surveillés par les religieux. La moindre peasion est de 600 livres, il y en a de 100 louis par an. Le montant des pensions réunies produit, année commune, une somme de 125,000 livres.
Chacun de ses infortunés est gardé dans une chambre part, et 52 domestiques, sans compter les religieux, sont employés a les servir. Il y a dans cette maison de force une infirmerie pour
les fous malades. Les religieux en ont le plus grand soin, et cherchent tous les moyens de rendre leur captivité aussi douce qu'il est possible, et que 1 état des personnes l'exige ou le permet.
Cet établissement mérite la plus grande faveur. Hospice des paroisses de Saint-Sulpice et du Gros-Caillou.
C'est aux soins de Mme Necker qu'on doit cet établissement. Ayant réfléchi avec un grand intérêt sur les vices de la plupart des hôpitaux existant dans la capitale, sur le traitement qu'y reçoivent les malades, sur leur administration économique, et sur leur discipline intérieure, Mme Necker pensa qu'il était possible de remédier à tant d'abus et de maux, et elle a prouvé ce que peut, dans un établissement de ce genre, un ordre exact et sévèrement observé.
Les malades qui sont reçus dans l'hospice dont il s'agit ici y sont bien traités, et cependant on s'y est renfermé dans une dépense inférieure à tout ce qu'on avait jusqu'à présent vu ou osé espérer à Paris.
Mm* Necker forma cet établissement avec une somme annuelle de 42,000 livres qu'accorda le gouvernement, en 1779, pour faire l'essai d'un hôpital de 120 lits. Elle choisit pour cet effet une ancienne maison religieuse dont la communauté avait été supprimée, et dont le loyer coûte chaque ànnée à l'hospice la somme de 3,600 livres. Au moyen de cette ressource et de quelques autres faibles secours, cet hôpital s'est trouvé meublé, les bâtiments réparés et arrangés convenablement pour la réception, la nourriture, le traitement et l'entretien de ceux, ou qui doivent y entrer pour y être soignés dans leurs maladies, ou y rester pour servir les malades.
Cnaque malade est couché séparément, et tout ce qui est nécessaire lui est fourni avec soin, promptitude et propreté : l'institutrice a néanmoins trouvé dans ses économies de quoi établir 8 lits de plus dans une salle séparée pour les blessés. Tel est l'effet de l'ordre et d'une attention suivie et soutenue jusque dans les moindres détails.
Vingt-quatre personnes sont employées au service des malades ou de la maison, savoir : douze sœurs de la congrégation de Saint-Vincent-de-Paul, et douze officiers et domestiques à gages.
Des comptes rendus et imprimés chaque année, depuis 1779 jusqu'à 1778 inclusivement, présentent le détail intéressant des moyens qui ont été employés pour la formation de cet hospice, pour y établir une bonne administration, une exacte discipline et y assurer aux malades tous les secours que la charité la plus tendre peut imaginer pour leur soulagement.
Chaque sœur, chaque employé et domestique ont leur tâche particulière à remplir. La supérieure embrasse elle seule l'ensemble de toutes les parties de l'administration, elle règle la dépense, tient l'argent, les livres et les registres ; un médecin est logé dans la maison et ne s'en absente que très rarement : il fait régulièrement deux visites chaque jour; il y est accompagné de deux sœurs, du chirurgien et de l'apothicaire de la maison; la sœur de chaque salle lui rend compte de tous les événements survenus aux malades depuis sa dernière visite. L'élève de chirurgie veille les malades si leur état l'exige : rien
n'est mieux entendu que la distribution du temps et l'ordre qui règne dans cet hôpital..
Les comptes imprimés donnent les résultats de la dépense pour tous les articles sans aucuue exception; en les comparant avec le nombre des journées, nous trouvons que le prix de chacune de celles-ci a été :
En 1779 [le................16s. 2d.
1780 de.....................16 10
1781 .......................17. 3
1782 de........... ......... 17 1
1783 de........... ..........17 2
1784 de.......... ......... 17 6.
1785 de........... ......... 17 7
1786 de........... ............17 10
1787 de........... ......... 18
1788 de........... .........18. 1
Ces variations si faibles qu'elles soient dans le prix commun des journées des différentes années ont été l'effet des variations survenues dans la valeur des denrées, par l'augmentation des taxes, particulièrement dans l'article du bois à brûler.
Cette année 1790, le prix de la journée pourra bien se porter à 22 sous; cette augmentation viendra de la suppression de l'exemption des droits d'entrée, et nous devons faire remarquer à ce sujet que l'exemption dont jouissait l'hospice doit être ajoutée au prix des journées des malades des autres années.
Les malades sont reçus à l'hospice sur un billet signé par la supérieure ou par le curé de l'une des deux paroisses de Saint-Sulpice et du Gros-Caillou, ou par deux prêtres choisis dans chacune d'elles pour remplir cette fonction. Le modèle de ce billet est convenu et imprimé.
Les tables, pour indiquer la mortalité, sont dans une forme particulière à cet établissement.
L'on y fait la mention de toutes les maladies dont étaient attaqués ceux qui sont décédés dans l'hospice ; mais parmi ces maladies, on ne trouve que celles qui sont susceptibles des secours de 1 art, et l'on n'y a pas compris ceux qui ne sont morts que de caducité ou même de phtisie.
Il résulte de ces tables que, depuis le commencement de l'année 1779, juqu*à la fin de 1788, il est entré dans cet hôpital 9,941 malades, et qu'il en est mort 1,402. La mortalité est donc un peu moindre que d'un septième.
Nous la trouvons excessive, vu le bon traitement que les malades reçoivent dans cet hospice : il est vraisemblable que la maison et les bâtiments n'ayant point été construits pour servir d'hôpital, les salles y sont trop basses, et le nombre de lits, dans chacune d'elles, trop considérable; il en résulte que chaque malade n'a pas une quantité suffisante d'air libre à respirer. Cette circonstance a certainement augmenté la mortalité ; il nous semble donc qu'il faudrait diminuer le nombre des lits dans les salles.
Cet hospice est sans doute susceptible de perfection, même dans son administration, et dans le service des malades ; mais tel qu'il est, nous le regardons comme un des hôpitaux les mieux ordonnés de Paris, un établissement précieux et digne de la plus grande faveur. Hospice de Saint-Jacques-du-Haut-Pas.
La paroisse de Saint-Jacques-du-Haut-Pas doit au zèle charitable de feu M. Cochin, son curé, l'établissement d'un hospice considérable et intéressant.
Ce digne pasteur, animé d'une tendre sollicitude pour son peuple, voyait avec une extrême peine qu'un grand nombre de paroissiens, faute d'avoir d'autres ressources dans leurs maladies, étaient obligés de se faire transporter à l'Hôtel-Dieu, et de s'exposer à tous les daugers de ce lieu infect.
Il observa aussi que, parmi ses paroissiens, il y avait une classe moyenne, laquelle, sans être dénuée des biens de la fortune, n'en avait cependant pas assez pour pouvoir se passer des secours et de la charité dans leur vieillesse et leurs infirmités.
M. Gochin, né d'une famille où la vertu fut toujours héréditaire, augmenta le nombre des hommes distingués de sa race. Il consacra tous ses revenus et la plus grande partie de son patrimoine au soulagement des pauvres, et fit bâtir, à ses frais, l'hospice sur leqnel nous présentons les détails suivants :
Le bâtiment fut commencé en 1780, et achevé en 1782; la bâtisse et l'ameublement coûtèrent 180,000 livres. L'on y trouve deux salles, séparées par une chapelle pour les malades des deux sexes. Celle des hommes contient 18 lits ; celle des femmes, 20. Chaque malade est couché séparément et reçoit tous les secours qu'un traitement soigné peut lui procurer. Nous en avons parcouru les détails avec satisfaction, et nous croyons qu'au moyen de quelques perfections, qu'il serait très facile de donner à cet établissement, on n'y laisserait rien à désirer.
Les deux salles occupent la partie inférieure de l'hospice : l'étage supérieur contient plusieurs logements séparés pour des pensionnaires âgés et infirmes, dont les facultés ne sont pas assez considérables pour qu'ils puissent vivre dans le monde ; ils trouvent ici une retraite commode et peu dispendieuse. Le taux de la pension est de 450 à 500 livres par an. Le fondateur assujettit les pensionnaires aux heures et aux règles de la maison, et dans leurs maladies, au même traitement que les malades des salles.
On ne refuse à cet hospice aucun malade de la paroisse, excepté les scorbutiques, les femmes en couches et les blessés, ayant besoin d'opérations chirurgicales : il est très rare aujourd'hui qu'un paroissien de Saint-Jacques-du-Haut-Pas ait recours à l'Hôtél-Dieu.
M. Gochin ne jouit pas longtemps de son ouvrage et mourut en 1783.
A sa mort il restait dû, sur le prix du bâtiment, une somme de 45,000 livres. M. Gochin, en mourant, chargea M. Gochin, payeur des rentes, son frère et son exécuteur testamentaire, de poursuivre des lettres patentes conlirmatives de cette œuvre : elles furent obtenues et enregistrées au parlement; elles prescrivent la forme d'administration de cet établissement.
Le curé,les marguilliers en exercice et deux des anciens et cinq notables citoyens de la paroisse, doivent composer le bureau, avec l'aîné mâle de la famille Gochin, à perpétuité.
Les mêmes lettres patentes permettent aux administrateurs de l'hospice de recevoir tous dons et legs dont peuvent être susceptibles les hôpitaux et autres fondations pieuses.
L'exemple du respectable fondateur produisit d'heureux effets. A sa mort, en 1783, l'hospice n'avait pour dotation que 2,500 livres de rentes, et comme nous l'avons dit, il était chargé d'une dette de 45,000 livres.
Depuis 1783, jusqu'en 1790, le nombre des malades reçus et traités gratuitement à l'hospice
est de 923 ; nonobstant cette dépense, l'établissement s'est libéré des 45,000 livres qu'il devait, et jouit aujourd'hui d'un revenu de 10,500 livres, grevé, à la vérité, d'une pension viagère de 4,000 livres. Les paroissiens se sont attachés à un objet qui présente une si belle ressource aux pauvres, et il est à croire qu'ils lui donneront de nouveaux accroissements. L'hospice de Saint-Jacques-du-Haut-Pas est servi par huit sœurs de la congrégation de Saint-Vincent-de-Paul, lesquelles, outre le service de la maison, sont chargées de visiter les autres malades et d'instruire les jeunes filles de la paroisse. Elles ont cinq domestiques à leurs ordres.
Parmi les malades qui sont reçus et traités dans l'hospice, il y en a qui paye'nt en tout ou en partie les journées qu'il y passent. Il y a eu de ceux-là, depuis 1783 jusqu'en 1790, le nombre de 186 ; celui des pensionnaires a été, dans cet intervalle.de 177 ; total des malades ou infirmes : 1,086. En y joignant les sœurs et les domestiques,le nombre total des nourris ou soignés dans cette maison a été de 118,255. La dépense totale a monté à 158,752 livres. Le prix de la journée a été de 1 livre 6 sols 10 deniers. La mortalité a été de 280; mais on a observé que le plus grand nombre des malades, reçus et traités dans cet hospice, depuis son établissement, étaient âgés de plus de 60 ans. Il ne faut donc pas s'étonner de cette mortalité, laquelle peut d'abord paraître excessive dans un hospice où le traitement est aussi soigné et aussi bien entendu.
Cet établissement nous a paru très intéressant.
Hospice de Saint-Merri.
Une association de citoyens estimables, réunie avec M. Yienet, curé de la paroisse de Saint-Merri, forma, en 1782, l'établissement dont nous rendons compte. Une maison solidement bâtie, en bon état et élevée de quatre étages, contient au premier six lits pour les femmes malades, un nombre égal de lits au second pour les hommes; au troisième deux places pour des pauvres appelés honteux, et deux au quatrième pour le traitement des maladies contagieuses. Cnaque malade est couché séparément, et il nous a paru qu'il serait difficile de rien ajouter à la bonté du traitement que l'on reçoit dans cette infirmerie.
La plus grande propreté y règne constamment; les pièces où se trouvent les malades sont assez grandes pour que chacun d'eux ait au moins six toises cubes d'air à respirer.
L'hospice est servi par des sœurs de la congrégation de Saint-Vincent-de-Paui ; elles y sont au nombre de huit ; mais, outre le soin de l'hospice, elles sont chargées de celui des pauvres malades du dehors, ainsi que de l'enseignement, dans deux écoles établies pour les petites filles de la paroisse. gm
Il serait difficile d'évaluer le prix de chaque journée de malade dans cette maison, parce que ia dépense en est commune avec celle de tous les autres infirmes de la paroisse qui reçoivent des secours à domicile.
L'hospice est abondamment pourvu de linge, d'ustensiles et de toutes les choses nécessaires non seulement aux malades qui y sont traités, mais encore à tous les pauvres de la même paroisse atteints de maladies et ayant besoin des secours de la charité.
Les revenus appartenant à l'établissement de Saint-Merri sont ou fixes ou casuels; les pre-
miérs consistent en rentes provenant des sommes placées, ou dans les fonds publics, ou sur des corps de communautés, ou sur des particuliers ; les autres sont le produit, ou de quêtes ou d'aumônes, ou de legs testamentaires en faveur des pauvres. La totalité de Ces revenus monte à environ 36,000 livres. Ils Sont perçus par un trésorier nommé ou continué chaque année, et qui rend chaque année ses comptes dans une assemblée présidée par le curé de la paroisse.
Le nombre des pauvres reçus à l'hospice de Saint-Merri, depuis l'époque de son établissement jusqu'au jour où nous l'avons visité, c'est-à-dire pendant 1 espace de six ans et demi, a été de 900, sur lesquels il en est décédé 56. La mortalité n'a donc été, dans celte infirmerie, qu'à peu près comme 1 est à 17.
C'est un effet du bon traitement que l'on y reçoit : on ne peut donner trop d'éloges à la manière dont s y fait le service, au zèle des sœurs qui y soignent les malades et à l'ordre qu'y font observer les administrateurs charitables, fondateurs de cette maison.
Cet ordre est prescrit et détaillé dans de3 statuts très sages qui sont exactement exécutés.
Hospice des écoles de chirurgie.
En 1774, le roi fonda, dans les écoles dè chirurgie, un hospice de six lits en faveur des malades indigents de l'un et de l'autre- sexe, attaqués de maladies chirurgicales graves et extraordinaires, dont le traitement long et dispendieux ne pourrait pas être suivi dans les autres hôpitaux, et le gouvernement accorda, pour cette fondation, une somme de 7,000 livres payable annuellement par les receveurs des domaines de Paris.
Les premiers fonds de cet intéressant établissement né furent reçus qu'en 1775. Les construc-tions qu'il fallut faire dans le bâtiment destiné à recevoir les malades, les dépenses qu'elles occasionnèrent, ainsi que l'acquisition qui eut lieu des ustensiles nécessaires au service, ayant absorbé une partie des revenus, ce ne fut qu'au mois de septembre 1776 que l'on reçut des malades, et cela en proportion des fonds qui restaient.
En 1783, le roi fonda six nouveaux lits. Par l'édit portant cet accroissement de fondation, il fut permis à l'administration de l'hospice d'ad-inettre tout malade attaqué de maladie chirurgicale, en donnant cependant ;la préférence aux maladies graves et extraordinaires.
Ce fut cette même année que M. de !La Marti-nière, premier chirurgien du roi, ajouta à la fondation dix nouveaux lits. Il fallut employer des fonds considérables en achat de lits, de linge, d'ustensiles proportionnés au nombre des malades que l'hospice allait recevoir, et ce ne fut qu'en 1786 qu'il fut possible de mettre Rétablissement en pleine activité.
Le nombre des malades reçus dans cette infirmerie depuis le 1er janvier 1786 jusqu'au ^'juillet 1790, monte à 420; le nombre des morts a été de 60. La mortalité y est donc entre le sixième et le septième.
Les titres de cette fondation portent l'établissement de deux professeurs : IHin de chimie, l'autre de botanique.
L'hospice des écoles de chirurgie jouit de 24,000 livres par an, dont 2,000 livres pour les appointements des deux professeurs, et 22,000 li-
vres destinées plus particulièrement à la dépense des malades. Si nous supposons tous les lits exactement remplis, le nombre des journées sera chaque année de 8,030 et le prix de chacune d'elles entre 50 sous et 3 livres.
Ces malades sont couchés dans plusieurs chambres assez grandes et bien aérées, chacun dans un lit séparé; ils y sont bien soignés. La nature des maladies que l'on traite dans cet hospice en rend le traitement plus dispendieux. Lorsque nous en avons fait la visite, les affaires de l'établissement étaient fort gênées, il y avait déjà plusieurs termes échus sans aucune rentrée de ses revenus, et il lui était dû une somme d'environ 50,000 livres ; cependant l'hôpital n'était arriéré pour le payement de ses dépenses, que de 12 à 1,500 livres. Il est donc démontré qu on pourrait l'augmenter considérablement, multiplier les lits et par là étendre un secours précieux en faveur des malades de la capitale.
Hôpital milita/ire de la garde nationale parisienne.
Des lettres patentes du mois de septembre 1759, enregistrées an parlement le 18 août 1760, autorisèrent M. le maréchal de Biron à établir un hôpital à l'usage des soldats malades du régiment des gardes françaises, et affectèrent pour cette dépense le produit de la vente des enseignes de ce régiment.
Cet hôpital, aux termes de la loi, devait être gouverné par le oolonel dudit régiment, le lieutenant-colonel, le major et les autres officiers que le colonel choisirait pour cet objet intéressant.
L'administration acheta trois maisons conti-guës dans la rue Saint-Dominique, au Gros-Caillou, et en 1765 l'hôpital y fut établi : il s'accrut dans la suite par l'augmentation des ressources, et quand la dépense excédait la recette, la caisse du régiment suppléait au déficit.
Lorsqu'au mois d'août 1789, les gardes françaises furent incorporées dans la garde parisienne, le régiment vendit à la commune de Paris toutes ses propriétés dont l'hôpital était la plus considérable, et depuis cette époque l'hôpital a constamment été régi pour le compte et aux frais de la ville de Paris : le département de la garde nationale parisienne a succédé à l'ancienne administration des gardes françaises, et jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, on a cru devoir continuer ie même régime et le même ordre qui était observé précédemment.
La paye des soldats malades, moins deux sous qui sont réservés pour leur décompte, forme le premier fonds de recette, et l'excédent, quel qu'il soit, est payé par la caisse de Ville, sur une ordonnance du département de la garde nationale.
Sous l'administration du régiment des gardes françaises, il y avait dans cet hôpital 300 lits ; mais depuis qu'il est destiné pour la garde nationale soldée, le nombre des malades est augmenté, et le département, chargé de l'administration, y a fait préparer de nouvelles salles, de sorte que cet hôpital peut recevoir aujourd'hui environ 500 lits. Le plus grand nombre de malades qui y ait été jusqu'à présent est de 450, «t le moindre, dé 250 à 300.
Ceux qui sont employés pour le service de l'hôpital sont excessivement multipliés, et nous croyons 'qu'il serait possible et très utile d'en réduira le nombre. Leurs seuls appointements montent à la somme de 24,314 livres, sans compter leur nourriture et leur entretien.
Ces employés sont : 1° un économe chargé de la police et de la comptabilité;
2' 3 sergents-majors, chargés, sous les ordres de l'économe, des détails des subsistances, de l'inspection des magasins, et de la surveillance des ouvriers, et de la police militaire et particulière;
3° 6 commis employés dans les bureaux à tenir les registres de l'administration, ceux d'entrée et de sortie des malades; à expédier les billets de ceux qui sortent, assister aux visites des médecins et chirurgiens, à écrire le régime de chaque malade, à faire les bulletins des différentes salles, à distribuer le vin et les aliments matin et soir, etc. Un de ces commis e?t de garde pendant le jour et ne peut s'absenter sous aucun prétexte, un autre pendant la nuit, pour surveiller les infirmiers de service, et faire les distributions ordonnées;
4° Un aumônier chargé de dire la messe tous les jours, de faire la prière du soir, d'admipis^er les malades, et de leur procurer tous les secours spirituels dont ils peuvent avoir besoin ;
5° Un médecin, dont on n'a pas encore déterminé le traitement, fait sa visite générale tous les jours matin et soir ; les médicaments qu'il ordonne sont marqués par un apothicaire et un élève chirurgien; le premier les prépare, l'autre les distribue aux malades ;
6° 2 chirurgiens-majors sont chargés du traitement des blessés, et font aussi leur visite matin et soir, accompagnés d'un apothicaire, de plusieurs élèves chirurgiens et d'un commis;
7° 2 chirurgi us aides-majors sont chargés, sous la surveillance du premier chirurgien, du traitement des maladies vénériennes;
8° 10 élèves chirurgiens sont employés à suivre les médecins et chirurgiens dans leurs visités, à exécuter leurs ordonnances; 2 d'entre eux sont de garde jour et nuit, afin de porter des secours en cas d'accidents imprévus, partout où il en sera besoin;
9° Un apothicaire en chef et 2 aides sont chargés de la pharmacie, et préparent les médicaments ordonnés;
10° 30 à 35 infirmiers servent les malades ; leur nombre varie suivant les besoins; mais il n'est presque jamais au-desgous de 30;
11° Il y a aussi 2 barbiers pour l'usage des malades ;
12° Un cuisinier en chef, ayant sous lui un second et 6 aides de cuisine, reçoit tous les matins, des mains d'un commis, un bulletin général des différents régimes ordonnés par je médecin et les chirurgiens, et s'y conforme : il çré-r pare en conséquence les aliments, nécessaires pour chaque espèce de régime et ceux qui çont destinés à tous les employés de l'hôpital;
13° Un sommelier est chargé du soin et de la distribution çlu vin, sous l'inspection de celui des sergents-majors à, qui sont confiés les détails des subsistances ;
14° 2 boulangers sont employés à faire le pain; il y a aussi un employé aux gros travaux de la boulangerie et au soin des greniers;
15° Un magasinier et 2 aides sont chargés de distribuer et de changer le linge et les vêtements des malades, ainsi que des lessives, etc., sous l'inspection d'un sergent-major qui doit tenir un registre de tous les mouvements de cette partie et y maintenir l'ordre;
16° 3 tailleurs sont employés à l'entretien et à la réparation du linge et des vêterqçnts des malades;
17° Le même hôpital a aussi à ses gages divers artisans pour chacun des objets dont il a besoin» tels que des matelassiers, serruriers, vitriers, ferblantiers, menuisiers, maçons, trois jardiniers et leurs apprentis, deux charretiers et des valets, enfin un portier chargé de visiter tout ce qui entre et ce qui sort de la maison.
Tels sont les détails dans lesquels nous avons pu entrer à l'égard de cet hôpital, qui est très considérable et bien bâti. Les malades y sont couchés séparément, et se louent en général du traitement qu'ils y reçoivent.
Pendant l'espace de 13 mois, à commencer au 1** septembre 1789 jusqu'au octobre 1790, on a reçu à cet hôpital 5,000 malades ; on compte 163 morts, dopt 19 n'étaient déjà plus en vie lorsqu'ils y furent portés; le nombre de ceux vraipaent décédés à l'hôpital durant ces 13 mois est donc de 144; mortalité y a été conséquemment de 1/44°.
La dépense, pendant le même intervalle, y a été de 214,744 livres et de 400 sacs de farine; en supposant le prix de la farine à 50 livres le sac, nous aurons la somme de 20,000 livres à ajouter aux 214,744, total 234,744 livres. Le nombre des journées a été de 139,161 ; chaque journée de malade y est dope revenu à environ 36 sous.
Quoique ce prix soit trop fort, l'établissement en lui-même n'en est pas moins intéressant ; son administration est organisée d'après de bons prinr cipes ; mais elle est susceptible de perfection, et nous sommes persuadés qu'on pourrait y introduire beaucoup plus d'économie.
Nous exhortons la municipalité de Paris à porter une attention particulière sur un objet destiné au soulagement des défenseurs de l'ordre public.
Hospitalières Le. la Place royale.
Cette maison fut établie en 1625, en vertu de lettres patentes enregistrées en 1627- Sa destination fut de recevoir une communauté de religieuses hosptalières, et de servir au soulagement d'un certain nombre de femmes et de filles malades.
Vingt-trois lits y ont été successivement dotés par des fondateurs particuliers; mais la mense des malades et celle des religieuses doivent se confondre, aux termes constitutions. Les fondateurs ou leurs ayants cause nomment les malades qu,i doivent occuper les lits.
frétât des revenus que l'on nous a fourni lea fait monter à 33,374 I. 4 s. 3 d. De ces revenus, il y a des rentes viagères constituées sur la têtë de diverses religieuses, pour la somme annuelle de £,?83 livres, Les autres niens constituent eu rentes perpétuelles sur l'Etat ou en loyers de maisons et d'appartements, soit en dehors, soit en dedans de ce couvent. Les revenus sont grevés de 549 livres de rentes et redevance annuelle.
La communauté est composée de 15 religieuses professes, de 10 soeurs converses, de 5 postulantes et de 9 tourières ou filles de service,
S'il ne fallait considérer cet établissement que comme un hôpital consacré au soulagement des pauvres malades, le prix des journées serait excessif ; mais co/nme il est en même temps communauté religieuse, le calcul doit être différent ; il faut alors distinguer, la dépense des malades de celle de la communié : celle-ci, à raison de 700 livres par tête, pour 15 religieuses professes et de 300 livres pour chacune des
6 sœurs converses, coûtera désormais 12,300 livres, somme qui diminuera par les extinctions successives. Il reste, pour l'entretien de l'hôpital et le soin de 23 malades, 21,074 livres. Il est évident que la natioD, par la suppression de la communauté, fait un gain considérable, à ne considérer l'objet que sous des rapports pécuniaires ; nous ne comprenons pas même dans notre évaluation l'intérêt du capital que représente la valeur des bâtiments. Nous sommes également portés à croire que la suppression de cet hôpital serait un bien pour le public. Car, d'après les états que l'on nous a fournis de la mortalité qui y règne, nous avons frémi de voir que, depuis 1770 jusqu'à 1779 inclusivement, le nombre des malades reçus s'est porté à 2,155, et que, celui des personnes décédées a été de 649 ; la mortalité a été conséquemment de près d'un tiers. Que depuis 1780 jusqu'à et y compris 1789, le nombre des entrées a été de 1542, celui des morts de 492; la mortalité à la seconde époque est donc dans la même porportion qu'à la première ; c'est la première que nous ayons encore trouvée dans aucun nés hôpitaux que nous avons visités. Nous sommes en peine de savoir à quelle cause il faut l'attribuer ; peut-être la maison est-elle malsaine, peut-être la plupart des malades qui y sont reçues n'y ont-elles recours que lorsque la maladie est déjà très avancée. La salle qui sert d'hôpital est grande, mais peu élevée et nous ne croyons pas que l'on y respire un bon air.
Cet objet mérite toute l'attention de la municipalité.
Religieuses hospitalières de la Roquette.
Cette communauté religieuse est un démembrement de celle des Dames hospitalières de la Place royale. Ce fut en 1790 qu'un décret de l'archevêque de Paris, revêtu de lettres patentes enregistrées au parlement, ordonna cette translation dans un des faubourgs de Paris, où ces dames occupent un local très vaste et fort beau. Leur hôpital contient 23 lits, dont 16 sont fondés, les autres sont occupés par des malades qui payent 20 sous par jour.
Les lits fondés sont pour les personnes que les fondateurs ou leurs ayants cause nomment pour les remplir; on ne devrait y recevoir que celles qui sont attaquées de maladies aiguës, passagères et curables; mais il s'est introduit à cet égard beaucoup d'abus, et un grand nombre de lits sont occupés par des infirmes qui y restent constamment ; elles regardent cette ressource comme une retraite commode que les fondateurs seraient en droit de procurer aux personnes qui les intéressent, ou dont ils ont à récompenser les services.
Le traitement que reçoivent les malades dans cet hôpital nous a paru bon. Chacune d'elles est couchée séparément; la salle est assez vaste, et parait bien tenue et bien aérée. Nous avons eu conséquemment lieu d'être surpris d'apprendre que la mortalité y est excessive. En effet les états qu'on nous en a fournis depuis 1780 jusqu'à 1790, font monter le nombre des malades reçues à 466 et celui des mortes à 158; cette proportion est très forte.
L'état des revenus de cet établissement les fait monter à 45,473 livres et dans cette évaluation n'est pas compris l'intérêt des capitaux que représentent l'acquisition du terrain, la construction
des bâtiments, et le premier ameublement. De ces 45,473 livres il faut déduire 1,400 livres de rentes viagères que doit la maison. Le revenu net est donc actuellement de 44,073 livres.
Ces revenus sont le produit : 1° de fonds et de rentes sur le Trésor public pour la somme de 36.908 livres; 2° des sommes payées par les malades qui occupent les lits non fondés, et du loyer de plusieurs chambres qu'occupent des dames retirées dans ce couvent, ces deux articles montent ensemble à la somme de 8,565 livres.
Les charges de la maison sont actuellement:
18 religieuses de chœur;
6 sœurs converses;
1 novice ;
3 postulantes;
6 filles de service ;
16 dames de chambre ;
2 chapelains;
1 sacristain.
8,395 journées de malades, en supposant les 23 lits constamment remplis.
Il convient de considérer cet établissement sous le double rapport d'hôpital et de communauté religieuse; ainsi, en calculant la dépense à venir, elle reviendra pour 18 religieuses, à 700 livres chacune, à la somme de.......... 12,600 liv.
6 sœurs converses à 300 livres chacune............ *............ 1,800
Total........... 14,400 liv.
En déduisant cette somme des 44,073 livres ci-dessus, il restera pour l'hôpital, etc., 29,673 livres. Le nombre des journées étant de 8,395, il en résulterait que le prix de chacune d'elles serait de 3 à 4 livres.
Tel est le résultat des renseignements qué nous avons pris sur cet établissement, qui est remarquable par l'étendue et la beauté du terrain au milieu duquel il est situé.
Religieuses hospitalières de Saint-Mandé.
Cette communauté était originairement établie dans le village de Oentilly, près Paris, et fut transféré à Saint-Mandé, dans le bois de Yincennes, en 1705.
Elle estactuellement composée de 24 religieuses de chœur et de 6 sœurs converses.
Elles ont soin d'un hôpital où sont placés 27 lits destinés à des femmes âgées et infirmes.
Cette maison est moins un hôpital qu'un lieu de retraite.
Des 27 lits 11 seulement sont occupés gratuitement.
L'état des revenus ne les porte qu'à 16,509 livres ; mais dans cette évaluation n'est pas compris le produit d'un terrain composé de 60 arpents, qui forme le potager et l'enclos.
La maison est vaste et belle.
Cet établissement est d'une grande ressource pour les personnes que leur âge et leurs infirmités mettent dans le cas d'y avoir recours : il nous a paru que les religieuses en avaient grand soin.
Religieuses hospitalières de la rue Mouffetard.
Cette communauté est aussi venue du village de Gentilly, près Paris : elle est actuellement composée de 17 religieuses de chœur et de 7 sœurs converses.
Elles sont chargées d'un établissement de 40 lits destinés à recevoir de pauvres filles et femmes malades.
Le traitement nous y a paru bon; chaque malade est couchée séparément et reçoit tous les secours nécessaires.
Les revenus destinés, soit pour la communauté, soit pour l'hôpital, forment une masse de 33,7671. dont il faut déduire, pour les charges, 7,1301.
La dépense sera, pour les religieuses de chœur, de la somme de........... 11,900 liv.
Pour les sœurs converses de. . . . 2,100
Total...... 14,000 liv.
En déduisant ces 14,000 livres de 26,637 livres de revenu net, il ne restera pour la dépense de l'hôpital que 12,637 livres.
Si l'on supposait les 40 lits constamment remplis, le nombre des journées serait de 14,600 et le prix de chacune d'elles ne serait que d'environ 17 à 18 sous. Mais dans l'évaluation des revenus nous n'avons pas compris l'intérêt de la somme capitale que représentent l'emplacement, la construction ou l'achat et l'ameublement des bâtiments. Ces objets sont peu considérables, car le local est fort borné et la maison n'est pas vaste.
Il ne paraît pas que les affaires de cette communauté soient en bon état : lors de notre visite, les religieuses nous ont présenté un compte de leurs dettes actives et passives. Les premières, suivant, cet état, sont de 29,759 livres, les secondes de 47,160 livres. Il en résulte que cet établissement est actuellement endetté de 14,401 livres.
Il est d'une grande ressource pour les pauvres de ce quartier, qui sont en grand nombre, et les citoyens qui l'avoisinent paraissent attachés à sa conservation : mais l'état de ses affaires exige que l'on ne remplisse pas exactement les 40 lits, que l'on en réduise même le nombre.
Nous avons été vraiment affligés de voir que, nonobstant les soins et la charité des dames hospitalières envers les malades qui leur sont confiées, la mortalité dans cet hôpital est effrayante.
Le nombre de malades reçues pendant les 10 dernières années, est de 304, et celui des mortes, suivant l'état qu'on nous en a fourni, est de 139. La mortalité y est donc de plus d'un tiers; ce qui est inconcevable dans un hôpital où rien ne paraît manquer à la bonté du traitement.
Seconde suite du rapport fait par le comité de mendicité, sur ses visites dans les divers hôpitaux de Paris (1). Hôpital des Quinze-Vingts.
L'opinion générale est que saint Louis est le fondateur des Quinze-Vingts; il n'existe aujour-
d'hui de la munificence de ce souverain qu'une rente de 36 livres sur les domaines. On ne sait si sa pieuse générosité borna ses dons à ces revenus, se confiant, pour le soutien de cet établissement, dans la charité des fidèles qui, dans ces temps de barbarie, élevait et soutenait tant d'ordres mendiants. Ce prince leur donna un terrain situé hors de Paris, qui par suite s'est trouvé enclavé dans le quartier Saint-Honoré. C'est ce même terrain qui, vendu sous l'administration du cardinal de Rohan, a occasionné tant de réclamations que vous avez renvoyées à votre comité des rapports, et dont votre comité de mendicité n'a pas cru devoir prendre connaissance, puisqu'il ne doit considérer l'hôpital des Quinze-Vingts que comme maison de secours.
C'est un conte digne d'orner la légende dorée, que celui qui fait renvoyer à saint Louis, par le sultan Saladin, trois cents gentilshommes auxquels onavait crevé les yeux. Belleforet, qui écrivait plus de 3 siècles après saint Louis, est le premier qui fasse mention de cet événement, que le sire de Joinville, tout à la fois si pieux et si crédHle, n'aurait pas manqué de rapporter, s'il eût eu le plus léger fondement. Un nomme qui croyait bonnement que le Nil avait sa source dans le paradis terrestre, et que le vent y faisait tomber les épices, aurait sûrement donné, dans son style naïf, des détails sur une cruauté si étrange.
Mais comme tout ce qui tient du merveilleux est facilement cru, cette fable a dû, dans des temps d'ignorance, être avidement saisie ; et l'édit de François Ier, du mois de mai 1546, relatif aux Quinze-Vingts, la rapporte encore de bonne foi.
Tout ce qui reste de monuments historiques du temps de saint Louis, les ordonnances de ce roi, la bulle du pape, enfin les historiens du temps, annoncent que la maison a été fondée pour des pauvres aveugles, et il n'y est pas question de gentilshommes.
Il paraît, d'après les recherches faites à la bibliothèque du roi, que du temps de Saint-Louis les pauvres aveugles jouissaient déjà, dans Paris, de quelques privilèges pour la mendicité, et qu'ils formaient une espèce de congrégation informe, qui successivement est devenue plus régulière. Le plus ancien des règlements connus sur cet hôpital est de Michel Debraché, aumônier du roi Jean; il a été succédé par beaucoup d'autres, dont le dernier est de 1786. Tous s'accordent pour prouver que l'association des pauvres aveugles est une association religieuse : le nom de frère, qu'ils ont conservé jusqu'à ce jour, l'obligation de réciter un office particulier, la tenue d'un chapitre, l'état de minorité qui leur défend de vendre ou d'acheter, enfin la renonciation qu'ils font à la propriété de leurs biens, au préjudice même de leurs enfants légitimes : tout annonce les règles, les usages et les abus de la monasti-cité. Cette opinion est confirmée par un édit de Philippe le Bel, qui oblige les aveugles des Quinze-Vingts à porter une fleur de lys sur leur robe, pour les distinguer des autres associations religieuses.
Trois cents frères ou sœurs habitent la maison des Quinze-Vingts. On les distingue en aveugles et en voyants ; ils ont seuls droit aux distributions qui se font en argent tous les mois. 11 est défendu à un frère aveugle d'épouser une femme aveugle, et celle-ci ne peut se marier qu'à un voyant. On sent quel est le but de cette loi ; on a supposé que la cécité avait besoin de conducteur. Aussi les premiers règlements bornant le nombre des
frères voyants à ceux qui seront reconnus indis-pensablement utiles au service de la maison, permettaient l'admission de quatre-vingt-huit sœurs voyantes, et les faisaient choisir parmi les plus anciennes femmes ou veuves des frères aveugles. Les aumônes obtenues par la mendicité des aveugles étaient alors les plus solides revenus de la maison. Il leur fallait un guide, et il avait semblé plus naturel de le leur donner dans des femmes qui, partageant l'intérét de l'association générale, étaient à la maison d'une moindre dépense. Aujourd'hui que le revenu de l'établissement est assuré, que la quête est défendue aux aveugles, et qu'une infirmerie suffisante est, dans la maison, destinée à recevoir les malades, ce nombre prodigieux des sœurs voyantes n'est plus qu'un abus. Le dernier règlement le fixe a trente. Un aveugle non marié reçoit 24 sous par jour; s'il est marié, il en reçoit 40. Chaque enfant, au-dessous de l'âge de 16 ans, reçoit 3 sous par jour. Ces différentes espèces de paye doivent nécessairement faire varier la dépense de la maison. Pour récompenser le zèle des voyants ou voyantes qui s'unissent à des aveugles, on les a admis à la fraternité ; mais la proportion en est fixée, comme il a été dit ci-dessus, de manière que le nombre des frères ou sœurs aveugles et voyants, réunis, n'excède jamais trois cents ; tout ce qui est au delà est considéré comme aspirants, c'est-à-dire ayants droit, par la vacance des places, à recevoir 1e traitement complet de la maison. Les veuves qui ont vécu 5 ans avec leurs maris aveugles, reçoivent 12 sous par jour; celles qui avaient un logement particulier en reçoivent 3 de plus. Il y a actuellement,, à la charge de la maison, 20 veuves à 15 sous par jour, et 6 à 12.
Si l'humanité voit avec satisfaction, dans la possibilité qu'ont les frères aveugles de se marier, un moyen de douceur, de consolation dans leur malheureux état, la réflexion y fait voir quelques inconvénients qui en balancent bien les avantages. Le premier de tous est d'unir à la jeunesse bien constituée la vieillesse et les infirmités, d'attacher, au mouvement d'un être vicié par son organisation, la force et la santé d'un individu qui pourrait être bien plus utile ailleurs, de multiplier ainsi la cécité, de la propager de race en race. Les sœurs voyantes, inutiles à la maison, ôtent d'ailleurs aux aveugles des places que l'institution n'accorde qu'à eux, ou pour leur propre avantage. Tout ce qui n'y sert pas, y nuit et serait remplacé bien plus justement par un individu en état de cécité enfin le désordre que ces femmes apportent et doivent apporter dans la maison est aussi d'un bien grand inconvénient. Bien que le traitement qu'elles reçoivent soit très modique, il est toujours beaucoup pour des filles qui n ont rien ; et peu de celles qui épousent les aveugles font le projet d'augmenter le bien-être de leur mari par le travail. Pour 4 ou 5 laborieuses, 30 sont fainéantes, et avec d'autant plus de constance qu'elles l'ont été toute leur vie et que les soins de leur ménage ne les peuvent pas même occuper. De là les querelles, les prétentions outrées, le malheur au lieu de consolation pour les maris et le désordre dans la maison. Si l'on ajoute que les lois monastiques qui gouvernent cet établissement déshéritent les enfants de la moitié de la succession de leurs père et mère reçus frères et sœurs, on verra comment le mariage est encore dans cette maison . une source de misère. L'institution qui assure par jour une paye à la femme et aux enfants des
aveugles serait sans inconvénient, s'ils étaient assistés au milieu de Paris. Cette institution est absolument, par ses effets, contraire aux intentions de bienfaisance qui l'ont établie.
Indépendamment des frères et des sœurs qui ont des logements dans la maison, 483 aveugles externes reçoivent encore des pensions dans l'ordre qui suit :
8 ecclésiastiques à 300 liv________2,400 liv.
25 gentilshommes à 300 ... 7,500
100 pauvres à 200 ... 20,000
100 ' — '. à 150 ... 15,000
100 — à 100 ... 10,000 150 — à 60 ... 9,000
483
63,900 liv.
Ce n'est qu'en 1783 que les pensions pour les ecclésiastiques et pour les nobles ont été établies. On assure qu'elles ont été souvent sollicitées par des personnes fort au-dessus, par leur fortune, de la détresse qui aurait pu justifier leur sollicitation. Il est, finon étonnant, du moins honteusement scandaleux, de voir avec quelle cupidité l'intrigue savait s'agiter jusqu'aux portes des hôpitaux pour dérober la subsistance des pauvres. Si un seul de ces pensionnaires, jadis privilégiés, pouvait se passer de cette pension pour ne pas mourir de faim, leur tort serait impardonnable de l'avoir sollicitée, car ils auraient rendu coupables d'une cruelle injustice les chefs de l'administration qui l'auraient accordé.
If existe encore dans cette maison un abus qui, quoique commun à tous les hôpitaux de Paris, est poussé ici à l'excès. Environ 800 individus, en y comprenant les femmes et les enfants, forment la plus grande population de l'intérieur des Quinze-Vingts; 8 prêtres à la tête desquels marche un chefecier sont chargés de l'administration spirituelle. Très commodément logés, recevant du sel et du bois de la maison, leurs honoraires et les frais qu'occasionne le service de l'église s'élèvent à 21,016 livres par année. Nous ne ferons que copier littéralement l'état de dépense annuelle que nous avons sous les yeux ; en rapportant de pareils abus, il ne faut pas pouvoir même être soupçonné d'exagération.
Frais relatifs à Véglise des Quinze-Vingts.
Honoraires des ecclésiastiques.
Chéfecier...................... 3,000 liv.
Premier vicaire.................. 1,800
Deuxième, troisième et quatrième
vicaires à 1,500 livres............. 4,500
Cinquième, sixième et septième
vicaires à 1,400 livres............. 4,200
Gages des personnes attachées à
l'église........................... 3,876
Honoraires des prédicateurs..... 840
Entretien de l'église et de la sacristie........................... 2,800
Total....... 21,016 liv.
Si, dans l'Empire français, les frais du culte étaient calculés d'après la base de la population des Quinze-Vingts, ils reviendraient à plus de 630,480,000 livres par année, et c'est une maison de charité qui nous présente cet incroyable calcul!
Les frais d'administration nous ont également paru énormes; ils montent à 17,026 livres. C'est encore une preuve arithmétique que nous présenterons :
Frais d'administration»
Directeur général..............................4,000 liv.
Le frère maître, non compris son
prêt........................................................600
Greffier................................................1,200
Trésorier..............................................3,000
Inspecteur des bâtiments................1,548
Commis aux archives..................1,200
Garde-magasin.. .....................300
4 frères-jurés à 220 livres chacun ........................................880
8 eapitulaires à 36 livres chacun. 288
Huissier..............................................360
Deux portiers....................................610
Maître d'école....................................348
Maîtresse d'école...... ................548
Prix d'encouragement pour les enfants ........................................................144
Différents frais évalués à.........2,000
Total....... 17,026 liv.
En réunissant les frais du culte et d'administration, on trouve que chaque individu demeurant aux Quinze-Vingts, paye 48 livres pour ces deux objets : c'est assurément beaucoup plus que ne payeront individuellement les contribuables de la France, pour toutes les charges de l'Etat. Nous le répétons encore : c'est une maison de charité qui nous présente cet incroyable calcul !
Nous avons peut-être interverti l'ordre naturel que nous aurions dû suivre en nous rendant compte de l'association des Quinze-Vingts; mais nous avons cru devoir en, écarter d'abord tout ce qui avait rapport au régime général, pour rapprocher tout ce qui reste d'intéressant à connaître sur cette fraternité religieuse, et ne plus fixer vos regards que sur l'intérieur de la maison.
Les conditions requises pour être reçu frère ou sœur aux Quinze-Vingts, sont d'être aveugle, pauvre, né Français, de professer la religion catholique, apostolique et romaine, et d'être âgé de vingt-un ans.. La validité de ces titres d'admission, soumise au jugement de l'administrateur en chef, laiBse aux refus une grande latitude, et ouvre une grande porte aux protections, si l'on aj oute foi aux plaintes qui ont été faites à ce sujet.
Si le frère est marié, il représente l'acte de la célébration de son mariage ; si reçu frère il veut se marier, il en demande ia permission à ses supérieurs.
Le frère ou la sœur font, en chapitre et en présence des administrateurs, leur serment de réception; ils jurent sur la perte de leur âme, et la main posee sur l'Evangile :
1° D'assister dévotement aux messes, services et prières qui se chantent dans l'église; de se confesser au moins six'fois par année;
2° D'apporter céans tous leurs biens, de quelque nature qu'ils soient, tant meubles qu'immeubles; de déclarer où ils sont situés, sans eu -rien retenir, et de n'en disposer ni transporter hors de l'hôpital en aucune manière sans permission.
Pour obtenir des lettres de fraternité, le récipiendaire est obligé d'aller chez un notaire ratifier ses vœux et donations, et de remplir les formalités exigées par I'édit de 1731.
Après ces formalités remplies, un frère, qui a donné à l'association corps et biens, est dans un état de minorité habituelle; il ne peut ni faire acte, ni autoriser sa femme à en passer. Maître à ia vérité de l'usufruit de son bien, s'il est chassé de la maison, sa donation n'en a pas moins son effet; et ses enfants, s'il en existe, ont besoin de la condescendance du chapitre pour en obtenir une portion. Ces lois, qui peuvent être simples pour des moines qui ne laissent aucune postérité, deviennent plus compliquées par les différentes positions où le mariage met un frère aveugle : nous abrégerons, le plus qu'il nom sera possible, les détails de ce code aussi absurde qu impolitique.
Si un frère non marié décède, il laisse en totalité ses biens, de quelque nature qu'ils soient, et sa donation a son entier effet au profit de l'association.
La femme d'un frère mort sans enfants, et qui n'a point été elle-même reçue au uombre des sœurs, doit quitter la maison, et la moitié de l'usufruit de la donation faite par son mari lui est seulement accordée ; s'il y a des enfants, elle jouit de l'usufruit entier.
La femme d'un frère mort sans enfants, si elle est reçue sœur, jouit de l'usufruit entier des biens du défunt, à l'exception des bagues et joyaux, qui doivent être remis à l'association. Dans le cas où l'usufruitier vient à mourir, les enfants n'ont que la moitié des biens, tant meubles qu'immeubles, et les enfants déjà pourvus sont obligés de rapporter ce qu'ils ont reçu.
Si une sœur se marie en secondes noces, elle doit remettre ia moitié de ce qu'eLle tenait du prédécédé.
Ainsi, tandis que l'institution provoque le mariage par le traitement qu'elle assure aux femmes et aux enfants, elle prononce à son profit l'exhérédation de ces mêmes enfants, elle renverse les lois les plus sacrées, les plus douces de la nature, et ne tend qu'à faire des pères dissipateurs et des enfants misérables. Telle est cependant la jurisprudence en usage aux Quinze-Vingts. Nous n'ajouterons aucune réflexion à ce court exposé, bien convaincus que vous vous hâterez de détruire les règlements antisociaux de cette association barbarement religieuse, par lesquels, tandis que vous délibérez, la veuve et l'orphelin sont encore sous vos yeux dépouillés sans pitié.
Au milieu des antiques règlements de l'association des aveugles, vous recueillerez peut-être une loi sage que vous pourriez transporter sans inconvénient dans les différents hospices dont vous ordonnerez l'établissement ou le maintien, Quatre jurés, connus sous cette dénomination depuis le xv® siècle, exercent dans l'intérieur de la maison une sorte de j uridiction de police : leur premier devoir est d'entretenir la paix et l'ordre; apaisews nés de toutes les querelles, ils doivent prévenir toutes les divisions dans les familles et surveiller les mœurs. Deux de ces frères doivent être voyants, deux autres aveugles ; tous les ans le chapitre assemblé en élit deux pour remplacer ceux qui sort* nt. Ces quatre jurés reçoivent, comme on l'a vu dans 1 état de dépense, outre leur prêt, chacun, deux cent vingt livres d'honoraires. Indépendamment des quatre jurés, il y a encore huit frères capitu-
lants, qui, renouvelés chaque année, ont le droit d'assister au chapitre avec eux sans avoir de voix délibéralive; ils reçoivent pour honoraires trente-six livres par an. A la tête des douze capitulants dont on vient de parler, se trouve un frère-maître ou ministre, auquel on accorde 600 livres d'appointements de plus que son prêt. C'est à lui que les jurés font le rapport de ce qui se passe dans la maison contre le bon ordre. C'est sans doute une institution populaire et sage, que celle qui associe le pauvre aux délibérations qui ont rapport à son existence : en l'unissant par son intérêt personnel à l'intérêt général, en l'éclairant sur ses droits et ses devoirs, elle lui apprend à respecter et la règle et ceux qui la font observer.
Une administration sage, délibérant sous les yeux du pauvre, arrêterait les murmures et les plaintes de l'homme malheureux, toujours inquiet parce qu'il e?-t privé de la liberté, toujours mécontent parce que, repoussé avec dédain, il ne sait jamais bien, ni ce qu'on attend de lui, ni ce qu'il a droit d'attendre des autres.
On devine aisément que l'influence des frères-jurés capitulants a dil souffrir quelques atteintes depuis 1546, où le règlement qui les maintient dans leurs droits a été enregistré au Parlement de Paris. Un grand-aumônier de France, dispensateur suprême des grâces, 6 gouverneurs pris dans les classes auxquelles seules il était réservé, jadis, de parvenir aux places, ont dû naturellement éloigner les frères capitulants des délibérations les plus importantes de l'administration; et c'est au mystère dont elle était enveloppée, à l'autorité sévère par laquelle les représentations étaient repoussées, qu'on doit particulièrement attribuer la méfiance et les plaintes des frères aveugles, dont le sort est incomparablement meilleur depuis 1784 qu'il ne l'était auparavant.
L'établissement d'une infirmerie dans la maison est un des sujets de plainte des frères Quinze-Vingts; ceux qui sont mariés préfèrent d'être traités dans leur domicile, et l'on ne peut s'en étonner.
On avait établi pour eux un pot-au-feu, mais on a reconnu que plusieurs frères feignaient d'être malades pour obtenir ce supplément de secours ; que les remèdes étaient gaspillés et que les maladies étaient plus longues et plus difficiles à*traiter, par l'absence du régime et l'abus fréquent d'aliments nuisibles. Si, par une surveillance exacte, il était possible d'éviter ces inconvénients, il n'en fallait pas moins une infirmerie pour les célibataires et pour ceux qui n'avaient que des enfants en bas âge. Ainsi rétablissement d'une infirmerie nous a paru bon et nécessaire; mais peut-être la base qui fixait la retenue exercée sur le traitement de chaque malade, manque-t-elle de justesse. On retenait aux frères et aux sœurs sans enfants 3 s. 4 d. par jour, ou les deux tiers de leur prêt, pour acquitter leur traitement à l'infirmerie, et aux frères ayant des enlams à leur charge, le tiers de leur traitement ; il nous aurait paru plus équitable de retenir par tête la part qui revenait à chacun ; en sorte que celui qui avait 5 enfants, n'aurait dû payer que le cinquième, et ainsi de suite, puisque la consommation journalière de ceux qui sont en santé, est réglée sur cette proportion, et que l'absence d'un individu de la famille ne diminue pas la dépense d'un tiers, ni de deux, mais de celle qu'il consomme*
Nous ne prolongerons pas, au reste, l'énumé-ration d'une infinité de petits .règlements de dé-
tail, dont la plupart à corriger ne présentent rien de piquant, ni a la curiosité ni à la censure : nous dirons seulement que le grand-aumônier, supérieur né de cette maison, comme jadis il était le surveillant de toutes les aumônes, de tous les hôpitaux, dirige le spirituel,indépendamment de l'autorité de l'évêque de Paris, mais seulement en qualité de vicaire apostolique, de grand vicaire du pape. Cet ordre de choses ne laisse pas que d'avoir sa singularité et encore son ridicule.
Les revenus des Quinze-Vingts consistaient jadis presque uniquement daps. lé. produit des quêtes faites dans toutes les églises du royaume au profit de cette maison : ces quêtes s'affermaient; celles des églises de Paris se. donnaient par adjudication aux aveugles de l'hôpital ; celui qui en donnait le plus, avait le privilège exclusif (l'aller mendier dans l'église qu'il avait affermée. Cet usage n'est aboli que depuis environ 15 ans. La vente du terrain de la rue Saint-Honoré a porté une prodigieuse augmentation dans les revenus de cette maison, et a donné le moyen d'améliorer le sort des frères, de leur interdire la quête, et de donner des pensions à 483 externes. Les revenus de la maison des Quinze-Vingts, originairement établis sur les quêtes faites dans toute l'étendue du royaume, suffiraient pour prouver que cet hôpital appartient à la nation entière et ne doit pas être compris par ceux que le département de Paris pourrait compter appartenir à la capitale. Le règlement de 1522. porte d'ailleurs expressément que les frères doivent sans distinction être natifs du royaume ; sinon que le roi, pour quelque cause juste et raisonnable, voulsit ung étranger y être mis, et qu'il lui baillât lettre de naturalité. La proportion naturelle de ceux tant demeurant dans la maison qu'assistés au dehors ou dans le département, donne 570 étrangers à Paris pour 172 du département.
Les revenus des Quinze-Vingts consistent en loyers de maisons, en rentes et en fermages. On ne parlera point ici du loyer des chaises, ni du droit d'étal de boucherie, parce que dans la suppression ces loyers ne peuvent subsister. Loyers des différents ateliers de
l'enclos......................... 16,523 liv.
Fermages à la campagne....... 9,285
Rentes sur différents particuliers. 2,540 Sur le Trésor royal, pour l'intérêt de 5 millions, partie de la vente
de l'ancien enclos.......;....... 250,000
Sur le domaine................ 28,380
Sur diverses communautés..... 660
Total des revenus..... 307,388 liv.
Il est rendu par les acquéreurs de l'ancien enclos, par acte du 28 juillet 1785, une somme de 434,745 livres et une autre de 91,750 livres, par ces mêmes acquéreurs, mais qui y opposent des demandes en indemnité de non-jouissances.
Les charges de la maison consistent en rentes dues au roi et à d'autres particuliers, ci......................... 3,474 liv.
En vingtième sur les maisons de
Paris, environ................... 460
En rentes viagères et pensions de retraite......................... 13,394
17,328 liv.
Il reste donc en revenus libres.. 293,994 liv.
Cette somme, distribuéeen pensions suffisantes, données aux frères et sœurs dans les domiciles qu'ils choisiraient, fournirait le moyen d'assister 200 aveugles de plus ; et ces nouveaux moyens de secours seraient encore augmentés par la valeur du terrain actuel de l'hôpital, qui serait avantageusement vendu dans le quartier de Paris où l'on a besoin de grands espaces pour des ateliers. Peut-éfre pour compléter cette idée, dont nous n'articulons pas ici le projet, chaque département pourrait-il avoir la disposition d'un certain nombre de pensions qu'il distribuerait à son gré, en se conformant aux vœux de l'institution.
Quel que soit le parti qui sera pris ultérieurement, nous croyons important de donner promp-tement à cette maison un administrateur et des règlements qui, ne fussent-ils que provisoires, seraient plus analogues à l'état actuel des choses, que le régime gothique sous lequel elle vit.
La surveillance doit sans doute en être confiée au département de Paris.
Hôpital,des Petites-Maisons et de la Trinité.
L'hôpital des Petites-Maisons est l'hôpital du grand bureau des pauvres de Paris.
Le grand bureau, une des plus anciennes fondations de la capitale pour le soulagement des pauvres, a pour objet d'assister un certain nombre de vieilles gens et de petits enfants de toutes les paroisses de Paris, connus, domiciliés, et hors d'état de gagner leur vie. Des commissaires des pauvres, nommés par les curés, marguilliers et notables citoyens des paroisses, sont chargés de recevoir, chacun dans leur département, la taxe des pauvres due par tous les habitants de la ville et faubourgs de Paris. Cette taxe, très modique, puisque celle des personnes qui payent le plus n'est portée qu'à 10 I. 10 s., s'élève en tout à 52,000 livres ; elle est employée particulièrement à donner 12 sous par semaine aux pauvres vieux et aux enfants inscrits sur le grand rôle. Les pauvres âgés de 60 ans, munis des certificats suffisants de leur paroisse, peuvent seuls y être inscrits. 1172 pauvres âgés, 492 enfants, sont assistés aussi par le grand bureau des pauvres, et dépensent à cet établissement environ 46,000 livres. Le revenu de la taxe des pauvres, qui est de 52,000 livres, est augmenté de 6 ou 7,0001. par des donations particulières. L'économie faite sur cette recette tourne au profit de l'hôpital des Petites-Maisons, où sont admis les pauvres âgés des deux sexes, et recevant déjà l'aumône du grand bureau; la condition dernière est qu'ils aient 70 ans révolus et qu'ils soient garçons ou filles, ou dans l'état de veuvage.
Les enfants à l'aumône du grand bureau sont aussi, chacun par ordre d'âge, admis à l'hôpital de la Trinité.
Celui des Petites-Maisons est plutôt un hospice qu'un hôpital: il est l'asile de 538 pauvres. La maison leur fournit du bois, du sel, une chambre pour deux, et un écu par semaine ; s'ils sont malades, ils sont reçus à une infirmerie, où ils sont traités avec beaucoup de soins: pendant ce temps, ils ne reçoivent pas i'écu qui leur est alloué en état de santé.
L'âge très avancé auquel sont reçus les pauvres dans cet hospice, y rend la proportion des malades plus forte qu'ailleurs; aussi y a-t-il 187 lits, sur 538 pauvres.
L'esprit de charité qui dirige cette maison se prête à laisser les pauvres à l'infirmerie aussi
longtemps qu'ils le veulent, quoique guéris des maladies qui les y ont amenés : la dépense en est un peu plus forte, mais le convalescent en reçoit plusde soins, et l'administration des Petites-Maisons a le bon esprit de nenser que le bien-être des pauvres est pour elle d'un calcul préférable à quelques petites économies de plus.
On ne peut donner trop d'éloges à l'ordre, à la propreté aveè lesquels est tenue cette maison. Tous les pauvres que nous avons interrogés se sont montrés contents des soins qu'on avait d'eux, et du traitement qu'ils éprouvaient.
La mortalité n'est, année commune, que de 80; et si l'on considère que tout ce qui arrive dans cette maison a au moins 70 ans, et qu'un grand nombre en a beaucoup davantage, on trouvera cette mortalité peu considérable, en la comparant surtout à celle des autres hôpitaux. 40 sœurs de la Charité sont chargées de l'infirmerie et du service de la cuisine; elles le sont aussi du soin de 40 à 50 personnes insensées des deux sexes, admises dans cet hôpital en payant une pension de 100 écus, et enfermées* dans des loges un peu meilleures que celles de Bicêtre, mais à peu près de la même espèce. Ces fous, toujours réputés incurables dès qu'ils sont admis dans cette ,maison, n'y sont point traités. L'usage, dégradant pour l'humanité, de montrer des fous à qui veut les voir, comme on montre des animaux sauvages, a jusqu'ici été celui de cette maison. Une délibération très récente de l'administration vient cependant de l'interdire. Cette défense devrait bien être générale dans tous les établissements où l'on reçoit des malades de cette espèce; car, indépendamment du respect dù à l'humanité, en quelque état qu'elle soit, et par lequel il devrait être interdit de faire servir sa dégradation au plaisir et à la curiosité des oisifs; que d'hommes, dont la folie était tranquille et douce, sont devenus furieux et malheureux, par les agaceries répétées de toute cette succession de curieux 1
Une cour séparée de la maison reçoit des vénériens, qui payent 168 livres pour leur traitement. Ce corps de logis peut en contenir 18; le chirurgien seul en a connaissance,et rend compte à l'administration du prix que ces hommes donnent pour leur guérison, et sur lequel le dixième lui est alloué : c'est une des recettes casuellesde cette maison, peu considérable, puisqu'elle doit fournir les aliments et les drogues.
Une autre recette casuelle de cette maison est la somme donnée par ceux des pauvres qui, inscrits déjà sur le rôle du grand bureau, et par conséquent âgés de plus de 60 ans, achètent la préférence de ne pas attendre leur tour pour être admis dans la maison; cette somme est de 1,500 livres pour être admis dans le préau, c'est-à-dire au traitement commun, et de 2,400 livres pour l'être à l'infirmerie. La maison fait sûrement quelque profil sur ces mises, puisqu'elles supposent au moins 10 ans de vie à ceux pour qui elles sont faites, et que beaucoup n'atteignent pas ce terme.
il nous a semblé que cet abus était le seul que l'on pût remarquer dans cet hospice, vraiment fait pour servir de modèle dans les grandes villes, tant pour son intention que pour sa tenue; mais cette somme, donnée pour obtenir une préférence, est vraiment un abus que lebon emploi qui en est fait ne peut même justifier; car enfin, c'est la place d'un pauvre plus âgé, prise ^ar un autre que ses ressources ou ses protections auraient pu faire vivre sans elle. Vainement di-
rait-on que le nombre de pauvres admis dans cette maison est plus fort que celui prescrit par la fondation, et qu ainsi les pensionnaires ne prennent réellement la place de personne : nous répondrons que toutes les économies faites du bien des pauvres doivent tourner au profit des pauvres, et que puisque la sagesse de l'administrateur de l'hôtel des Petites-Maisons, l'usage grandement utile qu'il a fait du résultat de ses économies ne peuvent empêcher la réflexion, elle est une vérité que l'on ne peut méconnaître.
11 y a aussi dans cette maison un bâtiment où les enfants à l'aumône du grand bureau sont traités de la teigne, moyennant une somme de 30 livres ; 20 à 25 malades y sont communément réunis.
L'administration de cette maison était conduite ar M. le procureur général du Parlement de aris, et par 8 administrateurs choisis par lui dans le nombre des anciens commissaires des pauvres de toutes les paroisses. Ce sont eux qui font le rôle des pauvres admissibles dans la maison; il se renouvelle tous les 4 ou 5 ans, lorsque celui fait précédemment est près de s'épuiser. Il est communément, au moment où il est arrêté, de 6 à 700 personnes. Quant à celui des pauvres âgés de 60 ans, et des enfants secourus extérieurement, il est toujours existant à 1,172 pour les premiers et 492 pour les seconds, les morts ou les admis dans les hôpitaux étant sur-le-champ remplacés.
Un économe conduit tous les détails intérieurs de cette maison. Trois sœurs de la Charité l'aident pour tous les soins de vigilance; 5 ecclésiastiques et 3 ou 4 domestiques y sont attachés.
Les revenus de cette maison sont d'environ 290,000 livres tant en revenus fixes qu'en casuels, dans lesquels on fait entrer, par approximation, la recette de 10 ou 11 de ces mises, de 1,500 livres et 2,400 livres.
L'économie annuelle se monte à près de 50,000 livres employées jusqu'ici en constructions utiles à la maison. Deux ou trois grandes salles d'infirmerie et un immense bâtiment pour loger près de la moitié des pauvres ont été construits depuis 10 ans. Ces bâtiments, nécessaires par le mauvais état de ceux qu'ils ont remplacés, et par l'augmentation des pauvres à secourir, réunissent toutes les conditions désirables pour un hôpital : étendue, élévation des salles, commodité des chambres, renouvellement continuel d'air, et aucun ornement superflu à l'extérieur. Le projet des administrateurs est de reconstruire successivement ce qui reste de vieux bâtiment?, qui tous sont dans une grande dégradation, et d'une grande incommodité.
Nous ne pouvons finir le rapport que nous vous soumettons, des renseignements que nous avons pris à l'hôpital des Petites-Maisons, sans vous répéter qu'ils nous ont entièrement satisfaits; qu'il nous a paru que cette manière de secourir les vieillards était la plus convenable et la plus utile dans une grande ville, où les ressources de leur famille ajoutaient encore à celles qu'ils trouvaient dans la maison, et où ils jouissent de l'inestimable avantage d'une libre dépense des sommes que la bienfaisance publique leur destine. Il est fort à désirer qu'elle soit imitée dans les villes un peu considérables; elle économiserait les dépenses, et soulagerait plus de malheureux ; 670 personnes, économes, sœurs, chirurgiens, employés, pauvres, insensés, vénériens, vivant sur les revenus de cette maison, c'est-à-dire sur 240,000 livres, parce que 50,000 livres sont an-
nuellement économisées, donnent pour la dépense de chacun, 348 livres.
Nous voudrions pouvoir vous rendre un compte aussi complètement avantageux de l'hôpital de la Trinité, dépendant; ainsi que nous l'avons déjà dit, du grand bureau des pauvres, et sous la direction des mêmes administrateurs que l'hôpital des Petites-Maisons.
Sur le rôle des pauvres enfants orphelins de Paris, ou de ceux assistés par le grand bureau dans les diverses paroisses de la capitale, 100 petits garçons et 36 petites filles sont admis à l'hôpital de la Trinité. L'ancienneté de leur inscription sur le rôle fait leur titre d'admission ; l'âge de 9 ans est cependant l'époque la plus reculée pour leur entrée; au delà de cet âge ils ne peuvent plus y prétendre. Une fois admis, ils sont conservés jusqu'à celui où ils peuvent entrer en apprentissage, et de là abandonnés à leurs propres ressources pour gagner leur vie; mais ils apportent à leur apprentissage la même habitude d'oisiveté et d'inertie que tous les enfants de Paris et de tous les hôpitaux du royaume. Il est vraiment pénible de penser combien peu, en secourant ces malheureux enfants, en pourvoyant à leur nourriture, on s'occupe du reste de leur vie; combien on paraît penser qu'elle finit là où elle va commencer, au moment où, jetés dans la société, ils devraient être prémunis contre les écuejls de la pauvreté et du libertinage, par une habitude de travail, qui vaut elle seule des principes pour ceux dont l'industrie doit assurer l'existence, et que l'enseignement des principes mêmes ne peut remplacer. La lecture, l'écriture, le calcul et la religion, voilà aussi, comme à la Pitié, à quoi se borne leur instruction pendant 10 ans. Parmi 5 ecclésiastiques attachés à cette maison, un seul est chargé de leur apprendre à lire, à écrire et à compter; un second, du catéchisme, les trois autres mènent ces entants aux convois, Voilà la destination, l'occupation et le travail de ces enfants, qui, concurremment avec les enfants de la Pitié et ceux des Enfants-Trouvés, ont chacun leur division de paroisses, qu'ils desservent dans ce triste rapport, je ne s$is si, jadis, la piété a pu entrer pour quelque chose dans une telle destination; ce n'est pas au moins la piété éclairée, ce n'est pas celle qui, s'occupant de leur sort futur, pense à remplir leur enfance des moyens de conduite et de bonheur pour la suite de leur vie.
Un petit calcul d'économie préfère employer ces enfants à cette dégoûtante et vagabonde fonction, qui rapporte 8,000 livres par an à la maison, plutôt que de les former à un travail dont le gain serait moins assuré; ou plutôt la routine, l'éternelle routine, principe le plus en honneur dans la plupart de ces maisons, fait aujourd'hui comme hier, par cette seule, et toujours excellente raison de l'usage sans réflexions et sans soins. Comme le nombre des enfants de la Trinité est moins nombreux que dans les autres maisons, ils sont un peu plus surveillés dans leur apprentissage, et la proportion de ceux qui tournent mal, toujours très considérable, est moins forte qu'ailleurs. Cette routine, règle première de tous les hôpitaux, fait encore que ces enfants sont vêtus en jaquette jusqu'à seize ans, au lieu d'être en habits; ils étaient ainsi vêtus du temps de Henri II, fondateur de la maison : pourraient-ils l'être autrement aujourd'hui? Cependant ces robes, d'une étoffe très lourde et très épaisse, conservent l'humidité plus longtemps qu'un autre vêtement, y joignent à l'incommodité de leur
coupe l'inconvénient de l'insalubrité pour ces enfants, qui les portent quelquefois mouillées plusieurs jours. La nourriture est bonne, et la proportion des malades est très petite ; mais les soins qu'alors ils reçoivent sont incomplets : aucun bouillon particulier pour eux, point de vin pour leur convalescence; enfin aucun de ces soins bienfaisants, qu'il semble qu'on devrait trouver si communément dans ces maisons de charité, et qui s'y aperçoivent si rarement. Le traitement des petites tilles est le même que celui des garçons: elles doivent être 36, mais il n'y en a aujourd'hui que 25; il paraît que le non complet tient à la négligence de l'économie et à la volonté d'une supérieure, qu'on assure se refuser à l'exécution de plusieurs articles du règlement, et apporter dans 1 exercice de ses charitables fonctions, la vanité et le despotisme que l'on ne rencontre que trop souvent dans l'administration des hôpitaux. On ignore pourquoi l'administration exige que ces petits enfants apportent en entrant 40 livres, qui ne leur sont jamais rendues, et les petites filles 50 livres; pourquoi des petits garçons doivent encore être munis d'une bonne paire de souliers, sans quoi ils ne seraient pas reçus dans la maison, quoique admis. Ce n'est plus là la la charité douce, éclairée et bienfaisante, qu'on reconnaît avec tant de plaisir à l'hôpital des Petites-Maisons, et cependant c'est la même administration. La mortalité est très rare dans les enfants des deux sexes, mais le défaut d'air, dans la partie du bâtiment destiné aux petites filles, rend pour elles le scorbut très commun. La cour des petits garçons, plus grande, et leurs courses fréquentes dans Paris, les en préservent.
Le revenu de cette maison est d'environ 70,000 livres, la dépense est d'environ 60,000 livres; ainsi chaque enfant coûte annuellement à peu près 440 livres. Un greffier régit avec beaucoup d'ordre et d'intelligence toute cette maison, sous la surveillance des administrateurs. Il semble qu'au milieu de Paris un si petit établissement pourrait facilement présenter à tous les établissements d'enfants du royaume, un modèle de soins, de travail, d'instruction, comme l'hôpital des Petites-Maisons en présente un de bienfaisance. Quoique soumis à un régime beaucoup meilleur que celui de l'hôpital de la Pitié, il ne peut pas plus que lui servir de modèle; le système de ce genre d'établissement est tout à fait à changer : et l'on ne peut trop tôt s'en occuper, car si l'humanité prescrit impérieusement de secourir complètement la vieillesse, d'adoucir, de tranquilliser les derniers jours d'une vie passée dans la misère, combien cette même humanité, et combien avec elle la morale et la raison n'ordonnent-elles pas plus impérieusement encore de préparer au bonheur les longs jours que l'enfance doit parcourir par les seuls moyens qui l'assurent : l'industrie et l'amour du travail.
Rapport du comité de mendicité sur L'établissement de la Charité maternelle de Paris.
L'Assemblée nationale, ayant, par son décret du
mois de juin, ordonné à son comité de mendicité de prendre une connaissance particulière de l'association bienfaisante établie depuis quelques années dans la capitale, sous le nom de Charité maternelle, et de lui en rendre compte, le comité croit ne pouvoir mieux se conformer aux intentions de l'Assemblée, qu'en publiant le mémoire qui lui a été remis par les dames administratrices de cette association. Ce mémoire, extrêmement exact et vérifié dans toutes les parties par le comité, lui a paru ne rien laisser à désirer. Il est un témoignage certain de l'humanité, de la charité, de la tendre et respectable sollicitude, de la sévérité des principes de cette réunion de citoyennes qui, apportant dans les ménages de malheureux, secours et consolation, ont, comme déjà il a été dit, diminué d'une manière sensible le nombre des enfants légitimes exposés aux Enfants-Trouvés. Mémoire sur la Charité maternelle donné par les dames administratrices de cette Société.
« La Charité maternelle est une association « libre et indépendante. Le titre d'établissement « ne lui appartient point, puisqu'elle n'a aucune « des facultés qu'il suppose, qui font ordinaire-« ment celles de posséder et d*acquérir.
« Plusieurs personnes se sont réunies pour « former une société de bienfaits et de soins, et « appliquer les uns et les autres à une classe de « pauvres pour laquelle il n'existe à Paris ni « hôpitaux, ni fondations. Gette classe est celle « des enfants légitimes des pauvres. La société « s'est proposée de les préserver de l'abandon de « leurs parents et de tous les maux qu'entraîne « la privation des secours, dans les premiers « instants de la naissance.
« La pauvreté du peuple de Paris appelait à ce « bienfait un si grand nombre d'individus, qu'il « était nécessaire, pour l'exécution d'un plan si « vaste, que cette société devînt très nombreuse. « Ce fut pour y parvenir que le projet en fut « annoncé dans les papiers publics.
« Avant de distribuer les bienfaits provenus de « cette réunion d'aumônes, il fallait en fixer la « nature et la quantité, et indiquer les familles « qui devaient y participer. Cette société fit des « règlements provisoires et les rendit publics, « afin de recevoir tous les conseils et toutes les « observations qui pouvaient les perfectionner. « Elle crut aussi qu'il était nécessaire, pour mé-« riter la confiance, de rendre publics tous les « comptes ét les résultats de son administration. « Bientôt la composition de la.société, ses prin-« cipes, l'importance de ses motifs lui attirèrent « les bienfaits de la Teine, un grand nombre « d'associés et les secours du gouvernement qui « crut devoir la protéger et l'étendre.
« Ces règlements, arrêtés définitivement, au « mois de février 1789, sont la base de son insti-« tution. Ils embrassent trois objets :
« Le premier, la société en général;
« Le second, son administration;
« Le troisième, les pauvres appélés aux dons « de la charité maternelle.
« La société est composée de tous les souscripteurs et bienfaiteurs qui, par des cohtri-« butions annuelles et momentanées, lui apporte tent des aumônes. Toutle monde indistinctement « est appelé à cette société, et les noms de toutes « les personnes qui se font connaître, composent «la liste. Une société nombreuse, composée de
« personnes de tout âge, de tout sexe et de tous « états, n'était pas susceptible d'assemblées et de « délibérations communes. Aussi les règlements « n'ont-ils établi entre tous les membres de la « société, d'autres relations que celles de la cor-« respondànce.
« Les détails de l'administration sont confiés à « des dames; elles portent le titre de bienfai-« trices. Leur contribution est volontaire et se-« crête. Elles la déposent dans un tronc, placé à « cet effet dans le lieu de leurs assemblées. Les « dames qui veulent être admises dans l'admi-« nistration y sont présentées par une dame « déjà reçue : elles subissent l'épreuve du scrutin. « Elles ont une présidente, des vice-présidentes, « un secrétaire et un trésorier. Elles se par-« tagent entre elles tous les quartiers de Paris, « sous la dénomination de départements, de sorte « que chacune d'elles a le lieu déterminé de son « travail et de son inspection.
« Les présidente, secrétaire, trésorier et une « dame de chaque département s'assemblent en « comité une fois par semaine. Tous les mois il « y a une assemblée de toute l'administration.
« Le lieu des comités et des assemblées est le « bureau des administrateurs des Enfants-Trou-« vés qu'on a bien voulu leur prêter pour cet « usage.
« Les fonctions de toutes ces dames sont de « visiter elles-mêmes les mères qui sollicitent, « pour les enfants dont elles sont enceintes, les « dons de la Charité maternelle; de faire les plus « scrupuleuses informations sur leur pauvreté et « sur leurs mœurs; ensuite de les proposer dans « un comité et, lorsqu'elles ont été admises aux « secours, de surveiller pendant 2 ans les en-« fants pour qui elles ont obtenu l'adoption.
« Les principaux règlements d'administration « sont:
« D'assurer à tous les enfants adoptés 2 an-« nées de secours ;
« 2° De n'en jamais adopter sans avoir en « caisse la somme entière qui doit leur être dis-« tribuée pendant 2 ans;
h 3° De fixer à tous ces enfants un sort égal « et uniforme qui ne permette rien d'arbitraire « dans la distribution et aucune différence dans « la dépense;
« 4° Ce sort est de 192 livres pour chacun « d'eux -.dont 18 livres données à la mère pen-ï dant ses couches, une layette fixée au prix de « 20 livres, pour l'enfant, 8 livres par mois de-« puis sa naissance jusqu'à 1 an accompli, « 4 livres par mois depuis 1 an jusqu'à 2, et « une première robe du pt-ix de 10 livres.
« Si une mère accouche de 2 enfants, elle « reçoit le double ;
« 5° Si l'enfant vient à mourir avant ses 2 ans, « ou si la mère ne remplit pas les conditions « qui lui ont été imposées, les secours cessent « et ce qui n'a pas été consommé des 192 livres « qui lui étaient destinées, rentre dans la masse « des fonds.
« L'administration n'adopte des enfants que « lorsque le trésorier annonce avoir 12,000 livres « de libres. Alors ils sont divisés en 60 parts « de 192 livres qui font 11,520 livres; on ajoute « 480 livres pour les parts des jumeaux qui « pourraient naître.
« Ces 60 places à donner se partagent entre « tous les départements, dans la proportion « qui a été jugée la plus convenable à leur « étendue et au nombre de leurs pauvres. Il a « été établi, pour cette répartition, des règles po-
« sitives ; de sorte que les dames d'un départe-« ment ne peuvent jamais présenter plus de « mères qu'il ne leur a été accordé de part de « 192 livres.
.« Deux fois par an, on fait le relevé des nais-« sances et des morts de tous les enfants. On « compte, comme somme engagée, tout ce qui « doit être payé aux enfants vivants pendant « leurs 2 ans entiers; comme sommes libres, « tout ce qui est rentré par la perte de ceux qui « sont morts. Ces rentrées font partie du pre-« mier, partage.
« Par ces règlements tous les enfants de la « Charité maternelle ne sont appelés qu'à 2 an-« nées de secours, pendant lesquelles ils ne « reçoivent que 192 livres chacun. L'économie « que la société s'est prescrite ne lui avait pas « permis d'étendre ses soins sur ces enfants « jusqu'à 3 ans, qui lui paraissaient cepen-« dant un terme nécessaire. Mais ce qu'elle n'a « pu se permettre sur ses propres revenus, les « bienfaits de la reine et ceux de la Société phi-« lanthropique l'ont fait; et à l'avenir tous les « enfants nés sixièmes et dont les aînés sont en « bas âge, tous les orphelins, tous les enfants « jumeaux nourris par leur mère, recevront une « année de pension de plus.
« Les formes de l'adoption de3 enfants et celles « des comptes qui y sont relatifs, sont :
« 1° Le rapport fait par une dame de l'admi-« nistration dans un comité ;
« 2° L'examen des pièces qui y sont jointes ;
« 3° Le consentement du comité;
« 4° Le dépôt du rapport et des pièces au se-« crétariat sous un numéro;
« 5° L'enregistrement du rapport et de la déli-« bération sur le registre des procès-verbaux des « comités et des assemblées ;
« 6° Il est délivré à la dame qui a fait le rapport « une feuille, numérotée sur laquelle l'extrait du « rapport et celui de la délibération sont écrits. « Elle signe le premier, le secrétaire le second. « Lorsque l'enfant naît, elle marque sur cette « feuille la date de la naissance et ses noms et « envoie l'extrait de baptême au secrétariat. « Tant que l'enfant est sous son inspection elle « garde cette feuille et lorsque son temps est fini, « ou lorsqu'il meurt, elle renvoie cette feuille au « secrétariat. Ces feuilles servent à la confronta-' tion des comptes du trésorier, parce que cha-« cune d'elles contient tout ce que l'enfant a « coûté.
« Indépendamment des registres généraux « de recette et dépense, le trésorier tient un « compte ouvert pour chaque enfant. Une des « dames de chaque département en tient un pour « tous les enfants du département et chaque « dame en particulier pour ceux qu'elle soigne. « Tous ces registres se confrontent pour la con-« fection des comptes.
« La partie des règlements concernant les pau-« vres devait appeler aux dons de la Cbarité ma-» ternelle tous les enfants nés dans le sein d'une « véritable pauvreté ; mais l'impossibilité de ré-(i pandre des secours sur une si prodigieuse « quantité d'individus a contraint la société à « restreindre leur nombre et à ne choisir jus-« qu'à présent que ceux qui naissent orphelins, « ceux qui naissent de parents infirmes qui « ne peuvent gagner leur • vie, et enfin ceux « qui appartiennent à des familles nombreuses « qui ne peuvent soutenir leur surcharge. Pour « cela, elle a exigé que les mères enceintes « qui lui sont présentées pour obtenir les
« secours, eussent déjà un enfant eu bas âge, « si elles sont devenues veuves dans leur gros-« sesse ; elle a demandé la même condition aux. « femmes dont les maris sont estropiés ; elle a « exigé trois enfants en bas âge de celles dont « les maris sont en état de travailler. Avec deux « enfants, elle a appelé à ses secours les femmes « abandonnées de leurs maris quand les plus « scrupuleuses informations prouvent que cet « abandon n'est pas le fruit de leur mauvaise « conduite. Elle avait aussi appelé pour le troi-« sième enfant les mères dont les maris étaient « hors de condition et sans ouvrage; mais elle « n'a pas encore étéassez riche pour ouvrir cette « classe. A peine peut-elle appeler les quatrièmes c enfants, tant il s'en préseute de cinquièmes, « sixièmes, septièmes.
« Les conditions exigées de ces mères sont :
« 1° D'être domiciliées à Paris au moins depuis « un an;
« 2° De présenter leur extrait de mariage en bonne forme;
« 3° D'obtenir de bons certificats de leurs paroisses, de leurs voisins et de leur principal locataire ;
« 4° De prendre l'engagement de nourrir elles-mêmes leurs enfants, ou de les élever au lait auprès d'elles, si elles ne peuvent les allaiter. « Cette condition est la première base des principes de la Charité maternelle.Elle veut, en protégeant l'enfance, resserrer les liens des familles, attacher les mères à leurs devoirs, les forcer de rester dans leur intérieur et par là les préserver de tous les désordres et de la mendicité qui est une cause absolue d'exclusion par la Charité maternelle. Pour maintenir ce principe les mères qui ont été rencontrées mendiant, celles qui, sous la participation de la Société, se défont de leurs enfants en les mettant en nourrice, perdent les secours qui leur étaient promis. Résultat du travail de la société de la Charité maternelle depuis son établissement.
enfants ADMIS. recettes. ,
Depuis le mois de mai 1788, époque de son établissement, jusqu'au 1er janvier 1789, reçu 26,267 1 4 s................................................................... liv. s. 26,767 4
Admis, pendant cet espace, 156 mères, dont il est né 162 enfants, à cause de 6 couches 162 595 234 991 •
Depuis le 1" janvier 1789 jusqu'au l«r janvier 1790, reçu 77,361 livres, ci............... Admis, dans cet intervalle, 588 mères, dont, à cause de 7 couches donbles, il est né 595 enfants, ci i. : i............ ... ;. ". M............. i............................ 77,361 »
Admis, depuis cette époque, 230 mères, dont, au moyen de 4 couches doubles, il est nd 234 enfants, ci...................................................................... 43,409 16
tOTAL..............î...................................... 147,538 y>
« Il résulte du compte arrêté le 2 juillet qu'il y « a en caisse une somme libre de 4,483 fivres. « Ainsi tout l'excédent de la recette a été dépensé « ou engagé à ces 991 enfants. Sur cette somme, « environ 5,500 livres auront été employées en « frais d'administration depuis le premier mai « 1788 jusqu'à la fin de décembre 1790, ce qui fait k près de trois années.
« Dans le compte arrêté le 2 juillet on n'a pas « joint à la somme libre les retours provenus de « la mort des enfants qui n'avaient pas atteint « leurs 2 ans. Ces retours n'ont point été comp-« tés depuis le 1er janvier. 11 est probable que « lorsqu'ils seront joints à - la somme libre et « à quelques recettes espérées avant la fin de « l'année, la société pourra admettre à ses secours « 60 mères de plus.
« Après être entré dans tous les détails relatifs « à la société de la Charité maternelle, à sa com- position, à ses règlements et aux résultats de « son travail, il faut faire connaître quels ont « été les motifs de cette association et quelle « est l'étendue du plan qu'elle a conçu.
« Le premier motif de l'association de la Cha-« ritématernelle a été d'empêcher l'exposition des « enfants légitimes anx Enfants-Trouvés.Cette vio-
« lation des droits sacrés de la paternité, commise « journellement par les pauvres de Paris, a paru « un désordre qu'il importait de combattre par « respect pour les mœurs. Un autre motif, non « moins puissant que le premier, c'est la certitude « que cet hôpital, qui n'était point fondé pour les « enfants légitimes, avait peine à en supporter « la surcharge et qu'il en résultait les plus grands « maux pour tous les enfants en général. Car « celui du pauvre, indépendamment de la perte « de son état, venait y puiser et y communiquer « une contagion causée par l'entassement seul « d'une multitude d'enfants réunis et suivie de « la mortalité la plu3 effrayante. Si l'amour de3 « mœurs exigeait qu'on rappelât le peuple aux « sentiments de la paternité, l'humanité exigeait « qu'on rendît à la vie cette multitude de victimes immolées tous les ans par la misère.
i Nulle loi, nulle, contrainte ne pouvait arrêter « ces désordres : elles auraient peut être com-« promis les jours qu'on voulait conserver. La « charité seule devait, par des moyens doux et «consolateurs, tenter cette grande entreprise : « c'était en procurant aux mères pauvres des se-« cours pour allaiter elles-mêmes leurs enfants « en les leur présentant à cette condition et en « joignant l'exemple aux exhortations et aux
« bienfaits : et des femmes sensibles et ver-« tueuses devaient concevoir ce dessein et l'exé-« cuter.
« L'administration de la Charité maternelle, en « cherchant ces mères qui devaient, si elles n'eus-« sent été secourues, abandonner leurs enfants, « a rencontré une multitude de familles nom-« breuses où ce vice de l'abandon des enfants « n'avait pas encore pénétré, où des mères cou-« rageuses avaient déjà supporté toutes les « horreurs de la misère, sans qu'elles eussent été m ébranlées dans leurs devoirs; mais souvent leurs « enfants avaient été victimes de leur détresse, elles-mêmes en conservaient de cruelles inîir— « mités. Il fallait venir au secours de ces mères « infortunées et vertueuses; les préserver des « remords où pouvait les plonger un instant de « désespoir, et, en récompensant la vertu, les faire « servir d'exemples aux autres mères. Dans d'au-k très familles, les mères n'avaient jamais nourri; « leurs enfants avaient été mis en nourrice; mais c le père et la mère avait tour à tour subi la pri-c son pour l'acquittement des mois et ces mères, « en recevant les dons de la Charité maternelle « pour allaiter l'enfant dont elles étaient enceintes, « ont acquis l'assurance de leur liberté pour « l'avenir.
« La Charité maternelle n'a donc pas dû bor-« ner ses soins aux seuls enfants destinés à être « exposés aux Enfants-Trouvés : elle a reconnu « que l'abus de leur exposition dans cet hôpital « n'était pas le seul subsistant à Paris et que le « défaut d'hospice et de fondation en faveur des « enfants légitimes nouveau-nés avait causé « tous ces désordres. Elle s'est proposé de tenir « lieu de l'un et de l'autre et bientôt tous les « enfants des pauvres lui ont paru être appelés à « ses bienfaits.
« Mais celte multitude est devenue une pers-« pective effrayante pour une Société sans fonds, « sans propriétés et qui n'a de ressource que les « aumônes que la confiance publique dépose « entre ses mains.
« D'après les registres de l'hôpital et de l'Hôtel-« Dieu, il paraît que 12 et 1,400 enfants légiti-« mes de Paris sont exposés tous les ans auxEn-« fants-Trouvés ; et la Charité maternelle peut a croire qu'un pareil nombre qui ne serait pas c exposé, mais que la misère met dans un danger « perpétuel de l'être peut réclamer ses secours. * Ainsi la Charité maternelle devrait tous les ans « adopter 2 à 3,000 enfants à Paris. Bientôt il c n'y aurait plus d'enfants légitimes confondus « avec les bâtards ; il n'y aurait plus de pères « et mères emprisonnés pour mois de nourrice et « la naissance d'un enfant loin de faire couler « des larmes dans ces familles honnêtes et nom-« breuses deviendrait l'assurance de la protec-« tion et des secours.
« Mais quelle sommeil faudrait pour accomplir « ce vœu 1 La Charité maternelle, d'après les con-« naissances que lui donnent les relevés de ses « dépenses, estime que chaque enfant adopté, « tant ceux qui parcourent leurs 2 ans que ceux « qui meurent avant le terme, lui fait une dé-« pense de 135 à 140 livres : 300,000 livres suf-« liraient donc à peine aux dépenses annuelles « de la Charité maternelle.
« La Société a essayé de mettre plus d'éco-« nomie dans ses dons, mais plusieurs enfants « dont les mois n'étaient que de 3 livres ontdis-« paru, leurs mères ont dit les avoir mis en nour-« rice et peut-être ont-ils été à l'hôpital. 11 faut « un milieu entre l'abondance des secours et leur
insuffisance et la Charité maternelle croit l'avoir rencontré.
« Un zèle moins ardent que celui de la Charité maternelle, un zèle qui n'aurait pas été inspiré parla religion et l'humanité, aurait été découragé par l'étendue de son plan et le peu de moyens donnés pour l'exécuter dans son entier. Mais se confiant à la Providence, cette [Société n'a pas douté que l'importance de son entreprise ne lui attirât d'abondantes charités de la
Jiart des particuliers et la protection signalée de a puissance publique.
« Pour se confirmer dans cette idée, il suffit de considérer l'influence de la Charité maternelle sur les mœurs et sur la conservation de l'espèce humaine. Ici ce ne sont point des aumônes distribuées à l'inaction et capables d'entretenir l'oisiveté. Ce sont des enfants dénués de tout secours dont la charité conserve la vie, et des mères qu'elle attache à leur devoir, à leur intérieur, à leur famille ; des pères dont elle sollicite l'industrie et l'activité pour élever ces nombreuses familles qui deviennent pour elle l'objet de l'intérêt public. Combien la Charité maternelle, depuis qu'elle parcourt ces classes malheureuses, n'a-t-elle pas réuni de ménageB dont la misère avait brisé les liens ; combien d'unions scandaleuses devenues légitimes 1 Enfin combien de mères repentantes du sacrifice qu'elles avaient fait de leurs premiers enfants, aidées et encouragées par les dames de la Cba rité maternelle, ont restitué à ces enfants rejetés leur état et leur famille ! Voilà l'influence delà Charité maternelle sur les mœurs, influence qui doit frapper un gouvernement ami du peuple.
« Son influence sur la conservation de l'espèce humaine n'est pas moins importante. « Elle empêche les femmes mariées d'aller faire leurs couches à l'Hôtel-Dieu et préserve par là de précieuses mères de famille de la contagion de cet hôpital. On sait combien sur 1,000 femmes en couches il en périt à l'Hôtel-Dieu. La Charité maternelle, en a assisté près de 1,000 depuis son établissement, et il n'en est mort que deux en couches. Elle a surveillé les premiers instants de la vie de près de 1,000 enfants et par le relevé de $es registres on vérifiera que la perte qui s'est faite dans la première année de leur vie ne s'élève qu'à un cinquième environ.
Quel désolant contraste offriraient les registres de l'hôpital des Enfants-Trouvés ! Mais ce n'est pas seulement avec eux qu'il faut comparer les résultats de la Charité maternelle. Qu'on se fasse représenter les registres des meneurs du bureau des nourrices. Indépendamment des maux que les enfants de Paris portent dans les campagnes, on trouvera certainement qu'il en périt beaucoup plus d'un cinquième dans la première année : et toutes ces comparaisons solliciteront impérieusement la nourriture des mères.
« Ainsi la Charité maternelle porte dans l'intérieur des familles l'amour de l'ordre, du travail , des devoirs et l'union des ménages : elle restitue à l'Etat des mères précieuses comme mères de famille, et un nombre prodigieux d'enfants : elle emploie pour cela le travail et la contribution du riche qu'elle rapproché perpétuellement du pauvre : elle fait pratiquer à l'un ce que l'amour de ses frères malheureux peut seul inspirer ; elle porte chez l'autre les mœurs douces et vertueuses de ses
consolateurs ; elle ne dépense presque rien de « ce qui lui est confié en frais étrangers aux « pauvres : tout leur est distribué et l'enfant qui « est l'objet particulier de ses soins répand une « sorte d'aisance sur le reste de 1a famille; elle « sollicite perpétuellement la bienfaisance pu-« blique par les résultats précis de ses comptes « et plus encore par les tableaux consolants pour « l'humanité qu'elle lui présente. Son adminis-« tration, rassemblée par la seule passion du bien, « choisie dans toutes les classes de la société, » porte partout l'intérêt dont ejle est animée et « doit attirer sans cesse de nouveaux associés et « de nouveaux bienfaits.
« Tels sont les détails de l'existence des motifs « et des espérances de l'association de la Charité « maternelle. Si les circonstances actuelles ont « sensiblement diminué les rétributions que lui « apportait la confiance, elle espère survivre à
cet instant de crise et accomplir un jour toute t l'étendue de son vœu. »
L'association de la Charité maternelle est une de celles que la nation doit désirer de voir le plus se multiplier; son intention respectable, les sentiments naturels et sacrés qu'elle réveille, lui assurent un grand nombre d'imitateurs. C'est une de celles qui, sans doute, sera plus constamment et plus universellement soutenue par la bienfaisance particulière, et qui doit ainn subsister avec plus de certitude de ses propres ressources; elle est encore, dans ce rapport, essentielle à encourager; car cette association, tournant ainsi les mœurs vers l'occupation de la consolation des malheureux, complète, perfectionne, s'il est possible de le dire, la bienfaisance publique qui, pour être juste, doit être soumise à des lois exactes et presque sévères dont elle ne doit jamais s'écarter.
Les circonstances actuelles, diminuant la fortune des uns, alarmant les autres sur la leur, éloignant de Paris un nombre considérable de personnes riches, réduisent les ressources ordinaires de la Charité maternelle quand cependant ses besoins augmentent.
Il a semblé au comité de mendicité, d'après toutes les considérations qu'il vient d'exposer, qu'il était essentiel de soutenir cette association par des secours extraordinaires jusqu'au moment où il aura lieu de croire que les circonstances actuelles devront ne plus exister.
£n conséquence il pense qu'il devrait être donné pendant trois ans, par forme de souscription, une somme de 15,000 livres à la Chanté maternelle, prise soit sur les fonds de la loterie, soit sur tout autre fonds à la disposition publique, sans que ce secours puisse être prolongé au delà de ce terme. Le comité de mendicité voit dans cette forme de secours le mode d'encouragement le plus salutaire, *en ce que ne grevant pas l'hôpital général à perpétuité ,. il assure à jamais l'existence d'une association sans lui fort hasardée, en ce qu'elle laisse l'administration entière de cette association aux mains qui l'ont formée, d'autant plus intéressées à la bien conduire, que de leur bonne gestion dépend le sort de leur établissement, puisque les secours publics cessèront à une époque rapprochée. Enfin cet encouragement, on ne peut trop le répéter, en assurant l'existence de la Charité maternelle, assure la création d'une infinité d'autres établissements du même genre, honorables aux mœurs de la nation, utiles aux malheureux et favorables aux finances de l'Etat.
Examen de l'instruction de l'Assemblée nationale sur l'organisation prétendue civile du clergé, par M. de La Luzerne, évêque de Langres.
Une instruction émanée de l'Assemblée nationale se répand dans le public; son objet est de justifier la constitution nouvelle du clergé et le serment exigé des pasteurs de l'Eglise. Mais elle attaque en même temps très vivement tous ceux qui ont refusé de se soumettre à cette constitution, et de prêter ce serment que réprouve la conscience. Je suis du pombre des évêques qui ont rejeté ce serment criminel : j'ai publié les:raisons qui m'empêchaient de le prêter; et de me soumettre à la constitution tracée par l'Assemblée jusqu'à ce que la puissance spirituelle l'eût consacrée, Inculpé, ainsi que tous mes collègues , par la nouvelle instruction , accusé comme eux d'être un calomniateur,, un réfrac-taire aux lois, 4'opposer une résistance sans objet, j'ai droit de me justifier. J'ai un autre droit en ma qualité d'évêque, pt celui-là est un devoir, c'est d'instruire les fidèles confiés à mes soins des vérités essentielles à leur saduU de leur montrer le schisme où on cherche à les entraîner, de conduire leurs pas incertains à travers les pièges que l'on tend à leur foi. Je puis donc, je dois même répondre à cette instruction par laquelle on cherche à les égarer. Après avoir surpris l'approbation de l'Assemblée nationale, on veut surprendre encore l'assentiment de la nation. Oui, je le dis hautement, la délibération de l'Assemblée qui adopte cette instruction a été surprise à sa religion. Je ne parle pas de la manœuvre perfide, qui; présentant d'abord une autre adresse si scandaleusement irréligieuse, qu'elle a révolté même les artisans de la constitution du clergé, a fait adopter plus facilement une instruction où les principes catholiques sont plus ménagés. Mais que les auteurs de cette instruction disent eux - mêmes s'ils ont souffert qu'elle fût examinée : on a repoussé toute discussion ; on a étouffé la voix éloqiiente qui voulait en démontrer les vices; dans une seule séance, sur une simple lecture, sans permettre la moindre observation, elle a été adoptée, et sa publication ordonnée. Jamais surprise ne fut plus manifeste, et c'est cette surprise que je viens dé voiler.. Plus est imposant le grand nom de l'Assemblée nationale, plus il est important de montrer au peuple que cette pièce adroitement tissue, plus adroitement extorquée, n'a pour elle que le nom de l'Assemblée nationale, et n'a pas son autorité. L'Assemblée ne peut imprimer sou autorité qu'à ce qu'elle délibère; elle ne délibère véritablement que ce qu'elle examine ; et c'est abuser des mots, que de nous donner comme l'ouvrage, de l'Assemblée uq écrit qu'elle a à peine entendu, qu'il ne lui à pas été permis de discuter et pour lequel on a enlevé les suffrages avec une insidieuse précipitation.
G'est cet examen gui eut dù être fait au sein de l'Assemblée qne je vais faire aujourd'hui. Je vais soumettre, à l'Assemblée elle-même, dès réflexions qu'on craint de lui laisser entendre. Puisse cette voix, qui y fut écoutée avec quel-qu'indulgence, y être encore entendue sans dé-
faveurl Puisse-t-elle, comme autrefois la voix d'un simple enfant, rappeler à un nouveau jugement les sages d'Israël. INSTRUCTION.
« L'Assemblée nationale a décrété une instruction sur la constitution civile du clergé : elle a voulu dissiper des calomnies. Ceux qui les répandent sont ennemis du bien public; et ils ne se livrent à la calomnie avec hardiesse, que parce que les peuples, parmi lesquels ils la sèment, sont a une grande distance du centre des délibérations de l'Assemblée.
« Ces détracteurs téméraires, beaucoup moins amis de la religion qu'intéressés à perpétuer les troubles, prétendent que l'Assemblée nationale, confondant tous les pouvoirs, les droits du sacerdoce et ceux de l'Empire, veut établir sur des bases, jadis inconnues, une religion nouvelle; et que, tyrannisant les consciences, elle veut obliger des hommes paisibles à renoncer, par un serment criminel,à des vérités antiques qu'ils révéraient, pour embrasser des nouveautés qu'ils ont en horreur.
« L'Assemblée doit aux peuples, particulièrement aux personnes séduites et trompées, l'exposition franche et loyale de ses intentions, de ses principes et des motifs de ses décrets. S'il n'est pas en son pouvoir de prévenir la calomnie, il lui sera facile au moins de réduire les calomniateurs à l'impuissance d'égarer plus longtemps les peuples en abusant de leur simplicité et ae leur bonne foi. » réponse.
Les auteurs de l'instruction commencent par accuser ceux qui se plaignent des décrets sur la constitution du clergé; ils les dénoncent à la nation entière, à qui l'instruction est adressée, comme des calomniateurs, des ennemis du bien public, des hommes intéressés à perpétuer les troubles.
Voilà donc tous les évêques de France, la majorité des ecclésiastiques députés à l'Assemblée nationale, plus des trois quarts des curés de Paris, tout ce qui se trouvera dans le royaume de curés, de vicaires et d'autres ecclésiastiques fonctionnaires qui refuseront de prêter le serment ordonné, parce qu'ils le jugeront contraire à leur conscience, les voilà déclarés à tout le peuple coupables de ces excès, et chargés de tout l'odieux qu'entraînent de si graves inculpations. Et quel temps prend-on, pour exciter ainsi contre les ecclésiastiques l'effervescence populaire? Celui où le fer est à la main d'une multitude d'assassins, où un grand nombre de curés ont été menacés d'une mort cruelle et ignominieuse, jusque dans le sanctuaire, où le respectable curé de Saint-Sulpice a vu le pistolet appuyé sur sa tête (1), où un vénérable pasteur a été assassiné dans la chaire de vérité (2), où la flamme dévore encore plusieurs châteaux du Quercy; où les cendres d'un grand nombre d'autres couvent des feux prêts à se rallumer. Quand les meurtriers et les incendiaires jouissent des fruits de leurs crimes,
quand la fatale indulgence, qu'on a eu l'art d'inspirer à l'Assemblée nationale, les provoque à de nouveaux forfaits, par l'espoir d'une semblable impunité, c'est alors qu'on appelle leurs fureurs sur les ministres de la religion. Il y a dans cette provocation au moins une bien grande imprudence. Si on ne veut pas le massacre des ecclésiastiques, pourquoi, par des imputations violentes, courir le risque de susciter contre eux des furieux armés? Si on ne veut que les effrayer par l'aspect de ces phalanges dont on les menace depuis si longtemps, est-on sûr de pouvoir toujours à son gré arrêter des tigres déchaînés à qui on a fait goûter le sang?
Dès les premières lignes de l'instruction, on entreprend de donner un motif odieux au courage avec lequel les décrets sur le clergé sont attaqués, et c'est, dit-on, parce que les peuples, parmi lesquels on sème La calomnie, sont à une grande distance du centre des délibérations de VAssemblée. S'il s'agissait de faits à vérifier, la distance du centre des délibérations pourrait être un obstacle à la vérité, un encouragement à la calomnie. Mais ici, il s'agit de juger des décrets. Que l'on soit placé à la porte de l'Assemblée, ou qu'on en soit à 100 lieues, les décrets sont toujours les mêmes ; ils ont partout la même teneur, le même sens, le même esprit, le même effet ; partout ils paraissent également, ou contraires, ou conformes à la religion catholique; et il n'est pas plus facile de les calomnier au fond des provinces qu'au milieu de la capitale.
Il s'agit de juger des décrets, et pour les justifier, on promet une exposition franche et loyale : de quoi ? Des intentions de VAssemblée, de ses principes et des motifs de ses décrets. Etrange abus des mots I on emploie insidieusement les expressions de franchise et de loyauté; on s'en sert pour couvrir le piège tendu à l'attention des lecteurs, et pour détourner plus facilement l'état de la question. On promet d'exposer les intentions de l'Assemblée ; mais s'agit-il de ses intentions ? Combien de fois, avec les intentions les plus droites, des corps nombreux ont-ils été égarés, entraînés loin de leur but par des insinuations adroites, par des déclamations véhémentes, par des citations falsifiées et tronquées (1), et qui ne sait que tous ces moyens ont été
employés pour amener la monstrueuse constitution du clergé ? Les intentions justifient-elles les fautes ? Il n'y aurait jamais de coupable, si on admettait une pareille apologie. Tout criminel rectifierait le vice de ses actions par la- droiture de ses intentions, qu'il serait impossible d'aller vérifier au fond de son cœur.
L'Assemblée promet l'exposition de ses principes ; et effectivement, parmi les principes énoncés dans l'instruction, quelques-uns sont purs, sains et parfaitement conformes à la doctrine catholique. Mais il ne suffit pas de faire parade de quelques principes généraux, il faut montrer que, dans l'application, on ne s'est pas écarté de ces principes. Quel est l'hérétique qui n'a pas
Erofessé hautement la soumission à la loi de ieu, l'attachement à la véritable Eglise? Ce sont là des principes communs à toutes les sectes séparées de l'Eglise romaine, et à l'Assemblée nationale. Il s'agit de savoir quelle est cette église,
Suels sont ses droits, quel est son enseignement, n n'ose pas, dans la spéculation, combattre les premiers principes, mais on les al tère dans les conséquences, on les contredit dans le fait. Qu'importe que l'Assemblée reconnaisse une autorité spirituelle, si elle en méconnaît l'étendue. C'est là ce qu'on lui a reproché, et qu'elle ne justifie pas. On dit à l'Assemblée, vous avez em-
Eiété sur la puissance spirituelle établie par Jésus-hristvous avez ordonné ce «qu'elle seule pouvait prescrire: vous avez, sur des objets soumis à sa Juridiction essentielle, porté des lois contraires aux siennes, et opposées à sa doctrine ; et pour toute réponse, l'Assemblée dit : Je reconnais qu'il existe une puissance spirituelle établie par Jésus-Christ. Suffit-il donc d'avouer le principe, quand on est accusé d'en combattre les conséquences?
Enfin l'Assemblée nationale promet d'exposer les motifs de ses décrets. Par celte expression équivoque, on est porté à croire que l'on va trouver dans l'instruction, une discussion approfondie, une suite de raisonnements et d'autorités en faveur des décrets. Mais les auteurs de l'instruction sentaient trop bien la faiblesse de leur cause, pour se permettre de la discuter, d'en développer les motifs, de réfuter les raisons qui ont été objectées..
Par les motifs des décrets, ils n'entendent pas les motifs qui prouvent la compétence et la sagesse des décrets,mais les motifs qui ont engagée l'Assemblée à rendre ses décrets. Il suffit de lire l'instruction pour s'en convaincre. Partout on voit les raisons qui les ont fait rendre; mais à peine en trouve-t-on quelques-unes par les quelles on essaye de les justiher.
L'exposition des motifs qui ont porté l'Assemblée à donner au clergé une nouvelle constitution prouve-t-elle que cette constitution soit conforme aux principes catholiques? Certes, il y a loin de l'un à l'autre. Et quand on admettrait qu'il y avait de très bonnes raisons pour changer la constitution du clergé, il restait toujours à considérer si l'Assemblée a eu le pouvoir d'en donner une au clergé, si elle l'a donnée conforme aux règles de l'Eglise.
Ainsi, le moyen annoncé par les auteurs de l'instruction pour répondre aux reproches, ou, comme ils le disent, aux calomnies semées contre la constitution du clergé, est d'exposer des intentions, des principes généraux, des motifs qui ne répondent pas aux reproches, qui peuvent se concilier avec les reproches, qui laisseront les reproches dans leur entier; par là, dès le commencement de leur ouvrage, ils manifestent leur véritable but : c'est de détourner l'état de la question, de l'éluder au lieu de la traiter, d'aveugler les peuples sous prétexte de les éclairer. Nous les verrons, dans toute la suite de cet écrit, fidèles à cette marche Insidieuse, mettre toujours en principe ce qui est en question, donner pour des vérités reconnues des points démontrés faux, et établir sur ces bases tous leurs raisonnements. C'est ce que nous allons faire voir. SUITE DE L'INSTRUCTION.
« Les représentants des Français, fortement attachés à la religion de leurs pères, à l'Eglise catholique, dont le pape est le chef visible sur la terre, ont placé au premier rang des dépenses de l'Etat celle de ses ministres et de son culte.
« Ils ont respecté ses dogmes; ils ont assuré la perpétuité de son enseignement; convaincus que la doctrine et la foi catholiques avaient leur fondement dans une autorité supérieure à celle des hommes,; ils savaient qu'il n'était pas en leur pouvoir d'y porter la main, ni d'attenter à cette autorité toute spirituelle; ils savaient, que Dieu même l'avait établie, et qu'il l'avait confiée aux pasteurs pour conduire les âmes, leur procurer les secours que la religion assure aux nommes, perpétuer la chaîne de ses ministres, éclairer et diriger les consciences. » RÉPONSE.
L'Assemblée nationale vante son attachement à l'Eglise catholique, et elle en donne trois preuves: la première, d'avoir placé au premier rang des dépenses de l'Etat celle de ses ministres et de son culte; la seconde, d'avoir respecté ses dogmes ; et la troisième, d'avoir assuré la perpétuité de son enseignement. Reprenons ces trois raisons.
Est-ce sérieusement, est-ce par dérision que l'on présente, comme un bienfait de l'Assemblée envers la religion, ses décrets sur la dépense du culte? Croit-on que la nation ait déjà oublié la spoliation aussi violente qu'injuste dè tous les biens des, églises, l'anéantissement de la propriété la plus antique, la plusconstante, la plus révérée, reconnue dans tous les temps et par les rois et par la nation? Voilà l'ouvrage de l'Assemblée, voilà ce qu'elle a fait pour la religion catholique; elle a conservé à la secte de Luther ses possessions ; elle a enlevé à l'Eglise de Jésus-Ghrist les siennes, dans les lieux mêmes où elles étaient également garanties par les traités. Et qu'a-t-elle mis à la place de ce patrimoine sacré dont elle a dépouillé les ministres du cuite? De médiocres salaires qui suffiront à peine à leur subsistance, des salaires qu'ils devront exiger des peuples, qui les tiendront dans une dépendance humiliante, qui les feront regarder comme les fardeaux de ceux dont ils devaient être les appuis ; enfin des salaires précaires, incertains, qui dépendront de la mobilité des principes des législatures à venir, de la variété des événements qui pourront sur-
venir dans l'Etat, de9 fantaisies tyranniques des corps administratifs, et que l'on juge par le fait de la sincérité de cette déclaration, qu'ils ont placé au premier raDg des dépenses de l'Etat celle des ministres de l'Eglise et de son culte. Une année entière s'est écoulée depuis que les églises ont été dépouillées de leurs biens, et ses ministres n'ont pas encore reçu la plus légère portion de ce mince traitement qu'on leur a laissé. Si dans le moment même de l'institution, si lorsqu'on aurait plus d'intérêt à les payer exactement pour atténuer l'idée de l'injustice commise, pour présenter une stabilité dans les principes, pour inspirer quelque confiance dans les promesses de l'Assemblée, on les laisse ainsi cruellement lan-
fuir dans l'attente d'une dette qu'on a reconnue Ire sacrée, jugeons quel sera leur sort quand le souvenir de leur fortune sera effacé* quand il s'élèvera dans le peuple des murmures sur l'impôt dont on le chargera .pour salarier les pasteurs, quand les besoins publics demanderont des secours extraordinaires?
L'Assemblée prétend ensuite avoir respecté les dogmes de l'Eglise, et quelle preuve en donne-t-elle? Aucune. C'est cependant un des grands reproches qu'on lui fait de méconnaître les dogmes sacrés : pour toute réponse, elle assure qu'elle a respecté ces dogmes. On est entré dans le détail des dogmes auxquels les décrets portent atteinte; pas d autre réplique, sinon l'assertion générale que l'Assemblée a respecté les dogmes. Ainsi elle met en principe précisément ce qui est en question. Elle donne pour toute preuve, pour toute réponse à des preuves, son affirmation, et on ose appeler cette manière de raisonner dissiper des calomnies. Une telle défense annonce évidemment l'impuissance de répondre; elle donne une nouvelle force aux objections proposées ; elle complète, s'il en est besoin, la preuve que la constitution du clergé attente aux dogmes de l'Eglise. .
Mais je ne veux pas imiter les auteurs de l'instruction dans leur manière de raisonner, et apporter, comme eux, pour toute raison,de simples allégations. Je vais leur prouver que les décrets sont contraires à la doctrine de l'Eglise, que cette opposition a été montrée dans plusieurs écrits puoliés par des évêques. Je choisis pour cela l'instruction pastorale de M. l'évêque de Châlons, dont ils avaient sûrement connaissance puisqu'elle avait été dénoncée. Voici comment ce prélat démontre l'opposition entre les décrets de l'Assemblée et les dogmes catholiques ; « Nous le savons, sans doute, que pour ménager encore la piété des fidèles, on de leur montre ici que des arrangements purement temporels qui n'intéressent point la foi. Mais quoi! n'est-ce donc pas un aogme catholique que la nécessité de l'institution - canonique dans la seule et unique forme que l'Eglise prescrit? N'est-ee donc pas un dogme catholique que la supériorité des évêques sur les ministres inférieurs? N'est-ce donc pas un dogme catholique que le droit exclusif des premiers pasteurs à l'enseignement et à l'exercice de leur juridiction spirituelle? N'est-ce pas un dogme catholiqueque la primauté exercée de droit divin par le successeur de saint Pierre, primauté qui n'est point un vain honneur, mais un vrai titre de surveillance et de gouvernement, qui ne le place ainsi au sommet de la hiérarchie que pour en faire le suprême modérateur de l'Eglise universelle? Que fait cependant la nouvelle organisation du clergé? Elle nomme de plein droit les vicaires de l'épiscopat ; elle transporte arbitrai-
rement la juridiction spirituelle à ceux qui ne l'ont point, et l'ôte à ceux que l'Eglise en a déjà investis : elle concentre l'autorité épiscopale et renseignement même dans une assemblée pres-by térale : elle dénature le régime ecclésiastique, en y transportant une forme républicaine, essentiellement opposée à son esprit de subordination et d'unité : elle rend le Souverain Pontife, centre de l'unité et chef auguste de tous les pasteurs, étranger au gouvernement de l'Eglise; et déplaçant ainsi cette admirable distribution des différents degrés de l'ordre hiérarchique, elle crée un gouvernement tout nouveau, qui ne saurait même exister civilement, parce que tout corps où il n'y a ni inférieurs, ni supérieurs, porte avec lui le principe immuable de la dissolution.
Ce n'est pas qu'on ait eu soin de colorer ces entreprises inouïes de certains ménagements, mais ce n'est que pour tendre plus sûrement au but. C'est ainsi que l'on conserve au pape sa qualité de chef de l'Eglise, mais en la rendant nulle et sans exercice ; aux métropolitains, leur prééminence, mais en n'en faisant qu'un droit précaire et illusoire; aux évêques et aux pasteurs, un fantôme d'institution qui n'est point celle que l'Eglise donne. G'est ainsi que l'on exige, pour leur installation, un serment sur la foi catholique, mais par une déclaration générale, à la faveur de laquelle on peut cacher toutes les hérésies ; que l'on démande aux nouveaux évêques une lettre de communion au pape, mais dont la teneur est arbitraire, et qui, aussi vague que le serment, peut lui être adressée, comme on l'a vu souvent, par un évêque schismatique ; de sorte que, toujours soumis à l'Eglise et ne l'écoutant pas, lui laissant par le droit une autorité qu'on lui enlève tout entière par le fait, aimant mieux favoriser le schisme que de le prononcer, et dénouer insensiblement les liens de l'unité que de les rompre avec violence, on ébranle d'autant plus fortement l'édifice, que les coups qu'on lui porte sont moins directs et plus enveloppés. » (P. 3 et 4.)
Et c'est a des raisonnements de cette force, à des vérités de cette évidence, qu'on imagine répondre, en disant froidement qu'on a respecté les dogmes de l'Eglise.
Enfin l'Assemblée prétend avoir assuré la perpétuité de l'enseignement de l'Eglise. Il semblerait qu'avant cette époque la perpétuité de l'enseignement n'était pas assurée, que c'est à notre Assemblée nationale que l'Eglise a cette obligation.
Mais que l'Assemblée dise donc ce qu'elle a fait pour procurer à L'Eglise cette assurance. Est-ce d'avoir interverti l'ordre de la succession dans les diverses églises, cet ordre précieux par lequel l'enseignement se transmettait sans interruption dans les mêmes sièges ? Est-ce d'avoir relâché les liens d'union et de correspondance avec la chaire de saint Pierre, cette chaire élevée, d'où l'enseignement se répand dans toute la catholicité? Est-ce d'avoir réduit la profession de foi à un simple serment de faire profession de la religion catholique, apostolique et romaine; serment vague, qui; sous la généralité des expressions, pourra couvrir des hérésies, comme il en a trop souvent couvert? Voilà comment l'Assemblée nationale a assuré la perpétuité de l'enseignement.
Ce paragraphe finit par des aveux en faveur de la puissance spirituelle. L'Assemblée reconnaît qu'il n'est pas en son pouvoir d'y porter la main : elle convient que Dieu même ra établie. Entre
ces aveux, il en est échappé un aux auteurs de l'instruction, qui suffit pour les confondre. Cette autorité toute spirituelle a été établie par Dieu même, et confiée par lui aux pasteurs, pour..... perpétuer la chaîne de ses ministres. Si la puissance spirituetle a senti le droit de perpétuer la chaîne des ministres, la puissance temporelle n'a donc pas le droit de l'intervertir. Elle excède donc son pouvoir, lorsqu'elle brise cette chaîne précieuse, en supprimant des sièges ; lorsqu'elle forme de nouvelles successions, en établissant de nouveaux évêchés; lorsqu'en déplaçant toutésles métropoles, toutes les juridictions, elle bouleverse tout l'ordre hiérarchique que l'Eglise seule, de son aveu, a droit de perpétuer. Ainsi l'erreur se trahit toujours par ses inconséquences ; et il suffit de lui présenter ses propres principes pour la confondre. SUITE DE L'INSTRUCTION.
« Mais en même temps que l'Assemblée nationale était pénétrée de ces grandes vérités, auxquelles elle ar rendu un hommage solennel, toutes les fois qu'elles ont été énoncées dans son sein, la Constitution, que les peuples avaient demandée, exigeait la promulgation des lois nouvelles sur l'organisatiou des lois civiles du clergé, il fallait fixer les rapports extérieurs avec l'ordre politique de l'Etat. » RÉPONSE.
Je n'examinerai pas s'il est vrai que la Constitution demandée par les peuples exigeait effectivement de nouvelles lois sur l'organisation civile du clergé : il me serait facile de trouver, dans les cahiers donnés par les bailliages, la preuve de la fausseté de cette assertion. Mais enfin, si le vœu des peuples avait demandé cette organisation nouvelle, sur quoi auraient dû portier les changements? L'insiruction elle-même nous l'apprend : il fallait fixjer les rapports extérieurs du clergé avec Vordre politique de VEtat. C'est là, le seul droit que l'Assemblée prétende, le seul qu'elle croit avoir reçu de ses commettants, le seul qu'elle croit elle-même appartenir à la puissance temporelle. Jugeons-Ja donc par sa propre prétention. S'est-elie bornée dans ses décrets, à fixer les rapports extérieurs du Clergé avec l'ordre politique de l'Etat ? Si elle a excédé cette mesure, la voilà convaincue, par ses propres paroles, d'avoir outrepassé son pouvoir. Or, je demande aux défenseurs les plus ardents de la constitution du clergé, s'ils, oseraient soutenir qu'elle ne contient pas un grand nombre d'articles qui n'ont point de rapport avec l'ordre politique de l'Etat, et qui règlent simplement l'ordre intérieur de 1 Eglise, son administration. Pour éviter toute difficulté, je ne citerai pas ici ceux qui pourraient avoir une relation éloignée avec l'ordre civil, sur lesquels on pourrait Contester. Mais je me demande quels rapports peuvent avoir avec l'ordre politique les articles suivants :
Les articles 6 et 30 du titre second, qui restreignent les formalités religieuses à remplir par les électeurs, à l'audition de la messe ;
Les articles 7, 8 et 9, etc., du même titre, dans lesquels on règle les années de service, et les autres qualités que doivent avoir les sujets pour être éligibles ;
Les articles 16 et 17, 35 et 36, relatifs à la confirmation et à l'installation canonique des évêques et des curés;
Les articles 18 et 37, qui défendent d'exiger des élus d'autre serinent que le serment vague de faire profession de la religion catholique, apostolique et romaine ;
L'article 19, qui défend aux évêques de demander au pape aucune confirmation, et qui réduit toute leur communication avec le Saint-Siège à une simple lettre, en témoignage de l'unité de foi de communion qu'ils doivent entretenir avec lui ;
L'article 20, relatif à la consécration des évêques. Je m'arrête là. Je pourrais ajouter beaucoup d'autres décrets; mais, me contentant de ceux que je viens d'indiquer, je demande quels rap ports ils règlent entre l'état extérieur du clergé et l'ordre politique ? S'il est vrai, comme l'évidence le fait sentir, qu'ils portent sur des objets entièrement du régime intérieur du clergé, l'Assemblée reste convaincue d'avoir été au delà de son but, au delà de son pouvoir; et elle est forcée d'en convenir, même d'après sa propre instruction. SUITE DE L'INSTRUCTION.
« Il était impossible dans une Constitution qui avait pour base l'égalité, la justice et le bien général; l'égalité qui appelle aux emplois publics tout homme qu'un mérite reconnu rend digne du choix libre de ses concitoyens ; la justice qui, pour exclure tout arbitraire, n'autorise que des délibérations prises en commun ; le bien général qui repousse tout établissement parasite; il était impossible, dans une telle Constitution, de ne pas supprimer une multitude d'établissements devenus inutiles, de ne pas rétablir l'élection libre des pasteurs, et de ne pas exiger dans tous les actes de la police ecclésiastique des délibérations communes, seules garantes aux yeux du peuple de la sagesse des résolutions auxquelles ils doivent être soumis. » RÉPONSE.
Dans ce peu de lignes, il y a un grand nombre d'erreurs à relever :
D'abord, oq établit qu'il était impossible de ne pas créer une constitution du clergé conforme à la Constitution nouvelle de l'Etat; et oû est donc cette impossibilité? Comment nous fera-t-on comprendre que les changements introduits dans l'JjStat ne pouvaient pas s'opérer avec l'organisation du clergé telle qu'elle existait : qu'il était nécessaire de bouleverser toute la hiérarchie, de changer toutes les divisions de métropoles, de diocèses, de paroisses ; de supprimer les chapitres de cathédrales, si anciens dans l'Eglise, incorporés dans la hiérarchie, dépositaires de la juridiction, au défaut des évêques? Comment nous prouvera-t-on qu'il était impossible de donner ijtne Constitution à l'Etat, sans faire tous ces changements dans l'Eglise ? Mais telle est la marche constante de l'instructioq à laquelle je réponds : elle affirme sans cesse, elle ne prouve jamais.
L'Assemblée nationale a voulu donner à l'Eglise gallicane une constitution dans le même esprit et d après les mêmes principes qui ont dicté la Constitution de l'Etat. Mais elle n'a pas
senti que les principes de la religion catholique étaient absolument différents de ceux de la nouvelle Constitution. La base de cette Constitution, le principe fondamental dont tous les articles sont la conséquence, est que tous les pouvoirs viennent du peuple, et doivent être conférés par lui. Au contraire, le principe constitutif de l'Eglise est que tout ce qu'elle possède, tous ses pou-voirslui ont été donnés par Jésus-Christ, etque c'est de Dieu même qu'elle tient son gouvernement. Ainsi, d'un côté, la puissance vient dé la terre ; de l'autre, elle émane du ciel ; d'un côté,elle remonte de ceux qui font gouverner à ceux qui gouvernent; de l'autre, elle descend de Jésus-Christ à ceuxtyue VEsprit-Saint a établis évêques pour régir l'Eglise de Dieu, d'où elle se communique aux pasteurs subordonnés, et se répand sur le peuple. C'est donc une grande erreur, dans laquelle on a engagé l'Assemblée, de prétendre donner à l'Eglise une constitution conforme à celle de l'Etat. Péchant aussi essentiellement dans Je principe, il n'est pas étonnant que ses conséquences aient été aussi vicieuses, et qu'elle ait voulu partout, au régime établi par Jésus-Christ,substituer les institutions démocratiques qui font la base de ses nouvelles lois. De là cette quantité de décrets aussi incompétemment qu'injustement rendus, aussi attentatoires à l'autorité de l'Eglise que contraires à ses saintes lois. J'en trouve,dans le seul article auquel je réponds, deux exemples frappants.
Il était impossible dans une telle constitution (di-gentlesauteursderinstructionjdewe^asréîaô/ir/gs Clections libres des pasteurs. Oh a dit, on a prouvé dix fois à l'Assemblée nationale qu'elle ne rétablissait pas les élections anciennement pratiquées dans l'Eglise. On lui a démontré, par les monuments les plus authentiques, que jamais les pasteurs du second ordre n'avaient été élus par les peuples. A ces preuves si positives, l'instruction, selon son usage persévérant, ne répond qu'eu assurant qu'on rétablit les élections des pasteurs ; et il faut en croire son assertion, plus que l'évidence des faits ! Par rapport aux évêques, on a aussi démontré que les élections anciennes, et ces élections de moderne invention, n'ont rien de commun; que les électeurs des premiers siècles étaient toute autre chose que ceux à qui on confie aujourd'hui le choix des premiers pasteurs. Certes ils seraient bien étonnes, ces fidèles des beaux siècles de.l'Eglise; si, se retrouvant de nos jours à l'élection d'un évêque, ils entendaient comparer ce nouveau corps électoral, où Souvent on ne verra aucun ecclésiastique, à ces assemblées respectables que présidaient les évêques de la province, où les pasteurs du second ordre avaient une influence considérable. Ils seraient indignés surtout de voir se mêler aux élections les schismatiques, les hérétiques, les juifs, les idolâtres, à qui on ne permettait jamais d'approcher des saintes assemblées des fidèles. De quelle horreur ne seraient-ils pas pénétrés, en voyant que l'on force l'Eglise à recevoir ses évêques des mains de ses plus cruels ennemis, même des déistes et des athées? Et voilà ce qu'on ose appeler rétablir les élections ! On prétend ramener l'Eglise à sa pureté primitive, en ordonnant une forme d'élections entièrement différente du mode d'élections usité alors, absolument opposée à l'esprit de son antique discipline ! Et parce que l'on se sert du mot commun d'élections, on veut faire croire au peuple qu'on remet en vigueur les élections anciennes.
Considérons encore ce prétendu rétablissement
des élections sous un autre point de vue. La manière de donner à une société ses magistrats et ses chefs ne fait-elle pas partie du régime intérieur de cette société ? N'est-ce pas à la puissance à qui Jésus-Christ a confié la juridiction spirituelle qu'il appartient de déterminer la manière dont cette puissance spirituelle doit être conférée? Aussi c'est toujours rEglise qui a établi les élections, en a changé la forme, les a supprimées pour leur substituer un autre mode de nomination. Mais l'Assemblée nationale n'a voulu voir dans la manière de donner à l'Eglise ses pasteurs qu'un rapport extérieur avec l'ordre politique de l'Etat.En conséquence,elle a prétendu avoir le droit delà régler exclusivement, et sans aucun concours de la puissance ecclésiastique. Elle a suivi, pour le choix des ministres de rEglise, l'ordre qu'elle avait déterminé pour le choix des magistrats civils. Le même corps électoral qui nomme les députés à l'Assemblée nationale et les membres de l'administration de département nommera les évêques, et les curés seront choisis par ceux qui forment l'administration de district. Ainsi elle a déjà, dans ce point, refondu le gouvernement donné par Jésus-Christ à l'Eglise, sur le modèle de la forme qu'elle a donnée au gouvernement civil.
Un autre exemple de la même erreur est ce qu'elle prescrit sur les délibérations en commun. Certainement rien n'appartient plus au régime intérieur de l'Eglise que de déterminer l'autorité qui a droit de la gouverner. Ce n'est pas là un simple rapport extérieur avec l'ordre politique de l'Etat. Il n'y a même aucun rapport entre l'ordre politique selon lequel l'Etat est gouverné, et l'ordre spirituel du gouvernement de l'Eglise. Ces deux ordres n'ont rien de commun ; ils pourraient être absolument différents, sans que l'un ni l'autre n'en souffrît. L'Assemblée nationale a cependant voulu introduire dans l'Eglise la forme démocratique qu'elle a établie dans l'Etat. Elle a distribué, dans l'ordre civil, les pouvoirs entre des corps délibérants à la pluralité des suffrages, créé un Corps législatif, des corps administratifs, des corps judiciaires ; elle a de même voulu soumettre tous les actes du gouvernement de l'Eglise à de semblables délibérations. Il était impossible dans une telle Constitution... de ne pas exiger dans tous les actes de la police ecclésiastique des délibérations communes, seules garantes aux yeux du peuple de la sagesse des résolutions auxquelles ils doivent être soumis.
D'après ce principe tout nouveau dans l'Eglise, l'Assemblée a soumis les évêques à ne faire aucun acte de juridiction, en ce qui concerne le gouvernement du diocèse et du séminaire, qu'après en avoir délibéré avec leur conseil, qui est composé de prêtres. Voilà donc toute la juridiction, tout le gouvernement de l'Eglise transféré des évêques à un conseil de prêtres dont l'évêque n'a que la présidence, et où il ne jouit que d'un suffrage. Que l'Assemblée eût ordonné que l'évêque neferaitaucunactede juridiction qu'après en avoir conféré avec son presbytère, et avoir pris son avis, rien ne serait plus conforme à l'esprit de l'Eglise, à là nature de son gouvernement, qui est un régime de charité et de conseil. Mais, ici, il est défendu à l'évêque de ne rien faire qu'après en avoir délibéré. Ce mot emporte l'obligation de se soumettre à la délibération. Dès lors ce n'est plus l'évêque qui gouverne, c'est le Sénat des prêtres présidé par l'évêque. Comment concilier cette disposition de l'Assemblée nationale avec les dispositions divines? L'Esprit-Saint dit qu'il
a établi les évêques pour régir l'Eglise de Dieu ; l'Assemblée nationale dit qu'elle établit un conseil de prêtres pour gouverner l'Eglise de Dieu. Il y a entre ces deux ordonnances une contradiction formelle,, et la constitution civile du clergé est évidemment opposée à la loi de Dieu. SUITE DE L'INSTRUCTION.
« La nouvelle distribution civile du royaume rendait nécessaire une nouvelle distribution des diocèses. Gomment aurait-on laissé subsister des diocèses de 1,400 paroisses et des diocèses de 20 paroisses? L'impossibilité de surveiller un troupeau si nombreux contrastait d'une manière trop frappante avec l'inutilité de titres, qui n'imposaient presque point de devoirs à remplir. » RÉPONSE.
Pourquoi cette nécessité de faire une nouvelle distribution de diocèses, conforme à la distribution civile du royaume? Quand les diocèses n'auraient pas la même étendue que les départements, quand les uns empiéteraient sur les autres, l'administration civile des départements et le régime spirituel des diocèses en iraient-ils plus mal? Non, sans doute, puisque ces deux sortes de gouvernement n'ont rien de commun.
L'Assemblée a voulu réunir dans les mêmes circonscriptions tous les genres de pouvoir; elle leur a donné à tous la même étendue, les mêmes limites. Le pouvoir administratif, le pouvoir judiciaire, le pouvoir religieux, ont maintenant partout la même enceinte : 83 départements offrent 83 divisions régulières de tous ces pouvoirs. Il en résulte que tous les intérêts, toutes les relations des citoyens, vont se trouver concentrés dans les mêmes lieux. On a détruit les provinces, parce que l'on a craint qu'elles n'eussent un esprit particulier, contraire à l'esprit public, et on en a créé 83, où l'esprit particulier sera bien plus fort, puisqu'elles rappelleront à un même point tous les rapports qui unissent les hommes, et ramèneront sans cesse tous les citoyens de chaque département à un centre Commun. Voilà un grand acheminement au gouvernement fédératif. Chacun de ces départements ayant son administration, ses tribunaux, son évêque, pourra se passer des autres. L'Assemblée nationale sera comme un Congrès servant de lien quelconque à toutes ces petites républiques. Unies par une chaîne si légère, qui empêchera de se séparer celles q i se croiront lésées dans la répartition des charges, celles qu'agiteront des esprits factieux,celles que solliciteront par toutes sortes de moyens les puissances étrangères? Les chefs de chaque ordre, é us par le peuple, auront sur lui une grande influence. Il suffira de les gagner pour opérer la division de l'Etat, ou au moins pour y susciter des troubles. Il n'en était pas ainsi dans l'ancien ordre de choses : les gouvernements militaires, les administrations de généralités, les ressorts des tribunaux, les diocèses étaient circonscrits dans des limites différentes. Les citoyens avaient des relations séparées: ils dépendaient d'un pays pour un objet, d'un autre pays sous un autre rapport. Il ne pouvait pas se former un esprit particulier, un attachement exclusif à telle partie du royaume, parce que leurs
intérêts étaient divisés entre les divers lieux où les conduisaient leurs affaires. De ce que l'Assemblée regarde comme une nécessité de réunir tous les pouvoirs dans les mêmes circonscriptions, il résulte que,dans son sein, le parti qui voulait la République fédérative a prévalu sur celui qui demandait la démocratie, et sur celui qui désirait conserver la monarchie,
11 serait aussi bien difficile d'apporter une raison de cette égalité d'étendue qu'on a voulu donner à tous les diocèses, à toutes les paroisses. Les forces, les talents, les qualités de ceux qui doivent les régir ne sont pas distribués à chacun dans la même mesure ; il était donc utile de ne pas donner à tous uue mesure égale de travail. Au reste, si quelques diocèses étaient trop étendus, quelques autres trop resserrés, ne pourrait-on pas se concerter avec l'Eglise pour faire les réformes qui auraient paru utiles? L'Eglise s'est-elle jamais refusée aux changements que la puissance civile a désirés? Voyez dans ce siècle, et même récemment, plusieurs diocèses trop vastes divisés, et de nouveaux sièges établis par l'Eglise sur la demande de nos rois. Mais on a voulu absolument que l'Eglise n'y Coopérât en aucune manière. A-t-on eu raison, a-t-on eu tort de le vouloir? C'est ce que je vais examiner. SUITE DE L'INSTRUCTION.
« Ces changements étaient utiles, on le reconnaît ; mais l'autorité spirituelle devait, dit-on, y concourir. Qu'y a-t-il donc de spirituel dans une distribution de territoire? Jésus-Christ a dit à ses apôtres : Allez et prêchez par toute la terre. Il ne leur a pas dit : Vous serez les maîtres de circonscrire les lieux où vous enseignerez. » RÉPONSE.
Certainement il n'y a rien de moins spirituel qu'une distribution de territoire. Mais ce n'est pas d'une distribution de territoire qu'il s'agit ici: c'est d'une distinction de juridiction spirituelle, et rien n'est plus spirituel de sa nature. On cherche à faire perdre de vue l'état de la question ; on s'efforce d'en substituer une autre. On présente comme la vraie question, si une opération physique, si un ouvrage d'arpenteur doit être soumis à la juridiction de l'Eglise. Mais cette illusion est facile à dissiper, et il ne faut pour cela que rétablir le véritable point de la difficulté. L'Eglise a reçu de Jésus-Christ une juridiction spirituelle sur les âmes de tous les fidèles, elle exerce cette juridiction par le ministère des pasteurs. Ces pre mières vérités sont constantes et universellement reconnues. Il s'agit de savoir si elle peut distribuer cette juridiction entre les pasteurs, charger chacun d'eux spécialement d'une partie du troupeau, lui confier exclusivement la conduite de certaines âmes, tellement qu'il n'ait pas le droit d'en diriger d'autres. Est-ce à la puissance spirituelle, est-ce à la puissance temporelle à prononcer si la juridiction spirituelle sera divisée entre les pasteurs, et à régler la manière dont elle sera divisée? Voilà ce qu'il faut examiner. La question,^réduite à ses véritables termes, est bien différente de celle que présentent les auteurs de l'instruction. Elle a été traitée et approfondie dans plusieurs ouvrages lumineux. Pourquoi évite-t-on de la discuter ici? Pourquoi craint-on
de répondre aux raisons, d'examiner les autorités sur lesquelles les évêques de l'Assemblée nationale, dans leur exposition, et celui de Boulogne, dans sa lettre pastorale, ont établi le pouvoir de l'Eglise sur la distribution des juridictions? Je ne rappellerai pas tout ce qu'ils out dit, et j'en suis dispensé, puisque l'Assemblée nationale ne répond rien ; leurs preuves restent triomphantes, tant qu'elles ne sont pas attaquées.
De ce que Jésus Christ a dit à ses apôtres: Allez et prêchez par toute la terre, on infère qu'il a donné à eux, et à tous les pasteurs à perpétuité, une mission universelle, une juridiction sur toutes les âmes ; mais ce raisonnement, ou prouve trop, ou ne prouve rien. Si, par ces paroles Jésus-Christ a rejeté toute division de juridiction, la distribution des territoires est contraire au principe divin ; et dès lors l'Eglise n'a pas eu le droit de se diviser en diocèses. Aucun des défenseurs de la constitution du clergé n'a osé admettre cette conséquence : M. Camus lui-même est convenu, en propres termes : que le bon ordre, la police, doivent déterminer et distribuer les différents lieux entre les pasteurs, et donner à chacun un territoire particulier confié spécialement à ses soins. Si,au contraire, les paroles du Sauveur n'excluent point les divisions de juridiction, et n'interdisent pas aux apôtres et à leurs successeurs la faculté de se distribuer leurs fonctions sacrées, que peut-on en conclure contre le droitde l'Eglise de former ces divisions?
En un mot : ou d'après le texte sacré, les circonscriptions de juridiction sont interdites, et, alors pourquoi l'Assemblée nationale se permet-elle d'en tracer une? Ou elles sont permises, et dans ce cas, c'est à la puissance dépositaire de cette juridiction qu'il appartient de les déterminer.
Il n'est pas hors de propos d'expliquer ici ces
Earoles sacrées dont on a tant abusé, dans I Assem-
lée nationale, pour combattre les distributions de territoire, sans penser que l'on attaquait son propre ouvrage. Jésus-Christ les adresse au corps des apôtres et de leurs successeurs. Mais de ce qu'il leur ordonne,à tous collectivement, de prê-cher l'Evangile à toutes les nations, il ne s ensuit pas qu'il donne à chacun d'eux une mission universelle, et qu'il leur prescrive individuellement d'aller exercer leur ministère dans le monde entier. Ce n'est pas ainsi que les apôtres entendirent le précepte de leur divin Maître : la manière dont ils 1 exécutèrent prouve que ce n'était pas là son véritable sens. Us se distribuèrent les diverses parties du monde, et allèrent annoncer la vérité chacun dans les contrées confiées à son zèle. Saint Pierre s'établit d'abord à Antiocbe, ensuite à Rome, saint Jacques reste à Jérusalem, saint Jean se fixe dans l'Asie-Mineure, et ainsi tous les autres vont répandre en divers lieux la lumière de la foi. Us n'en observent pas moins le précepte de leur Maître : tous annoncent la vérité à toute la terre, puisqu'ils se partagent entre eux l'univers.
Mais en supposant,ce qui n'est pas prouvé, ce qui est même contraire aux faits, que Jésus-Christ ait chargé chaque apôtre de la conversion du monde entier, ce serait à tort qu'on en conclurait que les apôtres n'avaient pas le droit de partager le ministère sacré entre les évêques Qu'ils établissaient. Quand le nombre des chrétiens augmenta, il devint nécessaire de distribuer les pasteurs dans les lieux où il y avait plus de fidèles. L'augmentation du travail en nécessita la division. Il fallut attacher chaque ministre à
chaque portion du troupeau. De toutes les divisions la plus naturelle était de charger chacun d'eux de l'instruction et de la conversion des peuples répandus sur chaque territoire. On ne leur distribuait pas des territoires, mais on leur distribuait la juridiction spirituelle sur les âmes qui existaient dans les territoires.Voilà comment se sont formés les diocè"&es ; et certes le précepte donné aux apôtres d'enseigner toutes les nations n'était pas contraire à celte formation.
Au reste,le principe fondamental de la catholicité est qu'à l'Eglise seule il appartient de déterminer le vrai sens des paroles divines. L'Eglise a jugé que les évêques n'avaient point reçu de Jésus-Christ une mission universelle, quand elle leur a enjoint de se renfermer dans les limites de leurs diocèses, qu'elle leur a interdit l'exercice de leurs fonctions dans des diocèses étrangers, et qu'elle a déclaré nuls les actes de juridiction qu'ils y exerceraient. On peut voir les lois de 1 Eglise rapportées dans l'exposition des principes, et dans l'instruction pastorale de M. l'évêque de Boulogne.
Jésus-Christ n'a point dit en propres termes à ses apôtres: Vous serez les maîtres de circonscrire les lieux où vous enseignerez. Il ne leur a pas donné le pouvoir de circonscrire physiquement des lieux ; mais il leur a donné celui de circonscrire leur enseignement dans certaines limites. Cette puissance résulte nécessairement de l'autorité qu'il leur a donnée pour régir l'Eglise ; elle est aussi démontrée par le fait, et par la circonscription de la mission et de la juridiction tracée par les apôtres et leurs successeurs. SUITE DE L'INSTRUCTION.
« La démarcation des diocèses est l'ouvrage des hommes. Le droit ne peut en appartenir qu'aux peuples, parce que c'est à ceux qui ont des besoins à juger du nombre de ceux qui doivent y pourvoir. » RÉPONSE.
Oui, ce sont les hommes qui ont fait la démarcation des diocèses. Mais sont-ce les dépositaires de la puissance temporelle? Sont-ce les ministres de la puissance spirituelle ? La démarcation des diocèses n'est pas de droit divin, c'est le droitde circonscrire les diocèses qui émane de Dieu. Avec un pareil raisonnement on attribuerait à la puissance civile le droit de régler tout ce que Jésus-Christ n'a pas réglé lui-même : tout ce que l'Eglise a ordonné d'après le pouvoir qu'elle a reçu de son divin fondateur, les cérémonies du saint sacrifice et des sacrements, les prières qui se récitent dans les temples, le précepte du jeûne pendant le carême, enfin tout ce qu'a ordonné l'Eglise est l'ouvrage des hommes ; en conclura-t-on que c'est un droit des peuples de le régler ?
Mais, ajoute-t-on, c'est à ceux qui ont des besoins à juger du nombre de ceux qui doivent y pourvoir. C'est là sans doute le principe de là Constitution civile donnée par l'Assemblée nationale au royaume, mais ce n'est pas le principe du gouvernement donné à l'Eglise par Jésus-Christ. L'Eglise a reçu de son divin Auteur tout le pouvoir nécessaire à sa fin, c'est-à-dire à l'instruction et au salut des peuples.
L'institution des ministres est le moyen par lequel elle atteint ce but ; c'est donc à elle à les
instituer et à les distribuer dans le nombre nécessaire ; c'est donc à elle à juger cette nécessité. Si c'était à la puissance publique à fixer le nombre des ministres nécessaires à la religion, le persécuteur ouvert ou déguisé aurait un moyen bien facile de porter des coups funestes à l'Eglise : il pourrait supprimer les établissements ecclésiastiques les plus respectables, réduire, je nombre des ministres du culte au-dessous des besoins du peuple, rendre l'instruction religieuse plus difficile par la rareté des pasteurs, ;dégoûtér les fidèles des exercices de la religion par l'éloigne-ment des lieux saints. Ainsi s'exercerait ce funeste pouvoir d'anéantir la religion, qu'au sein de l'Assemblée nationale on n'a pas eu honte de lui attribuer. SUITE DE L'INSTRUCTION.
« D'ailleurs, si l'autorité spirituelle devait ici concourir avec la puissance temporelle, pourquoi les évêques ne s'empressent-ils pas de contribuer eux-mêmes à l'achèvement de cet ouvrage? Pourquoi ne remettent-ils pas volontairement entre les mains de leurs collègues les droits exclusifs qu'ils prétendent avoir? Pourquoi enfin chacun d'eux ne se fait-il pas à lui-même la loi dont tous reconnaissent et dont aucun ne peut désavouer la sagesse et les avantages ? » RÉPONSE.
Les évêques députés à l'Assemblée nationale ont répondu à ces questions dans leur exposition des principes d'une manière si satisfaisante, qu'il est étonnant qu'on les reproduise. Mais puisqu'on agite encore cette malheureuse difficulté, je vais encore y répondre.
J'observerai d'abord que cette transmission de pouvoirs que se feraient réciproquement les métropolitains et les évêques ne pourrait remédier qu'à un seul des vices de la constitution du cierge, à la circonscription incompétente des territoires. Elle ne validerait pas les élections irrégulières ; elle ne rétablirait pas la juridiction de l'Église méconnue ; elle ne supprimerait pas le presbytéranisme qu'on substitue à l'antique gouvernement de l'Eglise; elle ne conférerait pas aux vicaires de cathédrales la juridiction éventuelle,au préjudice des chapitres ; en un mot, elle laisserait subsister tous les inconvénients du nouveau régime, excepté peut-être un seul.
Mais considérons les communications réciproques de pouvoirs entre les évêques, non plus sous le point de vue général de la constitution du clergé, mais seulement relativement à la démarcation des métropoles et des diocèses. Au premier coup d'œil il semble que ce moyen pourrait être propre à suppléer les formes canoniques, et à concilier les principes ecclésiastiques avec les décrets de l'Assemblée sur la nouvelle circonscription. Chaque évêque ou chaque métropolitain agirait régulièrement dans Je nouveau territoire qui lui serait confié, parce qu'il agirait en vertu de pouvoirs délégués par le légitime pasteur. Le pouvoir de juridiction peut être communiqué, le pouvoir d'ordre peut aussi être délégué à celui qui est revêtu de l'ordre épiscopal : ainsi les délégations mutuelles paraissent sauver la difficulté et présenter un moyen de tout concilier.
Mais en approfondissant ce moyen, on voit qu'il est insuffisant, et relativement aux principes, et relativement à la pratique.
Les distributions de diocèses étant, de droit public ecclésiastique, déterminées et arrêtées par l'Eglise, il faudrait certainement pour les changer l'intervention de la même puissance.
Cette vérité devient évidente lorsqu'il s'agit d'un bouleversement total de l'Eglise gallicane, du déplacement de tous les diocèses, de toutes les métropoles ; ce ne peut être que par l'autorité de toute l'Eglise, qu'un changement total dans la forme du gouvernement soit opéré. Des délégations individuelles ne seraient que des transactions particulières entre les évêques ; elles ne porteraient pas l'empreinte d'une loi générale. Aussi a-t-on demandé, pour valider cette opération, d'abord un concile national, et ensuite une décision du chef de l'Eglise, à laquelle adhéreraient les évêques. La communication de pouvoirs que ferait en particulier chaque évêqde ne validerait pas les décrets de l'Assemblée dans l'ordre spirituel; elle ne produirait donc pas l'effet désiré. Le seul effet qu'elle pourrait avoir serait provisoire et pour un temps, c'est-à-dire jusqu'à ce que l'Eglise se fût expliquée, et eût par son adhésion consacré les changements ordonnés par les décrets. Mais cette juridiction provisoire que se donneraient réciproquement les métropolitains et les évêques, ne remédierait pas au mal et serait sujette à de très grands inconvénients :
1° Les décrets de l'Assemblée ne seraient point exécutés, quand sur les nouveaux territoires les évêques n'exerceraient qu'unejuridiction déléguée et provisoire. L'esprit des décrets, leur prétention est de supprimer, d'étendre, de conférer la juridiction propre et ordinaire des évêques. Ceux qui ont inspiré à l'Assemblée nationale, et qui soutiennent que ces translations de juridiction spi* rituelle n'excèdent pas le pouvoir de la puissance politique, n'admettraient pas de pareilles délé-gations.Ces mêmes hommes, qui nous reprochent aujourd'hui de ne pas nous transmettre réciproquement des pouvoirs, nous reprocheraient alors la communication que nous en aurions faite. Ils nous reprocheraient de méconnaître la loi, de nous refuser à son exécution, de vouloir agir comme délégués, quand nous serions, selon eux, des pasteurs ordinaires, de faire au nom d'autrui ce qu'il nous ést ordonné de faire au nôtre ;
2° Les évêques et les métropolitains,qui auraient reçu ces délégations, auraient deux sortes de pouvoirs : un pouvoir ordinaire dans la partie qui était anciennement de leur province ou de leur diocèse, un pouvoir délégué dans le nouveau territoire qui leur aurait été assigné, Il faudrait donc, à chaque acte du ministère, distinguer ce qu'on peut faire en son nom et ce qu'on doit faire au nom du commettant. Quelle confusion, quel embarras dans l'exercice de ce double pouvoir !
3° Si parmi les évêques de France quelques-uns se refusaient à communiquer les pouvoirs spirituels, — car enfin le droit de les donner suppose celui de les refuser,—que deviendrait toute cette idée de conciliation? La difficulté est aussi grande pour une partie de diocèse que pour tout le royaume. Si la puissance civile ne peut pas changer la distribution des juridictions spirituelles, un seul évêque refusant decommuniquer la sienne empêche tout exercice valide de juridiction sur son territoire. Et ce n'est pas là une hypothèse imaginée pour élever une vaine difficulté. De nouveaux sièges épisGOpaux sOnt établis par la nouvelle Constitution : il y sera pourvu dans la forme d'élections prescrite par les décrets. Ces évêques, établis par le nouveau régime,
choisis dans son esprit, croyant par conséquent, ou ayant intérêt de croire qu'ils sont légitimement et canoniquement installés, voudront-ils se contenter d'être des pasteurs délégués, quand les décrets les font des pasteurs ordinaires? Se réduiront-ils à n'avoir qu'une juridiction provisoire et précaire, quand la Constitution, qui fait leur titre, qui a fait leur promotion, leur en confère une pleine et absolue ?
4° Lorsqu'un évêque vient à mourir, les pouvoirs de ses vicaires généraux expirent. Ainsi, au premier décès d'un évêque la difficulté revient tout entière. Ou il n'y a pins personne pour exercer le ministère pastoral dans les lieux délégués, ou il sera exercé dans ces lieux sur le mandat de la puissance politique.
5° Et si c'est un d ès évêques dont les sièges sont supprimés qui vient à décéder : plus de tempérament à la difficulté, plus de remède au mal ; qui est-ce qui pourra donner la juridiction, quand celui qui 1 avait déléguée n'existe plus et n'a pas de successeur ?
Il est donc évident que la communication des pouvoirs entre les évêques n'eût ni sauvé les principes, ni remédié aux inconvénients. Pourquoi donc s'obstine-t-on à leur reprocher de n'avoir pas pris ce faible et impraticable expédient ? Il faut le dire hautement : c'est pour se laver soi-même du reproche bien fondé de n'avoir
fias adopté le moyen de conciliation , simple , égal, efficace que les évêques proposaient et demandaient. 11 s'agissait d'attendre, pour effectuer les nouvelles divisions, que l'Eglise les eût sanctionnées. Quelques jours, ou tout au plus quelques semaines, et la circonscription des diocèses pouvait être exécutée sans difficulté. Non; ce ne sont point les évêques qui se sont refusés à la conciliation : ce sont ceux qui ont fait rejeter le plan si sage qu'ils proposaient, qui n'ont pas permis de le discuter, qui ont à peine laissé l'Assemblée délibérer. Ce sont ces mêmes hommes qui nous reprochent aujourd'hui de ne pas prendre le moyen précaire et insuffisant des délégations; ce sont eux qui ont empêché l'Assemblée d'adopter le moyen stable et légitime du recours à l'Eglise, et c'est de leur propre tort qu'ils, veulent nous faire un crime. SUITE DE L'INSTRUCTION.
« Tels ont été les motifs du décret de l'Assemblée nationale sur l'organisation civile du clergé ; ils ont été dictés par la raison si prépondérante du bien public. Telles ont été ses vues : leur pureté est évidente; elle se montre avec éclat aux yeux de tous les amis de l'ordre et de la lbi. Imputer à l'Assemblée d'avoir méconnu les droits de l'Eglise et de s'être emparée d'une autorité qu'elle déclare ne pas lui appartenir, c'est la calomnier sans pudeur.
« Reprocher à un individu d'avoir fait ce qu'il déclare n'avoir ni fait, ni voulu, ni pu faire, ce serait supposer en lui l'excès de la corruption dont l'hypocrisie est le comble. C'est là cependant ce qu'on n'a pas honte d'imputer aux représentants des Français : on ne craint pas de les charger du reproche d'avoir envahi l'autorité spirituelle, tandis qu'ils l'ont toujours respectée, qu'ils ont toujours dit et déclaré que, loin d'y avoir porter atteinte, ils tenteraient en vain de s'en saisir, parce que les objets sur lesquels cette autorité agit et la manière dont elle s'exerce sont absolument de la sphère de la puissance civile. » RÉPONSE.
Voilà donc toujours ce moyen insidieux et insuffisant pour justifier les décrets de l'Assemblée: on vante ses motifs et la pureté de ses vues; on répète qu'elle n'a pas envahi l'autorité spirituelle, parce qu'elle l'a respectée, parce qu'elle a toujours déclaré qu'elle tenterait en vain de s'en saisir. Mais je le répéterai constamment à mon tour : il ne s agit pas ici des vues de l'Assemblée, mais de ses décrets. Il ne s'agit pas de l'Assemblée, mais de ceux qui l'ont égarée, et qui l'ont aveuglée au point de lui faire adopter, comme purement civile, une constitution qui réglé un grand nombre d'objets spirituels. Ce sont eux qui ont envahi l'autorité spirituelle, usurpé les droits de l'Eglise, méconnu ses dogmes. Ils n'ont d'autre moyen de s'en défendre, que de se couvrir du nom important de l'Assemblée, qu'ils ont trompée, et de crier qu'on la calomnie quand on dévoile ses erreurs et leurs crimes. C'est là cet excès de corruption, dont Vhypocrisie est le comble. SUITE DE L'INSTRUCTION.
« L'Assemblée nationale, après avoir porté un décret sur l'organisation civile du clergé, après que ce décret a été accepté par le roi, comme constitutionnel, a prononcé un second décret par lequel elle a assujetti les ecclésiastiques fonctionnaires publics à jurer qu'ils maintiendront la Constitution dë l'Etat. Les motifs de ce second décret n'ont été ni moins purs ni moins conformes à la raison que ceux qui avaient déterminé le premier.
« Il était arrivé d'un grand nombre de départements une dénonciation d'actes tendant, par divers moyens, tous coupables, à empêcher l'exécution de la constitution civile du clergé. L'Assemblée pouvait faire rechercher les auteurs des troubles, et les faire punir. Mais elle pouvait aussi jeter un voile sur de premières fautes, avertir ceux qui s'étaient écartés de leurs devoirs et ne punir que ceux qui se montreraient obstinément réfractaires à la loi. Elle a pris ce dernier parti.
« Elle n'a donné aucune suite aux dénonciations qui lui avaient été adressées; mais elle a ordonné,pour l'avenir, une déclaration;solennelle à faire par tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics, semblable à celle qu'elle avait exigée des laïques chargés des fonctions publiques, qu'ils exécuteraient et maintiendraient la loi de PEtat.
« Toujours éloignée du dessein de dominer les opinions, plus éloignée encore du projet de tyranniser les consciences, non seulement l'Assemblée a laissé à chacun sa manière de penser, elle a déclaré que les personnes dont elle était en droit d'interroger l'opinion,comme fonctionnaires publics, pourraient se dispenser de répondre. Elle a seulement prononcé qu'aiors ils seraient remplacés, ils ne pourraient plus exercer de fonctions publiques, parce qu'en effet ce sont deux choses évidemment inconciliables, d'être fonctionnaire public dans un Etat, et de refuser de maintenir la loi de l'Etat.
« Tel a été l'unique but du serment ordonné par la loi du 26 décembre dernier, de prévenir ou de rendre inutiles les odieuses recherches qui portent sur les opinions individuelles. Une déclaration authentique du fonctionnaire public rassure
la nation sur tous les doutes qu'on élèverait contre lui. Le refus de la déclaration n'a d'autre but que d'avertir que celui qui a refusé ne peut plus parler au nom de la loi, parce qu'il n'a pas juré de faire maintenir la loi.
« Que les ennemis de la Constitution française cherchent à faire naître des difficultés sur la légitimité de ce serment, en lui donnant une étendue qu'il n'a pas ; qu'ils s'étudient à disséquer minutieusement chaque expression employée dans la constitution civile du clergé , pour faire naître des doutes dans les esprits faibles ou indéterminés; leur conduite manifeste des intentions et des artifices coupables; mais les vues de l'Assemblée sont droites ; et ce n'est point par des subtilités qu'il faut attaquer ses décrets.
« Si des pasteurs ont quitté leurs églises au moment où on leur demandait de prêter leur serment; si d'autres les avaient déjà abandonnées avant qu'on le leur demandât, c'est peut-être par l'effet de l'erreur qui s'était glissée dans l'intitulé de la loi, erreur réparée aussitôt qu'on l'a reconnue. Ils craignaient, disent-ils, d'être poursuivis comme perturbateurs du repos publie, s'ils ne prêtaient pas leur serment.
« L'Assemblée, prévoyant à regret le refus que pourraient faire quelques ecclésiastiques , avait dû annoncer les mesures qu'elle prendrait pour les faire remplacer. Le remplacement étant consommé, elle avait dû nécessairement regarder comme pertubateurs du repos public ceux qui, élevant autel contre autel, ne céderaient pas leurs fonctions à leurs successeurs : c'est Cette dernière résistance que la loi a qualifiée dé criminelle. Jusqu'au remplacement, l'exercice des fonctions est censé avoir dû être continué. » RÉPONSE,
Après avoir essayé de justifier les décrets sur la constitution du clergé par les intentions, les principes, les motifs del Assemblée,;on entreprend l'apologie du serment exigé des ecclésiastiques; et toujours fidèle à la même marche, on évite d'entrer dans le fond de la question, d'examiner l'objet du serinent, de discuter sa légitimité. On suppose tout ce qu'il serait nécessaire ae prouver; on met les vues et les intentions de l'Assemblée à la place des raisons.
Les auteurs de l'instruction se plaignent qu'on fait naître des difficultés sur la légitimité du serment, en lui donnant une étendue qu'il n'a pas. Pourquoi donc ne disent-ils pas eux-mêmes quelle est la véritable étendue de ce serment? Si les évêques,dan* leurs écrits, ont effectivement exagéré les obligations du serment, pourquoi cette réticence? S'ils l'ont entendu dans son vrai sens, pourquoi cette plainte? Voudrait-on jeter sur l'étendue du serment une incertitude perfide, se réserver le droit de l'expliquer dans l'occasion, de l'appliquer à son gré, d'en nier les conséquences qui seraient trop embarrassantes, ou d'adopter celles qui pourraient être utiles ? Je laisse ces ruses méprisables à ceux qui croient en avoir besoin, et je m'empresse de montrer que les obligations résultant du serment sont incompatibles avec la religion catholique. Je ne m'étudierai point à disséquer minutieusement chaque expression employée dans la constitution civile du clergé. C'est d'après le texte, l'esprit et l'ensemble des décrets que je vais prouver qu'un catholique ne peut en jurer le maintien.
Ed publiant ses décrets sur la constitution civile
du clergé, l'Assemblée nationale a déclaré qu'ils étaient constitutionnels; donc ils font partie de la Constitution de l'Etat; donc, en jurant de maintenir la Constitution, on se lie au maintien de celle du clergé; donc tous les articles de la constitution du clergé sont des objets du serment, et l'obligation de les observer, de les maintenir tous en est le résultat. Donc il suffit qu'il y ait dans la constitution du clergé quelque article contraire aux lois de l'Eglise catholique, pour qu'un catholique ne puisse pas prêter le serment exigé.
Or,la mission divine supprimée pàr les nouvelles élections, suppressions, mutations de métropoles et de diocèses ; les pouvoirs spirituels transférés par la puissance temporelle des chapitres aux premiers vicaires lors du décès des évêques; les pasteurs établis par une voie d'élection que l'Eglise n'a point consacrée, et par conséquent tous intrus; la juridiction universelle du Souverain Pontife méconnue; le presbytérianisme substitué à l'antique gouvernement que l'Eglise avait reçu de i'Esprit-Saint: ne sont-ce pas là des contradictions évidentes à la doctrine et aux lois de l'Eglise, et des obstacles insurmontables, pour tout fidèle catholique, à la prestation du serment? Nous sommes liés parles serments sacrés de notre consécration, de notre ordination, de notre baptême; nous ne pouvons pas en prononcer qui leur soient contradictoires.
En exigeant des pasteurs le serment de maintenir une constitution à la doctrine de l'Eglise, l'Assemblée attache au refus de ce serment une peine, c'est la destitution de leur office. Je vais considérer cette destitution sous un double point de vue ; je vais montrer qu'elle est tyranniqué et incompétemment prononcée; je vais prouver que l'Assemblée n'a ni dû ni pu l'infliger.
Les auteurs de l'instruction emploient l'artifice le plus adroit, pour dissimuler tout ce qu'aura d'injuste et de barbare la destitution des pasteurs, qui, fidèles à leur religion, auront refusé le serment. Selon eux, l'Assemblée n'a ordonné le serment que pour n'avoir pas à punir ceux qui s'étaient élevés contre la constitution du clergé. Elle a voulu jeter un voile sur de premières fautes, avertir ceux qui s'étaient écartés de leur devoir. Ainsi ils présentent à l'Assemblée et àlanalionce terrible et révoltant décretdu 27 novembre, comme un acte d'indulgence et de bonté. Ils montrent l'Assemblée toujours éloignée du dessein de dominer les opinions, plus éloignée encore du projet de tyranniser les consciences, laissant à chacun sa manière de penser, tellement que les fonctionnaires seront dispensés de répondre. Elle a seulement prononcé, ajoutent-ils, qu'alors ils seraient remplacés. Quelle expression douce et bénigne pour annoncer l'effet le plus atroce 1 Ainsi vont être dépouillés de leur état, privés de tous les moyens de subsistance, condamnés au supplice prolongé de l'indigence, livrés, eux et leurs familles qu'ils soutenaient, à toutes les horreurs, et à la mort lente de la misère, ces vertueux ecclésiastiques qui, fidèles à la voix de leur conscience, auront rejeté un serment contraire à la religion. On se vante de ne pas tyranniser les consciences, au moment où on met tous les pasteurs dans la cruelle alternative d'un serment criminel ou de leur ruine (lj.Voudraient-ils d'une pareille liberté
ceux qui disent que nous sommes libres de ne pas prêter le serment? Si ce n'est pas là une persécution ouverte contre l'Eglise, que l'on me dise en quoi consiste la persécution ? Et voilà où a conduit la religion, cette conjuration impie des athées, des déistes, des protestants, dont un célèbre orateur du Parlement d'Angleterre a dévoilé les perfides manœuvres.
Par quels motifs, par quels moyens cberche-t-on à pallier, à justifier ces vexations que l'on fait éprouver à l'Eglise ? Parce que, dit-on, ce sont deux choses évidemment inconciliables,d être fonctionnaire public dans un Etat, et de refuser de maintenir la loi de l'Etat... Le refus de la déclaration n'a d autre effet que d'avertir que celui qui a refusé ne peut plus parler au nom ae la loi, parce qu'il n'a pas juré de maintenir la loi. Ainsi les coupables auteurs qui ont fait adopter à l'Assemblée et la constitution dite civile du clergé, et l'instruction prétendue justificative, ne dissimulent plus leurs maximes anti-catholiques. Ce n'est plus, selon eux, au nom de Jésus-Christ que parlent les pasteurs de l'Eglise, c'est au nom de la loi. AU" moins ici nos adversaires deviennent conséquents. Dès que la religion n'est plus une émanation divine, mais une simple institution politique, c'est au magistrat politique à conférer la mission, à donner le droit d'exercer les fonctions religieuses.
Est-ce de l'Eglise, est ce de l'Etat que les ministres du culte sont fonctionnaires ? On ne s'attendait pas à voir s'élever une pareille question. Sans doute les pasteurs ont, d'après les lois civiles, des fonctions à exercer dans l'Etat ; mais ces fonctions de l'ordre temporel sont secondaires et accessoires à leur profession. Leur ministère
Srincipal et direct est d'être les ambassadeurs e Jésus-Christ, les délégués de l'Eglise, les pasteurs des âmes. C'est de l'Eglise qu'ils tiennent la mission, en vertu de laquelle ils exercent ce ministère sacré: comment l'autorité politique peut-elle les en dépouiller ? Qu'elle punisse la résistance à ses ordres, par la privation de ces fonctions civiles qu'elle a ajoutées aux fonctions spirituelles, elle n'excédera pas dans cette disposition Ja mesure de son pouvoir. Ce sera une injustice, puisque les pasteurs ont dû refuser le Serment, ce ne sera pas une usurpation. Mais il
lui est impossible d'enlever à un évêque, à un curé, ce qu'ils ne tiennent pas d'elle, leurs pouvoirs spirituels, leur mission et leur juridiction sur les âmes. Malgré les décrets, malgré les jugements, ce caractère sacré leur restera toujours. Toujours ils seront les vrais pasteurs des peuples. Ceux qui oseront entreprendre de les remplacer seront des intrus, des schismatiques que l'Eglise, dont ils diviseront l'unité, rejettera de son sein, que les peuples devront méconnaître, éviter,pour suivre les fidèles pasteurs que l'Assemblée nationale aura proscrits.
Je ne sais si on doit être plus étonné, ou plus révolté, de l'inconcevable maxime exprimée dans l'instruction. l'Assemblée a dû regarder comme perturbateurs du repos public ceux qui, élevant autel contre autel, ne céderaient pas leur place à leurs successeurs. Quoi I ce sont ces anciens pasteurs canoniquement installés, qui ont exercé paisiblement leurs fonctions jusqu'au moment où des mandataires de la puissance civile sont venus les y troubler, qui sont accusés d'élever autel contre autel? Assurément, l'un des deux est coupable de ce crime : ou celui qui a été établi par l'Eglise, ou celui qui, en vertu des décrets, prétend le remplacer. Il y a deux chaires dans la même Eglise ; l'unité est divisée, et c'est par le fait de l'un ou de l'autre des compétiteurs. Mais est-ce par celui qui siège en vertu de la mission de l'Eglise, ou par celui qui a reçu la sienne de l'Assemblée nationale? Peut-il y avoir un doute sur cette question ? a Comment, disait saint Cyprien, peut-on regarder comme pasteur celui qui, tandis que le véritable pasteur existe encore et préside dans l'Eglise de Dieu par l'ordre d'une succession légitime, vient, ne succédant à personne, et commençant un ordre nouveau, se rendre l'ennemi de la paix du Seigneur et de l'unité divine (1)? » Telle est la force des principes catholiques. On ne peut être ni revêtu, ni dépouillé des pouvoirs spirituels, que par la puissance spirituelle et par les moyens qu'elle a établis. Quiconque entre dans le sanctuaire par une autre voie n'est pas le pasteur du troupeau ; il est, selon Pexpres9ion de Jésus-Christ, un mercenaire, un voleur, un larron. Il est, die plus, un sçhismatique, s'il prétend siéger dans une chaire dont un autre pasteur n'a pas été légitimement exclu. Voilà le sort qui attend ces profanateurs prêts à envahir les places de ceux qui n'auront pas prêté le serment ; l'Eglise leur prépare les ana-thèmes dont elle écrasa autrefois les sectateurs de Donat et de Novatien. SUITE DE L'INSTRUCTION.
« Serait-ce le sacrifice de quelques idées particulières, de quelques opinions personpelles qui les arrêterait? L'avantage général du royaume, la paix publique, la tranquillité des citoyens, le zèle même pour la religion, seront-ils donc trop faibles dans les minisires d'une religion qui ne prêchent que l'amour du prochain, pour déterminer de tels sacrifices? Dès que la foi n'est pas en danger, tout est permis pour le bien des hommes, tout est sacrifié par la charité. La résistance à la loi peut entraîner, dans les circonstances présentes, une suite de maux incalculables; l'obéissance à la loi maintiendra le calme dans tout l'Empire; le dogme n'est point en danger ; aucun article de la foi catholique n'est atta-
qué. Comment serait-il possible, dans une telle position, d'hésiter entre obéir et résister? » RÉPONSE.
Ce ne sont point des idées particulières, des opinions personnelles dont il s'agit ici : ce sont les droits essentiels de l'Eglise, ses lois saintes, ses dogmes sacrés qui sont attaqués, et de pareils sacrifices ne sont point en notre pouvoir. Ce ne sont pas là des biens qui nous appartiennent et dont nous puissions disposer à notre gré. Nous en sommes dépositaires, comptables à Dieu et à l'Eglise. On cherche à nous entraîner par les considérations les plus puissantes sur nos cœurs: on nous présente l'avantage du royaume, la tranquillité des citoyens, la paix publique. Quelle paix, grand Dieu ! que celle dont la ruine de la religion est la condition! Quels sacrifices n'avons-nous pas faits à cette paix précieuse? Dépouillés de nos honneurs et de nos biens, nous n'avons fait entendre aucunes réclamations; calomniés, ersécutés, nous n'avons élevé aucuns murmures, 'il n'était encore question que de nous, si nos seuls intérêts étaient compromis, on verrait toujours en nous la même soumission, une obéissance aussi absolue. Mais les droits inviolables de l'Eglise, mais le sacré dépôt de la foi, rien ne les arrachera jamais de nos mains. On ose parler des maux que notre résistance peut entraîner : c'est qu'on craint le bien qu'elle doit produire ; c'est qu'on sent qu'elle sauvera la religion. Ce serait notre obéissance à ces décrets destructeurs qui causerait le plus grand des maux, qui entraînerait notre malheureuse patrie dans un schisme aussi déplorable que celui qui a perdu l'Angleterre. Dans une telle position, il nous est impossible d'hésiter entre obéir et résister. SUITE DE L'INSTRUCTION.
Français, vous connaissez maintenant les sentiments et les principes de vos représentants; ne vous laissez donc plus égarer par des assertions mensongères. » RÉPONSE.
Français, les projets des ennemis de votre foi sont maintenant à découvert. Vous pouvez enfin juger par quel motif on calomniait vos pasteurs ; on vous les présentait comme vos ennemis; on vous suscitait contre eux; on vous engageait à les exclure de vos assemblées. Ces criminelles manœuvres cachaient des vues plus profondes. C'était la religion catholique que l'on se proposait de renverser. Il a fallu commencer par détruire votre attachement à vos pasteurs, votre confiance en eux, et perdre les ministres pour anéantir plus facilement le ministère. Arrêtez-vous sur le bord de ce précipice qui est ouvert devant vous, et dont vous pouvez à présent sonder toute la profondeur. Ne vous laissez pas entraîner dans ce schisme effrayant où vous poussent les mains coupables qui ont causé, tous vos autres maux; conservez à ce royaume l'unité précieuse, la pureté de foi, qui depuis tant de siècles font sa gloire et son bonheur.
Vous allez vous trouver entre deux classes de pasteurs, et obligés de choisir ceux dont vous suivrez la voie, à qui vous confierez la direction
de vos âmes, flésiterez-vous entre ceux qui ont reçu leur mission de l'Eglise, par les moyens canoniques qu'elle a établis, et ceux qui tirent la leur de l'Assemblée nationale; entre ceux dont le ministère, par une succession non interrompue, remonte jusqu'aux apôtres, et ceux qui,interrompant cette vénérable tradition de ministère, vont commencer une succession nouvelle; entre ceux qui restent unis de communion à la sainte Eglise romaine et à toutes celles de la catholicité, et ceux que les anathèmes du Souverain Pontife et de tous les évêques vont frapper sur leurs sièges usurpés ; entre ceux qui, avant ces jours de désolation, jouissaient de toute votre estime, et des inconnus que l'intrigue et la simonie vont conduire au milieu de vous ; entre ceux qui, sacrifiant toutes leurs possessions, toutes leurs espérances, ne peuvent être animés que du noble motif du devoir, et ces avides intrus, impatients d'envahir le sacré ministère, dont leur ambition et leur avarice seuls suffiraient pour les faire déclarer indignes ? Ah ! mes frères, il s'agit ici de votre plus grand, de votre plus cher intérêt, de votre salut éternel : il n'en est point hors de l'Eglise; il n'y a pas d'Eglise loin des pasteurs légitimes. Ecoutez la voix salutaire de votre conscience, qui vous crie de ne pas vous engager à la suite de ces ministres prévaricateurs qui vous conduiraient dans le schisme, et de vous rapprocher plus fortement que jamais de vos anciens, de vos véritables pasteurs qui, seuls unis à l'Eglise par le lieu sacré de l'unité, peuvent seuls vous y tenir fermement attachés. FIN DE L'INSTRUCTION.
« Et vous, pasteurs, réfléchissez que vous pouvez, dans cet instant, contribuer à la tranquillité des peuples. Aucun des articles de la loi n'est en danger. Cessez donc une résistance sans objet; qu'on ne puisse jamais vous reprocher la perte de la religion, et ne causez point aux représentants de la nation la douleur de vous voir écartés de vos fonctions par une loi que les ennemis de la Révolution ont rendue nécessaire. Le bien public en réclame la plus prompte exécution, et l'Assemblée nationale sera inébranlable dans ses résolutions pour la procurer. » RÉPONSE.
Pasteurs des peuples, ministres et défenseurs de la foi, accourez à son secours, dans le moment où elle est si violemment attaquée; ralliez-vous autour de vos évêques, dont l'unanimité vous présente un si grand exemple. Il en est temps encore; votre courageuse résistance peut sauver l'Eglise, et empêcher qu'on ne ravisse à votre patrie la vraie religion, le patrimoine le plus sacré que nous ayons reçu de nos pères, l'héritage le plus précieux que nous puissions transmettre aux générations futures. Oh! vous qui, vous élevant au-dessus de toutes les espérances et de toutes les craintes de la terre, avez rejeté le coupable serment, bravé la pauvreté, la calomnie, la persécution, la mort, vous savez qu'une immense récompense doit un jour vous dédommager amplement de vos pertes. Mais j'ose vous annoncer que vous ne tarderez pas à la recevoir dès ce monde. Votre courageuse résistance, forçant tous les respects, désil-lera enfin les yeux trop longtemps fascinés. La
même loi civile qui vous proscrit aujourd'hui vous ramènera au milieu de vos peuples, plus grands par votre abnégation, plus honorés par vos disgrâces, plus chéris par vos malheurs. C'est là que vous recueillerez le premier fruit de vos sacrifices, celui qui fut toujours sur la terre le premier objet de vos travaux, le vœu le plus cher de votre cœur, l'estime, la vénération, l'amour de vos paroissiens, qui auront appris par vos épreuves à connaître de plus en plus vos vertus, et dont l'attachement sera encore augmenté de la crainte qu'ils auront de vous perdre. Et vous qui, dans ce grand combat de la conscience contre l'intérêt, n'avez pas montré le même courage, vous que les suggestions étrangères, que le défaut d'instruction, que la crainte de la misère, que la terreur d'un peuple soulevé, que les larmes d'une famille, dont vous êtes les seules ressources, ont engagé à prêter le déplorable serment, et à faire le premier pas vers le schisme, vous avez par une grande faute scandalisé l'Eglise ; mais elle vous tend encore les bras, pour vous relever de votre chuté. Elle vous crie ce que son divin fondateur disait au che/ des apôtres : Et tu aliquando convenus confirma fratres tuos. Gardez-vous de consommer ce schisme dont vous avez pris le criminel engagement. Hâtez-vous de révoquer le funeste serment arraché à votre faiblesse. Votre malheureuse démarche a pu ou scandaliser, ou égarer votre troupeau. Que votre glorieux retour, réparant toutes les impressions fatales, édifie les uns et ramène lés autres. Plus une rétractation coûtera à votre cœur, plus elle sera méritoire devant Dieu, efficace pour les hommes. Et tu aliquando conversus confirma fratres tuos. Voyez les grands exemples qui vous ont été donnés, et dans l'Assemblée nationale, et dans les paroisses de la capitale. Rougiriez-vous d'imiter, dans leur réparation, ceux que vous avez eu le malheur d'imiter dans leur erreur? Ah I c'est de persister dans votre faute,, c'est d'y entraîner ceux que vous êtes chargés d'en préserver, c'est d'abandonner l'Eglise lorsqu'elle a besoin de votre appui, c'est eufin de résister à la fois, et à la loi qui vous commande, et à votre conscience qui vous presse, que vous auriez à rougir. Et lu aliquando conversus confirma fratres tuos.
Le moment va arriver, que vous n'avez pas prévu, quand vous avez prononcé le fatal serment ; il vous presse; vous ne pouvez le retarder. Il va paraître au milieu de vous, cet évêque intrus qu'aura élevé une élection irrégulière. Auquel de vos serments serez-vous lidèles? Sera-ce à celui que vient de vous arracher la crainte, ou de vous extorquer la séduction ? Sera-ce à celui que vous prononçâtes au pied de votre légitime évêque, lorsqu'il vous introduisit daus le sanctuaire ? 11 n'y à plus à hésiter; il faut à ce moment même opter. Il faut irrévocablement décider si vous et le peuple, que vous êtes chargés de conduire, serez catholiques ou schismatiques. Oserez-vous franchir cette nouvelle barrière ? Oserez-vous vous charger encore de ce péché ? Non, j'ose l'espérer, je l'attends de votre foi ; l'excès même du crime ouvrira vos yeux, arrêtera vos pas. Vous dissiperez toutes les illusions, vous surmonterez toutes les terreurs, vous vous réunirez à vos légitimes évêques, à vos fidèles collègues; plus éclairés par vos erreurs, devenus plus forts par votre chute, vous confirmerez dans la vraie foi, par votre glorieux retour, ce peuple que votre égarement a pu ébranler. Et tu aliquando conversus confirma fratres tuos.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du pro-cès^yerbal de la séance d'hier, qui est adopté.
Je ferai une observation sur le décret que vous avez rendu relativement à la formule de publication des lois. Cette formule et la manière dont elle est ordonnée sont insuffisantes ; les simples mots : mandons et ordonnons, etc., qu'on lit au bas de chaque loi, ne permettent pas de faire distinguer les lois qui sont constitutionnelles de celles qui ne sont que réglementaires. Je croirais bon qu'à la fin de la loi.il fût mis par le roi ces mots : Nous avons accepté, et, par ces présentes signées de notre main, acceptons et mandons, etc., ou bien, suivant la nature des lois promulguées, ceux-ci : Nous avons sanctionné, et, par ces présentes signées de notre main, sanctionnons et mandons, etc... ; Je demande que le comité de Constitution soit tenu de présenter'incessamment à l'Assemblée des vues sur cet objet.
Cette ligne de démarcation entre les lois constitutionnelles et les lois réglementaires doit être tracée par le comité de revision, Je demande donc le renvoi de la proposition aux comités de revision et de Constitution réunis. (Cette motion est décrétée.)
Un membre du comité d'aliénation propose et l'Assemblée nationale décrète la vente de biens nationaux à différentes municipalités dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret ;
Savoir :
A la municipalité de Ghalon - sur - Saône,
pour la somme de... 1,258,670 1. 18 s. »d.
A la municipalité d'E-pervans et la Rougère. 18,404 19 »
A la municipalité de Grignon et les Granges. 39,799 18 » A la municipalité de
Nuits................. 34,785 13 »
A la municipalité de
Puiaux.............. 336,103 9 »
A la municipalité de
Bernis...................26,212 17 »
A la municipalité de
de la Drôme......... 121,835 1 12 s. »d.
A la municipalité du péage de Pisançon,
même département.,. 15,820 » ».
A la municipalité de Pisançon et Delphi -naux, môme département........................209,806 18
A la municipalité de Beauregard, Jaillans et
Meymans......................30,828 2 »
Âla municipalité
d'Eymen....................21,091 3 »
A la municipalité de
Hostin....................11,636 13
A la municipalité de
Peyrius....................43,433 10 »
A la municipalitéd'O-
nayetMiribel.......'. 6,227 » »
A la municipalité de
Saint-Jean-d'Oclavéon . 3,080 » » A la municipalité de
Mercurol.....................17,923 19
A la municipalité de
Ghantemerle ..............15,218 2 »
A la municipalité de
Lens-1'Etang....i..........153,430 ! :16 6
A la municipalité de
Moras.......,.....,. , 232,762 4 6
A la municipalité de
l'Aveyron...............26,005 2 »
Ala municipalitéd'A-
nevron............................71,773 6 »
A la municipalité
d'Albon.....................-13,700 17
« Le tout ainsi qu'il est plus au long porté aux décrets de vente et états d'estimations respectifs, annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
Il est fait lecture d'une lettre de M. Milandre, par laquelle il demande à l'Assemblée nationale la permission de lui dédier un plan en relief du champ de la fédération, qu'il avait obtenu de placer dans la satle.
Je demande qu'il soit fait mention honorable de cette lettre dans le procès-verbal. (Cette motion est décrétée.)
permet à M. Milandre d'assister à la séance. Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Montmorin, relative à une délibération du directoire du département d'Ille-et-Vilaine, tendant à faire autoriser ce corps administratif à employer, sur les pétitions des municipalités, une partie des fonds qui se trouvent dans les caisses de fabrique à des travaux de charité et autres dépenses indispensables. (L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre aux comités des finances, ecclésiastique et des secours.)
Il y a des membres de l'Assemblée qui ne viennent pas de bonne heure à l'Assemblée, pour qu'on ne délibère pas ; il faudrait dire sérieusement à tous les membres qu'ils doivent se rendre à l'heure aux séances.
Il n'y a qu'un moyen de .faire venir les paresseux, c'est de commencer la séance par l'ordre du jour. L'ordre du jour est la suite de la discussion sur les jurés (1).
, rapporteur en Vabsence de M. Duport, donne lecture de l'article 1er du titre Y relatif aux fonctions de commissaire du roi. Cet article est ainsi conçu :
Art. 1er.
Dans tous les procès criminels, soit au tribunal de district, soit au tribunal criminel, le commissaire du roi sera tenu de prendré communication de toutes les pièces et actes, et d'assister à l'instruction. »
Je crois qu'on ne peut pas décréter l'article ; l'Assemblée n'est pas assez nombreuse.
Nous avons déjà rendu des décrets d'aliénation pour près de six millions; si l'Assemblée était en nombre pour cela, elle l'est également pour décréter toute autre chose.
Messieurs, je ne prétends faire l'apologie d'aucun membre de l'Assemblée; mais je crois que ceux qui ne sont pas encore venus, travaillent aux comités à vous présenter quelques projets de décrets. (.Interruption.) Plusieurs voix : L'ordre du jour ? (L'incident est clos.) Un membre : Messieurs, il arrivera souvent à l'égard des commissaires du roi ce que nous avons vu quant aux procureurs du roi ; ils peuvent être malades, absents. Il faudrait donc un article additionnel qui pût pourvoir à ces cas, et les faire remplacer.
(de Saint-Je an-d'Angely). Il faut que lé comité de Constitution
présente a l'Assemblée des mesures et qu'elle adopte elle-même un moyen
de faire remplacer le commissaire du roi dans ses fonctions, lorsqu'il
sera absent ou qu'il sera malade. Mais ce n'est pas dans ce moment-ci
que nous devons nous en occuper : les fondions de commissaire du roi
sont différentes de celles dont il s'agit; dans ce moment elles sont
infiniment plus généralisées. Déjà plusieurs projets'ont été présentés,
déjà des personnes ont reconnu la nécessité de nommer un substitut au
commissaire du roi, ou au moins, si on ne lui donne pasun membre pour le
remplacer, il sera bon de désigner celui qui devra exercer ses
fonctions; comme elles portent sur d'autres cas, je demande que l'on ne
décide pas à cet instant. Cette question est importante, je demande
qu'on la renvoie aux comités de jurisprudence criminelle et de
Constitution, pour vous présenter des vues sur cet objet, et qu'il soit
fait mention du renvoi dans le procès-verbal. (Ce renvoi est ordonné.)^
L'art. Ier est ensuite décrété.
Art. 2.
« Le commissaire du roi pourra toujours faire
Je crois qu'il pourrait y avoir un inconvénient à ce que les réquisitions fussent faites verbalement seulement. Je propose de dire : « Le commissaire du roi pourra toujours faire au juge toutes les réquisitions convenables. Ces réquisitions seront faites par écrit et il lui en sera délivré acte. »
(de Saint-Jean-d,Angely).Je crois cet amendement inutile et dangereux. Je le crois inutile, pà'rce qu'il faut nous reporter à la situation où se trouvera le commissaire du roi vis-à-vis du directeur du juré, des juges, des jurés et du public. Un témoin, par exemple, ne suivra pas la loi dans sa manière de déposer; quelque chose se passera de contraire à la loi : si vous voulez que le commissaire du roi fasse sa réquisition par écrit, il faut qu'il dise : « Monsieur le directeur du juré, ie vous demande de suspendre le débat pour que je rédige par écrit une réquisition. » Vous voyez l'extrême inconvénient qu'entraînerait la proposition du préopinant. Au lieu de cela, c'est une marche toute simple : le commissaire du roi se lève et fait une réquisition. La proposition du préopinant est également dangereuse, parce qu'elle arrêterait le cours du débat et que, ne voulant pas l'arrêter, le commissaire du roi ne ferait pas de réquisition. L'article dit« Il sera délivré acte de ces réquisitions. » Or, il est impossible de délivrer acte d'une réquisition sans l'écrire. Ainsi quand le commissaire du roi aura fait sa réquisition, qui sera peut-être un peu prolixe, comme cela arrive toujours quand on parle d'abondance, on réduira sa proposition aux moindres termes ; le directeur du juré la fera écrire à son greffier et il dira : « Le commissaire du roi s'est levé, il a demandé telle chose; on lui en a accordé acte et on a satisfait à sa demande de telle ou telle manière.|On constatera, dans le procès-verbal, et la réquisition du commissaire du roi et la décision du juge. Je demande la question préalable sur l'amendement. (L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amehdepaent.) L'article 2 est décrété.
Art. 3.
« Lorsque le directeur du juré Ou le tribunal criminel n'auront pas jugé à propos de déférer à la réquisition du commissaire du roi, l'instruction ni le jugement n'en pourront être ni arrêtés, ni suspendus, sauf au commissaire du roi du tribunal criminel à se pourvoir en cassation après le jugement, ainsi qu'il va être détaillé ci-après. » (Adopté.) TITRE VI.
Procédure devant le tribunal criminel.
Art. Ier
« Nul ne pourra être poursuivi criminellement et jugé que sur une accusation reçue par un juré composé de huit citoyens. » (Adopté.) Art. 2.
« Si le juré a déclaré qu'il y a lieu à accusation, le procès et l'accusé, dans le cas où il sera détenu, seront envoyés, par .lés ordres du commissaire du roi, au tribunal criminel du département, et ce, dans les vingt-quatre heures de la signification qui lui aura été faite de l'ordonnance de prise de corps. » _(Adopté.\...... Art. 3.
« Néanmoins, dans les deux cas ci-après : savoir, si le juré d'accusation est celui du lieu où est établi le tribunal criminel OU Si Paccusé est domicilié dans ie district où siège le tribunal, l'accusé.aura le droit de qemandçr.à.être jugé par l'un des tribunaux criminels des deux départements les plus voisins. » (Adopté.). Art. 4.
« L'accusé ne pourra cepèndant exercer ce droit, qu'autant que le tribunal criminel, qu'il est autorisé à décliner dans les deux cas ci-dessus, se trouve établi dans une ville au-dessous de 40,000 âmes.
(de Saint- Jean-tf Angély), Si M, le rapporteur était là, je demanderais pourquoi il a cru devoir faire uue exception en faveur des grandes villes ? Il est certain que le motif de l'article précédent, qui donne la faculté à un accusé de décliner les juges de son département, est fondé sur le désir qu'a la loi de voir un accusé jugé par des hommes en qui il aura la plus haute confiance et de l'impartialité desquels il sera certain. Jl doit avoir la faculté de décliner le tribunal du département où il demeure, ou du département qu'il a quitté, lorsqu'il aura un soupçon de partialité ou un autre quelconque. Les mêmes raisons existent, lorsque la ville a plus de 40,000 habitants comme lorsqu'elle n'en a que 10,000; les juges sont les mêmes. Je ne vois pas de raison pour qu'un individu qui demeure à Paris, par exemple, n'ait pas la faculté de décliner un tribunal, comme un individu qui demeurera à Meluu. Cependant, je conçois qu'on pourrait répondre que dans les petites villes on se connaît davantage que dans les grandes, que l'intrigue a plus d'action, que les passions y sont plus actives, que les haines même, lorsqu'il en existe, y sont plus fortes; mais enfin, elles peuvent exister aussi, ces cabales, ces haines, ces intrigues, ces passions, dans une grande ville, et Toulouse nous en a donné l'exemple lors de l'événement malheureux de Galas. Je demande donc la question préalable sur l'article.
, rapporteur. Nous avons pensé qu'il était utile en général d'établir qu'aucun citoyen ne pourrait être jugé dans le lieu de l'accusation, ni dans le lieu de son domicile. Nous n'avons pas craint de proposer cette exception par la raison que s'il y a un véritable inconvénient, c'est celui qui a été relevé par le préopinant. ,7
Mais nous avons cru que dans les villes au-dessus de 40,000 âmes, ie danger était infiniment moindre; nous avous pensé que, hors les temps de révolution où un pays entier peut être livré à des différences marquées d'opinion, hors ce cas-là, dis-je, nous avons pensé que dans une ville
considérable les délits, les vols, les assassinais, les meurtres et autres crimes semblables, ne pouvaient jamais exciter la totalité de la ville, soit pour défendre injustement un accusé, soit pour le condamner. Les citoyens sont un peu plus étrangers les uns aux autres et le sont beaucoup plus dans une ville où il y a 40,000 âmes.
Nous avons pensé que dans les villes comme Paris, Bordeaux, Nantes et autres semblables, la police devenait nécessairement plus difficile et qu'il y fallait nécessairement un plus grand nombre d'exemples pour y maintenir l'ordre et le respect des lois.
Qn cite du reste souvent le procès de Calas sans faire attention que cette prévention, cet égarement de l'opinion, tenait à des opinions religieuses.
(L'article 4 est décrété.)
Art. 5.
« Lorsque l'accusé se trouvera dans l'un des deux cas mentionnés dans l'article 3 ci-dessus, l'ordonnance de prise de corps, après avoir énoncé l'ordre de le conduire dans la maison de justice du tribunal criminel du département, dénommera eu outre les villes des deux tribunaux criminels les plus voisins, entre lesquels l'accusé pourra opter. » (Adopté.)
, rapporteur; donne lecture de l'article 6, qui est ainsi conçu : « L'accusé détenu dans la maison d'arrêt, notifiera au greffe son option dans les vingt-quatre heures de la signification qui lui aura été faite de l'acte d'accusation; après lequel temps, il sera envoyé à la maison de justice soit du tribunal direct, soit de celui qu'il aura choisi. »
Vous donnez à l'accusé l'option entre deux tribunaux; mais s'il arrive que deux accusés soient impliqués dans la même affaire, que l'un opte pour un tribunal et l'autre pour un autre, comment fera-t-on dans ce cas-là?
, rapporteur. Le jugement pourrait être porté dans la ville d'habitation ; mais il est évident qué l'acte d'accusation ayant été fait dans le lieu même où pourrait être situé le tribunal, ils sont tous deux dans ie même cas.
Il y a le cas où l'accusé demeurerait et serait jugé dans un département et serait joint à un coaccusé qui n'y demeurerait pas. Il y a encore un cas où, entre les deux tribunaux criminels dont l'option serait donnée, l'un choisirait l'un, et l'autre choisirait l'autre.
Je conviens qu'il est nécessaire de faire un article de règlement qui détermine cet objet. Si l'Assemblée veut délibérer tout de suite, il faut dire : « Ils seront tenus de se concerter pour le choix et, s'ils ne peuvent pas se décider, le sort en déciderai. »
L'article 6, mis aux voix, est adopté comme suit ;
Art. 6.
« Dans les cas mentionnés ci-dessus, si l'accusé est détenu dans la maison d'arrêt, il notifiera au greffe son opinion dans les 24 heures de la signification qui lui aura été faite de l'acte d'accusation : après lequel temps il sera envoyé à la maison de justice, soit du tribunal direct, soit de celui qu'il aura choisi. S'il y a plusieurs accusés qui ne puissent s'accorder sur le tribunal, ils tireront au sort entre eux. »
Les articles 7, 8, 9, 10 et 11 sont ensuite adoptés sans discussion en ces termes : Art. 7.
« Si, dans les mêmes cas, l'accusé n'avait pu être saisi sur le mandat d'envoi de l'officier de police, mais seulement en vertu de l'ordonnance de prise de corps, il sera conduit, par celui qui en est porteur, devant le juge de paix du lieu où il sera trouvé, pour y passer la déclaration de l'option dont il vient d être parlé, ou de son refus de la faire, de laquelle déclaration le juge de paix gardera minute, et délivrera expédition au porteur de l'ordonnance. » Art. 8.
« Le porteur de l'ordonnance, après avoir remis l'accusé dans la maison de justice du tribunal direct, ou de celui qu'il aura choisi, remettra également au greffe la déclaration de l'accusé, ainsi que l'ordonnance de prise de corps. » Art. 9.
« Le greffier donnera connaissance de ces deux actes à l'accusateur public; et si le tribunal que l'accusé a préféré, n'est pas le tribunal direct, l'accusateur public fera notifier ces actes au greffe de ce dernier tribunal; et sur la réquisition qu'il en fera par l'acte même de notification, les pièces lui seront renvoyées. » Art. 10.
« Dans tous les cas, 24 heures au plus tard après l'arrivée de l'accusé, et la remise des pièces au greffe, il sera entendu par le président, en présence de l'accusateur public et du commissaire du roi ; le greffier tiendra note de ses réponses, laquelle sera remise au président pour servir de renseignement seulement. Art. 11.
« Tout accusé pourra faire choix d'un ou deux amis ou conseils, pour l'aider dans sa défense ; sinon le président lui désignera un conseil; mais 11 ne pourra jamais communiquer avec l'accusé que deux jours après qu'il aura été amené. » ;
, rapporteur, fait lecture de l'article 12 qui est ainsi conçu : Art. 12. Le premier de chaque mois, le président dU tribunal criminel fera tirer au sort 12 jurés, sur la liste desquels il sera parlé au titre XI.
Je demande l'ajournement de l'article, car je crois qu'en le décidant dès à présent, on préjuge une question délicate, savoir si l'accusé pourra ou ne pourra pas décider ou récuser à vue. .
, rapporteur. Nous avons cru qu'il y avait quelque chose de ridicule à faire venir des jurés de loin uniquement.pour que l'accusé leur dise que leur figure ne lui plaît pas : voilà ce qui nous a paru incontestable. Nous avons donc pensé qu'il fallait se borner à présenter à l'accusé 12 hommes tirés au sort dans une liste nombreuse; qu'en lui présentant ce tableau, il aurait le droit de les récuser tous, sans en donner le motif; qu'alors on lui présenterait une nouvelle liste de 12 personnes sur lesquelles il en pourrait encore recuser 8. Ainsi c'est à 2CT que nous avons fixé la récusation que les accusés pourraient faire des jurés.
En Angleterre, une grande partie des jugements criminels Sont rendus à la cour du Banc du roi. Il est possible que du comité dé Northuinberland on y fasse venir un juré et malgré cela il est exposé à être récusé sans cause) dès qu'il paraît. Le comité propose de nbus priver dé la récusation à tue; cette question est de la plus haute importance. Je dëmànde formellement que l'article soit ajourné.
Je propose de tédigef ainsi l'article :
Art. 12.
t. Le premier de chaque mois, le pfésidetit du tribuhkl criminel fera foftnër le tàbleh.u des jurés de la mahière qu'il sera dit au titre Xt. » (Adopté.)
Les articles 1$, 14 , 15,16, U ét 18 sont ênsUité adoptés dans les termes sdivants : Art. 13.
« Le 15 de chaque mois, s'il y a quelque affaire à juger, le juré de |ugemént. s'assemblera sur la convocation qui en sera faite le 5 de chaque mois* Art. 14.
« L'accusateur public sera tenu, aussitôt après l'interrogatoire, de raire ses diligences dè manière que l'accusé puisse être jugé à la première as-semblée du juré, qui suivra son arrivée? Art. 15.
« Si l'accUsaleuE public ou l'accusé ont des motifs de demander que l'affaire nq soit pas portéé à la première assemblée du juré, ds présenteront leur requête en prorogation de délai au tribunal criminel, lequel décidera si cette prorogation doit être accordée. Art. 16.
« Si le tribunal criminel jugé quHl y a lieu d'accorder la demande; ce délai ne pourra néanmoins être prorogé au delà de l'assemblée de jurés, qui aura lieu le 15 du mois suivant* Art; 17.
« La requête en prorogation de délai Sera présentée avant le jô de chaque mois, époque de la convocation du jure. Art. 18.
« Le nombre de 12 jurés sera absolument nécessaire pour former un juré de jugement. »
propose d'ajouter à l'article 19 la présence de l'accusateur et de l'accusé) et d'imposer aux jurés l'obligation de ne communiquer aVèô personne jusqu'Après leur déclaration. Cette modification est adoptée et l'àrticle 19 est décrété comme suit ;
Art. 19,
i Le jdgfej en présence du public-, du cbminis-saire du roi, de l'accusé et dé l'Accusateur, fera prêter à chaque juré séparément le serment suivant i * Citoyen* vous jurez et promettez d'eXa-« miner avec l'attention la plus scrupuleuse les t chàrges portées éontre un tel.;.. ; de ne com-*' ihuniquer avec personne jusqu'après votre « déclaration { de n'écouter ni là haine ou là méchanceté, ni la crainte OÙ l'affection ; dè
« vous décider d'après les témoignages et suivant « votre conscience et votre intimé et profonde « conviction, avec l'impartialité ét la fermeté qui * conviennent à un homme libre. » Art. 20.
* Le serment prêté, les jurés prendront place tous ensemble sur des sièges séparés du public et des parties, et ils seront placés en face de l'accusé et des témoins. (Adopté.) *
, rapporteur, donne lecture de l'article 21 qui est ainsi conçu : « Dë ce moment, ils ne pourront communiquer avec personne par écrit, paroles bu gestes, jusqu'à ce qu'ils aient fait leur déclaration. »
L'exécution. de cet article est impossible pour les affaires dont la discussion emportera plusieurs séances; oit ne pourra jamais empêcher qu'Un Citoyen qui aura ëxercé dans la journée les fonctions de juré, en rentrant le soir dans le geih de sa famille, nàit aucune communication avec qui que ce soit.
appuie Cette opinion.
, rapporteur. L'article du comité n'eét que réglementaire et Sôuieinènt; proposé pour rappeler au juré combien il doit ètrë scrupuleux à remplir son dangereux ministère ; mais les comités n'ont jamais pensé que l'inobservance de cette loi dût emporter quelque peine.
Il faudrait dire : « De ,ce nao4-ment, et tant qu'ils resteront dans Vauditoire, etc... ! »
, rapporteur. J'adopte cette modification.^ t L'article 21 est décrété comme suit : Art. 21. « Dé Ce moment) et tant qu'ils resteront dans l'auditoire, ils ne pourront communiquer avec personne par écrit, paroles ou gestes, sauf les éclaircissements qu'ils pourront demander, suivant la forme qui va être expliquée, y
, rapporteur, donne lecture de l'article du titre Vil,. qui traite de Vexamen et de la conviction. Cet article est ainsi conçu :
Aft. 1er.
« En présence des juges* de l'accusateur public, dû commissairejau roi, des jurés et du public, l'accuse comparaîtra à la narre, libre et sans fers ; le président lui dira qu'il peut s'asseoir, lui demandera son nom, âge, profession et demeure, dont il sera tenu note par le greffier* »
Ne trouveriez-vous pas d'ipcon-vénientdaus ces mots : « L'accUsé éomparaitra à la bàtre, libre et sàhs fers i »
, ràpporïèitr. Tout le ïilôûdë doit éàmr que, dans ranéièii brdre de choses, un àcjj cusé comparaissait toujours Iibrë et sabS fers daiiS une audience, sans même qd'il eût aucun garde. (Mur mur eà.). Il me paraît feltraôfdiûâirë qu'on me contesté
ce fait ; j'affirme que dans le Parlement de Paris, l'accusé n'a jamais manqué de comparaître libre et sans fers et môme saus qu'il y eût aucune espèce de garde dans la salle où il était conduit. 11 est bon cependant d'empêcher qu'un accusé poisse s'enfuir ; mais ce sera dans les règlements à faire qu'il faudra exiger qu'il y ait des gardes autour de l'accusé pour l'empôcner de s'évader. Il n'y a pas, du reste, un citoyen honnête qui ne puisse être l'objet d'une accusation criminelle et il serait barbare de traiter avec dureté un individu qui doit être présumé innocent, jusqu'à ce que la loi l'ait déclaré criminel. • Je demande donc qu'en prenant des précautions, vous laissiez ce qui était dans l'ordonnance de .1670 et que l'accusé comparaisse à la barre, libre et sans fers.
Un accusé doit être libre devant le juge qui l'interroge et qui va prononcer sur son sort; c'étaitla disposition de l'ordonnance de 1670. L'article doit rester tel qu'il est, surtout dès que, par des règlements particuliers, on pourra veiller à ce qu'il y ait une garde suffi' santé à la porte de l'auditoire où se trouvera l'accusé. Ainsi, je demande la question préalable sur l'amendement.
Ce n'est pas pour les juges ni pour le public qu'un accusé peut être dangereux* mais pour les témoins ; ainsi il n'est pas étonnant qu'au Parlement, où très rarement les accusés étaient en face des témoins, ils fussent dans l'usage de comparaître sans fers. Mais je puis attester que, dans les juridictions inférieures, les accusés se portaient à de grandes violences contre les témoins qui les chargeaient dans les confrontations : l'ancien usage avait été établi pour la sûreté des témoins et pour que le temple de la justice ne devint pas une arène de gladiateurs.
Ma malheureuse destinée m'a conduit à présider, à Montargis, au jugement d'un procès où 120 scélérats ont été exécutés j 80 d'entre eux ont dit qu'ils auraient immolé plus d'une victime s'ils avaient été libres et je vous assure qui si les juges n'avaient pas {iris de précaution pour se préserver des vio-ences de ces criminels, ceux-ci se seraient portés à des extré mités. Un membre : J'ai vu, Messieurs, dans une circonstance* un accusé vouloir égorger le lieutenant criminel ; et si on ne fût venu promptement à son secours, il aurait péri à coups de couteau, dont il parvint heureusement à parer le premier coup. On a vu des accusés tellement féroces qu'il a fallu faire une cage pour les renfermer pendant la confrontation. . Je crois qu'il faut ajouter à l'article que l'accusé sera libre et sans fers quand le président le croira convenable^
, rapporteur. Je demande la question préalable sur Jes amendementSè L'accusé sera dans un endroit séparé de celui qu'occuperont les juges et les témoins ; d'ailleurs, les comités voué présentèrent, dans des articles subséquents, des mesures pour rendre inutile la violence des accusés furieux. (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements.) L'artiele 1er est ensuite adopté.
Art. 2.
«Le président avertira l'accusé d'être attentif à tout ce qu'il va entendre, il ordonnera au greffier de lire l'acte d'accusation î après qUoi il rappellera clairement à l'accusé ce qui y est contenu; il lui dira : « Voilà de quoi vous êtes ac-« cusé; vous allez entendre les charges qui « seront produites contre vous. » (Adopté.)* n Art. 3.
« L'accusateur publié, ainsi que la partie plaignante, s'il y en a, feront entendre lfeurd témoins i ceux-ci, avanft de déposer, prêterbttPseiffftetit de parler sans hainé et sans cràtoité*, de dii'é lit'Vérité, toute la vérité, rien que lu vérité. i» (Adopté.) Art. 4.
« La liste deâ témoins qui doi\tènt déposer, sera notifiée à l'accusé 24 heures au moins avftnt l'examen. » (Adopté.) Art. 5
« Après chaque déposition, le président demandera à l'accusé s*il Vébt répondre à ce qui vient d'être dit contre lui. L'accusé pourra* ainsi que ses amis ou conseils, dire* tant contre les témoins que contre leur témoignage, ce qu'il jugera utile à sa dôfease ; il pourra les question-' ner. L'accusateur publrc, les jurés et le président» pourront aussi demander les éclaircissements dont ils croiront avoir besoin. * (Adopté*) v \ Art. 6.
« Le témoin sera toUjoiir's ténu de déclara* d*a-bord si c'est de .l'accusé, présent qu'il entend parler, et s'il connaissait l'accusé avant le fait. » (Adopté.)
Un¦ membre propose un article additionnel qui est ainsi conçu : Art. 7.
• Il sera demandé au témoin s'il est pàrenÇ, allié, serviteur et domestique d'aucune des parties, » (Adopté.) Art. 8 (ancien art. 7).
« Lorsque les témoins de l'accusateur public et de la partie plaignante, s'il y en a, auront été entendus, l'accusé pourra faire .entendre les siens ; l'accusateur public où la partie plàigbanté pourront également les questionnerait dire sur eux, ou leur témoignage, tout ce qu'ils jiigeront nécessaire. » (Adopté.) Art. 9 (ancien art, 8)» ,.
« Les témoins ne pourront jamais s'interpeller entre eux. »
Valné* Cet article suppose que tous les témoins devront être, présents à l'auditoire ; car dès qu'ils n'y seraient pas présents, ils n'auraient pas lé moyen de s'interpeller. Or, .je pense que les témoins ne doivent paraître que successir vement et singulièrement devant le juré et devant l'accusé, parce que, comme vous le disait fort bien M. Tronchet, chaque témoin n'est là quet pour son témoignage ; parce que les témoins rassemblés à l'auditoire pourraient compromettre le sort de l'accusé; se confédêrer entre eux et combiner leurs dépositions; (L'article 9 est adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 10 (ancien art. 9), qui est ainsi conçu : « L'accusé, ainsi que ses amis ou conseils, pourront demander que les témoins produits contre lui soient introduits et entendus séparément, même après qu'ils auront déposé. Il pourra demander encore que ceux qu'il désignera se retirent de l'auditoire et qu'un ou plusieurs d'entre eux soient introduits de nouveau, séparément ou en présence les uns des autres. »
II est évident que cet article-là suppose, pour règle générale, que les témoins pourront comparaître ensemble, puisqu'il ne reste à l'accusé que la faculté de demander qu'ils soient entendus séparément. Je persiste dans l'observation que j'ai déjà faite, qu'il est du plus grand danger pour l'accusé et l'innocence, que les témoins soient entendus, en général, en présence les uns des autres, parce qu'un témoin n'a pas besoin d'entendre la déposition d'un autre témoin. Je demande, en conséquence, que l'article soit rédigé ainsi :
Art. 10.
« Les témoins seront entendus séparément; l'accusé pourra par lui-même, ou par ses amis ou conseils, demander qu'ils soient entendus en présence les uns des autres. Il pourra demander encore, après qu'ils auront déposé, que ceux qu'il désignera se retirent de l'auditoire, et qu'un ou plusieurs d'entre eux soient introduits et entendus de nouveau, séparément, ou en présence les uns des autres. » (Cette rédaction est adoptée.) Art. 11 (ancien art. 10).
« L'accusateur public aura la même faculté à l'égard des témoins produits par l'accusé. »
Je demande que le même droit soit donné à l'accusateur public pour tous les témoins, après qu'ils auront été entendus une première fois séparément. Car comment voulez-vous que l'accusateur fasse tomber les dépositions de plusieurs témoins produits par l'accusé s'il ne peut pas faire reparaître ses témoins de nouveau ou ceux de la partie plaignante? Ne résultera-t-il pas de cette comparaison des témoins de l'accusateur et de la partie plaignante d'un côté et de ceux de l'accuse de l'autre, une plus grande lumière pour la découverte de la vérité? Ainsi, je crois qu'il serait juste de rédiger l'article comme suit: « L'accusateur public et la partie plaignante auront la même faculté. »
, rapporteur. Je ne sais s'il ne résulterait pas un très violent et très fâcbeux scandale de ce combat direct fait devant le juré et le public entre un homme qui poursuit une réparation en matière civile et celui qui risque sa vie et son honneur. Je crois que la partie civile a le droit de fournir tous les moyens et d'indiquer tous les témoins mais que c'est à l'accusateur public à les faire entendre. Un pareil combat serait l'abolition des mœurs qu'on doit respecter et de la pudeur publique qu'il faut épargner» Plusieurs voix: La question préalable! (L'Assemblée consultée, décrète, après deux épreuves déclarées douteuses, qu'il y a lieu à délibérer.)
Puisque l'Assemblée a jugé à propos de passer à la délibération sur l'amendement, je ne reviens point sur la question préalable; mais j'en demande l'ajournement. Je suis convaincu que lorsque chacun des membres de cette Assemblée y aura réfléchi, il sentira qu'il est impossible d'admettre un amendement aussi corrupteur pour les mœurs publiques.
l'aîné.L'accusé risque sa vie s'il succombe; la partie plaignante doit porter la peine de sa calomnie, si elle ne prouve pas sa dénonciation. C'est la réciprocité entre les parties qui est la base de toute justice. Je soutiens l'amendement comme extrêmement juste.
Si la question préalable était admise, je ne parlerais pas; car la discussion devrait être finie et nous devrions nous hâter de rejeter cet amendement. Ne sachant pas encore si l'opinion est bien formée dans l'Assemblée, je demande à faire une ou deux observations. Je crois que cet amendement ne peut pas être admis sans blesser tous les principes de la morale et, sans aller plus loin, sans nuire même à la découverte de la vérité. Dans votre instruction criminelle bannissez autant que vous le pourrez tous les accessoires qui tendraient à faire de l'instruction judiciaire un affreux procès. Aussitôt qu'un homme, maltraité dans sa personne ou dans ses biens, en a fait la dénonciation à la justice, il doit disparaître pour que l'accusateur public vienne prendre sa place et parle au nom de la société. Ce n'est que de cette manière que vous rendrez, aux yeux des jurés et des juges, votre institution imposante et que vous pourrez, d'un pas rapide, aller à la découverte de la vérité. S'il était possible qu'un homme devint l'adversaire de celui qui l'a attaqué dans sa personne ou dans ses biens, autrement qu'en prenant des conclusions civiles contre lui, alors les jurés devraient apercevoir dans cet homme un adversaire excité par la haine ou l'animosité. Certes, Messieurs, alors la défiance devrait être dans l'esprit de vos jurés. Si, au contraire, l'accusateur public est chargé de cette fonction au nom. de la société, alors la défiance est bannie de l'esprit des jurés. Ainsi, ceux qui prétendent que, pour aller à la découverte de la vérité, il faut introduire un affreux combat entre l'accusateur et l'accusé, repoussent eux-mêmes cette vérité qu'ils veulent trouver. (Applaudissements.)
appuient l'article du comité.
Les arguments employés contre l'amendement ne sont que spécieux. Lorsqu'il s'agit de l'assassinat d'un père et de l'empoisonnement d'une mère, je demande si ce n'est pas rompre tous les liens de la morale que d'interdire à un fils... (Murmures.) Plusieurs membres : Aux voix !
la douce consolation de se venger!
Il ne s'agit pas,
dans une procédure criminelle, de perdre un coupable ; il ne s'agit même pas de sauver un innocent. Il s'agit de découvrir la vérité qui se cache; il faut donc donner des moyens égaux aux accusés et aux accusateurs.
Si on ne laisse à la partie plaignante que des intérêts civils, je demande que l'Assemblée s'en tienne aux loi3 des Bourguignons et des Yisigoths. (La discussion est fermée.) L'amendement, mis aux voix, est rejeté, et l'article 11 est décrété.)
, rapporteur. Nous avons ajouté un article dont je vous prie d'entendre un seul momeDt les raisons. Vous avez établi la faculté d'avoir des conseils ; il est résulté de là beaucoup d'avantages pour l'innocence. Plusieurs conseils ont demandé s'ils devaient défendre l'accusé quand ils reconnaissaient absolument la vérité de l'accusation? Nous avon3 cru que les conseils doivent être appelés à l'instruction et cela, pour qu'ils ne puissent jamais employer, en faveur de l'accusé, que ce qu'ils croient être vrai. Voici l'article additionnel qui se trouverait le 12* :
Art. 12.
« Les conseils prêteront serment de n'employer que la vérité dans la défense des accusés et seront tenus de se comporter avec décence et modération. » (Cet article est adopté.) Art. 13.
« L'accusé pourra faire entendre des témoins pour prouver qu'il est homme d'honneur et de probité, incapable de Commettre le crime qu'on lui impute. Les jurés auront tel égard que de raison à ces témoignages. »
l'ainé.Je demande qu'on retranche de cet article les mots : incapable de commettre le crime qu'on lui impute. Certainement, c'est sans réflexion que Messieurs du Comité ont inséré ces mots. Observez que les témoignages nécessairement imposteurs qui viendraient attester une telle négation seraient des témoignages négatifs. Autre observation ; celle-ci n'est pas positive, je la soumets à vos réflexions ; elle porte sur ces derniers mots : Les jurés auront tel égard que de raison à ces témoignages. Je sais bien que aans l'ancien style les juges se servaient de cette formule pour décider quelque chose d'arbitraire ; mais, Messieurs, si j'ai bien entendu tout ce qu'on nous a dit sur la conviction morale, il ne doit plus y avoir de preuves qu'aux yeux de la raison.
Il n'y a pas de coquin qui ne trouve d'aussi coquin que lui pour attester qu'il est honnête homme; en conséquence, je demande la question préalable.
Je défends le principe sur lequel repose l'article que vous venez d'entendre; mais en même temps je propose une rédaction différente. Je crois qu'il serait très immoral d'établir que des présomptions seront consultées par les jurés toutes les fois qu'il s'agit d'établir le crime; mais je crois qu'iln'y a aucune immoralité à admettre les présomptions en faveur de l'innocence : et remarquez qu'il peut y avoir telle circonstance où cette sorte de preuve négative peut influer sur l'esprit des jurés. Je suppose, par exemple, qu'un homme soit accusé d'un crime qui exige beaucoup d'audace et de fermeté, et que cet homme prouve, par l'attestation de ceux qui l'ont connu, qu'il est d'un caractère doux et faible, cette preuve négative, sans doute, n'est point immorale. Voici ma rédaction : « L'accusé pourra faire entendre des témoins pour prouver qu'il est homme d'honneur et de probité, d'une conduite irréprochable. »
Un honnête homme ne devient pas un scélérat en un jour. Je m'oppose à la question préalable; je demande toutefois le renvoi de l'article au comité pour une meilleure rédaction qui conserverait 1er principe que le juré doit rendre hommage à une bonne conduite et juger différemment un accusé qui fut toujours vertueux et d'une réputation intacte, et celui dont la conduite, au contraire, ne serait pas à l'abri de reproches.
Ou la preuve est complète, et alors les certificats de bonnes vie et mœurs sont inutiles pour absoudre l'accusé ; ou les preuves sont insuffisantes, et dès lors il n'a pas besoin d'autres certificats pour être absous. C'est ainsi que je fonde la question préalable.
Je considère l'article comme inutile ou dangereux en ce qu'il tend indirectement à une information de vie et mœurs de l'accusé*
Si l'objet de la délibération était de décider que les dépositions seront écrites ou orales, que les jurés jugeront d'après leur conviction morale ou d'après les preuves écrites, je n'hésiterais pas à preférer les preuves acquises ; mais puisque vous avez décidé que les dépositions doivent être orales, que les jurés jugeront d'après leur conviction morale, il serait inconséquent de refuser à l'accusé tous les moyens possibles d'établir la conviction morale. Or, certainement, c'est un moyen d'établir cette conviction que de faire déclarer par un grand nombre de témoins irréprochables qu'on est un homme loyal ; quand on a décrété un principe, il faut éfre conséquent. Je crois que ie principe que vous avez décrété est mauvais; mais, malgré cela, dès qu'il est décrété, il faut en suivre les conséquences. Je crois donc qu'il est nécessaire que l'accusé misse faire entendre des témoins pour éclairer es jurés; au surplus, s'il fallait citer des exem-)les à cet égard, cela serait facile, je me borne 11 conclure à ce que l'esprit dç l'article soit adopté sauf une meilleure rédaction.
appuie la question préalable.
(de Saint-Jean-d'Angély.) Puisqu'on ne cesse de dire qu'un des avantages des urés est que les attestations d'un certain nom-Dre de citoyens intègres seront d'un grand poids en faveur de l'accusé, il faut admettre l'article qui consacre ce précieux avantage.
Je demande l'ajournement jusqu'à
ce que tous ayez décidé si, conformément à la pure té du juré; vous établissez pour juges de l'accusé, ses voisins ; car,alors, l'article devient inu-tilet ou si, ku Contraire, conformément à votre décret d'hier, vpus prenez des personnes éloignées de 30 ou 40 lieues; et, dans ce cas, il n'est pas possible de se refuser à décréter l'article.
, rapporteur, appuie l'ajournement. (L'ajournement est décrété.)
, au nom du comité ecclésiastique, présente un projet de décret relatif à la circonscription et à la formation des paroisses de la ville d'Amiens. Ce décret est adppté, sans discussion, comme iuit1! L'Assemblée nationale, ouï son comité ecclésiastique, et Sur le compte par lui rendu de la lettre adressée par M. l'évêque d'Amiens, le 29 décembre 1790^ MM. les administrateurs du département de la Somme, portant refus de sa part de concourir à la circonscription et formation des paroisses; de l'arrêté du conseil général de la commune d'Amiens, contenant cette formation et circonscription pour ladite ville, en date du 20 décembre 179Q ; de l'avis du directoire du district de ladite ville, approbatif de celui du Conseil général de ladite commune ; de la délibération du directoire du département de la Somme, du 19 janvier présent mois, décrète : • '» Qu'il y aura 5 églises paroissiales dans la ville d'Amiens ; que la paroisse cathédrale, sous l'invocation de, Notre-Dame, sera formée des paroisses de Saint-Pirmin-le^Gon fesseur, et de parties de quelques autres paroisses contiguês, et aura pour succursale l'église du séminaire, où l'office sera célébré pour les habitants du faubourg de Noyon, Boutillerje, la Neuville et la Voirie. : V Que la seconde paroisse sera établie dans l'église des Cordeliers. sous l'invocation de Saint-Firmin, évêque et patron du diocèse, et formée de.la plus grande partie de l'ancienne paroisse de'Sàint-Remi, et de parties des paroisses con-tigu^ et aura pour succursale la chapelle Saint-Honoré, pour les deux faubourgs de Beauvais, et l'église du Petit-Saint-Jean, pour les habitants du Pêtit-Saint-Jean. » Que la troisième, sous l'invocation et dans l'église de Saint-Jacques, sera formée de son territoire actuel et de quelques parties des anciennes paroisses contiguës ; qu'elle aura pour succursale une église à Moutièces pour le village de M bu ti ères, W faubourg de Hai, et celui de la Rautoye, et tjpé église à Renaueourt, pour le village de Renaùcôurt. . « Que. la quatrième, sous l'invocation et dans l|éj»lise de Saint-Germain, sera formée de son ancien territoire et de quelques paroisses continues; qu'elle aura pour succursale une église à Saint-Maurice, pour les habitants de Baint-Mau-rié'é, et pour ceux des fermes deSàiate-Magde-leine, et l'église deLongpré pour les habitants de Lopepré. • «IJiie lâ-cinquième, sous l'invocation et dans Féglise actuelle de Saint-Leu, sera aussi composée de son territoire actuel et de plusieurs par-sieurs parties voisines, et aura pour succursale l'église de Saint-Pierre à Eivery. « Le tout conformément au tableau arrêté par le conseil général de la commune de la ville d'Amiens, le 20 décembre dernier; en conséquence, toutes les autres paroisses de ladite ville d'Amiens, faubourgs et lieux y réunis, sont et demeurent supprimées. »
, député du Nivernais, demande et obtient une prolongation de congé pour cause d'infirmité.
fait part à l'Assemblée de la mort de M. Poignot, député de Paris ; il annonce ensuite l'ordre du jour de la séance de ce soir et celle de demain. (La séance est levée à trois heures et demie.)
Séance du
La séance est ouverts à six heures et demie du soir,
fait lecture d'une adresse du district de Villeneuve-d'Agen, département de Lot-et-Garonne, dans laquelle M. Paganël, cure de Villeneuve-d Agen, Étil hommage à l'Assemblée d'une lettre qu'il a adressée aux curés et vicaires sur la légitimité du serment civique exigé par le décret du 27 novembre dernier. (L'Assemblée décrète qu'il sera fait nseQtiQR de cette adresse dans le procès-verbal.)
fait également lecture d'une délibération des membres du directoire du département de Lot-et-Garonne, contenant indication des tribunaux de district qu'ils proposent pour tribunaux d'appel des jugements des tribu* naux de leurs districts respectifs, et de l'arrêté par lequel ils prient l'Assemblée d'homologuer {jette délibération.
(L'Assemblée m ordonne le renvoi au comité de Constitution.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes ;
Adresses des juges du tribunal du district de Bergerac, des j[uges et commissaire du roi du tribunal du district de Melle, et du commissaire du roi au district d'Ernée, qui copsacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l'Assemblée nationale le tribut de leur admiratioq et de leur dévouement.
Adresse de la municipalité de Poissy, contenant le procès-verbal du serment prêté dimanche dernier par MM. les ecclésiastiques fonctionnaires publics de Poissy.
Adresse du sieur Blercour, curé de la paroisse de Somsbis, district de Yitry-le-François,' qui a prononcé le serment prescrit par-Je décret du 27 novembre, dès qu'il en a eu ' connaissance* Il supplie l'Assemblée de lui aÇcorder une in* demnité à raison de la réconstruction de son église, à laquelle il a employé le produit d'environ 40 années de sa dîme; les officiers municipaux se joignent à sa demande, et rendent les plus glorieux témoignages de son patriotisme.
Adresse de M. le Menager, curé de la Montagne,
Adresse delà municipalité d'Annet. district de Meaux, contenant le procès-verbal de la prestation du serment civique, faite, selon les fo rmes prescrites, par M. Guérin, desservant, et M. Le-maire, vicaire de cette paroisse; avant cette prestation ils ont fait chacun un discours qui respire le plus parfait civisme.
Adresse de M. Raulin, consul général de France à Gènes, contenant son serment civique, et celui dq défendre auprès de la République les Français qui se trouveront dans ses Etats.
Adresse des sous-officiers et soldats de la com« pagnie d'invalides, détachée à Golmar, départent en tdes Basses-Alpes, qui font part de la vive douleur qu'ils ont ressentie en apprenant qu'au nom de toute la compagnie il avait été porté des plaintes contre M. Faucault, leur capitaine, sur un prétendu refus de payement des 32 deniers par jour, qui leur ont été accordés en augmentation de paye par le décret du 24 juin dernier. Ils justifient pleinement leur capitaine de cette faUsse accusation, et s'empressent de rendre hommage à son mérite militaire et à son pa* triotisme.
Adresse de M. Baraillon, curé de Toury en Bébuce, contenant l'expression la plus vive d'un patriotisme éclairé et religieux.
Cette adresse est ainsi conçue (1) î
« Messieurs, j'ai l'honneur de vous prévenir qu?hier; 19 du présent mois, dans les termes et selon les formes prescrites par votre décret du 27 novembre dernier, entouré d'un troupeau aussi chéri que nombreux, j'ai, pour la troisième fois, publiquement et solennellementex primé mon vœu pour le maintien et la gloire de la. nouvelle législation française; je vous supplie, Messieurs, d'être persuadés de mon admiration et de mon dévouement pour elle. Je lui ai déjà consacré le fruit de bien des veilles ; je me glorifie même d'en être l'apôtré,«t>je me sens assez de Courage, avéc le secours de l'Eternel, pour en être^ s'il le fallait, là victime. Ennemi de l'ignorance, source de la superstition, comme du vil éçoïsme, destructeur dés Empires, l'amour du vrai m'a porté dans la chaire où la vérité setilè a droit de se faire en-tendre» et l'attendrissement de mon troupeau a couronné ma soumission aux lois.
« J'ose vous avouer qu'il y a 15 ans que cette heureuse crise germait dans mon imagination; les abus de tous les genres et dans tous les corps alarmaient le sentiment chrétien et déshonoraient l'esprit politiqae. Le gouvernement français me paraissait monstrueux.
« Grâce à votre sagesse courageuse, et à la tendresse de votre patriotisme, cette hydre à efent têtes, qui en imposait à l'aveuglement et s'engraissait du sang: dés peuples,-expire enfin sous les efforts de la liberté victorieuse; là chuté de ce Sérapis,égyptien a consterné les adorateurs; mais les. bêtes dévorantes, qu'il cachait dans Son sein, et les ordures que ses ruines ont montrées à tout l'univers, immortaliseront aux yeux de tous les siècles, le bras qui a mis en poudré ce Colosse affreux.
« Oui, Messieurs, cet Empire vous bénira à jamais; ir doit à l'héroïsme
de votre courage son salut, et à la sublime et douce lumière dé votre
sagesse les bases de son trçnheur; l'Eglise elle-même applaudira à vos
triomphes, ils fondent Jes siens i votre raison ne vous a servi qu'à
vous
« Telles sont les faibles expressions du patriotisme qui me dévore, et de la soumission pleine de reconnaissance et de respect avec, laquelle j'ai l'honneur d'être, Messieurs, votre très humblfi et très obéissant serviteur»
Signé t Baraillon, Curé de Toury en. Beauoe.
(L'Assemblée ordonne l'insertion de cette adresse dans le procès-verbal.)
Il est ensuite donné lecture des adresses sui* yantes :
Adresse du conseil général de la commune de Vienne, département de l'Isère, contenant remer» ciement de la constitution civile du clergé, et adhésion formelle à tout son contenu.
Adresse de la municipalité d'Auteuil, près Montfortrf Amaury, laquelle se plaint que le curé ne veut point publier au prône les décrets de l'Assemblée.
(L'Assemblée en ordonne le renvoi à son comité des rapports.)
Adresse du sièur Joseph-Alexandre le Rouge, officier de la maison du roi, demeurant à Paris, contenant l'annonce d'un moyen infaillible pour empêcher toute sorte de vins de tourner à l'aigre, et supporter les voyages de long cours.
(L'Assemblée en ordonne le renvoi au comité d'agriculture et de commerce.)
Adresse de la société des amis de la Constitua tion de Bourbon-Lancy, aux bons citoyens, dont elle fait l'hommage à l Assemblée.
Adresse de la société des amis de la Constitua tion d'Aire, par laquelle ils sollicitent l'attention de l'Assemblée, sur la situation de quelques-uns de leurs concitoyens à la suite d'une émeute populaire, qui a eu lieu en leur ville, à l'occasion des grains.
(L'Assemblée ordonne le renvoi et l'examen de cette adresse à son comité des rapports.)
Adresse de la municipalité de Terny-Soucy, canton de Jussy, district de boissons, département de l'Aisne, contenant plainte et déoon* dation de la conduite de leur curé.
(L'Assemblée en ordonne le renvoi à son co* mité des rapports.)
Adresse de la commune d'Aubervilliers, et procès-verbal de la prestation de serment de toup les ecclésiastiques fonctionnaires publics de cette paroisse, auquel se trouve joint le discours imprimé que le sieur curé de cette paroisse a prononcé en cette occasion-
(L'Assemblée ordonne qu'il en sera fait mention honorable dans son procès-verbal») • •
Il est ensuite donné lecture de la déclaration faite par les sieurs Jagaut, curé du petit Niort, et Mirâmbeau, procureur de la commune du lieu, à la municipalité de cette paroisse.
Cette déclaration est ainsi conçue (1) j :
« Messieurs, convaincu de la souveraineté de la nation,.et de la
plénitude de la puissance dont elle a investi ses représentants, je
reconnais que l'As» semblée nationale n'a point outrepassé ses pouvoirs.
Ses décrets sont pour moi des ordres sacrés.; la constitution civile au
clergé est à mes yeux un évangile nouveau, qui, loin de risn présenter
de contraire à l'évangile de Jésus-Christ, ne m'offre
{protestation contre les opérations de l'Assemblée égislative, et je remercie du plus profond de mon cœur cette auguste Assemblée de m'avoir délivré de tous les soins temporels, pour me mettre à même de m'occuper uniquement des soins spirituels qui me sont confiés. J'étais citoyen avant d'être prêtre, et cette fonction sublime, dont je suis revêtu, ne doit que fortifier et perfectionner mon civisme. Ce n'est pas assez pour moi d'avoir démontré à mes paroissiens la sagesse et la nécessité des lois nouvelles, je dois encore leur donner l'exemple de la soumission; ainsi, pour me conformer au décret du 27 novembre, sanctionné par le roi, je viens donner aujourd'hui ma déclaration au greffe de la municipalité, que le jour de dimanche qu'il plaira à M. le maire de m'indiquer, je prêterai le serment prescrit par le même décret, à l'issue de la messe paroissiale, en présence du corps municipal, du conseil général de la commune, et de tous les fidèles.
Signé : JAGAUT, curé du petit Niort, et de Mi-rambeau, procureur de la commune. »
. (L'Assemblée ordonne l'insertion de cette lettre au procès-verbal.)
Il est fait lecture d'une lettre du sieur Guérin, maître de mathématiques et d'hydrographie, relative à la découverte qu'il annonce aVoir faite de la trisection de l'angle, par la géométrie élémentaire.
(L'Assemblée en ordonne le renvoi à l'académie des sciences.)
Il est ensuite donné lecture de la lettre suivante de M. de La Grange :
« Monsieur le Président. . «Permettez que j'aie l'honneur de vous remercier de ce que je dois à l'Assemblée nationale pour le décret qu'elle a bien voulu rendre en ma faveur (1). Cette grâce m'est d'autant plus précieuse qu'elle me met à portée de fixer mon séjour dans la France et de m'attacher à elle par l'estime et la reconnaissance.
« Daignez, Monsieur le Président, faire agréer à votre auguste Assemblée le seul hommage que je puisse lui offrir en retour de ses bontés, mon dévouement à la Constitution et mon zèle pour le progrès des sciences et des lumières. « Je suis, avec respect... etc...
« Signé : de La grange. »
M. Gastet , notaire à Montereau-Faut-Yonne,fait hommage à l'Assemblée d'un tableau des progrès de la Révolution en l'année 1790.
lui permet d'assister à la séance. Le sieur Julien fait hommage à l'Assemblée d'une estampe représentant l'amour de la gloire, qui foule aux pieds le serpent de l'envie, dédiée aux soldats français, et il annonce qu'il destine le quart de son produit à des actes de bienfaisance en faveur des pauvres militaires.
lui permet d'assister à la séance.
« Monsieur le Président,
« J'ai dans ce moment, sous les yeux, l'exposition par 30 évêques, membres de l'Assemblée nationale, des principes sur la constitution du clergé : je ne trouve dans cet ouvrage imprimé que des dilemmes astucieux, des sophismes captieux peu dignes de l'église gallicane qui compte tant sur ses libertés ; comparant toutes ces subtiles citations, qui sont pour la plupart l'ouvrage des hommes, avec les principes du Christ (car il faut toujours prendre les institutions à leur source), j'y vois ce divin maître souffler son esprit sur ses apôtres; il leur ordonne d'enseigner généralement toutes les nations sans leur en diviser le territoire ; ailleurs, se faisant représenter sur une pièce de monnaie l'effigie du César, il en reconnaît la puissance civile ; déclarant expressément que son règne n'est pas de ce monde, ce qu'il prouva bien encore plus fortement avec ses apôtres, lorsque, persécutés par la faim, ils furent obligés de manger des épis de blé.
« Tous ces contrastes de principes me font bondir le cœur, ma conscience me tourmente, je ne peux plus y résister.
« Oui, je jure purement et simplement, sans aucune restriction, d'être fidèle à la nation qui remet la religion dans sa pureté, à la loi sage qui proportionne le salaire au travail, et au roi patriote qui gémissait lui-même des basses adulations qu'on pratiquait pour s'enrichir de l'autel. Je jure de maintenir de tout mon pouvoir, même religieux, la Constitution et notamment la nouvelle organisation civile du clergé, décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi. Je jure, comme je l'ai fait dans mon instruction, de veiller sur le troupeau qui m'a été confié par M. l'évêque d'Agen, et sur celui qui le sera par M. l'évêque de Bordeaux ou du département de la Gironde, mon évêque naturel dans le nouvel ordre des choses. Veuillez, monsieur le Président, faire insérer mon serment dans le procès-verbal de l'Assemblée; que ne suis-je à la tribune pour le prononcer de vive voix, en demandant cette grâce à nos augustes représentants, quoique d'un département des plus éloignés. J'y suis présent d'esprit et de cœur, et je le fais ainsi, en attendant que je le fasse public devant mes confrères les municipaux de Cèves, lorsque les décrets nous seront parvenus par . la voie de notre district de Libourne au département de la Gironde.
« Signé : Faure, curé d'Appelles. »
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait une mention honorable de cette lettre dans son procès-verbal.)
Il est fait lecture d'une lettre des administrateurs composant le directoire du département de l'Indre, contenant dénonciation d'un écrit répandu dans leur département, ayant pour titre : De la conduite des curés dans la circonstance présente.
(L'Assemblée en ordonne le renvoi à son comité des recherches.)
Il est fait lecture d'une lettre du maire de Paris,
par laquelle il instruit l'Assemblée tiationale du résultat de la vente de 6 maisons nationales situées en cette capitale.
Je demande à l'Assemblée la permission de l'informer de la disposition où sont presque tous les curés du département de l'Allier à prêter lé serment civique. A l'appui de ce que je viens dè dire, je demande à lire la lettre d'un d'eux. Elle est ainsi conçue : « Je suis trop ami de l'ordre et de la tranquillité pour jamais me prêter à ce qui pourrait les troubler. Le serment civique que l'on exige de nous n'est point nouveau pour nous; nous l'avons déjà prêté plusieurs fois dans les assemblées primaires auxquelles nous avons assisté (Murmures du côté droit); aussi ne fait-il point la moindre sansation dans nos cantons, non plus que les écrits que l'on y répand avec profession. Je ne connais aucun de mes confrères qui veuille s'y refuser ; tous sont disposés à le prêter. » (Murmure du côté droit.) Voilà de quoi j'ai l'honneur de vous faire part.
, au nom du comité des finances. Je ne dois pas vous dissimuler, Messieurs, que les administrateurs du département d'Ille-et-Vilaine prédirent au mois d'août qu'ils avaient à craindre les inondations pour les digues de Dol; ils écrivirent au comité des finances; mais on né crut pas voir les objets assez pressants pour déférer à leurs plaintes. Cependant, Messieurs, leur crainte a été justifiée; les digues, dans les nuits des 4 et 5, des 5 et 6, ont été entamées dans une infinité de parties. Il est urgent de les réparer. Déjà le département a mis les ouvriers en action et il a fait prendre 3,928 1.10 s.dans une caisse publique, pour être pourvu au payement. Aujourd'hui, Messieurs, il vous demande d'emprunter de la caisse publique une nouvelle somme pour faire travailler à ces réparations urgentes. On ne peut se refuser à leur accorder provisoirement cette somme qui sera d'ailleurs imputée sur celle qui leur sera distribuée pour les ponts et chaussées. En conséquence, votre comité des finances m'a chargé de vous présenter le décret que je vais vous lire : « L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances sur les accidents qu'ont éprouvé les digues de Dol, département de l'IUe-et-Vilaine, dans les nuits du 4 au 5, du 5 au 6 du courant; sur les dangers qu'il y aurait, pour les habitants de ces contrées, à retarder les réparations qu'elles exigent, et sur les pertes immenses qui en pourraient résulter; décrète, d'après l'avis du district et du département, que le receveur des revenus publics comptera provisoirement, et en 2 payements égaux,de quinzaine à autre, la somme de 34,000 livres sur l'ordonnance des administrateurs du département, pour être incessamment employée aux réparations les plus urgentes desdites digues, sous la surveillance des districts et département, sur laquelle somme sera remboursée celle de 3,928 1. 10 s. qui a dû être comptée par le sieur Massé, d'après les ordres du directoire; le tout sous l'obligation de rendre compte, et sauf à décider en définitif à la charge de qui tomberont les réparations dont il s'agit. » (Ce décret est adopté.)
, au nom du comité de la marine. Messieurs, au nom de votre comité delà marine, je viens vous proposer des dispositions nouvelles au code pénal de la marine. Les plaintes que le capitaine de la frégate « La Capricieuse » vient de rendre à Rochefort contre tout son équipage, nous a fait sentir que nous n'avions point prévu ce cas. Gomment convoquer en pareille circonstance le juré martial? Il pourrait arriver qu'il ne se trouvât pas le nombre d'officiers du grade exigé pas vos décrets. Nous croyons avoir pourvu à tout par les articles suivants :
Art. 1er.
Dans le cas où le capitaine d'un bâtiment se rendrait accusateur contre son équipage, ou une partie de son équipage, la plainte sera portée par lui au commandant de l'escadre dont le bâtiment faisait partie, ou au commandant du port, si le bâtiment n'était point en escadre : ce commandant indiquera en nombre double, parmi les hommes de mer étrangers au bâtiment, ceux qui doivent composer le jury, conformément à l'article 5 du titre Ier du code pénal; le prononcé du jury sera porté à un conseil de justice, également indiqué parle commandant de l'escadre ou du port, et composé d'officiers étrangers au bâtiment, au nombre de 5 au moins, et, s'il est possible, en nombre égal à celui des officiers de l'état-major du bâtiment. Ce conseil s'assemblera à bord du vaisseau commandant dans l'escadre ou de l'amiral dans le port, et ie commandant du port fera, s'il y a lieu, exécuter le jugement du conseil de justice. Art. 2.
« Dans les cas où on ne pourrait trouver dans une escadre, ou dans un port, le nombre d'officiers de chaque grade nécessaire pour composer un conseil martial, ils seront remplacés par les officiers les plus anciens des grades inférieurs qui seraient présents dans le port ou dans l'escadre, pourvu qu'ils soient au moins lieutenants de vaisseaux ».
(Ce projet de décret est adopté.)
M. Blaré, curé à Saint-Domingue, et membre dè la ci-devant assemblée coloniale, demande et obtient la permission de retourner chez lui pour cause de santé.
L'ordre du jour est un rapport des comités d'agriculture et de commerce et des contributions publiques sur les droits de traites.
, rapporteur (1). Messieurs, dans un premier rapport (2), j'ai eu l'honneur de vous rendre compte de l'ancien état de la France, guant aux droits imposés sur le commerce, tant intérieur qu'extérieur. Vous avez décrété la suppression des barrières locales ; vous avez détruit, pour jamais, cette foule de droits impolitiques, créés successivement à la faveur de besoins momentanés, et dont la nation sollicitait, depuis deux siècles, l'anéantissement.
Vous avez précédemment aboli les droits de péage, d'autant plus onéreux
que leur perception était plus répétée et non moins vexatoire que tous
ceux que vous avez proscrits : ainsi, le com-
Je crois inutile de vous retracer les motifs qui ont déterminé un décret aussi bienfaisant; il est exécuté. Les dopanes sont reléguées sur les ports et à l'extrême frontière; mais la perception des droits sur les relations commerciales de la France avec l'étranger n'est point encore établie.
Vous avez décrété que cette perception serait fondée sur un tarif uniforme et commun à tous les bureaux, situés sur l'extrême frontière.
Je vous avais soumiè ce tarif, au nom du comité d'agriculture et de commerce; une grande question s'est.- présentée à votre discussion, celle des prohibitions; vous avez déterminé les basés d'après^; lesquelles vous avez voulu que le tarif fût forçné; votre çpmjté des contributions publiques a été adjoint à celui d'agriculture et de commerce pour la révision dè éet important travail qui intéresse la ; nation sous tant de rapports ; ?.est ie résultat d'une très longue discus^ sion que je viens vous soumettre dçms ce mot ment, ■
n Vos comités onljecu. les mémoires des divers départements; ainsi, tous les points du royaume ont été appelés à cette discussion ; les négociants en particulier ont; été entendus souvent contra-diçtoirement, | : lorsqu'ils différaient d'opinion v toutes les objections ont été appréciées; et nous ne nous sommes ; déterminés qu'après les plus mûres réflexions', et toujours par ce grand principe, l'iritérêt général dû comiperçe combiné avec l'intérêt national, dont il est Inséparable.
11 peut donc nous êtré permis de dire que le tarif, que nous vous présentons aujourd'hui, est porté au point de perfection dont il était susceptible dans l'état actuel; car un tarif, exempt; d'inconvénients, serait une entreprise impossible; il faut appeler le secours de l'expérience, pour connaître les réformes dont il est susceptible\ il faut s'en reposer sur les chambres de commerce, sur les lumières et l'intérêt des manufacturiers, et des négociant^ qui auront la faculté d'envoyer' à l'administration leurs" réflexions ; ilfaut s en remettre aux .législatures, qui, vous succéderont, du soin d'une nouvelle révision ; jeljes n'auront pas, comme vous, à tout refondre, à créer un nouVel ordre de choses, dés débris d'un système vexatoire et destructif de tout commerce, de toute industrie; elles pourront, avec facilité, dans une nouvelle révision, rectifier le tarif; vous aure$ toujours fait un grand bien et préparé le mieux que l'on désire et que les hommes atteignent si1 difficilement.
J écarterai de la disçussion lès détails fastidieux dans lesquels vos comités ont dft entrer : je me bornerai à vous soumettre, au norp de vos deux comités, les bases et les principes de cè nouveau tarif, dont il est instant d'ordonner la perception en remplacement des droits actuellement existants ; les manufactures et le commerce souffrent de cç retard, et le Trésor pubUc appelle par ses besoins, les ressources de cette perception.
o i Le tarif se divise nécessairement en deux classes: droits d'entrée, droitde sortie ; je commence par les droits d'entrée, qui se divisent en onze articles.
Art. 1er
C'est une vérité reconnue que la. FfàUfce est loin de recueillir, en matières premièM, tout ce
qui est nécessaire à l'aliment de ses manufactures et de ses fabriques. Elles absorbent, soit pour la consommation nationale, soit pour l'exportation, toutes celles qu'elle récolte; son importation, qui est pour l'industrie si avantageuse) appelle un excédent de matières premières que l'étranger nous fournit ; pour conserver ce pré-, deux avantage, il faut attirer des matières pré? mières; le besoin .que : nous: en avons excède cènt millions, année commune. . C'est de ce point qu'il faut partir, et C'est cê grand intérêt qu'il faut consulter, pour imposer ou ne pas imposer les marchandises qui ont le caractère de matières premières.
Tout ce que vous avez fait, Messieurs, en, fa» veur de l'agriculture doit, sans doute, accroître, les productions nationales ; vos institutions, toute! vos lois tendent à, ce but ; Vivifier ragr.içnltnte. On doit donc espérer que les laines, les chanvres, les lins, les graines a b'uile, les olives, les mûriers, etc.., ne tarderont pas à présenter des ré-* coltës assez' abondantes pour subvemr à la plus grande partie de nos besoins.
Mais jusqu'à celte êpioque, peu éloignée péut-être, la politique, l'intérêt pressant -de vos manufactures Commandent d'admettre les matière^ premières en ex^mptioh de tous droits.
Je n'ai pas.bèsoiû, Messieurs, de démontre* cette proposition ; il suffit de l'énoncer devant dés législateurs. qui embrassent, .par la pensée* toutes, les parties du système politique, §t c$m* merciâl. imposer lies matières premières, serait en effet renchérir, dans la proportion du. droit, les qbjets manufacturés dès lors, plus de con-» cùrrençe. ctje? l'étranger, diminution d^tns l'exportation, anéantissement de L'industrie. Là consommation nationale offrirait également des désavantages"; câr il serait indispensable d'élever 1$ prix dés objets manufacturés en France, dans la proportion des droits perçus sur les matières; et, dans cette hypothèse, le taux des droits d'en? trée sur les manufactures étrangères serait diminué dans la proportion de ceux. ïmpàsés sur les matières premières, au dêtrimènild^S; a van* tàgés qu'un; bon tarif doit procurer à l'industrie nationale.
, C!est donc pour npus-mêçnes,. Messieurs, qu'il est ju8tèrnëcéssairé]de prononcer î^ffrànchisse^ meut des droits d'entrée, relativement aux paar tières premières ; vos.,comités, en agissant d'apis ces principes, sont bien sûrs qu'uqe telle disposition n'excitera nulle réclamation au milieu de vous. Exceptions,
Je dois ^cependant vous observer qu'il en est quelques-unes qui ont paru susceptibles d'un droit modéré, d'environ 2.1/2 0/Q 4e leur valeur, attendu que la France fournit des productions à peu près de même nature, dans la proportion de ses besoins, et qu'il-est d'une bonne politique dé leur assurer une p r éfér en ce quelconque sur celles de l'étranger.
Ces pr|ncjpes n'eprouveronï vraisemblablement aucune contradiction; ils ont ,cependant paru, à vos deux comités, mériter une exception, rela-tivement aux ^charboqs de terre, aux soies, aux huiles de poisson, à celles d'olives, nécessaires pour les fabriques, et aux savons de Marseille qui doivent être imposés en proportion des huiles qui entrent dans leur composition,
Jedois vous présenter) sommairement, lesmo-
tifs qui ont déterminé, à cet égard, J'opinion de vos deux comités. Charbons de pierre et de terre.
La Franee ne manque pas de mines de charbon de pierre et de terre ; mais la localité de ces mines ne leur permettrait d'approvisionner plusieurs provinces qu'à des frais tpès considérables : on ne peut d'ailleurs se dissimuler que les charbons de ces mines sont, pour la plupart, inférieurs à ceux que nous fournit l'Angleterre; il faut donc pourvoir, tant aux besoins des fabriques qui emploient ce combustible, qu'à l'intérêt de nos mines; et vos comités ont pensé que ce double point de vue serait rempli, en modérant généralement le droit actuel sur le charbon de terre de l'étranger, en le réduisant à 6 livres le tonneau de 2,200, ou environ, sur les charbons importés par les ports qui seraient difficilement ap-
Îirovisionnés par les mines nationales, et ep le ixant à 10 livres sur les importations effectuées par les ports qui ont la ressource des mines na«-tionaies» Soies,
Le droit actuel sur les soies peut être estimé à peu près de 5 à 6 0/0 de la valeur, y compris les 10 sous pour livre, perçus au profit du Trésor public. Le droit principal est aliéné au profit de la ville de Lyon, par où l'introduction est au*-jourd'bui d'obligation absolue. Cette aliénation n'est point gratuite, et ne peut être considérée comme un octroi particulier ; elle est le prix de 18 millions de capitaux, empruntés pour l'État et versés dans le Trésor publie; le produit du droit principal, monte à 675,000 livres, il est inférieur à l'intérêt des capitaux fournis pour prix de l'aliénation; en sus du droit principal, il, est perçu un sou pour livre au profit des hôpitaux de Lyon; les 10 eous pour livre font partie des revenus de l'Etat
Vos comités ont pensé d'abord que cette aliénation devait être révoquée, et que dans le travail qui serait fait sur les villes, il serait pourvu au juste dédommagement qui serait dû à celle qui a versé des capitaux dont elle n'a jamais été remboursée, et dont le produit du droit n'a même pas pu fournir au payement des intérêts, Cet objet, tout important qu'il est, doit se confondre avec les vues générales ;que vous adopterez sur les villes, et vous conduit nécessairement à prendre leurs situations particulières en considération, parce qu'elle tient au système générai de l'imposition et à la grande administration des finances.
D'un autre côté, si l'époque où il fut statué que les soies acquitteraient nécessairement le droit & Lyon, cette ville était presque la seule dans le royaume qui eût des fabriques importantes de soies, il put paraître convenable alors de la rendre l'entrepôt presque universel de toutes les matières premières de ce genre le manufactures. Mais aujourd'hui que les choses ont changé, qu'il s'est établi des fabriques du même genre, à Tours, à Nîmes, à Saint-Etienne, à Saint-Cha-moud, à Paris, soit en rubans, soit en étoffes de tous les genres; la faveur qui leur est due réclame qu'elles aient la faculté de faire venir di* rectement de l'étranger les soies qui sont nécessaires à leur entretien, et d'en acquitter les droite
aux bureaux des frontières; nouveiap motif pour que la nation retire ce droit à elle, et la perception aux bureaux des frontières est une conséquence de la disposition générale du reculement des barrières.
Ces principes sont tellement les vôtres, que vous sériez étonnés que vos comités vous en eussent présenté de contraires. Des vues d'utilité générale et d'égalité pourraient-elles n'être pas accueillies, par vous ? Votre justice examinera l'intérêt particulier, et trouvera, dans les ressources de la nat}oo, des moyens de satisfaire à toutes vos obligations.
Vos comités se sont donc uniquement occupés de déterqùner, d'après ces premières réflexions, quel serait le droit auquel il conviendrait d'as** sujettir les soies étrangères*
Dans l'examen de cette question, H est nécessaire de considérer l'intérêt national ej; de favpr riser la culture des mûriers et l'éducation, des vers à soie ; car ce fut par cette 'Considération que le droit fut{ établi, Cette considération doit se faire maintenir encore quoique hqus ayons un besoin réel de cette matière première ; niais sous l'ancien régime, on est toujours sorti des justes proportions. Le droit a été successivement pprt$ de (4 sols là livre à 22 sols, tant wr les iû sols pour livre dont le gouvernement lès a grevés à son profit, que par le sol pour livre additionnel au profit des hôpitaux de Lyon, Le gouvernement forçait les villes à emprunter pour lui : un pôt servait à acquitter les intérêts, et bientôt cet impôt déjà considérable devenait l'occasion d'une nouvelle charge. On imposait sans mesure; vous n'établissez des droits que dans une juste proportion : vos comités ont donc dû vpus proposer, sans égard au produit qui est aujourd-hui de 5,100,000 livres environ, de réduire le droit sur les soies graises et non ouvrées à 10 sols la livre, au lieu de 22 sois taux actuel. En se bornant à ce droit les soies, matières premières, sont ménagées, et nos productions en ce genre, infiniment précieuses . par leurs qualités, reçqi* vent l'encouragement et la protectiçnf;don.t cgltq partie de l'agriculture a besoin. Il a de même pensé, pour 1 intérêt de nos manufactures, et de notre industrie, devoir réduire à 20 sois, le droit sur les sqies ouvrées et sur celles à coudre qui ont reçu leur; première préparation. . Les soies en cocons sont affranchies de, tout droit, et celles venant de l'Inde et de Ja. Chine par notre commerce direct avec ces nations, étant, des matières très précieuses et très nécessaires pour nos fabriques de gaze, votre comité vous1 propose . de ne les assujettir qu'à la moitié des droits fixés pour les soies venant de, l'Italie, ou de toute autre contrée étrangère.; Qes. dispQsj-, tions, dictées par l'intérêt de l'agriculture" et de notre industrie, seront utiles au Trésor public, puisqu'elles ménageront un produit de plus de 500,000 livres sur cet article des importations de l'étranger.
Vos comités, considérant l'importance di^ commerce des soies, et la nécessité où la, Jfyaaçe se? trouve d'être, à cet égard,.; tributaire de vètr^n-v ger, se seraient déterminés à vous proposer de substituer ;leur .libre exportation à la prohibition qui subsisté ; ce parti serait peut-être un moyen, positif de faire de la France l'entrepôt çênér^l où les" étrangers viendraient s'approvisionner; de cette matière première : maie l'utilité de con-? server nos soies originaires,, l'inquiétude que leur extraction pourrait donner.à nos, fabriques,. l@up oat fait penser que la prohibition deyait être
maintenue momentanément, et jusqu'à ce que la matière plus approfondie mette des législatures subséquentes en état de prendre, à cet égard, un parti définitif; en attendant, il suffira de consentir le transit en faveur des soies d'Italie destinées pour l'étranger, par emprunt de notre territoire. Huiles de poisson.
Vos comités, Messieurs, ne se sont point fait illusion sur l'utilité de cette matière première ; mais en même temps ils ont reconnu la nécessité de maintenir la prohibition présentement existante, en admettant une exception en faveur des Etats-Unis de l'Amérique, dont les huiles de poisson continueront d'être reçues en France en payant 5 livres par quintal, conformément aux
Eromesses faites par le gouvernement aux Etats- Huiles de poinsson.
Cette exception en faveur des Etats-Unis est fondée sur le désir que nous avons d'étendre nos opérations commerciales avec cette nation qui nous est chère à tant de titres : la politique de cette mesure ne peut vous échapper.
Mais si nous recevons les huiles de baleine et de poisson des autres puissances étrangères, nous anéantirons nos pêches; nous serons forcés de renoncer aux avantages que la France s'est promis de l'établissement formé par ]es Nautukois à Dunkerque, établissement dont les succès ont passé nos espérances, et que les nouveaux citoyens se proposent de porter dans plusieurs autres ports de la France.
Je dois cependant vous soumettre, Messieurs, une question relativement aux encouragements accordés à la pêche des Nautukois ; ils consisteot dans une prime de 50 livres par tonneau du poids de 2,000 livres d'huile de poisson qu'ils rapportent en France; cette prime (en estimant à 30 livres le quintal, le prix de ces sortes d'huiles) est de 16, 1/3 0/0, de la valeur; elle équivaut à un privilège exclusif; elle interdit toute concurrence aux armateurs français qui désireraient établir cette sorte de spéculation ; il serait donc juste de les y faire participer : et si vous admettez cette mesure, il est probable que bientôt les armateurs de Bayonne, Saint-Jean-de-Luz et autres ports du royaume se rappelleront leurs anciens succès dans la pêche de la baleine, et s'empresseront d'imiter les Nautukois que la politique et l'intérêt de pourvoir aux besoins de nos manufactures, nous a fait appeler en France. Cet objet sera la matière d'un rapport particulier qui vous sera présenté par votre comité d'agriculture et de commerce. Huiles d'olives, propres aux manufactures et à la fabrication des savons.
Cet article, Messieurs, est un de ceux qui ont fixé plus prticulièrement l'attention de vos deux comités; les prétentions des fabricants de savon de Marseille sont tellement différentes de celles des fabricants de Languedoc, Provence, Roussillon et Dauphiné, qu'il a paru nécessaire de ne rien statuer sur la fixation des huiles et savons, sans avoir mûrement examiné les mémoires respectifs.
Leshuiles d'olives, connues souslenom d'huiles de la rivière de Gènes et propres à la table, étaient assujtettes à des droits revenant ensemble à
8 1.12 s. 6 d. le quintal; et celles de Provence, lors de leur importation dans les autres provinces du royaume, acquittaient 6 livres par quintal ; la ditférence était donc de 2 1. 12 s. 6 d. par quintal.
Les décrets qui ont aboli le droit de fabrication des huiles et ceux de circulation, affranchissent les huiles nationales de tout impôt; conséquem-ment elles seront assurées d'obtenir la préférence sur celles de la rivière de Gènes, que vos comités ont pensé devoir être assujetties à un droit de 7 1. 10 s. par quintal lors de leur importation en France, et sur cet article il n'existe aucune réclamation.
Il n'en est pas de même des huiles communes d'Espagne et de Portugal, de Naples, de Sicile et du Levant, propres aux manufactures ou à la fabrication des savons. Les Marseillais demandent que les droits sur ces huiles, qui étaient de 5 livres par quintal, soient réduits de moitié, et que celui des savons fabriqués à Marseille ne soit fixé qu'à 1 I. 10 s. par quintal, attendu qu'il rentre trois cinquièmesd'huile dans la fabrication d'un quintal de savon.
La Provence, au contraire, demande que le droit actuel sur ces sortes d'huiles soit maintenu, et que les savons de Marseille soient imposés à un droit de 3 livres le quintal.
Cette différence d'opinions est une conséquence de la suppression des droits de circulation et de fabrication sur les huiles.
En effet, les savons fabriqués en Provence, Languedoc, Roussillon et Dauphiné, avec des huiles étrangères, étaient ci-devant assujettis à divers droits revenant à plus de 6 livres le quintal, lorsqu'ils étaient introduits dans les autres provinces du royaume. Ceux de Marseille, fabriqués avec des huiles étrangères, ne devaient au contraire que 4 1. 10 s. par quintal; ainsi par le fait et la nature des.droits, Marseille avait un grand avantage pour la fabrication des savons, et les fabriques du Languedoc, de la Provence, du Roussillon et du Dauphiné, ne pouvaient soutenir la concurrence que dans l'intérieur de ces provinces, parce que les savons n'y étaient grevés que du droit qu'elles avaient acquitté sur les huiles étrangères qui entraient dans leur composition.
Actuellement les droits de circulation et celui de fabrication n'existent plus : ainsi les fabricants de l'intérieur qui n'emploieront que des huiles nationales, jouiront de l'exemption de tout droit à la circulation, tandis que les fabricants de Marseille, qui n'emploient que des huiles étrangères, acquitteront a l'entrée de leurs savons un droit proportionnel à la quantité d'huile qui entre dans leur composition.
Ces avantages sont naturels; car si d'un côté les droits de fabrication sur les huiles> et ceux de circulation sont supprimés, la contribution foncière sera d'un autre côté plus élevée, en sorte que la valeur des productions du sol doit subir un accroissement.
Ainsi les provinces qui cultivent les oliviers doivent jouir de l'affranchissement de tout impôt sur les huiles qu'elles récolteront ou qu'elles emploieront à la fabrication des savons, tandis que les huiles étrangères, qui entreront dans la composition des savons, doivent acquitter un droit réprésentatif de la contribution foncière.
C'est d'après ces réflexions, Messieurs, que vos deux comités ont pensé que le droit sur les huiles communes importées ae l'étranger devait être fixé à 41.10 s. par quintal, et que celui sur les
savons de Marseille, fabriqués pour la plus grande partie avec des huiles étrangères, devait être réduit à 3 livres par quintal.
Les fabricants de Marseille se plaignent de ces fixations ; ils prétendent que le droit de 4 1.10 s. par quintal sur les huiles propres aux fabriques, est trop élevé, et que cette matière première ne demande pas moins de protection que les autres qui sont affranchies de tout droit; ils soutiennent également que les savons étant un objet de consommation indispensable, il est impolitique de les grever d'un impôt aussi considérable que celui de 3 livres par quintal ; ils prétendent enfin que la fixation du droit à 3 livres par quintal sur leurs savons excède la proportion de celui de 4 1. 10 s. par quintal imposé sur les huiles, et que cette proportion n'est crue de 57 s. & d. par quintal de savon, puisque 1Q0 livres d'huile donnent 156 livres de savon.
Je vous observerai d'abord, Messieurs, que l'importation des huiles d'olives étrangères, destinées pour les fabriques de l'intérieur, est un objet très peu considérable, puisqu'elle n'excède pas un millioD pesant, année commune, et que la France ne manque pas d'huiles qui peuvent être employées aux mêmes usages. L'importation considérable de ces sortes d'huiles est presque entièrement effectuée à Marseille pour la fabrication des savons; et très certainement c'est beaucoup faire pour ce genre de consommation, qué de réduire d'un tiers ie droit de 41.10 s. par quintal, qui était anciennement perçu sur le3 savons de Marseille.
Tels sont les principes qui ont déterminé l'opinion de vos deux comités sur la fixation des droits sur les huiles communes étrangères, et sur les savons de Marseille. Les fabricants de cette ville se plaignent de la disproportion de ce droit sur les huiles, et dç celui fixé sur les savons. Cette disproportion est si faible qu'elle n'aurait pas dû présenter matière à objection.
En effet, en admettant qu'un quintal d'huile fabrique 156 livres de savon, le droit par quintal de savon reviendrait à 2 1.17 s. 3 d., 2 tiers par quintal de savon ; mais Ces fabricants ont des compensations qui doivent les satisfaire : 1° le droit sur les huiles n'est point acquitté à l'entrée de Marseille ; il n'est perçu sur les savons que lors de leur importation dans les ports du royaume : ainsi, dans ie cas de naufrage ou d'avarie, le fabricant de Marseille ne perd point les droits dont il n'a pas fait les avances, au lieu aue celui de l'intérieur, qui emploie des huiles étrangères, acquitte les droits à leur introduction en France, en supporte l'intérêt et les perd, si lés savons qu'il expédie pour le royaume, font naufragés dans la traversée; 2° le fabricant de l'intérieur est forcé de faire l'avance des droits sur les huiles, et dé supporter les intérêts de cette avance, tandis que celui de Marseille n'y est point exposé. Il a aussi des frais de transports à supporter, ét dont Marseille est exempte sur les autres matières qui entrent dans la composition des savons, puisqu'il est obligé de venir en faire l'achat à Marseille. Ces motifs ont paru décisifs à vos deux comités pour établir le droit sur les savons de Marseille à 3 livres le quintal, en fixant celui des huiles à 4 1.10 s. par quintal.
Les fabricants de Marseille font encore une autre objection ; ils disent qu'ils emploient des huiles de Provence concurremment avec des huiles étrangères, et que les savons fabriqués avec des huiles nationales devant être affranchis de tou t droit, il serait juste de leur accorder une réfrac-
tion proportionnelle à la quantité d'huiles nationales qu'ils justifieront employées à leur fabrication. Cette demande serait fondée, si les fabricants de l'intérieur, qui emploieront des huiles étrangères, n'étaient assujettis au payement des droits d'entrée, sans aucune restitution de ces mêmes droits sur les savons qu'ils seront dans le cas de réexporter à l'étranger ; ainsi, la compensation est établie. D'ailleurs, il y aurait un moyen positif d'anéantir les objections des fabricants dè Marseille. Ce serait d imposer le droit sur les huiles étrangères à l'entrée de Marseille, et d'affranchir les savons, tant à l'exportation qu'à la circulation dans l'intérieur : ce moyen serait simple, il ne présenterait aucune difficulté; il établirait la parité de traitement entre les fabricants de savons de Marseille, et ceux des ci-devant provinces du Languedoc, du Roussillon, de la Provence et du Dauphiné.
G'est à vous, Messieurs, à prononcer sur ces difficultés et sur les objections respectives. Je ne me permettrai plus qu'une observation qui a fixé particulièrement l'attention de vos comités ; le produit du droit de 4 1. 10 s. par quintal sur les savons de Marseille était de 1,638,000 livres; celui du droit sur les huiles d'olives communes pour les fabriques revenait à 48,000 livres : total 1,686,000 livres; le droit de 4 i. 10 s. par quintal sur les huiles d'olives communes, et de S livres également par quintal sur les savons de Marseille, ne donnera qu un produit de 1,135,000 livres : conséquemment la diminution des droits est au profit de la consommation de 511,000 livres.
Si la proposition des fabricants de Marseille était agréée, le produit de 1,135,000 livres serait réduit à 571,000 livres, et vous feriez, sans aucune nécessité, sans aucun avantage, un sacrifice de 564,000 livres sur les produits que vous pouvez espérer sur cette branche delà partie des traites.
J'ai cru devoir fixer votre attention pour un objet de cette importance : je reprends l'exposé des bases et des principes du nouveau tarif. Art. 2.
Diverses productions du sol.
Fruits crus, fruits secs et légumes secs.
Les droits à cet égard sont modérés et varient dans la proportion de 2 1/2 à 5 0/0 de la valeur. Ils sont un léger impôt sur la consommation nationale, et suffisent pour assurer la préférence, ou au moins une concurrence certaine aux productions de notre sol. Art. 3.
Métaux non ouvrés.
Cet article comprend principalement les fers et aciers,les plombs et étains; car les cuivres bruts, ayant été regardés par vos comités comme une matière première, sont affranchis de tous droits. A l'égard des autres métaux le droit est à peu
firês dans la proportion de 5 à 10 0/0 de la va-eur, y compris le droit de marque des fers réservés sur les fers et aciers de l'étranger.
Cette proportion est suffisante pour assurer la préférence aux mines et forges nationales qui, affranchies des droits de péage, de circulation et de la marque des fers, pourront aisément soutenir la concurrence de l'étranger.
Art. 4.
Droguerie "pour la médecine.
ta France est nécessairement tributaire de l'étranger pour ces sortes de productions. Leur consommation intéresse les hôpitaux et toutes les classés dè Citoyens. Ce motif a déterminé vos deux comités à ne les imposer que dans la proportion d'un droit modique de 2 1/2 0/0 de la valeur; mais je vous observe qUé les drogueries
3' ui seront importées par le commerce national e l'Inde et de la Chine, ne payeront que moitié -dé çês droits. Art. 5.
Epiceries.
Les épiciers n'ont pas paru susceptibles de la même faveur ;;le droit à leur égard est dans la proportion de 5 à 10. 0/0 de leur valeur. Cependant celles qui nous parviendront par le commerce de l'Inde acquitteront un droit beaucoup plus modéré». parce qu'il est juste de favoriser notre navigation et nos relations dans l'Inde. . Art, 6.
Chairs et beurres salés, et fromages.
La suppression de l'impôt du sel doit nous faire espérer que bientôt nous cesserons sur ces articles d'être tributaires de l'étranger. Vos comité? ont pensé qu'ils étaient susceptibles d un droit plus élevé, et il est fixé çfe^'a 10 0/0 ; mais ils ont en même temps estimé qu^ était convenable de ne point déroger à l'exemption ou modération dont jouissent les fromages, chairs et bèurréS Salés, destinés pour les colonies et pour les àr-mements.Jl viendra, sans doute, Un, temps où cette .faveur cessera d'être utile, et les législatures suivantes prendront alors lé parti que leurs lumières et leur sagesse leur suggéreront. Art. 7
Fin*, eaux-dt^vie et liqueurs.
; Il n'est personne qui né reconnaisse la supériorité de la France pour Ces sortes de productions; elle récolte des vins de la meilleure qualité; ses eaux-de-vie sOnt supérieures à celles d'Êspàgne et du Portugal; Ces motifs, joints à la difficulté de la contrebande; ont fait penser à vos comités qu'ils étaient susceptibles du droit le plus fort que vous avez décrété pour l'entrée; il sera un tribut volontaire à l'égard des liqueurs et vins de liqueurs, tribut payé par le fiche ou l'homme aisé ; il formera, quant aux yips et eaux-de-vie ordinaires, une juste indemnité de la préférence aue les consommateurs accorderont a cehx de 1 étranger sur les vins et eaux-de-vie du royaume. Art. 8
Productions de ta pêche.
. Vos comités, Messieurs, ont pènséque les principes que vous aviez adoptés pour la fixation des droits d'entrée sur les importations de l'étranger, n'étaient pas tellement impératifs, qu'ils ne dussent recevoir aucune exception. Ils ont es-
timé que les productions de la pêche étaient dans ce cas ; en conséquence, ils se sont déterminés à maintenir les droits anciennement établis, ou à ne s'en écarter que d'une manière presque insensible pour encourager la pêche nationale, qui est la meilleure école de nos matelots. Art. 9.
Fabriqués et manufactures diverses.
Dans un système commercial» il ne faut, pour l'intérêt général, prononcer qu'avec une sage réserve des prohibitions absolues, et établir des droits prohibitifs, que dans une mesure qui n'invite pas à la contrebande ; on ne s'est pas toujours tenu à cette règle dé prudence, et les produits "des manufactures étrangères, chargés dans les principes de droits de 20 à 30 0/0 de lâ va^-ieur, se trouvaient imposés de 30 à 45 0/0, et souvent au delà, par l'addition successive des sous pour livres.
Lorsqu'il s'est agi du traité de commerce avec l'Angleterre, le ministère a pensé que nos manufactures rivaliseraient aisément avec celles des Anglais, si ces dernières acquittaient à leur introduction'en France un droit de 10,12 et 15 0/0* Le principe était bon, et les plaintes qui se sont élevées de toutes parts contre le traité du commerce avec l'Angleterre, auraient moins de fondement si les perceptions avaient pu être conformes aux bases fixées par ce traité.
Mais malheureusement on s'est contenté du principe; on a pensé que les déclarations du commercé seraient fidèles, et que les perceptions ne s'éloigneraient pas beaucoup des proportions déterminées par ie traité. L'expérience a fait cofi-haître combien le ministère s'est trompé sur cet article. Les déclarations dut été faites à moitié, au tiers, au quart de la valeur effective, en sorte que les droits n'ont été perçus que dans la proportion de 3,4, 5 et 6 0/0, et dans un temps encore bù les manufactures nationales étaient grevées de droits dé circulation d'un taux souvent supérieur à celui des droits réellement acquittés par les manufactures anglaises*
Vos comités, Messieurs, ont pris les précaution à nécessaires pour éviter de pareilles erreurs; ils ont pensé que votre intention était que le taux des droits fût acquitté dahs les proportions quë vous avez déterminées; et» pour y parvenir, ils se sont appliqués à l'appréciation de la vâlëtir réelle des niarchandisès à laquelle ils ont adapté des taux de 1, 10, 12 et 15 0/0, suivant le plufe ou moins, de facilité que présentent les introductions frauduleuses, ' ••
Ainsi, les montres, les déntelles ët les mousselines ne sont imposées qu'à des droits modérés/ afin de mettre le percepteur en rivalité avec la contrebande, qui n'exigerait qu'une assurance modîqtie de 3, \ ét 5 0/0 de la valeur; Cependant les mousselines de Suisse, rayées ët à Carreaux» Retrouveront imposées à un droit d'ëntifrm 100/0* parce que leur poids est très fort dans lâ proportion de leur valeur.
Les bonneteries, les dràps et étoffes sont ta-» rifés dans la proportion de 7, 8, 9, 10 ët 12 0/0 de la valeur, suivant le plus ou le moins dé facilités quë présente leur introduction; mais ces droits déterminés au poids, ne seront pas susceptibles d'uhe rédubtioh aU-dessous dé IëUr Valeur effective, comme Ceux dont la perception est réglée par les déclarations. Enfin Vos comités ont adopté la proportion de
12à 15 Ô/tfsUr les cuirs ouvrés et apprêtés; sur les fers ouvrés, la quincaillerie, la mercerie et autres objets, dont l'introduction, ne pouvant avoir lieu qu'en grosses parties, ne présenterait pas, vu la imidicité de leur valeur intrinsèque, un bénéfice stiffisant pour compenser les risques de l'introduction* et payer lë prix des agents.
Ces. bases, Messieurs; ont paru, à vos deux comités, suffisantes pour conserver à nos fabri-
3ues ét manufactures lâ préférence qu'il est juste
e lui assurer sur celles de l'étranger; je ne dois cependant pas vous dissimuler qu'il est un article qui a excité beaucoup de réclamations, il concerne le droit sur, les toiles, et je crois devoir le soumettre à votre décision.
Un arrêt du 27 mars 1,692 a fixé ie droit sUr les toiles étrangères, savoir: SUr les tbiles de lin à 8 livres, et sur celles de chanvre à 4 livres par pièce' de 15 aunes. Ces droits Sont sujets aux 10 sols pour liyré; conséquemment le droit d'entrée est de. 16 sols par aune sur les toiles de lin et de S sols sur celles de; èhanvre, ce qui établit une proportion commtiné de 12 sols par aune.
Mais ces droits sont'ànsolùment il It^rrés, parce qu'en vertu d'un arrêt du 24 mars 1744, les toiles etr.ât]gères„sbnt admises par les bureaux au département du Nord, en payant 1 1. 17 s. 6 d. par quintàl pour les toiles dont la valeur n'excède
g as 1 L 5 s. l'aune, et 71. 10 s. pour les toilës jjes.,-;
Cette différen0e de droits détermine les toiles étrangères, destinées pour le royaume, à prendre leur route par les Pays-Bis de Ja domination de l'empereur, d'où elles entrèrit par les bureaux dès Ci-devant provinces de Flandre ét du Hainaut, en né payant que les droits modérés de l'arrêt dë 1744.
Arrivées én Flandre e,t Hainaut, Ces' toiles reçoivent, l'empreinte de toiles nationales, et commé telles, circulent dans lé royaume, et sont expédiées pour nos colonies'. Comme toiles nationales, au grand préjudice de nos inànulactures.
Les toiles de SUiSsié affranchies, en passant à Lyon, de moitié dbs droits de 1 arrêt, de 1692, ont souvépt. préféré à.cette faveur, d'emprunter le transit pouf l'Allemagne et les Pays-Bas de l'ècn-pereur, parce qu'au moyen de ce transit, elles entraient en ne payant que 1 1. 17 s. 6 d. par qUititàl.
Les droits fixés paH'arrêt dé 1692 reviennent à 20 ou 30 Ô/0 de fa valeur} ét vos comités ne se sont point dissimulé qu'ils présentent à la fraudé un appât trop considérable, pour que l'on puisse espérer d'y mettre un frein effectif.
flsdht en même temps reconnu qùé les droits fixés par l'àrrêt de 1744 étaient infiniment trop faibles pour ménager à nos manufactures la préférence qU'tt est juste de lëUr àfccÇrder.
Il a été néôësSâirë de prendre un parti sur la fixation du droit auquel les toiles étrangères seraient assujetties, et vos comités ont discuté cette matière àvèc tdttte l'attëntibn qu'ëlle méritait.
Il a été question de savoir si l!on adopterait deuX classes de droits, l'ub pour lbs toiles fines, ét l'autre pour les toiles comthunës ; mais l'introduction dés toiles se faisant ordinairement par assortiment, vos comités qht pensé que la division des toiles feri deui ciasSeS présenterait des sources de contestations sans nombre'entre le commerce 'et les préposés à la perception; et d'après éè motif, ils ont ëStimê quë le droit sur les toiles devait êtrë unique et fixé à ûn taux unifohué. sans distinction de qualités.
Cëttë aêrerminâtiOb pf tbmitéé biit
procédé à la fixation du droit auquel les toiles étrangères seraient soumises.
Il a été reconnu que 160 aunes dë toiles communes pesaient ordinairement un qUiutal, et que 285 aunes de toiles fines ne donnaient que le mêmè poids, én sorte qu'en évaluant à la même proportion l'introduction des toiles fines et communes, on peut estimer un quintal coïnme représentant 200 aUnes de toiles dé toutes sortes. 1
On a calculé ensuite que les assortiments de toiles venant de Flandre sont supportées en France, dans la proportion de. deux cinquièmes de toiles fines et trois cinquièmes de toiles communes, et que le prix commun dè ces assortiments ne pouvait être évalué, au-desstts de 2 1. 10 s. D'après cette base, on à déterminé la fixation du droit à 30 livres le quintal, proportion à peu près de 7 à 8 0/0 de la Valeur effective.
Je dois vous observer que cette fixation paraît aVoir excité beaucoup de mécontentements de la part d^bos manufactures, et je m'àttêttds quelle Sera critiqué?; mais afin de déterminer votre décision SUr un objet aussi important; jë dois vous expoàdr les motifs qui ont fixé l'opinion de vos cbrhités poûr la fixation du droit de 30 livres le quintal.
1° L'introduction des toiles étrangères en France forme un objet de plus de' 20 lîitlfions.année commune; Cette introduction a lieu généralement par les bureaux situés dans le département du Nord :. les droits dé 1 1. i7 s: 6 d;, et T H 10's., le quintal, j ne reviennent pàS à 4 1.10 s., pour rassortiment des toiles fines et communfcs', ainsi le droit de '30 livres est à pëu près six fois au-dessus dè celui dë l'arrêt de 1744, ët vos comités ont pensé qu'il serait inutile pour le moittent, ét peut-être impolitique, dè l'exhausser au delà*, parce qtftin droit plus considérable, en nous privant dé tirer les qualités de toiles étrangères qué nous ne fabriquons pas et qui sont nécessaires & l'assortiment de ceiles dè nos propres manufacturés que ùôtis fournissons & l'Espagbé) à l'Itàlîè et aux colonies, anéantirait un commerce immensè et réciproque, dont l'étranger s'emparerait à nos dépens.D'ailleursa;les limites de la Flandre autrichienne sont presque partout mêlées et enclavées avec celles du département du Nord, et cette situation rendrait les Introductions frauduleuses très aisées si lé drdit était trôp élevé;
Ainsi ^intérêt du Trésoi* public S'est joint aux. vues dè la politique dans la fixation qui vous est proposée par vos deux Comités.
Je suis entré .dans ces .détails, Messieurs, afin de prévenir les objections qui pourraient vous être faites Contre la fixation au droit de 30 livres le quintal adopté par vds cdtnilés. :
Vos comités, en se conformant à Votre décU sion, ont restreint yos prohibitions à très "peu d'arfiCleS, savoir f 1° Les médicaments cotilpdsésj dont ia Vétusté OU là mauvaise qhâlité peuvent être nuisiblés à la santé. L'article dé la pharmaf Cie en France ëst assez perfectionné, pour noué procurer sans peine et à peu de frais toutes les ressources nécessaires à la santés '
2° Les dorures fausses et les fils d'or fauX, fHés sur soie. Cette prohibition a paru nécessaire poUf empêcher le consommateur d'être trompé. D'ail-ieurs, la fabrication du fil d'Or faux, file sur sole, ëst prohibée en France. .
3® La poudre à tirer ét le salpôtré; Ii'ttitfbduc-tion de la poudré étrangëré seraiHhcombtttibtè avec le privilège exclusifs de là fàbricâtioti dés poudres, tant que vous lë maintiendrez. I
La prohibition du Salpêtré étrahfeeif est fôitdêfe
aur les conventions faites par la régie des poudres avec les salpétriers. Par cette convention, la régie s'est engagée à prendre, au prix de 12 francs la livre, tout le salpêtre qui lui serait livré. Ce marché ne pourrait plus avoir sop exécution, si l'importation du salpêtre étranger était permise. On abandonnerait la recherche du salpêtre dans le royaume, et dans une guerre imprévue la nation pourrait se trouver dans la dépendance de l'étranger pour son approvisionnement de poudre à tirer. Mais il convient d'obliger la régie à fournir aux fabricants des eaux fortes et autres acides, les salpêtres dont ils ont besoin, à un prix très modéré, et il vous sera proposé des mesures à cet égard.
4° Les eaux-de-vie, autres que de vins et connues sous, la dénomination de rhums, tafias, et eaux-de-vie de genièvre, leur admission porterait le plus grand préjudice aux eaux-de-vie du royaume. D'ailleurs, votre comité d'agriculture et de commerce aura incessamment à mettre sous vos yeux (es réclamations de toutes les raffineries de sucre du royaume, qui vous demandent avec beaucoup de justice a être autorisées à la distillation de leurs sirops pour être convertis en eaux-de-vie, ce qui jusqu'à présent leur a été rigoureusement défendu, et les force à exporter ces matières à l'étranger qui profite d'une main-d'œuvre intéressante, qu'il serait utile à la nation de conserver.
5°. Les verreries autres que les bouteilles et la verroterie; cette prohibition facile'à maintenir a paru indispensable, attendu que la visite des voitures chargées de verrerie est impraticable, et que leur introduction faciliterait évidemment celle des objets manufacturés et autres articles, en fraude des droits d'entrée fixés par le tarif.
Tels sont, Messieurs, les observations que j'ai dû vous soumettre, pour déterminer votre décision sur les droits d'entrée contenus au tarif qui vous est présenté par vos deux comités. Je n'aurai que peu de réflexions à vous offrir sur les droits de sortie. Droits de sortie.
Il a paru convenable d'affranchir de tous droits de sortie les productions du sol et de notre industrie; parce qu'ayant à rivaliser avec celles de l'étranger, la perception de ces droits, en augmentant les valeurs originaires, nuirait à leur débouché.
Ainsi très peu d'articles sont soumis à des droits de sortie, savoir ; 1° les bestiaux tarifés dans la proportion de 2 1/2 à 5 0/0 de la valeur; 2° quelques matières premières imposées à peu près dans ia même proportion, tels que les cotons en laine, les cires brutes, les bois feuillards, les graines et herbes pour la teinture, les graisses et suifs, les fils simples bis et écrus ; les laines, les peaux et cuirs en vert et quelques autres objets.
Mais il est plusieurs matières premières à l'égard desquelles il a paru nécessaire à vos comités de maintenir la prohibition présentement existante, attendu le préjudice que leur extraction causerait à nos fabriques et manufactures : 1° Les bois de constructions et merrains; 2° la bourdaine employée dans la fabrication de la
ftoudre à tirer; 3° le charbon de bois ; 4° toutes es matières propres à la fabrication de la colle et du papier, ainsi que celles pour nos tanneries et notre chapellerie ; 5° la mine de fer.
Leur prohibition a paru préférable à des droits, attendu que leur peu de valeur ne permettrait d'en établir que de disproportionnés au taux que vous avez adopté, et que l'extraction de ces matières premières serait difficilement remplacée par les importations de l'étranger : on ne pourra néanmoins se dispenser d'àccorder quelques exceptions locales, telles que l'extraction du minerai par le Roussillon, à défaut de bois et d'usines dans une proportion suffisante, pour le consommer sur les lieux ; les écorces de tan, les bois et charbons que quelques cantons qui touchent l'extrême frontière, produisent eû quantité excédant leur consommation, et dont à raison de l'éloi-gnement ou des mauvais Chemins, ils ne peuvent pas trouver le débouché dans le royaume, vous autoriserez sans doute l'exportation de cet excédent à l'étranger. Ces exceptions locales pourront être accordées sur les représentations des directoires de départements ; votre comité d'agriculture et de commerce a déjà recueilli plusieurs demandes qui ont été formées pour cet objet; il attend encore des renseignements sur plusieurs autres, et il vous proposera un projet de décret à cet égard.
L'article des vins a paru, Messieurs, à vos comités, mériter une attention particulière ; il n'est pas douteux que l'étranger sera toujours tributaire de la France, quant aux vins d'une qualité supérieure, et très certainement un droit de 5, même de 10 0/0, ne pourrait nuire à leur extraction ; mais nous récoltons au delà de nos besoins des quantités considérables de vins d'une qualité commune, et d'un bas prix, dont le débouché deviendrait très difficile, s'il était contrarié par un droit exorbitant ; il est donc nécessaire de leur ménager les facilités propres à leur procurer le débouché, et les droits à l'égard de ces vins doivent être très modérés.
Or, si on détermine un droit fixe sur la valeur commune des vins exportés par tel port ou bureau, le droit est nui et presque insensible relativement aux vins d'un grand prix ; il devient exorbitant pour les vins communs de médiocre qualité.
La justice exigerait donc que le droit fût déterminé d'après ia valeur des vins qui seront exportés, et c est le parti auquel vos deux comités se seraient arrêtés, s'il ne présentait des difficultés peut-être insurmontables.
En effet, si l'on fixe le droit de sortie sur (es vins à 5 0/0 de la valeur, il faudra nécessairement une déclaration de cette valeur ; des formalités difficiles à remplir pour assurer la sincérité de cette déclaration, des retenues dans le cas de mésestimation, des ventes publiques qui seront à bas prix, et finalement des contestations sans nombre entre les commis et les expéditionnaires, lorsque les chargements dans un port comme celui de Bordeaux seront très multipliés.
Ces inconvénients sont grands et inévitables ; mais pour les prévenir, il ne serait pas juste d'adopter un droit fixe, suivant le port ou le bureau d'expédition, puisque le droit serait exclusif à l'égard des vins de médiocre qualité, tandis qu'ils procureraient aux vins d'un prix supérieur, un avantage dont ils n'ont aucun besoin pour leur débouché, et qui n'en accroîtrait pas l'exportation.
D'après ces considérations, vos deux comités ont pensé que pour éviter toute injustice, pour conserver aux vins de France les avantages de l'exportation, sans néanmoins priver le Trésor public du tribut que nous paye l'étranger qui ne
peut se passer dé dos vins, il convenait d'imposer leur sortie à un droit iixe, avec faculté aux expéditionnaires de n'acquitter ce droit que dans la proportion de 5 0/0 de la valeur, quant aux vins pour lesquels le droit fixe déterminé pour chaque port ou bureau excéderait la proportion de 5 0/0 : en prenant ce parti, tous les intérêts seront conciliés ; les vins, par exemple, qui seront expédiés par le port de Bordeaux, et dont la valeur sera de 200 livres le muid et au-dessus, acquitteront le droit de 9 livres par muid sans aucune réclamation ; mais ceux pour lesquels ce droit serait trop considérable, ne payeront à la sortie que 50/0 de la valeur sur la déclaration de l'expéditionnaire, dont les mésestimations seront arrêtées par la crainte des retenues auxquelles il s'exposerait en recevant le dixième en
sus de la valeur déclaré.e
Vos comités, Messieurs, ne se sont pas dissimulé que ce mode de perception ne serait pas totalement exempt de difficultés; mais c'est celui qui est le plus conforme à la justice, et ce motif est décisif en sa faveur.
Je dois cependant vous observer qu'il est quelques vins dont ia faible qualité mérite une exemption, et dont l'exportation ne doit être assujettie qu'à un modique droit de sortie équivalent, pour ainsi dire, à l'affranchissement : tels sont les petits vins blancs du département de la Loire-Inférieure; ceux des ci-devant provinces des Trois-Evêchés, Lorraine et Barrois, composant actuellement le département de la Meurthe et de la Moselle, ceux enfin de l'ancienne province de Franche-Comté qui forme le département du Mont-Jura, du Doubs et de la Haute-Saône.
Il serait donc juste pour leur conserver une faveur indispensable à leur débouché, -pour ne point altérer le commerce qui subsiste entre l'Allemagne et les ci-devant provinces de Lorraine et Trois-Evêchés, dont les voituriers Chargent en retour les petits vins de ces provinces et du Barrois; pour ne point grever d'un impôt sensible les vins de la ci-devant province de Franche-Comté qui n'y sont point actuellement assujettis, de modérer à 10 sols par muid, mesure de Paris, les droits de sortie sur les vins qui seront exportés par le département de la Basse-Loire, du Mont-Jura, du Doubs et de la Moselle, lorsqu'ils seront d'une valeur inférieure aù prix de 30 livres par muid.
En adoptant ce parti, vous éviterez le double inconvénient d'accorder une faveur inutile aux vins d'une grande valeur, et de gêner l'extraction de ceux qui sont d'un bas prix, ou d'une médiocre qualité.
Cette mesure relativement aux droits de sortie sur les vins, ne vous est proposée que dans le cas où vous n'adopteriez pas ie projet qui vous a été soumis par votre comité de l'imposition, tendant à assujettir à un droit d'enlèvement la totalité des vins récoltés en France ; car si vous adoptez cette proposition en remplacement des divers droits d'aides qui affectent les boissons à la fabrication, à l'enlèvement, à la vente et la revente eu gros et à la circulation, l'exportation des vins devrait être affranchie de tous droits, puisque autrement ceux qui auraient la destination dé l'étranger acquitteraient un droit de 9 à 10 0/0, capable de nuire à leur débouché.
Il est clonc essentiel, Messieurs, que vous preniez un parti relativement à cette proposition.
Un autre objet qui ne sollicite pas moins votre attention et une prompte décision, c'est celui de l'impôt du tabac. Votre comité des contributions
publiques est spécialement chargé de cet objet. Je ne viens point aujourd'hui provoquer votre décision sur une question aussi importante, et me livrer à une discussion qui doit être faite séparément; mais vos comités, Messieurs, pour ne rien préjuger, n'ont porté le tabac dans le tarif que pour mémoire, parce qu'ils ont pensé quedansl'intervalledu décret sur le tarif, jusqu'au moment de sa promulgation, qui sera nécessairement retardée par l'impression d'une nouvelle édition du tarif dans une forme plus légale, vous pourriez décider cette grande question, et qu'alors le tabac se trouvera naturellement placé au rang que vous lui aurez assigné.
Après vous avoir entretenus du tarif qui doit régler les opérations commerciales de la France avec l'étranger, je dois vous exposer les principes que vos comités ont cru devoir adopter, quant aux droits dont seront susceptibles les marchandises de l'Inde et de la Chine, qui nous parviendront par notre commerce direct.
Ces principes vous ont déjà été présentés, il y a quelques mois, dans le rapport de M. de Fon-tenay, sur le commerce français au delà du cap de Bonne-Espérance : mais les changements que vos décrets postérieurs ont fait éprouver au premier projet du tarif général,- en ont également nécessité sur la fixation des droits que devront acquitter les marchandises du commerce national de l'Inde et de la Chine.
Les matières premières doivent être affranchies de tous droits, puisque c'est une exemption qu'il convient d'accorder à celles que la France tire de l'étranger, ainsi que je vous l'ai précédemment exposé.
Les drogueries n'acquitteront que la moitié des droits fixés par le tarif général; le droit sera encore plus modéré sur les épiceries : c'est une faveur qu'il paraît juste et nécessaire d'accorder à notre navigation. D'ailleurs, il serait utile et avantageux que notre commerce direct pût remplacer les importations des Hollandais.
Les toiles ae coton peuvent, à beaucoup d'égards, être considérées comme une matière première, étant même d'une nécessité absolue pour nos fabriques d'impression; nous n'avons pas pensé que le droit sur celles de l'Inde dût être dans une telle disproportion avec celui sur les marchandises de même nature importées directement de l'étranger, qu'il favorisât le monopole des armateurs de l'Inde. Nous avons en conséquence porté le droit sur les toiles de coton de notre commerce de l'Inde aux deux tiers des droits proposés sur celles venant de l'étranger, avantage suffisant pour leur assurer toujours la préférence sur ces dernières. Par le même principe, les mousselines de l'Inde ne payeront que 150 livres du quintal, tandis que les mousselines étrangères acquitteront le droit sur le pied de 200 livres; il faut observer qu'indépendamment de cette différence sur la qualité du droit, la qualité des mousselines de l'Inde, beaucoup plus fines et conséquemment plus légères, leur assure un avantage décidé sur l'acquittement du droit.
Les toiles peintes provenant du commerce de l'Inde sont actuellement prohibées; les toiles rayées et à carreaux et les guinées ne sont admises que pour la destination du commerce d'Afrique. Vos comités ont pensé que les unes et les autres pouvaient être reçues pour la consommation du royaume, en payant pour les premières le même droit que les toiles peintes venant de l'étranger, et pour les autres, 75 livres par quintal. Celles-ci continueront de jouir de l'affran-
chissement du droit, quand elles seront mise» en entrepôt à la destination de l'Afrique. _
Les Gotons filés acquitteront un droit dç 12 sols par livre» qui revient à peu près à 5 0/0 de la valeur. _ .
Les cafés importés par nos bâtiments de l'Inde étaient assujettis à un droit de 37 1. 10 s. par quintal ; vos comités ont pensé que ce droit pouvait être réduit à 20 livres.
11 est un article essentiel qui a paru mériter une exception.
Il concerne les étoffes de soie. ou dans le tissu desquelles il entre de la soie» ainsi que les étoffes d'écorce d'arbres» Vos comités ont pensé que l'importation devait en être absolument écartée : l'intérêt de nos fabriques et manufae-r tures exige impérieusement cette prohibition j il leur serait impossible de soutenir la concurrence avec Ges étoffes.
En effet, dans ces régions éloignées, le bas prix de la main-d'œuvre et des matières premières établit la valeur originaire de ces étoffes à 60 0/0 au moins au-dessous de leur valeur en France. Leur peu 4e volume ne constitue pas des frais de transport très considérables f le commerce pourrait donc les donner à 50 0/0 au-dessous du prix des étoffes que nous fabriquons ; et si, pour ramener l'égalité* OU avait recours à des droits de 40 et 50 0/0 de la valeur» ils seraient constamment éludés par la contre* bande. Ces motifs» Messieurs, sont décisifs en faveur de la prohibition; vous pouvez d'autant mieux l'adopter» que le commerce de l'Inde est absolument passif pour la France» ét que nous n'avons à craindre aucune réciprocité de là part des puissances de l'Inde et de la Chine; Il est donc juste de ne point exposer nos manufactures à la rivalité de leurs étoffes i
Je vous observerai encore qtle les productions des lies dé France et de Bournon seront traitées à l'instar de celles de nos colonies d'Amérique» et c'est une mesure qu'il est juste d'adopter;
II me reste» Messieurs, à fixer votre opinibn sur le traitement que devront supporter lès marchandises dë notre commerce dans l'Inde» déclarées pour retourner à l'étranger; . li a paru à Vos comités que la quotité des droits, proposée sur les drogueries et les épiceries» n'était peint assez considérable pour nuire à leur réexportation, qu'il en était de même sur les ouvrages vernis et les porcelaines;
Les toiles de coton» les mousselines et autres tissus ne lui ont pas paru dans le môme cas* Il
est vrai que, depuis 1769 jusqu'en 1784, la destination de ces marohandises pour l'étranger ne les affranchissait pas du droit d'induit de 5 0/0 de la valeur qu'elles supportaient. Cependant vos comités ne se sont point dissimulé que l'acquittement des nouveaux droits, quelque modérés qu'ils soient, pourrait nuire & leur débouché) en conséquence» ils se sont décidés à vous proposer la restitution de la moitié des droits qui auront été perçus sur ces tissus.
Vos comités auraient désiré ne pas différer de vous présenter. leurs vues sur la fixation des droits auxquels il conviendra d'assujettir les productions des colonies françaises. Mais cet objet mérite, des considérations particulières | vos comités s'en occupent, et ne tarderont pas de les soumettre à la sagesse de vos délibérations» après s'être concertés avec le comité colonial, de manière à concilier les intérêts des colonies et de la métropole; et vos comités ne négligeront rien pour vous présenter des bases conformes à vos principes» et propres à concilier tous les in* térêts.
Cet article est indépendant du tarif, dont il n'est plus possible de différer la promulgation» sans compromettre essentiellement les intérêts de notre commerce et de notre industrie ; ainsi j'ai l'honneur dé vous proposer en leur nom le projet dë décret suivant t Projet de décret.
L'Àfesënâblée tlâtlfitiàlé. à^ês aVoir éiitètidu le rapport de seS bôttijtès u'agriiibltjife dë Commercé» et des Contributions publiques, décrété ce qui suit :
A Compter du lé*prochain, le présent tàrir Servira à la perception des droits d'eqtrée et d£ sortie du royaume sur toutes les matières, denrées et àjarcnânajpep qui y sont assujetties» sàUf leà exceptions qui seront incessamment réglées ; ët Ce tarif sera annexé au décret des 30 et 3i octobre dernier.
Les droits fixés par le tableau joint au même tarif pour les marchandises provenant du commerce français au delà du cap de B0nne-Ëspé-> rànce, seront perçus à compter de la même époque.
fit sera» le présent décret, porté à l'acceptation du roi, qui sera prié de donner les ordres nécessaires pour sën exécution;
Projet m Tarif.
Projet du tarif des droits qui seront perçus à toutes les entrées et sorties du royaume.
DÉNOMINATIONS.
Absinthe, herbe......................
Acacia.....;.........................
Acaja ou prunes de Monbain..........
Acajou (Noix d').....................
Acier non ouvré......................
Acier fondu..........................
Acorus vrai ou faux............... . ..
Aes. Ustum ou cuivre brûlé...........
Agaric autre que celui ci-après.......
Agaric entrochique...................
Aiçnus cactus (Graine d')..............
Agrès ou apparaux de navires.....;..
Aigle (Pierre d')......................
Ai^re ou huile de vitriol..............
Ail........i............ ............
Aimant (Pierre d'}............;.......
Alana, craie et tri poli de toutes sortes.
Albâtre..............................
Alkecange, bayes et feuilles..........
Alkerme ou écarlate..........;.;.....
Allière (Graine d')................i ;..
Allumettes....'.......................
Aloès........................... ;...
Alpagattes ou souliers de corde.......
Alpiste ou millet................................
Alquifoux......................................
Alun, excepté celui ci-après.,......;............i
Alun brûlé ou calciné.............. i............
Amadou........................
Amandes en coque..............................
Amandes cassées ...............................
Ambre gris et liquide.........,;................
Ambre jaune.... ;..............................
Ambrette ou abelmose....................... ...
Améthyste.....«................................
Amianthe.......................................
Amidon........................................
Ammy..........................................
Ammoniac (Sel d')..............................
Ammonium racemosum ou verum................
Amurca ou marc d'olive..........................
Anacardes.....................................
Anatrum ou natrum, écume de verre........;....
Anchois...................................i....
Ancres de fer pour la marine.....................
Anes et ân esses.......... .................
Angélique (Graine, racine et côte d')..............
Ams vert (Graine ou semence d').................
Anis étoilé ou badiane, ou anis de la Chine.......
Antale ou antalium, coquillage...................
Antimoine cru..................................
Antimoine préparé..............................
Antolphe de girofle..............................
Ant^re ou antora..............................
Appios ou fausse angélique......................
Apocin (Graine d')..............................
Arbres en plans.............................. ...
Arcanson ou bray sec...........................
Ardoises ordinaires, pour couvertures de maisons.
Ardoises en tables, Aréca ou aréque...
cassee.
NOMBRE, POIDS TAUX DES DROITS.
et
MESURE. ENTRÉE. SORTIE.
I. S. 1. S.
le quintal. » 8 ri »
i'd. 6 ri 8 »
id. i » » »
id. 1 10 S »
id. 1 10 ri ))
id. 1 10 » »
id. 1 10 » »
id. i io » n
id. 4 » » »
id; 7 10 ri »
id. 2 ri ri »
à l'estimation. 10 o/ô » »
le quintal. 1 ri i> »
id. 20 i» ri »
id. »' 3 ri »
id. 1 ri > »
id. 1 10 » »
id. » » ri ri
ia. 1 f> ■ » ri
ia. i> 10 » »
id. » 10 » ri
id. » 12 T) ))
id. 4 » » »
la douzaine dè 1 10 » »
paires. » 10
le quintal.' )> »
id. » 10 » J>
id. » 5 X> ))
id. 15 » » >>
id. 3 » » ri
id. 1 » ri »
id. 2 » » ri
la livré. 15 » » f)
le quintal. 9 # ri »
id. 2 10 » »
à l'estimation. 5 0/0 » »
le quintal. » 5 » »
id. ' 5 » » »
id. 2 » » »
id. 5 » » »
id. 7 10 ' ri »
id. » » 10 »
id. 3 » » ri
!d. » » ri »
id. 9 » » »
id. 1 10 » ri
la pièce. » 5 » 5
le quintal. 4 » ri »
id. 3 » » »
id. 5 » ri »
id. i îo » »
id. 1 10 » »
id. 4 » » »
id. 15 » » »
id. 1 » s »
id. 2 10 » »
id. » 5 » »
id. » » » »
id. » 5 » »
le millier, en 3 » »> »
nombre.
le cent, en nombre. 2 10 » »
le quintal. 2 10 » »
ri » » » »
DÉNOMINATIONS.
NOMBRE, POIDS et
mesure.
Argent fin en trait, en lame, en feuilles battu et filé.
Argent faux ou cuivre argenté......................
Argent faux en lames, en feuilles trait et battu......
Argent faux filé sur fil ou filé faux..................
Argent faux filé sur soie............................
Argenterie de toutes sortes.........................
Argent vif ou mercure..............................
Argentine (Graine)..........................
Argile ou terre glaise...,................... .........
Aristoloches.......................................
Armes blanches.............................
Armes à feu.......................................
Arsenic........................................
Asclepias ou contrayerva blanc......................
Asphaltum ou bitume de Judée.....................
Aspini ou épines anglières..........................
Assa fœtida ou stercus diaboli......................
Alvegnede ou valanède............................
Avelines ou noisettes...............................
Aventurine ........................................
Avirons de bateaux................................
Aulne (Ecorce d')...................................
Aunée ou enula campana (Racine d')..............
Avoine (Gruau ou farine d')........................
Autour............................................
Autruche (Poil, ploc et duvet d')...................
Azarum................,..........................
Azur de Rochefin ou lapis lazuli.....................
Azur en pierre ou smalt...........................
Azur en poudre ou émail,..........................
B
Balais de bouleau et autres communs.....................
Balaustes fines et communes ....;..:....................
Baleine coupée et apprêtée...............................
Baleine en fanons................. '.......................
Balles de paume.................. .....................». ■.
Bambous ................................................
Bandoulières ou baudriers;....................i........i..
Bangue.................J.......,........................
Barbotine ou semen conti'a...............................
Bardane (Racine de)......................................
Bâts, selles grossières....»................................
Bateaux, barques, canots et autres bâtiments de mer, neufs ou
vieux....................................................
Bateaux de Savoie et du lElhin neufs........................
Battin non ouvré...........................................
Baume du Pérou, noir, liquide, sec ;«de Tolu et de la Mecque.
Baume. du Canada..........................................
Baume de copahu ou copayba..............................
Bayes de laurier................ ..........................
Baclium........................;..........;...............
Ben (Noix de).................................... i... *.....
Benjoin de toutes sortes....................................
Bessard ou pierre de fiel.........„•....................... ^..
Bestiaux de toutes sortes, savoir :
Agneaux.............................................
Béliers.............~..................................
Bœufs..............................................
Boucs.................................................
Brebis.............-................................
Cabrils et chevreaux..................................
Chèvres..............................................
Cochons, grands et petits.... ..........................
Génisses.... -......-..................................
Moutons.............................................
Taureaux..........- ................................
Vaches.............j...................................
Veaux.............«..................................
TAUX DES DROITS.
ENTREE.
1. s.
le marc. 6 »
le quintal. 50 »
id. 50 »
id. 80 »
prohibé.
le marc. 6 »
le quintal. 3 »
id. » 10
id. » »
id. 1 10
id. 40 »
id. 36 »
id. » 10
id. 4 * »
id. 5 »
id. 1 »
id. 3^)
id. » »
id. 1 10
à l'estimation. 5 0/0
le cent, en nombre. 1 »
» » »
le quintal. » 5
id. 1 10
id. 10 »
» . » »
le quintal. » 10
id. 60 »
id. » 5
id. 3 »
à l'estimation. 5 0/0
le quintal. 2 10
id. 30 »
id. 15 »
id. 6 »
à l'estimation. 12 0/0
le quinial. 20 »
id. 3 »
id. 5 »
id. » 5
la pièce. » 10
» . . » »
à l'estimation. 10 0/0
» » y>
la livre. 1 5
id. » 10
id. » 5
le quintal. » 15
id. 6 »
id. 6 »
. id.. 10 »
» 6 »
la pièce. . • » »
id. » »
id. . » »
id. » »
id. ». »
id. » »
id. » »
id. » »
id. » »
id. i » 2>
id. » »
id. » »
id. » »
SORTIE.
3 10
5
3 8 10 10
5 »
15
DÉNOMINATIONS.
NOMBRE, POIDS
TAUX DES DROITS.
Bétel (Feuilles de)..........................*.............
Beurre frais................ ..............i.............
Beurre salé et fondu.......................».............
Beurre de saturne..........................*.............
Beurre de nitro et salpêtre.................*.............
Bière....................................................
Bijouterie de toutes sortes................................
Bimbloterie (Ouvrages de).................................
Biscuit de mer...........................................
Bismuth ou étain de glace................................
Bisnague ou visnague (Taille de)..........................
Bistorte.................................................
Bistre...................................................
Bitumes autres que ceux dénommés au présent tarif........
Blanc à l'usage des femmes...............................
Blanc de plomb en écaille................................
Blanc de baleine........................................ .
Bleu de Prusse............................«.............
Boites de bois blanc.......................................
Boîtes ou tabatières de carton, de papier ou de cuir........
Bois de construction navale et civile et tous autres, excepté ceux
ci-après...............................................
Bois de buis...............................i...........
Bois de marqueterie et de tableterie.........«.............
Bois merrain...'.........................................
Bois de teinture moulus...................................
Bois de teinture, en bûches ou échsses....................
Bois à tan...............................................
Bois ouvrés de toutes sortes..............................
Bois d'éclisse pour tamis, seaux, cribles, etc...............
Bois feuillards pour cercles ou lattes, etc..................
Bois à Vusage de la médecine et des parfumeurs, savoir :
Bois d'aloès ou aspalatum..................................
Bois néphrétique...........................................
Bois tamaris...........................................
Bois de baume ou xilo balzamum...........................
Bois de crable ou de gérofle................................
Bois de Rhodes à l'usage des parfumeurs....................
Bois de Santal, citrin au même usage.......................
Bol d'Arménie.............................................
Bonneterie de toutes sortes, savoir :
Bonneterie de laine ou étames..............................
Bonneterie de coton....................................... •
Bonneterie de fil...........................................
Bonneterie de laine, fil et coton, poil et autres matières mêlées
Bonneterie de poil de lapin, de lièvre et de chèvre...........
Bonneterie de filoselle ou fleuret............................
Bonneterie de soie................... ......................
Bonneterie de soie mêlée d'autres matières...................
Bonneterie de castor.......................................
Bonneterie de vigogne.......................................
Borax brut et gras.........................................
Borax purifié et rafiné.....................................
Bouchons de liège ou liège ouvré............................
Bougies de spermaceti ou blanc de baleine...................
Boules de mail.. ............................................
Boules de terre............................................
Bourdanie................................................
Bourgeons de sapin........................................
Bourre ou ploc de toutes sortes.............................
Bourre rouge et autres à faire lit..............-.............
Bourre nolisse ou nalisse...................................
Bourre tontisse............................................
Bourre de chèvre...........................................
Boutargue.................................................
Bouteilles de verre noir pleines ou vides.....................
le
et
MESURE. ENTRÉE. SORTIE.
le quintal. 10 » » )>
id. » » » »
id. 2 10 » . »
id. 2 10 » »
id. 3 » » »
le muid de Paris. 10 » » »
â l'estimation. 12 0/0 » »
id. 12 0/0 » »
» » » » »
le quintal. 1 » » »
id. 6 » » )>
■ id. » 15 » »
id. » 15 5) />
id. 1 » » »
id. 24 » » »
id. 6 » » »
id. 15 » » »
id. 30 ». . » »
id. 1 10 » »
id. 90 » » »
» » » prohibé.
le quintal. 1 » 2 »
» » » 2 »
» » » prohibé.
le quintal. 3 » » »
» » » » »
» » » prohibé.
à l'estimation. . 15.0/0. » »
id. 5 0/0 5 0/0
Le millier, en 5 :» 1 10
nombre.
le quintal. 20 » » »
id. 25 » » »
id. • 1 10 » »
id. 20 » » »
id. 15 » » »
id. 5 >» » »
id. 10 » » »
id. 2 » » »
id. 100 » » »
id.. . 140 » , » »
id.. 90 » » »
id. 90 » v »
id. 90 » » »
la livre. 4 10 » »
id. 6 » » »
id. 4 10 » »
id..... 1 15 » »
id. 1 10 » »
le quintal. 3 » » »
id. 12 10 » »
id. 12 » » »
id. 30 » » »
id. 4 » » »
id.. » » » »
id. » » prohibé.
id. » 15 V »
id. . . A . .» 2 »
id. .. » >> 3 »
id. » » 3 »
id. . » » 4 »
id. » » 6 »
id. 3 » D »
cent, en nombre. 4 » , » n
DÉNOMINATIONS.
Boutonneries de toutes sortes, savoir :
Boutons de fil d'or fin, trait ou clinquant....................
Boutons en argent..........................................
Boutons de fil............................................
Boutons de laine................«....................«.....
Boutons de soie mêlée de crin, de poil, de fil, de laine, et
autres matières..........................................
Boutons de pure soie.......................................
Boutons d'étoffe, de drap et autres faits au métier..........
Boutons de cuivre ou d'autres métaux dorés ou polis.........
Boutons de nacre, de perle.................................
Briques, tuiles ou carreaux de terre.........................
Bronze ou airain, de tout métal non ouvré allié de cuivre,
d'étain ou de zinc............................ .........
Bronze ouvré en statues, vases, urnes et autres ornements de
bronze.................................................
Brou ou écorce de noix...................................
Bruyères à faire verjettes.................................
Brun rouge ou rouge brun.....................................
C
Caret et écaille de tortue.......................
Cacao et épluchures de cacao...................
Cachou (Suc de)................................
Café........i..................................
Calamine ou cadmine.........................
Calamus verus, aromaticus ou amarus..........
Calcantum ou vitriol rubifié colchota........
Calebasse de terre..............................
Calebasse, courge vidée et séchée...........,...
Camomille (Fleurs de)..........................
Camphre brut et raffiné..............t .........
Canelle de Ceylan..............................
Canelle commune...............................
Canéfice.......................................
Cannes ou rotins en bâtons et non montés.......
Cantarides (Mouches)...........................
Capillaires.....................................
Câpres de toutes sortes.........................
Câprier (Racine de).............................
Caractères d'imprimerie en langue française......
Caractères en langues étrangères................
Caractères vieux d'imprimerie, et en sac ou bloc.
Cardamomum..................................
Cardes â carder,................................
Carline, ou Caroline, ou caméléon...............
Carmin fin.....................................
Carmin commun................i..............
Car robe ou carrouge...........................
Carvi ou carvi semen...........................
Carpobalzamum................................
Cartami (Graine dé).............................
Carreaux de pierre de toutes espèces............
Carreaux de terre..............................
Cartes à jouer.............................................
Cartes géographiques.......................................
Cartons de toutes espèces...................................
Cartons gris ou pâtes de papiers............................
Cassia lignea ou cannelle commune].........................
Casse.....................................................
Casse confite...............................................
Castine.......... ;.........................................
Castoreum.................................................
Catapuce ou palma christi..................................
Cendres à l'usage des fabriques et manufactures, comme cendres
communes, cendres d'orfèvres......... i..................
Cendres bleues et vertes à l'usage des peintres...............
NOMBRE, POIDS TAUX DES DROITS.
et rt-- — i —--
MESURE. ENTRÉE. SORTIE.
1. s. 1. s.
la livre. 9 » » »
id. 7 » » 1>
le quintal. 100 » » »
id. 72 » M »
» D
la livre. 1 » 1) tt
id. 3 » » M
le quintal. 20 » » »
id. 54 » » »
id. 40 » » »
Le millier, en » 15 w »
nombre. » »
' a »
le quintal. 6 » i> »
» »
id. 30 » » »
id. » » 1 10
id. » 5 » M
id. » 5 » »
id. 10 » M »
id. 25 » » »
id. 12 » » »
id. 30 » S »
id. » » » »
id. 2 5 » »
id. i 5 » )>
id. » 10 » »
id. 3 » » »
id. 3 » » »
id. 6 » » »
la livre. 1 10 » »
id. » 15 » »
le quintal. 7 » » »
id. 5 » » »
id. 15 » » W
id. 3 » » »
id. 6 » » »
id. 3 » » »
id. 40 » » m
id. 20 » » »
» » » » »
id. 30 » )> »
id. 4 10 » »
id. 2 » » »
id. 14 » » »
id. 8 » m »
id. » 5 M »
id. 3 » » »
id. 6 » » )>
id. 1 10 » )>
id. » » » )>
le millier, en » » ri »
nombre.
» prohibé. » i,
à l'estimation. 5 0/0 » »
le quintal. 24 » » »
» » prohibé.
le quintal. 8 » » »
id. 7 » » »
id. 15 » » »
id. » >i » »
id. 45 » » »
id. 3 » » »
» » » prohibé.
le quintal. 40 » » »
DÉNOMINATIONS.
Cendres de chaux.......,..................................
Cendres de bronze.........................................
Cerf (Os de cœur de).......................................
Cerf (Moelle, nerf, vessie de)........i.......................
Cerf (Esprit, sel, huile de)..................................
Cerf (Cornes râpées de)....................................
Céruse en pain............................................
Céterac, espèce de capillaire......................................
Cevadille (Graine de)...........»...........................
Chairs salées de toutes sortes...i...........................
Champignons secs..........................................
Chandelles de suif..........................................
Chanvre en masse, même celui apprêté ou en filasse.........
Chapeaux de castor et demi-castor..........................
Chapeaux de toutes espèces, en poil commun ou laine........
Chapeaux de paille.........................................
Chapeaux de cuir..........................................
Chapeaux d'écorce de bois et de crin........................
Chapeaux, marc de rose.,..................................
Chapes de bouoles de fer ou d'acier»........................
Charbon de bois............................................
Charbon de terre importé par les ports des départements de la Gironde, de la Charente-Inférieure, des Côtes-du-Nord, du Finistère, du Morbihan, de la Seine-Inférieure et de la Somme. Charbon de terre importé par les autres ports du royaume.... Charbon de terre importé par terre.,........................
Chardons à drapiers et bonnetiers, Chaux à brûler...................
Chenevotte (Charbon de)...........
Chevaux, valeur de 300 livres et au-dessous.
Chevaux au-dessus de 300 livres..,,,........
Cheveux pour perruques....................
Chien de chasse...................»........
Chocolat et cacao broyé et en pâte..........
Chouan ou couan..........................
Choucroute.................................
Cidre......................................
Ciment...............................
Cinabre naturel et artificiel............
Cire jaune non ouvrée.................
Cire jaune ouvrée.....................
Cire blanche non ouvrée...............
Cire blanche ouvrée.....,.............
Cire à cacheter .......................
Cire à gommer à l'usage des tapissiers.
Cire pour souliers.....................
Civette...............................
Cloches, clochettes, mortiers de fonte et de métal............
Cloportes..............................................iv;
Clous de toutes sortes.............................i.'.uvt.
Cobalt ou cobolt........................................;.
Cochenille de toutes sortes, même en grabeau ...............
Coco (Noix de)......................................... t, i
Colle commune, colle forte et autres, excepté celles ci-après.
Colle de poisson..................».......................
Colophone, colophane ou arcanson.........................
Coloquinte..............j..................................
Confections de toutes sortes................................
Confitures de toutes sortes.................*................
Contrayerva............................................
Coque du Levant..........................................
Coquillages et autres morceaux d'histoire naturelle..........
Coquilles de nacre non travaillées.;.......................
Corail non ouvré, en fragments .....................
Corail ouvré.. ;...........................................
Corail en poudre.........................................
Coraline ou mousse marine...............................
Corderie (Ouvrages de).......«....................ma;**
Cordages de joncs et de tilleuls...;.......................
Cordages absolument usés.......:.........j «., •« ■ « « » »« «•»
NOMRRE, POIDS et
mesure.
le quintal, id. id. id. id. id. id. id. . id. id. id.
id. »
la pièce, id.
la douzaine, id. id. la quintal, id.
le tonneau de 2,200 livres ou environ, id. le baril de 240 pesant, le quintal, le muid de 48 pieds cubes.
la pièce, id. la livre, la pièce, le quintal, id; id.
le muid de Paris, le millier pesant, le quintal» id. id; id. id. id. id. id. la livre, le quintal; id. id. id. id. id; id. id. id. id.
le quintal, id. id. id. id. id.
à l'estimation.
le quintal, id.-id. > id,.
TAUX DES DROITS.
entrée. sortie.
» » » »
3 M » N
10 » » »
3 » » )>
3 » >> »
2 » » »
4 » » »
» 10 » M
2 )t » M
5 y> » V
45 » » »
3 » » »
» » » ».
6 » » »
8 » » »
4 M » »
13 » » »
2 10 » »
» 5 » »
20 » » V
tl » prohibé;
8 » >i »
10 » f> »
8 H h »
» » 3 »
10 » » »
» prohibéj
6 » 3 9
30 » 3 »
1 » M »
i 10 )> »
60 l> » »
23 » » »
2 » » »
6 » » »
» » » »
10 » » »
3 » » 9
24 » 3 »
80 » » »
40 s» » »
48 » » »
6 » » »
30 » » »
00 » » »
18 » » »
is » » »
6 » » »
1 » » »
2 » n »
6 » ri »
4 10 >» »
20 » « »
» 05 » »
3 » » »
prohibé. » »
15 » » »
5 » » V
4 » V »
» » rf »
9 » » »
10 » » ri
15 0/0 » V
prohibé. » »
2 » » j>
4 it »
1 » S> P
prohibé.
DÉNOMINATIONS.
Coriande (Graine de).........i
Coris ou canris...............
Cornes de bœufs ou de vaches.
Cornes de cerf et de snak......................
Cornes de moutons, béliers et autres communes.
Cornes rondes ou plates à faire peignes.................
Cornes de licorne............................»............
Cornichons confits........................................
Costus indicus et amacus.................................
Costus doux ou cannelle blanche..........................
Coton en rame, en laine ou en graine.....................
Coton filé, teint ou non teint..............................
Couleurs à peindre.......................................
Couleurs à peindre, en boites et en tablettes................
Cordonnerie (Ouvrages de).................................
Couperose blanche......................................
Couperose verte..........................................
Couperose ou vitriol bleu................................
Coutellerie (Ouvrages de)...................................
Coutils de toutes sortes...................................
Couvertures de soie, de filoselle et fleuret..................
Couvertures de coton ou laine...............;............
Couvertures de ploc et autres basses matières..............
Crasse de cire... ;.......................................
Craie....................................................
Crayons en pastels et autres de toutes sortes...............
Crayons noirs............................................
Crème ou cristal de tartre................................
Crêpes de soie de toutes sortes...........................
Crin frisé ou uni.........................................
Cristal de roche non ouvré........i.......................
Cristal de roche ouvré.....................................
Cabèbe ou poivre à queue.................................
Cuir bouilli.............................................
Cuirs dorés et argentés pour tapisseries..................
Cuirs ouvrés autres que de la cordonnerie..........
Cuivre rouge brut, fondu en gâteau ou plaque, lingot, rosette
et mitraille rouge de toute espèce........................
Cuivre rouge laminé en planches et fonds plats de toute dimension...................................................
Cuivre rouge battu en fonds de chaudières relevés, baquets, casseroles, barreaux carrés ou longs, flacons pour les monnaies, anses, poignées et clous de toute espèce .en œuvre.
Cuivre rouge ouvragé, savoir :
Alambics avec leurs chapitaux et serpentins, bassinoires, baguettes de guinée, bouilloirs, cafetières, lingots, vernis pour les indes, pompes, robinets, triangles ou fil de
cuivré, de 6 lignes de diamètre et au-dessous.......
Cuivre cerclé, vernis et plaqué, comme vases et urnes de toute espèce, théières étamées ou vernies, garnitures de pendules, flambeaux et ornements dépendants du ciseleur, doreur et toute espèce de quincaillerie avec cuivre rouge, jaune ou
plaqué.................................................
Cumin.....................................................
D
Dattes..........................
Daucus (Graine de) ou semen-dency.
Dégras de peaux................. .
Dentelles de fil et de soie..........
Dentelles d'or fin.................
Dentelles d'argent fin.-..............
Dentelles d'or et d'argent faux.......
Dents d'éléphants ou morphil.......
Derle ou terre de porcelaine........
Dibidivi...........................
NOMBRE, POIDS
TAUX DES DROITS.
cil
MESURE. ENTRÉE. SORTIE.
le quintal. » 15 » »
id. M » » »
le millier, en » 5 » 10
nombre.
le quintal. 1 5 » 10
le millier, en » » » 10
nombre.
le quintal. 1 10 » »
la livre. 3 » » »
le quintal. 4 » » »
id. 60 » » »
id. 4 » » »
id. » » 12 »
la livre. 1 10 » »
le quintal. 7 » » »
id. 7 .» » ' »
id. 70 » » »
id. 7 10 » v
id. 3 » » »
id. 7 10 » »
id. 20 » » »
id. 40 » » »
id. 100 B » »
id. 50 » » »
id. 24 » » »
id. 1 10 » »
id. » 10 » »
id. 5 » » »
id. » 10 » »
id. 4 10 » »
la pièce delOaunes. 9 » » »
le quintal. 2 » » »
id. 15 » » »
à l'estimation. 15 0/0 » M
le quintal'. 2 » » )>
id. 8 » » »
id. 37 10 » ),
id. 40 » » »
id. » . » » »
id. 12 » » »
id. 18 » » »
id..... ■ .20. ». » »
id. 24 » » »
id. . 1 » » »
id. 2 » » »
id.' 5 » » »
.....id. » 5 » »
. la livre. 15. » » »
le. marc. . 30 » » »
id. . 20 » » »
, la livre. 12 » » »
le quintal. 5 » » »
id. . v » » 10
» » » » »
DÉNOMINATIONS.
NOMBRE, POIDS et
MESURE.
Dictame ou radix dictami, en feuilles......................
Dragées de toutes sortes..................................
Draperies ou étoffes de laine, savoir :
Draps fins, façon de Sedan, de Louviers, d'Elbeuf et autres dénominations, sur 4/3, 5/4, 9/8 et 7/6 d'aune de large. Draps dits à long poil ou à poil ras avec ou sans lustre. Draps de Vigogne, poil de chameau, castor et autres matières...............................................
Draps fins, rayés et unis, façon de Silésie ou de royale, et autres dénominations, sur 5/8, 2/3 et 1/2 d'auue de,
large.........................................
Draps dits rayés, unis, à poil...........................
Ratines en 4/3, 5/4 d'aune de large, façon d'Hollande,
d'Andelys, de Vienne et autres dénominations. .......
Casimir..............................................
Ratz de castors, croisés et unis.........................
Flanelles croisées et unies...........................,.'
Espagnolettes, façon de Rouen, et autres dénominations,
croisées et unies, en blanc ou en couleur..............
Camelot, poil, laine et soie............................
Serges de satin ou satin turc, prunelle et turquoise......
Tricots en pièce ou en gilets........... ................
Etamines ou burats, imitant les voiles de Reims, et autres étoffes, sous quelque dénomination que ce puisse être,
fabriquées avec de la laine line......................
Draps communs, forts, sur 4/4 de large, croisés et unis.
Draps dits de 1/2 aune, idem..........................
Draps dits à poil, rayés ou unis................ ......
Molletons, façon de Sommière, et autres dénominations..!
Ratines communes..............................
Croisés communs, de largeur 4/4 1/2 aune..............
Kalmouck ordinaire....................................
Camelots en laine, unis et rayés.....................
Sagaris et autres genres d'étoffes, fabriquées avec de la laine commune ........................................
Drap et étoffe de coton, basin piqué et velours de coton.......
Duvet de cygne, d'oie et de canard..........................
le quintal, id.
id.
E
Eau-de-vie simple.....................................
Eau-de-vie double et rectifiée, au-dessus de 22 degrés, jusques
et compris 32.................................. .........
Eau-de-vie de bière, de cidre, de grains, de graines, de fruits,
de sucre, de mélasse.....................................
Eau-for te..................................................
Eaux minérales, ne payeront les droits que sur les bouteilles..
Eaux médicinales et de senteur ................... .........
Ecailles d'ablette...........................................
Ecailles de tortue de toutes sortes. .........................
Ecarlate (Graine d').........................................
Ecorces de chêne et autres à faire tan...................
Ecorces de citrons, d'oranges et bergamotes..................
Ecorce de gaïac................................•.•.%• • •
Ecorce de câprier..........................................
Ecorce de courtilawan................................... .......
Ecorce de mandragore ou faux gens-eng.....................
Ecorce de simarouba.......................j.,...............
Ecorce de tamaris.......................*..................
Ecorce d'orme pyramidal..........;................••••......
Ecorce de tilleul pour cordages..........................
Ederdon ou édredon.......................................
Ellébore noir ou blanc (Racine d')l......................... .
Email brut.................................................
Email ouvré.................. .......................... • •
Emeril en poudre et en grains..............................
Encens commun ou galipot.................... . ............. •
Encens fin ou oliban.........................................
Engrais de toutes sortes pour fumier........................
Encre à écrire..........;..................................
id.
id. id.
TAUX DES DROITS.
le muid de Paris id.
le quintal, id. id. id. id. id. id. id. id. id. id. id. id. id.
à l'estimation, le quintal, la livre, le quintal, id. id. id. id. id. id. id.
300 »
150 »
150 » 15 »
24 » * 48 » prohibé.
» »
30 » 1 » 10 »
» 10 » »
4 » » 15 3 » 6 » 9 » 7 10 3 »
.2 l/% 0/0 » »
1 » 2 » '6 » 45 » » 10 » 5
.5 » » »
12 »
DÉNOMINATIONS.
Encre de la Chine.......s i à. 11...
Encre à imprimer et en taille-douce..........
Epingles blanches...........................
Epithimes ou cuscutes.......................
Epiceries non dénommées....................
Eponges fines...............................
Eponges communes..........................
Eponges servant à la fabrication de l'amidon.,
Escajolles.............. ;..................»
Esprit de vin au-dessus de 32 degrés........
Esprit de soufre.............................
Esprit de sel...............................
Esprit ou essence de térébenthine...... ......
Esprit ou essence de bergamotes et de citrons.
Esprit ou essence de girofle..................
Esprit de niire..............................
Essaye.
NOMBRE, POIDS et
MESURE.
Essence ou quintessence d'anis.................> *. : t: : ; i ;
Essence de romarin, et autres semblables..................
Essence de cannelle ....................................
Essence do rose ou rhodium.................
Estampes de toutes sortes............................. ... :
Esule, racine médicinale. .................................
Etain non ouvré..........................................
Etain ouvré de toutes sortes..............................
Etain en feuilles ou battu............................... •■
Etain usé ou brisé, propre à la refonte....................
Etoffes de draps de soie unis de toutes sortes..............
Les mêmes, brochées sans or ni argent.,.;;;:,.:;;.:.
Les mêmes, avec or et argent fin.....................
Les mêmes, avec or et argent faux...................
Les mêmes, de soie mêlée d'autres matières sans or ni
argent.............................................
Les mêmes, mêlées avec or et argent fin.. ... ; i......,
Les mêmes, avec or et argent faux...................
Les mêmes, de filoselle ou fleuret.....................
Les mêmes, avec or et argent fin.................:...,
Les mêmes, de poil de chèvre.».......................
Les mômes, de soie et coton..........................
Les mêmes, mêlées de soie, de fil, de coton et de laine
Les mêmes, avec or et argent fin......................
Eloupes de chanvre et de lin...............................
Euphraise.......;......»............. »...................
Euphorbe................................... • ;......... • • ■
Fabago (Racine de)..............».....
Faisse ou lie d'hude....................
Farine de toutes sortes.................
Faux et faucilles.......................
Faïence et poterie de grès (Ouvrages de).
Fenouil (Graine ou semence de)..........
Fenugrec........I.....................
Fers en verges non ouvrés........ -. »...................
Fers en barres..........................................
Fers feuillards en bottes pour cercles....................
Fers en gueuse..........i.........i........................
Fers ouvrés, de toutes sortes, comme fers en taillanderie, ressorts de voitures, serrures et autres ouvrages de serrurerie..
Fil de fer ou acier.......... i. ;. ;. ;. i., :...................
Fer en fonte, en plaques de cheminée, et autres ouvrages.....
Ferblanc...................................................
Fer noir...................................................
Fer en tôle...............................................
Ferblanc ouvré..................:i i........................
Fer noir et fer en tôle ouvré.............................
Ferraille et vieux fer.......................................
Ferret d'Espagne................;............;,.....:......
Fèves de Saint-Ignace......................................
Feuilles de houx. : :.....i.......i"î........... ..*............
le quintal, id. . id. ' id. â l'estimation, le quintal, id. id. id.
le muid de Paris, le quintal, id, id. la livre; id.
le quintal: id. id. id. la livre, id.
à l'estimation, le quintal, id; id. id; id. la livre, id. id.
la livre; id. id. id. id. id. id. id. id. id. id. id.
' id. id. id. id. le quintal, id. id. id: id. id; id.
id. id. id; id: id. id. id. id. id. id. id. • id;
TAUX DES DROITS.
ENTREE.
1. S.
40 » 6 » 30 » 2 » 10 0/0 25 »
3 » » »
» 5 72 » 5 » 15 » 3 » » 15 2 » 10 » » 10 100 » 40 » 72 »
24 » 15 0/0
» 10
2 »
25 » 25 »
2 »
7 10 9 »
15 » prohibé.
a »
8 » prohibé.
3 »
4 10
1 10
4 10 » »
7 10 12 »
3 » » 9 » 15 » 10
1 » » »
18 a
8 »
4 10 0 » 3 » 3 »
15 »
15 » » »
» 5
7 » » »
SORTIE.
1. S.
. » » prohibé.
» » prohibé.
» »
v »
» »
» »
» 7)
» »
» » » »
» »
X) » » »
» » prohibé.
prohibé.
DÉNOMINATIONS.
Feuilles de myrtes et autres, propres à la teinture et aux tanneries.....................................:..«..........
Feuilles de noyer..........................................
Fil de lin et de chanvre, simple, bis, écru et blanc...........
Fil de lin et de chanvre, tors, bis et blanc..................
Fil de lin et de chanvre, teint de toutes sortes...............
Fil d'étoupes..............................................
Fil à voiles................................................
Fil de mulquinerie et fil de linon...........................
Fil de ploc ou poil de cheval...............................
Fleur de soufre............... .. i.........................
Fleurs de violettes, de pêcher et de romarin..................
Fleurs artificielles de toutes sortes.... i » ....................
Flin.......................................................
Foin.................. ...................................
Folium gariofilatum ou feuilles de girofle ....................
Folium indicum ou indum..................................
Forces à tondre les draps.................................
Fourbisserie et arquebuserie, à l'exception des armes blanches. Fromages..................................................
Fruits crus, savoir :
Bigarades, cédrats, citrons, limons, oranges, ehadecs....
Châtaignes, marrons, noix.. ...........................
Olives et picholines....................................
Coings, gourreaux, melons, poires, pommes et autres fruits crus non dénommés dans le présent article............
Fruits secs, savoir :
Jujubes, gengeoles, prunes et pruneaux, figues, raisins, jubis, passe, picardats et autres non dénommés dans le
présent article et tarif...............................
Fruits à l'eau de-vie de toutes sortes........................
Futailles vides ou en bottes.................................
Fustel (Feuilles et branches de).............................
G
Galbanum...............».................................
Gallium blanc et jaune.....................................
Galons vieux pour brûler...................................
Gants et autres ouvrages de ganterie, en peau et cuir........
Les mêmes, garnis, doublés en soie.....................
Les mêmes, doublés de laine...........................
Garance verte..............................................
Garance sèche en racine ou alisari...........................
Garance moulue...........................................
Garouille .............................*....................
Gaude.....................................................
Gazes et marly de soie pure.................................
Gazes et marly de soie et de fil..........................
Gazes et marly d'or et d'argent ou mêlées d'or et d'argent....
Gallengal mineur et majeur.................................
Geuestrole........;...................j....................
Gens-eng.............................................
Gentiane..........................i.......................
Gibier de toutes sortes...,........;....................
Gingembre..............................................
Girofle (Clous de).............................................
Glaces et miroirs au-dessus de 12 pouces.,..................
G'aces de 12 pouces et au-dessous..........................
Glaïeuls ou iris du pays....................................
Glu..............i.............................. .........
Gommes et résines :
1° A l'usage des teintures, fabriques et manufactures, savoir : Gommes de cerisier, abricotier, pêcher, prunier, olivier et
autres de pays, pour la chapellerie...................
Gommes de Bassora, arabique, turique, du Sénégal, etc.. Gommes copal, laque, en feuilles, en grains et sur bois ; mastic et sandarac pour les vernis...................
NOMBRE, POIDS
TAUX DES DROITS.
et MESURE. ENTRÉE. SORTIE.
1. s. 1. S.
le quintal. » » 10 »
id. » » »
id. » a 10 »
id. 18 D » »
id. 60 )) » »
id. » 03 » »
id. 3 >> » »
id. » » 120 »
id. 2 » » »
id. 3 10 » »
id. 3 » n »
id. 60 » » »
id. » 10 H »
id. » M » »
id. 10 » M »
id. 2 10 » »
id. 5 » » »
id. 36 » » »
id. 2 05 » »
» »
» )>
id. 2 10 U »
id. » 10 » »
id. 4 >> » »
» 1)
id. y> » » »
* »
n »
» 9
» »
id. 1 » u »
id. 24 » H »
id. » » prohibé.
id. ■ * 1 »
id. 4 » H »
id. 9 10 » U
id. 0 » » »
la livre. 2 15 » »
id. 3 15 » »
id. 2 » » X
le quintal. » » » »
id. 1 H » »
id. g » » »
id. » » M »
id. » » » »
la livre. 15 » n »
id. a » s »
id. 30 » » u
la quintal. 2 j) » »
id. » )> » n
id. 45 » » »
id. . » 15 » »
id. » » » »
id. 3 » » u
la livre. » 15 » »
l'estimation. 15 0/0 » »
le quintal. 25 » U ))
id. 5 » » »
id. 3 10 » »
» » » M 1)
le quintal. 1 » » U
id. 6 m M »
DÉNOMINATIONS.
2® A l'usage de la médecine et des parfumeurs, savoir : Gommes d'acajou, de cyprès, animée, de lierre, hèdre et
sarcole..............................................
Gommes de cèdre.....................................
Gomme ou résine élastique...........;..........
Ammoniac............................................
Elémi de toutes sortes.................................
Gaïac.................................!.,..,............
Gutte ou cambogium............:.....................
Opoponax ................................... —.......
Sagapenum, séraphinum ou séraphique tacamaca........
Goudron, gaudron ou goutron...............................
Gourre ou tamarin confits avec le sucre...................
Grabeau ou ponce, résidu des drogues lorsqu'on en a séparé le meilleur, acquitteront les droits comme les drogues dont elles sont le résidu..........................................
Grains de toutes sortes, savoir :
Avoine, baillarge, orge, escourgeon, sucriun.............
Blé de froment, blé méteil, maïs ou blé de Turquie, riz,
sarrasin, blé et seigle................................
Graines de lin, navette, rabette, colzas et autres propres à
faire huile...............................................
Graine turique.......................-......................
Graines d'esparcette, de foin, de sainfoinr luzerne, trèfle et
autres propres à semer dans les prairies...................
Graine de genièvre.........................................
Graines de jardin de toutes sortes...........................
Graine de mirtile...........................................
Graine d'Avignon ou grainette d'usage en teinture...,........
Graine jaune.............................................................
Graisses de toutes sortes....................................
Gravelle ou tartre de vin...................................
Gremil ou herbes aux perles (Graines ou semences de)........
Grenadier (Ecorce de)......................................
Groisil ou verre cassé......................................
Groison...................................................
Guimauve (Fleurs et racines de).............................
Guimauve (Suc de).........................................
Gui de chêne ..............................................
Gyp, espèce de gros taie...................................
H
Habillements neufs à l'usage des hommes et des .femmes, et
ornements d'église.........................j......„.;......,
Habillements vieux...........................................
Nota. — Les habillements à l'usage des voyageurs-------
Harengs blancs.;...........................................
Harengs saurs, craquelots ou harengs pecs..............
Harnais de chevaux.........................................
Héliotrope..................................................
Hématite (Pierre)...........................................
Herùes propres à la teinture, non dénommées dans le présent
tarif.....................................................
Herbes de maroquin.........................................
Herbes médicinales, non dénommées dans le tarif............
Herbe jaune...................;.........................
Herbe de pâturage.........................................
Hermodate\........'........................................
Houate, houette de coton ou de soie.........................
Houblon.................................................
Housses de chevaux, garnies et non garnies..................
Huiles à l'usage de la médecine et des parfumeurs, savoir :
Huile d'ambre..............................................
Huile d'asphaltum.................................... .....
Huile d'anis ou de fenouil...................................
Huile d'aspic.............'.............................. ....
Huile do cacao ou beurre de cacao ........................
NOMBRE, POIDS
TAUX DES DROirS.
et MESURE. ENTRÉE. SORTIE.
le quintal. 5 » )) »
id. 10 » o »
id. 2 » » »
id. 3 » » »
id. 2 » » »
id. 2 10 » »
id. 20 » » »
» 10 » 9 »
» 6 » » »
le baril de 240 à
300 hectol. N » 15 » »
id. 3 » » »
Mémoire. » » » »
» » » » »
le quintal. » 7 » »
id. » 15 » »
» » » v »
le quintal. » » » »
» » » » »
le quintal. » » » »
id. » » 5 »
id. » » 5 »
id. » » 3 »
id. » » 3 10
id. » 15 » »
id. » » 1 05
» » prohibé.
id. 1 5 » »
id. 1 5 » »
id. 6 » » »
id. 9 » » »
id. 1 10 , » »
.à .l'estimation. 15 0/0 v »
le quintal. . .25. » » »
. . » » » » »
le quintal. 6 » » ».
id. 9 » » »
à l'estimation. 15 0/0 » »
v » » » »
le quintal. » 10 » M
id. » » 5 »
» » » 1 10
le quintal. 1 10 » »
» » » » »
» » » » »
le quintal. , 2 » » »
id. 30 » » »
id. » » 2 10
à l'estimation. 15 0/0 » »
le quintal. 50 » » »
id. 18 » » »
id. 100 » » »
id. 7 10 » »
id. 22 10 » »
DÉNOMINATIONS.
Huile de cade, de cédria, d'oxycèdre......................
Huile de cannelle................,........................
Huile d'ambre jaune, carabé ou suçcin.....................
Huile de citron ou d'orange.........................,.....
Huile de jasmin, roses et autres fleurs....................
Huile de gaïac...........................................
Huile de girofle..........................................
Huile de gland...........................................
Huile de genièvre ou sandarac............................
Huile de palme.........................................
Huile de lavande.........................................
Huile de laurier..........................................
Huile de macis..........................................
Huile de marjolaine......................................
Huile de muscade........................................
Huile d'oeillet..........................................
Huile de palma christi...................................
Huile de pavot blanc.....................................
Huile de pétrole .........................................
Huile de pignons.........................................
Huile de sassafras........................................
Huile de sauge...........................................
Huile de soufre..........................................
Huile de tartre..........................................
Huile d'olive de Naples, Sicile, Levant, Barbarie, Espagne et
Portugal ..
Huile d'olive de la côte d'Italie.....
Huile de graines..................
Huile de noix......................
Huile de cheval..................
Huile de baleine ou autres poissons. Huîtres fraiches...................
Huîtres marinées.
Hyacinthe.......
Hypocistis.......
I
Impératoire..............................................
Indigo...................................................
Instruments de musique, savoir :
Poches.............................................
Violons, altovioies et guitares........................
Cistres, mandolines, tambours, tambourins, tympanons
et psaltérions....................................
Vielles simples........................................
Vielles organisées.....................................
Serinettes.............................................
Harpe ou forte-piano..................................
Clavecins.............................................
Epinettes.................................... • • .......
Basses et contrebasses.................................
Orgues portatives......................................
Orgues d'cglise........................................
Serpents, bassons, cors de chasse, trompettes, etc.......
Clarinettes.................*.........................
Flûtes................................................
Hautbois............................................
Fifres, flageolets, galoubets............................
Instruments de musique non dénommés.....................
Instruments d'optique, d'astronomie, mathématique, navigation
physique et chirurgie....................................
Ipécacuana ...............................................
Iris de Florence...........................................
Jalap.. Jargon
ÏOMBRE, POIDS TAUX DES DROITS.
et ~ ! .
MESURE. ENTRÉE. SORTIE
1. s. I. S.
le quintal.. 2 » ». j
la livre. 2' » . »
le quintal. 25 » » ,
id. 25 » »
id." 25 » »
id. 25 » »
la livre. 2 » »
le quintal. 7 10 »
id. 15 » »
id. 5 » r »
id. 15 » »
id. 10 » »
la livre. 2 » »
le quintal. 18 » 10 »
la livre. 1 »
le quintal. 4 » »
id. 9 » »
id. 4 » »
id. 6 )) »
id. 9 » »
id. 15 » »
id. 18 >> ))
id. 18 » »
id. 11 » »
id. 4 10 »
id. 7 10 »
id. 4 10 ))
id. 4 10 » )
id. 4 10 »
prohibé. ))
le millier, en
nombre. 5 » 10
le quintal. 6 » »
id. 8 » »
id. 3 » »
id. 1 10 > »
id. 15 » T> »
la pièce. n 15 » »
id. 3 » )> »
id. 1 10 v » »
id. 5 )) » »
id. 18 »
id. 3 » » ))
id. 36 » » »
id. 48 » » »
id. 18 » u ))
id. 7 10 » ».
id. 18 » » »
à l'estimation. 12 0/0 » ))
la pièce. 3 » » »
id. 4 » » »
id. » 15 » »
id. 4 » » »
la douzaine. ' 7 10 »
à l'estimation. 12 0/0 »
id. 10 0/0 » »
le quintal. 15 » » »
id. 3 » » »
id. 4 . )) » »
id. 3 ~ », ; • t » »
DÉNOMINATIONS.
Jays ou jayet.... j.............. é »
Jets de canne ou joncs non montés.
Juncus odoratus..............tut.
Jus de citron et de limon .......;
Jus de réglisse....................
K
Kamine mâle ou beurre de pierre. Kirschwasser....................
Labdanum naturel et non apprêté* ».................
Labdanum liquide et purifié.......;........i............
Laines étrangères non filées......a ;.....................
Laines de France non filées......................... ..
Laines de toutes sortes filées...... ; .......................
Laine (Bourfe de)................;...................«».,
Langues, noos ou noves et tripes de morue............... i
Lapis entalis...........;........;.........i............,
Laque plate de Venise............ ; .■........s.............
Laque colombine sèche.....................j... . i........
Laque liquide..................... .........t4 .-..-•«..» «
Lard frais ilon salé.....»........a......................
Lavande sèche (Fleurs de]........;.........i........... ^.
Légumes verts de toutes sortes, en herbages frais...........
Légumes secs de toutes sortes.. .. ;.......................
Laiton ou cuivre jaune battu et laminé en planches, de toute
dimension, gratté noir et décapé. .......................
Lailon ou cuivre jaune ouvré, comme chaudières, poêlons.
bassines et toutes sortes de dinanderle.... ;.............
Laitons de toute espèce en instruments, de quincailleries et
merceries.............j ........: i......................
Laiton filé ou fil de laiton noir...........................
Librairie en langue française..............................
Librairie ou livres imprimés en langues étrangères.........
Lichen .................J................................
Lie de vin...............................................
Liège en table...........................................
Lierre (Feuilles de).......................................
Limaille d'acier et d'aiguilles .............................
Limaille de çuivre........................................
Limaille de fer...........................................
Lins crus, taillés ou apprêtés................................
Linge ouvré de toutes sortes et linges de table. ......;.•...
Linge vieux eu drille.....................................
Linon et batiste.........................................
Liqueurs et ratafias de toutes sortes.......................
Litharge naturelle et artificielle...........................
Loups (Dents de).........................................
Luzerne..........................................;.......
M
Macis............. ;.................. .
Mâchefer..............................
Magalaise.......................;......
Malherbe, herbe pour la teinture;.....,
Marne de toutes sortes................
Maquereaux salés... .............. :...
Marbre brut de toutes sortes....;..:... Marbre en cheminée scié ou travaillé...
Marcassite d'or, d'argent, de cuivre.....
Marqueterie et tabletterie (Ouvrages de).
Marum (Feuilles de)...................
Massicot..............................
Mâts pour vaisseaux............... ;...
Mechoacham ou rhubarbe blanche.....,
NOMBRE, POIDS et
HFSURE.
le quintal, id.
id; »
le quintal.
id. la pinte.
le quintal.
id. »
le quintal, id. id. id. id. id. id. id. id. id. id. id.
id.
id.
id. id. id.
le quintal, id. id. id/ id;
le quintal.
la livre; la pinte, le quintal, id. id.
la livre. - »
»
le quintal, id. id.
le pied cube, id.
le quintal, à l'estimation, le quintal.
id. » -
le quintal.
TAUX DES DROITS.
ENTREE.
1. 10 30
9 »
SORTIE.
1. S.
3 » » »
3 » >i
» 5 n it
6 n » »
22 10 » K
» » » xl
» » 5 n
36 9 9 »
» » 6 *
18 U » »
2 )) * »
2 10 » «>
2 10
» 5 » il »
» » » »
3 » » »
» n n »
» S » »
15 » ■H f>
20 » » n
» » »
24 » » »
1 » » »
6 » » 9
» » » »
» » » i>
» » v ».
1 » » »
» » » »
1 10 l» »
h » » »
» » prohibé.
30 r> » »
it » prohibé.
6 » » »
» 10 » »
1 » » »
» 15 » »
» » » x>
1 » » »
» » » »
» m » »
if i> 1 >*
6 s » »
9 » » »
1 » » A
2 » v »
8 » » »
15 0/0 » M
2 » » »
9 » » »
» 9 1 : 1) »
2 ie » »
DENOMINATIONS.
Médicaments composés........ i i •
Médailles d'or, d'argent et de cuivre.
Méum.........................v» m I
Mélasse.......... t...............!.
Mercerie commune de toutes sortes, savoir :
Aiguilles de toutes sortes; ambre jaune travaillé; batte-feux et briquets limés ; boîtes de sapin peintes ; boites ferrées; bois de miroirs non enrichis; bougettes; bourses de cuir, de fil, de laine; boutons de manches d'étain et autre métal commun; brosserie; cadrans d'horloge et de montres; chapelets de bois et de rocaille; coffres non garnis; colliers de perles et de pierres fausses; compas; carnets à jour, de corne où de cuir; cornes claires à lanternes; dés à coudre en corne, cuivre, fer, os et
ivoire; dés à jouer; dominoterie...................
Ecritoires simples; éperons communs ; éventails communs; feuilles d'éventails ; fouets ; hameçons ; horloges de sable ; houppes à cheveux de duvet ; fourreaux d'épées ; fourniments à poudre; fuseaux; gaines; gibecieres ; grains de verre de toute sorte ; grelots ; jetons de nacre, a'os et d'ivoire ; lanternes communes ; lignes de pêcheurs; manicordum ; masque pour bal ; moulins à café et à poivre; ouvrages de buis; ouvrages en cuivre et fer, tels que chandeliers, flambeaux, mouchettes, tire-rbou-chons et autres de même espèce ; ouvrages menus d'étain, comme cuillers, fourchettes, peignes de buis, de corne et d'os; pipes à fumer; ramonettes; raquettes; sifflets d'os et d'ivoire; soufflets; tambours; tamis; volants.. Merceries fines et autres non dénommées dans le présent tarif
acquitteront à l'estimation...............................
Mercerie en soie, comme bourses à cheveux, mouGhes et mouchoirs de soie..........................................
Mercure précipité.........................................
Métiers à faire bas el autres ouvrages.....................
Métal de cloches..........................................
Meubles de toutes sortes....................t.............
Meules à taillandiers, de 4 pouces et au-dessus.............
Meules au-dessous de 4 pouces à 2 et demi.................
Meules au-dessous de 2 pouces et demi....................
Meules de moulins au-dessus de 6 pieds de diamètre........
Meules de 6 à 4 pieds de diamètre...................un.
Meules au-dessous de 4 pieds de diamètre .................
Méum d'athamante.......................................
Miel.....................................................
Mine de plomb noir.....................................
Mine de 1er brute et lavée................................
Minium....................................:.............
Mirrhe gomme....,.......................... ............
Modes (Ouvrages de)..............îs........f »............
Momies, corps embaumés.................................
Montre d'or avec son mouvement............;.............
Montre d'argent avec son mouvement......................
Morilles et mousserons, espèces de champignons............
Morue verte et sèche......................................
Mottes à brûler.............i .î..|............•
Moules de boutons..........
Moulard ou terre cimolée. ... Mousselines rayées et unies,
à carreaux, brochées, et fichus
unis.
Mousselines et fichus brodés de toutes sortes.
Moutarde..................................
Mouvements de montre en blanc montés.....
Muguet ou lys de vallée (Fleurs de)..........
Mules et mulets............................
Munitions de guerre, à Vexception de la poudre à tirer, savoir
Balles de fusils et pistolets............................
Bombes, boulets de canons, grenades et mortiers........
Canons de fer.......»......... :. ......................
Canons de fonte.......................................
NOMBRE, POIDS et
MESURE.
le
quintal. id.
id.
la livre, le quintal, à l'estimation.
le quintal, à l'estimation, la pièce, id. id. id. id. id.
le quintal, id. id.
te quintal, id.
à l'estimation, le quintal, la pièce, id. le quintal, id.
le millier, en nombre, le quintal.
le quintal, id. id. la pièce, le quintal, la pièce.
le quintal, id. id. id.
TAUX DES DROITS.
ENTREE.
I. S. prohibé.
» M 1 » 5 »
SO »
15 0/0
6 » 15 » 15 0/0 18 » 18 0/0 2 » » 15 » 5 7 10
5 » 2 10 1 »
3 »
» 15 » »
» 8
4 » 12 0/0
15 » 2 » 1 10 12 »
20 » » »
3 » » »
200 » 300 »
6 » » 15 1 10 1 »
4 10 1 10 1 10 2 10
SORTIE.
I. S.
»
30
w »
prohibé.
» » » »
» v
» »
* »
» »
|Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |22 janvier 1791.)
DÉNOMINATIONS.
Canons de fusils.................
Canons de pistolets...............
Musc.................................
Muscade..............................
Myrabolans de toutes sortes non confits. Myrabolans confits....................
N
Naphe ou naphte........»............................
Nattes de pailles de roseau et autres plantes et écorces.
Nattes de joncs......................................
Nénufar............................................ •
Nerprun...........................................
Nerfs de bœufs et autres animaux.......................
Nigelle romaine (Graine de)...........................
Nitre, espèce de sel...................................
Noir de teinturier, d'Allemagne, d'os et de cerf.........
Noir de fumée, de terre et des corroyeurs.............
Noir d'ivoire.........................................
Noir d'Espagne.......................................
Noix de cyprès......................................
Noix vomiques.......................................
Noix de galle pour teinture...........................
0
Ocre jaune et rouge.
Oculi cancri........
Œufs de gibier.....
Oignons de fleurs ... Opiur
Or brûlé en barre, en masse, lingots et monnayé et bijoux
cassés...................................................
Or en ouvrages d'orfèvrerie.................................
Or en feuilles battu........................................
Or trait battu en pailletttes ou clinquant..*.................
Or fdé ou fil d'or fin.......................................
Or faux en barres et en lingots.............................
Or faux en feuilles, paillettes, clinquant trait et battu........
Or faux filé ou fil d'or faux.................................
Or faux filé sur soie.......................................
Orcaneite..................................................
Oreillons ou orillons........................................
Orge perlée ou mondce.....................................
Orobe (Graine ou semence d')...........«....................
Orpiment..................................................
Orseille apprêtée et non apprêtée............................
Os de bœufs, de vaches et autres animaux....................
Os de seiche...............................................
Outremer..................................................
Ouvrages en pièces d'horlogerie non montées.................
Ouvrages en bois, en pierre, acier, marbre, cuivre et autres
matières non dénommées au tarif.........................
Ouvrages de jonc, de paille et de palme.....................
Ouvrages d'osier............................................
Ouvrages à pierres de composition marcassite ou autres, montées sur étain, cuivre argenté ou doré, ou sur or ou sur
argent...................................................
Osier en bottes............................................
Pailles de blé et autres grains...................
Pailles d'acier et de fer......................
Pain d'épices...................................
Pain de navette, lin et colza.....................
Papier blanc de toutes sortes................. . ...
Papier gris, noirr brouillard, bleu, de toutes sortes.
NOMBRE, POIDS et
MESURE.
le quintal, id. la livre, id.
le quintal, id.
id. id. id. id. id. id. id.
le quintal, id. id. id. id. id,, id.
id. id.. . le cent en nombre.
30
le quiolal.
à l'estimation, l'once, id. id.
le quintal, id. id.
le quintal.
le quintal, id. id. id. id. id. la livre, id.
à l'estimation, le quintal, id.
à l'estimation.
le quintal, id. id. id. id.
TAUX DES DROITS.
ENTREE.
15 » 1 » 3 10 12 »
1 10 1 » 4 »
» 15 » »
4 10 4 10 prohibé. 1 10 1 » 15 » 3 10 1 » 1 » 1 5
» 5 4 »
10
10 0/0 8 2
1 10 36 » 70 80
prohibé »
»
2 » 10
» 5 »
»
» 10 15 3
15 0/0 6 7 10
5 0/0
30 18
SORTIE.
» »
» »
» »
» »
» »
» »
» »
» »
prohibé. » »
prohibé.
» »
» »
» »
» »
» 10
»
»
» 10
206 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 janvier 1791. |
DÉNOMINATIONS.
Papier doré, argenté, uni ou à fleurs........................
Papier marbré.............................................
Papier peint en façon de damas... ;.........................
Papier tontisse pour tapisserie ..............................
Papier de la Chine.........................................
Parapluie de loile cirée.....................................
Parasols de taffetas..........................................
Parchemin neuf et brut.....................................
Parchemin travaillé........................................
Pareira brava....................................................
Parfums de toutes sortes, non dénommés au présent tarif.....
Passementerie et listonnerie, comme galons, ganses, jarretières, aiguillettes, franges, rubans et tout autres ouvrages de ruban-nerie, savoir ;
En or et argent fin....................................
Les mêmes, en or et argent faux.......................
Les mêmes, en soie avec or et argent fin...............
Les mêmes, en soie sans or ni argent...................
Les mêmes, en soie et coton ou matières mêlées........
Passe-pierre ou perce-pierre.................................
Pastel ou guelde, drogue pour la teinture....................
Pastel d'écarlate............................................
Pastel (Crayon de).........................................
Pâtes d amandes et de pignons..............................
Pâtes d'Italie..............................................
Pattes de lion.............................................
Patience...................................................
Pavot rouge ou coquelicot (Fleurs de).....................
Pavé ou pierre de grès....................i...............
Peaux et cuirs de toutes sortes, secs et en poils..............
Peaux de bœufs et vaches salées et en vert..................
Peaux de cheval et d'âne en vert............................
Peaux de moutons, agneaux et brebis en vert................
Peaux de veaux salées et en vert...........................
Peaux non dénommées salées et en vert.............. .......
Peaux et cuirs passés, tannés, corroyés et apprêtés de toutes sortes, savoir ;
Peaux d'anta, biori, bœufs, buffles, élans, d'empâkasse de mos
ou moos, d'orignac tannés en fort.......................
Les mêmes, corroyées...............................
Peaux de vaches tannées J................................
Les mêmes, corroyées..............................
Peaux de vaches et de bœufs passées en hongrie...........
Les mêmes, passées en chamois et en buffle..........
Peaux de vaches fabriquées en russi ou roussi.............
Peaux de cheval tannées en croûte et passées en hongrie....
Les mêmes, étirées et corroyées......................
Les mêmes, passées en chamois......................
Peaux de boucs, chèvres, chevreaux, chamois, etc., maroquinées en cordouan, en rouge...................................
Les mêmes, en corcloùan ou maroquinées en noir, vert,
citron et autres couleurs...........................
Les mêmes, en basane...............................
Les mêmes, tannées et corroyées.....................
Les mêmes, passées au chamois......................
Les mêmes, passées en blanc et en mégis.............
Peaux de cerfs et de chevreuils passées en chamois.
Les mêmes, passées à l'huile.........................
Peaux de chagrin de Turquie.............................
Peaux en façon de Turquie....... .........................
Peaux de chiens tannées et corroyées......................
Peaux d'ânes tannées et corroyées.........................
Peaux de daims, d'élans passées en chamois................
Peaux de moutons, brebis et agneaux en chamois...........
Les mêmes, passées en basane et en croûte...........
Les mêmes, passées on blanc et en mégis.............
Les mêmes, passées èn mégis avec la laine, appelées
howes, bisquains ou housses de chevaux.............
Peaux d'agnelins apprêtées pour vélins ou smucques.........
Peaux d'orignacs passées ein chamois........................
NOMBRE, POIDS
TAUX DES DROITS.
in SÉRIE, T. XXII.
et MESURE. ENTRÉE. SORTIE •
L s. 1. s.
le quintal. 36 9 9 »
id. 24 9 9 9
id. 45 » 9 »
id. 36 9 » 9
id. 90 9 » »
la pièce. » 15 9 9
id. 2 » 9 9
le quintal. » » » 9
id. 6 » » 9
id. "2' 9 9 9
id. 50 9 M »
la livre. 15 9 9 9
le quintal. 150 » 9 9
la livre. 12 » » »
id. 7 10 » 9
id. 3 10 9 »
le quintal. » 15 S 9
» » » M 9
» » » » 9
id. 5 » S »
id. 6 » » »
id. 8 V S »
id. i » 3» »
id. i » » 9
id. 1 » » V
» » » » 9
id. M II 9
id. » » 6 »
id. ■ » 5 »
id. * • 15 »
id. 9 » 15 »
id. » » 6 9
id. 18 » » »
id. 22 10 * 9
id. 16 » » »
id. 20 » » »
id. 15 » » 9
id. 30 » » 9
id. 30 » » 9
id. 7 10 » 9
id. 10 » » 9
id. 12 » - » »
id. 70 » » 9
id. 90 » » 9
id. 18 » » 9
id. 30 » » »
id. 45 » n 9
id. 21 » » 9
id. 75 » » 9
id. " 45 » > 9
id. 75 » » 9
id. 45 » » 9
id. 37 10 « 9
id. 43 9 » 9
id. 75 » m 9
id." 25 » » 9
id. 24 9 »
id. 30 » 9 9
id. 18 9 >1 9
id. 150 » l 9 9
id. 60 » 9 9
29
DÉNOMINATIONS.
Peailx de porcs et de sangliers tannées en croûte..:.....
Peaux de rennes passées en chamois....................
Peaux de yeauX passées en chamois....................
Peaux de veaux tannées en croûte......................
Les mêmes, corroyées........... M........ .......
Les mêmes, en mégis.............................
Peaux de veaux d'Angleterre ou préparées en Angleterre Peaux de cagneaux bleus, chiens ae mer ou roussettes, lions et
ours marins ...................>....................
Peignes d'écaillés......................................
Peignes d'ivoire.........,............................»
Pelleteries, savoir :
Peaux de blaireaux, de loutres, loups de bois et cerviers de cygnes, de chèvres angoras, de carcajoux......
Peaux de chats-cerviers, çhatS-tigres, de lions, lionnes, de martres de toutes espèces, d'oies, de renards de toutes espèces, de sekands, veaux, vaches et loups marins Peaux de chats de feu, de chats sauvages, chiens et chi kakois, de fouines, de génettes, de gredbes, de mar
mottes, de putois, de vizons............•.*.......;
Peaux d'ours et d'oursins de toutes couleurs........
Peaux de léopards, panthères, tigres et zèbres.......
Peaux d'hermines blanches et casquettes-, le timbre de
40 peaui...........................................
Peaux d'hermines de terre, mquchetées et bervesky, écH reuils d'Amérique, palmistes des Indes .............
Peaux de petits-gris et écureuils de toutes espèces......
(Tou^ei lesdites espèces de pelleteries ci*«lessus dénommées payeront, à l'exception des ours, le double des droits pi-dessus, lorsqu'elles seront apprêtées.) Peaux d'agneaux connues sous le nom d'Astrakan, de
Russie, de Perse et de Crimée....................................i
Peaux de lièvres blancs apprêtées......f ...............
Gorges de renards, de martres et de fouines .......... i
Queues de martres de toutes espèces... P ; -... -,.........
Queues de petits-gris, d'écureuils, d'hermines, de putois Queues de renards, de fouines, de carcajoux, de pékands
de loups........................................
Sacs et nappes de martres de Russie, du Canada, de Suède. d'Ethiopie, d'agneaux d'Astrakan, d'hermines, de cas--
quettes..........,..............................
Sacs ou nappes de dos et ventres de petits-gris, d'écureuils de toutes espèces, de lapins de toutes couleurs, de taupes, de fouines, de putois, de dos, ventres de lièvres blancs, d'hermines de terre mouchetées ou ber-visky, rats palmistes des Indes, d'amster, de dos, de
ventres et pattes de renards...........;.........
Peaux de castors et rats musqués propres - pour la chapellerie.. .?!.....4........................;.....
Peaux de lièvres, de lapins blancs, roux, de toutes espèces
et couleurs crues........... .........,...:..........
Toutes les pelleteries non dénommées dans lé présent ar ticle payeront les droits de eelles auxquelles elles sont
assimilées......................................
Tous les ouvrages de pelleterie, comme manchons, fourrures, etc.......................................
Peaux de lapins blancs, riches, roux, noirs et bruns, apprêtées. ..............................;;::.:..,..
Pendules de toutes sortes...............................
Pennes ou paines de laine, de fil et coton...............
Perelle non (apprêtée...................................
Perelle apprêtée .....................................
Perigord ou perigueux...................................
Perruques de toutes sortes...............,........:.....
Persil de Macédoine.....................................
Pieds d'élan....................................:.......
Pierres à bâtir.......................................
Pierre arménienne,,......................................
Pierre de choix brut ou même taillée sans être polie...-;..
Pierre de choix polie, en cheminée^, etc...................
Pierre à plâtre et A chaux..................,... : : : m an
NOMBRE, POIDS . et MESURE.
le quintal, id. id. id. id. id. id.
id. la livre, id.
la pièce, id.
id, id. id,
le timbre.
le cent en nombre id.
la pièce, le cent en nombre id. id. id.
id.
1* sac ou nappe;
id.
à l'estimation.
la pièce, à l'estimation.
le quintal.
la pièce, le quintal, le cent en nombre.
le quintal, le pied cube, à l'estimation. .....id.
TAUX DES DROITS.
ENTRÉE.
1. s. I. s.
22 10 » »
180 » » »
120 » » »
16 » » n
24 D » »
150 D » »
45 » » »
4 » » M
X 3» » »
» 15 » »
1 5 10
10 » 6 » 2 » 2 10 » 5
1 10
1 10
18 0/0
» 2
18 0/0 » »
» » » * » »
2 » 5 »
1 10 » »
10 » » »
2 0/0
DÉNOMINATIONS.
Pierre à feu, à fusil et arquebuse...........................
Pierres à aiguiser de toutes sortes...........................
Pierre savonneuse... .... ....................; i * «i ......, j
Pierre de touche............;!;!»8.,«......'.iii'/iiiii»»»J
Pierre ponce.................................. ... i.........
Pierre à mangayer...........................;.;.«.»
Pierres fausses ou fines non montées........ -.-........ t...
Pignons blancs,................................................
Pignons d'Inde...'................ .............. ...
Pinceaux autres que de cheveux et de poils fins. .
Pinceaux de poils fin»...........i........ .-«v.v.-.-..v..-...-
Pirestre.....................................v.v...........
Pistaches cassées...........................................
Pistaches non cassées......................................
Pivoines (Racines et fleurs de)................................
Plâtre à bâtir...............................................
Plomb brut et en saumon........;.'.........................
Plomb à tirer et en grenaille.................................
Plomb laminé et ouvré de toutes sortes......................
Plumes d'autruche, d'aigrette, d'espadon, de héron, d'oiseau Couronné, de xomolt et autres qui entrent dans le commerce
des plumassiers, de première qualité......................
Les mêmes, apprêtées.................................
Plumes de qualité inférieure, comme petites noires, bailloques
brutes...................................... ...............
Les mêmes, apprêtées ...................-..............
Plumes à écrire, non apprêtées.............................
Les mêmes, apprêtées......; .,........................
Plumes à lit..................... . ..........................
Poil en masse et non filé, de lapin, lièvre, castor, chameau, bouc, chèvre et chevreau.............................
Poil filé et en écheveau, savoir :
Poils de lapin et de lièvre.................^mi:itt:st*tst,
Poils de bouc, chèvre et chevreau.............; ;...mu;
Poil de castor.............................a s sas t ï tttm ;
Poil de chameau retors et cordonnet.........'.. ; ; :::t:m.
Poil de chèvre retors et cordonnet, pour boutons, etc.- an t.,
Poil en soie de porc et de sanglier..........; ;.-.- ;.- s : :an,
Poil de chien................................
Poiré.....................................................«
Poisson d'eau douce, frais, de toutes sortes...................
Poisson de mef frais de toutes sortes..........................
Poisson de mer sec, salé ou fumé, à l'exception de ceux dénommés. .....................;......................-......
Poisson de pêche nationale...................* .'.'.'.Vf;.*;;;:m
Poivre de toutes sortes, même en grabeau..... . .. .*.-...- :.-.-
Poivre long, dit des Indes ..................................
Poivre long ou corail de jardin.............................
Poivre girofle ou piment....................................
Poix grasse, poix noir, poix résine ou résine de sapins.......
Polium montanum......................................a,
Polozum ou fonte verte........................ i ..-.-.-. .-. .
Pommades de toutes sortes..................................
Pompholix ou calamine blanche...,...........................
Porcelaine avec ou sans or ....,..'..........................
Autre commune.......................................
Potasse ...................................................
Poterie de terre grossière...................................
Poudre à canon.........................................w.-.
Poudre à poudrer, excepté celles ci-après....................
Poudre de senteur.......,................................:.
Poudre de Chypre...................................
Pouliot de Virginie...............................................
Poudre naturelle et factice.......... .......................
Pozzolanne ................................................
Presle (Feuilles de)................ .........................
Pressure.................................................
NOMBRE, POIDS et
MESURE.
le quintal, id.
H id. id.
id. »
id. id. id. id. id. id. id. id.
a id.
id.
»
id. id.
id. id. id.-id. id.
id. id. id. id. id. id. id.
le muid de Paris.
a
le quintal.
id. t id. id. id. id. id. id. id. id. id. id. id. id. id.
id. id. la livre.-le quintal, id.
TAUX DES DROITS.
ENTREE.
1. S.
2 »
» 10
» »
i »
» 10
1 10 prohibé. 6 a 45 » 2 » 1 » 1 10 » a » 5
» 5 » a
a a » »
3 » » a
4 » i> a
9 n » N
72 » a a
2 10 » a
12 30 a a
3 » » a
3 » » M
» » » a
3 » » a
4 10 » a
a » » a
50 » * a
150 » » a
20. .» : a à
50 . » » *
3 » a a
20 » » 3»
T 10 » »
» a prohibé.
40 » » È
a. 10 a »
180 a t » *
60 a ... y »
120 a »
1 a . 4 *
» » A a
6 a » a
» » a a
20 a a a
9 » *
» » »
15 * a »
15 a » a
15 a a a
15 a » a
» 5 a a
& 10 a a
12 a »' tf
30 a »'
3 » ' a t
160 » » A
80 a » a
DÉNOMINATIONS.
Q
Quincaillerie en acier, en gros ouvrages, comme faux, faucilles, scies, vrilles de toutes sortes et autres instruments aratoires.
Autre, en gros ouvrages de fer, comme ressorts de voitures, ferrements, fléaux de balances, limes communes et tous autres ouvrages de quincaillerie en fer ......
Quincaillerie fine, comme alênes, broches, carlets, emporte-pièces, limes fines à orfèvres et à horlogers...............
Quincaillerie en cuivre de toutes sortes ou avec cuivre jaune, rouge ou plaqué...........................................
Quinquina............................................. ......
R
Raisins de Damas et de Corinthe.,.;...............
Rapatille ou toile de crin.......................
Rapontic ou fausse rhubarde.....................
Rapure d'ivoire................................
Redon ou rodon..............................
Redoul ou rodoul (Feuilles de)...... ................
Réglisse..........................................
Régule d'antimoine.........................
Régule d'étain ....................................
Régule martial;...................................
Régule de Vénus........L........................
Régure d'arsenic ou de cobalt.....................
Résine de jalap ............................j.......
Rhubarbe.................................
Rhue (Feuilles dey...................................
Ricin.........................................
Rocou..................................
Rogues, coques, raves ou résure de morue, etc...
Romarin (Fleurs de)...................
Ronas..................................
Roses fines et communes...................,,..
Rosettes......................... .........
Rotins ou roseaux des Indes pour faire meubles,.
Rouge pour femme..........................
Roseaux ordinaires............................
Ruban* de fil de toutes sortes, savoir :
De fil écru et d'étoupes ........................ ...
De fil blanc et teint.............................
Rubans, cordons, tresses de laine et fil de chèvre mêlés. Rubans ou tresses de fil de chèvre mêlés..............
Ruches à miel..........................................
Safran.............................
Safran bâtard ou safranum.........'.j
Saffre ou zaphre...................
Sagu ou sagon..................
Safep ou salop.................
Salpêtre ..........................
Salsepareille.....................
Sandarac.........................
Sang-de-bouc ou bouquetin Sang-de-dragon de toutes sortes.... Sangles pour chevaux, meubles, etc.
Sanguine pour crayons.......
Sardines, célerins ou harengades ...
Sarrette ou sariette................
Sassafras ou saxafras..............
Sauge.................«..........
Saumon salé......................
Savon de Marseille................
Savon autre que de Marseille......
Savon noir.......................
NOMBRE, POIDS et
MESURE.
le quintal.
id.
id.
id. ' ia:
idl id:
id.
id. id. id. id. id: ia. id. id. ïd. id. id. id. id. id. id. id. id: id.
id. id. id. id: id.
TAUX DES DROITS.
ENTREE.
la livre. 2 5
le quintal. .....» »
id: ' ' 7 10
id.' ' 10 »
' id." 30 »
id. ' prohibé.
' id. ...... ' 6 >»
id.-..... 6 >;
' id. " 7 10
id. .....9 »
id. 60 »
id. " » 5
id.' ' 8 »
id. » 10
id. ' 1 10
ïd: ' ï i>
'id." 6 »
id........ 3 ' '»
id. 9 »
id. 6 »
1. I.
20 »
10 »
37 10
24 » 8 »
: y : » 10 » prohibé.
5 » » »
» »
» 15
4 »
12 »
' 8 '»
20 »
4 »
30 >>
18 »:
i »
4 »
3 » » >
4 » » »
5 » 1 »
3 »
4 » » »
45 >
60 »
60 »
100 »
» »
sortie.
I. ».
» » » »
prohibé. » 15
» » » »
» » » »
prohibé. » »
» » » »
» »
» »
» D
» »
» »
DÉNOMINATIONS.
Savonnettes de toutes sortes................-j.....
Saxifrage (Graine ou semence de)............1.....
Scabieuse..................................-.....
Scammonée de toutes sortes.......................
Scammonée (Résine de) ............................
Scilles ou squilles marmès........................
Sebestes.........................................
Sel marin, sel de salmés..........................
Sel gemme ou sel fossile naturel ..................
Sel de satume ou de tartre ....,......*.............
Sel d'epsum et de duobus....................................
Sel de quinquina et de rhubarbe...................
Sel d'oseille......................................
Sel volatil de cornes de cerf, de vipère et do carabé
Sel végétal, de saignette et de lait............1......
Semences froides et autres médicinales............
Semences de perles fines..........................
Semence de ben..................................
Semence d'anci...................................
Semen cartami...........;..................:......
Séné ou feuilles orientales et follicules..............
Séné en grabeau.................................
Sénéka ou poligata de Virginie.....................
Sennevé..........................bi..........—
Serpentine ou serpentaire.........................
Seseli de Marseille ou de Candie....................
Sirops de toutes sortes.............................
Sirops de sucre et mélasse........................
Sirop de kermès.........I........................
Soldanelle ou cboux de mer.........................
Son de toutes sortes de grains.....................
Sorbec..............................................
Souchet ou cyperus de toutes sortes................
Soudes de tontes sortes................................
Soufre brut ou vif...................................
Soufre en canons..................................
Soies de toutes sortes, savoir :
Soies grèges de Nankin, des Indes, de la Chine, autres que celles
venant par notre commerce direct...................—....
Soies ouvrées en trame, poil e( organsin.......................
Soies grèges de toutes sortes............................... . . ..
Les mêmes, ouvrées en trames, poil et organsin......
Les mêmes, teintes, de toutes espèces................ai
Soies grèges doubles ou doupions..............................
Soies à coudre, crues..........................................
Les mêmes, teintes................................
Fleuret ou filoselle crus................................
Les mêmes, teints .............;......................
Bourres de soie de toutes sortes.......... . . .................
Les mêmes, cardées...................... ....................
Cocons.............i............................... i.
Spalt......
Spicanardi on nard indien Spica celtica ou nard celtiqae Spode ....
Squœnaute ou pailles de squenauto
Squiné ou esquiné...............
Staphysaigre,....................
Steccas ou sticade........L.......
Stil de grains..d.........L.......
Storax calamité..........L.......
Storax liquide...........L.......
Storax rouge et en pain..;........
Stuc.............................
Sublimé doux et corrosif..!........
Sucres bruts...............L.......
Sucres tête et ferré...............
Sucres raffinés ou en pain........
Suifs non ouvrés........ J........
Sumac..................i........
Suie de cheminée........1.......
NOMBRE, POIDS et
HSSORE.
le quintal, id. id. id. id.
... id. . id. ...id. -. id... ....id. id. ... id. id. id. id. . .id. . id.
.... id_____
id. id. id.
.... id.....
. .. id.
.... id. .
....id.....
.... id_____
... id. ....id. id. . . id. . .. id. ...id. ....id. ....id. ...id.
. la. livre... 10
.... id. ...... ......i. . ».
...id........ ...... ». 10
id. 1 »
id. 1 10
id. » s
.... id. 1 »
id. i 1 10
.. id......... . 8 10
ia. VI i
,... id........ ,. .. . ». . »
....MU...... » 8
: id. 1 »' »
le. quintal____ ...... ». . »
.... id. ...... ..... 10-
id. 3 »
id. icL. id.. id. id. id. id.. id. id. id.. id.. . id.. id. id. id. id. id.
TAUX DES DROITS.
ENTREE.
1. S.
40 »
1 10
1 »
KO »
150 »
»» 15
prohibé.
5 » 10 »
... 3 »
prohibé.
6 *
60 10 3 1 2 8 1 10 6 » 6 » 4 » » 10
5 » .. 1 10
25 »
prohibé.
6
1 10 » »
..18 »
,» . » 1 »
10 3-
i. 10 1 10 6 » 10 3 4 i. ». 15 9 18 25
SORTIE.
1. S.
prohibé.
» »
» »
» »
» »
» »
a »
prohibé.
» »
» »
» »
» >
» »
» »
a »
» »
> »
» •
* »
> » j
» 9
» »
l 10
» »
. »
DÉNOMINATIONS.
NOMBRE, POIDS et
MESURE.
Tabac en feuilles........ ..... .....
Tabac fabriqué.» j.......................................
Tableaux sans bordure. .......... ................ .........
Tableaux à cadres ou bordures, sur l'estimation des cadres ou
bordures seulement... .................................
Tafia....................»................... ------------
Talc........................*-------------------------
Talc de Moscovie ou mica.»..........................
Tamarin..........»............................ »........
Tan...........«..u.....».................... »......
Tannezi ou herbe aux vers.........».....................
Tapisseries de tous pays, excepté Anvers et Bruxelles.....
Tapisseries d'Anvers et de Bruxelles......................
Tapisseries avec or et argent.......».....................
Tapisseries peintes»...... L..............................
Tapis de toutes sortes, savoir :
Tapis de laine....»......i..................».............
Tapis de fil et de laine.................................
Tapis de soie ou mêlés dé soie.......................
Tartre............t...............................
Terra mérita ou culouma .L......... »...................
Terre d'ombre..,..»»».».........»..................—.....
Terre de Lemnos.. *......»....... »........................
Terre rouge ou rouge d'Inde...................... ..
Terre rubrique à, faire crayons.....i»i.......................
Terre de moulard..».....»................................
Terre à pipe...»..»......»........1.1....................
Terra sigillée...................... *........>- -............
Terre verte..............»........i>î............ -.....-.. . ..
Tapsic noire et blanche..»........bi...................
Thé.......................................................
Térébenthine commune...».................................
Térébenthine de Venise.......................» »............
Thimolée ou garou (Racine de)................................
Thon mariné......................lit........................
Tilleul (Ecorce de).................U......... ........... . . .
Toiles fines et commune de toute espèce, de chanvre et de lin..
Toiles de coton blanches, autres que celles des Indes.........
Toiles des Indes, comme casses, guinée, etc...................
Toiles de fil et coton de toute espèce»........................
Toile de coton ou fil, et coton teintes et peintes de toutes
sortes .......... ........................................
Toiles à carreaux pour matelas, en coton'ou fil et coton....
Toiles à voiles. ».. »......».........».....................
Toiles cirées de toutes sortes........1.....................
Toiles gommées, treillis, bougrans à. chapeaux, noires ou autres
couleurs.....».........».....»»..»».».....................
Toiles de Nankin.. ».....L.,.,.......................
Tombac, similor ou métal de prince et de Manheim, non ouvré Tombac ouvragé en feuilles, gratté ou non, en calottes de
boutons, etc.................ui............... ......
Tormantille....-«..................» ».....................
Tourbe........«.................................... ...
Tournesol ou maurelle en drapeaux ».......................
Tournesol en maurelle, en pain ou en pierre................
Toutenague ou zinc.......................................
Truffes fraîches».........................................
Truffes sèches.....................h.............. ... —.....
Turbit.........»...........................................
Tussilage ou pas-d'âne............>» .......................
Tutie....................»........U......................
U
Usnée
memoire. . id.
à l'estimation»
* .. .» . le quintal, id» id. id. id. id. id.
TAUX DES DROITS.
1. s
15 0/0 prohibé.
2 10
» »
6 »
120 »
40 »
240 »
45 »
1. s.
prohibé.
id. 72 » » »
id. 50 » » »
id. 150 9 » »
id. » 18 » »
id. .. » 8 » »
id. » » » »
id. » . » » »
id. > » »
id. » »
id. » » »
id. > > y>
id. » » »
id. i » 0 »
id. 1 » » »
id. 75 » » >
id. 1 »
id, 1 10 » »
.....id» 1 » u » »
id. 45 » » »
id...... » * » »
id. 30 » » »
id. » 75 » 3» »
id.. » » » »
id. n a » » 30
id. 78 » * »
id. 120 » i t)
id» 40 » » i)
id.. . 6 * * »
id. 15 » » »
la .pièced^ a unes. » 15 » »
le quintal. ' T 10 3» »
id. 18 » » »
.......id. i » * 1>
id. - . » » » »
id. » » i 8
id. » » ê »
id. » » » »
id. 18 ». » »
......id. 10 D » »
id. 5 » »
id. ...... 1 » » »
id. 1 » » »
A l'estimation. 1 i » »
DÉNOMINATIONS.
Vanille on badille i Velin.........r..i
Vers à soie (Graine de).......
Vert-de-gris sec et en pondre Vert-de-gris cristallisé.........
Vert-de-gris humide.........
Vert de vessie. «.............
Vert de montagne...........
Verjus.
Vermeil.............................................
Vermillon...........................................
Vernis de toutes sortes ........... U..............
Vert d'antimoine........................... «........
Vert de Moscovie ou mica...........................
Verrerie (Ouvrages de), à l'exception de ceux ci-après.
Vases de verre servant à la chimie...................
Vez-cabouli.........................................
Vif-argent........................ .... «.....
Vinaigre............................................
Vins de liqueurs, à l'entrée..........................
Vins ordinaires de toutes sortes, à l'entrée............
Vint de toutes sortes, exportés, savoir :
Vin rouge, par les rivières de Garonne et Dordogne, autres que
ceux ci-après.............................................
Vin blanc, idem........ s ..... i.............................
Vins rouges et blancs du Quercy et du Périgord, qui seront chargés de bord à bord au port de Libourne, et seront accompagnés d'un acquit-à-caulion du bureau de Castillon.. Vins exportés par les départements' des Hautes et Basses-Pyré-
Par le département de l'Ariège et les frontières d'Espagne.
Vins muscats exportés par les mêmes départements...........
Vins exportés par le département des Pyrénées-Orientales.. i . Par les départements des Bouches-du-Rhône et du Var... Par les départements des Hautes et Basses-Alpes et de
l'Isère..............................................
Par le département de l'Ain............................
Par les départements du Mont-Jura et du Doubs.........
Par les départements du Haut et Bas-Rhin et de la
Moselle............;..............,.,.................
Par les départements des Ardennes, de l'Aisne et du Nord. Par les ports des départements du Pas-de-Calais, de la Somme, de la Seine-Inférieure, du Calvados, de la Manche, des Côtes-du-Nord, de l'Ille-et-Vilaine,Finistère
et Morbihan......................................^.........
Vins exportés par le département de la Loire-Inférieure.......
Vins exportés par les ports des départements de la Vendée et de
la Charente-Inférieure.....................................
Vins de liqueurs de toutes sortes............................
Vins en bouteilles et en doubles futailles de toutes sortes..... Vins exportés par les départements de la Loire-Inférieure; dti Doubs, du M°Qt~Jursi« du Haut et Bas-Rhin et de la Moselle, qui seront déclarés de lâ valeur dé 30 livres le muid et au-dessous, sauf la retenue ci-après expliquée en cas de méses-
timation ....;..;....;...i .i......i...i..................
N. B. « Si les expéditionnaires des vins préfèrent d'ac-
âuitter le droit de sortie, à raison de 5 0/0 de la valeur, s en auront la faculté; et dans le cas de mésestimation, les préposés seront autorisés à en faire la retenue, en payant auxdits expéditionnaires la valeur déclarée, èt le dixième en sus. Mais cette option n'aura pas lieu pour les vins muscats et de liqueur, tarifés à 6 livres par muid, ni pour les vins exportés en bouteilles ou doubles futailles tarifés à 10 livres par muid, lesquels acquitteront ces droits, quelles que soient leur valeur et leur qualité. »
Viorne ou hardeau (Feuilles et baies de)...................
Vipères vivantes et sèches.i i ivVi'»>' »>......................
Vitriol blanc.............................................
NOMBRE, POIDS et
MESURE.
la livra, le quintal, id. id. id. id.
.....id.....
id. le muid. _ le quintal, id. . id. id.
l'estimation, le quintal, id. le muid. id. id.
id. id.
id.
id. id. id. idi id.
id. id. id.
id. ids
id, id.
id. id. id.
id.
le
le quintal* cent en nombre le quintal.
TAUX DES DROITS.
ENTRÉE.
1. S.
6 ».
Ô » » »
7 10 10 »
3 » .«sJ-AO a»!
7 10 6 » 10 » 10 » 20 »
4 « » »
prohibé. 5 0/0 3 » 3 » 3 » 60 » 20 »
» » » »
1 » S » T 40
NOMBRE, POIDS TAUX DES DROITS.
DÉNOMINATIONS. et
MESURE. ENTBÉE. SORTIE.
1. S. 1. S.
le quintal. 3 15 » »
Voitures de toute espèce, vieilles on neuves, excepté celles ser- à l'estimation. 12 O/O a »
vant aux voyageurs....*.................................. id. 3» » » »
id. ......1 I»' » »
Vulnéraires de toutes sortes................................. id. . .. . ri » . . » »
Y
id. s » » »
Z
iï. 9 » »
Indépendamment des droits fixés par le présent tarif, le droit de marque des fers, étendu à toutes, les entrées du royaume, par le décret de l'Assemblée nationale du 22 mars 1790, continuera d'être perçu conformément au dit décret sur les fers et aciers, ouvrages de fers et aciers importés de l'étranger, et suivant le tarif, ci? après :
Tarif du droit additionnel de la marque des fert.
Mine de fer, fer en gueuse et ferraille... néant.
Fer en barres et en verges, fer feuillard, fèr blanc, fer noir* fer en tôle, fil de fer, et fer en fonte comme plaques de cheminée, etc., le quintal, 1 livre.
Ancres de fer pour la marine, armes blanches, armes à feux, canons de fer et de fonte, bombes, boulets, grenades et mortiers, cardes à cardér ; clous, fer blanc ou noir ouvré, faulx, limes, scies et toute espèce de taillanderie et de quincaillerie en fer; le quintal, 11. 7 s.
Acier brut ou fondu ; le quintal, 1 1. 10 s.
Quincaillerie ou mercerie, composée en tout ou partie d'acier, le quintal, 1 1. 10 s.
Tarif des droits qui seront perçus sur les marchandises provenant du
commerce français au delà du cap de Bonne-Espérance. Art. 1er.
Matières premières.
Cotons en laine et en graine, bourre de soie, noix de galle, bois de teinture et de marqueterie, étain de Malack, tontenague, cauris, perles fines, rotins, dents d'éléphants, écaille, nacre brut ou coquilles de nacre, exempts de droits.
Soie écrue de Nankin et soie de Bengale; la livre, 5 sous.
Soie 4 coudre crue; la livre, 10 sous.
Soie dite teinte ; la livre, 1 1.10 s
. Coton filé ; la livre, 12 sous.
Salpêtre, ne sera admis qu'à la charge d'être vendu à la-régie des poudres ou du renvoi à l'étranger. Dans ces deux cas, il sera exempt de droits. Art. 2.
- Drogueries.
Aloès, ambre gris, anis étoilé, assa fœtida, benjoui, borax, cachou, camphre, encens, es-quine, galbanum, gomme arabique, gomme co-pale, gomme gutte, gomme laqué, noix vomique, rhubarbe, rose de Provins,, sagou et tamarin ; la moitié des droits d'entrée du tarif général. Art. 3.
Epiceries.
Poivre ; le quintal, 5 livres;
Thé; le quintal, 5 livres.
Canelle de Chine; le quintal, 9 livres.
Gérofle et muscade, le tiers des droits du tarif général.. . .
Café Moka; le quintal, 20 livres.
Sucre Candi; le quintal, 20 livres. Art. 4.
Marchandises diverses.
Joncs ou cannes non montés, bambous, filières de nacre, encre de Chine, écrans, cabarets, plateaux, éventails et autres ouvrages vernis; le quintal, 20 livres.
Porcelaine de couleur et dorée; le quintal, 25 livres.
Porcelaine bleue et blanche; le quintal, 9 livres. Art. 5.
Marchandises blanches
. Toiles de coton unies; le quintal, 50 livres.
Basins, la liDge de table et de lit ; le quintal, 50 livres.
Mouchoirs de coton rayés ou à carreaux, et mouchoirs blancs bordure de couleur; le quintal, 100 livres.
Toiles de Nankin; la pièce de 4 à 5 aunes, 10 sois.
Celles d'un aunage supérieur, comme toiles de coton unies; le quintal, 50 livres.
Mousseline unie, rayée ou quadrillée; le quintal, 150 livres.
Mousseline brodée ; le quintal, 200 livres.
Etoffes de pure soie ou dans lesquelles il entre de la soie ou étoffes d'écorces d'arbres, prohibées même à l'importation.
Toiles rayées et à carreaux, et guinées bleues ; le quintal, 75 livres. Art. 6.
Denrées des Iles de France èt de Bourbon accompagnées des certificats d'origine, donnés par les
administrateurs des dites colonies.
Le sucre brut payera comme le sucre de Gavenne.
Le café, comme le café de la Martinique.
Indigo, canelle, gerofle et muscade, comme ceux des colonies. Art. 7.
Marchandises non dénommées dans le présent tarif, acquitteront les droits portés par le tarif général. Art. 8.
Marchandises réexportées.
Coton en laine èt en graine, les droits de sortie du tarif général.
Toiles de coton, mousselines, mouchoirs, toiles rayées et à carreaux, et guinées bleues, jouiront de l'entrepôt à Lorient et ,à Toulon, et à la réexportation, par mer seulement, de la restitution de la moitié des droits qu'ils auront acquittés lors de 1a vente. Art. 9.
Marchandises déclarées pour le commerce d'Afrique.
Toiles rayées et à carreaux, et guinées bleues, exemptes de droits.
Toiles de coton unies, destinées à l'impression, pour être employées au même commerce, jouiront de la restitution du droit de cinquante livres, après qu'il aura été justifié qu'elles auront été imprimées en France, réintégrées en entrepôt, et emnarquées pour la côte d'Afrique.
Il est impossible d'ouvrir uue discussion détaillée sur chacun des articles de ce tarif. Que faut-il donc faire dans ce moment ? Cinq ou six principaux objets peuvent être soumis a la discussion. L'un des premiers est celui du tabac ; le second, celui des vins; le troisième, celui des toiles ; le quatrième celui des denrées coloniales. Je désirerais que l'Assemblée soumit à la discussion ces principaux articles et que l'on dît, par exemple : La discussion s'ouvrira demain sur le tabac, et ainsi de suite.
Le tarif qui vous a été présenté, a été combiné d'après les principes qui ont été décrétés par l'Assemblée. Je pense que la discussion qui va s'ouvrir dans ce moment, doit en amener deux autres très importantes, celle sur le tabac et celle sur les boissons. Il est impossible que vous puissiez statuer sur les droits à établir pour ia sortie de ces denrées avant que vous ayez décidé si vous percevrez ou non un droit particulier sur les boissons dans l'intérieur du royaume, et si vous établirez deux branches de revenus particuliers sur le tabac. Je pense donc, Messieurs, qu'avant de passer à l'examen des articles qui composent ce tarif, il serait nécessaire d'entamer au moins ces deux grandes questions dans la semaine prochaine,aux séances du matin.
Les motions qui viennent d'être faites, quoique fort judicieuses, ne mettent pas l'Assemblée en état de juger quelle méthode elle suivra pour l'universalité des tarifs. Le tarif est peut-être composé d'un millier d'articles. Il faut donc se faire un plan de discussion qui, sans nous jeter dans des minuties, puisse ne nous lais» ser échapper aucune grande question et mettre l'Assemblée nationale en état de ne rendre que des décrets réfléchis. Pour remplir cet objet, je pense que l'on devrait séparer d'abord le tarif d'entrée du tarif de sortie. (L'Assemblée, consultée, adopte l'ordre de discussion proposé par les comités.) (L'impression du rapport est ordonnée.)
Messieurs, je dois vous donner lecture d'une pétition adressée à l'Assemblée par la Société d'histoire naturelle de Paris.
Voici cette pièce (1) :
« Messieurs,
« Nous venons rappeler à votre sollicitude des citoyens, qui ont bravé, sur des mers peu connues, de grands dangers pour les progrès de l'histoire naturelle et de la navigation ; qui ont exposé leurs jours pour le service de leur patrie, pour l'avantage de tous les peuples, M. la Pérouse et ses malheureux compagnons.
« Les législateurs, dont les sages décrets annoncent l'amour des hommes, ne prendront pas un intérêt stérile au sort de navigateurs qui se sont illustrés par un si beau dévouement.
« Depuis deux ans la France attend inutilement le retour de M. la Pérouse, et ceux qui s'intéressent à sa personne et à ses découvertes, n'ont aucune connaissance de sou sort. Hélas ! celui qu'ils soupçonnent, est peut-être encore plus affreux que celui qu'il éprouve ; peut-être n'a-t-il pas échappé à la mort que pour être livré aux tourments continuels d'un espoir toujours renaissant, et toujours trompé ; peut-être a-t-il échoué sur quelqu'une des îles de la mer du Sud, d'où il étend les bras vers sa patrie, où il attend vainement un libérateur.
« Ah ! s'il pouvait apprendre l'étonnante révolution quia régénéré cet
Ëmpire ! s'il pouvait
« Cet espoir que nous avons senti renaître pour lui ne sera point trompé. Ce n'est pas pour des objets frivoles, pour son avantage particulier que M. la Pérouse a bravé des périls de tous genres , la nation généreuse qui devait recueillir le fruit de ses glorieux travaux, lui doit aussi son intérêt et ses secours.
« Déjà nous avons appris la perte de plusieurs de ses compagnons engloutis par les ondes* ou massacrés par les sauvages. Sbutenez l'espérance qui nous reste encore de recueillir ceux de nos frères qui ont échappé à la fureur des flots ou & la rage des cannibales ; qu'ils reviennent sur nos bords, dussenMls mourir de joie en embrassant cette terre libre 1
« Le roi s'intéresse à l'expédition de M. de la Pérouse,il a la gloire d'en avoir conçu le projet. Il ordonna pendant la guerre dernière, à tous ses vaisseaux de respecter partout le pavillon Gook. Cet hommage rendu par lui au génie, l'esprit d'humanité qui l'avait dicté, firent chérir partout sa bonté et partager à tous les peuples l'estime que les Français font de ses vertué.
« La nation ne sera pas aujourd'hui moins généreuse.
« Si les recherches pour retrouver ce navigateur sont infructueuses, elle sera encore dédommagée de ses avances par les découvertes nautiques et astronomiques qu'on peut espérer de ce nouveau voyage par la transplantation de végétaux utiles que la France pourrait cultiver avec succès, par les rapports commerciaux qu'il sera facile d'établir.
« Mais que parlons-nous de dédommagements, d'avantages à recueillir? Nous demandons aux amis des hommes un acte d'humanité. Gardons-nous, par ces considérations particulières, v de corrompre leur bienfait.
« Nous demandons à l'Assemblée nationale de prier le roi :
« 1° D'ordonner au ministre de la marine de communiquer à ses comités les ordres et les instructions remises à M. de la Pérouse, afin de fixer la route que suivront les navigateurs;
« 2° D'envoyer, le plus tôt possible, des vaisseaux pour chercher M. de la Pérouse et de joindre à l'équipage des naturalistes et des astronomes;
« 3° D'inviter,par une adresse, tous les peuples dont les vaisseaux parcourent la mer du sud, à prendre à cet égard toutes les informations qtie peut inspirer l'amour de l'humanité.
c Signé : Lerminas, président.
« BrôugniaR, Pelletier, secrétaires.
(L'Assemblée ordonne l'impression de cette pétition et son renvoi aux comités d'agriculture et de commerce, et de la marine, pour en rendre compté à la séance de mardi soir.)
Un Membre du comité d'aliénation propose et l'Assemblée décrète la Vente de' biens nationaux à diverses municipalités dans les termes suivants :
L'Assemblée nationale, gur le rapport qui lui a
été fait par son comité de l'aliénation des biens nationaux, des soumissions faites par les municipalités ci-après dénommées, en exécution des délibérations prises par le conseil général de leurs communes, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790; acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont les états sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des estimations ou évaluations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier;
Savoir s
Département de VAin.
A la municipalité de Bourg, pour la somme de A celle dudit lieu....
A la même..........
A celle de Germagnat A celle d'Etré........
A celle d'Àineysieh... A celle de Chavornay, A celle de Champagne A celle de Virieu-le-Pètit.,ki. A celle de Ruffiens... A celle de Lochieui.. A oelle d'Arnix.......
A celle de Belley.....
A celle de Tallitieux.. A celle de Lompues-i. i A celle de Theysillieu. A celle de Cormaranche A celle de Douvres... v A celle d'Ambrouay... A celle de Savigueux.. A celle de Feuillens;.,
Département de la Haute-Saône.
A celle de Vonnans... 48,998 G ♦>
A celle de ServanCes ;. 415114 14 #
A celle d'Arbecey..... 54,235 10
A celle d'AuVet.-. .1... 50,668-'- 13 »
« Le tout ainsi qu'il est plus au long porté aux décrets et états d'estimation annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
M. le Président lève la séance à 10 heures.
182,857 1. : g s. 11 d.
41,333 10 10
219,516 10 »
- 7,020 4 »
,7,192,. »
f0,021 6 »
25,375 n h
12,103 14 A
27,628 6 »
28,173 4 M
11,766 16 »
9,038 14 »
387,181 3 U
63,191 12 »
4,527 12 »
59,040 8 1»
9,403 '. 8 h
4',903 12 »
245,795 12-îi. i
29,970 » »
35,416 » »
Séance du
La séance est ouverte à onze heures et demie du matin*
Un de MM. les Secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
Les administrateurs du départerrient de la Gôte-d'Or me chargent de
vous faire part de ia
Je profite de cette occasion pour apprendre à l'Assemblée que les habitants de Dijon viennent de démentir d'une manière bien remarquable les calomnies répandues contre eux. Le conseil général de la commune, par délibération d'hier (la lettre ëst datée du 1»), a fait effacer de différents endroits, comme rues et places, les noms des anciens agents du pouvoir exécutif pour y substituer des noms chers aux citoyens qui sont les apôtres de la liberté; et la déclaration des droits va remplacer sur la principale porte de la ville leS armes du ci-devant prince de Condé qui étaient au-dessus du portrait de Louis XVI. (App laudissements.)
(de Saint- Jean-d? Angély). Tous les administrateurs des départements et districts de l'Empire ont Soin d'instruire l'Assemblée dë tous les détails de leur administration et des dépenses d'emplàcement ; Paris seul se dispensé de donner les mômes éclaircissements. Beaucoup de citoyens se plaignent des dépenses inutiles qui sont faites pour les maisons d'administration.
En conséquence, je demanderais que le comité des finances rendît compte à l'Assemblée de la quantité de bâtiments nécessaires au service dès administrations, et au logement de ceux des administrateurs qui doivent en avoir, ainsi que des dépenses de constructions Ou réparations qui seront nécessaires.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette motion au comité des financés»)
annonce à l'Assemblée l'hommage que lui fait M. QUinio d'un ouvrage sur les domaines congéables.
donne lecture d'une lettre de M. Montmorin, qui lui envoie les prestations de Serment de MM. Mathieu^Basquiat-Engomëz, ministre plénipotentiaire du roi près le roi dé Danemarck; Frameri, secrétaire de cette légation, et Laborde, aumônier de la chapelle dé ce ministre,
De MM» LouiS-Agathon Flavigny, ministre plénipotentiaire près l'infant duc dë Parmeé et Orcelle, son secrétaire}
De MM. Gaussen, chargé des affaires dë France à Stockolm, et Ulisses Salis MarGhelins* chargé des affaires dé France, près les Grisons.
J'ai reçu de M. Leclerc, ci-devant de Bliffon, fils du célèbre naturaliste, une lettre dont je vais donner Gonnais sauce à l'Assemblée (l)i
« Monsieur le Président,
« je m'adresse avec la plus grande Confiance pour obtenir,dë l'Assemblée
nationale, une justice éclatante dës procédés que les municipalités de
Quincy et de Rougemont, deux villages dont j'étais ci-devant seigneur,
ont eus envers moi. Je vous envoie les copiés des deux écrits dont je me
plains, et que les municipalités sont venues déposer chez le greffier de
la municipalité de Montbard, cheMieu du canton dont jë suis maire.
J'aurai l'honneur dé vous observer qu'à l'instant où j'ai eu
connaissance de la proclamation du département de la Gôte-d'Or au sujet
des armoi-
« Je joins ici une lettre que j'ai eu l'honneur d'adresser à M. le président de l'Assemblée nationale, en juin 1790, ët j'ajoute que jamais jn n'aurais dû m'attendre à me voir disputer en France un -nom qu'a tant honoré ee royaume* et surtout la partie de ce royaume bù des gens, malintentionnés et peu instruits, se permettent de m'en-» joindre de le quitter; »
Je demande qu'il soit fait mention dé cette adresse dans le procès-verbal et que l'Assemblée décrète que la municipalité ne puisse pas inquiéter M. de Buffon, par égard pour la mémoire de son père.
(deSaint-Jean-d'Angély.) Je réclame pour qu'on ne rende pas de décret là-dessus, parce que les municipalités croiraient avoir le droit que je crois qu'elle^ n'ont pfts, d'inquiéter un homme qui* dans une société, prend un autre nom que lédiett.
Je demande au moins qu'on fasse mention de l'adresse dans lé procès-verbal, en consignant les observations de M. Regnaud.
L'À.sSembléé passe à l'ordre du jour.)
L'ordré du jotir est un rapport du comité de surveillance de l'extraordinaire Sut lés moyens de prévenir les fâcheux effèts des spéculations sur Védhahgë des petits assignats.
, rapporteur * Messieurs, les commissaires que vous avez chargés dë l'inspection de la caisse de l'extraordinaire, en suivant, avec la surveillance la plus plus attentive, toutes ses opérations, ont cru devoir examiner les causes de l'agiotage qui vient de s'établir sur les petits assignats* et vous proposer des moyens de le détruire. Il est fâcheux sans doute que l'émission de ce petit papier, destiné à faciliter les échanges, et à diminuer le besoin des espèces monnayées, ait pu produire dés mouvements de cé genre; mais vous verrez que plusieurs circonstances étrangères à la division du papier national en ont été les causes nécessaires, et qu'il vous sera facile d'empêcher qu'elles continuent d'exister.
Vous vous rappelez quë lorsque vous vous vous déterminâtes à la première création de 400 millions d'assignats, les besoins du Trésor public étaient très considérables ; la fabrication ne pouvait leB atteindre, et vous fûtes forcés de demander à la caisse d'escompte 230 millions de promesses d'assignats pour acquitter avec fidélité les engagements énormes dont l'année 1790 était chargée» Ces papiers furent donc émis en attendant les assignats décrétés, et ils ne
purent être remplacés par ceux-ci qu'au bout du temps nécessaire pour remplir tous les procédés d'une fabrication nouvelle pour nous. La caisse de l'extraordinaire ouvritalors des bureaux d'échange ; et proportionnant leur travail à celui des fabricateurs, elle aurait achevé le retrait du premier papier, si les besoins de la fin de 1790 n'avaient exigé de nouveaux secours. Diverses causes, dont la nation est aussi bien instruite que cette Assemblée, nécessitèrent donc une nouvelle et prompte émission, et il fallut remonter de nouveaux ateliers.
Le Trésor public, qui ne pouvait admettre aucun délai, rut obligé d'emprunter de la caisse de l'extraordinaire une partie des restes de la première création, dont la lenteur des échanges l'avait laissée dépositaire. Ces restes, partagés avec soin entre le Trésor public et le bureau des échanges, nous ont heureusement conduits jusqu'aux premiers produits de la nouvelle fabrication ; et nous sommes aujourd'hui dans l'heureuse position de pouvoir fournir abondamment les deux caisses. Il est arrivé cependant, etc'est la cause du désordre dont on a eu raison dé se plaindre, il est arrivé que la différence des sommes des billets a obligé momentanément le trésorier de l'extraordinaire de se servir des premiers assignats de 50 et de 100 livres pour les échanges des anciennes promesses d'assignats. Ces dernières étaient de 1,000, 300 et 200 livres : les nouveaux assignats de 2,000, 500, 100 livres et au-dessous. La nécessité de remplir les besoins du Trésor public avait fait hâter la fabrication des billets de 2,000 livres. Le désir de diminuer la cherté de l'argent avait destiné le reste des fonds à celle des assignats de 50 livres. Le trésorier ne pouvait doue continuer les échanges des billets de 300 et 200 livres qu'avec des assignats de 50 et de 100 livres, et il n'en eût pas plutôt délivré une petite quantité, que le peuple, justement avide de cette monnaie plus commode, n'a plus voulu en recevoir d'autres, lorsque les rentrées et la création du papier de réserve sur la première fabrication permettait encore quelques échanges à égalité de sommes.
Bien plus, les agioteurs attentifs n'ont pas laissé échapper ce nouveau moyen de leur industrie; ils ont recherché de tous les côtés les promesses d'assignats ou anciens billets de la caisse d'escompte ; ils les ont accaparés, et ont ainsi trouvé moyen de s'emparer de la majeure partie de l'émission des petits billets, qui n'arrivaient plus aux citoyens que par des reventes onéreuses.
Ce manège impie n'a point échappé à la vigilance de vos commissaires. Prévenus à l'instant par le trésorier même de la caisse de l'extraordinaire, ils se seraient hâtés de vous proposer des mesures convenables pour le déjouer plus tôt, si la marche de la fabrication du papier l'eût permis. Elle a éprouvé quelques retards par l'humidité excessive de l'atmosphère qui ralentit la dissécation du papier, et par les crues d'eau qui ont gêné le travail des moulins. Nous avons cependant reçu hier un convoi considérable de papier, et déjà le nombre des assignats de 50 livres est porté à 280,000. En décrétant 1,200,000 de ces billets, vous avez augmenté de 2 le nombre des signataires. Les 4 premiers nous donnent tous les jours 6,000 billets. Nous vous en demanderons encore 4, et nous porterons ainsi la signature à 15,000 par jour. Nous aurons en outre des billets de 60 et de 90, dont on a déjà reçu du papier. Ces moyens suffiraient
pour faire jouir promptement le public des avantages des petits assignats; mais nous devons y joindre ceux de les lui assurer, en détruisant, autant qu'il est en nous, la spéculation des accapareurs de promesses d'assignats, qui viennent au bureau des échanges s'emparer des petits billets.
Il est évident qu'ils n'ont aucun droit d'en exiger de moindre somme que ceux qu'ils présentent, et qu'ils doivent être satisfaits de recevoir des assignats de la première création, de somme égale, billet pour billet, ou deux assignats de 500 livres de la nouvelle création pour un billet de 1,000 livres ou plusieurs de 100 livres pour ceux de 200 et 300 livres. Nous vous proposons donc de laisser au bureau des échanges un nombre suffisant d'assignats de 500 livres et de 100 livres, pour suppléer au déficit de la première création, et d'interdire absolument au trésorier d'en délivrer pour échange un seul au-dessous de 100 livres. Alors vous ramènerez ceux-ci à leur véritable destination, en les donnant tous au Trésor public, et vous opérerez deux grands biens à la fois: le premier, de les répandre directement par tous les canaux des dépenses publiques dans les mains des citoyens ; le second, de diminuer la cherté du numéraire en donnant à la trésorerie de grandes facilités pour opérer tous les payements, pour faire tous ses appoints, sans recourir à de nouveaux achats d'argent. Si vous approuvez cette proposition, nous pourrons,dès demain,lui en fournir 18,000 de 50 livres.
On ne peut certainement trouver un mode plus effectif de faire promptement parvenir ces petits effets dans la circulation. Le Trésor public doit à toute la société; ses payements journaliers sont immensément variés; ils touchent à toutes les classes de citoyens et à toutes lés parties de l'Empire. Dans ce moment,où ses rouages regagnent le temps perdu, ils serviront parfaitement cette émission, et au lieu que le bureau des échanges les écoulait par un seul canal, d'où l'expansion était lente et embarrassée, le Trésor public en abreuvera, pour, ainsi dire, tous les points de la circulation. La fabrication, presque triplée par le nombre des signataires, y versera tous ses produits ; et les combinaisons des agioteurs n'ayant plus d'effet, on verra diminuer sensiblement la disproportion coûteuse des moyens d'échange, avec les consommations quotidiennes. 11 est manifeste, en outre, que cette abondance de petit papier doit réduire beaucoup les achats du numéraire du Trésor public. On y paye, dans ces premiers mois de l'année, une grande quantité de coupons de 50 livres et au-dessus ;i] faut envoyer dans les départements des sommes assez fortes pour le payement des pensions et du traitement des ecclésiastiques; il faut fournir aux payeurs des rentes de quoi faire leurs appoints; et, sous tous ces rapports, le Trésor public était souvent forcé à des opérations considérables qui déprimaient encore nos changes étrangers, déjà affaiblis par le remboursement de la dette publique, et le retour de capitaux que demandent nos créanciers étrangers.
En finissant ces observations, vos commissaires ont l'honneur de vous informer que la caisse de l'extraordinaire est actuellement organisée de la manière Ta plus satisfaisante. Ses livres sont tenus en parties doubles, avec la plus parfaite clarté. Toutes ses opérations, depuis l'origine, y sont représentées; et son grand livre, constamment rapporté à jour, peut nous donner, quand on le désirera, son bilan, général en deux fois
vingt-quatre heures.....Les remboursements de la dette exigible ont monté cette semaine à 15 millions, et à 18 pour les deux précédentes. Nous pouvons vous annoncer que la liquidation du mois de janvier montera à entre 40 et 46 millions, et qu'elle sera beaucoup plus rapide le mois prochain.....Les recettes, pour la contribution patriotique, montent actuellement, outre les 20 millions reçus directement par le Trésor public, à 13,544,000 livres, dont 8,346,000 livres ont été versés au Trésor public. — La vente des biens nationaux a produit dans la caisse la somme de 1,353,279 1. 3 s. 4 d. — Les fermages et fruits, 27,367 1.10 s. — Le rachat des droits féodaux, 50,750 livres.—Les dîmes, 1,775,728 I. 9 s. 4 d. Total 3,207,125 1. 2 s. 8 d. : sur quoi nous avons brûlé en deux fois 2,500,000 livres. Reste 707,125, 1.2 s. 8 d. en assignats qui sont bâtonnés, et qui attendent le complément nécessaire pour brûler un million..... Voici, enconséquence des observations contenues dans ce rapport, le projet de décret que je suis chargé de vous proposer :
« L Assemblée nationale, considérant que le meilleur moyen de répandre promptement dans la circulation les petits assignats est de les destiner spécialement au Trésor public, pour servir aux diverses dépenses qu'il a à payer, décrète ce qui suit :
Art. 1er
« Il ne sera délivré à la caisse de l'extraordinaire aucun assignat de 50, 60, 70, 80 et 90 livres en échange des billets de la caisse d'escompte ou dés promesses d'assignats. Ces échanges seront faits en assignats de 500 livres pour les billets et promesses de 1,000 livres: en assignats de la première fabrication de 3 et 200 livres, et en nouveaux assignats de 100 livres pour les billets au-dessous de 1,000 livres.
Art. 2. -
« Les assignats dé 50, 60, 70, 80 et 90 livres seront versés aussitôt après leur fabrication , dans le Trésor public, en payement des sommes qui ont été ou seront décrétées par l'Assemblée, ou employées par la caisse de l'extraordinaire, en appoints dés sommes qu'elle est chargée de payer.
Art. 3.
« Il sera ajouté quatre nouveaux signataires à ceux qui sont déjà nommés pour la signature des assignats de 50 livres, de manière que les signataires seront portés au nombre de dix.
Art. 4
« L'Assemblée charge son président de porter le présent décret, dans le jour, à la sanction, et de prier le roi de le faire notifier demain à la caisse de l'extraordinaire. »
(1). Je sais très bien que l'on ne ne doit verser dans la caisse de l'extraordinaire, à Paris, que le produit des ventes et des fermages de ce département ; mais je dis qu'en considérant seulement ce qui doit être versé à la caisse de l'extraordinaire, la solde me paraît au-dessous de l'aperçu que je m'en étais fait : je demande s'il y a un compte à la caisse de l'extraordinaire des revenus de ces biens.
, rapporteur. Je vous réponds par l'affirmative que l'administration de la caisse de l'extraordinaire correspond journellement avec les administrateurs des districts, des municipalités, pour recevoir continuellement les acomptes qui ont été payés dans les districts, et que nous nous occupons de les faire arriver le plus promptement possible; mais l'établissement des trésoriers n'a pas pu se faire assez promptement pour que nous ayons déjà reçu la totalité de ce que nous avons à recevoir.
Il n'y a guère que 6 semaines que la caisse de l'extraordinaire a été organisée. Malgré toute la célérité, il a fallu du temps à l'administration de la caisse pour établir ses correspondances. La chose commence à être en activité, puisque les receveurs particuliers envoient déjà leurs journaux. Il y a peut-être eu des retards, et voici ce qui en est cause. Par un de vos décrets, il est dit que, jusqu'au 1er janvier 1791, tous les fruits perçus sur les biens nationaux seront employés à payer le traitement des fonctionnaires publics ecclésiastiques. Or, dans plusieurs districts, on s'est cru autorisé à prendre les capitaux qu'on avait en caisse pour payer les ecclésiastiques, sauf à les y remettre, allant par là contre l'esprit de vos décrets qui les destinent au payement de la dette exigible. Nous nous sommes concertés avec l'administrateur du Trésor public pour faire passer les fonds nécessaires au payement des ecclésiastiques, et pour que les capitaux nous arrivassent ici exactement et sûrement.
Je crains que le projet qui vous est préseuté ne soit pas encore suffisant pour faciliter la circulation des petits billets et faire cesser après l'agiotage. Outre la mesure que l'on vous propose, je voudrais que les payeurs des rentes fussent obligés de payer en petits billets, soit aux particuliers, soit aux receveurs connus communément sous le nom de grippe-sou, toutes les rentes au-dessous de 200 livres, car il arrive aujourd'hui que les receveurs chargés d'une partie de 15 à 20,000 francs pour différents particuliers, ne reçoivent des payeurs des rentes que des billets de 100 pistoles. Il arrive déjà qu'il faut que le receveur achète de l'argent pour satisfaire au public.
(de Saint-Jean-d'Angèly). Il est impossible d'adopter cette mesure ; les payeurs des rentes, Messieurs, reçoivent du Trésor public une somme en masse, dont la majeure partie est en assignats, et très peu en argent. S'ils étaient obligés de subdiviser les sommes qu'ils reçoivent entre tous les rentiers et de payer tops les appoints des rentes, il faudrait décréter que le Trésor public, qui fait les fonds, ferait autant d'appoints qu'il y a de rentes.
Il est inutile d'ajouter à l'article. En effet, pourquoi le Trésor public ne pouvait-il pas donner des billets de 50 livres aux payeurs de rentes? c'est que les échanges les lui enlevaient. Or, vous venez de parer à cet inconvénient; dès demain on peut remettre 18,000 billets de 50 livres au Trésor public, qui en pourra donner aux payeurs des rentes ; donc l'ajournement est inutile.
(Le projet de décret est adopté.)
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport.)
propose le projet de décret suivant:
Art, 1er.
« L'Assemblée nationale décrète que les parties de rentes, et autres charges de pareille nature, de 12 à 20 livres de produit, dont le remboursement avait été ordonné par arrêts du conseil des 26 décembre 1784 et 18 août 1785, être faits à la caisse des amortissements, et dont les arrérages avaient eu conséquence été rayés des états, continueront à être remboursés â la caisse de l'extraordinaire conformément aux dispositions tant desdits arrêts du conseil, que des décrets de l'Assemblée.
Art, 2.
« L'Assemblée nationale décrète que les porteurs de brevets de retenue, et les propriétaires de décomptes sur les pensions» dont le payement a été ordonné par décret du 9 janvier, pourront les empldyer après qu'ils seront liquidés, et après que les brevets de retenue auront été reconnus susceptibles de l'indemnité accordée par le décret du 24 novembre, soit au payement d'acquisition de domaines nationaux, soit au payement de la contribution patriotique. »
Il y a des brevets de retenue qui sont suspendus depuis environ deux ans. Actuellement qu'ils sont compris dans l'arriéré desdépartements, il pourrait arriver qu'ils fussent beaucoup plus reculés que les brevets de retenue qui n'étaient réellement pas exigibles; je demanderais que ces effets fussent payés tout de suite.
Ils doivent l'être, puisqu'ils sont compris dans l'arriéré.
Le retard du payement ne vient pas de ce que l'on vient de dire ; il vient de ce que le comité de liquidation a reçu les arriérés des départements et qu'il ne les remet pas à la caisse de l'extraordinaire.
(Le projet de décret est adopté.)
Je demande la permission d'annoncer à l'Assemblée que mercredi prochain, A midi, dans la cour du Trésor public, il sera procédé au brûlement des effets qui ont servi à l'emprunt national de 80 millions.
Un membre demande que le comité des finances et les commissaires de la caisse de l'extraordinaire présentent,dans le plus bref délai, un projet de décret pour le remplacement des coupons d'assignats, dont le remboursement a été ordonné et se fait journellement.
(Cette motion est décrétée)
L'ordre du jour est un râpport du comité 4e Constitution relatif aux emplacements provisoires et à l'installation des tribunauxdans le département de Paris.
, rapporteur (1). Messieurs, au moment de l'installation des six
tribunaux du
Malgré les soins de la municipalité de Paris; elle n'a pu trouver que quatre emplacements pour les six- tribunaux. Or, il n'y a aucun inconvénient à placer les deux autres tribunaux au Châtelet et au palais, mais vous savez que c'esf unè maxime de VanCienne jurisprudence, qui en sera sans doute aussi une de la nouvelle, que chaque tribunal doit être placé dans son territoire; lejçomité est donc obligé dé vous proposer une disposition à cet effet.
La seconde disposition regarde l'installation des six tribunaux . Vous avez décrété que chaque tribunal de district serait installé par le conseil général de la commune; pour remplir cette intention j nous n'avons vu, de concert avec la municipalité, d'autre moyen que de partager en deux jours leur installation, mardi et mercredi,
La troisième disposition' regarde les scellés. Les commissaires au Châtelet les apposaient, mais vous avez donné çet|.£ attribution aux juges de paix; néanmoins l'es commissaires du Châtelet ont continué d'apposer les séellés : vous aVez à statuer si ces scellés seront levés par les commissaires au Châtelet ou par les juges de paix.
La quatrième disposition est relative aux référés. Messieurs, on s'adressait chaque jour au lieutenant civil, ou, en son absence, au lieutenant particulier, pour des actes judiciaires et les discussions qui, en provenaient ; ces référés son]; en très; grand nombre, et il serait difficile de les suspendre, même pour quelques jours, sans s'exposer à de très grands inconvénients; il faut donc y pourvoir.
La cinquième disposition regardé les appositions de scellés, inventaires et partages des successions qui intéressent les mineurs im pourvus, ou les absents non représentés, Jusqu'ici ces actes se sont faits en présence des substituts du procureur du roi : dans l'organisation judiciaire vous n'avez point donné de substituts aux commissaires du roi; il est cependant nécessaire de confier cette partie à un officier public.
Quant aux adjudications de biens, pu aux criées qui étaient la suite d'une ordonnance de justice} et qui jusqu'ici se Sont faites au Châtelet dé Paris, vu les difficultés d'établir six points pour faire faire à i'fivepir ces criées, et en attendant que le comité vous présente une disposition particulière à cet égard, nous vous proposons, par une mesure provisoire, de les faire continuer au Châtelet comme par le passe.
A l'égard des biens des mineurs sur lesquels on n'a pas obtenu d'ho.niûlpgàt(on pour èn taire la vente, nous avons piense que çet objet pe demandant pas une grande célérité, il puifirait d ordonner que les pièces seraient mises sous les scelles jusqu'à ce que vous Statuiez définitivement sur les scellés apposés sur tpus tes greffes du rqyaume,
Touchant les avoués, vous n'avez point parlé d'une classe de citoyens qUi se trouvent avoir rempli le temps d'études fixé par les anciens règlements pour acquérir les offices de procureur. Il nous a semblé que les jeunes gens revêtusde 10 an-
nées de cléricature, privés en ce moment de l'es, poir raisonnable qu ils avaient d'obtenir un office, devaient remplir les fonctions d'avoué, en se faisant inscrire au greffe des tribunaux.
Après ces observations, Messieurs, voici le projet de décret en neuf artiçtes ;
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les tribunaux du premier et du second arrondissement du département de Paris, tiendront provisoirement leurs séances, savoir le premier au palais ; le second au Gbâtelet, et leurs jugements seront valables, quoique rendus hors de la circonscription de leurs territoires.
« Art. 2. Chaque tribunal des arrondissements du tribunal de Paris sera installé par le conseil général de la commune, le maire à la tète. Trois de ces tribunaux seront installés mardi 25 janvier, présent mois, et les trois autres le lendemain.
« Art. 3. Les scellés apposés par les commissaires au Gbâtelet de Paris, avant le premier jour de l'installation des tribunaux, seront reconnus et levés par ces commissaires.
« Art. 4. Toutes les difficultés relatives soit à l'apposition de scellés, soit aux incidents qui peuvent naître sur l'exécution des jugements, seront portés devant l'un des juges du tribunal, pour le jugement être exécuté provisoirement. A ia tin de chaque mois les procès-verbaux seront déposés au greffe du tribunal.
« Art. 5. A l'égard des procès-verbaux d'apposition de scellés, inventaires, partages et liquidations dans lesquels sont intéressés, même des mineurs qui n'ont point de tuteurs,oU dès absents qui n'ont point de représentants, ces procès-verbaux seront faits, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, en la présence de l'un des suppléants du tribunal dans le territoire duquel s'ouvrira la succession. Provisoirement le suppléant percevra la moitié des droits qui étaient attribués aux ci-devants substituts du procureur du roi.
« Art. 6. Les biens dont l'adjudication est poursuivie au Cbâteiet de Paris, même en vertu d'attributions particulières, et pour lesquels il y a, soit une adjudication, sauf quinzaiue, soit un jugement qui ordonne l'adjudication à jour fixe, seront adjugés au jour indiqué à cet effet. Chacun des six tribunaux du département de Paris, à commencer par le premier arrondissement, députera chaque semaine, et par tour jusqu'à la fin des dites adjudications, l'un de ses cinq juges, lequel tiendra ses séances en l'auditoire des criées du Ghâtelet de Paris, aux jours et heures accoutumés.
« Art. 7. Les ci-devants jurés des criées y continueront leurs fonctions jusqu'à la fin de ces adjudications, nonobstant la suppression de leurs offices ; et en vertu de la présente attribution ils seront tenus, à peine de tous dommages et intérêts, de rapporter, lors de l'apposition des scellés par les officiers municipaux, les minutes d'enchères et les jugements relatifs aux adjudications qui peuvent être entre leurs mains, pour en être dressé un état sommaire d'après lequel ils seront chargés de les représenter à toute réquisition.
« Art. 8. A l'égard des décrets, licitations et procédures tendant à l'aliénation des biens des mineurs, sur lesquels il ne serait intervenu aucun jugement de remise à jour fixe, ou sauf quinzaiue, les pièces seront mises sous scellés, pour être statué ce qu'il appartiendra.
« Art. 9. Les avocats reçus dans les ci-devant coups et sièges royaux, avant le 4 août 1789, ceux qui ont été reçus depuis cette époque par bénéfice d'âge, les clercs dans les cours et sièges royaux, qui ont achevé le temps d'études requis par les anciens règlements, pour exercer un office de ci-devant procureur, et ceux qui, étant licenciés avant le 4 août 1789, ou l'étant devenus depuis, par bénéfice d'âge, ont acheté cinq années de cléricature, seront admis à faire la fonction d'avoué, en s'inscrivant au greffe des tribunaux. »
Le décret qui vous est proposé ne fait qu'opérer la réunion contre laquelle on s'est déjà tant de fois élevé et qui même a été rejetée. Dans Paris on compose avec les abus et l'on n'a aucune espèce d'égards pour les pétitions des provinces.
Il est essentiel sans doute, que l'installation des tribunaux de Paris ne sour-fre aucun retard; mais j'aperçois dans ce décret des dispositions générales qui ne doivent pas se trouver dans line M particulière. Il faut nous abstenir le plus possible de ces décrets particuliers, à moins qu'ils ne soient de grande nécessité. Je conclus à ce que la partie 40*1 concerne les tribunaux soit discutée et que le reste soit ajourné. *
Je demande aussi l'ajournement à mardi soir des autres dispositions, parce que j'ai à vous proposer de la rendre générale pour tout le royaume.
Il ne faut pas pèrdre de vue que Paris a déjà obtenu des lois d'exception*
, rapporteur. Messieurs, le comité ne met aucun intérêt à ce que Vous décrétiez les articles de détail. Je suis d'avis moi-même que vous vous contentiez de décréter en ce moment ce qui est urgent.
Je demandé qu'on ajoute à l'article 1er qùè la municipalité s'occupera de chercher les emplacements nécessaires ët en rendra compte dans quinze jours.
, rapporteur. J'y consehs d'âu-tant plus volontiers qu elle s'en occupe à l'instant; même je prépose qu'elle $n rende compte dans tmit jours ; car elle est prête à sè déterminer, Mais quand elle aura trouvé le IdCal, il faut le distribuer et le réparér.
L'article 1er est adopté comme suit i
» L'Assemblée nationale, après avoir entendu le comité de Constitution, décrète ce qui suit ;
» Les tribunaux du premier et du troisième arrondissement du département de Paris, tien-dront provisoirement leurs séances savoir : le premier au palais, et le second au Gbâtelet, et leurs jugements seront valables, quoique rendus hors de la circonscription de leur territoire.
« La municipalité de Paris rendra compte, dans le délai de 15 jours, des emplacements qu'il lui paraît convenable de donner aux six tribunaux de Paris .»
, rappporteur. Il n'y a plus que le second article qui me paraît instant, parce c'est mardi que doit se faire l'installation.
J'observe que dans toutes les villes les municipalités se sont toutes occupées de l'installation des tribunaux ; je ne vois pas pourquoi l'Assemblée s'occuperait de ceux de Paris.
Si la commune entière veut former l'installation de chaque tribunal, elle ne fera que suivre l'ordre établi et il n'est pas nécessaire pour cela de faire un décret; la commune fera ce qu'elle trouvera plus analogue aux principes.
Je demande l'ordre du jour sur cet article, l'ajournement du reste du décret à mardi soir et l'impression du projet de décret du comité.
(Cette motion est décrétée.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les jurés (1).
, rapporteur, Messieurs, vous avez ajourné hier l'article 13 du titre VII; voici la nouvelle rédaction que je vous propose :
Art. 13.
« L'accusé pourra faire entendre des témoins pour attester qu'il est homme d'honneur, et de probité, et d'une conduite irréprochable. Les jurés auront tel égard que de raison à ce témoignage. {Adopté.)
Art. 14.
Pendant l'examen, les jurés et les juges pourront prendre note de ce qui leur paraîtra important, pourvu que la discussion n en soit pas interrompue. »
l'aîné. Pourquoi ne pas dire que les jurés et les juges pourront suspendre un mopient la discuss-ion, jusqu'à ce qu'ils aient écrit deux ou trois lignes ? Met-on un si grand prix à la chaleur de la discussion pour craindre qu'à la moindre interruption qu'on lui fera subir, la vérité s'échappe?
, rapporteur. Il est aisé de sentir nos motifs : nous avons craint que les jurés et les juges ne soient conduits à l'idée qu'ils doivent écrire exactement tout ce qui se passe dans ie débat.
(L'article 14 est décrété.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 15, qui est ainsi conçu :
« Ne pourront être entendus en témoignage uh père et une mère contre leurs enfants, ni les enfants contre leur père et mère, aïeul ou aïeule; un frère et une sœur contre leur frère ou sœur, un mari contre sa femme ou une femme contre son mari. »
Il me semble indispensable de mettre au nombre des personnes qui ne peuvent pas déposer les unes contre les autres les gendres et les beaux-pères. Le mari de ma fille, le père de mes petits-enfants sont des personnes qui doivent m'être sacrées et contre lesquelles il ne peut pas m'être permis de déposer.
Je propose de borner la réduction de l'article aux ascendants et aux descendants.
Je demande qu'on mette les alliés au même degré.
, rapporteur. On pourrait rédiger ainsi l'article :
Art. 15.
« Ne pourront être entendus en témoignage les ascendants contre leurs descendants, et réciproquement, les frère et sœur contre léur frère et sœur, un mari contre sa femme; ou une femme contre son mari, et les alliés au même degré. » (Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 16:
« Du moment qu'un homme sera arrêté, il est défendu à qui que ce soit de rien imprimer ou rien publier contre lui, sous peine de punition infamante contre les contrevenants. »
On a eu pour objet, par cet article, de mettre l'accusé sous la sauvegarde de la loi; mais il faut prévoir le cas où l'accusé pour sa propre défense récriminera contre moi d'une manière dangereuse. Par là il me met dans la nécessité indispensable de soutenir qu'il est voleur, qu'il est assassin, qu'il est calomniateur, etc. Je n'entends pas comment les principes de la sûreté publique et individuelle pourraient permettre d'excepter de l'article la partie plaignante. Je demande cette exception pour elle.
, rapporteur. C'est justement contre la partie plaignante que l'article porte principalement. L'observation du préopinant est très juste dans le cas oû il serait lui-mêmeattaqué, et ce sera une chose à examiner que de savoir si dans le cas où l'accusé aurait eu l'imprudence d'écrire, il ne faudrait pas donner à la partie plaignante le droit de répondre. Mais voici, Messieurs, l'intention de l'article : Vous avez établi des jurés pour juger du fait ; il est nécessaire qu'ils arrivent au tribunal sans aucune impression, relativement à l'affaire pour laquelle ils sont assemblés. Si cependant la partie plaignante avait le droit, pendant que l'accusé est en prison, d'imprimer contre lui et de corrompre ainsi l'opinion publique, enfin d'environner directement ou indirectement ceux qui seront appelés à juger cet accusé, il est évident que vous perdriez le grand avantage des jurés, qui est de prendre au sein du peuple des hommes entièrement désintéressés sur l'affaire dont il s'agit.
Aussitôt qu'un homme est inculpé, il a le droit et intérêt d'éclairer le public sur son accusateur, et, s'il était arrêté, en conséquence de ma dénonciation, il est très probable qu'il s'adressera à moi, qu'il cherchera à me discréditer dans l'opinion publique. U faut que j'aie le droit de me défendre à mon tour ; si j'ai eu celui de rendre plainte, il faut que je puisse soutenir ma plainte. Je demande donc que l'article soit rédigé dans cet esprit.
Il est impossible de permettre à un accusé de faire imprimer ses défenses sans que la même faculté soit accordée à l'accusateur public.
Vaîné. Il faut que, d'un côté, les coupables soient mis à découvert aux yeux de tous ies citoyens, et que, de l'autre, l'homme ver-
tueux, qui, par attachement à ses devoirs, a le courage de dénoncer les ennemis de l'ordre et de la sûreté particulière et publique, doit conserver, sous la protection ae la loi, les moyens de repousser la calomnie qui pourrait souiller la pureté de ses intentions. Je demande que la défense d'imprimer ne puisse avoir pour objet que ceux qui n'ont aucun intérêt dans la cause.
Rien n'est plus intéressant que le principe qui a dicté l'article. Dès qu'un homme est l'objet d'une accusation, il devient un être sacré et respectable ; c'est pour cela qu'on vous propose de ne point imprimer contre lui. li y a cependant une objection qui est forte, je ne me la dissimule pas : c'est celle de la partie plaignante.
Un fils, par exemple, poursuit la vengeance de la mort de son père : comment lui interdirez-vous le droit qu'il a d'imprimer dans cette affaire? il est partie civile.
Voici la limitation que je vous propose : Du moment qu'un homme est accusé, il est défendu à qui que ce soit, même à la partie civile, à moins qu'elle ne soit inculpée dans les écrits publiés contre elle par l'accusé, de rien imprimer ou publier contre lui, sous peine de punition infamante contre les contrevenants.
Avant de prendre aucu Sarti sur cet article, je voudrais que vous vous ssiez rendre compte de la manière dont l'accusé pourra se défendre et de la marche qu'il pourra suivre. Je demande donc qu'on ajourne l'article.
Je demande que la permission d'imprimer soit étendue aux témoins et même à toutes personnes inculpées dans les écrits de l'accusé.
l'aîné insiste sur son opinion et demande que la partie civile puisse imprimer à son gré.
demande la question préalable sur l'amendement.
Un membre : Je propose, par amendement, de supprimer toute espèce d'imprimé, soit par 1 accusateur, soit par l'accusé; car les imprimés tendent à substituer l'opinion publique à celle du juge.
Je demande la permission de soutenir l'ajournement. C'est au moins une grande question; car si vous permettez à l'accusé de se défendre par écrit, l'essence même de la procédure par juré est attaquée; chaque jour on imprimera les dires des témoins, et finalement on forcera le juré à juger sur une procédure civile. (Applaudissements.)
Dans les crimes publics qui intéressent la société, je crois qu'il n'est pas
Îiossible que non seulement les écrivains journa-istes, mais que toute espèce d'écrivains ne s'em-
Îtarent d'un fait, ne l'entourent de toutes les cou-eurs qui leur sont propres : or, vous feriez une chose qui serait contre toutes les lois de l'équité, si vous condamniez un accusé au silence, et laissiez imprimer les calomnies atroces qu'on répandrait contre lui quand ce serait la vérité même. Je crois que, sous ce point de vue, cette question
mérite toute votre attention. J'appuie l'ajournement.
(L'Assemblée ajourne l'article.)
, rapporteur. Vos comités vous demandent que la suite de la discussion sur les jurés ne Soit mise à l'ordre du jour ni demain, ni après-demain. (Cette motion est adoptée.)
, au nom du comité d'aliénation, proposent la vente de biens nationaux à diverses municipalités. L'Assemblée rend le décret suivant : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux, dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret, savoir :
A la municipalité de Marsillac, département de la Gorrêze, pour la
somme de......................799 1. s. » d.
A celle de Saint-Martin, même département. 792 »
A celle de Brive, même département.... 319,349 18 »
A celle de Rodez, département de l'Avey-
ron.................. 368,682 2 6
A la même......... 275,698 14 6
A celle du Broc, dé-
Êartement du Puy-de-
ôme................ 72,103 »
A celle de Gébazat, même département.... 137,307 17 6
A celle du Pont-du-Château, même département............... 158,370 18 »
A celle d'Olby, même
département.......... 187,059 » 6
A celle de Clermont-Ferrand, même département............... 395,538 6 3
A la même, même département............ 593,050 » »
A celle de Saint-Flour, département du
Cantal............... 1,078,516 4 »
A celle de Nizas-et-Gissan, département de
l'Hérault.....................64,169 19 4
A celle de Tarbes, département des Hautes-
Pyrénées.............. 480,795 12 »
A celle d'Auberive,dé-
Sartement de la Haute-
[arne..........................215,512 19 »
A celle de Saint-La-zare-de-Lèves, département d'Eure-et-Loir. 147,551 16 4
A celle de Barjou-ville, même département................. 40,094 10 4
A celle de Chartres, même département... 1,764,538 6 11
A celle de Laon, département de l'Aisne.. 1,473,692 » »
« Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé dansles décrets de vente et états d'estimations respectifs, annexés à la minute du procès-verbal do ce jour. »
annonce l'ordre du jour de la séance de demain et lève la séance 4 3 heures.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM, les secrétaires fait lecture du pro-pès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
, au nom du comité de Constitution, Opzp communes formant un canton dans le département de la Drôme, réclament avec une persévérance qui semble annoncer un grand intérêt, contre la ligne de démarcation qui les attache à ce département; elles n'ont voulu, jusqu'à présent, prendre aucune part aux opérations qui ont été ia suite de vos décrets constitutionnels.
Votre comité s'est conformé à l'instruction du mois d'août dernier, et, avant de vous soumettre les pétitions de ces communes, il les a adressées aux départements de l'Isère et de la Drême pour être ensuite statué, d'après les lumières que ces deux administrations ont été invitées à fournir.
Mais il en est principalement résulté une contradiction frappante dans les faits et dans les motifs de décision ; dans cette contrariété embarrassante une' raison de décider s'est offerte à vos commissaires, celle du vœu de ces communes; mais le département de la Drême leur impute d'avoir été surprises par la bonne foi de ses habitants, par des praticiens qui les ont dictées et provoquées.
Cependant ces communautés sollicitent une décision ; elles veulent participer aux avantages de la Constitution.
Les députés des départements intéressés ont été entendus, et on est convenu d'un parti con-ciliatoire qui pourra procurer la vérité et le vœu des parties intéressées ; ce parti est celui de la vérification des faits par trois commissaires du département des Hautes-Alpes.
Vçus avçz encore à prononcer sur la fixation du siège de l'administration des Basses-Alpes.
Des électeurs du département vous ont prié de prononcer; le comité de Constitution a, pour l'exécution du décret de la division du royaume, consulté l'administration du département, qui, à l'unanimité, a désigné la ville de Digne pour chef-lieu de ce département. Cette ville est, en effet, le point mathématiquement central de ce département ; elle a seule des communications faciles et des relations habituelles avec toutes les parties, et en a été regardée, dans tous les temps, comme la capitale.
Les départements des Bouches-du-Rhône, du Var çt du Puy-de-Dôme demandent
l'établisse-
Le département de l'Orne, do l'Aveyron, de la Haute-rMarne forment la pétition de l'établissement de tribunaux de commerce dans les villes de Huches, de Saint-Genest, de Saint-Diiier, Ces villes sont commerçantes, et les administrations des départements de chacune d'elles appuient de leur vœu très formel celui de leur district et municipalité.
Je demande que cette affaire soit ajournée à huit ou dix jours. Dans ce laps de temps nous aurons des nouvelles officielles sur cet objet ; vous verrez alors, 'Messieurs, que cette affaire n'est qu'une pure chicane,
, rapporteur, Qn ne peut pas reprocher au comité d avoir rien précipité (tans cette affaire, car il n'a agi qu'à la sollicitation de plusieurs députés; qui ont été jusqu'à le menacer d'une dénonciation à l'Assemblée, s'il ne faisait très incessamment qe rapport* D'ailleurs, des lettres adressées par plusieurs communautés sollicitent également ce décret.
Nous nous opposons à ce démembrement parce que Je département de l'Isère contient déjà la moitié de l'an* cienne province du Dauphiné et qu'il veut encore dévorer les deux autres départements.
rapporteur. Il y a trois mois que ces communes auraient été réunies; mais jle département qui voulait le conserver, s'y est toujours oppose par différents moyens, et surtout en représentant que ce vœu était contraire au bien des peuples et n'était pas celui de la majorité des administrés. Pour mettre fin à cette affaire, je vous propose le projet de décret suivant :
c L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, sur les pétitions des assemblées administratives des départements de l'Isère, de la Drôme, des Baises-Alpes, des Bouches-du-Rhône, du Var, du Puy-de-Dôme, de l'Aveyron, de l'Orne et delà Haute-Marne, décrète ce qui suit :
€ L'administration du département des Hautes-Alpes nommera trois de ses membres, qui se transporteront dans ie canton de Saint-Jean en Royan, département de la Drôme, pour, en présence d'un membre de chacune des adminstra-tions des départements de la Drôme et de l'Isère, vérifier les faits exposés dans leurs arrêtés, sur le vœu exprimé parles communes du Royannais, d'être distraites du département de la Drôme, et de faire partie de celui d@ l'Isère, et du district de Saint-Mareellin; ces commissaires sont autorisés à assembler lesdites communes et à prendre de nouveau leur vœu sur lesdites distraction et union.
Ils dresseront procès-verbal de ces opérations, y joindront leur avis, ainsi que sur la demande en compensation formée par le directoire du département de la Drôme, dans le cas auquel cette distraction serait accordée
« La ville de Digne est définitivement le siège de l'administration du département des Basses* Alpes.
« Il sera nommé deux juges de paix dans chacun des cantons de Tarasoon, Grasse et Thiers. « Il sera établi des tribuQaux de commerce dans
les villes de Saint-Genest, Tinchebray et Saint-Dizier».
(Ce décret est adopté.)
Messieurs, mon intention était de demander la parole pour proposer à l'Assemblée de charger son comité diplomatique d'aviser aux moyens propres à assurer la défense des frontières et de nous présenter sur ce le résultat de ses vues. Mais je viens d'apprendre que les comités diplomatique, militaire et des recherches se sont déjà rassemblés à cet efflêt et qu'ils ont déjà concerté entre eux les mesures et leg précautions à prendre dans cette circonstance. Dans ces conditions, je crois devoir m'interdire la parole.
, au nom du oomité d'aliénation, présente le projet de décret suivant, portant vente de biens nationaux à la municipalité de Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire) :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité d'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite par la muniei* palité de Bourbon-Lancy, département de Saône-et-Loire, en exécution ae la délibération du conseil général de la commune, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier, déclare vendre à la muni-r cipalité de Bourbon-Lancy les biens mentionnés audit état, aux charges, clauses et conditions portées par ledit décret du 14 mai, et pour le prix ae 191, 121 1. B s., payable de la manière déter* minée par le même décret, et suivant l'état particulier desdits biens. »
(Ce projet de décret est adopté.)
.... Messieurs, dans le décret relatif au timbre, vous avez ordonné que la plupart des actes,qui s'expédiaient ci-devant sur parche-min, s'expédieraient dorénavant sur papier. Ce décret, sans favoriser les intérêts des particuliers, parait porter un coup mortel à une branche intéressante de commerce, à la parcheminerie.
La communauté des parcheminiers a fait là-dessus des observations au comité d'imposition : M. Rcederer et M. de La Rochefoucauld leur ont assuré de prendre leur demande en considération. Cependant, Messieurs, au moment de leur rapport, ils ne vous ont pas fait part des observations de cette communauté.
Un décret fondé sur un tel oubli est bien susceptible de modilioation; en conséquence, je demande le renvoi de l'adresse des parcheminiers aux comités d'agriculture et de commerce et des contributions publiques.
(Ce renvoi est ordonné.)
J'ai reçu de M. de Colbert-Saignelay, évêque de Rodez, la lettre suivante :
n Monsieur le Président,
J'ai l'honneur de vous prier de demander pour moi à l'Assemblée un congé de deux mois dont j'ai besoin pour me rendre dans mon diocèse, où des affaires pressantes exigent ma présence.
« Retenu dan3 mon lit, je ne puis aller moi-même solliciter cette grâce.
« J'ai l'honneur d'être, etc... »
(Ce congé est accordé.)
Messieurs, par un de vos décrets, vous avez ordonné que les procès-verbaux seraient distribués quatre jours après la lecture; nous sommes arrivés au 24 janvier et le procès-verbal du 23 décembre ne l'est pas encore. Cette négligence peut avoir les suites les plus funestes. Un commis peut changer une clause essentielle d'un décret avec d'autant moins deoraipte, qu'au bout d'un mois l'esprit et la lettre n'en sont plus présents à la mémoire.
Je demande que le décret relatif à cet objet soit exécuté,
J'atteste que ce n'est point la faute de votre imprimeur, encore moins de vos commissaires.
Une voUp: A qui donc la faute?
Une voix : Il faut charger M* Bouche de i'exé»' cution du décret,
Qui, et qu'il y soit contraint par corps.
J'insiste sur ma motion et je de* mande que M. Bouche soit tenu de l'exécution du décret relatif à la distribution des procès-verbaux.
(de Saint-Jean-d'Angély), La cause du retard dont on se plaint dans ia distri-, bution des procès-verbaux consiste la plupart du temps dans ie retard qu'on apporte à remettre aux secrétaires,malgré leur vigilance à cet égard, les décrets rendus par l'Assemblée sur la propo-* sition de ses membres, soit en leur nom, soit au nom de ses comités, et dont les projets n'ont point été préalablement imprimés. Le seul moyens d'y parvenir est de décider qu'il sera remis à> MM. les secrétaires un double de toutes les motions ou projets de décrets non imprimés qui serr, ront présentés à l'Assemblée nationale, soit par ses membres, soit au nom de ses comités, avant qu'ils soient proposés à l'Assemblée, ou du moins au moment où la proposition en sera faite à l'Assemblée, et avant qu'ils soient soumis à la discussion, à l'effet que les secrétaires puissent recueillir exactement et y adapter eux-mêmes les changements, additions, retranchements, modifia cations et amendements qui pourront être proposés, et qui seraient adoptés par l'Assemblée, et que rien ne puisse arrêter ou suspendre la prompte rédaction des procès-verbaux, ni servir de pré-* texte à leur retard.
(Cette motion est mise aux voix et décrétée.)
Je désirerais entretenir l'Assemblée d'affaires importantes concernant la Martinique.
Plusieurs membres : Nous demandons renvoi au comité.
Il y a vingt affaires que j'ai remises au comité ; il n'en parle jamais.
Il n'y a aucun inconvénient à entendre M. Nairac actuellement; je demande qu'on lui accorde la parole.
donne lecture de l'adresse suivante de l'assemblée générale du commerce de Bordeaux :
« Ce n'est pas seulement le commerce de Bor-
deaux, c'est la généralité des citoyens de cette ville qui viennent vous retracer les calamités qui affligent la Martinique,et solliciter les secours que l'humanité réclame de votre justice. La position des coloRies empire chaque jour : Saint-Domingue est dans une agitation générale. La Martinique est plongée dans la plus grande désolation. Les secours que vous avez décrétés ne sont pas encore partis. Les vaisseaux armés depuis longtemps dépérissent dans l'inaction. Les ennemis de la Révolution s'applaudissent de leurs succès. Toute la France est étonnée du peu d'intérêt que l'on met à une affaire aussi importante. On serait tenté de croire qu'on se fait un jeu barbare du massacre de nos frères et de la ruine de la métropole.
« Le prédécesseur du ministre actuel, pressé d'envoyer des forces pour rétablir l'ordre à la Martinique, avait expédié le vaisseau la Ferme, sous les ordres du sieur de Rivière. D'après ses instructions sans doute, il vient d'v manifester les principes les plus inhumains et les pins coupables. Les pièces ci-jointes vous feront connaître la conduite odieuse du sieur de Rivière. Vous le verrez refuser d'entendre les députés de tout le commerce de France, qui ne venaient vers lui
Sue comme des amis pour lui porter des paroles e paix. Mais sans les écouter, craignant qu'ils ne vinssent un jour déposer contre lui, à la face delà nation, d'une cruauté réfléchie et sans exemple, vousle verrez envelopper Saint-Pierre du côté de la mer afin d'ôter tout espoir de fuite et de salut à ceux qui auraient pu échapper au fer homicide de leurs assassins. Les malheurs de la Martinique sont peut-être sans remède. Peut-être cette vaste colonie n'offre-t-elle aujourd'hui qu'un vaste monceau de ruines et de cendres. Dans cette perplexité, nous ne pouvons garder le silence. Ce n'est pas notre intérêt personnel, ce n'est plus le désir de conserver à la métropole des richesses dont la perte est peut-être irréparable ; c'est la pitié, c'est l'humanité qui nous forcent à vous presser, au nom de la patrie, de la Constitution elle-même, de prendre dans votre sagesse le moyen de faire exécuter, le plus promptement possible, le décret que vous avez rendu les 12 octobre et 27 novembre derniers; de demander l'envoi direct à Saint-Domingue des forces qui sont destinées pour cette colonie. Mais attendu la lon-
f;ueur des armements, le temps nécessaire pour e départ d'un grand nombre de bâtiments, le peu de vitesse de leur route combinée, la nécessité d'un prompt secours dans la Martinique, la conduite odieuse du commandant de la Ferme, les dangers de toute espèce qui entourent nos frères, nous vous prions, Messieurs, avec la même instance, qu'il soit expédié, sans retard et sur-le-champ, un vaisseau de ligne, chargé de porter vos décrets et les ordres du roi dans cette île infortunée, sous le commandement d'un capitaine connu par son dévouement à la Constitution, et revêtu d'une mission particulière, pour soustraire cette île aux ordres sanguinaires de M. de Damas, et y commander en attendant l'arrivée du général et des forces décrétées.
« Enfin nous vous demandons d'ordonner que les sieurs de Rivière et de Damas viennent sans délai vous rendre compte de leur coupable conduite. Ce sont, Messieurs, les seuls moyens qui, dans ces moments de douleur de la colonie, puissent la consoler. (Interruptions.) II faut qu'on sache partout qu'on ne peut plus attenter impunément à la fortune, à la vie, à la liberté des Français.
« Délibéré en l'assemblée générale du commerce à Bordeaux, le 17 janvier 1791. »
Voici maintenant. Messieurs, le procès-verbal qui constate les faits dénoncés.
Plusieurs voix: Nous demandons le renvoi au comité colonial.
(Ce renvoi est ordonné.)
Je demande à lire le procès-verbal.
Et moi je demande que M. Nairac soit rappelé à l'ordre pour insister contre un décret; le renvoi vient d'être décrété.
Je demande alors que le comité soit tenu de faire son rapport dans une séance très prochaine.
(L'Assemblée ordonne que le comité fera son rapport jeudi soir.)
, au nom du comité des contributions publiques. Messieurs, il s'est élevé à Strasbourg une difficulté relativement à un droit, qui s'est perçu jusqu'à ce jour dans cette ville, sous la dénomination de umgelt. Ce droit purement féodal dans une partie de l'Alsace a été supprimé par vos décrets ; mais sous ce même nom, il se perçoit un autre droit non pas purement féodal, mais en grande partie domanial.
Vous avez, par votre décret du 29 septembre dernier, prorogé la perception de tous les octrois au profit des villes, communautés d'habitants et hôpitaux. Nous avons cru que la perception de ce droit devait également avoir lieu à Strasbourg pour la partie qui n'était pas féodale. La municipalité et le département en font la demande expresse.
Nous vous proposons, en conséquence, le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, vu les pétitions de la municipalité et du conseil général de la commune de Strasbourg, la délibération de l'administration du département du Bas-Rhin, et sur le rapport de ses comités des finances et des contributions publiques, décrète :
« Que jusqu'au moment très prochain où le nouveau régime des contributions publiques sera établi, la commune de Strasbourg est autorisée à faire percevoir à son profit, sur le débit en détail des boissons, la moitié des droits perçus jusqu'à l'époque de la suppression du droit de umgelt. »
(Le projet de décret est adopté.)
Je demande à rendre compte en deux mots à l'Assemblée d'un fait dont elle sera satisfaite d'être instruite et je la prierai de renvoyer l'affaire au comité de Constitution, pour lui présenter ses vues sur la pétition à laquelle elle donne lieu. C'est le procureur syndic du district de Moulins qui m'écrit :
« On est pénétré de reconnaissance pour l'Assemblée nationale lorsqu'on considère les heureux effets de 1'étàblissement des bureaux de paix. C'est un bienfait inestimable pour: les peuples. J'ai vu avec attendrissement différentes séances où cinquante particuliers, tous sur le point de s'entr-égorger, faute de s'entendre, se sont conciliés; et, du train dont cela va ici, il paraît constant que les juges de district auront peu d'affaires dans les grandes villes et seront presque sans fonctions pour la majeure partie :
dès le mois prochain, il n'y aura pas vingt instances. ,
« Le préambule est pour vous inviter à proposer à l'Assemblée qu'on adjuge aux juges conciliateurs le salaire d'un commis scribe.Il est impossible que le secrétaire tienne aux expéditions a donner, et, à défaut de ce secours, les honnêtes gens chargés du mandat honorable tendant à empêcher leurs concitoyens de se ruiner, se trouveraient forcés dans les grandes villes à renoncer au métier. »
Messieurs, j'ai été charmé de pouvoir vous dire cette bonne nouvelle; et, quant à la résolution à prendre, je supplie l'Assemblée de m'au-toriser à renvoyer cela au comité de Constitution.
(L'Assemblée décrète ce renvoi.)
fait part à l'Assemblée d'une lettre de M. de Laloode, de l'Académie des sciences, à laquelle se trouve joint un mémoire sur l'Afrique.
(L'Assemblée en ordonne le renvoi à son comité d'agriculture et de commerce.)
J'ai reçu de la commune de La Fère, département de l'Aisne, l'adresse suivante dont je vais donner lecture à l'Assemblée (1) :
« Messieurs, vous avez fait entendre la voix delà raison, et la nation française est libre. Vous avez renversé d'une main hardie l'ouvrage de l'orgueil et du despotisme. Vous avez aboli les droits honteux acquis par l'usurpation, mainie-nus par la force et qui ne présentaient au peuple que l'idée flétrissante dé la sèrvitude; vous avez reconnu les droits éternels que la nature adonnés à tous les hommes, et posant les bases de notre Constitution sur des fondements inébranlables, vous avez rendu au titre de citoyen sa dignité, qu'un esclavage de 13 siècles semblait lui avoir ravie.
« Voilà vos titres à la reconnaissance de ceux que l'amour de la patrie enflamme, de ceux qui connaissent le prix de la liberté, et qui, fiers d'exister actuellement sous un gouvernement qui la leur assure, vivront pour la maintenir, et sauront mourir pour la défendre.
« Il suffit de porter les yeux sur vos travaux pour apprécier les obstacles sans nombre que vous avez eu à surmonter ; environnés de dangers toujours renaissants, vous les avez prévus et bravés, vous avez déjoué les manoeuvres de l'intrigue; rien, enfin, n a pu lasser votre courage ; la pensée que vous travaillez au bonheur d'une grande nation vous a toujours soutenus, et, certes, rien ne pouvait arrêter des hommes pénétrés de cette sublime idée.
« Recevez les hommages de la commune de La Fère, et son adhésion entière à vos décrets. Persuadée que la liberté consiste dans l'obéissance absolue aux lois émanées des représentants du peuple librement choisis, elle renouvelle aujourd'hui le serment qu'elle a prêté le 14 juillet dernier, d'être fidèle à la Constitution et de ia défendre jusqu'au dernier soupir.
« Nous ne pouvons, Messieurs, terminer cette adresse, sans vous faire
connaître le patriotisme des ecclésiastiques fonctionnaires publics de
cette commune. Ils se sont tous empressés de prêter
L'ordre du jour est la discussion du projet de décret sur les droits de traites, présenté par les comités d'agriculture et de commerce et des contributions publiques (1).
, rapporteur (2). Messieurs, j'ai rendu compte des objets compris dans le tarif des traites qui avaient éprouvé quelques discussions dans les deux comités réunis d'agriculture et de commerce et des contributions publiques. Je demande à l'Assemblée s'il y a quelques membres qui aient des observations à présenter?
Messieurs, quoique vous ayez déterminé un ordre de discussion du tarif des traites, je ne crois pas que vous ayez prétendu exclure les observations que l'on peut faire sur le tarif en général.
Je demande à faire une observation sur l'ordre de la discussion.
Le tarif est une branche du revenu public trop compliquée pour pouvoir être approfondie dans les circonstances actuelles, où tout nous impose la loi de décréter un tarif provisoire quelconque et de laisser à l'expérience des législatures qui nous suivront le soin de réformer ce qui sera vicieux.
Ainsi, je demande que la discussion ne porte pas sur l'ensemble du tarif.
, rapporteur, donne lecture de l'article relatif aux charbons de terre, qui est aiusi conçu :
Charbons de terre.
« Les charbons de terre qui seront importés par les ports de l'Océan, depuis Bordeaux inclusivement, jusqu'aux Sables d'Oionne aussi inclusivement, et depuis Redon jusques et compris Saint-Valery-sur-Somme, payeront par tonneau de 2,200 livres, 6 livres.
Par les autres ports du royaume, 10 livres.
» Importés par terre, par baril de 240 livres, 4 sous.
» Les charbons nécessaires à l'approvisionnement des départements de la Meurthe, de ia Meuse et de la Moselle, exempts. »
Dans son premier projet, le comité avait suivi les errements de
l'ancien système, où l'on ne connaissait d'autre moyen de conserver,
d?encourager l'industrie, que les prohibitions; mais, revenu de son
erreur, il propose d'admettre en France des marchandises jadis
prohibées, en les assujettissant à un droit d'entrée conforme aux
principes du commerce, capable de favoriser les productions nationales,
sans engourdir l'industrie.
Je proposerai quelques observations particulières sur le tarif. Cette discussion sera aride, mais il s'agit ici des man ufactures, de l'intérêt de votre agriculture et de votre commerce : et l'Assemblée sent depuis longtemps combien ces objets sont dignes de son attention ; je me renfermerai dans la classification.
Je commence par l'article du charbon de terre* Noué avorta beaucoup d'excellentes mines de charbon dans plusieurs de nos anciennes provinces et particulièrement dans le bas Languedoc et dans le Quercy; ces mines ne sont point exploitées, quoique susceptibles de l'être. Malgré les bonnes qualités de leurs charbons, ces exploita-tiohs ne sont point faites, parce que dans l'hiver les chemins qui conduisent à ces mines sont lm-praticables, et que dans l'été les eaux des rivières sont si basses qu'elles ne peuvent pas porter de bat eaux. Ces deux inconvénients, auxquels on aurait pu remédier avec600,000 livres, s'opposent à la descente des charbons à Bordeaux où il s'en fait une très grande consommation. Là ville de Bordeaux, ne pouvant se dispenser de se servir dê Charbon, en tire de l'Angleterre qui, par là, entretient une navigation dè 200 vaisseaux destinés uniquement à les importer, et il sort annuellement pour cette fourniture, un million de Bordeaux qu'il serait très aisé de faire gagner aux provinces qui avoisinent cette ville. Il y a Heu de croire que l'Assemblée prendra ces objets en considération, lorsque le comité d'agriculture et de commerce lui fera son rapport sur les mines du royaume.
Le comité propose un droit de 6 livres sur le charbon par tonneau de 22 quintaux, jusqu'à ce que les choses aient changé de face, et que nos mines soient en une activité réelle. On doit regarder le charbon de terre comme matière première nécessaire à nos raffineries, à nos verreries, à la forge. Je demande donc à cet égard que le droit soit supprimé ou du moins soit extrêmement réduit : à ce titre nous devons avoir la préférence. Ou doit d'ailleurs déterminer le poids en tout ou en partie autrement que par tonneau de 22 quintaux. Je demande, en conséquence, que lkm change aussi la manière de percevoir sur cette marchandise.
, rapporteur. Nous avons pensé que l'augmentation du droit sur le charbon favorisait l'exploitation de nos mines, sans empêcher nos manufactures de s'en fournir pour leur besoin.
Je répondrai à M. le rapporteur qu'il n'est pas ici question de l'intérêt des mines, et que d'ailleurs il n'y a pas de mines qui fournissent du charbon de terre à Bordeaux.
J'observe à M. Nairac qu'il se trompé en disant qu'il n'y a pas de mines qui fournissent de charbon à Bordeaux, et que ce serait nécessairement détruire cette exploitation que de vouloir supprimer le droit modique de 8 livres imposé sur le charbon vena&t de l'étranger. Le
comité s'est attaché à mesurer ce qui convenait à nos manufactures et à l'exploitation de nos mines. Dans l'Albigeois, il est très vrai qufil y a des mines de charbon même très abondantes; mais l'exportation à Bordeaux ne peut se faire commodément parce que la rivière n'est pas navi* gable. Vous ne pouvez encourager vos manufac* tures qu'en adoptant le plan du comité.
, rapporteur. L'opinion de M. Nairac ne me parait pas fondée, parce qu'il est fort aisé de mesurer la contenance des bâtiments et de l'évaluer à 2,200 livres par tonneau. Dans la différence du droit, nous avons distingué les pro» Vlnces qui peuvent être facilement approvisionnées d'avec celles, dont l'approvisionnement coûte beaucoup de frais de transport. C'est pourquoi, d'une part, nous avons mis le droit à 6 livres et, de lautre côté, à 10 livres. Nous proposons même d'exempter les départements de la Meurthe et de la Moselle, parce qu'ils ne pour» raient pas être approvisionnés ne charbon sans des frais considérables.
(L'article du comité est adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article relatif aux soies :
Soies de tontes sortes .
* Soies grèges, de toute nature, étrangères....................... * 1. 10 a.
« Soies ouvrées, de toute nature, étrangères........................ 1 »
« Soies teintes, de toute nature, étrangères....................... i «
« Soies grèges doubles ou dou-pions............................ » 5
« Fleurets ou Hloselles.......... a 8 »
* Cocons et bourres de Soie..... exempts,
« tt. fi. La sortie de tontes ces soles continuera, provisoirement d'être prohibée à l'exception deé soies à coudre teintes, dont la sortie sera exempte de tout droit. »
, rapporteur. Quoique leS soies étrangères soient nécessaires à nos manufactures, nous avons cru devoir les assujettir à un impôt modique, car on se rappelle que les soies payaient 22 sols.
Seulement nous Observons que l'Assemblée doit prendre en considération les torts que cela peut occasionner à la ville de Lyon qui avait payé, comme je l'ai déjà dit dans mon rapport, 18 millions pour ce droit.
J'applaudis aux. dispositions de notre comité ; je voudrais seulement que les fleurets qui s'emploient dans les étoffes communes soient réduits & 5 Sols,
(L'article du comité est adopté.)
, rapporteur, donne lecture deS articles relatifs aux huiles ; ils sont décrétés comme suit :
Huiles de poissons t
« Les huiles venant de tous autres pays que les Etats-Unis d'Amérique continueront d être prohibées;
« A l'exception de celles destinées et nécessaires à l'aliment des manufactures des départements du Haut et du Bas-Rhin, de la Meuse, de la Meurthe-et-Moselle, dont l'introduction sera permise par ces départements, en payant un droit de 3 livres. .
« Les mômes huiles, venant des Etats-Unis d'Amérique et importées par bâtiments français ou américains, payeront un droit, par quintal, de 5 livres* (Adopté.)
Huiles d'olive »
« Celles de la côte d'Italie, dénommées huiles fines, le quintal, 7 1.10 s.
« Celles de Naples, Sicile, du Levant, de Barbarie, d'Espagne et Portugal, propres à la fabrication des savons, et aux emplois des autres manufactures* le quintal, 4 L 10 s.
» Les savons de Marseille, le quintal, 3 livres.
• De gras, Ou huiles de gras de peaux, à l'usage des tanneries, le quintal, 5 livres. » (Adopté.)
,'rapporteurioimQ lecture de l'article concernant les métaux non ouvrés :
Métaux non ouvrés*
« Fers en gueuse........***»**». néant.
i Fers en barres, y compris le droit
de la marque des fers, le quintal..* 1 I. 10 s.
Fers en verges.* » »*.. 21.»
« Plombs, le quintal. *.* 2 L 10 s.
« Etains, lé quintal* * ». * «.....» 2 1. 10 S.
« Cuivres brute......«.....néant.
Un metHbfé ! Des possesseurs de fourneaux et fonderies de fer, dans le département de l'Isère, demandent qu'il soit établi un droit d'entrée sur les fers en gueuse venant de l'étranger, parce qu'autrement les produits de leur fonderie ne pourraient pas soutenir la concurrence avec les gueuses venant de Savoie.
L'importation des gueuses de Savoie est un Objet Considérable qui influe sur la rareté du numéraire*
, rapporteur. LeS fabricants d'a-ciers de Rives, dans le département de l'Isère, demandent l'entrée des gueuses de Savoie en franchise. Ce qui à décidé le comité, c'est que les fabricants de fer du Hainaut ne pourraient pas soutenir là concurrence avec les autres fabriques du royaume, s'il y avait le moindre droit sur les gueuses qu'ils sont obligés de tirer de l'étranger.
, J'approuve très fort le projet du comité, qui veut que les gueuses ne payent aucune entrée dans le royaume. Il est très nécessaire que nous fassions entrer des ferB en gueuse de matière première sans aucune espèce d'impôt.
Mais, d'un autre côté, je crois très utile de forcer un peu les droits d'entrée sur les fers en verges et en barres. Le droit proposé est trop modique ; pour ménager les Anglais et faire gagner quelques-uns de nos commerçants, on oublie, on sacrifie lès intérêts de tous les maîtres de forge du royaume, et, par contre-coup, le véritable intérêt du péupiê français.
soutient la disposition présentée par le comité et invoque, à l'appui de son opinion) le traité passé avec 1 Angleterre*
Je me rends aux raisons de M. de Murinais* Le traité de commerce de la France avec l'Angleterre ne peut point servir de règle à l'égard de toutes les autres nations. Ge traité a encore 7 années à durer, au bout desquelles il expirera, et alors les Anglais reprendront le tarif que vous aurez fait pour toutes les nations ; et il est très essentiel, et pour la perfection de votre minéral en France, et pour l'exploitation de mines de fer qui peuvent plus qu'aucune autre, contribuer à la richesse de la nation, de mettre un taux plus haut au tarif de leur entrée dans le royaume, et je demande, en conséquence, que le drôit porté sur le minéral d'Angleterre soit au moins triple de oe qu'il est porté sur le tarif.
C'est surtout dans les fers en barres, rondins, feuillards qu'il faut favoriser nos fabriques, sans écraser de droits les fers qui nous viennent de l'étranger, lorsqu'ils nous Sont nécessaires. Je pense qu'il faudrait porter le droit à 2 livres sur les fers en barres, et à 21. 10 s. sur les fers en verges, y compris la marque des fers.
(L'amendement est adopté*)
Un membre propose une exception en faveur des plombs*
(Cet amendement n'est pas adopté»)
L'article est décrété comme suit :
Métaux non ouvrés.
« Fers en gueuse, néant.
« Fers en barres, y compris le droit de la marque des fers, le quintal, 2 livres.
« Fers en verges, 2 1.10 s.
« Plombs, idem.
c Etains, idem.
Cuivres bruts, nèdnU *
Messieurs, on a discuté de très bonne heure l'article sur les huiles de poissons. Je n'étais pas encore arrivé ; cependant, j'avais des observations très intéressantes à faire*
L'article des huiles de poisftous a été traité dans un moment où il y avait tant de bruit que je vous jure qu'on n'a rien entendu. Je demande que l'article soit rapporté, parce qu'il fait une lésion énorme à notre commercé et à nos pêcheries. ton a permis par cet article-là d'entrer à 3 livres le quintal des huiles étrangères. Nous avons abandonné par là toute la pêche aux Hollandais. Nous devons être Français avant d'être Alsaciens : ce sont lès députés du commerce de l'Alsace qui l'ont emporté dans le Comité. Je sais que ma providee trouvera à redire à ce que je dis; mais c'est mon devoir, et je ie fais en présehee d'Alsaciens. (Applaudissements.)
J'ai quelques observations à faire, que je crois importantes, sur l'introduction et l'admission dans le royaume, des huiles de baleine et de poissons des Êtats'-Uhis. le Supplie l'Assemblée de m'écouter, elle en fera ensuite Ce qu'elle jugera & propos.
Messieurs, la pêche de la baleifiê était jadis
une des branches importantes de l'industrie et de la navigation française. L'incurie de l'ancienne administration, ie aéfaut d'encouragement et de protection, compensés avec l'activité des Anglais et des Hollandais, et secondant merveilleusement l'industrie de ces peuples qui prodiguèrent à cette pêche les encouragements et les primes, nous ont fait perdre l'usage où nous étious d'avoir les meilleurs harponneurs de l'Europe et les plus habiles pécheurs de la baleine. Le parlement britannique surtout a prodigué des gratifications qui se sont quelquefois élevées à 1 million de livres par an sur une nranche de commerce qui n'emploie guère en ce pays que 1 million et demi de capitaux, mais qui forme les plus excellents marins.
C'est à l'aide de ces sacrifices qu'elle a conquis cette navigation sur la France, et qu'elle a eu la gloire de donner encore en cette occasion un grand exemple aux nations commerçantes et maritimes.
Notre ministère a du moins senti cette perte et a saisi l'occasion de rappeler en France, s'il était possible, cette branche de navigation. En 1786, il attira les habitants de l'Ile Nantucket dans l'Amérique septentrionale, très versés dans cette pêche, et les fixa à Dunkerque, sous certaines conditions qui forment un véritable traité entre la France et cette colonie des Nantuckois. Une de ces conditions est l'imposition d'un plus fort droit sur les huiles étrangères, lorsque celles de la pêche des Nantuckois suffirait aux besoins du royaume. C'est sur la foi de ce traité qu'ils se sont transportés à Dunkerque avec leurs familles.
Maintenant pour mettre sous les yeux de l'Assemblée les lois rendues depuis ce temps sur l'admission ou la prohibition des huiles étrangères, le 29 décembre 1787, un arrêt du conseil avait fixé à 7 livres 10 sols par barrique de 520 livres pesant les huiles de baleine spermaceutiques, provenant de la pêche des Etats-Unis d'Amérique avec 10 sols par livre en sus, et à 3 livres 15 sols par quintal les huiles étrangères.
Bientôt, par l'effet de ce modique droit, le royaume fut inondé d'huiles étrangères. Le gouvernement craignit avec raison le renversement de son établissement naissant des Nantuckois à Dunkerque; il sentit la nécessité de la préserver d'une aussi dangereuse concurrence, et de repousser en conséquence les huiles étrangères, qu'il avait inconsidérément admises. Ce fut l'objet de l'arrêt du conseil rendu le 28 septembre 1788, qui prohiba l'entrée des huiles de poissons et de baleine venant de l'étranger.
Les Etats-Unis, qui se trouvaient compris dans cet ordre, ne se tinrent pas tranquilles. Ils alléguèrent que les huiles nantuckoises ne suffisaient pas encore à la consommation nationale, et sous ce prétexte ils obtinrent, par un arrêt du 16 novembre, suivant que leurs huiles continueraient à entrer, mais provisoirement, ce qui s'interprète naturellement jusqu'à ce que la pêche nationale établie à Dunkerque pût suffire pour la consommation du royaume. Or, Messieurs, je vous annonce que celte époque est vraiment arrivée. Les pêcheurs établis à Dunkerque ont leur magasin rempli de plus de 2 millions de pesants a'huile de poisson dont ils ne peuvent trouver le débouché, et cette immense provision va être augmentée par 26 ou 27 bâtiments dont ils attendent le retour.
Voilà donc dans nos mains une provision de deux années pour les besoins de nos manufac-
tures; et si vous adoptez sous un modique droit, celui de 5 livres par quintal qui vous est proposé, les huiles de la pêche des Etats-Unis, vous allez ruiner vos pêcheurs nantuckois, qui, ne vendant pas le produit de leur pêche, ne pourront réarmer leurs navires; et ne doutez pas que les pêcheurs américains ne soient portés à faire sur leurs huiles tous les sacrifices momentanés que les circonstances pourront exiger, pour contribuer autant qu'il dépendra d'eux à la chute de l'établissement de Dunkerque, qu'ils ne voient qu'avec un œil d'inquiétude et de jalousie, parce qu'il rivalise une branche importante de leur commerce, et qu'il leur indique déjà le terme fatal du débouché de leur pêche en France.
Je vous avoue, Messieurs, que je ne puis concevoir que ces réflexions aient échappé à vos comités, ou s'ils les ont envisagées qu ils n'aient pas craint de mettre en pamlèle l'intérêt des manufactures avec l'intérêt national. Je vous observe, Messieurs, que l'intérêt de vos manufactures est à couvert, que les Nantuckois sont approvisionnés, que déjà ils embarquent un grand nombre de marins qui se forment à leur école ; que si la nation a un reproche à faire aux ministres du temps passé, c'est d'avoir laissé perdre cette pêche. Vous vous exposeriez à un double reproche si, méprisant les leçons données par l'expérience, vous la compromettiez de nouveau, et je vous préviens, Messieurs, que pour cette fois ce serait sans retour et sans espoir de le recouvrer jamais.
Je vous observe que le droit de 5 livres que vous propose le comité et la gratification de 50 livres par tonneau.de mer accordée aux Nantuckois équivalant à 21.. 10 s. le quintal, n'établit en faveur de nos pêcheurs nationaux qu'un faible avantage de 7 1. 10 s. par quintal, incapable de les mettre à l'abri de3 efforts d'une rivalité infiniment active, entreprenante, jalouse, moins entravée, moins imposée, et par cette double raison moins chère que la navigation française.
Je demande à votre comité des impositions s'il ignore ou s'il sait comment les Anglais traitent les huiles provenant de la pêche des Etats-Unis. Je dois vous dire, Messieurs, que l'Angleterre ne le3 admet qu'avec un droit équivalant à 24 livres le quintal. Êt votre comité ne craint pas de vous proposer seulement un droit de 3 livres par quintal 1 et observez que ce n'est pas le besoin de la nation ou l'intérêt de vos manufactures qui l'avait conduit à cette funeste condescendance, puisqu'il vous propose de prohiber de pareilles nuiles venant des pays étrangers, de la Hollande, des villes anséatiques et autres peuples du Nord.
Je demande au comité si, pendant qu'il est prêt à faire des concessions gratuites aux Etats-Unis, il est informé comment la nation française y est accueillie et traitée? Je vous annonce qu'au mois de juillet dernier, tandis que votre comité caresse ainsi les intérêts des Américains, le congrès a imposé votre navigation comme toutes les navigations des royaumes étrangers. Il s'en faut bien que je blâme une telle mesure, qui tend à favoriser sa propre navigation, que son devoir est de protéger; mais je dis que vous devez pour votre propre intérêt, pour l'intérêt d'une pêche très abondante en France, traiter les huiles des Etats-Unis comme toutes les huiles étrangères. Vous le devez non seulement pour l'intérêt de la chose même, mais encore par des considérations générales et politiques.
Je prévois que la France, tôt ou tard, et peut-
être assez prochainement, sera entraînée à faire un traité de commerce quelconque avec les Etats-Unis, et vous ne devez pas, Messieurs, leur faire actuellement de concessions gratuites, parce que c'est leur fournir des armes contre vous. Vous devez, au contraire, vous réserver les moyens d'obtenir des concessions réciproques pour l'intérêt de votre industrie et de votre navigation.
Je conclus, Messieurs, à ce que les huiles de baleine et de poisson venant des Etats-Unis soient prohibées, comme celles venant des pays étran-
f[ers ; mais cependant que cette prohibition n'ait ieu, relativement aux Etats-Unis, que jusqu'au 1er juillet prochain. L'objet de ce délai est de donner aux Américains le temps d'être instruits de cette prohibition. (Applaudissements.)
Je désirerais qu'un membre de cette Assemblée, qui a des connaissances sur nos liaisons avec les Etats-Unis, qui a influé sur leur liberté et sur la nôtre, M. de La Fayette, fût ici présent. S'il y était, Messieurs, il vous expliquerait mieux que je ne puis le faire les raisons qui ont déterminé la manière dont nous traitons les huiles des Etats-Unis. Je vais vous expliquer ce que j'en sais, et je conclurai à vous demander l'ajournement, jusqu'à ce que vous ayez entendu M. de La Fayette. (Murmures.)
Messieurs, les marins les plus experts des Etats-Unis sontceux deNantucket, etleur commerceprin-cipal est la pêche de la baleine. Ces marins ont été repoussés des villes de la Grande-Bretagne par les lois prohibitives de l'Angleterre, et en même temps elle leur a fait offrir de jouir de tous les avantages de la pêche nationale anglaise, si, au lieu de rester dans les Etats-Unis, chez la puissance notre alliée, ils voulaient passer à des conditions semblables, et même plus favorables, à Hallifax, dépendant de l'Amérique anglaise.
Les pécheurs nantuckois avaient fait leur traité pour passer à Hallifax, et c'est sur une lettre de M. de La Fayette, que je ne croyais pas qu'on pût nommer défavorablement dans cette Assemblée, c'est sur une lettre de M. de La Fayette qu'ils sont restés dans les Etats-Unis; M. de La Fayette ayant écrit qu'autant que les Etats-Unis pouvaient avoir de sensibilité pour les services qu'il leur avait rendus, il les priait de ne pas se prêter à la négociation de l'Angleterre, et de maintenir, autant qu'il serait possible, à Nantucket, les pêcheurs de baleines, il a exposé en même temps au ministère d'alors, que si les Américains de Nantucket s'établissaient à Hallifax, ils fourniraient à l'Angleterre les moyens d'armer au besoin 8 vaisseaux de guerre de plus en excellents matelots ; que si, au contraire, ils trouvaient en France le débouché de leur pêche, conformément aux principes d'après lesquels nous avions traité avec eux jusqu'alors, ils pourraient nous fournir dans la première guerre l'armement de 8 vaisseaux de ligne; que cette différence de 8 vaisseaux de guerre en plus pour les Français et en moins pour les Anglais était une considération très importante ; que l'établissement fait à Dunkerque, ne pouvant fournir que
Etats-Unis, et pour l'intérêt de notre puissance maritime.de traiter favorablement leur pêche, et de maintenir les pêcheurs de Nantucket à la place qu'ils occupent daus les Etats-Unis.
C'est d'après ces principes, Messieurs, que la guerre vous menaçant à la fin de.1787, on envoya
M. de Moustier en Amérique, portant en anglais et en français l'arrêt du conseil qui avait été rendu pour fixer les droits à percevoir sur la pêche des Etats-Unis. Dans ce moment, où nous appréhendions une guerre avec l'Angleterre, le ministre de France, envoyé en partie exprès, fut chargé d'assurer les Américains qu'ils pouvaient continuer leur pêche en parfaite sécurité, que leurs marchandises obtiendraient en France toute la faveur promise par l'arrêt du conseil qu'on leur envoyait dans les deux langues, et le débit auquel ils devaient s'attendre.
Assurément nous dérangerions cette spéculation politique, nous risquerions de renouer la négociation faite entre les pêcheurs de Nantucket et le gouvernement anglais. Et, Messieurs, il ne faut pas croire que la mesure que prend l'Angleterre, en traitant aussi rigoureusement les huiles américaines, ait pour objet de favoriser la pêche anglaise ; elle a pour objet d'appeler dans rAca-die les pêcheurs américains, d'enlever cette branche de commerce à nos alliés les plus intimes, et de la faire passer du côté de l'Angleterre.
La pêche de la baleine est, par la nature des choses, actuellement livrée aux Américains ; nous ne pouvons pas les empêcher de faire cette pêche : si elle cesse chez eux, elle se fera en Acadie, qui est un état anglais. G'est à la nature de leurs armements et de leur navigation, à leurs mœurs, qu'ils doivent cet avantage, que nous ne pouvons pas transporter chez nos nations dispendieuses de l'Europe.
Nous ne pouvons, pour soutenir notre établissement de Dunkerque, révoquer ce que nous leur avons fait dire par un ministre de France que nous leur avons envoyé exprès. Nous ne devons pas détruire légèrement l'arrêt du conseil qui a été répandu dans les deux langues. Nous ne devons pas légèrement proscrire des huiles qui sont nécessaires à nos fabriques de lainage, et nous exposer à déranger la concurrence du commerce des draps, si l'on ne favorise ie commerce des huiles. Il faut se garder de ces vues étroites qu'on porte dans l'administration du commerce, où chaque fois que l'on voit une branche, on imagine qu'il n'y a que cette branche-là. Le commerce s'étend dans toutes les branches ; si nous renchérissons nos huiles, eh bien, Messieurs, nous dérangeons nos manufactures de laine.
Une voix : Jamais on ne s'est servi d'huiles de poissons pour les draps.
Les huiles de poissons qui servent dans nos tanneries et pour l'illumination du royaume, ces huiles, diminuant considérablement la considération des autres, refluent sur la consommation générale de l'huile; aussi il faut toujours prendre garde, si en conservant une branche de commerce, on ne dérange pas les relations politiques; et vous conviendrez que les nôtres avec les Etats-Unis sont assez importantes pour les maintenir, lorsque nous avons vis-à-vis de l'Angleterre une alliance douteuse.
Quand vos comités se sont déterminés, ce n'a pas été sans discussion. Mais après plusieurs séances consécutives, ils ont cru que l'intérêt commercial était conservé ; ils ont cru que vous pourriez,par des sacrifices en faveur des pêcheurs de Dunkerque, soutenir leur commerce; ils ont cru que si vous vouliez débiter vos marchandises dans les Etats-Unis, si vous ne vouliez pas perdre cet important débouché pour lequel vous avez fait la dernière guerre ; si vous vouliez maintenir
votre union qui est de la plus grande conséquence » si vous vouliez flaire face à l'Angleterre, vous deviez tenir la parole donnée aux Américains.
Voulez-Vous avoir de la pêche à Dunkerque à quelque prix que ce soit? c'est peut-être bien fait. Mais alors prenez sur vos dépenses publia ques de quoi soutenir ce commerce -, n'empêchez pas nos consommateurs nationaux de trouver à un prix modéré des huiles américaines, et ne dérangez pas vos fèlations publiques pour l'intérêt de 5 à 600 pécheurs que voUb pouvez soutenir autrement ; ainsi je crois que si vous n'adoptez pas l'article il faudra l'ajourner*
Je m'ôppose à l'ajournement. Je ne vois pas que M. Dupent ait détruit les considération s très importantes qui vous ont été présentée» par M* Bégouen. M. Dupont vous a dit que les Anglais étaient sUr le point de transporter dans leur territoire les pêcheurs nantuckois, et, pour priver l'Angleterre de ce Bénéfice industriel, M, Dupont vous propose d'en priver aussi la France. Il fae semble, Messieurs, que nous devons aller plus directement au but auquel nous tendons, qui est de favoriser sous tous les points l'industrie nationale.
M. Dupont vous a très bien exposé que cette
Î>êche transportée aux Anglais leur assurerait 'armement de 3 vaisseaux de ligne de plus t cela signifie donc, Messieurs, qu'il faut que nous ayons 8 Vaisseaux de ligne de moins. Il me semble que nous n'avons rien de tel à craindre dés Américains. Les bienfaits dont nous les avons comblés nous assurent leur attachement.
Prenez garde» Messieurs, que la partie la plus essentielle, la plus fructueuse de nos relations avec eux consiste dans les concessions que nous leur avons faites pour l'approvisionnement de nos colonies, attendu que les Anglais les repoussent des leurs. Ils approvisionnent nos colonies d'une partie des comestibles, au détriment même de la métropole; ils ont nécessairement l'approvisionnement des menus grains, des bestiaux, du bois | ils ont le commerce de nos sirops. Ces partiel d'industrie assurées aux Américains aous garantissent la préférence qu'ils nous donneront toujours, et la très grande importance qu'ils doivent attacher & la conservation de leurs liaisons avec la France* Il serait impossible que l'Angleterre les en dédommageât. Mais les Anglais, les Américains aufonMls à se plaindre lorsque nous voudrons enfin partager aVeC eux les produits de la pêche de la baleine ?
Il est vrai, comme vous l'a dit M. Bégouen, que les pécheurs nantuckois de Dunkerque sont arrivés au point qu'actuellement leurs magasins sont remplis ët que la ëonsommation nationale est assurée. Et lorsque M. Dupont nous répète que nous avons des vues étroites, je le supplie de preùdre
fiart, lorsque l'Europe tout entière nous tient sous e joug du régime prohibitif, et repousse de toutes ses forces lës produits de notre industrie» Il se-rait donc aussi inconséquent que dangereux pour nous d'opposer des Vues larges aux vues étroites et personnelles de chaque Etat de l'Europe*
En conséquence* je demande par amendement à la proposition de M* Bégouen, non pas de proscrire absolument l'entrée des huiles d'Amérique, car je conviens que la prohibition absolue pourrait paraître trop subitement bontradictoire avec les promesses, peut-être indiscrètes qui leur ont été faites, promesses qui n'ont été ratifiées par aUcûn traité, sur lesquelles il n'y a point d'enga-gement authentique de nation à nation ; mais je
demande que l'Assemblée nationale décrète qu'il y aura un droit de 12 livres par quintal, imposé sur l'entrée des huilés de baleine des Etats-Unis» et que la prime déjà accordée à l'introduction des huiles nationales sera augmentée de 2 livres par quintal. C'est ainsi que nous assurerons les pro« duits de notre pêche, sans offenser avec injustice celles des autres. (Applaudissements.)
Les pêcheurs nantuckois, a dit M. Dupont, attirés à Hallifax, mettront les Anglais à portée d'armer 8 vaisseaux. Les pêcheurs de Nantucket, à coup sur, ne s'embarqueront jamais sur les vaisseaux de l'Angleterre, les principes de leur religion s'y opposent M. Dupont pouvait donner de semblables raisons à des ministres qui réellement ne se donnaient pas la peine de peser la valeur des motifs qui leUr étaient allégués; mais dans une Assemblée où l'on veut être instruit avant de décider, où l'on discute avec maturité, de semblables raisons ne sont pas dé mise ; et si effectivement le transport des pêcheurs nantuckois à Hallifax pouvait servir aux Anglais à armer leurs vaisseaux d'une excellente espèce de matelots, cette allégation Vous prouve encore davantage combien il est nécessaire de vous approprier cette pêche*
On vous propose une addition de prime qui n'est point demandée, et qui porterà nos pêcheurs français à aller chez les Américains prendre leurs huiles pour gagner la prime. Je demande l'ajournement de cette partie jusqu'au moment, très prochain, où je vous ferai le rapport touchant les primés, dont je suis chargé par votre Comité d'agriculture et de commercé, sur la demande des places maritimes.
Je demande l'ajournement dè la seconde partie de mon amendement, et qu'on aille aux voix sur la première, tendant à imposer les huiles de pêche américaine à livres le quintal.
(La 1* partie de l'amendement est adoptée* La 2* partie est ajournée*)
Dans l'article qui vient d'être décrété, on a oublié de parler des huiles étrangères; j'en demande la prohibition»
Les quatre départements qui Oh! été exceptés par l'article Sont placés à 200 lieues des ports du royaume ; si vous les obligez à y prendre leurs huilëS, les frais dë Voiture en dou-« nieront le prix, de manière quë toutes les manufactures qui emploient des huiles de baleine tomberont de fait. En reculant les barrières, Messieurs, vous avez voulu faire de ces départements-là des pays manufacturiers. Vous irez donc nécessairement contre votre objet* en anéantissant» par le fait même, des fabriques de première nécessité qui ne peuvent subsister autrement.
M. Lavie Vous a manifesté lê sentiment de tous les Alsaciens; il faut, dit-il, être Français avant d'être Alsaciens. Mais je crois qu'il n'est pas dans l'intention de ceux qu*on appelle Français, dé ruiner les manufao tares frontières et de les sacrifier pour ainsi dire à l'autre extrémité dut royaume» Est-ce l'iiiten-tion de l'Assemblée nationale que nous ne soyons pas Français? Est-ce son intention que nous soyons traités eu esclaves ? En ce cas-là suivez l'opinion de M. Lavie» écrasez-nous» détruisez-
nous. Il aura fait la ruine de l'Alsace pour enrichir quelques pêcheries nantuckoises. Nous serons obliges de payer 28 lieues de voiture pour avoir les huiles de poissons* A l'instant même que ce droit serait établi» nous n'aurions plus de manu-factures; nous cesserions effectivement d'être Français.
Vous vêtiez de porter à 12 livres le droit sur les huiles américaines, il est juste d'augmenter les droits sur les huiles qui entreront par les quatre départements que vous avez exceptés, mais je demande que cette augmentation soit renvoyée au comité* afin d'être calculée sur ce 'qu'il en coûterait pour tirer des huiles de vos ports.
J'appuie l'amendement dupréopi* nant et je demande le renvoi au comité.
Je demande que vous décrétiez que nos concitoyens puissent faire tout le travai] qu. ils pourront; oe n'est qu'en prohibant les manufactures étrangères, sans quoi les Hollandais fourniront vos frontières. Je demande que vou3 imposiez 12 livres par quintal sur les huiles hollandaises et autres*
Vous avez à choisir entre une opinion vraiment nationale et une opinion provinciale ; c'est à vous à vous décider.
Quelque fâcheuse que soit la situation d'une province» relativement a un objet de commerce, elle nê doit jamais déterminer l'Assemblée nationale à S'écarter de son grand priucipede faire des lois pour la généralité de l'empire. Si vous accordez une exception sur les huiles, on vous en demandera ensuite sur les vins, sur les toiles.. J'appuie la demande de M. LaVie (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète que les huiles qui entreront par IeB bureaux établis sur la Meuse et sur le Rhin, payeront un droit de 12 litres par quintal.)
L'ensemble de l'article est adopté dans ces termes i
Huiles de poisont»
« Les huiles de poissons étrangères, Venant de tout autre pays que des Etats-Unis d'Amérique, continueront d'être prohibées*
« A l'exception de celles qui entreront par les bureaux établis sur la Meuse, et de là jusqu'au Rhin, qui y seront admises en payant un droit de 12 livres du quintal.
« Les huiles venant des Etats-Unis d'Amérique, et importées par bâtiments français ou américains, payeront le même droit de 12 livres par quintal*
, rapporteur, donne ledture de l'article relatif aux drogueries pour la médecine.
Cet article est adopté comme suit :
« Drogueries pour la médecine.
Celles dont la production est commune à la France et & l'étranger, à raison de 5 0/0 de la valeur.
« Celles totalement étrangères, 2 0/Q. »
, rapportent, donne lecture dû l'article relatif aux épiceries.
« Epiceries»
« Le taux commua du droit sur les épiceries étrangères est de 10 0/0 dè la valeur»
« Le poivre excepté, qui, étant de premièré nécessité) n'est imposé qu'à raison de 7 1/2 0/0 de la valeur* »
Vous n'ignorez pas qu'il y a un établissement de culture d'épiCôfles dans la Guyane; qu'il est encore peu important, mais qu'il peut le devenir; qu'il a coûté beaucoup au gouvernement. Je demande donc qu'on eicêpte de tous droits lès épiceries venant de la Guyane.
Je dêtttatlde là même faveur pour les épiceries de l'Ile-de-France.
, rappoftéur. Je répondrai à ces observations très justes que nous ne traitons ici que des marchandises étrangères. Nous aurons un tarif particulier à présenter à l'Assemblée pour les objets qui regardent nos colonie»*
(L'article du comité est adopté.)
, rapporteur^ donne lecture de l'article relatif aux vins, eaux-de-vie çt liqueurs i
« Vins, eaux-de-vie et liqueur*i
€ Les vins étrangers, de toutes sortes, en futailles, le muid, 25 livres.
« Vins de toutes sortes qui Beront eu bouteilles, le muid, 60 livres.
« Eaux-de-vie simples, le muid, 24 livres.
« Eaux-de-vie rectifiées, au-dessus de vingt-deux degrés, le muid, 4? livres.
« Liqueurs de toutes sortes, la pinte, 10 sous.
c Kirschenwasser, idem, 5 sous* »
Plusieurs membres proposent des amendements tendant à excepter les vins d'Alicante ët de Béni-Carlos, les eaux-de-vie d'Espagne, et à graduer les droits sur les eaux-de-vie a proportion de leur degré de force.
Un membre propose l'ajournement de l'article.
(L'ajournement n'est pas adopté.)
(L'article du Comité est décrété.)
, rapporteur, donne lecture de l'urticle relatif aux production^ de la pêche :
« Productions dè ht péché,
« Morues vertes et sèches, le quintal* 20 livres.
« Harengs blands, 6 livrés.
« Harengs saurs ou pecs, 9 livres*
« Maquereaux, 9 livres.
« Sardines, S livres* »
Vous voulez faciliter votre pêche* et vous laissez toujours aux étrangers les moyens dé Contrevenir à tout ce que vous désirez, ët dé vous primer* Favorisai votre pêche, cela est
juste. Pour y parvenir, je demande que l'on mette un droit de 20 livres le quintal sur tonte espèce de poissons salés importés chez nous. Vous avez des bras oisifs, et vous permettez toujours aux étrangers de venir faire votre travail.
Vos comités ont pensé que ces droits étaient véritablement prohibitifs. Si l'Assemblée en juge différemment, le comité adoptera l'amendement proposé puisqu'il entre dans ses vues de favoriser le3 pêches nationales.
Je demande que le droit de 20 livres ne porte que sur les 5 articles énoncés.
Je propose qu'aucun poisson de pêche étrangère ne puisse entrer dans le royaume que sur des bâtiments français.
(Cet amendement est rejeté.)
L'article est adopté comme suit :
Productions de la pêche.
« Les morues vertes et sèches,
« Les harengs blancs idem,
« Les harengs saurs ou pecs idem,
« Les maquereaux idem,
« Les sardines idem, payeront un droit de 20 livres par quintal. »
annonce l'ordre de travail pour la semaine.
fait ensuite part d'une lettre de M. Delahaye-Delaunay, qui prie l'Assemblée de lui accorder un congé de 15 jours pour affaires pressantes.
(Ce congé est accordé.)
(La séance est levée à 3 heures.)
.Séance du
La séance est ouverte à 9 heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille, qui est adopté.
Je préviens l'Assemblée que j'ai reçu plusieurs pétitions de différents citoyens qui demandent à être admis à la barre; aux termes de vos décrets, je les ai renvoyées aux différents comités.
Les 48 sections de Paris demandent à être exceptées de ce décret ; voici leur lettre :
« La commune de Paris, dans ses 48 sections, ayant eu l'honneur d'être
admise à la barre le 10 novembre pour présenter à l'Assemblée nationale
la pétition contre les sieurs Champion et autres ministres, vous prie de
lui accorder le
c Je suis avec respect, Messieurs..., etc.
Au nom des 48 sections. >
L'Assemblée a décrété que la commune de Paris jouirait des privilèges des corps administratif; les 48 sections représentent la commune.
Plusieurs voix : Non ! non I
Je suis d'avis que la députation soit reçue.
(de Saint-Jean d'Angély). Je suis loin de m'opposer au développement des faits dont les sections annoncent la preuve ; mais je m'élève contre le principe anticonstitutionnel du préopinant.
Les sections ne représentent pa3 la commune ; elles la composent. Elles ont nommé leurs représentants ; elles leur ont confié les droits de la commune de Paris ; elles ne peuvent avoir le pouvoir qu'elles ont délégué. Ce pouvoir réside a Paris, comme dans toutes les villes, dans le conseil général de la commune qui, seul, a le droit de parler en son nom.
Une pétition des sections n'est qu'une pétition de citoyens que l'aveu du conseil général peut seul revêtir d'une forme légale ; méconnaître ce principe, ce serait, pour toutes les villes et pour le royaume même, préparer l'anarchie et le renversement de la Constitution.
Si les 48 sections ont formé un vœu, c'est aux représentants de leur choix qu'elles doivent le remettre ; ceux-ci, liés entre eux et entraînés par le vœu général, vous le rapporteront et alors vous le recevrez légalement.
Je demande donc que, suivant ses décrets, l'Assemblée ne reçoive de députation que la commune de Paris et qu'on passe à l'ordre du jour sur la pétition qui vous est présentée.
(L'ordre du jour est adopté.)
, au nom du comité ecclésiastique. Messieurs, au nom de votre comité ecclésiastique, j'ai l'honneur de vous proposer 3 décrets concernant la division des paroisses des villes de Sens, d'Auxerre et d'Angers.
Les administrateurs de ces directoires également animés du bien public, jaloux de procurer la plus prompte exécution de vos décrets, ont pris, relativement à la constitution civile du clergé, les mesures que vous aviez droit d'attendre de leur zèle.
Les administrateurs du directoire du district de Sens ont trouvé dans le cardinal de Loménie, évêque métropolitain de l'église de Sens, un prélat ami de ses devoirs et qui s'est empressé de concourir amiablement à la réduction des paroisses. Celte ville, Messieurs, en contenait 14; MM. les administrateurs du département auraient désiré qu'il n'y en eût qu'une seule et même; mais le district et M. le cardinal ont été d'avis que les églises désignées comme succursales fussent réellement des paroisses. Il est infiniment préférable pour ces paroisses d'avoir toujours un même ecclésiastique qui connaisse leurs infirmités et leurs besoins, que d'avoir des ecclésiastiques qui se succèdent et dans lesquels elles ne peuvent plus avoir la même confiance.
M. Champion, évêque d'Auxerre, a également
concouru avec l'administration de cette ville pour la suppression des paroisses surabondantes d'Auxerre.
Quant à M. l'évêque d'Angers, il a trouvé les suppressions et réunions utiles; mais il a prétendu qu'elles ne pouvaient s'exécuter légalement que suivant les formes canoniques. La municipalité d'Angers, le directoire de district et le directoire de département, parfaitement d'accord, proposent de décréter 8 paroisses pour ia ville d'Angers. Nous avons lieu d'espérer que la réduction se fera avec beaucoup de tranquillité ; mais votre comité a cru que les 8 paroisses passe-? raient peut-être la mesure; il a pensé que 6 paroisses et 2 églises désignées pour être succursales suffiraient pour la ville d'Angers.
Nous vous proposons donc de fixer le nombre des paroisses à 4 pour les villes de Sens et d'Auxerre et à 6 pour la ville d'Angers.
, curé de Salives. Messieurs, le prophète a dit : Le Seigneur vous a envoyé pour détruire, mais aussi pour réédifier. — Jusqu'à présent, on n'a invoqué vos pouvoirs que pour faire lever le marteau terrible de la démolition ; ne verrons-nous donc jamais dans vos mains l'équerre consolante de la réédification ?
Vous avez chargé la nation des frais du culte : cette promesse serait-elle donc dérisoire? et vous seriez-vous proposé de le réduire au dixième de ce qui est nécessaire ? Est-ce là ce que vous avez permis? Non, sans doute; et vous voulez qu'une grande nation y satisfasse avec dignité.
Vous avez détruit les églises des religieux où les fidèles pouvaient, dans le silence et le recueillement, épancher leurs âmes dans le sein de leurs directeurs; si vous détruisez encore les paroisses, vous mettez les fidèles dans l'impossibilité de remplir leurs devoirs de chrétiens. (Murmures à gauche.)
Plusieurs voix : C'est faux I c'est faux !
, curé de Salives. Oui, Messieurs, si, comme vous l'avez déjà fait plusieurs fois, vous réunissez 30,000 âmes dans une seule paroisse, les 3 quarts des fidèles seront dans l'impossibilité, je ne dis pas seulement de ne pas satisfaire à leurs devoirs, mais même d'entendre les instructions.
Quel vaisseau assez grand pourra contenir 25,000 âmes ? Quelle voix de Stentor pourra se faire entendre à un si grand nombre ?
Je parle à des chrétiens. N'est-il pas des moments où il est à propos qu'un homme affligé aille se répandre devant le Seigneur et chercher dans la religion des consolations ? N'est-il pas des moments où il faut aller consulter un directeur sage et éclairer pour en recevoir les remèdes ? (Rires à gauche.) Gomment aura-t-on ces secours spirituels si nécessaires ?
De plus, Messieurs, ce n'est pas pour. les villes, mais c'est pour les campagnes que je veux parler.
Vous battez la campagne ; il y a des règles fixées par les décrets, qui prouveront à qui voudra les lire que vos craintes sont exagérées.
Angers compte environ 45,000 âmes; je propose de fixer le nombre des paroisses à 8.
(Cet amendement est adopté.)
L'Assemblée décrète, comme suit, les propositions du comité:
Premier décret.
«L'Assemblée nationale décrète que, conformément au plan qui lui est proposé par le district de la ville de Sens, de concert avec l'évêque du département de l'Yonne, il y aura dans la ville de Sens 4 paroisses :
« 1° La paroisse cathédrale ;
« 2° Saint-Savinien, dans l'église des Péai-tents ;
« 3° Saint-Pregts ;
« 4° Saint-Maurice.
« L'église de Saint-Didier sera conservée comme oratoire seulement, sous la juridiction immédiate de l'évêque du département. »
Second décret.
« L'Assemblée nationale décrète qu'il y aura, dans la ville d'Auxerre, 4 paroisses :
« 1° Celle de Saint-Etienne;
« 2° Celle de Saint-Pierre-en-Vallée ;
« 3° Celle de Saint-Eusèbe :
4° Celle de Notre-Dame-ue-la-d'Hors,
« Et que la réunion des paroisses supprimées s'opérera de la manière suivante :
« 1° Les paroisses de Saint-Martin-lès-Saint-Martin , de-Saint-Martin-lès-Saint-Julien et de Saint-Gervais, seront réunies à la paroisse de Saint-Pierre-en-Vallée ;
« 2° Les paroisses de Saint-Mamert et de Saint-Amatre seront réunies à celle de Saint-Eusèbe ;
« 3* Le hameau des Ghenez et une partie de celle de Saint-Eusèbe, qui sera désignée par les officiers municipaux, conformément au vœu du district, seront réunis à Notre-Dame-de-la-d'Hors;
« 4° Les paroisses de Saint-Loup, Saint-Pierre-en- Château, Saint-Regnobert et Saint-Pellerin, formeront l'arrondissement de la paroisse do Saint-Etienne dans l'ancienne cathédrale.
« L'église de Saint-Germain ne sera conservée que comme oratoire et chapelle du collège, sous la direction du curé de la paroisse. »
Troisième décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité ecclésiastique, décrète que, conformément au plan de circonscription des paroisses de la ville d'Angers, envoyé par le directoire du département de Maine-et-Loire, ladite ville sera divisée en 8 paroisses, ainsi qu'il suit :
« L'église cathédrale ;
« Saint-Pierre, qui sera transférée aux Gorde-liers:
« Saint-Samson, transférée dans l'église de Saint-Serges ;
« Saint-Nicolas, transférée dans l'église des Capucins ;
« La Trinité ;
« Saint-Jacques ;
« Saint-Laud;
« La Madeleine ; mais jusqu'à ce que cette église soit agrandie, le service se fera dans les églises de Saint-Léonard et de la Madeleine. »
L'ordre du jjour est uvl rapport des comités des
finances-et des rapports sur les troubles de la ville ae Chinon.
, rapporteur (1). Messieurs, vous connaissez les troubles qu'a excités à Chinon la formation du rôle des impositions.
La municipalité de Chinon n'a pas encore opéré la confection de ces rôles aux termes de vos décrets. Ou prétend que c'est la faute du maire ; nous l'ignorons. Nous n'avons pas le droit de l'inculper sur les seules plaintes de ses parties adverses; mais une seule reflexion nous sera permise, c'est que déjà, à raison de ces mêmes objets, la première municipalité a donné sa dé-mission. En vertu de votre décret du 2 novembre, on a créé une nouvelle municipalité qui devait rendre les rôles exécutoires, et les a encore laissés en suspens.
Nous vous proposons, en conséquence, le décret suivant :
L'Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités des finanoes et des rapports réunis, considérant que les troubles et les désordres qui ont eu lieu en la ville de Chinon, paraissent être les seules causes de la démission des 8 officiers municipaux de cette ville, et qu'elle doit assez présumer de leur patriotisme pour être assurée que, ces causes cessantes, ils reprendront des fonctions qu'ils ne pourraient abandonner qu'an grand détriment de la chose publique, décrète ce qui suit ;
« Le roi sera incessamment supplié d'envoyer à Chinon des forces suffisantes pour maintenir et assurer l'exécution des lois, et faire respecter les administrateurs dans l'exercice de leurs fonctions,
« Le sieur Pichereau sera obligé d'opter dans 3 jours de la signification du présent décret, entre les deux places de maire et de juge de paix, auxquelles il a été successivement pommé.
* II sera informé par le tribunal du district de Jours, contre les auteurs et instigateurs des troubles qui se sont élevés â Chinon, et des désordres qui s'en sont suivis, pour être prononcé par ce tribunal telle peine qu'il appartiendra.
« tes officiers municipaux, reprenant leurs fonc» tions, continueront de procéder à la confection des rôles, conformément au décret du 2 novembre dernier.
« Dans le cas où le recouvrement desdits rôles serait retardé au delà du délai accordé par ce décret, la responsabilité du montant des rôles sera exécutée contre les personnes qui, par l'événement de l'information ordonnée, seront reconnues coupables de ce retardement ».
J'observe à l'Assemblée que le décret qu'on nous présente doit être
renvoyé purement et simplement au pouvoir exécutif. Voici comment je le
prouve ; ce décret renferme 3 dispositions. Par la première, le roi est
prié d'envoyer des forces suffisantes à Chinon pour y rétablir l'ordre ;
il me semble qu'il serait temps que le pouvoir exécutif s'occupât seul
de l'exécution des lois et qu'il ne fallût pas toujours un décret de
l'Assemblée pour l'y obliger, voilà pour une disposition. Par la
seconde, on dit que les rôles seront faits sous la responsabilité des
officiers municipaux ; U me semble qu'il ne faut pas
Il est assurément bien étrange que, tout en convenant qu'il n'y a point de dlcretg qui établissent l'incompatibilité des fonctions de juges avec celles d'officier municipal, on croie pouvoir se permettre de vous proposerdedécréterceque le maire de Chinon sera tenu d'adopter. Sous quel gouvernement vivrions-nous si une pareille proposition pouvait être admise? Il ne fout point de lois partielles, de lois particulières, de lois locales. Une pareille proposition m'oblige de faire cette dénonciation sur l'abus que l'on fait des décisions de vos comités.
U m'est tombé entre les mains, il y a quelques jours, un petit code de juge de paix. Je l'ouvre et j'y vois que les procureurs ne peuvent pas être nommés juges de paix; ainsi décidé par le comité de constitution, et néanmoins il n'y a point de décret pareil. Or, voilà une décision qui n'est pas la vôtre. J'y trouve, après cette interprétation de votre décret par lequel vous avez déelaré les fonctions des ecclésiastiques incompatibles avec les fonctions des juges. Cela ne doit s'entendre que des ecclésiastiques, curés et vicaires, ainsi décrété par le oomité de Constitution ; et cependant, votre décret, Messieurs, porte indéfiniment, sur tous les ecclésiastiques. Que deviendra donc notre législation, si les comités portent ainsi des décrets sur vos lois 9 J'appuie la motion du préopinant.
t. Je suis de la ville de Chinon, je connais les troubles qui y ont eu lieu, je connais les motifs qui ont empêché la formation des rôles des six premiers mois de 1789. Je demande donc, Messieurs, que l'Assemblée veuille bien agir ici comme elle a fait pour les autres villes qui se sont trouvées dans une position aussi affreuse. Je dois vous dire que chaque fois qu'il a été question d'élire, soit des officiers municipaux, soit des juges de paix, on a usé de force, on a même été jusqu'à menacer de les pendre à i'ins-tant, et peut-être l'aurait-on fait si l'on n'avait opposé la force à la force.
Lorsqu'il a été question de ia nomination du juge de paix, les troubles ont été à un tel point, que l'on a brisé les portes de l'ancienne prison, du'on s'est emparé des personnes qui y étalent. On a menacé de s'emparer des canons, de les braquer sur les citoyens; on a fait venir les habitants des campagnes, qui se sont portés aux insurrections les plus atroces. Je demande que M. le rapporteur donne lecture du mémoire.
(de Saint-Jean d'Angély). S'il était
indispensable pour faire ce que propose ie décret, que l'Assemblée l'ordonnât, certes, il n'y aurait pas à balancer ; mais, comme les lois en vertu desquelles tout ce que le décret propose doit être exécuté sont déjà portées, dans des dispositions applicables au cas particulier, le district et le département ont très évidemment le droit, je dis plus, ils ont le moyen de demander au roi d'envoyer des troupes pour maintenir l'exé* cution de la loi et assurer la tranquillité.
Si le district et le département ne l'ont pas fait, ils ont eu tort ; si le ministre n'a pas obtenir péré à leur demande, c'est le ministre qui est repréhensible, et suivant la gradation constitutionnelle que vous avez adoptée, vous pouvez, dans un instant, vous informer et vous faire rendre compte de ce qui s'est passé afin de savoir sur qui le tort peut tomber. Ainsi, sous le premier point de vue, nulle difficulté.
Vous avez institué des autorités qui peuvent réclamer la force publique et la mettre en mou vement ; les administrateurs sont encore obligés de le faire, et la force publique, qu'ils peuvent invoquer, les mettra à même de protéger les bons citoyens qui, peut-être là comme partout ailleurs, sont tourmentés par les ennemis de laRévolutiqn et de la sûreté publique.
Enfin, Messieurs, sur le troisième point, l'in-compatibiiité des fonctions du juge de paix avec d'autres fonctions, je suis bien aise de repré-. senter à l'Assemblée qu'il y a une infinité de gens, comme on vous l'a dit, privés de leur étal, par des décisions portant une incompatibilité que l'Assemblée nationale naurait pas adoptée; il est temps de faire cesser les incertitudes qui établissent une jurisprudence de comités pire que l'ancienne jurisprudence.
Je demande que les mesures à prendre soient, comme l'a proposé M. d'André, renvoyées au pouvoir exécutif, et cependant que vous ordonniez à votre comité de Constitution de vous présenter des articles constitutionnels qui déclarent positivement les offices entre lesquels il y aura incompatibilité; comme cette loi peut vous être
Êrésentée incessamment, elle forcera le maire de
binon et le procureur de la commune à opter ou bien elle les laissera jouir,
, rapporteur, fin deux mots, on peut remédier à tout. Je n'ai point prétendu donner des détails volumineux; il suffira de vous faire observer que, par vos premiers décrets, il s'agissait d'établir de nouveaux officiers municipaux. Pourquoi? pour donner exécution à de nouveaux décrets et faire des rôles dans les délais prescrits. Or, Messieurs, ils ont été nommés, mais ils ont donné leur démission. Il ne reste donc personne pour rendre les rôles çxécu« toires.
Il est bien étonnant, Messieurs, que l'on veuille retarder la marche des délibérations de l'Assemblée, lorsque l'on ne cherche ici qu'à retarder l'exécution despotique des décisions arbitraires et personnelles que l'on veut substituer à [a loi. Ù n'y a donc d'autre moyen dans oe moment-ci que celui d'ordonner la nouvelle nomination de la municipalité, parce que vous ne pouvez pas faire une loi de circonstance et qui ne soit applicable que dans un lieu, et quand une municipalité manque, il faut en nommer une autre.
ûn ne trouvera dans la ville de
Chinon, aucun citoyen qui veuille accepter les places municipales ; c'est oe même maire qui, pendant une année entière, a fait les rôles dans cette ville qui a montré le plus de droiture et de patriotisme.
Plusieurs membres : Aux voix I
c'est le 4 janvier suivant que les officiers municipaux ont donné leur dé-mission, leur asile a été violé ; l'un d'eux, menacé d'être pendu, a été contraint de donner un ordre pour ouvrir les prisons. Je demande donc» Messieurs, qu'il soit donné des forces suffisantes à la ville de Chinon pour y ramener le calme et la tranquillité, et faire en sorte que les lois y soient exécutées.
Si le préopioarit avait suivi la délibération, il aurait vu que nous sommes parfaitement d'accord.
Trois dispositions composent le décret. La première, c'est de demander au pouvoir exeéutif d'envoyer des troupes à Chinon; sur eela, je pense comme le préopinant, mais je pense qu'il ne faut pas un décret, il suffit qu'on renvoie l'affaire au pouvoir exécutif, et ce sera lui indiquer assez qu'il fout envoyer des troupes à Chinon, et si le pouvoir exécutif, sur la réquisition qui lui en sera faite par le département, par la municipalité, n'exécute pas les lois, alors nous dénoncerons le ministre. Il faut que le maire de Chi" non opte entre la place de juge de paix et celle de maire de la ville, parce que je crois absolument que les fonctions administratives et judiciaires sont incompatibles.
Je conclus donc à ce que l'Assemblée décrète que les fonctions de jugé de paix et d'officier municipal sont incompatibles, et que tout le reste soit renvoyé au pouvoir exécutif.
Je demande que l'on mette seulement le mot « juge », et non ceux de « juge de paix ».
D'après les observations de M. d'André, il faudrait dire que le procureur de la commune ne pourra point être admis dans les tribunaux de districts,
Un membre propose de déclarer aussi l'incompatibilité des fonctions des officiers municipaux avec celles de greffiers de juges de paix.
Je demande que la discussion soit fermée.
(Cette motion est adoptée.)
L'Assemblée décrète ce qui suit :
« L'Assemblée nationale décrète que les fonctions de maire, officiers municipaux et procureur de la commune sont incompatibles avec celles des juges de paix et de leurs greffiers, et que ceux qui auraient été élus à ces planes se* ront tenus d'opter dans les trois jours de la pu. blication du présent décret.
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances relativement à l'affaire de Chinon, renvoie oette affaire au pouvoir exécutif. »
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur les droits de traites à Ventrée du royaume.
, rapporteur (1). Messieurs, dans Tordre de )a classification gui vous a été distribuée, vous en êtes restés hier aux objets manufacturés.
J'ai eu l'honneur de vous prévenir que sur ces articles, et principalement sur ceux dont la fraude pourrait être exercée, un très petit objet était d'une grosse valeur. Les comités avaient cru devoir préférer de n'établir que les droits très modérés ; c'est d'après ces principes que nous vous proposons, pour les montres de manufacture étrangère, les droits suivants :
«Montres, indépendamment des droits de marques d'or et d'argent :
« Celles d'or, la pièce....... 2 liv. » »
« Celles d'argent........... 1 » 10 sols. »
Vous savez, Messieurs, quels progrès l'horlogerie a faits dans le royaume. Quantité de familles n'ont pour subsistance que cet art, et, si vous ne surveillez pas l'introduction des montres étrangères, nous aurons incessamment des montres pour remplir cette salle : chacun en a deux ou trois.
Qu'est-ce, Messieurs, que quarante sols par montre d'or? Quantité de voyageurs, même honnêtes, se prêtent à l'introduction des montres; cela met nos artistes hors d'état de subsister.
Comme député particulier d'une province frontière, j'ai sur cela, Messieurs, quelques détails à vous donner. Dans la chaîne des montagnes qui sépare la Franche-Comté de la Suisse, ce n'est
fias tant l'agriculture et la laine des bestiaux qui ait subsister les habitants de ces montagnes arides que l'horlogerie. Je connais des communautés où l'horlogerie produit de 50,60,80,100,000 livres par an.
De l'autre côté de la montagne, nous avons aussi une chaîne d'ateliers en horlogerie, c'est Sion, Neufchâtel et Genève en partie. Pour se
firocurer de l'or pour nos boîtes, ils fondent nos ouis, manipulation qu'ils ne feraient certainement pas s'il n'y avait pas beaucoup à gagner.
Pour empêcher le mal autant qu'il est en vous, il faut porter le droit à 6 livres sur les montres d'or, et à 3 livres sur les montres d'argent.
J'appuie le projet du comité et, pour ce, je me fonde sur un fait bien capable de vous déterminer.
Il y a environ 22 ans, on imposa un droit de 20 sols par montre ; le bureau où se faisait la déclaration des montres de Genève rapportait 18,000 livres. On porta le droit à6 livres; ce bureau fut réduit à 1,200 livres de recette. Dans le premier cas, peu de personnes voulaient s'exposer à la confiscation pour 20 sols; mais 6 livres étaient un appât sufhsant pour faire la contrebande.
, rapporteur. Ces raisons n'ont point échappé à votre comité, et c'est d'après ces vues qu'il a agi; mais il est bon d'observer qu'outre le droit sur chaque montre, il y aura un aroit de marque d'or ae 30 sols sur chaque montre.
La marque d'or ou d'argent est indifférente; ce qui n'est pas
indifférent, c'est que le travail en horlogerie soit en-
Quant à la marque d'or et d'argent, le comité, suivant moi, devrait nous proposer un projet de loi pour qu'on ne pût vendre aucun objet en or et en argent sans être empreint de la marque.
Mettez donc les montres d'or à 3 livres.
Non; toutes les montres à 40 sols.
Lorsque les montres d'argent payeront autant que les montres d'or, celles-là passeront en contrebande et nous nous privons par-là gratuitement de ces revenus (Murmures).
Plusieurs membres : Aux voix!
(L'Assemblée décrète les propositions du comité.)
, rapporteur, donne lecture de l'article relatif aux dentelles :
« Dentelles de fil et de soie, la livre pesant, 15 livres. »
(Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article relatif aux mousselines :
« Mousselines non brodées, le quintal, 200 livres ;
u Mousselines brodées, 300 livres. »
Jusqu'à présent, les mousselines étrangères ont été prohibées; néanmoins elles entraient en France moyennant un sacrifice de 6 0/0 de leur valeur qu'exigeaient les agents de la fraude. Maintenant on vous propose de les imposer seulement à 200 livres par quintal.
Une pièce de mousseline unie pèse ordinairement 2 livres et payerait conséquemment 4 livres de droit. Cette pièce vaut de 800 à 1,200 livres ; le droit serait donc de 2 0/0 seulement. Lorsque ces mousselines étaient prohibées et qu'il en coûtait 6 0/0 pour les entrer en fraude, on en introduisait beaucoup ; que sera-ce si vous réduisez à 20/0?
Je demande que les mousselines étrangères continuent d'être prohibées ou, sinon, que l'on porte ie droit à 1,000 livres chaque quintal.
C'est faire un établissement en faveur de la contrebande que de prohiber ou de porterie droit à 1,000 livres; car on trouvera des assureurs qui introduiront pour 500 livres Je quintal. La mesure qu'on vous propose n'est donc pas sage.
L'expérience vient à l'appui de ce que j'avance. Le droit sur 1e thé en Angleterre étaiténorme,onen introduisait beaucoup en contrebande; le droit a été modéré, et il rapporte infiniment plus, au point qu'il est aujourd'hui une des ressources de l'Etat. Outre que les droits prohibitifs ou, ce qui revient au même, un droit excessif, sont un appât à la fraude, c'est que vos côtes sont trop étendues pour que vous puissiez faire exécuter ces lois.
Je répondrai à M. Prugnon qui vient de vanter l'opération de M. Pitt, que cette opération si vantée a réduit les droits sur le thé à 20 0/0. Il n'y a ici aucune parité, car je crois que le droit sur les mousselines, n'étant que de
7 à 8 0/0, n'eBt point un droit assez haut pour exciter à faire une contrebande. Les contrebandiers demanderont au moins 9 à 10 0/0; ainsi il n'y a point d'inconvénient de les exiger en faveur de l'Etat. (Applaudissements.)
Vous ne feriez que de mauvaises lois si vousne profitiez pas des lumières de l'expérience. Les mousselines étrangères ont été prohibées jusqu'à présent, aussi l'Etat ya-t-il perdu des millions. Vous éprouverez encore la même chose dans la prohibition. M. Bégouen vous a dit qu'il fallait mettre 10 0/0 sur les mousselines étrangères et moi, je vous dis qu'il ne faut imposer que S 1/2 ou 4 0/0.
Si vous faisiez une prohibition, en faveur de qui la feriez-vous? en faveur des contrebandiers seulement et au préjudice de l'Etat. Car il ne faut pas nous dissimuler que nous n'avons pas encore en France des fabriques de mousselioes, ou du moins, nous en avons si peu que cela ne vaut pas la peine d'y compter. Néanmoins, sous ce régime prohibitif qu'on vous propose de propager, nous n'avons pu avoir de fabriques; c'est sous ce régime prohibitif que les contrebandiers ont gagné des sommes énormes.
Je ne vois pas, Messieurs, que vous puissiez admettre un pareil régime et je demande que l'avis du comité soit suivi.
Je propose par amendement de fixer le droit à 5 0/0. Cette mesure me paraît juste en ce que plus les droits sont forts, plus la contrebande est en activité et qu'ainsi on entretiendra la concurrence de nos manufactures françaises.
J'insiste pour que le droit sur les mousselines brodées soit porté à 600 livres; si l'on veut réfléchir au prix de ces mousselines, on verra que ce droit ne s'élève pas à 5 0/0.
Les mousselines communes tiennent un rang double et triple des mousselines fines; je demande qu'on en forme plusieurs classes pour les soumettre à un droit proportionne].
Les manchettes que je porte doivent être imposées plus haut que celles du laboureur qui se contente de grosse mousseline.
J'appuie l'amendement; il faut classer ces marchandises et les faire payer en proportion de leur finesse.
La question que vous agitez est purement commerciale et fiscale. Nous avons pensé d'abord à fixer le droit suivant la qualité-, mais après un examen approfondi, nous avons vu qu'il était impossible de suivre cette marche, parce qu'on peut envelopper une mousseline fine de grosse et que cette classification de droit suivant la finesse rend la perception du droit presque impossible sans les plus grandes vexations.
Un membre demande que la discussion soit fermée et que l'amendement de M. Bégouen soit écarté par la question préalable.
(L'Assemblée ferme la discussion et décide qu'il y a lieu à délibérer sur l'amendement.)
Je porte le droit à 500 livres.
Et moi à 300 et 400 livres. Je vous réponds, par ce moyen, d'un droit plus productif.
Un droit trop fort priverait le Trésor public de tous les produits qu'il a droit d'en espérer et ia facilité de la contrebande pour ces matières sera un moyen de se soustraire à un impôt très fort.
Dans ce cas, les colporteurs seront des fraudeurs ambulants qui trouveront un gros intérêt à la contrebande et nul danger pour leurs brigandages. Alors, les commerçants, hommes honnêtes et délicats, ou se trouveront ruinés, ou seront réduits eux-mêmes au vil métier de contrebandiers, s'ils ne veulent pas voir anéantir leur commerce.
Sans égard au sous-amendement, j'insiste sur l'amendement de M. Bégouen; la raison, c'est qu'il faut favoriser nos manufactures de mousselines qui commencent à peine à éclore.
Je demande que le droit soit fixé à 300 livres sur les mousselines communes et à 400 livres sur les mousselines brodées et rayées.
J'appuie l'amendement de M. de Boislandry et celui de M. Nairac.
Je ferai en même temps une observation : M. de La Rochefoucauld a dit que lorsqu'on portait trop haut le prix des denrées, il en résultait la même chose que pour la prohibition ; ce résultat est très fâcheux et me fait conclure à un taux modéré.
, rapporteur. II est important de favoriser notre commerce de l'Inde; et pour le faire, et donner aux mousselines de l'Inde ia prépondérance sur celles venant de l'étranger, il raut que le droit soit porté à 300 livres pour les mousselines unies et à 400 livres pour les autres.
L'Assemblée adopte le tarif ci-après :
« Mousselines non brodées, le quintal, 300 livres:
« Mousselines brodées, le quintal, 400 livres. »
, rapporteur, donne lecture de l'article relatif aux toiles de coton :
« Toiles de coton, le quintal, 75 livres.
N. B. — Les toiles de coton qui pèseront moins de 3 livres sur la longueur de 16 aunes, et sur la largeur de 7 huitièmes, seront qualifiées mousselines et traitées comme telles pour le droit. »
Il y a des manufactures dans ma province qui tirent de Suisse des toiles destinées à recevoir une impression quelconque ; ces toiles une fois imprimées ressortent pour l'Allemagne.
Je demande que, moyennant un acquit-à-caution, ces toiles puissent entrer et ressortir eh même nombre et qualité. Cette proposition ne préjudicie en rien aux manufactures du royaume; car ces toiles ne sont alors que matière première.
, rapporteur. La demande de M. Lavie ne peut être qu'un objet de règlement dont le comité s'occupera lorsque le droit sera fixé et au sujet duquel il présentera ses vues à l'Assemblée.
(L'article du comité est décrété.)
, rapporteur. Nous proposons pour les toiles peintes et teintes un droit de 120 livres par quintal.
Dans ce moment-ci, ces toiles sont prohibées : elles étaient assujetties à un droit de 135 livres. L'Assemblée a repoussé les prohibitions; le comité a cru que le droit de 125 livres pourrait encore exciter à la contrebande: il l'a réduit à 120 livres.
Je demande que le droit soit établi au moins à 135 livres. Nous avons plus de 120 manufactures de toiles peintes en France ; c'est une branche de commerce infiniment susceptible d'extension. Il est inconcevable qu'on puisse vous proposer de baisser un droit qui existait en 1785, au lieu de l'augmenter.
, rapporteur. J'accepte l'amende ment.
(L'Assemblée décrète que les toiles peintes et teintes seront assujetties à un droit de 135 livres par quintal.)
, rapporteur, donne lecture des articles suivants :
« Toiles à carreaux pour matelas, le quintal, 40 livres. » (Adopté.)
« Toiles de Nankin, la pièce de 5 aunes, 15 sols.» (Adopté.)
« Toiles blanches de chanvre et de lin ; linges de table ; le quintal, 30 livres. »
L'article du tarif tel qu'il vous est proposé présente un grand inconvénient : c'est celui de décourager l'industrie. Vous portez les droits sur les toiles à un- taux si bas que les fabriques étrangères pourront nous donner leurs produits à un meilleur prix que vos propres fabriques. J'observe une fois pour toutes que j'ai pris pour terme de comparaison les toiles d'Allemagne, c'est-à-dire celles qui se donnent à meilleur marché.
Quel besoin avons-nous d'alimenter les fabriques étrangères, si les fabriques nationales peuvent suffire? Ët qui doute que celles de Lille, de Flandre, de Troyes, de Cambrai, de Beauvais, dë Saint-Quentin, ae Rouen, de Laval, de Morlaix et autres, ne puissent fournir à vos besoins j? Je sais que la Franche-Comté, la Bourgogne reçoivent quelquefois des toiles de la Suisse ; mais 4,000 pièces que fournissent à peu près les cantons, outre qu'elles font un article trop minutieux pour être mis en ligne de compte, seraient aisément remplacées par des toiles des Trois-Evêchés.
Par quelle fatalité le comité d'agriculture a-t-il changé le système, lui qui proposait par le premier tarif de porter ce droit à 100 livres ? Il savait que sur la simple proposition du tarif on avait formé des spéculations nouvelles, qu'une compagnie se proposait d'acheter un des couvents de Dôle pour y faire un établissement à l'instar de la Silésie ; qu'on en projetait un du même genre sous les murs d'Amiens. Comment peut-il proposer une diminution de plus des deux tiers ? Rien de plus simple, Messieurs ; ce tarif n'est plus celui du comité de commerce, mais du comité de l'imposition dans le bureau duquel jles conférences sont tenues, et dont les membres ont assisté à ces conférences à peu près dans la pro-
{tortion de 8 contre 3. G'est particulièrement le ruit des connaissances d'un honorable membre qui vous a déjà marqué plusieurs fois à la tribune combien il désapprouvait toute espèce de droit; et de l'honorable membre auquel nous devons le traité de commerce avec l'Angleterre. Je n'entends rien à cette théorie oiseuse qui disposait d'un ministre honnête homme, à cette
théorie qui veut aujourd'hui sortir de l'oubli pour anéantir les manufactures de France.
Ceux qui vous proposent de réduire le droit à 30 livres le quintal auraient dû abandonner cette théorie pour s'en tenir aux faits et les comparer. Vainement, diront-ils que le génie de nos fabricants, redevenu pins actif, ferait bientôt tourner au profit de notre industrie la concurrence désavantageuse pour nous. Cette assertion, qui ne serait pas sans vraisemblance, si on l'appliquait à différentes branches du commerce national, échoue dans cette matière-ci contre les faits. La Westphalie, la Saxe, le Hanovre, la Silésie trouvent un débouché frauduleux en France, et notamment à Bayonne et à Dunkerque, parce que les matières premières, les matières secondaires et la main-d'œuvre sont au taux le plus bas dans ce pays-là.
La révocation de l'édit de Nantes avait fait déserter la plus grande partie des ouvriers de nos ateliers et de nos manufactures. Ces ouvriers, persécutés dans leurs foyers pour cause de religion s'étaient répandus dans le Nord où ils avaient été reçus à bras ouverts. Les manufactures s'élevèrent dans des pays qui n'avaient jamais connu l'industrie, dont le sol était sans valeur, où le bois était plus gênant qu'il n'était utile. On peut juger du prix des marchandises manufacturées dans des lieux de cette espèce.
Un membre : Je prie M. l'orateur de conclure. Si l'on nous donnait ainsi l'historique de toutes choses, nous n'en finirions jamais.
Je demande que le tarif soit porté à 100 livres conformément au premier tarif du comité. (Applaudissements.)
Il y a 40 ans qu'à ma connaissance nous avions des cultures dans les environs de Beauvais et dans beaucoup d'autres endroits de France, qui nous donnaient le meilleur lin possible. Nous en tirions les meilleures toiles du monde sous le nom de demi-Hollande. Aujourd'hui il n'y a pas le moindre signe de cette culture, parce que les ministres et les intendants se sonttoujours attachés à l'écraser d'impôts. Nous fournissions pour 10,12 ou 15 millions de lin à l'étranger, et c'est aujourd'hui l'étranger qui nous fournit au poids de l'or des lins qui ne valentrien. Je demande que l'Assemblée nationale encourage cet établissement. Mais si vous confondez la grosse toile avec la fine, il est impossible que le pays de Beauvais et ses environs puisse rétablir ses lineries et ses chanvrières, parce qu'alors le poids de l'impôt l'en empêcherait. Je demande la division de l'article.
appuie l'avis du comité.
Je demande que le droit soit porté à 60 livres et soit payé à tontes les entrées du royaume, sans aucune faveur pour les Suisses. Cependant je ne sais comment il sera possible de s'arranger avec eux; s'il y a un traité, il en faudra faire un nouveau, car il est incontestable qu'alors la Suisse introduirait dans le royaume non seulement ses toiles, mais qu'elle deviendrait l'entrepôt de toutes les toilès de l'Allemagne.
M. Bégouen a paru inquiet sur la manière dont nous traiterions les toiles venant de Suisse. Il est Vrai qu'en 1781, le roi rendit un édit qui accordait aux Suisses la faculté d'entrer leurs toiles dans le royaume eu
payant la moitié du droit; mais, Messieurs, cet édit porte expressément dans le préambule que C'est une concession gratuite faite par le roi aux Suisses.
La France n'a ni assez de culture de lins, ni assez d'ateliers pour pouvoir se passer des toiles étrangères.
Plusieurs membres demandent la priorité pour la proposition de M. Bégouen ; d'autres la réclament pour celle de M. Le Déist de Botidoux.
(L'Assemblée consultée accorde la priorité à la proposition de M. Bégouen.)
propose de porter à 75 livres le droit d'entrée fixé à 60 livres par M. Bégouen.
croit au contraire que le chiffre de 60 livres concilie tous les intérêts.
se rallie au chiffre de 75 livres.
demande la question préalable contre cet amendement.
(La question préalable est rejetée.)
L'Assemblée décrète que les toiles blanches de chanvre et de lin et les linges de table seront assujettis à un droit de 75 livres par quintal.
observe qu'il y a des droits de douane sur les toiles et linges de table dont la perception est très difficile, et qu'il faut prendre des moyens pour en assurer le recouvrement.
(La suite de la discussion est renvoyée à demain.)
, au nom du comité colonial. Messieurs, TAssémblée a renvoyé hier au cotnité colonial une adresse du commerce de Bordeaux, relativement 3 la Martinique, en le chargeant de faire un rapport ce soir.
J'observe a l'Assemblée que ce rapport ne pourrait présenter aucune mesure nouvelle, puisque, comme je vais en rendre compte, celles mêmes que demande la ville de Bordeaux sont remplies, ou ne tendraient qu'à retarder l'exécution de ces mêmes mesures qui, après de fâcheux et trop longs retards, sont enfin au moment de s'exécuter. £n effet, les commissaires décrétés par l'Assemblée nationale pour la Martinique ont dû partir ce matin, et le nouveau gouverneur part demain pour s'embarquer à Brest avec les forces destinées aux autres colonies.
L'adresse de la ville de Bordeaux demande l'exécution des décrets rendus pour la Martinique et pour Saint-Domingue. Je viens de Vous rendre compte de l'exécution de celui de la Martinique, celui relatif à Saint-Domingue est également prêt, puisque les forces sont réunies à Lorient, et doivent s'embarquer avant la fin du mois.
En second lieu, la ville de Bordeaux demande le rappel deM. de Damas. Vous devez vous rappeler, Messieurs, que cette disposition est déjà portée dans le décret renau le 29 novembre.
Elle demande qu'un bâtiment particulier porte immédiatement à la Martinique le noùveau gouverneur qui remplacera M. dé Damas ; mais , puisque la totalité de l'expédition est prête à partir, il me paraît qu'un envoi partiel ne presserait pas l'exécution et exposerait.ee vaisseau à de nouveaux dangers.
Elle demande que M. de Rivière, commandant le vaisseau la Ferme, qui à son arrivée à la Martinique s'est réuni à M. de Damas, soit rappelé pour rendre compte de sa conduite. Voici en aeux
mots ce que nous connaissons à cet égard : nous avons reçu, depuis le décret rendu, des lettres de M. de Damas et du parti qui lui est opposé. M. de Damas, qui, par la suite, est devenu le plus fort, dit que tout est tranquille; le parti opposé énonce au contraire des plaintes amères. Le parti de Saint-Pierre accuse M. de Damas d'avoir armé les nègres. Il est vrai qu'au milieu de ces rapports contradictoires il est fait mention d'un fait presque certain, c'est que M. de Rivière a traité avec dureté les commandants des navires marchands qui se sont adressés à lui. D'ailleurs quant aux négociations qui ont été refusées, M. de Damas se plaint que le parti opposé ait rejeté ses propositions, de même que le parti de Saint-Pierre se plaint que M. de Damas se soit opposé aux propositions mises en avant par le3 commissaires dans lesquels le parti de Saint-Pierre avait mis sa confiance.
Vous voyez donc, Messieurs, que ces faits ne présentent aucune espèce de certitude. Vous avez décrété qu'il serait envoyé 4 commissaires pour prendre des informations ; vous leur avez remis des pouvoirs très étendus et notamment la réquisition des forces; ils ont déjà reçu toutes les pièces pour et contre; ils ont au plus haut degré, et les députés du commerce et des colonies en sont convenus, la confiance des deux partis opposés. Vous n'avez donc rien à faire avant d'avoir reçu d'autres perquisitions.
En général, on ne peut faire des décrets tous les huit jours sur des événements qui se passent à 2,000 lieues de nous. Il faut prendre des mesures puissantes, décisives, et puis les exécuter. Quoique les comités ne soient pas chargés de l'exécution de ces décrets, je dois dire que nori seulement depuis que le décret est rendu, mais dôs que nous avons eu Connaissancedes troubles, c'est-à-dire trois semaines auparavant, nous n'avons cessé de presser les agents du pouvoir exécutif de remplir les mesures nécessaires. Divers obstacles se sont succédé et ont malheureusement retardé cette exécution ; mais annoncer aujourd'hui de nouveaux rapports, c'est seulement donner ou de nouveaux prétextes où de nouveaux motifs de retarder les armements qui sont prêts à partir.
Je demande doneque l'Assemblée veuille bien, d'après ces considérations, nous dispenser, quant à présent, de lui présenter aucune nouvelle mesure qui ne pourrait que nuire.
Les faits que vient d'annoncer M. le rapporteur sont exacts, à l'exception cependant qu'il a omis de dire que tous les députés de Saint-Domingue désirent qu'on envoie des commissaires pour pacifier les esprits et surtout pour empêcher que rassemblée coloniale, si elle est formée, ne prenne des résolutions qui contrarient le projet d'instruction auquel nous travaillons, que M, Barnave doit rédiger et qu'il doit vous proposer au nom du comité. Il est essentiel de s'en occuper promptement, car je vous observe que les nouvelles dé Saint-Domingue annoncent, en ce moment, que le parti le plus fort, comme cVst toujours l'usage, persécute beaucoup d'individus sous prétexte des troubles. Il est donc nécessaire d'y envoyer des commissaires qui puissent arrêter ces procédures judiciaires. Je vous demande que nous puissions proposer nos mesures sous huit jours.
, rapporteur. Nous avons .résolu effectivement un envoi de commissaires que nous n'avons pas cru devoir accélérer, parce que, de
viDgt-quatre heures en vingt-quatre heures, nous pouvons recevoir des nouvelles de l'arrivée du décret du 12 octobre, et que, si nous voulons retarder ce projet de huit jours, il est probable qu'elles arriveront dans l'intervalle.
Je ne vois pas que ce délai soit prudent, car quelle nouvelle peut-il arriver, qui ne nous porte à concilier les partis? Je persiste donc à demander que l'Assemblée s'occupe de ce projet dans le délai de huit jours,
, rapporteur. Je connais bien la nécessité de concilier les partis ; mais je dis que les dispositions qui accompagneront renvoi des commissaires pourront plus ou moins varier, suivant les nouvelles qui nous seront apportées du résultat du décret du 12 octobre.
(L'Assemblée, consultée, charge son comité colonial de lui présenter, à la séance de mardi soir, un projet de décret sur les troubles de Saint-Domingue.)
au nom du comité d'aliénation, propose la vente de biens nationaux à diverses municipalités des départements du Gher et du Loiret.
L'Assemblée rend le décret suivant : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret :
Savoir :
A la municipalité de Saint-Amand, département du
Cher.............181,595 1. » »
A la même pour. ..... 73,599 A celle de Poilly, département
du Loiret................30,600 18 4
A celle de Sully, même département.............16,539 14 »
« Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et états d'estimations respectifs, annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
lève la séance à trois heures.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du
Adresse des officiers et soldats formant la troupe du guet à cheval de la ville de Bordeaux, qui expriment leur profonde douleur de ce qu'il ne leur a pas été permis de se rendre à la fédération du champ de Mars; ils supplient l'Assemblée d'ordonner qu'ils prêteront le serment civique en présence de l'armée bordelaise, qu'ils porteront tout autre nom que celui de guet, et qu'ils seront revêtus de l'uniforme national.
Adresse de M. Courtois, curé de Villiers Saint-Ghristophle, près Siam, qui fait hommage à l'Assemblée d'une réponse patriotique qu'il a faite à une lettre imprimée du ci-devant évêque de Noyoo, par laquelle il proteste contre la suppression de son évêché.
Adresse des administrateurs composant le directoire du déparlement des Basses-Pyrénées, qui exposent que le feu a pris dans un des bureaux du directoire, maisque la promptitude du secours donné par la garde nationale de Pau en a arrêté les progrès, et qu'ils doivent à son zèle et à sa prudence la conservation de leurs papiers.
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la Société des amis de la Constitution de la garde nationale de la ville de Lisieux. Ils supplient l'Assemblée de terminer au plus tôt l'organisation des gardes nationales, et forment plusieurs demandes relatives à cette organisation.
Adresse de la Société des amis de la Constitution de Marseille, qui supplie l'Assemblée de décréter comme article constitutionnel, qu'à l'avenir nos rois et les princes de leur sang, ne pourront se choisir une épouse que dans le sein de la nation.
demande le renvoi de cette adresse au comité de Constitution. (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, continue la lecture des adresses suivantes :
Adresse des officiers municipaux de la ville de Bordeaux, contenant plusieurs exemplaires d'une proclamation qu'ils ont faite pour maintenir la tranquillité publique que les ennemis de la Constitution avaient tâché de troubler. Ils annoncent que la garde nationale s'est empressée de se réunir auprès d'eux, et a renouvelé entre leurs mains le serment civique.
Adresse des officiers municipaux de la ville de Chàteau-Landon, des communautés de Neoux, département de la Creuse, de Champeuil, département de Seine-et-Oise, de Moisson, district de Mantes, de Ferriêres en Gâtinais, et d'Aillon-sur-Milleron, près Ghâtillon-sur-Loing, qui envoient les procès-verbaux du serment civique, prêté par les curés et autres fonctionnaires publics de chaque paroisse.
Adresse du curé et maire de Gouvieux, district de Senlis; du curé de Moulins-sur-Yèvre, près Bourges; et du curé de la paroisse Saint-Martin, de la ville de Chaumont en Vexin, qui ont prêté leur serment civique et prononcé, lors de cette prestation, un discours rempli de patriotisme.
Adresse de M. Bernard, prêtre de la paroisse Saint-Paul, de la capitale, qui fait hommage à l'Assemblée de la profession de foi imprimée dont il a accompagné son serment civique.
Adresse du curé de la ville de Noyers, département de la Creuse, contenant copie d'une délibération que plusieurs de ses confrères et fonctionnaires publics de cette ville et des environs ont jugé nécessaire de prendre pour procéder
d'une manière sage et vraiment ecclésiastique à la prestation du serment civique, tel qu'il est prescrit par l'Assemblée nationale.
Adresse des amis de la Constitution, séants à Vienne, qui annonce que plusieurs ecclésiastiques, membres de cette société, dans sa séance publique du 9 de ce mois, renouvelèrent leur serment civique, en adhésion spéciale au décret sur la constitution civile du clergé.
Adresse de la Société des amis de la Constitution de Cherbourg, qui fait hommage à l'Assemblée d'un poème intitulé la France régénérée.
Adresses des communes de Pithiviers, de Men-necy, d'Espone et d'Issoire, par lesquelles elles instruisent l'Assemblée de la prestation de serment faite par les ecclésiastiques fonctionnaires publics de leurs paroisses, et des sentiments vraiment religieux et patriotiques qui les animent tous.
Lettre du sieur Rolin, curé de la paroisse de Splliers-lès-Tours, près Toulon, département du Var, par laquelle il se plaint de la réunion de la municipalité à une municipalité voisine ; du défaut de connaissance qui résulte, pour ses paroissiens, des décrets de l'Assemblée nationale, qui ne leur sont pas parvenus depuis plus de deux mois, et de la peine qu'ils en ressentent ; il annonce en même temps la prestation de serment de la plupart des curés de ce département, et leur adhésion à la Constitution, malgré les écrits incendiaires que les ennemis du bien public avaient fait répandre dans ce département.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre à son comité des rapports, pour examiner les motifs des plaintes y contenues.)
Discours contenant les principes d'une piété solide et éclairée, et respirant le patriotisme le plus pur, prononcés, l'un par M. Mathurin-Jean Navaille, vicaire de Lay ; l'autre par M. Pardiot, curé de Vaudresne, district de Réthel, lors de leur prestation de serment, en exécution de la loi du 26 décembre dernier.
(L'Assemblée témoigne par des applaudissements successifs et réitérés sa satisfaction des sentiments de religion et de patriotisme contenus dans les différentes lettres, adresses et discours.)
Il est ensuite fait lecture des lettres ci-après énoncées :
Lettre de M. Vargemont, maréchal de camp, par laquelle il se disculpe de la dispostion qu'on lui attribuait de se mettre à la tête des citoyens qui seraient dans la disposition de se réunir pour marcher volontairement sur les frontières, et annonce sa soumission aux décrets de l'Assemblée, et son intention de ne répondre à aucune marque de confiance qui pourrait lui être donnée pour des opérations dont l'Assemblée nationale n'aurait pas ordonné et approuvé l'exécution.
Lettre de M. Griolet, procureur général syndic du département du Gard, à laquelle se trouve jointe une proclamation du directoire du département, relative au serment à prêter par les évêques, curés et autres ecclésiastiques fonctionnaires publics, et aux écrits incendiaires relatifs à ce serment, répandus avec profusion dans ce département (1).
Lettre des pères de l'Oratoire de Montmorency, d'Aubervilliers et de
Juilly, par laquelle ils annoncent qu'après avoir prononcé dans leurs
mu-
L'Assemblée ordonne qu'il sera fait, dans le procès-verbal, mention honorable de cette lettre qui est ainsi conçue (1) :
« Messieurs, les pères de l'oratoire de Montmorency et d'Aubervillers et quinze membres fonctionnaires publics du collège de Juilly, après avoir prononcé dans leurs municipalités le serment qu'ils devaient à la religion et à ia patrie, apportent aujourd'hui à l'Assemblée nationale l'hommage de leur reconnaissance et de leur dévouement.
* Au moment où les passions et l'ignorance semblent concerter entre elles une résistance coupable à des lois constitutionnelles, nous avons cru que des instituteurs citoyens devaient opposer à des manœuvres sourdes une coalition publique de lumière et de patriotisme. Nous avons étudié dans un esprit de paix et d'impartialité la constitution civile du clergé, et nous avons vu avec une joie douce et constante la puissance civile rendre à la foi de nos pères l'hommage le plus incontestable en rappelant la discipline extérieure de l'Eglise à sa pureté primitive.
« Notre serment n'est donc pas simplement un acte de soumission à la loi, mais encore un témoignage de reconnaissance envers les législateurs. Leur courage toujours supérieur aux outrages de la calomnie, comme il le fut aux derniers attentats du despotisme ; leur courage, qu'un prochain avenir doit venger de l'ingrate tude et de la mauvaise foi, nous inspire à nous-mêmes une généreuse émulation. Nous promettons aux régénérateurs de l'Empire, de nous associer en quelque sorte à leurs travaux, de préparer de bonne heure nos jeunes élèves aux bienfaits de la Constitution, de leur en faire connaître par degrés les principes et les développements, atin de pouvoir donner un jour des chrétiens éclairés à la religion, des citoyens à l'Etat, et des hommes à la société. « Nous sommes, etc.
Signé : Saint-JorY, supérieur de Montmorency ; Lalande, professeur de théologie; Rondeau, ûumont, baunont, jbremard, attanous, BE-got, Joly, Rastier, Lefèvre, etc., etc., professeurs de Juilly.
M. Livré donne lecture d'une lettre du maire de La Flèche, département de
la Sarthe, qui annonce que les ecclésiastiques fonctionnaires publics de
cette ville ont tous prêté leur serment sans aucune restriction; que les
écrits incendiaires répandus avec profusion dans le département, sortis
du sein même de l'Assemblée, ont donné lieu à une coalition entre la
majeure partie des prêtres de la ville du Mans ; que neuf seulement ont
prêté leur serment; que les autres sollicitent et surprennent par toutes
sortes de propos et de suggestions les âmes faibles de la ville et des
campagnes; que l'accusateur.public vient de
Il est fait lecture d'une lettre de M. Bailly, maire de Paris, par laquelle il instruit l'Assemblée du résultat des ventes de trois maisons nationales.
fait lecture d'une lettre du roi, à lui adressée aujourd'hui par le ministre de la justice, conçue en ces termes : « Je vous prie, Monsieur le Président, d'informer l'Assemblée nationale que j'ai remis à M. de Les-sart le département de l'intérieur dont j'avais chargé par intérim M. de Montmorin ». Signé : Louis.
, secrétaire, fait ensuite lecture d'une lettre de M. Agier, président du tribunal provisoire établi en vertu de la loi du 5 décembre 1790, par laquelle il rend compte à l'Assemblée de ses travaux au moment où ils se trouvent terminés. - (L'Assemblée en ordonne l'impression et l'insertion dans le procès-verbal de cette séance.) Cette lettre est ainsi conçue : « Monsieur le Président, le tribunal provisoire créé par la loi du 5 décembre dernier, croit, en terminant ses travaux, être obligé d'en rendre compte au pouvoir qui l'a constitué. Vous trouverez ci-joint, Monsieur, le relevé des procès et des accusés que ce tribunal a jugés : je vous supplie d'en mettre l'aperçu sous les yeux du Corps législatif. Le nombre n'en est pas, à beaucoup près, aussi considérable que nous l'eussions désiré, surtout par comparaison à ce qui reste ; mais les fêtes multipliées qui ont interrompu le cours de nos séances, les justes égards dus à la défense des accusés, et la circonspection dont nous croyons devoir user en prononçant sur de si grands intérêts, ne nous ont pas permis d'en expédier davantage. « Il est satisfaisant pour nous de pouvoir annoncer à l'Assemblée nationale que le public, toujours fort nombreux à nos séances, a montré dans tous les instants le respect le plus profond pour la loi et ses organes. Une seule fois le silence a été rompu par des applaudissements à l'occasion d'un jugement dont l'équité avait paru remarquable.. Je n'ai eu besoin que de lire l'article 23 de la loi du mois d'octobre 1789, et tout est rentré dans l'ordre; il ne m'a pas fallu y recourir une secondé fois, quoique nos procédés et nos jugements aient souvent paru causer à l'auditoire un contentement marqué. Ces dispositions nous montrent que ie peuple en général est beaucoup moins ennemi de l'ordre que ses détracteurs voudraient le'faire accroire ; qu'il se soumet volontiers à la loi aussitôt qu'elle lui est connue, de même qu'aux magistrats qu'il a jugés dignes de sa confiance. Et ce peuple (vous daignerez l'observer) ce peuple le plus souvent présent à notre audience, n'était pas composé de ceux à qui l'éducation a appris à contenir leurs premiers mouvements; c'était le simple peuple, sans instruction, sans lumières qUe celles du bon sens et de la nature ; tant il est vrai que la raison et la loi ont des droits imprescriptibles sur le cœur de tous les hommes I « Nous avons donné aux législateurs une grande marque de dévouement et de respect, en commençant, d'après leurs ordres, les fonctions de la judicature par ce qu'elles ont de plus rebutant, de plus douloureux et de plus pénible. Une nouvelle carrière, et des travaux plus variés nous appellent maintenant. Nous allons nous y livrer avec un nouveau courage. Heureux si, par une constante application à faire observer les lois, et à maintenir la paix publique, nous pouvons contribuer à avancer le grand ouvrage de la Constitution, dont l'achèvement fait tout l'objet de nos désirs ! « Je suis avec un profond respect, Monsieur le Président, votre très numble et très obéissant serviteur. « Signé : Agier, président du tribunal provisoire. « 2 janvier 1791. »
, secrétaire. A cette lettre se trouve joint un état des procès criminels, au nombre de 64, jugés parce tribunal depuis sou établissement.
, au nom du comité d'aliénation, propose des ventes de biens nationaux à diverses municipalités. Ces ventes sont décrétées comme suit : « L'Assemblée nationale, d'après le rapport qui lui a été fait par un membre au comité ae l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites par les différentes municipalités ci-après nommées, dans les formes prescrites, pour, en conséquence du décret du lO mai 1790, acquérir entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs d'estimations et d'évaluations desdits biens ; « Déclare vendre aux municipalités ci-après lesdits biens nationaux, aux charges, clauses et conditions portées audit décret, et pour , les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret : Savoir :
Département du Rhône et Loire.
1. A la municipalité de l'hôpital du Temple,
pour la somme de.....
i 2. A celle de Taren-taise, pour celle de....
3. A celle de Saint-Germain-Laval, pour celle de..............
4. A celle de Saint-Etienne, pour celle de.
10,123 t. 11 s. » d, 558,498
123,016 502,908
15
Département de la Drôme.
5. Aux municipalités des Tourettea, de Mont-joux, de Vèse, de Dieu-le-Fit, et Saint-Paul-trois-Ghàteaux, pour la somme de............
61,362 15
L'ordre du jour est un rapport du comité ecclésiastique sur les mesures nécessaires pour accélérer la prestation du serment des fonctionnaires ecclésiastiques.
, au nom du comité ecclésiastique. Votre comité devait vous présenter ce soir deux décrets. Le premier avait pour objet les mesures nécessaires pour accélérer la prestation du ser-
ment des fonctionnaires ecclésiastiques, et les moyens de remplacer ceux qui refuseront. Le comité devant encore avoir une dernière conférence à ce sujet, ce rapport ne vous sera présenté que demain matin.
A quelle heure? A quelle heure? Je demande que ce ne soit pas avant 10 heures.
Le préopinant et ceux qui s'inquiètent avec lui sur l'heure où sera fait le rapport qu'on vous annonce, ont sans doute quelque projet.
Je demande que M. Voidel soit rappelé à l'ordre.
Je prie M. Foucault de se tenir dans le silence; il n'a pas la parole.
Vous sonnerez votre cloche jusqu'à demain.... Je veux avoir raison, je veux répondre à l'interpellation de M. Voidel.... (Une très grande agitation se manifeste dans la partie droite. — M. de Foucault de Lardimalie parle successivement de différents points de la salle, et à différentes hauteurs de gradins. — M. l'abbé Maury gesticule au milieu de la salle, puis parcourt les rangs de la partie droite.... Après divers mouvements tumultueux, M. le Président parvient à rétablir le calme.) L'ordre du jour est un rapport des comités ecclésiastique et de Constitution relatif aux difficultés survenues dans ta ville d'Amiens au sujet des fonctionnaires ecclésiastiques qui refusent de prêter le serment.
, rapporteur. Messieurs, le rapport que je. suis chargé de vous présenter a pour -objet une dénonciation qui vous a été faite contre le tribunal d'Amiens, accusé d'avoir empiété sur les fonctions administratives. Aussitôt que la loi du 26 décembre a été connue à Amiens, le département de la Somme a pris toutes les mesures pour son exécution, et a donné à cet effet tout pouvoir nécessaire, soit au district, soit à la municipalité, celle-ci a fait s.ur-le-champ une proclamation. Le 12 de ce mois, une grande quantité d'ecclésiastiques se sont- présentés pour prêter le serment; mais, par un accord que je ne saurais expliquer, tous ces ecclésiastiques ont fait en .même temps publier des écrits contenant leur opinion individuelle sur le serment, et d'une conformité littérale. Ces écrits avaient pour titre: Formule du serment prêté par M. le curé de.... et contenaient une restriction à la formule décrétée par l'Assemblée nationale. Ils les envoyèrent à toutes les municipalités du départe ment, pour faire croire aux autres ecclésiastiques que la municipalité du chef-lieu avait accepté cette restriction de serment. L'exemplaire que je tiens en main est intitulé Formule du serment prononcé par le curé de Saint Remy et ses vicaires, du 13 janvier 1791. On a fait une correction à la plume, de ceux dans ces exemplaire qui ont été distribués à Amiens, et on a mis : Formule du serment à prononcer, etc. « On nous demande, est-il dit dans ces écrits, de prononcer par un serment que nous aimons notre nation, que nous sommes soumis à la loi et fidèles à notre roi. Eh 1 mes frères, ce senti- ment n'est-il pas celui de tout Français? ne coule-t-il pas dans ses veines avec son sang? ne l'apporte-t-il pas en naissant dans son cœur? nous en avez-vous jamais vus inspirer d'autre depuis que nous avons l'honneur d'être chargés du soin de vos âmes ? « Oui, nous osons vous appeler ici en témoignage et nous sommes certains que vous ne nous démentirez pas; nous n'avons jamais cessé de Vous prêcher le patriotisme, ce véritable amour de la nation, consacré par cette charité divine qui, de tous les citoyens, ne fait qu'un cœur et qu'une àme et leur fait partager les biens qui en découlent. Nous vous avons toujours dit d'être soumis aux lois ; d'aimer, de respecter votre roi; de payer exactement le tribut ; de ne pas cher-chér à frauder les impôts, sous peine d'être regardés comme mauvais citoyens, comme n'ai-mant pas votre patrie. « Si nous réclamons aujourd'hui les droits de la religion dans le sein de laquelle nous avons eu le bonheur de naître, et dont nous avons l'honneur d'être ministres, les intérêts de l'une et de l'autre ne sont-ils pas liés inséparablement par leur divin auteur? La puissance spirituelle et la puissance temporelle ne sont-elles pas une émanation du pouvoir absolu de l'Etre suprême^ sans lequel aucune puissance ne saurait exister? En nous renfermant dans les bornes de ces deux puissances, on ne nous accusera donc pas de manquer à la nation, à la loi et au roi, puisque nous ne leur serons jamais plus fidèles que lorsque la religion consacrera notre obéissance et qu'elle en sera le plus ferme appui. « Voici donc mon serment: « Je soussigné, ministre de Jésus-Christ, chargé d'enseigner aux hommes qui nous sont confiés ce qu'ils doivent à Dieu et aux puissances temporelles, obligé de leur donner l'exemple de la soumission aux lois, pour obéir à Notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous ordonne de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est & Dieu; « Je jure de veiller avec soin sur les âmes qui me sont confiées; d'obéir à la nation, à la loi et au roi; de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et sanctionnée par le roi, exceptant formellement tout ce qui tient essentiellement à la foi, à la religion catholique, apostolique et romaine, dans laquelle je suis résolu de vivre et de mourir. (Applaudissements à droite; murmures à gauche.) Signé du curé et de ses vicaires. » Dans l'exemplaire que je viens de vous lire, il y a à prononcer. En voici un autre où on lit prononcé. Plusieurs voix à droite: Lisez! lisez! Plusieurs voix à gauche : C'est inutile I
, rapporteur. Vous voyez, Messieurs, que par la tournure et de l'imprimé et de la correction, ou voulait faire croire que le serment ayant été effectivement prononcé et accepté par la municipalité d'Amiens, tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics de ce département pouvaient le prêter ainsi. .. Mais le directoire, instruit de ce projet, a réuni aussitôt le conseil d'administration, le, district, la municipalité, et a pris le 17 janvier un arrêté
dont voici la substance: « Le directoire, considérant que l'Assemblée nationale a décrété que le serment des ecclésiastiques serait prêté sans restriction, instruit de la distribution qui a été faite, avec une profusion singulière, d une formule de serment insidieuse, qu'on suppose avoir été prêté dans les églises d'Amiens, et regardant cette distribution comme une coalition tendant à apporter des obstaclesà l'exécution de la loi, etc., à arrêté que les auteurs de ces écrits seraient dénoncés par l'accusateur public d'Amiens...» D'un autre autre côté, le directoire instruit que les intentions d'un grand nombre d'ecclésiastiques étaient de profiter de l'espèce d'équivoque que laisse subsister la loi du 26 décembre, pour cesser à l'instant, et de concert, toutes leurs fonctions, a chargé la municipalité de commettre un ecclésiastique pour pourvoir, autant que possible... (Il s'élève des éclats de rire dans la partie droite.)
Monsieur le Président, je vous prie d'imposer silence à ces évêques.
, rapporteur..., pour pourvoir, autant que possible, a tous les besoins du culte, et à tout ce que les fidèles ont droit d'attendre. La municipalité a donc commis un prêtre pour dire la messe; mais cette mesure a dû cesser du moment où les prêtres ordinaires ont consenti à reprendre leurs fonctions. D'après l'esprit de la loi du 26 décembre, et le texte de l'instruction du 21 janvier courant, tous les fonctionnaires doivent rester en fonctions jusqu'au remplacement; le prêtre commis par la municipalité à cru, au contraire, qu'il avait des droits plus étendus. Il a pensé que les anciens ecclésiastiques étaient déchus de droit, du moment où ils refusaient de prêter le serment. Plusieurs voix de la partie gauche : C'est juste, il faut que cela soit ainsi.
, rapporteur. La loi du 26 décembre porte seulement qu'ils seront censés avoir renoncé, ce qui ne signifie pas qu'ils abandonneront le service divin avant d'être remplacés. A Amiens, les ecclésiastiques qui avaient refusé de prononcer la formule de serment décrétée, ayant voulu continuer leurs fonctions jusqu'au remplacement, et l'ecclésiastique commis par la municipalité ayant voulu continuer les siennes, les opinions se partagèrent entre les contendants. La difficulté devait être portée devant le corps administratif, parce qu'il s'agissait de l'exécution d'une loi. Il suffisait qu'un des contendants présentât en sa faveur un arrêté du département, pour que le tribunal ne dût pas se mêler de cette contestation, qui n'était pas une contestation judiciaire, mais une difficulté d'administration, qui n'avait pour objet que le mode d'exécution de votre décret. Vous n'avez pas voulu permettre aux juges de gêner les mouvements de l'administration..... Le 20, à six heures du soir, on a assigné devant le tribunal d'Amiens l'ecclésiastique commis par la municipalité ; on l'a assigné pour le lendemain à neuf heures du matin. A l'heure convenue, il s'est trouvé une grande quantité de monde dans le tribunal. L'avocat du curé a fait un très long discours écrit, préparé d'avance..... (Il s'élève des éclats de rire dans la partie droite. — M. Id président rétablit le silence.)
, rapporteur..., un discours préparé longtemps d'avance, combiné avec le commissaire du roi et avec le tribunal. Ceci est plus sérieux.... (La partie droite murmure.)
, rapporteur. Si vous voulez, je répondrai ensuite. Plusieurs voix de la partie droite : Oui.
, rapporteur. Eh bien, taisez-vous donc 1
Je demande que l'Assemblée veuille bien défendre à M. le rapporteur d'improviser.
, rapporteur. Je vous prie, Monsieur le Président, d'ordonner à M. l'abbé Maury d'improviser avec plus de décence. (Quelques minutes se passent dans un très grand tumulte, soulevé par le3 interpellations des membres de la partie droite.)
, rapporteur. Les personnes qui m'interrompent prétendent que j'ai annoncé une proclamation du directoire. J'ai donné l'extrait d'une délibération... (Murmures dans l'extrémité droite.)
, rapporteur, s'adressant de ce côté. J'ai parié d'une proclamation de la municipalité. Est-ce là ce que vous demandez ? (Personne ne répond.) Un membre de la gauche : Ils n'en savent rien eux-mêmes.
, rapporteur. Le tribunal d'Amiens a renvoyé l'affaire à l'Assemblée nationale, et cependant a pris une délibération dans laquelle, considérant que les paroisses d'Amiens ne sont pas encore réduites ; qu'il n'existe aucun jugement de l'Assemblée nationale qui ait destitué la partie de Maillard, et qu'aucun ecclésiastique n'a droit de remplacer les anciens curés avant qu'ils aient d'eux-mêmes abandonné leurs fonctions, etc., déclare que les curés d'Amiens reprendront l'exercice de leurs fonctions, jusqu'à ce qu'ils aient été remplacés. Plusieurs voix du côté droit : Non ! non 1
, rapporteur. C'est cependant ainsi que votre instruction l'a prononcé. Le comité ecclésiastique a pensé que la délibération du tribunal était juste en elle-même ; mais il a pensé en même temps qu'il n'avait pas le droit de prononcer ainsi; que les tribunaux ne pouvaieut, sans le plus grand danger pour la chose publique, se mêler de ces sortes d'affaires. Un des motifs de la délibération a été qu'il n'existait pas de décret qui prononçât la destitution des curés d'Amiens ; et cependant votre décret portait expressément que les fonctionnaires ecclésiastiques qui refuseraient de prêter serment ne seraient ni jugés-, ni poursuivis, mais seulement qu'ils seraient regardés comme renonçant volontairement à leur office, et qu'ils seraient remplacés comme démissionnaires. Vous avez ordonné la poursuite devant les tribunaux, contre ceux-là seuls qui, après avoir prêté le serment, s'y montreraient réfractaires, et qui violeraient la loi qu'ils se seraient engagés à exécuter; ou
contre ceux qui se coaliseraient et exciteraient la rébellion contre vos décrets. Quoi qu'il en soit, votre comité ecclésiastique a cru essentiel d'empêcher les tribunaux de se mêler des affaires d'administration. Dans vos décrets sur l'organisation judiciaire, vous avez défendu aux tribuoaux d'exercer les fonctions administratives; vous avez même statué que dans ce cas la forfaiture serait acquise. Dans les décrets sur l'organisation des corps administratifs, vous statuez que les administrations ne pourront jamais être troublées dans l'exercice de leurs fonctions... Le jugement du tribunal d'Amiens, ainsi que le plaidoyer de M. Maillard et le discours du commissaire du roi, causèrent une grande rumeur dans la ville. Il y eut sur-le-champ des dénonciations portées au directoire : dénonciations dans lesquelles on impute au commissaire du roi d'avoir professé publiquement et dit aux juges, sans avoir été interrompu, que la loi du 26 décembre était un piège tendu à la bonne foi des prêtres par une assemblée politique dont les membres professent hautement les sectes les plus anticatholiques, et d'avoir qualifié l'arrêté du directoire, de libelle. On l'accuse, de plus, d'avoir dit que le serment prêté par les prêtres réfractaires était le seul qu'ils dussent prêter, et qu'il devait leur acquérir l'estime de tous les honnêtes gens. (La partie droite applaudit.)... Dans toute cette affaire le comité a vu trois points essentiels : 1° entreprise sur le pouvoir administratif, de la part du tribunal d'Amieos ; 2* erreur de la part de l'administration du département, qui, ne connaissant pas l'instruction que vous avez dernièrement décrétée, a cru que les ecclésiastiques devaient cesser leurs fonctions du moment même où ils refusaient de prêter le serment; 3° dénonciation faite par le directoire contre les auteurs des écrits distribués dans le département. C'est sur ces objets réunis que vos comités ecclésiastique et de Constitution vous proposent le projet de décret sui-vant : « L'Assemblée nationale, instruite d'un jugement rendu le 20 de ce mois par le tribunal du district d'Amiens, sur l'exécution d'une délibération du directoire du département de la Somme, en date du 17 du même inoisr au sujet du remplacement des ecclésiastiques fonctionnaires publics, refusant de prêter le serment prescrit par la loi du 26 décembre précédent; après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de ses comités de Constitution et ecclésiastique : » Décrète que l'exécution de la loi du 26 décembre dernier appartient aux corps administratifs et aux municipalités, sauf aux tribunaux à prendre connaissance seulement des cas portés aux articles 6, 7 et 8 de ladite loi; » Déclare le jugement du tribunal du district d'Amiens comme non-avenu ; approuve la conduite du directoire du département de la Somme ; le charge néanmoins de procéder au remplacement des ecclésiastiques fonctionnaires publics, refusant de prêter le serment prescrit par la loi du 26 décembre dernier, conformément à l'instruction de l'Assemblée du 21 de ce mois; • Au surplus, renvoie au comité des recherches, tant la dénonciation que le directoire du département a arrêté de faire à l'accusateur public dudit tribunal, par sa délibération du 17 de ce mois, que celle faite le 20 du même mois au même directoire, pour, du tout, être rendu compte à l'Assemblée. »
demande la parole, l'obtient et monte à la tribune.
Je demande qu'on remette entre les mains de M. l'abbé Maury la déclaration du curé de Saint-Rémi pour la lire comme elle doit être lue. Je crois que c'est une belle pièce en conscience et en honneur... Elle fera sur vous l'effet qu'elle a fait sur moi... Si vous refusez cette lecture, je demande l'impression pour ma propre édification et pour la vôtre.
Je tomberais moi-même dans l'inconvénient que je dénonce, si je discutais une affaire particulière dont je viens d'entendre les détails pour la première fois. Je me bornerai à exposer des principes généraux, indépendants de toutes les circonstances, principes de tous les temps et de tous les lieux. Dans ces observations, j'examinerai trois objets : ie décret sur requête qu'on vous propose de rendre ; les droits des corps administratifs, et le renvoi au comité des recherches ; quant au décret sur requête, vous savez que dans les tribunaux, dans les temps barbares d'où nous sortons... (On rit et on applaudit.) On ne se permettait pas, dans ces temps déplorables, de rendre des jugements sur requête sans avoir constitué en demeure les parties intéressées, sans les avoir entendues. Je n'examine point l'autorité judiciaire de cette Assemblée; mais je ne croirai jamais qu'elle puisse, sans inspiration, se permettre de juger un particulier sans l'entendre. Un grand nombre de voix : On ne veut pas juger.
Je suis peut-être dans l'erreur. Plusieurs voix : Oui ! oui !
Mais j'avoue qu'il m'est impossible de reconnaître dans un décret qui intéresse un ou plusieurs citoyens, autre chose que décret sur requête : or, jamais une loi ne peut être rendue sur requête. Vous êtes législateurs et non juges; vous ne voulez pas rendre un décret par requête: car, malgré la puissance dont vous vous investissez, ce décret serait révocable par sa nature même. Je passe à la seconde partie de mes observations d'objet dont il s'agit appartient-il aux corps administratifs? Avant d'entrer eu matière, je remarque que les parties et leurs défenseurs sont sans intérêts, je ne plaide que par l'ordre public, je demande doncsi les corps administratifs peuvent s'interposer entre deux citoyens, s'ils sont chargés de l'application de vos lois, quand il ne s'agit pas de l'impôt..... Si leur opinion vous est fevorable à Amiens, prenez garde qu'ailleurs il n'eo soit pas de même; alors pour votre comité, vous demanderez que les juges prononcent et que les administrateurs se taisent. Plusieurs voix: C'est une insolence effroyable I
Je demande que M. l'abbé Maury soit rappelé à l'ordre.
Les corps administratifs ont reçu de vous une compétence que j'ai bien étudiée dans votre Constitution; ; je demande qu'on me montre un seul article qui leur ait
donné la juridiction qu'on veut leur accorder, quand il y a deux compétiteurs, quand il s'agit de l'état de deux citoyens : je déclare au comité ecclésiastique que s'il persévère dans ia per-suation qu'il annonce, que les corps administratifs ont reçu le droit de juger les contestations qui s'élèvent entre deux citoyens ...1
J'observe à l'opinant que ce n'est pas là la question.
M. l'abbé Maury calomnie le comité ecclésiastique au civil, comme il l'a calomnié au spirituel.
Toutes les lois de l'Assemblée nationale doivent être envoyées aux corps administratifs. Doue les administrateurs doivent les faire exécuter, sans anticiper sur la juridiction du pouvoir judiciaire. En conséquence, le département de la Somme avait droit de se mêler de l'affaire qui concerne la ville d'Amiens.
Ici la contestation prend un grand caractère et devient indépendante de l'intérêt des partieB. Elle a lieu entre deux ecclésiastiques ; l'un est titulaire, l'autre est désigné par la municipalité pour remplacer l'autre au temps possible. Vous voyez que cette querelle particulière présente une grande question de droit public. Si vous entendez que les corps administratifs prononcent entre deux compétiteurs, vous êtes maîtres de rendre ce décret ; mais alors il arrivera que vous auriez un grand oubli à réparer, si le système philosophique des théologiens du comité ecclésiastique était admissible...
, curé de Sergy. Les théologiens du comité ecclésiastique valent bien les théologiens de l'académie française.
Je reviens à la question, et je ne réponds pas en;ce moment au prédécesseur de l'évêque de Versailles.
Monsieur, je vous rappelle à l'ordre. (On applaudit.)
Je crois ne heurter l'opinion de personne et me conformer à la lettre et à l'esprit de vos décrets, en professant l'autorité absolue des corps administratifs sur les individus en général ; mais quand il y a un combat engagé, quand il y a un procès, quand deux hommes se contestent réciproquement leurs droits et leur état, il faut des juges. Toute loi* et je désire, pour la gloire du Corps législatif, qu'aucune prévention ne lui fasse méconnaître cette grande vérité; toute loi doit avoir un ministre; il faut un juge pour l'appliquer. Si cette vérité ne vous a pas frappés, nous vivons sous le plus intolérable despotisme des lois arbitraires. Au reste, sans prendre aucun intérêt au débat, je vous conjure de voir que quand il s'agit de deux particuliers, dont l'un demande à être maintenu dans ses fonctions, l'autre à exercer la mission spirituelle qu'il a reçue de la municipalité, vpusleur devez à tous deux un jugement, et les corps administratifs ne peuvent pas juger; ils sont les collecteurs de l'impôt, les exécuteurs des lois fiscales, et non les juges de l'état des citoyens. Le troisième objet de ma discussion est relatif aii renvoi au comité des i recherches d'une cause portée prématurément, peut-être, au tribunal d'Amiens. Ici mon admi-ration pour le comité des recherches diminue beaucoup ; et voici les considérations courtes que je supplie cette auguste Assemblée d'écouter patiemment jusqu'au bout. En ce moment la gloire du comité ecclésiastique est compromise ; jusqu'à ce jour, il ne vous a proposé que des idées neuves.
Je vous rappelle à l'ordre et je vous prie de vous renfermer dans la délibération.
Eh bien, le projet de décret qui renvoie au comité des recherches une cause dont un tribunal est saisi, est copié littéralement, et mot à mot, je vous prie de m'en croire, sur les lettres patentes données par le cardinal Richelieu pour ôter le procès Marillac au parlement de Paris, et le renvoyer à la commission de Ruel. Je ne croirai pas que le Corps législatif puisse vouloir dépouiller les juges du peuple d'une cause dont ils sont saisis pour en investir, qui? le comité des recherches. Ce renvoi ne peut être fondé sur une formule de serment prononcé ou à prononcer. La différence du supin au gérondif ne doit pas renvoyer au comité des recherches... Mais en laissant, si vous l'approuvez, le comité des recherches ajouter ce nouveau .fleuron à sa cour-ronne... (Il s élève de très grands murmures.)
Je demande que M. l'abbé Maury, pour avoir insulté l'Assemblée en ses comités, soit envoyé à l'Abbaye.
J'observe seulement que le décret dont on voudrait l'exécution est du lendemain de la délibération du tribunal d'Amiens, qui ne pouvait s'y conformer avant qu'il fût rendu; que ce tribunal soit compétent ou incompétent, il est certain qu'il ne peut voir passer les pièces de son procès, de son greffe au comité des re* cherches, pièces tellement conçues, que j'y. ai vu la péroraison d'un prône ; car il y a, mes frères ; je demande la question préalable sur le projet de décret.
Ce qu'il y a de plus important dans la position où nous sommes, n'est pas de discuter ia question de compétence, qui fait l'objet du décret qu'on vous présente, La sagesse de ces dispositions est évidente, elle est incontestable. Le fait dénoncé n'est pas relatif à une contestation entre particuliers, capable dé donner ouverture aux tribunaux. Or, par Votre décrèt, la destitution est prononcée de droit ; aucun acte des tribunaux n'est nécessaire pour effectuer une distribution qui émane directement même de la loi.
Je demande qu'on rappelle M. Barnave à l'ordre et qu'on fasse lecture de l'instruction adoptée par l'Assemblée. Plusieurs voix : Vous n'avez pas la parole.
Je n'ai pas la parole v mais j'ai le sens commun. (Rires et applaudissements.)
Les corps administratifs, chargés d'exécuter les décrets, doivent aller en avant et mettre la loi à exécution. Voilà leurs pouvoirs*
leur devoir; s'il s'élève des difficultés, s'ils s'écartent de leurs fonctions, c'est à l'Assemblée nationale à les redresser. Vos décrets défendent aux tribunaux de s'immiscer dans leurs opérations, de les contrarier, de les gêner ; il est donc, certain que les corps administratifs sont seuls compétents pour 1 exécution des lois, et les tribunaux ne peuvent prendre connaissance d'aucunes contestations élevées sur les mesures qu'ils auront adoptées à cet égard; donc, d'après ce simple exposé de principes, il est évident que le projet de décret qu'on vous a présenté, est bon quant au renvoi des délits ; le tribunal n'en était pas saisi, et la nature des faits conduisait au comité des recherches. Mais ce n'est pas le véritable but de ceux qui s'opposent à la marche de la loi. Ce qu'il importe de voir d'un bout du royaume à l'autre, c'est un petit nombre de factieux qui, regrettant leurs privilèges, leurs droits oppresseurs... (Applaudissements à gauche ; murmures à droite.)
Vous ne savez dire que des sottises. (Applaudissements à droite ; murmures à gauche.)
Ce n'est pas sérieusement de la compétence d'un tribunal ou des corps administratifs, car il n'y. a pas à cet égard de doute sincère; ce n'est pas du pouvoir temporel ou spirituel, c'est de la temporalité des biens ecclésiastiques qu'il s'agit. (On applaudit.)
Rappelez donc M. Barnave à l'ordre. (Murmures.)
Ce n'est pas seulement sUr cette question qu'on a fait jouer dès menées artificieuses, qu'on a cherché à réveiller ce qu'il y a dë plus sensible pour exciter' contre les fondateurs de la liberté. Jamais vous n'avez rendu un grand décret sans qu'on abusât du nom des choses les plus sacrées parmi les hommes, Ce mot de monarchie, si cher à tous les Français (Agitation violente à droite ; applaudissements nombreux à gauche), n'a-t-il pas été invoqué, quand vous avez rendu des décrets contre la tyrannie ? Le mot propriété n'a-t-il pas été invoqué, toutes les fois que vous avez rendu des décrets contre les usurpations qui avaient réduit au néant la fortune publique, pour créer de ses débris des fortunes privées? (On applaudit.) Ne vous étonnez donc pas qu'on cherche à s'armer contre vous du nom sacré de la religion, quand vous détruisez les abus qui la profanaient ; quand, dans votre sagesse et votre justice, vous avez arraché les uns à la pauvreté qui les humiliaient, et les autres à cette opulence qui les rendait des objets de Scandale ! (Les applaudissements redoublent.)Votre véritable crime, aux yeux de ceux qui s'élèvent contre vous, est d'avoir enlevé à des individus les abus dont ils jouissaient, et rendu au culte le respect et l'autorité qu'il avait perdus. Il est temps de prononcer d'une manière à faire cesser ces dissensions et à sauver l'Etat des malheurs auxquels on voudrait le livrer, et de la guerre civile dans laquelle on ne le conduira pas, mais à laquelle certainement on voudrait le conduire. Taudis que les uns regrettent des abus irréligieux, s'appuient du nom sacré de la religion, une autre secte s'élève; elle invoque la constitution monarchique ; et sous cette astucieuse égide, quelques factieux cherchent à nous entourer de divisions, à attirer les citoyens dans des pièges, en donnant au peuple un pain em- poisonné. (La partie droite entre dans une grande agitation. MM. de Murinais, Malouet et plusieurs autres membres cherchent à se faire entendre, et ne peuvent y parvenir). Ce n'est pas ici le moment i de traiter ce qui concerne cette insidieuse, perfide et factieuse association. (Les agitations et les cris de la droite augmentent ; les applaudissements de la gauche y répondent. — Chaque fois que MM. de Murinais, Malouet et autres membres veulent prendre la parole, ces applaudissements redoublent. M. Malouet quitte sa place, s'élance vers la tribune et parle à M. Barnave en gesticulant d'une manière très vive.)
Mettez à l'ordre M. Malouet, l'intendant, qui fait le spadassin auprès de la tribune.
Le moment n'est pas arrivé de vous entretenir de cette association. Sans doute, . les magistrats chargés de veiller à la tranquillité publique auront pris les précautions qu'exige cette tranquillité. Plusieurs voix de la droite : Ce n'est pas à l'ordre du jour; allez aux Jacobins.
Sans doute, le comité des recherches instruira bientôt l'Assemblée de ces manœuvres factieuses, de ces distributions de pain à moitié prix,.destinées à porter le trouble, dans le peuple et à en armer...,. (On applaudit.) Plusieurs voix de la droite: Il n'est pas question là d'Amiens.
.. et vous dénoncera dénomina* tivement ceux qui ne craignent pas de se montrer et de paraître les auteurs de ces manœuvres et les chefs de cette factiou ; mais j'ai cru devoir parler de ces faits, parce qu'il est évident que tant d'audace..... (La droite s'agite ; la gauche applaudit.) Il m'a paru évident que des manœuvres aussi hardies au milieu de la Révolution, dans une ville qui l'a toujours défendue, et qui la défendra toujours, avaient un appui, et ne pouvaient avoir d'espérance que dans les mouvements, les résistances qu'on se propose d'effectuer par le moyen du refus du serment des ecclésiastiques fonctionnaires publics. Ne mettons pas dans notre conduite une faiblesse qui occasionnerait de grands maux, et qui bientôt rendrait nécessaire une sévérité douloureuse; il ne faut pas commencer par sévir con-» tre des pasteurs, contre des hommes simples ou trompés, que leur intérêt attache au nouvel ordre de choses ; ce n'est pas par là, dis-je, qu'il faut commencer, mais par la destitution de tous les évêques, d'un bout du royaume à l'autre. (La partie gauche fait entendre des applaudissements nombreux et prolongés.) Ceux qui sont membres de l'Assemblée nationale, et qui n'ont pas prêté leur serment, devraient être déjà remplacés dans tous les départements; le peuplé, les fidèles, demandent de nouveaux prélats., Plusieurs voix à droite : Non î non 1 Plusieurs Voix à gauche: Oui I OUi ! (Applaudissements.)
Sans doute, la plupart defc pasteurs qui étaient avec les fidèles dans une habi*
tude de confiance réciproque, ont du crédit sur eux ; mais ceux qui enlevaient à leur diocèse les fruits de leur opulence, pour les porter dans la capitale, seront aisément remplacés dans leur opinion. Il est évident que les nouveaux prélats qui auront prêté le serment exigé, donneront aux pasteurs l'institution canonique. En suivant cette marche, nous suivrons le vœu du peuple; quand les pasteurs seront séparés de ces protecteurs perfides qui leur donnaient des instructions mensongères et coupables, ils ne s'opposeront plus à ce que réclame leur bonheur et celui des fidèles. Hâtons-nous donc de suivre la véritable marche ; évitons surtout un mouvement rétrograde qui conduirait le royaume et nous dans un abîme de maux..... Plusieurs voix de la droite: Oui, vous; mais non la religion, le royaume, la tranquillité publique.
On employait ces grands mots, quand vous avez décrété que les biens ecclésiastiques appartenaient à la nation. Plusieurs voix de la droite : On n'a pas décrété cela.
Quand vous avez consacré et consolidé cette opération par celle des assignats, on avait le même intérêt à vous opposer ; on vous a fait les mêmes reproches, mais le peuple les a repoussés. La raison est pour nous, le vœu du peuple est pour nous, la vérité est pour nous, suivons une marche que nous tracent la raison, la vérité et le désir ardent et sincère de la tranquillité publique. Je demande qu'on adopte le projet de décret relatif à l'affaire d'Amiens ; que demain, le comité nous présente ses mesures pour l'exécution de la loi du 26 décembre, au nombre desquelles sera la plus pressante de toutes, celle du remplacement des évêques. (Une grande partie de l'Assemblée applaudit, et ces applaudissements accompagnent M. Barnave de ia tribune à sa place.)
, rapporteur. Je demande la parole pour avertir l'Assemblée que votre comité ecclésiastique doit s'assembler demain à 9 heures, pour vous proposer immédiatement après la loi que le préopinant demande. (Les membres du côté droit se répandent tumultueusement au milieu de la salle).
On vient de dénoncer dans cette tribune comme insidieuse, perfide et factieuse, une société qui.....(Il s'élève des murmures.) (Un très grand nombre de voix de la partie gauche demandent la clôture de la discussion.) (L'Assemblée déclare que la discussion est fermée.)
Puisque la discussion est fermée, je n'entreprendrai pas de m'expliquer sur le projet de décret ; mais vous avez entendu dans cette tribune... à l'occasion d'une affaire particulière, une dénonciation... - Plusieurs voix de la gauche: Votre amendement.
Je demande, par amendement, qu'au sein même de la Révolution, qui a tant fait pour la liberté...... je demande, dis-je, que la liberté, que la sûreté publiques et individuelles, ne soient pas impunément outragées dans cette tribune.....Je demande que la dénonciation qui a été faite soit consignée dans le procès-verbal .....Je demande que l'Assemblée nous indique un tribunal.....Je demande que le préopinant déploie sa dénonciation sur le bureau.....Je demande.....
Je demande que le membre qui a appelé le coutelas des assassins sur la tête des hommes honnêtes, qui..... (De violents murmures d'improbation étouffent les cris de plusieurs membres de la partie droite, qui assaillissent successivement et la tribune et le bureau.)
Je demande Î[u'on poursuive..... Je dénonce ia société des acobins.
On a appelé la fureur du peuple sur notre tête..... Qu'il me soit permis de répondre un mot aux inculpations..... Un membre : On n'a pas accusé M. Malouet.
Que ne m'est-il permis de proposer aussi, par amendement, les moyens de rétablir la paix dans le royaume? que ne puis-je vous parler de .... (Nouveaux murmures.) Mais..... comment faire cesser les désordres dont gémissent les bons citoyens, tant qu'il régnera sur la France un club dominateur ?.....Oui, je dénonce le club des Jacobins. (Des murmures de la partie gauche étouffent le bruit des applaudissements de la droite.)
veut parier; il est interrompu par les membres qui entourent la droite du fauteuil.
On a appelé sur une société pacifique les violences.....(Nouveaux murmures.) (Les membres de la gauche se lèvent tous simultanément pour demander les voix sur le projet de décret du comité ecclésiastique.)
Quand l'Assemblée gardera le silence, je continuerai.....
met aux voix le projet de décret du comité ; il est adopté à une très grande majorité. (La séance est levée à neuf heures.)
Lettre de m. gbiolet,!procureur aénèral syndic du département du Gard, suivie drune proclamation du directoire du département du Gard sur le serment à prêter par les évêques, curés et autres ecclésiastiques fonctionnaires publics (1).
Monsieur le Président,
Les ennemis du bien public ont répandu dans cette contrée des écrits incendiaires au sujet du serment à prêter par les ecclésiastiques fonctionnaires publics, et on n'a négligé aucun moyen de tromper le peuple sur les véritables intentions de tromper [l'Assemblée nationale ; une chose bien remarquable, c'est que ces manœuvres criminelles, et les refus des curés ont lieu surtout dans les parties du département où il existe des protestants, et par conséquent où l'on a l'espérance d'allumer une guerre religieuse. J'apprends que dans les districts qui sont eutiêrement catholiques, la plupart des ecclésiastiques ont prêté le serment sans difficulté et que d'autres s'y disposent.
Ces circonstances ont nécessité une proclamation dont j'ai l'honneur de vous envoyer des exemplaires, et que je vous prie de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale. Nous avons cru devoir dire toutes vérités avec courage et les exprimer avec cette simplicité qui est à la portée du peuple.
Gomme le directoire avait connaissance d'un refus combiné de cesser tout service divin, après l'expiration de la fatale huitaine, nous avous ordonné que tous les ecclésiastiques continueraient le service jusqu'à ce qu'ils fussent remplacés; cet ordre les contiendra.
Quelque difficiles que soient nos circonstances particulières, l'Assemblée nationale peut compter sur notre dévouement absolu, que nous regardons comme notre premier devoir. Je suis, etc.
Signé: Griolet, P..G. S.
Proclamation du directoire du département du Gard sur le serment à prêter par les évêques, curés et autres ecclésiastiques fonctionnaires publics.
Citoyens,
Redoublez de fermeté et de patriotisme; les ennemis de la chose publique espèrent, en trompant votre piété, en alarmant vos consciences, exciter des désordres qui favoriseront leurs intérêts.
L'Assemblée nationale a décrété, et le roi a voulu que les évêques, les curés, les vicaires et tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics prêtassent le serment de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse ou de la paroisse qui leur est confiée, d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la Cons-
titution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi.
Ce serment civique qui lie les pasteurs aux intérêts de leur troupeau, et auquel de toutes parts se sont soumis des ecclésiastiques respectables, devient un objet de scandale pour quelques prêtres trompés, ou dont les intentions sont criminelles.
Ou dit que l'Assemblée nationale a touché aux choses spirituelles, tandis qu'elle a déclaré, et qu'il est évident, que ces décrets ne portent que sur des objets purement temporels.
On dit que la majesté de f Eglise est détruite, tandis que nous allons voir revivre ses premières institutions, qui la rendirent si florissante dans les jours de sa pureté et de sa gloire, tandis que tout ce que l'Assemblée nationale a décrété, s'observait du temps des plus saints personnages.
Tous les dogmes de l'Eglise catholique, apostolique et romaine sont respectés.
La discipline est conservée.
L'union avec le pape, avec le chef visible de l'Eglise est maintenue.
Vous élirez vous-mêmes vos évêques et vos curé3, afin que les plus dignes de votre confiance remplissent ces places éminentes. C'est ainsi qu'en usaient les premiers fidèles, et alors les pères de l'Eglise occupaient les sièges épiscopaux.
Il est vrai que les revenus des évêques sont réduits, que les chanoines, les abbés comman-dataires, les gros bénéficiera sont supprimés.
Il est vrai que les dîmes, ces prémices de vos champs, les dîmes dont la suppression est le plus grand bienfait pour les campagnes, ne feront plus la richesse d'un prêtre oisif.
Mais vos curés et vos vicaires auront un traitement digne de leurs fonctions sacrées, et les prêtres qui travaillent seront récompensés par la nation.
Mais vos églises, mais les frais du culte ne seront plus laissés à l'avarice d'un décimateur et l'Etat y pourvoira avec majesté.
On a réduit ou augmenté, selon l'intérêt public, l'étendue des diocèses, afin qu'il n'arrive plus qu'un évêque soit chargé de 700 paroisses et qu'un autre n'en administre que 20.
On veut proportionner les paroisses entre elles, afin que chaque curé puisse remplir convenablement ses fonctions; on ne permettra plus qu'un seul homme fasse le service de deux prêtres et l'on vous donnera tous les pasteurs nécessaires à vos besoins.
Citoyens, ce ne sont là que des opérations temporelles; il n'est aucun de vous qui ne puisse eu juger d'après le bon sens et d'après l'évangile. La foi n'y est point intéressée ; elle n'en sera que plus respectable, le culte ne sera que mieux ordonné.
Ceux qui vous disent le contraire, veulent alarmer la simplicité de vos consciences; ou, s'ils sont de bonne foi, ils s'égarent étrangement.
Et vous, prêtres vénérables I qui êtes soumis à la loi parce que vous savez être bons chrétiens et bons Français, vous qui n'avez pas regretté les dîmes et que l'ambition ne fait pas agir, recevez ici les témoignages de la reconnaissance publique.
Et vous, qu'arrête encore une piété trompée I si vous aimez vraiment la religion, pratiquez ce précepte d'un saint évêque, cette maxime de saint Augustin : « Pourvu que le culte du vrai Dieu ne soit pas empêché, la religion observe toutes les lois qui peuvent contribuer à acquérir ou à posséder la paix de la terre. »
La présente proclamation sera lue, publiée et
affichée dans tout le ressort, à la diligence du procureur général, des procureurs syndics et des procureurs des communes.
Et, en Outre, le directoire déclare que les ecclésiastiques, fonctionnaires publics, qui n'auront pas prêté le serment civique dans les délais prescrits, doivent continuer le service divin, à peine d'en être responsables, jusqu'à ce qu'il ait été pourvu à leur remplacement en la forme de droit.
Donné à Nîmes, le 15 janvier 1791.
Signé : P. Vigter, président du directoire, Bara-gnon, Le Cointe, /. Julien, Treljs, P. David, Bois-tidre, Rigal, secrétaire général..
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures 1/2 du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
fait part à l'Assemblée de deux lettres de M. de Fieurieu, ministre de la marine.
L'objet de la première est une demande faite par MM. Deshayes, lieutenant général des armées navalês; d'Apchon et Castelietj chefs d'escadre, absents du royaume, pour raison de santé, de conserver leurs appointements.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité des pensions.)
La seconde est relative aux sommes nécessaires
Eour le service du port de Cherbourg. (L'Assem-
lée en ordonne le renvoi, ainsi que de l'état y annexé, au comité de marine.)
annonce qu'il a reçu la prestation de serment de M. Pierre Pauly, consul de la nation française dans la Norvège.
Il est donné lecture d'une pétition de la section de Mauconseil, qui a pour but d'astreindre au serment des ecclésiastiques fonctionnaires publics, tous les préposés à l'éducation gratuite. (Cette pétition est renvoyée au comité de Constitution.)
M. Protot fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage sur l'établissement de maisons de secours.
, au nom du comité des finances, présente un projet de décret concernant le remboursement des dépenses faites par le cfétache-chement de la garde nationale de Lyon, qui a accompagné jusqu'à Paris MM. Guillin, Terrasse et Descart.
Le décret est rendu dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances sur l'état présenté par le détachement de la garde nationale, qui a conduit des prisons de Lyon eu celles de l'abbaye Saint-Germain à Paris, les eieurs Guillin, Terrasse et Descart ; ledit état vérifié et approuvé par le comité des recherches, décrète qu'il sera payé audit détachement la somme de 4,720 1. 8 s., formant le montant dudit état. »
propose un décret relatif à l'établissement des foires et marchés demandés par la paroisse de Montoire, district de Guérande, département de la Loire-Inférieure. (L'Assemblée en ordonne le renvoi, au comité de Constitution.)
, au nom du comité de l'emplacement des tribunaux et corps administratifs, présente un projet de décret pour le placement du district et du tribunal de Corbeil. Ce décret est adopté comme suit : « L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement des tribunaux et corps administratifs, autorise le district de Corbeil à acquérir, aux frais des administrés, la maison du prieuré de Saint-Guenault et se3 dépendances, pour y former son établissement, ainsi que celui du tribunal, en observant les formes prescrites par les décrets rendus pour l'aliénation des domaines nationaux ; l'autorise également à faire procéder aux arrangements intérieurs et réparations strictement nécessaires à Cet établissement, à la charge d'adjudication au rabais, poUr le montant de la même adjudication être légalement supporté par les administrés. »
, au nom du comité d'aliénation, propose la vente de biens nationaux à diverses municipalités. Le décret suivant est rendu : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumission^ faites par les municipalités de Dôle, Nantua, Gourgeon, Anchenoncourt, Polaincourt, Preigney, Charmes-Sain t-Valbert, Francour etLure, en exécution des délibérations prises par le conseil général de leur commune pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont les états sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations et estimations faites desdits biens, en conformité, de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier:
« Déclare vendre lesdits biens auxdites municipalités, aux charges, clauses et conditions portées par le décret dU l'4 mai 1790, et pour le prix de 1,750,3191. 8s. 9d.; Savoir: à la municipalité de Dôle, département
du Jura, pour........... 1,149,113 1. s. d.
A la municipalité de NantUa, département de
l'Ain.................................212,633 9 9
A la municipalité de Gourgeon, département de
la Haute-Saône:........ 20,917 12 »
A celle d'Anchenoncourt 10,869 A celle de Polaincourt.. 126,659. 18 A Celle de Preigney, département de la flaute-
Saône.................. 37,410 9 9
A celle de Charmes-
Saint-Yalbert........... 13,759 »* »
A celle de Francour.... 27,380 » ». A celle de LUre.12,986 3 »
« Le toiït payable de. la manière' déterminée par le même décret, et suivant les décïets particuliers qui sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
, au nom du Comité de Constitution, fait le'rapport dés pétitions dès COrps Administratifs des départements du Var, de TArdèche, des
Bouches-du-Rhône, du Bas-Rhin, du Jura, dé la Loire-Inférieure et de la Côte-d'Or.
L'Assemblée rend le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des administrations des départements du Var, de l'Ardèche, des Bouches-du-Rhône, du Bas-Rhin, du Jura, de la Loire-Inférieure et de la Côte-d'Or, décrète ce qui suit:
Il sera nommé 4 juges de paix dans la ville de Toulon.
« Il y aura un juge de paix particulier pour la ville de Saignes, et tout ce qui dépend de sa municipalité.
« Des 3 juges de paix accordés à la Ville d'Arles, celui à l'élection duquel les habitants du quartier de la Craun auront concouru, sera juge de paix de ce quartier, et il y fera sa résidence.
« Les limites des juridictions de chacun d'eux seront déterminées par les administrations de leurs départements respectifs.
« Le tribunal du district de Strasbourg, établi dans cette ville, sera composé de 6 juges, conformément aux articles 2 et 3 du titre 4 du décret du 16 août dernier, sur l'organisation judiciaire.
« La ci-devant abbaye de Rosières est distraite du district de Poligny, et fera partie de celui d'Arbois.
« Les paroisses formant le canton de Pazannes sont distraites du district de Paimbœuf, et seront unies à celui de Machecoul.
« Il sera établi des tribunaux de commerce dans les villes d'Auxonne et de Saulieu.
« Les juridictions consulaires, actuellement existantes dans ces villes, resteront en activité jusqu'à l'élection et l'installation des nouveaux juges, qui seront faites dans la forme établie par les lois, sur l'organisation de l'ordre judiciaire. »
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les droits de traites (1),
, rapporteur. Messieurs, nous nous sommes arrêtés hier à l'article : mouchoirs.
Le comité propose de fixer le droit à 100 livres.
Toute augmentation sur cet article équivaudrait à une prohibition absolue.
M. Nairac a prétendu jusqu'ici que toutes les augmentations proposées sur le tarif des comités équivaudraient à des prohibitions ; je m'élève contre cette assertion.
Il n'y aurait pas grand mal si l'Assemblée prenait le parti d'interdire l'entrée et l'usage de la plupart des marchandises des Indes ; ce serait un vrai moyen d'encourager les manufactures de France, objet plus digne d'attention que l'intérêt de quelques commerçants. Tout le monde connaît la beauté et la qualité des mouchoirs du Béarn ; mais tout le monde ne sait pas que ce commerce, s'il était encouragé, deviendrait infiniment plus considérable.
Je demande que le droit sur les mouchoirs Soit fixé au double ae celui proposé par le comité.
(L'Assemblée adopte fa motion et décrète que les mouchoirs payeront un droit de 200 livres.)
, rapporteur. Messieurs, nous passons maintenant à l'article :
Bonneterie, draperie et passementerie.
Si ces bases sont convenables, il suffirait que l'Assemblée les approuvât.
Pourquoi favoriser les marchandises anglaises, en fixant le droit à 12 0/0, et le porter à 20 sur les merceries ? Je demande un droit uniforme pour tous ces articles.
Il faudrait porter le droit de 10 à 15 0/0 au lieu de 8 à 12 0/0,
G'est moi qui ai porté le droit sur les draperies au taux où il est. J'ai fait part de mes idées aux députés extraordinaires du commerce de France qui les ont unanimement approuvées ; ils ont trouvé que j'avais combiné ce qu'il convenait de faire pour la protection et l'éducation des troupeaux et la faveur de nos manufactures, sans compromettre les intérêts des consommateurs.
J'ai établi le droit sur les draperies fines à 300 livres et sur les basses à 10 livres par quintal, ce qui fait environ 12 0/0.
En qualité de cultivateur, J'ai une réflexion à faire. Dans la majeure partie de la France, le droit de parcours n'a pas lieu comme dans la Brie, où chaque particulier peut avoir un troupeau et le faire conduire par son berger; ; vous êtes les maîtres de vendre vos fermes à telles où telles conditions.
Il est très intéressant qu'on fasse un règlement là-dessus, pour que chaque particulier qui aura une4ferme puisse avoir un troupeau à part. C'est par ce moyen que vous pourrez avoir des troupeaux considérables en France et que voj^s pourrez avoir de bonnes laines.
, rapporteur. Le comité du commerce s'en occupe.
' (Les propositions du comité sont adoptées.)
, rapporteur. Nous passons aux Cuirs ouvrés et apprêtés.
Ces articles, dont les fabriques méritent la plus grande protection, sont imposés dans la proportion de 15 0/0 de la valeur réduite au poids.
(Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article suivant :
v Mercerie et quincaillerie.
« Mercerie commune de toutes sortes, le quintal, 20 livrés.
« Mercerie fine et ouvrages d'acier fin, à l'estimation de 15 0/0 de la valeur.
« Bijouterie de toutes sortes, 12 0/0 de la valeur, indépendamment de ce qui sera statué sur le droit de marque d'or et d'argent. >
Je suis loin de m'opposer au tarif proposé; il;y a un seul objet qui demandé exception, les limes. Nos manufactures ne peuvent pas nous en fournir d'une qualité comparable à celles d'Angleterre en fin, ni d'Allemagne en commun.
On y a eu égard, puisque ces outils venant; de l'étranger payaient 30 0/0 et qu'on réduit ce droit à 12 0/0.
Il faut accorder une prime à nos manufactures pour les encourager et remettre le droit sur l'ancien pied.
Les faux et les faucilles font la partie principale de ce commerce. Jusqu'à présent on s'est servi de faux d'Allemagae qu'on a tou-
I'ours crues meilleures; il vient de s'établir en )auphiné une manufacture de faux et autres outils tranchants, doDt l'Académie des sciences a reconnu la bonté; mais le chef de cette manufacture n'a plus donné d'essor à son établissement à cause de la concurrence des faux d'Allemagne.
Pour parer à cet inconvénient, il faut laisser subsister le droit comme auparavant.
Je pense que les outils qui peuvent servir à votre main-d'œuvre, tous ces outils eniin qui peuvent faire prospérer votre commerce, devraient être imposés comme on vous le propose, jusqu'à la nouvelle législature ; et j'entends bien ce qu'a dit le préopinant relativement aux faux, aux outils aratoires, dans lesquels la France peut avoir une grande concurrence.
Ainsi j'admettrais son amendement sous ce point de vue qu'il est nécessaire que le comité présente à l'Assemblée un essai de rédaction, clans lequel ces intentions soient remplies ; car vous ne pourrez jamais parvenir à la perfection de l'industrie anglaise, si vous n'avez pas les outils anglais.
Réfléchissez sur deux causes. La première, que, bien que ces droits soient modérés, ils n'ont pu être payés par des provinces qui ne payaient aucun droit sur ces objets. La seconde, c est que ces outils seront employés par la classe la plus pauvre : ce serait donc, en encourageant vos manufactures par une extension de droit, faire payer les droits par la classe indigente.
Je suis donc d'avis d'adopter le projet du comité.
(L'article du comité est adopté.)
, rapporteur. Messieurs, nous arrivons maintenant aux tarifs des droits qui seront pergus sur les marchandises provenant du commerce français au delà du cap de Bonne-Espé-rance.
Je vais donner lecture des différents articles :
Art.1er
« Cotons en laine et en graines, bourre de soie, noix de galle, bois de teinture et de marqueterie, étain de Malack, tonténague, cauris, perles fines, rotins, dents d'éléphants, écaille, nacre brut ou coquilles de nacres : exempts de droit.
« Soie écrue de Nankin et soie de Bengale, la livre 5 sols.
Soie à coudre, crue, la livre, 10 sois.
« Soie dite teinte, la livre, 1 liv. 10 sols.
« Coton filé, la livre, 12 sols.
« Le salpêtre ne sera admis qu'à la charge d'être vendu à la régie des poudres ou du renvoi
à l'étranger. Dans ces deux cas, il sera exempt des droits. » {Adopté.)
Art. 2.
Drogueries.
« Aloès, ambre gris, anis étoilé, assa fœtida, benjoin, borax, cachou, camphre, encens, es-quine, galbanum, gomme arabique, gomme ammoniaque, gomme copale, gomme Jaque, noix vomique, rhubarbe, rose de Provins, sagou et tamarin : la moitié des droits d'entrée du tarif général. » (Adopté.)
Art. 3.
Epiceries.
« Poivre, le quintal, 5 livres.
« Thé, idem, 5 livres.
« Canelle de Cbine, idem, 9 livres.
« Cassia lignea, ou fausse canelle, idem, 5 livres.
« Girofle et muscade, le tiers des droits du tarif général.
« Café moka, le quintal, 20 livres.
« Sucre candi, idem, 20 livres. » (Adopté.)
Art. 4.
Marchandises diverses.
« Joncs ou cannes non montées, bambous, filières de nacre, encre de Cbine, cabarets> écrans, plateaux, éventails, et autres ouvrages vernis, le quintal, 20 livres.
« Porcelaine de couleur et dorée, idem, 25 livres.
« Porcelaine bleue et blanche, idem, 9 livres. (Adopté.) »
Art. 5.
Marchandises blanches.
« Toiles de coton unies, le quintal, 37 1. 10 s.
« Bazins, linge de table et de lit, idem, 50 livres.
« Mouchoirs de coton rayés ou à carreaux, et mouchoirs blancs, bordure de couleur, le quintal, 200 livres.
« Toiles peintes de l'Inde, le quintal, 135 livres.
« Toiles de Nankin, la pièce de 4 à 5 aunes, 10 sols.
« Celles d'un aunage supérieur, comme toiles de coton unies, le quintal, 37 liv. 10 sols.
« Toiles rayées et à carreaux, et guinées bleues, le quintal, 75 livres.
« Mousseline rayée ou quadrillée, le quintal, 150 livres.
« Mousseline brodée, idem, 200 livres.
« Etoffes de pure soie ou dans lesquelles il entre de la soie, ou étoffes d'écorces d'arbres, seront prohibées, même à l'importation. (Adopté.) »
Art. 6.
« Denrées des lies de France et de Bourbon,
accompagnées des certificats d'origine, donnés par les administrateurs desdites colonies.
« Le sucre brut payera comme le sucre de Cayenne.
« Le café, comme le café de la Martinique.
« Indigo, canelle, girofle et muscade, comme ceux des autres colonies françaises. » (Adopté.)
Art. 7.
« Marchandises non dénommées dans le présent tarif acquitteront les droits portés par le tarif général. » (Adopté.)
Art. 8.
Marchandises réexportées.
« Coton en laine et en graine payeront les droits de sortie du tarif général.
« Toiles de coton, mousselines, - mouchoirs, toiles rayées et à carreaux, et guinées bleues, jouiront de l'entrepôt à Lorient et à Toulon, et à la réexportation, par mer seulement, de la restitution de la moitié des droits qu'ils auront acquittés lors de la vente. » ^Adopté.)
Art. 9.
Marchandises déclarées pour le commerce d'Afrique.
« Toiles rayées et à carreaux, et guinées bleues, exemptes de droits.
« Toiles de coton unies, destinées à l'impression, pour être employées au même commerce, jouiront de la restitution du droit de 37 liv. 10 s., après qu'il aura été justifié qu'elles auront été imprimées en Franck, réintégrées en entrepôt, et embarquées pour la côte d'Afrique. »
« Le droit sur le coton filé, teint ou non teint, fixé dans, le tarif général à 30 sols, sera porté à 45 sols la livre. » (Adopté.)
, rapporteur. Nous passons maintenant aux droits de sortie.
demande que toutés les marchandises provenant de France soient exemptes de tout droit à leur sortie du royaume.
appuient cette motion.
Plusieurs membres demandent la question préalable.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.)
, rapporteur, donne lecture des articles proposés par le comité :
« Matières premières.
« Coton en laine, le quintal, 12 livres. » (Adopté.)
« Laines brutes, lavées et non filées, 45 livres. »
demande que ce droit soit fixé à 30 livres, dans l'intérêt de l'agriculture.
appuient cette opinion.
demandent l'avis du comité, en disant qu'il y a un intérêt réel pour le rétablissement des manufactures.
demande la question préalable sur les amendements et l'adoption de l'article du comité.
(de Saint-Jean-d'Angély), demande l'ajournement et l'adjonction de quelques membres nouveaux et agriculteurs au comité. (L'ajournement, mis aux voix, est rejeté.)
, rapporteur, annonce que le comité propose définitivement de fixer le droit à 37 livres 10 sols. ,
(La priorité est accordée à la proposition du comité, qui est mise aux voix et adoptée.)
(La suite de la discussion est renvoyée à demain.)
, secrétaire, donne lecture des trois lettres suivantes :
La première est de M. Biron; il y fait connaître que l'ordre le plus grand, la discipline la plus exacte, régnent dans le régiment de Lauzun, dont il est chef, et que la Constitution n'a point de plus dévoués défenseurs.
La deuxième émane des membres du conseil de la ville d'Alençon ; ils informent l'Assemblée que tous les curés de la ville d'Alençon, la grande majorité des ecclésiastiques fonctionnaires publics et quelques ecclésiastiques non fonctionnaires ont prêté le serment prescrit par le décret du 26 novembre.
La troisième est signée des officiers municipaux de Riom; ils annoncent que tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics ont prêté le serment.
Je suis chargé aussi, Monsieur le Président, d'annoncer à l'Assemblée que dans la ville d'Evreux sept curés sur neuf ont prêté le serment. L'un de ceux qui ne l'a pas prête semble regretter de ne s'être pas réuni à ses confrères. La plus grande partie des vicaires ont aussi prêté le serment, ainsi que tous-les régents et prêtres du collège, un seul,excepté.
La majeure partie d'entre eux a prononcé des discours qui respirent le plus pur amour de l'ordre et de la patrie; la commune même en a ordonné l'impression, et je suis chargé d'en remettre un exemplaire sur le bureau.
L'ordre du jour est un rapport du comité ecclésiastique sur les moyens à prendre pour -parvenir à un prompt remplacement des ecclésiastiques fonctionnaires publics qui n'ont pas prêté le serment.
, rapporteur. Un honorable membre, dans cette tribune, vous a demandé hier, que vous ordonnassiez à votre comité ecclésiastique de vous présenter un projet de loi pour la prompte exécution du décret qui assujettit au remplacement lés ecclésia-tiques fonctionnaires publics qui refusent d'obéir a la loi. Il vous a proposé particulièrement de vous occuper de faire procéder au remplacement des évêques du royaume qui sont réfractaires à la loi.
Votre comité, Messieurs, s'occupait de cette mesure. Il a pressenti d'avance combien elle était nécessaire, et les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons nous font une loi de prendre les mesures les plus efficaces, les plus fermes et les plus énergiques.
Un membre à droite : Bravo 1
, rapporteur. Il ne faut pas croire, Messieurs, que, malgré les manœuvres des ennemis du bien public, le nombre de ceux qui s'opposent à la loi soit aussi grand qu'on le (fit. Au nom du comité, je suis chargé de vous faire le rapport de ce qui est arrivé à Orléans. C'est une mission bien satisfaisante pour moi. Sans
Eréambule, je vais vous dire ce qui s'y est passé.
es faits sont puisés dans une lettre en date du 24 de ce mois, écrite par les officiers municipaux à M. Salomon, membre de celte Assemblée. On lui écrit :
« C'est avec un vrai plaisir que nous vous informons de la prestation du serment par les évêque, curés et autres ecclésiastiques..... (Murmures à droite, tumulte.)
Un membre : Il n'y a pas plusieurs évêques.
rapporteur. « ... par les évêque au singulier,.les curés au pluriel: (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
«... et les fonctionnaires publics de notre ville. Ce dimanche 23 janvier 1791, le conseil général de la commune s'est divisé eh plusieurs sections pour recevoir le serment. M. de Jarente* évêque du département du Loiret, ci-deVant d'Orléans, s'est rendu, accompagné d'un clergé nombreux, dans l'église cathédrale oh il a prêté le serment prescrit. Cet exemple, d'un patriotisme éclairé et de soumission aux lois, a été suivi par ses vicaires choisis, en grande partie, parmi les curés des paroisses réunies à la cathédrale et par plusieurs autres. Les curés de Saint-Marc, de Saint-Paul, de Saint-Laurent, de Saint-Paterne, leurs vicaires en grande partie, lè desservant de Saint-Pierre-le-Guillier se sont empressés; en prêtant le serment, de marcher sur les traces du vertueux prélat de ce diocèse. (Murmures à droite.) Le nombre des ecclésiastiques qui ont prêté le serment est de 44. Tout s'est passé avec beaucoup d'ordre et la plus grande tranquillité; Nous espérons que cette nouvelle vous sera agréable, et que vous vdUdréz bien y donner toute la publicité possible.
« Nous sommes, etc... »
D'après ce que je viens de lire et ce que vous avez entendu d'ailleurs, vous voyez qUe ceux qui sont réfractaires à la loi, ne sont pas si nombreux qu'on le pense. (Murmures à, droite.) Cependant il est du devoir de r Assemblée de S'oc-cuper sans relâche de la loi* surtout dans les départements où on oppose le plus de résistance. Je vais vous en citer un trait en vous mettant sous les yeux ce qui s'est passé hier dans, la capitale;
. Avant l'instruction du 21 de: ce mois^ sous le prétexte que le décret du 27 était trop rigoureux contre ceux qui refusaient.de prêter le serment, les grands vicaires de l'évêque s'étaient retirés. Depuis l'instruction,ils ont repris leurs fonctions. Voici ce qu'ils ont fait avant-hier : Pour obtenir des dispenses de publication de deux bans, quatre familles se sont présentées à neuf heures du matin. Ouoiqu'on leur eût fixé cette heures ils I
trouvent lé secrétariat fermé, personne ne se présente de toute là jourhëe. Le peuple, instruit de cela, murmure et s'assemble. Des pasteurs vénérables des paroisses, réunis à la cathédrale, ont couru quelques dangers parce que le peuple, induit en erreur, pensait que ces curés avaient le droit de délivrer les dispenses. Peut-être même cette idée avait été insinuée exprès parmi le peuple. Les curés, pour se tirer d'embarras, ont été obligés de venir aii comité ecclésiastique, avec vingt-cinq individus composant les quatre familles. Ces pasteurs vénérables nous ont de* mandé Un moyen de faire cesser le tumulte, en satisfaisant le peuple et en l'éclairant. Vous jugez de l'embarras de votre comité ; il ne pouvait vous consulter, le cas était pressant. Voici la résolution qu'il a prise : U a pensé qu'il était une mesure juste, commandée par la nécessité, d'ailleurs autorisée par lés lois dans certains cas. Il a répondu aux curés et aux familles, qu'après une première publication dé bans, l'on pouvait se dispenser des deux autres, parce que la publication n'est pas un moyen d'annuler un mariage, surtout lorsqu'on est dans le cas de le réhabiliter si l'on Veut ou si l'ort peut. (Murmures à droite.) Votre comité a donc conseillé de passer outre à la célébration du mariage, et il s'y est cru autorisé parce qu'il y a ici une résistance visible de la part des grands vicaires, et qu'elle était l'occasion d'un grand tumulte.
curé de Sergy. M. le rapporteur se trompe sur les faits : il y avait sept familles et non pas quatre. 11 oublie surtout un fait très intéressant et cette omission dénature totalement les faits; il oublie de-dire que M. de Plorac, Un des vicaires généraux, avait, promis verbalement aux sept personnes qui Se Sont présentées pour la dispense des bancs, de la leur -accorder. Ce fait est attesté par des burés qui étaient présents, et qui eh but rendu conipte au Comité. Le rendez-vous était; bomme on l'a dit, indiqué pour neuf heures ; personne rie s'est trouve au secrétariat. Votre cotùité ëfcclésiastique a pensé que les vicaires généraux n'ayant pas troiiVé d'opposition légitimé à l'expédition des dispenses, elles étaieut censées avoir été accordées. (Murmures à droite.) Le comité n'a rièn plononcé, il à donné son avis à deux curés de la cité qui sont venus le consulter. Il a dit que lés parents ayant la preuve par témoins de la promesse faite par les vicaires généraux, ils devaient faire lèur sommation au secrétariat, à l'effet de constater le refus, et d'appeler comme d'abus s'il y avait lieu. (La partie gauche applaudit.)
Voici comment les Choses se sont passées. M. de Florac n'est point arrivé à neuf heures, parce qu'il y a eu une affaire qui l'a retardé d'un quart d'heure. 11 n'y a qu'à envoyer quelqu'un pour savoir la vérité.
Plusieurs voix : L'ordrè dli j'OUrî
, rapporteur. Je suis fort aise que M. le curé de Sergy Vous ait reridu compte... (Murmures et interruptions.)
J'observe que M. le rapporteur n'est pas dans l'ordre du jour; qu'il passe au projet de décret 1
Il y auràit tlh alitrë décret à proposer avant celui-là. (Interruptions.)
Plusieurs voix: L'ordre du jour!
J'appelle comme d'abus du refus qu'on me fait de m'accorder la parole.
, rapporteur. J'étais chargé expressément de vous rendre compte de ces faits; vous les connaissez maintenant. Je vais vous donner lecture dii projet de décret :
« Art. 1er. Après l'expiration du délai accordé par le décret du 18
décembre dernier, sanctionné le 22, il sera procédé au remplacement des
fonctionnaires publics ecclésiastiques qui ne seront pas présents et
résidants dans ie royaume, et qui n'auront pas prêté leur serment
civique. Quant aux autres ecclésiastiques fonctionnaires publics qui
n'auront pas prêté le serment prescrit par le décret du 27 novembre,
sanctionné le 26 du mois de décembre, il sera procédé à leur
remplacement, après l'expiration des délais portés par ce dernier
décret.
Art. 2. Dans les départements où il y aura lieu de remplacer des fonctionnaires publics ecclésiastiques, soit par mort, démission, ou pour cause d'absence, de non-résidence dans le royaume, ou de non-prestation de serment, il sera d'abord, de préférence à toutes opérations, même commencées, procédé au choix de l'évêque; ensuite, après la confection de cette élection et des autres opérations, les électeurs de chaque district se retireront dans leurs chefs-lieux pour l'élection des curés.
« Art. 3. Dans les départements où il ne sera besoin que de nommer des curés, les électeurs de district seront convoqués aussitôt après l'expiration des délais.
« Art. 4. Aussitôt que lé jour indiqué pour la première assemblée des électeurs sera arrivé, ceux de3 fonctionnaires publics ecclésiastiques qui n'auront pas prêté leur serment, ne seront plus admis à le faire; et lorsque lé procureur général syndic du département, ou le procureur syndic du district leur aura fait notifier le jour où leurs successeurs entreront en fonctions, ils ne pourront plus en remplir aucune.
« Art. 5. Les évêques qui ont été éius jusqu'à ce jour, et ceux qui le seront dans le courant de l'année 1791, ne Seront pas ténus de se présenter pour obtenir la confirmation canonique, au métropolitain, ni aUx évêques des arrondissements qui n'auraient pas prêté le serment prescrit par le décret du 27 novembre; et dans le cas où il n'y aurait dans l'arrondissement aucun évêque qui eût prêté le serment prescrit, ils se pourvoiront par-devant le directoire de département, pour leur être indiqué l'un des évêques de France qui aura prêté le serment; lequel pourra procéder à la confirmation canonique, sans être astreint à demander la permission a l'évêque du département. »
Une prévoyance inutile est le plus funeste présent que la nature ait fait aux hommes : je n'ai jamais senti cette vérité d'une manière plus cruelle, que quand je suis monté à cette tribune; car il m'est impossible de .penser qu'on accueille l'opinion qùe je vais vous présenter, et de me dissimuler les malheurs qui nous menacent, si vous adoptez le projet qui vous est présenté par votre comité. (Murmures.)
L'Assemblée nationale a cru devoir donner au clergé de France une Constitution appropriée au nouvel ordre de choses qu'elle a établi; mais il n'est pas dans son pouvoir, il n'a pas été dans
son intention d'attenter à l'autorité spirituelle de l'Eglise, de prétendre sur elle Une suprématie civile, que l'Eglise, a réprouvée dans tous les temps; l'Assemblée n'avait pas ce droit, elle l'a reconnu par un grand nombre de décrets, par le titre même de la constitution civile du clergé. L'Assemblée nationale et l'Eglise de France sont d'accord sur les principes, et ne diffèrent plus que sur un point de fait. L'Assemblée a-t elle ou non attenté à l'autorité spirituelle? (Murmures.)
Plusieurs voix : A l'ordre! à l'ordre 1
Monsieur, votre discussion ne doit porter que sur le projet de décret soumis à la délibération.
Je n'entreprendrai pas de traiter cette question. Les murmures que je viens d'entendre m'annoncent assez que l'Assemblée ne le souffrirait point; d'ailleurs, ma science théologique se borne à savoir qu'en matière de dogme, nous devons nous soumettre à ceux qui ont reçu leur mission et leur autorité de l'Eglise et de Dieu même. (Rires à gauche.)
Si ..l'on recommence les débats sur la discipline extérieure ou la discipline intérieure, il faudra répondre, et vous renouvellerez ainsi des contestations inutiles sur une chose reconnue et jugée. Je demande qu'on se borne à discuter le projet de décret, article par article.
Je n'entrerai pas dans là discussion que l'Assemblée paraît redouter. Je répète que ma science théologique se borne à savoir que nous devons soumission à ceux qui ont reçu de Dieu leur mission et leur autorité. Les évêques de l'Assemblée nationale ont pensé qu'il y avait dans vos décrets des Objets qUi'pôrtaient atteinte à l'autorité de l'Eglise. Presque tous les évêques de France ont adhéré à cette doctrine, et la grande majorité du clergé du second ordre a suivi l'exemple que lui ont donné ses guides et ses chefs. (Murmures prolongés.)
Je demande que M. de Cazalès soit rappelé à l'ordre.
Quand il s'agit de prendre un parti, il est bon de connaître l'état dans lequel on se trouve. Peut-être est-cé l'impatience de l'Assemblée qui l'a souvent empêchée de prendre le parti convenable, faute de s'être tracé à elle-même sa position. (Murmures.)
Il y a un projet soumis à la délibération; vous devez le discuter.
Il faut bien, Monsieur le Président, faire connaître sa pensée pour discuter une question.
Quelque imposante que soit l'autorité de l'Eglise de France, je sais qu'elle n'est pas infaillible, qu'il n'est pas impossible qu'elle se trompe. Si cependant le chef de l'Eglise universelle, le Pape avait adhéré à cette doctrine.... (Murmures.)
Plusieurs voix : A l'ordre! à l'ordre!
Ce n'est pas là la question ; il s'agit de savoir de quelle manière on
agira pour remplacer les évêques refusant de prêter le serinent.
Si on ne combat pas le projet de décret, il faut le mettre aux voix.
Et vous, il faut vous rappeler à l'ordre; il n'est pas permis d'interrompre un opinant.
Pour terminer tous ces murmures, toutes ces interruptions, je déclare que mon avis particulier est que l'Assemblée nationale ne doit pas précipiter l'exécution du décret du 27 novembre; et c'est pour motiver mes conclusions, que je demande à l'Assemblée nationale la permission de tracer la position où elle se trouve. Si ie chef de l'Eglise universelle adhérait, comme tout le fait présumer, à la doctrine des évêques de France, il est certain que cette adhésion fortifierait celle des évêques représentant provisoirement l'autorité de l'Eglise universelle. Il est de principe, et c'est sur ce principe que repose l'édifice entier de l'Eglise catholique, que quand l'Eglise universelle a parlé, il n'est plus permis.....(Murmures.)
Plusieurs voix : A l'ordre! à l'ordre 1
Il est incroyable qu'on ne puisse pas se faire entendre.
Je vous prie, Monsieur, de rentrer dans ia question.
Je suis complètement dans la question et certainement dans l'ordre du jour ; mon habitude n'est point de divaguer.
Il est de principe incontestable, dans l'Eglise catholique, et c'est sur ce point que repose 1 édifice entier de la religion, que quand l'Eglise universelle.... (Murmures.)
Ce n'est pas là l'ordre du jour.
J'observe à M. le Président que , si un membre du côté droit interrompait un opinant, on demanderait qu'il fût envoyé à l'Abbaye ; c'est une tyrannie affreuse du côté gauche.
C'est un principe sur lequel repose l'édifice entier de l'Eglise, que quand l'Eglise universelle a parlé, le doute n'est plus permis à tout homme qui fait profession de suivre la foi catholique ; et c'est cette soumission qui caractérise la religion catholique, et qui la sépare des sectes protestantes distinguées par de monstrueuses opinions, variant au gré des intérêts et dirs passions de ceux qui les professent. (Htm à gauche.)
Vous voyez bien, Monsieur le Président. qu'on veut nous faire perdre notre temps!
C'est à ce principe, c'est à cette soumission absolue aux décisions de l'Eglise que la religion catholique doit cet ensemble, caractère distinctif d'une autorité bien ordonnée ; cette unité de foi, caractère distinctif de la vérité.
Or, si le pape, si le chef visible de l'Eglise, adhère à la doctrine d s évêques de France, l'Assemblée nationale n'aura que deux partis à
prendre : celui de renoncer à la foi catholique ou de se soumettre à la décision de l'Eglise, et ceci pour que l'Assemblée nationale..... (Murmures.)
C'est un fait exprès que cela.
Nous demandons que monsieur se mette dans l'ordre de la question ou nous ne l'entendons pas davantage. Il est question du mode d'exécution d'une loi; nous ne voulons point un catéchisme ici.
Je demande à être entendu.
Vous prêchez la guerre civile, et c'est tout ; vous nè faites qu'appeler la discorde dans la France. C'est ainsi que les nations ont péri et que les religions sont déchues, et nous ne souffrirons pas que vous attaquiez la nôtre.
J'ai l'honneur de répéter pour la vingtième fois à l'Assemblée, et il est extraordinaire que son intelligence et son impartialité ne veuillent pas entendre.....(Murmures.)
Il n'est pas permis de souffler la discorde dans le royaume et votre langage n'est que celui-là.
Un membre : Nous respectons les dogmes de la foi, aussi bien que M. de Cazalès. Il ne s'agit ici que de l'exécution des décrets.'
Il s'agit d'un dogme.
Or, si le chef de l'Eglise ..... (Une grande partie de l Assemblée murmure.)
Toute cette résistance n'est que pour arracher un décret et tromper le peuple. (Murmures.) Si nos objections sont si aisées à combattre, qu'on écoute M. de Cazalès, qu'on lui réponde, et qu'on éclaire le peuple. (Quelques instants se passent dans une très grande agitation.)
(La partie gauche se lève et demande à aller aux voix.)
Mettez aux voix si l'Assemblée veut maintenir la liberté de la délibération.....
Messieurs, laissez-vous faire, ça ne sera pas long ; nous avons besoin d:; ce décret.
L'Assemblée nationale, qui a. entendu hier avec patience les diatribes de M. Barnave, ne peut-elle pas écouter M. de Cazalès?
Pour faire finir les interruptions que j'essuie, je vais parler une langue, sans doute moins désagréable à l'Assemblée nationale. Je vais examiner sa situation sous des rapports politiques. (Les murmures se renouvellent.)
Laissez rendre cè décret; nous en avons besoin ; encore deux ou trois comme cela, et tout sera fini; descendez de la tribune.
Monsieur le Président, je demande s'il est possible de parler sur un décret, sans se mettre d'abord 'dans la position où l'on est?...
La violence est constatée, descendez de la tribune.
(On met aux voix la question de savoir si la discussion sera fermée.)
prononce la négative.
, curé de Souppes. Monsieur le Président, faites une nouvelle épreuve.
Plusieurs voix à droite : Non ! non I il n'y a pas doute.
Un membre : Monsieur le Président, vous n'avez pas le droit de recommencer l'épreuve ; toutes les fois qu'il y a doute, la discussion doit continuer.
(La discussion continue.)
Je vais donc, pour me conformer aux ordres de l'Assemblée, considérer Ja question sous ses rapports purement politiques. l'Eglise est menacée d'une scission ; vous êtes certainement convaincus que, si l'universalité et une partie considérable du clergé du second ordre (Il s'elève des murmures.) et une portion considérable de curés, croyaient que les principes de la religion, qui se fortifiera par la persécution.....(Les murmures redoublent.)
Gomment est-il possible d'entendre cela?
(de Saint-Jean-dAngêly). Je demande la parole pour la faire interdire à M. de Cazalès. (Murmures prolongés.) Nous ne devons pas souffrir, qu'on prêche la guerre civile à la tribune ; M. de Cazalès la prêche.
Plusieurs voix : Oui I Oui I (Applaudissements.)
Ceux qui craignent la guerre civile vous en parlent, vous en menacent, pour vous empêcher de rendre les décrets qui peuvent la causer; ceux qui la désirent, ceux qui ont soif du saDg des Français, ne veulent pas qu'on vous effraye, mais ils vous précipitent dans des mesures qui la rendront inévitable.
(de Saint-Jean-d Angêly.) Je la crains et vous la prêchez. Je suis autant qu'un autre.....(Murmures à droite.)
Un membre : Vous n'avez pas la parole.
Je fais la motion que l'Assemblée décide que M. de Cazalès ne sera pas entendu.
(de Saint-Jean-d'Angély). M. de Biauzat ayant fait une motion... (Murmures.)
Une voix à droite : Vous n'avez pas la parole.
J'appuie la motion de M. de Biauzat ; que l'Assemblée m'ôte la parole ou qu'elle m'écoute.
(de Saint-Jean-d'Angêly). C'est sur quoi je veux parler. L'Assemblée nationale peut-
elle souffrir qu'un membre, soutenu de plusieurs autres, vienne à la tribune supposer des faits qui ne sont propres qu'à répandre de fausses terreurs I (On applaudit.) C'est un des moyens dont les ennemis de la chose publique se sont toujours servis pour exciter des troubles. (On applaudit.) Quand l'effet et le but des discours d'un orateur est d'effrayer pour égarer, l'Assemblée ne doit pas lui conserver la parole. Il ne s'agit que de mesures relatives à l'exécution de vos précédents décrets...
Mettez aux voix la motion de M. de Biauzat, Monsieur le Président.
Je demande à répondre à M. Regnaud.
(de Saint-Jean-d"Angêly). Vous parlez depuis une heure contre votre conscience.
Je demande à répondre un mot à M. Regnaud.
Le devoir du président est de rappeler à l'ordre l'opinant, quand il s'écarte de la question. J'ai cru que M. de Cazalès s'en écartait.
Sur quoi?
Je demande la parole pour répondre à M. Regnaud.
Si cela ne finit pas, je vais demander la parole ; on fermera tout de suite ia discussion et cela sera plus tôt fait... Vous n'osez pas seulement nous entendre.
(de Saint-Jean-d1 Angêly). Il ne s'agit que d'un projet de décret rektif à l'exécution de vos anciens décrets, et ce n'est que sur un mode d'exécution que la discussion s est ouverte ; mais on a voulu par une méthode, dont on a trop souvent usé, et dont vous avez gémi pour l'intérêt de la nation et pour celui de l'Assemblée nationale ; on a voulu, dis-je, vous ramener à une question si souvent décidée, à des principes si solennellement reconnus.M.de Cazalès, toujours rappelé à l'ordre, a toujours été fidèle à cette méthode dangereuse ; il n'aurait pas dù conserver la parole.
J'ai sans doute agi de bonne foi, en disant d'avance que mes conclusions étaient de suspendre l'exécution du décret du 27 novembre. Il a bien fallu motiver mon opinion, en traçant notre position actuelle. Si l'Assemblée ne veut pas qu'on l'éclairé, si elle craint d'être éclairée, à cause que le public l'entend (Murmures), certes c'est une bien mauvaise institution que d'avoir appelé le public à votre audience, sans cela personne ne s'élèverait contre moi. (Les murmures augmentent.) Quant à moi....
Quand l'Assemblée nationale a admis le public à ses séances, elle a cru devoir rendre le peuple présent à la discussion de ses grands intérêts ; mais jamais cette mesure n'a influé sur ses délibérations. (Une très grande partie de VAssemblée applaudit.)
M. le président a parfaitement répondu à ce que je n'ai pas dit. Je voudrais qu e
cette enceinte pût s'agrandir à ma volonté, et contenir la nation individuellement assemblée ; elle m'entendrait et me jugerait. Je demande donc que la parole me soit conservée ou que l'Assemblée me l'ôte par une délibération; et pour n'être pas interrompu, je déclare d'avance que mon opinion est qu'il faut suspendre l'exécution du décret : cela n'est-il pas clair?
Je demande qu'on entende toutes les déclamations de M. de Gazalès, car elles ne font que gagner des partisans à la Révolution.
Je dis qu'une scission se prépare ; je dis que quasi l'universalité des évêques de France et que les curés, en grande partie, croient que les principes de la religion leur défendent d'obéir à vos décrets ; que cette persuasion se fortifie par la contradiction, et que ces principes sont d'un ordre supérieur à vos lois; que quand, en chassant les évêques de leurs sièges, et les curés de leurs presbytères, pour vaincre cette résistance, vous ne l'aurez pas vaincue, et vous serez au premier pas de la carrière de persécution qui s'ouvre devant vous. Doutez-vous que les évêques chassés de leurs sièges n'excommunient ceux____ qui ont été mis
à leurs places?.... (Murmures.) Les clameurs ne sont pas des raisons.... Doutez-vous qu'une partie des lidèles ne demeure attachée à ses ancie is pasteurs et aux principes éternels de l'Eglise? Alors le schisme est introduit, les querelles de religion commencent; alors les peuples douteront de la validité des sacrements, ils craindront de voir fuir devant eux cette religion sublime, qui, saisissant l'homme dès le berceau, et le suivant jusqu'à la mort, lui offre des consolations touchantes dans toutes les circonstances de la vie ; alors les victimes de la Révolution se multiplieront, le royaume sera divisé.
Plusieurs voix delà gauche : Vous le voudriez.
Vous verriez les catholiques errants sur la surface de l'Empire, suivre dans les cavernes, dans les déserts leurs ministres persécutés, atin de recevoir d'eux des sacrements valides; alors, dans tout le royaume, les catholiques seront réduits à cet état de misère et de persécution dans lequel les protestants avaient été plongés par la révocation de l'édit de Nantes, de cet acte dont votre justice a été indignée, et dont votre humanité a gémi. (Murmures prolongés.) Jusqu'ici êtes-vous insensibles à la résistance passive d'un clergé fidèle? Mais si des factieux, prenant le masque de la religion, cherchaient à soulever les peuples, s'ils répandaient les brandons du fanatisme au milieu des hommes avides à les saisir, s'ils s'armaient de l'énergie que produit toujours l'alliance des choses religieuses, qui ne serait effrayé, qui ne condamnerait pas des législateurs cruels et impolitiques qui auraient produit tant de maux, pour le vain orgueil de ne pas revenir sur un de leurs décrets? Si vous êtes des législateurs sages et humains, si vous êtes les véritables pères du peuple, vous ne sacrifierez pas tant de victimes à votre fol orgueil ; alors la nation reconnaîtra des législateurs sages; alors elle sentira la sagesse du gouvernement de ses représentants... Et quand il serait démontré que l'Eglise de France se trompe, oseriez-vous balancer à retirer un décret que l'Eglise réprouve, et dont l'exécution doit amener tant de malheurs? Il est des lois qui, bonnes en elles-mêmes, peuvent être funestes par la circonstance où elles sont ren-
dues; si vos lois ne peuvent être exécutées sans violence, craignez des convulsions qui ensanglanteraient la France.
, rapporteur. Vous ne devez pas prêcher la désobéissance aux décrets.
Je dis à M. Chasset, que si je n'étais pas dans cette Assemblée, je prêcherais l'obéissance aux décrets; mais ici, je dois vous montrer les inconvénients des mesures que vous avez prises et de celles qu'on veut que vous préniez encore. Si vous vouliez sentir les malheurs incalculables que vous attireriez sur notre patrie, si vous vouliez montrer votre amour pour le peuple, vous temporiseriez, vous attendriez l'adhésion de l'Eglise de France... La question qui nous divise est une vile question de forme et d'orgueil. (La partie gauche applaudit à plusieurs reprises.) Pourquoi craindriez-vous de dire que vous vous êtes trompés, quand l'exécution de la Constitution civile suivra sans résistance? pourquoi refuseriez-vous de revenir sur un décret, quand vous voyez qu'un fol orgueil vous perd, et que l'Eglise de Fiance vous a montré l'erreur dans laquelle vous êtes tombés? Avouez une soumission digne de véritablescatholiques.quel'Eglisevousaécl lirés... L'Angleterre a reconnu le principe et suivi les conséquences; la France nie le principe et suit également les conséquences. Une telle conduite ne lait pas beaucoup d'honneur à sa bonne foi. Si donc vous aimez la paix, je demande que vous suspendiez l'exécution de votre décret; que vous priez le roi de prendre des formes canoniques, et que dans un préambule, vous appreniez au peuple que, c'est par amour pour lui que l'Assemblée est revenue sur son décret. (Murmures.) Aux murmures qui s'élèvent, je vois que je suis obligé de déclarer, en mon nom et en celui de mes collègues, que nous ne voulons prendre aucune part à cette délibération, que nous n'abandonnerons jamais et que nous reconnaîtrons toujours pour nos dignes pasteurs ceux que l'Eglise a reconnus.
Je n'ai pas demandé la parole pour lutter, soit de chaleur, soit de déclamation, soit d'éloquence (je parle dans tous les systèmes), pour lutter, dis-je, avec le préopinant; car quelque talent qu'il ait montré dans ses nombreux épisodes, ils sont inutiles, soit à la chose publique, soit à la tranquillité, au nom de laquelle il a parlé, on n'a pas espéré sans doute qu'en montrant un seul aspect de la question, on vous ferait revenir sur un décret. Assurément, ce n'est pas sous un seul aspect qu'il faut envisager la situation du royaume. Il serait aisé de prouver que l'affreux tableau, qu'on a pris plaisir à tracer, serait plutôt réalisé par une mesure rétrograde; car enfin, M. de Cazalès n'ignore pas que ses opinions ont aussi rarement la majorité dans la nation que dans l'Assemblée. (De nombreux applaudissements s'élèvent.)
Assemblez vos vrais commettants par bailliages, vous en jugerez.
J'ai entendu de la bouche d'un préopinant...
Je vais le répéter : Rassemblez vos vrais commettants par bailliages, et faites-les juges entre MM. Gazalès et Mirabeau.
Je vous demande pardon
de vous avoir induit en erreur; car je ne pensais pas à vous. (Les applaudissements se renouvellent.) Vous avez tous entendu une phrase que "je vais répéter, non pour en tirer des inductions défavorables, des conséquences désobligeantes; mais pour en faire le préambule du petit nombre d'observations que je dois vous communiquer. Un membre a dit tout à l'heure : Laissez rendre ce décret, nous en avons besoin. Ce mot est profond, peut-être aussi est-il indiscret; peut-être aussi l'indiscrétion est-elle dans le zèle
3ui, des deux parts, nous presse, et préside à nos ébats. Les uns nous présentent des pronostics, très sinistres, et peut-être prennent-ils leurs vœux pour leurs espérances... (Une très grande partie de VAssemblée applaudit q, plusieurs reprises.)
Je demandequeM.de Mirabeau ne juge pas de nos vœux ; mes vœux sont très purs (Rires à gauche)... Mes vœux sont très purs. (Murmures et rires), je le répète, et pas un de ceux qui m'interrompent ne me prouvera le contraire. Certainement c'est la tranquillité publique que je désire.
Je réponds à M. de Cazalès qu'il n'y a rien dans ma phrase qui lui soit personnel; et que s'il était question ici de caution individuelle et respective, je cautionnerais sa loyauté. J'ai dit que, dans ceux qui tirent des pronostics sinistres, il y avait erreur, à notre avis, imprudence ou maladresse au leur ; car ils nous ont donné de trop bruyants, de trop fréquents avertissements pour qu'ils aient quelque chose à se reprocher dans les malheurs qui nous menacent. Eh bienl qu'ils attendent leur sort aussi patiemment que nous attendons le nôtre. D'un autre côté, quand l'Assemblée souffre qu'on lui propose des mesures toujours confir-matives des premières, il semble qu'elle ne rend pas assez hommage à la fermeté, à la sagesse de la nation, et qu'elle oublie les témoignages de confiance qu'elle reçoit constamment de toutes les parties de l'Empire. Qu'avons-nous besoin de prendre de nouvelles mesures pour l'exécution des décrets, quand le mode de leur exécution est décrété? L'Assemblée doit penser que les électeurs seuls ont quelque chose à faire. Examinez le projet de décret, il contient des mesures neuves, adoptez-les : des mesures renouvelées, rejetez-les : elles seraient peu décentes. Il nous offre trois mesures nouvelles que je crois nécessaires. La première transporte aux fonctionnaires ecclésiastiques du royaume le délai accordé à ceux quj sont absents. Cette disposition est sage ; elle est douce; car il est doux de traiter des fonctionnaires publics réfractaires à la loi, comme s'ils étaient absents. La seconde mesure est relative à l'élection des évêques avant celle des curés. Rien n'est plus naturel. La troisième a pour objet le mode d'institution canonique. Je demande qu'on mette aux voix ces trois articles : les autres n'ajouteraient rien à des mesures dans lesquelles nous avons une pleine confiance. Toute hésitation serait impolitique et iqconvenante. Si personne ne s'oppose à ptm proposition, je demande qu'on finisse une séance qui, par des débats tumultueux, des déclamations éloquentes ou noq éloquentes, aura fort peu avancé la chose publique. (Une très grande partie de VAssemblée applaudit et demcinde à aller aux vçix.)
, rapporteur, Je conspns à la racji^-tiqn du t)* article du projet de décret.
Chaque fois qu'on a traité; cette matière, nous avons déclaré que nous n'entendions pas délibérer. Nous le déclarons encore, regardant le décret qu'on vous proposé comme attentatoire à la religion. En conséquence, nous levons la séance.
(La discussion est fermée.)
Jé demande la priorité pour la motion de M. de Cazalès.
(La priorité est accordée au projet du comité.)
Le projet de décret est mis aux voix et adopté dans les termès suivants :
c L'Assemblée nationale, ouï le rapport qui lui a été fait au nom de son comité ecclésiastique, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
c Après l'expiration du délai accordé parle décret du 18 décembre dernier, sanctionné le 22, il sera procédé au remplacement des fonctionnaires publics ecclésiastiques qui ne seront pas présents et résidants dans le royaume, et qui n'auront pas prêté leur serment civique.
« Quant aux autres ecclésiastiques fonctionnaires publics qui n'auraient pas prêté le serment prescrit par le décret du 27 novembre, sanctionné le 26 dudit mois de décembre, il sera procédé à leur remplacement, après l'e^piratiou des délais portés par Ge dernier décret.
Art. 2.
« Dans les départements où il y aura lieu de remplacer des fonctionnaires pubjics et ecclésiastiques, soit pour mort', démissioii ou pour cause d'absence, de non-résidence dans le royaume, ou de non-prestation de serment, il sera d abord, de préférence à toutes opérations, même commencées, procédé au choix de l'évêque; ensuite, après la confection de cette élection, et des autres opérations commencées, et apr|s l'installation de l'évêque, les électeurs de chaque district se rassembleront dans leurs chefs-lieux pour l'élpc-tion des curés.
Art. 3.
« Dans les départements où il ne sera besoin de nommer que des curés, les électeurs de district seront convoqués aussitôt après l'expiration des délais.
Art. 4.
« Les évêques qui ont été élus jusqu'à ce jour, et ceux qui le seront dans le courant de l'année 1791, ne seront pas tenus de se présenter, pour obtenir la confirmation canonique, au métropolitain, ni aux évêques dé l'arrondissement qui n'auraient pas prêté le serment pr scrit par le décret du 27 novembre : dans le cas où le métropolitain, ou aucun des évêques de l'arrondissement n'auraient pas prêté le serment, les évêques élus se pourvoiront par-devant le directoire du département, pour leur être indiqué l'un des évêques de France qui aura prêté le serment, lequel pourra procéder à la confirmation canonique, sans être astreint à demander la permission à l'évêque diocésain. »
lève la séance à 4 heures.
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures 1/2 du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
Messieurs, lorsqu'on vous a proposé, dans votre séance d'hier, de suspendre l'exécution de votre décret relatif au serment que vous exigez des fonctionnaires publics ecclésiastiques, vous avez rejeté cette mesure ; vous avez cru qu'une marche rétrograde ne convenait pas au Corps législatif. Mais, Messieurs, si vous n'avez pas voulu proroger les délais aux fonctionnaires publics ecclésiastiques, vous n'avez pas sans doute voulu non plus les priver du délai que vous leur aviez accordé. Et cependant, Messieurs, c'est ce qui résulterait absolument, et de la manière la plus injuste, de la rédaction de l'article 1er du décret qui a été rendu hier. » Voici les termes de cet article : « Après l'expiration du délai accordé par le décret du 18 décembre dernier, sanctionné le 22, il sera procédéau remplacement des fonctionnaires publics ecclésiastiques qui ne seront pas présents et résidants dans le royaume et qui n'auront pas prêté leur serment civique. » Je dis que dans la forme où cet article est rédigé vous priveriez les ecclésiastiques fonctionnaires publics du délai que vous leur avez accordé. Ceci demande une courte explication ; je sollicite une attention bien soutenue de l'Assemblée, car hier je n'ai pu obtenir la parole pour cette observation.
,rapporteur. Je demande la parole.
Vous l'aurez après.
Monsieur le Président, rappelez donc M. Chasset à l'ordre!
,rapporteur, Y a-t-il quelque chose de changé à là rédaction? Avez-vous quelque chose à dire?
A l'ordre !
Je ne suis point du tout surpris de la chaleur que met M. Chasset à s'opposer à ce que je sois entendu. La conséquence du décret qu'il vous a fait rendre, je m'en vais vous la faire sentir.
Je demande que M. Guillaume soit rappelé à l'ordre; le décret est rendu.
,Messieurs, le décret du 27 novembre dernier, en prescrivant aux
ecclésiastiques fonctionnaires publics de prêter le serment civique
ordonné par les décrets des 12 et 24 juillet précédents, règle les
délais dans lesquels ils seront tenus de satisfaire à cette obligation.
Ces délais sont de huitaine pour ceux de ces ecclésiastiques qui sont
dans leurs diocèses ou
L'article V du décret du 18 décembre ne déroge point à celui du 27 novembre ; nous avons toujours tenu pour principe que les dérogations ne pouvaient pas se suppléer. Ces décrets ne s'appliquent pas aux mêmes individus ; celui du 18 décembre règle le délai dans lequel les fonctionnaires publics laïcs doivent prêter le serment civique, comme celui du 27 novembre le détermine par rapport aux fonctionnaires publics ecclésiastiques. Le serment prescrit par ces deux lois n'est pas identique. Dans le décret du 18 dééembre, il s'agit du serment ordonné le 4 février. Le serment dont il est question dans celui du 27 novembre, est Celui que prescrivent les décrets du 12 et 24 juillet; en un mot, ces décrets diffèrent essentiellement, et dans leurs dispositions, et dans leurs objets : et le premier n'est pas abrogé par celui qui l'a suivi. Il y a plus, il ne pouvait pas l'être ; car quoique le décret du 18 décembre soit postérieur à celui du 27 novembre, en tant que décret, celui-ci en tant que loi est postérieur à celui du 18 décembre, puisque la sanction a été donnée à ce dernier le 22, et que l'autre n'en a été revêtu que le 26. Comment donc appiiqueriez-vous tout à coup aux fonctionnaires publics ecclésiastiques absents du royaume, et à qui vous avez accordé, en vertu d'une loi toujours subsistante, un délai de deux mois pour se rendre dans leurs diocèses ou dans leurs cures; comment, dis-je, leur appli-queriez-vous un décret relatif à d'autres fonctionnaires publics, et qui donne à ces derniers un moindre terme? Dans quel instant feriez-vousaux fonctionnaires publics ecclésiastiques l'application de cette loi qui leur est étrangère ? C'est lorsque, par une instruction publique, vous avez exposé les principes qui vous ont guidés dans la constitution civile que vous avez donnéeau clergé, et que vous pouvez espérer, par ce moyen, d'amener à l'obéissance à vos lois, des hommes qui ne s'y refusaient que par les scrupules que vous avez
dissipés ; c'est surtout lorsqu'il reste encore à ces ecclésiastiques pour revenir à vous, une partie du terme qui leur est accordé par la première de vos lois, et que le délai prescrit par la seconde est entièrement expiré.
Quoi ! Sans prévenir ces ecclésiastiques, que votre intention est de leur appliquer le décret du 18 décembre, sans leur accorder un délai quelconque pour s'y soumettre, sans les mettre eu. demeure d'y satisfaire, vous voudriez tout à la fois, et dans le même instant, les priver du bénéfice de la loi qui les concerne, pour les soumettre à une loi qui ne les regarde pas, et les priver de leurs bénéfices, faute de s'y être conformés. Qu'au-riez-vous donc à dire à ces ecclésiastiques si, revenant daus leurs diocèses ou dans leurs cures, dans le délai qui leur est fixé par le décret du 27 novembre, ils offraient d'y prêter leur serment f Certes, quand vous déclareriez valables des élections faites au mépris de cette loi, l'opinion publique, juge à la longue toujours impartial, ne manquerait pas d'en faire justice. Je finis par une observation faite pour produire une profonde impression sur vos âmes. Le décret d'hier, quoique conçu en termes généraux, n'a cependant qu'un objet particulier. Cet objet est de déposséder de son siège un prélat notre collègue, absent sur Ja foi d'un passeport que nous lui avons accordé, et demeurant encore en pays étranger sur celle du décret du 27 novembre ; prélat qui a fait l'édification de deux diocèses, prélat dont s'honorera toujours l'église gallicane; prélat dont un ambitieux peut désirer le siège, mais qu'un ambitieux ne remplacera jamais. Je n'ai pas besoin de vous dire que je veux parler ici de M. l'évêque de Paris; c'est contre lui qu'est principalement dirigé le décret d'hier. J'en tire la preuve du décret même dans lequel il est dit, art. 24 : « Dans les départements où il y aura lieu de remplacer des fonctionnaires publics ecclésiastiques, il sera d'abord, de préférence à toutes opérations, même commencées, procédé au choix de l'évêque » ; et le département de Paris, qu'on n'a pas voulu vous nommer, est le seul dans lequel il y ait actuellement un corps électoral en activité. Jreu tire une autre démonstration de ce qui vous a été exposé au commencement du rapport. On vous a dit que le service du secrétariat de l'évéché de Paris manquait absolument, qu'avant-hier on avait refusé des dispenses qu'on avait promises la veille, et que dès lors il était urgent d'y pourvoir ; cependant ce fait a été démenti à l'instant même par M. Juigné i'aîué, et je puis vous attester que j'en ai depuis vérifié la fausseté. Je ne suis entré dans ces détails relativement à M. l'évêque de Paris, que pour acquitter envers ce vertueux prélat, la dette sacrée pour moi du respect et de la reconnaissance ; pour vous faire revenir sur le décret d'hier, il me suffit de vous avoir démontré que, contraire à l'équité la plus rigoureuse, contraire à la franchise que vous avez toujours montrée, il compromettrait encore la sûreté des élections auxquelles on procéderait prématurément, si on le faisait avant l'expiration des délais accordés par le décret. du 27 novembre.
Messieurs, M. de Mirabeau prenant la parole sur le décret que vous avez rendu hier, a dit : Il y a trois articles dans ce décret, le premier est un acte de toute justice et que personne ne peut refuser, car il tend à prolonger les délais accordés ou, du moins, attribués aux fonctionnaires publics qui sont hors de la France. Voilà ce que M. de Mirabeau vous disait ; ainsi cela ne peut donc pas souffrir de difficulté. Je vous prie, Messieurs, d'observer que, quand M. de Mirabeau vous eut fait cette observation sur le premier ainsi que sur les deux autres articles, on demanda à relire les articles présentés par M. Chasset, pour voir s'ils étaient conformes à ce que M. de Mirabeau avait dit ; mais il n'y eut pas moyen d'obtenir une nouvelle lecture des articles. Je demande donc que le décret soit rédigé d'après les termes de la loi du 26 décembre.
Doit-on accorder le même délai à ceux qui sont sortis du royaume un moment après que la publication a été faite? Il est plusieurs prélats qui sont sortis exprès du royaume depuis; le comité a été d'un avis différent lorsque la question lui a été présentée.
,rapporteur. Je commence par déclarer que je ne parle point en mon nom, parce queje n'ai point présenté le décret en mon nom, comme M. Guillaume l'a voulu faire croire. J'ai présenté le décret au nom du comité; il est vrai que, dans le comité, M. Guillaume, qui en est membre, a été d'un avis différent. La question a été agitée pendant deux heures; et sur douze ou treize voix que nous étions, il y a eu neuf ou dix voix contre trois. J'ai donc présenté le décret à la majorité du comité. En ce moment, je veux seulement vous supplier,; Messieurs, de ne rien précipiter à cet égard, parce que si vous changiez quelque chose au premier article, il faudrait changer dans tous les autres. Je ne veux point m'opposer à ce que l'Assemblée revienne sur ce qu'elle a décrété hier ; mais je rappellerai que lorsque j'ai commencé mon rapport, lorsque j'allais entrer dans le développement du décret, on a demandé d'aller aux voix ou, du moins, d'en faire la lecture tout de suite. En conséquence, mon rapport n'a donc point ouvert les moyens et les développements du décret, de manière qu'il est impossible dans ce moment-ci de décréter une chose sans entendre le comité; et, je le répète, vous ne pouvez toucher au premier article sans absolument détruire ou changer les autres, surtout le second, et recommencer une discussion. Ainsi, si vous voulez refaire le décret, je ne puis pas m'opposer à cela. Voilà, Messieurs, quelle est mon observation ; après celà, il vous est permis de faire tout ce qu'il vous plaira.
J'appuie la motion de M. Guillaume et j'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée que, dans le premier article,.il y a une injustice choquante. On prétend faire courir les délais contre les évêques absents du royaume, d'après le décret du 18 décembre au lieu de celui du 27 novembre. Mais moi, Messieurs, qui était absent du royaume pour cause de santé, qui ai vu votre décret du 27 novembre, qui me donnait deux mois entiers pour faire la prestation de mon serment, j'ai calculé en conséquence; et aujourd'hui, par un nouveau décret, vous allez dire que ce n'est pas Te décret relatif aux ecclésiastiques fonctionnaires publics qui me regarde, que c'est le décret relatif à tous les fonctionnaires publies en général, et que c'est ce décret qui doit faire ma loi, tandis que vous m'avez annoncé, par un décret particulier, que ma loi était dans le décret du 27 novembre, que c'est sur la foi de ce décret que j'ai dormi jusqu'à présent I
Hier, j'avais demandé Ja parole et malheureusement M. de Cazalès a tenu un discours absolument étranger à l'affaire ; cela a été cause que je n'ai pas parlé. Mais puisque l'occasion s'en présente, j'en fais l'observation et je vous déclare que j'ai protesté au comité ecclésiastique contre l'injustice que renfermait ce premier article et je proteste encore en ce moment (Murmures.) contre toute innovation à cet égard. Je demande que le décret du 27 novembre, sanctionné le 26 décembre, soit maintenu.
J'appuie l'amendement de M. Guillaume ; il y a des départements dont les évêques sont hors du royaume. Ces départements ont déjà fixé l'élection avant le terme marqué par le décret du 27 novembre ; parmi ceux-ci, se trouve le département du Pas-de-Calais, où l'élection est fixée au 6 février.
Messieurs, vos décrets ne sont pas des pièges ; c'est manquer à votre dignité que de vous proposer de changer vos lois en trébuchet et, cependant, ce n'est que cela qu'on vous propose. En effet, le décret du 18 décembre n'est point relatif aux évêques. Il est indigne et inique de vous proposer une autre mesure. Une voix: Il faut renvoyer le décret au comité.
J'entends qu'on vous demande le renvoi au comité ; cela me paraît utile.
(de Saint-Jean-d'Angély) appuie ces observations.
Messieurs, je suis de l'avis du renvoi au comité, mais seulement pour rédiger le premier article du décret d'hier dans le sens qui a été effectivement décrété.
Hier, après des débats orageux qu'on aurait pu nous éviter, M. de Mirabeau a expliqué très: clairement quel devait être le sens du décret, à savoir que le délai pour les ecclésiastiques fonctionnaires publics, absents lors de la publication du premier décret, ne fût pas raccourci et que, pour le reste, tout demeurât dans le même état.
Le rapporteur a adopté l'avis de M. de Mirabeau et l'Assemblée l'a décrété.
Je demande donc qu'on ne renvoie au comité que la rédaction de ce premier article dans le sens que je viens d'indiquer et qu'on ne lui donne pas le droit de nous présenter un nouveau décret qui nous rejetterait encore dans de nouvelles discussions.
(Cette proposition est adoptée.) '
,secrétaire, fait lecture de la lettre suivante de la Société de? amis de la Constitution monarchique :
« Monsieur le président
« Nous avons été outragés hier dans le sein de l'Assemblée nationale; nous demandons aujourd'hui d'y être entendus.
« Nous sommes, avec respect, Monsieur le président, etc.
« Les commissaires de la Société des amis de la Constitution monarchique. »
De nombreuses voix à gauche : L'ordre du jour j
Il est abominable d'allumer la I fureur du peuple contre d'honnêtes citoyens.
Quand nous donnons du pain, nous le donnons entièrement gratis.
On n'a pas distribué de pain.
Quand on avoue la Constitution, on se soumet aux décrets.
C'est donc une chose bien importante que d'être dénoncé â l'Assemblée ?
Je vais consulter l'Assemblée. (L'Assemblée décide dè passer à l'ordre du jour.)
M. de La Croix, auteur d'un Ouvrage intitulé tes Constitutions des prinôipaux peuples de VEurope et des Etats-Unis de l'Amérique, fait hommage à l'Assemblée de son travail. — M. Buisson, libraire, deoiande la permission d'en déRosër un exemplaire apx archives de l'Assemblée. M, l'abbé Sicard supplie l'Assemblée de vouloir bien hâter la fondation d'un établissemnt pour les spurds et muets de naissance, dans l'institution desquels il a succédé â M. l'abbé de l'Epée ; il y joint deux mémoires sur J'art de les instruire, qu'il offre à l'Assemblée, Un membre demande le renyoi de cette adresse au comité de mendicité. Un membre du comité de mendicité. Le comité s'est occupé de cet établissement; il en rendra compte incessamment à l'Assemblée.
J'ai reçu de M. l'abbé Le Coz, principal du collège ét procureur syqflic du district de Quimper, Ja lettre suivante :
« Monsieur le Président,
«Si j'étais laïc, je serais soldat, et je répandrais mon sang pour la défense de ma patrie et pour le maintien de la sage Constitution que l'Assemblée nationale vient de nous donner.
« J'ai l'honneur d'être ministre de la religion de Jésus-Christ et, conformément à l'esprit dé cette religion sainte, les bras tendus vers le ciel, je demande tous les jours à mon divin maître qu'il rétablisse l'union parmi tous mes frères et qu'il fasse régner une paix chrétienne dans tout l'Empire français.
« Dans ces vues, Monsieur le Président, j'avais écrit sur la constitution civile du clergé des observations qui ont paru mériter l'éloge de citoyens éclairés et patriotes; je viens, Monsieur le président, vous en offrir un exemplaire. Daignez l'accepter et, si vous le jugez à propos, offrez-en un autre à l'Assemblée nationale.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc...
« Signé : Le Coz, prêtre principal du collège et procureur syndic du district de Quimper.
,au nom du comité des pensions. Messieurs, les commissaires de l'extraordinaire ont été avant-hier pour procéder au brûlement des effets qui ont été donnés dans l'emprunt de 80 millions; mais ils ont cru que cette opération,
si elle était faite avec l'exactitude que vous attendez, serait très longue et qu'il leur serait impossible, avec les autres occupations de cette nature, d'assister seuls à cette opération. Nous vous proposons, en conséquence, le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale décrète que le comité des finances nommera quatre de ses membres pour assister, avec les quatre commissaires de l'extraordinaire, à la vérification et au brûlement des effets reçus dans l'emprunt national de 80 millions, et autres de même nature. » (Ce décret est adopté.)
,au nom du comité des pensions, propose le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale ordonne que la rédaction du décret du 9 janvier 1791, portant qu'on adjoindra quatre commissaires et deux signataires au comité de l'extraordinaire, sera réformée et conçue en ces termes : « Il sera adjoint quatre commissaires à ceux qui avaient été précédemment nommas pour la fabrication des 800 millions d'assignats, et deux signataires pour les assignats de 50 livres. » (Ce décret est adopté.)
,au nom du comité des pensions. Messieurs, d'après la correspondance que le commissaire du roi entretient avec les receveurs de district, on voit qu'un grand nombre de ces receveurs et de directeurs des postes font difficulté d'envoyer les assignats par la poste, parce qu'ils craignent qu'ils ne soient interceptés. J'ai l'honneur de vous observer, Messieurs, qu'il ne s'agit point ici d'assignats en circulation, mais d'assignats annulés, et que les directeurs des postes ne doivent pas se refuser à s'en charger. Quand bien même ils seraient volés, ils ne pourraient pas entrer en circulation ; ils ne partent des districts qu'avec le mot annulé, très visiblement écrit dessus; mais les receveurs des districts observent que cela ne suffit pas pour leur décharge, parce que si ce paquet était volé, ils n'auraient pas la preuve qu'il l'ont remis à la poste. En conséquence, ils ont proposé de faire dresser procès-verbal du chargement. J'ai communiqué à plusieurs membres du comité des finances le projet de décret que je vais vous présenter; ils l'ont soumis aux administrateurs des postes. Le voici : « L'Assemblée nationale, sans rien préjuger sur ce qu'elle déterminera d'après le rapport de son comité des finances, relativement aux mesures à prendre pour assurer la circulation des assignats en valeur, soit par la poste, soit par les messageries, décrète provisoirement, et relativement à l'envoi à la caisse de l'extraordinaire, tant par les receveurs des districts des assignats annulés, que par les deux membres des directoires de district, qui auront fait la vérification de la caisse des receveurs de district, en conformité du décret des 12 et 14 novembre dernier, il sera, à la réquisition desdits receveurs, et en présence des directeurs de la poste aux lettres, dressé procès-verbal : 1° de la vérification des assignats, promesses d'assignats, billets de caisse et coupons d'assignats annulés, en exécution du décret du 6 décembre dernier, et dont l'envoi doit être fait à la caisse de l'extraordinaire, aux termes du même décret; « 2° De la remise qui en sera faite aux directeurs de la poste, après que le tout aura été renfermé sous une enveloppe scellée du cachet du district ; duquel procès-verbal il sera dressé deux doubles, dont l'un restera entre les mains des receveurs de district, pour leur servir au besoin, et l'autre sera envoyé au commissaire du roi au département de la caisse de l'extraordinaire. »
Je crois qu'il vaudrait mieux couper les assignats et les faire parvenir en deux envois.
,rapporteur. J'observe qu'il y aurait de l'inconvénient à couper l'assignat par la moitié, parce qu'on peut se servir des assignats, quoique coupés par moitié- (Le projet de décret est adopté.)
,rapporteur. J'annonce à l'Assemblée que lundi prochain, il sera brûlé pour un million et demi d'assignats prpvenant du prix des ventes de biens nationaux.
Je crois devoir ren dre compte à l'Assemblée que tous les curés et fonctionnaires publics ecclésiastiques de la ville de Péronne, dont j'ai l'honneur d'être député, ont prêté, dimanche dernier, leur serment, ce qui a causé une très grande joie dans toute la ville. (Applaudissements.)
,aunom du comité d'agriculture, demande à faire un rapport sur le projet de canal destiné à rejoindre l'Yonne à la Loire. Plusieurs membres demandent l'ordre du jour. (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
,aunom du comité d'aliénation, propose la vente de biens nationaux à diverses municipalités. L'A-semblée rend le décret suivant : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux , des soumissions faites par les municipalités ci-après nommées; en exécution des délibérations prises par le conseil général de leurs communes, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir,'entre autres domaines nationaux, ceux dont les états sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour; ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier;
Departement du, Lol-et-Garonne.
A la municipality de Valence,pouria sorama de......................................18,986| 1. » s. » d.
Dtpartement du Nord.
A celle de Soex.... 62,652 3 4
A celle deQuaetypre. 340,379 1 9
A celle de Bambeque. 49,007 8 1
Dipartement de Seine-et-Marne.
A celle de Meaux... 2,292,777 »
Département de Seine-et-Oise.
A celle de Corneille. 81,796 d. 9s. 4 1.
A celle de Triel..........686
A celle de Carrières- Saint-Denis .............49,561
A celle de Flins..........27,280
A celle d'Eonery.... 45,177
AcelledeValuiandois 5,855
A celle de Versailles. 552,202 Département de Loir-et-Cher.
A celle d'Avaray.... 5,346 16 Département de l'Yonne.
A celle d'Avrolles...107,935
A la municipalité d'Aisy................42,032 8
A celle de Sens.....107,935 » Département de la Haute-Marne.
A celle de Colmiers- le-Bas-----------------------1,260 15
A celle de Montieren- der....................................305,735 6
. A celle de Trois-Fon- taines-la-Ville................17,884 18
A celle de Saint-Mar- tin-lès-Langres.............9,960 8
AcelledeLouvemont. 14,225 19
A celle de Velle..........12,364
AcelledeChampigny. 7,348 9
A celle de la Ferté.. 27,535 15
A celle de Thilleux.. 27,822 4
ÀcelledeBouguelon. A celle de Sainte-Op- portune..............3,748
A celle de Giverviile. A celle de Lahaye-de- Rontol................1,999 16
A celle de la Neuville. A celle de Saint-Ai- gnan-Yillages.........
A la municipalité de
Tronville.............
A celle de Bernay...
3.748 14,242
1,999 40,295
16
16 15
25,891 474,926 Département de VOrne.
A celle de Bellême.. 705,842 17 Département de l'Eure.
2,772 ' 16 6
11,007 8 6
« Le tout payable de la manière déterminée par le même décret, ainsi qu'il est plus au long détaillé aux décrets et états d'estimation respectifs, qui sont annexés au procès-verbal de ce jour. »
, au nom du comité d'aliénation. Messieurs, vous avez rendu, le 5 de ce mois, un décret d'aliénation au profit de la municipalité de Montmorault, département de l'Ailier. Le comité a découvert depuis que les domaines nationaux qui en faisaient l'objet, étaient engagés et que conséquemment ils ne pouvaient être vendus par la nation qu'après qu'elle en aurait repris la possession en remboursant le prix de l'engagement. Je suis chargé par le comité d'aliénation de vous proposer le projet de décret suivant (l) : « Le décret d'aliéuaiion au profit de la municipalité de Montmorault, du 5 janvier 1791, sera rapporté, et il en sera fait mention en marge du procès-verbal. »
Messieurs, je demande à donner un mot d'explication sur la nouvelle que j'apprends, parce que c'est justement mon bien qu'on a vendu. Une voix : Donnez votre consentement.
Je suis bien loin de m'y opposer, si la nation juge à propos de rentrer dans le domaine engagé, pourvu, comme de raison, qu'on nous rende nos avances ; mais je crois que, comme il n'est composé que de droits ci-devant seigneuriaux, ce ne serait pas une bonne opération, d'autant qu'on entendrait l'acheter moins cher que les remboursements que yous avez décrétés; au moyen de quoi je crois qu'il serait tout aussi bien de nous le laisser jusqu'à nouvel ordre. (Le projet de décret est adopté.)
, au nom du comité des finances Messieurs, dans le département du
Pas-de-Calais, les impositions sont encore en suspens et en
non-perception, de manière que, pour accélérer, nous vous proposons le
projet de décret suivant, de concert avec les administrateurs et les
députés de ce département : « L'Assemblée nationale, ouï le rapport de
son comité des finances, considérant : « 1° Que la ci-devant province
d'Artois, représentée aujourd'hui par le département du Pas-de-Calais,
payait une partie de ses contributions .par différents droits d'octrois,
entre autres par celui des eaux-de-vie ; que les revenus de la plupart
des villes étaient établis, tant sur ledit octroi que sur d'autres
droits; « 2° Que par le bail des octrois sur l'eau-de-vie, en date du 17
mai 1788, le prix pouvait en être augmenté par la commission
intermédiaire, de concert avec l'intendant, ayant égard, pour cette
fixation, aux temps et à la valeur des eaux-de-vie, de telle sorte que
les prix d'achat et les frais de régie défalqués, il y eût de quoi
remplir la somme fixe que les fermiers étaient obligés de payer,
indépendamment des bénéfices auxquels lesdits fermiers étaient en droit
de prétendre; « 3° Qu'à l'époque du bail dont il s'agit, le prix des
eaux-de-vie était de 1 1. 5 s. 4d, le pot; que la vente, à la même
époque, était fixée à 4 1.4 s. dans les villes, et à 3 livres dans les
campagnes; ce qui donnait en excédent du prix d'emplette, tant pour le
payement des contributions que des frais de régie ou bénéfices, savoir.:
2 1. 18 s. 8 d. sur l'eau-de-vie vendue dans les villes, et 11.14 s. 8
d. sur celle vendue daus les campagnes, non compris les frais de régie;
« 4° Que dès lors le prix des ventes ayant été
« 5° Que les choses peuvent d'autant mieux subsister dans cet état que, par un décret du 22 décembre dernier, il a été ordonné que la perception des octrois continuerait d'avoir lieu jusqu'à l'organisation très prochaine des nouveaux impôts; en conséquence, l'Assemblée nationale décrète :
« 1° Que, par les administrateurs du directoire du département, il sera incessamment procédé à une taxe d'augmentation telle qu'ils le jugeront convenable dans leur sagesse et leur prudence.
« 2° Que, sur le produit des impôts, qui, par une suite de la nouvelle organisation, devraient êtresupportés par le département du Pas-de-Calais, il sera fait état audit département du montant de ce qui aura été versé dans le Trésor public, provenant de l'octroi sur Jes eaux-de-vie, sauf, après la nouvelle perception, à régler la somme qui devra rentrer au Trésor public pour compléter et compenser celle qui aurait dû y être versée.
« 3° Les régisseurs, d'après la nouvelle taxe, percevront l'octroi sur l'eau-de-vie, à charge d'en rendre compte de clerc à maître, à dater de la nouvelle perception ; à l'égard de celle antérieure il sera procédé au règlement de l'indemnité due muxdits fermiers, conformément au décret du 16 novembre dernier, dans le courant de février pour tout délai ; lesdits régisseurs, sur les perceptions à faire, continueront d'acquitter, sans retranchement ni réduction, les sommes duesaux différentes villes du département. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité des finances, expose que, sur une fausse interprétation du décret, on a supposé, dans quelquesdépartements, que les rentes dues par les particuliers aux ci-devant évêchés, archevêchés, bénéfices, étaient éteintes et supprimées comme les rentes dues aux-dits bénéficiers sur le ci-devant clergé et sur le revenu de l'Etat. Il propose, en conséquence, un projet de décret proscrivant cette erreur. Un membre fait observer qu'il n'est pas besoin de décret pour cela et qu'une simple mention dans le procès-verbal suffira. (L'Assemblée adopte cette motion et ordonne que la mention sera faite dans le procès-verbal.)
, au nom du comité des finances. Messieurs, le comité des finances s'occupe de présenter incessamment à l'Assemblée les détails les plus étendus et les plus précis sur les dépenses publiques, et, par conséquent, sur les fonds nécessaires pour 1791». Mais il a cru, . préliminairement à ce travail, devoir vous soumettre quelques observations sur la forme des aperçus de comptes qui sont demandés au Trésor public. Les comptes du Trésor public ne présenteront jamais l'ordre et la clarté qu'ils doivent avoir tant qu'ils seront mis sous les yeux de l'Assemblée, dans la forme du dernier aperçu qui lui a été présenté, des besoins des 3 premiers mois de cette année. On y trouve confondus des rembour- sements d'anticipations, des remboursements d'emprunts, des arriérés de départements et des vides de fonds de l'année 1790. L'intention connue de l'Assemblée, intention exprimée dans plusieurs de ses décrets, est d'appliquer ses ressources extraordinaires à tout ce qui était arriéré, ainsi qu'à tous les remboursements de capitaux, et d'employer les revenus de l'Etat aux dépenses réglées, en maintenant la plus grande régularité dans les payements. Un aperçu des besoins de l'année 1791 ne doit dotic contenir autre chose que les dépenses décrétées pour 1791. sur le pied fixé par les décrets; et sur l'ancien pied, les dépenses q ui n'ont été ni annulées, ni réglées par de nouvelles lois. C'est sur des états séparés, c'est dans une forme particulière que le ministre doit présenter les arriérés des divers départements, les remboursements exigibles, et même les parties de dépense de 1790, pour lesquelles on a négligé, dans l'année qui vient de finir, de demander les fonds nécessaires. Le ï,dernier état de M. Dufresne, rédigé d'après ces principes, changera entièrement de forme et et de résultat. La dépense du culte de 1790 n'y sera plus comprise ; elle doit être payée sur les recettes que les districts ont faites de tous les revenus des biens nationaux et suppléée, s'il y a lieu, par la caisse de l'extraordinaire. Les remboursements d'anticipations ne s'y trouveront plus : ce sont des capitaux de la dette exigible, et non des dépenses de 1791. Les remboursements dus aux Génois sont dans lë môme cas. Les restes de dépense de 1790, pour lesquelles, dans un meilleur ordre de choses, on aurait dû vous demander, l'année dernière, tous les secours nécessaires, doivent de même en être retirés. Enfin l'arriéré de3 rentes doit être soumis à la même règle, comme arriéré du département de la finance, et dans l'aperçu de la présente année, on ne doit vous présenter qu'une dépense de 12 mois, sans quoi l'on confond tout, et l'on perpétue les vices de l'ancien régime, qu'il est si important de réformer. Alors on ne verra plus ces tableaux effrayants dont on accable sans cesse l'Assemblée, et avec lesquels le royaume alarmé nous accuse peut-être de favoriser, ou du moins de tolérer l'ancienne dilapidation des finances. On ne dira plus que si pour trois mois il laut 300 millions, il en faut sans doute 1200 pour l'année. Quelque absurde que soit cette conclusion, elle se présente la première au commun des hommes, à qui les connaissances accessoires manquent, et pour qui les commentaires sont inintelligibles. Vous avez voulu mettre la barrière entre l'ordre et le désordre; c'est dan3 ce moment-ci qu'il faut la rendre inébranlable. En conséquence, j'ai l'honneur de vous proposer le décret suivant : « L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« L'ordonnateur du Trésor public dressera, sous huitaine, le tableau du reste des dépenses non acquittées de l'année 1790, et le remettra au comité des finances, qui en rendra compte à l'Assemblée. Art. 2.
« Il dressera, dans le même délai, le tableau des besoins de l'année 1791, suivant les décrets, pour tout ce qui est décrété, et suivant les anciens états, pour tout ce qui n'a été ni changé ni aunulé par de nouvelles lois.
Art. 3.
« Quant aux objets de remboursement exigible et d'arriéré de son département, ledit ordonnateur en adressera l'état et les pièces au directeur général de la liquidation. »
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du tarif des traites.
Messieurs, le comilé n'a pas encore parlé du droit qui doit être assis sur les faïences étrangères; il ne l'a énoncé dans son tarif que conformément au traité avec l'Angleterre, c'est-à-dire un chiffre de 12 0/0. Mais ce traité ne doit pas être éternel; il ne doit durer que cette année encore et, d'ailleurs, il ne nous lie pas avec les autres puissances. Il faudrait, à mon sens, imposer sur toutes les poteries qui entreront par terre, un droit de 20 0/0, afin de défendre les provinces du Nord des poteries dont elles seraient inondées sans ce moyen.
, rapporteur. L'observation de M. de Custine est très juste; si le comité n'a imposé les poteries et faïences qu'à 12 0/0, c'est relativement au traité avec l'Angleterre. Le comité prendra certainement cet article en considération. (L'observation est renvoyée à l'examen du comité.)
, rapporteur. Messieurs, voUs avez ordonné hier que les mouchoirs de coton rayés et à carreaux, les mouchoirs blancs à bordure de couleur, venant de l'Inde, payeront 200 livres au lieu de 100 livres, chiffre auquel les avait imposés Je comité. Si cet article subsiste, il faut nécessairement augmenter le droit à imposer sur les mêmes qualités venant de l'étranger; elles étaient portées sur le tarif à 120 livres et vous les avez portées à 135 livres. Si cet article subsiste, dis-je, il arriverait nécessairement que les compagnies des Indes étrangères nous apporteraient en France des mouchous sur l'importation desquels le Languedoc a déjà réclamé. Je proposerai donc un article additionnel ainsi conçu aux toiles étrangères : « Les mouchoirs de coton peints, rayés et à carreaux, et les mouchoirs blancs et à bordure de couleur payeront 300 livres le quintal. » (Adopté.)
, rapporteur. Nous en sommes restés hier à la discussion des droits de sortie. Yoici la suite des articles que vous présente le comité : « Les cuirs bruts payeront, le quintal, 5 livres; les tils simples bis et écrus, idem, 10 livres; les fils de linon et mulquioerie, idem, 120 livres. » (Adopté.) « Les peaux et cuirs en vert, suivant les qualités dénommées dans le tarif, seront taxés de 15 à 20 0/0 de leur valeur. »
Lorsqu'on vous propose d'empêcher la veute des peaux à l'étranger, en les taxant à 15 ou 20 0/0, on ne vous présente qu'un moyen d'acheter à bon marché au pauvre cultivateur les peaux de ses bestiaux. Qu'est-ce qui obtient de pareils décrets? Une corporation, quoique très respectable par les lumières et les talents de ses individus, je veux parler des chambres de commerce qui jouissent du privilège exclusif d'avoir des députés particuliers auprès du Corps législatif, comme si les représentants de la nation n'étaient pas en même temps les leurs. Je demande qu'on nous laisse vendre le produit de nos bestiaux à qui et quand bon nous semblera ; la liberté 1a plus entière sera» la meilleure preuve d'encouragement pour l'agriculture. (L'article du comité est adopté.)
Je demande pardon à l'Assemblée si j'interromps la discussion; mais j'apprends tout à l'heure que l'on investit la maison de M. de Clermout-Tonnerre. (Murmures.) Si la liberté n'est pas un vain mot, si la Gon-titulion est quelque chose, je demande que l'on envoie du secours à 1a maison de M. de Glermont. (Murmures). Plusieurs voix : L'ordre du jourl
Voilà l'effet qui éloigne tous les honnêtes gens de la Constitution I Je viens vous dénoncer les suites horribles des dénonciations calomnieuses.....
Parlez modérément et l'on vous écoutera.
des dénonciations calomnieuses* qui souillent la tribune de l'Assemblée nationale. M. de Glermont-Tonnerre vient d'être averti par un billet que sa maison était investie et qu'on l'attaquait; je demande si l'A-semblée peut être indifférente sur cette répétition épouvantable de scènes et d'actes qui déshonorent la Révolution. Je demande si elle ne doit pas protection non seulement à un de ses membres, mais à tout citoyen qui réclame la force publique contre la violence des séditieux, qui se déploie seule impunément depuis trop longtemps dans le royaume. Je demande que M. ie président prenne dans l'instant les voix pour obtenir de l'Assemblée un décret qui rende la municipalité responsable. (Murmures.)
Il y déjà une loi qui, dans ces sortes d'événements, rend les municipalités responsables; je demande qu'on passe à l'ordre du jour,
Ces scènes de férocité sont la suite d'une lettre sortie du club des
Jacobins (4),
, montrant le côté droit : Le3 factieux sont làl
Avant de poursuivre la vengeance de tant d'injures, c'est contre la violence actuelle que je demande les secours de l'Assemblée nationale. Je demande que M. le président se retire sur-le-champ vers le roi pour obteuir qu'il donne les ordres nécessaires, alin que la scène de M. de Castries ne se renouvelle pas.
Sans doute, si la maison de M. de Clermont-Tonnerre est en danger, il faut la secourir; mais je ne crois pas qu'il convienne à l'Assemblée de se livrer à des mesures indiscrètes sur une dénonciation sur laquelle il est possible que le membre qui l'a faite ait été trompé. Je demande, en conséquence, que l'Assemblée nationale mande le maire et le commandant de la garde nationale à la barre. (Murmures à gauche.)
Je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
Je n'entends pas vous proposer de priver un citoyen, dont on nous dit que
la propriété est en danger, du secours de la présence au maire et du
commandant général : s'ils sont là, c'est pour y mettre l'ordre
indubitablement, et vous n'avez alors rien à faire ; mais s'ils ne
La maison de M. Clermont-Tonnerre ne doit pas plus occuper l'Assemblée que celle de tout autro particulier: ce n'est que là personne du député qui est inviolable.... La municipalité a prêté serment de veiller sur la sûreté des personnes et des propriétés ; elle veillera sur celles qui sont menacées; fiez-vous à son zèle. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
Je demande qu'on se borne à donner communication à la municipalité des faits qui vous ont été dénoncés.
Lorsque nou3 nous sommes transportés à Paris, les Parisiens ont contracté l'engagement de protéger nos personnes et nos biens ; je demande qu'on ie rappelle aux citoyens et à la garde nationale.
Je commence par demander à tous les amis de la paix et de l'humanité un moment d'attention. M. Voidel vous a dit deux grandes vérités : la première, que si la maison d'un citoyen est en danger, notre premier devoir est de prendre la mesure la plus sage pour éviter ce danger ; la seconde, que cette mesure ne doit pas être indiscrète. En conséquence, voici l'avis que je propose et que je crois être le seul qui puisse être adopté par l'Assemblée. Une voix : Au fait !
J'appuie la motion de M. Lucas et je demande qu'il soit donné à l'instant avis au maire de ce qui vient d'être déclaré dans l'Assemblée. (Cette motion est adoptée.)
fait sur-le-champ expédier un avis à la municipalité. L'Assemblée reprend la suite de la discussion des droits de sortie.
, rapporteur. Nous passons, Messieurs, à l'article delà sortie des vins.
Messieurs, il est, à mon sens, impossible de prononcer partiellement sur cette question. Vous avez auparavant à statuer sur les droits d'aides qui sont depuis longtemps l'objet des réclamations les plus vives dans plusieurs parties du royaume. Ces droits consistent principalement en droits perçus au crû ou à l'enlèvement, en droit de circulation, en droits de détail, en droits d'entrée des villes et en droits à la sortie du royaume. Je crois que, dans cette classification, on peut comprendre l'universalité des droits qui se percevaient sur les vins. Si, dans ce moment, l'Assemblée décrétait que les \ins payeront 10 à 12 livres à tel passage, je crois qu'elle s'éloignerait de son but. Que faut-il faire? il faut prtndre le droit à sa source et résoudre tout d'abord les cinq questions suivantes : . . . Première question. Sera-t-ii établi sur les vins,
eaux-de-vie et poirés, des droits au crû ou à l'enlèvement ? Seconde. Sera-t-il établi sur cea boissons des droits de circulation ? Troisième. Sera-t-il perçu sur les boissons des droits de débit au détail ? Quatrième. Sera-t-il établi des droits sur les boissons aux entrées des villes ? Cinquième. En sera-t-il établi sur les vins exportés à l'étranger ? Sur la première question, le droit payé sur le crû est un véritable impôt foncier ; il est impossible de le considérer autrement. S'il se perçoit en argent ; c'est une dîme déguisée ; cet impôt ne peut donc être admis. Le propriétaire de la vigne vous dirait : Mon champ planté en vignes paye la contribution foncière comme le vôtre semé en blé ; dès que j'ai acquitté ma part d'impôt de cette manière, vous n'avez pas le droit de tirer de moi une autre contribution. La seconde question n'est pas plus,difficile à résoudre. Pour percevoir des droits sur la circulation, il faudrait rétablir des bureaux et des commis dans l'intérieur, après les avoir supprimés. Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix !
Ces droits de circulation, vous ne pouvez les conserver sans rétablir les traites, les cloisons qui divisaient les provinces. Vous voulez que le royaume soit un, et c'est une conséquence des décrets que vous avez déjà portés que de rendre la circulation des denrées libre dans le royaume. Voici les deux questions les plus importantes décidées.
Je demande qu'en conséquence d'un décrei que vous avez rendu, vous meniez d'abord à la discussion les bases de l'impôt. On ne peut traiter aucune partie de détail sans s'être accordé sur l'ensemble. Je demande donc l'ajournement de la totalité des questions qui vous sont proposées jusqu'au moment où le système général des contributions et l'état des besoins auront été discutés et arrêtés par l'Assemblée.
Il est impossible de faire une masse d'impositions avant d'avoir les éléments qui doivent y entrer. Les impositions indirectes ont une limite assez bornée et répugnent aux moyens de perception ; il faut donc commencer par déterminer la somme des impositions indirectes, jusqu'où l'on peut pousser chacune d'elles ; il faut en épuiser le catalogue; il faut savoir jusqu'où la contrebande pourra les arrêter, et quel produit on en doit espérer,avant de fixer la quotité de l'impôt foncier. Je demande que les deux premières questions soient mises aux voix. (L'Assemblée rejette la demande d'ajournement par la question préalable et décide qu'il n'y aura ni droit de crû à l'enlèvement des vins, eaux-de-vie, cidres et poirés, ni droit de circulation dans l'intérieur du royaume, et que cependant tous les droits maintenant existants sur les boissons, continueront d'être perçus jusqu'au jour qui serâ fixé pour leur suppression, modification ou remplacement.) (Applaudissements.)
, secrétaire. Messieurs, voici la lettre que M. le président vient de recevoir du secrétaire de la mairie de Paris : « Monsieur le Président, « Au moment où est arrivé le billet que vous avez écrit à M. le maire, il était en voiture et m'a chargé d'avoir l'honneur de vous marquer que, sur le bruit qui venait de se répandre que la maison de M. Glermont-Tonnerre était investie, il s'y transportait à l'instant pour donner les ordres nécessaires à la sûreté dés per sonnes et des propriétés de M. Glermont-Tonnerre et de sa famille. « Je suis avec un profond respect,Monsieur le Président, « Votre, etc. « Signé : du Four, secrétaire de la mairie. » La discussion sur les droits de sortie, est reprise.
Sur la troisième question, Messieurs, votre comité a bien senti que, vu les besoins immenses de l'Etat, il était impossible de retirer, d'ici à quelque temps, le droit de détail sur les boissons ; il vous proposera de le remplacer par un droit de licence ou de patentes qui sera payé annuellement, ou par trimestre, par chacun ae ceux qui vendront au détail. Notre travail à ce sujet sera imprimé spus peu de jours; je vous prie, en conséquence, d'ajourner jusqu'à ce moment la troisième et la quatrième question. (L'ujournémértt est adopté.)
, rapporteur. D'après les sages décrets que l'Assemblee vient de rendre, je crois qu'il est convenable d'ajourner aussi les droits à établir à la sortie des vins; mais j'observerai que le délai doit être très court, parce qu'en ce moment, les provinces frontières communiquent librement avec l'étranger. (L'Assemblée ajourne à lundi la discussion de la cinquième question.)
Messieurs, sur la dénonciation de M. Malouet, beaucoup d'honnêtes citoyens ont couru vers la maison de M. de Glermont-Tonnerre; ils ont trouvé dans le quartier et dans les environs le calme le plus profond et la plus grande tranquillité. Seulemeut l'arrivée de M. le maire y a attiré 50 ou 60 personnes : mais voilà tout. Je rends ce compte à l'Assemblée, par ce qu'il m'a été rapporté par les personnes mêmes qui sont allées sur les lieux..... Une voix à gauche : C'est une infamie I
veut parler. Voix nombreuses : L'ordpe du jour 1 (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
persiste à demander la parole.
Je demande s'il n'est permis qu'au côté gauche de parler et qu'au club des Jacobins de faire des persécutions dans Paris !
L'Assemblée a décidé de passer à l'ordre du jour; mais puisqu'on insiste encore, si on veut traiter la question, je demande la parole. (L'incident est clos).
J'ai reçu de M. le ministre
de la justice, une note de divers décrets sanctionnes ou acceptés par lé roi ; elle est ainsi conçue : « Le roi a donné sa sanction, le 19 de ce mois : » 1° A 6 décrets de l'Assemblée nationale du 10 décembre dernier, pour la vente de biens nationaux aux municipalités de Bezét, Saint-Mar-tin-Dumont, Brasey, Montpellier, Attillac, Murât, Saint-Veran,Pralou et Lyon; « 2° A 11 décrets pour pareille vente aux municipalités d'Orléans, Clois, Saint-Gobin, May, Prudemanche, Ghidrac, Plessis-Pacy, Beauregard et Villeneuve-Saint-Georges. « 3* Au décret des 4 novembre, 14, 16, 28 et 31 décembre, sur les ponts et chaussées. « 4° Au décret du 5 janvier, présent mois, relatif au titre des lois. « 5° Au décret du 6 concernant la réunion de plusieurs municipalités, ia nomination des juges de paix, l'établissement de tribunaux de commerce dans différentes villes, et d'une juridiction de prud'hommes à Cette; et un travail sur l'organisation des tribunaux de commerce, établis dans les villes maritimes. « 6° Au décret du même jour 6 janvier, concernant l'établissement d'nn tribunal de commerce à Béziers. t 7* Au décret du même jour, relatif à l'état de liquidation des oflices de judicature. 8° Au décret du même jour, relatif au recouvrement, tant de ce qui reste dû sur le premier terme pour la contribution patriotique, que deMqui est dû sur les termes de 1791 et 1792. « 9° Au décret du même jour, relatif à une omission faite dans le décret du 4 octobre.1790, d'un article additionnel concernant les chanoi-nesses. « 10° Au décret du même jour, concernant un emplacement dans le palais de la chambre des comptes de Nantes, pour le directoire du déparlement de la Loire-Inférieure. « 11° Au décret du même jour, relatif à la réduction du traitement pour la table des officiers de la marine, fixée par le décret du 25 juillet dernier. « 12° Au décret des 6 et 7, relatif à l'abolition des droits des messageries, à leur service, et au tarif pour le prix des places ou de transport. « 13° Au décret du 8, relatif à la perception du don gratuit, et à celle de 4 sous pour livre du droit d'octroi, dans le département de la Gironde. « 14° Au décret du 9, relatif à l'exécution des commissions que les directoires de district adresseront aux municipalités. « 15° Au décret du même jour, relatif à la formation d'une quantité de 800,000 assignats de 50 livres. « Le ministre de la justice transmet à M. le président les doubles minutes de ces décrets, sur chacune desquelles est la sanction du roi. » Signé : M. L. F. Duport. «t Paris, le 24 janvier 1791. »
donne lecture d'une lettre des administrateurs du directoire du département des Hautes-Alpes, dans laquelle ils exposent que l'exemplaire de la loi relative au serment des ecclésiastiques fonctionnaires publics, envoyé par M. Duportail, ne portait pas la mention de l'acceptation ni de ia sanction du roi: la loi du 5 novembre, qui règle le mode de la promulgation des lois, prescrit cependant cette for- malité, et cet oubli a excité dans le département des doutes sur l'authenticité du document.
Je demande que le comité de Constitution propose un autre mode et une autre formule pour la promulgation des lois.
Je ne m'y oppose pas ; mais je crois que l'on peut continuer la formule actuelle jusqu'à ce que le comité ait distingué les décrets constitutionnels et les décrets réglementaires. L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret concernant les jurés. L'article 17 du titre VII est adopté comme suit:
Art. 17 (ancicen art. 15).
« Tous les effets trouvés lors du délit ou depuis, pouvant servir à conviction, seront représentés à l'accusé, et il lui sera demandé de répondre personnellement s'il les reconnaît. »
, rapporteur, fait lecture de l'article 18 (ancien art. 16), qui est ainsi conçu : « A la suite des dépositions, l'accusateur public sera entendu. L'accusé ou ses amis pourront lui répondre ; enfin le président fera un résumé de l'affaire, la réduira à ses points les plus simples, fera remarquer aux jurés les principales preuves pour ou contre l'accusé; après quoi il leur dira de se retirer dans leur chambre, en leur recommandant de suivre leur conscience, de décider avec impartialité, et de déclarer ce qu'ils trouveront, en gens d'honneur et de probité, être la vérité. »
Dans une des séances précédentes, il vous a été proposé d'accorder à la partie plaignante la faculté de faire entendre les témoins ensemble ou séparément, à son choix. Vous avez cru, dans votre sagesse, devoir lui refuser ce petit avantage de tactique. Aujourd'hui ori vous propose de lui ôter jusqu'à la parole dans le débat. Une pareille disposition déshonorerait votre code criminel ; ce serait immoler l'intérêt de la société à celui des malfaiteurs ; ce serait sacrifier le citoyen honnête et tranquille qui n'oserait jamais entreprendre une poursuite criminelle, si, dès qu'il serait engagé dans cette lice dangereuse, on devait enchaîner ses forces, et commettre uniquement le succès de la défense à l'accusateur public qui sera peut-être ignorant, lâche ou passionné.
On me dira peut-être que la partie civile n'a ici d'autre intérêt que ses intérêts civils. Oui, sans doute ; mais comment les défendra-t-elle, si le crime n'est pas prouvé ? comment obtiendrai-je des réparations pour les blessures que j'aurai reçues, la restitution des effets qui m'auront été enlevés, si, lorsqu'il est question d'opérer la conviction morale par les contradictions du débat; si lorsque l'accusé nie, que les témoins vacillent, que l'accusateur public garde le silence, moi, partie plaidant à mes risques et périls, je suis empêché de raffermir la mémoire des témoins, de retracer les circonstances du meurtre, la quantité et la qualité des effets qui m'ont été volés ; en un mot, à la faveur du silence absolu qui m'est imposé, l'accusé est déclaré non convaincu? Il en résulterait que j'en serais pour mes blessures, que je serais réduit à la misère et au désespoir par la perte de ma fortune, que j'essuierais encore le recours en dommages-intérêts
par le scélérat absous, et que je serais de plus exposé à ses vengeances secrètes.
11 est donc de toute justice que la partie plaignante soit entendue, et je demande crue l'article soit ainsi amendé : « A ia suite des dépositions, l'accusateur public et la partie plaignante, s'il y en a, seront entendus, etc. »
(L'amendement est adopté.)
L'article 18 est, en conséquence, adopté comme suit:
Art. 18.
« A la suite des dépositions, l'accusateur public et la partie plaignante, s'il y en a, seront entendus; l'accusé ou ses amis pourront lui répondre; enfin. Je président fera un résumé de l'affaire, la réduira à ses points les plus simples, fera remarquer aux jurés les principales preuves pour ou contre l'accusé; après quoi, il leur dira de se retirer dans leur chambre, en leur recommandant de suivre leur conscience, de décider avec impartialité et de déclarer ce qu'ils trouveront, en gens d'honneur et de probité, être la vérité ».
L'article 19 est ensuite adopté en ces termes : Art. 19 (ancien art. 17).
« Gela fait, il ordonnera que l'accusé ou les accusés soient reconduits à la maison de justice. »
, membre de VAssemblée, demande et obtient une prolongation de congé.
, rapporteur du comité ecclésiastique. Messieurs, au commencement de cette séance, vous avez renvoyé, pour rédaction, au comité ecclésiastique le décret rendu hier et relatif au remplacement des ecclésiastiques fonctionnaires publics qui n'ont pas prêté le serment.
Voici la nouvelle rédaction que le comité m'a chargé de vous présenter ;
« L'Assemblée nationale^ après avoir entendu le comité ecclésiastique, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Aussitôt après l'expiration du délai prescrit par le décret du 27 novembre dernier, il sera procédé au remplacement des ecclésiastiques fonctionnaires publics qui n'auront pas prêté le serment, Art. 2.
« Dans les départements où il y aura actuellement un évêque et des curés à nommer, les assemblées électorales s'occuperont d'abord de l'élection de l'évêque; après quoi les électeurs se retireront dans le chef-lieu de leurs districts respectifs, pour y faire l'élection des curés. Art. 3.
« Dans les départements où les délais accordés à l'évêque ne seront pas expirés, les assemblées électorales de chaque district procéderont sur-le-champ à l'élection des curés, Art. 4.
« Les évêques qui ont été élus jusqu'à ce jour, et ceux qui le seront dans le courant de la pré-sente année, ne pourront s'adresser à leur métropolitain, où a tout autre évêque de leur arrondissement, qu'autant que ceux-ci auront prêté le serment prescrit par le décret du 27 novembre dernier; et dans le cas où aucun des
évêques de l'arrondissement n'aurait prêté le serment, ils s'adresseront au directoire de leur département, pour leur être indiqué l'un des évêques de France qui aura prêté le serment, lequel pourra procéder à la confirmation canonique et à la consécration.
(Cette rédaction est adoptée.)
annonce l'ordre du jour des séances de ce soir et de demain. (La séance est levée à trois heures.)
Séance du
La séance est ouverte à 6 h* 1/2 du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses et lettres suivantes :
Adresse des officiers du tribunal du district (le Vierzon, qui présentent à l'Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement.
Adresse de la Société des amis de la Constitution de la ville de Saint-LÔ, qui fait hommage à l'Assemblée du discours patriotique de M. Moriet, curé de cette ville, par lui prononcé en présence de ses paroissiens le prernierjour de cette année; discours dont les principes sont puisés dans la sainte morale de l'Evangile, et sont propres à maintenir ou ranimer l'esprit d'union entre les citoyens.
Piestation de serment de M. de La Ville, curé de Gourménil, canton de Gaci, département de l'Orne, en présence des officiers municipaux de cette paroisse, le 16 du présent mois, et dénonciation faite par ce curé patriote d'une réponse imprimée de l'évêque de Séez, à un arrêté des administrateurs du département de l'Orne, avec déclaration des motifs qui l'y déterminent.
Cette adresse est ainsi conçue (2) :
« Aux augustes représentants de la nation française.
« Je suis patriote, j'ai été proclamé aumônier des gardes nationales confédérées au haras d'Exmes, le 25 avril de l'année dernière; j'ai célébré la sainte messe sur l'autel de la patrie. Au grand dépit des ennemis du bien public, j'ai été nommé maire, j'ai assisté aux serments civiques des gardes de Falaise etLisieux, j'ai marché a la tête die ces détachements à la confédération de Bouen ; j'ai proposé et signé l'acte d'adhésion des curés du canton de Gacé aux décrets de l'Assemblée nationale ; fait célébrer dans ma paroisse la journée du 14 juillet avec toute la pompe possible; dans chacun de ces actes de patriotisme, j'ai prononcé publiquement le serment civique. Eh bien I croiriez-vous, braves représentants, que tous ces serments si souvent répétés ne m'eussent jamais fait vaincre la répugnance que je sentais
à me porter délateur de mon évêque; il fallait, pour me déterminer, ce serment particulier que j'ai prêté dimanche, 16 du présent mois ; il a fallu en outre que j'aie vu Us mauvais effets que la réponse à MM. les administrateurs du département de l'Orne, et le pamphlet y annexé ont produit sur les esprits des curés des diocèses et, par repercussion, sur celui des peuples qui leur sont soumis; il a fallu que j'aie entendu quelques individus de ce peuple, égarés par leurs pasteurs, dire hautement et publiquement qu'ils ne souffriront pas qu'on leur enlève leurs curés, qu'ils solderont leur traitement avec les deniers provenant des impositions de chaque paroisse. Malheur à quiconque voudra s'y opposer ; malheur aux prêtres qui se présenteront pour les remplacer. Il a fallu enfin que j'aie vu plusieurs ci-devant nobles faire le mouvement de tête en avant, représentatif d'une menace, en disant : Làl làl attendons le mois de mars ; nous verrons ce qui se passera en Allemagne, sur le Rhin et ailleurs. La patrie est donc en danger, la contagion n'est donc que trop répandue. Plus de ménagements, il est temps de couper la trame; sans cette précaution, nous aurions la douleur de voir tomber la plus belle des Constitutions, qui honore en même temps la religion et la raison ; Constitution pour le maintien de laquelle je suis prêt à verser jusqu'à la dernière goutte de mon sang. Ma loyauté, ma franchise sont déj^à connues à l'Assemblée, je ne dirai pas de MM. Girandin et Leclerc, mes ci-devant amis, mais de MM. Goupil de Préfeln, Belzais et Beaurepaire, ils croiront aisément, sans doute, que tels sont véritablement les sentiments dans lesquels je veux vivre ou mourir, fidèle à la nation, à la loi et au roi. En foi de tout ce que dessus, j'ai signé :
« De La Ville, Curé de Corménil, évêché de l'Orne. »
Adresse de M. Blanc, curé de Montleaux eu Dombes, qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : Examen pacifique du serment civique concernant la constitution civile du clergé, par lequel il démontre que ce serment est conforme a l'esprit de la religion.
Adresse du maire de la ville de Montmorency, département de Seine-et-Oise, contenant le procès-verbal de la prestation du serment des ecclésiastiques fonctionnaires publics de cette ville, et le discours prononcé à cette occasion, par le supérieur de la maison de l'oratoire, établie en ce lieu. Le conseil général de la commune, et les citoyens présents à cette auguste cérémonie, ont vu, avec la plus douce satisfaction, que des hommes recom-maudables par leurs talents, leurs lumières et leurs vertus, ne le sont pas moins par leur patriotisme.
Adresse des officiers municipaux de Janville, chef-lieu de district du département d'Eure-et-Loir, et du juge de paix de la communauté d'Au-thon, au Perche, contenant les procès-verbaux de la prestation du serment civique, faite par les curés et fonctionnaires publics de ces deux paroisses, selon les formes prescrites par l'Assem-blée, et en même temps les discours patriotiques prononcés par ces pasteurs également chéris et honorés de leurs paroissiens.
Adresse du curé de Ligny, département de la Meuse, du curé de Dame-Marie, département de l'Eure, du curé d'Onébat, département des Hautes-Pyrénées, du euré d'Allaye, département d'Eure-et-Loir, des curés de Nangis-en-Brie, et d'Is-sur-Tille, qui font hommage à l'Assemblée
nationale des discours qu'ils ont prononcés, en prêtant avec leurs vicaires, le serment civique, en présence des officiers municipaux et de leurs paroissiens, qui ont fait éclater les plus grands transports de joie et dè satisfaction. Ces discours qui respirent le plus parfait civisme, ont pour objet principal de démontrer que la constitution civile du Clergé, loin de porter atteinte à la religion, doit nous ramener les beaux siècles de la primitive église.
Adresse ae M. Boillet, ancien curé du Mesnil, qui déclare prêter, entre les mains de l'Assemblée, son serment civique, quoique l'altération de sa santé l'ait obligé de renoncer précédemment à l'honorable mission de fonctionnaire public ; il annonce, en même temps, que son rétablissement lui permet de reprendre 1 exercice de ses fonctions, qu'il ne pourrait jamais consentir à recevoir en fainéant une pension accordée aux curés anciens et retirés ; et qu'il veut se remettre à portée de tendre encore aux pauvres, qui ont toujours été ses amis et ses frères, une main se-courable, et de maintenir la Constitution par ses instructions civiques.
Adresse des officiers municipaux des deux villes des Audelis, par laquelle ils instruisent l'Assemblée que le 23 de ce mois, 10 curés, vicaires et régents, les seuls fonctionnaires publics de leurs villes, et 2 religieux sécularisés, non fonctionnaires publics, ont prêté leur serment ci \ ique ; que cette cérémonie a été précédée, dans chacune des deux villes, de discours qui augmentent encore leur respect pour ces ministres purs d'une religion sainte, et leur ont fait remercier le ciel de les avoir si heureusement partagés.
Adresses des municipalités de Verneuil-le-haut, Verneuil-le-bas et de Bas-lieux-Mesterai, contenant les prestations de serment de curés de ces différentes paroisses.
Adresse de M. Dodun, ingénieur en chef du département du Tarn, qui fait part à l'Assemblée d'une découverte de Pouzolane, qu'il a faite dans les Pyrénées.
Proclamation du directoire du département de l'Ain, tendant à rassurer les peuples sur les prétendus dangers de la religion, et à assurer l'exécution des décrets, spécialement ceux sur les impôts indirects et les droits féodaux.
Exposition des principes qui ont déterminé le principal et le professeur du collège de Bourg, chef-lieu du département de l'Ain, à prêter le serment civique. «
Un membre de l'Assemblée, député du même département, observe que la plus grande majorité des ecclésiastiques fonctionnaires publics de ce département, ont prêté le serment preserit par la loi du 27 novembre dernier, et ont accompagné leur prestation de serment, de discours tendant à réfuter les principes que les évêques avaient fait circuler parmi eux pour les en détourner.
Lettre d'un membre de l'Assemblée nationale, à M. le Président, par laquelle il lui annonce que les curés et les vicaires de la ville de Garcas-sonne, ainsi que les prêtres de la doctrine chrétienne, occupant le collège royal de la même ville, ont prêté le serment civique; que la majeure partie des curés de ce district ont aussi prêté leur serment le même jour, et qu'il y a lieu d'espérer que le fanatisme ne souillera pas dans ce canton la plus heureuse des révolutions.
Lettre du maire de Paris, par laquelle il instruit M. le président du résultat de la vente de trois maisons nationales, adjugées le 24 de ce mois.
Lettre de M. Robert-Oshée, chevalier de l'ordre de Saint-Louis, et soldat citoyen de la garde nationale parisienne, par laquelle il prie M. le président de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale un mémoire relatif à l'usage du charbon de terre, pour les fours des boulangers, des pâtissiers et pour les manufactures, et à l'économie qui en résulterait pour la consommation du bois.
(L'Assemblée en ordonne le renvoi à son comité d'agriculture et de commerce.)
Adresse de la municipalité de Dormans, contenant la prestation du serment du curé de cette paroisse, du vicaire, du principal du collège, et d'un prêtre habitué de la même paroisse, avant même la publication de la loi du 27 novembre dernier.
Messieurs, je viens de recevoir de M. Bailly, maire de Paris, la lettre suivante, dont il me prie de faire part à l'Assemblée nationale : « Monsieur le Président, « J'ai l'honneur de vous rendre compte des événements de la matinée, afin que vous puissiez Vous-même en faire part à l'Assemblée nationale. « A 10 heures du matin j'ai été informé que les commis et les chasseurs, de poste à la barrière de Sèvres avaient de l'inquiétude et pouvaient être en péril de la part des fraudeurs. Je m'y suis à l'instant transporté avec un détachement de cavalerie. Je^n'y ai trouvé ni tumulte ni attroupement, mais les commis m'ont déclaré que les fraudeurs se présentant en groupes de 60 ou 80* les préposés et les chasseurs se trouvaient de leur côté en trop petit nombre pour pouvoir résister à la force, et étaient obligés de voir la contrebande se commettre sous leurs yeux, par des hommes réunis en troupes^ et qui, en faisant la fraude, insultaient aux commis et à la garde. « Il est de mon devoir, Monsieur le Président, de ne pas taire à l'Assemblée nationale que la nécessité d'assurer la perception, exige les mesures les plus promptes et les plus sévères. « J'étais encore au faubourg Saint-Germain, lorsque j'ai appris que quelques pauvres étaient rassemblés à la porte de M. de Clermont-Tonnerre. J'ai été tenté d'abord de m'y rendre; mais comme il n'y avait pas de désordre, je n'y suis point allé, dans la crainte que mon arrivée ne fût un prétexte d'attroupement et un sujet d'inquiétude pour les habitants de leur quartier. Revenant chez moi, j'ai rencontré M. de Clermont-Tonnerre dans la rue Saint-flonoré : il m'a témoigné quelque crainte; je lui ai repondu que j'étais prêt à me transporter à sa maison, à son premier avis. « De retour chez moi, j'ai appris qu'il était question à l'Assemblée du danger que pouvait courir la maison de M. de Clermont-Tonnerre. Cette circonstance m'a décidé à m'y porter ; et j'étais déjà en route lorsque j'ai reçu la lettre que vous m'avez fait, Monsieur le Président, l'honneur de m'écrire. J'ai pensé que vous auriez la bonté d'excuser le défaut de réponse dans un moment où tout paraissait si pressé. « On m'a averti eu même temps qu'il y avait attroupement et tumulte au faubourg Saint-Antoine. J'ai cru que mon devoir était de suivre l'avis que vous m'aviez donné, Monsieur le Président, au nom de l'Assemblée, et de chercher à prévenir le danger qu'elle pouvait craindre. J'ai prié des officiers municipaux de se transporter au faubourg Saint-Antoine, et je me suis rendu chez M. de Clermont-Tonnerre, où j'ai trouvé tout dans le plus grand calme. Mais à peine ai-je été libre que je me suis hâté de courir au faubourg Saint-Antoine : arrivé à la place de-l'Hôtel-de Ville, j'y ai trouvé beaucoup de monde et une garde nombreuse qui avait concouru à sauver un homme dénoncé par les feuilles de l'Ami du Peuple, et ainsi dévoué à une fureur dont il a manqué de devenir victime. Cet homme a été cruellement maltraité : il y a tout lieu de craindre qu'il ne meure de ses blessures; je l'ai vu tout sanglant entre les mains de ses libérateurs. Il a fallu tout le courage et la fermeté des officiers municipaux pour le débarra-ser des mains de ceux qui s'étaient attachés à sa poursuite, et ils n'y sont parvenus qu'en promettant de le faire conduire au Gbâtelet, où il est actuellement à l'infirmerie pour sa propre sûreté. » « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre, etc. Signé : BAILLY. »
Je demande le renvoi de cette lettre au comité des finances.
Je m'oppose à ce renvoi. L'événement dont M. le maire vient de vous rendre compte n'est que l'accomplissement des prédictions qui vous ont été faites depuis longtemps ; c'est la suite des écrits incendiaires contre lesquelles on réclame depuis longtemps une loi. (Murmures.) Je demande le renvoi au comité de Constitution pour nous présenter une loi siy l'abus qui résulte de la liberté de la presse.
11 s'agit principalement dans cette affaire d'asBurer la perception des droits d'entrée dans la ville de Paris; cet objet ne peut regarder que le comité des finances. Un décret sur la liberté de la presse n'arrêterait rien puisqu'il s'agit de contrebande. J'insiste donc pour qu'on renvoie la lettre nu comité des finances, en ce qui concerne les fraudeurs, etje demande qu'on l'envoie également au comité des recherches pour ce qui regarde ceux qui, directement et indirectement, agitent la ville de Paris dans tous les sens. (Ce double renvoi est ordonné.)
, curé de Sergy. Je suis chargé par la municipalité de Pontoise de vous
annoncer que, des six curés de cette ville, cinq ont prêté le serment
avec tous leurs vicaires et autres ecclésiastiques fonctionnaires
publics à l'exception de deux. Ils ont prononcé des discours qui
prouvent que ces ecclésiastiques sont aussi éclairés dans leur religion
que dans leur patriotisme. Un membre du comité ecclésiastique.
Messieurs, il y avait jusqu'à ce jour sept paroisses à Autun ; les
administrateurs et le "fondé de pouvoir de l'évêque les ont, de concert,
réduites à deux. Nous vous proposons donc, d'après eux, le projet de
décret suivant (1) :
« La paroisse cathédrale ;
c Et une seconde, qui sera établie dans l'église des Cordeliers. »
(Ce décret est adopté.)
Un membre fait part à l'Assemblée d'une pétition relative à la destitution du greffier du tribunal de la ville de Versailles, prononcée par deux des juges de ce tribunal.
Il en demande le renvoi au comité des rapports.
Cette affaire a déjà été portée au comité de Constitution, qui a donné un-avis; je demande l'adjonction du comité de Constitution au comité des rapports.
s'oppose à cette motion. (L'Assemblée ordonne le renvoi de la pétition aux comités réunis des rapports et de Constitution.)
Je ferai remarquer à cette occasion qu'il y a déjà trop longtemps que l'Assemblée s'occupe de l'application des lois, dont elle est créatrice; il faudrait enfin organiser le tribunal de cassation.
Les électeurs vont précisément s'assembler dans un grand nombre de départements du royaume pour donner des ministres aux églises que leurs ministres ont abandonnées; on pourrait profiter de cette réunion pour leur faire élire, avant leur séparation, le tribunal de cassation. Ce tribunal devant être pris dans 42 départements et le choix de ces départements devant être fait par le sort, je demande que ce tirage soit effectué dans la prochaine séance. (L'Assemblée adopte la proposition de M. Le Chapelier et ordonne que le tirage prescrit aura lieu dans la séance de demain.) Une députation de la ville de Bordeaux est introduite à la barre, et présente une pétition relative à l'inégalité des droits qui se perçoivent dans cette ville sur les boissons, et aux distinctions qui existent encore à cet égard entre les personnes. L'orateur de la députation s'exprime ainsi : La nécessité la plus pressante nous a fait quitter nos foyers pour vous adresser nos réclamations; il existe dans la ville de Bordeaux, dont les citoyens nous députent vers vous, un impôt qui, par sa nature et par sa perception, est contraire à l'égalité et à la liberté. Nous parlons de l'octroi sur les vins, reste funeste du régime que vous avez proscrit. Le despotisme avait dit: Le peuple est laible et pauvre, il payera le plus. Votre auguste Assemblée a dit : Le peuple est faible et pauvre, il payera le moins. (Applaudissements.) Le vin que le riche consomme ne paye rien ou paye bien peu ; mais celui qui se vend dans les cabarets où le peuple seul va le chercher, paye plus du quart de sa valeur au profit de la commune. Si l'ordre de vos travaux ne vous permettait pas d'établir une loi générale sur l'impôt, veuillez par un décret provisoire autoriser notre département, notre district et notre municipalité de concert, de faire percevoir sur tous les vins qui entrent dans les faubourgs, sans distinction personnelle, un droit égal.
Le patriotisme des citoyens de Bordeaux a déjà reçu les justes éloges de l'Assemblée nationale; elle applaudit dans ce moment avec satisfaction à vos sentiments. L'Assemblée prendra en considération votre demande et vous accorde les honneurs de la séance.
Messieurs, l'Assemblée se rappelle que nous lui avons déjà présenté, au nom du comité d'imposition, un décret concernant la perception provisoire de tous les impôts. Mais le département de la Gironde a annoncé qu'il devait la tranquillité de la ville de Bordeaux au concours de tous ceux sur qui pesait l'impôt dont on vient de vous entretenir. Je demande donc le renvoi de la pétition au comité d'imposition, qui s'empressera de vous présenter une disposition à cet égard. (Ce renvoi est ordonné.)
, au nom du comité d'aliénation, propose la vente de différents bien nationaux à diverses municipalités du département de la Drôme. Le décret suivant est rendu : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées parle décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret ; Savoir : A la municipalité de Trechenus, pour......8,906 I. » ' i s. » d. A celle de Ghàteau- neuf d'Isère, pour.....124,709 18 11 A celle d'Alixan____298,584 10 4 A celle de Peyrins...90,620 10 » A celle de Triors....3,828 n A celle de St-Paul...8,272 » » A celle de Ghâtillon- Siint-Jean...........16,858 18 > A celle de Lamotte.4,992 12 6Le tout, ainsi qu'il est au plus long détaillé dans les décrets de vénte et états d'estimations respectifs, annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
, au nom du comité de Constitution, présente un rapport relatif à { établissement d'un tribunal de commerce dans la ville de Paris et de son organisation.
Il propose le projet de décret suivant :
Art. 1er.
« Il y aura dans la ville de Paris un tribunal de commerce, lequel sera composé de cinq juges, y compris le président, et de quatre suppléants.
Art. 2.
« L'élection se fera au scrutio individuel et à la majorité absolue des suffrages, par des électeurs nommés dans les assemblées des négociants, banquiers, marchands, fabricants et manufacturiers de chacune des 48 sections. Art. 3.
« Chacune de ces assemblées se tiendra au lieu ordinaire de l'assemblée de la session ; elle sera ouverte par un commissaire que nommera la municipalité, sur l'avis des juges de commerce en exercice; et après l'élection d'un président, d'un secrétaire et ae 3 scrutateurs, dans la forme décrétée à l'égard des assemblées primaires, il sera procédé à la nomination d'un électeur, par 25 citoyens présents, ayant le droit de voter. Art. 4.
« Nul ne pourra y être admis, s'il ne justifie : 1° qu'il est citoyen actif; 2° qu'il habite la section ; 3° qu'il fait le commerce, au moins depuis un an, dans la ville de Paris. Art. 5.
« Chaque assemblée sera juge de la validité des titres de ceux qui demanderont à prendre part à la nomination des électeurs, sauf à recourir à l'administration du département de Paris, laquelle jugera pour les élections suivantes, les réclamations de tout citoyen qui se plaindrait d'avoir été privé de ses droits. Art. 6.
« On choisira les électeurs en un seul scrutin de liste simple, et à la pluralité absolue des suffrages ; mais, au troisième tour* ia pluralité relative sera suffisante. Art. 7.
« Les 48 assemblées des négociants, banquiers, fabricants et manufacturiers seront convoquées pour le même jour et à la même heure, par le procureur de la commune de Paris, faisant fonction de procurèur général syndic, lequel se concertera, sur cet objet, avec les juges de commerce en exercice. Art. 8.
« La municipalité de Paris déterminera le lieu où se rassembleront les électeurs pour procéder à la nomination des juges de commerce et de . leurs suppléants. Art. 9.
« Les élections qui suivront la première auront lieu dans le courant du mois de juin, de manière que les juges qui seront élus à celte époque, puissent entrer en exercice à la première audience du mois de juillet. Art. 10. -
« Le temps qui s'écoulera, depuis l'époque de la première élection, jusqu'au mois de juillet, ne sera point compté pour l'exercice des juges. Art. 11.
« Les juges-consuls resteront en exercice jusqu'à l'installation des nouveaux. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité de Constitution, présente un projet de décret en 8
articles, relatif aux 6tribunaux de district de la ville de Paris. Ce
projet de décret est ainsi conçu (1). Art. 1er. Les scellés apposés par les commissaires au Chàlelet de
Paris, avant l'installation des tribunaux, seront reconnus et levés par
ces commissaires; ils lèveront également ceux qu'ils ont apposés, par
ordonnance de justice, sur les titres, papiers et effets des accusés, à
la charge d'appeler au procès-verbal de perquisition deux adjoints
notables, et sans qu'il soit besoin de la présence d'aucun juge. Art. 2.
Tous référés relatifs, soit à l'apposition des scellés, soit aux
incidents qui peuvent naître sur l'exécution des jugements, seront
portés devant l'un des juges du tribunal dans le territoire duquel le
scellé sera apposé ou le jugement exécuté. A la fin de chaque mois, les
procès-verbaux ou ordonnances de référé seront déposés au greffe du
tribunal. Art. 3. A l'égard des procès-verbaux d'apposition de scellés,
inventaires, comptes, partages et liquidations, dans lesquels sont
intéressés des mineurs qui n'ont point de tuteurs, ou des absents qui ne
sont représentés paraucun fondé de procuration, ces actes seront,
jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, faits pour l'intérêt des
mineurs et des absents, en la présence d'un avoué nommé et assermenté
par le tribunal dans le territoire duquel s'ouvrira la succession.
Provisoirement, l'avoué ci-dessus percevra la moitié des droits qui
étaient attribués aux ci-devant substituts des procureurs du roi. Art.
4. Les biens dont l'adjudication se poursuit au Châtelet de Paris, même
en vertu d'attribution particulière, et pour lesquels il y a, soit une
adjudication, sauf quinzaine, soit un jugement qui ordonne
l'adjudication à jour fixe, seront adjugés aux jours indiqués; et, à cet
effet, chacun des six tribunaux du département de Paris, à commencer par
le premier arrondissement, députera, chaque semaine et par tour, jusqu'à
ia fin desdites adjudications, l'un de ses cinq juges, lequel tiendra sa
séance à l'audience des criées du Châtelet, aux jours et heures
accoutumés. Art. 5. Les ci-devant greffiers des criées y continueront
leurs fonctions jusqu'à la fin de ces adjudications, nonobstant la
suppression de leurs offices et en vertu de ia présente attribution; ils
seront tenus, à peine de tous dommages et intérêts, de rapporter, lors
de l'apposition des scellés par les officiers municipaux, les minutes
d'enchères, et les jugements relatifs aux adjudications qui peuvent être
entre leurs mains, pour en être dressé un état sommaire, d'après lequel
ils seront chargés de les représenter, à toute réquisition. Art. 6. A
l'égard des décrets, licitations et procédures tendant à l'aliénation
des biens mineurs, sur lesquels il ne serait intervenu ni jugement de
remise, à jour fixe, 'ni adjudication, sauf quinzaine, les pièces seront
mises sous le scellé, pour être statué ce qu'il appartiendra. Art. 7.
Les registres de baptêmes, mariages et sépultures, déposés aux greffes
du Châtelet, seront retirés du scellé et remis par les officiers
municipaux, entre les mains du greffier du tribunal qui tiendra, par
provision, ses séances au Châtelet, lequel greffier sera provisoirement
chargé de les garder, d'en délivrer des extraits, et en fera ensuite la
remise ainsi qu'il sera ordonné.
Ceux qui ont été reçus depuis celte époque, en vertu de grades obtenus, sans bénéfice d'âge ;
Les premiers clercs de procureurs dans les cours et sièges royaux, qui ont achevé le temps d'études requis par les anciens règlements, pour exercer un office de ci-devant procureur ; et ceux qui, étant licenciés en droit avant le 4 août 4789, ou l'étant devenus depuis, sans bénéfice d'âge, ont achevé cinq années de cléricature, seront admis à faire la fonction d'avoués, en s'inscri-vant au greffe des tribunaux.
La discussion est ouverte sur le premier article, concernant les scellés apposés par les commissaires au Cbàtelet.
Un membre demande la question préalable sur cet article.
Un membre propose que ces scellés soient levés par les juges de paix, après que la reconnaissance en aura été faite par les officiers qui les ont apposés.
Un membre propose de rendre cet article général à tous les tribunaux du royaume, ainsi que ceux du même projet, qui peuvent leur être relatifs.
Un membre demande, en conséquence, le renvoi de ce projet au comité de Constitution, pour y entendre les observations qui pourraient lui être faites, et concerter les moyens d'étendre à tous les tribunaux du royaume les articles du projet qui pourraient les concerner.
(Cette dernière proposition, ayant été mise aux voix, est décrétée.)
, au nom du comité de Constitution, présente le rapport suivant sur les chancelleries des hypothèques et les insinuations ( 1).
Messieurs,
Ayant-eu l'honneur de vous proposer, le 7 septembre dernier, plusieurs articles que vous avez décrétés, et qui font partie du titre XIV de la loi générale sur l'organisation judiciaire, j'ai été chargé par le comité de Constitution de vous rendre compte des difficultés qu'ont fait naître deux de ces articles, et sur lesquelles le ministre des finances lui a adressé des observations, avec prière instante de vous les soumettre le plus tôt possible.
Ces articles, Messieurs, sont les 22° et 23® du titre dont je viens de parier. Voici comment ils sont conçus :
Art. 22. « Quant aux chancelleries créées par u l'édit du mois de juin 1771, près les sièges « royaux, il en sera provisoirement établi une « près chacun des tribunaux de district, à l'effet « de sceller les lettres de ratification pour tout c son ressort. *
Art. 23. « En conséquence, lorsque, dans le « ressort d'un tribunal de
district, il ne se trou-« vera qu'une desdites chancelleries, elle sera
« transférée près ce tribunal. S'il s'en trouve « plusieurs, le plus
ancien des conservateurs des « hypothèques et le plus ancien des
greffiers expéditionnaires seront de préférence admis à
obligés de donner la préférence aux plus anciens conservateurs ou greffiers-expéditionnaires. La seconde difficulté que le ministre des finances a déférée au comité de Constitution résulte de ce que ni les articles 22 et 23, ni aucun autre article du titre XIV du décret sur l'organisation judiciaire, n'a pourvu aux précautions à prendre, soit pour assurer l'application des oppositions formées sur des immeubles qui, par leur situation, ne se trouveraient plus du ressort du tribunal du district où serait établie la nouvelle chancellerie, soit relativement à l'exposition des contrats, soit enfin pour déterminer le lieu du dépôt des registres des bureaux de conservateurs qui seraient supprimés, et des minutes de lettres de ratification. Du silence de la loi sur ces objets naissent trois grands inconvénients. D'abord les oppositions formées entre les mains des conservateurs supprimés ne peuvent pas être connues de ceux qui sont actuellement établis près des tribunaux de district. En second lieu ces oppositions, par les changements de ressort, frappent sur des immeublt s qui se trouvent situés dans l'étendue de plusieurs juridictions. Enfin, l'exposition qui a été faite de contrats sur lesquels il n'a pas encore été expédié de lettres de ratification, ou qui avait lieu dans les bailliages et sénéchaussées, au moment où les tribunaux de district sont entrés en activité, ne peut pas servir dans ces nouveaux tribunaux. Il est donc indispensable de rendre sur ces différents points un décret qui rétablisse l'ordre interverti, dans cette partie importante, par l'établissement des nouveaux tribUnaux; et c'est à ce but que tendent trois des articles que j'aurai dans l'instant l'honneur de vous proposer. Une troisième difficulté, Messieurs, s'est élevée sur ce que l'article 13, en ordonnant que l'office de garde des sceaux serait exerCé gratuitement, n'a pas prononcé formellement la suppression des droits qui v sont attachés par l'édit du mois de juin 1771. Le ministre des finances demande en conséquence si l'intention de l'Assemblée nationale a été de supprimer ces droits, ou si elle a voulu que la perception en fût continuée, pour en être compté au Trésor public, avec les autres droits des hypothèques? Votre comité s'est décidé pour ce dernier parti, et c'est dans ce sens qu'est rédigé un des articles qu'il a l'honneur de vous soumettre. Telles sont, Messieurs, les difficultés qu'ont occasionnées les deux articles que vous avez décrétés, le 7 septembre, sur ma proposition. Mais ce même jour, vous en avez décrété un autre qui avait été proposé additionnellement par un honorable membre, et sur lequel il s'élève en ce moment des doutes non moins importants à éclaircir. Cet article est le24e;en voici les termes : «Les « contrats assujettis à l'insinuation, au sceau ou « à la publication, seront provisoirement insi-« nués, scellés et publiés près le tribunal de dis-« trict dans l'arrondissement duquel les immeu-« bles qu'ils auront pour objet seront situés, sans « a.voir égard aux anciens ressorts. » Vous savez, Messieurs, qu'à l'époque où vous avez décrété cet article, on distinguait deux sortes d'insinuations: l'une d'ordonnance, l'autre fiscale. On appelait insinuation d'ordonnance, celle que prescrivent la déclaration du 17 février 1731 et l'ordonnance du même mois pour la validité des donations entre-vifs. Elle ne pouvait, suivant ces lois, être effectuée pour les donations d'immeubles réels, que dans les bureaux établis près les bailliages ou sénéchaussées, tant du domicile du donateur que de la situation des choses données; et à l'égard des donations de meubles ou d'immeubles fictifs, dans les bureaux établis près les bailliages ou sénéchaussées du domicile du donateur seulement. L'insinuation fiscale était celle qu'avait établie \ \ déclaration du 19 juillet 1704, et à laquelle étaient soumis, par cette loi même, les contrats de vente et d'échange, les testaments, les contrats de mariage contenant exclusion de communauté, don mobile, augment, contre-augment, agencement, droit de rétention, gains de noces et de survie, les séparations de biens entre mari et femme, les renonciations à succession ou communauté, etc. Cette espèce d'insinuation que vous venez de supprimer et de remplacer par le droit d'enregistrement, pouvait être remplie indistinctement, soit dans les bureaux du domicile des parties, soit dans ceux de la situation des immeubles, quoique ces bureaux fussent établis dans des lieux où il n'y avait pas de justice royale. En voilà sans doute, Messieurs, plus qu'il n'en faut pour vous faire sentir que si une discussion s'était ouverte, le 7 septembre, sur l'article 24, avant que vous ne l'eussiez décrété, vous y auriez fait des distinctions qui ont été omises, qu'on n'a pas même eu le temps de proposer, entre les actes assujettis à l'insinuation d'ordonnance, et les actes assujettis à l'insinuation fiscale, entre les donations entre-vifs d'immeubles, et les donations entre-vifs de choses mobilières. En effet, Messieurs, votre intention n'a pas été, en décrétant l'article 24, de déroger au fond des règles établies pour l'insinuation; mais seulement d'indiquer les bureaux où elle devrait se faire d'après la nouvelle division judiciaire que vous veniez de déterminer. Lors donc que vous avez déclaré, par l'article dont il s'agit, que les insinuations se feraient près les tribunaux de districts de la situation des immeubles, vous n'avez ni entendu ni pu entendre autre chose, si ce n'est que les tribunaux de districts représenteraient les anciens bailliages Ou sénéchaussées, à l'effet que pour les immeubles situés dans leurs ressorts respectifs, on ferait près d'eux les mêmes insinuations qui devaient, dans l'ancien ordre des choses, se faire près des bailliages et sénéchaussées sous la juridiction desquels existaient précédemment ces mêmes immeubles, et la preuve que c'est là tout ce que vous avez voulu dire, c'est que l'article est terminé par ces mots : sans avoir égard aux anciens ressorts. Ainsi vous n'avez ni dispense les donations de l'insinuation au tribunal domiciliaire du donateur, ni dérogé à la faculté que la déclaration de 1704 laissait aux parties de faire insinuer dans leur domicile, plutôt qu'au lieu de la situation des immeubles, fles divers actes assujettis à l'insinuation fiscale. De ces deux points, le premier seul mérite en ce moment de notre part une explication précise ; la proximité de l'époque où doit cesser l'insinuation fiscale rendrait inutile tout ce que vous pourriez décréter à cet égard. * Voici, Messieurs, le projet de décret que je suis chargé de vous présenter:
projet de décret (i).
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution sur les difficultés et les doutes qu'ont fait naître les articles 22, 23 et 24 du décret des 6 et 7 septembre dernier, concernant l'organisation judiciaire, sanctionné par la proclamation du roi du 11 du même mois, décrète ce qui suit :
« Art. 1er>. La disposition dudit décret par
laquelle les plus anciens d'entre les conservateurs des hypothèques et
greffiers-expéditionnaires des chancelleries des anciennes juridictions
royales sont appelés dans les cas y mentionnés, à exercer de préférence
les chancelleries établies près les tribunaux de districts, ne pouvant
s'entendre que de ceux desdits conservateurs ou greffiers qui seraient
en titre d'office, les administrateurs des droits d'hypothèques
demeurent libres de choisir, ainsi qu'ils jugeront à propos, entre ceux
qui ne sont pourvus que de simples commissions, sans être astreints au
rang d'ancienneté.
Art. 2. Il ne pourra être scellé aucunes lettres de ratification dans les tribunaux de district, que quatre mois après qu'ils seront entrés en activité, pendant lequel temps les créanciers qui auront fait signifier des oppositions et de nouvelles élections de domiciles ou autres actes entre les mains des conservateurs établis près les ci-devant bailliages et sénéchaussées seront tenus de les renouveler ; savoir : pour les immeubles réels, entre les mains du conservateur établi près le tribunal du district de leur situation; et pour les immeubles fictifs, entre les mains du conservateur établi près le tribunal du district du domicile du débiteur; le tout sans payer aucun droit d'enregistrement, en justifiant de l'opposition formée depuis trois ans au bailliage ou à la sénéchaussée.
« Art. 3. Les acquéreurs qui auront fait exposer leurs contrats dacquisilion en l'auditoire du ci-devant bailliage ou sénéchaussée de la situation des immeubles réels et du domicile du vendeur, pour les immeubles fictifs, sans avoir obtenu de lettres de ratification, ensemble ceux dont les contrats se trouvaient exposés, lorsque les tribunaux de district sont entrés en activité, seront tenus, si fait n'a été, d'en faire un nouveau dépôt au greffe du tribunal du district, pour l'extrait en être exposé pendant deux mois au tableau de l'auditoire.
« Art. 4. Les registres, minutes et autres actes existant dans les chancelleries des bailliages ou v sénéchaussées dans les lieux où il n'y a pas actuellement de tribunaux de district, seront déposés à la chancellerie du tribunal de district le plus prochain de ces bailliages ou sénéchaussées, après inventaire fait entre le conservateur de la chancellerie où doit s'en faire le dépôt, et le commissaire du roi du tribunal près lequel existe cette chancellerie; et il sera remis une expédition de cet inventaire au secrétariat de la municipalité du lieu d'où lesdits registres, minutes et autres actes auront été transférés.
« Art. 5. Les droits ci-devant attribués à l'office de garde des sceaux
desdites chancelleries,
Art. 6. L'Assemblée nationale déclare que par la disposition de l'article 24 du décret ci-dessus, concernant l'insinuation, elle n'a pas entendu déroger à la déclaration du 17 février 1731 ni à l'ordonnance du même mois; en conséquence, les actes assujettis par ces lois à l'insinuation continueront d'être iosinuées suivant les règles qu'elles ont établies, soit dans les bureaux existant près les tribunaux de district de la situation des immeubles, soit dans ceux du domicile des dona teurs.
« Seront également observées, pour la publication judiciaire des actes qui sont soumis à cette formalité, les distinctions établies par les anciennes lois entrer les tribunaux de la situation des biens et les tribunaux domiciliaires. »
Le premier article, après quelque discussion, est mis aux voix, et adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de
Constitution sur les difficultés et les doutes qu'ont fait naître les
articles 22, 23 et 24 du décret des 6 et 7 septembre dernier, concernant
l'organisation judiciaire, sanctionné par la proclamation du roi du U de
même mois, décrète ce qui suit : Art. 1er.
« La disposition dudit décret par laquelle les plus anciens d'entre les conservateurs des hypothèques et greffiers-expéditionnaires de chancelleries des anciennes juridictions royales sont appelés, dans les cas y mentionnés, à exercer de préférence les chancelleries établies par le3 tribunaux de districts, ne pouvaot s'entendre que de ceux desdits conservateurs ou greffiers qui seraient en titre d'office , les administrateurs des droits d'hypothèques demeurent libres de choisir, ainsi qu'ils jugeront à propos, entre ceux qui ne sont pourvus que de simples commissions, sans être astreints au rang d'ancienneté. »
Un membre propose, sur le second article, un amendement tendant à ne faire courir le délai de quatre mois, qu'à compter du jour de la publication du décret.
Cet amendement ayant été adopté, l'article est décrété dans les termes qui suivent, ainsi qu'un article additionnel proposé, et adopté par l'Assemblée, lequel forme l'article 3. Art. 2.
« Il ne pourra, à compter de la publication du présent décret, être scellé aucune lettre de ratification dans les tribunaux de district, que quatre mois après cette époque, pendant lequel temps les créanciers qui auront fait signifier des oppositions et de nouvelles élections de domiciles ou autres actes, entre les mains des conservateurs établis près lesci-devant bailliages, sénéchaussées, ou autres juridictions royales, seront tenus de les renouveler; savoir : pour les immeubles réels, entre les mains du conservateur établi près le tribunal du district de leur situation ; et pour les immeubles fictifs, entre les mains du conservateur établi près le tribunal du district du domicile du débiteur ; le tout sans payer aucun droit
Art. 3.
« Ne pourront néanmoins les oppositions ainsi renouvelées gratuitement, durer au delà du temps que devaient durer les oppositions formées depuis trois ans aux bailliages, sénéchaussées, ou autres juridictions royales supprimées ; à l'effet de quoi il sera fait mention de la date de ces dernières par le conservateur des hypothèques, tant dans l'enregistrement qu'il fera des nouvelles, que dans les originaux de celles-ci, dans les visa dont ils seront par lui revêtus, et dans les certificats qui en seront délivrés. »
Unmembre propose, sur l'article 3 du projet, devenu le quatrième, un amendment tendant à substituer le tribunal de district de l'arrondissement des bailliages et séoéchausséeS des lieux où il n'y a pas actuellement de tribunaux de district, au tribunal le plus prochain d'iceux, indiqué par cet article.
> Cet amendement, ayant été adopté, les articles 4, 5 et 6 sont décrétés en ces termes : Art. 4.
« Les acquéreurs qui auront fait exposer leurs contrats d'acquisition en l'auditoire du ci-devant bailliage, sénéchaussée ou juridiction royale de la situationdes immeubles réels,etdu domiciledu vendeur, pour lesimmeublesfictifs sans avoir obtenu de lettres de ratification, ensemble ceux dont les contrats se trouvaient exposés lorsque les tribunaux de district sont entrés en activité, seront tenus, si fait n'a été, d'en faire un nouveau dépôt au greffe du tribunal de district, pour l'extrait en être exposé pendant deux mois au tableau de l'auditoire. Art. 5.
« Les registres, minutes et autres actes existants dans les chancelleries des bailliages, sénéchaussées ou autres juridictions royales dans les lieux où il n'y a pas actuellement de tribunaux de district, seront déposés à la chancellerie du tribunal de district de l'arrondissement dans lequel existaient iesdits bailliages, sénéchaussées ou juridictions royales, après inventaire fait entre le conservateur de la chancellerie où doit s'en faire le dépôt, et le commissaire du roi du tribunal près lequel existe cette chancellerie ; et il sera remis une expédition de cet inventaire au secrétariat de la municipalité du lieu d'où îesdits registres, minutes et autres actes auront été transférés. Art. 6.
« Les droits ci-devant attribués à l'office de garde des sceaux desdites chancelleries, seront provisoirement perçus au profit du Trésor public, et il en sera rendu compte avec les autres droits des hypothèques. »
Il est proposé différents amendements sur l'article 7 et dernier.
Un membre demande que le mot provisoirement soit ajouté après ceux-ci : actes assujettis par ces lois à Vinsinuation, continueront, etc.
Unmembre demande que l'Assemblée prononce en même temps la validité des insinuations laïques, faites dans les bureaux des lieux où il n'existait ci-devant que des justices seigneuriales, et où il n'existait pas de juridictions royales.
Un membre demande que les insinuations lé-gaies, prescrites par les lois mentionnées en cet
article, ne donnent pas ouverture à un nouveau droit d'enregistrement.
Un membre demande qu'elles soient seulement assujetties à un droit de 15 sous.
Le premier de ces amendements est écarté comme inutile, le Corps législatif ayant toujours le droit de prendre, à cet égard, les mesures que sa sagesse et les circonstances pourraient lui prescrire.
Le second est adopté,
L'Assemblée renvoie l'examen des 2 autres à son comité des contributions publiques, et l'article est ensuite décrété en ces termes ; Art. 7.
« L'Assemblée nationale déclare que par la disposition de l'article 24 du décret ci-dessus, concernant l'insinuation, elle n'a entendu déroger à ia déclaration du 17 février 173J, ni à l'ordonnance du même mois, ni aux autres lois de la même nature ; en conséquence, les actes assujettis par ces lois à l'insinuation continueront d'être insinués suivant lés règles qu'elles ont établies, soit aux greffes des tribunaux de district de la situation des immeubles, soit dans ceux du domicile des donateurs;
« Sans néanmoins qu'on puisse arguer de nullité les insinuations qui, depuis la publication dudit décret, jusqu'à celle du présent, auraient pu être faites par une interprétation erronée audit article 24, dans les bureaux des lieux où il ^existait ci-devant que des justices seigneuriales, où sont actuellement établis des tribunaux de district.
« Seront également observées pour la publication judiciaire des actes qui sont soumis a cette formalité, les distinctions établies par les anciennes lois entre les tribunaux de la situation des biens et les tribunaux domiciliaires. »
lève la séance à 9 heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du pro-cès-verbal de la séance d'hier au matin.
fait iecture du procès-verbal de la séance d'hier au soir. (Ces procès-verbaux sont adoptés.)
, député du ci-devant Dauphiné, demande et obtient un congé de six semaines pour ses affaires.
annonce l'hommage fait à l'Assemblée, par François-Marie Puthud, l'un
des commissaires nommés par elle pour la conserva-
L'hommage fait par Robert Allais, citoyen français et négociant à Rouen, d'un ouvrage ayant pour titre : Principes pour l'établissement et le maintien d'une bonne méthode de comptabilité;
Celui d'un plan d'émulation civile et militaire, par Jean-Baptiste^Louis Latournelle, mestre de çamp ;
Celui de divers plans d'un palais national.
, curé d'Evaux. Je vais vous rendre compte de la prestation de serment de M. Mouretlon, curé de Neoux, nommé à l'é-vêché du département de la Creuse, en son installation. Il a démontré au peuple que, par ses décrets, l'Assemblée nationale n'avait fait qu'exercer le droit légitime dont la nation l'avait revêtue; que la masse énorme des biens ecclésiastiques, loin d'être dans l'institution divine, et d'avoir servi à la gloire de la religion, était directement opposée à la morale évangélique, et n'avait contribué qu'à faire moins honorer ses ministres ; il a ajouté que la destination de ses biens était de servir à la société, dont la nation seule pouvait organiser la Constitution, et sans la protection de laquelle le clergé ne pouvait exister. C'est donc, a-t-il dit, à cette même nation qu'appartient la police extérieure du culte, puisqu'il ne s'exerce que pour elle, puisqu'elle en acquitte les dépenses, et que la discipline étant entièrement distincte des dogmes religieux, il est du droit exclusif de la nation d'en régler les convenances. (.Applaudissements.)
demande le renvoi au comité d'agriculture et de commerce, d'un projet présenté par M. Micault, d'un canal navigable par la réunion des rivière d'Aube, du Langeon et de la Biaise à la Marne. (Ce renvoi est ordonné.)
Messieurs, j'ai demandé la parole pour témoigner en un seul mot à l'Assemblée nationale ma profonde reconnaissance des précautions qu'elle a cru devoir prendre hier à mOn égard et pour rendre au peuple du quartier que j'habite un témoignage non équivoque. J'ai traversé hier une foule de plus ae 2,000 âmes environnant la maison du commissaire de police avec lequel j'étais, par des circonstances qu'il est inutile de retracer, A peine 10 ou 12 personnes ont-elles fait entendre le cri : A la lanterne! Elles étaient dans une minorité telle que je n'ai reçu de toutes les autres que des marques d'intérêt et d'attachement. J'ai traversé cette foule à pied et je suis remonté dans ma voiture au bout d'un quart d'heure pour revenir à l'Assemblée nationale. Plusieurs voix; Cela n'est pas vrail
Le maire de Paris a écrit hier à l'Assemblée nationale qu'il était faux que le peuple de Paris eût environné votre maison, et que la dénonciation de M. Malouet n'était qu'une calomnie.
On m'a donné un démenti; je suis Français, je me justifierai. Plusieurs voix ; L'ordre du jour!
Messieurs, je ne demande à dire qu'un seul mot ; ce que l'on vient de dire n'est pas en contradiction avec ce que je dis. M. le maire de Paris est sorti de cette maison dans laquelle il s'est conduit comme le maire de Paris devait se conduire, dans laquelle il a certifié aux gens qui m'environnaient, et la pureté de nos intentions... (Murmures prolongés.)
L'Assemblée doit s'occuper d'affaires publiques et non pas de l'affaire de M. de Clermont-Tounerre.
Vous entendez la calomnie et vous ne voulez pas entendre la vérité ! Plusieurs voix : L'ordre du jour !• (L'Assemblée décide qu'elle passe à l'ordre du jour.) Un de MM. les secrétaires fait lecture de la note suivante adressée à M. le Président par M. le ministre de la justice : « Le roi a donné sa sanction, le 15 de ce mois : « 1° Au décret de l'Assemblée nationale, du 13 de ce mois, relatif à la suppression de plusieurs paroisses dans les deux îles appelées île du Palais et île Saint-Louis, à Paris; « 2° Et le 19, au décret du 27 octobre, relatif à l'installation de ceux qui sont nommés juges de district, et qui resteront membres de l'Assemblée nationale; « 3° Au décret du 9 janvier, relatif aux créances devenues exigibles, et qui appartiennent à l'ordre de Malte, ou autres ordres, soit religieux, soit militaires; « 4° Au décret du même jour, relatif au traitement des commis employés au bureau d'expédition et d'envoi des décrets, et à une augmentation provisoire de sept personnes dans les bureaux du département de la justice; « 5° Au décret du même jour 9 janvier, relatif à la circonscription des paroisses de la ville d'Orléans ; « 6° Au décret du même jour, concernant les pensionnaires auxquels il est dû d'anciens arrérages de pensions, payables sous le nom de décompte; « 7° Au décret du même jour, relatif au payement de l'indemnité accordée aux porteurs de brevets de retenue ; « 8° Au décret du même jour, concérnant les pensions qui se payaient ci-devant à la caisse des économats, et celtes de 600 livres et au-dessous, qui étaient établies sur la caisse de l'ancienne administration du clergé; « 9° Au décret du même jour, concernant les pensions qui seront recréées èn faveur des officiers ci-devant appelés de fortune ; « 10° Au décret du même jour, relatif au temps de service, pour la décoration militaire, des officiers des régiments de grenadiers royaux, des régiments provinciaux, des bataillons de garnisons et des gardes-Côtes, ainsi que des mousquetaires et autres officiers de la maison militaire du roi, réformés en 1775 et 1776; « 11° Au décret du même jour 9 janvier, relatif aux juridictions de Prud'hommes ci-devant établies, et particulièrement à celle des patrons-pêcheurs de Toulon, « 12° Au décret du même jour, concernant
l'adjonction de quatre commissaires et deux signataires au comité de l'extraordinaire ; « 13° Au décret du 10, concernant les porteurs de créances sur l'Etat, dont le remboursement est ordonné; « 14° Au décret du 11, relatif à la fabrication d'une menue monnaie d'argent, jusqu'à concurrence de 15 millions; « 15° Et enfin, au décret du même jour, concernant l'union de la commune d'Allauch au district de Marseille; Du lieu de l'Isle d'Elie au département de la Vendée; « Et la distraction des communes de Mérigon et de Mauvaisin, du district de Mirepoix « Le ministre de la justice transmet à M. le président les doubles minutes de ces décrets, sur chacune desquelles est la sanction du roi. » Signé : M. L. F. Duport. « Paris, le 25 janvier 1791.
Messieurs, l'Assemblée a décrété qu'il serait procédé aujourd'hui au tirage au sort des 42 départements qui doivent, aux termes des précédents décrets; députer chacun un membre pour la formation du tribunal de cassation. Voici les 83 départements écrits sur 83 billets séparés; il est inutile, ce me semble, de les vérifier. Plusieurs voix: Ouil oui! Plusieurs voix: Non! non!
Pour éviter toute difficulté, cette vérification va être faite. (Il est procédé à cette vérification par MM. les secrétaires^)
agite ensuite les billets dans une urne et il en extrait quarante-deux les uns après les autres. Ce tirage au sort fournit les départements ci-après :
Départements.
Denx-Scrvres..........1 Morbihan........................22
Lot..................2 Oise..................................23
Cantal...............3 Ccite-d'Or........................24
Girondo..............4 Aube................................25
Eure-ct-Loir..........5 Calvados..........................26
Aude................6 Pas-de-Calais..................2"
Finisl6re.............7 Dordogne........................28
Doubs...............8 Hautes-Pvrenees............29
Euro.................9 Seine-ot-Oise..................30
Ardennes............10 Hautes-Alpes..................31
Gard................11 Aln....................................32
Saone-et-Loire.......12 Mcurtho............................33
Creuse...............13 Meuso..............................34
Aisne................14 Basses-Alpes..................35
Bouches-du-Rhone____15 Drôme................... 36
Vienne...............16 Rhdne-et-Loire..............37
Bas-Rhin............17 Mancfco............................38
Seino-et-Marne.......18 Allier................................39
Seine-Inferieure......19 Moselle............................40
Isfire ................20 Haute-Sadne....................41
Aveyron .............21 Marne..............................42
Il ne suffit pas, à mon sens, que votre procès-verbal constate l'opération que voUs venez de faire ; il faut encore rendre le décret suivant : L'Assemblée nationale décrète que les électeurs des départements ci-dessus dénommés, pro- céderont pour cette fois à l'élection des membres qui composeront le tribunal de cassation, conformément aux.décrets rendus pour la formation de ce tribunal. « Décrète, en conséquence, que les électeurs des susdits départements se rassembleront aussitôt après la publication du présent décret, pour procéder à l'élection; et que les électeurs qui se trouveront rassemblés pour l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale, procéderont à l'élection des membres du tribunal de cassation, quoiqu'ils n'aient pas été spécialement convoqués à cet effet. « Décrète que le président de l'Assemblée nationale se retirera dans le jour auprès du roi, pour lui demander sa sanction. >
Messieurs, vous avez déjà décrété qu'il y aurait pour chaque département un tribunal criminel et un président pour ce tribunal. Ne serait-il pas possible d'unir au décret proposé par M. Le Chapelier une disposition qui autorisât les électeurs à procéder à la nomination de ce président. Alors ils ne seraient pas dans l'obligation de s'assembler deux fois et les gens de la campagne ne quitteraient pas aussi fréquemment leurs foyers.
Cette opinion est conforme à l'avis que j'ai proposé hier au comité de Constitution; mais on m'a observé que l'on était occupé à faire une instruction sur l'élection des jurés, dans laquelle on ferait connaître l'importance de cette institution et la nécessité de choisir des hommes assez éclairés pour remplir dignement les fonctions de juges criminels. La conséquence naturelle est qu'il faut attendre que l'instruction soit faite. On m'a ajouté que, d'ici à trois mois, les jurés ne pourraient pas être en activité et qu'à cette époque, nous avions lieu d'espérer que les électeurs s'assembleraient pour nommer des députés et qu'alors ils composeraient le tribunal. (Le projet de décret de M. Le Chapelier est adopté.) Un de MM. les secrétaires fait lecture de la lettre suivante adressée à M. le président par M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères, relativement aux réclamations des différents membres de VEmpire germanique qui ont des possessions en Alsace : « Monsieur le président, « Le roi m'a ordonné de communiquer à l'Assemblée nationale la lettre que Sa Majesté a reçue de l'empereur,relativement aux réclamations dés princes et des différents membres de l'empire germanique qui ont des possessions en Alsace. J'ai l'honneur de vous envoyer ci-jointe une traduction fidèle de cette lettre dont l'original est en latin. Sa Majesté avait d'abord pensé qu'il suffirait que j'en donnasse connaissance au co -mité diplomatique de l'Assemblée nationale ; ce que je fis alors : mais les différentes versions de cette lettre qui se sont répandues dans le public, et les alarmes qu'elles paraissent y avoir causées, ont fait juger à Sa Majesté qu'il était nécessaire que j'en donnasse à l Assemblée une communication publique et authentique. Le roi m'a en même temps ordonné d'informer l'Assemblée que cette démarche, officielle et prévue depuis longtemps, du chef de l'Empire, avait été précé-
dée et suivie des explications les plus amicales et les plus satisfaisantes de Léopold II. Je dois également faire connaître à l'Assemblée que les dispositions des autres principales cours de l'Europe, loin de présenter des vues hostiles à notre égard, ne nous annoncent rau contraire que ie désir d'entretenir avec nous l'harmonie et la bonne intelligence. Le roi, en m'ordonnant de donner à l'Assemblée nationale ces notions générales et tranquillisantes, est bien éloigné de vouloir la détourner des mesures de prudence et de précaution qu'elle pourra, dans sa sagesse, déterminer de lui proposer. Il est trop important d'écarter des premiers moments de la formation de notre Constitution jusqu'à l'apparence des troubles extérieurs, pour que des précautions, peu nécessaires dans d'autres circonstances, ne soient pas très convenables dans un moment où des bruits répandus et accrédités dans des intentions peut-être fort différentes, n'en concourent cependant pas avec moins d'efficacité à alarmer les esprits et à troubler la tranquillité publique. Le département qui m'est confié me permet trop rarement des communications avec l'Assemblée nationale, pour que je ne saisisse pas avec empressement cette occasion de la supplier d'être bien persuadée que je ne cesserai d'avoir devant les yeux les devoirs que m'imposent les marques de bienveillance et d'estime dont elle m'a honoré : ces sentiments de sa part me sont d'autant plus précieux et d'autant plus nécessaires, que la nature des affaires que je suis obligé de suivre prêle à tous les genres d'inculpations, et que ces inculpations, présentées par les personnes même les plus étrangères à la marche des affaires politiques, peuvent ne pas paraître dépourvues de vraisemblance. Les justifications seraient cependant toujours difficiles, souvent impossibles, et quelquefois criminelles; je dis criminelles, parce que je regarderais comme telles toutes publications qui, n'ayant pour objet que de disculper le ministre, pourraient compromettre la chose publique; telle serait la position dans laquelle se trouverait souvent le ministre des affaires étrangères, s'il n'était assuré de la confiance des représentants de la nation. Honoré déjà des preuves de celte confiance, j'ose en demander la continuation, bien certain de la mériter toujours par la droiture et la pureté de mes intentions, ainsi que par mon attachement à la Constitution. (On applaudit.) Signé : montmorin.
Copie de la lettre de l'empereur.
« Léopold II, par la grâce de Dieu, empereur romain élu, etc., à Louis, auguste roi très chrétien, salut, etc.
« Très sérénissime, très puissant et très chrétien prince, très cber frère, cousin et beau-frère. Votre Majesté n'ignore pas les vœux sincères que nous faisons pour la conservation de la paix avec nos voiBins, et en particulier pour le maintien des liaisons d'amitié et d'alliance qui subsistent entre nous et Votre Majesté. Par une suite de ces sentiments, et désirant affermir la bonne intelligence qui subsiste entre l'empire germanique et la nation française, nous croyons devoir exposer sans délai à Votre Majesté les demandes très instantes que le collège électoral nous a adressés dès uotre avènement au trône impérial, au sujet des opérations de l'Assemblée nationale de France.
« Ladite Assemblée a rendu, au mois d'août de l'année dernière, différents décrets contre lesquels beaucoup de membres du corps germanique portent plaintes, comme étant contraires aux traités publics : c'est à ces griefs que le collège électoral désire que l'on porte remède. Votre Majesté est parfaitement instruite des dispositions de la paix de Munster et des traités postérieurement conclus entre l'Empire d'Allemagne et la couronne de France, relativement aux lieux situés en Alsace et eu Lorraine, cédés à cette couronne sous la réserve expresse des droits, tant des ordinaires que des métropolitains ; de même que sous celle des commanderies, biens, revenus et droits possédés par des membres de notre Empire : or, il serait contraire au respect dû à la sainteté des traités, respect que votre illustre nation a tant à cœur d'observer, de renverser, par des simples décrets nationaux, ces réserves synallagmatiques.
« Quant aux terres et domaines qui n'ont pas été transportés par les empereurs, no3 prédécesseurs, ni par l'empire au royaume de France, et qui par conséquent sont soumis à la suprématie de l'empereur, Votre Majesté ne peut se dissimuler qu'aucun membre du corps germanique n'a le droit de transférer à aucune nation étrangère la suprématie appartenant à l'empereur et à l'Empire, sur ses terres.
« Tels sont les principes, fondés sur toutes les règles de la justice et de l'équité, que le collège électoral invoque en faveur des membres du Corps germanique, lésés par les opérations de l'Assemblée nationale ; et, conformément à ces principes, nous prions très instamment Votre Majesté d'avoir égard aux demandes qui en découleut ; en sorte que les décrets de l'Assemblée nationale soient limités dans leur application à l'Empire et à ses membres. Cette base étant admise,il en résultera naturellement que toutes innovations faites en conséquence d'aucuns décrets de l'Assemblée nationale, postérieurs au mois d'août de l'année dernière, cesseront en tant qu'elles regardent notre empire et ses membres, etque toutes choses seront remises à cet égard sur le pied antérieur à ladite époque : cet acte de justice convaincra tous les membres du Corps germanique des sentiments d'amitié que Votre Majesté a voués à notre Empire, ainsi que du respect de la nation française pour les traités qui subsistent si heureusement entre elle et notre Empire.
« La justice de Votre Majesté et de l'illustre nation française, notre très chère amie, ne nous permet point de douter que la réponse que nous prions Votre Majesté de nous faire passer, le plus tôt possible, ne réponde en tout point à notre attente et à nos désirs. Aussitôt qu'elle nous sera parvenue, nous la communiquerons avec autant de joie que d'empressement à tous les ordres de l'Empire, comme un nouveau témoignage d'amitié et de bon voisinage. Nous faisons, en attendant, les vœux les plus sincères pour Votre Majesté.
« Ecrit à Vienne, le 4 décembre 1790 ; de notre règne le 1er. De Votre Majesté, le bon ifrère, cousin et beau-frère. Léopold. Et plus bas. Vidit, le prince de Colloredo Mansfeld, J. L. B. de Horise. »
Plusieurs membi'es demandent l'impression de la lettre de M. de Montmorin.
Sur cette demande, j'ai à dire un mot : L'Assemblée nationale ne peut pas faire
imprimer une lettre dans laquelle il est dit que l'empereur a écrit tout autrement que Léopold n'aurait fait.
Je me joins à M. Rewbell pour vous supplierdene point ordonner officiellement l'impression de cette lettre. Il est bien à croire, Messieurs, que ce diplôme de l'empereur dont vous venez d'entendre la lecture n'aurait jamais été écrit, si M. de Montmorin avait pris des mesures promptes et efficaces pour exécuter votre décret du 29 octobre par lequel vous avez chargé le pouvoir exécutif de négocier avec les princes d'Allemagne, concessionnaires en Alsace, pour les indemnités que vous avez décrété être dans l'intention de leur accorder. Je ne cherche pas à calomnier M. de Montmorin; mais il m'est revenu, il y a trois mois, qu'il s'est passé plus de six semaines avant qu'aucune démarche ait été faite de sa part, pour nommer des négociateurs. Il y a même plus, Messieurs, c'est que plus de trois semaines après que le décréta été sanctionné, et que la sanction a été annoncée à la tribune, M. de Montmorin demanda à plusieurs membres du comité diplomatique : « Mais, Messieurs, quand est-ce donc que vous ferez sanctionner le décret du 29 octobre, ce décret que j'ai tant attendu? » Ainsi trois semaines au moins s'étaient écoulées sans que ce décret sanctionné eût été connu de M. de Montmorin, Je demande si c'est le cas d'ordonner l'impression de cette lettre? Ce que je dis, Messieurs, n'est pas pour inculper M. de Montmorin. A Dieu ne plaise, que je veuille dénigrer un ministre qui a toujours passé dans mon esprit pour un très honnête homme ; mais ce que je dis, c'tst po. r lui donner l'occasion de repousser l'inculpation dont il est chargé, si c'est une calomnie; et pour le soumettre lui-même à la responsabilité, si cette inculpation est fondée.
L'observation de deux préopinants ne peut point empêcher l'impression de la lettre. La demande de l'impression est absolument dilfé-rente des mesures que peut avoir prises M. de Montmorin, et desquelles je rendrai compte à l'Assemblée, si elle le juge à propos. Quaut à l'impression de la lettre, nous l'avons demandée précisément par le motif pour lequel on ne veut pas qu'on l'imprime; c'est afin que la nation voie que s'il est arrivé un diplôme de l'empereur, ce n'est qu'un diplôme de la chancellerie de l'Empire. Ceci n'est qu'une lettre à laquelle l'empereur a été forcé, comme chef de l'Empire. La nation doit être tranquille sur les dispositions personnelles de l'empereur. Quand vous faites imprimer les lettres ues ministres, c'e.-t ordinairement pour deux objets: l'un de constater les sentiments du ministre, et c'est pour cela que vous avez fait imprimer de semblables lettres, l'autre pour tranquilliser la nation sur les inquiétudes qu'on lui a données, et qui ne sont point fondées. Or, dans ce moment, cette demande reunit les deux objets, puisque la lettre de M. de Montmorin contient certainement de bons sentiments, et puisque, d'un autre côté, elle peut tranquilliser la natiun entière sur les sentiments que les malintentionnés pourraient supposer à l'empereur, en disant que la lettre de l'empereur est une espèce de déclaration de guerre, comme on l'a déjà dit, tandis que la lettre de l'empereur n'est, pour ainsi dire, qu'une lettre de convenance, une lettre qu'il devait écrire comme chef de l'Empire, une lettre par conséquent qui ne doit, qui ne peut nullement alarmer les bons citoyens, surtout quand la lettre de M. de Montmorin constate officiellement que les intentions de l'empereur sont bonnes et pacifiques. Ainsi c'est précisément parce qu'il y a dans la lettre de M. de Montmorin l'attestation de ces sentiments que j'en demande l'impression. Quant aux mesures, je ne sais pas pourquoi on dit qu'il n'y a pas de mesures prises. J'atteste qu'il y a déjà des négociations fort avancées, si elles ne sont pas finies; qu'il y a ici des envoyés des princes d'Alsace; qu'il y a en Allemagne des envoyés de France. Un membre : Depuis quand ?
Depuis très longtemps. Le comité ecclésiastique a connaissance de diverses lettres des princes étrangers, de l'évêque de Spire, etc... Il y en a qui en ont dans leurs poches mêmes. Il est possible qu'on puisse mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale des négociations politiques ; ce serait les faire échouer totalement si on les faisait connaître à un Corps législatif composé de 1,200 personnes, et surtout en présence des tribunes.
Il n'est pas dans notre intention de nous attirer l'animadversion de Léopold, nous ne devons pas forcer Léopold et l'empereur à ne faire qu'un seul individu, et je pense que la lettre de M. de Montmorin est une impéritie politique.
, L'Assemblée ne peut pas ordonner l'impression d'une lettre qui est contraire à l'esprit de ses décrets; je demande l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
L'ordre du jour est un rapport du comité militaire relatif à la distribution de fusils aux gardes nationales des départements et districts.
, rapporteur. Messieurs, l'Assemblée nationale, par un décret en date du 18 décembre, sanctionné par le roi le 25 du même mois, a ordonué que le roi serait prié de faire délivrer par les arsenaux militaires, aux a dministrations de départements, 50,000 fusils, destinés àjl'armement des gardes nationales.
Depuis l'époque de ce décret, l'inquiétude politique que témoignaient plusieurs puissances de l'Europe, les préparatifs qu'elles semblaient faire, vous ont déterminés à prendre des mesures, de précaution, et vous avez eu conséquence ordonné à plusieurs de vos comités de vous présenter un projet qui pût rassurer le peuple, et mettre vos frontières dans l'état de défense le plus respectable. Le moyen le plus certain de calmer les inquiétudes que peuvent faire naître les puissances voisines, c'est d'inspirer aux Français une telle confiance eu eux-mêmes, et dans leurs propres forces, qu'ils soient bien convaincus que personne n'osera les attaquer; ou que s'il se trouvait une nation assez folle pour l'entreprendre, elle sentirait bientôt avec quel courage et quelle énergie un peuple libre défend ses foyers. Que toutes les nations de l'Europe apprennent que si jamais elles nous forcent à faire la guerre; ce q i, d'après les principes que uuus avons si solennellement consacrés, ne sera qu'à notre corps uéfendant ; qu'elles apprennent, dis-je, que ce sera une guerre à mort, que nous ne combattrons pas pour faire des traités aussi insidieux, que les guerres qui les précédaient étaient injustes ; mais pour dé-
traire, ou anéantir tous ceux qui viendront nous attaquer ; ou l'être nous-mêmes. Je laisse aux comités, qui vous présenteront aujourd'hui un système général de défense, à vous développer des idées que je ne fais qu'indiquer ici. Je vais développer quelques idées sur la distribution d'armes que vous avez ordonné de faire. Le ministre de la guerre, auquel je me plais à rendre la justice due à son patriotisme et à son attachement pour la Constitution, nous a fait remettre un état des armes qui existent dans les différents magasins ou arsenaux du royaume, et de celles qui ont déjà été distribuées aux différents départements.
D'après cet état, votre comité a pensé qu'il était possible, même nécessaire, vu les circonstances et les mesures de précaution que vous croyez sage de prendre, de faire faire aux gardes nationales une distribution d'armes plus considérable que celle que vous aviez ordonnée. Je vous propose en son nom, qu'elle soit de 97,903 fusils, au lieu de 50,000, nombre que vous aviez décrété. Et cependant, on ne touchera en aucune manière aux armes du nouveau modèle, destinées aux troupes de ligne. Je dois vous dire ici, qu'en fusils de cette dernière espèce, nous avons de quoi armer entièrement 250,000 hommes de troupes de ligne.
Le comité a pensé que pour faire une juste distribution aux différents départements, d'après leurs besoins et leur situation, il fallait les diviser en trois grandes parties, savoir : départements de première ligne, départements de seconde ligne, départements de l'intérieur. Que les départements de première ligne devaient être divisés en deux sections, savoir : départements frontières, départements maritimes. Que les départements de seconde ligne devaient être également divisés en deux sections, savoir : départements de seconde ligne, derrière les départements frontières ; départements de seconde ligne, derrière les départements maritimes. Quant à la troisième grande portion, qui comprend les départements de l'intérieur, le comité n'a pas cru devoir établir entre eux aucune subdivision, puisque leur position militaire est la même. Voici les motifs des divisions et subdivisions proposées ci-dessus : Le comité a pensé que les départements de première ligne, étant les plus exposés, devaient recevoir un plus grand nombre d'armes : il a subdivisé cette première partie des départements en deux portions, parce qu'il est évident que les départements maritimes sont moins exposés que les départements frontières. Il a' également pensé que les départements de seconde ligne devaient être divises en deux sections, parce qu'il est certain que ceux de ces départements, qui sont situés derrière les départements frontières, sont plus exposés que ceux situés derrière les départements maritimes. Quant aux départements de 1'iutérieur, leur situation militaire, étant évidemment la même entre eux, n'exige aucune subdivision. De cette manière, le comité a cru établir une bonne échelle de proportion dans la distribution des armes, puisqu'il propose de la calquer sur la situation militaire, et par conséquent sur les besoins de chacun des départements du royaume, de sorte que les départements de première ligne auront un plus grarfa nombre d'armes que ceux de la seconde, et ceux de la seconde un plus grand nombre que ceux de l'intérieur; et dans les départements de première ligne, ceux qui sont frontières en auront un plus grand nombre que les maritimes. Il en sera de même des subdivisions de la seconde ligne.
J'observe que le comité a cru devoir calculer les anciennes distributions avec la nouvelle que vous avez ordonnée, afin que chaque département n'ait pas un nombre d'armes moindre que celui indiqué, d'après les proportions que je viens de vous soumettre.
Je dois aussi vous dire que plusieurs départements en auront un plus grand nombre que celles fixées par ces proportions, parce qu'il n'est pas possible de leur faire rendre les armes qu'on leur a déjà distribuées ou qu'ils ont enlevées dans les premiers moments de la Révolution ; mais ceux de ces départements qui en avaient .déjà une quantité plus considérable que celle déjà indiquée ne sont point compris dans cette nouvelle distribution.
Ceux d'entré eux qui avaient déjà des armes, mais en moindre quantité que celle indiquée par les proportions ci-dessus, n'en auront que le nombre nécessaire pour les compléter.
Peut-être quelques départements observeront-ils que leur population étant plus considérable que celle d'autres départements compris dans la même section qu'eux, ils auraient dû avoir une plus grande quantité d'armes. Mais je répondrai à cela qu'il n est pas possible à l'Assemblée nationale et à ses comités d'entrer dans les détails de cette nature et d'entendre sur cet objet les 83 départements, les 533 districts et environ 44,000 municipalités.
Pour le moment, le comité a cru devoir se restreindre à vous proposer la proportion qui doit être établie entre ies départements et entre les districts. Quant à la distribution entre les municipalités, c'est à la sagesse et à la prudence des ditférents corps administratifs, surveillés par le ministre de la guerre, que l'Assemblée nationale doit s'en rapporter.
Le ministre de la guerre a pensé que la dépense nécessaire pour l'encaissement et le transport de çes armes de tous les magasins jusqu'au lieu de destination, pourrait être supportée par les départements. Le comité militaire est du même avis et vous propose, en Conséquence, un article exprès dans le décret.
Nous vous présentons, dès lors, ie projet de décret suivant :
L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité militaire, décrète ;
« 1° Que le roi sera prié d'ordonner qu'au nombre de 50,000 fusils, qui, d'après un décret en date du 18 décembre dernier, doivent être distribués aux gardes nationales du royaume, soit ajouté celui de 47,-903 fusils qui seront également distribués aux gardes nationales, d'après les proportions indiquées dans l'état ci-aqnexé;
« 2° Que les dépenses nécessaires pour l'encaissement. des armes et leur transport seront supportées par les départements auxquels elles seront distribuées. »
ÉTAT de distribution de 97,903 fusils à faire aux 83 départements du royaume(i).
Les 83 départements sont divisés en trois grandes parties, savoir : en
départements de première ligne, en départements de deuxième ligne, en
départements de l'intérieur. Les départements de première ligne sont
composés de 39 départements; ceux de seconde ligne, de 21 départements;
ceux
étant plus exposée que la seconde section de cette ligne, nommée départements de seconde ligne, derrière les départements maritimes, aura un plus grand nombre de fusils. Les départements de l'intérieur en recevront le plus petit nombre, mais seront tous traités également entre eux. Le moindre nombre de fusils que pourra avoir chaque département frontière de première ligne, sera de 4,244 fusils. Le moindre nombre que pourra avoir chaque département maritime de première ligne, sera de 3,290 fusils. Le moindre nombre que pourra avoir chaque département frontière de deuxième ligne, sera de 2,032 fusils. Le moindre nombre que pourra avoir chaque département maritime de deuxième ligne, sera de 1,480 fusils. Le moindre nombre que pourra avoir chaque département de l'intérieur, sera de 947 fusils. Ceux de ces départements qui, par des distributions antérieures à celle-ci, auront reçu un plus grand nombre de fusils que celui indiqué par les différentes proportions ci-dessus, n'auront point part à cette nouvelle distribution. Ceux qui seront au-dessous de ces proportions recevront de quoi les compléter. La Corse sera considérée, quant à cette distribution, à peu près comme un département frontière de première ligne.
NOMS des
DÉPARTEMENTS.
Départements frontières Première ligne.
Pas-de-Calais...........
Nord...................
Aisne...................
Ardennes...............
Meuse..................
Moselle.................
Bas-Rhin................
Haut-Rhin...............
Donbs..................
Jura....................
Ain....................
Isère...................
Hautes-Alpes............
Basses-Alpes...........
Var....................
Pyrénées-Orientales.......
Ariège..................
Haute-Garonne...........
Hautes-Pyrénées.........
Basses-Pyrénées.........
Corse...................
Total......
Départements maritimes Première ligne.
Bouches-du-Rhône........
Gard...................
Hérauit.................
Aude....................
Landes..................
Gironde.................
Charente-Inférieure.......
Vendée..................
Loire-Inférieure..........
Morbihan................
Finistère.................
NOMBRE DE FUSILS que
chaque département a
déjà reçus.
12,154 18,635 3,360 5,339 4,448 4,587 5,143 687 5,592 3,086 559 1,689 6,250 100 3,661 2,035 166 57 100 4,250
78,898
6,407 4,474 5,738 728 900 11,005 4,306 500 11,873 5,579 5,465
NOMBRE
DE FUSILS
que
chaque département, recevra.
2,796
3,557 »
1,158 3,685 2,555
4,144 583 2,209 4,078 4,187 4,144
3,903
37,883
2,562 2.390
î,790
TOTAL
DES FUSILS
qu'aura chaque département
12,154 18,635 4,244 5,339 4,244 4,587 5,143 4,244 5,592 4,244 4,244 4,244 6,250 4,244 4,244 4,244 4,244 4,244 4,244 4,250 3,903
116,781
6,407 4,474 5,738 3,290 3,290 11,005 4,306 3,290 11,873 5,579 5,465
OBSERVATIONS.
Les départements frontières de première ligne sont au nombre de 21, y compris l'Ile de Corse, qui par sa position dans la Méditerranée, doit être regardée comme un département frontière.
Le moindre nombre de fusils qu'aura chacun de ces départements sera de 4,244 ; ceux d'entre eux qui en ont antérieurement reçu plus que ce nombre, garderont ceux qu'ils ont, mais n'auront point part à la nouvelle distribution.
La Corse n'aura pour le moment que 3,903 fusils, jusqu'à ce que ses besoins soient mieux connus.
Les départements maritimes de première licse sont au nombre de 18.
Le moindre nombre de fusils qu'aura chacun de ces départements, sera de 3,290. Ceux d'entre eux qui en ont reçu antérieurement plus que ce nombre, n'auront aucune part à la nouvelle distribution.
NOMS des
DÉPARTEMENTS.
Côtes du Nord.....
Ile-et-Vilaine......
Manche............
Calvados...........
Eure..............
Seine-Inférieure.... Somme............
Total
Départements frontières de deuxième ligne.
Oise..........
Marne........
Meurthe......
Vosges.......
Saône........
Côte-d'Or.....
Saône-et-Loire Rhône-et-Loire
Drôme........
Tarn.........
Gers.........
NOMBRE
DE FUSILS
que
chaque département a
déjà reçus
1,255 3,23-2 4,625 5,474 400 7,665 3,033
82,659
NOMBRE
DE FUSILS
que
chaque département recevra.
TOTAL
DES FUSILS qu'aura chaque département
14 à
712 400 4,587 350 900 700
15,000
432 »
300
Total..
Départements maritimes de deuxième ligne.
Ardèche............
Lozère ....................
Aveyron...................
Lot-et-Garonne.............
Dordogne..,........ ......
Charente...................
Deux-Sèvres...............
Mayenne-et-Loire...........
Mayenne...................
Orne...................
Total........
Départements »de l'intérieur,
Paris........
Seine-et-Marn
Aube........
Haute-Marne.
Yonnne......
Nièvre.......
Allier.......
Puy-de-Dôme Haute-Loire.. Cantal.......
Lot..........
Corrèze......
Haute-Vienne
Indre........
Cher........
Loiret.......
Seine-et-Oise Eure-et-Loir
Sarthe.......
Loir-et-Cher. Indre-et-Loire
Vienne.....
Creuze........
23,381
» »
100 »
550
450 »
80 460
1,640
40,000 »
»
212 200
100 »
» » » »
1,112
9 »
Total.
41,624
2,035 58
»
2,890 »
257
12,982
1,321 1,633
1,683 1,133 1,333 2,033
1,601 2,033 1,733
14,503
1,480 1,480 1,480 1,380 1,480 930 1,030 1,480 1,400 1,020
13,160
947 947 735 747 847 947 947 947 947 947 947 947 947 947 947
947 947 947 947 947
19,375
3,290 3,290 4,625 5,474 3,290 7,665 3,290
95,641
2,033 2,033 4,587 2,033 2,033 2,033 2,033 14 à 15,000 2,033 2,033 2,033
37,884
1,480 1,480 1,480 1,480 1,480 1,480 1,480 1,480 1,480 1,480
14,800
40,000 947 947 947 947 947 947 947 947 947 947 947 947 947 947 947 1,112 947 947 947 947 .947 947
60,999
OBSERVATIONS.
Les départements frontières de seconde ligne sont au nombre de 11.
Le moindre nombre de fusils qu'aura chacun de ces départements sera de 1,033. Ceux qui en ont reçu antérieurement plus que ce nombre, n'auront aucune part à la nouvelle distribution.
Les départements maritimes de seconde ligne sont au nombre de 10.
Le moindre nombre de fusils qu'aura chacun de ces départements sera de 1,480.
Les départements de l'intérieur sont au nombre de 23.
Le moindre nombre de fusils qu'aura chacun de ces départements sera de 947. Ceux d'entre eux qui auront reçu antérieurement plus que ce nombre, n'auront aucune part à la nouvelle distribution.
récapitulation générale
DIVISION des DÉPARTEMENTS. NdlHBRË des DÉPARTEMENTS. QUANTITÉ DE rpsiis qiiè les départements OTt déjà reçus. QUANTITÉ DE FUSILS à . donner par cette nouvelle distribution aux département s. TOTAL DES FUSILS qu'auront les départements en calculant ensemble les anciennes distributions et la nouvelle.
Départ, front, de lr* ligne Départ, marit. de 1" ligne Départ, front, de 2me ligne Départ, marit. de 2ms ligne Départements de l'intérieur 21 18 11 10 23 78,898 82,659 23,351 1,640 11,624 37,883 12,682 44,803 13,160 19,375 116:781 95,641 37,884 14,800 60,999
83 228,202 97,903 326,105
Je prierai M. le rapporteur d'observer qu'en dohhant tin certain nombre d'armes par district* il y a lésion pour lès départements qui n'Odt que peu de districts. Dans le département du Bas-Rhin, par exemple, vous de nous donnez que "2,400 armes et le département de Brest en a 6 à 7,000, de manière que par cela seul que uous avons été éconbïàes de la sueUl1 du peuple, nous aurions moins de moyens de nous défendre, nousqu'dm menace véritablement ou qu'on feint de vouloir menacer; car nous n'avons aucune crainte die quelques cotireurB qui sont sortis de chez nous pour aller manger l'argent des aristocrates en Suisse ou dans les Pays-j Bas. Pour revenir an fait, je prie M. le rapporteur de vouloir bien faire son calcul de manière que nous ayons au moins 6 à 7,000 ftisils comme les autres départements qui ne sent pas pliis peuplés qûe nous.
, rappOrteun J'ai déjà dit qu'il n'a pas été possible au bomitê militaire d'entrer dans ces détails-là.
Lfe projet du coniité doit vous paraître insuffisant; n parle bien de fournir des armes aux départements ; il ne votis parle pas de leur fournir des Punitions, de la (poudre, par 'exempleviÇeipendant elle n'est pas mdïins nécessaire que les armes *, mon premier amendse-idûefit toôiïsiSte donc à demander 'la distribution de poudre et de iiàiles aûfc gardës nationales qui en manqueront. . Jê demande ensuite qu'on continue de fabriquer ué^ armés aVêc la plus grande'célérité danà toutes les manufacturés du royiaume. Je demande encore que fexportatibn dê& armes hors du royaumle soit défendue, jusqu'à ce que nos gardes' nationales «oient complète* ment armées; car elles [sont Ièfn de l'êtrè. Enfin, vous devez ordonner/à vos comités et au ministre de la guerrè de vous rendre compte, de 15 en 15 jours, de l'èxécutâon progressive des mesures tendant à la fabrication et à la distribution des armes et des mlunitions. Je ne me contente pas et aucun représentant ne se contentera de la garantie du caractère d'un ministre ; personne n'àimera, que, pour toute « raison et pour toute ptécautièn, on nous vanté ' toujours les ministres. Les comités et l'Assem- blée nationale sont faits pour surveiller les ministres et hOn pour lès flatter* (Applaudissements.)
Dans le projet que vous propose le comité, il y a peut-être un sujet d'inquiétude à prendre en considération. Les gardes nationales ne sont point du département dé la guerre; en conséquence, Messieurs, ce n'est pas le ministre de la guerre qui doit leur faire la répartition et la distribution des armeS. Après les avoir livrées et en avoir reçu décharge, là finit son ministère. Il serait d'un danger imminent de constituer I ce ministre répartiteur des àrjtiés qui seraient distribuées aux sardes nationales ; ce serait un commencement de juridiction. Elles-doivent être reçues à la pofte des arsenaux par le ministre du i'intéribur.
L'Assemblée nationale parait disposée à faire une distribution d'un assez bon nombre d'armes. Je crois qu'il est essentiel de prévenir les départements, dans le décret qui sera rendu, qu'il est extrêmement important de ne pas changer la nature de ces armes. Quelques gardes nationales, pour faire plus commodément rexercice, ou pour n'ètrëpas chargées d'un aussi grand poids que celui du fusil, se sont permis de diminuer les canons ; il résulte de là que de3 armes excellentes sont peut-être dans le cas de oe plus servir* Je demande donc que le décret en fasse mention.
rappoHvar. Un des prôopïliants a parlé des poudres ; je réponds qiie l'Assemblée ne noUs a rien prescrit sur cet article. Le comité militaire, d'ici à très peu de temps, se propose de rendre à l'Assemblée. le compte le plus eiact, le plus détaillé de toutes les espèces d'armes, depuis le canon jusqu'au pistolet^ ëï *le toutes les munitions qui sont actuellement dans le royaume. Comtne l'Assemblée nationale parait désirer que la distribution actuelle; se fasse par départements, sans faire mention des districts-, j'adopte ce changement.
La distribution qu'on vous pro* pose est pour la sûreté detoùt le royaume; je ne vois pas pourquoi la dépense du transport
devrait être supportée 'par les départements: elle doit être à la charge du Trésor public.
J'appUie l'améndement ; les départements frontières, pour être plus exposés aux irruptions de l'étranger, ne doivent pas l'être à plus de dépenses; leur position les rend déjà assez malheureux. Un Membre demande la question préalable sur l'amendement. (La question préalable est réjetée et l'amendement de M. Hervrin est décrété.) (Le projet de décret du comité est mis aux voix et décrété, sauf rédaction.) L'ordre du jour est un rapport des comités diplomatique, militaire et des recherches sur les moyens de pourvoir à la sûreté tant extérieure qu'intérieure du royaume.
, rapporteur des comités. Messieurs, des alarmes presque universelles se sont répandues sur la sûreté extérieure de l'Etat ; diverses circonstances, et surtout la conduite de nos émigrants chez les nations voisines, ont paru leur donner quelque consistance.
Vos comités diplomatique, militaire et des recherches ont été réunis pour examiner l'origine de ces inquiétudes et pour en apprécier la réalité. Ils ont chargé deux de leurs membres de vous présenter le résultat de leur opinion ; vos dispositions connues pour le maintien de la paix, la nécessité de concilier la dignité nationale avec une sévère économie, la nécessité de maintenir la confiance publique en ravissant tout espoir à ceux que de folles et coupables espérances pourraient armer encore contre notre repos: voilà les guides que nous avons suivis, et que vous retrouverez, Messieurs, dans le développement des mesures qu'ils nous ont dictées.
Vous avez déjà pris, Messieurs, des moyens puissants pour maintenir la tranquillité dans l'intérieur du royaume; vous avez attaqué surtout la véritable base de toutes les résistauces, lorsque vous avez décrété qu'il serait immédiatement procédé au remplacement des prélats qui n'ont pas prêté leur serment: mais il existe une liaison intime, il existe une action et une réac-tion continuelles entre les efforts intérieurs des ennemis de la Révolution, et ceux qui pourraient être tentés sur nos frontières. Tout ce que vous avez fait pour maintenir, dans l'intérieur, l'exécution de vos lois, sert à déconcerter des projeta qui ne seront jamais tentés sans l'espoir de trouver, au milieu de nous, un parti prêt à les soutenir. Tout ce que vous ferez pour opposer à l'invasion une défense imposante sera propre à déconcerter ceux, qui, en nourrissant parmi nous le trouble et les divisions, fondent leur espoir sur les efforts des ennemis auxquels ils voudraient livrer leur patrie.
Ne croyons donc point avoir fait assez quand nous avons paré à l'une ou à l'autre attaque de nos ennemis; notre surveillance doit les embrasser du même regard ; notre plan de défense doit être combiné pour les repousser également. Il serait difficile d'arrêter des idées fixes, de fonder une opinion certaine sur les spéculations, sur les notions imparfaites et contradictoires dont s'alimente en ce moment l'inquiétude publique.
Au milieu des agitations inséparables d'une
grande Révolution, les esprits sont disposés à recevoir tous les mouvements que des intérêts divers cherchent à leur imprimer. Les nouvelles éloignées, les faits obscurs de la politique sont, plus que d'autres, sujets à s'altérer en circulant au milieu des erreurs et des passions. En laissant de côté les rumeurs incertaines, tout ce que nous connaissons de réel parmi les faits sur lesquels les conjectures actuelles sont fondéees, c'est premièrement les intentions, certainement hostiles et les efforts plus ou moins actifs, mais nullement abandonnés, des Français réfugiés chez les nations voisines.
Secondement, les réclamations de.quelques» uns des princes possessiounés en Alsace, contre les décrets qui ont prononcé l'abolition ou le rachat des différents droits féodaux.
En supposant même que ceux-ci préférassent, aux négociations loyales et avantageuses, qui ont dû leur être proposées, une guerre dont ils seraient certains d'essuyer les premiers désastres, les uns et les autres, n'ayant pour eux ni la raison, ni la force, ne mériteraient pas une attention sérieuse, si l'on ne veut supposer leurs prétentions soutenues par des puissances plus redoutables. Mais, loin d'avoir à cet égard des faits positifs, l'on ne peut plus raisonner que sur les plus vagues conjectures.
Il est facile de concevoir qu'une grande révolution, opérée subitement dans l'un des pays de l'Europe où le pouvoir absolu semblait être le plus solidement établi, a dû faire naître des inquiétudes parmi ceux qui l'exercent chez les autres peuples ; il est facile de concevoir que tous envisagent avec effroi le succès d'une Révolution qui peut devenir l'exemple du monde : mais leur intérêt est-il véritablement de la contrarier les armes à la main? Mais le danger qu'ils redoutent ne serait-il pas plus pressant lorsqu'ils l'auraient provoqué? Mais une querelle imprudente ne porterait-elle pas, au sein de leurs Etats, cette fermentation et ces idées de liberté, que le penchant de la nature rend victorieuses aussitôt qu'elles ont été conçues? Dénoncer à leurs peuples la Révolution qui rend les Français é^aux et libres, ne serait-ce pas leur inspirer l'espoir et le courage de les imiter?
En vain des observateurssuperficiels voudraient-ils tirer quelques inductions de ce qui s'est passé près de nous. Un peuple égaré par le fanatisme, conduit par des chefs livrés à l'ambition et à l'intérêt; l'exemple d'une ville conquise en un moment, et qui n'opposait à des soldats que l'intérêt de sa cause et le spectacle de sa vertu, quelle comparaison peuvent-ils offrir avec une nation, où des millions d'hommes sont déterminés à périr pour la liberté qu'ils ont conquise, où quelques malheurs que l'on suppose, la multitude des ressources, la durée des résistances, l'influence qu'exerce sur une armée cette immense population que la liberté anime et rend éloquente, réuniraient contre la tyrannie toutes les chances des événements, et vaincraient bientôt, par l'opinion, ceux qui n'auraient pas été détruits par les armesl
Il est donc difficile de concevoir que la prudence la plus ordinaire puisse compatir-avec ces vues que l'inquiétude du patriotisme suppose à quelques princes de l'xiiurope. Les conjectures qu'on pourrait asseoir sur une rivalité politique, sur la crainte que peut imprimer l'accroissement prochain de notre puissance et de notre prospérité, auraient-elles plus de vraisemblance? Devons-nous penser qu'alarmés des progrès incal-
culables que nous prépare un ordre de choses, où les lois favoriseront les avantages naturels qu'elles ont contrariés jusqu'à ce jour, des gouvernements jaloux chercheront à nous troubler dans notre marche, avant que toutes nos forces réunies nous mettent à l'abri de leur inimitié?
Il serait peut-être facile de repousser ces craintes par un aperçu incontestable de la situation des puissances de l'Europe : toutes sont occupées de leur position; les unes prodiguent leurs forces à l'ambition de conquérir; d'autres, inquiètes de leur sûreté,cherchent denouveaux appuis; et, absorbées par le danger présent, sont loin de spéculer sur l'avenir; d'autres, au milieu de l'éclat delà plus brillante prospérité, sont véritablement accablées sous le poids de leurs engagements intérieurs, et ont encore à prévenir ou à réparer les pertes immenses qui les menacent dans des régions éloignées ; d'autres, après avoir recouvré, par la force, de vastes pays que la tyrannie leur avait fait perdre, sont menacés d'y voiries oppositions se renouveler ; et plus d'unité dans les efforts, imprimer le caractère d'une véritable révolution à ce qui n'avait encore offert que les mouvements frénétiques et momentanés des factions et du fanatisme; enfin toutes les autres, occupées de leur tranquillité intérieure, obligées de surveiller ce germe de fermentation presque universellement répandu, cherchent, dans une profonde inaction, à franchir le moment de la crise, et sont trop absorbées du soin detenir leurs peuples en paix, pour laisser croire que le calcul de notre grandeur à venir puisse apporter quelque changement à la marche que leur prescrit la conservation de leur existence actuelle.
Si cet aperçu de la position des puissances européennes ne suffisait pas pour nous rassurer, nous trouverions encore des motifs de sécurité, soit dans le caractère politique que nous avons adopté, dans notre respect pour le droit des gens, dans notre abnégation de toute conquête, soit dans l'état même de nos alfaires; car, quelque rapide que puisse être le progrès de leur rétablissement, notre position est trop déguisée aux yeux des étrangers, par des relations mensongères, pour qu'elle puisse les alarmer; et leur politique naturelle serait bien plutôt de se reposer, sur nos divisions, du soin de prolouger notre paralysie politique, que d'entreprendre ouvertement une guerre dont les périls seraient au moins partagés.
Il est donc vrai qu'en consultant tout ce que les combinaisons politiques ont de vraisembable, en cherchant, dans les intérêts et dans la situation des puissances étrangères, le principe probable de leur conduite, rien ne tend à faire croire que les projets de nos émigrants ou les prétentions des princes possessionnés en Alsace, pussent trouver à s'étayer d'alliés véritablement redoutables.
Mais la vraisemblance ne suffit pas aux représentants du peuple, lorsqu'il s'agit d'assurer sa destinée et de lui rendre la confiance et la tran-quillité.Des dangers, qui deviennent absurdes par la prévoyance et les précautions, acquièrent souvent de la réalité par une sécurité aveugle et indiscrète. Combinons nos moyens de défense; mettons en action nos ressources naturelles, et les entreprises même les plus menaçantes ne nous présenteront point de dangers réels. Abandonnons notre sort aux événements, laissons autour de nous les mécontents se nourrir de coupables espérances, laissons les projets les plus impudents s'enhardir par notre sécurité, et le plus
léger événement, la surprise d'une place, le succès d'une poignée d'aventuriers peut devenir un germe de troubles incalculables.
Sans doute, ils ne mettraient pas en péril une Révolution que la volonté nationale a consacrée; mais combien de secousses! combien de maux particuliers! quelle interruption désasteuse dans la renaissance et le progrès de la prospérité publique, et combien ces malheurs nous rendraient-ils coupables, si nous avions négligé les mesures qui auraient suffi pour les prévenir, nous que la nation a suivis avec autant de confiance, qu'elle a défendus avec tant de courage? Qui pourrait nous justifier, si, dépositaires de ses intérêts, chargés de veiller à sa sûreté, notre inexcusable légèreté devenait pour elle l'origine de tous les malheurs qui accompagnent la guerre et les dissensions civiles ?
Ces considérations, Messieurs, vous présenteront, sans doute, les mêmes conséquences que vos comités en ont tirées. D'aussi vagues conjectures ne sauraient motiver un genre de préparatifs dont la dépense, extrêmement onéreuse, serait pour l'Etat un fléau certain et sans proportion avec la possibilité de ceux qu'on aurait pu prévenir; un genre de préparatifs, dont l'appareil menaçant et la combinaison ambitieuse pourraient devenir le principe ou même le prétexte des agressions que nous aurions eu le dessein d'éviter : mais organiser sans retard le système général de notre force publique; mettre à notre disposition une masse imposante de forces défensives, qui, préparées à agir au moment du besoin, ne seront point, en attendant, dans une inutile activité, un moyen de ruine par les frais de leur solde et par la privation du produit de leur travail accoutumé; ajouter à ces mesures celles des préparatifs extraordinaires, rigoureusement indispensables pour nous assurer un système complet de défense dès le premier moment où nous nous verrions attaqués : c'est ce que les circonstances indiquent; c'est ce que la prudence conseille; c'est ce que l'économie peut admettre raisonnablement; c'est aussi ce que nous avions été chargés de vous proposer au nom de vos trois comités.
M. de Mirabeau mettra sous vos yeux le plan des mesures extraordinaires, avec lies considérations politiques qui les out déterminées : je me borne à vous développer celles qui, applicable.) dans tous les temps, et devaut, selon nous, former le système général des forces militaires de la France doivent en ce moment être accélérées, puisqu'elles sont la base nécessaire de toutes précautions défensives.
Nos moyens de défense peuvent se diviser en trois parties :
La première est l'armée active;
La seconde est une réserve de soldats auxiliaires, qui, vivant dans leur domicile, et servant la société par leurs travaux, peuvent être répartis dans l'armée de ligue au premier moment du besoin;
La troisième est dans les gardes nationales, parmi lesquelles la volonté libre, ou le choix des camarades, doivent désigner uu nombre d'hommes toujours prêts à prendre les armes pour la défense de la patrie.
L'organisation et la formation de l'armée de iigne ont été décrétées; cependant quelques dispositions sont encore nécessaires pour que l'exécution des décrets généraux puissent s'effectuer immédiatement. Le comité militaire vous.proposera de mettre à l'ordre du jour, dans le cou-
rant de la semaine prochaine, les rapports nécessaires pour terminer entièrement l'organisation de l'armée.
Cette armée a été décrétée de 150,000 hommes, et cependant le nombre effectif ne s'élève, en ce moment, qu'à environ 120,000. Les recrutements, que vos décrets en faveur des soldats ont rendus extrêmement faciles, doivent être pressés de manière à remplir promptement ce vide.
L'Assemblée n'a pris encore aucun parti sur le système des soldats auxiliaires; mais l'adoption de ce moyen, dont il a été parlé plusieurs fois dans les vues générales de son comité militaire, est indispensable pour concilier les idées de puissance extérieure et de dignité nationale, avec la conservation de la liberté, l'économie des revenus publics, l'encouragement du travail et les progrès de la prospérité.
Aussi longtemps que le système militaire de l'Europe sera tel qu'il est aujourd'hui, la disposition de 270,000 hommes de troupes de ligne est indispensable pour assurer à la nation française la place qu'elle doit occuper, le degré d'influence qui doit lui appartenir, et qu'il lui convient d'exercer pour le bonheur et la paix du monde.
Mais cet objet politique est parfaitement rempli, si, en conservant sur pied une armée suffisante pour garder nos frontières en temps de paix, et pour recevoir, sans une nouvelle organisation, ceux qui doivent, en temps de guerre, la porter à 250,000 hommes, nous nous assurons, au premier moment du besoin, la disposition de ceux qui doivent compléter ce nombre.
Telle est la destination des auxiliaires, c'est-à-dire d'hommes qui, vivants dans leur domicile, et livrés à leurs occupations habituelles, s'engagent à marcher, en cas de guerre, dans l'armée de ligne, au moyen de certains avantages qui sont déterminés par leur institution.
Nous avons cru que ces avantages devaient être :
1° Une solde de 3 sols par jour;
2» Le droit de citoyen actif à ceux qui, ayant d'ailleurs les qualités requises pour l'exercer, ne payeraient pas la somme d'imposition qui a été jugée nécessaire.
Cette disposition morale et politique, puisqu'elle tend à unir toujours les droits du citoyen avec les devoirs du soldat, sera encourageante pour la classe la moins fortunée; elle est conforme à l'esprit de la loi qui considère l'imposition requise, comme la preuve du domicile, et comme un tribut à la chose publique, que l'auxiliaire acquitte personnellement. Elle ne présente pas de danger dans l'exécution, puisque les auxiliaires n'étant pas réunis, et n'étant liés à aucun chef, peuvent voter dans les assemblées sans alarmer la liberté.
Les auxiliaires, engagés pour 3 ans, ne pourront être tenus de marcher qu'en cas de guerre, et d'après un décret du Corps législatif. Cette condition, qui donnera la faculté de s'en procurer, puisqu'elle diminue pour eux la chance du service effectif, est d'ailleurs conforme aux principes généraux, conservateurs de la liberté, qui ne permettent pas que l'armée active puisse être augmentée sans l'autorisation des représentants du peuple.
Le cas arrivant où les auxiliaires seraient requis de service, ils seront répartis dans les régiments, et il sera affecté alors une somme de 50 livres pour l'équipement de chacun d'eux.
Pour parvenir à la composition de ces 100,000 auxiliaires, nous avons pensé que les
i soumissions devaient être reçues par les corps administratifs et les municipalités, dans toute l'étendue du royaume, et que chaque département devait ensuite envoyer au ministre de la guerre celles qui auraient été recueillies dans son arrondissement, afin que le choix puisse s'exercer, et que la répartition en soit faite de la manière la plus juste et la plus convenable.
Cette institution qui ne mettra pas sur pied une force alarmante; qui n'arrachera pas un seul citoyen à ses travaux; qui distribuera dans toute l'étendue du royaume un moyen précieux de subsistance; qui se composera, en grande partie, d'hommes qui, ayant déjà servi, ou qui, demeurant attachés aux travaux de la culture, fourniront une excellente espèce de soldats; qui recueillera ceux qui, sortis inopinément du service pendant la Révolution, sont exposés à un dénuement aussi cruel pour eux, qu'alarmant pour notre tranquillité : cette institution qui n'exposera pas la liberté, et dont le succès pourrait même, avec le temps, nous donner la possibilité de réduire encore l'armée active, coûtera annuellement, en temps de paix, 5,400,000 livres, c'est-à-dire environ le seizième des frais de l'armée active, en nous donnant la faculté d'augmenter sa force de 2 cinquièmes.
Après ces dispositions, Messieurs, sur l'armée de ligne et sur les auxiliaires, le service que, dans un moment de péril extraordinaire, l'Etat pourrait obtenir de l'institution des gardes nationales, a fixé l'attention de vos comités.
L'Assemblée a déjà adopté quelques principes sur la nature de cette institution ; mais son organisation n'ebt point encore décrétée, et il est instant de s'en occuper.
Appelés dans une circonstance extraordinaire à vous présenter promptement des mesures de sûreté, vos comités n'ont pas dù entreprendre un travail de cette étendue; la préparation eût pu exiger un temps considérable, la discussion qu'il aurait entraînée dans l'Assemblée, aurait pu suspendre des mesures sur lesquelles il est à désirer que l'opinion ne soit pas longtemps incertaine.
Nous nous sbmmes donc bornés, sur l'organisation générale des gardes nationales, à une disposition préparatoire, qui en facilitera le travail, et qui pressera surtout l'époque de l'exécution effective des décrets qui auront été rendus; mais nous en avons détaché, dès à présent, une partie importante, applicable à tous les modes d'organisation, et essentiellement liée aux circonstances qui nous occupent:je veux dire, le mode suivant lequel les gardes nationales pourront être employées, dans des moments de guerre, au service de l'Etat.
Tous les citoyens actifs sont gardes nationales, depuis l'âge de 18 ans jusqu'à celui de 50. Il n'est donc pas possible que les corps entiers puissent servir et sortir de leurs foyers; ils ne peuvent, si je puis m'exprimer ainsi, marcher que par extrait, et il est nécessaire d'établir un mode suivant lequel le choix pût s'opérer, et le corps s'organiser au moment où la patrie en danger invoquerait leur secours.
La volonté libre des individus, et dans le cas de concours, le choix des camarades peuvent seuls déterminer ceux qui seront employés à ce service honorable.
Les divisions des corps nous ont paru être marquées par le canton et le district. Nous avons pensé que la garde nationale de chaque Ganton pourrait fournir une compagnie dè volontaires,
du nombre de 30 jusqu'à 50 hommes, en raison de la population; que les compagnies de canton, réunies, devraient former un bataillon par district.
Vous adopterez, sans doute, en organisant la garde nationale, ces divisions de district et de canton; avec assez d'étendue et de consistance pour donner l'ensemble et l'harmonie aux mouvements des gardes nationales, elles ne présentent ni le chaos d'une organisation par petites municipalités, ni les dangers politiques, et les inconvénients attachés à l'éloignement des lieux, qui résulteraient d'une organisation par département.
II me paraît. Messieurs, que ces divisions sont parfaitement applicables à l'institution momentanée de volontaires destinés à être mis en activité dans les moments de danger.
Un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant et 4 caporaux commanderont la compagnie; un chef de bataillon et un lieutenant-colonel commanderont le bataillon auquel il sera attaché une adjudant-major.
Chaque compagnie de volontaires élira ses officiers; le bataillon entier élira ceux qui doivent commander tout le bataillon.
Le volontaire recevra 15 francs de solde. Cette paye ira en croissant de grade en grade, mais dans la progression la plus modérée.
Le service des volontaires sera déterminé par un règlement particulier; ils ne pourront être mis sur pied que d'après un décret du Corps législatif. Leur service fini, avec les circonstances qui l'auront rendu nécessaire, ils rentreront dans les gardes nationales sans y conserver aucune distiuction.
Cette institution ne tend point et ne saurait conduire à introduire deux classes dans les gardes nationales; elle a seulement pour objet lie s'assurer le nombre d'hommes nécessaires dans le moment où l'Etat aurait besoin d'employer leur secours. Elle nous donnera la certitude de pouvoir appuyer les troupes régulières par une force capable de contenir, dans l'intérieur, tous les mécontents, et de repousser loin de nous toutes les aggressions; elle accroîtrait nos moyens, si elle était mise tout entière en activité, d'une masse de force de plus 250,000 hommes.
Telles sont, Messieurs, les mesures que vos comités m'ont chargé de vous proposer; elles sont celles que l'on devait soumettre plus tard à votre délibération, et que les circonstances n'ont fait qu'accélérer; elles sont simples, d'une exécution facile; elles présentent des moyens vastes qui ne sont pas achetés par des grands sacrifices, elles ne nuisent point aux fortunes particulières, en arrachant les citoyens à l'agriculture, à leurs foyers, à leurs affaires, à leurs travaux; elles ne nuisent point à la fortune publique en diminuant le produit des richesses nationales, qui ne se forment que du résultat de l'industrie, au travail de tous les citoyens.
Ces mesures ne présentent point les dangers de ces moyens extrêmes que l'inquiétude du patriotisme peut enfanter, mais que la réflexion ne saurait accueillir ; de ces moyens qui, mettant en mouvement des forces immenses sans destination, exposent l'Etat aux frais ruineux et même aux dangers de leur inactivité. Et cependant, Messieurs, après les avoir prises, ces mesures, jetez un coup d'oeil sur l'ensemble de l'Empire, et voyez le spectacle qu'il vous présentera à l'ouverture du printemps, c'est-à-dire au moment où l'on pourrait commencer des opéra-
tions de guerre. D'un côté, vos colonies ; de6 commissaires sont envoyés, les moyens de persuasion ramèneront la paix parmi des citoyens que l'erreur a pu égarer, mais que la patrie et l'intérêt commun solliciteront également de faire cesser des divisions funestes ; des troupes, das moyensde forceappiueront la raison et la justice, et vos colonies sauvées par elles des troubles qui les agitent, seront, par elles, à l'abri de toute attaque, de tout danger.
Si vous jetez vos yeux sur la France, vous serez également rassurés par les moyens de force publique qui s'offriront à vos regards. L'armée, à ce moment, entièrement organisée, présentera des cadres dans lesquels, au besoin, le premier signal fera entrer 100,000 soldats, qui en porteront la force au niveau des puissances les plus formidables. Si de pareils moyens ne suffisaient pas, une seule volonté, un seul décret du Corps législatif, mettra sur pied près de 300,000 hommes de gardes nationales, de ces hommes qui, depuis le commencement de la Révolution, ont prouvé qu'il n'était pas de fatigue qui pût rebuter, de danger qui pût intimider ceux qui veillent, ceux qui combattent pour Ja liberté ; de ces hommes qui ont prouvé qu'il n'y avait pas de sacrifices qu'ils ne sussent faire à cet inestimable bien, et qui prouveraient, s'il le fallait, qu'ils savent mourir pour le défendre.
C'est ce tableau, Messieurs, que nous avons cru qu'il était de notre devoir de vous présenter, de présenter à la nation entière, pour qu'elle vît, qu'elle reconnût, dans tous les moments, que notre sollicitude n'est pas ralentie, qu'elle veille sur sa sûreté; pour que la confiance naisse des moyens que vous aurait indiqués votre inquiète prévoyance ; pour que ces moyens, aussi redoutables par leurs effets, qu'ils auront été paisibles par leur intention, puissent faire cesser enfin de sacrilèges résistances, soumettre à la volonté nationale ceux que de vaines espérances, ou des regrets plus vains encore, éloignent de la soumission, et prouver à tous que, résolus de maintenir la Constitution que nous avons jurée, nous combattrons sans relâche ceux qui voudront la troubler au dedans, ceux qui voudront l'attaquer au dehors: aucun sacrifice ne nous coûtera pour faire échouer leurs projets coupables, et nous ne leur accorderons aucune trêve avant que la nation, délivrée de leurs intrigues et de leurs menaces, puissent enfin recueillir tranquillement les fruits de sa persévérance et de son courage.
Voici, Messieurs, le projet de décret que les membres de vos trois comités ont unanimement adopté, et qu'ils m'ont chargé d'avoir l'honneur de vous présenter :
Projet de décret.
L'Assemblée national^ après avoir entendu le rapport des comités diplomatique, militaire et des recherches, sur les moyens de pourvoir à la sûreté tant extérieure qu'intérieure du royaume, décrète ce qui suit :
Art. 1er. Le roi sera prié de donner des
ordres pour presser l'organisation de l'armée, et pour que les
différents corps de troupes soient incessamment portés au complet.
Art. 2. Pour être en état de porter au pied de guerre tous les régiments de l'armée aussitôt que les circonstances l'exigeront, on s'assurera de 100,000 soldats auxiliaires destinés à être répartis dans ces régiments.
Art. 3. Les auxiliaires seront engagés pour trois ans, sous la condition de joindre, aussitôt qu'ils en seront requis, les corps qui leur auront été désignés, pour y servir sous les mêmes lois et ordonnances, et avec le même traitement que les autres militaires.
Cette réquisition sera faite par les corps administratifs, en conséquence des ordres qui leur seront adressés par le roi, lesquels ordres ne pourront être donnés que d'après un décret du Corps législatif.
Art. 4. Il ne sera reçu à contracter l'engagement de soldat auxiliaire, que des personnes domiciliées, ayant au moins 18 ans, et pas plus de 36 ans d'âge, et réunissant d'ailleurs toutes les qualités requises par les ordonnances militaires : on admettra de préférence ceux qui auront servi dans les troupes de ligne.
Art. 5. Les auxiliaires recevront pendant la paix 3 sols par jour, et il sera fait un fonds extraordinaire de 50 livres par homme pour leur équipement à leur arrivée au corps, lorsqu'ils seront tenus de joindre : ils jouiront, dans le lieu de leur domicile, des droits de citoyens actifs pendant le temps de leur engagement, quand même ils ne payeraient pas la contribution exigée, si d'ailleurs ils remplissent les autres conditions requises; et il leur sera assuré une retraite après un certain nombre d'années de service. Le comité militaire présentera incessamment à l'Assemblée des vues sur cet objet.
Art. 6. Les municipalités recevront les soumissions des personnes qui se présenteront pour contracter l'engagement d'auxiliaire; ils les feront parvenir, à mesure qu'ils les recevront, au directoire de leur district; ceux-ci les feront passer sans délai au directoire de leur département, pour être adressées par eux au ministre de la guerre. Gardes nationales♦
Art. 1er. Pour parvenir à l'organisation
prochaine et définitive des gardes nationales du royaume, il sera fait
immédiatement, par tous les directoires de district, l'état des citoyens
qui, aux termes des décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le
roi, ont les qualités requises pour être gardes nationales. Ces états
seront envoyés, dans le courant de février, â l'Assemblée nationale.
Art. 2. Les gardes nationales de chaque canton désigneront, pour former une compagnie de 30 à 50 volontaires, suivant la population des cantons, les citoyens qui se présenteront librement; et, en cas de concours, la préférence sera déterminée par le choix des camarades.
Art. 3. Lorsque les besoins de l'Etat l'exigeront, les volontaires de chaque canton seront rassemblés par les ordres du roi adressés au directeur d'un ou de plusieurs districts, d'après un décret du Corps législatif. Les volontaires d'un même canton formeront alors une compagnie, et éliront, pour les commander, un capitaine, un lieutenant, un sous^lieutenant, 2 sergents, 4 caporaux, parmi les officiers et sous-officiers de la garde nationale du canton.
Art. 4. Les compagnies de volontaires d'un même district formeront un bataillon ; et, à cet effet, elles seront égalisées eDtre elles, lorsqu'elles seront réunies. Le bataillon sera commandé par un chef de bataillon, un lieutenant-colonel et un adjudant-major. Le choix de ces officiers sera
fait par le bataillon entier, parmi les officiers de la garde nationale du district.
Art. 5. Les volontaires seront payés par l'Etat pendant le temps qu'ils seront employés au service de l'Etat. La solde du volontaire sera de 15 sols, le caporal recevra une solde et demie, le sergent 2 soldes, le sous-lieutenant 3 soldes, le lieutenant 4, le capitaine 5, l'adjudant 6, le lieutenant-colonel 8, le chef de bataillon 10.
Art. 6. Lorsque la|situation de l'État n'exigera plus les services des volontaires, ils cesseront d'être payés, et rentreront dqns leurs compagnies de garae nationale, sans conserver aucune distinction.
Art. 7.11 sera fait un règlement sur le détail de la formation, sur le service et la discipline des volontaires, (Applaudissements prolongés.)
(L'Assemblée ordoqne l'impression et la distribution du rapport et du projet de décret.)
, rapporteur du comité diplomatique. Messieurs, le comité diplomatique, réuni aux comités militaire et des recherches, m'a chargé de fixer votre attention sur un objet important par ses rapports avec la tranquillité générale, sur ces bruits de guerre, ces alarmes publiques que la défiance accueille, et que le zèle même répand : sur les dangers, quels qu'fjs soient, qu'il s'agit d'apprécier par leur réalité, et non par les vœux impuissants des ennerhis dé la patrie; enfin sur leS mesures qui sont compatibles tout à la fois avec notre dignité et avec notre intérêt : mesures dont la préyoyance seule nous fait Un devoir, et qui peuvent concilier ce qu'on doit à la crédulité, à l'ignorance même, et à la prudence. Pour un peuple immense, encore agité du mouvement d'une grande Révolution; pour de nouveaux citoyens que le premier éveil du patriotisme unit aux mêmes pensées dans toutes les parties de l'Empire, qui, liés par les mêmes serments, sentinelles les uns des autres, se communiquent rapidement toutes leurs espérances et toutes leurs craintes, la seule existence des alarmes est un péril; et lorsque de simples mesures dé précaution sont capables de les faire cesser, l'inertie des représentants d'un peuple valeureux serait un crime. S'il ne s'agissait que de rassurer les Français, nous leur dirions : ayez plus de confiance dans vous-mêmes et dans l'intérêt de nos voisins. Sur quelle contrée portent vo* alarmes? La cour de Turin qe sacrifiera point une utile alliance à des haines ou domestiques gu étrangères. Elle ne séparera point sa politique de sa position ; et les projets d'une intrigue échoueront contre sa sagesse. la Suis?e libre, la Suisse fidèle aux traités, et presque frapçaise, ne fourpira ni des armes, ni des soldats au despotisme qu'elle a terrassé; elle aurait honte de protéger des conspirateurs, de soutenir des rebelles. (Murmigres.) Léopold a été législateur, et ses lois prouvèrent aussi dés détracteurs et des ennemis. S'il a des armées nombreuses, il a de vastes frontières. S'il aimàlt'la guerre, quoiqu'il ait commencé son règne par Ta paix, ce n'est pas du côté du Midi que pa politique Ini permettrait de tourner ses armes. Voudrait-il apprendre à des provinces encore flottantes entre l'essai d'une liberté qu'on leur a gâtèej et la prudence d'une soumission qui ne durera qu'autant qu'elle sèjra supportable, comment résistent à des conquérants ceux qui,
dans leurs propres foyers, ont su abattre la tyraDnie? (Applaudissements.) Craignez-vous quelques princes d'Allemagne, qui feignent de penser que le gouvernement d'une nation souveraine aurait dû s'arrêter, dans l'exécution de ses lois, devant des portions privilégiées de son territoire? Mais serviraient-ils mieux leur intérêt par des combats, que par une utile négociation ? et voudrait nt-ils compromettre l'indemnité que votre justice leur accorde? Qne, dans des siècles barbares, la féodalité ait armé des châteaux contre d'autres châteaux, cela se conçoit : mais que des nations fassent la guerre pour maintenir la servitude de quelques hameaux, ceux-là mêmes qui font de pareilles menaces, ne le pensent point : croyez plutôt que,'si les progrès de notre Révolution donnent de l'inquiétude à nos voisins, cette crainte est un gage qu'ils ne viendront pas nous troubler par des provocations périlleuses. (Applaudissements„) f• Sont-ce quelques Français réfugiés, quelques soldats secrètement enrôlés, qui vous inspirent des craintes? Mais la haine de pareils ennemis ne s'est-elle donc pas exhalée jusqu'aujourd'hui en impuissantes menaces? Où sont leurs alliés?Queile grande nation épousera leur vengeance, leur fournira des armes et des subsides, leur prodiguera le fruit de ses impôts et le saug de ses citoyens ? Sera-ce l'Angleterre.? Relativement aux autres puissances de l'Europe, il suffît de pénétrer dans les intentions probables des cabinets ; mais quand il s'agit de la Grande-Bretagne, il faut encore écouter la voix de la nation. Qu'avons-nous à espérer ou à redouter du ministère anglais? jeter dès à présent les grandes bases d'une éternelle fraternité entre sa nation et la nôtre, serait un acte profond d'une politique vertueuse et rare : attendre les événements, se mettre en mesure pour jouer un rôle, et peut-être agiter l'Europe, pour n'être pas oisif, serait le métier d'un intrigant qui fatigue la renommée un jour, parce qu'il n'a pas le crédit de vivre sur une administration bienfaisante. Eh bien ! le ministère anglais, placé entre ces deux carrières, entrera-t-il dans celle qui produira du bien sans éclat, ou dans celle qui aura de l'éclat et des catastrophes ? Je l'ignore, Messieurs ; mais je sais bien qu'il ne serait pas de la prudence d'une nation de compter sur des exceptions et des vertus politiques. Je né vous inviterai point à cet égard à une trop grande sécurité ; mais je ne tairai pas, dans un moment où l'on calomnie parmi nous la nation anglaise, d'après cette publication d'un membre des communes, que tout admirateur des grands talents a été affligé de compter parmi les détracteurs superstitieux de la raison humaine; je ne tairai pas ce que j'ai recueilli dans des sources authentiques, que la nation anglaise s'est réjouie quand nous avons proclamé la grande charte de l'humanité, retrouvée dans les décombres de la Bastille (Applaudissements.); je ne tairai pas que si quelques-uns de nos décrets ont heurté les préjugés épiscopaux ou politiques des Anglais, ils ont applaudi à notre liberté même, parce qu'ils sentent ljien que tous, les peuples libres forment entre eux une société d'assurance contre les tyrans (Applaudisse-ments); je ne tairai pas que, du sein de cette nation si respectable chez elle, sortirait une voix terrible contre des ministres qui oseraient diriger contre nous une croisade féroce, pour attenter à notre Constitution. Oui, du sein de cette terre classique de la liberté sortirait un volcan pour engloutir la faction coupable qui aurait voulu essayer sur nous l'art funeste d'asservir les peuples, et de leur rendre les fers qu'ils ont brisés. Les ministres ne mépriseront pas cette opinion publique dont on fait moins de bruit en Angleterre, mais qui est aussi forte et plus constante que parmi nous. Ce n'est donc pas une guerre ouverte que je crains : les embarras de leur.» finances, l'habileté de leurs ministres, la générosité de la nation, les hommes éclairés qu'elle possède eu grand nombre, me rassurent contre des entreprises directes ; mais des manœuvres sourdes, des moyens secrets pour exciter la désunion, pour balancer les partis, pour les déjouer, l'un par l'autre, pour s'opposer à notre prospérité : voilà ce qu'on pourrait redouter de quelques politiques malveillants. Ils pourraient espérer, en favorisant la discorde, en prolongeant nos combats politiques, en laissant de l'espoir aux mécontents, en permettant à un de no3 ex-ministres, en démence, de les flatter de quelques encouragements vagues, en lançant contre nous un écrivain véhément et facile à désavouer, parce qu'il affiche le parti de l'oppositionr de nous voir peu à peu tomber dans un dégoût égal du despotisme et de la liberté ; désespérer de nous-mêmes, nous consumer lentement, nous éteindre dans un marasme politique ; et alors n'ayant plus d'inquiétude sur l'influence de notre liberté, ils n'auraient point à craindre cette extrémité, vraiment fâcheuse pour des ministres, d'être tranquilles dans l'Europe, de cultiver chez eux leurs propres moyens de bonheur, et de renoncer à ces tracasseries superbes, à ces grands coups d'Etat, qui en imposent, parce qu il en est peu de justes, pour se livrer simplement au soin de gouverner, d'administrer, de rendre le peuple heureux, soin qui leur déplaît, parce qu'une nation entière l'apprécie, et qu'il ne laisse plus de place à la charlatanerie. (Applaudissements.) Telle pourrait être Ja politique insidieuse du cabinet, sans la participation et même à l'insu du peuple anglais ; mais cette politique est si basse, qu'on ne peut l'imputer qu'à un ennemi de l'humanité, si étroite, qu'elle ne peut convenir qu'à des hommes très vulgaires, et si connue, que de nos jours elle est peu redoutable. Français ! Etendez donc vos regards au delà de vos frontières, vous n'y trouverez que des voisins qui ont besoin de ia paix comme nous, et non d'ennemis; vous y trouverez des hommes que pour des guerres injustes on ne mènera plus aussi facilement aux combats ; des citoyens qui, moins libres que nous, regardent en secret les succès de notre Révolution comme une espérance qui leur est commune. De là parcourez l'étendue de cet Empire, et si vous avez la défiance du zèle, ayez aussi le respect de vos propres forces. On vous dit que vous n'avez plus d'armée, lorsque tous vos citoyens sont soldats ; que vous n'avez plus d'or, et au moindre péril toutes les fortunes particulières formeraient ia fortune publique ; qu'une guerre peut troubler votre Constitution, comme si les tentes d'un camp ne deviendraient pas aussitôt un asile pour Jes législateurs de ce peuple qui fit ses premières lois dans le Champ de Mars. Eh I quel tyran insensé s'exposerait à conquérir ce qu'il ne pourrait pas conserver? Lorsque la majorité d'une nation veut rester libre, est-il un emploi de la force capable d'empêcher qu'elle ne le soit ? Où donc est la source de cette anxiété, qui, se propageant daus tout le royaume, y a provoqué non seulement l'énergie et la fierté du patriotisme, mais encore son impatience ? Le zèle n'a-t-il point
exagéré nos périls ? car il est une ambition de servir son pays, capable de tromper les intentions du meilleur citoyen, de lui faire réaliser des occasions d'être plus puissant pour être en même temps plus utile ; de lui faire exagérer ses craintes parce qu'il croit être propre à les calmer ; enfin de le porter à donner la première impulsion vers un but auquel il est entraîné par son talent, qui par cela seul lui fait oublier sa prudence. Peut-être aussi fatigués de leur impuissance à troubler le royaume, les ennemis de la Révolution ont-ils pris leurs vœux pour leurs espérances, leurs espérances pour des réalités, leurs menaces pour une attaque; et se consolant à rêver des vengeances, ont-ils inspiré des inquiétudes au peuple, plus capable de juger leur audace que leurs moyens. (Applaudissements.) Peut-être encore des factieux auxquels il manque quelques chances pour exécuter, sous les beaux noms de liberté, des projets qui ftous sont cachés, ont-ils espéré de les trouver dans une grande agitation populaire ; et ce combat de l'intrigue et de l'ambition contre le patriotisme généreux et crédule; est sans doute aussi une guerre. Enfin ne doit-on pas regarder comme une des causes des alarmes populaires, cette défiance exagérée qui depuis longtemps agite tous les esprits, qui retarde le moment de la paix, aigrit les maux et devient une source d'anarchie, quand elle cesse d'être utile à la liberté? Nous craignons des ennemis au dehors, 'et nous oublions celui qui ravage l'intérieur du royaume. Presque partout les fonctionnaires publics, choisis par le peuple, sont à leur poste; ses droits sont donc exercés : il lui reste à remplir ses devoirs. Qu'en surveillant ses mandataires il les honore de sa confiance, et que la force turbulente de la multitude cède a la puissance plus calme de la loi. (Applaudissements.) Alors, jusqu'au signal du danger, donné par le fonctionnaire public, le citoyen dira : Von veille pour moi; car ce n'est point la véritable liberté qui a de vaines terreurs, elle se respecte assez pour ne rien trouver de redoutable. Cependant, Messieurs, si les craintes publiques ont été exagérées, elles n'ont pas été pour cela sans prétexte. Il est trop vrai qu'il y a eu des préparatifs d'une entrée de quelques conspirateurs armés, par les frontières delà Savoie; que quelques hommes ont été enrôlés dans la Suisse par les mécontents français; qu'on a tenté d'introduire furtivement des armes dans le royaume; qu'on a cherché, qu'on cherche encore à faire entrer quelques princes d'Allemagne dans une querelle étrangère, et à les tromper sur leurs véritables intérêts; enfin, que les réfugiés français ont des agents dans plusieurs cours du Nord pour y décrier notre Constitution, que ses bienfaits vengent assez de leurs outrages. Toutes ces circonstances réunies, comparées avec la force d'un grand peuple, ne mériteraient peut-être pas notre attention. Mais nous devons aussi compter pour quelque chose l'incertitude même de la prudence, la marche tortueuse d'une fausse politique, et l'obscurité qui couvre toujours une partie de l'avenir; enfin la sagesse ne nous prescrit-elle pas de rassurer ceux-là mêmes qui s'alarment sans raison? C'est après avoir pesé toutes ces considérations, Messieurs, que vos comités vous proposent : D'organiser, pour l'état de guerre, les gardes nationales et l'armée auxiliaire ; votre comité militaire vous en indiquera les moyens; De déterminer les pensions de retraite de tous les agents du pouvoir exécutif dans les cours étrangères, en cas de remplacement. Enfin, de porter au pied de guerre la portion de votre armée qui sera distribuée dansles points du royaume pour lesquels on a conçu quelques craintes. Tout le monde reconnaît depuis longtemps, et le ministre des affaires étrangères a rappelé plus d'une fois au comité diplomatique, la nécessité d'employer désormais, pour nos relations extérieures, des hommes qui ne compromettent pas la puissance française par des doutes sur nos succès, qui ne soient pas en quelque sorte étrangers au nouveau langage dont ils doivent être les organes, et qui, soit qu'ils ne connaissent pas la régénération de leur patrie, soitqueles anciens préjugés combattent leur devoir, soit qu'une longue habitude de servir le despotisme ne leur permette pas de s'élever à la hauteur d'un système de liberté, ne seraient plus que des agents du ministère ou les confidents de l'aristocratie, et non les représentants d'un peuple magnanime. I.Applaudissements.) Mais il faut ici, il faut toujours concilier l'intérêt et la justice, la prudence et l'humanité. Un long exercice des fonctions publiques, dans une carrière où l'on compromet souvent sa fortune, donne des droits à une retraite, et votre dignité ne vous permettrait pas de refuser les récompenses, quand même vous ne les devriez pas, à des services. Quant au développement d'une partie de votre puissance militaire, vous le devez à l'opinion qui l'invoque. C'est pour éviter qu'au moindre péril la nation entière, devenant tout à coup une armée, n'abandonne le travail qui seul constitue une nation, qu'il faut développer une portion de la force publique, et rassurer le citoyen par la prévoyance de la loi. (Applaudissements.) Ne craignez point que nos voisins regardent un rassemblement de troupes, nicommeune menace, ni comme un événement capable de leur inspirer de la défiance. Notre politique est franche, et nous nous en faisons gloire; mais tant que la conduite des autres gouvernements sera environnée de nuages qui pourra nous blâmer de prendre des précautions capables de maintenir la paix ? Non, une guerre injuste ne peut pas être le crime d'un peuple qui, le premier, a gravé, dans le code de ses lois, sa renonciation à toute conquête. Une attaque n'est point à craindre de ia part de ceux qui désireraient plutôt d'effacer les limites de tous les Empires, pour ne former du genre humain qu'une seule famille, qui Voudraient élever un autel à la paix, sur le monceau de tous les instruments de destruction qui couvrent et souillent l'Europe, et ne garder que contre les tyrans des armes consacrées par la noble conquête de la liberté. (Applaudissements.) Votre comité diplomatique, de l'avis des comités réunis, a l'honneur de vous proposer : L'Assemblée nationale décrète : Art. 1er. Que les comités des pensions et diplomatique réunis seront chargés de faire, dans 3 jours, un rapport sur les pensions de retraite qu'il convient d'accorder aux agents du pouvoir exécutif dans les pays étrangers, en cas de remplacement. Art. 2. Que le roi sera prié de donner des ordres pour porter au complet de 750 hommes par bataillon 30 régiments d'infanterie, et au complet de 170 hommes par escadron, 20 régiments de troupes à cheval, dont 8 de 4 escadrons et 12 de 3 escadrons, pour, lesdites troupes, être ré-
parties dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, des Ardennes, du Nord, de la Haute-Saône, du Doubs, du Jura, du Var, de l'Isère, des Hautes et Basses-Alpes. Art. 3. Que le ministre de la guerre présentera incessamment l'état de la dépense extraordinaire qu'exigera cette augmentation de troupes, avec le train d'artillerie et l'attirail des campements proportionnés, et tous les autres préparatifs nécessaires à un système de pure défense. (Applaudissements.)
Je demande l'impression de ce rapport. (Cette motion est décrétée.)
Je demande qu'on aille sur-le-champ aux voix sur les deux projets de décret. (Murmures.) Je sais que l'intérêt de l'agiotage y répugne, mais dans les conjonctures présentes, il est urgent, et souverainement intéressant pour la patrie, la patrie si chère à mon cœur, la patrie si chère à tous les Français; il est vraiment intéressant, dis-je, pour la patrie à laquelle il ne doit être aucun de nous qui ne désire avoir l'honneur et la gloire de sacrifier la dernière goutte de son sang; il est, dis-je, souverainement intéressant pour la patrie de ne pas perdre un seul instant pour inspirer aux malintentionnés une terreur salutaire pour eux-mêmes et pour la tranquillité publique.
Je demande la parole sur l'ajournement ; je ne veux pas traiter le fond, mais j'ai à représenter à l'Assemblée que sur les projets de décret qui emportent des conséquences aussi essentielles et aussi importantes, il faut se mefier de son zèle et de son patriotisme. Je dis, Messieurs, que nous ne sommes pas ici pour jouer le rôle de soldats seulement; mais que nous sommes législateurs et que nous devons nous mélier d'une impulsion trop véhémente de ce sentiment de patriotisme qui nous fait courir aux mesures qui peuvent tendre à la défense de nos foyers. Je dis, Messieurs, que nous sommes tous d'accord sur un point; nous sommes tous résolus de sacrifier notre sang pour la défense du royaume, s'il était attaqué par nos ennemis; mais je dis que ce serait sacrifier le sens commun... (Rires.) que de vouloir... (Rires.); oui, Messieurs, je le répète, c'est sacrifier le sens commun que de vouloir aller aux voix sur une question qu'on ne connaît pas. Je déclare que je n'ai été dans aucun de ces clubs où les délibérations de cette Assemblée se discutent d'avance et que mon devoir est ici de m'opposer tant aux hommes irréfléchis qu'aux hommes qui connaissent les décrets d'avance; et je dois nécessairement m'opposer à ce que la délibération sur une matière aussi importante soit prise en ce moment. Au surplus, vous êtes maîtres de faire tout ce qu'il vous plaira; mais moi, j'ai dû vous faire part de mes réflexions.
Je ne me permettrai qu'une seule réflexion. Lorsqu'il s'est agi dans cette Assemblée de porter des secours à l'Espagne, notre alliée, il n'y a eu qu'une seule et unique opinion ; on a demandé d'aller sur-le-champ aux voix et, dans la séance même, le décret a été porté. Aujourd'hui, il s'agit de défendre notre liberté ou de l'assurer; je demande que la majorité as- sure cette disposition, et que l'on veuille bien aller sur-le-champ aux voix- Un grand nombre de membres ; Aux voixl
Je demande la division des deux décrets. (La division est rejetée par la question préalable.)
Je demande alors que le président mette aux voix si le projet de décret sera discuté aujourd'hui. (La discussion immédiate est ordonnée.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 1er, qui est ainsi conçu : k L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport des comités diplomatique, militaire et des recherches, sur les moyens de pourvoir à la sûreté, tant extérieure qu'intérieure du royaume, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
Le roi sera prié de donner des ordres pour l'organisation de l'armée, et pour que les différents corps de troupes soient incessamment portés au complet.
Je demande la parole sur une application du ranport de M. de Mirabeau au décret proposé par M. de Lametb. Je trouve très raisonnable que des mesures défensives qui n'annoncent aucune agression, soient décrétées dans le moment où elles soqt proposées; mais j'observe, Messieurs, que plusieurs vues très intéressantes des rapports faits par les rapporteurs ne se trouvent pas résumées et appliquées aux différents articles du décret. Nous avons tous remarqué que M. de Mirabeau a classé parmi les causes principales des désordres intérieurs et parmi les moyens qui pourraient 1e plus rétablir la tranquillité intérieure, la cessation de l'influence tumuftuaire de la multitude sur les fonctions publiques, sur les délibérations des corps administratifs ou des mandataires du peuple. M. de Mirabeau a dit très sagement que le peuple ayant enfin choisi ses mandataires, les ayant placés dans tous les postes des pouvoirs publics, il était temps qu'il 's'en rapportât à ses mandataires, Une voix à gauche : En les surveillant !
Messieurs, j'appelle comme vous la surveillance et, certes, je ne la crains pas; mais je vous supplie de considérer que si la surveillance du peuple est autre part que d^ns la Constitution et dans les moyens constitutionnels, il résulte de cette prétendue surveillance, exercée individuellement et tumultuairement, l'anarchie que nous voyons. (Murmures.) Eh 1 Messieurs, il s'agit de la tranquillité intérieure ; le projet de vos comités a pour titre : Des moyens de pourvoir à la sûreté tant intérieure qu'extérieure du royaume, et l'ordre que vous avez donné à vos comités a pour objet de vous présenter des mesures relatives à la tranquillité extérieure et intérieure ; car, Messieurs, les mesures les plus directement relatives à la sûreté intérieure et extérieure résultent, ressor-tent toutes de la réflexion très lumineuse de M. de Mirabeau. Il est certain, Messieurs, qu'il n'y a plus lieu
aux mécontents, à ceux que vous préjugez les ennemis de la Constitution, de faire aucune plainte dangereuse, aucune espèce de mouvement qui ne soit coupable, du moment qu'ils énrou-vent la protection, la tranquillité que peut leur assurer la loi ; mais cela même ne peut arriver, quand tout le royaume entier sera subdivisé en autant d'assemblées d'attroupements. (Murmures à gauche.)
Il faudrait que le comité diplomatique s'assemblât au elub monarchique. (Applaudissements.)
Lorsque, dans les circonstances les plus graves, un projet vous est présenté sur les mesures à prendre relativement à la tranquillité intérieure et extérieure; lorsqu'on vous fait remarquer avec autant de justesse que de vérité que ce qui nuit le plus à la tranquillité intérieure, c'est cette influence de la multitude sur tous les fonctionnaires publics; lorsqu'on demande qu'à des décrets qui remplissent sur tous les points votre objet, on joigne un article conséquent au rapport qui vous a été fait, au rapport que vous avez applaudi; pourquoi repousser des principes qui sont les vôtres? Et quelles peuvent être les considérations qui vous empêcheraient d'admettre cet article ? Plusieurs voix : Annoncez-le !
La réponse à la proposition qui m'est faite vous sera plus agréable de la part de M. de Mirabeau que de la mienne; je le supplie de réduire en article de décret sa réflexion et j'y adhère très volontiers.
Permettez ; j'aurai l'honneur de vous dire en deux mots que je tâche de faire des décrets avec réflexion, mais que je ne sais pas réduire des réflexions en articles de décret. Quand il y a une mesure systématique à combiner sur l'organisation intérieure du royaume, il me semblé que sa place est dans les travaux journaliers et habituel? de cette Assemblée et de ses comités.
Mais, monsieur,., (Murmures à droite.)
Je ne suis ici que le rapporteur du comité diplomatique; M. de Lameth est le rapporteur des 3 comités réunis. Nous ne pouvons pas faire une encyclopédie, même de morale, dans un projet de mesures politiques. Un grand nombre de membres : Aux voix I (L'article $1* est mis aux voix et adopté.) Art. 2. Pour être en état de porter au pied de guerre tous les régiments de l'armée aussitôt que les circonstances l'exigeront, on s'assurera de 100,000 soldats auxiliaires destinés à être répartis dans ces régiments. (Adopté.)
Art. 3.
Les auxiliaires seront engagés pour 3 ans, sous la condition de rejoindre, aussitôt qu'ils'en seront requis, les corps qui leur auront été désignés pour y servir sous les mêmes lois et or-
donnances, et avec le même traitement que les autres militaires.
Cette réquisition sera faite par les corps administratifs, en conséquence des ordres qui leur seront adressés par le roi, lesquels ordres ne pourront être donnés que d'après un décret du Corps législatif. (Adopté.)
, rapporteur,donne lecture de l'article 4, qui est ainsi conçu t « Il ne sera reçu à contracter l'engagement de soldat auxiliaire, que des personnes domiciliées, ayant au moins 18 ans et pas plus de 36 ans d âge, et réunissant d'ailleurs toutes les qualités requises par les ordonnances militaires : on admettra de préférence ceux qui auront servi dans les troupes de ligne, a
Je demande, par amendement à cet article, que l'âge limité à 36 ans, ne le soit qu'à 40.
, rapporteur, J'adopte l'amendement. (L'amendement est adopté.)
J'ai une autre observation à vous faire. Vous venez de décréter que les différents corps de troupes de ligne seront incessamment portés au complet. Si vous ne décrétez pas que dans ce moment il ne sera admis parmi les auxiliaires que ceux qui ont déjà servi, vous mettez les régiments dans le cas d'avoir beaucoup de peine à se procurer les récrues qui leur manquent. Cependant il est de fait que le plus pressant est dé compléter les troupes de ligne.
J'appuie l'observation du préopinant. Je vous prie de considérer, Messieurs, que si, dans ce moment, les recrutements se croisent; s'il y en a un qui présente plus d'avantages que l'autre; si le terme de l'engagement des auxiliaires est de 3 ans, au lieu que les engage-; ments des troupes de ligne sont jusqu'à présent de 8 ans; si, indépendamment de cette première considération, l'homme qui s'engage comme auxiliaire à 3 sols par jour de paye, n'a à courir que la chance incertaine, eloignée, d'une guerre qui le mettrait dans le cas de rejoindre ses drapeaux pendant ces 3 ans ; si, en attendant cette chance, il a la jouissance de tous les droits de citoyen actif; s'il reste dans ses foyers, je crois qu'il arrivera que beaucoup de gens qui, déterminés à prendre le parti des armes et n'ayant que le débouché des troupes de ligne, y seraient entrés, prendront de préférence le parti de s'engager comme auxiliaires.
Je demande que ceux qui obtiendront la préférence soient ceux qui ont servi dans les milices et qu'ils soient comptés avec les troupes de ligne.
Et moi, je demande la suppression des milices qui existent encore de fait, quoique, dans votre intention, elles ne doivent plus subsister.
Je demande la question préalable contre l'amendement de M. de Tracy.
appuie la question préalable.
, rapporteur. Une
raison m'empêche d'appuyer la question préalable sur l'amendement de M. de Tracy. Quant à l'amendement que vient de proposer M. Emmery, pour la suppression des milices, je répondrai que cette suppression a été décrétée ou convenue absolument dans l'Assemblée. Il n'est question que d'en exprimer le mode et j'ai eu l'honneur d'annoncer que, dans la semaine prochaine, le comité militaire demandera la parole pour présenter les mesures nécessaires à l'organisation définitive et complète de l'armée de ligne.
C'est un despotisme du comité de prétendre que l'Assemblée ne peut pas décréter à l'instant la suppression des milices.
Pour ce qui concerne la suppression des milices, je ne puis me dispenser d'apprendre à l'Assemblée que les députés du département du Pas-de-Calais ont reçu plusieurs fois des plaintes fondées surt ce qu'on continue de percevoir les droits relatifs aux milices, quoique la suppression semble implicitement décrétée par l'Assemblée nationale. Je demande que l'Assemblée décrète à l'instant la suppression des milices.
, rapporteur. Ce n'est nullement, comme semble le croire M. Le Chapelier, un despotisme du comité militaire; mais si l'on veut décréter tout de suite la suppression de la milice, cette suppression exige des précautions. Je demande donc l'ajournement de là question à 3 jours ; le comité présentera alors le mode de suppression, parce qu'il est nécessaire de pourvoir au sort des anciens militaires. Au surplus, j'adopte en ce moment Je principe de la suppression ; M. Le Chapelier n'aura plus besoin de renouveler une motion que nous avons proposée nous-mêmes.
Je demande que les milices qui sont actuellement en activité ne se séparent pas jusqu'à ce que le mode de séparation et le sort des officiers soit arrêté.
Je demande que, pour ne pas diminuer notre force active, comme nous allons le faire, nous décrétions que les soldats provinciaux actuels serviront comme auxiliaires pour les 3 ans qui peuvent rester à courir. Un membre : Non, il faut conserver la liberté! (L'Assemblée adopte l'amendement de M. Rewbell et rejette les autres amendements par la question préalable.) L'article 4 est adopté en ces termes :
Art. 4.
Il ne sera reçu à contracter l'engagement de soldat auxiliaire, qne des personnes domiciliées, ayant au moins 18 ans, et pas plus de 40 ans d'âge, et réunissant d'ailleurs toutes les qualités requises par les ordonnances militaires ; on admettra de préférence ceux qui auront servi dans les troupes de ligne.
Les auxiliaires seront libres de contracter des engagements dans l'armée, et alors ils seront remplacés dans les auxiliaires. Art. 5.
Les auxiliaires recevront pendant la paix 3 sols par jour, et il sera fait un fonds extraordinaire de 50 livres, par homme pour leur équi-
pement à leur arrivée au corps, lorsqu'ils seront tenus de rejoindre ; ils jouiront, dans le lieu de leur domicile, des droits de citoyens actifs pendant le temps de leur engagement, quand même ils ne payeraient pas la contribution exigé -, si d'ailleurs ils remplissent les autres conditions requises, et il leur sera assuré une retraite après un certain nombre d'années de service ; le comité militaire présentera incessamment à l'Assemblée des vues sur cet objet.
Un membre propose de réduire à 2 sous par jour la paye de 3 sous, accordée aux auxiliaires.
Un membre propose de supprimer l'avantage accordé par cet article aux auxiliaires, du droit de citoyens actif?, dans leurs domiciles respectifs.
, rapporteur, propose d'exprimer dans la rédaction, suivan t l'intention des comités réunis, que l'avantage accordé aux auxiliaires sera limité à la durée de leurs services. (Les amendements sont rejetés par la question préalable et l'article 5 est décrété.)
Art. 6.
Les municipalités recevront les soumissions des personnes qui se présenteront pour contracter l'engagement d'auxiliaire s; ils les feront parvenir, à mesure qu'ils les recevront, au directoire de leur district ; ceux-ci les feront passer sans délai au directoire de leur département, pour être adressées par eux au ministre de la guerre.
Je crains que l'exécution de cette loi ne rencontre des difficultés par des détails trop minutieux ; je pense que toutes ces municipalités, déjà chargées de tant de détails par les fonctions que vous leur avez attribuées, ne pourraient peut-être pas rassembler, d'une part, toutes les connaissances nécessaires pour exécuter parfaitement cette loi-là ; d'un autre côté, qu'il y aura une concurrence plus utile et meilleure, en attribuant cette fonction à la municipalité de canton. En conséquence, je demande que les fonctions attribuées ici à toutes les municipalités, le soient seulement aux municipalités des chefs-lieux de canton. (Applaudissements.)
, rapporteur. J'adopte l'amendement. L'article 6 est décrété comme suit :
Art. 6.
Les municipalités du chef-lieu de canton recevront les soumissions des personnes qui se présenteront pour contracter l'engagement d'auxiliaires ; ils les feront parvenir, a mesure qu'ils les recevront, au directoire de leur district ; ceux-ci les feront passer sans délai au directoire de leurs départements, pour être adressées par eux au ministre de la guerre.
, rapporteur. Nous passons maintenant au projet de décret relatif aux gardes nationales,
Cette partie, qui concerne les gardes nationales, me paraît devoir être renvoyée à l'organisation des gardes nationales, parce qu'il faut considérer ce système dans son ensemble. Il faudra examiner, avec la plus grande
attention, s'il est conforme aux principes de l'organisation que vous adopterez pour les gardes nationales d'établir au milieu d'elles une espèce d'armée auxiliaire, d'établir une distinction frappante, entre une partie des gardes nationales et le reste de ce même corps. Sans entrer dans le développement de ces raisons, qui ne me paraît pas placé dans ce moment, je conclus à ce que vous renvoyiez cette partie du décret lors de l'organisation de la garde nationale^
Loin que je sois de l'avis qu'il faut un corps séparé pour maintenir la tranquillité publique, je crois, au contraire, que pour le maintien de la tranquillité, il ne faut pas de force séparée. Il faut que tous les citoyens, devenus militaires au nom de la liberté, soient employés à la défense de la tranquillité publique. Je demande que ces articles soient ajournés jusqu'à l'organisation des gardes nationales.
Je demande à proposer un amendement à l'ajournement. Le préopinant, dans les principes qu'il a établis, a évidemment méconnu la teneur des articles qu'il combat; il suppose que ces articles tendent à établir deux corps, à établir des distinctions dans la garde nationale. Qu'il me soit permis de dire la vérité, et cela est important dans la circonstance. Les articles proposés présentent trois dispositions: L'une, c'est que lorsque par un décret du Corps législatif les gardes nationales pourront être employées à la défense de l'Etat, elles n'agiront que par extrait ; car il est évident que tous les citoyens actifs étant gardes nationales, on ne peut pas dépeupler un pays pour envoyer les citoyens dans une autre partie du royaume. La seconde disposition, c est que ces hommes, extraits de la garde nationale au moment où il faudrait servir, nommeront eux-mêmes leurs officiers. La troisième, enfin, c'est que la composition du corps aura lieu par cantons et districts. (Interruptions.) On ne crée pas deux corps dans la garde nationale, du moment que ceux qui marcheront à la réquisition, qui en sera faite en vertu du,décret du Corps législatif, ne seront choisis que pour l'occasion unique dans laquelle ils devront marcher et que, rentrés chez eux, ils reprendront leur place dans le corps, sans aucune distinction. Je demande l'ajournement à jour fixe et très prochain, à lundi.
J'éplucherai aussi sévèrement qu'un autre les motifs de l'organisation des gardes nationales, de quelque côté de la salle et de quelque côté du royaume qu'elle arrive ; mais certes, il est un peu singulier que l'on veuille despotiquement empêcher vos comités de donner leurs motifs. Je commence par dire que l'ajournement me paraît bon, que j'adopte l'ajournement. Mais j'ajoute deux choses: d'abord, je pense avec M. Barnave que, comme une de nos mesures les plus rassurantes et fondées sur les circonstances est d'augmenter notre force active, l'ajournement doit être à jour fixe ; la seconde, qu'il y a une très piquante singularité à ce que cè soit au moment où les comités déclarent qu'ils adoptent l'ajournement, que M. Le Chapelier vienne cher- cher un sens caché dans les articles. (Applaudissements.) Je déclare, au nom des 40 membres composant les 3 comités, que notre intention n'a jamais été de séparer dans ce projet de décret la garde nationale en deux corps. Nous déclarons aussi que nous trouvons extrêmement simple que la rédaction en soit plus soignée, plus débattue, que l'ajournement soit adopté. Nous ne voulons pas de garde nationale en deux corps ; nous voulons encore moins servir l'ambition de qui que ce soit.
Nous ne le voulons pas plus que vous. Qu'on relise l'article 1er du projet de décret et l'on verra si j'ai eu tort dans ce que j'ai dit.
Gela est faux.
, rapporteur. Cela est faux.
Je demande si, dans l'Assemblée on ne peut dire son opinion contre l'avis d'un rapporteur sans être insulté. (L'Assemblée ajourne la discussion après la distribution du projet sur l'organisation des gardes nationales.) L'Assemblée passe à la discussion du projet de décret présenté par M. de Mirabeau.
donne lecture des divers articles de ce projet : « L'Assemblée nationale décrète :
Art. 1er.
« Que les comités des pensions et diplomatique réunis seront chargés de faire, dans 3 jours, un rapport sur les pensions de retraite qu'il convient d'accorder aux agents du pouvoir exécutif, dans les pays étraagers, en cas de remplacement. » (Adopté.) Art. 2.
« Que le roi sera prié de donner des ordres pour porter au complet de 750 hommes par bataillon, 30 régiments d'infanterie: et au complet de 170 hommes par escadron, 20 régiments de troupes à cheval, dont 8 de 4 escadrons, et 12 de 3 escadrons, pour, lesdites troupes, être réparties dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, des Ardennes, du Nord, de la Haute-Saône, du Doubs, du Jura, du Var, de l'Isère, des Hautes et des Basses-Alpes. »
Je demande, par amendement, que tous les régiments qui seront placés dans les départements désignés par l'article, soient des régiments français.
Il n'y a plus que des régiments français.
retire son amendement. (L'article 2 est adopté.)
Art. 3.
« Que le ministre de la guerre présentera in-i cessamment l'état de la dépense extraordinaire
qu'exigera cette augmentation de troupes, avec le train d'artillerie et l'attirail des campements proportionnés, et tous les autres préparatifs nécessaires à un système de pure défense. » (Adopté.)
, rapporteur du comité militaire. Messieurs, Vous avez renvoyé au cours de celte séance, pour rédaction, au comité militaire, un projet de décret relatif à la distribution de fusils aux départements. Voici le nouveau texte que nous Vous proposons : « L'Assemblée nationale, ouï ie rapport de son comité militaire, décrète : « 1° Que le roi sera prié d'ordonner qu'au nombre de 50,000 fusils, qui, d'après un décret en date du 18 décembre dernier, doivent être distribués aux gardes nationales, soit ajouté celui de 47,903 autres fusils, total 97,903 fusils, qui, pris dans les magasins de l'État par le ministre de la guerre, seront par lui remis au ministre chargé par le roi de la surveillance de l'intérieur du royaume, et distribués par lui aux départements d'après les proportions indiquées dans l'état ci-après : « 2° Ces fusils seront marqués des deux lettres A. N., signifiant Armée nationale; les départements, districts et municipalités veilleront à ce qu'ils ne soient pas dilapidés. En conséquence, les noms des citoyens auxquels ces armes auront été confiées, seront enregistrés dans chaque municipalité qui en enverra, un double au district dont elles relèvent, et celui-ci au département 2 fois l'année; chaque municipalité se fera représenter ces armes, et veillera à ce qu'elles soient conservées dans le meilleur état, sans que ceux qui en seront dépositaires puissent y faire aucune espèce de changements ; « 3° Tout citoyen qui serait convaincu d'avoir vendu ou perdu son fusil, sera déclaré pour 3 années, incapable de porter les armes; « 4° Les dépenses nécessaires pour l'encaisse-sement et le transport de ces armes seront supportées par la nation, et payées par le Trésor public. »
J'observe au troisième paragraphe que celui qui a perdu son fusil ne doit pas être puni comme celui qui l'a vendu. Je demande que la distinction en soit faite.
, rapporteur. Je retire les mots : ou perdu. (Le projet de décret, ainsi modifié, est adopté.)
lève la séance à 4 heures.
Suite de Vopinion de M. Malouet, sur les me-» sures proposées par MM. de Mirabeau et de La-meth, relativement à la sûreté intérieure et extérieure du royaume.
J'ai dit, ce matin, à l'Assemblée qu'une des Causes des désordres intérieurs et de l'agitation générale était, de l'aveu de M. de Mirabeau, cette
influence tumultueuse de la multitude sur les affaires publiques : il est temps, nous a dit le rapporteur, que le peuple qui, dans toutes les fonctions publiques, a des mandataires de son choix, s'en repose sur eux, et les laisse paisible*-ment exercer leur ministère.
J'ai dit que cette observation juste et sage ne pouyait rester sans application dans les mesures à prendre pour la sûreté intérieure du royaume, et qu'il était bien plus important d'en faire un article du décret, qu'un paragraphe du rapport.
M. de Mirabeau m'a répondu qu'il ne savait pas Convertir une réflexion en un décret; comme si nos décrets étaient ou devaient être autre chose qu'un résultat de réflexions sages et lumineuses. M. de Mirabeau a ajouté que ce n'était pas le moment, que si les comités recevaient l'ordre de rédiger... Je n'ai pas entendu le reste; car le cri de l'ordre du jour a étouffé sa voix comme la mienne. Ahl je reviendrai jusqu'à i'importunité à ma constante réclamation; et je veux prouver aujourd'hui que dans le sens de la Révolution pour les intérêts de la Révolution, en politique comme en morale, dans tous les systèmes de liberté possible et sous tous les rapports imaginables, il n'y a rien de plus cruel et rien de plus fou que l'insouciance qu'on inspire à l'Assemblée pour les mesures tendant efficacement au rétablissement de l'ordre.
Qu'est-ce qu'une révolution dans un Etat? G'est un changement de principes et de formes dans le gouvernement, soit que ce soit un conquérant qui établisse une nouvelle dynastie, ou le peuple lui-même qui reprenne l'exercice de ses droits.
Dans l'un et l'autre cas, la révolution s'opère en mesurant les moyens aux obstacles.
Dans les deux cas, les moyens font la force; mais la direction supérieure de cette force, sagement combinée dans tous les périodes de la révolution, peut seule en assurer le succès.
S'il s'agit d'établir la puissance d'un seul, la terreur d'abord, mais bientôt la justice et l'ordre lui sont aussi nécessaires qu'à ses nouveaux sujets.
S'il s'agit d'établir la liberté du peuple sur les ruines du pouvoir absolu, les chefs, les représentants de ce peuple ne sauraient trop accélérer sa jouissance, et lui présenter avec tous ses avantages la différence du nouvel ordre de choses à l'ancien.
Voyons donc ce que vous avez voulu détruire? C'est l'autorité arbitraire, le pouvoir absolu du prince ou de ses ministres. Fort bien. — Que mettez-vous à la place? l'autorité delà loi. —C'est aussi mon avis. — Mais parcourons le royaume, et voyons ce qui se passe. Tandis que vous tenez votre loi de liberté comme la lumière sous le boisseau, ou que vous la promulguez pour la forme, où est sa puissance? qui lui obéit? qui est-ce qui en est protégé ? — Pourquoi cette multitude furieuse qui accuse, qui met en pièces l'innocent ou le coupable? Pourquoi les propriétés et les personnes sont-elles en danger aussitôt qu'il plaît à un assassin de provoquer un attroupement? Pourquoi ces emprisonnements arbitraires, lorsque vous avez proscrit les lettres de cachet? Pourquoi laissez-vous exercer par chaque section du peuple, tous les pouvoirs publics, lorsque vous avez défini, divisé, distribué tous les pouvoirs ? — Vous avez brisé avec colère ce qui n'était que défectueux, et vous laissez subsister avec indulgence ce qu'il y a de plus monstrueux dans l'ordre social.
On me répond depuis un an que dans une révolution il y a des désordres inévitables, jusqu'à ce que la Constitution soit raffermie.—Hélas! Je ne vous demande que d'empêcher les désordres faciles à prévenir, ceux qui ne sont bons à rien qui nuisent à tout, qui préparent votre ruine inévitable, si vous n'y prenez garde. N'accusez point l'impuissance des lois, car elles peuvent tout ce que veut la direction de la force publique, et je vous cite en témoignage la facilité avec laquelle se sont exécutées toutes les lois majeures qui forment la Révolution. Le pouvoir des ministres, des courtisans a disparu au premier signe de la volonté générale ; les ordres ont été détruits par une loi, les propriétés du clergé, l'ancienne magistrature, la féodalité, n'existent plus ; il n'y a eu ni coalition ni résistance combinée dans aucun lieu du royaume: voilà donc les plus grands événements de la Révolution consommés sans obstacle, et lorsque la loi a été toute puissante pour opérer des changementsinouïs jusqu'à nos jours; lorsque les grands propriétaires, les principaux dépositaires de la force publique, de la puissance, de la richesse, ont fléchi devant elle, c'est dans les ateliers, dans les rues et les places publiques que vous êtes inhabiles à rétablir l'ordre et la puissance de la loi 1
Mais, dit-on, les obstacles se seraient développés si le peuple ne s'était rendu redoutable...
Ah I c'est là le grand secret des désordres, et ce secret est une combinaison aussi faussequ'elle est cruelle et dangereuse. Sans doute, il était utile que dans ce déplacement de puissance, celle de la nation acquît subitement un caractère imposant ; et l'armement des gardes nationales mieux conçu, mieux ordonné qu'il ne l'a été, pouvait remplir avec prudence ce grand dessein; mais ce n'était point la populace et les écrivains à piques qu'il fallait rendre redoutables ; car du moment que la loi qui a pu détruire ne peut rien conserver, il ne reste de la Constitution qu'une théorie de liberté et une pratique de licence.
« Mais les intrigues du clergé, les intrigues des mécontents agitent le peuple, et on ne pourra le calmer que lorsque tout sera soumis à la loi. »
Je réponds que le moyen le plus sûr de faire cesser toutes les intrigues, toutes les agitations, et de diminuer le nombre des mécontents, était de garantir inviolablement la sûreté, la liberté individuelle sans lesquelles il n'y a pas de Constitution qui ne soit un outrage à la raison et à la justice. Examinez, je vous prie, ce qu'aurait produit une marche inverse de celle qu'on a suivie. Tous les gouvernements sont bons pour le commun des hommes, lorsqu'ils n'en sont pas tourmentés : car on désire, par-dessus toutes choses, la paix dans sa maison, la sûreté dans ses relations, et le prince le plus despote, ou le plus ardent démagogue, qui auraient assez de talent et de sagesse pour maintenir dans cet état leurs sujets, en seraient adorés ; qu'au contraire, on présente à tous les hommes paisibles une Constitution populaire en perspective, avec la condition de passer, comme nous, par tous les orages de 1a licence et de l'auarchie, il en est peu qui acceptent le traité. Ainsi daus la Révolution actuelle, le nombre des mécontents est nécessairement accru de tous ceux qui n'ont pas l'énergie des Brutus et des Gracques, qui veulent la paix, qui craignent les mouvements impétueux de la multitude sans frein : n'eût-ce donc pas été une mesure très sage, très politique de la part des
démocrates, de constituer la Révolution de manière qu'on eût pu facilement distinguer les ennemis de la liberté de ceux de la licence ? Or, je maintiens que ceux-ci sont les plus nombreux, et que s'ils deviennent une fois les ennemis de la Révolution, la Constitution croulera.
Et la grande faute, la plus grande qu'aient pu commettre ceux qui se chargent, dans ce moment-ci, des destinées de la France, c'est de se croire en état d'imiter les Romains, qui appelaient barbares tous les peuples étrangers à l'Italie : ils ont établi leurs dogmes sur la liberté et sans en permettre la division ; quiconque ne croit pas en eux aveuglément est un ennemi du bien public, c'est un barbare, ainsi il faut que je croie aujourd'hui la France régénérée et la liberté établie (1), quoique j'aie été au moment d'être assommé hier, ainsi qu'un de mes collègues (2), à la porte de M. de Glermont-Tonnerre, et que j'aie eu le plaisir de voir ce matin, dans les tribunes de l'Assemblée, un des patriotes qui m'a accablé d'injures et de menaces. Et lorsque M. Bouche nous a assuré que tout était dans le meilleur ordre et la plus parfaite tranquillité, on conçoit que je n'avais rien à répliquer; car dans le fait quelques honnêtes citoyens m'ont sauvé de la fureur de ces messieurs.
Cependant je dirai à M. Bouche, que si ma vie est en danger, la sienne ne peut être longtemps en sûreté. C'est un fort mauvais calcul qu)ont souvent fait les favoris du peuple, mais qui ne leur a jamais réussi, que celui d'exciter et de laisser uu libre cours aux ressentiments de la multitude. — Tout ce qui s'exécute de cette manière à l'appui de leur système peut d'un instant à l'autre, par un changement de direction, le renverser complètement. C'est une vérité si triviale que, quand je la vois repoussée, je serais tenté de refuser à des hommes de beaucoup d'esprit la plus petite portion de sens commun, et je commence à croire que c'est une chose fort rare que cette pure et droite raison à laquelle seule il appartient de concevoir et d'exécuter de grands desseins....
Quel est en effet l'esprit qui nous dirige, le but où nous tendons ? Peut-on nous parler de mesures à prendre pour la sûreté intérieure, ne pas nous dissimuler les causes des désordres et ne pas en provoquer le remède ?
Vous attendez, quoi ! les loisirs de vos comités et l'obéissance passive de tout ce qui respire.
Cela signifie que pour faire cesser les mécontentements et les désordres, vous attendez qu'il n'y en ait plus, que Marat et compagnie n'ait plus personne à faire égorger, que la multitude plus éclairée, plus circonspecte dans ses jugements, s'arrête d'elle-même dans ses expéditions, alors les clubs nous avertiront qu'on n'a plus besoin de crimes, et la colombe portant le rameau d'olivier, sortira de l'arche de ia Révolution! C'est un beau rêve, que dis-je?un rêve épouvantable. En attendant, l'inquiétude est universelle, les troubles et les malheurs se multiplient dans toute l'étendue du royaume, personne n'est libre, personne n'est en sûreté, aucun n'est sûr du lendemain : ni ceux qui oppriment ni ceux qui sont opprimés, parce qu'aucune force légale ne contient ceux qui ne peuvent être contenus que par la force : et voici la réflexion désolante qui frappe tous les bons esprits, tous les citoyens honnêtes.... Quoi, disent-ils, on nous parle sans cesse de bien public, de bonheur public, de liberté, de régénération, et il n'y a encore de libre dans tout l'Empire que ceux qui conseillent et ceux qui exercent toute sorte de violences et de brigaudages ! — L'ancien régime, c'est-à-dire l'autorité arbitraire, se reproduit avec plus d'excès et de fureur qu'on ne lui en reprocha jamais contre ceux qu'on soupçonne d'être contraires à la Révolution, et le nouveau régime ne se manifeste que par l'impunité de tous les brigands qui se disent patriotes; et comment voulez-vous que nous soyons sincèrement attachés à un ordre de choses qui nous tient dans une anxiété continuelle, qui nous laisse voir un glaive toujours suspendu sur nos têtes ?— Que nous importent vos périodes arrondies, vos phrases harmonieuses sur la vertu civique, sur la liberté reconquise, sur l'admiration ou la jalousie de l'Europe? C'est dans nos villes, c'est dans nos champs, et non dans vos harangues, que nous vous demandons la paix et le bonheur.— Nous ne résistons point à vos lois, mais qu'elles nous tiennent ce qu'elles nous promettent; que celles qui protègent s'exécutent aussi bien que celles qui détruisent. — Vous nous annoncez la régénération, mais ce n'est pas sans doute par un baptême de sang? Vous nous annoncez la liberté, mais nous la demandons, ou au moins la sûreté, et dispensez-nous d'admirer jusqu'à ce que nous soyons heureux ?
li me semble que si j'étais puissant en œuvres
et en paroles parmi les démocrates, je ne verrais d'autre moyen de maintenir mon crédit que d'accueillir ces réclamations ; et pour assurer le succès de la Révolution, je me serais dès longtemps dépêché de retraucber du nombre de ses ennemis tous ceux qui ne veulent que le retour de la tranquillité. — Je sais bien que l'opinion commune de tous les rois des halles est qu'ils ne peuvent dominer qu'au milieu du tumulte, mais la méprise est grande dans cette circonstance. Quand il ne s'agissait que de faire chasser un ministre ou d'inquiéter un instant le pouvoir suprême pour en obtenir quelques concessions, une ou plusieurs séditions pouvaient être utiles. — Ces petits moyens ne sont plus applicables à une grande Révolution quand même elle s'opérerait principalement au profit de ceux qui la dirigent; car cette masse énorme de 25 millions d'âmes ne peut être longtemps agitée sans péril pour ceux qui impriment, comme pour ceux qui reçoivent le mouvement : ainsi, quel que soit le moteur tyran ou patriote, il faut qu'il se hâte d'établir l'ordre dans la servitude ou l'ordre dans la liberté. — Cette obligation devient bien plus pressante, si le programme de la Révolution est une déclaration des droits de l'homme ; car si vous commencez par me promettre non seulement ce qui est à moi, mais même ce que je ne vous demandais pas, il me paraîtra intolérable que vous me ravissiez, l'instant d'après, ce dont j'étais en possession avant toutes vos promesses.
Or, il est incontestable que nous étions ci-devant à l'abri du brigandage, des incendies et des assassinats; aucun libelliste à gages ne pouvait insulter, calomnier et dévouer ses victimes à la fureur du peuple. On pouvait être vexé par un homme puissant, mais on n'avait point à craindre la proscription des 10,000 clubs, et de tous les cafés, et de tous les motionnaires des sections du royaume, enfin la Bastille n'existait qu'au faubourg Saint-Antoine, et les lettres de cachet n'étaient point au pouvoir de toutes les municipalités du royaume.
Je demande maintenant s'il était bien raisonnable de partir de la déclaration des droits de l'homme pour arriver au point où nous sommes? si cette marche n'est pas dérisoire, s'il y eut jamais de révolution dans le sens de la liberté, ainsi conduite, surtout avec la condition qu'on nous prescrit tous les jours de l'aimer et de l'admirer?— J'avoue que je ne me sens ni amour ni admiration pour la métaphysique qui a paraphrasé les textes immortels de nos maîtres en législation; mais j'éprouve un étonnement stupide et souvent une profonde indignation contre ces crimes inutiles, ces crimes si funestes à la liberté, aux mœurs, au repos et à la dignité de la nation.
Je ne conteste plus rien à la Constitution, ce n'eût jamais été sur plusieurs points celle de mon choix; mais comme il ne peut y avoir de paix et de salut que dans l'obéissance aux lois, je supplie celle-ci de se faire obéir, et de se rendre aussi redoutable à ceux qui la violent avec audace, qu'elle l'est pour ceux qui se plaignent sané résistance d'en être opprimés. Est-il juste de dire aux uns : Vous êtes coupables de ne pas agir conformément à la loi. — Quant à ceux qui agissent violemment contre la loi, ils sont parfaitement les maîtres d'en user à leur volontél — Et que l'on ne dise pas que ce raisonnement est une figure de rhétorique, une hypothèse! indépendamment de tous les désordres impunis si souvent et si inutilement dénoncés, nous avons tous les jours sous nos yeux les assemblées inconstitutionnelles des sections de Paris: il leur est dé-
fendu de délibérer, et elles délibèrent, arrêtent, dénoncent, gouvernent. Il en est- de même dans toutes les grandes villes. Vous avez institué des fonctionnaires publics, et tous les particuliers qui en ont la fantaisie s'instituent, de leur propre autorité, inquisiteurs, législateurs, administrateurs, juges et bourreaux. Quand je dis tous les particuliers, n'entendez pas par là les véritables et bons citoyens, les propriétaires, les hommes laborieux, les pères de famille; et c'est là ce qu'il y a de désastreux. En tout pays, la famille des honnêtes gens est rarement réunie; ceux-là sont à leurs devoirs et à leurs affaires; prêts à marcher quand la patrie les appelle, ils attendent le signal de la loi : les intrigants seuls le préviennent, et mettent en mouvement les désœuvrés, les faméliques, et cette classe d'hommes que les Romains avaient sagement désignés sous le nom de prolétaires.
Ainsi, dans l'ancien régime dont il était si juste et si facile de réformer les abus, tout homme qui n'attaquait pas le prince, ou sa maîtresse, ou son ministre, était tranquille chez lui; et dans le nouveau, le plus honnête homme qui n'attaque personne peut, ainsi que nous l'a prouvé M. Dupont, être poursuivi par un attroupement et assassiné pour 6 francs.
Je demande donc que la Constitution tienne ce qu'elle nous promet: la liberté, ia sûreté, et alors vous n'aurez plus besoin de comité des recherches (J) pour distinguer ses ennemis; vous apercevrez facilement, au milieu d'un peuple paisible et heureux, les Cassius à leur figure pâle et sévère, tristes de lajoie universelle, furieux, désespérés de ne pouvoir dégoûter le peuple du bonheur que vous lui aurez procuré, et ils seront si peu dangereux, que vous n'aurez pas même à les punir.
Ah! quand je vois la véritable majorité de l'Assemblée, pure dans ses intentions, se porter toujours vers le bien par un premier mouvement de justice, et ne céder que par entraînement aux mesures violentes (2), je gémis, ô mes col-
lègues, de ce qu'on vous traite comme les rois, auxquels ceux qui les entourent imposent le joug de leurs passions, en leur persuadant que c'est pour le service et la plus grande gloire du monarque. Suivez, suivez les sentiments généreux qui vous ont portés à décerner des statues et des couronnes à Jean-Jacques (1) et à Desilles; quand vos yeux se remplissent de larmes au récit des grandes actions et des sublimes vertus, que vos cœurs se resserrent au spectacle des malheurs que vous pouvez empêcher et au bruit des menaces ou des imprécations qui les préparent. — Dix fois vous avez ordonné au comité de Constitution, qui n'aura point de statues, si c'est aux principes de Jean-Jacques qu'on les consacre, de vous présenter des mesures pour le rétablissement de l'ordre, pour arrêter les crimes de la presse; et les plus misérables sophismes suffisent pour éloigner des dispositions si pressantes. — Cependant il n'y a point de Constitution qui puisse subsister (2) si on en retranche les moyens et la fin. Les moyens sont la force conservatrice et réprimante, la fin, le bonheur de tous. Or, il est bien reconnu que tous ceux qui attaquent hostilement la loi ne sont point réprimés, qu'on ne sévit que sur ceux qui l'im-prouvent passivement, et qu'il résulte, de cet état de choses, troubles, anxiété, misères, inquiétude universelle. Si nous voulons donc maintenir cette Constitution, si nous la jugeons bonne dans ses moyens, bonne dans sa fin, nous devons le prouver par les faits, et ne point con-
fondre insidieusement ceux qui ont le droit de se plaindre, avec les malintentionnés. Quand nous aurons fait exercer à la loi tous ses pouvoirs pour opérer la tranquillité publique et empêcher les violences, si ce but est rempli, il est évident qu'il n'y aura plus de mécontents que les malintentionnés. Mais jusque-là il n'y a pas d'hommes raisonnables et de bonne foi qui n'aient le droit de se plaindre.
Je reviens maintenant sur le grand intérêt qu'ont les zélateurs de la Constitution d'abandonner leur politique absurde, et de travailler de toutes leurs forces au rétablissement de l'ordre. — Ou on les accusera de vues ultérieures et de vues criminelles, s'ils le peuvent et ne le veulent pas; ou on leur dira que la Constitution est mauvaise, insoutenable, s'ils veulent l'ordre et ne parviennent pas à l'établir par les moyens constitutionnels.
Dans les deux cas, le nombre de leurs adversaires s'accroît nécessairement de tous ceux qui ne demandent qu'un gouvernement paisible et libre ; et ils auront beau appeler esclaves, aristocrates, ceux qui ne veulent pas la liberté à leur manière, ceux qui seront bien plusfondésà les regarder comme des despotes en délire.
Qu'arrivera-t-il cependant de ce conflit entre toutes les classes de citoyens, et de la fatigue douloureuse qu'ils en éprouvent tous? Sera-ce une contre-révolution? Non, dans le sens où on l'entend; car un conspirateur sans armée ne peut être qu'imbécile; mais si nous n'étions pas au temps de la plus absolue disette de grands hommes, si tous ceux qui se sont montrés dans la Révolution ne l'avaient réduite à leur taille, si un citoyen d'un caractère imposant, d'une vertu éprouvée, d'une raison supérieure, paraissait au milieu de la France, toute la France se rallierait à lui, et l'ordre serait rétabli, la liberté assurée, et la Constitution, en supposant qu'elle ne puisse par ses propres moyens arriver à sa lin, serait perfectionnée.
En attendant, je lui demande de déployer toute sa puissance d'abord contre les scélérats, et ensuite contre cette multitude aveugle et turbulente qui doit se laisser gouverner par ses magistrats et ses représentants, si elle veut être libre et heureuse.
Je demande que toute assemblée de sections soit interdite, hors les cas prévus par la loi; que les dénonciateurs et les accusateurs soient soumis aux formes légales ; que les officiers municipaux qui s'aviseront d'emprisonner, sans décret, les citoyens, soient sévèrement punis; que tous les attroupements séditieux soient dissipés et punis; que les délits de la presse soient jugés comme tous les autres délits : car il est absurde de déclarer coupable, et de soumettre à une peine capitale, un homme qui, dans sa maison ou dans la place publique, conseille, excite des assassins, des séditieux à commettre toutes sortes de crimes, et d'absoudre un tel homme, lorsque c'est par la voie de la presse qu'il distribue ses poignards. Je demande qu'après avoir accordé la liberté aux opinions religieuses, on l'accorde aux opinions politiques, aux représentants du peuple à la tri-
bune (1) : car, lorsque je ne serai plus le conseiller obligé de la nation, je promets bien de ne plus me mêler de ses affaires; j'espère qu'on ne verra plus mon nom dans les journaux, qui ne me connaissaient pas avant les états généraux; je ne contesterai plus rien aux intrigants, ils peuvent s'en assurer: libre et tranquille, si on me promet de l'être, je bénirai la Constitution qui rendra le peuple heureux. S'il en est autrement, j'irai gémir loin d'ici sur des malheurs auxquels on ne pourra pas me reprocher d'avoir contribué.
Quant au club monarchique, dont la persécution m'indigne comme tous les genres de pérsécu-tion, je suis de l'avis des Rousseau sur les clubs politiques : je les regarde comme une très dangereuse institution ; et lorsque j'ai vu commencer à Versailles celui des Jacobins, j'ai annoncé ses hautes destinées. Ce qu'il y aurait donc de plus désirable serait que les bons citoyens concourussent à faire cesser toutes ces" associations. Lorsqu'elles sont sans crédit, il n'en résulte qu'un bavardage politique, et une habitude de désœuvrement funeste à la société, lorsqu'elles délibèrent, dénoncent, décrètent, et se font obéir par la séduction ou par la force. Il n'y a plus de liberté ni de Constitution; la puissance publique est alors divertie, dévoyée de la direction légale; les magistrats, les législateurs perdent tout appui, toute considération s'ils ne servent la faction dominante ; et les plus vils instruments de l'intrigue influent sur le sort de l'Etat. D'après cette opinion on croira bien que je ne saurais être membre très actif d'aucun club ; mais précisément parce qu'il y en a un tout-puissant, je pense qu'il en faut un autre qui ait le courage de contrarier cette toute-puissance et d'éclairer l'opinion publique sur ses abus. — Les calomnies passeront, les crimes ne seront pas toujours impunis, et les efforts des gens de bien trouveront leur récompense dans l'approbation de leurs semblables, qui prononcent seuls en dernier ressort sur toutes les réputations.
Si aux mesures que je réclame on joignait celle de ne pas entasser décrets sur décrets (1), de se contenter du nécessaire, d'accélerer efficacement la fin de la présente session ; si les divisions scandaleuses qui nous tourmentent ne se
reproduisent pas parmi nos successeurs, s'ils sont choisis parmi les hommes les plus sages, les plus modérés, et qu'ils promettent, comme les jurés, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ; mais alors, à ces conditions seulement, la France sera régénérée, libre, florissante, et j'en payerais volontiers de mon sang l'assurance.
Ce 29 janvier 1791.
Malouet.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille, qui est adopté.
Il est fait lecture de la lettre suivante de M. du Portail, ministre de la guerre : « Monsieur le Président,
« Les administrateurs du directoire du département de la Drôme m'ont adressé une délibération d'après laquelle ils ont arrêté de porter des secours de troupes à Carpentras : le roi, à qui j'en ai sur-le-champ rendu compte, n'a pu approuver une mesure aussi contraire aux principes de la Constitution, et Sa Majesté a cru devoir donner les ordres les plus prompts pour en faire cesser l'effet. Persuaçlée que l'Assemblée nationale ne sera pas moins frappée qu'elle des conséquences importantes que pourraient avoir des démarches de cette nature, Sa Majesté m'a ordonné de vous envoyer copie de la réponse que j'ai faite à l'administration du département de la Drôme, pour que vous vouliez bien la mettre sous les yeux ae l'Assemblée.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président* votre très humble et très obéissant serviteur,
a Signé : du Portail. »
Paris, le
Copie de la lettre adressée aux administrateurs du département de la Drôme.
« J'ai mis, Messieurs, sous les yeux du roi, la lettreque vous m'avez fait l'honneur dem'écrire le 20 de ce mois, et votre délibération du 19, par laquelle vous avez arrêté de faire à la ville d'Avignon les plus fortes représentations sur ses projets hostiles contre les peuples du Comtat, et d'envoyer en même temps un secours de cent cinquante hommes de gardes nationales à Carpentras, pour aider cette ville à repousser les attaques des Avignonnais ; vous avez, de plus, invité le sdépar-tements voisins à imiter votre exemple, afin de prévenir les malheurs dont le pays Venaissin est menacé, et d'empêcher qu'ils ne s'étendent aux communautés limitrophes.
« Quoique Sa Majesté ait remarqué avec satisfaction que votre délibération ne vous a été dictée que par la sollicitude qtte vous cause le maintien de la paix dans votre département, et par le vif intérêt que vous inspire la position dangereuse de vos voisins, elle n'en a pas moins été frappée
des conséquences infiniment graves que pourrait avoir une semblable mesure.
« En effet, Messieurs, en vous déterminant à joindre la menace aux représentations que vous avez faites à la municipalité d'Avignon ; en prenant sur vous de donner un secours de troupes aux habitants de Carpentras, vous avez fait, ce me semble, un acte de souveraineté ; vous avez usé d'un pouvoir que la loi ne vous a pas donné, et qu'elle a réservé tout entier au pouvoir législatif réuni au pouvoir exécutif suprême. Si vous y réfléchissez, vous reconnaîtrez aisément combien il est contraire aux principes de la Constitution qu'un corps chargé de l'administration d'une portion de l'Etat se mêle de dissensions de peuples étrangers, prenne entre eux un parti, paraisse ainsi décider de la légitimité de celui qu'il embrasse, et le soutienne à force ouverte : ce n'est qu'à l'Assemblée nationale et au roi qu'il appartient de montrer à la nation quels sont ses amis ou ses ennemis.
« Observez encore, Messieurs, que les départements qui vous environnent pourront, d'après votre exemple, se croire lés mêmes droits que vous; et s'ils étaient mus par des impulsions contraires, s'ils croyaient voir la justice dans un autre parti ; s'ils voulaient, comme vous, soutenir par la force celui qu'ils auraient adopté. vous vous rencontreriez les armes à la main, d'abord sur terre étrangère, pour agir hostilement les uns contre les autres, et peut-être bientôt vous pour-suivriez-vous sur vos propres foyers, où vous auriez ainsi attiré toutes les horreurs de la guerre civile.
« J'espère beaucoup que ces malheurs n'arriveront pas ; mais il résulte toujours, de la résolution que vous avez prise, un inconvénient inévitable : lorsque vous envoyez des gardes nationales tenir garnison sur un terroir étranger, vous ne pouvez, sans faire un tort notable au plus grand nombre, leur refuser une solde ; vous vous mettez donc dans la nécessité de lever à cet effet, de votre propre autorité, un subside sur votre département; ou si l'administration générale doit y pourvoir, vous aurez imposé à la nation une charge à laquelle elle n'aura pas consenti.
« Je n'étendrai pas davantage ces réflexions : elles suffisent, pour que vous jugiez que le roi n'a pu approuver les mesures que vous avez prises. En conséquence, Sa Majesté vous ordonne de retirer sans délai du pays Venaissin tout secours de troupes que vous y auriez envoyé, de vous borner aux précautions que la prudence exige pour préserver votre pays des dissensions qui agitent nos voisins, et d'attendre ce que l'Assemblée nationale jugera à propos de décider, et les ordres que Sa Majesté croira alors devoir vous donner.
« Depuis le départ de votre lettre, vous aurez été informés, Messieurs, que l'Assemblée nationale a décrété que les troupes qui avaient été envoyées à Avignon en seraient retirées, et que Sa Majesté a sur-le-champ donné des ordres pour la prompte exécution de ce décret. Une pareille mesure vous annonce que le Corps législatif a été loin d'approuver que des Français se soient trouvés mêlés aux attaques que les peuples d'Avignon et du Comtat se sont faites, et qu'il est entièrement dans les principes qui ont dicté les ordres de Sa Majesté, que je viens de vous transmettre. > (Applaudissements.)
Je demande l'insertion de cette
lettre dans le procès-verbal. Il faut d'autre part que l'Assemblée prenne un parti sur les Avignon-nais; je demande donc en outre le renvoi de la lettre aux comités diplomatique et d'Avignon, qui seront chargés de faire incessamment ]e rapport de ce qui peut être relatif à cette ville.
(Cette motion est décrétée.)
,au nom du comité de remplacement des tribunaux. Messieurs, le département du Loiret propose de s'établir daus la maison des bénédictins ; il demande à l'Assemblée de lui accorder un rabais aux enchères des biens nationaux dont il a besoin ; il appuie sa demande sur le patriotisme du peuple de ce pays.
Nous lui avons répondu que de telles vertus ne se payent que par l'approbation nationale et non par un triste rabais; que la loi est faite, qu'elle est sagement faite, et pour les départements et pour les individus.
Je vous propose donc le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, quï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du département du Loiret à acquérir la maison des bénédictins d'Orléans^ pour y former son établissement aux frais des administrés, en observant les formes établies par l'Assemblée pour l'acquisition des biens nationaux, à la charge qu'aucun des administrateurs, commis ou secrétaires ne pourra y être logé, aux termes de ses décrets. »
J'ai ajouté cette dernière clause parce que, malgré la sévérité de vos décrets, j'ai appris que? dans un département, il y avait un monsieurqui s'était logé avec ses filles, fort jolies, et c'est malgré moi que je le dénouce. (Rires.)
(Le décret est adopté.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Ducher, vice-consul de France dans les Etats-Unis de l'Amérique, par laquelle il fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : Analyse des lois commerciales et tarif des droits sur (es bâtiments et -marchandises dans les Etats-Unis de VAmérique. A cet ouvrage est joint un projet de décret de navigation française.
(L'Assemblée en ordonne le renvoi à son comité d'agriculture et de commerce.)
Il est ensuite fait lecture des lettres et adresses suivantes :
1° Lettre de M. Piccini, par laquelle il réclame le traitement de 6,000 livres, qui lui avait été assuré pour s'expatrier et venir consacrer en France ses travaux et les quinze plus belles années de sa vie.
(L'Assemblée en ordonne le renvoi à son comité des finances.)
2° Adresse de M. François du Crui, de Yénis-sieux en Dauphiné, soldat citoyen de la compagnie de l'Oratoire de Paris, par laquelle il présente à l'Assemblée le modèle d'nne machine hydraulique, capable d'élever l'eau en tel volume qu'on juge à propos à la hauteur perpendiculaire de plus de 30 pieds, sans le secours d'aucun agent externe, et de rendre les mêmes services que les pompes à feu, dont le mécanisme est simple et rarement susceptible de réparation, et qui peut être exécutée en grand, à peu dé frais.
(L'Assemblée permet l'exposition du modèle dans le lieu de ses séances, et à son auteur d'assister à la séance.)
3° Lettre de M. de Condorcet, sur l'exàmen de la prétendue découverte de la trisection de l'an-
gle, annoncée à l'Assemblée par M. Guérin, et que l'Assemblée avait renvoyée à l'Académie.
Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« L'Assemblée nationale a renvoyé à l'examen de l'Académie une solution du problème de la trisection de l'angle, par M. Guérin.
« En 1775, l'Académie a pris et rendu publique ia résolution de ne plus examiner ni trisection de l'angle, ni duplication du cube; ni quadrature du cercle, ni mouvement perpétuel.
« Les problèmes de la trisection de l'angle el de la duplication du cube sont résolus dépuis 2,000 ans; et si on cherche encore à les résoudre, ce n'est que par une ignorance absolue de la nature de ces questions. L'impossibilité de trouver la quadrature du cercle est aussi démontrée que peut l'être une chose de ce genre, et celle d'un mouvement perpétuel l'est également. Ainsi, en renonçant à examiner les prétendues solutions nouvelles de tous ces problèmes, l'Académie a été bien sûre de n'exclure aucun travail utile.
« Le motif qui l'a déterminée à l'examiner pendant longtemps a été uniquement la crainte de paraître adopter en corps une opinion ; et elle a mieux aimé employer, quelquefois de 1a manière la plus inutile, le temps des académiciens, que d'avoir l'air de. donner son jugement comme une règle éternelle. Mais le grand nombre de ceux qui consument en pure perte une partie de leur vie à ces vaines reclierches, dont tout le fruit est de nuire à leur fortune, et trop souvent d'altérer leur raison, l'a déterminée à prendre une résolution qu'elle a crue propre à les détourner de celte occupation ; elle a craint que si elle continuait à examiner leurs solutions, elle pût être accusée de les encourager à s'en occuper, et qu'elle ne se rendît en quelque sorte complice des malheurs qui leur arrivent.
« Fidèle à ce principe, l'Académie n'a pas cru devoir faire une exception pour l'ouvrage de M. Guérin. Son examen n'aurait servi qu'à mon^ trer en quoi consistait l'erreur de cette prétendue solution, et peut-être, en apprenant qu elle s'occupait encore de ces questions, à engager quelques autres personnes à se livrer à des espérances 'de= succès que l'expérience a prouvé être rarement sans danger,
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Condorcet.
« A Paris, le
(L'Assemblée ordonne l'insertion de cette lettre au procès-verbal.)
4° Lettré de M. Jeudi de l'Houmand, physicien et naturaliste, par laquelle il fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : Adresse et conseils patriotiques à VAssemblée nationale, sur l'importance de la réforme de la médecine et du charlatanisme en France.
5° Lettre de MM. Loquet, curé de Mobeca; Michel, curé de Saint-Symphorien, district de Ca-rentan, département de la Manche ; Gibon, curé de Brauce, et Hugueny, curé de Chevannes, par laquelle ils annoncent qu'ils se sont empressés de prêter le serment prescrit par la loi du 27 novembre dernier, avant même sa publication, et expriment les sentiments de religion et de liberté dont ils sont pénétrés.
6° Adresse des sous-officiers et soldats de l'hôtel royal des Invalides, contre un arrêt de la cour des aides du 10 de ce mois.
(L'Assemblée en ordonne le renvoi à son comité des rapports.)
J'ai reçu de M. le ministre de la justice la note suivante :
« Le roi a donné sa sanction, le 9 de ce mois:
« 1° Au décret de l'Assemblée nationale du 8, concernant les sieurs Mignot, dit de Bussy, Du-bost, dit Gurcieux, et autres y dénommés, détenus aux prisons de l'abbaye Saint-Germain-des-Prés;
« 2° Le 16 au décret du même jour, 16 janvier, relatif au régiment de Soissonnais, ét à la compagnie du régiment de Penthièvre-Dragon, qui étaient à Avignon;
« 3° Et le 19, au décret du 27 octobre, relatif à l'installation de ceux qui sont nommés juges de district, et qui resteront membres de l'Assemblée nationale;
« 4° Au décret du 11 janvier, concernant l'établissement de tribunaux de commerce, et la nomination de juges de paix dans différentes villes et cantons;
« 5° Au décret du même jour, concernant le payement des pensions des ecclésiastiques détenus dans des maisons de sûreté ou de charité, et de ceux qui sont infirmes, ou âgés de plus de 70 ans;
« 6° Au décret du 12, relatif à une sentence rendue par la municipalité de Montmorency, le 13 décembre dernier, contre le sieur Gobert;
« 7° Au décret du même jour, concernant les droits du département de Seine-et-Oise, et de la municipalité de Meudon, sur le lieu de Fleury, et ceux du département de Paris et de la municipalité d'Issy, sur le lieu des Moulineaux;
« 8° Au décret du même jour, relatif à ce qui s'est passé à Dax, à l'occasion des scellés apposés sur les portes du chœur de l'église de cette ville;
« 9° Au décret du même jour, concernant l'abrogation des coutumes et statuts qui accordaient une autorité et une foi en justice aux cueilloirs et cueillerets ci-devant tenus pour la perception des droits seigneuriaux et des rentes foncières ;
« 10° Au décret du 12 janvier, présent mois, portant qu'il n'y aura qu'un juge de paix à Limay;
« 11° Au décret du 13, relatif aux théâtres publics et aux ouvrages qui peuvent y être représentés;
« 12° Au décret du 14, concernant le traitement annuel de 6,000 livres, accordé au sieur Joseph-Louis Delagrange ;
« Et enfin, au décret du même jour, relatif à la signature des contrats de rentes constituées ou reconstituées sur l'Etat.
« Le ministre de la justice transmet à M. le Président les doubles minutes de ces décrets sur chacune desquelles est la sanction du roi.
Signé : M.-L.-F. Duport.
Paris, le
L'ordre du jour est la présentation d'un second projet de décret relatif au revenu public à établir sur la consommation du tabac dans le royaume( 1).
,rapporteur. Messieurs, votre comité vient de faire imprimer un second projet de décret, qui diffère en plusieurs points de celui que je vous ai proposé a la suite de mon premier rapport.
Le voici :
« Art. 1er. — A compter de la promulgation du
présent décret, il sera libre a toute personne de cultiver, fabriquer et
débiter du tabac dans le royaume.
« Art. 2. — L'importation du tabac étranger fabriqué continuera à être prohibée.
« Art. 3. — Il sera libre d'importer, par les ports qui seront désignés, du tabac étranger en feuilles, moyennant une taxe de 50 livres par quintal.
Art. 4.:,— Le tabac en feuilles provenant de l'étranger pourra être mis en entrepôt dans les magasins de la régie qui seront destinés à cet usage, et reexporté à l'étranger sans payer aucun droit.
« Art. 5. Nul ne pourra fabriquer ou débiter du tabac dans le royaume, s'il n'a acquitté la taxe qui sera réglée et s'il n'en peut produire la quittance.
« Art. 6. — Une régie nationale fera fabriquer et vendre du tabac au profit du Trésor public, et les tabacs en feuilles qu'elle jugera à propos de tirer de l'étranger seront exempts de droits. »
Les partisans de l'impôt du tabac diront que le comité a bien mal profité des lumières qu'ils ont répandues sur cette matière. Je répondrai que le comité ne s'est pas dissimulé lès avantages de l'impôt du tabac, avantages qui sont exclusifs à Cette espèce d'impôt. Dans quelque pays, dans quelques parages qu'il soit établi, il offrira toujours des résultats favorables. Si on le compare avec le droit d'enregistrement, on voit qu'il n'a pas l'inconvénient de se payer en grosses sommes, qu'il ne détruit pas les capitaux. Si on le compare avec le droit du timbre, on voit qu'il n'a pas l'inconvénient de charger également des profits inégaux, des entreprises d'un produit différent. Si on le compare avec d'autres droits indirects, on voit qu'il n'oecasionne pas le renchérissement des comestibles, renchérissement qui produit celui de la main-d'œuvre, qui nuit aux manufactures, au commerce intérieur et extérieur. Mais l'impôt du tabac, tel qu'il était anciennement établi, a aussi des inconvénients qui ne sont propres qu'à cet impôt, et qui en contre-balancent les avantages. On vous a dit, par exemple, que l'impôt du tabac n'a d'autre défaut que celui de se percevoir par le moyen d'un privilège exclusif; on vous a dit que tout prvilège au profit d'un particulier était injuste; mais que le privilège que la nation se donne a elle-même, et pour le profit de tous, n'est pas comparable à celui qui serait établi au profit d'un particulier et au préjudice de tous..
Il ne s'agit pas ici d'un privilège exclusif, mais bien d'une prohibition du droit inaliénable qu'a chaque propriétaire de cultiver ses terres comme il le juge convenable. Un privilège peut exister, quand il est consenti par tous et pour l'intérêt de tous ; mais quel est le résultat de la prohibition de la culture du tabac? C'est une imposition sur l'industrie ; c'est un privilège exclusif donné aux nations étrangères ; c'est un impôt établi, non pas sur les revenus, mais sur la suppression des revenus. C'est couper, c'est déraciner l'arbre pour en cueillir les fruits ; c'est frapper la terre pour la stériliser. C'est une atteinte directe et violente à la liberté et à la propriété... On pour-
raitdire: si c'est une atteinte à la propriété, elle cesse d'être injuste dès que tout le monde l'a consentie.
Cet argument est un grand sophisme. Si toutes les terres étaient également propres à la culture du tabac, ce qu'on a dit serait très juste, parce que, chacun faisant un sacrifice égal de sa propriété, il n'y aurait point d'injustice. Mais s'il est des terres privilégiées par la nature, si les environs de Clairac produisent du tabac qui égale celui de la Virginie, de même que les départements de Champagne et de Bourgogne produisent des vins d'une qualité supérieure à ceux du reste du royaume, dire à Clairac de ne pas cultiver de tabac, c'est dire aux habitants de Suresnes de consentir à ne plus cultiver de vin. Il est clair que si la prohibition de la culture n'est qu'un léger sacrifice pour les cantons qui ne produisent que du mauvais vin ou du mauvais tabac, elle ferait la ruine des autres... Mais il est d'autres considérations qui font voir l'injustice de cette prohibition. La déclaration des droits, ouvrage qui n'est pas le vôtre, vous n'avez fait que rédiger les principes de la justice éternelle et des droits des nations; la déclaration des droits porfe que nul ne peut être privé de sa propriété sans indemnité juste et préalable. Eh bien, les propriétaires des terrains propres à la culture des tabacs vous diraient : donnez-nous une indemnité, car si tel canton ne perd rien à la prohibition, nous perdons beaucoup.
Il me reste une grande erreur à combattre. On a supposé que l'impôt du tabac produirait 30 millions, et l'on a trouvé fort doux de tirer d'une seule contribution un produit aussi considérable. Cessez de croire que l'impôt du tabac puisse produire à l'avenir ce qu'il produisait autrefois; jamais cette plante transplantée sur le sol delà liberté ne produira plus de 15 millions. En Angleterre, il a été impossible d'élever son produit à plus de 8 millions, quelques tentatives qu'on ait faites pour le porter plus haut. Les circonstances ne seront plus ce qu'elles étaient autrefois ; les visites domiciliaires seront proscrites, et cependant on les considérait comme indispensables à la perception ; j'en ai l'aveu dans un écrit en faveur du tabac, fait par M. Duvaucelle, fermier général. Il regarde comme nécessaire à la conservation de l'impôt du tabac celle des visites domiciliaires, au moins dans les provinces frontières, comme si toutes les parties d'un même empire ne devaient pas jouir également des avantages de la liberté ; comme si les unes devaient être favorisées au préjudice des autres ; comme si les privilèges dont quelques-unes jouissaient devaient être remplacés par des vexations. Si donc, de l'aveu des percepteurs du tabac, les visites domiciliaires sont nécessaires, nous devons nous regarder comme privés du plus grand moyen de perception.
II est un autre moyen, non moins propre à assurer cette perception, que vous avez perdu sans retour: ce sont ces barrières et ces cloisons qui divisaient les provinces, et au passage de chacune desquelles on fouillait les voitures. Quand un fraudeur était parvenu à franchir les premières limites, il avait à craindre de rencontrer de nouvelles barrières à quelques lieues. C'était cette certitude d'être arrêté à chaque pas, qui augmentait la difficulté de la contrebande. Aujourd'hui, on peut parcourir tout lé; royaume, comme un jardin, sans être arrêté... Le Gode pénal était un autre moyen de perception : la peine de mort était prononcée contre les fraudeurs, même
contre ceux qui auraient seulement accompagné des voitures ae contrebande, ou qui auraient été trouvés armés dans les campagnes, uniquement parce que la loi présumait alors qu'on favorisait la contrebande ; voilà des lois qui ne peuvent plus exister. La peine des galères, usitée depuis quelque temps, ne peut pas exister davantage pour des délits purement fiscaux ; quatrième moyen de perception anéanti. Et une preuve que ces peines étaient nécessaires à la perception, c'est qu'en calculant les progrès de l'impôt du tabac et ceux des lois pénales, on voit qu'elles sont parallèles. A mesure qu'on ajoutait une ligne de plus à l'impôt, on ajoutait une ligne de sang de plus au Gode pénal. La rigueur des lois et le produit des impôts se sont toujours suivis progressivement ; j'en atteste ceux qui connaissent l'histoire de la ferme générale.
Mes dernières observations sont relatives, non pas aux intérêts particuliers, mais aux droits des cinq départements, extrêmement importants par leur population, par leur richesse, et. siirtout par leur voisinage avec l'étranger, des provinces bel-giques et de l'Alsace. Ces provinces ont joui jusqu'ici de la liberté de la culture du tabac: ce n'était pas un privilège que ce droit de culture. Lorsque le clergé se réservait le droit de voter les impôts, c'était l'effet d'un reste de liberté que le clergé avait conservé pour lui seul. La liberté de culture du tabac était aussi un reste de propriété qu'avaient conservé ces provinces; les en priver serait vous mettre en contradiction avec vos propres décrets, avec notre Constitution qui consacre les droits de la propriété. Vous agiriez envers ces provinces dans un sens absolument contraire à celui dans lequel vous avez agi pour le reste du royaume. Vous avez dit que les riches payeraient, qu'il n'y aurait plus de privilèges ; vous avez restitué a la partie pauvre et laborieuse les droits et les avantages naturels. Au contraire, en prohibant la culture du tabac, vous sacrifieriez le patrimoine du pauvre. Vous enlèveriez les ressources de subsistance des cultivateurs, des artisans nombreux qui travaillent dans les fabriques de l'Alsace et des provinces belgi-ques. On vous a trop souvent présenté un argument misérableen vous disant que les plantations de tabac exposeraient le royaume à manquer de pain, parce que les cultivateurs négligeraient la culture du blé. Il est de fait que 40,000 arpents de terre cultivés en tabac produiraient 20 millions de livres de tabac, qui sont toute la consommation du royaume. En supposant donc qu'il n'entrât plus de tabac étranger, cette culture ne pourrait jamais nuire à celle des blés, et ne pourrait jamais s'élever au-dessus des besoins de la consommation. La culture des blés sera toujours avantageuse, et le laboureur n'est plus comme autrefois, et comme on voudrait qu'il fût encore, un homme stupide ; libre dans ses actions, son intérêt sera éclairé, parce qu'il sera réfléchi. Jetez les yeux sur les départements bel-giques et sur ceux du Rhin, vous verrez dans ces départements les plus belles terres à blé et les plus nombreux et les plus gras pâturages ; vous y trouverez les plus puissants arguments c >ntre ce qu'on vous a dit.
Nous avons pensé, pour plus de clarté dans la discussion, que l'Assemblée pourrait suivre un ordre de questions que Voici :
1° La culture du tabac sera-t-elle prohibée?
2° La fabrication du tabac indigène sera-t-elle asservie exclusivement à une régie nationale pour le profit du Trésor public?
3° Le débit du tabac indigène sera-t-il réservé exclusivement à une régie nationale?
4° L'importation du tabac en feuilles venant de l'étranger, la fabrication du tabac, son débit, seront-ils réservés à une régie nationale au profit du Trésor public?
5° S'il est libre à toute personne d'introduire du tabac de l'étranger, ce tabac sera-t-il sujet à un droit d'entrée?
6° La. fabrication et la vente du tabac, tant étranger qu'indigène, ou seulement de l'une des deux espèces, seront-elles soumises à une taxe?
7° Conservera-t-on la fabrication et une vente nationale au profit du Trésor public?
Messieurs, la question importante qui vous est soumise, sur la conservation de l'impôt du tabac, n'eût jamais formé l'objet d'un doute, si des intérêts particuliers et de localité n'eussent élevé leurs voix. L'Alsace surtout a montré ou du moins quelques-uns de ses députés ont présenté la prohibition de la culture, de la fabrication et de la vente, comme désastreuse à leur province. Avant donc de considérer sous un point de vue général la question, je dois vous présenter ses effets sur les provinces ci-devant exemptes : car si je puis réussir à leur prouver que leur véritable intérêt se trouve dans l'acceptation des indemnités et primes qui pourraient leur être accordées, alors la grande diffi-cultéest résolue, tous les autres obstacles disparaissent. Si j'ouvre le premier rapport du comité, j'y trouve que: « les terres des départements belgiques et du Rhin ne sont nullement propres à produire de bon tabac, que les départements méridionaux ont seuls été favorisés à cet égard par la nature; qu'ainsi ces premiers ne doivent les profits de leur culture qu'à la loi qui interdit aux autres de l'entreprendre. » Donc si la culture est libre par toutle royaume, ils cesseront d'avoir des profits et abandonneront cette culture, et cet abandon ne sera suivi d'aucune indemnité. Si au contraire l'Alsace et les provinces belgiques consentent à la prohibition, voici ce qu'on pourrait leur offrir en dédommagement:
1° N'y diminuer que graduellement la culture, et accorder, pendant vingt ans, à chaque planteur de tabac qui voudrait y substituer du chanvre, une prime de 10 livres par arpent ;
2° Faire distribuer du tabac à tous les consommateurs actuels, pendant la durée de leur vie, à raison d'une livre de tabac par mois, au prix de 8 et 12 sous la livre, le tabac à fumer, et à 24 sous, le tabac râpé; prix actuel auquel se le procure aujourd'hui le commun des consommateurs des pays exempts;
3° Donner à tous les propriétaires actuels des fabriques ou des recettes générales, ou des entrepôts de tabac, ou des places supérieures dans les manufactures nationales qu'on y établirait ;
4° Employer tous les ouvriers, sans en exempter un, dans ces manufactures nationales, où ils seraient nécessaires: car il faudrait y appeler des étrangers pour les travaux des ateliers, s'ils n'étaient pas préférés;
5° Enfin, étouffer les cris, et ce sont ici les plus perçants, de tous les marchands de tabac, qui en ayant regorgé leurs magasins,espèrent gagner de 30 à 40 0/0 dessus, en les revendant à la France entière, pendant que, n'ayant pas encore de plantation préparée, elle ne pourrait se procurer ses approvisionnements. Etouffer leurs cris, dis-je, en leur achetant leur tabac actuellement en magasin, à un taux qui leur assure ce béné-
fice de 30 0/0. Il me reste à prouver que ces sacrifices qui doivent rassurer votre justice, et satisfaire les provinces exemptes, ne seront point aussi onéreux que le serait pour l'Etat la liberté de culture, même indépendamment de la perte dans le revenu de l'impôt, qui ne doit peut-être nous offrir que des considérations secondaires, auprès du grand intérêt d'agriculture et de commerce qui sollicite la prohibition.
Reprenons nos propositions d'indemnité. La première consiste à accorder une prime de 10 livres pour chaque arpent, actuellement cultivé en labac, lorsqu'il le serait en chanvre, colza, etc. Le comité dit que « 40,000 arpents, c'est-à-dire la trois millième partie du sol de la France, cultivés en tabac, fourniraient largement à 1a consommation du royaume. > Quoique les députés d'Alsace avouent que cette province ne cultive que 10,000 arpents en tabac, je suppose que cette culture en remplace40,000 dans les pays exempts, la prime à accorder ne coûtera que 400,000 livres par an pendant vingt ans, et occasionnera dans ces départements une augmentation de plus de 2 millions dans la valeur des productions; 40,000 arpents de tabac donneront 200.000 quintaux de tabac en feuilles, qui, à 12 1.10 s., et ce prix diminuerait si la culture était permise en France, feront 2,500,000 livres dè produit brut; tandis que 40,000 arpents en chanvre produiraient, avec la même culture, un pareil nombre de quintaux; mais le chanvre vaut 25 à 30 livres le quintal ; ce qui porte le produit brut de 5 à 6 millions. L'excédent du bénéfice sur la valeur de la production brute se trouverait donc de plus de 2 millions; il serait encore décuplé parla main-d'œuvre. Les 200,000 quintaux de tabac, défalcation faite des frais d'acnat de tabac à l'étranger pour le mélange, ne vaudraient pas à l'industrie 10 francs par livre, c'est-à-dire, en totalité, 10 millions. Une livre de chanvre ou de lin se changerait en linons, en batistes, et pourrait fournir des fils d'une valeur 200 fois décuple de 10 francs; mais je prends un terme moyeu : on fait avec une livre de fil 2 aunes 1/2 de toile valant 21. 10 s. l'aune, ce qui fait 6 1. 5 s.; ôtant la valeur première du chanvre, il reste pour le prix de l'industrie 6 livres par chaque livre de chanvre, au lieu de 10 sous par chaque livre de tabac; et pour les 200,000 quintaux, 120 millions, au lieu de 10 millions. 11 est évident, d'après ces calculs, que les provinces qui, en recevant ces 400,000 livres de prime, ^pourraient obtenir une semblable augmentation dans leur industrie, bénéficiraient bientôt de l'heureuse impuissance où elles se trouveraient de continuer la plantation des tabacs.
Le second dédommagement, c'est de faire distribuer à tous les consommateurs actuels des pays exempts, et pendant toute leur vie, du tabac à fumer à Set 12 sous, et du tabac râpé à24sous; la nation n'y perdrait rien à présent, parce qu'elle pourrait fournir du tabac à fumer très bon au prix de 8 et 12 sous; elle gagnerait au moins 9 sous par livre sur le tabac râpé, même en le fournissant d'une qualité supérieure à celui qui se consomme à présent, à 24 sous. La nation y gagnerait beaucoup par ta suite, parce que cette grande quantité de tabac livré à bas prix serait consommée non seulement par cedx qui seraient inscrits, mais encore par ceux, qui ne l'étant pas, s'accoutumeraient à la consommation, et laisseraient, après l'extinction des consommateurs inscrits, une nouvelle génération soumise graduellement et sans efforts à la consommation des prix supérieurs qua vous croirez tfevoir fixer pour tout le royaume.
Le troisième dédommagement, c'est de donner à tous les fabricants actuels des emplois dans la régie nationale.
Le nombre des fabriques n'est pas aussi considérable qu'on se l'imagine ; il y en a 10 à Strasbourg et 40 dans le plat pays : de ces 50, 5 ou 6 ont une prépondérance sur les autres, qui leur assure d'assez gros bénéfices. Il est possible d'obtenir pour ces 5 ou 6 des recettes générales ou autres emplois supérieurs dans les manufactures nationales. A l'égard des 44, elles ne valent guère à leur propriétaire, et l'une comportant l'autre, plus de 12 à 1,800 livres. Eh bien, des entrepôts de tabac et des emplois secondaires dans les manufactures valent ordinairement ces sommes; il faudra leur en donner à chacun et agir de même dans la Flandre et dans l'Artois. Quant aux ouvriers employés dans ces manufactures, il est bien prouvé qu'il en faut beaucoup plus dans les ateliers de ia ferme, qui deviendront nationaux, que dans les manufactures ordinaires ; ainsi l'on peut encore employer sans exception tous les ouvriers. Mais une chose que je dois observer ici, c'est que si moins de 2,000 ouvriers et manufacturiers des pays exempts exigent Joute votre sollicitude, comment 10,000 ouvriers, 660 entreposeurs, et 40,000 débitants privés de leur état dans tout le reste la France, par la suppression de l'impôt du tabac, ne mériteraient-ils pas aussi nos égards? Tant de malheureux réduits au désespoir, et disséminés dans tout l'Empire, peuvent bién aussi intéresser notre cœur et peut-être notre prudence.
Il me reste la tâche la plus difficile, celle de satisfaire les marchands qui ont rempli leurs magasins, et qui comptaient sur un bénéfice de 30 à400/0. Les achats faits et projetés, comme il ne s'agit pas de dédommager des compagnies, mais seulement des spéculateurs particuliers, n'ont pu s'étendre à plus de 7 à 8 millions de livres pesant, et un bénéfice de 30 0/0 accordé aux marchands sur le prix de Tâchât de ces 8 millions délivrés pesant ne coûterait pas 15 millions de livres. Je pense que vous ne regarderez pas comme un obstacle aux différents dédommagements que je vous propose les difficultés qui se présenteraient dans leur répartition. Il n'y a point d'obstacle insurmontable en ce genre, lorsque les municipalités etles assemblées administratives voudront s'y prêter, et leur intérêt le leur commandera.
L intérêt des pays ci-devant exempts étant ainsi mis complètement à couvert, il nous reste à examiner la question sous deux points de vue : 1° relativement aux grandes et importantes considérations de notre agriculture et de notre commerce; 2° relativement à l'impôt.
Si je parcours les ouvrages de M. Brissot, cet apôtre de la liberté, de MM. Clavières et Dumou-thier, et l'opinion de M. Pétion, je trouve constatée dans chacun d'eux cette vérité géométriquement démontrée par l'expérience, que le tabac est une plante vorace, qui épuise le sol qui l'a fait naître; que la culture du tabac ne convient sous aucun rapport à la France : cet Empire est en général trop peuplé pour que ses nonnes terres ne soient pas nécessaires a la production des subsistances et des bestiaux. Il importe surtout à la France de recueillir, sur son propre sol, une assez grande quantité de denrées de première nécessité pour n'être pas obligée de recourir aux étrangers; la France doit donc être Soigneuse de ne pas favoriser chez elle des cultures dont le produit ne sert ni à nourrir ni à vêtir. Celle du tabac serait surtout funeste dans
tous les pays où la rareté des prairies naturelles ne laisse de ressource que les prairies artificielles, genre de prairie qui ne réussit que par les engrais que le tabac absorberait, si l'on y permettait sa culture.
A l'égard du commerce intérieur, la culture du tabac est préjudiciable à nos manufactures, parce que l'extension de sa culture diminuerait nécessairement celle des autres matières premières ; c'est une vérité démontrée à la rigueur. Quant au commerce extérieur, et surtout à celui que nous voulons et que nous avons tant d'intérêt d'établir avec les Américains, nous ne pouvons douter que le jour où la culture du tabac sera déclarée libre, tous nos liens avec les Etats-Unis ne soient rompus. Les Américains ne peuvent payer qu'avec leur tabac ; et si nous ne tirons presque plus de cette denrée, ils cesseront de rechercher nos marchandises.
Un moyen bien simple, en même temps bien vaste, d'assurer à la France presque tout le commerce avec eux, serait, après avoir prohibé la Culture du tabac dans le royaume, d'acheter généralement tous les tabacs recueillis par les Américains, au moyen d'un traité fait avec eux et dans lequel il serait stipulé que le payement se ferait par des échanges. Dépositaires, alors, de tous les tabacs d'Amérique, nous vendrions fort cher à tous les pays du Nord la partie dont nous ne pouvons nous servir, parce qu'elle a trop de montant, mais qui leur convient, parce que ce montant est nécessaire pour animer leur tabac lourd et trop gras. Ce que nous retirerions par cette vente nous payerait nos achats, et nous aurions en bénéfice réel la valeur des marchandises échangées. Quelle activité donnerait à nos manufactures une semblable spéculation! quelle force nous prêterait, pour la conservation de nos colonies, un commerce réciproque aussi important pour les deux nations 1 Faudra-t-il que de minutieuses vues particulières, et, avouons-le, des ménagements de circonstance et une fausse et honteuse pusillanimité nous obligent à sacrifier d'aussi grands intérêts ? Mais cessons de peser sur des vérités sans doute déjà senties, et bâtons-nous de considérer si, comme impôt, la prohibition de la culture du tabac est admissible avec notre Constitution.
Considérée comme impôt, la prohibition de culture, dit-on, est contraire à la liberté et à la propriété. Je réponds : la .liberté des nations, comme celle du citoyen, consiste à n'être gouverné que par la loi, à n'être soumis qu'à la loi, organe de la volonté générale. La propriété consiste dans le droit de jouir, user et disposer conformément à la loi. Ainsi, la loi qui défend la plantation des bois le long des grandes routes, pour augmenter la sûreté; celle qu'il serait nécessaire de porter si tout le moude, ou le plus grand nombre, voulait défricher à la fois ses forêts, ou planter tout en vigne ou établir des rivières, ou la culture de toute autre plante qui infecterait l'air, sont ou seraient des lois auxquelles il faudrait se soumettre sans murmure, parce que ces prohibitions devant tourner à l'avantage de tous ou du plus grand nombre, objet de toute législation, de telles lois n'attenteraient ni à la propriété, ni à la liberté. Il suitde ce priucipe que si i'Assem-blée jugeait que la prohibition de la culture dût être établie comme nécessaire au produit du plus léger, du plus utile et du plus volontaire des impôts, elle ferait une loi plus sage, plus douce, plus juste, plus analogue à l'état de la liberté, qu'en accordant une liberté de culture désas-
treuse, pour établir à la place un impôt de rigueur et forcé. Concluons que le sacrifice qu'exigerait la volonté générale pour l'avantage général serait un acte de liberté : caria liberté n'est que l'usage du pouvoir de tous pour le bonheur de tous. Ce principe convenu, les autres objections contre l'impôt du tabac tombent d'elles-mêmes ; il suffit de les énoncer.
Les frais de perception sont à peu près nuls; le cordon d'employés pour les douanes suffit pour arrêter la contrebande en grand, la contrebande de filtration n'est pas susceptible d'empêcher les produits : or, le cordon est payé pour les douanes, et ne coûte pas un sou de plus pour le tabac . Au moyen de la prohibition de la culture et du cordon sur les frontières, tout employé, et les visites domiciliaires dans l'intérieur, deviennent inutiles, il suffira d'un seul garde par district qui, en gardant les forêts nationales, empêchera les plantations. Le Code pénal sera aboli, et les plus légères amendes, qui ne pourront jamais être changées en peine afflictives, seront moins un frein réprimant la contrebande, qu'une punition de ia violation de la loi... Ainsi l'impôt du tabac ne blesserait en aucune manière la liberté civile..... Comment pourrait-on balancer à le conserver, lorsque surtout vous n'avez pas encore décidé si vous maintiendrez les entrées des villes, bien autrement vexatoireset coûteuses, puisque non seulement elles réunissent tous les inconvénients des autres impôts indirects, mais qu'elles auraient celui d'arrêter la libre circulation du commerce que vous avez eu en vue en portant les barrières aux frontières. Je n'ai porté les entrées des villes à 40 millions dans mes aperçus sur l'impôt, que parce que je supposais que le tabac serait conservé pour 36 millions et parce que je sentais que l'excès des besoins exigeait qu'on ne négligeât aucun moyen de perception; mais la suppression [du tabac et la conservation des entrées des villes seraient peut-être de toutes les mesures la moins excusable aux yeux de la saine politique. Ces considérations me paraissent d'un si grand poids, que je crois devoir vous proposer de ne vous décider sur la question du tabac qu'après avoir entendu votre comité sur les droits d'entrée des villes.
La répartition de l'impôt direct entre les départements devenant peut-être la tâche la plus difficile de tous nos travaux, parles réclamations incalculables auxquelles cette répartition va donner lieu, plus la masse des impôts directs sera considérable, et plus nos erreurs dans cette répartition seront fâcheuses et auront de funestes suites. L'impôt indirect, au contraire, se répar-tissant tout seul, il eût été bien à désirer que, pendant les premières années au moins, l'on pût en conserver assez pour alléger l'impôt direct, jusqu'à ce que nous ayons pu nous éclairer sur les bases probables de cette égalité de répartition. Cette considération est plus importante qu'on ne le croit, et les départements attendent l'instant de cette répartition pour juger leurs députés. Un autre motif que je dois aussi faire valoir, c'est que, d'après les états qui vous seront présentés par votre comité des finances, les dépenses annuelles, avec le3 augmentations que les circonstances nécessitent chaque jour, approcheront de 600 millions, et peut-être les passeront: mais il ne nous suffit pas d'obtenir une recette égale à cette dépense, nous devons encore prévoir et les non-valeurs, et surtout une guerre... Assurons un revenu public proportionné à nos besoins, et nous serons le peuple
le plus libre, comme le plus puissant de l'univers.
Je me résume et je me demande qu'il ne soit statué sur le tabac qu'après avoir bien examiné, d'après le rapport annoncé par votre comité sur les entrées des villes : 1° si nous devons conserver ou anéantir ces deux genres d'impôts;2° si nous devons en conserver un, lequel des deux est le moins défavorable à la circulation du commerce et à la liberté civile.
(1). Messieurs, la question que vous discutez est liée, par une foule de rapports, au système général des impositions, à l'intérêt de l'agriculture et du commerce, et à nos relations extérieures ; une aussi haute importance exige le plus sévère examen; et l'hésitation que vous avez pu remarquer dans les différents projets que votre comité vous a présentés rend cet examen encore plus nécessaire.
Le dernier projet, le seul dont je parlerai, renferme plusieurs résultats qu'il est essentiel de distinguer.
Le premier, c'est que la culture du tabac doit être libre dans tout le royaume : il faut donc examiner s'il est utile que cette culture soit libre.
Le second, c'est que l'importation du tabac soit permise, moyennant une taxe de 50 sous par quintal : Il faut donc examiner si la liberté de la culture est compatible avec l'intérêt du commerce.
Le troisième, c'est que deux sortes d'impôts soient établis sur le tabac, l'un pour le droit de l'importer, l'autre pour le droit de le fabriquer et de le débiter : il s'agit donc de décider si un impôt quelconque sur le tabac est compatible avec la liberté de la culture.
Le quatrième, c'est qu'il y ait une régie, non pour vendre le tabac à un prix déterminé, mais pour le fabriquer et le vendre en concurrence avec tous les citoyens: il faut donc examiner s'il est utile de donner l'attache du gouvernement à une pareille régie, qui ne serait qu'une maison de commerce de plus dans le royaume.
Enfin, le cinquième résultat, c'est que le tabac soit un objet de revenu public, car le comité soumet cette denrée, non seulement à deux sortes d'impôts, mais à un gain éventuel: il importe donc de discuter si le revenu, dont le tabac doit être l'objet, est suffisant, et si ce revenu est établi par le comité de la manière la plus convenable.
J'avoue d'abord que je oe m'attendais pas à voir coucilier un impôt sur la fabrication et le débit du tabac en France avec la liberté de le cultiver et de l'importer. Je prouverai, peut-être bientôt, qu'un pareil système est évidemment contradictoire. Je dis que je ne m'y attendais pas: car la même question ayant été discutée, il y a trois mois, pendant plusieurs séances, il fut décrété que la discussion serait fermée, et que, sans rien préjuger, le comité présenterait un projet de remplacement de l'impôt actuel sur le tabac.
Je crus alors que la question avait entièrement changé de face; qu'il
fallait ou montrer l'impôt du tabac comme inutile à conserver, attendu
la suffisance des autres impositions, ou indiquer
Ce n'est pas, Messieurs, le droit de 50 sous par quintal sur le tabac introduit en feuille que je regarde comme un impôt : car, par là, le comité n'a voulu sans doute que favoriser la culture de cette plante dans le royaume; et cette précaution était certainement inutile, puisque le tabac américain coûtera toujours trois fois plus que notre tabac indigène.
Cet impôt, d'ailleurs, serait à peu près nul: car fût-il perçu sur la totalité du tabac consommé en France, il ne produirait pas un million, en supposant que tout ce tabac fût importé; et il faudrait en retrancher non seulement tout ce qui serait récolté en France, c'est-à-dire au moins les trois quarts de la consommation, mais encore tous les achats faits par la régie, déclarée exempte du payement du droit par l'article 6 du projet de décret; c'est-à-dire que cette partie du revenu public ne s'élève bas à 300 ou 400,000 livres.
Le second impôt établi par l'article 5 du projet de décret serait sans doute d'un produit plus considérable. Le comité suppose que nul ne pourrait fabriquer ou débiter du tabac clans le royaume, s'il n'avait acquitté la taxe qui serait réglée, et s'il n'en pouvait produire la quittance. Or, sur cela, même avant d'examiner si un pareil impôt serait compatible avec la liberté de la culture, et avec la liberté de l'importation du tabac en feuille, j'ai une question à faire au comité.
Puisqu'il suppose, ce que je regarde comme incontestable, qu'un impôt sur le tabac est nécessaire, je lui demande à quelle somme cet impôt doit être porté; je lui demande s'il n'est pas indispensable de connaître ce résultat pour décider si cet objet est susceptible de tel impôt, et si tel impôt, une fois déterminé dans sa quantité, peut être établi de telle manière?
J'examine d'abord si la perception d'une taxe établie /sur le droit exclusif de fabriquer et de débiter le tabac peut se concilier avec la liberté de le cultiver et de l'importer dans le royaume.
L'effet inévitable de cette * liberté, c'est que chacun pourra, soit qu'il le cultive, soit qu'il l'achète, avoir chez soi du tabac en feuille. Or, je voudrais que l'on m'apprît l'intérêt qu'auraient" les fabricants et les débitants privilégiés à se soumettre à une taxe qui ne leur donnerait aucun avantage, et que tout le monde pourrait si facilement éluder.
Vingt manufactures de 200 ouvriers prépareraient tout le tabac nécessaire au royaume; ces manufactures pourront-elles surveiller toutes les fabricationsclandestines?quels séront leurs agents et leurs moyens de résistance? Fera-t-on des visites chez îe cultivateur et chez le marchand pour examiner s'ils préparent du tabac pour leur usage ou pour celui de leurs voisins? Mais à peine pouvait-on empêcher une partie de la fraude, lorsque le tabac était prohibé, lorsqu'il ne s'agissait que de garder des frontières, et un seul point. Gomment donc pourra-t-on s'y opposer quand toutes les parties du royaume, toutes les villes, tous les champs, toutes les maisons
seront autant de frontières; quand la matière première de la fraude sera sous la main de chaque particulier ; quand au lieu de n'avoir à repousser, comme autrefois, qu'une très petite classe de citoyens, on aura le peuple entier et le peuple cultivateur à surveiller? Si l'on multiplie les gardes, quel avantage aura-t-on retiré d'avoir reculé les barrières ? Si l'on fait des visites, à quelles vexations ne va-t-on pas se livrer? Ces vexations seront d'autant plus odieuses, que les payeurs des taxes, répandus dans le royaume, formant autant de privilégiés isolés, et n'étant point un corps, ne cesseront, chacun de leur côté, d'inquiéter leurs voisins pour tirer quelque parti d'un droit qu'ils auront imprudemment acheté. Un pareil impôt, n'eût-il que cette immoralité de forcer ainsi les citoyens à s'épier et à s'accuser les uns les autres, devrait par cela seul être rejeté, ne fût-il pas d'ailleurs impraticable; mais je défie au despotisme le plus absolu de l'exécuter.
Ce que j'ai dit des fabricants de tabac, je le dis, à plus forte raison, de ceux qui seront chargés de le débiter. Si la compagnie privilégiée est dans une ville, comment surveillera-t-elle le débit du tabac dans les villages? Si un débitant a payé la taxe pour s'établir dans un village, quel moyen aura-t-il de s'opposer à la réunion de tous les cultivateurs? Non, un tel impôt ne pourrait ni s'établir, ni subsister; et cependant quand on fait payer ie droit de vendre, il faut, à moins de vouloir tromper l'acheteur, pouvoir lui assurer un privilège exclusif.
Je voudrais d'ailleurs qu'on m'expliquât comment ces taxes, qui seraient autant de privilèges, se concilieraient avec ce système de liberté que l'on réclame, lorsqu'il s'agit de la culture. Le droit de vendre soi-même la denrée qu'on a recueillie est-il moins une propriété que le droit de cultiver telle plante, plutôt que telle autre? est-on moins le maître des fruits que du sol?
Mais lorsqu'un système est vicieux dans ses bases, plus on entre dans les détails, plus on rencontre d'objections. Etablira-t-on une forte taxe pour les vendeurs privilégiés? ils seront forcés de vendre le tabac à plus haut prix; et dès lors comment évitera-t-on une fraude, tout à la fois aiguillonnée par la facilité et par l'intérêt? Vou-dra-t-on prévenir cet inconvénient par la modicité de la taxe? mais alors le droit ne sera d'aucun produit. 20 francs par quintal seraient un gain très capable d'exciter la cupidité : or, en supposant la moitié de ce bénéfice pour les taxes, et l'autre pour les débitants et pour les fabricants, cet impôt ne grossirait le revenu public que de 2,400,000 livres. Est-ce pour une pareille somme qu'on voudrait établir l'inquisition la plus révoltante?
L'impôt sur le tabac, regardé comme indispensable par le comité, est donc impossible à concilier avec la culture et l'importation libres de cette denrée, au point que, s'il était démontré que cette liberté fût nécessaire sous d'autres rapports, il faudrait, dans tous les cas, renoncer à ta prendre pour base d'un impôt.
Mais est-il vrai que le système du comité favorise le commerce et l'agriculture? Il ne sera pas difficile de montrer que c'est une erreur.
Je ne discute point encore l'intérêt particulier de quelques négociants ; il s'agit principalement d'examiner si le projet du comité ne détruit pas invinciblement notre commerce avec l'Amérique | septentrionale ; car il est évident qu'aucun avan-
tage particulier ne pourrait compenser cette perte.
Je ne veux pas supposer que le tabac indigène recueilli en France pût suffire à sa consommation, ce qni pourtant arriverait, si l'erreur des propriétaires était portée au point de préférer une denrée d'un vil prix à des productions cent fois plus utiles : certainement, dans ce cas, le tabac ne serait plus un objet de commerce avec l'Amérique.
Je me borne à supposer que la culture propagée produisît les trois quarts de notre consommation, et c'est dans Cette hypothèse, que je vais démontrer que nos relations avec l'Amérique seraient totalement ruinées.
Il est certain que le tabac indigène de France, s'il était universellement cultivé, ne vaudrait pas plus de 7 à 8 livres le quintal, et la preuve en est fort simple ; aujourd hui même, il ne se vend que 6 livres dans l'Artois, et 9 ou 10 livres dans PAlsace ; il n'obtient même ces prix que parce qu'il est placé à côté d'un privilège exclusif, qu'il trouve par là un débouché toujours assuré, et qu'en le mêlant à des tabacs étrangers d'une qualité supérieure, il fournit les moyens d'une utile contrebande. Mais supposons si l'on veut que le prix moyen des tabacs de France fût de 10 livres le quintal, tout le monde sait que celui de la Virginie coûte au moins 25 livres, sans les droits ; la ferme générale l'a même acheté à 36 livres et à 40. Je voudrais maintenant que l'on m'expliquât comment, avec une telle différence; le tabac de l'Amérique pourrait soutenir la concurrence dans nos marchés. Dira-t-oh que l'Amérique diminuera ses prix?Cela ne se peut point! car même à 25 et 30 livres le quintal, le produit est si faible, que la culture de cette plante diminue de jour en jour dans la Virginie. Dira-ton que la différence dans la vente pourra subsister à cause de la différence des qualités? Mais le peuple préférera toujours le tabac le moins cher. Les gens plus aisés se contenteront de mêler une petite portion de tabac américain avec le tabac indigène. Il n'y aura donc que les gens riches qui achèteront au tabac de l'Amérique. Or, une vente devenue aussi peu considérable, aUssi incertaine, ne découragera-t-elle pas entièrement une nation que sous mille rapports il serait si important de favoriser ?
J'envisage l'intérêt du commerce sous une autre relation. Si les Américains, dira-t-on, ne nous vendent pas leur tabac, nous conserverons le numéraire qu'ils auraient exporté ; mais ai-jé besoin de combattre cette erreur populaire ? Pour une nation, le plus sûr moyen de s'appauvrir est de ne rien acheter : car c'est aussi le moyen de ne rien vendre. Ce n'est point notre argent, ce sont nos denrées qu'exportent les Américains qui nous vendent leur tabac; et si nous n'achetons pas les productions des autres peuples, ceux-ci achèteront-ils les nôtres? Voyez l'exemple de l'Angleterre^ de cette nation qui a fondé toute sa richesse, et je pourrais dire sa puissance, sur ses transactions commerciales. Elle achète, soit pour le consommer, soit pour le vendre, presque tout le tabac de l'Amérique, et elle n'a pas un seul arpent de terre en tabac. Elle sait que le commerce ne se fait point sans échanges.
Le désavantage que le projet du comité est capable de causer aux Américains se fait encore sentir sous un troisième point de vue. Une compagnie exclusive, telle que la régie actuelle, fait tout à la fois de grands marchés et de grands approvisionnements. Qu'un navire chargé de
tabac arrive dans nos ports quand il n'y a nul besoin d'acheter, une compagnie exclusive augmente alors ses magasins ; et le vendeur, assuré de trouver un acheteur, ne craint pas de faire un voyage inutile. Supposez au contraire et la liberté d'importation, et la liberté de la culture ; la crainte de trouver en France tous les marchés remplis arrêtera toutes les spéculations dans l'Amérique.
Il y a plus: souvent le propriétaire de la denrée a besoin de recevoir des avances; une grande compagnie ne craint pas de les faire, et un négociant serait forcé de s'y refuser ; ainsi, récemment, la ferme générale avança un million à l'Amérique sur un marché dé soixante mille bou-cauds de tabac : croit-on qu'Un simple particulier aurait voulu faire un tel crédit?
Mais, dira-t-on, c'est l'Angleterre et non l'Amérique qui nous vendra le tabac. Cette objection n'est encore qu'une erreur : sans doute, il fut un temps où nous n'achetions le tabac que de l'Angleterre, lorsquè cette puissance avait le commerce exclusif d'un grand peuple qu'elle appelait une de ses colonies. Mais il est reconnu que, depuis 1777, la ferme n'a pas acheté un seulbou-caud de tabac en Angleterre; presque toute notre consommation nous a été fournie par l'Amérique ; ce sont ou ses vaisseaux ou les nôtres qui en ont fait le transport.
L'intérêt au commerce peut être encore envisagé sous un autre aspect. On objectera qu'il serait impolitique, autant qu'absurde, d'interdire à nos armateurs d'apporter du tabac en France en échange des marchandises qu'ils vendent en Amérique. Mais cette faculté, je la leur laisse tout entière dans mon système: ils pourront ou transporter le tabac pour la régie, ou l'acheter pour leur compte. Dans ce dernier cas, ils pourront ou le réexporter ou le vendre à la régie; je n'exclus que l'importation libre dans l'intérieur du royaume, et je nie que les négociants éclairés puissent être jaloux de ce droit que je leur refuse.
D'abord le payement du fret est presque toujours le principal avantage que les négociants tireht des retraits, et la plupart aimeraient mieux rapporter un chargement de tabac pour la régie, que de l'acheter. D'un autre côté l'incertitude de la vente et la nécessité d'avancer le payement des droits sont les deux plus grandes entraves du commerce. Supposez que la culture et la vente du tabac, dont la consommation est bornée, soient parfaitement libres, le négociant aura sans cesse à craindre ou une baisse énorme dans le prix, ou une surabondance de marchandises, surtout lorsqu'il aura à lutter contre une denrée indigène d'une valeur trois fois moindre que celle qu'il apportera; ainsi^ voulût-il vendre pour son compte, il sera bien plus assuré d'un bénéfice honnête avec une compagnie qui n'attend jamais, pour acheter, que ses magasins soient épuisés.
Mais une compagnie exclusive est presque maîtresse de fixer les prix; on dirait, d'après cette objection, que la régie n'a jamais acheté des tabacs de nos négociants, ou que nos négociants n'ont jamais importé, pour leur compte, des tabacs de l'Amérique. Une compagnie exclusive n'est pas la maîtresse des prix, car le vendeur a la faculté de réexporter chez l'étranger; et ne sait-on pas qu'une compagnie, quoique exclusive, étant forcée de maintenir ses approvisionnements et de toujours acheter, parce qu'elle vend toujours, doit suivre nécessairement le prix commun des marchés de l'Europe? J'aurais pu d'ail-
leurs répondre d'un seul mot à toutes les objections tirées de l'intérêt particulier des négociants : car s'il est vrai que la liberté de la culture détruise inévitablement le commerce du tabac entre la France et l'Amérique, ainsi que je l'ai démontré, en quoi, dans ce genre, le commerce particulier des négociants pourrait-il donc consister ?
La cessation de nos relations avec l'Amérique n'est pas même la seule perte que la liberté de la culture nous causerait. On sait que le tabac de la régie, soit par sa qualité, soit par la manière dont il est apprêté, est recherché des étrangers; elle en fournil non seulement dans plusieurs Etats voisins par la voie du commerce, mais à plusieurs compagnies qui ont des privilèges exclusifs ; et les étrangers qui viennent en France en font des provisions considérables. O.i a toujours calculé que les bénéfices de cette double exportation s'élevaient à environ 3 ou 4 millions, et il serait même facile d'augmenter cette, branche importante de commerce, en baissant les prix de la régie. Mais comment ia conserver, si nous n'avions plus qu'un tabac indigène de la plus mauvaise qualité, si on ne vendait plus de tabac de l'Amérique sans mélange, ou si, pour ne pas s'exposer au déchet très considérable qu'exige une bonne fabrication, le tabac se trouvait mal préparé?
Mais ce n'est point assez, Messieurs, que le projet du comité ne donne aucun revenu public, ou que l'impôt très incertain auquel il assujettit les fabricants et les débitants de tabac soit une source de vexations et de fraudes ; ce n'est point assez qu'il détruise nos relations avec l'Amérique, et par contre-coup une branche importante ou commerce national sans aucune utilité pour nos négociants ; il est encore facile de prouver qu'il serait nuisible à l'agriculture en géuéral, et entièrement contraire aux intérêts des parties du royaume où la libre culture du tabac était permise.
Je l'ai déjà fait observer : si on cultivait le tabac dans tout le royaume, le prix déjà très médiocre de notre tabac indigène le serait bien plus encore ; et comment serait-on alors dédommagé des frais de la culture, du dépérissement des terres auxquelles on confierait cette plante vorace, et de la perte des autres denrées? On a cité l'exemple de l'Amérique : c'est dans des terres vierges que l'on y cultive le tabac, et presque partout la médiocrité du produit force à changer de culture dans les vieilles terres. Mais nous avons des preuves plus certaines sous nos yeux. Si le tabac est une denrée si avantageuse, d'où vient que dans le Cambrésis et l'Artois, à peine quelques terres sopt destinées à ce produit? d'où vient qu'en Franche-Comté, où cette culture était étendue, on l'a tout à coup abandonnée, au point que la régie y vend, dans ce moment, pour plus de 500,000 livres de tabac chaque année? Voulez-vous ne parler que de l'Alsace ? eh bien, tous ceux qui ont parcouru ce pays vous diront que la culture du tabac n'y est connue que dans un espace de 10 lieues de longueur sur 2 ou 3 de largeur; et que là même, les 4 cinquièmes des terres sont destinés à d'autres productions, c'est-à-dire qu'en y réunissant toutes les terres à tabac, on "ne formerait pas un carré de 4 à 5 lieues dans une grande province. Je ne vous dirai point-qu'il faut des terres profondes, fortes et fraîches, des terres que nous n'avons point, pour nourrir une plante qui, dans quelques années, ruine le champ le plus fécond. Je n'ajouterai point que
notre sol fournit des productions trop riches pour les sacrifier à un imprudent essai. Mais je dirai à l'Alsace qu'elle se trompe, si elle pense que les avantages qu'elle a retirés pendant qu'elle cultivait presque seule le tabac seront les mêmes, lorsque cette culture sera commune à tout le royaume ; qu'elle se trompe si elle compte vendre son tabac au même prix lorsqu'il ne sera plus en concurrence avec le tabac de la régie, dont le prix était grossi par l'impôt; qu'elle se trompe si elle ne reconnaît point que son bénéfice sur le tabac résultait principalement du mélange qu'on en faisait avec un tabac étranger d'une meilleure qualité, ce qui alimentait une contrebande trè3 active. Or, aucun de ces avantages ne pourrait plus subsister avec la liberté d'une culture générale.
Enfin, j'ajoute que l'Alsace ne croit point elle-même que la culture du tabac puisse devenir générale en France, et si elle le croyait, elle ne la solliciterait pas. Quelle est donc sa pensée ? On ne peut pas s'y tromper : sou patriotisme ne lui permettant pas de demander un privilège exclusif auquel elle a solennellement renoncé comme toutes les sections de l'Empire, elle demande la liberté, bien sûre que personne ne désirant d'en profiter, elle conservera son privilège exclusif.
Mais faut-il forcer les Alsaciens à changer subitement de culture, tromper ainsi les espérances des habitants et attenter en quelque sorte à leur propriété? Je suis bien éloigné de lè penser; et ce n'est pas moi qui porterais l'alarme dans le cœur de ces bons citoyens que chacun de nous est prêt ici à défendre.
Mais d'abord la régie ne pourrait-elle pas établir une grande fabrication de tabac à Strabourg pour y occuper bien plus d'ouvriers qu'il n'y en a dans les petits ateliers de l'Alsace ?
Ne peut-on pas accorder six années aux habitants pour le changement de leur culture, et dans cet intervalle forcer la régie à acheter le tabac des habitants, aussitôtqu'il est recueilli, etd'après leur déclaration, sur un pied plus haut que le taux commun depuis les 6 dernières années ?
Ne peut-on pas, pendant ces 6 années, diminuer d'un cinquième le prix du tabac préparé, q ue.il a régie y débitera pour l'usage des habitants ? Et en prenant toutes ces mesures, en faisant aujourd'hui le recensement des terres dans lesquelles seulement on pourra continuer la culture du tabac pendant 5 années, ne parviendra-t-on pas à concilier l'intérêt public avec la justice ?
Mais comment supporter dans une Constitution libre un impôt destructeur dé ta liberté ? Comment concilier les formes d'une administration parter-nelle avec un impôt qui se grossit par des inquisitions domestiqu s, par des peines arbitraires,et qui tend sans cesse un piège aux citoyens en les invitant à violer la loi ? Je réponds : le prix excessif du tabac forçait presque à la contrebande : diminuer ce prix, et qu'au lieu de payer le tabac 5 sous ronce, le peuple puisse l'acheter à 3 sous. Même sur ce pied l'impôt rendra près de 30 millions; et notre exportation de tabac prép aré serait encore bien plus considérable.
Dans cette partie, le Gode pénal prononçait des peines trop rigoureuses : proscrivez ces peines et changez ce code.
Quatre provinces étaient sans cesse tentées de faire des versements frauduleux : ôtez ce piège à de bons citoyens, et détruisez ces privilèges.
Des visites domestiques violaient l'asile de chaque individu : ne permettez les visites que dans le cas d'un grand approvisionnement; et qu'un
officier municipal, qu'un magistrat du peuple les autorise par sa présence.
Je reviens maintenant à l'impôt : car, pour l'intérêt du peuple, il importe qu un tribut modéré, et en quelques sorte volontaire, ne soit pas remplacé soit par des impositions plus onéreuses, soit en aggravant celles qu'il ne peut déjà supporter qu'avec peine. La théorie des impôts est la véritable législation du peuple. C'est ici, Messieurs, que nous attendent les ennemis du bien public pour exciter le mécontentement de ceux qui jusqu'à présent n'ont fait que bénir votre ouvrage ; comme si les législateurs qui ont aboli la dîme, les exemptions d'impôts et les abus de la féodalité, qui ont rendu au peuple tant de propriétés usurpées, qui lui ont délégué tous les pouvoirs qu'il pouvait exercer ou plutôt retenir; comme, dis-je, si ces amis constants des campagnes pouvaient cesser d'en défendre les droits I
Si l'impôt du tabac ne peut pas être supprimé sans le remplacer, car jamais vous ne consacrerez l'étrange système que votre comité vous propose, quel impôt plus doux pourriez-vous préférer? Cet impôt est libre, il ne porte que sur une très petite partie des citoyens qui consentent à s'y soumettre. Il né tient pas à une denrée de première nécessité. Il n'a pas cela de commun avec la plupart des impôts indirects de peser d'autant plus sur un chef de famille qu'il a plus d'enfants, c'est-à-dire en raison de son impuissance. L'enfance en est exceptée, très peu de femmes y sont soumises; et cet impôt est même très léger pour ceux qui veulent le supporter. Cherchez donc d'autres impositions qui soient aussi douces, aussi équitables.
Mais si cet impôt peut être supprimé? Eh bien! vous le pourriez qué vous ne le devriez pas. N'avez-vous pas d'autres impôts à alléger? N'avez-vous pas à redouter que les impositions établies sur la terre, cet asile de l'homme, ce pain nourricier des nations, né soient trop considérables jusqu'à ce qu'on ait rendu aux campagues les capitaux que la fiscalité lui a si longtemps ravis? Avez-vous même pu calculer exactement si les impôts ou prévus ou décrétés atteindront exactement le résultat que vous avez cru pouvoir indiquer? Et pourquoi donc, en prévoyant un déficit très probable, ne conserveriez-vous pas un impôt qui, une fois suspendu, serait impossible à rétablir?
On a regardé comme une objection le recule-ment des barrières. Et moi je le présente comme un moyen. Vous avez établi des droits de traite, et par cela seul deux lignes d'employés sur plus de huit cents lieues de côtes èt de frontières vous sont nécessaires. Cette dépense est énorme; elle est presque d'un tiers sur le produit total de cet impôt, qui ne s'élèvera peut-être pas à quinze millions. L'imposition du tabac a maintenant cet avantage, que les frais en sont déjà payés : c'est-à-dire, qu'en percevant quarante-cinq millions au lieu de quinze, sans ajouter aux dépenses que les traites rendent déjà nécessaires, vous aurez le produit d'un impôt de plus, sans le sacrifice inutile et toujours si douloureux des frais de la perception.
Comparez ce résultat avec celui du comité, vous n'auriez, en suivant son système, ni impôt, ni culture, ni relations avec l'Amérique; car impôt et culture libre, culture libre et commerce avec l'Amérique, sont des idées contradictoires que le comité aurait pu se dispenser de vouloir concilier. Le premier effet de la suppression de la vente exclusive, serait que l'Angleterre, toujours très
avisée, verserait sur nos frontières et dans nos magasins du tabac pour plusieurs années, et que nous serions même dispensés de cultiver cette plante parasite, dont on veut nous faire, je ne s lis pourquoi, un si funeste présent, en vertu des principes de notre Constitution, comme si la plupart des objections que l'on peut faire contre l'impôt du tabac n'étaient pas communes à la plupart des autres impôts.
Je propose le décret suivant :
projet de decret.
Art. 1er. La nation se réserve le droit
exclusil du commerce, fabrication, vente et débit du tabac, tant en
feuilles que fabriqué, dans toute l'étendue du royaume, pour ledit droit
être exercé, au profit du Trésor public, par les préposés qui seront
nommés à cet effet.
Art. 2. Lesdits préposés seront tenus d'entretenir un nombre suffisant de bureaux, où le tabac en poudre sera délivré au public au prix de 2 liv. 8 s. la livre, ou de 3 sous l'once, et le tabac à fumer au même prix.
Art. 3. L'importation du tabac étranger fabriqué continuera à être prohibée.
Art. 4. Il sera libre d'importer du tabac étranger en feuilles, dans les ports qui seront désignés ; mais ce tabac y sera mis sur-le-champ en entrepôt, dans les magasins de la régie, pour être ou réexporté à l'étranger, ou acheté de gré à gré par ladite régie, sans payer aucun droit dans aucun cas.
Art. 5. La culture du tabac sera et demeurera interdite et prohibée dans toute l'étendue du royaume, dérogeant à tout usage à ce contraire.
Art. 6. Et, néanmoins, voulant prévenir les inconvénients qui pourraient résulter d'un changement trop brusque dans le système de culture tes départements du Haut et Bas-Rhin, de la Haute-Saône, du Doubs, du Nord, de partie de celui du Pas-de-Calais, et de tous autres où la culture du tabac était en usage, ladite culture ne pourra y être étendue ; mais elle ne sera complètement supprimée qu'à la fin de 1796.
Art. 7. Les propriétairès et cultivateurs qui auront des tabacs en leur possession, au moment de la sanction et de la publication du présent décret, en feront, dans la quinzaine, déclaratiou aux préposés à la vente nationale du tabac, et il sera incessamment statué sur les conditions auxquelles ils seront retirés pour le compte de la nation. Il sera également statué sur l'emploi et la destination des tabacs qui proviendront des récoltes des six années, pendant lesquelles la culture du tabac est autorisée, dans les départements du Haut et Bas-Rhin, de la Haute-Saône, du Nord et du Pas-de-Calais, comme aussi sur les formalités à remplir par les propriétaires et cultivateurs.
Art. 8. A l'égard de l'indemnité que réclament les habitants desdits départements, relativement à la plus grande consommation de tabac à laquelle ils sont accoutumés, le comité de commerce et d'agriculture se concertera avec des députés des ci-devant provinces d'Alsace, Flandre, Artois, Cambrésis et Franche-Comté, pour le rapport être fait de leurs demandes, et être statué ce qu'il appartiendra.
Art. 9. Il sera présenté, dans le plus court délai, par le comité de Constitution, réuni à celui des impositions, un projet de code pénal pour la contrebande en tabac. En attendant, les règlements
précédemment [rendus, pour cette partie, continueront d'être exécutés, avec l'exception, seulement, que l'amende de 1,000 livres prononcée indistinctement par lesdits règlements pour toute fraude en tabac, sera réduite provisoirement à la somme de 500 livres ; et qu'à défaut de payement, elle ne pourra être convertie en aucune peine afflictive.
Art. 10. Le roi sera prié de donner des ordres pour la prompte mise en liberté des fraudeurs en tabac, qui seraient détenus à raison du non-payement des amendes prononcées contre eux, sans néanmoins que les dispositions du présent article puissent s'étendre aux fraudeurs condamnés à quelque peine afflictive que ce soit, par suite d'une procédure criminelle pour violences, voies de fait et rébellion.
Plusieurs membres demandent l'impression du discours et du projet de décret de M. de Mirabeau.
(Cette motion est décrétée.)
Il y aurait intérêt, pour ne pas arrêter la discussion sur un objet aussi important, de faire imprimer séparément le projet de décret.
,rapporteur. L'opinion de M. de Mirabeau est que l'impôt du tabac pourra produire 30 millions. Notre opinion, dans le comité, est nu contraire que, vu la quantité de tabac de contrebande qui est dans le royaume et le nombre des plantations qui sont commencées, il serait impossible d'en tirer dans les premières années plus de 15 millions ; et pour l'avenir, vu la suppression des visites domiciliaires et des barrières de l'intérieur, plus de 20 millions... Je demande que M. de Mirabeau fasse imprimer ses calculs à la suite de son projet de décret.
Ce que demande M. le rapporteur est de toute justice ; je joindrai mes calculs à mon projet.
Quoique en ce moment,la contrebande se fasse.à force ouverte, il y a certaines provinces où la vente du tabac n'a pas diminué d'un seizième, et dans la totalité du royaume, elle produit encore 15 millions.
J'avoue que je ne puis faire, sur le projet de M. de Mirabeau, aucune observation, sans le connaître plus en détail. Je vais cependant relever un article de son projet qui me paraît impliquer la plus grande contradiction.
On doit laisser, suivant lui, jusqu'en 1796, la liberté de culture aux provinces qui l'ont; mais les barrières qui séparaient ces provinces de celles del'intérieur n'existent plus : le tabac entrera donc librement. Cette observation doit frapper l'Assemblée.
Voix nombreuses : Oui! ouil
(On insiste de plusieurs côtés et on demandé à M. de Mirabeau de présenter ses Vues sur un code pénal.)
Je ne puis pas le présenter d'ici à demain ; le délai est trop court.
Lorsqu'on a de mandé à M. de Mirabeau ses vues sur les peines qu'il faut employer pour Ja prohibition de la culture, ce n'est point un code pénal entier qu'on lui a demandé. Mais comme Ja base de son système est la prohibition delà culture, et comme le comité est persuadé que cette prohibition est impossible sans employer les moyens que vous avez préscrits, le comité est en droit de demander à M. de Mirabeau de faire connaître les moyens dont il compte se servir pour ce point unique.
L'incident qui s'élève d'après le projet de M. de Mirabeau me paraît se réduire à la demande d'un ajournement nécessaire. Effectivement, Messieurs, la demande qu'on a faite à M. de Mirabeau me paraît on ne peut pas plus fondée en raison et appuyée sur les motifs mêmes qu'il a donnés. Il faut non pas que vous examiniez l'impôt qui vous est proposé uniquement sous le rapport de son produit, uniquement sous le rapport de la durée sur laquelle il porte, mais sous le rapport bien plus important de la liberté des citoyens. Or. je soutiens que si on établit un impôt sur Je tabac, il faudra suivre les peines corporelles que l'ancien code fiscal avait établies, du moins une inquisition aussi gênante pour la liberté des citoyens. (murmures et applaudissements.) Je dois vous démontrer, quand on agitera la question, que le système qu'on vous propose est destructif de notre commerce avec l'Amérique ; mais je n'en suis pas là. Je demande seulement, sur la question incidente, s'il vous est permis, en établissant un impôt, de ne pas l'examiner, et si vous ne devez pas exiger qu'un système d'impôt qui vous est [proposé réunisse les moyens d'exécution qui peuvent en assurer le produit. D'après cela, il faut ajourner la question et donner huit jours au comité réuni avec M. de Mirabeau pour vous présenter un projet de décret sur les moyens d'exécution et le Code pénal, et nous verrons si le code pénal qu'on nous présentera ne rend pas l'impôt inadmissible.
Je demande, au nom de l'Alsace, que M. de Mirabeau veuille bien conférer avec la députation de cette province sur les avantages et les inconvénients du système prohibitif et sur les mesures qu'il convient de prendre pour prévenir des troubles qui, dans une province qui veut rester française, pourraient être les suites d'un décret irréfléchi.
Je suis aux ordres de la députation, et j'espère bien lui prouver que j'ai réellement en vue Jes véritables intérêts de l'Alsace. I
J'observerai à l'Assemblée que tout roule sur deux points : ie premier, de connaître les bases sur lesquelles M. de Mirabeau fonde ses calculs. Ces bases me paraissent parfaitement simples et sages. Avant l'époque de la Révolution, l'impôt rendait 30 millions au Trésor public. On propose d'en supprimer les 2/5 ; il sera donc réduit à 18 millions. L'addition des provinces qui y sont soumises, le moindre prix qui en multipliera nécessairement la consommation et qui restreindra la contrebande doivent faire apercevoir à tous les gens de bonne foi, que l'impôt s'élèvera à 25 millions au moins. Voilà les premières bases générales sur lesquelles on peut apercevoir le produit de ceat impôt.
La'deuxième objection a été faite relativement
au Code pénal et l'on vous a effrayés des peines disproportionnées au délit, qui étaient autrefois portées dans le Godefiscal par lesquelles on punissait les citoyens qui faisaient la contrebande. Deux réflexions bien simples rassureront peut-être à cet égard l'Assemblée nationale. Il y deux espèces de délits dans la contrebande du tabac : celui de le transporter malgré les défenses, et celui de le cultiver dans son champ.
11 me semble que pour la contrebande simple, c'est-à-dire pour le délit qui consiste à importer du tabac étranger dans le royaume où il est prohibé (et tout le monde en conviendra), la peine doit se borner à un double droit, à la confiscation des marchandises : cette peine n'est pas extrêmement effrayante.
Quant à celle de la culture, il n'y a pas d'inconvénient au Code pénal. Ce Gode pénal est extrêmement facile, car tous les hommes qui ont étudié les matières criminelles savent que la grande difficulté consiste à punir les non-propriétaires, parce qu'on ne peut les punir dans leurs biens, puisqu'ils n'en ont pas. Il faut donc les punir dans leurs personnes; or, toute peine personnelle quelconque est infiniment trop grave, comparée au délit. Le Code pénal, relativement aux propriétaires, est extrêmement facile ; il doit se borner à des amendes.
Mon avis serait donc que l'on passât à la discussion du plan de M. de Mirabeau, qu'il ne fût pas ajourné, sauf les compensations qui seraient dues aux provinces d'Alsace et belgiques.
L'assentiment de MM. de Cazalès et de Folleville au projet de M. de Mirabeau peut être un sûr garant de la bonté de ce projet et des heureux effets qui peuvent en résulter.
Cette discussion prouve que la vérité rallie et réunit tous les partis.
Je ne m'oppose point à l'ajournement, parce que je désire que le décret soit définitif et que le comité profite de cet intervalle pour nous présenter des vues sur deux objets importants : 1° Sur l'indemnité à accorder aux provinces belgiques ; 2° Sur le code pénal qui, suivant moi, doit être infiniment simple. On peut, en effet, réduire ce code à quatre articles. Il y a quatre manières de faire la contrebande. (Murmures.)
Nous n'en sommes pas au code pénal. (Aux voix Vajournement i)
Enquatre mots, je vais vous dire mes observations. Il y a quatre différentes classes de contrebandiers. La première, la plus à craindre, et Ja plus ordinaire, sera celle des cultivateurs, parce que vous n'aurez plus de commis dans l'intérieur du royaume et qu'on profitera de leur éloignement pour cultiver le tabac et frustrer le Trésor public d'une recette précieuse.
Je demande que l'on mette aux voix l'ajournement. (L'Assemblée décrète l'ajournement à jeudi prochain.) Plusieurs membres du comité d'aliénation pro- posent, et l'Assemblée décrète, la vente de biens nationaux à diverses municipalités, dans les termes suivants : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret ; Savoir : A la municipalité du Petit-Quevilly, département de la Seine-lnfé-rieure, tant pour eile que comme substituée à celle de Rouen.........299,5511. 14 s. 4 d. A celle d'Amfreville-la-Mivoye, même département.................. 4,334 » » A celle de Boiesy-le-Sec, département d'Eure-et-Loir................71,960 A celle de Tremblai-le-Vicomte, subrogée à celle de Dreux, même département...........21,120 » A celle de Bolbec, département de la Seine- Inférieure.............99,464 16 5 A celle de Laon, département de l'Aisne...1,067,169 5 A celle d'Herchin, département du Nord.....103,854 1 A celle deDéchy,même département............207,195 4 6 À celle de Floyon,même département...........7,991 10 A celle de Sin-le-Noble, même département.....103,636 4 6 A celle de Levai, même département...........38,788 7 6 A celle de Dom pierre, même département.....30,575 A celle de Lille, même département...........1,560,525 11 2 A celle de Tilloy.même département...........41,131 11 9 À celle de Fiefe, département du Pas-de-Calais.17,389 15 » A celle de Ruminghem, même département.....2,054 5 A celle de Brias, même département.........152,572 13 4 A celle de Barbye, département des Ar- dennes................129,166 10 6 A celle de Saint-Quentin-le-Petit, même département...........320,702 16 «Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et états d'estimation respectifs, annexés à la minute du procès-ver bai de ce jour. »
annonce l'ordre du jour de la séance de ce soir et de celle de demain ; il prie l'Assemblée de se retirer dans ses bureaux pour procéder à 1a nomination d'un président,
de trois secrétaires et d'un membre du comité d'aliénation. (La séance est levée à deux heures et demie.)
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du matin, qui est adopté.
Il est ensuite donné lecture des adresses suivantes :
Adresse de la société des Amis de la Constitution, séante à Brest, qui fait un exposé frappant des projets, des démarches des ennemis de la Constitution, et des puissances étrangères, contre la France. Elle propose, pour mesure préparatoire, que le roi soit prié de faire promulguer un manifeste dans toutes les cours de l'Europe, par lequel il déclare, de la manière la plus positive, qu'il est le chef de la Révolution, et qu'il en sera le plus intrépide défenseur.
Adresse de la société des Amis de la Constitution établie à Beauvais, qui réclame une lui contre le duel.
Adresse des Amis de la Constitution du Mans, qui annonce que les efforts du ci-devant évêque du Mans, pour soulever le peuple contre la nouvelle constitution du clergé, ont été inutiles; que les ressorts du fanatisme sont usés, et que la majeure partie des curés du diocèse s'empresse de prêter le serment civique. Elle demande que les séances des corps administratifs soient rendues publiques.
Adresse de félicitation et de dévouement du curé de Lucenat-en-Vallée. Il se plaint de n'avoir pas encore été payé de tout sou traitement de l'année dernière.
Lettre du procureur syndic du district de Bruyères contenant un acte d'adhésion à tous les décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le roi, avec une demande d'armes, au nom de tous les membres de la société des Amis de la Constitution résidents en cette ville, et autres lieux de son district.
Adresse des juges composant le tribunal du district de Sommières, qui expriment avec énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement dont ils sont pénétiés pour l'Assemblée nationale.
Lettre de M. Raulin, consul général de France à Gênes, contenant 3 serments civiques de ses vice-consuls.
Adresse et délibération de la commune de Mas-cabardès, district de Carcassonne, contenant adhésion à celle prise par les citoyens actifs de celte ville, touchant les protestations faites par la chambre des vacations du ci-devant parlement de Toulouse.
Adresse du conseil général de la commune de Mouy, département de l'Oise, qui fait hommage à l'Assemblée de plusieurs exemplaires imprimés du discours prononcé par M. Salleutin, curé de
cette paroisse, à l'instant de la prestation de son serment civique.
Lettre du procureur de la commune de Maison-sur-Seine, district de Chartres, qui annonce que M. Baron, curé de cette paroisse, qu'on avait cru jusqu'ici un des apôtres les plus zélés de l'ancien régime, a prêté, dimanche dernier, son serment civique au milieu des applaudissements de ses paroissiens.
Adresse des officiers municipaux de la ville de Gondrecourt, département de la Meuse; de la ville de Lunéville, de celles de Sancerre et Pont-Saint-Esprit; des communautés de Chablis, département de l'Yonne, et de Clichy-en-Launoy, département de la Seine-et-Oise, contenant les prestations du serment civique faites par les curés et autres fonctionnaires publics de ces différentes paroisses.
Adresse des prêtres de l'Oratoire, chargés à Béihune de l'éducation publique, des curés de Monceau-le-Comte, de Saint-Jean de Nevers, de Saint-Germain-de-Gouvernes-en-Brie, de Vercourt, département de la Haute-Marne, qui s'empressent d'annoncer à l'Assemblée qu'ils ont prêté le serment civique, conformément à ses décrets, convaincus que la constitution civile du clergé ne porte aucune atteinte à la véritable autorité de i'E^Jise, et qu'elle tend à nous ramener les premiers siècles du christianisme.
Lettre des officiers municipaux de la ville de Chartres, par laquelle ils annoncent que la presque totalité des ecclésiastiques de leur ville et des paroisses voisines ont prêté Je serment prescrit par la loi du 26 décembre dernier aux ecclésiastiques fonctionnaires publics; que les biens nationaux se vendent avec une rapidité incroyable et au prix le plus haut, et qu'ils ont lieu croire que dans six mois il n'existera pas dans cette province un seul arpent de terre à vendre des domaines immenses que possédaient les ci-devant chanoines et autres bénéticiers. (Rires et applaudissements.)
Le supérieur du grand séminaire,très vertueux citoyen,patriote etrecommandable par son mérite distingué, avait fait sa soumission de prêter le serment; mais un ordre du général de Saint-Lazare, qui était une espèce de lettre de cachet, l'a fait partir sur-le-champ. Il perd sa place pour avoir voulu obéir à la loi.
Gomme le comité des lettres de cachet est heureusement aboli et supprimé, je demande le renvoi de cette plainte au comité des recherches, pour en rendre compte incessamment à l'Assemblée. Il ne serait pas naturel qu'un prêtre fût victime de son patriotisme : l'exemple serait trop dangereux.
,curé de Souppes. Gomme le prieur de Saint-Lazare est membre de cette Assemblée, je demande qu'il s'explique et qu'il donne ici les motifs pour lesquels il a retiré... (Interruptions )
,curé de Montfort. M. le supérieur de Saint-Lazare n'est pas ici; il est vrai que Je supérieur de Chartres est venu pour affaires, mais il repart demain pour retourner à Chartres. (Interruptions.) (L'incident n'a pas de suite.)
Lettre de M. Dugas, éditeur d'un recueil de décreis auquel il a donné le nom de Code national, par laquelle il fait hommage à l'Assemblée du sixième volume de cet ouvrage, joint à cette
lettre, et demande qu'il soit remis, avec les cinq premiers, dans les archives.
(L'Assemblée agrée cet hommage.)
Lettre de M. Bailly, maire de Paris, par laquelle il fait part à l'Assemblée du résultat de la vente de neuf maisons nationales, adjugées les26, 27 et 28 de ce mois.
Adresse de M. Gock, serrurier de profession, par laquelle il fait hommage à l'Assemblée du modèle d'une boîte mécanique propre à la guérison des fractures, et annonce qu'il en est l'inventeur ; qu'il lui doit la conservation d'une jambe cassée déjà condamnée à l'amputation, et que des expériences réitérées et attestées par plusieurs personnes de l'art, et notamment par le premier chirurgien de l'Hôtel-Dieu de Paris, constatent l'avantage de cette découverte; il ajoute qu'elle lui sera encore plus précieuse si elle lui mérite l'approbation de l'Assemblée nationale, et que le souvenir de ses douleurs se changera pour lui en un sentiment délicieux, en pensant qu'elles sont devenues utiles à ses concitoyéns.
(L'Assemblée témoigne sa satisfaction des sentiments généreux et patriotiques de ce citoyen, et lui permet d'assister à sa séance.)
Un membre demande qu'avant que cette machine soit déposée dans les archives, elle soit envoyée au comité de salubrité, pour examiner s'il ne serait pas à propos de faire distribuer un certain nombre de ces machines dans les différents hôpitaux.
(Cette proposition est accueillie par l'Assemblée.) „
Adresse de la municipalité de Ghaumont-en-Bassigny, qui annonce que le curé de la paroisse et ses vicaires ont prêté le serment prescrit par la loi du 26 décembre dernier, ainsi que dix pères de la Doctrine chrétienne, professeurs au collège de cette même ville, qui se sont réunis au curé et à ses,vicaires pour donner conjointement cet exemple de leur soumission et de leur déférence à la loi.
Adresse du directoire du département du Doubs aux municipalités de son arrondissement.
Cette adressé est ainsi conçue (1) :
« Très chers concitoyens,
« Voici le moment de prouver que nous sommes dignes de la liberté. Nos
ennemis, c'èst-à-dire ces lâches Français qui, courbés ci-devant sous le
despotisme, se croyaient honorés quand ils pouvaient appesantir encore
davantage sur d'autres leur joug de fer, se préparent à nous attaquer.
Des avis ^rtains, adressés à la municipalité de BesançonTainsi qu'au
directoire, nous apprennent que les contre-révolutionnaires se
rassemblent à Yverdun et dans d'autres villes du canton de Berne ;
qu'ils y font des enrôlements de déserteurs, de vagabonds, de brigands ;
qu'ils en font passer différentes troupes du côté de l'Allemagne et de
la Savoie, et qu'ils n'attendent que l'occasion favorable (2) pour faire
irruption dans nos campagnes, et y porter le fer et le feu. Ils comptent
sur jes secours de leurs infâmes adhérents, et que leur armée se
grossira de cette foule de mécontents qui soupirent après le retour des
abus supprimés. L'inutilité des tentatives qu'ils ont faites jusqu'à
présent, la honte qui en
« Pour nous soustraire à leur fureur, il ne faut, citoyens, que ne pas nous laisser surprendre. Veillons sur leurs démarches ; gardons soigneusement nos frontières; soyons prêts, au moindre signal, à voler où le danger pourra nous appeler; n'oublions pas que nous sommes un peuple de frères; que nous avons à combattre pour nous-mêmes, et qu'il s'agit de sauver nos femmes, nos enfants, nos propriétés, de cette horde de brigands et d'assassins.
« Déjà nous nous sommes ménagé, sur les lieux où ils trament leurs odieux complots, des correspondances certaines : l'œil du patriotisme est ouvert sur toutes leurs démarches, et nous aurions à leur opposer des forces suffisantes s'ils osaient nous attaquer ouvertement.
« Ce que nous avons le plus à craindre; c'est l'art perfide qu'ils emploient pour nous désunir et jeter parmi nous les semences de la division et de la discorde. Ils nous voient toucher au terme de no3 espérances; ils voient se consolider cetté majestueuse Constitution qui vient de régénérer la première nation du monde, et ils sentent bien que si nous restons unis, aucune puissance humaine ne pourra nous ébranler. Aussi quels efforts ne font-ils pas pour altérer notre bonne intelligence 1 Comme ils saisissent tous les prétextes !
« Le serment exigé des ecclésiastiques fonctionnaires publics était une suite indispensable du respect et de l'obéissance que tout citoyen, surtout quand U est en place, doit à la loi, et ils le représentent comme une atteinte portée à la religion: ils crient que le décret sur la constitution civile du clergé conduit au schisme, à l'hérésie, à l'impiété; ils voudraient exciter le fanatisme et aiguiser ses poignards.
« N'écoutez pas, citoyens, ces propos empoisonnés. En réglant la constitution civile du clergé, l'Assemblée nationale a respecté tout ce qui était vraiment spirituel, tout ce qui tenait au dogme et à la foi. Elle ne s'est permis de changement que sur le temporel, ou sur des points de discipline extérieure què l'autorité civile avait elle-même/établis, et que par conséquent elle pouvait réformer, ou enfin sur des droits que le clergé avait usurpés, et qui étaient des abus, dont l'intérêt même de la religion exigeait l'entière abolition.
« Plaignons les ecclésiastiques assez aveugles pour croire que leur conscience ne leur permet pas de se montrer bons citoyens; mais défions-nous de ceux qui, non contents de suivre leur opinion, sur laquelle tout citoyen doit être parfaitement libre, osent accuser leurs confrères plus instruits et plus raisonnables, qui savent obéir à la loi. Défions-nous surtout de ceux qui, confondant l'intérêt de la religion avec l'intérêt temporel des prêtres, cherchent à alarmer les consciences et à les soulever contre un des plus sages décrets qui soient émanés de l'Assemblée nationale. • C'est sur l'effet des coupables intrigues de ces prêtres ambitieux et dissidents que nos ennemis fondent leurs espérances; c'est pour favoriser leurs perfides manœuvres, qu'ils ont fait imprimer et répandent avec profusion un faux
extrait d'un bref qu'ils supposent adressé par le pape à notre roi.
Nous ne dontons point que* comme prince temporel, et peut-être comme bomme, le pape ne regrette les sommes immenses que la France lui fournissait chaque auuée, et qui alimentaient le luxe de sa cour; mais, comme chrétien 4 comme successeur des apôtres» comme chef de l'Ëgiise» il ne peut qu'applaudir à la pureté des règles qiie l'Assemblée nationale a rétablies, ët qui ont été celles ae la primitive Eglise, celles des premiers conciles* celles des Saints Pères, et dont on ne s'était écarté que par des abus dont les vrais fidèles, lés plus grands saints avaient toujours gémi»
« Ces abus ne tenaient point à la foi, qui s'est conservée pure parce qu'elle est l'ouvrage dé Dieu ; ils ont donc pu être retranchés sans nuire à cette foi divine a laquelle nous sommes tous invariablement attachés, et que nous soutien» drons au péril même de notre vie.
te Sachons donc» chers concitoyens» nous conduire tout à la fois en bons chrétiens et en Français fidèles* Imitons un de nos plus grands rois, saint Louis, qui, aussi distingué par Sa piété que par ses vertus héroïques» sut opposer une barrière insurmontable, aux entreprises et à l'ambition delà cour de Rome. G'est des ordonnances de ce grand prince qu'ont été tirés les principaux articles de ce décret, que des prêtres Osent actuellement taxer d'impiété*
« Après vous avoir avertis des préparatifs que l'on fait cbntre vous au dehors* et qui ne peuvent être à Craindre qu'autant qu'ils seraient secondés au dedans par ceux que l'on cherche à séduire» voici quel est» pour y parer* le devoir de tout citbyen :
« D'abord, les municipalités doivent veiller avec attentiôn sur toutes les manœuvres qui pourraient se pratiquer dans leur ressort » et avertir aussitôt le directoire de tous les objets importants qui seraient venus à leur connaissance; elles doivent, surtout* veiller à ce qu'il ne se glisse dans leurs communes aucun embaucher» et les faire arrêter S'il s'en trouve i , « Gellés qui sent plus rapprochées des frontières doivent observer plus particulièrement les démarches hostiles» se faire représenter les passeports des personnes suspectes, et envoyer au directoire les noms de ceux de leur commune, s'il en existe, connuB pour être passés en pays étranger» et avoir pris des engagements avec les enoemié de la Révolution 1 Elles doivent avertir ceux de leurs citoyens qui ont des armes, de les teAir en état.
« Si, par les dispositions qu'elles verront régner parmi leurs habitants, elles avaient lieu de soupçonner que la prestation du serment pût être accompagnée de quelque troUble» ii serait prudent qu'elles fissent tenir eous les armes un certain nombre de citoyens qui» par leur fermeté et leur modération» maintiendraient l'ordre et la tranquillités Il est aussi de leur devoir de ne recevoir aucun serment que clans la forme et les termes prescrits par le décret du 27 novembre dernier, sanctionné le 26 décembre* sahs permettre que l'on y ajoute ni condition ni restriction.
« Enfin, tous les citoyens doivent se réunir pour lë soutien de la loi, se distinguer par leur obéissance à ceux qui en sont les organes, et éviter tout excès envers ceux des ecclésiastiques qui pourraient se refuser à la prestation du serment. La moindre violence envers eux rendrait ci s rebelles à la volonté nationale intéressants
aux yeux de la superstition ; les perturbateurs du repos public les t décoreraient du beau nom de martyrs de la religion, tandis qu'ils n'auraient été qUe les victimes de leur orgueil et de leur opiniâtreté. La persécution anime et soutient le fanatisme ; la tolérance le détruit.
« Voilà, citoyens, les sentiments qui doivent tous nous animer» et qui nous garantiront des dangers que la discordé amènerait sur ses pas. tant qué nos ennemis nous verront réunis par l'amour de la patrie et l'obéissance à la loi, ils n'oseront jamais attaquer une nation qui a toujours été distinguée par sa valeur,k et que la défense d une cause( commune et aussi jUste rendra toujours invincible*
« Vu la présente» le directoire a arrêté qu'elle serait envoyée et publiée aux communes assemblées, à la diligence des municipalités ; que copies en seront envoyées à l'Assemblée nationale et aux autres départements du royaume. »
* Signé : SËGtriN, président ;
« Couthaud, secrétaire.
« Besançon, le 19 janvier 1791. »
Un membre demande que l'Assemblée veuille bien témoigner d'une manière toute particulière sa satisfaction des sentiments exprimés dans cette adresse ; il observe que cela est d'autant plus nécessaire qu'une îoule de libelles ont été distribués dans ce département pour détourner les ecclésiastiques de prêter le serment que leur conscience et leur honneur leur prescrivaient.
appuie cette demande de faits particuliers ; il annonce que l'évêque de ce département a été dénoncé à l'accusateur public de la manière la plus précise et que le tribunal est saisi de la connaissance de cette affaire. (L'Assemblée décrété que cette lettre sera imprimée, insérée dans le procès-verbal et distribuée à chacun de ses membres.)
,curé de Souppes, annonce à l'Assemblée que tous les cures du diocèse de Valence ont prêté le serment prescrit par la loi du 26 décembre dernier»
Messieurs, quelques difficultés se présentent pour le remplacement de M. Poignot, député de Paris, décédé depuis quelques jours. Le premier suppléant est M. Vauvilliers; le second» M. Delavigne, l'un des juges des tribunaux de Paris. Non seulement, M. Vauvilliers ne s'est pâs présenté, mais M. Delavigne a été lui demander réponse et ne l'a pas eue. Il est question de savoir ce qu'on doit faire en pareil cas. Je ne vois pas nécessaire» dés que M. Poignot est mort à Paris, d'employer les formes judiciaires pour le notifier à M. Vauvilliers. Cependant la place ne doit pas demeurer vacante et> puisqu'il ne se présente pas, ii me semble que c'est à M. Delavigne à prendre la place.
,curé de Sowppes. G'est sur la réquisition d'un très grand nombre de députés de Paris que M. Delavigne s'est présenté au comité de vérification ; il y a exposé ses demandes vis-à-vis de M. Vauvilliers., Cependant le comité, n'eu ayant point de connaissance légale et officielle, croit devoir* àu préalable, consulter l^As-semblée sur le moyen de constituer en demeure les suppléants qui ne se «présentent pas.
Plusieurs Membres demandent 16 fêhvoi de l'affaire au comité dë Constitution et de vérification réunis. (Ce renvoi est Ordonné.)
,député de Poitou, demande et obtient un congé dé six semaines pour affaires importantes.
Un membre présente une pétition de l'académie de Nîmes, tendant à être chargée, comme elle rétait ci-devant, dë veiller à la conservation des antiquités, médailles et inscriptions que renferment ou qui décorent les édifices nationaux du département du Gard, et il demande que cette pétition soit renvoyée à l'Assemblée administrative de ce département.
(Ce renvoi est ordonné.)
(1). Messieurs, bien convaincu due l'Assemblée nationale, loin d'entendre avec indifférence le récit d'un fait mémorable, se plaît, au contraire, à honorer les motifs qui en rehaussent l'éclat, et à prendre des mesures toujours algues de sa sagesse, poUr empêcher qu'une belle action ne soit perdue ; et pour l'exemple, et pour celui qui l'a faite, je me suis chargé de vous ën présenter une i qui doit autant intéresser votre sensibilité que mériter vos éloges.
Le 21 décembre dernier, vers les 11 heures du matin, tin capitaine de navire, forcé par Un gros vent du sud-ouest d'abandonner la route qu'il tenait le long des côtes dé la Manche, voulut relâcher au port de Saint-Valery en Caux, district de Cany, département de la Seine-Inférieure, duquel j'ai l'honneur d'être l'un des députés.
Une chaloupe de ce port, montée de 4 hommes, alla au-devant du navire pour prendre ses amarres et les porter ensuite sur la jetée de l'ouést. La mer était alors très agitée : une vague s'élève* couvre la chaloupe et la submerge, en la poussant néanmoins sur un banc de galets qui règne le long de la jetée. Quelques personnes S'empressent de jeter des cordages aux 4 matelots en péril. Deux seulement qui savent nager les saisissent et se font tirer sur la jetée.
Les deux {autres, submergés avec la chaloupe, s'y étaient heureusement
accrochés j mais, ensevelis dans les eaux, ils ne voient ni ne peuvent
saisir les cordages qui sauvent leurs camarades. Ils vont donc périr
sous les yeux mêmes de leurs concitoyens désolés. Un de ceux-ci, aussi
jeune que brave, màître d'un bateau-pêcheur du port, de qui le qom et le
courage vont désormais honorer fa ville dont il est habitant, devient
intrépide à la vUe du danger de ses deux compatriotes, et prend la
résolution de les arracher a la mort au péril de sa propre vie.
JeanBoudevillain (c'est le nom du jeune et brave marin duquel il
s'agit), dépasse promptement la drisse d'un mât de fanal, se l'attache
au milieu du corps, et Se précipite du haut de la jetée, dans la mer. II
nage vers la chaloupe, l'atteint, malgré la colère des flots, la
soulève, pour procurer aux malheureux qui s'y étaient accrochés, et qui
étaient encore entre deux eaux, le moyen et la possibilité de respirer
l'air, et se fait haler dans cette situation* aussi dangereuse que
pénible, en traînant après lui la, chaloupe submergée, et les deux
naufragés qu il ramène â terre sans connaissance et sans mouvement, mais
qu'il rend néanmoins à la vie, aux
Voici ce document : Extrait du registre des délibérations de la municipalité dejta ville de Saint- Valery-en- Caux.
« Gejourd'hUi 10 jâuviëfr 1791, Il heUreë du matin, la municipalité* assemblée au gteffë de la ville, a pris eti considération le rapport qui suit :
Lé 21 décembre 1790, vers les 11 heures du tnatiti, lè capitaine Louis Vasse se présente pour relâcher au port dë Saittt-Valefy en Catix, forcé par un grOs vent de sud-ouest ; une chaloupe, montée de 4 hommes, fut au-devant pour prendre ses amarres et les porte!4 s tir la jetée de l'ouest* La mer était très grosëe : une vâgiië submerge cette chaloupe, ët la pousse sur un banc dë galets régnant le long dé la Jètêe. Oh s'empreSsë de jeter des cordages â ces matelots : deux d'entre eux, qui savaient nagër, Saisissent ces cordages, et sont tirés sur la jetée ; les deux autres seraient certâinemeht péris. Lè nommé Jean BotidevillâiÈt, maître de batëau-pêcheur dUdit Saint-Valefy, dépasse protaptemënt la drisse du mât de fdttal, se l'attache aù corps, et se précipite du haut de la jetée dans la mer, nage vefs la chaloupe, l'atteint, la soulèvë, pour dori-ner aux deux malhëtifeux qui s'y étaient attachés, et qui étaient entre deux ëàUx, les moyëns de respirer; se fait halër ainsi, ën tirant après lui et la chaloupe et les deux matelots accrochés, qu'il ramène à terre aux acclàmatiods d'uû grand nombre de spectateurs, étonnés de la hardiesse de ce jeune maître, qui, pour sauver la vie à deux citoyens, avait expoSé la siëtitte sur ûn faible cordage. Déjà les deux naufragés étaient sans connaissance.
« Là municipalité considérant qu'une action aussi eoufagëtise, et qui fait tant d'honneur à l'humanité* ne doit pâs êtrè eriôevelîe dans l'oubli; que l'authenticité et les louanges sont la moindre récompense à lacfrfëlfe puisse prétendre son auteur, a arrêté, après avoir entendu M. lë procureur de la commune, que ledit rapport serait couché sur le registre des délibérations de la municipalité, et q[Ue Copié df'icëlul et dit présent arrêté Serait remisé audit Btfndeviliain, eû témoignage de l'estime que la municipalité fait de son Zèle à secourir l'humanité.
« Signé : Adrien Le Seigneur,' maire ; Dupuis/ Pastey, T. fl. Petit Seigneur, Th. Gotelle# Louis Angos, Vulfran Hanot, P. Grenier et Aubert. »
Je ne sollicite auprès de vous, Messieurs, aucune récompense pécuniaire pëur le brave marin, duquel vous admirez, cotame moi, sans doute, l'humanité et le courage. Il en est une bien plus précieuse à mes yeux et vraisemblablement aux siens : j'ose vous la demander pour lui. Cle serait d'ordonner l'insertion du proGès-verbal de la municipalité de Saint-Valery
dans celai de votre présente séance, et de charger M. votre président d'écrire au jeune Boude-villain, pour lui témoigner que l'Assemblée nationale honore son action généreuse de ses justes éloges et qu'elle l'invite à continuer de servir l'humanité avec le même courage.
Votre justice lui doit cette glorieuse récompense, qui est la seule qu'il doive ambitionner. En comblant le vœu le plus cher au cœur d'un citoyen français, vous exciterez les compagnons du jeune héros de Saint-Valery à imiter son exemple et à mériter l'honneur ae la même récompense.
Je demande donc, Messieurs, qu'il plaise à l'Assemblée nationale de me permettre de déposer sur le bureau de ses secrétaires le procès-verbal de la municipalité de Saint-Valery en Caux, d'en ordonner l'insertion dans celui de sa séance et; de charger son président d'écrire à ' Jean Boudevillain, maître de bateau en ladite ville, que l'Assemblée nationale, pénétrée d'admiration pour son action généreuse, l'honore de ses justes éloges, et qu'elle l'invite à continuer de servir l'humanité avec le même courage. (Ces conclusions sont adoptées.)
Une députation de la garde nationale de Paris, du bataillon de la section de Montmartre, demande à présenter à l'Assemblée le buste du brave et généreux Desilles et àentrer dans l'Assemblée avec l'appareil militaire. L'Assemblée y consent-elle ? Voix nombreuses ; Oui I ouil (La députafion est introduite : la marche est ouverte par quatre sapeurs, fa musique les suit en exécutant une marche militaire. Dés grenadiers viennent, ensuite et précèdent le buste de Desilles porté par des militaires de la troupe du centre sur un faisceau de lances, surmonté d'un bouclier et orné de trophées militaires; le buste est décoré de la croix de l'ordre royal et militaire de Sain t-Louis que le roi a envoyé à Desilles, aussitôt qu'il a été instruit de son généreux dévouement. ) ' Les membres de VAssemblée se lèvent et applaudissent. (Le cortège arrive au milieu de la salle, s'arrête en face de M. le président; la musique exécute l'air : Un soldat par un coup funeste...; de vifs applaudissements se font entendre.)
prend la parole et s'exprime ainsi : « Messieurs, le brave Desilles avait versé son sang pour épargner celui de ses concitoyens ; et un habitant de Saint-Domingue, ;son hôte, son ami, arrosait chaque jour des larmes du patriotisme et de l'amitié ses blessures honorables. « Il le voit descendre d'un œil serein dans le tombeau qui le rend immortel, et sa douleur lui inspire aussitôt le désir de perpétuer son intéressante image. D'un amateur elle fit un artiste, et 1a main qui avait soigné les plaies du héros, moula avec fidélité cette tête, ce buste qu'une grande âme venait à peine d'abandonner. « C'est donc à un créole citoyen qu'est dû, Messieurs, le modèle qui multipliera et qui transmettra d'âge en âge les traits de celui auquel, dans le moment d'un grand deuil, vous avez solennellement décerné, au nom de la patrie, la première couronne civique: « Ce buste, inviolable dépôt dont le départe- ment de la Meurthe reconnaît l'authenticité ; ce buste unique, dont la ressemblance est attestée par les larmes que le père de Desilles répand à sa vue, M. Mulnier, partant pour Saint-Domingue, n'a voulu le confier qu'à cet artiste célèbre, par la main duquel le pinceau de l'histoire a déjà consacré le généreux et sublime courage du même héros, et la lâcheté de ses assassins. « Ce tableau, dont l'Assemblée nationale a, le 23 décembre dernier, agréé l'offrande, a été couvert d'applaudissements qui honoreront à jamais le civisme et le talent de M. Le Barbier, son auteur. « Ces deux citoyens patriotes m'ont pressé, l'un de vive voix, l'autre par écrit, de présenter aux pères de la patrie l'image d'un héros qui s'est dévoué pour elle. « Je comptais remplir seul cette mission honorable : mais le bataillon citoyen dans l'arrondissement duquel le buste révéré avait été déposé, a déclaré qu'il regardait ce trésor comme une propriété nationale, dont il était responsable aux représentants de la nation. « Ces valeureux admirateurs d'une action magnanime, ont témoigné le vif désir de rendre à là représentation de leur frère d'armes, tous les honneurs que son héroïsme méritait. Interprètes des sentiments de toute l'armée parisienne, les membres du bataillon du faubourg Montmartre ' ont obtenu, sans peine, du commandant général, la permission d'accompagner la statue de Desilles • au temple de mémoire, comme ils auraient suivi sa personne dans les combats. Ils se plaisent à l'honorer dans la capitale, comme ils se seraient piqués de l'imiter à Nancy. « 600 hommes ont pris les armes pour rendre plus éclatante cette cérémonie funèbre. C'était à qui soutiendrait le buste du jeune héros ; tous se pressaient autour de lui ; plusieurs citoyens soldats ont appuyé, et pour ainsi dire aimanté leur sabre sur cette terre durcie que le marbre imitera bientôt sans doute, et qui nous offre des traits si chers. « Jusqu'ici,: cette espèce de culte, cette apothéose si désirée par la reconnaissance et l'admiration, avaient été réservées pour une autre classe de héros : C'était aux effigies consacrées par la fureur des conquêtes que se décernait cette pompe, que s'adressaient ces acclamations. Il serait digne de l'humanité, de là liberté, d'y associer enfin les martyrs du patriotisme, de faire aujourd'hui de ces cérémonies rémunératrices le prix des sacrifices civiques, dont les monuments viendront ici vivifier ce temple de la Constitution. Une suite d'images, comme cèlle qui reçoit aujourd'hui le tribut de vos larmes et de nos respects, en seraient les gardiens les plus dignes; et s'il était possible que cette Constitution régénératrice trouvât des ennemis, l'espoir d'occuper uue place au nombre des demi-dieux, dont vous auriez ici canonisé le premier, suffirait pour lui donner des imitateurs. « Je n'insisterai point sur cette observation, si Désilles existait encore. L'expérience a prouvé que les éloges n'étaient pas sans danger,-même pour les grands hommes, pendant leur vie. Mais il n'est plus : il a péri, non seulement en héros, mais encore en citoyen et en patriote. Il ne reste à sa famille qui le regrette, à son père qui le pleure, à la France qui l'admiré, il ne reste de lui que ce buste muet que nous vous offrons. « Eh bien, Messieurs I de cette terre inanimée il ne tient qu'à vous de créer des héros : c'est
aux législateurs de l'Empire à féconder le germe qu'elle renferme dans son sein, et que vos soins seuls peuvent faire éclore. « Si la couronne civique, la plus honorable de toutes, ornait par vos ordres le front de la victime immolée au patriotisme, je ne doute pas que cet honneur suprême n'enflammât les cœurs des 500,000 Français que vos décrets appellent à la défense ou à la sûreté de nos frontières ; je ne doute pas qu'il ne devînt un bouclier inexpugnable contre les ennemis qui oseraient troubler nos utiles travaux, et qu'une récompense aussi magnifique ne fût le rempart le plus sûr contre les adversaires présents et futurs de la Constitution. « La nature fit un héros : le voilà. « Une couronne décernée par l'Assemblée nationale elle-même, à la vue de ces généreux patriotes, en produira 100,000. « La copie de ce modèle passera les mers; attendue, désirée à Saint-Domingue, elle y propagera un acte de civisme qui trouvera des émules dans les cœurs créoles, et le buste d'un héros obtiendra sans peine le culte des deux mondes. « Je demande donc, Messieurs, que l'Assemblée nationale, en agréant l'hommage que j'ai l'honneur de lui offrir au nom de MM. Mulnier, Le Barbier, et du bataillon du faubourg Montmartre, décrète : « Que le buste de M. Desilles, avec les pièces qui en constatent l'authenticité, soit dépoàé aux archives pour y être conservé, et que l'artiste soit autorisé a y joindre une couronne civique. »
répond par le discours suivant :
« Le héros dont vous nous présentez l'image, réveille, dans l'âme de tous les patriotes, des sentiments d'admiration et de douleur. Son deuil, fut celui de la France entière qui s'empressa de lui donner des pleurs et d'essuyer ceux des auteurs de ses jours. Il est tombé, avec ses généreux compagnons, sous les murs de ma patrie (1), de cette cité où naguère les cyprès ont été plantés à côté des palmes civiques.
« La Discorde, agitant son flambeau, Voulait armer les citoyens Contre les citoyens, étouffer la liberté dans son berceau, et ramener sous un joug avilissant une nation qui venait de briser ses fers ; mais entreprendre d'asservir un peuple fier et magnanime, c'est assurer son triomphe. Non : les tyrans foudroyés ne souilleron t plus cette terre, et nos ennemis ne recueilleront que là honte et le désespoir de leurs coupables tentatives.
« L'Assemblée nationale applaudit aux talents du jeune artiste qui, des bords américains, des contrées du nouveau monde, transplanté parmi nous, futle compagnon du héros dont il a retracé l'image:.... La France aussi est un nouveau monde : elle penchait vers sa ruine, et ses brillantes destinées allaient s'éteindre dans la servitude, quand tout à coup l'Empire dépérissant se relève du milieu des décombres, reparaît sur la scène du mondé pour occuper le premier rang dans les fastes de l'univers, et préparer la révolution générale qui doit rajeunir le globe, opérer sa résurrection politique, et améliorer le sort de l'espèce humaine.
« C'est avec un sentiment religieux que les vrais citoyens iront arroser
sa cendre de leurs larmes ; c'est là que mes co-députés et moi nous
porterons nos premiers pas, en retournant vers les
« L'histoire, qui s'empare des événements célèbres pour les raconter aux hommes de l'avenir, recueillera précieusement les faits glorieux de ce nouveau d'Assas, pour les redire à ceux qui dorment encore dans le néant, et qui n'arriveront à l'existence que quand nous dormirons dans la poussière. Il nous a légué un précieux héritage: son exemple, exemple fécond, qui enfantera de nouveaux héros. Adopté par la nation,, il est désormais l'ami, le parent de tous ceux qui sont décidés à sacrifier leur vie pour défendre la Constitution ; et les braves militaires qui entourent ce buste, acquittent en ce moment un devoir de famille.
« Tant que là liberté, le patriotisme et la valeur auront un prix, Desilles, à jamais cher aux Français, vivra dans leur souvenir, et trouvera parmi eux des admirateurs ët des imitateurs. » (Applaudissements prolongés.)
(La musique exécute l'air : Ah ! ça ira.)
(L'Assemblée vote à l'unanimité une couronne civique à Desilles et décrète que son buste sèra déposé aux archives.)
(Le buste est déposé sur le bureau des secrétaires et M. Le Barbier lui place sur la tête la couronne civique ; la musique exécute l'air : Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille?)
Un membre demande l'impression et l'insertion àu procès-verbal du discours de M. dè Gouy d'Arsy et de la réponse de M. le président.
(Cette motion est adoptée)."
Je demande que le sieur Le Barbier, peiutre de l'Académie, qui, dès le 23 décembre dernier, a présenté à l'Assemblée l'esquisse d'un tableau représentant le trait héroïque de M. Desilles, dessiné par lui-même sur les lieux, soit invité par l'Assemblée d'exécuter ce tableau en grand, aux frais de la nation, pour faire le pendant de celui que fait M. David, pour représenter le serment du Jeu de Paume. (Cette motion est décrétée.) (La députation se retire dans le même ordre que celui dans lequel elle était entrée.)
Le résultat du scrutin pour l'élection du président et de trois secrétaires de VAssemblée est le suivant : M. Riquetti de Mirabeau l'aîné, ayant obtenu une très grande majorité des suffrages, est élu président. (Applaudissements.) MM. I abbé Marol le, Boussion et Livré, ayant obtenu la pluralité des voix, sont élus secrétaires, en remplacement de MM. Leléu de La Villé-aux-Bois, Oudot et La Metherie. (Applaudissements.) L'ordre du jour est un projet de décret du comité de Constitution relatif à l'installation des tribunaux de Paris.
,rapporteur. Messieurs, vous vous rappelez qu'un de mes collègues du
comité de Constitution vous proposa dernièrement un décret relatif à
l'installation des tribunaux de Paris ; vous adoptâtes le premier
article et vous ajournâtes les autres (1).
Voici le projet de décret :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution sur quelques dispositions nécessaires à l'activité des six tribunaux du département de Paris, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les scellés apposés par les commissaires au ci-devant Châtelet de Paris, ayant l'installation des tribunaux, seront reconnus et levés par les juges de paix, lesquels lèveront également ceux qui ont été apposés, par ordonnance de justice, sur les titres, papiers et effets des accuses, à la Charge d'appeler au procès-verbal de perquisition deux adjoints notables, et sans qu'il soit besoin de la présence d'aucun juge.
« Il sera néanmoins libre aux parties intéressées d'appeler à la reconnaissance des scellés les ci-devant commissaires qui les auront apposés, et dans ce cas les commissaires seront; payés par les parties requérantes. >
Art. 2.
« Tous référés relatifs, soit à l'apposition des scellés, soit aux incidents qui peuvent naître sur l'exécution des jugements, seront portés devant l'un des juges du tribunal dans le territoire duquel le scellé sera apposé, ou le jugement exécuté, lesquels juges seront à tour de rôle chargés de ce travail. A la fin de chaque mois, les procès-verbaux ou ordonnances de référé seront déposés au greffe du tribunal.
Art. 3.
« Quant aux comptes, partages et liquidations renvoyés par jugement du ci-devant Châtelet devant les commissaires à ce tribunal, les actes pourront être achevés par les mémos commissaires, nonobstant la suppression de leurs offices, et en vertu de la présente attribution,
Art, 4.
« Les biens dont l'adjudioatipn se poursuit au Châtelet de Paris, même en vertu d*attribution particulière, et pour lesquels il y a, soit un jugement de remise à jour fixe, soit une adjudication, sauf quinzaine, sojt uq jugement qui ordonne l'adjudication à jour fixe, seront adjugés aux jours indiqués : et, à cet effet, chacun des six tribunaux du département de Paris, à commencer par }e premier arrondissement, députera chaque semaine, et par tour* jusqu'à la fin desdites adjudications, l'un de ses cinq juges: lequel tiendra sa séance à l'audience des criées du ci-devant Châtelet, aux jours et heures accoutumés.
Art. 5.
« Les ci-devant greffiers des criées y continueront leurs fonctions jusqu'à la fin de ces adjudications seulement, nonobstant la suppression de leurs offices, et en vertu de la présente attribution, »
(Ce projet de décret est adopté.)
L'ordre du jour est un projet de décret du comité de Constitution relatif aux avoués.
,rapporteur. Messieurs, vous venez de décréter des dispositions particulières à la ville dé Paris et qui étaient extrêmement urgentes ; maintenant le comité de Constitution vous propose de décréter des dispositions générales relatives aux avoués et qui sont communes à tout le royaume. (Suit la lecture d'un projet de décret.) Le premier article, concernant les avoués, éprouve une discussion très vive ; après de longs débats, l'Assemblée ordonne que la discussion soit fermée ; alors, les amendements qui avaient été proposés, se réduisent à demander que les maîtres clercs de procureurs ne puissent être reçus en qualité d'avoués, qu'autant qu'ils justifieront de cinq ans d'étude, et qu'ils sefont âgés de vingt-cinq ans accomplis. Cet amendement, mis au* voix, est adopté, et l'article est décrété eq ces termes : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de Constitution! décrète ce qu; suit:
Art. 1er.
« S'il y a lieu de faire des inventaires . comptes, partages et liquidations, dans lesquels se trouvent intéressés des absents, qui ne soient défendus par aucqn fondé de procuration, la partie la plus diligente s'adressera au tribunal de district, lequel commettra d'office un notaire, qui procédera à la confection desdits actes. ?
L'article 2, après quelques légers amendements qui pon^ adoptés, est décrété ainsi qu'il suit :
Art. 2.
« Les avocats reçus dans les ci-devant cours et sièges royaux avant le 4 août 1789 ;
« Ceux qui ont été reçus depuis cette époque, en vertu de grades obtenus, sans bénéfice d'âge, ni dispense d'âge, ni d'étude ;
« Les premiers clercs ue procureurs dans les cours et sièges royaux, qui sont majeurs de 25 ans, et qui ont travaillé pendant 5 ans chez un ci-devant procureur ; et ceux qui, étant licenciés en droit avant le 4 août 1789, ou l'étant deyenus depuis, sans bénéfice d'âge, sans dispense d'âge, ni d'étude, ont achevé cinq années (le cléficatnre, seront admis à faire la jonction d'avoués, en s'inscriyant au greffe des tribunaux. »
L'article 3, aprèj? une discussion et quelques amendements, qui sont écartés par la question préalable, est adopté en ces termes, ainsi que l'article 4,
Art, 3.
« Les anciens procureurs des juridictions seigneuriales établies dans les villes où des tribunaux de district sont maintenant fixés, seront reçus comme avoués auprès desdits tribunaux* »
Art. 4.
« Tons ceux qui, par le décret antérieur concernant les avoués, ainsi que par le présent décret, sont admis à s'inscrire au greffe des tribunaux en qualité d'avoués, ne pourront en remplir les fonctions qu'après avoir prêté devant ces tribunaux le serment civique, et celui de remplir leurs fonctions avec exactitude et fidélité. »
L'article 5, relatif aux demandes en liquidation de fruits et de dommages et intérêts ré-? sultant de jugements rendus par les anciens tri-bunaux, éprouve aussi quelque discussion.
demande la distinction
des demandes en liquidation de dépens d'avec celles en liquidation de fruits. (Cette distinction est adoptée.) L'Assemblée décrète en ces termes la partie de l'article 5, relative aux demandes en liquidation de dépens.
Art. 5.
« Les liquidations, règlements et taxes de dépens, en exécution d'arrêts et de jugements définitifs, rendus par les ci-devant parlements et autres tribunaux supprimés, seront faits suivant les règlements, et portés devant les juges de district établis dans les lieux où résidaient les anciens tribunaux qui ont jugé en dernier ressort. »
demande l'ajournement de la partie relative à des liquidations de fruits et de dommages-intérêts. (Cet ajournement est décrété.) Un membre du comité d'aliénation propose et l'Assemblée décrète la vente de biens nationaux à diverses municipalités, dans les termes suivants ; « L'Assemblée nationale, sur les rapports qui lui ont été faits par plusieurs membres du comité d'aliénation, des soumissions faites, suivant les formes prescrites, par différentes municipalités ci-après nommées, déclare leur vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-ver^ baux respectif des estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret ; Savoir : A la municipalité du Luc, département du Var. 53,737 j. 10 s, » d. A celle dq Castellet, même département..,.,. t5,819 » A celle de la Cadière, même département,...., 57,377 11 A celle de j)ésarcs, même département....f. 37,228 g A celle de Tourtour, même département...... 8,580 u i> A celle de Rougiers,même département...... 4,416 10 » Â celle de |5aint- Maxime, même départe- ment.................. 23,565 13 $ A celle de Gomps, même département..,,...,.... 1&,Q89 1 A celle de m Mothe, département des Basses- Alpes.................. 17,183. % • A celle de Reillane, même département.,.... 15 4 A celle de Mane, même département.,.......... 54,42* 14 3 A celle de Gastellane, même département...... 36,566 » » A celle de Forcalquier, même département...... 218,159 9 % A celle de Colmars, même département....,, &>,940 7 p A celle de Sisteron, même département,..., . 44,795 8 6 A celle de Barcelcmette,même département...... 33,49$ 19 6 A celle d'Annot, même département............ 3,052 ÎQ » « Le tout, ainsi qu'il est plus au long porté aux décrets et états d'estimations respectifs, annexés 4 la minute du procès-verbal de ce jour. »
lève la séance à dix heures.
OPINION de M. La Ville-Leronx, député à VAssemblée nationale, contre tout système prohibitif de Ut culture, de la fabrication et de la vente libre du tabac dans le royaume.
La tribune appartenant particulièrement aux orateurs, et n'osant à ce titre espérer d'obtenir la parole, je me décide à faire imprimer mpn opir nion sur la question du tabac. Je suis oppose à tout projet de régie de l'impôt du tabac et je me propose de le combattre avec tout l'avantage que me donnent des connaissances certaines, et avec tout le ?èle que m'inspire l'intérêt national ; et j'invite à se rallier à mon avis tous les membres de l'Assemblée, qui ont applaudi des phrases de la séance du 29 janvier, et tous ceux qui ont gardé le silence, en attendant des raisons,
L'Assemblée n'a entendu jusqu'à ce moment que des assertions sur la culture, sur la fabrication et sur la vente du tabac. Son comité d'impositions s'est cependant rapproché de la vérité ; j'avais demandé à M. de La Rochefoucauld d'y être admis pour Y discuter cette affaire ; mais, si je n'y ai .pas été appelé, ce digne citoyen n'a pas laissé échapper ce que jq lui ai dit dans les rencontres et les conversations rapides que j'ai eues avec lui; cependant il convient encore de poser des faits avant de proposer un mode de revenu sur le tabac. Je vais enfin suppléer au défaut d'états sur la quantité de tabac que la ferme importe, fait fabriquer et vend annuellement; et, puisque Je comité d'impositions, pi aucun autre comité n'a eu les renseignements nécessaires pour cet examen, je vais éclairer cette affaire qu'on a toujours tenue dans l'obscurité.
M. Dupont (de Nemours) a dit que la ferme générale fabriquait annuellement 26 millions pesant de feuilles de tabac, laquelle quantité réduite en carottes, rendait 16 millions pesant de tabac fabriqué, et ces 16 millions de tabac fabriqué, en prenant au compte rond de 60 sols la livrp, forment une imposition de 48 million^,
Si cette base est reconnue par la ferme, j'en établis la fausseté par les faits les plus avérés, les plus incontestables.
D'abord, si l'on entend parler de 26 millions de tabac ep feiiilles, d'Amérique, tel que (a Ferme le reçoit, j'atteste à ]'Assemblée que de pareil tabac ne freint pas, c'est-à-dire n'éprouve qu'un déchet de 5 0/0 à la fabrication, parce que l'eau, je set et les qôtès rendent au tabac moulu tout le poids originaire qu'il avait en feuilles.
Si ) on entend parler, et pela ne peut être du tabac en feuilles d Europe, ie dis que ce tabac, tel que la ferme l'achète, ne frein t que dè 10 0/0; ainsi les 2§ millions de feuilles doivent rendre environ 24 million^ pesant de tabac fabriqué, lesquels 24 millions à 60 sois la livre rendent 72 millions tournois.
11 y a donc entre l'assertion de M. Dupont et les faits que j'atteste, une différence de 8 millions de poids; ce qui en fait une essentielle de 24 millions dans le produit à la vente.
Il est très aisé à l'Assemblée de constater cette vérité; elle peut nommer des commissaires pour faire peser et fabriquer un boucaud de tabac d'Amérique, ou 1,000 livres pesant de tabac d'Europe, qu'elle prendrait dans les magasins de la ferme.
Déjà l'Assemblée doit avoir des doutes inquiétants; mais ils vont s'accroître successivement par d'autres faits aussi constants.
La ferme générale a un traité avec M. Robert-Moris, Américain, pour lui fournir annuellement 40,000 boucauds de tabac, lesquels pesant 10001. net l'un dans l'autre, font 40 millions pesant de tabac en feuilles; et ce traité est ponctuellement rempli.
La ferme achète encore annuellement 10 à 12 millions pesant de tabac en feuilles, d'Europe, tant à Warwic, que dans le territoire de Fumes à Amsfort, et quelquefois dans le Palatinat. Voilà 50 millions de tabac en feuilles, lesquels, rendant au moins 45 millions pesant de tabac fabriqué, produiraient, à 60 sols la livre, un revenu ou une imposition de 135 millions.
La fermç met donc en vénte 45 millions pesant de tabac fabriqué; il en entre Certainement bien 15 millions en fraude ; ainsi la France consomme ou exporte, d'après le calcul le plus modéré, sans y comprendre les départements qui cultivent le tabac, de 50 à 60 millions pesant de tabac fabriqué.
J'abandonne à l'Assemblée les calculs qui précèdent; elle en peut faire usage, si sa curio^ sité l'engageait à connaître les progrès qu'a faits la consommation du tabac, et surtout le produit qui en est résulté. Je vais actuellement aborder la question générale.
La culture du tabac exige sans doute de bonnes terres, pu des terres bien fumées ; mais aussi la récolte du tabac faite en septembre, on donne un simple labour à la terre et l'on y sème du froment. 11 résulte de ce fait, que le tabac n'est point une plante vorace, ou que du moins elle n'absorbe point les sucs nécessaires aux blés ; enfin il n'est point nécessaire que les terres soient très bonnes outrés fumées,lorsqu'on ne recherche pas dans le tabac une feuille grasse et très large ; il est d'une feuille plus étroite, plus sèche, plus jaune dans les terrains maigres et sur les montagnes; mais il a plus de force et plus de sève : il est alors ce que sont aux espaliers les arbres en plein vent, ou nos bois de construction de Bretagne, avec ceux du Nord.
C'est donc jeter une grande erreur dans l'As-sembiée que de lui présenter le tabac comme une culture ruineuse de toute autre culture; c'est au contraire le moyen d'ajouter un nouveau produit à la terre qui n'a pas besoin de reposer toutes les fois qu'un colon habile sait calculer l'analogie de ses semailles avec les sels que les nourrissent ; jetez les yeux sur la Flandre soit française, soit autrichienne j fût-il jamais pays mieux cultivé? Fût-il jamais paysans plus heureux I Et cependant la majeure partie des engrais, les cendres de tourbes y arrivent à grands frais, de Hollande; l'aisance y est générale ; et sans doute la Flandre doit, en grande partie, ce bonheur public à la nécessité d'employer beaucoup de bras, surtout les femmes et les enfants, à sarcler le tabac, l'émouver, le cueillir, le sécher et le mettre en paquets; les fabriques de fils y gagneut, les corderies, la culture de l'osier; car il faut
enfiler les feuilles, corder les paquets et lier les ballots.
Nous sommes si loin, en France, de l'industrie et de l'aisance des laboureurs flamands, et l'on veut arrêter notre essor au moment où la culture du tabac peut accélérer les défrichements, et donner, aux terres déjà cultivées, un produit nouveau et précieux, surtout par l'activité qu'il donnera aux campagnes, et quelle est l'indemnité qu'ou peut offrir aux départements qui cultivent le tabac ? Qu'on invoque;le suffrage de leurs députés, qu'on vante leur patriotisme, ont-ils le droit de transiger sur un objet si important ? Ils sont aujourd'hui les députés de la nation entière, et, quand la nation répandrait sur ces départements un grand nombre de millions, ce serait à peu près l'aumône qu'on fait à un pauvre oisif; rien peut-il remplacer les fruits du travail, la jouissance de ce qu'on cultive, de ce qu'on se procure à peu de frais, et dont on a une longue habitude, enfin quelle différence entre les mœurs du mendiant qu'on nourrit, et la famille indigente qu'on fait travailler ? Quelle différence entre ces deux classes d'hommes, et la liberté qui eucourage le travail et l'industrie? La France entière attend, comme un bienfait, la culture libre du tabac, et quelles lois peuvent aujourd'hui l'extirper? Encourager la culture du lin> la culture du chanvre; donner des primes aux cultivateurs de ces matières premières, j'en suis d'accord; mais la terre produira encore du tabac; l'une de ces cultures exclue-telle l'autre en Flandre ? vous savez, au contraire, que nul pays ne produit plus de lin; l'agriculture est encore au berceau en France; la moitié de nos terres est inculte, et celles qui sont cultivées, et surtout celles qui forment de grandes tenues, ne rendent pas les récoltes qui résulteront, un jour, d'un labourage mieux entendu. Consultez M. Dau-chy, notre digne, collègue, et cultivateur très instruit; il a vu avec le dessein de s'instruire, l'Angleterre et la Flandre; il vous prédira, peut-être, avec moi, qu'à l'exception de quelques localités qui demandent des prairies, la France renoncera à ses prairies, pour se vouer entièrement aux prairies artificielles, pour remplacer, en grande partie, la nourriture des bestiaux, par les navets, les carottes, les panais, les betteraves, le trèfle et la luzerne; que nos prairies deviendront des, chanvrières; laissez la culture libre ; et ne doutez d'aucun succès; la révolution s'opérera sur la terre, comme elle s'est opérée sur /les hommes ; et comme la terre est la base de tous les édifices, la Culture est la base de tous les genres d'industrie ; que d'idées ces deux principes présentent à mon imagination ! Mais allant droit à mon but, je dis que si un champ n'est pas exclusivement à son propriétaire, la nation ne peut y avoir des droits plus forts, que lorsqu'il y a refus ou mauvaise volonté, de la part de celui qui le possède, de le mettre en valeur; mais priver le propriétaire de la culture qui lui convient, de celle dont il attend le meilleur et le plus sûr produit, ce serait une affreuse tyrannie; soyons bien sûrs que si le tabac ne produit au cultivateur, ni ce qui l'intéresse, ni ses espérances, ni le dédommagement de ses avances, de ses frais, de son travail, il l'abandonnera de lui-même et sans prohibition ; quant à l'objection que si nous cultivons le tabac,,nous perdrons nos liaisons'commerciales avec les Américains, les liaisons que le commerce forme ne ^sont pas toujours des nœuds indissolubles d'amitié; l'intérêt les serre; l'intérêt les délie, et je répondrai par ces belles expressions de M. de Mirabeau, qu'il n'est entre deux peuples
ibres, d'alliance sainte et vraiment sacrée, que « l'intérêt national qui forme entre eux. une société « d'assurance contre les tyrans. »
Si la France n'a pas besoin de tabac, l'Amérique ne s'en offensera pas plus que la France ne s'offenserait si les cultures ae la vigne dans la Caroline, réussissent assez pour que tes Américains n'eussent besoin ni de nos vins, ni de nos eaux-de-vie. Au surplus, qui a pu tromper assez M. de Mirabeau pour lui faire avancer que tous les tabacs que l'Amérique nous apporte étaient payés par des échanges, tandis qu'il est avéré que nous les payons en totalité en lettres de change sur Londres. Nous faisons, en général, avec l'Amérique, un commerce très désavantageux; nous ne lui fournissons presque aucun article ; et outre la somme très considérable en espèces que l'Amérique exporte de chez nous par Londres, pour les tabacs qu'elle nous fournit, elle suit avec nous diverses autres branches de commerce qui lui sont très favorables; elle nous livre des farines, des blés, des salaisons, des pelleteries, du riz, de l'huile de poisson, du spermaceti, des côtes de baleine, beaucoup de bois de construction pour les bâtiments civils et pour la marine, diverses drogues ; et l'Amérique ne tire de nous que quelques sucres et cafés en poudre, du sel pour le lest de ses vaisseaux ; mais beaucoup de mélasse que nous ferions bien mieux de convertir en rhum ; ce serait une fabrique de plus avec laquelle nous rivaliserions les fabriques anglaises, et ce serait pour nous, en Guinée, un moyen de plus pour la traite.
Quant à la fabrication du tabac, elle emploie une multitude de bras ; il ne faut à celui qui s'y livre, ni fonds, ni savoir, ni talents; une proportion donnée de sel et d'eau, voilà le meilleur secret de la préparation des feuilles ; tout est en main-d'œuvre, saucer, écôter, ficeler, presser, soit à la manière de Flandre et de Hollande, soit à la manière de Paris ; voilà le genre d'industrie très active dont vous priveriez les départements qui l'exercent ; et vous dénueriez le reste de la France de cet excellent moyen de prospérité. Mais l'abolition des droits sur le tabac est, pour la France, un vœu parallèle à celui qu'elle a manifesté pour l'abolition de la gabelle ; et vous devez peut-être plus de considération aux anciennes provinces, qui n'ayant pas le poids de la gabelle, en ont délivré celles qui y étaient soumises; et il est d'un juste retour que les anciennes provinces, non soumises à l'impôt du tabac, en délivrent celles qui y étaient et qui y resteraient sujettes.
L'argument que le tabac n'est point une denrée de première nécessité ; qu'il n'y a que celui qui en prend, qui paye l'impôt ; que si vous abc-lissez cet impôt, vous ne pouvez en faire le remplacement qu'à la charge de celui qui ne prend pas de tabac, est illusoire. En effet, je demande la culture, la vente et la fabrication la plus libre; et c'est, je pense, un avantage général pour celui qui prend comme pour celui qui ne prend pas de tabac ; femmes et enfants; tous profitent dans ce système de liberté; et ne faites-vous, au surplus, aucune différence entre le pauvre et le riche habitués au tabac? Je trouve que l'homme riche s'en fait une jouissance, et que le pauvre en a contracté le besoin ; le riche trouvera toujours, et à quelque prix que ce soit, le moyen de se procurer d'excellent taoac ; le pauvre doit eu trouver au plus bas prix. Les Français seraient-ils donc plus barbares avec les Français, que
les nations européennes ne l'ont été avec les nègres, avec les sauvages?
Quand les Européens donnèrent des liqueurs fortes aux sauvages, ce fut pour leur en vendre après qu'ils en auraient contracté l'habitude; mais, au moins, il s'établit une concurrence pour cette livraison; toutes les nations leur en portent, et c'est la nation qui livre l'eau-de-vie ou le tafia au meilleur compté, qui jouit de la préférence de la traite, soit de nègres, soit de pelleteries; et nous, nous dirons à nos concitoyens les plus pauvres, aux matelots, aux habitants des côtes, à nos soldats : Vous mâchez, vous fumez, vous prenez du tabac, vous vous en êtes fait un indispensable besoin, eh bien, nous établissons, sur cette habitude indélébile chez vous, un droit énorme; vous payerez toute espèce de tabac 48 sous la livre. Quoi, Messieurs, vous prononceriez ce fatal décret, ce décret si dur, au malheureux paysan qui cultivait du tabac, etqui le fumait, qui en prenait à 4 et à 6 sous la livre. Messieurs, quand ce paysan, par le haut prix de votre denrée, réussirait à vaincre la nature, à ne plus prendre de tabae, craignez de fermer le cautère que cette plante a ouvert; le reflux des humeurs sera dangereux et pour le corps humain et pour le corps social.
Nous avons beaucoup fait pour la liberté des hommes; nous avons donné un grand exemple aux nations ; nous n'avons pas encore assez fait pour le pauvre, et, si vous décrétez que la culture et la fabrication du tabac seront libres en France, vous n'aurez réellement pas fait un grand sacrifice, môme en finance. En effet, Messieurs, si une régie pompeusement nationale vend le tabac de toute espèce à 48 sous la livre, je suppose, avec M. de Mirabeau, que cette régie rendrait àO millions; mais la fraude est certaine, l'impôt est nul : car remarquez, Messieurs, qu'on n'a point répondu et qu'on ne répondra point à cette question, toute simple qu'elle est.
Quel moyen avez-vous,dans le système actuel de la liberté, pour arrêter les fraudes?
Vous ne faites point de visites domiciliaires vons ne portez pas la condamnation des galères, encore moins celle de mort ; vous ne voudrez pas corrompre vos mœurs par l'infâme délation; vous n'avez donc que la confiscation de l'objet fraudé et l'amende; eh bien, la régie ne vendra 3 millions pesant de tabac; la fraude, s'ouvrira des canaux de toutes parts avec plus de facilité que la poussière ne passe à travers un crible, et vous l'encouragerez par le bénéfice excessif qu'elle présentera. Voici mon calcul.
Le meilleur tabac d'Amérique que la ferme emploie lui coûte 6 à 7 sols la livre ; une fabrique économe, telle que les Hollandais et les Flamands l'établissent, ne renchérit pas le tabac de 2 sols par livre; prenez, pour tous les points du royaume, 3 sous par livre de transport; le meilleur tabac fabriqué coûtera 2 sols; il suffirait bien au fraudeur de payer 2 sols par livre, mais je mets 3 sols d'assurance, car il suffit de passer la barrière unique, pour être franc de toute inquisition, de tout danger; et 200,000 hommes ne suffiront pas, nuit et jour, à former uu cordon sur nos côtes et sur nos frontières; la fraude enfin pourrait se faire par les troupes mêmes et par les employés; et, de cette manière, le fraudeur est certain d'introduire autant de tabac fabriqué qu'il lui plaira, à 15solsla livre; ii joue donc 15 sols coutre 48 ; et son tabac se vendra par toute la France, a 20, 25 ou 30 sols, et toujours au rabais de celui de la régie; et si, au
lieu du prix de 15 sols que j'établis pour le meilleur tabac, prix de fabrique si certain, que les Hollandais ne vendent que le meilleur tabac Saint-Vincent que 20 à 21 sols tournois la livre; si, dis-je, au lieu de cet excellent tabac, on en passe de l'espèce qui croit en Europe, alors la régie aura des concurrents bien plus dangereux : ce n'est donc plus un bienfait d'accorder la libre fabrication du tabac; c'est une nécessité. Et qu'on ne dise pas que le tabac fabriqué librement ne vaudra rien ; d'abord, pour son propre intérêt, le fabricant soignera son tabac; mais il aura, comme en Hollande et en Flandre, du tabac d'Amérique pur à 20 sous, du tabac mêlé partie feuilles d'Amérique, partie de feuilles d'Europe, à 15 sous, la meilleure espèce de tabac d'Europe, à 10 sous, puis à 6 et à 4 ; il aura enfin du tabac à tout prix et de toutes les qualités; il fera ce que la ferme elle-même fait ; elle mélange, elle compose, elle a des sauces diverses, elle gâte le nez des uns avec de mauvais tabac, elle corrompt le ne? des autres avec du tabac excellent.
Je regarde donc comme bien prouvé que toute régie est insoutenable; et je m'appuie sur les principes de tous ceux qui ont contribué avec moi à la Révolution, et f invoque l'opinion publique pour obtenir la culture, la fabrication et la vente libres du tabac.
Mais il faut, dira-t- on, des impôts indirects ; sans doute il en faut; et jamais la terre ne doit porter, à moins d'un péril imminent, plus des 3/5 de l'imposition : il faut donc que l'impôt sur les terres soit de 300 millions, et que les impôts indirects s'élèvent à 200millions ou environ; et ce sont toujours les impôts indirects qu'il faut augmenter ou diminuer, suivant la situation annuelle de l'Etat, suivant le temps de guerre ou de paix, suivant les calamités publiques ou suivant sa prospérité. Il nous convient donc de lever environ 225 millions en impositions indirectes; mais les impositions personnelles et mobilières, le contrôle et le timbre, les traites, les loteries, la vente des biens nationaux, l'extinction annuelle des rentes viagères rapprochent beaucoup de la somme des besoins; et sans doute que les boissons pourraient rendre 300 millions nets, par un impôt très doux, et combiné avec la plus parfaite liberté, en n'augmentant pas enfin d'un sol par pinte le vin au détail.
Je suis donc très Certain que les impôts indirects déjà votés, et celui sur les boissons, rendront les 225 millions nécessaires; mais une partie de l'Assemblée ne cherche à forcer les impôts indirects que pour parvenir à ce que l'impôt territorial ne monte qu'à 240 millions, et il doit être de 300 millions. Il est donc fort indifférent au Trésor public qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas une régie pour le tabac; mais il n'est pas également au peuple, sur lequel tomberait tout l'impôt ; et dans l'incertitude de la somme que les impositions indirectes rendront, il faut faire comme en Angleterre; si l'Etat a besoin d'un revenu d'un million sterling, le ministre des finances propose un impôt nouveau ou une addition aux impôts déjà établis ; au bout de l'année, 11 dit au Parlement : Les additions votées ont rendu le million, plus ou moins; si c'est en moins, il demande de nouvelles additions pour l'année suivante, et l'on rembourse, à la banque, la somme qu'elle a avancée, ou dès le moment où l'impôt a été voté, ou lors du déficit du produit; si c'est en plus, cet excédent passe dans la caisse de l'amortissement. Nous devons en agir ainsi, voter tels ou tels impôts; s'ils rendent la
somme nécessaire aux dépenses de l'Etat pour l'année, nous avons satisfait aux besoins ; s'ils sont insuffisants, la caisse (Je l'extraordinaire fournira, par forme d'emprunt, au déficit; s'il y excédent, il sera porté à la caisse de l'extraordinaire, où il sera affecté au remboursement de certaines dettes. Nous ne devons pas, je le pense, porter nos vues plus loin.
Cependant la France ne pouvant perfectionner qu'avec le temps la culture et la qualité de ses tabacs, il y aura toujours, pour ceux qui aiment le tabac de première qualité, une demande continuelle du tabac de Virginie et du Maryland ; et il serait impossible d'en imposer à leur odorat ; il faut donc mettre un droit sur le tabac en feuilles venant de l'Amérique; et pour favoriser les Américains, il faut que ce droit soit assez modéré pour que, d'un autre côté, il n'engage pas à la fraude ; ce droit peut donc être établi à 4 ou 5 sous la livre, ce qui cependant est 5/6 de la valeur de la chose imposée; ce droit sera établi sur le tabac net, tare de 15 0/0 déduite, et à condition expresse que Ce tabaG sera mis en entrepôt à leur arrivée, qu'il sera pesé en y entrant et que sur le poids reconnu par le bureau de l'entrepôt et le cosignataire ou propriétaire, ce-lui-ïCj devra payér le droit aq fur et à mesure qu'il fera sortir son tabac de l'entrepôt.
Nous tirerons d'Amérique, encore pendant longtemps, 20 millions par an de tabac en feuilles; ce qui suppose qu'il y en aura toujours en France 60 millions pesant; car il est de fait qu'un fabricant divise imperceptiblement ses affaires eomme il suit : il a pour une année de tabac fabriqué, pour une autre année en fabrication, et autant qu'il achète par spéculation, Ainsi nous percevons de 4 à 5 millions annuellement sur la tabac importé en France; on pourra y ajouter un droit de licence qui sera une pierre d'attente de l'extension qu'on pourra lui donner.
Il sera convenable de prohiber le tabac fabriqué de l'étranger; mais nous n'aurons pas beaucoup à craindre cette concurrence; il sera plus utile à la navigation de modérer les droits sur les tabacs en feuillesimportés d'Amérique sur navires français ou américains; mais tout ceci peut entrer dans le projet sur les primes.
Je ne réponds rien à l'article 6 du projet de décret sur le tabac; il porte :
« Une régie nationale fera fabriquer et vendre « du tabac au profit du Trésor public, et les ta-« bacs en feuilles qu'elle jugera à propos de tirer « de l'étranger seront exempts de droits. »
La première partie de l'article regarde certainement la fabrication et la vente de toute espèce de tabac, même celui dn cru de France, et ceci est une ouverture à un monopole affreux.
La seconde partie de l'article, qiii pharge^de droits la partie industrieuse et active qui fabrique, en exempte la régie fabricante; quelle justice distributive J C'est une hérésie dans notre Constitution; ce serait l'athéisme de la liberté.
Paris, le 29 janvier 1791.
Signé: J. La Ville-Leroux.
Opinion de M. d'Allarde sur l'impôt du tabac.
Messieurs, votre comité de l'imposition m'a chargé, conjointement avec M. Rœderer, d'examiner les moyens de conserver à l'Etat le revenu de l'impôt du tahac, soit par un remplacement commun à tous les départements, soit par l'uniformité de la perception ; uniformité qui devient indispensable dans un moment où les anciennes divisions fiscales sont incompatibles avec la formation des départements, dans un moment où l'anéantissement des barrières locales de la gabelle, des droits de circulation, des huiles, des fers, de divers droits sur les poissons, dans les communications respectives des pays d'aides, et de ceux qui sont exempts de cette imposition, ne permet plus les exceptions actuellement existantes quant à l'impôt du tabac,
Mon collègue et moi, également pénétrés du respect dû aux propriétés, et des principes de justice qui dirigent toutes les opérations de l'Assemblée nationale, avons reconnu combien il était difficile de les appliquer à l'impôt du tabac.
Si l'équité ne permet pas de consentir la culture du tabac en faveur de quelques départements, et de la refuser aux autres, la prohibition de la culture attaque évidemment les droits sacrés de la propriété.
J'ai donc pensé, Messieurs, qu'avant de se déterminer, soit au maintien de cet impôt, en le rendant commun à tous les départements, soit à son remplacement par un mode d'impositions qui décroîtrait annuellement avec les charges actuelles, qui ne serait supporté par les propriétés que jusqu'à concurrence des avantages évidents qu'elles retireront d'une branche de culture intéressante et nouvelle (1) etdontl'excé-
dent serait supporté par tous les citoyens proportionnellement à leurs facultés; il convenait
de remonter à l'origine de cet impôt, d'en examiner la nature, les effets, de rechercher les motifs des exceptions dont jouissent les provinces belges, l'Alsace et la Franche-Comté; et persuadé que cet impôt était contraire aux principes de l'ordre social, à la disposition naturelle des propriétés, que les approvisionnements uniquement réservés à la ferme générale privaient le commerce maritime de moyens d'échange qui seraient utiles aux débouchés de nos productions et de notre industrie; que ces achats étaient désavantageux à la balance de notre commerce ; que les surhaussements de prix, en temps de guerre, diminuaient considérablement le produit de cet impôt ; j'ai eu l'honneur de proposer les moyens de concilier la culture avec l'exercice du privilège de la vente exclusive.
Le comité de l'imposition a pensé. Messieurs, qu'une pareille régie était incompatible avec la liberté; qu'elle provoquerait des vexations, des inquisitions dans l'universalité du royaume; que la justice ne permettrait pas d'accorder un genre de culture à quelques territoires et de le refuser aux autres. Il s'est déterminé au système d'uniformité, en rendant l'impôt général, en étendant la prohibition de la culture à toutes les provinces, sans exception, dans le cas où, d'après l'examen de la masse des besoins, il paraîtrait indispensable de ne point se priver de cet objet de revenu; mais l'impôt du tabac me paraît tellement immoral sous tous les rapports, que je ne puis me dispenser de vous présenter un moyen très simple de rendre ce commerce libre, de réintégrer la nation dans la jouissance d'une culture utile et très intéressante, sans priver l'Etat des ressources que la masse de nos besoins exige dans le moment actuel.
Avant de vous développer mes vues et les moyens que je dois vous proposer, il est nécessaire que j'établisse quelques bases qui me paraissent incontestables et positives.
Première base. — La vente exclusive du tabac a été établie par une déclaration de 1674, pour avoir lieu dans tous les pays et terres de l'obéissance de Sa Majesté; à cette époque, les provinces présentement exceptées faisaient partie du royaume; il est donc incontestable que le titre primordial les a soumises à l'impôt.
Deuxième base. — L'ordonnance de 1681 a prohibé la culture du tabac dans l'universalité du royaume; elle n'a fait d'exception qu'en faveur de quelques territoires circonscrits du Languedoc, de la Guyenne et du Limousin, qui ont paru propres à ce genre de culture. Une déclaration de 1703 a confirmé cette prohibition, ainsi que les exceptions autorisées par l'ordonnance de 1681. Les choses ont subsisté sur ce pied jusqu'en 1719 ; ainsi les provinces belges, l'Alsace et la Franche-Comté n'avaient aucun droit de préférence à la culture du tabac; ce n'est donc que par la négligence du fermier qu'elles ont joui de cette culture depuis 1681 jusqu'en 1719.
Troisième base. — En 1719, la vente exclusive a été supprimée; l'impôt a été converti en un droit d'entrée sur les tabacs étrangers, ainsi que sur ceux de nos colonies, dans lesquelles on se flattait d'exciter ce genre de culture; alors les plantations ont été défendues dans l'universalité du royaume, même dans les territoires où elle était autorisée par l'ordonnance de 1681, et par la déclaration de 1703. Cet arrêt, confirmé par une déclaration de 1720, ne fait aucune exception en faveur des provinces qui jouissent aujourd'hui de cette culture ; elles n'avaient donc à celte époque aucun titre à la culture.
Quatrième base. — En 1721, la vente exclusive a été rétablie; les prohibitions de la culture ont été renouvelées ; les provinces belges, l'Alsace et la Franche-Comté ont sollicité une exception en leur faveur : l'impôt du tabac était alors d'un produit peu important (le prix de ferme n'était que de 3 millions de livres); ces provinces étaient séparées les unes des autres par des lignes d'employés établies sur leurs limites pour l'intérêt de la gabelle et des droits de circulation : l'exception sollicitée n'exigeait aucune augmentation de frais de régie; elle a été consentie. Ainsi la déclaration de 1721 est un titre légal, qui a conféré à ces provinces l'exemption de l'impôt, la faculté des plantations dont elles ne jouissaient que par une tolérance contraire au titre primordial de l'impôt, à l'ordonnance de 1681, à la déclaration de 1720 (1).
Cinquième base. — En 1749, les progrès de la consommation du tabac en ont fait une branche de revenu assez importante pour fixer plus particulièrement l'attention du gouvernement. L'affranchissement du tabac n'avait été consenti en faveur des provinces exceptées, que dans ia vue de leur conserver une culture à laquelle elles attachaient le plus grand intérêt. Le ministre pen.-a que cette exemption devrait être limitée aux tabacs du cru de ces provinces, mais qu'il n'était aucun motif pour l'étendre aux tabacs que ces mêmes provinces tiraient de l'étranger, pour améliorer la fabrication de ceux • de leur cru ; en conséquence, l'importation des tabacs étrangers a été assujettie à un droit de 30 sous par livre pesant; droit pour lors équivalent à
l'impôt exclusif, puisque la fabricatiou exige à peu près une livre un tiers de tabac en feuilles pour une livre de tabac fabriqué ; ainsi, à compter de cette époque, l'impôt du tabac a été nommément établi sur les tabacs étrangers importés dans les provinces exceptées du privilège de la rente exclusive (1).
Sixième base. — L'impôt de 30 sous par livre de tabac, ou de 150 livres le quintal sur une valeur commune de 12 à 15 livres le quintal (2), exigeait une forte garde sur le Rhin et dans l'intérieur de l'Alsace. On a reconnu que cette dépense était énorme, qu'elle était en pure perte, parce que le bénéfice de la contrebande offrait de trop grands avantages pour qu'elle pût être réprimée : on y a renoncé. Ainsi des vues d'économie bien entendue ont rendu à l'Alsace l'affranchissement de l'impôt sur les tabacs étrangers qui entrent dans ia fabrication de ceux du cru de cette province.
Ces bases, Messieurs, sont incontestables ; elles prouvent irrésistiblement que l'affranchissement de l'impôt et la culture du tabac, dont jouissent les provinces belges, l'Alsace, la Franche-Comté, Bayonne et le pays de Labour, ne sont point un privilège émané de capitulations; elles prouvent que les exceptions à la loi commune sont une pure grâce, une faveur consentie en 1721, parce que ces provinces étant séparées du royaume par des barrières locales, inhérentes à l'existence de la gabelle, et à celle des droits de circulation, l'exemption de l'impôt n'exigeait point d'augmentation de frais de régie, parce que le produit de l'impôt n'étant pas important, le sacrifice était au plus de 300,000 livres, et qu'un accroissement de produit aussi faible, n'a pas été d'une considération assez puissante pour anéantir dans plusieurs grandes provinces une culture intéressante et précieuse, existant depuis 40 ans, nonobstant les lois qui l'avaient prohibée.
Aujourd'hui, Messieurs, l'impôt du tabac figure pour 30 millions dans la masse des revenus de l'Etat; les barrières de la gabelle, des huiles et des fers, sont anéanties; celles des droits de circulation, et dé divers droits d'aides perçus concurremment avec ceux de circulation, ne peuvent subsister; il est donc évident que la faveur consentie en 1721, diminue de 3 millions le produit naturel de l'impôt; il n'est pas moins sensible que les frais de barrières locales sur leurs limites intérieures, et leurs Versements sur l'étendue du privilège exclusif, coûteraient 2 millions à l'Etat. Ainsi, le sacrifice de 100,000 livres à l'époque de 1721, serait de 5,000,000 au moins dans le nouvel ordre de choses, et l'exception aurait encore le désavantage de perpétuer la guerre civile au sein de la paix la plus profonde, de troubler l'ordre social, et de s'opposer à la liberté absolue des communications.
Ce n'est donc point, Messieurs, sous le point de vue de l'intérêt des provinces exceptées du privilège de la vente exclusive du tabac, que vous devez considérer cet impôt : si son existence est nécessaire, si elle est impérieusement commandée par la masse de nos besoins, les faveurs particulières doivent être abolies; vous ne pouvez, vous ne devez point maintenir dans quelques provinces
une culture prohibée pour l'intérêt de l'Etat. Il ne peut subsister d'exception, lorsqu'elle est refusée aux provinces pour lesquelles elle serait la plus précieuse, qui pourraient en tirer les plus grands avantages.
Ce principe posé, je crois, Messieurs, qu'il est indispensable de considérer l'impôt du tabac sous le rapport de l'intérêt général de l'Etat.
Le privilège de la vente exclusive, et,la prohibition de la culture du tabac, doivent-ils être maintenus avec extension dans les provinces belges, en Alsace, dans la Franche-Comté, et dans le pays de Labour? Première question.
Si on admet la nécessité de conserver l'impôt du tabac, ne serait-il pas utile (en maintenant la prohibition de la culture) de convertir Ja vente exclusive en un droit d'entrée et de fabrication, au moyen duquel le commerce de tabac serait libre, tant pour les achats que pour le débit? Seconde question.
Telles sont, Messieurs, les deux questions que je dois soumettre à la sagesse de vos délibérations, avant de vous présenter un moyen qui ne compromettrait point les revenus de f'Etat, rendrait à l'agriculture une branche très précieuse, faciliterait avec les Etats-Unis un commerce d'échange incompatible avec le monopole de la vente exclusive. PREMIERE PROPOSITION.
Convient-il de maintenir la vente exclusive du tabac, de prohiber sa culture dans toute Vétendue du royaume?
C'est ici, Messieurs, le triomphe du génie fiscal. L'impôt du tabac, dit-on, est un impôt purement volontaire; il dépend du caprice, il ne trouble point l'ordre social. Lorsqu'il n'existera plus d'exception, la contrebande n'aura lieu que par les introductions de l'étranger; la garde des côtes et de la frontière est indispensable pour garantir la concurrence des productions étrangères, au préjudice de celles dé notre sol et de notre industrie; ainsi le produit de l'impôt du tabac ne sera point altéré par les frais d'une garde dispendieuse. Ce produit est dé 30 millions, il est susceptible d'accroissement : l'Assemblée nationale ne doit pas priver l'Etat d'une ressource aussi précieuse.
Je suis bien éloigné, Messieurs, d'un pareil sentiment : l'impôt du tabac (puisque la culture ne peut se concilier avec l'exercice de la vente exclusive) me paraît un impôt immoral, barbare, injuste, désastreux, et dont la prescription n'est pas moins indispensable que celle de la gabelle.
J'appuierai, Messieurs, cette assertion de vérités si frappantes, que je ne craindrai pas les contradictions.
1° Un impôt doot les frais de régie s'élèvent à 40 0/0 du produit effectif, un impôt qui prive ia culture, le commerce et l'industrie d'un produit intéressant, est un impôt révoltant.
Tel est l'impôt du tabac; son produit est de 34 millions, y compris la portion qu'il supporte dans les frais de gardes des côtes et de la frontière. La perception est de 47,800,000 livres, déduction faite de la valeur des tabacs en achats et frais de fabrication : ainsi les frais de régie intérieure reviennent à 13,800,000 livres, ou 40 0/0 du produit effectif de l'impôt. Il prive la culture, l'industrie, le commerce d'un revenu annuel de 12,500,000 livres, somme qui, comparée su pro-
duit de l'impôt, revient à 37 0/0 de ce produit; ainsi la nation perd 26,300,000 livres chaque année, ou 77 0/0, pour alimenter de 34 millions le Trésor public (Voy. la note page 571, 2* col.). Sous ce point de vue l'impôt est cruel et ne peut être maintenu.
2° L'impôt est la contribution que les citoyens de toutes les classes doivent à l'Etat, pour raison de la protection que la société reçoit du gouvernement, et des dépenses que cette protection exige. Cette contribution doit être proportionnelle aux facultés, aux richesses mobilières et immobilières; et tout impôt qui s'éloigne de ces principes est un impôt vicieux.
Tel est celui du tabac. Le pauvre, séduit pàr ses agréments, en contracte de l'habitude; elle charme ses ennuis; sa contribution, volontaire dans le principe, devient d'une nécessité absolue ; elle est, pour l'indigent,plus coûteuse que pour le riche; les facultés de l'indigent ne lui permettent de s'approvisionner qu'en détail; il pave l'impôt et le salaire du débitant ; l'homme aise ne paye que l'impôt.
Ainsi tel journalier (que lé défaut de facultés ne permet pas même d'imposer à la taxe de citoyen actif) supporte, à raison de la funeste habitude qu'il a contractée, surtout pour la pipe, un impôt de 18 à 20 livres par an, déduction faite de la valeur intrinsèque, pour 6 livres de tabac qu'il consume annuellement. Le sel ne lui était pas d'une nécessité plus absolue; il ne lui coûtait que 3 livres par an ; vous l'avez affranchi de ce tribut, parce qu'il était injuste : il resterait sujet à une contribution dix fois plus onéreuse; cette contribution n'est comptée pour riefl,-lorsqu'il est question de participer aux fonctions de la société : cette seule considération, Messieurs, marque l'impôt du tabac du sceau de la réprobation.
3° Tout propriétaire doit avoir la faculté de tirér de sa propriété tous les avantages qu'elle comporte ; un impôt qui le prive d'une partie de ces avantages^ est injuste et barbare.
Tel est celui du tabac. Le monopole de la vente exclusive prohibe la culture ; ainsi le propriétaire est frustré des bénéfices certains qu'elle lui procurerait. Le tabac se sème sur couches ; on le plante au mois d'avril ; la récolte se fait au mois d'août ; sa culture, les apprêts, après la récolte, emploient beaucoup de bras ; des vieillards, des infirmes, des femmes, des enfants, y trouvent une occupation utile. La culture du tabac n'est point faite aux dépens de celle des grains nécessaires à la subsistance, des lins, des chanvres, des colzas ; on n'y emploie que lés terres dont l'intempérie dès saisons n'a pas permis l'exploitation dans les temps convenables; elle est une ressource contre les irréussites des semences que la gelée fait périr; les avantages de cette culture sont innombrables ; l'impôt qui la proscrit doit conséquemment être anéanti.
4° Tout impôt qui établit une différence sensible entré la Valeur originaire de la production et le prix additionnel de l'impôt, provoque la contrebande, excite à la transgression des lois, livre des citoyens à la sévérité des châtiments, nécessite des visites et des perquisitions domiciliaires, et ne peut être maintenu par les sages représentants d'une nation libre.
Tel est, Messieurs, l'impôt du tabac. Le prix de la vente en détail est de 4 francs la livre ; la valeur réelle n'est pas de 20 sols (1) : la contrebande a
donc un bénéfice de 3 livres ; elle le partage avec le consommateur, elle est assurée de son débit : inutilement on se flattera de réprimer une contrebande aussi puissamment excitée; le bugey, le Dauphiné ont une frontière bien gardée : la contrebande en tabac s'y fait ouvertement. Les frais de cette garde extérieure, dlra-t-ofl, ne doivent être d'aucune considération, ptiisqtt ils sont nécessaires pour les droits de traités : soit, mais il faut dans l'intérieur un nombre prodigieux d'employés pour s'opposer aux plantations. Au surplus, le nombre dindividus de tout sexe et de tout âge, arrêtés, année commune, pour ia contrebande du tabac, est d'environ 2,000; les saisies domiciliaires, celle des plantations, excèdent 1,300, année commune. Combien ces sortes de saisies ne se multiplieront-t-elles pas, lorsque l'impôt sera établi dans les provinces qui n'y sont pas accoutumées? Je ne veux pas, Messieurs, vous retracer aussi vivement qiïejé le ressens, les malheurs que lé système d'uniformité étendrait à toutes les provinces; ils seraient tels que vous regretteriez de n'avoir pas délivré l'Empire d'un pareil fléau, que vos successeurs ne tarderaient pas à réparer une faute aussi capitale.
5° tout impôt qui flë peut exister qu'à l'ombre du monopole, ést effrayant, et doit être anéanti.
Tel ést l'impôt du tabac. Le fermier ou régisseur est le seul acheteur; il contracte avec des agents qiii font des opérations certaines, qui s'arrogent, par le fait, le privilège exclusif dés achats aux lieux de la production : dès lors ie commerce libre ne peut étendre ses spéculations sur l'achat des tabacs ; les négociants qui les ont tentées en ont été bientôt dégoûtés par les difficultés que la ferme leur a fait éprouver, par le refus d'un prix raisonnable, et par les Contrariétés apportées à la réexportation, pour déterminer lés armateurs à des sacrifices (1)
Ainsi le défaut de concurrence des acheteurs s'opposé à l'établissement d'Un commerce, d'échanges qui serait très précieux au débouché de nos productions et de notre industrie : là politique doit conséquemment anéantir le monopole et rétablir la concurrence des acheteurs.
6° Tout impôt qUi s'oppose aux progrès de la navigation, qui fait bénéficier celle de l'étranger d'une partie de la valeur d'Une production de première nécessité, qui même augmenté cette valeur, est impolitique et mérite l'indignation.
Tel est, Messieurs, l'impôt du tabac. Le monopole des achats, conséquence du monopole de là vente exclusivè, emploie la navigation étrangère pour le transport des tabacs qu'il livre au fermier : le fret forme le quart environ du prix des tabacs en temps de paix; ainsi les approvisionnements de tabaC contribuent à l'accroissement de la navigation d'une puissance étrangère ; ifs lui fournissent un bénéfice dé 2 millions au
moins, pour le prix d'un fret qu'il serait très utile de ménager à la navigation nationale. Tout doit cônséquemment déterminer la suppression d'un pareil mono pôle : l'importation des tabacs des Etats-Unis doit être réservée à la navigation américaine ou française. C'est le seul moyen d'étendre nos relations avec les Etats-Unis.
7° Un impôt dont l'existence n'est tolérée qu'à raison de la masse des besoins, dont le produit est incertain et dépend de la variation du prix des matières premières ; un impôt dont les produits éprouvent des réductions sensibles par le surhaussement des achats dans les circonstances où les besoins sont les plus urgents, les ressources plus incertaines, les contributions plus pénibles, est un mauvais impôt.
Tel est, Messieurs, celui du tabac. Le monopole de la vente exclusive traite avec un autre monopole qui se charge des achats ; ce dernier emploie au transport la navigation étrangère. En temps de guerre, le cultivateur des Etats-Unis n'élève pas sensiblement le prix de ses tabacs ; mais le fret double et triple ; les assurances sont plus chères. Ces causes augmentent de 7 à 8 millions le prix des approvisionnements ; elles réduisent dans la même proportion le produit de l'impôt; cette perte sur les produits exige de nouvelles contributions. Si la culture du tabac est généralement prohibée, il est sensible que le régisseur de l'impôt n'aura plus la ressource de faire partie de ses achats en Flandre et en Alsace, moyen qu'il a employé dans la guerre dernière^ pour diminuer le prix excessif des approvisionnements ; il est évident que ces approvisionnements seront en entier pris chez l'étrangeer; sa navigation, ses assurances profiteront des accroissements de prix, et les propriétés seront forcées de subir un excédent de contributions de 10 à 12 millions, dont bénéficieront la navigation et les assurances de l'étranger (1).
Tels sont en substance, Messieurs, les vrais rapports sous lesquels vous devez considérer lé régime actuel de l'impôt du tabac. Vous en conclurez, sans doute, que la vente exclusive ne peut être maintenue, et que si cet impôÇ doit exister, il convient au moins d'anéantir le double monopole de la Yen te et des achats.
SECONDE PROPOSITION»
En conservant l'impôt du tabac, en sacrifiant une culture intéressante à la considération des produits de cet impôt, qUels sont les moyens de rendre au Commerce national le soin des approvisionnements et les bénéfices du débit, sans altérer ses produits actuels ?
Je vous ai démontré, Messieurs, l'injustice d'un impôt qui n'est point proportionnel avec les facultés; je vous ai présenté le tableau des pertes que la prohibition des plantations de tabac cause à l'agriculture; je vous ai fait connaître l'impossibilité d'anéantir une contrebande excitée par un bénéfice de 300 0/0 ; je vous en ai retracé le3 funestes effets: ces maux sont grands; ils sont inséparables de l'impôt du tabac.
Vous les pèserez dans votre sagesse, mais au
moins, si après de mûres réflexions, vous persistez dans le dessein de maintenir un impôt aussi cruel, aussi révoltant, vous ne refuserez pas les moyens qui peuvent adoucir les funestes influences du double monopole de la vente et des achats exclusifs.
Vous y parviendrez, Messieurs, sans aucune difficulté, en commuant la vente exclusive en un droit d'entrée et de fabrication : permettez-moi de vous développer ces moyens :
1° Les importations des tabacs ne devront être effectuées que par les ports de Marseille, Cette, Bayonne, Bordeaux, La Rochelle, Nantes, Mor-iaix, le Havre, Saint-Valery, Dunkerque, et par le bureau qui sera établi à la sortie de Strasbourg. Cette précaution est indispensable pour empêcher les introductions frauduleuses;
2° À la réception des tabacs, ils seront expédiés par le fermier ou régisseur de l'impôt pour la destination de la manufacture la plus voisine, aux frais de l'armateur ou de son cédant. Cette condition est essentielle pour empêcher les versements de tabacs en feuilles.
3° Les manufactures seront dirigées par le3 préposés du fermier ou régisseur ; mais elles^se-ront inspectées par un contrôleur nommé par les assemblées de département, et qui veillera à ce que 1a fabrication des tabacs de chaque propriétaire soit effectuée avec les tabacs qui auraient été conduits, pour son compte, à la manufacture ;
4° Les propriétaires de tabacs recevront un quintal de tabac fabriqué, soit en rôles et carottes, soit râpé, pour 150 livres de tabac en feuilles : cette disposition est juste : les déchets au transport, à la garde, à la fabrication, peuvent être estimés au tiers;
5° Les propriétaires auront la faculté de retirer les tabacs de la manufacture, à mesure de leurs besoins ; ils acquitteront le droit d'entrée et de fabrication, à raison de 40 sols par livre de tabac, soit en rôles et carottes, soit râpé, et chaque propriétaire aura son compte ouvert, afin de constater les livraisons de tabac fabriqué dans la proportion des tabacs en feuilles, qui auront été conduites pour son compte à la manufacture : cette condition est juste; elle évite au propriétaire l'avance du droit Bur les tabacs* dont il n'aura pas le prompt débit : elle proportionne le payement de l'impôt au débit. Le droit de 40 sols par livre paraît suffisant, pour conserver le produit actuel de 30 millions : on peut évaluer la consommation du royaume à 20 millions de tabac fabriqué, lorsque l'impôt sera général; la police intérieure* les frais de gardes des côtes et de la frontière, ceux de fabrication n'excéderont pas 10 millions ;
6° Les propriétaires, qui le désireront, auront la faculté de vendre leurs tabacs rendus à la manufacture aux prix dont ils 'conviendront avec le régisseur de l'impôt. Cette facilité ne présente aucune difficulté, elle est très favorable au commerce, le régisseur de l'impôt pourra vendre le tabac en concurrence avec ceux qui retireront, pour leur compte, les tabacs fabriqués ;
7° Le commerce et la fabrication des tabacs continueront d'être libres dans la haute ville de Dunkerque et dans celle de Strasbourg": cette faveur est juste, et ne peut souffrir difficulté* Dunkerque et Strasbourg devant rester ports francs ; le commerce du tabac à Dunkerque, donne un bénéfice annuel de plus de 1,200,000 livres; il ne sera pas moins important à Strasbourg;
8° La prohibition de la culture du tabac en France, sera maintenue et sera commune à tous
les départements, sans aucune exception ni réserve : sans cette clause le produit de l'impôt serait nul ; elle doit être de rigueur, puisque la régie d'une culture paraît inconciliable avec l'existence de l'impôt;
9° Les visites et perquisitions domiciliaires seront abolies, mais elles continueront à l'égard des plantations ; le régisseur doit porter toute son attention à prévenir l'introduction ; les visites domiciliaires ne présentent que de très faibles moyens de parer à la contrebande ; elles sont contraires à la liberté des citoyens. Quant aux plantations, il est indispensable de les empêcher; mais les visites se bornent à l'inspection du terrain, il est donc juste de les autoriser, sans cela l'impôt serait nul ; et les tabacs étrangers, grevés du droit, ne pourraient soutenir la concurrence avec ceux qui seraient cultivés par contravention à la loi;
10° L'entrée du tabac fabriqué continuera d'être prohibée, ainsi que toute fabrique dans l'intérieur du royaume. Cet article ne peut souffrir difficulté ; au surplus, en tenant la main aux prohibitions de la culture, en prenant les précautions pour empêcher les introductions autres que celles permises, les fabriques intérieures ne pourront s'élever, à défaut de tabacs en feuilles ;
11° Les règlements sur le fait du tabac, relativement à la contrebande des introductions, seront exécutés.
Tels sont, Messieurs, les moyens d'anéantir les funestes effets du monopole et des achats, si vous vous déterminez à la conservation de l'impôt désastreux du tabac. En rendant ce commerce libre, vous appropriez à la navigation nationale les avantages du fret, les bénéfices des assurances ; vous diminuez de plus de 2 millions l'extraction du numéraire pour prix des tabacs que l'étranger nous fournit (1) ; vous évitez le désavantage de la balance de votre commerce par l'effet du surhaussement du fret et des assurances en temps de guerre (2); et si, dans ces circonstances pénibles, l'impôt diminue proportionnellement à la plus grande valeur des tabacs en feuilles, cette perte ne tournera point au profit delà navigation d'une puissance rivale; la navigation nationale et vos chambres d'assurances en profiteront, vous rendrez à la nation les bénéfices du commerce intérieur; le prix du tabac grevé d'un droit de 40 sols par livre y compris les frais de fabrication, ne s élèvera pas à 3 livres la livre, et dès lors la contrebande perdra un avantage de plu3 de 20 sols par livre, puisque le prix actuel du tabac en détail est à raison de 4 francs la livre pesant.
Ces motifs, Messieurs, me paraissent concluants en faveur de la conversion de la vente exclusive en un droit d'entrée et de fabrication, si vous persistez à maintenir l'impôt du tabac.
Peut-être, objectera-t-on contre ce système la crainte d'une fraude trop considérable; celte objection ne serait pas fondée : 1° Les frontières et les côtes doivent être sévèrement gardées; ainsi les introductions du tabac ne pourront être effectuées que par les ports désignés; 2° les ta-
bacs, à leur arrivée dans les ports permis, seront retenus par les préposés du régisseur, et de suite envoyés à la manufacture. Il ne peut conséquemment se faire aucune soustraction, et cette régie sera conforme à celle que le régisseur pratique pour son compte; 3° Je propriétaire ne recevra les tabacs fabriqués, qu'après avoir payé le droit de fabrication ; il sera conséquemment impossible qu!il puisse le frauder.
11 est donc certain que la conversion de la vente exclusive en un droit de fabrication, ne peut donner ouverture à une fraude plus étendue que celle qui existe; qu'elle sera moins vive, puisque les profits de la contrebande seront diminués ; ainsi ce nouveau système serait beaucoup moins funeste que celui de la vente exclusive.
Mais cet impôt ne peut-il pas être anéanti, dès le moment présent, sans compromettre les revenus de l'Etat? Cette question est importante; et je dois vous présenter les moyens qui me paraissent de nature à procurer cet avantage inappréciable à la nation.
TROISIÈME PROPOSITION.
Quels sont les moyens de supprimer, dès à présent, Vimpôt du tabac, sans compromettre les revenus de l'Etat ?
Le produit actuel de l'impôt du tabac est de 30 millions: je conviens, Messieurs, qu'il sera susceptible d accroissement, si vous décrétez qu'il sera général et que les exceptions seront supprimées ; mais je pense que vous bornez vos vues à la compensation du produit actuel, que vous ne fondez aucune espérance sur la bonification de cette partie des revenus de l'Etat.
D'ailleurs, je vous observerai qu'en temps de guerre, le surhaussement du fret et des assurances double le prix des tabacs; qu'ainsi lé produit dè l'impôt éprouve, en temps de guerre, une diminution de 10 à 12 millions ; d'où je conclus qu'une compensation de 30 millions doit être suffisante.
Si nos besoins étaient moins grands, si vous pouviez renoncer à un produit de 30 millions, vous n'hésiteriez pas à rendre aux propriétés une culture précieuse, à proscrire un impôt injuste, en ce qu'il excède.les facultés du pauvre, et qu'il est insensible pour le riche ; barbare, à raison du nombre d'individus qu'il conduit annuellement dans les prisons: je ne vous parle pas des autres inconvénients de cet impôt ; je viens de vous présenter les moyens de les faire cesser.
Lorsque la masse de nos besoins diminuera, l impôt du tabac doit donc être anéanti ; et c'est une condition que votre sagesse imposera vraisemblablement à son existence, si vous prenez le parti de le conserver.
Je vous propose de l'anéantir; mais sous la condition d'un remplacement auquel tous les départements concourront (1), et dont l'extinction sera toujours proportionnelle à la diminution des charges présentes, en sorte que l'Etat ne perdra rien sur les revenus qui Sont affectés à l'acquit de ces charges.
Cette proposition est simple, et porte sur des bases qui ne peuvent être contestées :
1° Les frais de la garde des côtes et de la frontière sont supportées jusqu'à concurrence d'environ 4 millions par l'impôt du tabac : cette dépense est une charge permanente commandée par l'intérêt de nos pêches, de nos fabriques et manufactures. Je vous propose d'v subvenir par un droit de 25 livres le quintal, sûr les tabacs en feuilles qui seront importés dans les ports de Marseille, Cette, Bayonne, Bordeaux, La Rochelle, Nantes, Morlaix, le Havre, Saint-Valery, Dun-kerque et Strasbourg, de prohiber l'introduction du tabac fabriqué et l'importation des tabacs en feuilles, par tous autres ports et bureaux, autres que ceux que je viens de vous indiquer.
En prenant ce parti, vous ménagerez aux tabacs de France les avantages de la concurrenpe ; mais, comme ceux de l'étranger paraissent utiles pour le mélange, à la fabrication, le droit ne s'opposera point à leur importation; et,si l'on suppose que l'introduction de ces tabacs soit équivalente à la moitié de la consommation, le produit du droit sera de 4 millions sur une importation d'environ 160,000 quintaux (1);
2° La culture, la fabrication et le commerce du tabac seront libres dans toute l'étendue de l'Empire français ; mais, à titre de compensation du produit de 30 millions, que l'Etat retire actuelle-meut de l'impôt du tabac ; il sera fait répartition entre les 83 départements qui divisent le royaume de 30 millions de rentes viagères choisies dans le nombre de celles qui sont les plus onéreuses à l'Etat, et dont les intérêts seront à la charge desdits départements, jusqu'à leur extinction absolue (2);
3° La répartition de 30 millions de rentes viagères entre les 83 départements, à titre de compensation du produit actuel de l'impôt du tabac, sera faite en 83 lots proportionnels à la population de chaque département (3);
4° Pour subvenir au payement des rentes viagères qui composeront le produit de l'impôt du tabac, les assemblées de département établiront une contribution, au marc la livre, des impositions qui seront arbitrées pour chaque département , et cette contribution sera perçue par addition à la totalité des impositions directes, ou indirectes, sur les propriétés, sur les personnes ou à l'entrée des villes (4) ;
5° La contribution additionnelle, au marc la livre des impositions directes ou indirectes, diminuera chaque année dans ia proportion de l'extinction des rentes viagères de l'acquit desquelles chaque département sera tenu, et sera totalement éteinte au décès du dernier des rentiers viagers;
6° Les assemblées de département consentiront de nouveaux contrats au profit des rentiers viagers, dont les intérêts seront à leur charge par l'événement du sort, et s'engageront à leur payer exactement les intérêts de leurs rentes, soit à Paris, soit dans les provinces, à leur choix.
7° Les assemblées de département auront la faculté de rembourser les rentiers viagers, sur le taux du denier 10 du capital; à l'effet de quoi elles seront autorisées à l'ouverture d'emprunts annuitaires, jusqu'à concurrence du capital, au denier 10, desdites rentes, remboursables dans le cours de 20 années, en principaux et intérêts.
En adoptant, Messieurs, un projet aussi simple, vous reconnaîtrez que vous ne compromettrez point les ressources de l'Etat, puisque vous déchargez, dès à présent, le Trésor public du poids accablant de 30 millions de rentes viagères, puisque l'impôt de remplacement ne diminuera que dans la proportion des extinctions successives : cette diminution est juste, puisqulil est naturel de délivrer les contribuables des impôts les plus accablants dans la proportion des moindres dépenses que nécessitent les besoins de l'Etat, et que l'impôt du tabac est, sous tous les rapports, une des plus désastreuses inventions du geûie fiscal.
Je n'ai pas besoin, Messieurs, de réflexions plus étendues pour vous convaincre de la justice de cette proposition. Je ne puis cependant me refuser à quelques réflexions qui vous en développeront tous les avantages :
1° L'impôt en remplacement au marc la livre de toutes les impositions directes ou indirectes, fera contribuer tous les citoyens proportionnellement à leurs facultés; il n'aura pas conséquem-ment les inconvénients de l'impôt actuel plus lourd et plus fatigant pour le pauvre, qui s ap~ provisionne en détail, que pour le riche qui évite Je salaire du débitant;
2° L'usage du tabac à fumer, repoussé dans l'état présent, par le taux de l'impôt, procurera au peuple, aux habitants de la campagne* un genre de consommation qui leur plaît, qui même est une habitude contractée dans les provinces exceptées aujourd'hui du privilège exclusif ;
3° La contrebande en tabac n'existera plus ; la culture libre rendra aux propriétés un produit intéressant de 8 à 10 millions au moins, et cet accroissement de richesses territoriales ne sera point aux dépens de la culture des grains, des chanvres et des colzas;
4° La répartition de l'impôt de remplacement par l'acquit de rentes viagères, fixé proportionnellement à la population, rend une justice complète à tous les départements;
5° L'assiette de l'impôt de remplacement au marc la livre de toutes les impositions directes ou indirectes, diminue la charge de ce remplacement, et la rend presque insensible;
6° Il n'est pas douteux que tous les départements prendront le parti du remboursement des rentes viagères, et qu'ils trouveront, dans leur crédit personnel, le moyen d'effectuer ces remboursements par des emprunts annuitaires remboursables dans le cours de 20 années; dès lors l'impôt de remplacement ne sera, dans le principe, que de 24 millions, et se réduira chaque
année de i #00,000 livres. Il n'existera plus dans 20 ans (1).
Je désire. Messieurs, que ces considérations soient de nature à fixer votre attention ; elles me paraissent concilier tous leô intérêts, et si vous les adoptez, vous procurerez à l'Empire lés plus grands avantages, sans altérer les ressources momentanées que ses besoins exigent.
OBJECTIONS
èontre les deux •propositions relatives à Vimpôt du tabac.
RÉPONSES OU SOLUTIONS A CES ORJECTIONS.
j'ai montré les funestes effets de l'impôt du tabac. Ils sont tels que l'Assemblée nationale ne peut se dispenser de prononcer la proscription de Cet impôt, ou si elle se détermine à le maintenir, dé rendre aU moins la liberté aux spéculations des achats, à la vente des tabacs fabriqués.
Le comité de l'imposition a présenté diverses objections Contre ces deux systèmes ; je dois y donner une solution.
Objections contré la proposition de remplacement ~ de l'impôt du tabac par Une addition aux contributions SUÎ1 les propriétés, sur les personnes et sur les droits qui Seront perçus à l'entrée des villes.
Je commence par discuter les .objections faites contre cette proposition, puisque ce n'est qu'au défaut de son adoption qu ii sera question d'examiner s'il convient de substituer à la vente exclusive un droit d'entrée et de fabrication.
L'impôt du tabac nécessite une régie, dont les frais intérieurs reviennent, à, 40 0/0 du produit de cet impôt. $1 prive l'agriculture, le commerce et l'industrie d'un revenu annuel de 12,500,000 livres. Tels sont les motifs déterminants pour sa proscription (2).
. Les contributions doivent être proportionnées à la masse des besoins; lorsqu'ils seront moindres, l'impôt doit diminuer : ce principe est incontestable,
Les modérations d'impôt, proportionnelles à la décroissance des charges publiques, doivent naturellement venir au soulagement des contributions les plus onéreuses.
L'impôt du tabac tient le premier rang au nombre de ces contributions; ainsi, dans le cas où cet impôt gérait conservé, il aurait droit aux premiers adoucissements.
Dàns cette hypothèse, les frais de régie, les pertes de l'agriculture, au commerce et de l'industrie, n'éprouvent aucune réduction, à raison du moindre produit de l'impôt, en sbrté qu'il ne tarderait pas à coûter 100 0/0; que bientôt ces frais seraient dans la proportion de 200 0/0, et beaucoup au delà (i).
Cette perspective serait effrayante ; l'impôt ne peut donc exister, il doit nécessairement être proscrit.
En le supprimant, il faut pourvoir à soù remplacement, et le régler proportionnellement aux charges actuelles, avec l'assurance d'une extinction graduelle et combinée sur la diminution des charges qui nécessitent le remplacement.
D'après ces bases et ces principes, j'ai proposé : 1° d'assujettir les tabacs étrangers a un droit de 25 livres le quintal, dont le produit sera àffêcté aux frais de gardes des côtes et de la frontière ; 2° de rendre aux propriétés la faculté de là culture ; à l'industrie, la fabrication ; au commerce, le débit de tabac, tant pour la consommation nationale que pour l'exportation à l'étranger; 3° de fixer l'impôt de remplacement à 30 millions, et de le répartir entré les 83 départements proportionnellement à leur population ; 4® de décréter que cét impôt de remplacement diminuera chaque année, dans les mêmes proportions que les charges actuelles, et pour y parvenir, de chargèr les 83 départements de l'acquit et du payement des réntes Viagères proportionnellement à la somme dont chacun sera grèvê pour l'impôt de remplacement, avec faculté de remplacer ces rentes viagères au denier 10 du capital, à l'effet de quoi les départements seraient autorisés à des emprunts annuitaires, jusqu'à concurrence des capitaux nécessaires pour le remboursement des rentes viagères, de l'acquittement desquels ils seraient chargés.
Première objection. — Le produit du droit d'entrée de 25 livres lé quitital sur les tabacs étrangers sera nul, puisque la culture du tabac sera plus que suffisants pour la coiisommatibn du royaume; ainsi le rëmplacement dé l'impôt doit être fixé à 34 millions, si on rte veut pas compromettre les revenus actuels.
Réponse. — Il n'est pas douteux qtie lès quantités de tabacs récoltes en France excéderont la consomination nationale ; mais leur fabrication, pour être de bonne qualité, exigëra lé mélange de tabacs étrangers; le commerce aura le plus grand intérêt à satisfaire lë consommateur, soit regnicole, soit étranger ; il est très probable que nous recevrons au moins 16 millions de tabacs en feuilles de la Virginie et du Maryiand, conséquemment que le droit d'entrée sur lés tabacs étrangers suffira pour subvenir aux frais de gardes des côtes et de la frontière, qui sont présentement à la charge du tabac.
Deuxième objection. — 1* Il est contré les principes de la Constitution de charger les départements de l'acquit d'Une partie des rentes viagères, parce qu'on ne peut diviser une portion de la dette, dont la masse générale de l'Etat est garan-tie caution; 2° il y aurait beaucoup d'inconvé-
nients à autoriser les divers départements à des emprunts destinés au remboursement des rentes viagères, de l'acquit desquels ils seront ténus att remplacement dé l'impôt ail tabac, parce que, tous n'adoptant pas le même tnode, l'impôt ne S'éteh-drait Mfc dans les mêmes proportions; 3a les charges publiques devant s'éteindre au profit de tous les citoyens; il est juste que les départements ptofltéht également de l'extinction des réntes viagères; cette prdportion il'existerait pas en divisant entre les 83 départements les rentes viagères dont l'acquit, Jusqu'à concurrence de 30 millions, opérerait là compensation de l'impôt du tabac.
Réponse. — La division des rëùtes viagères entre lés 83 départements n'avait d'autre but que de simplifier ropération ; ôn évitera les difficultés en adoptant les bases suivantes : 1° répartir entre les 83 départements l'impôt de remplacement, proportionnellement à leur population; 2° assurer son extinction graduelle à raison d'un trentième ou d'un million par arinée, attendu qu'il est constant que les extinctions de rentes viagères excédent un million par an. En adoptant ce parti; l'Assemblée nationale rendra une justice complète à tous les départements ; chacun Sera cërtàih d'un trentième par an, et l'impôt de remplacemeht sera totalement éteint & la révolution de 30 ans.
troisième objection.Le mode proposé n'est qu'une modêratibn dè l'impôt, eu raison de là aéeroissahcé des charges actuelles: il est facile d'accorder cet avantage à la nation, sans anéantir l'impôt, mais en lé diminuant annuellement dans là proportion de l'extinction des rentes viagères.
Répoksè. — L'impôt coûte 77 0/0 au delà de son prodiiit polir le Trésor public : à mesure de sa réduction, la disproportion entre le produit et l'impôt serait plus sensible (1).
Quatrième objection. Le remboursement de l'impôt du tabac, par une addition au marc la livre dès impôts directs, surchargera les propriétés. I| excitera les réclamations les plus vives de la part des citoyens qui ne font j)as usage de tabac, et dés départements OU districts qui ne profiteront pas de cé genre de culture.
Réponse— On a déjà prévu cette objection,qui serait fondée, si l'impôt de remplacement evàit êtré entièrement à la charge des propriétés if suffit d'observer: 1° Que la culture du tabac procurera aux propriétés lin accroissement de produits au moins de 10.000,000 de livres, qu'elles ne contribueront à l'impôt de remplacement que jusqu'à concurrence du quart, c'ést-à-dire ae 7,500 livres: que l'impôt devant diminuer d'Un million par année, l'extinction peut s'appliquer d'abord éd faveur des propriétés qui ne supporteront. le remplacement que pendant 7 ans et demi} 3® que toutes les propriétés, sans exception, profiteront de cette nouvelle branche de culture, puisqu'elle n'a pas lieu aux dépens de celle des grains, chanvres, lins et colzas, et que tous les territoires sont propres à la production du tabac à fumer, genre de consommation qui sera bientôt supérieure à l'usage ordinaire; 4° que les trois quarts de l'impôt de remplacement, par addition a la càpi-tation aux droits de consommation, à l'entrée des villes» aux impôts sur les maisons des villes,
seront une surcharge peu sensible qui Ue sera que momentanée, décroîtra dans 8 ans, et cbeh séra totalement à ia révolution de 30 années ; 5° que cetté partie de l'impôt de remplacement sera d'antant plus juste qu'elle sera proportionnelle aux facultés effectives de tous les citoyens, au lieu que l'impôt actUél ést plus lourd pour l'indigent citai s'approvisionne en détail, qUe pour ie riche qui s'affranchit du salaire au débitant.
Ces solutions me naraisseht décisives en faveur du systèmé que j'ai proposé poUr la suppression de l'impôt du tabac.
Dans le cas néanmoins où l'Assemblée nationale estimerait qu'il doit être maintenu, il serait essentiel de changer lé mode actuel de Sa perception, et de convertir là Vente exclusive en un drdit d'entrée et de fabrication.
J'ai présenté les bases de ce changement; le comité dè l'imposition a proposé plusieurs objections auxquelles il convient dè donner une solution complète.
OBJECTIONS
contre la proposition de convertir le privilège en un droit de fabrication exclusive i
Dans cette hypothèse, l'Assemblée nationale sé proposerait de maintenit1 un impôt indirect du produit actuel de 30 millions pour le Trésor public.
Je dé pense pas que son intention fût de fàlre bénéficier le hsc des améliorations que procurerait l'extension de l'impôt dans les provinces qui en 'Sont présentement exceptées : je me persuade, au contraire, que l'Assemblée fixerait là durée de cet impôt au terme où la diminution des- charges actuelles en permettrait l'abolition.
C'ést d'après cette opinion qu'en supposant ia continuité momentanée de l'impôt, j'ai proposé le moyeh d'ahéantir Je frais dé régie intérieure qui coûtent à l'Etat 40 0/0 du produit que procure l'impôt du tabac (1)»
Ce moyen est simple et facile; il se borne à supprimer la vente exclusive, à permettre le commerce du tabac, tant en feuilles que fabriqué, mais sous là condition expresse que la fabrication n'aura lieU qu'au profit de i'Ëtàt.
En prenant rce parti, le monopole des àôhats n'existera plus : Ce monopole est inséparable d'une vente exclusive, qui n'admet d'autrés spéculations que la vente aU régisseur de l'impôt, ou la réexportation.
Le commerce libre du tabac fabriqué anéanti; les bénéfices du monopole dans le débit, les frais des bureaux généraux et des entreposeurs: dès lors la dépense relative à l'impôt Se borne à celle d'un petit nombre d'employés dans l'intérieur, chargés de veiller au maintien de la prohibition des plantations.
Alors le droit de fabrication, fixé à 40 sols ia livre, sera suffisant pour assurer 'incofltestable-ment uu produit net au moins de 30 millions
alors les profits exclusifs du débitant, les dépenses des directeurs, receveurs généraux, contrôleurs, entreposeurs, celles de la correspondance de Paris, et les bénéfices du régisseur, seront sup-primés : les frais de régie qui s'élèvent, dans 'état présent, à près de 14 millions, ne seront que de 3 0/0 puisqu'ils n'excéderont pas un million pour un produit net de 34,000,000 (1).
Cependant l'impôt sera diminué d'environ un tiers, puisque le prix du tabac râpé de la meilleure qualité, ne coûtera pas au consommateur plus de 3 livres la livre, au lieu de 4 livres, taux fixé pour la vente par le débitant (2).
Cette sage combinaison privera la contrebande du tiers de ses bénéfices; elle sera conséquemment moins vive, et sa diminution tournera au profit de l'impôt et de ses accroissements.
Ces avantages sont tellement évidents que l'Assemblée nationale ne refusera certainement pas la conversion de la vente exclusive en un droit exclusif de fabrication, si ce nouveau mode, en adoucissant l'impôt, ne présente point des inconvénients tels qu'il ne puisse être adopté. Il est donc indispensable de donner la solution aux objections du comité de l'imposition.
Première objection. — Le monopole des achats n'existe pas; le fermier ne traite point avec une compagnie exclusive; tous les négociants peuvent établir des spéculations sur le tabac, ils sont assurés de la vente, soit pour le régisseur, soit pour la réexportation : la suppression du privilège de la vente exclusive ne leur procurera pas de plus grands avantages.
Réponse. — Lorsqu'il n'existe qu'un acheteur, il est maître des conditions, le régisseur ou le fermier est. dans l'état présent, le seul acheteur : les armateurs n'ont pour ressource que la vente au fermier, ou la réexportation : si le commerce est libre, les armateurs auront^, satisfaire à tous les spéculateurs de l'intérieur, ils conserveront les avantages de la réexportation, alors il n'est pas douteux que les relations de la France avec les Etats-Unis s'étendront considérablement.
Deuxième objection. — En admettant la vente libre dans l'intérieur, la contrebande sera très vive; les introductions de tabacs en feuilles faciliteront les fabrications particulières, au préjudice du droit de fabrication.
Réponse. — Dans l'état actuel, la culture est prohibée ; elle le sera dans le système proposé, qui même exclut toute exception; ainsi on ne peut pas supposer que des fabriques particulières seront alimentées par les tabacs cultivés en France. Dans l'état présent, le commerce a la faculté de faire venir des tabacs en feuilles dan»
tous les ports, à la charge d'être mis en entrepôt effectif jusqu'à la réexportation ou jusqu'à la livraison au régisseur de l'impôt. Dans le système proposé le nombre de ports pour l'introduction sera limité aux 10 principaux ports où la régie est très surveillée; les tabacs à leur arrivée seront mis en entrepôt jusqu'à la réexportation dans le cas de vente à l'étranger, ou jusqu'à l'expédition pour la manufacture la plus voisine, si les. propriétaires les destinent à la consommation. Il est donc évident que la contrebande des tabacs en feuilles sera plus difficile, puisqu'il y aura moins de ports où celte introduction sera permise, d'où l'on doit conclure que la crainte de fabriques particulières ne serait pas fondée, puis-que la prohibition de la culture, et l'entrepôt réel es tabacs importés seront maintenus, ce qui ne laissera aux fabriques particulières aucun moyen d'approvisionnement.
Troisième objection. — Les tabacs eu feuilles qui seront destinés pour la consommation seront expédiés pour la destination de la manufacture la plus voisine, par le régisseur, aux frais du négociant; les versements pourront être effectués dans le transport; et l'expédition, par les préposés du régisseur, sera très embarrassante.
Réponse. — Le régisseur aura la fabrication exclusive. Dans l'état présent il fait voiturer pour son compte les tabacs aux manufactures : dans le système proposé, il sera chargé de les faire voiturer pour le compte du propriétaire et à ses frais; ainsi même régie, mêmes sûretés, pour prévenir les versements dans le transport : la seule différence est que les frais de voitures seront au compte du propriétaire des tabacs, au lieu d'être à la charge du fermier ou régisseur. Au surplus, on observe qu'il n'y a que deux manufactures dans l'intérieur : Paris et Tonneins; en général des vues d'économie bien entendues les ont fait établir dans les ports.
Quatrième objection. — Le régisseur sera tenu de remettre à chaque propriétaire les tabacs fabriqués provenant de ceux qu'il aura livrés; cette reconnaissance présente beaucoup d'embarras et de grandes difficultés; le propriétaire du tabac se plaindra du changement de ses tabacs, et les réclamations seront fréquentes.
Réponse. — J'ai proposé d'établir dans chaque manufacture un contrôleur nommé par les assemblées administratives de chaque département, et qui suivra toutes les opérations de la manufacture à laquelle il sera attaché.
A la réception des tabacs, ils seront déposés dans un magasin d'entrepôt divisé par cases, et numérotés : le directeur de la manufacture et le contrôleur pour le commerce tiendront chacun un registre de réception, sur lequel seront ouverts des comptes pour chaque propriétaire de tabacs. Au crédit de ce compte seront portées les quantités de tabacs reçues, avec le nom de la case du magasin ou de l'entrepôt général dans lequel ils auront été déposés.
Les fabrications pour le compte de chaque particulier seront faites à tour de rôle et sans aucune préférence, suivant l'ordre de leur réception, et de leur arrivée à la manufacture.
Après la fabrication, les tabacs seront transportés dans le magasin de distribution qui sera également par cases. Ils seront enregistrés au compte ouvert de chaque propriétaire, avec le numéro indicatif de la case dans laquelle seront placés les tabacs fabriqués provenant de ceux qui auront été livrés en feuilles.
A mesure que les propriétaires retireront leurs
tabacs, ils en donneront leurs décharges sur le registre, et ils arrêteront leurs comptes lorsqu'ils auront retiré la totalité des tabacs fabriqués provenant de chaque livraison.
Ces précautions sont simples et faciles, ainsi l'objection la plus spécieuse contre la liberté du commerce intérieur, sous la condition de la fabrication exclusive, ne peut et ne doit point former obstacle.
D'après ces observations, je pense que, dans le cas où l'Assemblée nationale estimerait qu'il est de sa prudence de maintenir momentanément l'impôt du tabac, tout doit engager à le réduire au système de la fabrication exclusive, à rendre au commerce maritime la faculté d'exercer ses spéculations sur les achats, au commerce intérieur celle de les exercer sur la vente du tabac fabriqué, tant aux consommateurs nationaux, que pour ia réexportation à l'étranger.
Observation importante. — L'impôt du tabac ne peut être maintenu que par la considération de nos besoins, qui paraissent trop grands pour que l'Assemblée nationale renonce à un produit de 30 millions.
J'ai proposé de l'anéantir : 1° Parce que la prohibition de la culture serait une perte irréparable pour les provinces belges et pour l'Alsace : 2° parce que l'assujettissement de ces provinces à l'impôt du tabac serait pour elles une surcharge de contributions effrayantes, à raison de leur grande consommation, surtout pour la pipe, à laquelle les Flamands et les Alsaciens ne pourraient renoncer; 3° parce qu'il serait à craindre que l'assujettissement de l'impôt du tabac et la prohibition de la culture n'excitassent en Alsace et dans les provinces belges la plus grande fermentation, et qu'il est essentiel de prévenir les impressions que pourraient donner les mauvais patriotes aux habitants de ces provinces, où sont situés, en grande partie, les biens nationaux ci-devant ecclésiastiques, et les efforts qu'ils feraient pour les tromper sur les intentions bienfaisantes de l'Assemblée nationale.
J'ai proposé de les remplacer par une contribution momentanée de 30 millions, décroissante annuellement dans la proportion de l'extinction des rentes viagères, et qui ne porterait que pour un quart sur les propriétés : on objecte qu'il ne serait pas juste de leur faire supporter cette nouvelle charge.
Il me paraît facile de les en affranchir, en n'opérant le remplacement de l'impôt que par une taxe additionnelle à la capitation et aux droits qui seront perçus à l'entrée des villes. Cette contribution ne sera pas très onéreuse : elle diminuera annuellement, et cessera totalement à la révolution de 30 années.
Au surplus, le comité de l'imposition pense que l'impôt du tabac doit être anéanti sans remplacement, si nos besoins ne l'exigent pas impérieusement. J'observe qu'il est plus que probable, et j'espère démontrer que nos ressources sont assez grandes pour faire le sacrifice d'un impôt aussi cruel, aussi immoral que l'impôt du tabac, et je suis convaincu qu'il peut être supprimé sans remplacement: il n'y aura donc aucune objection raisonnable contre le décret qui rétablira dans leurs droits légitimes les propriétés, le commerce et l'industrie.
Séance du
La séance est ouverte à onze heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier au soir.
Messieurs, pour faire le tableau de M. Desilles, je crois qu'il serait à propos de décréter qu'il sera donné à M. Le Barbier la somme que le gouvernement donnait autrefois pour encourager les arts.
Messieurs, le roi faisait faire, tous les 2 ans, 2 tableaux aux frais du gouvernement. Le motif principal était d'encourager les arts ; je crois que l'Assemblée n'a pas moins cet objet en vue, ainsi que d'immortaliser le trait héroïque que vous voulez faire passer à la postérité, mais je demande le renvoi au comité de Constitution pour savoir la somme à laquelle ce tableau ainsi que ceux du même genre que l'Assemblée pourrait ordonner se montera. Un membre du comité de Constitution. Le comité de Constitution présentera incessamment un travail à cet égard. (L'Assemblée nationale charge son comité de Constitution de lui présenter, dans le plus court délai possible, un projet de loi qui établisse des récompenses etencouragementsannuels en faveur des artistes qui se distingueront par leurs talents, et de lui rapporter incessamment son travail sur les académies des arts.) (Le procès-verbal est adopté.)
,président. Messieurs vous savez que la majorité des voix a élevé M. de Mirabeau l'aîné à la présidence. Je l'invite à occuper le fauteuil»
prend place au fauteuil.
annonce que Messieurs de la Société nationale des Neuf-Sœurs, ci-devant présidée par M. Rangeard, membre de cette Assemblée, et depuis quelque temps par M. Jussieu, de l'Académie des sciences,font hommage à l'Assemblée nationale des 6 premiers recueils périodique, de leurs ouvrages, lus dans des séances publiques. Il en est plusieurs relatifs à la Révolution présente; et les membres qui composent cette société, se sont fait un devoir d'y manifester leur attachement à la Constitution nouvelle de l'Empire, et aux sages décrets qui l'établissent.
Un membre du comité d'aliénation présente un projet de décret de vente de biens nationaux au profit de la municipalité de Châtillon, pour
la somme de............... 1,027,986 1. 2 s.
A celle de l'Ebergement-Fo-gney, département de la Côte-d'Or, pour........... 69,831 1. 18 s.
Le tout payable de lamanière déterminée par le décret du 14 mai 1790, et sqivant les décrets et états d'estimation particuliers qui sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour.
(Ce décret est adopté.)
Messieurs, je viens de recevoir de M. de Montmorin une lettre qui annonce à l'Assemblée le serment prêté par: MM. le cardinal de Bernis, ministre d'Etat et du roi à Rome : Digne, garde des archives de France ; De Lestaclè, avocat delà nation française ; Du Fresne. maître de chambre, par brevet du roi, de MM. le ambassadeurs de France ; Bernard, secrétaire de l'ambassade de France; Hyacinte Bernard, auditeur de la protectorerie des églises de France, et secrétaire attaché à l'ambassade ; Talleyrand, ambassadeur auprès de la cour de Naples ; Duval, secrétaire de l'ambassadeur de France à Naples ; Vissan, vice-consul. Je ne vous lirais que les signatures, s'il n'y avait pas eu des serments qui > contenant une parenthèse, imposent à votre président le devoir de le lire tout entier. C'est çelui de M. le cardinal de Bernis; il est ainsi conçu : « En conséquence de la signification qui m'a été faite au nom du roi par le ministre des affaires étrangères, én date du 6 décembre dernier. et en conformité du décret de l'Assemblée national? du 17 novembre dernier, sanctionné par le roi (sans manquer à ce que je dois à Dieti et à là religion), en ma qualité de ministre d'Etat et dé *Sa Majesté auprès du saint-siège, je jure d'être fidèlé à la loi, à la nation et au roi, de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'assemblée nationale et acceptée par le roi, et de défendre auprès de la cdur de Rome, dé ses ministres et agents, les Français qui se trouveront dans ses Etats. « A Rome, ce 17 décembre 1790. « Signé s Cardinal de Bernis. »
On veut donc encore nous ramener à ces temps malheureux de. ténèbres et d'ignorance, où le clergé aveugle voulait former de l'Eglise un Etat dans un autre Etat. Il est temps, Messieurs, d'arrêter les progrès d'un tel scandale. Je demande que le serment prêté par M. de Bernis, avec la modification qu il contient, soit regardé comme nulet que le roi soit prié de rappeler M. le cardinal de son ambassade.
(de Saint-Jean-d'Angély). Je demande le renvoi au comité diplomatique.
Je n'adopte ni l'une ni l'autre de ces deux propositions; tout d'abord, parce que nous ne pouvons pas déclarer un serment nul et que demander de retirer un fonctionnaire public, c est presque en nommer un autre. D'autre part, le renvoi au comité diplomatique me paraît fort inutile. . La loi sur les fonctionnaires publics est simple. M. de Bernis ne s'y est pas .conformé ; que nous reste-t-il à faire? Renvoyer purement et simplement son serment au ministre. Quelle doit être la conséquence naturelle de ce renvoi ? Le rappel de M- de Bernis. Autrement la loi ne serait pas exécutée et le ministre des affaires étrangères se mettrait dans le cas d'être poursuivi. Je propose donc de renvoyer le serment de M. le cardinal de Bernis au ministre des affaires étrangères.
Le ministre des affaires étrangères ne peut pas être responsable dans le cas où le roi ne voudrait pas donner des ordres pour retirer M. le cardinal de Bernis de son ambassade. J'insiste pour que l'Assemblée déclare nul le serment de M. de Bernis et pour qu'elle prie le roi de rappeler M. le cardinal de son ambassade. (L'Assemblée adopte la motion de M. d'André et renvoie le serment de M. de Bernis au ministre des affaires étrangères!) Un mepibre du comité d'aliénation propose un décret de venté dè biens nationaux au profit ae la municipalité de Ciermont-Ferrând, montant à la somme dé .578,461 î. 15 s. (Ce décret est adopté )
,au nom du comité féodal, propose le projet de décret.suivant relatif aux droits oc*-casionnés par certaine coutume pour les doo%-tions. « L'Assemblée natjonale décrète ce qui suit ; « Dans les pays et les lieux où les mutations par donations, soif entre vifs, soit testamentaires, -donnent ouverture aux mêmes profits seigneuriaux que les mutations par vente, le rachat du droit dû. pour les uns et les autres, ne pourra se faire qu'en payant les 5/36 de ce droit, outre la quotité; réglée par l'article 25 des lettres patentes du 9 mai 1790, intervenue sur le décret du 3 du même mois. » (Ce décret est adopté.)
,au nom du comité des finances, fait le rapport suivant relatif à la contribution patriotique des ecclésiastiques : Messieurs, parmi les dispositions que vous avez prises pour le payement de la contribution patriotique, il en est de relatives aux ecclésiastiques, que votre comité des finances a cru que vous ne pouviez vous dispenser d'expliquer ou de modifier, dans les circonstances où se trouvent les corps administratifs et les municipalités, envers 'une classe de citoyens sur laquelle a frappé plus que sur aucune autre l'utile et sage sévérité de vos décrets. La plupart des ecclésiastiques, en faisant, à la fin de 1789 et dans les premiers mois de 1790, leur soumission de payer en contribution patriotique ie quart de leur revenu, étaient à la veille des grandes réductions qu'ils ont essuyées de-puis ; non seulement ils n'étaient pas assurés de demeurer en possession du revenu dont ils avaient joui en 1789, mais ils avaient lieu de croire que cé revenu souffrirait une grande dir minution. Cette incertitude sur la quotité du revenu, dont ils auraient à jouir lorsqu'il faudrait payer la contribution, a conduit la plus grande partie d'entre eux à faire une déclaration de ce qu'ils avaient de revenu en 178971e seul qu'ils pussent connaître, et une soumission conditionnelle d'en payer le quart s'ils le conservaient en 1790, ou
le quart de ce qui leur serait conservé de ce même revenu. Les revenus de la plupart des ecclésiastiques, ci-devant bénéficiera, se trouvent réduits par vos décrets à la moitié, au quart, au huitième, au dixième, et quelques-uns a une moindre portion encore du revenu qu'ils avaient lors de leur déclaration. Plusieurs d'entre eux, dont le zèle et le patriotisme ne leur ont pas permis de différer leurs déclarations, en exécution de votre décret du 6 octobre 1789., sont pressés, par les receveurs de la contribution patriotique, de payer le premier tiers de cette contribution, sur le pied du revenu total dont ils ont joui en 1789, Iorsqu'en même temps et sous leurs yeux, ceux qui se sont abstenus de faire leurs déclarations, ne sont taxés d'office, par les municipalités, que d'après le traitement que l'Assemblée leur a fait pour 1790, Aiqsi, pour un abbé commendataire, qui a fait sa déclaration en 17$9 ou 1790, alors titulaire d'une abbaye de 60,000 livres de rente, réduit par vos décrets à 6,000 francs, on demande le tiers de sa contribution patriotique, d'après 1a déclaration par lui faite du quart de son revenu à 15,000 livres; c'est-à-dire que des 6,000 livres, et peut être moins, qui formeraient tout son revenu de 1790, il sera obligé d'en donner 5,000 livres pour le premier terme de sa contribution, lorsqu'il est très possible qu'un autre ecclésiastique, jouissant enlevant du même bénéfice, mais taxé d'office, ne paye que 1.50Q livres pour la totalité de sa contribution déterminée sur son traitement actuel. Ce seul exposé, Messieurs, suffirait pour vous faire reconnaître quelque espèce de dureté et d'in-justiCe dans une disposition que vous n'avez pu avoir en vue. Aux réclamations déjà faites par plusieurs bé-néficiers, l'administration a répondu négative-*-ment par unp lettre circulaire, où l'on établit que la réduction survenue dans les revenus des titulaires saisis, à compter du 1er janvier 1790, ne les autorisait à réduire sur le pied du révenu qui leur était laissé, que le deuxième et le troisième tiers de leur contribution patriotique, le premier tiers devant être payé sur le prix du revenu dont ils ont joui eu 1789, Les ecclésiastiques ci-devant bénéficiera ne peuvent se plaindre d® cette répqnse de l'administration, Elle est conforme à l'article 11 de votre décret du 6 octobre 1789, et à l'article 11 de celui du 27 mars 1790, qui déclarent que le tiers de cette contribution totale sera payé (depuis ladite époque du ,6 octobre 1789) jusqu'au 1er avril 1790, sauf à diminuer les deux dernierf payements dans la proportion de la perte ou du minu tion des traitemen ts, pensions, appoin te-ments ou revenus quelconques qui pourraient avoir lieu par les économies que VAssemblée nationale se propose de faire, ou par l'effet de sès décrets. C'est à ia lecture de ces deux articles que l'administration s'est attachée sans se donner le droit de les interpréter: Votre comité a cru en conséquence, Messieurs, pouvoir en demander à l'Assemblée elle-même une modification qu'exigent la justice et l'humanité ; et, pour la motiver, voici lés raisons que je suis chargé de vous soumettre. 1° Un hénéûçieç, qui paye ia contribution en 1790, ne peut la payer qu'avec le revenu de cette même ann$e, puisque les dépenses de chaque année ne peuvent être payées que sur le revenu de la même année; presque tous les baux des bénéficiers commencent au mois de janvier, et Jety termes de payement pour l'année sont à là Saint-Jean et à Noël. A l'époque des déclarations, vers la fin de 1789, et dans les premiers mois de 179CL le revenu de 1789 se trouvait donc consommé ou était censé l'être ; le bénéficier ne peut donq payer que sur le revenu dont il jouit en J79Q ; or, sur le revenu de 1790, moindre de 9 dixièmes que celui de 1789, il est impossible au bénéficier de fournir à la contribution le douzième du révenu de 1789, crui, dans l'exemple cité, serait dg 5,000 sur 6,000 livres; ce serait manifestement condamner le titulaire à mourir de faim. Vous n'avez jamais entendu. Messieurs, exiger l'impossible. Or, il est évident que la plupart de# titulaires ayant, avant l'époque de leurs déclara** tions, sans prévoir les événements, dépensé leur revenu de 1789, comme ils en avalent le droit ou même par nécessité l'ayant employé à acquits ter leurs dettes ou à des {gratifications, parce qu'ils n'ont pas voulu renvoyer leurs anciens et nombreux serviteurs sans leur assurer leur subsistance, au moins pour le temps qui leur étai( nécessaire pour se procurer d'autres ressources* ils se trouvent réduits à un revenu 4 fois, 10 fois moindre, et ne peuvent trouver, sur c§ revenu diminué, de quoi payer le quart ou même le douzième du reyenu qu'ils n'ont plus. Enfin, Messieurs, pn pose eu fait que de 10 ecclésîasr tiques, il y en a à peine un qui puisse payer la contribution patriotique sur le pied de son reveni} de 1789, sans y employer une bonne partie dty modique traitement que lui a laissé l'Assemblée, qu'elle a sans doute jugé jùste de lui laisser entier et qui ne lui resterait pas; 2° Lorsque vous avez décrété la contribution patriotique et que vous avez dû. la rendre ohU* gatoirè, de volontaire, qu'elle était, vous n'aviez pas encore prononcé 1 expropriation du clergé, vous avez pu comprendre les ecclésiastiques au nombre des citoyens qui devaient contribuer aux besoins pressants de l'Etat; mais depuis que la nation s'est mise aux lieu et place des possesseurs ecclésiastiques et les a réduits à un mo-*, dique traitement, devons-nous, Messieurs, lais? ser les ecclésiastiques, ci-devant; bénéficiers, soumis à une contribution qui ne devait être, fournie par eux qu'en les considérant comme* jouissant de leurs possessions, ainsi que tous les autres citoyens? Exiger le quart du revenu d'une année des ecclésiastiques et les exproprier, de suite après; de tout revenu, sont deux mesures auxquelles nous ne vous le dissimulons pas, il est difficile de donner leur exécution à la fois. Vous avez, Messieurs, réduit a jamais, à 2,000 écus, la rente de 60,000 livres d un abhé côm* mendataire; faut-il, par un surcroît de charge, répéter encore de lui le quart du reyenu qu'il a eu anciennement ? 3° On a dit que les propriétaires des terres, et en général les citoyens de toutes les classes que les besoins publics ont soumis à des diminutions de revenus, n'en sont pas moins obligés de payep la contribution patriotique pour l'année 1739, sur le pied du reyenu qu'ils avaient On répondra que la différence ept grande entrai l'ecclésiastique et le citoyen de toute antre classe; d'abord en ce qu'il n'est aucune classe de citoyens qui ait éprouvé une réduction de son revenu» aussi énorme que la plupart des ecclésiastiques,, Si quelque individu avait perdu les neuf dixième? , de son revenu à la suite des opérations de l'As-
semblée, Userait injuste aussi de lui demander la contribution sur le pied de son ancienne fortune. Un propriétaire peut d'ailleurs emprunter pour satisfaire à une charge pareille, parce qu'il a un gage à donner en empruntant, ressource qui manque à l'ecclésiastique, réduit à un salaire annuel et viager. Il ne peut payer sa contribution patriotique qu'avec son traitement, et il ne peut toucher son traitement sans emprunter de quoi payer sa contribution patriotique, puisqu'il est obligé d'en produire la quittance; 4° L'Assemblée a réglé que ceux qui n'auront pas fait la déclaration de leur quart patriotique, seront taxés d'office par les municipalités. Il est visible que l'ecclésiastique qui sera taxé ainsi ne pourra l'être que d'après le traitement que l'Assemblée lui aura fait pour l'année 1790. Ainsi, l'abbé commendataire, aussi riche, en 1789, que celui de l'exemple précédent, et qui se sera abstenu de faire sa déclaration, réduit à 2,000 écus de traitement, sera taxé à 1500 livres pour son quart, et à 500 livres pour le premier tiers de ce quart ; il sera redevable de cet avantage sur son confrère à la négligence et au mépris de la loi, qui lui aura fait différer ou refuser sa déclaration, tandis que le premier sera victime de son zèle et de son patriotisme, il nous semble, Messieurs, que cette considération est faite pour vous frapper fortement. On pourra nous observer que cette inégalité de contribution ne peut avoir lieu, si les municipalités se conforment rigoureusement à vos décrets dans les taxations qu'elles sont chargées de faire sur les ecclésiastiques, ci-devant bénéficiers, qui n'auraient pas fait leurs déclarations. Mais, Messieurs, comment les municipalités pourraient-elles avoir une connaissance exacte des bénéfices possédés dans différentes provinces éloignées, et de la juste valeur de chacun? Souvent le même ecclésiastique avait des revenus et des bénéfices dans des cantons qui se trouvent placés aux différentes extrémités du royaume; d'ailleurs, si dans les circonstances actuelles il est important d'exiger des municipalités, et des corps administratifs, une inflexible et courageuse vigilance dans l'exécution de ceux de vos décrets, qui soumettent le clergé à notre constitution politique et civile, il est en même temps de votre justice et de votre humanité de modifier quelques dispositions fiscales d'une contribution passagère, qui n'entre pas dans le système général des nouvelles impositions, parce que ces dispositions frappent également sur quelques individus déjà sévèrement atteints par vos décrets, et que cette modification ne déroge à aucun de vos principes constitutionnels. Cette modification, Messieurs, ne doit pas cependant être tellement étendue qu'il puisse en résulter la nécessité de retirer, de la caisse de l'extraordinaire, les deniers qui y seraient entrés, par les payements qui pourraient avoir été déjà faits par les ecclésiastiques, ci-devant bénéficiers, payements qui font présumer que leur zèle n'a point été contrarié par leurs moyens pécuniaires, s'il est juste de leur tenir compte de ces payements sur les deux derniers termes de leur contribution, ce serait méconnaître, en même temps, leur patriotisme qUede vouloir étendre cet acte de justice à une restitution de l'excédent qui pourrait se trouver dans les sommes déjà payées sur le quart en totalité du traitement établi pour eux, à compter du l*r janvier 1790. D'ailleurs, d'après les principes de comptabilité que vous avez établis pour la caisse de l'extraordinaire, cette restitution ne peut être opérée par celte caisse, il faudrait en faire un objet de dépense pour le Trésor public. C'est après avoir pris ces différentes observatious en considération que votre comité des finances m'a chargé, Messieurs, de vous présenter le projet de décret suivant:
PROJET OE DÉCRET.
L'Assemblée nationale déclare qu'elle modifie les dispositions antérieures de ses décrets du 6 octobre 1789 et 27 mars 1790, relativement à la contribution patriotique des ecclésiastiques, ci-devant bénéficiers, et, d'après le rapport de son comité des finances, elle décrête ce qui suit :
Art. 1er La contribution patriotique des
ecclésiastiques, ci-devant bénéficiers, sera réglée tant pour le premier
tiers que pour les deux autres, en proportion du traitement établi pour
eux à compter du Ie' janvier 1790, sans préjudice de ce qu'ils doivent
contribuer en raison des revenus qu'ils possèdent en patrimoine.
Art. 2 Sur les deux derniers payements de la contribution patriotique, il sera tenu compte aux ecclésiastiques, ci-devant bénéficiers, qui auront fait leurs déclarations en raison des bénéfices dont ils jouissaient en 1789, des sommes qu'ils auront payées, ou qu'ils seraient dans le cas de payer en acquit du premier tiers de leur contribution patriotique, conformément à leurs déclarations.
Art. 3. Cette disposition ne pourra néanmoins donner lieu à aucune restitution de deniers, dans le cas où la somme déjà payée par les ecclésiastiques, ci-devant bénéficiers, excéderait le quart de leur traitement annuel, établi à compter du 1er janvier 1790.
Si i'Assemblée'se décide à rendre un pareil décret, il faut aussi qu'elle décrète la restitution à ceux dont le patriotisme lésa portés à payer, même en totalité, sur leur revenu de 1789; ces mêmes individus ayant été réduits à un revenu moindre en 1790 qu'en 1789, se trouveraient les victimes de leur patriotisme. Plusieurs d'entre eux, qui n'étaient que coa-gruistes, ont fait leur déclaration sur leur revenu de 1789 et ceux-là même sont devenus des curés de villes qui, d'après vos décrets, doivent avoir un revenu plus considérable. Comment fera donc l'Assemblée pour être juste? c'est, je pense, de prendre en considération les observations, avant de décréter.
Il me paraît que le projet que l'on propose à l'Assemblée renferme une très grande injustice, car il tend à favoriser ceux qui ne se sont point soumis à la loi, sans avoir égard pour ceux qui ont payé sur leur revenu de 1789. On ne vous propose point de leur rendre ce qu'ils ont payé de trop ; on les laisse, au contraire, sous le joug de la loi. Je demande l'ajournement de la discussion jusqu'après l'impression du rapport et du projet de décret, afin que nous puissions en peser les conséquences et méditer les articles.
,rapporteur. On tient compte sur les deux derniers payements aux ecclésiastiques qui ont fait leur déclaration à raison de leur revenu de 1789. Il semblerait que l'on voudrait insinuer, par exemple, qu'on serait obligé de restituer 2,000 livres à un ecclé-
siastique qui aurait contribué pour 8,000 livres à raison de son revenu de 1789, en ce qu'il est réduit à 6,000 livres de rente aujourd'hui. Gomme cette question pourrait souffrir de longs débats, je ne demande pas mieux que d'ajourner. (L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et décrète l'ajournement.)
Avant de passer à l'ordre du jour, je dois vous donner connaissance d'une réclamation des maîtres de postes, relativement à l'altération qu'ils prétendent avoir été faite à la lettre de vos décrets. Une disposition du décret relatif aux messageries est qu'il sera fourni un cautionnement en immeubles par les preneurs du nouveau bail; le décret ne porte pas le mot préalablement, et l'affiche le porte. On ep a fait une condition im-pérative du bail, que l'Assemblée n'a point imposée. Le comité de l'imposition ne peut prendre sur lui cette correction; l'objet de la pétition est de supplier l'Assemblée de renvoyer à ce comité pour lui en rendre compte. (Ce renvoi est décrété.)
Voici, d'autre part, une offre des maîtres de postes : « L'Assemblée nationale a décrété hier que le roi serait prié de porter au complet les régiments de cavalerie et d'infanterie et que les régiments seraient répartis sur les frontières avec des équipages d'artillerie suffisants. « Les maîtres de postes ont l'honneur d'offrir à la nation 5,000 chevaux et 1,000 hommes pour les conduire. « Cette offre est patriotique ; mais elle pourrait paraître précaire dans un autre temps. Il est temps aujourd'hui de la réaliser et c'est la grâce que les maîtres de postes sollicitent de l'Assemblée nationale. « Ils ont l'honneur, Monsieur le président, de vous supplier d'envoyer leur pétition au comité militaire; à cet égard, attendu l'exigence des besoins actuels, ils sont prêts aux premiers ordres et le directoire de la guerre en est parfaitement instruit. Signé : Le Fondé de procuration pour les maîtres de postes »
Je demande le renvoi au comité militaire qui en fera son rapport
Je m'oppose au renvoi au comité militaire : il ne peut pas avoir l'administration; elle appartient au ministre de la guerre. Je demande donc le renvoi au pouvoir exécutif (Adopté). U est donné lecture d'une réclamation du commerce de la Flandre autrichienne contre le décret qui fixe à 75 livres le droit tarifé sur les toiles étrangères qui seront importées dans le royaume; ce qui pourrait engager le gouvernement des Pays-Bas à porter aux mêmes taux les droits sur les vins qui seraient exportés de France.
Je demande le renvoi de cette réclamation aux comités diplomatique, de commerce et d'imposition réunis. (Ce renvoi est ordonné.)
,au nom du comité de la marine, fait un rapport et présente un projet de décret sur la solde des gens de mer.
Ce décret est adopté comme suit :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de la marine, décrète qu'à compter du 1er janvier 1791, la solde des gens de mer classés et surnuméraires, employés sur les vaisseaux de l'Ëtat et au service des ports, sera réglée comme suit :
SOLDE SUR LKS VAISSEAUX DE l/ÉTAT.
Officiers mariniers de manœuvre.
Premiers maîtres, 3 payes....
Seconds maîtres, 2 payes. Contre-maîtres, 2 payes...
Solde
par mois.
81 liv.
75
69
63
54
51
[45
[ 42
39
36
33
30
[ 27
De canonnages des classes.
81
Premiers maîtres canonniers, 3 payes..... ? 73
69 63
Seconds maîtres, 4 payes............... \ **
45
42 39
Aides-canonniers, 6 payes...............(
30 27
75
Pilotes-côtiers, 3 payes.................. î 63
54
Charpentage, calfatage et voilerie.
Maîtres, 3 payes.
Seconds maîtres, 4 payes.
Aides, 6 payes.
Timoniers, 8 payes.
Solde par mois.
Vétérans, 2 payes........... j
Matelots, i Première classe, 1 paye...... 24
Seconde, idem. 21
Troisième idem.*.....,,.... 18
Notices......................... «'...,,,.. 15
M ( de 14 ans et au-dessus, 1 paye. 9 mousses. de 1Q arjs et au_(ies8us.......... g
Le présent décret ne sera point applicable aux canonniers-matelots ; ils continueront de jouir à bord de leur paye, avec l'augmentation qui leur a été accordée par l'Assemblée nationale, et les suppléments qui leur sont attribués par i ordonnance du 25 janvier 1789, et ce, jusqu'à la prochaine organisation de ce corps.
Surnuméraires.
Solde par mois, t 54 liv. Maîtres, 3 payes....... 51
Armuriers externes.vK î
Aides, 3 payes......... { 36
( 30
( 54
Forgerons, 3 payes......................... ] 51
( 48
( 51
Chaudronniers et vitriers, 3 payes........... ] 42
( 36
iLeur solde sera réglée lors du travail sur l'organisation des hôpitaux et des vivres ; en attendant, il leur sera payé, en sus de leur solde actuelle, un supplément fixé à 12 livres par mois pour ceux qui jouissaient de la demi-ration, et à 3 livres pour les autres.
La solde des domestiques restera provisoirement fixée à 15 livres par mois..
Suppléments momentanés attachés à des services particuliers.
Sur les vaisseaux de ligne de premier, second et quatrième rang.
Solde par mois. 12 liv. — 6 liv.
Pour la charge et et garde des effets du vaisseau.
Premier maître. ) Maître-canonnier Ç Maîtres charpen- ] tiers, calfats et I voiliers, et chef t dé timonerie. J
91. - 41. - 10 s.
Sur tous les bâtiments de VEtat.
Les officiers mariniers et matelots, charpentiers ou calfats,ayant justifié réunir ces deux professions, les matelots appliqués au service de gabiers, et faisant fonctions d'officiers mariniers.
3 liv.
Service des ports pour Varmement des vaisseaux.
Journées de travail.
! Premiers maîtres......25
Seconds maîtres ...... 20
Contre-maîtres........18
Quartiers - maîtres ou aides.......................15
Journées d» travail.
rp. . ( payés à 45 livres et au-dessus.... 16 limoniers j « à 42 livres et au-dessus.... 14
I Vétérans..................... J
................ l
à ïâ ;;;::::::::::: : : : : : : : : : :I
Novices.......................................8
Mousses de levées....................... 5
Surnuméraires.
Seconds chirurgiens, non entretenus........ 20
Aides-chirurgiens, idem................... 16
Gens du munitionnaire.................... 14
,au nom du comité de la marine, présente un projet de décret relatif à des indemnités à accorder aux commandants des bâtiments de l'Etat. Ce décret est adopté comme suit :
Art. 1er.
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de la marine, décrète qu'à compter de ce jour, les indemnités accordées aux commandants des bâtiments de l'Etat, lorsqu'ils passeront à leur bord, eu vertu d'ordres du roi, des personnes des qualités et grades ci-après, seront réglées comme suit ;
« 1 officier général.......... •..
« 1 gouverneur général.,.,...,.
« 1 ambassadeur...............
« 1 envoyé..........T.........
« 1 colonel.............................1400—800—1,200
« 1 lieutenant-colonel commandant 1 —1,600 livres, un corps.......................... I .
« 1 intendant................... 1
« 1 commissaire ordonnateur.... ] ¦
« 1 consul...,..,............... /
Art. 2.
« Pour les retours de l'Amérique et de l'Inde, il sera accordé un quart en sus des indemnités fixées par l'article précédent.
Art. 3.
« Les personnes des qualités et grades dénommés ci-dessus ne pourront embarquer à leur suite que des gens attachés à leur service, et jamais au-dessus du nombre fixé ci-après, savoir :
« L'officier général commandant en chef, le gouverneur général et l'ambassadeur, au plus 6.
« L'officier général employé, l'envoyé, l'intendant des colonies, au plus 4.
« Le commissaire ordonnateur et lé consul général, au plus 3.
« Le colonel ou lieutenant-colonej commandant un corps, et le consul ordinaire, au plus 2,
Art. 4.
« L'indemnité, pour chacun des domestiques qui seront embarqués, sera fixée, savoir :
« Europe........................100 livres.
« Amérique.....................200 »
« Ile de France.....................300 «
«Inde............,,..,., 400 »>
Art. 5.
« Pour le retour de l'Amérique et de l'Iode, il sera accordé un quart en sus des indemnités fixées par chaque domestique,
Art. 6.
« Tout autre officier militaire ou civil recevra le traitement alloué à chacun des officiers de l'état-major du vaisseau ; et il en sera de même du secrétaire qui pourra être à la suite de l'officier général commandant en chef, de l'ambassadeur, du gouverneur et de l'intendant d'une colonie. »
,au nom du comité des contributions publiques. Messieurs^ il me reste à vous proposer, au nom du comité des contributions publiques, un article additionnel sur le timbre. Lé ministre des finances a pris les mesures les plus sages pour accélérer l'exécution de vos décrets. Les nouveaux commissaires nommés par le roi paraissent pleins de zèle et de bonne volonté ; et le nouveau timbre devant commencer au 1*" avril, ils nous ont fait sentir là nécessité d'un c^écret sur la forme de ce nouveau timbre. Voici l'article que je vous propose : « Les timbres porteront en légende le nom du département pour lequel ils seront destinés ; tous les actes, expéditions et registres seront assujettis au timbre du département, à l'exception néapmoins des lettres de change, billets à ordre et autres actes sous signature privée, pour lesquels on pourra employer du papier timbré de quelque département que ce soit. »
Je demande, par amendement, que chaque timbre porte son prix.
,rapporteur. J'adQpte l'amen-» dément pour le timbre ordinaire , mais non pas pour l'extraordinaire ; car il est impossible d'avoir autant dé timbres qu'il y à de papiers de différente grandeur, susceptibles d'être présentés aux bureaux par un citoyen quelconque* Je propose donc la nouvelle rédaction suivante : « Les timbres pprterpnt en: légende le nom du département pour lequel ils seront destinés ; et tous les actes, expéditions et registres seront assujettis au timbre du département ; à l'exception néannipjns dès lettres de change, billets à ordre et antres actes sous signature privée, pour lesqùelf 'OU ^QUiVà employer des papiers timbrés, de quelque département que ce soit, chaque timbre ordinaire portant son prix. t» (Adopté.) Jj'ordre dq jour est un rapport du comité des pensions sur le traitement provisoire des pensionnaires septuagénaires.
,rapporteur. Votre comité des pensions n'a pu s'assurer, dans les bureaux des ministres, de l'exactitude de tous les motifs et de tous les faits que vous l'aviez chargé d'examiner et de vérifier ; et il doit à la confiance dont vous l'avez honoré, de vous prévenir que dans le résultat du travail qu'il vient vous soumettre, il a dû s'en rapporter à la bonne foi de la plupart des pensionnaires ; mais leur sincérité lui a paru d'autant moins suspecte, que leurp services étaient très longs, leur pension très modique, leurs demandes modérées, leur langage franc et loyal. Il n'a pu soupçonner que de braves militaires qui avaient servi leur patrie pendant 30, 40, 50, 60 années, avec autant de fidélité et de courage, voulussent, par un faux exposé, surprendre une récompense qu'ils n'auraient point méritée. L'exactitude dans l'expo- sition des motifs et des faits de plusieurs pensionnaires, qu'il a été à portée de vérifier, répond à l'Assemblée de la vérité et de la sincérité des autres. Si votre comité n'eût écouté que les sentiments d'indignation et de justice qu'il a partagés avec l'Assemblée, toutes les fois qu'on lui a fait les détails des abus de tout genre, qui s'étaient introduits dans toutes les parties de l'administra^ tion, particulièrement dans la distribution des récompensés et des grâces, et dont votre comité des pensions a été tant de fois le témoin dans le cours de son travail ; s'il eût été moins esclave des volontés de l'Assemblée, il doit l'avouer, souvent il aurait été tenté de tempérer ou d'étendre la rigueur des règles que lui prescrivaient vq§ décrets. Comment, en effet, ne devait-il pas s'indigner quand il voyait des officiers, si mal à propos dits de fortune, distingués par leur conduite, leur courage et leurs actions, se retirer couverts de blessures, après 50 ans de service* avec une misérable pension de 2, 3 ou 400 livres, tandis que d'autres, qu'à plus juste titre pn pourrait appeler officiers de faveur, obtenaient (es ipt if , 20,000 livres de retraite, sans avoir quelquefois vu lè feu de l'ennemi ni les combats qqe dans les papiers publics ou dans l'histoire ( . Déjà voUs avez réparé pour le pasçé une partie de ces injustices, en décrétant que la moindre pension des officiers, ci-devant dits de fortune, serait de 600 livres, et gr^ce à votre sage Gons-tition, elles ont disparu à jamais, ces distinctions injustes et humiliantes entré le mérité et la naissance, entre le nom et les talents : ce n'est , plus une caste privilégiée qui seule pourra prétendre aux emplois, aux honneurs et aux récompenses publiques; « tout citoyen qui aura servi, détendu, illustré, éclairé sa patrie, ou qui aura dpuué, un grand exemple dédévouenient à la choseRpblique, a des droits à la reconnaissapce de la nation. » C'est ce grand principe, ce sont les régies établies pas vos décrets qui ont cpnstamment dirigé le travail d'après lequel nous vous proposons de prononcer, conformément au décret du 9 du présent mois, en faveur des pensionnaires que nous avons jugés dignes des récompenses de la nation, Le comité, pour accélérer spn travail, s'était d'abord distribué en plusieurs section», dont chaT eune était chargée de l'examen des mémoires et pièces relatifs aux différents âges des pensionnaires; mais peu de sçs membres ayant pu ou voulu s'occuper avec assiduité d'une opération pénible et désagréable, il n'a pas. tardé à reconnaître que son travail languirait s'il suivait sa première marche, et que Tes pensionnaires dont les besoins étaient d autant plus pressants qu'ils étaient plus avancés en âge, auraient trop longtemps à attendre les secours qu'ils étaient en droit d'espérer de la nation.: Le cor mité a à se féliciter d'avoir prévenu les intentions de l'Assemblée, car depuis plusieurs mois il s'occupait exclusivement des septuagénaires et au-dessus; et c'est le rapport que, par exception à votre décret du 16 décembre, vous lui avez ordonné de vous présenter, quÙl vient aujourd'hui soumettre à votre délibération. Il sera incessamment suivi d'un autre sur les mémoires des pensionnaires de la même classe qui sont postérieurement parvenus à votre comité. : Pour éviter les murmures de quelques personnes qui ne se trouvent pas portées dans la liste que nous avons fait imprimer, nous devons
observer à l'Assemblée qu'il en est plusieurs qui, aux ternies de ses décrets, n'ont pas des titres suffisants au rétablissement de la pension qui leur avait été précédemment accordée : et le comité n'a pu statuer sur les secours qui doivent être attribués à cette classe d'anciens pensionnaires, conformément à l'article 15, titre III, du décret du 3 août, avant d'avoir reçu des départements les renseignements qu'il a demandés; mais il annonce à l'Assemblée que, dans peu de jours il sera en état de lui en rendre compte. Il ne vous présente pas non plus aujourd'hui le résultat de son travail sur les pensions accordées pas le feu roi de Pologne aux officiers de sa maison. Malgré ses soins et ses recherches, le comité n'a pu encore découvrir en quelles mains avait passé la succession de ce prince ; il a cru juste de vérifier et de s'assurer que la nation avait profité de ces biens, avant de vous proposer de lui en faire supporter les charges. II a de même suspendu sa décision sur les pensions des invalides jusqu'après le rapport annoncé par le comité militaire, ainsi que sur celles dont jouissent les différents gouverneurs, jusqu'à ce que l'Assemblée ait prononcé sur la conservation ou la suppression des gouvernements. Il est une autre classe de pensionnaires sur lesquels le comité a été embarrassé, parce qu'il n'a pu trouver dans aucun de vos décrets l'explication de ses doutes; je veux parler des officiers de milice; et il est important que l'Assemblée manifeste ses intentions sur le temps de service nécessaire à ces officiers pour obtenir la pension de retraite accordée aux autres militaires par les décrets. Quant aux officiers de la maison du roi, voici la règle qu'a suivie le comité pour le rétablise-ment de leur pension de retraite. L'article 13 du titre Ier du décret du 3 août porte, que «le Trésor public demeure déchargé de toutes pensions et gratifications qui peuvent avoir été accordées ou qui le seraient par la suite aux personnes qui auront été, sont ou seront employées au service domestique ou militaire du roi. » Or, il est arrivé très souvent qu'un officier, après avoir servi l'Etat pendant plusieurs années, soit dans l'armée, soit dans les emplois civils, est entré dans la maison domestique ou militaire du roi, et a obtenu des pensions ou gratifications en coosidération de ses services : il est arrivé que beaucoup d'autres officiers, au bout de quelques années de service particulier auprès du roi, ont passé au service de l'Etat, et reçu des récompenses au moment de leur retraite. Pour suivre à la lettre l'article 13 de votre décret, il eût fallu séparer soigneusement les années employées au service particulier du roi et celles consacrées au service de la patrie, en calculer la durée, en apprécier l'importance, et appliquer au temps et à la nature de chaque service la quotité proportionnelle du montant de la pension. Or, cette opération a paru à votre comité aussi impraticable que peu digne de la générosité de la nation et de son auguste chef: d'ailleurs l'article 12 du titre Ier de votre décret s'oppose à ce qu'un pensionnaire reçoive en même temps pension sur l'Etat et sur la liste civile. Il a donc renvoyé à la liste civile toutes les pensions ou gratifications accordées aux personnes qui, lors ae leur retraite, se trouvaient attachées à la maison du roi, et il vous propose de mettre sur le compte du Trésor public toutes celles des personnes qui, quoique précédemment au service du roi, étaient au service de la nation au moment où iis ont abandonné leurs fonctions ou leur emploi. En général vos décrets exigent 30 années de service effectif, et 50 ans d'âge pour avoir droit à une pension de retraite égale au quart du traitement dont on jouissait en activité. Cependant les articles 17 et 21 du titre 1er du décret au 3 août établissent une exception ; c'est dans le cas de blessures reçues ou d'infirmités contractées dans l'exercice des fonctions publiques et qui mettent hors d'état de les continuer. Voici comment le comité a fait l'application de ces deux articles : c'est à l'Assemblée à juger s'il a mal saisi l'esprit de ses décrets ou trop étendu ses principes de justice et d'humanité. Il a pensé qu'un fonctionnaire forcé, par ses blessures ou ses infirmités, de quitter l'exercice de ses fonctions au bout de quelques années, devait être censé avoir accompli le temps exige par la loi; qu'il ne serait pas juste, que même il serait barbare, de lui refuser une récompense ou un secours, qu'il n'est déjà que trop affligeant pour lui, de devoir à un malheur qui ne lui iaisse, quelquefois à la fleur de son âge, que la triste perspective de l'inaction et des douleurs, au lieu du plaisir et de la gloire de servir sa patrie. Ainsi, un militaire, à l'époque de sa retraite forcée, recevra d'abord le quart de son traitement, comme s'il eût eu 30 années de service effectif; et en sus, sur les 3/4 restants, un 20° pour chaque année résultant des campagnes de guerre, de service ou de garnisou hors de l'Europe, ou d'embarquement. Pour ce qui concerne les autres classes de pensionnaires, 1e comité a pris soin d'indiquer l'article de vos décrets, d'après lequel il a porté sa décision, afin de mettre chacun des membres de l'Assemblée à portée de juger de l'exactitude de son opération. En finissant, le comité doit vous avertir qu'il présentera incessamment à l'Assemblée son travail sur les pensions des employés des fermes, travail qui a "exigé un examen sérieux et des recherches longues et difficiles.
,membre du comité des pensions, propose de décréter les articles suivants
: « L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des pensions,
décrête ce qui suit : Art. 1er.
Provisoirement et sans tirer à consé quence, il sera payé, à titre de
secours, pour chacune des années 1790 et 1791, aux personnes dénommées
dans l'état annexé au présent décret, sur leur quittance et certificat
de vie, les sommes mentionnées audit état. Art. 2. Sur ces sommes il
sera fait déduction de celles que les pensionnaires ont reçues pour
l'année 1790, en vertu des précédents décrets. Art. 3. Les personnes
portées dans le présent état pour une somme plus forte que celle de 600
livres, recevront le surplus à compter du l0r février prochain, époque à
laquelle le payement s'en fera au Trésor public, à bureau ouvert. Art.
4. Les secours accordés pour l'année 1791, seront payés de 6 en 6 mois,
à compter du 1er juillet prochain, suivant l'ordre qui en sera établi. »
,rapporteur. Je vais vous lire l'état pour répondre aux observations que l'on aurait à faire sur chacun des articles.
Je demande si les sommes
portées dans l'état sont exemptes de toute retenue?
,rapporteur. Oui, Monsieur. J'observe qu'il est très important de statuer promptement sur les pensions des septuagénaires. Nous vous proposerons, aussitôt que ce rapport sera fait, un moyen de venir au secours des autres pensionnaires dont le sort ne peut pas être définitivement fixé en ce moment. J'observe au reste que ce travail n'est que provisoire.
Je demande que l'état du comité soit adopté comme base provisoire de secours pour les années 1790 et 1791 et qu'il soit renvoyé au commissaire du roi pour présenter un état définitif. (Cette motion est décrétée.)
,rapporteur, fait lecture de l'état des pensions.
observe, au sujet du sieur Jean Theurel, du régiment de Touraine, que ce soldat décoré de trois plaques de vétéran et qui compte 3 congés renouvelés et 72 ans de service, mérite une pension supérieure à celle de 300 livres que propose le comité.
,rapporteur. J'ai omis de m'inter-rompre sur cet article, parce que l'intention du comité était de proposer à l'Assemblée ce que vous demandez; mais de lui-même il n'a pu faire autre chose que d'exécuter littéralement le décret. Ce brave homme est le seul soldat qui se trouve, dans cette liste, avoir une pension comme soldat ; je demande qu'il ait, comme les officiers de fortune, 600 livres de secours annuel. (Applaudissements.) (L'Assemblée nationale décrète unanimement qu'il sera accordé audit Theurel, en considération de ses longs services, la somme de 600 livres.)
L'usage ancien était que le doyen des chevaliers de Saint-Louis avait une pension à ce titre. Je demande si cet usage subsistera?
,rapporteur. Plusieurs officiers réclament cette pension au même titre. Nous avons écrit au ministre de la guerre à ce sujet: quand il nous aura répondu, nous vous en ferons part.
Je demande si c'est là un travail fait pour occuper l'Assemblée si longtemps. Plusieurs voix : Non 1 non I
Il a été imprimé et distribué. A-t-on des objections à faire? Qu'on les fasse. Mais consumer ainsi peut-être deux séances, cela est déplorable. (Applaudissements.)
(de Saint-Jean-d'Angêly). J'ajoute que ce n'est qu'un secours provisoire qu'il s'agit d'accorder et qu'on pourra faire des observations définitives sur le travail du directeur de la liquidation. Je demande donc que M. le rapporteur nous donne connaissance de la somme totale pour la décréter s'il n'y a pas de réclamations.
,rapporteur. L'addition n'est pas faite; mais je ne puis la présenter demain.
En ce cas, je demande que la discussion soit renvoyée à mardi soir, afin qu'on puisse porter au comité ses observations.
,rapporteur. J'annonce que le comité sera assemblé demain depuis 5 heures jusqu'à 10. (L'Assemblée ordonne à son comité des pensions de rendre compte du total de l'état des pensions, mardi, à la séance du soir.)
communique à l'Assemblée le tableau du travail de la semaine. Un membre du comité d'aliénation propose et l'Assemblée nationale décrète la vente de biens nationaux, savoir : Pour le département du Loiret, district de Gien, canton de Saint-Benoist, municipalité de Saint-Fenois sur Loire montant à la somme de...............29,2941. ls. 10 d. Même département, district de Bois-Commun, même canton, et même municipalité, pour. . . .1,518 Département du Cher, district, canton et municipalité de Saint-Amand, pour.......... 320,624 » » Département de Maine-et Loire, district, canton-et-municipalité d'Angers , pour.......... 185,045 » »
lève la séance à deux heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de la veille.
Messieurs, le gouvernement a toujours eu l'attention, pour le progrès des arts, de proposer annuellement aux sculpteurs et aux peintres des sujets à traiter, l'Assemblée conservera sans doute ce louable usage. Mais plusieurs artistes, dont les ouvrages avaient été jugés dignes du prix ou de la somme proposée, n'ayant regu ni l'un ni l'autre, il est de 1a justice et de la dignité de l'Assemblée nationale de ne pas faire attendre plus long temps à des artistes distingués, leurs honorables salaires, sur tout dans un moment où les arts ont besoin du plus grand encouragement ; en conséquence, je propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale charge ses comités des
annonce à l'Assemblée que le conseil t d'administration de la garde nationale de la villé de Niort à envoyé a l'Assemblée nationale la Somme de 700 livres pour être distribuée aux veuves^ et enfants de leurs frères d'armes tttéS â Nancy. [Applaudissements.)
donne lecture d'une lettre par laquelle M. Goudard le prie de prévenir l'Assemblée qu'Une indisposition ne lui permet 4pas dë continuer son rapport sur le tarif ues traites, ni ses fonctions de secrétaire de l'Assemblée.
propose, en conséquence» de remplacer l'ordre du jour par un rapport du comité de mendicité sur l'administration des secours. (Cette proposition est adoptée;) Un de MM. les secrétaires fait lecture de la lettre suivante îtdrëésée à M. le Président pai* M. l'abbé Fauchet, dernier président des ânciëhs représentants de la commune de Paris (1) : « Monsieur le Président,- L'Assemblée nationale a bien voulu accorder aUx anciens électeurs de Paris ia faveur de nommer une députation de ses membres pour assister à la fête qu'ils ont célébrée à Notre-Dame le 13 juillet. Les anciens représentants de l a commune sollicitent le même avantage. «Ils avaient unanimement arrêté pendant qu'ils étaient en fonctions» dé consacrer par des actions de grâces solennelles, dans l'église cathédrale, la journée du 4 février journée mémorable où le roi vint à l'Assemblée nationale reconnaître les droits dè là nation et s'unir à elle de la manière la plus intime. Les anciens représentants de la commune de PâHs, réunis en société fraternelle, Vous supplient de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale leur pétition respectueuse que les nouveaux décrets ne lelir permettent pas de présenter ëu personne. Rien ne manquerait à leurs vœUx si cette solennité civique, obtenant l'agrément du C'orbs législatif par dessus celui dè là municipalité, était sanctionfiêë cette année par la présence dè qUèlquës-uns de nos immortels législateurs. » (Applaudissements.) (L'Assemblée autorise M. le président à nommer les medibrés qui assisteront à cette fête { ces membres sont MM. 6oùpi|dePréfeln,de Fôliëville, l'àobè Bourdon et de Sinéty.)
MesèieMâ, des difficultés se sdât élëvées sur l'interprétation d'un
décret de l'Assèmblée, rendu le 14 mai derniejr, sur la question de
savoir si l'Assemblée a ëntèndu maintenir l'exécution des baux à ferme
des biebs ct-devant ecclésiastiques, faits par anticipation.
(Cette motion est décrétée.)
Je demande que les comités ne puissent plus donner de décisions sur les décrets de l'Assemblée nationale.
Ces décisidnS sont si utiles dans un grand nombre de départements, que les lois décrétées trouveront des obstacles dabs leûr Exécution si on ne les a pas ; souvent ce sfrtit les comités qui donnent le mouvement aux travaux deâ administrations et à la màrche de la Constitution, en donnant des avis et réponses utiles à la plupart des questions intéressantes à résoudre. Je demande donc la question préalable -sur la motion de M. d'André.
J'appuie la motion de M. d'André, parce qu'il, est souvent àrritê que deâ décisions différentes ont été dbntiêes sur la inême question.
Si vous privez les comités de donher dé3 opinidnfe pour éclairer ëeuX qui les consultent sur l'interprétation de la loi, il est impossible qu'elle reçoive son exécution- Ainsi, je demande, par amendement à là proposition de M. d'André, qu'il soit dit que lès comités ne donneront pas de décisions, mais pourront donner leur dpinidtt Sur l'observation de là loi.
Je prie l'Assemblée de se faire représenter le décret du 4 février dernier* qui règle précisément notre question.
Je demandé la question préalable sur la motion de M. d'André, et qde les comités ne donnent de décisions qiïe comme personnes éclairées.
Je demande le renvoi de ma motion au comité de Constitution.
Ii y a qtielque daùger au renvoi* Un décret autorise les comités, en se renfermant strictement dans le sens de la loi, à présenter des opinions, à donner des décisions, Si voub Voulez entraver et la contribution, et les finances, et surtout les Ventes des biens nationaux» vous n'avea qu'à rendre un pareil décret; car lorsqu'une décision du comité sera envoyée aux corps administratifs» ils diront : l'article est ajourné; en conséquence, nouë ne nous y soumettons pas. Ce motif me porte à appuyer la question préalable.
Je retire ma motion. -(L'Assemblée passe à l'ordre du jour).
Messieurs» les privilèges des ci-devant provinces belgiques exigeaient, dans les contrats les plus importants de la société, la présence ou le concours des différents officiers royaux» tels qu'échevins, hommes de hefs ét autres; ils étaient essentiels dans,les testaments^ donations, contrats de mariage, etc..; Vous avez supprimé le régime féodal, et par suitë tous ceâ officiers; mais yous n'avez dit,.dans aucun de vos décrets, quelle forme nous suivrions dans les actes où ils. intervenaient. , Dans votre décret du 28 décembre 1789, en
faisant espérer une loi générale et uniforme, il est dit que là où lés juridictions seigheuriales et municipales exerçaient les droits contentieux ou volontaires, les nouvelles municipalités! exerceront les mômes fonctions que lës anciëhnës jusqu'à l'établissement du nouvel ordre,judiciaire. Or, cet ordre étant en activité, l'attribution des nouvelles municipalités est. donc finie. Nous n'avons pliis d'officiers qui remplacent ceux qUe vous avez supprimés; cependant les dispositions de iios Coutumes existent toujours. Dé là il s'ensuit que nous ne savons en quelle fbrmé faire nos actes ; à cela joignez les inquiétudés les plus grandes sur lavalidité des actes faits depuis le 4 août 1789. Pour tranquilliser les esprits, je vous propose de décréter Ce qui suit : « L'Assemblée nationale décrète que, nonobstant toutes lois, Coutumes et usages contraires j la présence dès écheviïis, jurés dé Gattels, htidUnes de fief, od de tous officiers seigneuriaux, d'est pas nécessaire pour la validité d'kucun acte quelconque, passé depuis le 4 août ou 3 Novembre 1789 ; « Et qu'à l'avenir, il suffit dans tous les actes où la présence des Ci-devant officiers sëignëu-riaux était éïigée, qu'ils solënt faits conformément aux dispositions du droit commun. »
La question qui yôtis eât proposée peut faire-difficulté dâhs les détails ; il y a sbr ce point plusieurs Choses à preùdre ed Considération, qui méritent d'être examinées avec une attention particulière. Je dèmànde donc le renvoi de ce projet de décret aux comités féodal et de Constitution réunis, qui seront chargés d'en faire le rapport au plus tôt. (Ce renvoi est décrété.)
Messieurs,l'Assemblée nationale a décrété le 10 octobre 1790, qu'à cdinpter tlâ Ie* janvier 1791, il sera ouvert une adjuaicatibn des fournitures des vivres peur la triarine : il n'apparaît iiUllepart que ce déCrét soit exécute. D'abtrejjart, l*Aséémbléè a décrété qu'il serait appliqué 2 million^ à l'armement de 45 vaisseaux ; on assure que cette somme a été appliquée à un autre usage. Je demande, en conséquence, que l'Assemblée nationale charge son comité de marine de presser l'exécution du décret du 10 octobre 1790, et de vérifier l'emploi qui a été fait des susdits 2 millions faisant partie de ceux qui ont été décrétés, (L'Asseriibléé renvoie cette observation au comité de la marine.)
J'ai reçu de M. le ministre de ia jitstice les deux notes suivantes :
1er note.
« Le roi a donné âa Sanction, le 19 de ce mois: «• 1° Au décret de l'Assemblée nationale du 13 du même mois, relatif à l'élection des évêques et des curés, et singulièrement à celle du sieur Jean Moureilbn, à l'évéché du département de ia Creuse;
« 2° Au décret du même jour, relatif aux pertes et vexations qu'a éprouvées le sieur Joseph-Jé-rémie Tribert, négociant à Poitiers:-
« 3° Au décret dû rirêfbe ioar, relatif àu payement des appointements et Solde aëS officiers,
sous-officiers et soldats qui seront dans te cas d'être réformés, et des différents employés de l'artillerie et du génie;
4° Au décret du 14-, concernant le vèrseinént de 50;521,000 livres dahs la caisse du Trésor public;
« 5° Au décret du 15, relatif à l'épbque où sera en u&agë le bouton uaifortue, décrété le 23 décembre dernier, pour lés gârdéS hàtiort&les du royaume ;
6° AU décret du mêhie jotir, relatif aux doutes qui se sont élevés sur 1 interprétation des décrets concernant la férttiê dans laquelle il doit être provisoirement procédé aux. ventes et adjudications dès coupes déâ bois iiationaux ;
« 7° Au décret du même jour, relatif aux receveurs particuliers des décimes qui d'autant pas fourni ët soldé leurs Comptes dans quinze jours, à compter de la publication du présent dèèret ;
8° Au décret du même jour, concernant les accusés détenus dans les prisons d'AiXj dë Marseille) de Toulon et autreé villes*, pour crifl&efe de lèse-natibû
« 9° Au décret du 16, concernant les personnes oui prétendront devoir être comptées au nombre des vainqueurs de la Bastille, et sur les demandes desquelles il h'à pas été statué;
« 10° Au décretdumême jour, relatif à la nomination d'un nouveau président des administrations de département et de district, à chaque nouvelle session
« 11° Au décret du 17, concernant les troubles qui ont eu lieu, dans le cours de janvier présent mois], dans la , tille de Brie-Comte-Robert;
. « 12° Au décret du même jourj relatif aux titres d'activité des officiers de tout grade qui, ayant servi dans les troUpës de ligne} sont entrés dans les gardes nationales ;
« 13° Au décret du même jour, relatif à l'emplacement que le département du Puy-de-Dôme est autorisé à occuper provisoirement ;
« .14° Bt enfin, au décret du 18, relatif à l'Installation de ceux des juges des tribunaux; du département de Paris, qui sont membres de l'As* » semblée nationale.
« Le ministre de la justice transmet à M. le président les doubles' minutes de ces décrets, sur chacune desquelles est la sanction du roi.
a kgiiè : M; L. F. btîPbftT. ' « Paris, lé 27 janvier 1791. »
Deuxième note.
« Le roi a donné sa.sanction* le 21 de ce mois :
« 1° Au décret de l'Assemblée nationale du 15 de ce mois, relatif à la demande tendant à mettre en liberté les prisonniers détenus dans les prisons de Perpignan;
« 2° Au décret du 20, relatif à des plaintes des personnes détenues dans les prisond d'Aix, de Toulon et de Marseille; en suite des derniers troubles qui ont eu lieu à Aix ;
3° Au décret du même jour, concernant les événements qui se sont succédé, depuis, environ 1 mois, dans les départements du haut et du Bas-RhiUf et notamment à Strasbourg ; , jp'J
4° Au décret du même jour, relatif .à différentes sommes qui doivent être mises à la disposition du ministre du département, de ia marine?
« 5° Et le 23, au décret du 12 décembre dernier, concernant la vente des biens nationaux à la municipalité d'AmiénS;
« 6° A 5 décrets du 14, concernant pareille vente aux municipalités de la Chapelle, Saint-Mesmin, Ormes, Peuplingues, Houry et Guynes;
« 7° A 16 décrets du 15, concernant pareille vente aux municipalités de Cuires-la-Groix-Rousse, Orléans, Chaingy, Checy, Lyon, Gourteuil, Saint-Paul-Troia-Gbâteaux, Villers-le-Sec, Guye, Chaux, Saint-Hilaire, Saint-Mesmin, Orléans, Gosnay, Annonay et Orléans.
« 8° Au décret du 18 janvier présent mois, relatif aux demandes en liquidation d'indemnités pour suppression de dîmes inféodées;
« 9° Au décret du même jour, relatif au commerce et à la dépense civile et militaire du Sénégal ;
« 10° Au décret du même jour, concernant la nomination de deux juges de paix, dans le canton de Cou tances;
« L'établissement des tribunaux de commerce dans différentes villes ;
« L'union d'une municipalité et d'une paroisse, et l'élection d'une nouvelle municipalité;
11° Au décret du même jour, concernant les auteurs et distributeurs d'un prétendu bref du pape;
« 12° Au décret du 19, relatif à la résiliation des baux à loyer des bâtiments occupés par les dépôt d'étalons et par les bureaux des directions des vingtièmes ;
« 13° Au décret du même jour, concernant la paroisse d'Ëchassiéres, et les événements arrivés dans cette paroisse;
14° Au décret du 20, relatif à l'envoi au trésorier de l'extraordinaire, des contrats dé rente sur le ci-devant clergé, de ceux sur les aides et gabelles, billets de loterie, actions de la compagnie des Iodes, et au brûlement de ces effets ;
« 15°. Et enfin, au décret du même jour, relatif aux registres des préposés à la perception des droits de la régie des domaines et contrôles, et à la distribution du papier timbré.
« Le ministre de la justice transmet à M. le président les doubles minutes de ces décrets, sur chacune desquelles est la sanction du roi.
« Signé : M. L. F. Duport.
« Paris, le 28 janvier 1791.»
fait part à l'Assemblée de la conduite patriotique des bénédictins de Saint-Li-vrade, district de Villeneuve, département du Lot-et-Garonne, qui, après avoir remis au receveur du district la somme de 24,000 livres, provenant des revenus de 1790, quitte de tous frais, dettes et impôts, ont payé leurs décimes, donné 3,000 livres de dons gratuits, ont laissé des créances faciles à recouvrer, leurs mobiliers intacts, et pour plus de 4,000 livres de matériaux épars; ont habillé plusieurs pauvres, fait des aumônes de leurs économies, et se sont retirés en bénissant la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale, et acceptée par le roi. (L'Assemblée applaudit vivement au patriotisme des religieux bénédictins, et ordonne qu'il en sera fait mention honorable dans son procès-verbal.) L'ordre du jour est un rapport du comité de mendicité sur les bases constitutionnelles du système général de la législation et de l'administration des secours.
,rapporteur, donne lecture de son rapport (1) et de l'article lor du projet de décret présenté par le comité (2). Plusieurs membres demandent à aller aux voix sur cet article.
Je m'y oppose.
Il est essentiel de lire tout le décret, parce que l'article 22 lève un ajournement qui a été décrété dans une séance du soir. D'après cela, il faut connaître l'ensemble du décret pour pouvoir y statuer.
,rapporteur. Il est évident que le régime que propose le comité de mendicité porte particulièrement sur le 22* article, qui déclare biens nationaux les biens des hôpitaux, question qui a été ajournée, comme a dit M. de olleviile, dans une des séances du soir. Le comité, d'après quelques répugnances témoignées par une partie de l'Assemblée sur cette déclaration, a cherché tous les moyens possibles pour remplir les vœux de l'Assemblée sur cette disposition. Il persiste à croire que c'est le seul moyen d'appliquer convenablement les secours que vous pouvez donner dans toute l'étendue du royaume. Je pense donc que le 22° article doit être discuté le premier, attendu que nous le regardons comme la pierre angulaire ; parce que s'il arrivait que l'Assemblée le rejetât, elle ferait connaître son vœu relativement à un nouveau régime, d'après lequel le comité travaillerait. Je prie donc monsieur ie président de vouloir bien mettre à la discussion les articles 22 et 23.
J'observe à l'Assemblée qu'elle a mis à l'ordre du jour la lecture et non la discussion du rapport dont il s'agit. En effet, Messieurs, il y a une vérité qui me paraît bien évidente; c'est que pour secourir les pauvres, il faut des fonds. On ne peut en avoir que par les impositions; conséquemment, il faut s'en occuper préalablement. D'ailleurs, cette matière est la première dans l'ordre du travail que l'Assemblée, d'après le rapport de son comité central, a décrété. En second lieu, Messieurs, vous ne voulez point compromettre le soulagement que vous vous proposez de donner au peuple, au point de le confier à un système extrait de je ne sais quel livre philosophique, système qui peut être bon ou mauvais, mais système qui a besoin d'être confirmé par l'expérience, avant de commencer à détruire tous les hospices de charité. En conséquence, je demande l'ajournement.
Le préopinant ignore que M. Goudard ayant écrit ce matin à l'Assemblée nationale que sa santé ne lui permettait pas de continuer son travail sur les traites, il a été délibéré que l'on s'occuperait des bases constitutionnelle de la mendicité; d'après cette décison, la discussion doit s'ouvrir sur cette matière.
Messieurs, le rapport sur la mendicité est certainement rempli
d'humanité et de bon sens; il fait un honneur infini à son
Un membre : Gela est vrai!
Rien ne vous presse, Messieurs, de faire des lois relativement aux hôpitaux ; ne sont-ils pas administrés d'une manière sûre et tranquille ? Voix diverses : Oui ! oui ! Non ! non!
Ainsi, Messieurs, autant par intérêt pour la Constitution que pour la tranquillité publique, je vous demande de faire mettre sous vos yeux des objets plus pressants. Ces objets sont les jurés, les impôts, les gardes nationales, le complément de l'administration. Avant d'organiser les hôpitaux, il faut organiser la nation; et soyez sûrs qu'alors les pauvres ne souffriront plus. Renvoyez le reste à la fin de votre carrière, si mieux vous n'aimez, ce qui serait, suivant moi, plus prudent, le renvoyer à la législature qui nous succédera. Plusieurs membres : Aux voix !
Si les membres, qui maintenant font des observations, se trouvaient à l'Assemblée au moment où on fixe l'ordre du jour, ils n'attendraient pas qu'il fût fixé pour présenter leurs réclamations.
,rapporteur. Je n'ai pas le projet de m'opposer à l'ajournement qu'une grande partie de l'Assemblée paraît désirer et je m'unis même à elle pour le demander. Je dois faire toutefois quelques représentations. Sans doute, vous avez secouru l'indigence; mais il est certain, et j'en appelle aux habitants de la campagne qui sont ici, il est certain tque dans les 9 dixièmes des campagnes, il n'y a pas de secours. Plusieurs voix : Gela est vrai !
,rapporteur. Votre intention est d'étendre votre sollicitude sur les villes comme sur les campagnes ; et le devoir de votre comité a donc été d'embrasser les unes et les autres. On dit que les hôpitaux sont bien administrés et que tout le monde en est satisfait. Nous ne nous ennuyons pas des plaintes sans nombre qui arrivent à votre comité relativement à cela. La plus grande preuve que les administrations, en grande partie, ne sont pas bonnes, c'est qu'elles sont très obérées; c'est qu'il y a beaucoup d'endroits où les administrateurs d'hôpitaux sont très riches. Je dois ajouter encore, pour dernière objection, que lorsque nous avons proposé de décréter que les biens des hôpitaux seraient bien nationaux, nous n'avons pas prétendu qu'il fût nécessaire de les mettre en vente dès à présent.
Je suis parfaitement de l'avis de M. fiouche; c'est-à-dire qu'il ne faut pas alarmer la nation en lui annonçant la destruction des hôpitaux. Or, je demande qu'on applique à la distribution des secours les principes constitutionnels qui vous sont présentes ici; car enfin ils sont adaptables à 15,000 livres comme à 15 millions ; et cependant vous aurez la gloire qui vous appartient de vous être occupés des pauvres en général et de la sage distribution des secours à leur donner. Je pense donc que, sans entamer (a question* des hôpitaux, on pourrait discuter et décréter les bases constitutionnelles.
Il serait extrêmement impolitique de décréter dans ce moment-ci ces articles ; nous pouvons compter que la publi-' cité de ce décret porterait nécessairement le trouble et la discorde. Je crois, Messieurs, qu'il est très important de ne pas ajourner ce décret en entier; mais il me semble que l'Assemblée nationale a toujours eu l'intention de favoriser les pauvres, de donner des secours aux malheureux. Je crois qu'il est une portion de biens nationaux applicables à cet objet et je dis que lorsque la nation aura décrété une somme proportionnée au nombre de malheureux que peuvent fournir les départements, je crois, dis-je, qu'elle peut décréter que ces mêmes départements s'ocCupe-; ront des pauvres, en appurant le produit de3 biens-fonds appartenant aux hôpitaux. Je crois qu'en retardant cette précaution, nous manquerions à la promesse que nous avons donnée à la nation, de vouloir venir promptement au secours des malheureux ; et le bien le plus souverain qu'ils attendent de nous, c'est de voir que l'Assemblée nationale s'occupe véritablement de leur sort. : Je conclus donc à ce que le projet du comité soit ajourné dans ce qui concerne la vente des biens appartenant aux hôpitaux; je demande^ de plus, que l'Assemblée nationale décrète ce qui peut être accordé de secours aux différents départements, non pas aux ateliers de charité, maisbien,' soit aux infirmes, soit aux malades, afin que, d'après l'état qui sera fourni par le département, on puisse faire la part des hôpitaux. Quant au surplus, je demande l'ajournement.
Je propose d'ajourner la totalité du plan, après l'établissement de la totalité de l'impôt. (L'Assemblée ajourne la discussion du projet de décret, jusqu'à ce qu'elle ait statué sur les bases générales de l'impôt.) L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de tarif des droits de traites (1). ;
,rapporteur (2), demande que le tarif soit décrété en masse.
observe qu'il faut lire article par article, afin d'examiner les modifications ou augmentations des tarifs.
On prétend que sur les toiles,
Je demanderais donc, Monsieur le président, qùôri ecOùtât les réclamations de chacun des membres sur cette partie, en détail, et qu'avant que d-apporter la totalité d'un décret à 1 Assemblée, on eût soin de se tenir invariablement à la base qui a été décrétée.,
j'observe à l'Assemblée que dans l'article de toiles, par exemple, çôUX qui ont combattu le projet du comité, sont pârtis de bases qui ne sont pas celles du comité. Si vous renvoyez l'examen des bases au comité même qui a dressé le tarif, il est clair que vous l'instituez juge et partie.. Je demande (Jonc que 1 on noiâiqë des commissaires. (Murmures.) (L'Assemblée décrète qu'elle délibérera en masse sur le tarif.)
,rapporteur. L'Assemblée vient de décider qu'elle décréterait en masse le tarif que nous lui avons proposé : il faut faire une lecture dé la totalité du tarif. Plusieurs voix : Non 1 non!
propose d'imposer 3 sous par quintal les articles de toute espèce marqués zéro ans le tarir.
répond que les habitants des frontières seraient exposés à des gênes perpétuelles; il demande la question préalable.
appuie la motion ^e M. Rewbell. (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer.)
Puisque nous favorisons l'importation de l'àçier non ouvré, nous devons l'imposer à sa sortie; cependant le tarif ne l'assujettit à aucun droit dè sortie.
,rapporteur. L'Assemblée a décrété différents droits sur les métaux; mais sur le fer en gueule elle n'a pas cru devoir en établir. Elle en a mis de très modérés sur les fers en barre, et je né crois pas que cet objet soit susceptible d'une forte imposition.
Si vous voulez favoriser vos fabriques d'acier, elles feront face à votre consommation. J'ai l'honneur de vous dire, Messieurs, qu'il s'est établi depuis quelque temps, dans la forêt de Char tau en Pauphiné. une manufacture d'acier qtti a porté son travail a un tel degré ae perfection, qu'avec cet acier nous fabriquons aujourd'hui des outils qui nous venaient toujours de l'Allemagne, tels que des faux, limes et autres objets. (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.)
C'est par intérêt pour lé Trésor pu- blic que je demande la radiation du droit de 6 livres par quintal de librairie française^ parce que ce droit ne rapportait rien et était trèsvexa-toire. On ouvrait toutes les balles de livres qui entraient en France, pour voir s'il s'y trouvait quelques volumes français qui auraient peut-être rapporté 2 ou 3 sous, et on perdait beaucoup de temps.
,rapporteur. J'observe que nous avons beaucoup réduit ee droit. (L'Assemblée rejette l'amendement.)
J'ai une observation à faire sur la prohibition des bois de construction navale. Les forêts de ma province n'ont aucun débouché dans 1 intérieur du royaume ; je demande, en conséquence, que les bois puissent sortir par la Moselle et la Sarre en payant les mêmes droits qu'auparavant
Lorsque M. Goudard a fait son rapport sur les traites, il a observé qu'il fallait nécessairement décréter le principe général de la prohibition des bois, sauf à faire des exceptions sur la demande des départements.
En ce cas, je demande qu'il ne soit ried décidé sans l'avis du comité de marine. Il est bon que l'Assemblée sache que dans le régime précédent, sous prétexte que quelques provinces ne pouvaient transporter leurs bois dans l'intérieur du royaume, on a dépouillé deux provinces de tous leurs bois dé construction ; on les a vendus 2 sous le pied cube aux Hollandais, qui nous les ont revendus ensuite 3 livres et 3 1.10 s. le même pied cube.
Je propose que les demandes particulières des administrateurs de départements, relativement à l'exportation des bois, soient renvoyées aux comités de marine, des domaines et de l'imposition pour, sur . leur rapport; être statué ainsi qu'il conviendra à l'intérêt national. (La motion de M. Parent est décrétée.) Un membre : Autrefois les clous étrangers étaient totalement prohibés; si vous ne portez à 8 livres le droit de 6 livres que propose le comité, il s'ensuivra que les manufactures nationales seront entièrement ruinées. (L'Assemblée décrète que les clou3 étrangers payeront 8 livres le quintal.)
Je demande le renvoi au comité d'un article sur la potasse, dont il n'est pas fait mention dans le tarif. (Ce renvoi est ordonné.)
Une pétition des fabricants de toiles de la Flandre a été renvoyée aux comités qui ont été chargés de donner leur avis sur cet objet. Quelle suite cette pétition a-t-elle reçue ?
,rapporteur. Cette pétition sera prise en considération ; mais les comités n'ont pas eu ie temps encore de s'en occuper.
Messieurs, le tarif des traites doit être adopté par un décret exprès ; je vous propose le suivant: « L'Assemblée nationale décrète que les droits d'entrée et de sortie, sur les productions et mar-
chandises venant de l'étranger, seront perçus conformément au tarif annexé au procès-verbal de ce jour. » (Ce décret est adoptée)
Il faut statuer maintenant sur les articles que vous avez renvoyés au comité, comme les toiles et les huiles venant de l'étranger. (Murmures.) J'entends dire à côté de moi que ce qui regarde les huiles a été décrété; je ne vous propose point de revenir sur le décret, mais de charger le comité de vérifier si l'on n'a point excédé les hases décrétées et s'il n'y a pas une erreur de fait relativement au traité fait avec les Américains. Je vous prie, Messieurs, de considérer que votre commerce avec les Etats-Unis est peu considérable. L'Angleterre, après avoir perdu ses colonies, a pourtant eu l'habileté de s'emparer de la presque totalité de ce commerce. Il n'est pas de vôtre intention de repousser nos frères en liberté, ceux que nous avons intérêt, sous mille rapports, d'attirer dans nos ports. Voici mon projet de décret : « L'Assemblée naliohàle ordonne aux comités de comtoerce, d'imposition et diplomatique de rendre comp te, dansla séance d'après-demain, des observations qui leur ont été adressées et envoyées, notamment sur les droits relatifs aux toiles et aux huiles venant He l'étranger. »
Je demande que M. Démeunier exhibe le traité dont iîparte. Je suis cértâin qu'il n'y en a pas. Quant aux toiles, il y à un décret rendu après une discussion qui a duré deux heures. Je demande la question préalable sur le projet de décret qu'il Vous propose. M. Démeunier m'objecte qu'il y a un arrêt du conseil. Estrce. là une loi pour nous? Ce n'est qu'une pétarade.
Je rappelle à l'ordre l'arrêt du conseil dans voire bouche. , (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.), j
Avant de passer à l'ordre du jour, je, suis obligé, de donner une triste nouvelle a l'Assemblée- M* La Ville-Leroux a reçu de la municipalité de Lorient, par sa lettre du 26 de ce mois, 1 affligeante nouvelle tque le vaisseau VÂmphitrite, venant de l'Ile-de-France à Lorient, s'est perdu dans la nuit du 22 au 23 de ce mois du côté de Pennemarch,et que sur i08 hommes, 105 ont perdq la vie j il y avait 50 passagers sur ce navire, du nombre desquels étaient les députés de l'Ile-de-France à l'Assemblée nationale.
J'ai reçu de M. Bailly, maire de Paris, une lettre par laquelle il ine prévient des adjudications faites le 30 janvier courant, par la municipalité, de 3 immeubles nationaux consistant en une maison, rue des Saints-Pères, louée 1,614 livres, estimée 9,500 livres et adjugée 26,200 livres; le second en .un terrain et construction, rue de Grenelle-Saint-Germain, loués 1,006 livres, estimés 13,927 livres, adjugés 31,200 livres; le troisième, en un terrain d'un arpent dix perches huit toises, loué .150 livres, estimé 2,750 livres, adjugé 9,000 livres. L'Assemblée reprend la discussion du tarif des traites.
Je viens de recevoir une lettre en forme de mémoire, de la part des fabricants dé fils tors du département du Nord,, relativement aux droits d'entrée portés seulement à 15 livres le quintal, tandis, que jusqu'à présent, l'entrée avait été prohibée. Je demandé le renvoi de cet article aux comités réunis de l'imposition, d'agriculture et de commerce, pour être examiné et rapporté à l'Assemblée. i(Ce renvoi est ordonné.) :
,rapporteur. Il reste maintenant à statuer sur les droits qui seront imposés sur nos vins à l'exportation. Vos(:comitésf en s'occupant de la revision du projet de tarif avaient unanimement pensé que les vins exportés en doubles futailles et en bouteilles , pourraient supporter un drdi{t de 10 livres: par mUid; muscat et de liqueur 6 livres; rouge, par les /rivières de Garonne et Dordogne, autres que ceux ,ci-après, 9 livres; blanc, 4 livres; Vins rouges,et blancs du Quercy et du Périgord, qui seront chargés de bord à bora au port de Libourne, et seront accompagnés d'un acquit à caution du bureau de Castillon, 2 L 10 s.; vins exportés par les départements des Hautes et Basses-Pyrénées, 3 livres; par le département de l'Anège et les ; frontières d'Espagne, 1 1.10 s. ; vins musc^ts^ exportés par les mêmes départements, 6 livres ; vins exportés par les départements des Pyrénées-Orientales, 2 livres; par les départements des Bpuches-du-Jlhône et du Var, 1 1. 10; s. ; par les départements des Hautes et Basses-Alpes et de l'Isère, 2 livres ; par le département de l^Ain, 1.livre; par les départements du Mont-Jura et du Doubs, 10 livres; par lès départements du Haut et Bas-Rhin et de la Moselle, 10 liyres; par les départements des Ardennes, de l'Aisne et du Nord, lO.liyres; par les porte des départements du Pas-de-Calais, de la Somme, de là Seine-Inférieure, du Calvados, de la Manche, des Qôtes-durNord» de riUe-et-Vilaine, du, Finistère et du Morbihan, 10.^livres; vins exportés par le dépàrtepdent deila LoireTlnmrieure, 2 livres; vins exportés par les ports des départements de la Vendée et de là Charente-Inférieure» 2 livres ; vins de liqueur de toutes sortes, 6 livres ; vins en bouteilles et en doubles futailles de toutes sortes, 10 livres; vins exportés par les départements de la Loire-Inférieure, du Doubs, du Mont-Jura, du Haut et Bas-fthin et de la Moselle» qui seront déclarés de la, valeur de 30. livres le muid et au-dessous, sauf la retenue ci-après expliquée eu cas de mésestimation, 10 livres. N. B. Si les expéditionnaires des vins préfèrent d'acquitter le droit de sortie à raison de 5 0/0 de la valeur, ils en auront la faculté; et dans ie cas de mésestimation, lçs; préposés seront autorisés à en faire ia retenue, en payant auxdits expéditionnaires la valeur déclarée, et le dixième en sus. Mais cette option, n'aura pas lieu pour les vins muscats et de liqueurs, tarifés à 6 livres, par muid, ni pour les vins exportés en bouteilles ou doubles futailles, tarifés à 10 livres par muid, lesquels acquitteront ces droits, quelle, que soit leur valeur et leur qualité. Différentes réclamations tant des propriétaires qui exportent dans Bordeaux, que de différents départements, ont amené votre comité à vous proposer quelques modifications dans le tarif; les voici : les vins exportés par les départements des Hautes et Basses-Pyrénées payeront lè muid de Paris, 2 livres ; par les départements du Mont-Jura, du Doubs, du Rhiu et de la Moselle»! 1.10 s.;.
Tins exportés par les départements de la Vendée, de la Charente-Inférieure, 1 livre; vins blancs justifiés du cru du comté nantais, exportés par Nantes, 10 sous.
Je crois, Messieurs, que 3 questions se présentent ici : Est-il avantageux d'imposer les vins à la sortie du royaume pour l'étranger ? Si les vins doivent être imposés, quel sera le droit pour chaque province? Lequel des deux modes de perception proposés par le comité faut-il adopter? Je commence par examiner s'il est bon d'imposer à la sortie du royaume pour l'étranger une denrée abondante et superflue, une denrée dont le produit brut est de plus de 9 millions, année commune, une denrée dont les frais de culture, d'enfutaillement, de transport par terre et par eau font circuler environ 80 à 100 millions dans les mains du peuple et 30 millions dans celles des propriétaires des vignes. Une question d'un si grand intérêt peut se résoudre par le fait, lors-qu'en dernière analyse c'est pour un mince produit de 2 millions qu'on va tourmenter l'agriculture, embarrasser ou restreindre le débouché d'une denrée que nous ne pouvons consommer qu'en partie et qu'il faut nécessairement porter à l'étranger, une denrée qu'il est facile et important de rendre plus abondante, puisque nous avons en France une immensité de terrains sablonneux et montueux que la culture de la vigne peut seule fertiliser. Sous tous ces rapports il est doue incontestable que nous devons affranchir la sortie de nos vins, et ne pas arrêter le progrès d'une culture aussi utile avec des lois et des formalités aussi gênantes. Mais on dit qu'il faut des impôts ; que celui proposé sur les vins est le plus commode, le moins onéreux, parce qu'on croit que l'étraDger ne peut pas se passer de nos vins et que c'est lui qui paye nos droits. 11 faut des impôts, sans doute, mais comme il en est peu de bons, il faut se déterminer pour les moinsmauvais;et,certainementceux qui nuisent à l'agriculture sont très dangereux, puisque sous une forme déguisée c'est une augmentation de l'impôt territorial. D'ailleurs, qu'est-ce qu'un produit de 2 millions, si pour les lever on condamne à la stérilité des terres qui n'attendent qu'un encouragement et qu'un débouché pour se couvrir de récoltes abondantes. L'étranger consomme et consommera nos vins. Mais ne désirez-vous pas qu'il puisse en consommer beaucoup ? et ne s'en COnsommera-t-il pas une plus grande quantité lorsqu'il sera en profusion et à meilleur marché et s'il peut, à cet égard, rivaliser avec ceux des autres pays? Mais comment rivaliser et même obtenir la préférence, si un tonneau de vin rouge contenant 3 muids paye 27 livres à la sortie sur une valeur de 120 à 150 livres? L'étranger calcule assurément et il ira s'approvisionner dans un pays où un meilleur système de commerce et de finances affranchit une production surabondante. C'est,au surplus, une grande erreur de croire que l'étrauger ne peut pas se passer de nos vins ; il ne cessera pas d'en boire, mais il en boira moins. Après avoir exempté du droit d'entrée toutes les matières premières en faveur de vos manufactures, la denrée qui est ]a seule surabondante en France, celle qui convient à tous égards au consommateur étranger, celle que vous pouvez céder à des conditions que nnlle autre nation oe peut remplir doit-elle être retenue captive pour un misérable produit de 2 millions ? Lorsque le feu roi de Prusse eût conquis une partie de la Silésie, il proposa & la France d'y faire entrer ses vius, à la charge de certains droits qu'il aurait perçus. A cette condition il voulait s'engager à faire consommer dans ses Etats 120,000 muids de nos vins. On accueillit mal cette proposition ; le système destructeur des|prohibitionsl'emporta,et le roi de Prusse admit chez lui les vins de Hongrie, en chargeant les nôtres d'un nouveau droit. Nous devons passer à cet égard entre deux écueils, mais profiter de l'expérience. Je conclus donc à ce que les droits de sortie sur tous les vins soient supprimés. Mais si les besoins publics exigent impérieusement cette imposition, peut-elle être répartie avec aussi peu d'égalité? Les vins du comté nantais et de Langon ne sont taxés à 1a sortie que 10 sols par muid ; ceux de Provence, que 30 sols. Ces vins coûtent, année commune, de 100 à 180 livres les 3 muids. Ceux que Bordeaux envoie à la Hollande, l'Allemagne, la Russie, la Suède ne sont pas d'un plus haut prix; et cependant on veut qu ils payent 61. 10 s. par muid. Cette différence est foudée sur l'idée générale où on est que les vins de Bordeaux sont d'une qualité supérieure à tous autres. D'après la quantité qui s'en exporte par la Garonne et la Gironde, ces deux départements payeraient 1,400,000 livres, lorsque tous les autres départements du royaume n'en payeront ensembleque 600,000. Serait-il juste de surcharger ainsi l'agriculture d'une province? On me permettra de désirer que les vins de Bordeaux soient traités avec plus d'égalité. Il me reste à parler du droit d'entrée proposé par votre comité. Si vous supprimez le droit d'entrée, ie mode de perception est inutile; si vous le conservez, je dois vous représenter, Messieurs , que la proposition de faire payer le droit à raison de 5 0/0 de la valeur est inadmissible ; mais une chose importante que le comité doit placer dans l'instruction, c'est d'établir le rapport du muid de Paris avec toutes les autres mesures du royaume. Au surplus, j'en reviens à penser que les droits de sortie sur tous les vins doivent être supprimés.
Je viens à l'appui de la proposition de M. Nairac, que l'Assemblée ne peut prendre de parti sur l'exportation, qu'elle n'ait décrété préalablement un droit sur les boissons vendues en détail dans le royaume. Il serait injuste, suivant moi, de faire payer pour l'exportation du vin si on ne payait pas pour le vendre en détail dans le royaume; d'ailleurs, vous devez favoriser la culture des vignes; c'est une des grandes ressources du royaume que vous vous exposeriez à tarir, ou du moins à diminuer beaucoup, si vous chargiez de droits vos vins à la sortie du royaume.
Dans les pays vignobles, nous sommes manufacturiers de vins. Les marchandises provenant de nos manufactures exportées à l'étranger ne doivent payer aucun droit ; c'est un plan dont vous ne devez pas vous départir. Pourquoi donc vouloir imposer un droit de sortie sur nos vins?
Nos vins étaient assujettis aux droits d'aides et à un droit de sortie, cependant ils se vendaient. Aujourd'hui ils ne sont plus sujets au droit de circulation. On ne conservera plus que de très légers droits de sortie. Je ne
conçois pas d'après cela, à moins qu'on ne veuille révoquer le décret sur le recrutement des barrières de l'intérieur, qu'on s'oppose à une taxe à la sortie de nos vins proportionnelle à leur valeur. Les vignerons du canton de Bordeaux sont sous la férule des marchands de vins qui en fixent le Îtrix. Ici ce ne sont pas les cultivateurs, ce sont es marchands de vins qui vous font de pareilles réclamations; j'appuie le projet du comité. (Applaudissements d'un côté ; interruptions de Vautre.)
Le premier domaine d'une assemblée délibérante, c'est la liberté de contradiction. Plusieurs membres demandent à fermer la discussion. (L'Assemblée décide que la discussion est fermée.)
Je demande la question préalable.
Sur quoi porte la question préalable ? Est-ce sur le projet du comité, qui propose d'établir des droits, ou sur la proposition de M. Nairac, qui ne veut pas de droits sur les vins? c'est sur celle-ci qu'il faut invoquer la question préalable; car si cet amendement destructif du projet du comité passait, alors l'agriculture... (Interruptions.)
Je demande la question préalable sur la proposition de M. Nairac. Il s'agit de savoir s'il y aura ou non des droits sur les vins à la sortie du royaume.
rapporteur. L'article que vous discutez est le plus difficile dans le tarif des traites, à cause de la différence de nos vins français. Si leurs besoins n'étaient pas extrêmes, peut-être ne vous aurions-nous point proposé cet impôt : mais je dois vous dire qu'il est entré pour 2 millions dans la balance de notre recette.
Ce fait change l'état de la question. Plusieurs membres demandent à aller aux voix. L'Assemblée décrète le principe suivant : « Les vins seront imposés à la sortie du royaume. »
D'après ce qu'a dit M. Nairac, je demande une diminution sur les droits proposés dans le tarif du comité. D'après le dire des députés du Lot-et-Garonne, s'il y a des vins dans ce pays qui montent à 1,200 ou à 2,000 livres le tonneau, il y en a qui ne valent pas 90 livres.
Ce tarif n'est pas proportionné pour être décrété dans ce moment-ci ; il propose le même prix pour les départements de la Charente et de la Vendée ; il est constant, et j'en appelle à tous ceux qui connaissent le pays, que les vins du département de la Vendée sont inférieurs à ceux du comté nantais.
L'Assemblée a déclaré qu'il y aurait un droit de sortie sur tous les vins ; mais elle se gardera bien, sans doute, d'adopter les bases du comité. Elles sont au désavantage du royaume ; car il est certain que plus on exporte de marchandises d'un pays, plus on y attire les richesses et le numéraire. Il faut donc favoriser autant qu'il est en nous l'exportation. D'ailleurs, en retour de vos marchandises, des vins de Bordeaux et autres, l'étranger nous donne de ses productions ; c'est surtout sur ces objets qu'il faut faire supporter l'impôt. Vous arriverez, par là, à ia même recette. Je demande donc que les droits proposés par le comité soient réduits à moitié pour les vins qui sortiront par mer du royaume.
Je soutiens que ce droit ne peut être qu'uniforme : s'il était gradué, comment constateriez-vousque le vin qui se présente à une frontière, pour en sortir, doit payer l'impôt que vous aurez tarifé pour le département de la Marne, plutôt que l'impôt du département de la Meuse? Ce serait, dites-vous, sur la déclaration; mais elle peut être fautive, et l'intérêt la rendra vicieuse. Le tarif uniforme ôte toute espèce d'inconvénient. Je conclus donc à ce que le droit soit uniforme et fixé d'après la valeur moyenne des vins.
Quel que soit le produit de l'impôt que vous établirez sur l'exportation des vins, cet impôt, comme tous les autres, doit être réparti avec justice; et il le serait d'une manière horriblement injuste, si le tarif était uniforme. Le tarif gradué, vous a-t-on dit, serait vexateur : cette qualification est incertaine; mais il n'est point du tout incertain que de l'uniformité résulterait la plus horrible des inégalités. Quoil il y a dans le département de Bordeaux des tonneaux de vins de 2,000 livres, de 1,000 livres, de 500 livres, et vous voulez que le tonneau de vin de 2,000 livres ne paye pas plus que celui de 150 livres? Plusieurs membres demandent le renvoi de la discussion à demain. (Le renvoi à demain est décrété.)
Avant l'ordre du jour de demain, qui sera la continuation de la discussion sur le tarif des traites et ensuite sur les jurés, le comité de judicature fera un rapport sur la liquidation individuelle des offices.
(La séance est levée à trois heures et demie.)
SIXIÈME RAPPORT (1).
du comité de mendicité
sur la répression de la mendicité. — (Imprimé par ordre de l'Assemblée
nationale). Titre Ier
De la répression de la mendicité.
La liberté, ce vœu constant de la nature, suppose nécessairement dans les hommes quelques . facultés propres à leur assurer cette première indépendance qui constitue leurs droits.
Assujettis à des besoins indispensables pour tous, il fallait à tous les moyens d'y suffire. Cé moyen est le travail, source unique de toute existence.
L'homme isolé devait périr, ou touâ faire pour lui-même. Il a apporté dans la société, et'ses'besoins et ses droits; et il n'a pu étendre ceux-ci que par la réciprocité dés devoirs, qui Unit les nommes rassemblés en société, et à laquelle il a pris l'engagement de concourir.
Les hommes rassemblés ont donc pù dire ; Travaillons les uns pour les' autres ; 'niais' certain nement aucun n'a pu prendre l'engagement de travailler gratuitement, et comme par corvée, pour tous ceux qui, n'ayant ni fpnds, ni avances, se refuseraient au travail. Une pareille convenr tion serait destructive de la société et dç la liberté.
L'homme sans avances né pouvant subsister sans travail, qu'au préjudice de quelqu'un, peut donc être Contraint au travail, par la' nature même du pacte social, fondé 'sUr l'utilité réciproque de tous les membres de fa société.
La répression de cçt homme qui,, sans rien posséder, voudrait vivre sans travailler, n*est donc qU'Une Mité' de la convention qu'il a faite lui-même en se mettant en Spciétéy' ët à laquelle il ne peut manquer, sans mettre leis autres en souffrance. Elle ne blesse donc pas les droits de l'homme; elle les maintien t.
Sans doute, à considérer l'actioq de mendier uniquement en elle-même, et sans ' égard à Ses conséquences, elle pourrait ne pàraftrë, qu'un exercice très simple de la liberté que chaque individu a d'agir à son gré, et comme il l'entendj pourvu qu'il ne porte aucune atteinte 'A la liberté d'aucun autre, te mendiant qui sollicite la charité des passants, n'oblige pas les passants, à l'assister; il ne prétend obtenir,d'eux qu'en les intéressant par sa misère.
S'il n'obtient rien, ou s'il n'Obtient qu'incomplètement, il a fait un mauvais calcul; il eût pu, en travaillant, en faire un meûl^ir :. mais il était le maître de courir la chance qont ii est victime. La mendicité, ainsi considérée, ne pôûrrait être ni réprimée, ni gtënéé,;
Mais la législationi^e ,peut voir d'une manièr$ isolée les actions dés membres qui'composent la société;; ce gont ieurs conséquences qui les rendent réellement bonnes ou mauvaises, licites ou à défendre.
L'homme qui préfère la mendicité au travail, met sa subsistance au hasiiru; et ce malheur en est d&à un grand pour ty société,.
Mais que te métier de mendiant fournisse, ou non, une subsistance certaïneâ celui qui l'exerce, toujours enlève-tril de? ,l}fas .au travail; et ce mal est déjà plus grand pour l'Etat. I/homme qui exerce ce métier semhtedirpaq milieu ,de la société : Je veux vivre oisif ; cêdéi-inoi'pratuuentent une por-tio» de votre propriété-; ..i projio-
sition antisociale sous touslesrapportsij çar celui qui consomme et né reproduit pàs, absorbe la subsistance d'un homme^ptiteficar la richesse d'un Empire n'existant que "par ses produits, prend sa source da.ns le nombre 4e ses habitants laborieux. En ne faisant rien pour l'utilité commune, le mendiant qûi pourrait travailler, non seulement appauvrit la société par son oisiveté, il l'inquiète encore par l'incertitude où il se trouve de satisfaire à ses propres besoins. Gomme je moyen de la mendicité est alorsleseul qu'il ait pour yivre. s'il lui. manqué, ii doit être biën près a'en chercher de plus certains encore, et de plus dangereux. Commandé par la faim,' il est en j
guerre avec tout ce qui l'environne, et la société est exposée aux entreprises du besoib,' qui doit vouloir impérieusement se satisfaire. Cet état de fainéantisè et de vagabondage, conduisant nécessairement au dêèordrë et au crime, et les propageant, est donc véritablement un délit Social; il doit donc être supprimé, et l'homme t|ui l'exerce, être puni à autant dë titres tjpe tous ceux qui troublent, pàr d'autres délits plus ou moins graves, l'orare pu&&* Cette punition ne contrarie pas plus l'exercice des droits d*e l'homme, que la punition d'un fripon ou d'un àssassin : car la liberté individuelle et "civile ne peut-être que la faculté de faire librement toutes les actions qui ne compromettent, ni l'intérêt général, ni l'intérêt légitima d'un autre. Qu'on ne dise pas qu'un homme riche aie droit de donner son superflu à un être nuisible à la société, puis-qu'alors cet homme se met en association de malveillance contre la chose publique. Il est incontestable que si tous les propriétaires avaient résolu de consumer dans les flammes les deU-rées qui ne leur sont pas nécessaires, ils se rendraient coupables d'une conspiration contre l'humanité.'rCélui qui donne à un vagabond conspire donc contre une partie de la société, comme le vagabond, ep recevant gratuitement, conspire contre l'individu qu'il force à travailler pour lui.
Il est inutile de répéter ici, que, pour que cette vérité soit tout entière applicable à la mendicité, il faut que la mendiant ait pu se procurer du travail. Sans, cette condition, la répression serait à soil tour une injustice, par conséquent un crime! cothmis par la société; et le comité de mendicité ne déshonorerait pas, par une telle proposition, son travail aux yeux de l'Assem-
' Si, comme il n'est pas douteux, l'intérêt de la société, et même tes véritables principes de liberté et de propriété ordonnent la répression de là mendicité, tl pe faut que chercher à Rétablir sur les mêmes bases qui doivent être Constamment celles de toute institution sociale.
L'homme 4Uv mendiant, cherche à obtenir de dçla société sa subsistance p^r une industrie pernicieuse, manque, ainsi qii il eh est convenu, au premier-devoir imposé par lasociêté. Il fuit le tra-: vail ; il doit y être ramené par tous les moyens qui peuvent lui en faire connaître les avantages.
de délit est plus oU moins grave, et selon l esr jpèce de l'homme qui le commet, et selon sa irécidivg, et selon les circonstances qui l'accompagnent; mais la punition qiii 1e réprime, différente par sa vérité, doit avoir toujours le même but; de rendre le coupable meilleur, et d'en faire un homme utile à là société.
Le mendiant domicilié doit être considéré comme commettant un délit envers la société au* quel un moment d'erreur, de paresse? de fainéantise'l'ont porté, mais auquel il ne l'a pas été par nécessité, puisque ayant domicile il est appelé de droit aux secours de la municipalité, district îoU départementàuxquelsilappartiént, aux secours volontaires dé ses concitoyensr qui, s'ils le connaissent honnête et laborieux, ne le laisseront pas dans le besoin absolu. Lè mendiant étranger ne peut être cqnsidéré que cpmmç commettant un délit ayec nécessité, puisque les ^écoûrë du lieu où ii se troqtè pê fui appartiennent ^pas dë droit; qu il n'est connu de personne, et que son état actuel fait pçpjqger contre90 n aniour du travail' et qpnt^e. ges mœurs ; ainsi l'adrainistration pèiit dire au premier ; Retournez dans vos foyer $
et offrez-vous aux travaux ouverts de toutes parts; cherchez à vous en procurer : et elle ne peut dire au second que : Quittez ce lieu où personne ne Vous doit rien, où nulle maison ne doit vous recevoir, et où vous ne vous êtes pas procuré du travail.
De cette position différente, il résulte que la loi, avéC lé même principe de bouté, le même but d'apaélioration pour l'un et l'autre de ces hommés, doit les traiter différemment ; elle doit renvoyer le domicilié à la censure de ses parents, de ses concitoyens, delà police municipale de son village, aux moyens qu'il y trouvera de reprendre son travail ; elle doit faire arrêter l'autre pour connaître s'il a des*ressources, quelles elles sont, lui en assurer ne momentanées jusqu'à ce que connaissant le lieu gui a le devoir de le nourrir, il y soit renvoyé s'il est domicilié français, ou ôcondtiit du royaume s'il est étranger; elle préserve ainsi le lieu où cet homme est arrêté du danger que doit toujours faire craindre celui dont la subsistance n'est pas assurée, et qui ne cherche plus à se la procqrer par son travail. L'exercice du droit d'arrêter nn mendiant est donc non seulement un devoir de police, mais il ést aussi un acte de bienfaisance, puisqu'il est suivi du secours à l'homme qui n'a pas de quoi vivre, qu'il lui donné, par l'habitude du travail auquel il le soumet, le moyen de subpister. Cet homme ainsi assisté est renvoyé dans le lieu soumis à la surveillance de ses concitoyens, où il a le droit aux secours Ordonnés par là Constitution.
Si l'homme qui st domicile est cependant repris en mendicité, si l'ascendant de là paresse et le penchant au vagabondage l'entraînent au même délit, malgré tous les moyens qui lui sont donnés de devenir un bon citoyen, il devient sans doute plus coupable; et selon qu'il récidive plus ou moins, selon qu'il résiste plus opiniâtrement aux moyens successivement plus rigoureux employés dans la vqe de son propre intérêt et de l'intérêt public pour Je ramener a l'ordre, il devient plus dangereux; enfin il doit être confondu avec les hommes qui, mendiants de profession, vagabonds 6ans domicile, ont tellement contracté l'habitude du vagabondage, qu'ils ne peuvent laisser à la société aucun espoir d'amendement, et qu'ils ne lui offrent que des motifs d'effroi.
Ainsi, l'homme renvoyé à son domicile plus ou moins de fois, averti, et par cette première répression et par la voix paternelle de sa municipalité, du délit qu'il commet et du danger moral qu'il court en se vouant à la mendicité doit, s'il est repris mendiant,être plus fortement réprimé; e'est alors que la loi, ayant toujours en vue de son amendement, dôit ordonner qu'il soit pendant un certain temps enfermé dans une maison de correction, que là son bien-être dépende de son travail, pour lui en faire, par son propre in» térêt, reprendre l'habitude, et lui rendre le moyen de n'être plus un sujet dangereux pour la société.
Ces mesures doivent être ordonnées par la loi autant de fois qu'elles peuvent être espérées salutaires; mais comme les heureux succès en deviennent à chaque récidive moins probables, les moyens doivent être plus fortement employés et la détention rendue plm longue.
Ge n'est pas ici lë moment d'occuper l'Assemblée de la législation des maisons de correction j un rapport succinct, mais particulier, traitera cet objet : nous nous bornerons seulement àdireque cette législation nous semblera bien remplir son objet principal, si elle rend le travail, la mesure du sort plus ou moins doux de eelui qui est détenu pour avoir péché envers la société par le
manque de travail ; si elle n'autorise là liberté du détenu qu'en le pourvoyant d'Une somme qui, pouvant, sans de nouveaux secôurs, le faire arriver dans sa municipalité ou dans un liéu où il pourra trouver du travail, le préservp dé la nécessité de reprendre l'état qui a motivé sa détention; si elle écarte autant que possible du régime de ces maisons l'arbitraire dans le traitemèiit dés détenus ; si elle en éloigne soigneusement tout sujet de méfiance, et si elle rend la justice, la mesure unique et évidente de toutes les peines et de toutes les douceurs.
Mais si les détentions répétées dans ces maisons, leur plus grande durée successive n'ont pu détruire l'esprit de fainéantise ; si l'hommé détenu retourne toujours à l'état de vagabondage chaque fois qu'il est mis en liberté ; si mêrçe, pendant le temps de sa détention, 11 s'obstine à ne point se livrer au travail, il ôte à la sôciété tout espoir de sa correction, il dévient pour elle un sujet dangereux, et ellé doit pourvoir à s'en préserver.
Au nombre de ces hommes contre le danger desquels la société doit opposer Une forte ppla-sançe, il faut ranger ceux qui, sans aveu sans asile, se réunissant par attroupement, mendient avec menace et insolence, et ne se Sont ménagé d'autre ressource que leur misère et leur effronterie : ces hordes de vagabonds, qui parcourent les villages, sont le fléau le plus redoutable des campagnes^ menaçant les fermiers d'ihcendier leur maison s'ils se refusent à lés nourrir et & leur donner asile. Ils assurent l'impunité de leuV délit par llmpudeuce altière de lehr demande. La terreur qu'ils inspirent à ces paisibles cultivateurs est telle que rien ne peut déterminer ceux-ci à les dénoncer, et l'expérience les Cou? firme dans cette funeste prudence ; car celui qiil la brave, voit bientôt ses bâtiments et ses granges en cendres (1).
La législation ancienne prononçait, ainsi que nous l'avons rappelé, le bannissement, là petnç du fouet, du carcan, des galères, contre lès mendiants vagabonds. Quoique dans l'ordre nouveau cette mendicité invétérée soit sans do^té bluta coupable qu'elle ne l'était dans l'ancien, parce qu'elle résistera à toute la bienfaisance, à toute là prévoyance de la loi, la Constitution actuelle nepeut Cependant admettre des châtiments d'esclaves, des peines sans objet qui, tuant moralemedt l'homme qui la subit, ferme son âpàe au repentir comme à l'espoir.
Bannir du royaume un homme dangereux, c'est pour un Etat se rendre coupable ënvërS ses voisins des crimes qu'il y va commettre aveè d'autant plus de vraisemblance qu'il a moins ae ressources ; c'est d'ailleurs, pour ainsi dire, trafiquer de crimes, câif le bannissement est réciproque ; c'est enfin une peiné bientôt illusoire, tant de moyens restent à l'homme banni de rentrer dans le p^ys qui l'a chassé. Flétrir'un homme, le frapper f infamie et iè laisser dans la société, c'est a'abord exposer cette société aux
dangers des vices reconnus de cet homme avili ; c'est même encore ne pas conserver la vie à ces hommes, à qui il ne reste que le crime pour subsister. L'enfermer pour toute sa vie, c'est le condamner au désespoir, c'est charger enfin le Trésor public de dépenses qui seraient considérables si cette peine était commune, et il est permis à un Etat de calculer les dépenses qu'il fait pour des sujets dangereux, dont il ne peut jamais espérer d'utilité.
Les lumières sont trop étendues aujourd'hui, la morale est trop reconnue la base nécessaire de tout gouvernement, pour que les punitions même des crimes n'en reçoivent paB l'empreinte et ne tournent pas encore, s'il est possible, à l'avantage de l'homme puni.
Ces considérations nous font penser que la transportation au delà des mers est ]a peine extrême qui doit atteindre les mendiants reconnus incorrigibles et dangereux. On ne prétendra pas, sans doute, qu'un Etat n'a pas le droit de transporter dans des contrées éloignées, ceux de ses membres qu'il ne peut, sans danger, conserver dans son sein. La moindre réflexion détruirait le doute à cet égard.
Peut-être pourrait-on demander si la société a droit, pour quelque crime que ce soit, d'ordonner la mort d'un de ses membres, d'abréger des jours dont la nature avait fixé le terme, enfin d'ôter l'existence à un homme ?
Peut-être pourrait-on demander si un Etat a le droit, s'il peut avec quelque moralité repousser chez des voisins, les hommes que leurs vices ont montré dangereux, et infester ainsi les Etats qui l'environnent de tous les crimes qu'il a rejetés de son sein?
Mais s'il ne peut pas être mis en doute qu'un Etat doive préserver tous ses habitants des dangers et de la contagion des crimes, peut-il être douteux qu'il puisse employer le moyen le plus juste, à la fois ie plus sûr et le plus doux pour arriver à cette fin? Et la transportation réunit tous ces caractères.
En effet, elle préserve la société de la contagion et du danger du crime, puisqu'elle enlève d'au milieu d'elle celui de qui elle pouvait les craindre.
Elle ôte à celui-ci tout moyen de revenir dans le pays d'où il est rejeté, puisque des distances immenses l'en séparent, et elle ne donne à aucun peuple le danger des effets des vices qui ont mérité sa condamnation.
Enfin, ce genre de peine ajoute à ces précieuses conditions, celle de laisser toujours à l'homme, quoique transporté sur des terres étrangères, dans l'usage de la liberté, de ses droits ; de ne pas dégrader son existence, ni par des viles flétrissures, ni par des chaînes honteuses, ni par une captivité sans bornes, et de lui présenter encore le moyen de revenir au bien, moyen qu'il n'aurait ni la facilité, ni le courage d'employer, s'il restait au milieu des témoins de ses délits et de sa condamnation; mais moyen dont un nouveau climat, dont la nécessite du travail changeant ses idées, le renouvelant pour ainsi dire à ses propres yeux, peut lui donner la faculté de profiter, et qui lui promet, s'il en profite, une entière régénération, la jouissance de tous les droits qu'il avait mérité de perdre.
Il faut, à toutes les conditions de la vie, une fin. Celle de l'homme que les sages avis, les bons exemples et les corrections successives, n'ont pas détourné de la route du crime, doit
être l'expulsion de la société, que ses crimes mettent en danger. Le mode le plus sûr, le plus doux d'opérer cette expulsion, est donc le mode préférable pour un gouvernement sage, dont la jurisprudence criminelle a pour base la plus entière sévérité pour le crime, sa répression la plus absolue, et la douceur pour le criminel, compatible avec ses principes.
Tous ces principes précieux à consulter dans la législation des peines, s'accordent donc pour nous autoriser à proposer que la transportation au delà des mers soit la peine des mendiants vagabonds, qui, sans état, sans famille, sans ressources, se refusant à tout travail, portant dans les campagnes la terreur et le désordre, ne vivant que de vols, doivent être enlevés du sein de la société qu'ils meuacent.
C'est dans le rapport seul de la mendicité qu'il nous appartient de considérer la transportation dont peut-être le comité, chargé de la réformation du code crimiuel, pourra indiquer un utile usage pour certains crimes.
Nous dirons seulement que c'est dans un délit comme celui de la mendicité, qu'il semble que les cautions devraient être acceptées, et qu un citoyen domicilié et solvable devrait avoir le droit de tirer de la maison de répression, et même de soustraire à la peine de transportation le mendiant domicilié et arrêté sans cause aggravante, pour lequel il s'engagerait de payer une certaine somme, s'il était repris en mendicité; car la mendicité n'étant coupable que parce qu'elle charge la société de la subsistance d'un nomme qui ne veut pas s'en procurer par le travail, cesse de l'être si quelqu un s'engage de pourvoir à la subsistance de cet individu.
Nous ajouterons enfin que si, comme nous le croyons, l'Assemblée admet pour les mendiants qu'aucune correction n'aura pu ramener au travail, le principe de la transportation, elle devra ultérieurement examiner le moyen d'en rendre l'exécution de toute l'utilité possible à l'Etat, c'est-à-dire la moins dispendieuse, la plus saine, la plus profitable sous les rapports de culture et de commerce, sans que l'établissement ou la prospérité de la colonie qui en naîtra, puisse troubler l'ordre politique de l'Europe. PROJET DE DÉCRET.
Art. 1er. Tout homme trouvé mendiant dans des
villes, villages, ou sur des chemins, sera arrêté par les gardes ou la
gendarmerie nationale, et conduit au juge de paix du canton ou à
l'officier de gendarmerie nationale le plus voisin.
Art. 2. Le juge de paix ou l'officier de la gendarmerie nationale interrogera le mendiant et constatera le délit.
Art. 3. Seront réputés mendiants ceux ou celles qui seront convaincus d'avoir demandé de l'argent ou du pain dans les rues ou voies publiques à plusieurs personnes, dans la même journée.
Art. 4. Seront réputées circonstances aggravantes de l'état de mendicité, de ne pouvoir justifier d'aucun domicile: 1° de mendier en troupe ; 2° d'être porteur d'armes offensives ; 3° d'être muni de faux certificats d'incendie, de grêle, de faux congés de soldats ou matelot de déguiser son nom et son lieu de naissance ou de domicile ; 5° de contrefaire des infirmités ; 6« d'être flétri; 7° d'être coureur de pèlerinage, sans être porteur de certificat en bonne forme de la municipalité de naissance ou
de domicile ; 8* de pénétrer dans les maisons et d'y demander avec empire et menace.
Art. 5. Si le mendiant arrêté est domicilié du canton district, ou département; qu'il n'ait point encore été arrêté et qu'il ne se trouve, dans son état actuel de mendicité, aucune circonstance qui l'aggrave, il sera renvoyé avec un passeport au lieu de son domicile, après qu'il lui aura été fait, par l'officier devant qui il sera traduit, lecture de la loi contre la mendicité.
Art. 6. La copie du procès-verbal d'arrestation du mendiant renvoyé à son domicile sera envoyée par l'officier de police au directoire du district, qui en rendra compte au département ; les directoires du district et département en tiendront note ; l'officier de police, de son côté, inscrira le nom du mendiant; il en rendra compte au lieutenant-colonel de gendarmerie de chaque département, et le greffier en donnera avis à la municipalité du lieu de domicile du mendiant.
Art. 7. Si le mendiant n'est pas du canton, district ou département, et que cependant il annonce un domicile, il sera mis dans la maison d'arrêt et il en sera donné avis au lieu de son domicile, pour ensuite, sur la réponse de la municipalité, être mis en liberté et renvoyé chez lui.
Art. 8. Néanmoins, le mendiant domicilié dans un autre département que celui où il aurait été arrêté ne pourra être mis en liberté que lorsque sa municipalité ou sa famille, en attestant qu'il y est domicilié, et non repris de justice, assurera la somme nécessaire pour son retour, à raison de 2 sous par lieue, ou que lui-même pourra réaliser cette somme par son travail ou partout autre moyen.
Art. 9. Au défaut de cette somme, ou d'aucune réponse parvenue dans un temps suffisant, le mendiant, quoique reconnu domicilié dans un autre département, sera gardé seulement en état d'arrêt, pendant l'espace de trois mois, dans la maison de correction, d'où ii pourra cependant sortir, sans autre condition que celle de fournir la somme exigée.
Art. 10. La seconde fois qu'un mendiant domicilié sera arrêté, il sera, par l'ordre du tribunal du juge de paix, et, sur l'appel, par le tribu oal de district, condamné à une détention de trois mois dans la maison de correction du département. Il en sera donné avis au département où cet homme est domicilié, et par lui au district et à sa municipalité.
Art. 11. La troisième fois qu'un domicilié sera arrêté, il sera condamné à 6 mois de maison de correction.
Art. 12. La quatrième fois qu'un mendiant domicilié sera arrêté, il sera condamné à 1 an de maison de correction.
Art. 13. Toutes les fois qu'une des circonstances aggravantes mentionnées en l'article 4, se réunira aux causes simples d'arrestation du mendiant, n'eût-il pas encore été arrêté pour ce fait, il sera condamné à une détention d'une année, selon les circonstances, dans la maison de correction.
Art. 14. Pendant la détention du mendiant, sur le rapport du gardien, la conduite de cet homme sera examinée par le juge de paix et le comité de surveillance. Le séjour, ordonné par les articles précédents, pourra être diminué, selon qu'il donnera plus ou moins d'espoir de devenir laborieux et de pouvoir gagner sa vie, ainsi qu'il sera expliqué dans les règlements pour les maisons de correction. Le jugement favorable sera, sur le rap-
port du comité de surveillance, rendu par le tribunal du district.
Art. 15. Tous les jugements qui ordonneront l'arrestation d'un mendiant, sa détention, la prolongation, ou la diminution de sa peine, seront rendus publics dans le département.
Artr 16. Un mendiant domicilié ou non pourra être mis jusqu'à 3 fois dans les maisons de correction, sans encourir une peine plus grave que de demeurer plus longtemps la seconde ou la première, et la troisième que la seconde : néanmoins tout mendiant arrêté pour la première ou seconde fois qui, se trouvant avoir dans son état de mendicité, des causes aggravantes, aura été, en vertu de l'article 13, condamné à 1 an de maison de correction, sera, s'il est repris encore, traité comme s'il avait été mis 3 fois dans la maison de correction.
Art. 17. Tout citoyen domicilié et solvable, qui, répondant de la conduite ultérieure d'un mendiant détenu dans une maison de correction, s'engagerait à payer la somme de 50 livres, si cet homme était repris mendiant, pourra s'adresser au tribunal du district dans le ressort duquel est la maison de correction où cet homme sera détenu, et obtiendra sa liberté, si elle est, par le tribunal du district et sur le rapport du comité de surveillance, jugée sans inconvénient.
Art. 18. Cette faculté sera réservée autant de fois qu'un homme sera condamné à une détention dans la maison de correction.
Art. 19. Ces sommes seront versées par le cautionnant dans la caisse du district, sur preuves constatées que l'homme cautionné est arrêté pour récidives dans quelques lieux que ce soit du royaume.
Art. 20. Si un mendiant arrêté, soit pour cause simple de mendicité, soit pour celle accompagnée de circonstances aggravantes, se trouvait accusé ou violemment soupçonné de crime, il serait traduit devant le tribunal criminel.
Art. 21. Tout mendiant renfermé 3 fois dans la maison de correction, sera, s'il est repris encore mendiant, condamné à la transportation. A cet effet, il sera mis dans les prisons publiques, et son jugement de transportation sera rendu par le tribunal du district, sur le vu des preuves qui constateront que cet homme aura déjà été 3 fois détenu, ou, qu'étant non domicilié, il se refuse obstinément à tout travail.
Art. 22. Le terme le plus court pour la transportation prononcée pour les mendiants, sera do 8 années.
Art. 23. Le terme de la transportation pourra néanmoins être abrégé, en raison de grands services rendus par un transporté, ou d'une conduite laborieuse et bonne dans le lieu de la transportation, par les formes et dans les cas indiqués dans la loi sur la transportation.
Art. 24. La peine de transportation pourra toutefois être remise, une première fois, d'après la demande de la municipalité du district et département dont l'homme serait domicilié ; dans lequel cas sa peine serait changée en une année de plus de détention dans la maison de correction. Titre II.
Des maisons de correction.
L'auteur de l'immortel ouvrage Des délits et des peines a dit qu'ora ne peut pas appeler juste, c'est-à-dire nécessaire, la punition d'un crime, tant que les lois n'ont pas employé pour le prévenir,
lès meilleurs moyens que Vêtat des choses et des circonstances peuvent permettre. -
Voilà l'éternelle vérité qui nous a guidés lorsque nobs avons cru ne devoir propoéer à votre eévérité aucune peine pour la répression dé mendicité qu'après avbir présente à votre humanité et à votre justice des moyens de secpurir l'indigençe dans les divers âges et les diverses circonstances de la vie, où le travail était rendu impossible à Celui qui né pouvait subsister sans travailler.
C'est encore cette éternelle vérité qui nous a guidés datjs les vues que nous venons Soumettre sur les maisons de correction, qui, étant la première peiné de ce délit dont il importe a la société d'opérèr la destruction, doit encore être Considérée pomrpe un moyen d'amendement pour le coupable, comme un avertissement salutaire par leqpel ii devra être préservé de la peine plus grave, de là peiné dernière de la mendicité : la transportation.
Nous ne serons sans doute contredits par personne de cette Assemblée, quand nous dirons que les dépôts de mehdicité, actuellement existants en France, ne nous ont présenté l'application d'aucun des principes de justice, d'encouragement àu travail, d'excitatiop au bien, que nous croyons "aëvôir sërvir de base aux règlements des maisops de correction. Avidité des préposés de ces maiéops, traitements durs et arbitraires pour les détenus, insouciance sur leur sort futur, sur leur amendement, sur leur conduite, sur leur santé ; oisiveté presque totale de cèux-ci, pratiqué de tous les vices, mépris et avilissement de l'humanité : tel est le tableau fidèle de presque fous les dépôts de mendicité, dont quelques-uns cependant offrent un régime meilleur et plus humain, mais dont il n'est aucun qui n'afflige l'âme de l'homme sensible qui gémit de voir souffrir et dégrader Son semblable, et du moraliste qui veut trouver dans la punition Un moyen, au moins probable, de retour au bien, poirr celui qui là subit.
Les dépôts, àu nombre de 34, coûtaient annuellement 1,353,894 livrés, Sur cette somme, celle de 185,15o livres payait les préposés de toutes les Classes. 6,650 individus, hommes, femmes et enfants, étaient détenus dans ces maisons, et la totalité de &S détenus produisait annuellement environ 90,000 livres de travail, c'est-à-dire un peu plus de 13 livres p?r individu. Il est inutile d'obserVer que, dans cette sommé générale, les ihàisbhs mieux conduites donnaient une plus grande propqrtion de produit. Il n'est pas hors ae propos peut-être d'obèerver en pas6ant, qu'un relevé exact de ces maisons, fait depuis 1763, c'ést-à-dire pour le cours de 22 ànnées, donne un nombre dé 230,000 individus détenus, dont la mortalité était d'un cinquième, c'èst-à-dire de 46,000, et que la dépense s'en est, pendant ce temps, élévèe à 29,700,000 livres. Ce résultat horrible de dépense et de mortalité peut être Utilement comparé avec celui que fourniraient les calculs les moins favorables de la transportation. Lé peu d'intelligence des administrateurs pour procurer de l'ouvrage à ces maisons, le peu d'intérêt qu'avaient les détenus à travailler ou à rester oisifs, produisait cette absence, on ne peut dire totale, de travail, et entretenait ainsi ce principe de vice et de corruption dans les dépôts où il devenait le régime habituel.
Les recherches qu'a faites votre comité sur les maisons de correction des différents Etats de l'Europe, lui ont fiait voir un ordre de choses sans doute meilleur; mais il n'a trouvé dàns aucun
un modèle à vous présenter. Ainsi, ou traitement habituellement dur, ou punition cruelle, Ou nourriture insuffisante, ou nullité de travail, ou mélange des criminels de toute espèce, ou administration intérieure mauvaise, ou dépense immodérée; il n'est aucun de ces établissements qui ne renferme plusieurs de ces vices qu'il est de votre intention d'écarter de ceux que vous voulez faire pour la répression de la mendicité.
Profitant donc de ce que nos diverses recherches nous ont fait voir de détails Utiles à nos maisons de correction, nous les avons ramenés aux principes communs de justice et d'intérêt public, et nous en soumettons ici l'ensemble à votre examen.
Le nombre des individus détenus annuellement jusqu'ici pour Cause de mendicité, ne s'éievant qu'a 7,000 environ, nous aurions pu ne vous proposer qu'une maison de correction pour deux départements. Mais ignorant si vous ne ferez pas usage de ces maisons popr d'autres délits que celui de la mendicité; assurés que, malgré la très grande augmentation du nombre dé ces maisons, l'économie de leur administration, l'activité du travail qui y serait établi rendraient suffisantes pour leur entretien les sommes que coûtent aujourd'hui les dépôts de mendicité, nous avons préféré vous proposer l'établissement d'une de ces maisons par département; les législatures suivantes ayant d'ailleurs la faculté de les réduire, si la nécessité d'un aussi grand nombre n'est pas démontrée par l'expérience.
Le goût du travail et l'habitude à en contracter devant être le but de l'établissement de ces maisons, il est nécessaire que le traitement y soit différent pour le laborieux et pour le paresseux, et c'est le travail qui doit faire lui-même la mesure de ce traitement. Ainsi une nourriture suffisante, mais exactement suffisante, sera celle que la maison devra fournir au détenu ; c'est bien assurément ce que lui doit l'Etat; son travail y ajoutera. Son bien-êtrè dépendra donc de lui-même^ et déterminé au travail par ce puissant motif, par ce motif de tous les jours, déterminé encore par l'espoir, et d'abréger sa détention, et de se ménager quelque économie au moment de sa liberté, il rompra par la nécessité son habitude d'oisiveté et de fainéantise, et il retrouvera, dàns ce seul moyen qu'il aura d'améliorer son sort comme détenu, le moyen certain encore de préserver le reste de sa vie de ce vice pour lequel il est arrêté, et dans lequel l'entretient le régime actuel des dépôts de mendicité.
Cette habitude de travail à laquelle il fallut ployer ces détehus nous a semblé nécessiter l'établissement de plusieurs espèces d'ateliers, soit dàns l'intérieur de ces maisons, soit au dehors dans les environs, afin que les raisons de fai* blesse, d'inaptitude, etc., ne puissent être pour aucun un prétexte plausible de s'y refuser, et qu'ils puissent tous y trouver l'emploi et rentre* tien de leurs forces. C'est aux directeurs de ces maisons, au comité de surveillance, au directoire des départements, à consulter les localités, les besoins du pays, ses débouchés, pour se fixer sur le choix des ouvrages à établir dans ces maisons. Mais il est encore, pour la vente de ces ouvrages^ une grande considération dont l'intérêt publia fait un devoir de ne pas s'écarter; il faut que le travail de ces détenus, pouvant être fait à meilleur marché que celui des ouvriers du dehors, ne nuise pas, par une vente à plus bas prix, à l'industrie de ceux-ci* Sans cette nécessaire attention, les détenus continueraient, dans leur dé-
tention, de mettre à contribution la classe précieuse dès hommes laborieux, comme Ils le faisaient avant leur détention par la mendicité, et d'une manière bien plus dangereuse encore. C'est dans cette intention que nous avons cru devoir vous proposer de proscrire les ventes en détail, dan s le pays, du produit de la main-d'œuvre de cesr maisons.
Quant au prix du travail, qui, sans doute, doit être toujours à la tâche, nous avons pensé qu'il deyait être évalué comme celui de tout autre travail; mais qUe la division de ce salaire devait être calculée dp manière,: 1® Que le détenu n'en retirât pas le même avantage que s'il était en liberté ; 2° que la maison en retirât une partie de Sës frais. Ainsi, en prélevant sur les premiers produits du travail la somme modique à laquelle est évalué le pain que reçoit le détenu, nous remplissons ces deux conditions. Il est obligé, s'il Veut améliorer son sort, de travailler pour un plus grand gain; et les frais de cette première nbU'rruure prélevés, ce qui lui reste peut sensiblement augmenter son bien-être, mais ne lui produit pas une sorqfne égale à celle qu'il aurait s'il travaillait chez lui : ce qui est évidemment juste, parce qu'il faut que la détention soit regardée comme un mal, et que la comparaison du sort d'un homme laborieux dans son village, ou laborieux dans la maison de correction, Soit toujours au désavantage de celui-ci.
Mais, Si la privation de la liberté est politiquement nécessaire à faire sentir au détenu, dans les rapports du salaire de son travail, de la police intérieure, de la gêne habituelle à laquelle il doit être soumis, la justice la plus entière doit être la règle invariable de ces maisons. Le tarif des salaires, lé décompte des ouvriers, le codé de discipline, les peines prononcées en conséquence, tout doit être rendu public, tout doit etre clair pour chacun d'eux jusqu'à l'évidence: La justice est de tous les lieux, de tous les temps et de tous les états ; elle est toujours un devoir strict et Un moyen d'un succès tôt ou tard infaillible. C est l'étemelle raison à laquelle il faut que tout cède, et qui ramène tout à elle.
L'esprit de douceur et de fermeté doit régner dans ces maisons et les conduire. L'arbitraire, là dureté avec lesquellés les détenus sont souvent traités, les irrite, lés avilit à leurs propres yeux, et les confirme dans le vice dont, au contraire, toutes ces institutions doivent tendre à lés tirer. It faut des consolations aux malheureux, des exhortations à ceux dont l'amendement est à espérer, des paroles d'encouragement à certains détenus, à certains coupables, qiji souvent ne reviennent pas au bien, parcé qu'ils s'en croient indignes, et qu'ils n'en trouvent pas la force en eux seuls. Ce genre de remède moral doit être familièrement distribué, selon les caractères et les circonstances ; il faut pour ainsi dirè les en environner. Ce ne sont pas de longs discours dont il faut les entretenir; un mot, Une phrase dite à propos, un ensemble de conduite dirigée à cette intention dans le chef de la maison, ramèneront au bien, au travail, bien plus efficacement què l'arbitraire et la dureté.
On a souvent remarqué que cette classe de détenus, composée d'hommes brutaux, féroces même Souvent en apparence, accoutumés aux paroles dures, était incomparablement plus imposée par un extérieur froid, un silence soutenu, un maintien sévère, que par des reproches injU* rieux et même par des Coups.
Nous avons pensé que ce genre de peine devait être proscrit oq borné au môins, ainsi qUe Jes fers, aux cas de révolte, de complot. Hors ces cas, très rares si la vigilance des préposés est toujours en activité, nous avons cru que les punitions devaient être bornées à un travail sans salaire, et forcé par sa nature pour les détenus qui se refuseraient à tout travail dans les ateliers, et à la retraite plus ou moins prolongée dans des chambrés où des individus, livrés a la solitude entière, recevraient ou non, comme adoucissement, des moyens de travailler. Nous avons cru ces seules peines nécessaires pour entretenir l'prdre dans la maison et l'activité dans le travail ; et quoique nous pensions que le choix des directeurs de ces maisons doiVô être fait parmi des hommes honnêtes, d'uil caractère éprouvé, et qui aient reçu quelque éducation, nous avons cru ne devoir les laisser que provisoirement maîtres des punitions, pt seulement jusqu'à ce que le comité de surveillance ait définitivement prononcé.
Le décret que nous présentons est l'ensemble de tous les principes, que nous venons de VOUS expoSer ; noHs en avons renvoyé le développement à un règlement où nous avons réjini tous les détails qui sont la conséquence de ces principes, et que nous vous présentons, parce qu'il est important qu'il devienne la loi oommune à toutes lés maisons de cette nature, et qUé, mis sous la surveillance du pouvoir èxéeutîf, il nè puisse y être apporté aucun changement particulier. PROJET DE DÉCRET.
Art. Ier. Il sera établi dans chaque
département une maison de correction.
Art. 2. Ces maisons seront placées, autant qu'ty sera possible, hors l'enceinte des Villes. Les départements, néanmoins, dans lesquels se trouvent des ports de nier, devront y placer par préférence leurs maisons de Correction.
Art. S. La conduite de ces maisons sera confiée à un directeur responsable, qui sera nommé par ië directoire du département.
Art. 4. Le Surplus des employés, en nombre suffisant, sera choisi par le directeur ; ils poui^-ront l'être parmi1 les hommes ou femmes détehus dans ces maisons.
Art. 5. La garde intérieure des malsons de correction sera confiée à un certain nombre d'hommes déterminés par le règlement, et choisis parmi les aspirants ou surnuméraires dé la gendarmerie nationale, qui Se seront fait inscrire auprès du directoire du dèpartémertt. •
Art. 6. Les employés libres ne recevront leur traitement qu'en argent, et ils ne pourrqpt', soUS aucun prétexte, être nourris aux dépens de l'administration.
Art. 7. Le directeur responsable, payé, ainsi qu'il est dit à l'article précédent, né devra être chargé de fournitures de quelque espèce qu'elles soient, ni d'entreprise de travail, il ne pourra noti plus êtré intéressé dans aucune.
Art. Ç. Aucun individu de sera conduit dans les maisons de correction, si ce n'est en vertu d'un jugement du juge de paix, et sur appel du tribunal dè district .
. Art. 9. .Dans les 24 heures de la détention de chaque renfermé, le directeur sera tëriu de l'appeler, d'interroger sa confiance sur ses ressources, le nom et l'adresse des personnes aux-* quelles il désire qu'il soit écrit; Ce qui sera exécuté sur-le-champ.
Art. 10. A la copie de l'enregistrement de ce renfermé, qui devra être envoyée au directoire du département d'où ressort la maison de correction, et à la municipalité du lieu de naissance ou de domicile de cet homme, ii sera joint la partie de sa déclaration de confiance qu'il consentira à être communiquée.
Art. 11. Les directoires des départements devront pourvoir à ce qu'il soit établi, dans les maisons de correction, des ateliers de différents genres de travaux proportionnés au sexe, à l'âge, à la force des détenus, et le plus avantageux qu'il sera possible à l'établissement,
Art. 12. Le genre de travail auquel devra être appliqué chaque détenu* lui sera désigné par le directeur.
. Art. 13. Sur le gain résultant du travail de chaque détenu, il sera prélevé la somme nécessaire pour payer à la maisoa le pain et l'entretien qu'il lui coû>e, et cette somme ne pourra pas excéder 3 sous par jour; le surplus de son gain sera à son profit, et lui sera donné toutes les semaines; à la réserve toutefois de la moitié de ce surplus, dont il lui sera fait décompte, et qui sera réservé en épargne, pour lui être rendu au moment de sa liberté.
Art. 14. Il sera pris par le comité de surveillance, et d'après les ordres du directoire du département, toutes les précautions nécessaires pour assurer au détenu la juste proportion dans le payement de son travail, l'exactitude de son décompte, et pour lui ôter tout prétexte de méfiance a cet égard.
Art. 15. Indépendamment des ateliers ordinaires, il en sera établi dans l'intention de servir de punition à ceux qui y seront condamnés. Ces travaux rendus, autant qu'il sera possible, utiles à la maison, seront établis de telle manière qu'ils forcent au travail, et indépendamment de sa volonté, le fainéant qui voudrait s'y refuser.
Art. 16. Ce genre de punition, aiusi que celui de la détention à la chambre d'arrêts, et des corvées dans la maison, pourra être ordonné par le directeur, à la charge par lui d'en informer, dans les 24 heures, le comité de surveillance, auquel ii devra chaque jour un compte des événements de la veille.
Art. 17. Ces punitions devront être confirmées, et leur durée déterminée par le comité de surveillance, qui pourra seul infliger des punitions plus graves pour le cas et dans les formes indiquées par le règlement, et qui devra prononcer sur le genre de délit à renvoyer à la connaissance du tribunal de district. Devra toutefois, dans ce derniers cas, le comité de surveillance recevoir l'approbation préalable du directoire du département.
Art. 18. La nourriture fournie au détenu par la maison, ne sera que celle exactement nécessaire à son existence, ainsi qu'il sera plus amplement détaillée dans le règlement. Le produit de son travail, mentionné en l'article 13, devant lui servir à augmenter son bien-être.
Art. 19. Ceux des détenus de l'un ou l'autre sexe, attaqués de maladies, seront traités dans la maison, et retirés dans des salles destinées à cet usage. Ils seront soignés par le chirurgien du canton, qui recevra à cet effet une augmentation de traitement.
Art. 20. Chaque détenu, en obtenant sa liberté, recevra un passeport dans la forme indiquée par le règlement. Ce passeport lui sera remis avec les effets qui lui appartiennent, et le produit de ses épargnes. Dans le cas où cette somme
I serait insuffisante pour assurer sa subsistance pendant 6 jours, elle sera complétée sur les fonds de la maison, à raison de 8 sous par jour
Art. 21. Les enfants arrêtés avec les mendiants, et âgés de plus d'un an, seront traités comme les autres abandonnés, et ils ne pourront leur être rendus à leur sortie que sur la preuve qu'ils leur appartiennent. ! „:
Art. 22. Les appointements et fonctions des différents employés seront déterminés par le règlement général, et il y sera pourvu à tout ce qui concerne la nourriture, le vêlement et la santé des renfermés.
Art. 23. Le comité de surveillance devra, au nombre au moins de deux de ses membres, visiter deux fois par semaine la maison de correction; ceux-ci se feront présenter les nouveaux détenus, écouteront la réclamation de tous, y feront droit, maintiendront l'exécution des rè glements, s'assureront que ces règlements, affichés dans toute la maison, sont lus à tous les détenus, qu'ils leur sont expliqués, et qu'aucun ne peut prétendre les ignorer. Titre III.
De la transportation des mendiants repris en tierce récidive.
La transportation de ceux dont les vices troublent l'ordre public, et mettent la société en dans ger, étant adoptée par la loi, il est nécessaire pour la propre sûreté de l'Etat, et pour les considérations politiques et morales relatives aux Etats voisins, de les reléguer dans des contrées assez éloignées et assez peu fréquentées pour rendre leur retour, sinon impossible,;du moins difficile, avant qu'ils n'aient regagné les droits qu'ils avaient mérité de perdre.
Mais avant d'entrer en détail, et de présenter des vues positives sur les diverses contrées où cette transportation pourrait avoir lieu, il convient d'exposer les conditions morales et politiques que cette sorte de punitions et d'établissement doit remplir pour apporter à l'Etat tous les a-vantages qu'il peut en attendre.
Les lieux qui satisferont le plus complètement à toutes ces conditions, seront ceux qui seront présentés à l'Assemblée avec plus de confiance.
U ne faut pas oublier que le vice que la Constitution veut réprimer par la transportation, est celui de la paresse, de l'obstination à la fainéantise, de cet engourdissement, de cette disposition aux crimes que produisent l'oisiveté et l'oubli de tous les devoirs sociaux, et que là misère qu'ils font naître rend plus dangereux encore. Il ne faut pas perdre, de vue qu'on ne peut guérir ceux qui sont infectés de ces vices, qu'en les stimulant par l'attrait d'une meilleure existence ; qu'il s'agit de rendre leur bien-être dépendant de leur activité, de faire du travail un moyen d'adoucir, de briser pour eux les liens de la servitude que les vices leur ont méritée, et de les mettre à portée de connaître, de désirer et d'obtenir les jouissances de la liberté et de la propriété. C'est ainsi qu'une législation sage peut encore tirer parti des vices des hommes pour leur propre bonheur et celui île la société à laquelle ils seraient inutilement sacrifiés.
Il faut donc, sous ce rapport même de la législation, que le lieu de la transportation offre un travail abondant ; mais, dans le rapport politique, il faut encore qu'il remplisse d'autres conditions ; il faut que les lieux inhabités, choisis pour la transportation, soient cultivables et productifs ;
qu'il n'y manque que des bras forcés d'agir pour se procurer leur subsistance.
Il est encore nécessaire que quelques-unes des productions particulières à ces contrées soient commerçables avec avantage, afin que les coloris puissent se procurer les besoins de la vie, autres que les comestibles. Des denrées de l'espèce ordinaire, dont les frais de traversée excéderaient la valeur, ne pourraient pas être transportées utilement en Europe : une colonie, sans un germe de commerce, serait toujours à charge à l'Etat. C'est ce qu'il faut éviter. Il faut donc que le lieu choisi pour la transportation puisse admettre la culture de quelques productions distinguées, dont le débit assure aux colons une existence complète, et dédommage sûrement la métropole de3 avances qu'elle aurait à faire pour le succès et le soutien de cet établissement.
Les inconvénients de la peine du bannissement, par lesquels les vices des bannis infectaient les Etats où la condamnation de sortir de leur patrie leur faisait porter une vie vagabonde, étant un des motifs qui ont déterminé la peine de transportation, il faut encore que les lieux choisis pour cet établissement ne présentent aucun danger de contagion pour les peuples auprès desquels il sera fait, et dont la tranquillité doit être respectée, quelque région qu'ils habitent et quelques mœurs qu'ils aient.
Il faut qu'aucune prétention politique de la part des puissances étrangères ne puisse troubler un établissement qui, ayant pour objet un moyen de tranquillité pour le royaume, ne doit point y être un sujet de guerre ; il faut enfin que le pays soit sain, ou présente une possibilité d'être rendu tel prochainement; car le principe d'humanité, qui fait embrasser l'idée de la transplantation, repousserait toute crainte probable de livrer les malheureux à une mort certaine.
Plusieurs contrées présentent la réunion plus ou moins complète de toutes ces conditions. Des mémoires sans nombre, et pour toutes les parties du monde, sont parvenus à notre comité, dès qu'il a été connu que le projet d'une transportation pourrait vous être présenté; il les a examinés avec attention, discutés avec soin ; mais il a pensé que ces projets devaient vous être proposés au nom du roi qui, ayant tous les moyens de faire prendre les renseignements, les informations nécessaires, qui pouvant plus connaître les avantages comparés de ces établissements, leurs inconvénients, leur moyen de succès, doit ordonner à ses ministres de vous indiquer ceux sur lesquels il pense que vous deviez fixer votre choix.
Votre comité a donc pensé qu'il devait seulement se borner iCi à vous soumettre quelques articles fondamentaux de législation commune à tous les établissements de transportation que vous croiriez pouvoir former.
Il ose cependant profiter de cette circonstance pour appeler vos regards sur un pays qui, faisant partie immédiate de votre Empire, lié étroitement à vous par la Révolution, a tous les moyens et le désir le plus intime d'augmenter votre prospérité nationale, et qui cependant, depuis 25 ans qu'il vous est uni, a continuellement été à charge à vos finances, et n'a reçu de vous aucun moyèn véritable et suivi d'amélioration ; sur un pays dont le sol, aujourd'hui inculte dans les 3/4 de son étendue, pourrait vous donner presque toutes les précieuses productions que vous allez chercher dans l'autre monde et auxquelles plusieurs essais heureux
ont montré qu'il était propre; sur un pays dont les habitants, guerriers et pasteurs dans leurs mœurs, sont ignorants de tous les procédés de l'agriculture, ne sont pas disposés au travail, parce qu'ils n'en connaissent pas l'utilité, et dont votre communication intime peut changer les habitudes, diriger les forces, adoucir les mœurs, détruire les préjugés; sur un pays que vous avez subjugué par les armes, que vous vous êtes récemment attaché en l'associant à votre liberté, et dont il vous faut assurer la conquête par les effets heureux de votre Constitution, par l'instruction que vous y répandrez, par l'amour du travail que vous y établirez, par le bonheur et la richesse que vous y apporterez; enfin, sur la Corse, qui, sur une étendue de 600 lieues, peuplée seulement de 170,000 habitants, exige une population plus considérable pour résister, de sa propre force, à des entreprises inattendues d'un ennemi ambitieux ou jaloux ; qui aujourd'hui, et depuis qu'elle est à la France, appelle annuellement pour le travail nécessaire à ses communications, à ses défrichements 9 à 10,000 Italiens que vos deniers payent ; où plusieurs tentatives d'établissements sont demeurées sans succès, parce qu'ils étaient présentés par l'inexpérience, accordés par l'ignorance et dirigés par l'avidité; qui enfin, renfermant dans son sein une prodigieuse immensité de domaines, de terres à concéder, offrirait des propriétés utiles à des familles françaises, pauvres et laborieuses, plus utiles encore à celtes qui apporteraient quelques capitaux, mais dont l'avantage, bien plus certain pour tous que les romanesques illusions du Scioto, aurait l'inappréciable mérite de conserver à la France des citoyens utiles, et à d'utiles citoyens une patrie qui, chaque jour, doit leur être plus chère.
Après cette courte épisode, dont l'intéressant motif nous fera sans doute, Messieurs, trouver grâce auprès de vous, nous avons l'honneur de vous proposer le décret suivant : PROJET DE DÉCRET.
Art. 1er. Le roi sera prié de Jfaire
incessamment connaître à l'Assemblée quel lieu il juge le plus
convenable à la transportation des mendiants condamnés , et quelles
précautions préalables sont nécessaires à cet établissement.
Art. 2. La peine de transportation sera d'au moins S ans.
Art. 3. Elle pourra être de 8 en 8 ans prolongée jusqu'à 32.
Art. 4. Tant que l'homme transporté sera dans Le terme de son jugement, il ne pourra travailler que pour le compte du gouvernement ou des chefs libres auxquels.il sera donné, à la charge seulement d'être nourri et de recevoir un quart de ce qu'il gagnera.
Art. 5. Le conseil de la colonie pourra, sur les connaissances qui lui seront données du service très distingué rendu par un transporté, à l'établissement, abréger le temps de sa détention et prononcer sa liberté.
Art. 6. Un an avant l'expiration du temps auquel le transporté sera condamné, le conseil de la colonie, sur le compte qui lui sera rendu de la conduite de cet homme et de son travail* prononcera s'il peut ou non être mis en liberté.
Art. 7. Aucun homme ne pourra être renvoyé en France qu'après avoir joui un an de sa liberté dans la colonie, à l'expiration de cette année : et avant que le transporté quitte le lieu de l'éta-
blissement, le conseil, sur le compte qui lui sera rendu de la conduite de ce transporté, pén-dant son ànni^e de liberté, prononcera s'il peut ou pon obtenir l'agrément de quitter l'Ile. : Art. 8. L'administration de la Colonie donnera & chaque transporté, mis en liberté, une quantité de biens én propriété suffisante pour le. faire vivre en travaillant. Si lë. transporté quitte la Colonie, la tferre cédée rentrera à l'établissement sans que le transporté én puisse disposer autrement.
Art. 9. Le gouverneur n'aura aucune autorité Çivilé..
Art. l0. Il ne pourra employer la force militaire, dans I intérieur, que sur la réquisition de l'àd-minislration civile.
Art. 11. Il rie pourra rien entreprendre à l'extérieur contre les naturels du pays, sans l'agrément du conseil.
Art. l2. Il ne pourra suspendre, aucun officiel* Civil dans ses fonctions, pi le renvoyer en France.
Art. 13. A l'égard du militaire son autorité sera subordonnée à la constitution militaire de France. . Art. 14. Lés bannis seront directement sous 1 administration civile, ainsi que les inspecteurs, commis et autres employés dans cette partie. . Art. 15. Tout règlement de discipliné, ordre 4e travail, culture, etc., seront arrêtés dans le Conseil.
Art. 16. L'administration sera, pour toutes ses opérations, subordonnée au conseil, et en fera exécuter les ordonnances pour le civil, comme le gouverneur fera pour le militaire*
Art. 17. Le conseil sera composé du gouverneur, de son sècond, s'il en a, des principaux chefs de l'administration.
Art. 18. Le gouverneur et l'administrateur général réunis Tendront compte au ministre de toutes les décisions du cpnsejl et de leur mçtif.
Art, 19. Chacun d'eux en particulier rendra compte de la partie qui sera confiée à ses soins.
Art. 20. Les bannis auront lë droit de présenter des pétitions au conseil, qui y fera droit, et sera tenu d'y répondre, quelle que soit la demande ou la décision qui interviendra.
Art. 21. L'administration se chargera de toutes les productions de l'iiddtistriè des bannis, sur le pied d'un tarif qui sera réglé par le conseil.
Le prix de bes objets sera payé comptant aux bannis soit en àrgeht du pays, soit en marchandises ou comestibles, selon leurs besoins: La totalité sera payée à ceux qui auront Obtenu leur liberté, sous la condition dés impositions et droits nécessaires à l'entretien de l'établissement.
Art. 22. Ces productions Seront envoyées en France pour être vendues au profit de la nation.
ArL 23u Lorsque le commerce et la population de la colonie, seront assez étendus pour que les bannis puissent vendre eux-mêmes leurs denrées aux marchands, ils en auront la liberté en payant la moitié du produit au gouvernement .pour indemnisation de ses avances jusqu'à leur liberté.
SEPTIÈME RAPPORT DU COMITÉ DE MENDICITÉ, OU résumé sommaire du travail qu'il à présenté à VAssemblée. (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)
. Messieurs au rang des droits dont vous avez
reconnu et déclaré l'imprescriptiblité et l'inalié-nabilité, Voùs âvefc placé les droits du ,nialhedr et de la pauvreté et la Constitution française, avant d'avoir posé aiicbn des principes du gouvernement qu'éllë veut établir,a pris l'engagement solennel de créer et d'organiser un établissement général de secôhrâ publies, pour élever les enfants abandonnés, soulager les pauvres infirmes, et fournir des moyeps de travail aux pauvres valides qui n'auraient pu s'en procurèr. • Vous voici arrivés au moment d'acquitter ce Vœu ët ceaëvpir; la législatiob qui doit Ordonner la bienfaisance publique, est, indépendamment même d u soulagement de 1 humanité, d'une grande importance. . , Vl
~ Si le soulagement de la pauvreté est le devoir d'une Constitution qui a posé ses fondements sur lés droits imprescriptibles des hommes, elle est encore le besoin d'une Constitution sage qui veut assurer sa durée sur la tranquillité et le bonheur dè tous leâ individus qu'elle gouverne; Il est de l'intérêt public aëcprrigef, par une bienfaisance fë^échièj les maux résultant dés mauvaises însti-tutions qui Ont maintenu et propagé la pauvreté; 11, eèt de l'intérêt public de prévenir les désordres et le^ malheurs où Seraient conduits un, grand nombre d'hommes sans ressources, qui, maudissant les lois dont ils n'auraient jamais senti les bienfaits, pourraient, par l'excès de leur misère, être entraînés d'un moment àTaUtre a servir les entreprises des ennemis de l'ordre public.
Ce n'ést donc pas en hommes simplement charitables et aumôniers ; mais c'est en amis éclairés dè 'l'humanité, c'est en politiques réfléchis que vous devez traiter et délibérer cette grande question de l'assistance de la pauvreté dans l'Empire.
Dans l'entière détermination que vous avez dû prendre de satisfaire à ce grand deyoir, vous avez pensé que, des, calculs arithmétiques né devaient pas servir de régie unique à de sagtft lé-
gislateurs, et que les devoirs plus sacrés ae la ienfaisance et de la morale, devaient être avant éux consultés. Mais quelles que soient, Messieurs, vos dispositions généreuses pour l'assistance de la pauvreté, vous ne devez pas oublier que l'&-conomie est un des caractères les plus essentiels de la bienfaisance publique ; non cette épargne vile et impoli tique qui Usinerait sur les dépenses nécessaires au soulagement des malheUirenx, mais cette économie sage et juste oui, se rappelant sans cesse qu'elle n'assiste le maljneur qu'avec les deniers des peuples, ne doit ordonner que leur indispensable emploi.
La biénfaisancé publique, retepue dans les bornes stricte^ de la justice* doit encore, dans les moyens qu'elle emploie,, considérer l'intérêt général : différente de l'aumône qui, dans les se' cours qu'elle donne, peut rie ypir que le malheureux qu'ellé Soulage,, la bienfaisant publique doit chercher sans.'doute dans l'assistance des pauvref le soulagement de ceux qui en sont l'objet, mais considérer, àvant tout, nntér,ét de tous les iiifprtiinês, l'intérêt général de la société. Ceux qui sont plus près d'elle, ne sont pas plus à ses yeux que ceux qu'elle ignoré ; cette bienfaisance n'est pas l'effçt d'uné sensibilité irréfléchie ; çjle n'est pas mêtné une v^rtu compatissante ; elle est un devoir, çlle est la justice ; ç|ie doit eu avoir tous les caractères et se prémunir cçintre les mouvements si naturels qui pourraientles altérer. Elle doit, dans son exécution, être réfléçhië; c'çstune science, poljtiqUequi veut être soigneusement étudiée ; car, si ses moyens ne s'accordent pas avec les
grandes vues de l'intérêt public,elle peut aggraver les maux qu'elle veut soulager» en aggravant les causes qui les produisent.
Ainsi cette partie de législation» qui semble au premier coup d'œil facile ;à régler, est néanmoins une des plus difficiles à établir de manière à parvenir au but qu'elle doit se proposer; carde la sagesse ou de l'erreur des principes sur lesquels cette législation sera établie, doit résulter l'amélioration sensible ou l'altération inévitable de la fortune publique.
Le travail que nous vous présentons, est le résumé succinct des 6 rapports qui vous ont été distribués, et nous avons réduit à un très petit nombre d'articles le décret que nous vous proposons ; ils sont la base des lois que vous laisserez à vos successeurs lé soin honorable d'achever.
Mais, avant d'entrer dans cette question, le comité croit devoir vdtts mettre sous les yeux l'état des hôpitaux du royaume, tel qU'il résulte des différents décrets que vous àvezreudus. Bien qu'ils n'assistent qu'Une très petite partie de l'Empire, et qu'ils laissent sans secours presque tous les habitants des campagnes, ces hôpitaux et quelques fonds de charité sont les seuls moyens par lesquels la pauvreté est secourue en France. La connaissance de leur situation actuelle ne vous paraîtra peut-être pas même sans utilité pouir déteribinér le parti général que vous croirez devoir prendre.
Les hôpitaux et fonds de charité du rovaume avaient, avant la Révolution, environ 29 à 30 millions de revenu.
Leë divers décrets portant suppression des droits ét privilèges dont ils ont joui jusqu'en 1790, les ont réduits de 19 à 20 millions.
Si cette évaluation n'est pas entièrement exacte, elle est de la plus grande probabilité. Nous devons à l'Assemblée de lui faire connaître de quelle manière nous l'avons obtenue.
Des états trouvés au contrôle général ne donnent connaissance que de 947 hôpitaux, dont ils ne portent les revenus qu'à 14,017,045 livres.
Nous nous sommes facilement persuadés que ces renseignements étaient incomplets ; et d'après les lettres que nous avons écrites à tous les départements, d'après les relevéB des déclarations déposées au comité ecclésiastique, nous avons acquis la connaissance de 2» 185 hôpitaux, sans comprendre les dotations particulières de charité.
Nous avons alors demandé aux municipalités des lieux oii ces hôpitaux sont situés, de nouB faire connaître la portion de leurs revenus supprimée par les décrets.
Tous ces états ne sont pas parvenus aussi corrects et aussi explicatifs que nous les avions demandés. 1,438 d'entre eux ont jusqu'ici répondu de manière à nous donner des résultats, et nous ont déclaré un revenu de 20,874,664 livres avant la Révolution, réduit par vos décrets à 13,987,787 livres, sans y comprendre les impositions auxquelles la plupart de ces biens sont assujettis.
Quoique le nombre des hôpitaux qui n'ont pas répondu à nos lettres soit à peu près la moitié de ceux qui nous avaient accusé leurs déclarations, nous n'avons pas cru, pour avoir un résultat probablement bon, devoir calculer leurs revenus sur cette proportion.
Nous avons pris une marche que nous avons crue plus sûre.
Dans le nombre des hôpitaux qui n'out point encore satisfait à la demande du comité» nous en I
avons choisi 40 des plus considérables (1), dont les revenus s élevaient, par leur déclaration en 1764 â...............................2,995,000 liv.
Nous en avons également choisit 107 autres, d'une Classé inférieure, dont leS revenus, à là même époque, s'élevaient &..... 966,270
Total...... 3,961,276 liv.
Le calcul de l'augmentation nécessaire de ces revenus, dans l'espace de 27 années, les élève à 5 mil lions i et nous nous sommes donné la preuvede la justesse de cette évaluation, en la comparant avec les revenus de certains hôpitaux qui les ont fait connaître en détail aux deux époques de 1764 etl791 (2).
On peut donc être assuré que les 147 hôpitaux dont nous venons de parler ont maintenant 5 millions de revenus, qui. joints à la première somme formeront un total de... 25,874,664 liv.
Nous avohs évalué les 600 autres hôpitaux qui ne nous avaient envoyé aucun renseignement sur le revenu commun des 107 de la classe inférieure déjà estimés; et calculant d'après les mêmes principes, nous leur avons trouvé ud revenu de 2,700,000 livres ; total pour les 2,185 hôpitaux, 28,574,864 livrés avantlaRévolution, auxquelles il faut ajouter encore 500,000 livres de revenu pour les fonds de charité applicables à des distributions de bouillon, de remèdes, de pain, etc., calculés pour les 83 départements, sur la connaissance positive que 57 nous en ont donnée.
Ainsi nous sommes autorisés à porter, à 29,074,664 livres les revenus des hôpitaux et fonds dô charité du royaume avant la Résolution; et nous devons observer que comme nous avons pris les déclarations de ces hôpitaux pour base» nos calculs sont au-dessous de la réalité; car aucunes de ces déclarations ne sont sans doute forcées, et nous sommes assurés que plusieurs sont de beaucoup inférieures à la vérité des revenus.
Quant aux pertes que les hôpitaux éprouvent dans leurs revenus, nous avons estimé celles des maisons qui n'ont pas répondu à nos demandes d'après celles Çbnnues par les déclarations qui nous étaient parvenues, et nous nous y sommes d'autant plus facilement déterminés, que le département de Paris étant compris parmi ceux dont les hôpitaux avaient fait connaître leurs revenus et leurs pertes, le résultat de cette manière de calculer ne peut être qu'en diminution des pertes, c'est-à-dire présenter Un revenu des hôpitaux au-dessous de là réalité, et c'est l'espèce d'erreur que nous avons préférée;
Ces pertes montant à......... 6,886*877 liv.
11 y a pour les hôpitaux qui n'ont point donné d'état, ci..... 3,443,438
fin tout...... 10,330,315 liv.
Il résulte de cette exposition que les fonds des établissements de charité et des hôpitaux produisaient dans l'ancien régime un revenu annuel de............................ 29,074,664 liv.
Qu'ils perdent par le nouveau une somme de...........................10,330,315
Ea conséquence, il ne leur
reste que....... . ..'............ 18,744,349 liv
Nous ne vous présenterons rien de bien certain sur les dettes des hôpitaux ; nous en avons constamment sollicité les déclarations ; mais nos demandes ont été, à cet égard, très incomplètement répondues : la plupart de ces dettes sont des rentes constituées ou viagères résultant d'emprunts; plusieurs résultent d'avances faites, et sont actuellement exigibles. Mais sans connaître, à beaucoup près, le détail de ces dettes, comme nous le désirerions, nous sommes fondés à croire qu'elles n'excèdent pas une année du revenu total des hôpitaux, et qu'elles sont presque toutes concentrées dans les hôpitaux les plus riches.
Pour terminer tous les comptes que nous avons à rendre sur les hôpitaux, nous ajouterons que la plupart de leurs administrations, dépendant dans l'ancien ordre de choses, de certaines places supprimées, se trouvent aujourd'hui sans administrateurs légaux ; que vos décrets, à cet égard, ont été inégalement interprétés par les municipalités et par les départements, et que de cette différence d'interprétation naît une multitude de discussions, un choc continuel de prétentions, et plus que tout, des réclamations pour que l'Assemblée nationale prononce à qui doit être déléguée l'administration des secours déjà existants, et des secours qu'elle veut établir; il est donc encore nécessaire qu'avant de vous séparer vous fassiez connaître à cet égard votre intention.
Cette nécessité vous paraîtra sans doute plus urgente, Messieurs, quand vous considérerez qu'un grand nombre d'hôpitaux privés des aumônes qu'ils recevaient les années précédentes, perdant, par la suppression des octrois, la plus grande partie de leurs revenus, qu'ils ne peuvent que lentement et successivement remplacer par l'imposition des sous additionnels, manquent journellement de moyens pour l'entretien des pauvres qui sont à leur charge, et que les fonds indispensables pour cet entretien sont, ou avancés par la généreuse humanité de quelques administrateurs qui y fournissent de leur fortune, ou, le plus souvent, pris sur les payements des rentes dues par ces établissements, qui ainsi ne sont pas acquittées. Enfin, Messieurs, vous avez, par des décrets provisoires, soutenu le revenu des hôpitaux au point où ils étaient avant la Révolution ; mais au mois de janvier prochain ce provisoire cesse, et les hôpitaux restent entièrement à découvert des pertes que leur font éprouver les différentes suppressions ordonnées par vos décrets.
De cet état de choses, il résulte que pour rétablir les hôpitaux dans les revenus dont ils jouissaient avant la Révolution, vous devez imposer, soit sur la totalité de l'Empire, soit sur les différents lieux où sont établis les hôpitaux, une somme de 10 millions; encore n'aura-t-on pas satisfait à la réclamation de plusieurs d'entre eux qui sollicitent une augmentation de revenus nécessaires à leurs charges. Il résulte qu'indépendamment de cette somme annuelle de 10 millions, nécessaire pour porter les revenus des hôpitaux au point où ils étaient avant la Révolution,
vous avez encore à pourvoir aux dettes que beaucoup d'entre eux ont contractées; car leur eû faire porter la charge, c'est diminuer d'autant leurs revenus, c'est diminuer d'autant les fonds que vous destinerez aux secours, et que vous ne devez leur donner que dans une exacte nécessité.
Enfin, en rétablissant ainsi les hôpitaux, aujourd'hui existants, dans leurs anciens revenus, vous n'aurez fait encore qu'en faveur de quelques villes; vous aurez laissé sans secours les campagnes qui ne participent qu'en très petit nombre aux établissements de charité existants jusqu'ici, et que vous avez cependant pris avec tant de raison l'engagement positif de secourir, quand vous avez rétabli la nation dans la possession des biens ecclésiastiques. C'est donc au soulagement de la classe indigente dans toutes les parties de l'Empire, que vous devez pourvoir, d'après les principes que vous aurez adoptés dans votre sagesse?
De cet incontestable devoir naît la première question à examiner. L'assistance des pauvres doit-elle être en France une charge nationale ou locale?
Nous nous hâtons de déclarer à l'Assemblée qu'en opinant pour en faire une charge nationale, le comité ne préjuge rien sur la vente des biens des hôpitaux, et 'sur leur réunion dans une masse commune; les circonstances actuelles ayant paru faire penser à l'Assemblée que cette question ne devait pas être agitée dans le moment présent, nous ne la traiterons que subsi-diairement, et d'une manière indépendante du travail que nous vous présentons, et qui laisse aux hôpitaux actuels la jouissance des revenus dont ils sont aujourd'hui en possession.
L'opinion que l'Etat doit laisser, doit imposer à chaque municipalité le devoir d'entretenir se3 pauvres, a si souvent été répétée, elle est si séduisante par sa simplicité, que nous croyons, en la combattant, devoir la faire envisager sous ses rapports principaux, à ceux qui, ne l'ayant pas examinée dans toutes ses conséquences, auraient pu la juger d'une facile application.
D'abord l'assistance pour ceux qui doivent être secourus, ne serait pas partout égale ; elle dépendrait du plus ou moins de richesse de la municipalité, de la facilité plus ou moins grande des corps administrants. Si les lois de l'E mpire prescrivaient un traitement égal pour tous les individus à assister, l'injustice et l'inégalité se trouveraient alors pour les citoyens qui devraient contribuer aux secours ; car la proportion des besoins n'est pas toujours celle des richesses : le pays le plus pauvre, celui où un plus grand nombre de secours est nécessaire, est presque toujours au contraire celui où il existe moins de ressources. Ainsi, ou assistance insuffisante pour les pauvres, ou charge insupportable pour les citoyens qui doivent contribuer à cette assistance. Si l'on ajoute à ces premières raisons, déjà déterminantes pour rejeter cette idée, celle qu'il faudrait alors que chaque municipalité eût un établissement propre à secourir toutes lés infirmités de la vie, qui toutes pourraient assaillir quelques-uns de leurs habitants, on en trouvera i'execution déjà plus difficile; mais les conséquences funestes de ce mode d'assistance seront plus évidentes encore, si l'on réfléchit à la difficulté qui en naîtrait des changements de domicile, et à l'obstacle pernicieux mis par cette difficulté au mouvement de l'industrie, et même au libre usage de la propriété. En effet, toute entreprise d'industrie, soit ma-
Dufacturière, soit de culture, de défrichement, de dessèchement, ne pouvant se faire en grand qu'avec des bras appelés du dehors, les municipalités qui prévoiraient que ces entreprises pourraient ou mal tourner, ou se ralentir, ou arriver plus ou moins promptement à leur fin, s'opposeraient, par une prévoyance sans doute mal entendue, mais non moins probable, à ces établissements qui peupleraient leurs pays d'hommes sans propriétés, qui bientôt pourraient devenir à la charge commune ; elles nuiraient ainsi d'une manière fuoeste à leur véritable richesse, à la prospérité nationale qui ne peut réellement résulter que du plus grand accroissement des productions de la terre et des résultats de l'indus-trie. Les municipalités, toujours en contestation pour ne pas admettre ces hommes sans domicile, les rejetteraient sur les municipalités voisines. De là, l'agilissement de ces malheureux, qui, rejetés de tous les lieux, ne pouvant trouver de travail,' avilis par le refus, par les repoussements de toutes les municipalités^"deviendraient entre toutes une source de haine, de procès et de frais énormes.
Mais une autre considération rend plus impraticable encore l'idée de charger les municipalités du soin de leurs pauvres, c'est que ce système entraîne la nécessité d'une taxe locale particulièrement appliquée au soulagement des pauvres. Ce projet, dont l'expérience de no3 voisins démontre tous les vices, a cependant encore des partisans : et, comme il pourrait se reproduire sous des formes différentes et qu'il est plein de dangers, le comité croit devoir encore donner quelques développements aux motifs qui lui en ont fait rejeter même l'idée ; il ne s attachera qu'aux principaux.
Cette taxe sera inégale dans tous les lieux, en raison des besoins auxquels elle devra faire face; alors elle rendra inégale la valeur des propriétés. Cette augmentation de charges sur les propriétés ne fera pas augmenter en proportion leur valeur, comme on pourrait le dire, si elle était égale dans tout le royaume : ainsi les propriétaires, sans avoir l'espérance d'augmenter leur revenu, courront le danger de voir leur fonds tomber de valeur, et la conséquence de cet ordre de choses sera ruineuse pour l'Etat et pour les pauvres; car les propriétaires, au lieu de chercher à attirer et à favoriser l'industrie pour améliorer leurs propriétés, s'entendront, au contraire, pour la repousser, parce qu'ils la regarderont comme une cause de charge pour eux. Ainsi le principe de toute amélioration se tarira dans sa source, et l'accroissement considérable des charges dont le propriétaire crâindra d'être grevé, repoussera fortement la tendance au travail, que la liberté favoriserait en vain.
Cette inégalité de taxes, impolitique pour le bien du royaume, peut donc encore être dite généralement injuste; mais elle aurait de plus le vice moral de porter un grand obstacle à l'établissement des secours que l'Assemblée nationale projette pour les pauvres. Les propriétaires, les domiciliés, les fermiers qui, par la nature de l'irrégularité de la taxe, se trouveraient exposés à des augmentations qu'ils n'auraient pas pu calculer, se refuseraient, autant qu'ils pourraient, à la contribution de ces secours, auxquels cependant la loi les obligerait. Tous les moyens de ruse, de force, seraient employés par les divers départements, pour se renvoyer réciproquement les familles qu'ils devraient nourrir, ou auxquelles ils prévoiraient devoir un jour donner des
secours. Cette dureté pour le malheureux, vice presque contre nature, ou au moins contre toute société, serait cependant, en quelque sorte, excusable par la prodigieuse inégalité de secours à leur donner; et cependant elle ne diminuerait pas les charges ; car il est de la nature de toute taxe individuelle, et dont le secours des pauvres est l'objet désigné, de s'augmenter même malgré l'opposition des contribuables. En vain ceux qui payeront la taxe se raidiront-ils, de concert avec les administrateurs eux-mêmes, contre son aug mentation; il n'en résultera qu'une lutte perp£ tuelle, qu'une plus grande incurie sur l'emploi de la taxe, et peu de soulagement profitable ; mais la taxe augmentera. Le besoin, l'importunité, l'intérêt personnel des pauvres, le sentiment de pitié que l'exposition de leur besoin, même exagéré, inspire, seront toujours plus forts que ne pourrait jamais l'être la constance des administrateurs à refuser.
Des ambitieux, des intrigants disposés à flatter la multitude, et à gagner une popularité du moment, détermineront celte augmentation, que les administrations suivantes n'oseront baisser, et qui peut-être s'étendrasur les districts, sur les départements voisins, et c'est particulièrement encore ici que l'exemple de l'Angleterre est une grande leçon. La taxe des pauvres n'y était portée, au commencement du siècle, qu'à quinze millions ; elle excède aujourd'hui soixante; et les contribua-? bles, luttant sanscesse contre sou poids énorme, sentant l'impossibilité de la diminuer, se bornent aujourd'hui à chercher à l'empêcher de s'étendre davantage, sans oser espérer pouvoir s'opposer efficacement à son accroissement. Cet exemple est une grande et importante leçon pour nous ; car, indépendamment des vices qu'elle nous présente, et d'une dépense monstrueuse, et d'un encouragement certain à la fainéantise, elle nous découvre la plaie politique de l'Angleterre, la plus dévorante, qu'il est également dangereux pour sa tranquillité et son bonheur de détruire et de laisser subsister. Nous trouvons même en France l'exemple de la cherté et du danger de cette taxe pour les pauvres. On sait que'dans la ci-devant province de Flandre, les pauvres sont entretenus par leurs paroisses, et le mode de les adjuger par an au rabais, prouve que l'on veut mettre à profit l'esprit de charité des habitants de cette ancienne province, pour les nourrir à un plus bas prix. Cependant la taxe pour les maintenir, inégale dans toutes les paroisses, s'élève dans quelques-unes à 14 livres par arpent, et est encore indépendante des hôpitaux.
Tous ces inconvénients, dont le comité a reconnu la réalité, lui fait rejeter toute idée, même éloignée, de taxes pour les pauvres, et avec elle, celle de charger les municipalités du soin particulier de leurs pauvres.
Les inconvénients seraient les mêmes pour le système qui tendrait à mettre les pauvres à la charge des départements ; et il aurait de plus le vice, qu'il faut dans notre Constitution le plus soigneusement écarter, d'isoler les départements entre eux, et de les rendre indépendants d'un centre commun auquel on ne peut trop les ramener pour l'intérêt de tous.
Aucuns de ces inconvénients, si funestes dans le système de mettre l'assistance des pauvres à la charge particulière des municipalités ou des départements, ne se trouvent dans celui qui fait de cette assistance une charge nationale. D abord, point de taxe particulière pour l'imposition nécessaire à cette œuvre de devoir. Les revenus
Qui y sont affectés, se confondant avec les autres revenus ou impositions de la nation. L'assistance de la classe infortunée est une charge de l'Etat, comme le payement des fonctionnaires publics, comme les frais du culte, comme toute autre Charge nationale.
Le citoyen en acquittant ses impositions ne distingue pas plus la partie qui va soulager la pauvreté, que celle qui doit entretenir les routes ou payer l'armée; et le malheureux, mis ainsi sous la providence unique de l'Etat, échappe aux reproches, aux regrets de celui qui est expressément imposé pour le secourir, reçoit une assistance plus noble, plus généreuse, plus digne du respect qui est dû au malheur, et de la grandeur de la nation qui le secoure. Les sommes nécessaires à l'assistance publique, votées à l'Assemblée nationale sur le calcul des besoins, d'après des bases générales et certaines, ne peuvent recevoir d'accroissement par l'intrigue d'aucun ambitieux ; car ce ne serait plus pour sa municipalité et pour son département qu'il agirait, ce serait pour le royaume entier, dont toutes les parties recevraient une part de l'augmentation des seeours qu'il aurait provoquée. Ainsi cette augmentation n'aura lieu que sur la connaissance entière des besoins; ce qui sans doute est un grand avantage. Cette impossibilité d'aug-menter ainsi, pour les vues particulières d'un intrigant, la taxe des pauvres, donnant même les moyens de diminuer la masse des secours Sur la connaissance de la diminution des besoins, les tenant dans la juste proportion de la pauvreté, portera encore obstacle à l'accroissement de la fainéantise et des vices qui en résultent. Enfin, nul germe de procès par cet Ordre de choses, nul obstacle à l'accroissement de l'industrie, du commerce, de la richesse publique, au niveau si nécessaire à établir dans le prix de la main-d'œuvre ; et cependant possibilité entière d'intéresser les départements à surveiller dans leur enceinte l'accroissement du nombre des pauvres, comme nous nous proposons de le démontrer.
Ainsi le comité a pensé que l'expérience des peuples voisins, les réflexions les plus saines devaient le déterminer à proposer à l'Assemblée de décréter, que l'assistance des pauvres, dans les diverses circonstances de la vie où l'Etat leur doit assistance, devait être une charge nationale.
Après avoir admis la vérité politique, incontestable pour nous, que l'assistance des pauvres doit être une charge nationale, il s'agit d examiner quelle doit être la masse de cette charge, et quels sont les moyens d'y satisfaire.
Nous avons développé dans le cinquième rapport, comment les divers renseignements qUe nous avions reçus, soit des pays étrangers, soit des diverses parties du royaume (1), nous avaient
portés à croire que la proportion des pauvres est, dans les temps ordinaires, du vingtième à peu près de la population totale ; et nous entendons ici par pauvres ceux qui, manquant absolument de ressources personnelles, ne pouvant pas s'en
procurer suffisamment par le travail, réclament avec nécessité l'assistance publique dans les temps de maladie, de vieillesse, d infirmités ou dans les cas de calamitéé particulières; et comme le travail est le devoir de tous les hommes, comme l'assistance publique est une imposition Sur les revehUs de l'Etat, nécessaire quand elle est bien placée, mais onéreuse pour celui qui la supporte, et pour l'intérêt public, quand celui qui la reçoit peut s'en passer, nous avons même Calculé cette proportion avec la plus grande sévérité. Ce calcul, résultant de tous les renseignements fournis ou recueillis depuis' plusieurs^an-nées, a été confirmé par les informations que bous avons reçues des départements, et qui exagérées pour la plupart, malgré les mesures que nous avions recommandées, avouent -cependant toutes que la crise actuelle, où l'industrie est presque en totalité suspendue; double le nombre des pauvres, ce qui le porte du neuvième au dixième dans des temps ordinaires.
Nous nous persuadons/ Messieurs, que quand vous jetterez les yeux sur le tableau où nous avons réuni le résumé succinct des renseignements fournis par les départements, vous penserez que ces corps administratifs méritent des éloges et des remerciements, des soiins utilès qu'il* ont donnés à ces recherches.
Après avoir ainsi tenté de rapporter à une prdportioh générale le nombre le plus Vraisemblablement existant en France d'individus à secourir, hous avons dû chercher à apprécier la hature de leurs besoins, et quelle dépense ils devaient occasionner. Ici la recherche dévient plus embarrassante et plus compliquée. S'il n'existait dans le royaume qu'une seule classe de pauvres, du Si elles n'avaient toutes quèles mêmes besoins, alors le problème étant simple, la Solution eù serait facile. EU effet, eh cherchant (ce qui n'offrirait pas de grandes difficultés) quelle devrait être la sonime nécessaire pour la Subsistance du pauvre, on aurait bientôt, par la connaissance du nombre dés individus, celle du montant de la dépense générale. Mais les choses n'en sont point à ce degré de simplicité ; la dépense dès pauvres Varie sous un grand nombre de rapports; elle diffère à raison du sexe et de l'âge ; elle n'est pas la même poUr les hommes èt pour les femmes ; elle l'est encore moins poUr les enfants, et en Angleterre on n'a point méconnu ces utiles combinaisons. La somme des besoins Varie encore plus sous d'autres rapports. Àihsi le pauvre valide, ie pauvre dans la force de l'âge et de la vigueur; ne devait être'secouru que par des moyens de travail, et d'un travail productif, le genre d'assistance qui le concerne ne doit guère exiger, en Sàtité, qttë de simples avances : le pauvre malade, au contraire, a droit à des secours complets, certains, assUréS ; et les soins qu'entraîne l'état de maladie, ne pouvant être que dispendieux, ils seraient les plus considérables de tous,* si l'on n'observait pas qu'ils he sont que momentanés. Il n'en est pas de même de ceux dus aux infirmes, aux enfants, aux vieillards, qui pour la durée doivent être jiXes, permanents Ou habituels, et doht la somme, considérée à raison de la dépense par jour, paraît devoir tenir le milieu entre celles des deux autres classes, évaluées de la même manière. Mais si la dépense varie à raison dès différentes espèces de pauvres, ce n'est donc pas Seulement à rechercher quel doit être le montant par individu pour chaque classe, qu'on doit se borner; il est évident qu'il faut encore connaître quelle est la
proportion respective d'individus que contient chacune dé ces classes, puisque le résultat défi nitif, ou le total général de la dépense, doit varier, Suivant que la classe qui exige la dépense la plus faiblé où la plus forte dominera. C'est d'après cë principe que nbUS avons dû chercher à connaître quelles sont les proportions dés pauvres pour chacune de leurs ^fasses ou de leurs espèces, et nous avons encore appelé à cet égard les observations de l'expérience, qui nbUs faisant voir qu'une des lois éternelles et invariables dé la nature, est l'uniformité de sa marche, nous prouvé que, dans de grandes masses d'hommeà égalés, tous les événements, touS lëé accidents, toutes les chances se trouvent semblables ; et avec ce guide certain, nous avdns troUVé que sur de grandes masses de paUVreS, telles qd en présentent dè grandes populations le nombre de cehx qu'on peut appeler valides, Où qUi Sont eu état de pourvoir, par le travail, à leur subsistance, paraît devoir être évalué au mdins a là moitié.
Cette masse prélevée, il reste en paUvrés vraiment nécessiteux, et qui, exigeant, comme les enfants, les vieillards et les infirmes, des secours permanents et durables, peuvent être appelés des pauvres habituels, un riOmbre que l'eX périëhce indique être la moitié, et parmi lesquels toutefois il s'en trouvé encore une proportion quelconque en état de faire quelque travail, et de contribuer ainsi à une partie de la dépense qu'ils occasionnent.
Toute masse de pauvres peut donc être considérée comme partagée en deux classes : une moitié de valides, qui, ne devant exiger que des secours môcnéntanés, dans les temps de cessation de travail, peuvent être considérés comme dés pauvres accidentels, et une moitié de pauvres habituels, les Vieillards, les infirmes et les enfants; mais les pauvres valides, qui, en santé et avec des moyens de travail, peuvent paraître horS de l'état d'indigepce, devant avoir aèS besoins, s'ils sont attaqués de maladies, et les pauvres habituels devenus malades, demandant alors un supplément de secours, il faut évaluer la proportion commune de pauvres malades' sur les deux classes réunies, ou, ce qui est la même chose, sur la totalité du nombre des pauvres, et l'expériénce ,1a plus constante a appris qu'elle était du vingtième sur un nombre d'hommes déterminé. .
Il résulte de toutes ces données, que sur le nombre d'un million de pauvres, présumé en France dans les temps çrdinaires, il faut en compter 500,000 au moins de valides; dés lors 500,000 de pauvres habituels, et 50,000 de malades sur la totalité des dëux classes. Nous avons dit qué cette première classe devant recevoir des moyens de travail, des lois protectrices de l'in-r dustrie ët du commerce, les secours que devait leur fournir la société, devraient se borner à des atëliers formés dans les mortes saisons, à l'assistance donnée à leur famille, quand elle est trop nombreuse; et il est d'autant plus juste de les borner ainsi, qu'il ne reste alors au pauvre valide d'autre application du salaire qu'il gagne, que celle à laquelle il peut suffire.
Quant aux secours en maladie, une expérience très certaine et très Connue ayant appris que, dans Paris même, le prix des journées de malades convenablement soignés, soit à domicile, soit dans des hospices, ne doit s'élever que de 17 à 18 sous ; .il n'est sans aucun doute que, dans la plupart des provinces, où tous les objets
de consommation, la valeur des emplacements, les salaires des employés sont d'un prix beaucoup moindre, la journée du malade ne devra pas excéder 12 sous. De nombreux exemples appuient cette vérité, et nous avons ainsi évalué le prix commun dans toutes les parties du royaume a 15 sous, moyenne proportionnelle entre ces deux sommes réduites.
L'estimation de la dépense pour chaque classe des pauvres habituels est moins simple et plus difficile à fixer. Cette classe comprend diverses espèces d'individus, pour lesquels la dépense doit varier ; selon que l'âge, le sexe et les infirmités plus ou moins grandes apportent quelque différence dans les soins qu'ils exigent; il faut donc chercher à déterminer quelle est la proportion d'individus dans chacune de ces classes. Ces différences respectives, portant sur des masses moins grandes et liées à des proportions plus fugitives, à des causes moins constantes, sont d'autant plus difficiles à saisir, que l'observation prête peu de secours à cet égard. Nous avons bien trouvé qu'en France, on évalue à 40,000 le nombre des enfants trouvés à secourir; mais ce nombre, dont rien ne confirme l'exacte vérité, est variable par mille circonstances différentes ; aucune recherche d'ailleurs, dans aucun pays du monde, ne nous a semblé avoir été faite pour déterminer la proportion des vieillards et infirmes dans la totalité de la masse des pauvres. Toutefois, les faits présentent quelques bases certaines dont nous avons cru devoir profiter. Ainsi on trouve que, dans une masse de pauvres, les enfants, occasionnant une dépense beaucoup moindre, forment une proportion beaucoup plus forte. Les femmes donnent, à un degré moins marqué, un semblable résultat.
La dépense des individus de ces différentes classes, pris en commun, devant être estimée d'après une mesure moyenne, nous avons d'abord dû chercher, si, comme on l'évalue le plus ordinairement en Angleterre et dans la plupart des hôpitaux de France, elle devait surpasser une somme annuelle de 100 livres par individu, et nous avons reconnu, d'après les résultats d'un nombre considérable d'essais, faits dans diverses parties du royaume avec soiD, intelligence et économie, qu'elle devait être évaluée fort au-dessous de cette somme : nous ne balançons pas même à croire, d'après la moindre dépense (les enfants, et leur proportion plus forte dans la masse des pauvres, d'après îe calcul qui nous porte à évaluer les quatre cinquièmes de celte quantité de pauvres dans les campagnes, et un cinquième seulement dans les villes, d'après la différence des prix dans les provinces et dans la capitale, dans les campagnes et dans les villes, que la dépense moyenne des pauvres doit élre de 55 à 60 livres par individu, ce qui donnerait 40 livres à peu près par enfant, et 70 à 80 livres pour les vieux et infirmes. Cette évaluation est confirmée par les renseignements pris dans un grand nombre de villes, soit françaises, soit étrangères, Paris excepté, qui montrent que la dépense moyenne des pauvres n'y est estimée que de 72 à 80 livres, et qui nous ont appris même que c'était à cette somme que les projets de réforme faits en Angleterre, sur l'administration des pauvres, estimaient que devait être réduite la dépense de chacun dans les villes.
Les mêmes considérations et la différence des prix pour les objets de nécessité première, de province à province, doivent nous faire penser que le prix moyen de 55 à 60 livres doit suffire
pour les pauvres de la campagne, et nous sommes confirmés dans cette idée par les demandes d'un grand nombre de municipalités et de districts qui, répondant aux diverses questions que nous leur avions adressées, relatives à notre travail, sollicitaient, pour ie soutien des familles dans l'indigence, des sommes beaucoup moins fortes.
Quant aux dépenses relatives aux enfants, quoique les divers exemples que nous avons réunis, nous fassent voir que les secours annuels qu'ils reçoivent, ne sont nulle part au-dessous de 40 livres, nous avons lieu dépenser que le prix moyen comporte une évaluation moindre, parce que ces secours de 40 livres ne sont estimes que sur les dépenses des villes, et que d'ailleurs ils ont tous pour objet les enfants trouvés. Uu enfant abaudonné, en faveur duquel oi le sang, ni la nature n'intéressent aucun être, ne peut être considéré que comme une charge pour la famille qui le reçoit; alors tous les soins qui lui sont donnés doivent être payés en entier : mais au milieu de ses parents, au sein de ses proches, de moindres secours seront nécessaires; il ne s'agit que de remplacer ce que ia famille ne peut absolument faire, ce qu'à regret elle ne peut donner. Quant aux soins, ceux de la tendresse maternelle ne voudraient pas être payés ; ce sentiment est plus fort que tous les malheurs, il n'est méconnu d'aucune classe, d'aucune position de la vie. L'absolu nécessaire en secours pour les enfants dans leur famille, est donc entièrement suffisant. Tel est, nous le répétons, l'avantage des secours à domicile. En aidant le malheur dans le sein des familles, tant de soins que l'intérêt calcule dans les hôpitaux ne sont point comptés par le sentiment. La bienfaisance, l'assistance particulière des voisins, des âmes sensibles et bonnes, qui forment aussi une famille, complètent les secours dont elles reconnaissent le besoin, et perfectionnent ainsi la bienfaisance publique.
Telles sont les bases les moins incomplètes que le temps et le peu de progrès de l'économie politique parmi nous, nous ont permis de rassembler; nous les croyons suffisantes pour nous autoriser à proposer les calculs suivants de dépense.
La proportion dé malades que doit donner le nombre des pauvres dans le royaume, étant d'environ 50,000 habituellement, à raison de 12 à 15 sous, prix moyen de la journée, la dépense des médecins ou chirurgiens des pauvres comprise, ce qui donnerait 200 à 250 livres à peu près de dépense par malade, pour l'année, ce genre de secours peut être évalué à... 12,000,000 liv.
La dépense en secours habituels, relatifs à l'entretien des enfants, infirmes et vieillards, étant fixée de 50 à 60 livres, pour mesure commune, à raison de 500,000 pauvres ou individus de cette classe, c'est.............. 27,500,000
Les secours pour ie travail des valides ou les ateliers publics, à 60,000 livres par département, montent à une somme d'environ. 5,000,000
La dépense pour la répression des mendiants, les maisons de force ou de correction, n'ayant jamais excédé, dans les derniers temps, 1,500,000 livres, et à rai-
A reporter...... 44,500,000 liv.
Report..... 44,500.000 liv.
son des mesures qui serout prises par l'Assemblée, cette dépense ne devant pas exiger une grande augmentation, nous avons pensé qu'avec celles que ia transportation pourra exiger, elle ne devra
pas excéder................... 3,000,000
Enfin les fonds à faire pour la caisse de réserve et pour les frais d'administration, nous ont paru pouvoir être évalués à......... 4,000,000
Total............. 51,500,000 liv.
On a donc de dépense totale 50 à 52 millions, et nous prenons pour base la première somme.
A quelque évaluation que se fût portée la dépense nécessaire au soulagement des pauvres et a l'assistance que leur doit une Constitution sage, fondée sur les bases de la justice et de l'humanité, nous n'aurions pas craint de vous la proposer; nous n'aurions pas redouté qu'il s'élevât dans l'Assemblée une seule voix qui prononçât qu'il fallait retrancher un seul denier indispensable aux secours dus à l'humanité malheureuse et souffrante, à ceux que la bienfaisance publique ordonne et dont elle pose les bornes; nous n'aurions pas craint d'avoir à rappeler à qui que ce soit de cette Assemblée, qu'elle avait, par un accord unanime, par un élan commun de bienveillance et de justice, pris l'engagement solennel de secourir l'indigence, de la soutenir, de la consoler dans ses malheurs. La nature, la morale, l'intérêt public, ]a philosophie entin, qui donne à toutes les idées et à tous les sentiments la justesse et l'énergie, ont trop profondément gravé ce devoir dans nos cœurs, pour qu'il puisse être méconnu de nous, et pour que son exécution n'en soit facilitée de tous nos moyens.
Nous devons redouter davantage que, comparant cette somme avec celle que supporte, chez nos voisins, la taxe des pauvres avec la masse des besoins de la classe malheureuse de nos concitoyens, vous ne trouveriez trop faible la dépense que nous vous proposons de décréter, et c'est sur ce point important que les calculs que nous vous avons soumis, que les preuves dont nous les avons appuyés, doivent rassurer votre inquiétude. Nous avons même lieu de craindre que les états sur lesquels nous avons établi cette dépense, plus forte sans doute que dans aucun autre temps, ne nous aient portés à une évalua-luation trop élevée, quoique nous ayons cherché à les estimer ce qu'ils devraient être dans les circonstances ordinaires. Les dépenses de la répression et de la transportation, entre autres, que nous avons évaluées à une somme annuelle de 3 millions, doivent en très peu de temps être réduites presque à rien, si un travail bien entendu est établi dans les maisons de répression ; et si le lieu de la transportation est assez bien choisi pour vous donner lieu d'espérer que le produit de votre colonie couvrirait vos frais et d'établissement et d'entretien. Mais nous avons pensé qu'il était préférable dans le commencement de l'établissement de ces secours publics, de ne pas courir le risque de la nécessité d'une augmentation de fonds; nous avons cru que les bornes de leur accroissement seraient plus difficiles à poser que celles de leur diminution, et nous avons vu, dans cette précaution, l'intérêt de l'Etat, composé de l'intérêt de tous et particu-
lièrement de l'intérêt des malheureux, dont la classe s'augmenterait par la certitude d'une augmentation de secours; et c'est cette raison particulière qui nous a portés à ne pas'comprendre dans l'état des dépenses fixes que nous vous proposons, les secours additionnels que la circonstance ae la Révolution nécessite et nécessitera peut-être quelques années encore ; mais qui n'étant que momentanés, doivent être présentés comme variables, et qui, mis dans l'état ordinaire,' s'en tireraient peut-être avec difficulté. Vous y avez pourvu par votre décret du 16 décembre.
Votre comité est donc persuadé que la somme de 50 millions qu'il vous propose d'attribuer au soulagement de la classe indigente, administrée avec la sagesse, l'économie que vous avez droit d'attendre, et la surveillance publique qui la rendra certaine, suffira à ses besoins et a vos devoirs.
Mais quoique cette dépense devienne une dépense de l'Etat; quoique encore une fois elle doive être faite des deniers du peuple, puisqu'elle sert évidemment l'intérêt public, le comité doit vous déclarer qu'indépendamment de la partie des biens ecclésiastiques, dite depuis longtemps de voir appartenir aux pauvres, un assez grand nombre de biens donnés aux pauvres, ou pour aumônes, ou pour hôpitaux, ou pour infirmeries destinées à la guérison de quelques maladies secrètes, ont successivement, et sous mille prétextes différents, été soustraits à l'intention qui les avait fondés, et ont passé, ou comme bénéfices simples ou comme dotations de moines, dans lés revenus ecclésiastiques ; ils sont devenus les revenus de l'Etat, aussi ils sont véritablement le bien propre des pauvres. Nous en avons acquis la connaissance de l'examen des déclarations des biens du clergé, envoyées au comité ecclésiastique; et comme le plus grand nombre n'entre dans aucun détail sur l'origine et l'historique de ces biens, nous sommes fondés à croire que ce que nous avons pu recueillir de fondations ayant les pauvres pour objet, ne forme qu'une très petite partie des réclamations à faire en leur faveur; et d'après cette autorité nous mettons à ce rang :
1° Les offices claustraux des différents monastères d'hommes, connus sous le nom d'infirmeries, aumôneries et hôpitaleries. Le revenu de ces offices, districts et séparés de la mense commune, était administré par un membre de la communauté, chargé à la fois d'en diriger l'emploi. Ces religieux appelés du nom de leurs offices, aumôniers, infirmiers, hospitaliers, devaient, ainsi que chacun de ces titres l'indique, distribuer les aumônes, soigner les malades, donner l'hospitalité aux pauvres passants. Chaque couvent de bénédictins avait un office ne cette espèce, qui s'appelait la part des pauvres. Ils étaient dotés eu proportion de la richesse du monastère; plusieurs s élevaient à 10 et 12,000 1. de revenu. La réunion de ces offices produirait des sommes considérables,en y comprenant surtout ceux appartenant à des monastères érigés en chapitres séculiers, ou unis à des évêchés, pour en former ou accroître ia dotation.
2° Les maisons qui ayant pour objet de leur fondation le service et le soulagement des indigents, se sont écartées des devoirs attachés à leur institution; tels sont l'abbaye féminine d'Essay, au département de l'Orne, à laquelle un duc d Alençon, l'un de ses bienfaiteurs, imposa l'obligation d'exercer l'hospitalité envers les pauvres et de les soigner dans leurs maladies ; le
prieuré de Saint-Lazare de la Ferté-Milon, qui dans le principe ëtàit un hôpital pour les lépreux; le prieuréde J'hôtel'Dipu de Rouen, dont, les propriétés, faisant encore, dan^ le siècle précédent, partie de celles de l'Hôtel-Dieu même, sont depuis devenues la dotation des pauvres. Cet exemple a été suivi pour beaucoup de biens de cette nature, et entre autres pour l'abbaye de Vernon.
3° Plusieurs ordres monacaux hospitaliers, que leur règle soumettait au service des indigents, tant en maladie qu'en santé ; par exemple, l'ordre des religieux de Saint-Antoine, supprimé il y a quelques années. On trouve qu'un de ces monastères situés à Saint-Marcel lin, au département de l'Isère, fondé spécialement pour les malades attaqués du mai Saint-Antoine, a été uni au couvent d'hospitalières de Malte, également fondé pour le service des hôpitaux, et le revenu de ces deux maisons monte au moins à 72,000 livres. Tels sont encore les religieux hospitaliers de Saint-Augustin. La Domerie d'Aubrac, qui fait partie de cet ordre, était tenu de donner l'aumône et l'hospitalité à tous les malheureux qui se présentaient, et d'avoir des salles pour y vaquer au soin des malades ; ses revenus vont à 150,000 livres : le cardinal Mazarin dans sa toute-puissance, en a fait un bénéfice à son profit, malgré toutes les réclamations et les procès qui eurent lieu alors contre cette usurpation.
4° Les communautés d'ursulines et de la congrégation de Notre-Dame. On a vu que toutes ces maisons ont été instituées pour éduquer les enfants des pauvres et leur apprendre à travailler.
5° Les aumônes ou rentes éléémosinaires, imposées à tous les bénéficiers et communautés ecclésiastiques. Il élàjt impossible de recueillir exactement toutes ces fondations, parce qu'une très grande partie des déclarants n ep fait point mention ; mais elles tenaient ordinairement à la perception de la dlme, et tout déciqiateu'* était obligé d'en donner une partie pour lés indigents des lieux où se faisait la perception. Il serait plus facile d'apprécier le montant dé .ces redevances, Si ce qui se pratiquait dans la ci:devant province du Dauphiné avait eu lieu dans tout lé royaume, kà, Je décimateur devait donner le 24® dë sa dîme, pour être employé en secours, fin portant cette branche des revenus ecclésiastiques à 120 millions, ce qui n'est pas exagéré, (a part des indigents monterait à 5 millions.
Les objets dont on vient de faire l'énumération, formeraient une somme de plus ,dé 10 millions de revenus, s'ils étaient portés à leur valeur»
Nous devons compter aussi au,rang des biens appartenant sans contestation aux pauvres, Ceux des ordres hospitaliers. Upe partie de ces biens a été réunie à l'ordre d« gaint-Lazare, mais beaucoup ont été aliénés, et le plus grand nombre est devenu biens ecclésiastiques, Tels sont les qrdres du Saint-Esprit, de Montpellier, de&aïuj-: jacqués-de-l'Epée et de Luçques, du Saint-Sér
Bulcre, de SainterChristine dé Somport', de Nôtres ame, dite Teutouique, de §aint-Lou^-de-|our cheraumont.
Nous ne pouvons évaluer ces„ biens, dont nous ne Connaissons même ni l'état ni l'emplacement; mais nous nous croyons fondés à observer que leur revenu, bien véritablement patrimoine des pauvres, excéderait de beaucoup la somme nécessaire à leur entretien, et qu'un gouvernement sage doit proportionner aux vrais besoins, sans perdre un instant de vue le bien dq l'État, la prospérité de l'industrie et la sagesse des mœurs
qui sont offensés par les secours donnés outre mesure.
Vous mettrez sans doute encore au nombre de vos ressources les fonds jusqu'ici consacrés par le gouvernement au soulagement des hôpitaux et à la répression de la mendicité, qui sont sur l'état de dépense de cette année,
Quant à la manière de répartir les 50 millions, vous vous rappelez, Messieurs, que dans un rapport qui vous a été lu, le comité de mendiGité proposait de mettre en masse commune tous le biena aujourd'hui existants d'hôpitaux de fonds de chai rité d'aumônes fondées, et de les répartir dans tous les départements, d'après des bases communes. Ce système parut effrayer une partie de l'Assemblée ; eflè sembla craindre que les villes possédant actuellement des hôpitaux, ne vissent, dans l'exécution de ce projet, une apparence de spoliation dont le remplacement leur paraîtrait incertain; que la méfiance, que l'inquiétude résultant de cette opinion n'entretînt du trouble et ne provo* quât des malheurs; et quoiqu'un grand nombre de départements nous aient témoigné le désir de voir réaliser le projet que nous vous avons sou* mis, quoique nous persistions à penser que ce plan était évidemment le plus juste, le plus simple, le plus conforme à la nature de notre gou* vernement, nous avons dù renoncer à l'exécution actuelle d'un système qui, ayant la plus utile bienfaisance pour objet, donnerait quelques in-quiétudes; et nous avons dû vous en proposer un qui, plus analogue aux circonstances et à la disposition générale des esprits, mais moins complet» conserverait cependant les principes, dont nous croyons que vous ne devrez pas vous dé-* partir. ,
Ce système consiste, en conservant les mômes bases de répartition des secours, à laisser aux hôpitaux et charités aujourd'hui existants, l'inté» gralité de leurs revenus actuels,tels qu'ilsrésultent de fous les décrets rendus précédemment, et portant suppression de dîmes, octrois, etc. et à compter aux villes où sont placés ces hôpitaux, les revenus dans la part que la répartition générale leur assigne, de manière que là où il y aura revenu excédant la proportion voulue par la répartition générale, le revenu total sera conservé à ia charge d'acquitter les dettes, s'il en existe; pt que là où il y aura revenu moindre, il y aura addition de secours jusqu'à la somme indiquée par la répartition générale, et la nation se chargera des dettes. De cette manière taucune inquiétude des villes, puisque les revenus sont conservés, même provisoirementdans leur nature ; et cependant distribution proportionnellement égale et exempte de tout arbitraire.
,Nous devons à présent vous rappeler les bases que nous croyons toujours devoir servir aux secours que l'Assemblée nationale doit répandre dans les divers départements, et ces bases sont encore données par la Constitution.
Ainsi la population, la contribution et l'étendue, qui servent déjà de base à la représentation de chaque département, en serviront encore pour l'assistance à laquelle ils doivent prétendre de la nation ; en donnant à cette base pour premier élément la proportion des oitoyens actifs avec la population de chaque département, elle réunira toute l'équité et toute la perfection dont elle est susceptible. En effet, ou ne peut nier que le département qui, toutes circonstances égales d'ailleurs, renferme une plus grande proportion de citoyens actifs, est celui dans lequel les secours doivent porter sur un moins grand
nombre d'iqdivjdus. On ne peut nier encore, cette considération étant toujours (a première, qu'entre deux départements d'une étendue pareille et d'une égale population celui qui versera dans le Trésor public moias de contributions, sera dans une moins bonne situation de richesses; que cpluMà aura moins de besoins, qui, avec plus de contributions , sera d'une étendue moins grande et renfermera une plus petite population ; que celui qui, aveo plus d'étendue, pius de population, fournira moins de contributions, aura plus besoin de secours; qu'enfin celui-là sera le plus ricne de tous, qui aura moins de population, payera pjus de contributions dans une moindre étendue; bien entendu toutefois que èhaque département payera l'impôt dans la même proportion de ses richesses. Cette mesure équitable de la richesse et de la pauvreté le sera encpre de tous les besoins qu'il faut assister; car, à quelques légères différences près, tenant à des causes particulières, qu'il est facile de connaître, la même masse d'hommes indigents amène la même quantité d'enfants à secourir, de malades à traiter, de Vieillards et d'infirmes à assister, de fainéants et de mendiants à réprimer.
Mais, quelque équitable que soit la base qui fixe la proportion de la distribution des secours dans tous les départements, il a paru à votre comité que, si des pommes pareilles acquittaient les mêmes proportions de secours entre deux départements, où le prix de la-subsistance serait différent, l'égalité de proportion dans les secours serait rompue, En effet, il est évident qu'un département où les denrées premières seraient d'un quart moins chères que dans un autre, dont la part des secours résultant des bases constitutionnelles serait la même, recevrait, en recevant la même somme, le moyen de répandre plus de secours. Votre comité a donc pensé que le prix commun de la journée de travail, dans la département, devait être la mesure qui fixerait les sommes par lesquelles la proportion de secours due à chacun d*eux serait acquittée et, par une conséquence nécessaire, celle qui les fixerait entre les diverses parties de chaque département. On objectera peut-être qu'il existe dans les moyens prqposés, même par le plan du comité, des dépenses qui ne peuvent varier à un certain point, telles que le traitement des chirurgiens, rachat des drogues, etc., ou qu'au moins leur variation ne peut suivre exactement le prix de la journée de travail, mesure généralement juste du prix des denrées de nécessité première. Nous répondrons que nous parons à cette difficulté en ne proposant pas de prendre cette mesure dans l'exacte rigueur et dans tous ses détails. Ainsi, en prenant pour prix le plus cher de la journée d'ouvriers le prix de 20 sous, et pour prix le plus bas celui de 16 sous, rapportant à la première mesure toutes les journées au-dessus de 16 sous, et à la se* conde toutes celles au-dessous, il est évident que chaque département aura, dans l'évaluation des sommes qui acquitteront les secours auxquels il doit prétendre, une latitude avantageuse et qui suppléera suffisamment à la partie de ses dépenses, qui ne suit pas la mesure de la journée d'ouvriers.
Mais en convenant de la vérité et de l'équité de ces principes, on dira peut-être encore qu'ils sont d'une exécution si compliquée, si difficile, que les départements ne pourront jamais les appliquer. Cette objection n'a pas de solidité, si Ton réfléchit que cette répartition sera faite par la législature, sur lg connaissance certaine qu'elle
aura de tous les éléments qui devront la diriger { et comme ces éléments seront les mêmes qui) réunis ou séparés, serviront à beaucoup d'autres calculs de l'administration, et dans ses points tel plus importants, il n'est point à craindre que la négligence ou l'intérêt les présente inexacts. La travail des départements se Féduira donc à la simple opération entre les districts, que la légis* lature aura faite entre tous les départements, et elle ne sera ni embarrassée, ni sujette à erreur.
La première partiedes fonds de secours destinés aux départements aura pour objet l'assistance des malades, des enfants, des vieillards, des infirmes, la répression des mendiants, et serait augmentée du produit du travail qu'il serait possible d'exiger de ces elasses différentes d'hommes à secourir. La seconde, dont l'objet serait de secou* rir des pauvres valides dans les saisons où ils souffrent davantage, aurait pour but particulier de donner du travail. C'est cette partie à laquelle il a paru que les départements devaient contribuer dans une proportion quelconque, afin que l'intérêt de chacun d'eux, et de chacune de leurs parties, contint les demandes dans leur juste mesura et ne mît pas bientôt à la charge de la nation un grand nombre de familles et d'hommes qui n'ont pas besoin d'étre secourus.
Quelque sévère que puisse paraître à quelques personnes cette nécessité imposée aux départe*» ments, districts et municipalités, de contribuer aux secours qu'ils requièrent pour leurs familles indigentes, il n'est pas douteux que l'extension indéfinie de secours, qui résulterait nécessairement de l'assistanoe gratuite et facile accordée 4 toutes les demandes, est le plus grand mal à éviter ;. qu'il ne peut s'éviter autrement qu'en intéressant les départements par une part de oontri -bution pour ies secourir au delà du nécessaire reconnu et ordinaire ; qu'enfin les département! qui seront par là déchargés de la part de l'impôt qui faisait le fonds des ateliers de charité et du moins imposé, n'en recevront pas une surcharge qui puisse les appauvrir, quand surtout cettsi part à l'augmentation de secours sera destinée à faire des ouvrages utiles aux cantons, aux districts, aux départements. Il semble alors que ce système de répartition répond à toutes les objee» tions qui pourraient être faites d'une abondance trop grande ou d'une trop grande parcimonie de secours. D'ailleurs, c'est ioi le cas de rappeler qu'un fonds de réserve restera dans une caisse commune pour secourir les malheurs accidentels, tels que les dégâts causés ou par Un incendie, OU par l'intempérie des saisons, et que ces fonds distribués aux vrais malheurs le seront gratuitement et sans part de contribution.
Pour terminer l'ensemble des principes généraux qui doivent guider l'administration des secours, il ne s'agit plus que d'indiquer quelles règles doivent être suivies pour l'admission sur le rôle des secours.
11 ne faut pas oublier que nous avons admis pour principe incontestable que les pauvres valides doivent être seulement aidés par les moyens de travail, et que les distributions gratuites, soit d'argent, soit de nourriture, devaient être abolies. Les pauvres valides ne sont donc autre chose que des journaliers sans propriétés. Ouvrez des travaux, ouvrez des ateliers, facilitez pour la main-d'œuvre les débouchés de la vente; ceux qui, avec le besoin du travail, ne profiteront pas de ces facilités, ne reconnaissent pas apparemment ce besoin : s'ils mendieut, ils seront réprimés; s'ils ne mendient pas, ils trou-
veront, sans doute, ailleurs des moyens de vivre, et c'est bien ce que doit désirer l'administration; elle doit encourager dans cette vue, et par tous les moyens si puissants sur cette nation, d'honneur et d'éloges publics, les hommes qui feront travailler à leurs propres frais le plus grand nombre d'ouvriers ; car celui-là est vraiment, et sous plusieurs rapports, le plus utile à la patrie. Mais les hommes capables de travailler n'auront ' droit aux secours qu'èn maladie et dans leur vieillesse; encore il semble que comme les mœurs publiques et l'économie nationale sont également intéressées à exciter l'homme dans toutes les classes à prévoir l'avenir, et préparer le moyen qui peut le dispenser de recourir à l'assistance de la société : il appartient au gouvernement d'exciter ces sentiments généreux et utiles.
Tout homme ne payant pas pour sa contribution la valeur d'une journée d'ouvrier, a paru à votre comité devoir être mis sur le rôle des secours. Cette mesure semble être la plus juste ; elle est d'ailleurs d'autant plus certaine, que tous les contribuables d'une commune ayant intérêt à porter l'imposition de chacun à sa valeur, il n'est pas à craindre que le rôle des secours soit porté au delà de ce qu'il doit être. Quelques précautions doivent en assurer l'exécution exacte, et la préserver des abus; nous croyons les avoir indiquées dans le décret.
Un autre rôle comprendrait ceux qui ne payant, pour contribution, que 2 ou 3 journées d'ouvriers, touchent à l'indigence absolue, et peuvent y être réduits, au moins accidentellement, et par diverses circonstances. Ceux-là ne devront pas être habituellement secourus, mais des accidents imprévus, un grand nombre d'enfants, de longues maladies, leur donneraient droit à des secours. Les règles précises de cette assistance sont plus faciles à sentir qu'à expliquer positivement, dans tous les cas qu'elles peuvent embrasser. Elles seront sûrement connues et suivies par la justice et l'expérience des administrateurs auxquels l'exécution appartient.
L'assistance des malheureux étant une partie essentielle de notre Constitution, l'administration qui dispose des fonds qui lui sont attribués, qui répartit et qui distribue ces secours, doit être conduite d'après les mêmes principes, par les mêmes moyens qui administrent toutes les autres branches de cette Constitution. La Constitution doit être une, si quelqu'une de ses parties pouvait s'en détacher sans nuire à l'ensemble, cet ensemble serait imparfait.
Toute l'administration étant sous la direction des assemblées de département et de district, l'administration des secours doit donc avoir la même marche.
Mais comme cette importante administration, très variée dans ses branches, exige des soins, une activité, une surveillance continuelle et que les assemblées administratives, surchargées d'affaires de toute espèce, manqueraient de temps pour se livrer à ces détails avec suite, nous avons pensé que cette administration nécessitait une
agence particulière, qui, dépendant du grand corps administratif, porterait une attention de tous les moments sur ces détails.
Cette agence serait placée auprès des départements; elle serait composée de 4 citoyens choisis par le directoire, et formerait le conseil et le moyen des départements dans cette branche d'administration.
Indépendamment de cette agence, le directoire nommerait 4 citoyens, chargés de surveiller l'administration de chaque maison de secours, d'en régler les détails, d'en vérifier les comptes ; cette surveillance confiée à des citoyens domiciliés des lieux et cantons où seraient établis ces secours, pourrait être déléguée aux municipalités, si le directoire le jugeait convenable.
Telle est l'idée que s'est faite le comité de cette grande administration qui, conduite d'après les lois générales prononcées par le Corps législatif, ou par des lois particulières approuvées par lui, et faisant partie de l'administration générale du royaume, devrait être, comme toutes les autres, supérieurement inspectée par le roi en sa qualité de chef du pouvoir exécutif, afin que, chargé de leur exécution, il puisse les rendre conformes aux lois, en rappeler toutes les branches à un centre commun de surveillance, et maintenir dans ce rapport d'exécution, comme dans tous les autres, l'unité et l'ensemble de la monarchie.
C'est encore dans ces vues que nous vous proposons de composer l'administration centrale des secours de 4 commissaires nommés par le roi, qui réunis pendant la durée ordinaire des sessions du Corps législatif, seraient le conseil du ministre de l'intérieur pour la partie des secours et donneraient à l'Assemblée toutes les instructions de détail qu'elle jugerait lui être nécessaires.
Le bien que le comité se propose de l'emploi de ces commissaires est: 1° Les lumières à répandre dans les départements pour cette branche d'administration extrêmement importante et extrêmement inconnue dans les principes qui doivent désormais la diriger; 2° l'unité à maintenir dans cette administration, qui ne peut avoir lieu que par l'inspection positive des moyens et des résultats. Cette administration centrale, que l'Assemblée nationale a jugée nécessaire dans presque toutes les parties du gouvernement, est indispensable dans une partie où des connaissances multipliées, profondes, et hors de la mesure commune, sont nécessaires pour en diriger l'ensemble.
Enfin l'Assemblée jugera peut-être qu'en attendant que le véritable revenu des hôpitaux soit connu, et que les départements aient fait parvenir à la législature prochaine l'état des biens des ordres hospitaliers des pèlerins, des aumôneries, etc., la caisse de l'extraordinaire devra faire, pour l'année 1792, les fonds nécessaires pour ajouter à ce qui est connu des revenus destinés au soulagement de la classe indigente.
Les membres du comité de mendicité :
Signé : Prieur, Liancourt, Bonnefot, Massieu,
évêque du département de l'Oise, DecrÊtot.
TABLEAUX.
N° i. Tableau des revenus dont jouissaient, en 1764, 957 hôpitaux connus à cette époque, dressé
sur les états qui furent alors fournis au gouvernement.
NOMS des
DÉPARTEMENTS.
1 Ain...............
2 Aisne.............
3 Allier.............
4 Alpes (Hautes-)...
5 Alpes (Basses-)....
6 Ardèche..........
7 Ardennes.........
8 Ariège............
9 Aube.............
10 Aude.............
11 Avevron..........
12 Bouches-du-Rhône.
13 Calvados..........
11 Cantal............
15 Charente..........
16 Charente-Inférieure
17 Cher.............
18 Corrèze...........
19 Corse (Ile de).....
20 Côte-d'Or.........
21 Côtes-du-Nord.....
22 Creuse............
23 Dordogne.........
24 Doubs............
25 Drôme............
26 Eure.............
27 Eure-et-Loir.......
28 Finistère..........
29 Gard.............
30 Garonne (Haute-)..
31 Gers..............
32 Gironde...........
33 Hérault...........
34 IIle-et-Vilaine.....
35 Indre.............
36 Indre-et-Loire.....
37 Isère.............
38 Jura..............
39 Landes...........
40 Loir-et-Cher......
41 Loire (Haute-)
42 Loire-Inférieure...
43 Loiret..........
44 Lot............
45 Lot-et-Garonne..
46 Lozère........
47 Maine-et-Loire..
48 Manche.........
49 Marne..........
50 Marne (Haute-)....
51 Mayenne.......
52 Meurthe........
53 Meuse.........
54 Morbihan......
55 Moselle........
56 Nièvre.........
57 Nord..........
58 Oise...........
59 Orne...........
60 Paris...........
61 Pas-de-Calais..,
62 Puy-de-Dôme..,
63 Pyrénées (Hautes-)
64 Pyrénées (Basses-)
65 Pyrénées-Orientales
66 Rhin (Hant-)....
67 Rhin (Bas-).....
68 Rhône..........
69 Saône (Haute-)..
70 Saône-et-Loire..
71 Sarthe..........
72 Seine-et-Oise....
73 Seine-Inférieure...
74 Seine-et-Marne....
75 Sèvres (Deux-)..
76 Somme.........
77 Tarn............
78 Var.............
79 Vendée.........
80 Vienne..........
81 Vienne (Haute-).
82 Vosges.........
83 Yonne..........
Hôpitaux de divers départements.......
Totacx ....
REVENUS.
DOMAINES.
livres.
39,742 48,435 20,214 2,837 6,224 30 23,996 3,338 35,713 17,942 7,295 100,297 55,240 5,886
I,362 12,460 11,867
4,882 •»
90,308 20,722 285 2,672 18,054
21.355
31.356 56,740 20,178
8,281
70.611 10,734 69,855 12,375 66,977
II,508
23.612 57,739 29,112
6,375
31.786 9,466
28,700 91,945 7,902 3,527 5,498 40,555 15,900 97,284 30,362 32,300
19.787 16,166 28,608
25.544 12,452
295,217 69,667 25,071 1,170,882 61,889 53,343 2,555 25,178 16,130 10,529 165,780 414,887 1.576
60.545 50,396
161,080 15,582 49,387 1,644 159,452 12,769 12,552 1,410 6,415 3,905
53,652
31,561
RENTES.
4,439,445
livres.
17.034 26,401 17,138 13,049 44,060
2,428 12,953 4,134 15,886 26,730 14,277 248,992 63,352 12,188 13,846 36,481 13,323 22,000
153,550 10,820 4,312 16,172 21,925 42,919 18,284 24,086 7,748 22,218 92,085 31,604 65,815 111,651 14,131 9,462 31,790 54,757 19,690 3,663 25,646 13,125 4,500 35,552 12,208 15,018
14.942 91,785
32.035 33,376 15,064 17,405
7,072 8,457 5,948 21,365 24,925 115,378 32,039 13,106 1,156,801 23,849 50,091 3,707 10,818 15,981 12,974 80,089 157,793 6,969
89.943 19,-137 75,397 27,646 24,715
7,741 41,874 20,427 105,294 3,574 18,133
43,078 »
49,468 47,155
OCTROIS.
3,993,154
livres.
24 3,100
671
60
400
184 12,840
2,166 40,057
25 6,333
24 205
28,161 »
30
10,044 850 1,700 33
9,598 480
26,548
34,226 »
22,851 23,535
1,600 »
»
36 3,524 3,529 56 15,023 20,853 2,867
45 »
30
400 »
i ,136 65 73,940 677
1,712,863 7,600 6,670
18,254 6,797
27,000 332,439
1,885 406 204,826
3,797
1,749 2,965 36 200 150
10 >
40 278
2,675,991
LODS
et ventes et easuel.
livres.
660 36,417 17,102 877 5,629
13,743 60 10,640 25,272 4,600 113,961 47,004 322 190 65,621 10,887 1,924
79,161 3,800 162 724 37,130 15.572 8,990 6,921 5,650 15,185 66,373 26 30,753 95,260 15,718 2,9(11
45.238 35,671
14.463 400
6,412 6,025 6,350 58,098 6,152 647 572 28,459 37,243 18,560 5,072 15,596 8,931 7,957 6,800 13,772 9,128 146,474 56,459 9,606 767,824 45,148
53.239 800
17,452 8,600 2,837 32,168 333,918 3,752 24,232 29,489 132,381 13,679 15,797 13,436 54,531 9,151 20,547 6,517 9,620 754
7,666
11.464
2,908,452
TOTAL du
RETENU.
livres.
57,460 114,353 55,125 16,763 55,973 2,458 51,092 7,832 62,423 82,784 28,172 465,416 205,653 18,396 15,423 120,895 36,101
29,011 »
351,180 35,343 4,789 19,568 87,153 89,696 60,330 87,780 33,576 55,282 229,549 42,364 192,971 253,512 96,826 23,871 123,491 171,702 64,865 10,438 63,844 28,616 39,550 185,631 29,786 22,721 21,068 175,821 106,031 152,087 50,543 65,301
35.820 32,980 41,356 71,917 46,670
631,009 158,842
47.783 4,308,370
138,486 163,343 7,062 71,702 47,508 26,340 305,037 1,239,067 12,297
176.605
99.784 673,684
56,907 93,696
22.821
257.606 45,311
138,429 11,701 34,318 47,747
92,826
90,458
CHARGES.
14,017,042
livres.
930 3,691
I,345 2,919
898 61 3,222 356 1,981 1,124 1,000 107,018 6,193 250 35 4,265 703 1,481
13,050 600 5 286 3,884 4,374 2,671 3,067 600 2,211
40,211 »
6,623 1,078 2,400 851
II,266 16,433
1.960 115 969
1,799 1,000 8,826 654 92 230 51,883 2,965 17,440 5
1.961 3
434 1,050 796 17
90,603 7,642 1,236 154,592 4,017 8,779 109 209 915 185 35,970 36,730 294 9,924 1,688 225,430 167 4,336 83 14,306 531 2,232 15 779 355
1,089
2,383
943,881
REVENU
RIT.
livres. 56,530 110,662
53.780 13.844 55,075
2,397 47,870 7,476 60,442 81,660 25,172 358,398 199,460 18,146 15,388 116,630 35,398
27,530 »
338,130 34,742 4,784 19,282 83,269
76.322 57,659 84,713 32,976 53,071
189,337 42,364 186,348 252,434 94,426 23,020 112,225 155,269 62,905
10.323 62,875 26,817 38,550
176,805 29,132 12,629 20,838 123,939
103.066 134,647
50.538 63,340 35,817
32.546 40,306 71,121 46,653
540,406 151,200
46.547 4,653,778
134,469 154,564 6,953 71,493 46,593 26,155
269.067 1,202,337
12,003 166,581 98,040 348,254 56,740 89,360 22,738 243,300
44.781 136,197
11,686
33.539 47,392
91,737
88,075 13,073,161
* Nota. - Ces trente hôpitaux n'ont pu être classés, parce qu'ils ont été présentés sous des noms de fondateurs ou sous
, „ ..„,k,.0 j, ..i-,. Les membres du comité de mendicité :
des vocables de saints. pjusuri liakcourt, Bonnkfot, Massieu, év. du départ, de l'Oise, Decrétot.
N° 2. Tableau contenant les revenus des hôpitaux et fonds de charité, ainsi que le montant des ' pertes qu'ils éprouvent par la suppression de leurs droits et privilèges, dressé sur les états et mémoires fournis par les différents corps administratifs au comité, de mendicité en |79i»
NOMS DES DÉPARTEMENTS.
1 Aia........
S Aisne.......
8 Allier
4 Alpei (Hautes-
5 Alpes (Basses
6 Ardèche..............
7 Ardennes.............
8 Ariège.............i..
0 Aube.................
10 AudQ.:...............
11 Aveyron..............
le Bouches-du-Rhône,....
13 Calvados..............
14 Cantal................
15 Charente.............
16 Charente-Inférieure....
17 Cher..................
18 Corrèze............
10 Corse......:..........
20 Côte-d'Or ............
21 Côte»-du-Nord........
22 Creuse................
23 Dordosne,,...........
24 Doubs...........,....
25 Drôœe................
26 Eure..J........., ...
27 Eure-et-Loir.........
28 Finistère.,..^....,.,..
29 Gard...;.,............
30 Garonne (Haute-)......
31 Gers.............,....
32 Gironde..............
33 Hérault...............
34 Iile-et-Vilaine.,..,.,., 36 Indre............,.,..
36 Indrç-et-Loire.........
37 Isère............i....
38 Jura,....,.......,....
39 Landes...............
40 Loir-et-Cher......,..,.
41 Loire (Haute-)...,,....
42 Loirt-Inférieure..,.,..
43 Loiret...........
44 Lot..................
45 Lot-et-Garonne...,____
46 Lozère................
47 Maine-et-Loire..,,.,,,
48 Manche..........,....
49 Marne........... ....
50 Marne (Haute-)..
51 Mayenne..............
52 Meurthe..,............
53 Meuse................
54 Morbihan,,,..........
55 Moselle............,.,
56 Nièvre...........,....
57 Nord....,,...........
58 Oise..................
59 Orne.................
60 Paria..................
61 Pas-de-Calais....,.,..
62 Puy-de-Dôme.........
63 Pyrénées (Hautes-)..,.
64 Pyrénées (Basses-)..,.
65 Pyrénées-Orientales...,
66 Rhin (Haut-)...........
67 Rhin (Bas-)............
68 Rhône-et-Loire.......
69 Saône (Haute-)........
70 Saône-et-Loire......
71 Sartbe................
72 Seine-et-Marne........
73 Seiné-et-Oise.........
74 Seine-Inférieure.......
75 Sèvres (Deux-)........
76 Somme............
77 Tarn.................
78 Var...................
79 Vendée...............
80 Vienne...............
81 Vienne (Haute-).......
82 Vosges...............
85 Yonne.....,...'.'..-----
Totaux
NOMBRE des
HÔPITAUX
qui ont fourni
des déclarations.
21 5 10
28 y
5 f
7
15 64 10 9 H 13 11
29 9 9
13
24
H 2
1
14 24
30
3 28 19
6 10 10 30 6 23
4 28 28
20 15 15 14 8 20 14 6 14 13 25 28 6 51
37
5 7 1 4 i
13 11
23
H 46
44 18 34
11 13 16 13 27
REVENUS
dk ces hôpitaux
avant la Révolution, y compris les
fonds de charité des paroisses.
f,13T
livres. 154,811 277,952 53,901 31,901
100,677 »
26,917 61,336 31,066 83,560 106,776 765,355 188,391 42,937 34,745 76,883 29,420 35,028
352,364 52,973 22,617 52,046 141,407 138,950 115,372 23,981 352,860 119,786 165,703 234,562 6,859 121,442 287,254 14,550 93,814 165,620 177,934 20,951 119,055 55,680 336,699 355,852 5,183 11,809 34,038 195,807 111,797 488,525 115,593 110,394 167,456 78,661 28,557 36,536 72,812 1,394,417 293,184 47,347 7,958,799 328,905 15,227 29,513 711 48,116 2,000 126,352 384,464 61,568 299,641 268,665 174,197 333,022 928,239 67,132 367,332 61,471 220,688 56,600 50,832 69,108 64,594 143,519
"10^874,665
PERTES et
charges.
livres. 28,869 55,644 24,440
5.661 17,146
6.060
11.908 4,874
19,259 29,968 137,343
46.968 7,609 6,080
15,640 6,379
6,065 »
50,032 10,732 3,920 11,258 23,266 23,378 18,965 6,311 59,680 27,087 54,155 40,229
1.662 26,977
106,305 3,590 55,670 53,696 26,782 3,530 20,658 9,863 48,173 103,091 863 3,822 9,445 40,812 41,059 82,508 25,819 19,123 40,605 16,850 18,390 5,863 27,603 333,489 49,799 9,888 3,829,593 57,505 2,527 4,918 118 8,256 333 18,504 64,158 10,952 54,572 50,152 36,529
58.969 513,751
20,646
67.909 19,079 39,529 15,229
9,421 12.997 11,068 35,301
revenus
ACTCXLS.
6,886,877
livres. 125,942 222,308 29,461 26,107 83,531
20,857 49,428 26,192 64,301 76,808 628,012 141,423 35,328 28,665 61,243 23,041 28,963
302.332 42,241 18,697 40,788
118,141 115,572 96,407 17,670 293,180
92.699 111,548
194.333 5,197
94,465 180,949 10,960 38,144 111,924 151,152 17,421 98,397 45,817 288,526 252,761 4,320 7,987 24,593 154,995 70,738 406,017 89,774 91,271 126,851. 61,811 10,167 30,673 45,209 1,060,928 243,385 37,459 4,129,206 263,400
12.700 24,595
593 39,806 1,667 107,848 320,306 50,616 245,069 218,513 137,668 274,053 414,488 46,506 299,423 42,392 181,159 41,3Î1 41,411 56,111 53,526 108,218
18,987,788
les membre* du comté de mendicité : pftimft; Liancourt; »0nh«ir0t; Massieu, évéque du département de l'Oise; Oicrêtot,
État de proportion de la population et autres bases d'après les résultats fournis par les départements.
NOMS
des
départemints.
Aisne..............
Alpes (Hautes-)....
Alpes (Basses-)-....
Charente...........
Charente-Inférieure
Gorrèze........
Côte-d'Or..........
Creuse.............
Dordogne..........
Doubs..............
Drôme,........
Eure-et-Loire.....
Gers...............
Ille-et-Vilaine......
Jura................
Loir-et-Cher........
Loiret......*......
Lozère.............
Maine-et-Loire.....
Manche............
Marne... ..........
Marne (Haute-).... Mayenne.,. —......
Meuse.......—...
Moselle............
Nièvre.............
Nord..............
Oise...............
Pas-de-Calais......
Pyrénées (Hautes-)..
Saône (Haute-).....
Saône-et-Loire.....
Sarihe.............
Seine-et -Marne.....
Seine-et-Oise.......
Sèvres (Deux).....
Var................
Vendée............
Vienne............
Vienne (Haute-)...
Vosges*............
Yonne,
NOMBRE
de»
districts
NOMBRE MOYEN
POPULA-
de de TION des
ClXTOltS MUHIClPAr . PEUX
LITÉS par a
par par CARTONS. la
districts. cantons. population.
10 à 11 » 6,798 1/4 au 5«
10 4 \ 5 2,913 5 au 6
9 3,540 7
7 11 4,041 1/4 au 5
6*7 10,045 1/4 au 5
10 7 à 8 6,738 6 au 7
12 à 13 8 à 9 4,050 1/4 au 5
5 8 à 9 6,865 6 au 7
Ô » 6,710 5 au 6
8 à 9 9 4,576 5 au 6
8 à 9 4,269 9
6 à 7 » 6,078 4 au 5
7 à 8 16 7,233 5 au 6
8 à 9 6 à 7 7,056 1/4 au 5
10 4,676 5 au 6
6 10 5,563 1/4 au 5
8 à 9 6 à 7 5,148 1/4 au 5
8 à 9 s 2,963 5
12 à 13 4 à 5 4,361 1|4 ait 5
9 j> 8,408 1/4 au 5
12 » 3,545 1/4
12 7 3,143 1/4 au 5
9 4,849 5
9 9 3,746 1/4 au 5
8 à 9 11 à 12 4,219 1/4 au 5
5 à 6 5,237 5
6 à 7 12 à 13 14,315 1/4 au 5
8 à 9 9 à 10 4 9 288 1/3 au 1/4
10 à 11 11 6,658 1/4 au 5
6 » 6,294 1/4 au 5
8 12 à 13 3,567 1/4 au 5
12 » 5,204 5 au 6
6 8 à 9 7,213 1/4 au 1/4 au 5
7 à 8 15 à 16 8,484 5
8 à 9 12 à 13 6,154 1/4 au 5
8 6 à 7 5,798 1/4 au 5
9 2 à 3 3,400 1/4 au 5
9 6 à 7 5*638 5
8 » 5,187 1/4 au 5
6 à. 7 6 7,350 7 au 8
6 à 7 » 5,211 1/4 au 5
9 à 10 6 à 7 * 4,994 1/4 au 5
PROPORTION
des individus, ne payant point de taxe ou qu'une ou deux journées de travail.
8 au 14®
10 au 11
8 au 9
23 au 24
7 au 8
12 au 13
33 au 33
43 au 14
12
12
8 au 9
16 au 17
1/4
1/4 au 5
18 au 19
19 au 20
10 au 11
1/4 au 5
13 au 14
7 au 8
29 au QC) 30
JàÙ 8 au 9
28
19 au 20
23
1/3 au 1/4
15 au 16
5 au 6
1/3 au
19 au 20
.18 au 19
10 au 11
18 au 19
30 au 31
10 au 11
40 au 41
12 au 13
20
9 au 10
11 au 12
27 au 28
des
SNFANTS
de pauvres sur le . t otal des pauvres.
2/3-
1/2 et plus
2/3
2/3
1/2
2/3
2/3
1/2
1/2
1/2 et plus 1/2 et plus 4/2 pris des 2/3 4/7 1/2
1/2 et plus
1/3
2/3
1/2 et plus 1/2 et plus 2/3 2/3
1/2 et plus
m 1/2
1/2 et plus 2/3
1/2 et plus
2/3
2/3
2/3
2/3
m 1/2 1/2 2/3 1/2 4/2 1/2 1/2
F2
2/3 -2/3
des pàuvrss à la
population.
des
ihfirmk8
et
vieillards, sur le total des pauvres.
8 au 9# 1/3®
9 au 10 1/4
7 au 8 1/4
16 1/3
13 au 14 1/3
14 1/3
11 1/3
11 au 12 1/5
19 1/3
7 au 8 1/4
9 au 10 1/3
7 au 8 4 au 5
9 au 10 1/4 au 1/3
5 au 6 5 au 6
10 au 11 1/3
9 au 10 1/4
8 au 9 1/4 au 5
5 au 6 1/3
6 au 7 1/4 au 5
6 au 7 1/3 au 1/4
11 au 12 1/3
16 1/3
5 au 6 5 au 6
15 1/3
10 au 11 1/3
14 au 15 1/3
5 au 6 5 au 6
8 au 9 1/4
5 au 6 5
8 au 9 1/3
11 au 12 1/4
11 1/3
1/6 8 1/5
7 au 1/6
12 au 13 1/3
8 au 9 1/4
10 au 11 1/4
7 au 8 1/4 au 5
7 au 8 1/4 au 5
11 au 12 1/3
8 au 9 1/3
10 au 11 .1/3
OBSERVA» TIONS.
des pauvres -valides, sur le total des pauvres. des xa.lades sur le total des pauvres .i des mendiants, vagabonds, sur le total des pauvres.
» 74® 21 au 22*
1/10 au 11® 75 25
1/21 77 12 au 13
y> 56 12
19 au 20 46 22 au 23
1/35 52 12 au 13
1/30 40 11
1/8 au 9 75 42
12 19 24
1/4 80 21
10 78 13
7 au 8 83 20
1/8 au 9 54 19
1/3 98 15
17 18 8 au 9
1/3 61 20 au 21
1/6 74 17
1/6 134 7 au 8
1/5 61 37
1/25 1/94 24 au 25
9 49 1/5
14 52 20
1/3 18 17
18 258 35
10 au 11 102 16
» 40 12 au 13
1/4 101 20
15 69 19 au 20
6 au 7 70 19
9 63 20 au 21
1/8 91 14 au 15
1/8 59 16 au 17
1/4 101 17 au 18
1/4 145 9
» 41 11 au 12
1/4 95 7
1/4 72 50
1/4 88 11 12
1/4 91 11 au
1/7 60 30 au 31
» 73 12 au 13
3) 60 24
Les membres du comité de mendicité. Signé: J>rieur; Luncourt; Bqxxefox; mmra, ivi^ue du déparlemeut de l'Oise; Dicrètot
A
M»
Tableau des proportions de population, du nombre des pauvres et de leurs différentes classes, calculées pour tout le royaume, départements de Paris et de Corse exceptés, sur les résultats donnés par 41 départements, dont les états ont été adressés au Comité de mendicité.
population des départeMENTS ceux de Paris et de Corse exceptés. NOMBRE des districts par départements. cantons par districts. municipalités par cantons. population par cantons RAPPORT du nombre des feux à eelui des individus. inditidus qui ne patent point de taxe, ou qui ne payent qu'une ou deux journées de travail. PAUVRES ou individus qui ont besoin d'assistance. ENFANTS des pauvres au-dessous de 14 ans, sur la totalité des pau vres. INFIRMES et vieillards sur le total des pauvres. PAUVRES valides sur le total des pauvres. MALADES sur lk total des pauvres.
26,288,887 6 1/4 8 11/20* 8 8/23e j,7m 4/8» 5,453,873 2,739,384 3,207,073 1,886,935 804,775 515,363 42,519
ou du c'est-à-dire ou du ou de ou presque à peu près à peu près
4« au 5* du 8» au 9e 1/2 à 1/3 1/4 1/6 1/75
9 au 10* (b) (c) M (0
(«)
Causes de la différence qui semble exister entre les résultats du tableau général fourni par les départements, et ceux présentés dans le cinquième rapport du Comité.
(a) Cette proportion paraît d'abord très inexacte, puisque, n'étant que du neuvième au dixième, elle supposerait huit neu-tièmes de citoyens actifs, sur la population, lorsqu'il n'y en a plus qu'un sixième ; mais on doit observer q u'on n'a compté que les individus susceptibles d'être portés sur les râles des taxes, comme les chefs de familles ou de ménages, en négligeant les enfants, les jeunes gens, les filles et femmes non mariées; en supposant que les chefs de fdmilles ou de ménages représentent quatre individus, à raison du rapport des feux à la population, on verra que le nombre de deux millions sept cent mille individus, portés comme ne payant point de taxe, ou ne payant que la valeur d'une ou deux journées de travail, étant multiplié par quatre, représente environ dix à onze millions d'individus ; il reste ainsi quinze à seize raillions d'individus hors de cette classe; mais ees seize millions d'individus étant groupés par quatre, en les comptant combinés par familles ou par ménages, il reste quatre millions d'individus payant taxe au-dessus de trois journées de travail, ce qui répond alors au sixième de proportion de citoyens actifs, proportion pressentie et obtenue par le comité de Constitution.
tb) La proportion des pauvres, évaluée dans le cinquième rapport au dixième, & raison de la révolution, est évaluée dans ce tableau au huitième au neuvième; mais on avait observé dans le rapport, que les renseignements étaient la plupart exagérés; si l'on remarque qu'aucuns n'ont diminué le nombre de leurs pauvres, il s ensuit que par les exagérations de ceux qui s'en sont permis, le nombre total est forcé, (c) La proportion des enfants des pauvres est ici la même que celle qui se trouve dans le cinquième rapport. (t) La proportion des pauvres valides, marquée ici au sixième, a été évaluée dans le cinquième rapport, à la moitié du nombre total des pauvres ; mais on a observé, dans ce même rapport, que dans le nombre des enfants, des vieillards et infirmes, il en est toujours une proportion quelconque capable de quelque travail : cette proportion a été négligée dans les états des départements. De plus, on compte dans ces états, comme autant de pauvres, tous les enfants des familles indigentes, et le comité ne comptait comme tels que les enfants au-dessus du nombre de deux ou trois: toute famille qui n'a que deux enfants , étant généralement censée pouvoir les élever.
(e) Le comité avait évalué du vingt au vingt-cinquième, la proportion des malades sur le nombre des pauvres, fixés dans ce tableau au soixante-quinzième; mais c'était en calculant i la rigueur; de plus il avait annoncé, dans le rapport, que beaucoup d'infirmités légères n'exigeraient à peine que quelques soins : ces indispositions, peu marquées, n'ont pas été calculées dans ce tableau.
Quoique le nombre des individus qui ont besoin d'assistance soit exagéré, il y a cependant des rapports fort justes entre cette classe et les trois branches qui la composent. Les infirmes et les vieillards représentent, dans ce tableau, le quart de la totalité des pauvres; les valides, le sixième, et les enfants, de la moitié aux deux tiers. En donnant à ces trois fractions douze pour dénominateur commun, les trois branches de la pauvreté auront pour numérateur, savoir : les infirmes et vieillards, trçis, les valides deux, et les enfants, le terme moyen entre stx et huit, lequel est sept.
( Infirmes ou vieillards................1/4 ou 3/12
Ainsi on peut les calculer de cette manière: { Valides...... ............................1/6 ou 2/12
( Enfants........ ............ 1/2 i 2/3 ou 7/12
Total........................................12 12
Les membre* du Comité de mendicité : Prieur; Liancourt; Bomnefoy; Massieu, évêque du département de l'Oise; DecrAtot.
projets de décrets
présentés à VAssemblée nationale par son comité de mendicité.
TITRE Ier Bases constitutionnelles des
secours.
Art. 1er. L'Assemblée nationale déclare
qu'elle met au rang des devoirs les plus sacrés de la nation,
l'assistance des' pauvres dans tous les âges et dans toutes tes
circonstances de la vie; et qu'il y sera pourvu, ainsi qu'aux dépenses
pour l*extinction de la mendicité, sur les revenus publics, dans
l'étendue qui sera jugée nécessaire.
Art. 2. Il sera accordé à chaque département les sommes nécessaires pour les objets indiqués dans le précédent article.
Art. 3. Les bases générales de répartition des secours à accorder aux départements, districts et municipalités, seront : 1° La proportion du nombre des citoyens actifs, avec le nombre de ceux qui ne le sunt pas; 2° lesjtrois bases combinées de la représentation nationale, population, contribution, étendue; de manière que cette proportion plus ou moins grande de citoyens actifs étant toujours la base principale, celui de deux départements égaux en territoire et en population, qui payera moins de contribution, aura uoe part proportionnellement plus torte; qu'à égalité de contribution, celui-là aura une part plus grande, dont le territoire et la population seront plus considérables, qu'à égalité de contribution et de territoire, la plus grande population aura droit à une plus grande proportion de secours.
Art. 4. Les sommes à répartir dans chaque département, en conséquence de la proportion résultant des éléments énoncés dans l'article précédent, seront fixées sur ie prix commun des journées de travail dans chaque département.
Art. 5. Cette fixation sera faite, en estimant le plus haut prix des journées à 20 sous, et mettant dans cette classe toutes celles payées au dessus de 16 sous, et en estimant le prix le plus bas à 16 sous, et comprenant dans cette seconde classe toutes celles payées au-dessous de cette valeur.
Art. 6. Ces fonds auront pour objets les secours à donner aux enfants abandonnés, aux malades, aux vieillards, aux infirmes, les ateliers de secours les maisons de correction, et autres dépenses relatives aux secours des pauvres et à l'extinction de la mendicité.
Art. 7. La répartition de ces fonds qui aura lieu à chaque législature sera faite de la manière suivante : Une partie, qui aura pour objet l'entretien des établissements permanents, c'est-à-, dire les secours à donner en maladie, vieillesse infirmité, aux enfants abandonnés, aux maisons de correction, sera donnée aux départements sans que ceux-ci payent à cet effet aucune contribution particulière ; l'autre, qui aura pour objet les ateliers de secours, sera augmentée d'une contribution payée par les départements, en proportion des sommes qu'ils recevront.
Art. 8. La répartition de ces fonds sera faite des départements aux districts, et de ceux-ci aux municipalités, aux mêmes titres et dans les mêmes conditions; et devra, pour avoir son exécution, recevoir l'approbation de l'Assemblée nationale, sanctionnée par le roi.
Art. 9. Indépendamment de ces secours accordés à chaque département, il sera fait un fouds de réserve pour subvenir aux malheurs imprévus, occasionnés par des circonstances extraordinaires, dans quelque partie du royaume que ce soit, et pour les dépenses communes à tous les départements.
Art. 10. Ces fonds de réserve seront accordés par l'Assemblée nationale, avec la sanction du roi, sur la pétition des départements, pour le3 objets qui ne sont pas communs à tous et par le décret seul de l'Assemblée nationale, revêtu de la sanction du roi, pour les dépenses générales.
Art. 11. Les dotations, les souscriptions qui se feront à l'avenir au profit des pauvres, et qui ne contrarieront pas les lois du royaume, seront suivies dans toute leur intention, pendant l'espace de 50 années, et toujours durant la vie des souscripteurs ou donateurs. Le nom des souscripteurs ou donateurs sera gravé sur un des murs dans le lieu le plus apparent du principal établissement.
Art. 12. Après la révolution de 50 années, ou après la mort des donateurs et fondateurs, s'ils vivent plus longtemps, les fonds de3 donations rentreront dans les mains de la nation ; les immeubles seront aliénés, et les revenus qui en résulteront rentreront dans la masse destinée à l'assistance publique.
Art. 13. Lvadministration des fonds de secours et établissements qui en dépendent, appartiendra, comme toutes les autres, aux départements, et sera exercée par les districts, sous leur autorité.
Art. 14. Il sera formé dans chaque département une agence, ou conseil de secours, composée d'autres citoyens que les membres de ces assemblées, qui sera chargée, par le département et sous ses ordres, des soins et détails de l'administration générale.
Art. 15. L'agence ou conseil des secours sera, dans les départements, composée de 4 personnes choisies par les électeurs.
Art. 16. Elle sera composée de 2 seulement dans les districts, choisis de même.
Art. 17. Indépendamment de ces agences, il sera formé un comité de surveillance pour le régime et la police intérieure de chacune des maisons de correction ou d'hospices. Ge comité composé de 4 personnes, dont 2 de l'agence du district, et 2 domiciliées dans le canton, nommées par les électeurs, sera présidé par le juge de paix du canton, de manière que, si dans le même district, mais dans des cantons différents, il sé trouvait 2 établissements de cette espèce, les 2 mêmes membres de l'agence du district seront du comité de surveillance pour les 2, tandis que ceux qui ne seraient pas de cette agence ne pourraient être attachés qu'à celui de leur canton.
Art. 18. Les membres des agences de secours et des comités de surveillance ne recevront aucun traitement. ,
Art. 19. Les assemblées de départements pourront déléguer aux municipalités l'administration et la surveillance des établissements compris dans leur ressort.
Art. 20. Le roi nommera 6 commissaires, chargés de parcourir annuellement tous les départements, de visiter les divers hôpitaux, hospices,
maisons de correction ; d'examiner si les lois sont scrupuleusement observées pour la distribution des secours.
Art. 21» Ces commissaires rendront compte au roi de l'état où ils auront trouvé les départements qu'ils auront parcourus, dans le rapport des secours* et ce compte sera rendu public tous les ans.
Art. 22. Eh conséquence des dispositions précédentes, les biens dont les revenus sont aujourd'hui destinés à l'entretien des hôpitaux, maisons dè charité* les biens régis par les ordres hospitaliers, les fonds affectés aux maladreries et autres établissements du même genre, sous quelque dénomination (fue ce puisse être, sont déclarés biens nationaux» et toutes les dispositions des lois relatives auxdits biens leur seront communes, la question sur les biens assignés à l'ordre de Malte demeurant ajournée.
Art. 23. Sont pareillement comprises auxdites dispositions toutes fondations particulières d'hôpitaux ou de chanté.
Art. 24. A 1-égard, néanmoins, de toutes fondations faites pour soulager certains cantons, Certain nombre de communautés dans les campagnes, Certains quartiers dans lés villes, les parties intéressées présenteront leur mémoire aux assemblées de département, pour, sur leur avis, être statué définitivement par ie Corps législatif.
Art. 25. Les nouvelles donations et SousCrip-tions, comprises dans l'article 9, seront administrées seulement d'après les intentions des donateurs et souscripteurs, sous la surveillance des districts et départements. Le compte détaillé dé leur administration sera, ainsi que ceux de tous les établissements de secours, rendu public tous les ans.
Art. 26. Les conditions pour être inscrits sur le rôle de secours seront : i° D'être domiciliés dans le Canton ; 2° de ne payer aucune imposition au-desSus du prix d'une journée d'Ouvrier ; 3® de n'être ni domestique, ni aux gages de qui que Ce soit ; 4® de faire constater son besoin réel des sècours publics, par le serment de deux citoyens éiigiblès, domiciliés dans le cauton.
Art. 27. Les rôles de secours seront formés tous les ans par municipalité, et arrêtés par Gantons, en présence des maires et procureurs de la commune de chacune des municipalités réunies pour les discuter Contradictoirement. Ces listes seront adressées aux directoires et districts de départements, pour recevoir leur approbation*
Art. 28. U sera fait Un second rôle, où seront inscrits ceux qui né payent que 2 ou 3 journées d'ouVriefs ; ceux-ci, dans des cas particuliers et acèidentels, pourront àvoir droit auX Secours publics, en remplissant les autres conditions énoncées en l'article 25.
Art. 29. Dans le cas où tlne famille ou un individu, prétendant àvofr droit d'être inscrits sur le rôle des pauvres, n'y Seraient pas compris par là triunicipàiitê. îls pourront présenter leur réclamation du directoire du district, qui statuera SUr 1e rapport de l'agence de secours, sauf l'appel au directoire du département. TITRE II.
Chapitre Ier.
Secours aux malades.
§ K — Malades dans les campagnes Art. 1er sérii établi, dans les
campagnes des
[ chirurgiens ou des médecins qui soigneront à i domicile et gratuitement les pauvres malades, i Art. 2. Ces médecins et chirurgiens seront éta-| blis par canton.
Art. 3. Il leur sera donné tous! les àrie* par la | municipalité du càntott, un état des familles portées sur le rôle des pauvres ; cet état sera pour eux l'indicalio n des secours gratuits qu'ils devront donner.
Art. 4. Us seront tenus en conséquence de donner leurs soins à toutes ces familles ; ils se transporteront chez les malades, dès qu'ils en seront requis ou informés, les traiteront chez eux de leurs intimités, maladies on blessures, ils veilleront sur la santé des enfants trouvés, et de tous ceux admis à l'assistance publique, et. sur la santé de leurs nourrices, ils devront à des époques fixes, inoculer sans rétribution les enfants et les personnes de ia liste des pauvres pour lesquels ils seront requis. Dans le cas de maladies graves, soit lentes^ soit aiguës, et au commencement des épidémies, ils informeront les agences de secours des districts et départements/et prendront les conseils des médecins qui y seront attachés. Ils seront tenus enfin de faire .parvenir tous les ans* au directoire du district, ieurs réflexions sur le climat et le sol du canton» les maladies épidémiques, les épidémies, la manière de les traiter* et sur la comparaison des naissances* mariages et de lâ mortalité.
Art. 5 Les médecins ou chirurgiens ne seront pas chargés de la fourniture des drogues dont il sera établi un dépôt dans le lieu le plus central du canton,
Art. 6. Il sera attaché aux places de médecin ou de chirurgien de canton des appointements de 600 livres. ; .
Art. 7. Les médecins ou chirurgiens seront nommés par le département sur la présentation des agences de secours de district et de département, qui ne pourront présenter que des sujets approuvés suivant la loi» et reconnus capables et instruits.
Art. 8. Sur les plaintes formées par la majorité des municipalités du canton, de l'inconduite, négligence ou incapacité reconnue du médecin ou du chirurgien; le district en connaîtra et en rendra compte au département qui donnera au médecin ou chirurgien toutes les facilités de se justifier; si la justification n'est pas complète^ il pourra être destitué.
Art. 9. il sera formé une liste de sages-femmes approuvées par l'agence de santé de département domiciliées dans chaque canton. Elles seront payées sur les fonds publics, par aceouohemea t, des soins qu'elles auront donnés aux femmes inscrites sur la liste des pauvres.
Art. Quant à la distribution des secours en aliments, et à celle des médicaments, il sera pris par chaque canton, d'après la décision des départements et sUr l'avis des districts, les mesures qui paraîtront les plus convenables, suivant les lieux, pour la plus graudé exactitude et économie de ce service. § II. — Malades dans les villes.
Art. 1er II sera établi* pour les pauvres
malades dans les villes, un traitement gratuit et à domicile.
Art. 2. Les Villes dont la population n'excède pas 4,000 âmes, partageront avec les campagnes de leur canton lès secours de santé.
Art. 3. Les villes dont la population sera de 4,000 à 12,000 âmes n'auront qu'an médecin ou chirurgien des pauvres.
Art. 4. Dans les Villes qui excéderont ce nombre, il sera nommé des médecins ou chirugiens par arrohdisseinent ou quartier.
Les arrondissements seront formés de deux sectioûs d'assemblées primaires.
Art. 5. Iodépendemment des secours de Santé, donnés à domicile, il sera établi dans les villes qui excéderont une population de 4,000 âmes, des maisons communes de malades ou hospices, pour y recevoir ceux qui ne pourraient être soignés dans leur domicile.
Art. 6. Il ne sera établi qu'un hospiee dans les villes dont la population ne s'élèvera pas à 16,000 âmes, à raison d'un hospice pour deux arrondissements, et ainsi de suite.
Art. 7. Les municipalités pourront môme, d'après le vœu du conseil de la commune, réunir dans un même hospice, les malades d'un plus grand nombre d'arrondissements, pourvu, toutefois, que ces hospices ne puissent pas recevoir plus de 150 malades.
Art. 8. Le service et les fonctions de médecins ou chirurgiens de quartier seront les mêmes, et soumis aux mêmes Conditions que celles adoptées pour les médecins ou Chirurgiens de canton.
Art. 9. Ils seront nommés par le département, Sur la présentation du conseil. de la commune, après avoir pris l'avis de l'agence de secours de département et de district; et ils pourront être destitués avec les mêmes formes, et au même titre que les médecins ou chirurgiens des cantons; leurs appointements seront aussi de 500 livres.
Art. 10. Il Sera établi un dépôt de drogues dans chaque Chef-lieu de quartier ou d'arrondissë-ment.
Art. 11. La préparation et ia distribution des médicaments, ainsi que celle des secours en aliments et bouillons, y seront faites par des personnes proposées à cet effet par les municipalités.
Art. 12. Dans les Villes dont la population ne forme qu'une assemblée primaire, le dépôt des drogues et leur distribution, ainsi que celle des secours en aliments et médicaments, seront un objet commun à l'hospice et aux pauvres malades soignés au dehors; lë "médecin ou chirurgien et les autres agents de service seront les mêmes.
Art. 13. Les mêmes dispositions auront lieu dans les villes plus considérables par arrondissement OU quartier.
Art. 14. On suivra, pour l'établissement des Bëges-fémmes, les tnémes règles que pour celles des cantons dans les Campagnes.
Art. 15. Indépendamment dë ces hospices particuliers, il sera établi dans les grandes villes, des hospices communs pour y admettre et traiter soit les pauvres malades non domiciliés, soit les maladies qui exigent un traitement particulier ; les maladies contagieuses, les maladies véné-riennes, la folie curable, et pour les grandes Opération^ de Chirurgie ët les accouchements.
Ces hospices pourront, séion l'étendue de la populatioh des Villes, étrë réunis dahs un Seul établissement, ou divisés en plusieurs.
Art. 16. Ces maisons auront des ttlëdedlnâ ou chirurgiens en nombrë suffisant pour le Service quelles exigent.
Art. 17. Dans les villes qui auront des hospices particuliers, ii sera nommé pour chacuû, par les électeurs de la inuicipalité, 3 agents de secours
qui, réunis, mais pour le soin de ces hospices seulement, à l'agence de secours du district et au comité dé surveillance! devront sortir de fonctions par tiers tous les deux ans.
Art. 18. Il en sera nommé 6 par les électeurs du département, et pris sur tous les citoyens éli-gibies du département, pour surveiller et régir les grands hospices communs à tout le département: ils devront aussi sortir de fonctions par tiers tous les deux ans.
Art. 19. Les agents surnuméraires seront subordonnés danB leur administration aux directoires des districts et départements.
Art. 20. Toutes les personnes employées dans l'agence de secours et dans les hospices particuliers et généraux, à quelque titre que ce soit, seront destituâmes pour les mêmes motifs* et dans les mêmes formes indiquées dans l'article 8 pour les médecins et chirurgiens de canton.
ArL 21. La proportion des officiers de santé, des personnes attachées au soin des malades et gens de service pour les divers établissements, sera déterminée par le règlement» Chapitre II.
Secours aux enfants.
§1". — Secours aux enfants abandonnés.
Art. ler. Les enfanté abandonnés seront
portés à la maison commune de la municipalité, ou au liéu indiqué par
elle.
Art. 2. Les officiers municipaux pourvoiront sur-le-champ à leur nourriture.
Art. 3. Le procureur de la commuhe qui sera toujours curateur né des eiifônts abandonnés, fera inscrire sur un registre à cet effet lé nom de baptême de l'enfant, avec tous lés renseignements qui pourront le faire reconnaître et assUrer son état civil; il fera mention du nom delà personne qui aura apporté l'enfant, si ëllëèst connue, et la fera signer si elle y consent.
Art* 4. La municipalité rendra sur-le-champ compte au directoire dU district du lieu où cet enfant sera plaeê, lui enverra un double du procès-verbal et eu instruira le jugé de paix du canton.
Art. 5. Si l'enfant abandonné à domicile est reconnu par la clameur publique fils légitime abandonné par ses père èt mère, ii Sera fait par lë juge de paix dé canton information pour connaître s il a dés parents connus dans le département; dans ce cas, cet Officier public requerra vërbalement ou par écrit la famille dë l'enfant de déclarer si elle peut et veut s'en chaîner gratuitènfènt ; dans le cas de refus, elle Choisira parmi elle Un tuteur pour l'enfaht qui, agréé par le juge de paix, devra particulièrement veiller à ses intérêts; et l'enfant demeurera à la charge publiqUë;
Art. 6. Dans le Cas où lès enfants reconnus légitimés n'auraient pas dë parents connus; ils seront, ainsi que ceux dont l'origine est ignorée, sous la surveillance immédiate des commissaires du roi dU district et des jugés dë paix du ëàn-ton où ils seront plâfcéé.
Art. 7. Les chirurgiens des cantons seront char* gés de visiter tous leS enfants qui seront à ia charge publique, et de donner a leur santé lës Soins nécessaires.
Art. 8. Ils rendront compté, tous les mois* dë la situation de ces enfants à la municipalité dans le ressort de laquelle ils seront, et à l'agence de secours du district.
Art. 9. Dans le cas de mort de l'un de ces enfants , l'extrait mortuaire sera remis à la municipalité ; celle-ci en instruira le directoire du district, la municipalité du lieu où l'enfant aura été exposé, et le juge de paix ; ie chirurgien de canton, dans son compte du mois, en informera l'agence de secours.
Art. 10. Quand ces enfants seront servrés, les directoires du district les donneront à des familles qui voudront s'en charger, et où il sera reconnu qu'ils pourront être mieux soignés.
En conséquence ces familles recevront par mois une somme déterminée, jusgu'à ce que ces enfants aient atteint l'âge de 14 ans pour les filles et de 15 ans pour les garçons.
Art. 11. Ges pensions qui, pour la première année, ne pourront pas excéder 90 livres, et les années suivantes 40 livres, seront tous les 2 ans fixées par le département. Le taux commun des journées de travail dans le département servira de hase à cette fixation ; les journées les plus fortes étant évaluées 20 sols.
Art. 12 Les familles qui prendront la charge de ces enfants s'engageront à ne cesser leurs soins qu'en prévenant la municipalité du lieu 3 mois d'avance.
Art. 13. Sur l'avis qui en sera donné par la municipalité au directoire du district, et par le chirurgien à l'agence des secours, le directoire donnera ordre pour qu'une nouvelle famille soit chargée de l'enfant.
Art. 14. Les commissaires du roi du district et juge de paix du canton devront de leur côté, sur l'avis des municipalités et des chirurgiens, pourvoir à mettre ces enfants en d'autres mains, s'ils jugent que ce changement puisse leur être avantageux.
Art. 15. Us pourvoiront également, ainsi qu'il sera dit pour les pauvres infirmes, au sort des enfants qui, par des infirmités habituelles, ne trouveraient pas des familles qui voulussent s'en charger.
Art. 16. Les mêmes officiers chargés de la surveillance des enfants abandonnés devront, à ce titre, veiller à ce qu'ils profitent de l'instruction publique, à tous les moyens les plus propres d'assurer par la suite leur subsistance, et d'en faire des citoyens bons et utiles à l'Etat; ils les feront inscrire à l'âge requis sur le tableau civique.
Art. 17. A l'âge de 18 ans, sur la permission des commissaires du roi et du juge de paix du canton, ces enfants seront libres de travailler à leur compte, et de changer de maison de travail; mais ils resteront sous la tutelle des officiers publics jusqu'à l'âge prescrit par la loi.
Art. 18. Geux-ci pourront placer dans les caisses nationales les deniers d'économie, de profit ou de succession de ces enfants, et seront tenus de les faire valoir le plus avantageusement qu'il leur sera possible, d'après les formes indiquées dans le cas de tutelle.
Art. 19. Le compte de tutelle ne sera rendu que lorsque ces enfants auront atteint l'âge de majorité ou qu'ils se marieront.
Art. 20. Si l adoption est décrétée, le compte de la tutelle sera rendu aux familles qui adopteront l'enfant.
Art. 21. Les familles ou les individus qui se chargeront gratuitement d'enfants abandonnés seront nominativement inscrits sur un registre particulier, qui sera rendu public tous les ans par la voie de l'impression.,
Art. 22. Les registres des districts et des municipalités, destinés aux enfants abandonnés,
contiendront toutes les variations qu'ils auront éprouvées dans leur sort jusqu'à l'époque de leur majorité.
Art. 23. L'enfant légitime ou illégitime, réclamé par sa mère ou ses parents, avec preuves suffisantes, leur sera rendu gratuitement s'ils sont à la charge publique. Dans le cas contraire, ils seront tenus de payer la somme de 30 livres par chaque année que l'enfant sera resté à la charge du département.
Art. 24. Les enfants abandonnés dans un département ne pourront être transportés dans un autre, et ceux abandonnés hors du royaume ne pourront, à aucun titre, y être introduits, sous les peines, contre les contrevenants, qui seront prononcées dan3 le code pénal de policé.
Art. 25. Les officiers publics chargés de la surveillance des enfants abandonnés en devront tous les six mois rendre un compte détaillé au directoire de leur district, et ceux-ci tous les ans aux administrateurs de département, à qui en appartiennent l'inspection et la surveillance première.
Art. 26. Quant aux enfants en bas âge, tombant à la charge publique, il sera pourvu à leur sort par les officiers publics, comme pour les enfants abandonnés dont les parents seront reconnus.
Art. 27. Quant aux enfants des pauvres dont l'entretien serait prouvé ne pouvoir être supporté par leurs parents, il y sera pourvu au sein de leur famille, sous la surveillance publique, par de modiques pensions, aiusi qu'il sera dit à l'article des pauvres valides. § II. — Adoption des enfants abandonnés.
Art. 1er. Tout citoyen, marié ou non, ayant
ou n'ayant pas d'enfants, pourra adopter un ou plusieurs enfants nés de
parents inconnus. Néanmoins ceux qui auront vécu dans le célibat ne
pourront faire aucune adoption avant l'âge de 50 ans.
Art. 2. Il ne sera pas permis aux personnes mariées ayant des enfants ou dans l'âge d'en avoir, d'adopter plus de deux enfants.
Art. 3. Nul enfant ne pourra être adopté que par le libre consentement du mari et delà femme adoptants ; ce consentement sera donné en personne devantle procureur de la commune, comme curateur né des enfants abandonnés, devant (e juge de paix et ses prud'hommes qui en donneront acte.
Art. 4. Aucun enfant né de parents inconnus ne pourra être adopté avant l'âge de 7 ans et au-dessus.
Art. 5. Pour être admis à adopter un enfant, il faudra avoir au moins 18 ans plus que lui, avoir des moyens connus et certifiés, tant par la municipalité du lieu, que par le juge de paix du canton et le directoire du district, de subsister et de faire subsister l'enfant adoptif.
Art. 6. Les hommes veufs ou garçons ne pour- f ront adopter que des enfants de leur sexe; il en sera de même des veuves ou des filles.
Art. 7. Les hommes séparés de leurs femmes et les femmes séparées de leurs maris, seront privés de la faculté d'adopter.
Art. 8. L'acte d'adoption ne pourra avoir lieu qu'après que le projet en aura été affiché pendant un mois dans le lieu d'audience du tribunal de district. La demande en sera faite en présence du commissaire du roi au tribunal de district, dans le territoire duquel l'enfant adoptif serà placé ; le procureur de la commune et le juge de paix seront entendus, et, sur la réquisition
qui en sera faite ensuite par le commissaire du roi, le tribunal de district prononcera.
Il sera fait mention de ce prononcé en marge du registre sur lequel la municipalité aura inscrit le nom de l'enfant à l'époque de son abandon. L'acte et le jugement d'adoption seront inscrits dans un registre tenu à cet effet au greffe du tribunal du district, et signé par les père et mère adoptifs, par l'enfant adoptif, s'il sait signer, par le commissaire du roi et le greffier. Si les père et mère adoptifs et l'enfant ne savent pas signer, ii en sera fait meution ; l'adoption laite demeurera affichée dans l'auditoire du district.
Art. 9. Ceux qui adopteront un enfant prendront solennellement l'engagement de le nourrir, instruire et entretenir comme un enfant légitime, de lui inspirer les sentiments d'honneur, de probité, de patriotisme, le respect pour la Constitution, d'instruire les officiers publics tous les ans de l'état de cet enfant, même de leur en faire la représentation. L'engagement ci-dessus énoncé sera formellement exprimé dans l'acte et le prononcé de l'adoption.
Art. 10. Quand l'enfant aura atteint l'âge de 15 ans, si c'est une fille, et de 18, si c'est un garçon, la déclaration et l'engagement seront renouvelés de sa part et de celle de ses parents adoptifs ; si les uns et les autres s'y refusaient, 3 mois après, l'adoption demeurerait sans effet.
Art. 11. L'enfant ne pourra refuser de ratifier l'engagement d'adoption que par le consentement du procureur de la commune, du juge de paix du canton et du commissaire du roi du district.
Art. 12. Les pères et mères adoptants qui ne voudront pas renouveler leur engagement uadbp-tion pour des enfants arrivés à l'âge énoncé dans Tarticle précédent, quoique ceux-ci consentent à le ratifier, ne pourront être autorisés à rompre leur adoption que par jugement du tribunal du district, prononcé sur Tes conclusions du commissaire du roi, après avoir entendu le curateur de l'enfant et le juge de paix du canton.
Art. 13. Si les motifs des pères et mères adoptants sont fondés sur des faits graves, imputés à l'enfant et prouvés, l'adoption sera purement et simplement annulée sans indemnité de la part des parents.
Art. 14. Si ie tribunal ne reconnaît pas que l'enfant soit coupable de faits de cette nature, en déclarant la dissolution de l'adoption, les juges prononceront, contre les pères et mères adoptants, une indemnité en faveur de l'enfant rejeté, qui s'élèvera à la moitié de la part d'enfant adoptif, laquelle moitié lui sera payée sur-le-champ.
Art. 15. La ratification de l'adoption, renouvelée par les parents adoptants et les enfants adoptés, se fera avec la même solennité que l'adoption elle-même; les parents adoptants devront y faire publiquement connaître les moyens qu'ils ont pris pour assurer à l'enfant dans la suite de sa vie le moyen de subsister. Cette déclaration certifiée par le curateur de l'enfant, par le juge de paix et le commissaire du roi, sera mentionnée dans l'acte de ratification.
Art. 16. L'enfant qui aura particulièrement à se louer des soins et des bienfaits de ses parents adoptifs sera autorisé, avec le consentement de son curateur, du juge de paix et du commissaire du roi de uistrict, à en témoigner publiquement sa reconnaissance; le nom des parents ainsi remerciés sera inscrit dans un tableau affiché dans tous les auditoires du département,
et il en sera fait mention dans le procès-verbai de l'assemblée du département.
Art. 17. L'enfant adoptif jouira, dans la famille qui l'aura adopté, de tous les droits légitimes, sans que cependant il puisse jamais, à quelque titre que ce soit, et quel que soit le nombre d'enfants, avoir dans la succession des père et mère adoptants plus qu'une demi-part ni- prétendre à aucune succession collatérale dans leur famille.
Art. 18. L'enfant adoptif portera le nom de son père adoptif, ou de sa mère adoptive s'il est adopté par une femme.
Art. 19. Si après l'adoption consommée d'un enfant, il était réclamé par des père et mère qui se feraient reconnaître, l'enfant leur sera remis, dans le cas où, sur l'avis du procureur de la commune, du juge de paix et du commissaire du roi, le tribunal du district jugerait qu'il y a lieu de déférer à cette réclamation ; dans le cas contraire, l'enfant restera dans la famille adoptive, jusqu'à l'âge de 15 ans, si c'est une fille, et de 18, si c'est un garçon. Si les père et mère le réclament encore, alors il sera requis de prononcer lui-même sur son sort qui sera fixé par cette décision ; dans le cas ou il se refusera à la réclamation, il perdra tout espèce de droit à la succession de ses père et mère.
Art. 20. Si l'enfant adoptif meurt sans enfants, sa succession entière sera dévolue à ses père et mère adoptifs, sauf les dispositions qu'il pourra avoir faites conformément aux lois. S'il meurt après le décès de ses père et mère adoptifs, sa succession, sous les mêmes réserves, appartiendra aux plus proches parents de ses père et mère adoptifs. Chapitre III.
Secours aux vieillards et infirmes.
Art. 1er. Il y aura deux espèces de secours
pour les vieillards et infirmes : le secours à domicile; le secours dans
les asiles publics.
Art. 2. Le secours à domicile sera le secours ordinaire. Le secours dans les asiles publics n'aura lieu que pour les individus qui ne pourront pas le recevoir à domicile, à raison de défaut de famille, d'infirmités graves qui exigeraient des soins particuliers, ou de toute autre cause pareille.
Art. 3. Les secours à domicile pourront commencer graduellement, ainsi qu'il sera expliqué ci-après, à l'âge de 60 ans; ceux dans les asiles publics ne pourront avoir lieu avant 70 ans, pour ies vieillards sans infirmités graves et constatées.
Art. 4. Les pauvres infirmes avant l'âge de 70 ans, mutilés ou défigurés par quelqu'accident, pourront néanmoins être admis à tout âge dans l'hospice commun.
Art. 5. La graduation dans les secours à domicile aura lieu en raison de la dégradation des facultés de travail de celui à qui ils seront donnés.
Art. 6. Cette graduation qui sera du quart, de la moitié, des trois quarts de la pension absolue, sera, sur le rapport du procureur de la commune et du chirurgien du canton, déterminée par les officiers municipaux et juge de paix du canton.
Art. 7. Le montant de la pension de secours, fixé tous les deux ans par le département, ne pourra s'élever au-dessus de 120 livres; les mêmes bases indiquées dans l'article U du titre II qui détermineront la pension des enfants, serviront à l'évaluation de celle des vieillards et infirmes.
Art. 8. Tout enfant qui aura refusé des aliments
à ses père et mère, et qui y aurait été condamné par jugement, se trouvera, par le fait seul de ce jugement, déchu du droit de citoyen actif et rayé du tableau civique.
Art, 9. A défaut d'enfant, le parent le plus prochain, ou tout autre héritier direct, jusqu'au 38 degré, habitant le département, payant la double contribution de citoyen éligible, qui refuserait de se charger gratuitement du vieillard, en sera officiellement requis par le tribunal du district, en présence duquel il sera contraint de prononcer son refus.
Art. 10. Les jugements prononcés en conséquence de l'article 8, et le refus mentionné en i article précédent, seront rendus publics dans toute l'étendue du département, et demeureront inscrits sur le tableau placé dans tous les auditoires du district,
Art. 11. Seront exempts de ces jugements les enfants dont les père et mère, vieux, seraient atteints d'infirmités qui exigeraient des soins que l'on ne pourrait donner à domicile: il en sera de même pour les parents de ces vieillards.
Art. 12- Le vieillard & qui il sera accordé la pension de secours aura la liberté de se placer dans telle famille du canton, district ou département qu'il lui plaira, s'il a le malheur de ne pas vouloir rester dans la sienne.
Art, 13, Les vieillards de 70 ans, qui réclameront leur admission à l'hospice commun, ne pourront y être reçus qu'en vertu d'une décision du directoire de district, sollicitée par le juge de paix et les officiers municipaux de leur canton.
Art, 14. Les infirmes, qui pourront à tout Age être admis dans les hospices communs, ne le seront que d'après la même décision, les mêmes formes que les vieillards de 70 ans, et le certificat du chirurgien du canton de l'infirme, vérifié par l'agence de secours.
Art. 15. Les enfants au-dessous de l'âge de 16 ans, qui, en raison de leur infirmité, ne pourront être placés dans aucune famille, seront, à la réquisition de leur tuteur ou curateur, aux mêmes conditions et avec les mêmes formalités, admis dans l'hospice commun.
Art- 16. Les vieillards et infirmes recevront dans ces hospices leur traitement, partie en nature, partie en argent, ainsi qu'il sera fixé par des règlements particuliers.
Art. 17r II sera procuré à ces vieillards et infirmes le moyen de travailler, analogue à leurs facultés, et le produit leur en sera abandonné en entier,
Art. 18. Ceux de ces Vieillards et infirmes qui, une fois admis dans les hospices communs, préféreront recevoir leur pension de secours à domicile, pourront la réclamer en indiquant la famille où ils prétendent se retirer, et en apportant la preuve de son consentement.
Art. 19, Il ne sera établi par département qu'un hospice pour les vieillards et infirmes, excepté dans ceux où il existerait des villes dont la population excéderait 100,000 âmes, et pour lesquelles il sera fait à cet égard un règlement particulier.
Art. 20. Tous les vieillards et infirmes admis dans ces hospices, à défaut de famille, seront sous la tutelle des officiers publics oi^-dessus désignés.
Art. 21. Les dispositions des articles 18, 19, 20 et 21 du chapitre des secours à donner aux malades dans les villes seront communes aux hospices pour les vieillards et infirmes.
Art. 22. Les biens et effets mobiliers appartenant aux vieillards infirmes décédés dans les hospices,
reviendront à leurs héritiers légitimes, ou à ceux en faveur de qui ils en auraient disposé; a défaut d'héritiers ou légataires, ces biens appartiendront à la nation. Chapitre IV, Secours aux valides,
Art. 1er. Toutes les fêtes, à l'exception de
celles de la Fête-Dieu, l'Ascension, la Toussaint et Noël seront
renvoyées au dimanche.
Art. 2. Aucunes distributions de pain et d'argent ne se feront plus, à jour iqdiqué, aux portes d'aucunes maisons publiques ou particulières.
Art, 3. Toute famille inscrite sur le premier rôle des. secours, aveo les conditions prescrites en l'article 22 du titre premier et qui aura plus de 4 enfants en bas âge, recevra la pension attribuée aux enfants abandonnés, pour chacun de ceux qui excéderont ce nombre, et seulement tant que 4 resteront en bas âge.
Art. 4. Ces pensions, fixées par le département sur les mêmes bases et aux mêmes époques que celles pour les enfants abandonnés, seront toujours d'un quart moins fortes.
Art. 5. A mesure que les enfants arriveront successivement â l'âge de 10 ans, la pension cessera pour eux, de façon que les familles pauvres ne recevront plus ce genre d'assistance dès que tous leurs enfants, quelque nombre qu'ils en aient, auront atteint l'âge de 10 ans.
Art, 6. Toute famille inscrite sur le second rôle de secours recevra la même assistance, mais seulement quand elle aura plus de 6 enfants en bas âge et aux mêmes conditions.
Art, 7, Une veuve chargée d'enfants en bas âge devra en avoir un de moins que le nombre prescrit par les articles 3 et 5 du présent décret, pour ayoir droit à la pension accordée aux familles nombreuses,
Art, 8, Dans les fonds attribués par département pour les secours, il en sera particulièrement affecté par année une partie pour les ateliers. Ce fonds, qui ne pourra pas excéder 60,000 livres, sera réglé d'après les bases communes pour la répartition des fonds de secours, de population, de contribution, d'étendue et de proportion entre les citoyens actifs et non actifs, ils serout augmentés de la contribution d'un quart fourni par les départements, et répartis par eux au marc la livre, sur les districts où ils seront employés.
Art. 9, Ces fonds seront, sur la demande des districts, accordés par les départements, selon qu'ils le jugeront nécessaire ; ils n'auront pour objets que des ouvrages reconnus utiles.
Art. 10. Cette répartition ne pourra avoir lieu que par l'autorisation du roi auquel elle sera adressée.
Art. 11. Les départements pourront, aux mêmes conditions, accorder des fonds d'ateliers de secours à des municipalités, pour des ouvrages particulièrement utiles à elles, mais à la charge par elles de fournir en outré un quart de contribution personnelle.
Art. 12. Ces ateliers ne pourront être ouverts que du 15 novembre au 15 février; les domiciliés inscrits sur les rôles des secours du district pourront seuls y être admis, et le salaire des ouvriers sera fixe au-dessous du prix commun des journées, ainsi qu'il sera dit dans le règlement qui sera fait à cet égard.
Art. 13. Lee districts et départements pourvoiront également dans les temps» morts au travail, aux moyens de faciliter, par des avances, les ouvrages sédentaires, avec la responsabilité des municipalités pour les avances.
Art. 14. Indépendamment de ces secours ordinaires, il sera, dans les temps de calamités, fourni aux départements des fonds sur la caisse générale de réserve, ainsi qu'il est prescrit par les articles 7 et 8 du titre premier, sur la répartition des secours publies. Chapitre V.
Domicile de secours.
Art. 1er. Le domicile de secours est le lieu
où l'homme a droit aux secours publics.
Art. 2. Le lieu dë la naissance est, pour tout hompae, le lieu naturel de son domicile de secours.
Art. 3. Le lieu de la naissance est réputé, pour un enfant, celui du domicile habituel de sa mère, au moment où il est né.
Art. 4, Le domicile de secours sera acquis à un homme dans une autre municipalité que celle de sa naissance, quand il y aura habité pendant deux années, en travaillant ou sans travailler, mais aussi sans vivre de secours publics.
Art. fi, Le temps exigé pour Obtenir le domicile de secours ne datera que du jour où l'homme, non encore domicilié dans le lieu, se sera fait inscrire au greffe de là municipalité, en' y faisant Connaître son projet d'établissement; s'il n'est pas nanti de papiers qui constatent qu'il n'est pas un homme sans aveu; la municipalité aura droit de lui refuser dés lettres d'admission.
Art.; 6; L'homme qui, ayant acquis domicile de secours dapsune municipalité, changera de séjour et acquerra dans une autre ce môme droit dedomi-èile, lé perdra dans la première, et ainsi de suite.
Art. 7. Néanmoins le droit de domicile de secours sera conservé à un homme dans - le lieu de sa naissance pendant 20 années, à compter de l'âge dë 21 ans, quoiqu'il ait acquis ce même droit ailleurs.
Art. 8. Le droit de domicile de secours sera acquis, £our un homme etsafamille, dans le lieu où il se mariera et où il formera son établisse-ment, pourvu toutefois qu'il fasse sa déclaration au greffe dë; ia municipalité, et qu'il y réside pendant une année.
Art. 9. Si le mari et la femme ne s'établissent pas, avant la révolution de la première année de leur mariage, dans le lieu de la naissance de l'un d'eux, ils perdront le droit de domicile de secours qu'ils y avaient,
Art. 10. L'homme marié qui, n'ayant pas formé dans la première année de son mariage sou établissement dans le lieu de sa naissance ou de celle dé sa femme, aura quitté le lieu où il se sera marié, acquerra, un nouveau domicile de secours pour sa famille et pour. lui, dans le lieu où il portera son établissement en remplissant toutefois lés conditions présentées dans ledit article.
Art. 11. L'homme dont la femme ou les enfants en bas âge ne sont pas à la charge publique, conservera son droit ne domicile de secours dans le lieu où sont domiciliés sa femme ou ses enfants ; mais s'il s'en sépare, il né pourra l'acquérir ailleurs.
Art. 12. Uu séjour d'une année dans le lieu de sa naissance rend à un homme le droit de domicile de secours qu'il a perdu, s'il n'est pas pendant C£ temps à la charge publique.
Art. 13. Le droit de domicile de secours ne
pourra se recouvrer dans un lieu où il aura déjà été acquis, qu'aux mêmes conditions qui l'auront donné la première fois-
Art. 14. Les mêmes conditions énoncées dans les articles précédents, auront lieu pour l'enfant dont les parents sont inconnus.
Art. 15. Tout soldat, après 6 ans dé service sans reproches, pourra choisir dans toute l'étendue du royaume, le lieu ôù ii aura droit aux secours publics; en conséquence, et pour une fois séulement il lui sera accordé des. lettres de domicile par la municipalité où il déclarera vouloir se fixer pendant là première année de son congé; cette seule formalité.lui donnera le droit de domicile de secours.
Art. 16. Les personnes en état de domesticité acquerront le domicile de secours dans le' lieu de domicile de leurs maîtres, s'ils y ont séjourné pendant % années, ou dans le lieu PÙ elles se trouvent, si elle? ont servi % ans dé suite, soit un, soit plusieurs maîtres.
Art. 17. Un homme qui, arrivé â l'âge de la vieillesse ou des infirmités, sans avoir acquis de domicile, sera réduit aux secours publies,, sera admis à l'asile des non-domiciliés dans la maison publique ja plus vpisine.
Art.: 18. L'homme qop domicilié qu'un accident ou une infirmité, suite de son travail, mettrait hors 4'état de gagner sa vie, sera reçu dans fâsilè çtés ;domiciliés du département où cèt accident lui sera arrivé.
Art. 19. Les secours gratuits sont dus à tout homme malade qui se trouve sans ressource, qu'il soit domicilié OU non. Chapitre VI.
Vues de prévoyance.
1° Le comité de mendiçité, de concert avec le comité des finances et celui d'agriculture, présentera à l'Assemblée nationale le plan d'une caisse d'épargne à établir par département qui réunisse le plus d'avantages pour l'intérêt des particuliers qui voudront y placer, et qui leur présente les moyens les plus utiles, et sous le plus grand nombre de rapports, de satisfaire leurs vues de prévoyance.
2° Le comité de mendicité fera parvenir aux directoires de départements, de districts et aux municipalités la notice qu'il a soumise à l'Assemblée de divers exemples qui peuvent pénétrer la classe indigente et laborieuse des ci--toyens de l'utilité des mises d'épargnes. TITRE III,
Sommes à attribuer aux secours.
Art. 1er. Dans la distribution des dépenses
nationales et à commencer du lw janvier 1791, il sera affecté une somme
de 50 millions pour les secours publics et. pour les dépenses relatives
à la mendicité.
Art. 2. Sur la somme totale de 50 millions, mentionnée en l'article précédent, celle de 40 millions sera répartie dans les départements et districts, conformément aux articles V et VI du titre premier, et subviendront aux dépenses des secours habituels, secours aux enfants, aux malades vieillards et infirmes, et fonds des mai-» sons de répression.
Art. 3. La somme de 5 millions, destinée aux
ateliers de secours sera également répartie dans les départements, au titre des conditions prescrites dans l'article V du titre 1°*.
Art. 4. Il sera réservé une somme de 5 millions, pour faire face aux dépenses générales, traitements des commissaires du roi, frais de transportation et secours extraordinaires à verser dans les départements dans les moments calami-teux. La distribution des secours extraordinaires sera faite ainsi qu'il est expliqué à l'article VII du titre 1er.
Art. 5. Les directoires des départements adresseront, dans les 10 premiers jours de chaque mois, au ministre des finances un bref état de la dépense des secours publics, et de celles relatives à la mendicité.
Art. 6. Le roi fera connaître à chaque législature, et dans les premières de ses séances, les comptes des différents directoires, et l'instruira des travaux qu'ils ont opérés avee les ateliers de secours, de l'état des hôpitaux, hospices, maisons de répression, et de tout ce qui a rapport aux dépenses de la mendicité. Le compte de chaque département sera rendu public par la voie de l'impresBion.
Art. 7. La somme de 50 millions, décrétée dans le premier article, n'aura lieu que pendant chacune des 2 années de la prochaine législature.
Art. 8. Chaque législature nouvelle, sur ie compte qu'elle se fera rendre de la situation des divers départements, de leur besoin, votera la somme qu'elle jugera nécessaire pour la dépense des secours et de la mendicité.
Mémoire sur la mendicité, présenté à VAssemblée nationale, par M. Papion le jeune. (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)
Messieurs, c'est chez un peuple libre qu'il est question de la mendicité ; elle doit disparaître de toute la surface de l'Empire.
Si le vagabondage s'est accru d'une manière effrayante, dès que l'absence des sangsues publiques a laissé à découvert toute l'indigence des peuples; si des mendiants étrangers ont inondé la capitale et le royaume ; si la corruption, nourrie de l'espérance des troubles, a détaché de tous les métiers une multitude d'ouvriers qui ont cru trouver, même dans une dissolution effrénée, une diversion à leur misère ; si à cet amas de maux, l'examen des maisons de charité et des hôpitaux n'a joint lui-même qu'un spectacle de barbarie et de mort, vous n'en rassemblerez que plus de courage et de moyens, afin de réparer tant de malheurs.
L'Assemblée nationale a rejeté avec horreur les expédients d'une police abominable, qui ne consistaient qu'à détruire les mendiants et à laisser durer la misère ; elle a vu dans la mendicité un objet essentiel de législation, elle a conçu que, dénonciatrice des calamités générales, on devait y reconnaître la faute et le relâchement des mœurs et des lois distributives; tous les maux qui assaillissent l'humanité, toutes les situations misérables par où l'homme doit succes-
sivement passer, lui ont paru mériter un égal intérêt et chacune une prévoyance particulière; cette liste fatale à la main, elle doit chercher à les prévenir dans leurs sources, dans nos foyers, dans les hôpitaux, dans les prisons; d'un même sentiment de compassion, embrasser toutes ces classes de malheureux, aborder tous ces lits de misère; et il me semble qu'elle ne peut, même en ce moment, porter des secours provisoires, sans traiter cette question dans sa généralité.
Nous vous aiderons. Et pour quel être pensant la mendicité n'a-t-elle pas été un profond sujet de méditation ? Est-il aucun de nous qui, à la vue des misérables, justifiant la dureté de ses refus, par l'insuffisance de son aumône, n'ait pris au moins un formel engagement avec lui-même, d'attaquer, à la première occasion, cet opprobre des sociétés? Ainsi donc, nous sommes, nous devons tous être préparés sur cette importante matière, dont tous les jours de notre vie furent témoins.
La Déclaration des droits, en proclamant la sainte égalité, a rendu ces devoirs plus prochains et plus sensibles; la dignité restituée d'homme libre, en rapprochant de nous les malheureux, nous avertira mieux de leurs souffrances, et nos soins seront plus efficaces lorsqu'ils répareront à la fois la misère et l'avilissement*
Avant tout, il n'est pas hors de propos de convenir du principe qui doit nous guider. L'humanité consiste à rendre à l'homme ce qui manque essentiellement à son existence, la faculté de vivre avec la condition du travail, à lui donner, non la vie pour un jour, mais ses forces pour l'avenir, et lui ôter véritablement sa misère et non à la prolonger en le trompant par une aumône dont le besoin n'a pas de terme. Tant que vous ne délivrerez pas le pauvre de cette dépendance horrible de ne vivre que de l'aride pitié des hommes, vous ne lui avez rien donné ; c'est, au contraire, le tromper, le retenir pour toujours dépourvu, le traîner dans l'ignominie; et, à cet égard, l'aumône est très positivement pour les pauvres ce que serait pour les malades un hôpital où on les recevrait, sans leur administrer de remèdes.
Il importe donc infiniment de détruire cette première erreur sur la fausse compassion, et de se pénétrer dans cette maxime que : véritablement la charité n'existe pas où la mendicité est une profession. Mémoire sur la mendicité.
J'ai lu avec attention les rapports du comité de mendicité; peut-être ne sont-ils pas assez connus, car on fuit trop généralement cette austère instruction, et les meilleurs ouvrages sur cette matière restent ignorés, comme si tout ce qui a trait au soulagement des misérables devait être marqué de négligence et d'oubli.
Cependant aux divisions que le comité a adoptées, à ses projets de décrets, à ses diverses recherches et conceptions, je crains qu'il ne manque encore quelques éléments et une analyse mieux approfondie, et il me semble que les mesures qu il propose pourraient nous jeter encore loin du but : c'est ce qu'il importe surtout d'éviter aujourd'hui. Songez que ce que vous ferez dans la circonstance présente sera la règle de tous les temps. La proportion des pauvres, des ouvriers sans ouvrage, des vagabonds est. immense, ét votre tâche est plus grande aujourd'hui qu'elle
ne le sera à l'avenir. Au milieu de tant de calamités, ce nombre prodigieux de misérables, cette masse aigrie et corrompue, est, n'en doutez pas, une déposition contre l'ancien régime, et non une calomnie contre la Révolution. Nos spoliateurs, en fuyant, ont beau nous invectiver, nous réparerons les maux qu'ils ont faits; l'indigence est une des entraves dont il fallait affranchir la nation la plus industrieuse; et nous devons regarder cet immense soulagement comme une partie des dettes énormes que les anciennes dissolutions nous ont laissé à acquitter.
Les premières bases du comité sont fondées sur des observations très multipliées, qui font connaître le nombre d'individus à secourir. Ce nombre paraît pouvoir monter à 1 million. Il en a évalué la dépense annuelle à 50 millions, à peu près, et a proposé des règlements de distributions, le tout motivé et semé de réflexions morales (1).
Le nombre des pauvres déclarés, variable selon une foule de circonstances, paraît avoir cependant une étendue assez déterminée, comprise entre des limites regardées comme constantes; on a cru pouvoir s'arrêter à ce résultat, que la plus forte proportion des pauvres est un dixième de la population, et la plus faible un vingtième; que le nombre des malades ou infirmes, sur cette première détermination, est encore un dixième du nombre des pauvres au plus, et un vingtième ou vingt-cinquième au moins; ce qui fait varier le nombre des pauvres à secourir du dixième au vingtième de la population, et le nombre des infirmes ou malades, du centième au cinq centième; termes trop éloignés pour qu'on puisse en obtenir une estimation assez précise pour les dépenses; l'on peut d'autant moins se fier à ces sortes d'interpellations, qu'en des pays moins riches, et par conséquent moins couverts d'asiles hospitaliers, le nombre des pauvres n'a paru monter qu'à un quarantième ou cinquantième de la population ;
tandis qu'il s'élève, dans les pays les plus opulents, à un vingtième. Eu Angleterre, on compte d'un seizième à un vingtième le nombre des pauvres secourus, et estimant à la moitié de ce nombre celui des pauvres non secourus, ou qui le sont occasionnellement par des particuliers, le total des pauvres y monterait à un douzième de la population ; quelques observateurs anglais l'ont même porté plus haut.
Il y a d'ailleurs une grande inexactitude à compter tel nombre de malades ou d'infirmes à secourir sur tel nombre de pauvres ; car les maladies étant la cause la plus commune qui fasse passer les individus des classes laborieuses à la dernière indigence, les maladies précèdent au contraire l'état de mendicité.
One observation plus élémentaire et plus utile a fait trouver assez régulièrement le nombre des pauvres déclarés au dehors des asiles, égal au nombre des pauvres reçus au dedans ; observation vérifiée chez diverses nations et dans différentes villes, et de laquelle on doit conclure simplement que le nombre de pauvres ne dépend pas d'une loi de quantité sur la population, mais de la quantité des places d'admission dans les hôpitaux, et des secours plus ou moins abondants qui y sont distribués; on doit en conclure encore le nombre des pauvres hospitalisés ou mendiants, ne nous indique pas celui des malheureux dont les besoins extrêmes ont droit d'émouvoir la commisération publique (1).
La plus grande partie de la misère reste toujours cachée; vous ne connaissez guère que celle qui vous importune; et jusqu'à présent vous n'avez aperçu que la mendicité. Cette manière de poser une aussi grande question ne me parait pas y répandre assez de lumières.
Ne considérez donc plus la mendicité que comme une émanation, un symptôme d'une misère plus grave qui pèse sur la majeure partie des peuples, misère non manifestée par des clameurs et des persécutions, mais infiniment plus cruelle. Or, ce sont toutes ces familles, tous ces malheureux à peine nourris et vêtus, mais qui ne mendient pas; tous ces journaliers accablés et abrutis par le dénuement le plus cruel; c'est cette multitude que vous ne comptez pas dans la mendicité, etbien plus recommandables cependant que ceux pour qui l'on s'est tant occupé de secours, que je vous présente, Messieurs, comme le digne objet de votre application. Nous nous croyons trop légèrement quittes envers eux, parce que la pudeur les écarte de nous ; la misère est humble, la mendicité est impudente, et cette dernière se venge toujours de son abjection par son penchant à nuire.
Je ne crois pas inutile de marquer très fortement cette distinction de la misère d'avec la mendicité, distinction trop négligée en toutes circonstances. Dans ces derniers temps, vous avez beaucoup fait pour votre repos, de nourrir
30,000 vagabonds menaçants; mais pour 4 millions d'ouvriers paisibles et sans pain, qu'àvez-vous fait (1)? .
Cette misère antérieure à toute mendicité, cette maladie interne et aiguë, saisit les peuples d'une manière bien plus funeste. Quand la population diminue, ce ne peut être que par un effort violent; et voilà strictement la mesure vraie et effrayante des effets de cette misère, sur laquelle il est temps de porter vos regards.
Je l'affirme, je l'ai vu : j'ai vu s'éteindre des multitudes d'ouvriers dans ces crises douloureuses qu'on ne soupçonnait seulement pas ; j'ai vu des familles entieres dans un état de pauvreté ët d'abandon tel, qu'il leur était impossible de passer d'un salaire insuffisant à une profession qui pût les faire vivre; il y a une chaîne de circonstances, d'habitudes, d'oppression, qui fait de leur état abject, le seul état de ces misérables, et dont ils ne peuvent sortir. Je leur ai fait, au moins au fond, de mon coeur, le serment de garder ce tableau toute ma vie, d'en prendre la cause dès que j'en trouverais l'occasion. Je bénis cette époque, qui fait rentrer dans l'espèce humaine des hommes que le malheur abrutissait, et dans qui, malgré les dernières extrémités, la rudesse, l'isolement de toutes jouissances, je découvrais une bonté, une piété mutuelle, un fond de mœurs et de probité qui, dans ce cas, il faut l'avouer, sont, non pas de la société, mais de l'homme.
Ne regardez pas, Messieurs, cette analyse de faits comme superflue ; ce n'est pas. trop d'un quart d'heure de recueillement, contre des siècles d'erreur et de barbarie.
Si l'on voulait se renfermer dans l'argument ordinaire des administrateurs, dans ce principe austère et froid sur la mendicité, savoir que, « l'im- « prévoyance, les vices, les accidents particuliers « doivent nécessairement, comme l'arrière-faix « de l'ordre social, répandre un nombre quelcon- « que de misérables mendiants ; que par une con- « séquence éternelle, toute société>par cela même « qu'elle se maintient dans l'ordre le plus sévère, « renferme, à l'une de ses extrémités, une indi- « gence, une mendicité inextirpable, derniers « résidus dont le déplorable abandon même et ia « douloureuse anxiété restent exposés comme « des avertissements contre la nonchalance et « les fautes, ainsi que les supplices contre les « crimes » ; alors il serait inutile d'entamer la discussion, et il suffirait de se reporter à tous les règlements dictés pour la sécurité des riches, alors, dis-je,on remettrait en vigueur les galères, les flétrissures, un fer rouge sur le front, les prisons, la potence même, car voilà à peu près, jusqu'à présent,tous nos règlements sur cet objet (2). • Mais si vous voulez êireconséquents et humains, il faut vous assurer si, par injustice, négligence ou oppression, vous n'avez pas vous-mêmes accru la mendicité. Vous ne pouvez sévir avant d'avoir pratiqué la bienfaisance, et c'est le devoir rempli qui vous donnera le droit de la rigueur. Là il faut
des lois, là des secours, là de la sévérité; Bôngeï que ce grand objet demande autant de mesures particulières, qu'il y a d'afflictions différentes; que l'équité doit distinguer la misère ilinbcenté de la misère coupable, autant que la Compassion doit séparer l'homme sain d'avec l'homme mâ«-lade; que si vous voulez tirer parti des nombreux moyens que présente l'économie, les ateliers pu* blics, le commerce, l'agriculture, si vous VoUlefc faire un usage convenable d'une police légale et d'une éducation publique; si vous voulez enfin faire avancer, de ce côté, la Constitution qui, eh rendant à l'homme sa dignité, lui imposa l'obligation de la reprendre et de s'en revêtir, vous ne pouvez y parvenir sans développer ces grands principes de moralité et de distribution. Ce n'est donc pas, encore un coup, de là mendicité isolée que je cherche à vous occuper ici, mais de lâ misère publique, et l'orbite que vos soins ont à parcourir, comprend l'humanité entière*
Maintenant examinons, dans cet esprit, quelques-unes des lois principales à porter, et surtout de quelle manière on doit en fixer lès principes,. Quoique je ne prétende pas Vous soumettre ici un projet.entier de lois, et que je n'aie en vue que de vous présenter la méthode que je crois la plus propre à donner une bonne législation sur cette matière, je marquerai néanmoins, par articles, les principes généraux dont j'aurâi occasion de parler.
Comme ce sont ces principes qui précèdent les lois, je voudrais qu'on pût les rassembler, ét qu'on les appelât les droits de l'humanité soufl"
frante.
Quelques-uns des articles que je proposerai pourraient être joints à ceux que de longues méditations auraient déjà procurés.
Le plus pressant regarde les hôpitaux ; l'homme souffre et périt, et chaque jour coûte 1,000 victimes (1).
L'observation la plus commune prouve que le mélange et la confusion des malades doublent au moins les causéB de ia mortalité. La première loi, dans la distribution des secours d'hôpitaux, doit donc être de séparer, avec l'observation la plus rîgoureiisé, les malades, les vieillards, les hommes vidés, etc. Èt cette loi, non seulement doit avoir lieu pour les établissements destinés chacun à une fin différente, mais aussi et principalement dans l'intérieur des hôpitaux, où les maladies confondues s'aggravent l'Une par l'autre. Elle peut être conçue ainsi :
Art. ler. Deux cas différents de maladies, de
corruption OU de Vices quelconques, ne doivent être jamais confondus
ensemble; le même principe commande aussi, pour son application exacte
et générale, que deux malades ne soient jamais couchés dans le même lit
(1);
Cette dernière loi de rigueur, et si naturellement indiquée par l'humanité* est celle pourtant dont la violation est la plus commune dans les hôpitaux, et qui, à la connaissance éternelle des administrateurs et des peuples, y a toujours et impunément exercé le plus de ravages.
Quelle que soit donc la forme adoptée dans la distribution des secours hospitaliers, il faut que cette première loi soit observée. Tous les maux présentés à la fois' font frissonner et fuir; un seul aperçu excite la compassion, le cœur en est pénétré, et vole à son aide.
On doit ce premier soulagement à l'humanité souffrante, de la préserver d'un mélange hideux ou infect; dè ne jamais confondre l'objet du respect et de la compassion avec celui du mépris et de la sévérité, et ce seul ménagement a ura fait plus de la moitié du bien que promettent les secours.
Les sentiments que vous offrez aux malheureux sont une partie essentielle et la plus efficace de la bienfaisance. L'homme est le plus sujet de tous les êtres aux infirmités; son esprit, son âme éprouvent toutes sortes d'altérations ; ses facultés morales, douloureusement affectées, jettent en lui les germes d'Une multitude de maladies, compliquent les symptômes, empirent les infirmités; et le chagrin, l'inquiétude, le dédain, sont souvent les seules causes de sa destruction. Traitez donc, dans leur source, ces fléaux de l'espèce humaine. Durant une cherté de matières, qui détruisit en 1787 un assez grand nombre de manufactures, et dont la crise s'est prolongée 3 années, il n'y a pas eu de causes extraordinaires de mortalité; mai j'ai compté avec effroi que, sur un nombre donné d'ouvriers, il était péri de misère une quantité trois fois plus considérable que celle qu'eussent et prélevée les lois ordinaires de la mortalité.
La consolation réussit dans toutes sortes de traitements, et à toutes sortes de malheureux ; commencez par leur offrir un état absolument contraire à celui qui les a accablés ; arrêtez d'abord cette cause. Votre comité vous a présentés, en opposition à la manière barbare et insensée dont on traite les fous dans nos hôpitaux, celle que le docteur Hunter, en Angleterre, a mise en usage envers un grand nombre, que sadouceuf, de ia confiance et de bons traitements ont guéri, sans être obligé d'attacher même les plus furieux. L'humanité, Messieurs, a de semblables succès à obtenir du respect compatissant avec lequel Où accueillera toutes sortes de misères.
Cette première séparation des malades doit être portée plus loin; mais ceci tient à un autre principe fondamental.
Un malade présente deux objets de secours: premièrement, sa maladie; deuxièmement, la mendicité pour lui à l'avenir et pour sa famille, dès le moment présent, ce qui nous indiqué le sens d'une Seconde loi.
Art. 2. Un malade présente le besoin de deux secours, le malade qui attend guétison, et sa famille que son absence plonge dans la mendicité. Le secours public doit donc pourvoir à ces deu£ extrémités.
Or, on ne peut, en ce cas, donner de secoUrâ complets que par des secours à domicile ; car il faut bien porter le secours si vous ne voulez pas forcer les misérables à le venir implorer. De plus, l'enfant accoutumé à laisser son père Se traîner aux hôpitaux lors de ses maladies. S'en chargerâ-t-il dans sa vieillesse? Une troisième loi peut conséquemment s'exprimer ainsi :
Art. 3. Ayant égard à la moralité, à la vie du malade, et à la répression de la mendicité, toutes circonstances également engagées dans l'état de maladie, il ne peut y avoir de secours hospitalier complet, que par des secours à domicile à quiconque a une famille.
Ce n'est donc pas par choix de système uniquement que je crois les secours et traitements à domicile préférables aux hôpitaux, mais par un principe rigoureux qu'il fallait démontrer; car observez bien, Messieurs, que c'est une législation, et non pas des statuts variables qu'il importe de donner; qu'au lieu de convention et de règlements de détails, vous devez vous attacher à ces raisons fondamentales,où l'on doit en tout temps les puiser, et Dien distinguer les principes toujours vrais des moyens d'exécution souvent fautifs. Les établissements peuvent, doivent se corrompre, mais vos lois resteront.
Vous avez été conduits, il est vrai, au même résultat, à la vue de l'horrible confusion de nos hôpitaux. Ici va redoubler l'intérêt, Messieurs, si lors de la discussion du code pénal, vous vous étiez enflammés d'une espérance si vive, mais si trompeuse, d'épargner la vie des scélérats pour conserver des hommes, quel courage, quelle application, quelle vertu n'aurez-vous pas, alin de conserver des hommes innocents, des parents utiles et chers, non une centaine de brigands, mais 100,000 citoyens?
Il est connu que dans les hospices les mieux administrés, sur 25 malades, il en périt un; dans les hospices de France, où règne le plus d'humanité, sur 16, il en périt un; dans les grands hôpitaux, il en périt une fuis davantage; dans celui de l'Hôtel-Dieu (1), un quart y succombe. Et comment cela ne serait-il pas?
O Messieurs! qu'il importe de conserver, de faire passer à tous les siècles cette grande leçon, ce tableau effroyable connu depuis longtemps, dénoncé, mais inutilement, parles commissaires nommés en 1786, et trouvé encore pire par vos commissairesl Ils ont vu comment sont confondus pêle-mêle les infirmités, les infortunes, les crimes; des maladies pestilentielles éternisées dans ces lieux de douleurs; les vices gangrenant d'une manière aussi funeste, aussi mortelle ces malheureuses victimes en tout sens; ils vous en ont rapporté les désordres, les abus, les barbaries; comment, et tous les jours, des malades entassés, au lieu de guérison, n'y rencontrent qu'un spectacle hideux et désespérant, pressés les uns contre les autres, 4, jusqu'à 6 à la fois, sans mouvements libres, assaillis, empoisonnés, desaccè3 de tous les maux qui multiplient les leurs; calcinés par une chaleur fétide, inaccessibles au sommeil, et dans cette torture affreuse, forcés à partager, avec des agonisants, des spectres, des lits infectés, ces échafauds de la misère; ils vous ont dit avec quelle horreur ils ont vu des infirmes avec des scélérats, des épi-leptiques avec des fous; des enfants venus de la Pitié à Bicêtre, pour être traités de la gale, oubliés dans les prisons des malfaiteurs depuis 6 mois, et qu'on y aurait encore laissés, s'ils n'avaient témoignés, aux gérants de cet hôpital, l'abomination d'un tel oubli; avec quelle atroce invention on avait creusé des cachots où le jour ne pénétrait pas, réceptacles des vengeances de ministres, de femmes et de commis, et où même, sur la simple décision d'un économe ou d'un administrateur, on précipitait les malheureux qui avaient choqué leurs passions ou leur arrogance; comment dans un autre hôpital, et pour les moindres fautes, des jeunes filles sont enfermées des mois entiers avec des folles furieuses; et tant d'autres crimes dans l'enceinte des hôpitaux. Il est bon de le publier; il faut conserver ces détails affreux, il faut que le récit de cette confusion horrible porte à l'avenir une peinture fidèle de l'asile des pauvres, du temple de la Charité; que cet exemple serve, d'époque en époque,
à rappeler sur ces établissements si sacrés et sitôt corrompus, la surveillance publique et la piété chaste de ceux qui ne sont pas encore endurcis dans ces administrations; car celui qui le3 voit habituellement, regarde les hôpitaux comme un champ de travail et de fatalité qui se remplit; loin d'en arrêter les progrès, il prétend que c'est même un bonheur pour le misérable de terminer plus promptement une vie de souffrances; et sa cruauté, couverte ainsi d'une perfide compassion, ne fait que rendre la vie des malheureux encore plus amère, et que doubler la portion de douleur qui les accable (1).
A la vue de ces atrocités, ne vous étonnez plus que les fonds delacharité,livrésàdesmains avides, ne soient plus alors que des occasions de pillage, en ferme et sous-ferme (2).
Et nous avions horreur des prisons d'Etat, des bastilles! Et nous laissons de telles choses exister encore au milieu de nous! Et là périssent des milliers de victimes, sans que nous y ayons encore porté aucun remède ! Eh 1 Messieurs, c'est que là, c'est notre crime à tous ; l'insouciance et la tyrannie des hommes privés ; l'insouciance et l'abandon, aussi barbares, aussi sanguinaires que le despotisme le plus jaloux et le plus violent.
Non que l'on manque des choses nécessaires ; argent, fondations, sacrifices, manipulateurs habiles, femmes compatissantes :tout s'offre en abondance. Que manque-t-il donc ? De ne pas opérer le bien dans la disposition naturelle qui lui convient, et qui empêcherait que rien ne fût perdu.
Vous venez de voir que les secours à domicile sont de principes obligatoires, en ce que tout infirme présente deux extrémités, maladie et men-dicité.types mutuels l'une de l'autre. Comparez-les aux hôpitaux, vous reconnaîtrez encore dans les détails une infinité d'avantages.
S'agit-il du but principal des secours de gué-rison ? Quelle enceinte pour un malade que toutes les convulsions et les infections morbifères.l Un homme sain ne pourrait s'y exposer sans en être dangereusement atteint, et tomber malade lui-même. La liberté, l'air pur du dehors, les moindres soins des hommes que l'on connaît, seraient seuls plus efficaces, que ne le sont, dans les hôpitaux, toutes les drogues et tout l'art des médecins.
S'agit-il d'économie ? le secours à domicile sert à deux objets; il guérit la maladie et soulage la misère; il est immédiat; il échauffe la bienfaisance particulière, et entoure les malades des soins officieux dont tous les hommes prendraient l'habitude. La somme des secours nécessaires eu
serait aussi mieux connue, et moins incertaine pour tous les temps.
Les hôpitaux ont d'ailleurs dans leur exercice une sorte de tyrannie, d'incarcération, qui en mille occasion flétrit et tue. Aussi, toute admission à un hôpital devrait-elle être au choix du malade, en certains cas. Un misérable appartient à des parents; un infirme, un impotent, au moins a une famille ; en les divisant, en rompant ces liens respectifs de secours et de devoirs, ne lui ôtez-vous pas plus que vous ne lui donnez ? Le mo nent où vous le séparez des siens, pour le transporter à un hôpital, est une crise funeste, la plus dangereuse de sa maladie (1) ; et quelque soulagement que vous lui promettiez, la porte que vous lui ouvrez est presque toujours pour lui le seuil du tombeau. La plupart des malheureux préfèrent l'abandon ; sauvés au moins de l'approche pestilentielle de 100 autres malades, et du traitement demi-bienfaisant et demi-bar-bare des hôpitaux.
Je ne sais pourquoi faire un rassemblement, un lieu fermé et caché aux yeux de tous, des infirmités, des décadences humaines, leçons de la Providence, avertissements terribles, mais nécessaires au bonheur même et au maintien de l'homme. Nos institutions ne devaient se proposer que l'observation scrupuleuse et fidèle de celles de la nature; il ne faut donc pas, sur cela, mutiler de toutes parts, entasser ce qu'elle a distribué, séparer les hommes au moment où elle fait naître entre eux les occasions de la compassion et de la reconnaissance. La nature a disposé la seule manière dont les devoirs sans nombre de la pitié s'observeraient dans toutes les circonstances; elle n'a pas versé ces sentiments dans le cœur de tous, pour n'en faire que le métier désagréable, répugnant et cruel de quelques-uns. Tour à tour nous recevons et nous devons des soins; ce devoir s'étend de sa famille à ses concitoyens; et alors nous concevrons que les secours hospitaliers n'ont pas dû seulement être une contribution pécuniaire, mais une contribution de sensibilité et de vertu, un acte auquel se doit tout citoyen. Aussi, je pense que l'homme qui tombe malade, et périt faute d'assistance, devrait être la honte et le remords de ses voisins. Il faut donc que chacun compatisse, veille, se soumette, s'il ne souffre pas, au moins qu'il soulage, qu'il constate et préserve des droits communs et si sacrés; c'est une fonction obligatoire, même de sa vie privée et libre. Préparés tous à souffrir, nous devons l'être à secourir ; nous ignorons encore sur qui tombera l'infortune et la douleur, et au milieu de tant de maux versés au hasard sur l'epèce humaine, chacun de nous doit contempler les souffrances d'autrui comme une partie de sa propre destinée.
Une quatrième loi doit donc astreindre chacun à participer à ces devoirs, et rendre d'obligation à tous, une assistance prompte et de sentiment. II faut, dis-je, fixer le principe par une loi constitutionnelle, quelle que soit ensuite la manière de le mettre en œuvre.
Art. 4. Il faut que tout homme, en sa vie,passe à la surveillance, à une fonction quelconque d'assistance aux infirmes et aux pauvres, afin que cet objet ne soit étranger à personne, et qu'ainsi la société entière sache toujours en quel état est cette partie d'administration commune.
C'est ainsi, Messieurs, que la sagesse du législateur, redoutant la froide libéralité des fonda» tions, rtë doit rendre éternelle que là vertu de l'hospitalité; les établissements publics ne suffiront jamais; et ce n'est pas la charité seule de nos pères, c'est 1a nôtre qui doit veiller à toute heure sur nos concitoyens* Chaque génération a ses malheureux, chaque génération a ses vertus.
Notre Constitution, d'ailleurs, ce réveil de la raison, a besoin de tous les rapports moraux qui nous tinié&ébï. Elle se consolide autant à chaque loi de paternité, qu'à chaque précaution contre la tyrannie. Rién peut-il assurer mieux la liberté publique, que de rendre l'existence de chacun séhsiblé à tous?
Mais ce qui importe très particulièrement, c'est que l'artisan pauvre soit également visiteur* surveillant, administrateur désintéressé des secours hospitaliers ; il est prodigieux ce qu'on peut en obtenir pour la moralité, de faire par» tager aux ouvriers indigents ces fonctions respectables» Le pauvre qu'on honore est le meilleur et leplUt digne des hommes.
On en connaîtra les heureuses conséquences à bien des égurds, surtout dans les détails, quand il s'agira de prévenir l'abus, le pillage, et d'assurer l'observation de la loi (1).
Et la charité alors reparaîtra ce qu'elle devait toujours être» dans son véritable sens, rien autre que le devoir de l'hospitalité que nous avons tous à pratiquer dans notre vie, envers les infirmes et les misérables, comme envers l'homme chassé de son asile, ou qui a perdu Ses foyers. Eh ! qu'était-ce donc que cette grande vertu de l'hospitalité, si religieusement observée par tous les peuples? Que devons-nous penser du sentiment qui l'inspirait, et qui punissait de la mort des lâches et des assassins quiconque en refusait ou en violait lés devoirs ? On ne trouve point, ou & peine, des hôpitaux che2 les anciens peu-pies (2) ; mais laissaient-ils pour cela périr sans secours leurs concitoyens ? Cette hospitalité active et prévenante né leur tenait-elle pas lieu de nos grands établissements modernes, cette hos-
Eitallté qui créa ensuite ellemême les premiers ôpitaux du temps des croisades? G'est une vertu de plus que nous aurons recouvrée; et c'est particulière ment pour rendre à la charité ce saint caractère, que j'écarte expressément l'idée et le terme d'aumône.
Les secours à domicile, dans le cas de maladie, ne suffisaient pas; les compagnons des diverses professions, éloignés de leur pays, ont besoin d'hôpitaux. Les hôpitaux conviennent encore dans les grandes villes ; mais en évitant l'iucon*-vénient extrême de les remplir d'un trop grand nombre, et cependant qu'ils soient assez considérables pour rassembler et fixer un concours de moyens et de choses qu'exige le traitement des malades.
Parmi ces grands rassemblements, cette confusion de misères humaines, parmi ces énormes dépenses, ces monuments fastueux, ces, vastes projets de la bienfaisance, ii en est un d'oublié,
Messieurs, et 1@ plus essentiel : ce sont les asiles d'Invalidité aux artisans estropiés par toutes sortes d'accidents et dé mutilations trop communes en beaucoup de métiers» La guerre n'est pas le seul qui nous recommande des invalides ; que de métiers difficiles et dangereux I que dè moments dans la vie de l'ouvrier, et demandent autant de courage, font traverser autant de périls 1 que de métiers, avec la Certitude constante d'abréger de beaucoup la durée de la vie I Les dangers et le courage, loin de n'être que des crises rares et passagères, forment la situation habituelle et non forcée des hommes laborieux» Pourquoi donc manque-*!! des secours d'invali-* ' dité à ces victimes? Leurs services, leurs malheurs ont-ils moins été pour la société? Et que d'exemples sous nos yeuxi Interrogea ces misérables sur la cause de leur dépérissement et du leur mutilation ; ce sônt dés ouvriers écrasés dans les carrières, dès maçons tombes du haut de nos maisons, des hommes brisés par nos Voitures, d'autres usés et rompus par des travaux périlleux. Durant quelque temps, ils fatiguent la pitié de ceux qui les connaissent encore ; bientôt ils ne sont plus connus ; ils ne peuvent adresser une parole à aucun être qui leur soit uni sous un rapport quelconque ; Un profond déses-poir détruit avec violence, en eux, tout sentiment consolateur : on ne meurt pas; etcêscada-vressé traînent devant nous, découvrant, sans fruit, leurs blessures à nos regards faits à ce spectacle atroce, qui ne sert plus qu'à nous endurcir et à détruire dans des cdeurs flétris tout sentiment de probité et de compassion.
Je demande donc, à cet égard, que toutes les professions pénibles et périlleuses trouvent lés mêmes prérogatives, la même reconnaissan ce que le métier des armes; qu'il soit en principes que nos malheureux citoyens, condamnés pour toujours à souffrir, ét à n'avoir plus d'eSpérahce, ont un droit créé aux secours et à l'entretien publics. Tels seraient donc les motifs de deux lois encore.
Art. 5. Tout homme mutilé, ou rendu impotent dans l'exercice d'un métier, doit trouver un secours d'invalidité aussi bien qué l'homme blessé ou vieilli dans le métier des armes.
Art. 6. Un asile sera également ouvert à tout malheureux brisé par un accident quelconque, dif-formé par la nature, ou dévoré par Une maladie incurable, comme à des victimes expiatoires de ce que nous ne souffrons pas.
Continuons.
Le comité, afin de présenter une extinction des secours Urgents à distribuer, S'en est rapporté à ce qu'il leur a paru devoir monter dans ie moment présent, à répartir, à peu près» à un vingt-cinquième de la population, enfants, infirmes et vieillards; la dépense, comme nous l'avons dit, estimée à un total de 50 millions»
C'est surtout à la dépense par individu, qu'on découvrira mieux ce que vaut une bonne législation sur la mendicité ; mais nous n'entrerons pas, pour cette fois, dans les détails d'estimation de ces dépenses par individu. Auparavant, posons les principes.
Le comité, s dans son projet de décret/ admet pour la distribution, des mesures qui me semblent on ne peut plus dangereuses.
Il s'agit de faire des rôles de ceux qui auraient droit au secours; diverses classes de pauvres» Ehî pourquoi classer, établir de pareilles distributions? Déjà pour les mêmes baBes, fonder des castes de misérables, qui, dans une ignorance totale des
grands principes sociaux, s'institueraient consti* tutlonfiellemetit au sein de la société, c'estéter* biser la misère et non là secourir. Ne faites point passer le droit des malheureux au* secours publics, par cette faussé combinaison, Cette dangereuse Classification dont on 0e prévoit pas toutes lés suites. C'est pëbt"être la charité, qui, la pre* filièfe aux Indes, institua une dernière caste parmi les hommes ; OU leur jelte des aliments jîar pitié, on peut aussi les tuer sans être coupa-
Point de rôles, point de castes de pauvres. La misère excessive n'est pas un état où l'homme puisse rester; et selon toutes les relations humaines et sociales, elle doit cesser d'un moment à l'autre ; donc aucune loi qui la fasse présumer permanente; aucun règlement injurieux qui in-1 flige au malheureux cette inscription humiliante; il à besoiù au moment où il a recours, et n'a besoin que pour ce temps; épargnez4ui tout outrage préliminaire. Faire une liste, une inscription de misérables, est déjà l'excès d'une oppression et d'Un abus. Et en faire de plusieurs sortes 1 Quelle inconcevable doctrine I
Je trouve donc, bien aU contraire, ici l'occasion d'une loi qui prévienne toute démarcation odieuse entre l'aisance et la pauvreté, d'une loi qui surtout épargne au misérable les dépendances de la charité; quelque simple, quelque facile qu'eu soit l'accès, il faut que quelqu'un en soit 1 organe; il faudra les aborder, ces administrateurs, et si vous y joignez la moindre Condition qui puisse compliquer lé droit de recourir, il faudra bientôt solliciter Cette protection, dont le plus décidé républicain aime également à se targuer; et pour l'obtenir, ce sera encore là un bonheur qui se vendra peut être.
L'article 7, proposé ainsi, aurait donc en vue: 1° de s'opposer à ce qu'il soit fait aucune liste d'abjection, aucun enrôlement conditionnel de pauvreté; 2° de rendre l'accès aux secours publics et leur distribution abolument indépendants de l'arbitraire d'aucun administrateur quelconque; car les secours publics en deviendraient bientôt la proie. Ce n'est pas autrement qu'en Angleterre les secours à domicile sont devenus en peu de temps le domaine de quelques familles inscrites, et que l'impôt attribué au soulagement des pauvres s'est accru à 80 millions, répartis à une multitude d'indigents privilégiés qu'on peut regarder comme formant aujourd'hui une espèce particulière dë communautés monacales, sans empêcher la mendicité, qui n'en est que plus invétérée et plus dangereuse.
Ajoutez (art. 8) une loi par laquelle celui qui aura recours, sera le maître de s'assister de deux témoins qu'il choisira parmi les citoyens de son arrondissement, mais qui fixe aussi un terme sévère à l'assistance, à raison de la mendicité que cause un accident, une maladie et sa convalescence.
Je me sers de l'erreur de principes d'une classification de pauvres, en un rapport admirable d'ailleurs à bien des égards, afin de montrer combien il faut être en garde sur les plans et l'ordonnance qui semblent les mieux entendus, lorsque dans un système aussi vaste, et qui embrasse tant d'objets, quelques termes sont oubliés. La main invincible des habitudes nous replongerait sans cesse dans les mêmes erreurs. Quand on réforme, on pense toujours mieux faire ; mais ce qu'on trouve établi, on le trouve avec les abus; ce qu'on propose d'y substituer est encore saus les abus, il n'est pas étonnant qu'on s'y méprenne. Il s'en
glissera de nouveaux, n'en doutez pas, que vous n'aurez pas prévus, mais que l'éternelle Cupidité découvrira toujours.
Il entre dans le projet du comité de faire marcher les secours en raison dé ce qu'on paierait moins de contribution. On peut saisir toute la dis-convenance d'Urte telle disposition.
L'institution de chirdrgiens OU médecins des pauvres, avec appointements, et lés dépôts de drogués ne sont pas aussi sans inconvénients. Auctiù élément de Cette étrange Corporation tté doit être créé à part; le meilleur médecin, lepldS énroUvé, doit être celui des pauvres ; ils seront obligés de recevoir celui que vous aurez choisi. Il faut quô tout ce qui les concerne soit pris dans le sêiû dé la société, et à toute heure, et autant que vous pourrez, de sorte que ce ne Soit pas Ufi gain, mais un droit à l'estime publique ; cetté seule dlffé-» rence me semble extrêmement importante.
Il n'est pas hors de propos, parmi les avantagés d'une application commune, de compter les pro« grès que doivent procurer à la science ét à lâ pratique de la médecine les observations en pleine nature, pour ainsi dire. Les faits plus prononcés, les maladies critiques de Chaque âge moins Confondues, les effets de l'air et de la végétation, Ceu%. des diverses saisons et de tous les règnes de l'existence offriront à l'analyse de grands développements et des connaissances plus complètes que celles qui n'ont pour matière que la décomposi* lion anticipée de nos êtres débiles et dépravés. On doit donc éviter que ces établissements de médecins ne soient qu'un chemin pour venir des campagnes dans les villes, un temps de classes, un cours d'anatomie et d'essais, comme il n'arrive déjà que trop, et saisir, au contraire, cette occasion remarquable d'établir entre les médecins une correspondance intime, une surveillance mutuelle, une caution générale de lumières; que tenus à une association de travail, les plus habiles hommes fussent liés à ce corps d'une manière très expresse (1); et je ne doute pas que dans
l'état où se trouve cette science, des hommes re-commandables par tant de lumières et d'utilité, ne se chargent avec ardeur de cette sublime fonction d'humanité, et ne cherchent, de concert avec le comité, les moyens de se distribuer ce partage de soins et de sacrifices; secondés d'ailleurs par de jeunes professeurs, tel que le comité propose d'en instituer, en exigeant que par des études authentiques et non frivolement examinées, ils se justifiassent dignes de participer à cette confiance éminente de la patrie, le traitement de ses pauvres.
Prenez donc bien garde, Messieurs, dès les premiers pas, de manquer tout le succès d'un système bien conçu : prenez garde, encore un coup, que la bienfaisance ne sorte de la main de tous, que vous ne fassiez une autre espèce de fondation, des dépôts, des dépenses fixes, des places à donner, des moyens de fortune (1); et il est d'autant plus aisé de tomber dans l'erreur à cet égard, que vous croiriez l'établissement dans sa plus grande simplicité et dans sa perfection,
parce qu'il irait seul et de lui-même, qu'il sem~ blerait ne plus exiger de prévoyance et de soins particuliers, et laisser chacun quitte et déchargé de toute assistance et sollicitude envers les misérables, tandis au contraire, que la méthode pécherait, par cela même que ce ne serait plus une occupation de tous les citoyens, qu'on en perdrait de vue les premiers devoirs, et que dans cette nouvelle administration de secours, l'insouciance et les abus n'ont besoin, pour se glisser de nouveau, que l'ombre dont ils chercheront toujours à se couvrir.
Le mode le plus heureux, sera par conséquent celui qui fera entrer et conservera dans l'occupation et la surveillance des soins hospitaliers le plus que nous pourrons de citoyens les mieux connus, et les plus confirmés dans ia probité et les vertus civiques.
Je le répète : en détruisant tant de chimères, aliments futiles des vanités et des opinions les plus ridicules, ne craignez pas de nous indiquer quelques vertus de plus à pratiquer (1).
Après avoir jeté un coup d'oeil sur ce qui a rapport aux infirmités, nous passerons aux mœurs, et de là sortiront de nouveaux moyens, des ressources inattendues, et d'un beaucoup plus grand effet.
Avant d'y passer cependant, je remarquerai sur les enfants abandonnés, dont il sera question encore dans la suite de ce mémoire, que ie fer meurtrier des hôpitaux s'est particulièrement marqué sur eux : les chances de mortalité, imposées sur ces premiers âges sont tellement accrues, que dans le court délai où l'administration en est chargée avant de les faire parvenir à des femmes, dans ce passage où les gérants, c'est-à-dire les machines de ces établissements, ont les enfants à leur gouverne, pour les transmettre à des nourrices, les enfants, dans ce peu de temps, sont réduits des trois cinquièmes au delà de ce que prélèvent les lois déjà si cruelles de la mortalité; mais dès que ces malheureux enfants sont parvenus à des femmes (2), ils rentrent dans les lois de
leur espèce ; la nature veille alors sur eux, et des nourrices leur rendent des mères. Tout nous démontrera que, non seulement à ce premier âge, mais qne dans toutes les circonstances de la vie, l'homme n'est bien et ne résiste aux crises qui l'assaillissent, que quand il reste dans les rapports que la nature lui a fait contracter.
Après ces premières vues sur les maux de l'humanité, nous allons donc parler de ceux de la société; ils sont voisins et peut-être les mêmes.
Le comité, ainsi que divers systèmes présentés déjà sur la mendicité, a embrassé dans les objets de sa prévoyance, en même temps que les malades, les infirmes, les enfants et les vieillards, également les maisons de correction et de travaux publics. Certes, rien de mieux que de confier à une surveillance de charité la répression des mœurs dépravées ; cette attribution à la pitié est un grand principe. La corruption est une infirmité, la plus hideuse et la plus contagieuse de toutes, et notre compassion doit s'étendre sur toutes ces victimes d'une longue misère et de l'abandon.
Si l'on a recueilli taut d'observations sur les nombres de victimes des diverses maladies, ne pourrions-nous pas observer de môme comment se perpétuent non moins rigoureusement tous les supplices de la misère sur lesquels on pourrait donner des tables presque aussi constantes que celles des mortalités graduelles de tous les âges? Dans cette complication de maux ne pourrions-nous pas calculer, si nous l'osions, les ravages que les infirmités, le désespoir, le penchant au vice, et l'habitude du crime exercent avec bien plus de violence sur cet horrible fonds de pauvreté ! Alors, émus de pitié, nous attaquerions convenablement cette mendicité, cette infirmité profonde du corps
social, qui demande un traitement réfléchi et assidu.
Nous devons, la loi en est portée, nous devons accueillir les pauvres avec la plus généreuse fraternité. En vain on vous dirait qu'ils ne sont pas tout à fait innocents : celui qui a tant souffert n'a plus de tort.
Mais je vous proposerai moins des dons que des lois; soyons justes, et que l'aumône soit interdite : que la misère soit respectée, et la mendicité en horreur. Il faut avoir visité souvent l'asile des misérables, leur avoir vu témoigner eux-mêmes une répugnance insurmontable à mendier, et préférer l'abandon des hommes à leur mépris, pour s'assurer de ce principe. Conservez donc à l'homme pauvre et honnête le grand caractère de sa réclamation ; présentez-vous à lui avec la pudeur delà bienfaisance : soulagez-le, ne l'avilissez pas; que le secours réponde à la dignité de citoyen, et faites qu'il lui parvienne, non comme charité, mais par un meilleur ordre de travail et de distribution.
Voilà le plus difficile. Oui, Messieurs, il sera toujours plus aisé d'obtenir de grands sacrifices, de rassembler des fonds considérables, que de ramener chaque particularité de l'ordre général dans sa règle juste et convenable, et quand vous aurez vu tout ce qu'on avait destiné à soulager les victimes de la nature et celles de la société, des asiles nombreux, des dotations immenses, tout ce que la morale, les mesures économiques, l'activité commerciale pouvaient procurer de moyens, rester cependant sans effet, et contraires même au vœu de leursinstitutions, vous concevrez qu'uue bienfaisance aveugle ne suffit pas davantage qu'une sévérité inexorable, et qu'il faut recourir à des lois bien méditées, et qui puissent défier le temps et les abus.
Une grande partie du peuple est souffrante. La crise forte qui rend à toute une nation ses droits, qui terrasse les abus de 12 siècles, qui dénonce et réprime à son tour les crime3 d'un gouvernement insensé, n'a pu avoir lieu sans qu'une infinité de travaux se trouvassent instantanément suspendus. Combien d'hommes ont perdu leurs métiers ! Combien de malheureux 1 Beaucoup se sont égarés, un trop grand nombre de coupables s'est mêlé à cette multitude. Dans ce déluge de maux qui inondent la société, la dépravation va encore plus loin que la misère: car le secret de la tyrannie et de l'arrogance est, en dépouillant le peuple, de le dépraver, afin de pouvoir, avec quelque ombre de raison, le mépriser et le compter pour rien. Irrités par leur abjection, irrités par des instigations perfides, attroupés et se faisant un privilège d'une licence effrénée, ils s'enrôlent comme perturbateurs, ainsi qu'on s'enrôle comme soldat; et si le zèle infatigable de tous les citoyens n'eut veillé à la sûreté publique, des troupes de brigands auraient commis les mêmes ravages, les mêmes crimes que se permettent les ambitieux.
On doit, sans doute, applaudir jusqu'ici à la prudence avec laquelle la force publique, en réprimant tant de désordres, a ménagé le sang des miserables ; ce qui devenait une loi d'ordre autant que d'humanité. Il ne fallait pas, par un spectacle de sang, accoutumer, irriter les passions, ni montrer à un peuple agité des exécutions multipliées, et l'exemple du meurtre. Alors les citoyens ont doublé de vigilance; ils ont été sur pied toutes les nuits : ils ont suppléé, par une surveillance de toute heure et partout présente à l'appareil des supplices destinés à épouvanter les scélérats. Dans le moment d'une révolution totale, il n'y a
qu'un prime public, parce qu'il est plus grand^ plus sanguinaire que tous les autres: celui qui Conspire, trame, combat contre elle; et peut-être, à cet égard» la clémence que ('empire des évënçr-ments a étendue sur de simples délits de police a épargqé bien des crimes*
Mais il est instant que, sans cruauté et sans faibles?!, l'ordre, la pureté se rétablissent dans tous les points de l'Empire* Seule, la misère sera
Jilqs facile à réparer; de son Côté, l'ardeur du ravail et de l'industrie secondera puissamment vos dispositions; mais la misère aggravée par la .dépravation opposera bien des obstacles a vos vues bienfaisantes. Il est une masse do vagabonds rassemblés de toutes parts, et nçq pas d'ouvriers, gui se refusera au travail, et croit s'être fondé un établissement de ses violences; il faut ici secourir et cbâtiey; il importe trop, Messieurs, de ne plus en souffrir aucun vestige. Je suis bien loin d'appeler la vengeance et la rigueur des lois sur dès misérables; je sais combien ils sont i plaindre, que leur dépravation même est une iuiortune : mais je crimea deux victimes, et si vous devez de la compassion à ces malheureux, vous en devez également aux campagnes et aux villes dont ils troublent la sécurité ; la pitié, ne doi t pas dégénérer én tolérqpce, et ici votre indulgence distinguera le poinipù il faut s'arrêter. Si vous voulez donc hâter le rétour de la paix dans nos foyers, des mceurs et de l'activité j pi vous voulez prévenir une, foule de maux et dictions horribles qui Bouillent notre territoire et retardent les heureux effets de notre Qgnstitutjon, réprimez de tous vos moyens çette mendicité, c§ voile* ce ralliement de tous les malfaiteurs : car remontez à sa source» vous verrez qu'elle fut toujours préparée par une multitude de délits et d'norreurs impunis ; dès gon origine, vous y découvrirez l'ignominie», la violence, le projet du crime, Qui veut bien tenir sa vie (le l'aumône aime encore mieux la tenir du pillage.
Vous savez. Messieurs, sous combieu d'associations difierentes ils troublent, en tous les temps, la société; comment les campagnes sont mises à contribution ou incendiées; comment les villes recèlen t des troupes ue bandits qu'on se contepte de désigner sous le nom de gens sans aveu et suspects, mais qui ont commis bien des forfaits, et se sont toujours recrutés, avant d'ar-rjver au çh^tiiqept. Sous l'ancien régime, on arrêtait, popr cause de vagabondage seulement, 151 16,000 ^ispiabies par an, Etait-ce la moitié, le quart', ou peut-être moins encore de tous peux qui inphqaient le royaume (1) ?
Les vagabonds étrangers, accourus au premier cri de disgorçlê, ont accru dé beaucoup ce uumbre, Apportant eux-mêmes la disposition à tous les troubles, et prêts à renouveler les scènes d'horr peurs qui est désolé le royaume, à chaque épo-^ que où les princes et les gens de la cour ont été quêter des soldats chez l'étranger pour venger leur cupidité fompée, et, déchirer leur l atrie. Ne pouvant se rallier tant qu'une unité d'intérêt et de patriotisme règne dans tout l'Empire, ces
vagabonds dispersés mendient, volent; ils alarment et cherchent à égarer la force publique par (le séditieux attroupements qu'ils veplent faire passer pour les sentiments et l'état général du peuple, imitant en cela la perfidie de ce faux monnayage d'assignats, avec lequel nos ennemis alarment, la confiance, et menacent la fortune publique, Enfin ces vagabonds étrangers enlèvent, épuisent les ressources et la nourriture de nos pauvres déjà trop nombreux ; les malveillants qui les ont envoyés les ont armés de cette sorte, et ont porté déjà ce ravage sur la partie du peuple la plus souffrante. , ;
L'Assemblée nationale a donc pensé devoir, à la distribution des secours, joindre la sévérité tout aussi secourable de repousser dans leur pays oes vagabonds, et de nous purger d'abord de ce levain de vices et de mendicité.
On ne peut refuser l'asile, le partage de l'air à quelque homme que ce soit, et de quelque pays qu'il vienne; mais les lettres de naturalisation, dont iit ne peut s'exempter, sont les mœurs du pays, profession d'un métier et domicile.
Continuez, Messieurs, de proscrire sévèrement tout vagabondage, non pas par de simples excursions de police, auxquelles je -crains fort qu'on ne s'arrête, mais.par le' fait même que tout homme doit trouver à vivre sans mendier, et par le maintien constant d'une loi qui tienne aux mœurs et non à la tyrannie. Soyez trè3 sévères, mais soyez très justes. Ouvrez d'abord à tous les malheureux les moyens de rentrer dans l'ordre social.
Les moyens que les législateurs ont cru devoir mettre en œuvre sont les travaux publics, les maisons de correction, l'éducation publiqué.
Sur ces trois objets, les comités Ont présenté des projets de loi, Nous allons réunir nos conceptions aux leurs.
Les travaux publics ont toujours trompé sur la fin qu'ils semblent promettre, parce quë. les travaux publics nq fqrment point une profession ; aussi ne soqMIs la plupart du temps que des occasions de vols et une éoole de lâcheté; la moitié des fonds ne parvient pas à sa destination et cette moitié est en mauvais travaux, On se promet de soulager le malheur, et pu aggravé le vice. Je pense dope qu'on ne les a jamais bien conçus, et je vous proposerai quelques vues sur cela dans la suite de ce mémoire.
Quant aux travaux de gêne et maisons de correction, vous éviterez sans doute de mêler ensemble différents degrés de corruption ; de laisser séjourner Jes mauvaises incitations auprès de la malfàisàrîce invétérée, Le paresseux qui a reposé près du coupable est déjà coupable lui-même, Dans les prisons, les hommes se conseil* lent, s'apprennent, se promettent un avenir encore plus criminel, ils s'inoculent des penchants et des desseins qu'ils n'avaient pas, et e$ se touchant, le vipe se fortifie de celui qu'il rencontre»
Qu'est-ce qu'une maison de correction? Qu'est-* ce que la correction? De remettre dans le train du travail» de faire contracter le ooufage et la ternie de l'activité, ûr, on ne peut y réussir, qu'en faisant sentir à celui à qui elle manqqeles bons effets qui en résulteront pour lui, Mais l'enfermer, le faire agir de force, lui montrer l'obligation dû travail avec ia tristesse et la rigueur de pifup vagé, c'est lui rendre le travail encore plus Odieux, c'est le perdre, le corrompre avec prin-cipes et avec réglés. Aussi combien dans nos priions et dans celles des autres peuplés, d'un étourdi on a fait un scélérat 1
Une punition qui ne fait que souffrir, ne corrige pas; il faut, en infligeant une peine, en la mettant en vue devant une vie coupable, poser également le tableau d'un avenir assuré et heureux devant une vie appliquée, L'Assemblée nationale a bien posé une des lpis convenables, en faisant participer les détenus au gain de leur travail, mais U ne suffit pas; il faut laisser encore aux détenus condamnés pour un temps déterminé» ia possibilité d'en retrancher une partie par une conduite réglée et laborieuse, moyen bien pins puissant pour une véritable correction. On ne peut trop exciter en eu* le projet de bien faire, Une partie de leur gain, c'est beaucoup pour leur appétit, ce n'est rien pourleurréflexion, vous ne leur montrez-là que le fruit de leurs peines et non celui de leur conduite. Ce n'est qu'en leur ouvrant cet empire de l'homme laborieux sur l'avenir, en nourrissant ienr espérance en leur faisant diminuer à mesure [a longueur de leur condamnation par le redoublement d'activité et d'exactitude, que vous leurrerez sentir et méditer ce qu'il faut leur apprendre, le travail-S'y refusent-ils, rien n'est changé à la longueur de leur détention, et cela même sert epçure de châtiment â leur opiniâtreté, rentrent-ils dans le sentier de l'application et de l'ordre, yous les y fortifiez, et ils arrivent plutôt an moment de reparaître au rang des boqs citoyens. Vous ne devez donc pas négliger un si grand moyen. Enfermer strictement le malheureux pour un temps long, et que rien ne puisse abréger, ç'pst, encore un coup, le perdre, C'est lui marquer une carrière toute douloureuse, une autorité dure et inexorable, et rappeler en lui quelque chose d'inflexible qui rend le vice plus profond et pins dangereux.
La peine est le premier moyen de la correction, la douceur doit achever. En Hollande, une application heureuse de ce principe prouve qu'on peut en attendre la pius grande réussite. Le premier dessein de bien faire ne suffit pas, il faut s'y maintenir par nn usage répété, mais aussi par un succès déjà présent, et au bpu t de quelques années un homme ne peut pins changer. Nos vertus, nos plus fortes qualités morales sont d'heureuses habitudes. Ainsi done :
Art. 9, A la loi, qui, dans les maisons de correction attribue au détenu une partie de son gain, joignez un autre loi qui leur lai§se la faculté d'abréger à mesure, par une bonne conduite, une partie du temps de leur condamnation,
Art. 10. Tout mendiant qui n'a pas de prpfesr sion ne doit pas être détenu seulement pour un temps relatif à une profession, H est bien des états qui ne demandent point d'apprentissage, ils demandent au moins de la constance et de Ja conduite: ainsi des travaux domestiques, des ; travaux de journaliers, de revendeurs, etc. Or, tout homme qui n'a rien ne peut vivre autrement que par le vol ou le travail, et îa société peut lut commander de choisir le travail, et lui en imposer d'avance l'habitude et ia faculté. D'après? cela, tout homme ouvrier, surpris dans Je délit de la mendicité, mérite uncblitiment qui peut aller à 8 mois de correction» Toute personne de profession vague, sans /apprentissage, doit être détenue non pour 8 mois, mais pour un temps suffisant, afin d'apprendre un métier, tel qu'un laps de 25 ou 30 mois, que par une application assidue et un progrès sensible, " elle pourrait abréger progressivement, mais jamais plus de moitié' Art. 11. La force publique qui arrêtera les hommes
sans aveu, les vagabonds, les mendiants, ne recevra aucun payement extraordinaire, ni relatif au nombre d'arrestations,
Art. 12. Je ne sais pourquoi le comité propose une liste de gens sans aveu, sans domicile et suspects, et avec une simple note, s'ils font une fausse déclaration; car voilà pir ce moyen les vagabonds institué* en profession avouée. Songez donc que tout inscrits qu'ils seraient, ils ne peuvent subsister que de forfaitures, et que d, 4 crimes se commettent [toujours, avant qu'un coupable soit découvert, Ainsi donc mettez en principe que tout nomme doit a ia sûreté commune ia caution d'une vie connue ou d'un métier; et que tout homme en même temps sans domicile, sans passeport et sans profession, sera traité comme mendiant, puisqu'il ne peut être autre chose, On enferme les hommes pour dettes; les gens sans aveu et sans métier sont-ils moins à charge?
Art, 13, Aucun bpmme ne pourra répondre pour un vagabo >d arrêté OU enfermé pour trois mois, m lui épargner par aucun moyen ces trois mois, qui seront de rigueur; car o'est yn homme corrigé qu'il faut, et puisque des parents n'ont pu l'élever à bien, ils ne sont pas maîtres de remettre un homme dangereux dans la société, c'est l'affaire de ia loi de eorriger §t de refaire l'homme.
Art, 14. Quant au délit de mendicité, la dernière peine, quoiqu'à diverses reprises, n§ pourra jamais être de pins d'un an de maison de correction, Il y a une débilité d'organes et de courage envers laquelle il faut réduire la rigueur du châtiment. Celui qui a bien observe les hommes dans le travail, a vu qu'il en est beaucoup qui, pour toute leur yie, ne seront jamais laborieux ni criminels (1),
Le comité propose la transportalion à des terres éloignées, après un certain nombre de récidives, Je ne sais pourqppi tendre son imagination pour découvrir cette dégradation de châtiments, et arriver uniformément à des rigueurs extrêmes qui traitent toutes sortes de misérables de la même manière. Ce qui a rendu la plupart du temps les magistrats durs et cruels, pour tout génie, c'est qu'ils n'ont jamais connu l'homme des prisons. Mais ici nous traitons l'homme au milieu de la société ; «'est sa paresse, sa mauvaise éducation, son infortune que nous avons à remédier. Ne nous hâtons pas de les jeter indistinctement, et comme incurables, sur des plages étrangères, Cette transportalion me Semble d'ailleurs furieusement arbitraire, et l'ouverture à des bannissements quelque jour funeste. Dans cette loi, trop indulgente, ou trop pévère, dans tous les cas, n n'y a de certain que le danger pour la liberté publique.
Art. 15, Le père (ou la mère, ou le plus proche parent à son défaut), dontl'enfant mendiera, sera prévenu; si l'enfant est repris une seconde fois, le père sera puni d'un avertissement public, à
la troisième fois, le père sera puni de 3 mois lui-même dans les maisons de correction avec son enfant, à moins que, dès la seconde récidive, l'enfant n'ait été renfermé lui-même, du consentement du père, pour mois, dans lesdites maisons de travail.
Art. 16. Il y a une quantité de règles à joindre à ces articles, soit à l'extérieur, soit aussi dans l'intérieur de ces maisons par exemple, un prisonnier doit être, à tour de rôle, inspecteur de la nourriture des prisonniers, etc. (1).
Ce qui concerne les prisons, le bannissement, les peines diffamantes, devraient encore trouver place ici. Cette matière, voisine de ce qui touche la mendicité, viendrait naturellement, car les forfaitures sont les derniers termes de la misère, et leur examen entrerait de droit dans ce travail. Je suspendrai toutefois cette discussion, où, désespérant du coupable, il faut l'abandonner aux supplices; je ne suis point encore à ce dernier point, et c'est mon but le plus cher de n'y point arriver. Car la barbarie des peines témoigne presque toujours l'insuffisance des lois. En châtiant les premières fautes, on s'épargne de sévir contre les forfaits. J'ai donc pensé que le législateur s'occupait davantage à prévoir qu'à ven-
ffer, que sa prudence et jamais sa colère dictait e châtiment. Le crime n'est pas encore commis. J'ai pensé, dis-je, qu'aux yeux du législateur, l'homme est encore innocent, et qu'il n'est jamais que malheureux.
Quoique la graduation des châtiments soit une question particulière, et trop étendue pour entrer dans ce mémoire, j'observerai néanmoins, parce que cela tient expressément à celle de la mendicité, qu'on doit châtier, jamais flétrir. Un misérable, flétri ne vaudra plus jamais rien dans la société, et tout homme réputé une fois infâme le sera toujours. Ainsi le scélérat est souvent l'ouvrage des premières peines infligées par la loi ; il a contracté, non pas l'habitude du crime, mais l'habitude du mépris. Howard rapporte que, dans l'Ecosse, il y a peu de prisonniers, et que c'est aux soins qu'on y prend d'instruire la jeunesse, ou en partie à la honte et à la flétrissure attachées à l'emprisonnement même, qu'on doit le petit nombre de prisonniers et d'exécutions. On n'y voit que 3 ou 4 exécutions par an ; à Amsterdam, les exécutions sont également très rares, les maisons de correction y sont aussi parfaitement ordonnées. Je ne connais pas le nombre d'exécutions nui ont lieu en France, mais il est quelquefois effrayant. A Montargis, il y a eu jusqu'à 200 exécutions dans une année, sans que les crimes en fussent plus rares. L'échelle des peines est donc une institution difficile, mais de la dernière importance; et j'appuie principalement sur ce point que de rendre par le châtiment un homme infâme, ce n'est pas le corriger, c'est le rendre pire. J'ajouterai dans un article à la suite de ce qui regarde les lois de correction.
Art. 17. Tout acte qui doit remettre un homme
puni dans la société, regarde nécessairement le régime de correction. Toute punition, dans ce cas, sera donc un laps plus ou moins long de travail plus ou moins pénible, jamais une marque de flétrissure,, ni une lettre d'infamie.
Car autrement, Messieurs, comment pourriez-vous, avec justice, à un châtiment de correction qui doit être suffisant, par le principe même qu'il est terminé et que le coupable est censé avoir expié son délit, puisqu il rentre libre dans le sein de la société; comment, dis-je, pour-riez-vous joindre avec justice, la peine d'une flétrissure, qui, toujours présente, est une exécution perpétuelle, et tient le patient dans une crise toujours dangereuse, où il est naturellement porté à se venger du mépris dont chacun est autorisé à le frapper?
Le comité a bien saisi l'absurde inconséquence des bannissements, espèce de trahison envers l'étranger ou envers nos propres concitoyens, ainsi nous n'en parlerons pas.
Quant aux prisons, aux maisons de force, l'homme qui est détenu n'est pas encore jngé; il appartient jusque-là à cette surveillance d'humanité qui embrasse tous les malheureux. Le principe en est porté dans la déclaration des droits. Si déjà, par une sorte d'imperfection de l'ordre social, il est indispensablede s'a?surer de l'homme accusé ou soupçonné, toute rigueur au moins qui n'est pas nécessaire à cet acte de sûreié, est un crime envers lui. Aucune convention raisonnable, aucune loi ne peut donner le droit de blesser son existence dans un séjour infect et horrible, de lui faire souffrir avant le jugement, un long tourment qui, 6eul, suffirait pour punir la plupart des délits.
Pourquoi donc cet article de ia Déclaration des droits de l'homme n'a-t-il pas encore son effet, et n'est-il encore qu'en spéculation? Vous connaissez en quel état sont presque partout les prisons; vous savez que partout on les prendrait plutôt pour des lazarets de pestiférés que pour des maisons de sûreté, et que, certes, il périt bien plus de malheureux des maladies des prisons, que du glaive des lois. Je ne vous parle pas encore du joug brutal de tous ceux qu'on place à la garde des prisonniers, ni de l iniquité des retards de jugements qui, s'il était possible, devraient avoir lieu dès le lendemain de la détention; car jusque-là la détention est un surcroît de châtiment étranger au fait de la poursuite: ni de cette contagion de vices et de débauche, qui, hors des prisons, mériteraient d'être repris et châtiés. Mais il est certain que presque dans toute l'Europe les prisons recèlent les mêmes horreurs. Partout, leptincipe préservateur a donc été oublié ou violé (1).
Malheureusement l'homme arrêté est aussitôt dans une défaveur publique. Mais la loi ne doit
pas être sujette à cette erreur, et la même justice, qui conduit l'accusé dans les prisons, ne doit pas le quitter à la porte; elle doit veiller à sa conservation et à ses droits, comme elle a veillé aux droits de l'accusateur. Telle action mérite telle peine; mais la prison change de loi, et au lieu d'une sûreté à prendre, donne la mort à un homme.
C'est donc une partie essentielle de la loi, de prévenir cette extension donnée à la peine d'un délit.
Dès ce moment, considérez donc avec effroi que les prisons sont positivement un supplice (1); que ce supplice va très communément iusqu a donner la mort, et rendez à l'hospitalité le droit d'y pénétrer, de veiller sur elles, et jusqu'à ce que la loi ait prononcé, de traiter les prisons comme de véritables hôpitaux; reconnaissez, dis-je, qu'un malheureux, quel qu'il soit, a, dès qu'il entre dans les prisons, un des caractères sacrés de l'innocence, celui de ne pouvoir rien pour lui-même; ses bras, ses mouvements, ses prières, tout est nul ; il ne peut avoir soin de lui. Si vous les entassez plusieurs ensemble, si vous les placez dans un lieu humide et malsain, impuissants, tout est sourd àleur voix : ils périssent.
Laissant donc à la législation criminelle ce qui concerne la peine des forfaitures, je me borne à joindre cet objet de loi sur les prisons.
Art. 18. Les prisons recevront les mêmes soins et secours que les hôpitaux ; partout elles seront administrées, lisitées autant et aussi fréquemment, et avec la plus stricte obligation, par les mêmes citoyens surveillants des hôpitaux.
Nous aurions beaucoup d'autres articles à ajouter ; mais le projet de ce mémoire me borne à tracer par-quelle méthode on pourrait rassembler, dans le même sentiment, dans le même système de soulagement et de consolation, tout ce qui souffre.
Passons maintenant à Yéducation publique, qui demande de grands développements. Je me bornerai cependant à la considérer dans le sens général, qui se rapporte à l'objet que nous traitons ici.
Oh ! combien cette question est intéressante 1 Qu'il est attachant et doux pour le cœur du citoyen de donner des vertus aux enfants de la République, de mêler ses sentiments aux sentiments paternels, d'occuper sa piété et son patriotisme à préserver les hommes, non de la misère seulement, mais de l'abjection et du crime!
Messieurs, cette fonction sera sublime, si l'éducation consiste à donner des mœurs; elle serait chétive et fausse, et contraire môme à
l'esprit de son institution, si vous la réduisiez à «ne simple perfectibilité d'adresse et de talents. C'est non l'ouvrier adroit, mais l'ouvrier honnête homme, qu'il nous faut; c'est la carrière des vertus et non celle de la fortune que vous devez ouvrir, ce soot des citoyens, des pères, des amis, c'est l'homme enfin dans sa famille, et non l'étudiant dans sa rivalité, que vous devez instruire et guider.
Je me garderai donc bien de considérer l'édu-» cation punlique autrement que dans sa moralité, dans l'impression des sentiments qui conviennent à l'ordre, la décence, l'activité, la bienfaisance. Il est certain que la vue et le maintien des devoirs, chez tous les citoyens, sont une vertu publique, plus imposante que la conscience de chacun en son particulier, et qui le soutient plus également dans le cours de sa vie. Voilà la véritable institution publique que nous devons avoir en vue; et un de ces caractères particuliers, c'est d'être très généralisée.
Parmi tous les principes que la société peut mettre en œuvre sur cela, un des plus importants est l'assujettissement, la règle de l'apprentissage d'un métier. Sur cela, je vois s'élever de toutes parts des hommes qui ne m'entendent pas. Sans commenter ni vouloir expliquer la raison des décrets déjà portés, en partie, sur cet objet, et qui ont dû rendre la liberté et les droits de maîtrise è tous les ouvriers, j'examinerai en quoi les apprentissages réglés peuvent paraître indispensables, comme un des premiers éléments de l'éducation publique.
L'apprentissage est le temps nécessaire, non pas seulement pour apprendre, mais pour s'habituer, pour se vaincre au travail ; il s'agit moins de savoir un métier que d'en acquérir lé courage et la persévérance, de s'adapter le ressort de la nécessité, de s'armer pour sa vie entière. D'une seule et même occupation, se forme, dans cet apprentissage, l'homme habile et l'homme moral, l'adresse et la sûreté de l'ouvrier. L'intelligence, la force, l'exactitude se rassemblent et ne produisent qu'un homme; et soyez assurés que ce n'est pas seulement pour préparer un lit et quelques meubles à des indolents, que la Providence a institué toutes les professions des sociétés humaines.
Je sais, encore un coup, combien on est prévenu contre cette proposition, parce qu'on en juge par les choses passées, qui ne ressemblent pas du tout à ce que ie propose. Vous aviez des jurandes et point d apprentissage; un enfant pouvait acheter une maîtrise sans rien savoir, et l'ouvrier le plus parfait, après l'exercice le plus long, ne pouvait encore pas travailler pour son compte. Ce n'était point là du tout un apprentissage, c'était une servitude. Je propose tout le contraire : c'est-à-dire que rien ne pourrait exempter l'ouvrier riche de l'obligation d'apprentissage, ni frustrer l'ouvrier pauvre de la liberté des entreprises. Ce n'est plus une loi d'exclusion ; je ne parle que d'une règle commune, un laps de temps de trois ans, par exemple, occupés exactement n travail, soit d'apprentissage. soit en journées ou à la pièce chez un ouvrier fait (1); au bout duquel temps il le serait
lui-même de droit. Tout homme pourrait ensuite exercer telle profession qu'il voudrait choisir. Et quand il faudrait même ajouter la clause, s'il voulait en changer, d'un apprentissage de sa nouvelle profession, alors il serait le plus court possible, deux à trois mois; et en beaucoup de métiers encore, ce second apprentissage serait inutile, parce qu'ici ce n'est plus que ('ouvrier à instruire, et que l'homme moral est formé.
Un auteur dont l'autorité est d'un grand poids en ces matières, M, Smith, ne rencontre rien dans l'antiquité (1), dit-il, qui donne la moindre idée de ces lois d'apprentissage ; mais comment a-t-il donc vu ce que Plutarque dit des institutions de Numa (2), qui partagea les Romains en diverses communautés de métiers, avec leurs privilèges particuliers, ce qui ne peut être autre chose que des lois et une discipline ; et qui remarque que cette institution avait été une des plus heureuses de la république? Et s'il est bon de scruter l'antiquité, Lycurgue,qui n'institua aucun métierque celui des armes, à quoi fait-il passer les premières années du jeune homme? À un véritable apprentissage, dans le sens que je le propose ici : « Toute « leur étude était d'apprendre i obéir, à endurer ! le travail (3), » et ce rudiment était prolongé jusqu'à vingt ans.
Oui, Messieurs, je pensa que l'éducation publique a besoin de cette première assiduité, de cette discipline,de ce commencement obligé d'une vie laborieuse, comme d'un tuteur sur lequel s'appuie et se forme l'homme encore sans force et sang expérience. Ces dépendances mutuelles deviennent des intérêts communs; tous ces rapports, dans lesquels chacun doit successivement passer, en remplissant le cours entier delà vie, ne peuvent être avantageux à une époque sans le devenir à toutes, puisque tous les âges nous appartiendront tour à tour, et que, retrouvant chaque jour le prix de quelque sacrifice antérieur, on ne serait jamais tenté de s'en affranchir. C'est le calcul de l'économie qui réserve et féconde une partie du présent pour l'avenir.
Il est d'autres puissantes raisons à vous déve* lopper sur les avantages de cette première institution pour les classes laborieuses; je les marquerai un peu plus loin, parce que cela tient à d'autres principes non moins essentiels
Souffrez, avant d'y passer, encore une observation particulière sur un objet aussi intéressant. On n'a pas, en générai, assez d'égard à la progression des différents âges, dans ce que nous devons considérer comme éducation publique, La morale se perfectionne sans cessé eh avançant dans la vie, et porte à chacun de ses intervalles de nouvelles obligations. Rien de moins achevé naturellement qu'un jeune homme qui s'élance pour aller de ses seules forces; il lui faut recueillir d'année en année des instructions et des épreuves qu'il ignorait encore ; et toujours l'ex-pèrience des âges passés donne à l'âge qui suit l'homme quiconvient; quelque instruit qu'il soit, c'est à trente ans, à quarante, qu'il apprend ce qu'il fera de quarante ans à cinquante ; il apprend encore, durant ces dernières apnées, ce qu'il doit
être dans la suite. C'est ainsi que l'homme peut développer tout 6on caractère, c'est ainsi que oette expérience conservée, ce progrès d'instruction produira successivement, dans le citoyen, l'être in-telligent, l'être utile, l'homme sublime, c'est-à-dire l'homme tel qu'il doit être naturellement. L'édu» cation publique ne s'arrête donc pas à l'enfance; elle dirige même dans le temps que chacun se croit hors de toutes leçons ; elle a un ascendant continuel, un génie, des lois qui se succèdent, et nous gouvernent à toutes les stations de la vie : c'est ainsi, dis-je, que les mœurs, obligées également à tous les âges, et nous prescrivant des dépendances réciproques, des égards, une décence propre à chacun d'eux, font les parties d'un tout, et forment cette véritable et entière éducation publique, dont la jeunesse est, à la vérité, la partie la plus délicate, et qui doit être ia plus soumise à un guide expressément destiné à cela.
Le législateur doit donc veiller très particulièrement sur ces premières années. L'homme grandit comme' tous les êtres, sous les soins de son
F ère et de sa mère;la société doit également élever homme qui doit être aussi pour elle. C'est un travail en commun d? développer las forces et l'intelligence propres à son espèce, et dans le cas particulier ici d'un temps donné d'apprentissage, de fixer et de prolonger, par des institutions sociales, les institutions de la nature. Une telle question me parait digne d'être appro> fondie, et principalement, car nous n'avons pas oublié nutre premier objet, sur ce qu'il s'agit d'extirper la mendicité.
Arrivons aux conséquences. Toutes les pro-. priétés sont distribuées ;que fera l'homme qui n'a rien? Le travail seul lui donne accès légitime au partage : chaque homme, en ce cas, doit donc avoir une profe ssion. Or, rien ne conduit plus sûrement à ce but qu'un apprentissage déterminé; Une fois l'exercice d'un métier contracté, il est rare qu'on devienne un vagabond. H n'y a à craindre que de oeiui qui n'a fait que l'essayer et qui n'en possède pas l'habitude ; la nécessité commence par le rendre misérable et dépendant, puis vil et dangereux, car l'avilissement ne peut être qu'un état perpétuel et contracté de déses* poir.
Pourquoi les travaux publies ne servent-ils presque à rien, et sonMls pernicieux la plupart du temps? Nous l'avons dit, parce qu'ils ne forment pas une profession. Or, c'est insulter les ouvriers que de dire qu'on leur a ouvert des travaux de charité, et c'est justement parce qu'ils ne sont pas des ouvriers, que les bandits qu'on y occupe ne peuvent être congédiés sans exciter des troubles,
Bien au contraire de cela, la sécurité publique n'a pas de meilleur ga-ant que cette intelligence d'un métier, cette activité générale où chacun est oocupé. Tout ouvrier qui gagne 40 sols par jour, • et un soldat enrôlé à 40 sols par jour pour le maintien de la tranquillité publique.
Oe plus, l'ouvrier est, de tous les hommes, celui qui parait le plus à découvert. Dana un métier, l'homme se trouve naturellement et toujours surveillé : ses rapports d'activité sont autant d'examens etde dénonciations perpétuelles et morales, qui empêcheraient un caractère corrompu ou pervers de se cacher nulle part, et de rester inconnu. Dans ce mouvement continuel, qui met à tous les 'moments les hommes en relation les uns avec les autres, il g'établit à chaque nœud tout plein de sentiments de bienfaisance etde probité, lois vivantes et précises, bien autres en
cela que les lois civiles et pénales, négatives uniquement, et destinées à fixer des conventions ou a réprimer des forfaitures accidentelles. Ce n'est que de ces lois premières et positives que vous obtiendrez une consistance forte, une prospérité universelle, unique but de toute législation ; ce sont elles, enfin, qui constituent, son pas le gouvernement, mais la société-
Ne craignez pas, Messieurs, de donner à cette analyse trop de développement^ si vous voulez parvenir à une véritable perfection : ces premières loia doivent être douces, leur observation sévère î sans quoi il faut de? lois atroces, et une observation relâchée.
Chez les plus anciens peuples, celui qui n'avait pas de profession était digne de mort (1), parce que nécessairement il vivait aux dépens a'au-trui, le trompait ou ]e volait, qu'il était forcément criminel ; le principe de la loi est profondément juste. Faisons passer cette sévérité dans nos institutions, mais suivant noire génie, nos mœurs, et les progrès que nous avons faits dans les connaissances sociales ainsi que dans toutes les autres.
Certes, on usait d'une rigueur aussi cruelle envers les misérables, on les faisait également périr. Les incarcérer, les accabler de mauvais traitements, les marquer d'un fer rouge, les con^ damner aux galères, les envoyer au gibet : voilà ce qu'on a fait. En trois années, sous ie dernier régime, sur 48,000 mendiants arrêtés, il en périt 31,000, dans les mômes 3 années, de faim, de misère, et de la peste des prisons (2). Mais ce n'est plus la même chose, ce ne sont pas ici des hommes sans profession, mais des ouvriers sans ouvrage dont on se défaisait.
Quoi qu'il en soit, tel est le principe; tout homme doit travailler, à moins qu'ayant un bien acquis, il ne puisse vivre et ne rien faire, comme un infirme ; s'il ne travaille pas, il tombe dans le cas forcé de la mendicité, et o'est ici la place de bien prononcer que la mendicité n'est presque jamais qu'un essai de vol, une école de brigandage. Ne fût-il pas criminel encore, tout mendiant se couvre volontairement d'une abjection infâme, et l'homme vil outrage l'humanité entière ; tout mendiant est esclave, et laisser un esclave parmi nous, c'est y laisser le germe de la tyrannie. Chez un peuple libre, rexerclce d'une profession devient donc plus obligée encore.
Or, si nous voulons être conséquents, que ré-sulte-t-il du principe qui obligerait chacun à avoir une profession, et de celui qui mettrait en pratique lus règles d'un temps déterminé d'apprentissage? Ceci, très rigoureusement : que tout mendiaqt sans profession retombe sous la tutelle de l'autorité publique, et se trouve, ainsi que l'a été tout citoyen dans son temps d'apprentissage, soumis également à un temps déterminé de correction ; c'est-à-dire légalement remis dans l'acheminement d'un métier qu'il choisit lui-même : ce temps était obligé déjà par l'institution commune à tous métiers; et la force publi-
que n'use donc d'aucune rigueur illégitime, en y astreignant les hommes mendiants et sans aveu.
Nous poserons ainsi à la suite des autres articles les suivants : Art. 19. Tout homme doit avoir une profession. Art. 20. Un temps déterminé d'apprentissage est nécessaire en toutes professions, pour répondre des mœurs et de la persévérance d'un chacun, et pour le confirmer dans son indépendance réelle, celle de ne tenir sa vie que de son travail.
Art. 21. Tout homme qui ne peut trouver à vivre doit réclamer, car l'ordre public pêche quelque part; mais tout mendiant valide doit tomber sous la tutelle publique, qui le soumette au travail et à la règle ordonnée des maisons de correction, durant un temps déterminé.
Art. 22. Les maisons de correction seront aussi des maisons de secours. Ces maisons doivent être moins lucratives pour les ouvriers, que le travail ordinaire dans la société, afin de ne les y point attirer, et d'avoir ce moyen d'être averti de la calamité d'une inoccupation accidentelle; car voilà le principe sur lequel est fondée la loi qui, dans ces maisons, n'attribue à l'ouvrier qu'une partie de son gain.
Art. 23. Il doit y avoir dans ces maisons de correction des cas qui ordonnent un renfermement strict dans l'intérieur de la maison, d'autres qui permettent la liberté au dehors (1).
C'est ainsi, Messieurs, que la sévérité ne doit être que la suite et un moyen de la bienfaisance elle-même. C'est ainsi que vous séparerez, dans tous les points, le crime d'avec le malheur, la mendicité d'avec la misère; que si vous êtes tenus à soulager l'indigence de l'homme, vous avez droit à vous opposer à sa dégradation. C'est ainsi que l'homme, averti et levant sa tête, respirera l'air pur de l'égalité et recouvrera ses forces et son intelligence. Autrement, croiriez-vous avoir satisfait a la sagesse du législateur par des règlements et des exécutions de police? Non, Messieurs ; et quand vous verrez l'homme public dédaigner cette analyse et ces grands détails; quand, dis-je, s'imaginant pouvoir extirper tous les inconvénients de la mendicité, par une peine effrayante, un seul fait de rigueur, il
croira témoigner, par là, une conception plus simple et plus hardie, n'attribuez, au contraire, une méthode si expéditive qu'au sentiment étroit d'une fausse énergie, qui s'arrête à ce qui lui est le plus facile à concevoir, son repos, et une cruauté qui abrège ses devoirs ; dans cette rigueur, l'homme montre ce qu'il est, et non pas ce qu'il faut.
L'objet essentiel de ce mémoire semble devoir m'arrêter au premier article de l'éducation publique, l'obligation du travail, et m'interdire d'y joindre aucun système particulier d'instruction, pour le développement des facultés intellectuelles; car je pense que tout système dépendra d'abord de l'état où se trouvent les hommes, et que tous les documents n'y feraient rien, si les hommes ne sont pas en étal de les mettre en étude et en pratique. Le premier pas à faire vers la moralité, c'est de leur assurer cette première indépendance, cette liberté substantielle, une profession qui suffise à leur existence. Sans cela, nous n'avancerons pas. Malheureusement, qui n'a rien semble n'être rien; et voilà, si vous l'avez bien observé, comment la pauvreté n'est jamais assez forte pour se défendre. Il semble que partout la nudité annonce la perte delà vertu. Pressé entre Je besoin et l'oppresseur, le pauvre tombe sous le joug tout pesant de la nécessité, les sacrifices les plus honteux sont une partie des pénibles corvées qu'on lui impose; l'esclavage, le viol le plus outrageant, ont été érigés en lois.
Le garant le plus sûr de l'éducation publique se trouve donc dans la propriété qu'un travail assuré rend accessible à tous les hommes.
J'ajouterai particulièrement que tout ce qui peut rétablir la pudeur de l'homme fait partie de l'éducation publique : or, la pudeur tient à la dignité. Aussi aurais-je fait dépendre la dignité de citoyen plus directement de l'occupation réelle, que de la contribution, et je n'aurais consulté la contribution, que lorsqu'elle servirait à suppléer à la profession d'un métier (1). Je sais que la suite des décrets a conduit au même résultat à peu près; mais je voudrais que les lois tinssent de plus près aux principes, et qu'elles ne sortissent pas accidentellement de circonstances étrangères.
J'ajouterai, de plus, que ce premier soin que vous prendrez des classes laborieuses, se lie, par ses conséquences, aux soins que vous devez à l'éducation de tous les hommes en général, et, en particulier, à celles des classes opulentes. En honorant, non pas spéculativement, mais de fait, le travail et l'utilité, vous acquerrez un grand empire sur ces dernières. Ceci tient de trop près à l'objet que nous traitons, pour être négligé ici ; car enfin, ces classes fastueuses n'ont-elles pas aussi leur populace, leurs vagabonds? N'en sort-il pas un aussi grand nombre de crimes contre les individus, contre la paix et tous les intérêts de la société? Leur impudeur, leurs outrages, leurs vols sont-ils moins multipliés, moins punissables ? et ne devez-vous pas comprendre, dans le vagabondage qu'il s'agit de châtier et de ré-
primer, tous ces hommes vils, qui ne sont pas comptés dans la mendicité, mais qui, par toutes sortes d'infamies, en aigrissent, en accroissent les vices et la fureur (car la dépravation est plus malfaisante que la nécessité) ; tous ces hommes d'autant plus dangereux que, renfermant autant d'astuce que de scélératesse, et se faisant un état de leurs crimes, ils acquièrent la science d'éviter les dénonciations et la poursuite des lois? La fortune établit son code moral à part, elle paye la tolérance, elle séduit les opinions, elle cimente sa ligue en toute occasion, au milieu de ses débauches : opposez-lui la chasteté et la décence du peuple; chez un peuple libre, tel est l'emblème et l'expression de sa souveraineté, tel est l'empire qu'il exerce sur tous les hommes : l'exemple de sa vertu est une loi, et des mœurs pures sont la part que chaque citoyen a dans l'autorité qui gouverne.
En honorant donc l'utilité, en donnant ainsi une grande prééminence aux qualités morales, et réduisant autant que vous pourrez la fortune à ses seuls avantages de jouir avec plus de variété, vous aurez encore gagné cela, qu'ayant rendu les hommes plus sensibles à l'estime qu'aux applaudissements, qu'ayant plutôt réglé leur esprit qu'exalté leur imagination, ils n'éprouveront plus cette inquiétude qui les sort sans cesse de place; que, mus par une saine ambition, ils n'auront pas besoin de quitter la profession de leurs pères pour arriver à un succès. Or, ce n'est pas un des moindres vices d'éducation que les hommes soient honteux de l'état d'où ils partent, que les plus intelligents, ayant plus de moyens pour s'en éloigner, inondent la société d'ambitieux qui, ne réunissant qu'en petit nombre, lui donnent sans cesse un air de ruine et de désordre; tandis que s'ils étaient restés dans leurs premières professions, ils en auraient accru l'intelligence et la dignité.
Il est un autre élément de l'éducation publique, trop important, attaché trop intimement à la liberté et à la sûreté des peuples, pour être passé sous silence. Ce sont les lumières qui ont donné la liberté, ce sont elles qui la conserveront: prenons garde que l'ingratitude les éteigne jamais parmi nous; prenons garde que tout homme qui ne fait pas usage de la faculté de penser se range machinalement au nombre des brutes, et se courbe comme elles sous le joug de l'homme qui pense. La conscience de l'homme se fortifie donc par des préceptes sévères et hardis : ce qui le rendra juste le rendra indépendant. Il faut armer sa raison des vérités éternelles qui le défendent contre les tyrans et les imposteurs, comme vous avez armé ses bras d'un métier contre la nécessité. Cette instruction, commune à tous les citoyens, devient donc obligée, elle doit veiller et prévenir cet assoupissement, cette ignorance de tous les droits humains et sociaux. Une instruction aussi essentielle, Messieurs, avait sans doute une place marquée par la Providence même dans la longue jeunesse du plus pauvre comme du plus riche : et, peut-être, la reiigion, dans tous les pays, n'a fait qu'usurper cette première occupation destinée de l'homme, et s'emparer de lui pour en faire un prosélyte, quand le génie de la société ordonnait d'en faire un citoyen.
Jetons les yeux maintenant sur une des situations les plus affligeantes, sur un des écarts les plus inconcevables au sein des sociétés, l'exposition des enfants.
Et déjà rendons hommage au plus bel éta-
blissement de l'humanité : aucun de plus précisément bienfaisant que celui de la Charité maternelle : pourquoi? Parce que la vertu ne confie pas à un corps froid, à une administration cupide, la distribution attentive d'une charité qui ne peut se transmettre; que le secours est immédiat, que s'associant aux malheureux, par un colportage de sentiment et de destinée, les femmes, en venant à leur aide, éprouvent au fond de leur âme les mêmes agitations qui doivent tourmenter une misérable femme forcée à abandonner son enfant.
Qu'arrive-t-il? Une malheureuse a son mari, pauvre et manœuvre; elle lui porte sa nourriture, et travaille aussi de son côté, autant qu'elle peut en trouver l'occasion. Quelquefois l'occupation leur a manqué à tous les deux; et le pauvre n'est jamais sans quelque dette qui le persécute. La malheureuse nourrit-elle son enfant, ia nécessité redouble et la presse de toutes parts : souvent elle en a déjà eu plusieurs de morts de leur misère commune. Quel intérêt peut l'engager à nourrir un être qu'elle ne conservera pas, et pour qui elle ne prévoit que malheur, et presque une mort certaine? Son mari lui donne les raisons et le courage de le porter à la maison commune : dans cet état, la charité maternelle vole à son secours, lui paye les mois de nourrice qu'on payerait à une autre qu'à sa mère: et ce n'est pas ici l'espoir d'un gain, d'un bénéfice, ce n'est pas cela que la malheureuse reçoit de la bienfaisance, mais la possibilité inappréciable de conserver son enfant qu'elle recouvre et qu'elle eût payé de son sang.
45 livres par an, durant 8 ans, suffisent pour qu'une mère nourrisse elle-même et conserve son enfant ; au contraire, un enfant est-il abandonné, non seulement il a perdu sa famille et son existence morale, mais ii faut payer pour lui cette même somme pendant 15 à 16 ans, au bout desquels c'est encore un misérable sans famille (1). C'est bien là la plus parfaite écono-
mie comme le plus bel acte de bienfaisance. Aucune institution n'a mieux mérité, non pas des éloges, car je pleure la vertu quand je la vois célébrer comme une chose extraordinaire, mais l'imitation universelle, mais de devenir un exercice empressé et habituel, un rapport de plus entre les citoyens; et toute femme qui se livrera à ces dignes fonctions doit être honorée, et couverte de gloire, comme une mère féconde qui a nourri tous ses enfants.
Les secours à domicile ont, à cet égard, l'application la plus heureuse. Cette première assistance s'étend sur le cours entier de la vie, et porte à tous les âges les mêmes principes.
Deux causes bien différentes ont rendu coupables de l'exposition des enfants une affreuse indigence et le relâchement des mœurs.
Pour contraindre des mères à renoncer au plus cher, au plus poignant des liens de la nature, il fallait une détresse épouvantable et comme cet état de misère frappa ia multitude, l'exposition des enfants par les misérables fut donc tolérée. Mais la dépravation profita de cette tolérance, et l'excès de la corruption put paraître également un excès de misère. Si vous voulez donc interdire une coutume aussi barbare, faites d'abord que l'indigence ne soit plus réduite à cette extrémité, et il vous sera facile alors de mettre dans tout son jour l'infamie et l'atrocité d'un tel abandon, et alors les mères ne le commettront plus. Les malheureuses qui y sont forcées le pleurent avec des larmes de sang ; en cet état, elles sont bien près du désespoir, mais bien loin de la scélératesse.
La séparation d'un prétexte à l'abandon des enfants, et de bonnes lois sur cet objet, doivent en rendre les exemples infiniment rares, et les mœurs publiques auraient beaucoup à y gagner. Les gens riches profitent bien vite des vices de la pauvreté, et les empirent encore.
Mais, quelque succès que vous deviez attendre de l'application des secours à domicile, et de tous ceux qui auraient antérieurement allégé la misère, ne comptez pas réprimer complètement cet effroyable exemple : il y en aura sans doute
encore. Or ici, s'il faut de la sévérité, ce n'est pas sur l'enfant que l'on doit punir la mère. Un enfant abandonné, et sans parents, est dans la nature l'objet le plus touchant et le plus digne de pitié : il ne doit pas souffrir la peine due au crime dont il est déjà victime : il crie, vous devez courir à son secours. L'innocence, ie premier âge, ont des droits sur tous les hommes : et quand un enfant est exposé, toutes les familleB doivent frémir.
Comment donc, d'une part, accueillir l'enfant, et lui donner les secours les plus entiers, sans déterminer, par cet espoir, l'indigence à abandonner les siens? Gomment, dans tous les cas, punir les parents, sans sacrifier l'enfant?
Punissez le coupable chez lui-même, et par la nature du fait même: que les enfants soient sa force, sa richesse, sa consolation. Je ne répéterai point ce qu'on a écrit sur cela, ni ce qu'on a pu proposer sur l'état de célibataire, ni Gomment, puuissant leurs mœurs, à coup sûr préjudiciables, on leB priverait de représentation et de dignité, en leur disant, ainsi que d'anciens peuples : « Tu n'as pas mis, dans la République, « d'enfants qui me rendissent les mêmes égards « quand que serai vieux (1). » Il est certain au moins que celui qui a contracté Je s plus saints engagements de la nature a des rapports aussi plus multipliés avec la société. Tout homme qui a des enfants a donné des étages à la chose publique.
Ce respect, ces égards pour les pères, les mères, les chefs de familles, sont encore mieux observés dans les classes laborieuses.
Or, Messieurs, c'est dans cette existence, cette élévation paternelle, rendue de plus en plus sensible, que vous pourrez punir quiconque aurait la démence ou la barbarie d'y renoncer au moment où le devoir en est le plus sacré. Que jamais un père ni une mère qui aura abandonné son enfant ne puisse le réclamer. Sur cela je vais expliquer me3 idées.
Premièrement, j'ai toujours pensé qu'il ne fallait jamais donner aux enfants abandonnés d'éducation particulière, et ne point les rassembler en corps. Je n'ai pas besoin de vous rappeler les innombrables inconvénients qui résultent des fondations en ce genre, où il* soient alimentés, vêtus, gouvernés en toutes choses, introduits à métiers, etc. Un métier seul leur convient, celui de laboureur; c'est la profession des enfants que la patrie a sauvés de la mort, et à qui elle a servi
de mère. II faut qu'ils soient tous appliqués au premier, au plus libre, au plus honorable de tous les étais, et le seul qu'elle pouvait choisir pour eux ; l'agriculture.
L'expérience prouve que les enfants donnés à des nourrices, et traités par ces paysans comme leurs propres enfants, tournent àoien, etdevien-nent de bons habitants des campagnes; tant il est vrai que l'issue laplus convenable, à tous égards, c'est de les placer dans l'état le moins dépravé et le plus fortifiant; d'éviter même, par principes, de leur ouvrir des états de fortune, et ae donner à la misère un appât et un motif même raisonnable pour commettre ce crime d'abandon. D'ailleurs il est sage de séparer d'une manière forte les enfants de l'éducation que leur réserveraient un jour des parents livrés à la débauche; éducation qui, la pire de toutes, ne consiste souvent qu'à faire de leur corruption, l'espérance de leur fortune, il vaut mieux que ces enfants soient voués à l'agriculture et purifiés par elle. Attachés à seB travaux, aux défrichements, si l'on veut, mais suivant une méthode raisonnée, ces enfants ouvriraient une terre ingrate et qui ne produisait point encore; ils trouveraient là l'image de leur naissance; inconnus, sans parents, ils ouvriraient, dans une terre abandonnée, une veine de productions, ils en accroîtraient leur patrie, et s'acquitteraient ainsi de son adoption (1).
En second lieu, je ne vois qu'une manière de réparer l'abandon des enfants : ce n'est pas un métier, c'est une mère qu'il leur faut d'abord ; s'ils ne la retrouvent, vous ne leur avez rien rendu. Si Vous ne les faites rentrer dans l'espèce morale; si vous ne faites naître dans leur âme ces sentiments créateurs de l'homme, la tendresse et la reconnaissance, déjà trop humiliés de l'abandon, de l'ignorance^ du crime de leurs parents, par des parents d'adoption ; vous n'avez pas fait ce que devait le père commun qui leur reste: le législateur.
Au milieu de ces milliers de fautes et d'abus insensés ou atroces de nos établissements hospitaliers, c'est une observation remarquable, que le seul intervalle où l'on fasse usage de ces principes est le seul où l'on sauve complètement cette malheureuse partie de l'humanité, et que les enfants adoptés et élevés dans les champs réussissent, s'attachent, deviennent les enfants du pays. Vous savez même que des paysans demandent volontiers qu'on leur en confie et se
chargent de les élever gratuitement- Ainsi ce sera un tribut de plus que la campagne payera encore à la société ; c'est elle qui donnera des mères aux enfants abandonnés et trahis. Et vous, vous reporterez cette source de population à Ba primitive origine; obligés de remplacer la nature, vous les rappellerez à l'état le plus simple et le plus rempli de force; vous les y replacerez, tandis que l'effervescence des rivalités et des vices eû font sortir un si grand nombre d'individus.
Votre domité vous a bien rappelé, ên touchant cette matière, l'ancienne coutume des adoptions, et sur cela il vous a proposé une loi; mais je crains qu'il tte l'ait pas considérée comme il convient, et qu'il ne se soit encore trop occupé des classes riches.
Pour moi, je ne parle que dè l'homme, c'est-à-dire de la multitude.
Je ne considère l'adoption ên rièù, autant qu'en ce qui concerne les enfants abandonnés : car à ceux-ci, c'est pour leur donner dès pâ^-rents, à ceux qui ont de3 parents, c'est pour leur donner des richesses : ce dernier motif est d'un bien faible intérêt après le premier.
Le projet d'une loi d'adoption aura donc pour motif de donner aux enfants abandonnés une mère dans la campagne. Cette adoption doit être infiniment sacrée, et la loi doit faire autant que la Providence.
Ne croyez pas, cependant, que cè sôit le législateur qui ait créé l'adoption ; elle existe dans la nature avant toutes nos Conventions. Voua ne pouvez et ne deVefc que des lois d'ordre, relatives et liées à celles qui règlent les familles, et voUs ne pouvez les composer, ni les refuser arbitrairement.
Votre loi sur l'adoption propose deux articles très dangereux. L'un fixe à un certain âge un droit à l'enfant de souscrire ou de rompre l'adoption, et présente cette époque comme une fête de 1a reconnaissance, ou comme l'exercice de la liberté. Rien de plus faux : je me hâte de le dire. Et peut-on rompre à son gré les liens de la reconnaissance? Quoi! un incident, un faible mécontentement, l'effervescence de la jeunesse, suffira donc pour acquitter, dans un seul jour, la dette de la vie, et les soins paternels qu'elle a reçus 1 Un moment d'humeur et de dépit peut jeter un enfant dans une profonde erreur, et la loi en fera naître l'idée 1 Quand il ne le ferait pas, il en conçoit le droit. Une famille adoptive serait dans une dépendance singulière, et son ouvrage, libre de lui échapper d'un moment à l'autre, et d'effacer à son gré tous les titres à son affection, son ouvrage, dis-je, ne lui serait plus si cher! Ce n'est donc pas à l'âge de 18 ans, mais bien auparavant, que vous auriez rompu les nœuds les plus sacréss
Non que je propose une loi d'esclâVagê pour l'enfant. La loi lui conserve lé magistrat pour tuteur* Il peut, en certains cas, être émancipé, et jouir de toute la liberté que la loi maintient avec sagesse dans toutes les familles ; mais le respect, les devoirs, l'obéissance filiale ne peuvent s'anéantir pur aucune sentence, et le caprice, ni de l'un ni de l'autre, ne peuvent rompre des obligations contractées par 18 années de veilles et de soins. Assimilez donc, en tout, l'adoption aux liens de la nature, conservez-lui-en le caractère inviolable et l'incorruptibilité. Eh! qu'est*ce donc que le sentiment et les droits paternels? Rien de plus que ces soins tendres, volontaires,
Continuels, cette patience et cette protection à toute heure, durant le quart de la vie.
Mais, dites-vous, l'enfant peut retrouver ses premiers parents : et quelle femme viendra réclamer un enfant à celle qui l'a nourri et préservé jusque-là? Celle-ci est véritablement sa mère, depuis qu'il est au monde : tous les droits qu'elle a acquis manquent à celle qui l'a mis au jour. L'une et l'autre ont rempli les fonctions de la nature, et la secoode des deux a le plus de vertu.
Or, un autre article, dans le projet du comité, roule sur ia réclamation des enfants. Et je pense qu'un père, qu'une mère ne peuvent se ressaisir, de droit et dans toute son étendue, de leur puissance originelle sur un enfant qu'ils ont abandonné, et rompre l'adoption qui a été si nécessaire. à sa conservation. Je voudrais donc que la mère adoptive fût toujours censée la première mère, son premier parent ; que rien ne pût lui arracher ce titre ; seulement, pour le bien de l'enfant, que le père qui reviendrait à lui pût le faire jouir des avantages que sa fortune lui permet, la transmission de son bien et de son nom.
Quand votre loi sur l'adoption se sera étendue sur la grande partie des peuples, quand elle aura réparé les fautes de l'homme corrompu, et les malheurs de l'homme misérable, soyez tranquilles sur les autres applications de cette loi, dans le reste de la société, dans cette partie opulente et heureuse, chez qui l'adoption se réduit à n'être guère qu'une affaire de testament et une spéculation d'héritage.
Voici donc quelques articles principaux propres à la rédaction d'une loi sur les enfants abandonnés, et que je place à la suite des autres proposés dans ce mémoire :
Art. 22. Les femmes en couches sont dans un état d'infirmité, et les secours hospitaliers leur doivent être administrés. Il s'agit de soulager la femme, d'obvier à la mendicité, et de conserver l'enfant, trois objets des secours publics.
Art. 25. Il sera décidé, par trois administrateurs de ces distributions, et autant de personnes de la classe ouvrière, si le secours doit être accordé.
Art. 26. Tout enfant abandonné ne sera appliqué qu'aux travaux de la campagne, et on lui donnera une mère d'adoption.
Art. 27. Il faudra à une femme une attestation -de probité et de mœurs irréprochables pour être jugée digne d'adopter un enfant. Une femme n'en pouira adopter plus de deux.
Art. 28. Rien ne pourra rompre l'adoption, et ce lien est à l'égal ae celui de la nature, quand elle aura commencé avec la vie de l'enfant, et qu'elle lui tiendra lieu des parents qui l'ont abandonné. Mais les départements seront tuteurs de tous les enfants ainsi adoptés.
Art. 29. Un père qui voudrait reprendre son enfant ne le pourra que du consentement libre de la mère adoptive, qui elle-même ne pourrait le rendre au père qui l'a abandonné, que comme elle le confierait aux soins d'un instituteur ; et elle ..conserverait toujours ses rapports de jmère adoptive.
Si vous prenez toutes ces précautions, Messieurs, si la fécondité n'est plus chez les indigents la cause éternelle d'une affliction excessive, vous aurez beaucoup fait pour délivrer les peuples des circonstances les plus cruelles qui les traînent de la misère à la mendicité, de la mendicité au crime.
Il reste à prendre, à l'égard de la misère ave-
nue, et des calamités accidentelles qui peuvent s'appesantir sur les peuples, certaines mesures particulières propres à ranimer l'activité. Nous avons déjà parlé un peu plus haut des maisons de correction et de secours, et des travaux de charité, sur lesquels il me reste à vous soumettre quelques observations.
Je le répète, les travaux de charité ne sont pas une profession; ça donc été de tout temps une grande erreur de croire que les travaux publics uissent jamais être une ressource proportionnée l'inoccupation générale ; une crise violente, une conséquence forcée, répand-elle une grande pauvreté, les travaux de charité occuperont bien, durant quelque temps, cette partie vagabonde, cette émanation malfaisante de la mendicité; mais ils ne réparent point la calamité générale, et le fléau d'une misère excessive n'en détruit pas moins la plus saine partie du peuple. Or, c'est ici particulièrement que, d'après nos principes, il ne faut pas traiter séparément la mendicité, mais la considérer comme le symptôme d'une misère profonde et générale, sans quoi vous n'userez jamais que de palliatifs.
Je dirai plus : on a été conséquent jusqu'ici, mais à des principes tout à fait disconvenables. Par exemple, il fallait entretenir le plus de pauvres possible, et pour y parvenir on a donné le moins possible de salaire, ce qui a d'abord produit cela, que le salaire étant trop modique, on ne pouvait exiger un travail assidu et profitable; qu'occupés lâchement et à des travaux sans objet, ces rassemblements de pauvres prenaient nécessairement l'air du désœuvrement et la tentation perpétuelle du désordre; que dans la distribution même, les gens chargés de les conduire profitent de cette inapplication pour partager avec eux le payement total d'un temps dont le quart n'a pas été donné.
Mais ce qu'il y a de plus funeste, le prix des travaux publics fait baisser le prix accoutumé des salaires de tous travaux, et vous affligez souvent ainsi, d'un préjudice considérable, toutes les classes laborieuses sur lesquelles s'étend un avilissement de main-d'œuvre par le prix com-paratijyet concurrent des travaux publics.
Pour le rendre sensible, prenons le grand hôpital de Lyon, le plus commode et le plus humain que la charité ait établi en France. Chaque pauvre a son lit; le cardinal de Tensin, qui le fonda, cherchait à ouvrir un asile à toutes sortes de misérables et d'infirmes; il eut particulièrement la bienfaisance de les rendre utiles, de leur conserver une consolante activité, seul antidote contre le désespoir, et la privation des membres et des facultés. L'homme le plus impotent servait toujours un peu. Comme cet établissement richement doté avait pourvu aux besoins de ce grand nombre de malheureux, il ne parut pas nécessaire de discuter le prix des ouvrages fabriqués dans cet hôpital; par là on dépréciait le prix de la main-d'œuvre, et cette perte allait se porter sur les ouvriers du dehors, livrés aux mêmes travaux ; tandis qu'on soulageait une certaine quantité de malheureux, on en appauvrissait une multitude bien plus considérable et inaperçue. Cette laborieuse partie du peuple représenta le préjudice qu'elle en souffrait, ce qui engagea, mais trop tard, et sans même en avoir nieu entendu la raison, à employer les pauvres à d'autres travaux.
Considérez donc comme une de vos institutions les plus essentielles, que jamais le salaire dans les travaux publics et les maisons de
correction ne fasse baisser le prix ordinaire de toute espèce de main-d'œuvre : car, pour soulager plus aisément un certain nombre de pauvres, si, baissant d'un dixième le prix des travaux auxquels vous les employez, vous faites tomber également d'un dixième" le prix de main-d'œuvre accoutumée dans les travaux de la société, c'est positivement comme si vous imposiez sur la classe laborieuse une contribution d'un dixième de son salaire, vous dépensez 30,000 francs pour ceux-ci, et vous faites perdre un million à ceux-là.
Or, je rappellerai ici* Messieurs, la base de tout principe sur l'activité générale, ce vœu, cet argument éternel que je ne me lasserai jamais de vous présenter : il n'y aurait ni désœuvrement, ni misère, si les classes laborieuses étaient aussi consommatrices, et devenaient en même temps les artisans, et les objets de leur activité. Il faut, pour que tous les hommes travaillent, que tous jouissent.
En effet, tant que peu jouiront, il y aura nécessairement une foule de circonstances qui suspendront les travaux ; une simple modification de fantaisie, les changements de goût, l'économie elle-même qui est une mode, condamneront des villes entieres au désœuvrement; et il y aura toujours des crises de misère. Il faut donc multiplier et fixer la somme des besoins par les besoins de tous. Il faut donc que tous les hommes jouissent. Sans cela, il y aura, par le fait môme, misère et mendicité.
- Pour que les classes laborieuses deviennent consommatrices, il est un prix auquel doit monter leur main-d'œuvre ; et il importe de maintenir ce premier échange du salaire avec les productions. La cause violente de l'appauvrissement, des inégalités excessives, de toutes les misères publiques enfin, n'est que l'infraction inique de ces premières conditions dans le traité fondamental qui a déterminé le prix du salaire. Ce prix peut être fondé sur des bases exactes et naturelles, ce que je me suis appliqué à développer dans un ouvrage que j'espère pouvoir bientôt publier.
Ainsi donc, bien loin de coopérer à cet appauvrissement général, par l'avilissement au salaire dans les travaux publics, je me servirai au contraire de ces travaux publics pour instituer et fixer le prix du salaire dans sa véritable valeur, et, par là, la véritable activité, c'est ce que le peuple ne peut jamais rétablir lui-même ; car par une antériorité d'action quand la misère existe déjà, on lui impose plus aisément une condition forcée, un prix avili de son travail, ce qui la rend de plus en plus accablante, et met l'ouvrier dans l'impuissance d'y jamais remédier.
Les ateliers publics, comprenant les coupes et l'entretien des chemins, le transport des terre*, les chaussées, et beaucoup d'autres objets d'utilité publique, ne seraient ouverts qu'une partie de l'année, deux mois d'hiver à peu près, intervalle suffisant, parce que, ne faisant pas le métier unique et continuel de ceux qui s'y rassembleraient, ils deviendraient, dans ce court espace, la ressource de tous, et une balance, en quelque sorte, des prix comparatifs de la main-d'œuvre dans toutes les professions.
Mais si vous n'ouvrez les ateliers publics que pour servir de refuge au désœuvrement des peuples, vous rétrograderez le chemin que vous comptiez parcounr.Objectera-t-onqueles grandes villes regorgent d'une populace incommode? Il
faut la faire rentrer de toutes parts dans les travaux de la société, et non la recueillir et l'éterniser dans les ateliers publics.A la campagne, il y a bien'des temps morts pour les travaux, et ce ne sont pas des temps de mendicité; cela me donne l'espérance qu'on peut également porter une telle disposition d'activité, qu'une suspension accidentelle dans quelques villes n'y cause point de misère et de mendicité; c'est pour n'avoir pas conçu toutes ces grandes dépenses publiques dans leur vrai sens ; c'est pour les avoir considérées, moins dans leurs effets rarement heureux, que dans leurs motifs toujours bienfaisants, qu'on a vu en tous temps la mendicité croître en raison des hôpitaux, et l'inoccupation générale, en raison des travaux de charité.
Mais ces travaux publics vont devenir d'une bien autre utilité, Messieurs, et un objet de législation du plus grand intérêt, si vous voulez y joindre un point de prévoyance non moins essentiel à la force et a la richesse des peuples ; il s'agirait de maintenir le bon prix des grains, c'est-à-dire l'accroissement de l'agriculture et son abondance.
Je n'entrerai dans aucune discussion sur cette matière assez connue, et je passe au principe que j'avais à vous présenter. Le comité propose de prendre la plus haute paye du lieu pour base du salaire des ateliers publics; cette paye doit être mesurée sur un élément plus certain; et sur cela je vous propose les deux articles suivants, à la suite de tous les autres :
Art. 30. D'ouvrir des travaux publics depuis le 15 décembre jusqu'au 25 février.
Art. 31. D'y payer pour journée commune la valeur de trois fois trois livres de pain blanc, prenant le prix moyen du pain sur les trois années précédentes.
Ce mode dans les travaux publics, qui ne paraît pas avec toutes ses conséquences au premier coup d'œil, remplirait trois grands objets d'économie : de procurer une occupation générale et supplémentaire dans les mois les plus difficiles, de régler le prix réel de la main-d'œuvre, et enfin de ranimer i'agriculture : car le peuple, le plus simple manœuvre, aurait alors un intérêt direct et bien évideut à ce aue le prix du pain fût soutenu dans sa véritable valeur, le prix du pain étant le tarif constant de son salaire. Vous considérerez, sans doute, ainsi que moi, cette institution, comme infiniment précieuse, si vous voulez en suivre toutes les conséquences (1).
Quoique ce ne soit pas précisément la place de parler d'agriculture, cependant elle vient trop bien à l'appui d'une doctrine mieux entendue sur les travaux publics; tout ce qui sert à la prospérité générale et à son maintien sert bien directement à la répression de la mendicité, mieux encore, l'empêche d'arriver ; et quoiqu'on s'aperçoive moins de l'effet, en ce qui prévient, que dans ce qui répare, ces moyens de prévoyance sont bien plus efficaces et bien plus complets. Ainsi, Messieurs, dans tout mon tra-
vail sur la mendicité, j'ai vu que tous ces rapports de morale, d'économie» de politique, se communiquent, se fortifient mutuellement; que chacun d'eux n'a pas pour unique importance l'aspect sous lequel il se présente d'abord ; qu'ils ont des conséquences plus éloignées; et soyez csrtains que, s'il manque ici un principe, il en manquera dans vingt points différents, et qu'un système complet pour la prospérité publique tient à l'action constante de tous ces éléments.
Par rapport à cela, et pour démontrer l'union et la rencontre des principes exposés jusqu'ici, reportons-nous encore sur ce que nous avons dit du temps d'apprentissage, prouvé déjà si nécessaire dans l'éducation publique pour la moralité et la sûreté communes; et rappelons-nous que nous nous pommes réservé de démontrer que ce temps d'apprentissage n'est pas moins essentiel à l'intérêt général de l'ouvrier.
Non encore achevé, sans prévoyance, impatient, le jeune homme, qui ne sait encore ni travailler, ni comparer, ni discuter, qui n'a encore pu connaître ni acquérir de confiance, sera toujours porté à entreprendre au rabais, et dépréciera continuellement les prix qu'il trouvera établis. Or, le temps d'apprentissage ne fera encore autre chose en cela que de mettre l'ouvrier avec une instruction faite, des connaissances, une prévoyance et des occasions assurées de travail, au nombre de tous les ouvriers et à même de profiter de toute l'étendue de ce prix, et de la stabilité de cet état. A 15 ou 16 ans, il commence; soit 6 ans même le temps d'apprentissage, c'est-à-dire de pratique chez des maîtres ouvriers, avant qu'il puisse travailler directement pour son compte, à 21 ou 22 ans il peut s'éta^ blir; est-il trop tard? Et préférez-vous devoir de jeunes vagabonds sans demeure, sans principes, trompant partout, et avilissant le prix du travail en général? N est-il pas un temps et des règles pour devenir majeur dans sa famille, et disposer de son bien? Ne doit-il pas être également un temps et des règles pour que l'ouvrier devienne majeur dans sa dépendance respective avec l'ordre public, et lui remettre la disposition de sa propriété, de son patriotisme? Or, quelle est sa propriété ? Un métier, le prix et la stabilité de ses travaux.
Toutefois, à ce temps d'apprentissage, ne joignez pas un prix de maîtrise, ni l'assujettissement à un seul maître: car voilà, encore un coup, où seraient l'abus et la tyrannie.
Rassemblez toutes ces causes, et voyez que, s'il existe, comme à coup sûr cela doit ète, s'il existe, dis-je, un rapport tel, entre les prix du saiaiie et des déductions, qu'il soit la condition formelle de la meilleure distribution en toutes choses, tout ce qui rompt ce rapport est certainement funeste, et porte préjudice et misère quelque p&rt. Si donc vous négligiez aucune de ces diver.-es causes, et principalement ce qui regarde cette loi, qui, d'une seule expression, main' tiendrait dans toute sa valeur le prix des grains, et celui du salaire, premiers éléments de mutes richesses : voyez, Messieurs, comment de faux aperçus d'éGotiomie et de charité, provoquant leur avilissement i'uu par l'autre, ne serviraient qu'à préparer, à grands frais, l'existence d'une pauvreté sans rissources, et une disette toujours prochaine ; voyez, dis-je, comment une simple négligence de votre part sur ces combinaisons premières, nous livranten tous sens à l'erreur la plus active, jetterait le plan d'une mendicité inex-tirpable. Tout vous prouve enfin combien vous de-
vez prendre garde à ce qUe vos mesures concertées contre l'amisèrement des classes laborieuses ne tournent, au contraire, à l'aggraver ; que vous ne fassiez de grandes dépenses pour précipiter et ensevelir plus cruellement les malheureux dans une misère inaperçue, et plus pesante, par ces ressources mêmes qui en sont les témoins et non pas toujours le soulagement; et croyez qu'il est encore plus aieé de se tromper en cette matière, qu'on ne devait lé craindre dans les hôpitaux, dont les fonctions étaient si simples, et cependant dont l'inefficacité a si cruellement trompé le vœu de l'humanité.
Je n'ai pas craint de m'étendre sur cette analyse, et de faire tenir à cette amélioration dans les prix des travaux et du pain l'accrois-sement et la prospérité de nos manufaciu es, puisque l'ouvrier, après avoir travaillé avantageusement pour le consommateur, devient lui-même consommateur, et accroît ainsi la somme des travaux en général. Voilà le grand secret du commerce. Ne cherchons pas à découvrir de nouveaux éléments, mais à combiner ceux que nous avons là à notre disposition.
Aussi quand il a été question, il y a quelques mois, par rapport à la mendicité même, de l'émigration d'une foule d'opulents, et de l'inoccupation alarmante qui devait momentanément en êlre la suite, ce n'était pas ainsi que je m'arrêtais à la considérer : cê n'est pas du retour de ces fugitifs dont il me semblait qu'on dût se servir : ce ne sont point eux qui nous manquent, et loin de vous alarmer de leur perte, je la regardais comme une circonstance favorable, si nous savious en profiter, afin de pouvoir, sans erreur, ramener une activité soutenue et indépendante, et pour laquelle nous n'avons besoin que des hommes qui y sont actuellement, si nous savions, en les remettant en présence et en action mutuelle l'un pour l'autre, rallier par de:} combinaisons fortement conçues et bien développées cette multitude immense, qu'une année d'inoccupation a ruinée entièrement il est vrai, mais n'a dépouillée de sa veste d'esclavage que pour la revêtir de son habit de citoyen.
Je viens à parler du commerce; mais je parle toujours sur la mendicité. Dans ce plan, Messieurs, plus les consommateurs seront multipliés, plus alors il y aura de contact entre tous les hommes, et plus les pauvres se trouveront près de ceUx qui ont une trop grande disproportion de fortune. Un très grand état d'opulence, au contraire, est toujours formé d'une très grande somme de privations pour la multitude : et quand il s'élève au faîte des gens riches une nouvelle classe de magnificence, toujours il sô creuse en bas un nouveau degré de misère.
Que la question s'étendrait cependant, si j'en-treurenais de développer tous les rapports sous lesquels le commerce touche de près à celle de la mendicité ! Mais il faut que je me restreigne : des mémoires particuliers vous parviendront en assez grand nombre, qui traitent de l'importance et de l'accroissement du commerce dans toutes ses parties. Mais je crains que des vues grandes et justes, des moyens faciles et généraux, les conceptions les plus heureuses, proposées et tout aussitôt abandonnées, n'aillent s'éteindre dans la multitude des adresses, et c'est un désavantage d'autant plus funeste, qu'une fois présentées, il semble superflu d'en reparler, à l'avenir. Je crains, j'ose le dire, les inconvénients de l'ancien régime encore, l'oubli, la faveur et l'ignorance, une administration inexpé-
ditive et inabordable. Cependant les travaux de commerce sont toujours prêt8 à s'étendre; il lui fallait la liberté, il lui faut des lois encore, des combinaisons générales, des plans d'exécution, des secours même. L'Assemblée nationale a, dans toutes les occasions, ii est vrai, s gnalé sort impatience d'accélérer le retour de l'activité, et l'accroissement du commerce, elle en a saisi toutes les vérités ; mais, encore un coup, je crains que nous ne fassions une grande dépense de principes, et une trop faible de moyens d'exécution et d'applications particulières; qu'il n'y ait dans les efforts et les dispositions générales, à tous ces égards, de grands vides, et que faute d'un ensemble mieux approfondi, plus nourri d'action, nous ne nous arrêtions à des contemplations vaines. 11 en e3t du commerce et de l'agriculture, pour bien des gens, ainsi que de certains dogmes dont on parle très religieusement, mais sans y rien entendre et sans y croire.
Quoi qu'il en soit, je n'entrerai dans aucun développement sur cette immense partie. J'observerai seulement que, pour séparer la misère et soulager le peuple, une manufacture de plus vaut cent fois davantage qu'un hospice de plus.
Vous vous apercevez peut-être, Messieurs, que je traite de la mendicité sans presque parler d'elle ; mais aussi la considérai-je comme un résultat d'opérations où quelqu'un est lésé. Dans cette conciliation d'intérêts entre le riche et le pauvre, je crois que ce serait aller contre le vœu même qu'on se propose, que d'agir autrement, et d'humilier cette partie souffrante, en la secourant; Malheureusement, en soulageant, on veut toujours avoir l'air de donner, et de cette manière il arrive souvent que les expédients se trouvent aux dépens du misérable.
Parmi beaucoup d'exemples, je vais examiner celui de la diminution des jours dé fête, proposée comme un des plus grands moyens d'enrichissement pour les classes laborieuses, qui, dans ces jours rendus à leurs travaux, gagnant et ne dépensant pas, y trouveraient, dit-on, une double économie dont le produit, au bout de l'année, serait considérable. Dans cette spéculation, le 7* jour de repos paraît déjà de trop, puisqu'une assez grande quantité d'ouvriers l'occupent même au travail $ une loi générale, qui réduirait le nombre des fêtes au minimum possible, produirait dônC d'immenses richesses à la patrie, et une grande aisance aux ouvriers, et chaque jour rendu à leurs travaux semble ainsi autant de bienfaits du législateur.
Je trouve cette assertion absolument fausse; et tout en accordant que le nombre des fêtes doit être modérément multiplié, parce qu'en toutes choses, enfin, il y a une mesure convenable, il est également vrai qu'un certain nombre de fêtes, sagement distribuées, a bien ses avantages : 1® parce que ces jours de célébration, tant de la religion que de la joie, confondent les individus, les rapprochent plus également des jouissances, nécessitent davantage les marques et les vêtements de l'aisance, et servent à rendre expressément l'ouvrier consommateur; 2° il ne se trouverait pas, dans la stricte et trop grande suppression des fêtes, le gain qu'on s'imagine; peut-être s'ensuivraiMl au contraire pour lui une perte réelle ; car le prix du salaire est déterminé sur Une estimation moyenne qui fasse vivre l'artisan toute l'année, composée de tant de jours ouvriers et de tant de jours de fêtes ; la discussion du prix de son salaire eût été discutée en conséquence, et de sorte qu'il n'eût reçu, dans tout le cours de
l'année que la même somme, et eût dounê tous les jours de travail, d'autant plus que des fête3, n'ayant pas eu lieu, n'auraient pas nécessité une sorte de dépense que l'ouvrier regardant comme nécessaire a fait entrer dans les éléments sur lesquels est jugé le prix du salaire en général. 3° enfin, quant à la somme des richesses, jointes à la somme totale des productions du royaume, ii y a encore là une forte erreur d'analyse. Vous ne voyez donc pas de quelle manière les jouissances étant l'emploi, l'explication dés richesses, pl is vous ôtez du partage bien entendu des jours de relâche et de fêtes communes à tous les hommes, plus vous faites sentir la nécessité à celui qui travaille, plus vous lui imposez une misère sensible, plus, comme nous l'avons observé, la discussion de son sa» laire empiétera sur lui; et alors que devient cette masse prétendue de productions industrielles, quand la jouissance en est devenue plus rare pour lui? Tout ce qui arrivera de cette spécieuse économie, ce sera de faire monter plus de travail et d'occupation de l'ouvrier aux choses de recherches et de luxe des classes opulentes, pour qui tous les jours sont fêtes, c'est-à-dire de multiplier plus qu'il ne faut les choses de consommaiion non commune à tous.
Vous voyez donc, Messieurs, par ce simple exposé, que la suppression des fêtes, présentée comme un don à l'ouvrier, comme une belle conception d'économie en faveur du commerce, ne mène point à ce but, et qu'au contraire une sage distribution de fêtes doit paraître une des conditions et des moyens les plus naturels de fixer la consommation en partie dans les classes laborieuses, et de déterminer une distribution pins égale entre les hommes. La terre qui produit la moitié de nos richesses ne demande pas a être perpétuellement tourmentée ; il en est de même pour les métiers.
Si donc vous vouliez ajouter cet article, vous voyi z que la détermination du nombre des fêtes ne doit pas être si vaguement arrêtée. Le seul raisonnement sur cette matière se borne encore à dire que plus les pays demandent de travaux, moins on doit y établir de fêtes; et en conséquence les pays chauds auront toujours plus de fêtes que les pays froids, d'autant plus encore qu'un tempérament plus ardent et plus voluptueux y multiplie ses superstitions, et que l'ardu ur du plaisir institue des solennités qui souvent même y rendent religieux ce qui ne serait que scandale.
Effectivement, dans la plus grande partie de l'Asie, ia célébration de certaines fêtes y dure des semaines entières; il en est encore de plus longues, où le travail est interdit pendant une (1) vingtaine de jours.
Nous avons reçu des juifs la coutume du septième jour de repus ; nous avons adopté leurs fêtes solennelles, en diminuant cependant les jours de célébration; chez les juils, celle de Pâques durait 8 jours, celle des Azymes égale-
ment, et ainsi de beaucoup d'autres. Nos plus grandes fêtes ne se prolongent pas au delà de 3 jours.
Quoi qu'il en soit, je regarde un certain nombre de jours de fêtes comme essentiellement nécessaire, et je crois qu'il peut être déterminé, sur un principe exact, à un quart du nombre total des jours de l'année (1). Cependant je ne le proposerais pas si considérable, mais seulement de 52 dimanches et de 15 fêtes, ce qui ferait en total 67 jours de célébration (2) dans l'année, avec les deux lois suivantes :
Art. 32. Les fêtes seront placées de manière que jamais elles n'arrivent 2 jours de suite, et qu'il y aura entre 2 fêtes toujours au moins 2 jours ouvriers d'intervalle.
Art. 33. L'ouvrier pourra employer une partie du jour de fête à travailler à des choses usuelles pour lui-même, ses enfants ou son père ; mais en aucun cas, et par aucune interprétation, il ne pourra travailler à la solde d'un autre, ni à la journée, ni à la pièce, car il commencerait à blesser ainsi la combinaison des lois distributives, et l'intérêt général des peuples.
Encore un autre article. La maladie des établissements et des projets va jusqu'à proposer une caisse d'épargne aux pauvres qui peuvent y mettre 1, 2 sols, jusqu'à 10 sols par jour, etc. Mais outre que pour cela il faut une régie, des inspections, des placements, s'engager dans une multitude d'opérations minutieuses et disconvenables, je ne conçois pas cette passion de vouloir toujours se charger, pour l'homme, de tous les soins, qu'il doit prendre lui-même, de son intelligence, de ses combinaisons, de son économie; vous voulez toujours ôter de sa vie et de sa conduite les éléments qui la règlent et la modifient; et vous reproduisez ce même esprit de compagnie, d'entreprises, qui sur les moindres choses veulent former des spéculations en grand, et ont causé Fi souvent des calamités générales.
Le comité a propo.-é encore des défrichements, un partage et un abandon de terre eu friche aux misérables. Ce dessein consolant et plein d'humanité, qui présente au premier coup d'œil une opération doublement salutaire, et propose de réparer un mal par la guérison d'un autre mal, n'est cependant rien moins que sage; je ne pense pas que vous puissiez à la fois opérer, l'une par l'autre, ces deux choses difficiles : l'extirpation de la mendicité et le succès des défrichements.
On vous tromperait de vous faire croire qu'on emploierait le travail de ces hommes qui n'ont rien, quelque peu de valeur qu'on leur attribuât, à tirer de l'abandon et de friche des terres qu'on rendrait ainsi à la société : car il faut aux défrichements du travail, des avances, des combinaisons, tous les moyens coercitifs de l'expérience, de l'aisance et du courage ; or, en manquant un seul point, vous manquez le tout. La misère de ces malheureux pourrait donc en devenir plus aggravée; d'une autre part, les défrichements mai essayés, n'ayant point de succès, resteraient comme témoignages de l'inutilité des tentatives etune épreuve manquée marquerait de nouveau, pour des siècles encore, ces terres d'abandon et de stérilité.
Quoique ce ne soit pas ici le lieu de traiter
particulièrement de l'agriculture, quand on fait une proposition qui y est relative, on se trouve cependant obligé d'en rappeler les premières notions, qui toutes nous avertissent qu'il ne suffit pas de tourmenter un sol ingrat, et qu'il faut pour cela une étude, des connaissances locales, et une persévérance qui n'est pas commune. Il en est principalement sur cette matière une que je voudrais voir écrite partout, jusqu'à ce que les cultivateurs en soient pénétrés tous : Les défrichements véritables ne se font que par le mélange des terres différentes. Les fumiers et autres engrais entretiennent la fertilité, mais ne défrichent pas la terre.
Vous voyez donc, si vous voulez défricher, que vous devez vous adresser aux hommes laborieux, que c'est l'entreprise difficile de ceux qui, déjà exercés dans l'agriculture, en ont l'habitude et l'intelligence, et ce n'est pas par ce point déjà malaisé que vous devez entreprendre de ramener à l'application et à la règle des hommes relâchés et gâtés par une longue oisiveté.
Les mendiants ne sont jamais de bons ouvriers, et dans leur inaction il y a presque toujours une part de leur propre tort ; la paresse est une infirmité, une débilité particulière, dont il faut avoir pitié, mais qui suit l'homme dans ses travaux ; il manquera toujours de ce nerf et de cette prévoyance dans les choses même les moins pénibles : et vous voudriez les rassembler, et les donner les uns aux autres pour compagnons et pour exemples? Il faut plutôt les faire rentrer de toutes parts, et à chaque point où ils se trouvent, dans les travaux aisés, les entourer, les échauffer, les fortifier par l'activité toujours présente, et l'excitation des bons ouvriers. Un mendiant est un infirme ; il ne faut donc pas laisser se toucher et se gâter mutuellement ces hommes que vous voulez guérir; vous ne voulez pas que 4, 3,2 malades soient jetés dans le même lit; ne souffrez pas non plus que 2 mendiants soient à côté l'un de l'autre, ils se gangrèneraient, et reproduiraient de nouveau les norreurs de la mendicité.
Voilà bien des objets, Messieurs, qu'appelle en même temps la discussion que vous avez ouverte. Ne croyez donc pas que ce soit une si faible question, une si faible tâche à remplir dans la constitution d'un bon système social, que ce qui regarde la mendicité, ou plutôt la misère publique. Si les lois, si la police, si tous les éléments d'une force publique sont prévus avec tant de soins pour les cas fortuits et accidentels, et pour protéger les propriétés acquises, que ne devez-vous pas faire pour ce cas constant de tous les lieux, de toutes les familles, ce grand événement de la misère, qui pèse toujours et partout ?
Je parviens à la fin de cette proposition générale, où il faut user d'une dernière sévérité envers la mendicité, qui, malgré toutes les précautions et mesures bien employées, échapperait encore, et qui ne pourrait plus être qu'un délit. Il est alors des lois de rigueur pour purger la société . de ces êtres tout dépravés, de ce levain de corruption. Mais je ne m'étendrai point sur des mesures dont nos lois assez connues ont porté la dureté à l'excès, je n'effacerai point l'impression qu'ont pu faire sur vous les moyens doux, équitables, paternels, par des détails de cruauté et de tortures : je retracerais plutôt une seconde fois toute l'étendue d'humanité dont je viens de vous entretenir; et les derniers mots que j'ai à vous dire ne vous laisseront pas un souvenir de
barbarie : j'observerai seulement qu'il serait rare de rencontrer le délit de la mendicité sans un autre délit plus grave, et qui livrerait alors le coupable à un juge plus austère, et spécialement chargé de poursuivre et de punir les forfaitures; mais tout ce qui formerait, tout ce qui serait renfermé dans ai législation de la mendicité ne serait que bienfaisant et consolateur.
Séance du er
février 1791
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
Messieurs, vous vous rappelez que le sieur Trouard, de Pont-à-Mousson, a été conduit dans les prisons de l'Abbaye pour être jugé par le Châtelet. Depuis que vous avez ôté au Châtelet l'attribution des crimes de lèse-nation, son affaire a été renvoyée au tribunal des Dix. Aujourd'hui ce tribunal n'existe plus ; il a été destitué au moment où l'affaire allait être jugée. M. Trouard, par une adresse déposée sur votre bureau, demande des juges; je demande qu'il soit renvoyé devant un des tribunaux de Paris, auquel ou donnera toutes les pièces.
Je m'oppose à ce renvoi; les tribunaux de Paris sont déjà surchargés.
L'Assemblée a chargé son comité de Constitution de lui présenter un projet d'organisation du tribunal provisoire pour juger les prévenus des crimes de lèse-nation qui sont actuellement arrêtés. Je demande que le comité de Constitution soit saisi de la pétition du sieur Trouard et qu'il nous présente au premier jour son travail.
J'appuie la motion et je demande que l'on statue sur le sort des prisonniers qui sont en grand nombre à la Conciergerie. Je demande donc que le comité de Constitution soit tenu de présenter un projet à cet égard sous huitaine.
J'adopte de tout mon cœur la proposition du comité.
(L'Assemblée décrète que son comité de Constitution lui présentera lundi son travail sur l'établissement d'un tribunal provisoire.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes :
Adresse du district de Libourne, département delà Gironde, qui annonce
que tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics, et autres sans
exception, de ladite ville, même les religieux, se sont empressés de
faire, le 23 du mois dernier, le serment prescrit par le décret du 27
novembre.
Les administrateurs du département de la Côte-d'Or m'ont chargé de remettre sur le bureau une adresse qu'ils ont envoyée aux municipalités de leur arrondissement,pour inviter tous leurs concitoyens à n'ajouter aucune foi à un écrit qui a été répandu, avec autant de profusion que de perfidie, dans leur département; cet écrit a pour titre : « Extrait d'un bref adressé « par le Pape au roi très chrétien, relativement à « la constitution civile du clergé. » Je suis aussi chargé par les commissaires de l'extraordinaire de vous annoncer qu'il a été fait hier à Ja caisse de l'extraordinaire un brûlement d'assignats pour la somme de 1,500,000 livres. Il y a dans la caisse à trois clefs pour 60 millions d'assignats. Leur émission éprouve des retards par la lenteur de quelques liquidations d'offices de judicature. Plusieurs compagnies refusent de se faire liquider; d'autres n'envoient pas l'état de leurs dettes; d'un autre côté, il y a dans l'arriéré des départements, dans les états du roi, des objets qui sont susceptibles de contestation, et qui retardent la liquidation de ceux dont les numéros ne viennent qu'après. Je demande que le comité de liquidation soit tenu de vérifier incessamment tout ce qui est liquidé dans les .états du roi. Enfin, les amis de la Constitution de Commercy, département de 1a Meuse, me chargent de vous annoncer que tous les prêtres fonctionnaires publics de Commercy, et plusieurs ci-devant chanoines et moines, ont prêté le serment civique au bruit de la musique et du canon, au son aes cloches, et aux acclamations les plus vives de la part des assistants.
Messieurs, il y a sept ou huit ans qu'en vertu d'un édit du roi les propriétaires des offices de président aux enquêtes du Parlement de Rennes produisirent leurs titres, sur lesquels on leur donna une quittance de finances dont le remboursement devait être fait en 1784, et dont l'intérêt leur est payé de- Suis. On a présenté cette quittance de finances à le liquidateur général pour en obtenir le remboursement; et il s'est élevé sur cela la difficulté de savoir si c'était une rente constituée, attendu qu'on eu payait ia rente, ou bien si c'était un arriéré. Il paraît clair que c'est un arriéré et qu'il doit être remboursé; cependant il n'y a pas de décret là-dessus. L'Assemblée peut décréter que les quittances de finances accordées en payement d'offices de judicature seront remboursables.
J'avais hier chez moi un magistrat de ce parlement, qui a présenté le 31 octobre ses titres en originaux pour être liquidés et qui se plaignait avec beaucoup de tranquillité qu'il était bien extraordinaire qu'il n'eût pas pu encore obtenir un certificat de cette présentation. Il y en a beaucoup d'autres qui sont dans le même cas; je demande qu'on en fasse le rapport.
Je vous observe que ce rapport est à l'ordre du jour, et que M. Audier-Mas-
sillon doit le faire dans l'instant; ainsi, c'est par tolérance que je vous ai écouté.
,au nom du comité de judicature. Messieurs, vous avez pris les mesures les plus favorables pour accélérer le travail de la liquidation des offices; mais toutes les règles que vous avez établies ne trouvent leur application, pour des offices attachés à des compagnies, que lorsqu'on se présente en corps à Ja liquidation ou que les compagnies ont fourni les états et les renseignements que vous avez exigés par vos décrets. Vous avez cependant voulu que le refus d'une compagnie ne pût pas nuire aux titulaires qui voudraient se faire liquider, et qu'après le délai du mois ils pussent se présenter seuls à la liquidation : il reste à déterminer de quelle manière doit s'opérer cette liquidation pour que les règles que vous avez établies, pour celles qui se font en corps, puissent y être également observées et que les intérêts de ia nation ne soient pas lésés- Vous avez, par vos déorets des 2 et 6 septembre, chargé la nation de toutes les dettes des compagnies, tant antérieures que postérieures à 1771, a 1 égard des créanciers seulement. Plusieurs articles de ce même décret déterminent la portion de dettes qui doit être à la charge de la nation, et ordonnent qu'il en sera fait au titulaire la déduction sur le montant de sa liquidation. Il est impossible d'exécuter aucune de ces dispositions, si on n'a pas sous Jes yeux l'état de dettes actives et paseives de la compagnie, l'état et le nombre des officiers dont elle est composée, et les règles de proportion d'après lesquelles chacun des officiers contribuait aux charges communes ; aussi vous avez ordonné à chaque compagnie d'envoyer ces états et aux créanciers d'envoyer un extrait de leurs titres certifiés. Par votre décret du 6 octobre dernier voue avez procuré, tant aux compagnies qu'aux créanciers, les plus grandes facilités pour satisfaire à cette injonction, en permettant que les états que vous demandiez aux compagnies fussent attestés par la seule signature du greffier, et que les créanciers pussent faire certifier leurs titres par le greffier de l'ancien tribunal, ou par le procureur syndic du district. Un très grand nombre de compagnies a satisfait à vos décrets : mais il en est qui n'ont fait encore aucun envoi des pièces que vous avez exigées, et dont les membres se présentent cependant pour la liquidation. Il est nécessaire de régler à leur égard ia manière dont doit être faite cette liquidation individuelle pour que les décrets soient pleinement exécutés, et que la nation ne soit pas grevée d'une masse de dettes qui devait être à la charge des titulaires. L'article 7 des décrets des 2 et 6 septembre porte que le titulaire, membre d'une compagnie, laquelle aurait refusé de se faire liquider, pourra, après le délai d'un mois, se présenter seul pour se faire liquider. Cet article présente beaucoup de difficultés dan3 son exécution. D'abord, vous n'avez pas décidé comment le titulaire constaterait le refus de la compagnie, comment vous pourrez prélever sur celte compagnie refusant la portion de dettes qui doit être à sa charge, et de qui sera composée cette compagnie, si tous les membres qu'elle renferme se présentent a la liqui* dation, soit successivement, soit en même temps, ou chacun séparément.
Si vous admettiez tous ceux qui se présenteraient sans aucune distinction, pour être liquidés, sans déduction du titre pour les dettes mêmes qui ontété contractées postérieurement à 1771, ou
kRLEMENTAIRES. [ 1" février 1791.}
qui ont eu même pour objet l'acquitde la finance à rembourser, il est évident que la natiou serait exposée à demeurer chargée sans retour d'une masse de dettes que vous avez jugé devoir être payées par le titulaire, et à payer deux fois. Parmi ceux qui se présenteraient individuellement, il y en aurait sans doute qui seraient de bonne foi, et qui n'auraient pas pu se procurer l'état des dettes actives et passives que vous exigez ; mais combien y en aurait-il qui abuseraient de cette facilité pour rejeter sur la nation deux dettes qui devaient être à leur charge, et se soustraire ainsi à leurs obligations.
Serait-il raisonnable d'accorder un pareil avantage à ceux qui, par négligence ou par ruse, auraient éludé là disposition de vos décrets, et de ne garder 1a rigueur et la sévérité de vos lois que pour ceux qui ont montré autant d'empressement que d'exactitude à s'y soumettre? D'autre part, il ne serait pas juste que des propriétaires d'office, membres des compagnies qui refusent les titres nécessaires à opérer la liquidation, et qui n'auraient rien négligé pour y parvenir, fussent privés du prix de leur finance par l'obstination de leurs collègues. Votre comité a cherché les moyens de favoriser l'exécution des règles que vous avez établies sans blesser l'intérêt de la nation ni la justice due à chaque titulaire d'oftice. 11 n'en a pas trouvé de plus sûr que d'accorder un nouveau délai aux créanciers des compagnies, pour envoyer leurs titres; et de déclarer que tous les créanciers postérieurs à 1781 qui n'en auront pas envoyé copie certifiée, et qui ne seraient pas, dans le délai que vous fixerez, compris dans les états envoyés par les compagnies, seront privés de la faveur qui leur avait été accordée par vos décrets et ne seront point compris au rang des créanciers de l'Etat, sauf leur recours contre les anciens officiers des compagnies. La règle que le comité vous propose ne peut nuire ni aux créanciers ni aux titulaires. Les créanciers qui ont déjà été invités à produire leurs titres d'office par les décrets des 2 septembre et 6 oc obre, et qui seront enoore avertis par celui qu'on vous propose de rendre, ne pourront pas se plaindre s'ils sont privés par leur négligence du nénétice que vous aviez voulu leur accorder, dès que vous leur conserverez encore leurs droits sur Jes premiers débiteurs; et les titulaires qui n'ont pas remis leurs pièces n'ont pas à regretter ce qu'ils ont personnellement payé, dèi qu'ils n'en ont pas essuyé la déduction sur leurs offices, et qu'ils n'ont fourni aucun des moyens qui pouvaient opérer cette déduction. D ailleurs cette règle paraît absolument nécessaire pour mettre l'Assemblée à portée de connaître le montant des dettes dont elle s'est chargée, et poser un terme aux engagements qui doivent être rejetés sur la nation ; autrement, s'il était permis dans deux ans comme dans dix, et après que les liquidations auraient été faites, de faire surgir de nouveaux créanciers des compagnies, même avec de simples obligations privées, vous replongeriez les finances dans ce chaos ténébreux dont vous avez voulu les retirer. Nous avons pensé que, lorsque les titulaires n'auraient pas fourni l'indication des règles proportionnelles observées entre eux pour la répartition de leurs dettes, il n'y avait pas d'autre moyen, pour parvenir à la liquidation individuelle, que de faire cette réparution entre tous les officiers de la compagnie, sur le nombre fixé dans les états et rôles du conseil ou autres renseignements qui auraient pu être recouvrés, sauf à se liquider entre eux. Il
s'eut présenté encore dans le cours de la liquidation une autre difficulté qui ne peut être levée que par vos décrets. Il y a un grand nombro de titulaires d'office qui n'étaient pas propriétaires de la finance de l'office dont ils avaient l'exer-eice.
Doit-on appeler les propriétaires ou titulaires d'oftices pour faire la liquidation au nom et au profit des titulaires en exercice? Si vous n'aviez voulu rembourser ou liquider les titulaires en exercice qu'autant qu'ils auraient été en même temps propriétaires de leurs finances, il aurait fallu exiger de chaque officier qu'il joignit à ses provisions son contrat, ou autre titre de propriété.
Cette règle aurait jeté dans le plus grand embarras le grand nombre d'officiers qui, quoique vrais' et uniques propriétaires de la finance de leur office, seraient fort en peine d'en justifier, soit parce que, possédant leurs offices par succession, ils ne connaissaient plus le premier titre qui en a transmis la propriété dans leur famille, soit parce qu'ils les dnt acquis eux-mêmes sans contrat, et après une simple procuration ad ràti-gnandum. D'ailleurs l'exameu des titres de propriété aurait fait naître une foule de difticuités qui auraient beaucoup retardé la liquidation que vous voulez accélérer. Votre comité a pensé que la règle la plus sûre, la plus favorable aux officiers supprimés, celle qui pourrait contribuer le plus à faciliter la liquidation, c'était de regarder tous les titulaires comme propriétaires et de faire la liquidation à leur nom et à leur profit, sur la seule rémission de leurs provisions et des provisions nécessaires pour connaître la valeur des offices, d'après les règles prescrites par les décrets, sauf aux prétendants droit auxdits offices de les conserver par la voie des oppositions. Mais comme il fallait prévoir le cas où le titulaire ne serait pas propriétaire, où, par conséquent, n'ayant qu'un très petit intérêt à se faire liquider, il négligerait d'envoyer ses provisions et les pièces nécessaires, nous avons pensé qu'il fallait alors autoriser les prétendants droit a leurs offices, et même les créanciers privilégiés sur l'office h poursuivre eux-mêmes la liquidation en faisant la remise portée par vos décrets, et alors la reconnaissance de liquidation pourra être expédiée aux prétendants droit ou créanciers privilégiés sur l'office en rapportant le jugement contre les titulaires.
C'est d'après ces règles et d'après des conférences avec les commissaires des comités des finances, de liquidation et d'aliénation que je suis chargé, au nom de celui de judicature, de vous présenter 1e décret suivant :
L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de judicature, déqrète :
Art. ler. Les créanciers pour dettes
contractées, en nom collectif, par les compagnies des offices supprimés,
et liquidés en exécution des décrets des 2 et 6 décembre, qui n'auraient
pas fait l'envoi prescrit par l'artiole 2 du titre III du susdit décret,
enverront, dans le délai d'un mois ou tel autre qu'il vous plaira citer,
à compter de la sanction du présent décret, pour tout délai, au
commissaire du roi, directeur général de la liquidation, expéditions de
leurs titres de créances, certifiés en ia forme prescrite par le susdit
décret, ou en celle prescrite par le décret du 6 octobre dernier.
Art, 2. Ceux des créanciers postérieurs à 1771, qui n'auront pas satisfait à l'article ci-dessus, et qui ne seraient pas d'ailleurs compris dans les états envoyés par les compagnies, en conformité
de l'article 3 du titre III des déorets des 2 et 6 septembre, seront déchus des droits qui leur auront été accordés par le susdit décret, et la nation, sera déchargée du payement desdites dettes, sauf aux créanciers le recours contre les membres qui composaient le3dites compagnies, ainsi qu'il appartiendra.
Art. 3. Postérieurement au délai fixé par l'article ci-dessus, il sera loisible à tout titulaire d'office de se faire liquider individuellement sans représenter l'état des dettes actives et passives de sa compagnie, en remplissant d'ailleurs les formes prescrites par le précédent décret, et rapportant une attestation du directoire du district du lieu de la séance du tribunal auquel lesdits offices étaient attachées, portantque celui au nom duquel on poursuit ia liquidation est le dernier titulaire de l'office, et qu'il était en exercice à l'époque de la suppression; et daus Je cas où l'office serait vacant, l'attestation portera la date du jour de la vacance.
Art. 4, Lorsqu'il jera procédé aux liquidations d'office individuellement et sans que les compagnies, ni aucun des membres pour elles, aient fait l'envoi prescrit par le décret des 2 et 6 septembre, il sera déduit, à chaque titulaire sa portion des dettes passives postérieures à 1771! le"ea qu'elles se trouveront établies d'après l'envoi fait par le créancier, sans avoir égard aux compensations avec les dettes actives accordées par les susdits décrets.
Art. 5. Dans toutes les compagnies qui n'auront pu envoyer l'indication des règles observées entre les officiers pour la répartition des dettes, cette répartition §è fera par égales parts entre tous les officiers de la compagnie sur le nombre fixé dans les états et rôles du conseil ou autres renseignements qui auront pu être recouvrés, sauf a se régler entre eux ainsi qu'il appartiendra.
Art. 6. Les liquidations d'office seront faites au nom et au profit dea derniers titulaires, sauf aux prétendants droit à la propriété des finances des offices à conserver leur droits par 1a voie d'opposition entre les mains des conservateurs des finances et des gardes des rôles réunis.
Art. 7. Dans Je cas où les titulaires négligeraient de remettre les titres et pièces nécessaires pour procéder à la liquidation de leurs offices, les prétendants droit à la propriété de Ja finance ouïes créanciers privilégiés sur icelle pourront poursuivre la liquidation, en faisant eux-mêmiîs la remise portée par les décrets.
Art. 8. Lorsqu'une liquidation, aura été faite à la poursuite des prétendants droit à la propriété de la finance ou des créanciers privilégiés, la reconnaissance de liquidation ne pourra leur être expédiée que du cousentemment du titulaire, ou après qu'ilsse seront fait autoriser à recevoir par un jugement rendu en forme exécutoire avec lui.
Art. 6. Les conservateurs des finances et gardés des rôles seront tenus d'expédier des certificats lorsqu'ils en seront requis, même quand il y aura des oppositions, en faisant mention du nombre des oppositions et des noms des opposants.
Art. 10. Le certificat du conservateur des finan. ces et garde des rôles sera remis au bureau de liquidation et joint à la quittance de remboursement pour la vérification définitive; et pour les reconnaissances provisoires, ledit certificat sera joint aux titres et originaux qui resteront à cet effet déposés auxdits bureaux.
Art. 11. Il serait fait mention desditi certifi-
cats dans les reconnaissances provisoires et, au moyeDS de ce, les porteurs desdites reconnaissances seront dispensés de représenter lesdits certificats aux receveurs des districts.
(La discussion est ouverte sur l'article premier.)
Nous tombons encore dans ie même inconvénient où nous sommes tombés plusieurs fois : c'est qu'ayant des lois positives, nous ne les faisons pas exécuter. Un décret cité dans le rapport prescrit un délai; il est échu depuis cinq mois. De quoi donc s'occupe-t-on ? Il n'y a pas lieu à accorder un autre délai et je demande la question préalable sur l'article premier, ou bien qu'on remplace cet article par un autre article qui dise que le délai étant échu, on procédera dès à présent à la liquidation.
,rapporteur. Tous les délais que vous avez fixés par cette même loi ne sont que comminatoires; vous avez également obligé les compagnies à remettre dans le mois les titres d'après lesquels elles devaient être liquidées, mais vous n'avez pas voulu que les créanciers et les compagnies qui n'auront pas fourni leurs titres dans le mois fussent déchus de la liquidation de leurs créances. Avant de prononcer une déchéance aussi rigoureuse, il fallait en avertir les créanciers ; il est important, par conséquent, de fixer un nouveau délai.
Sil'on entendait une déchéance absolue, M. le rapporteur aurait raison. Mais ce n'est pas cela dont il s'agit : on veut seulement que, le délai fatal étant expiré, on puisse passer outre et procéder à la liquidation. On ne peut pas faire autrement, vu l'excessive mauvaise foi ae plusieurs créanciers qui ont refusé de se faire liquider; et cette mauvaise foi prend sa source dans l'attente d'une contre-révolution. (Applaudissements.) Mais le comité de liquidation, veillant aux intérêts de l'Etat, doit, suivant moi, proposer que, d'après tel délai, toutes choses demeurant en état, les intérêts cessent ; et je demande qu'il soit dit qu'on pourra procéder à la liquidation, quoique les pièces n'aient pas été apportées.
Rien n'est plus sage que la mesure proposée; il est iuste et nécessaire que l'on puisse procéder à la liquidation des offices, sans attendre l'exécution des mesures préalables qui avaient été présentées par l'Assemblée ; mais d'un autre côté, il faut tâcher de réunir les compagnies. Je ne demande pas un long délai ; mais je crois qu'il est indispensable d'en donner un d'un mois après la publication du décret.
Je demande, pour les offices supprimés antérieurement aux décrets, qu'il soit dit qu'ils sont compris dans la liquidation.
Je demande le renvoi de la proposition de M. Tuaut au comité, parce que ce sont des objets tout à fait différents. Mais je profite de la parole pour appuyer la motion de M. Lanjuinais, qui est l'unique moyen que vous ayez de forcer les liquidations ; c'est de décréter que les intérêts cesseront pour t0U3 ceux qui n'auront pas réunis leurs titres.
A compter du 1®'janvier 1794.
,rapporteur. Jem'op-p ose aux deux propositions faites. J'observe tout d abord à l'Assemblée que la motion de M. Tuaut n'a rien de commun avec les articles que nous décrétons. Le comité a pensé que ces offices, ayant déjà été liquidés, ne devaient pas être renvoyés une seconde fois à la liquidation. Pour ce qui est de la motion de M. Lanjuinais, il me paraît qu'elle est également superflue, parce Sue vos décrets ayant porté que les propriétaires 'offices ne retireront leurs intérêts que 1e jour de la rémission de leurs titres, ii n'est pas besoin de prononcer que les intérêts cesseront s'ils n'ont pas remis leurs titres. Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. (Cette motion est adoptée). (L'Assemblée consultée renvoie la proposition de M. Tuaut de la Bouverie au comité de judica-ture et décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article l,r du projet de décret.)
,rapporteur. En raison du vote que l'Assemblée vient d'émettre, il y aurait lieu de modifier comme suit l'article 3, qui deviendrait le 1er. « L'Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport du comité de judicature, décrété ce qui suit :
Art. 1er.
« Il sera loisible, dès à présent, à tout titulaire d'offices de judicature supprimés et à liquider, en exécution des décrets des 2 et 6 septembre, de se faire liquider individuellement, sans présenter l'état des dettes actives et passives de sa compagnie, en remplissant d'ailleurs les formes prescrites par les précédents décrets, et rapportant une attestation du directoire du district du lieu de la séance du tribunal auquel lesdits offices étaient attachés, portant que celui au nom duquel on poursuit la liquidation, est le dernier titulaire de l'office, et qu'il était en exercice à l'époque de la suppression ; et dans le cas où l'office serait vacant, l'attestation portera la date du jour de la vacance. (Adopté.)
,rapporteur. L'article 2 serait conçu comme suit :
Art. 2.
« Les créanciers postérieurs à 1771 pour dettes contractées en nom collectif par les compagnies dont il est fait mention dans l'article ci-dessus, qui n'ont pas fait l'envoi prescrit par l'article 2 u titre III du susdit décret, et qui ne seraient pas d'ailleurs compris dans les états envoyés par les compagnies, en conformité de l'article 3 du même décret, seront déchus des droits qui leur avaient été accordés ; et la nation sera déchargée du payement de ce qui leur est dû, dès le moment qu'il aura été procédé, en vertu de l'article premier ci-dessus, à la liquidation d'un ou de plusieurs offices de la compagnie sur laquelle lesdites créances étaient établies, sauf auxdits créanciers leur recours contre les membres qui la composaient, ainsi qu'il appartiendra. (Adopté.)
Art. 3. (Ancien art. 4.)
« Lorsqu'il sera procédé aux liquidations d'offices individuellement, et sans que les compagnies ni aucun des membres pour elles ayant fait l'envoi prescrit par ie décret des 2 et 6 septembre, il sera déduit à chaque titulaire sa portion de dettes passives postérieures à 1771, belles qu'elles se trouveront établies d'après l'envoi fait par les créanciers, sans avoir égard aux compensations avec les dettes actives* accordées par le susdit décret. (Adopté.) Art. 4. (Ancien art. 5.)
« Dans toutes les compagnies qui n'auront pas renvoyé l'indication des règles proportionnelles observées entre les officiers pour la répartition des dettes, cette répartition se fera par égale part entre tous les officiers de la compagnie, sur le nombre fixé dans les états et rôles du conseil, ou autres renseignements qui auraient pu être recouvrés, sauf à se régler entre eux. (Adopté.) Art. 5. (Ancien art. 6.)
« Les liquidations d'offices seront faites au nom et au profit des derniers titulaires, sauf aux prétendants droit à la propriété des finances des offices, à conserver leurs droits par la voie d'opposition entre les mains des conservateurs des nuances et des gardes des rôles réunis. (Adopté.) Art. 6. (Ancien art. 7.)
Dans le cas où le titulaire négligerait de remettre les titres et pièces nécessaires pour procéder à la liquidation de son office, les prétendants droit à la propriété de la finance, ou les créanciers privilégiés sur icelle, pourront poursuivre la liquidation, en faisant eux-mêmes ia remise portée par les décrets, et à cet effet ils pourront lever des expéditions, des provisions et autres titres nécessaires; et il est enjoint à tous détenteurs et dépositaires desdits titres de les expédier à leur réquisition, sauf leur salaire. (Adopté.) Art. 7. (Ancien art. 8.)
« Lorsqu'une liquidation aura été faite à la poursuite des prétendants droit à la propriété de la finance, ou des créanciers privilégiés, la reconnaissance de liquidation ne pourra leur être ex^ pédiée que du consentement du titulaire, ou après qu'ils se seront fait autoriser à recevoir, par un jugement exécutoire.
Je propose de mettre après ie mot privilégiés celui d'hypothécaires. (Cet amendement n'est pas adopté.) (L'article 7 est ensuite adopté.)
Art. 8. (Ancien art. 9.)
« Les conservateurs des finances et gardes des rôles seront tenus d'expédier des certificats lorsqu'ils en seront requis, même quand il y aura des oppositions, en faisant mention du nombre des oppositions, et du nom des opposants. (Adopté.) Art. 9. (Ancien art. 10.)
« Le certificat du conservateur des finances et garde des rôles sera remis au bureau de liquidation, et joint à la quittance de remboursement pour les liquidations définitives ; et pour les. reconnaissances provisoires, ledit certificat sera joint aux pièces et titres originaux, qui resteront a cet effet déposés audit bureau. »
Cet article suppose que les titres originaux des différentes personnes qui se feront liquider seront déposés au bureau de liquidation; et cependant, l'instruction donnée par l'Assemblée suppose que les titulaires fourniront seulement des copies collationnées.
,rapporteur. L'article distingue au contraire les deux cas. Il y est dit que lors de la liquidation, le certificat doit être joint à la quittance de remboursement; et lors des reconnaissances provisoires, qui ne sont point une liquidation, mais une autre espèce de payement, il est dit qu'il sera joint aux pièces les titres originaux. Il faut donc bien distinguer la reconnaissance de ces liquidations provisoires d'avec les liquidations ordinaires. (L'article 9 est décrété.)
Art. 10. (Ancien art. 11.)
« Il sera fait mention desdits certificats dans les reconnaissances provisoires, et, au moyen de ce, les porteurs desdites reconnaissances seront dispensés de représenter lesdits certificats aux receveurs de district. » (Adopté.)
Messieurs, par votre décret du 5 novembre, vous avez autorisé tous les titulaires d'offices supprimés et non liquidés à remettreaux enchères des biens nationaux, en vertu des titres authentiques de leurs offices; cependant on ne veut recevoir les huissiers-priseurs à aucune enchère, sous prétexte qu'ils ne sont pas liquidés. On ne s'occupe pas d'eux, quoique rien ne soit plus aisé que 1a liquidation de leurs offices. Il n'y a pas là de titre de création; ils désireraient employer leur rémboursement en acquisitions de petits objets, et ils ne le peuvent pas.
,rapporteur. Le décret du 30 décembre explique celui dont M. Fricaud parle, et décide que tous les propriétaires d'offices supprimés seront reçus à enchérir en vertu de la finance de leurs offices. Les huissiers-priseurs, comme tous les autres titulaires, peuvent se présenter avec une reconnaissance provisoire; en vertu de cette reconnaissance, ils peuvent acheter et payer.
J'observe à M. le rapporteur que les décrets postérieurs à celui-là ne faisant pas mention des huissiers-priseurs, mais seulement d'officiers supprimés, on prétend qu'il n'est pas question des huissiers-priseurs,et, sous ce prétexte, on ne veut pas les liquider. Je demande donc que l'Assemblée s'explique.
,rapporteur. Je suis chargé de faire un rapportenparticuljerà cesujet.
Il me semble qu'il suffirait de dire que les huissiers-priseurs seront compris dans les dispositions antérieures de nos décrets, relatives à la liquidation.
Il y a dans l'article proposé par M. Fricaud deux questions : une de droit, une de fait. Sur celle de droit, on est d'accord; sur celle de fait, on peut être aussi d'accord, on peut décréter que vos décrets concernant l'admission des offices à l'achat des biens nationaux seront communs aux huissiers-priseurs.
J'appuie l'opinant.
,rapporteur. Il est impossible d'adopter le décret que l'on propose ; il serait contradictoire à des décrets antérieurs. Vous avez ordonné à votre comité de vous préparer un rapport exprès et particulier pour le mode de remboursement des huissiers-priseurs ; il peut être fait incessamment. Vous ne pouvez pas dire aujourd'hui que, nonobstant cette disposition, les huissiers-priseurs seront liquidés sur le mode observé*
Je demande le renvoi au comité de liquidation, parce que ce ne sont pas les mêmes règles; ce sont des offices tout nouveaux. (Ce renvoi est décrété.) Un membre : On prétend qu'il ne se faisait rien au bureau de liquidation ; en conséquence, pour faire cesser cette injustice, je demande que le comité nous donne un état... (Interruptions.)
(de Saint-Jean-d'Angély).Sur la proposition qui vient d'être faite, je demande au'on passe à l'ordre du jour. En voici les rai-qu sons
Ou n'a pas besoin de vos raisons. Plusieurs membres : L'ordre du jour!(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
,rapporteur. Je dois finir par vous observer qu'il y a pour 14 millions de liquidations effectuées et qu'on en rendra compte incessamment à l'Assemblée.
J'ai reçu du maire de Sens la lettre suivante : « Sens, le
J'ai l'honneur d'informer l'Assemblée que 1e scrutin pour le remplacement de feu M. Poignot au comité d'aliénation a donné la majorité à M. de Bourges qui est, en conséquence, élu membre de ce comité.
,curé de Souppes, au nom du comité de vérification. Messieurs, vous vous rappelez que M. Delavigne a écrit à M. de Vauvilliers pour remplacer M. Poignot, député de Paris, mort depuis huit jours. M. de Vauvilliers lui a enfin répondu par une lettre qui est une démission formelle. La voici : « Je ne puis remplir la place vacante par la mort de M. Poignot. Vous êtes le second suppléant par ma retraite, vous devenez le premier et rien n'empêchera de ma part que vous n'entriez en possession. Le comité de vérification vous propose donc de recevoir M. Jacques Delavigne à la place de M. Poignot.
est admis et prête le serment. L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur le tarif des traites.
,rapporteur. Messieurs, d'après le décret rendu hier, qui ordonne qu'il y aura des droits de sortie sur les vins, vos comités ont persisté dans l'opinion qu'il était impossible de ne pas graduer ces droits, suivant les différents départements. ^ Nous vous proposons donc le projet de décret suivant ; L'Assemblée nationale, ayant entendu le rapport de ses comités d'agriculture, de commerce et des contributions publiques, « Décrète qne les vins exportés du royaume à l'étranger seront imposés aux droits suivants, et les acquitteront à leur sortie aux différentes portes et bureaux frontières, dans les proportions ci- après: « Vins rouges exportés par les rivières de Garonne et Dordogne, autres que ceux ci-après, le muid, 7 livres. « Vins blancs exportés par les mômes rivières également, à l'exception de ceux ci-aprés, 4 livres. v « Vins rouges et blancs, qui seront chargés de bord à bord au port de Libourne, et seront accompagnés d'un acquit-à-caution, du bureau de Gastillon, 2 1. 10 s. « Vins exportés par Bayoune et Saint-Jean-de-Luz, 1 livre. « Vins exportés par le département de l'A-riège et les frontières d'Espagne, 1 1. 10 s. « Vins muscats exportés par les mêmes départements, et vins ae liqueur de toute sorte, 6 livres. « Vins exportés par les départements des Py-réoées-Orieulales et de l'Hérault, 2 livres. « — Par les départements des Bouches-du-Rhône et du Var, i 1. 10 s. « — Par les départements des Hautes et Basses-Alpes, de l'Isère et de l'Ain, 1 livre. « — Par les départements du Mont-Jura, du Doubs et de la Haute-Saône, 10 sols. « —Par les départements du Haut et Bas-Rhin, de la Meuse et de la Moselle, 1 1. 5 s. « Vins exportés par terre ou par mer, depuis le département des Ardennes, inclusivement, jusqu'à la rivière de Vilaine, aussi inclusivement, 7 livres. « Vins rouges ou blancs exportés par le département de la Loire-Inférieure, à l'exception de celui ci-après, 2 livres. « Vins blancs du département de la Loire-Inférieure, exportés par le même département, 10 sols. « Vins blancs exportés par le département de la Vendée et de la Charente-Inférieure, 10 sols. « Vins rouges exportés par les mêmes départements, 1 liv.
« Vins en bouteilles et en doubles futailles ; 7 livres. » (Après quelques discussions, ce tarif est adopté.)
,rapporteur. Les députés de la Flandre française ont demandé hier que les fils retors étrangers ne pussent être importés dans le rayaume que sous un droit de 60 livres par quintal. Votre comité de commerce, avec lequel vous avez chargé ces députés de se concerter, les a fait convenir que dans l'impossibilité où se trouvaient les retordeurs de Flandre de fournir, quant à présent, aux fabriques de dentelles du Puy et du Forez les fils dont ils avaient besoin, tout ce qu'il était possible de faire en faveur des retordeurs nationaux était de ne permettre l'importation de ces fils que par les bureaux de la Chapelle et d'Héricourt, et de les assujettir au droit de 30 livres par quintal, qui se paye actuellement. Nous vous proposons donc la disposition suivante : « Les fils de lin et de chanvre tors, bis» et blancs seront prohibés ; néanmoins les mêmes fils venant de Harlem, accompagnés de certificats du bourgmestre et importés par les bureaux de la Chapelle et d'Héricourt, acquitteront un droit de 30 livres par quintal. »
expose les inconvénients qu'il prévoit pouvoir résulter en ne portant les droits d'entrée sur les fils retors de Harlem qu'à 30 sols par quintal, et demande qu'ils soient portés à 60 sols. (La proposition du comité, qui fixe le droit à 3O livres,est adoptée.)
,rapporteur. Je propose qu'il soit fait, sous la surveillance des comités d'agriculture, de commerce et des contributions publiques, réunis, une édition du tarif des droits de traites qui seront perçus à toutes les entrées et sorties du royaume. (Cette motion est décrétée.) L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les jurés.
,rapporteur. Messieurs, nous allons passer au titre IX • Des contumaces. J'observe à l'Assemblée au'il nous a paru, d'après le plan déjà tracé et d après les idées saines oui doivent régner dans un pays libre et où 1 amour des lois est le principal ressort, il nou3 a paru, dis-je, que tout contumax était criminel par cela même qu'il était contumax volontaire. C'est dans cet.esprit de sévérité nécessaire que le titre a été rédigé. Voici les différents articles que nous vous proposons :
TITRE IX.
Des contumaces.
Art. 1er.
« Si, sur l'ordonnance de prise de corps, ou de se représenter en justice, l'accusé ne comparait pas et ne peut être saisi, le président.du tribunal criminel rendra une ordonnance portant qu'il sera fait perquisition de sa personne, et que chaque citoyen est tenu d'indiquer l'endroit où il se trouve. » (Adopté.) Art. 2.
« Cette ordonnance, avec copie de celle de prise de corps, sera affichée à la porte de l'accusé et à son domicile élu, ainsi qu'à ia porte de l'église du lieu de son domicile, ou à la porte de 1 auditoire, pour ceux qui ne sont pas domiciliés; elle sera également notifiée à ses cautions, s'il en a fourni. » (Adopté.) Art. 3.
« Cette ordonnance sera proclamée dans les lieux ci-dessus énoncés pendant deux dimanches consécutifs, à peine de nullité; passé ce temps, les biens de l'accusé seront saisis. » (Adopté.) Art. 4.
« Huitaine après la dernière proclamation, le président du tribunal rendra une seconde ordonnance, portant qu'un tel... est déchu du litre de citoyen français, que toute action en justice lui est interdite pendant tout le temps de sa contumace, et qu'il va être procédé contre lui, malgré son absence. Cette ordonnance sera signifiée, proclamée et affichée aux lieux et dans la même forme que dessus. » (Adopté.) Art. 5.
« Après un nouveau délai de quinzaine, le procès sera continué dans la forme qui est prescrite pour les accusés présents, à l'exception toutefois que les dépositions des témoins, reçues par écrit, seront lues aux jurés. » (Adopté.) Art. 6.
« Aucun conseil ne pourra se présenter pour défendre l'accusé contumax sur le fond de son affaire; seulement, s'il est dans l'impossibilité absolue de se rendre, il enverra, par un fondé de procuration spéciale, son excuse, et sa légitimité pourra être plaidée par ses amis et décidée par le tribunal. »
Il me semble qu'il y a de l'inhumanité à refuser à un accusé contumax un conseil- Où est, je vous prie, l'inconvénient de permettre que l'accusé, même contumax, puisse avoir des conseils, des amis, des parents présents à i'examen et pouvant faire expliquer les témoins? Où est, dis-je, l'inconvénient de cela ? Je ne saurais l'entrevoir ; il en pourra résulter seulement que les amis, les parents, les conseils de l'accusé pourront aboutir à faire triompher l'innocence absente. Messieurs, vous avez pris assurément des mesures très sages pour que l'innocence n'ait pas à craindre d'être facilement condamnée ; mais, malgré cela, vous ne pouvez pas vous dissimuler qu'il reste encore un danger propre à effrayer l'innocence. Celui qui aura des accusateurs puissants, intrigants, avides ou habiles, celui-là, s'il est faible ou incapable de se défendre en se représentant, peut-il être privé d'un conseil ? En conséquence, je propose d'amender l'article en retranchant les expressions qui tendent à refuser un conseil.
,rapporteur. Nous sommes partis d'abord de ce principe général, que rien ne peut faire dispenser un citoyen d'obéir à la loi. On ne peut trop répéter que ce principe est la sauvegarde de la liberté et de la tranquillité publiques. Nous avons encore pensé que d'autres raisons devaient également détourner l'Assemblée d'éta-
blir un conseil pour un accusé contumax. En effet, lorsqu'un nomme refuse de se présenter à la justice, ses amis peuvent bien plaider la cause de son absence; mais pour plaider le fond de l'affaire, je demande s il est possible que des jurés qui entendent le débat de l'accusateur, des témoins, et qui, d'un autre côté, entendraient un conseil qui nierait les faits, qui alléguerait des motifs faux, je demande si les jurés peuvent avoir aucune espèce de confiance dans un pareil homme qui viendrait rapporter des faits qui ne lui sont pas personnels? il s'établirait en France la plus abominable procédure, qui est que les gens riches plaideraient par procureur.
appuie l'amendement de M. Chabroud. Plusieurs membres demandent la question préalable sur l'amendement. (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer.)
Messieurs,... ((Bruit.)
Je réclame le silence; M. Tronchet n'a pas autant de voix que de lumières. (Applaudissements.)
On croirait, par la seconde partie de votre article, que les amis ou les parents de l'accusé ne pourraient présenter son excuse qu'autant qu'elle serait d'abord proposée par l'accusé lui-même, aux fins d'une procuration spéciale. J'ai l'honneur de vous observer qu'il peut se faire qu'un homme soit en voyage dans un pays éloigné; que pendant ce temps, par méchanceté, ou autrement, on intente contre lui une accusation criminelle. Les délais qui sont accordés, jusqu'à ce que l'affaire soit portée devant les jurés, ne sont au plus que de cinq semaines; il est très possible qu'il n'ait pas pu être instruit assez à temps pour pouvoir envoyer, de l'endroit où il est, une procuration spéciale pour justifier de son absence légitime. En conséquence, je demande qu'il soit permis aux amis de l'accusé de proposer et de plaider l'excuse légitime. On pourrait donc rédiger l'article en ces termes : « Aucun conseil ne pourra se présenter pour défendre l'accusé contumax sur le fond de son affaire; seulement, s'il est dans l'impossibilité absolue de se rendre, la légitimité de son excuse pourra être plaidée par ses amis et décidée par le tribunal. »
,rapporteur. Cet amendement est susceptible de quelques inconvénients ; mais ses avantages paraissent l'emporter. (La rédaction proposée par M. Tronchet est adoptée.)
Art. 7.
« Dans le cas où le tribunal trouverait l'excuse légitime, il ordonnera qu'il sera sursis à l'examen et au jugement pendant un temps qu'il fixera, eu égard à la nature de l'excuse et a la distance des lieux. » (Adopté.) Art. 8.
« Les condamnations qui interviendront contre un accusé contumax! seront exécutées, en les
inscrivant dans un tableau qui sera suspendu au milieu de la place publique. » (Adopté.) Art. 9.
« L'accusé contumax pourra, en tout temps, se représenter, en se constituant prisonnier, et donnant connaissance au président de sa comparution ; de ce jour, tous jugements et procédures faites contre lui seront anéantis, sans qu'il soit besoin d'aucun jugement nouveau : il en sera de même s'il est repris et arrêté. » (Adopté.) Art. 10.
« Il rentrera également dans tous ses droits civils, à compter de ce jour; ses biens lui seront rendus, ainsi que les fruits de ceux qui auront été saisis, à la déduction des frais de régie et de ceux du procès. » (Adopté.) Art. 11.
« Il sera de nouveau procédé à l'examen et au jugement de l'accusé contumax qui se sera repré-sente ; néanmoins, les dépositions écrites des témoins décédés pendant son absence seront lues au juré, pour y avoir tel égard que de raison. » (Adopté.) Art. 12.
• Dans le cas même d'absolution, l'accusé qui a été contumax n'obtiendra aucune indemnité; et le juge pourra lui faire en public une réprimande pour avoir douté de la justice et de la loyauté de ses concitoyens ; il sera de plus condamné, par forme de correction seulement, à garder prison pendant un temps qui ne pourra excéder un mois. »
Je demande la question préalable sur cet article ; ou ne peut faire un crime à un citoyen pusillanime, accusé d'un délit grave, de redouter le jugement des hommes et les terribles effets de leur erreur.
Dans un état d'accusation, la fuite est le premier mouvement ; il serait barbare de refuser toute indemnité à un citoyen calomnié.
(ci-devant de Roquefort).Dans l'ancien régime, si le contumax était absous, il n'éprouvait aucune peine; ici, au contraire, vous lui faiter subir des condamnations de prison.
Je me demande comment le comité a pu nous proposer un article qui porte que, dans le cas d'absolution, l'accusé contumax n'obtiendra aucune indemnité et que le juge le condamnera, par formé de correction seulement, à garder prison pendant un temps qui ne pourra excéder un mois. Le rapporteur méconnaît ici les premiers principes du droit naturel et du bon sens. Comment peut-il substituer des sophismes politiques si frivoles à cette loi écrite dans le cœur de tous les hommes, qui justifie les craintes de l'innocence même, qui se dérobe au pouvoir d'un petit nombre d'hommes qui peuvent le condamner à cette loi sacrée qui veut que, dans tous les cas, l'innocence soit indemnisée lorsqu'elle est reconnue. Il est déjà assez fâcheux pour un innocent d'avoir été l'objet d'une poursuite criminelle, sans être encore puni, dans ses biens et par ia
privation de sa liberté, d'une erreur que la société ue doit imputer qu'à elle-même. M. le rapporteur paraît persuadé que fuir une procédure criminelle est toujours un crime ; et il fonde tout son système de la contumace sur ce principe. Passons-lui pour un moment cette idée absurde, démentie par le premier sentiment de l'humanité ; mais voyons de quel côté est le plus grand tort, ou de la part ae l'innocence poursuivie qui a craint et qui a fui un moment, ou de la part de celui qui l'a soupçonnée, qui l'a poursuivie, qui l'a mise en danger. Tout le monde conviendra, sans doute, que la société, au nom de laquelle l'innocent a été exposé à toutes les suites d'une procédure criminelle, lui doit une plus grande réparation, pour cette injure ou pour ce danger, que l'innocent n'en doit à la société pour avoir éprouvé un mouvement de défiance et de timidité. Comment donc la société pourrait-elle lui opposer cette faiblesse, pour se dispenser de lui donner l'indemnité qui lui est due? Que dis-je I pour l'en punir encore par un mois de prison, après qu'elle aura été obligée de l'absoudre? Punir linuoceuce malheureuse, au moment où l'on avoue qu'elle a été injustement persécutée! Quelle doctrine! Quelle morale! Jamais l'antique tyrannie judiciaire nous â-t-elle présenté une violation aussi révoltante de la raison, de la nature et de l'humanité ? Je demande, pour l'honneur de nos principes, que cette proposition soit rejetée sur-le-champ.
Je demande la suppression de la disposition qui enlève toute indemnité à l'accusé contumax et de celle qui le condamne, à titre de correction, à un mois de prison. Ce n'est pas que je ne sois persuadé que, dans un pays libre, il est essentiel que les hommes connaissent toute l'étendue de la soumission qu'ils doivent à la loi. Sur cela les Anglais ont une jurisprudence plus sévère que la nôtre. Chez eux, le défaut d'obéissance à la loi et de comparution devant le tribunal soumet à une peine terrible, que sa seule atrocité ne met plus aujourd'hui en usage. Mais je crois qu'il faut accoutumer peu à peu les hommes à cette soumission absolue à la loi ; c'est pour cela que je propose de conserver seulement cet avertissement qui est dans le milieu de l'article, parce qu'insensiblement, après avoir accoutumé les hommes à celte soumission par l'avertissement public qui sera toujours donné à l'accusé qu'il a eu tort de se méfier de la justice et de la loyauté de ses concitoyens, on pourra peut-être, par la suite, en venir à une peine même pour celui qui n'aura pas obéi à la loi; mais je ia crois prématurée dans la circonstance, et je demande que tout contumax soit simplement rappelé à son devoir comme il est contenu dans le milieu de l'article.
,rapporteur. Je considère comme un devoir de se soumettre à la loi ; mais si l'Assemblée croit devoir changer l'article, je consens qu'on aille aux voix sur l'amendement de M. Tronchet. (L'amendement, mis aux voix, est adopté.) L'article 12 est décrété comme suit : « Dans le cas même d'absolution, l'accusé qui a été coutumax n'aura aucun recours; et le juge pourra lui faire en public une réprimande pour avoir douté de ia justice et de la loyauté de ses concitovens. »
Art. 13.
« Pendant toute la vie de l'accusé, tant qu'il sera contumax, le produit de ses biens saisis sera versé dans la caisse du district, en la forme qui sera déterminée par la suite. »
Cette disposition renouvelle la loi injuste de la confiscation ; tandis que l'Assemblée a voulu abolir le préjugé des peines infamantes, c'est rappeler une disposition contraire tendant à les punir.
Il faut distinguer, dans les biens d'un accusé contumax, ceux qui sont à lui et ceux de sa femme, par exemple, lorsqu'il en a une et qu'elle a du bien dont il n'est que l'administrateur. La justice, par cela même qu'elle est la justice, ne peut toucher à ceux-ci. Les enfants d'un contumax innocent, ou même coupable, n'en ont pas moins le droit de vivre, et de vivre sur les biens de leur père. Il faut donc distraire de la saisie tous les biens propres à la femme et toute la portiou des biens du contumax, nécessaires à ia subsistance des enfants.
Je crois qu'il est de la justice d'accorder également une provision au père et à la mère de l'accusé, dans le cas où ils seraient dans le besoin. Vous savez que c'est une obligation imposée par les lois et par la nature elle-même à un enfant de nourrir son père et sa mère lorsqu'ils ont des besoins.
l'ainè appuie l'opinion de M. Prieur.
Je crois inutile d'ordonner dès à présent la remise des fruits dans la caisse du district et qu'il suffit de dire que les revenus du contumax seront séquestrés et employés comme il sera dit ci-après ; parce que je ne crois pas qu'il soit possible de décider actuellement de l'emploi qui sera fait de ces deniers.
,rapporteur. J'adopte les amendements de MM. Tronchet et Prieur; j'ajouterai du reste que, si ces observations ne sont pas manifestées dans la rédaction de l'article, elles étaient tout au moins dans les intentions des rédacteurs.
Il serait atroce que dans un pays libre la loi s'emparât à la fois de la] personne et des biens des citoyens accusés. La société n'a de droits qtfe sur le crime et le criminel : la personne seule du criminel répond du crime qu'il a commis; elle seule peut être punie. Mais ses biens ne sont pas en votre pouvoir ; ils appartiennent à sa femme, à ses enfants, à sa famille, que vous avez si solennellement déclarée ne pouvoir être entachée par les forfaits d'un de ses membres. Qu'est-ce qu'on vous propose dans cet article? C'est de confisquer les biens d'un accusé qui n'est encore convaincu d'aucun crime, qui peut-être n'est pas coupable, mais timide. Dans l'ancien régime, cette peine odieuse de la confiscation n'était pas connue. A quoi donc vous serviront et votre Constitution et votre liberté que vous vantez tant, si les droits naturels de l'homme y sont moins respectés, si l'ouvrier indigent, qui a manqué du courage nécessaire pour soutenir l'épreuve d'une procédure criminelle, n'a pu s'enfuir sans qu'on enlève à sa femme et à ses en-
fants le pain qu'il leur a laissé? Vos comités ont beaucoup accusé les lois anciennes de tyrannie et ils vous en proposent de cent fois plus tyran-niques. Si vous adoptiez le décret qu'on vous propose, vous rendriez la famille d'un accusé responsable des crimes de celui-ci ; vous la puniriez de ses forfaits; vous réduiriez à la misère une femme et des enfants infortunés qui ont le droit de vivre des biens que leur époux et leur père leur a acquis. Je demande donc la question préalable contre l'article. (Applaudissements.)
,rapporteur. Il n'est pas vrai, tout d'abord, que la confiscation ait été inconnue dans nos anciennes lois, et il n'est pas vrai non plus que vos comités vou3 proposent une confiscation. Confisquer, c'est faire des biens d'un accusé que la justice a condamné la propriété du fisc : ce n'est pas ce que nous vous invitons à faire. Nous vous proposons de saisir les biens d'un contumax, mais pour Jes lai rendre lorsqu'il se présentera en justice, ou à sa famille après sa mort. Une pareille saisie est très différente de la confiscation. Ne vous méprenez pas, d'ailleurs, Messieurs, sur le sens de l'étalage d'humanité que l'on vient de vous faire. Le motif ne vous a pas sans doute échappé : ce n'est pas ici l'intérêt du pauvre ouvrier, du simple artisan que l'on défend; car on sait bien que cette classe d'hommes n'a de biens que le fruit de ses travaux journaliers et que l'accusé qui s'enfuit dans ces conditions emporte tout avec lui, ne laissant à sa femme et à ses enfants aucune réclamation à faire. Mais c'est la cause des grands propriétaires que l'on plaide, de ces hommes riches qui, après avoir commis de grands forfaits, après avoir répandu le trouble et la désolation dans leur patrie, peuvent si facilement et si rapidement s'éloigner. Certes, il serait commode et agréable, pour de tels hommes, après avoir satisfait leurs criminelles passions, de jouir en pays étranger, avec une impunité tranquille, de leurs biens encore, dont les fonds seraient administrés par leur famille ou par leurs amis et dont les produits leur parviendraient partout. Non, il ne faut pas que ces hommes soient plus puissants que les lois; il ne faut pas que la société, exposée à la grandeur de leurs attentats, n'ait aucune prise sur eux. Si on ne peut pas les saisir dans leur personne, il faut les saisir dans leurs biens : tout leur sera rendu, dès qu'ils se rendront eux-mêmes aux lois et à la justice, et une nation généreuse ne peut pas vouloir dépouiller leur famille ; celle-ci héritera de leurs biens, dès que la mort transportera le titre de leur propriété, de leur tête sur celle de leurs enfants ou de tous autres successeurs. Je vous prie, du reste, dé remarquer, Messieurs, qu'il n'est point de pays policé où les principes de la loi que les comités vous proposent ne soient consacrés ; les codes de toutes les nations ont établi cette sorte de responsabilité. Et certes, il n'est aucun peuple où ce même principe reçoive les modifications d'humanité que nous y attachons, en permettant la distraction d'une partie des biens de l'accusé en faveur de sa femme, de ses enfants et de ses père et mère. (Applaudissements.)
La question de la contumace, Messieurs, est une des plus importantes que vous ayez à décider dans votre code criminel ; et il me parait que M. le rapporteur a totalement perdu de vue les premières notions de cette espèce de jugement. Je réponds d'avance que si i'Assemblêe nationale voulait rendre une loi de circonstance, que si l'Assemblée se persuadait que tel sera toujours le malheur du royaume de France, d'avoir dans son sein des ennemis cachés, qui, après avoir commis des crimes, iront jouir hors du royaume, et de l'impunité, et de leur fortune, l'Assemblée nationale ne ferait pas une loi digne de la nation française. J'ai l'bonneur d'observer à l'Assemblée que ce serait étrangement abuser de son patriotisme, que de lui présenter tous les criminels comme criminels d'Etat; il faut espérer que le nombre n'en sera jamais bien considérable. M. le rapporteur suppose qu'un jugement par contumace est un véritable jugement ; il s'est étrangement trompé. Un jugement par contumace n'est qu'un premier jugement; et un premier jugement,en matière criminelle, est nul. (Tumulte.)
Plusieurs membres: Aux voix 1 aux voix!
Je vais vous développer mon assertion ; et j'espère qu'après l'avoir ainsi présentée à l'Assemblée nationale, elle sera jugée à l'abri de toute réplique. Il est reconnu dans vos lois, Messieurs, que lorsqu'un accusé a été condamné à mort par un premier jugement, si cette sentence n'est pas confirmée par un tribunal souverain, cet homme qui, meurt dans les liens d'une (sentence qui le condamne à mort, meurt innocent aux yeux de la loi. (Murmures.) G'est la jurisprudence anglaise qui a engendré l'article qu'on nous propose. Or, Messieurs, il est reconnu en France, en Angleterre et dans l'Europe entière, qu'il n'y a rien de plus barbare, dans la législation, que toutes les dispositions des lois anglaises, relativement aux jugements de contumace. En France, le jugement était nul aux yeux de la loi, dès que l'accusé se représentait devant la justice. (Interruptions.) Dans une cause qui intéresse l'humanité, on ne doit pas craindre de heurter l'opinion de personne; nous cherchons la vérité. Or, Messieurs, cette disposition des lois françaises a été respectée chez tous les peuples policés. Il n'en est pas ainsi en Angleterre : là on a été frappé du besoin de concilier à la loi un profond respect. El en effet, c'est la première pensée morale qu'on doit donner à un peuple libre, parce que le respect pour la loi est le plug grâttd ressort pour la force publique. Mais les Anglais, Messieurs, ont été beaucoup trop loin: un homme qui est contumax est comme déchu de son caractère d'homme. On le met au rang des bêtes féroces, tout le monde peut le tuer comme l'ennemi de la société : il est au rang des loups; c'est l'expression métaphorique dontles Anglais se servent. De là découle une autre disposition atroce que personne ne soutiendra jamais : c'est qu'en Angleterre un jugement par contumacê u'est pas revu : si l'accusé revient, on ne l'écoute plus, on l'exécute. Sont-ce là les lois que vous voulez adopter? ,
Plusieurs membres : Non! non!
Vous ne Voulez pas adopter ces conséquences, Messieurs, elles révolteraient votre humanité; mais insensiblement on vous en fait adopter une autre qui doit blesser votre jus-
tice. Quelles sont les premières notions de justice en matière criminelle? C'est en général de proportionner la peine au délit. Un homme a fait la contrebande, il a péché par acidité. C'est son avidité que l'on punit par des amendes, par des confiscations; mais quelle étrange inconséquence ne serait-ce pas. Messieurs, que de le dépouiller de l'administration de ses biens, tandis que sa famille ne pourrait pas en être légalement dépouillée, s'il avait été légalement condamné au dernier supplice! Je demande si la confiscation des biens d'un accusé est un acompte de la potence; ce n'est, Messieurs, qu'à ce titre que vous pouvez vous emparer de ses oiens. Vous avez l'air de dire : si je tenais le coupable, je le ferais monter sur l'échafaud ; le coupable m'a échappé, je vais le puoir de la mauvaise police du royaume, qui ne m'a pas permis de m'emparer de sa personne, et me consoler de son évasion en confisquant arbitrairement ses biens. Ce n'est pas là un raisonnement de législateur. Les biens d'un accusé,- Messieurs, sont absolument étrangers à sa conduite morale. Si vous voulez parler d'un criminel d'Etat, faites une exception pour lui, je ne m'y oppose pas; mais dans lès cas ordinaires, je prétends que la loi est criminelle quand elle change un supplice en amende ; ce n'est pas par des amendes qu'il faut que les crimes soient punis. C'était l'ordre ancien de la barbarie du temps des épreuves de l'eau bouillante et du fer rouge; mais les amendes doivent être bannies du code d'un peuple libre; les amendes sont étrangères à la loi, et surtout à la loi en matière criminelle. Ët remarquez, Messieurs, qu'en vous emparant des biens d'un contumax, vous le condamnez à commettre des crimes. De quoi vivra-t-il lorsqu'il Sera en fuite ? On a bientôt dit : je demande qu'il se présente. Eh ! Messieurs, quand on connaîties erreurs de la justice, les dangers d'une justice criminelle, on n'est pas si sévère, on n'est pas si rigoureux pour le compte d'autrui. Je demande que les biens ne puissent jamais être saisis provisoirement, tant que l'instruction d'un procès criminel dure : car je ne resarde la contumace que comme une partie de l'instruction, puisque, après la contumace, l'accusé est toujours à même de faire recommencer l'instruction du procès criminel dirigé contre lui. Ce serait une précaution barbare, Messieurs, au moins durant les premières années. Je conclus en demandant la question préalable sur l'article.
Plusieurs membres : Aux voix !
J'ai la parole, mais je l'abandonne si les raisons du préopinant n'ont point fait de sensation sur l'assistance.
Plusieurs voix : Non î non !
Plusieurs voix : La question préalable sur l'article.
(La question préalable est mise aux voix et rejetée-)
,rapporteur. Le comité adopte les amendements de MM. Tronchet et Prieur et vous propose en conséquence la rédaction suivante :
Art. 13.
« Pendant toute la vie de l'accusé, tant qu'il sera couturoax, le produit de ses biens saisis sera versé dans la caisse du district, en la forme qui
sera déterminée par la suite ; néanmoins, s'il a une femme et des enfants, ou un père et une mère dans le besoin, ils pourront demander sur les biens personnels la distraction à leur profit d'une somme, laquelle sera fixée par le tribunal criminel. » (Adopté.) Art. 14.
« Après la mort de l'accusé, prouvée légalement ou lorsqu'il aura atteint l'âge de 80 ans, ses biens saisis seront restitués à ses héritiers légitimes. »
l'ainé.Il n'est pas possible d'adopter les mesures qui vous sont proposées par le comité; elles sont barbares; elles répugnent à l'humanité. Je demande donc qu'après 30 ans que le crime aura été commis et qu'il y aura eu exécution figurative, le coupable puisse rentrer dans sa patrie et être réintégré dans ses biens.
Je crois que l'article doit être ajourné et renvoyé au comité, pour que préalablement il détermine les termes de la prescription, soit du crime, soit du jugement.
J'appuie le renvoi demandé par M. Tronchet. Nous devons davantage respecter les drois de l'humanité qu'on ne l'a fait sous le despotisme : car, sans cela, il est inutile que vous vous vantiez de votre liberté. La prescription était fixée sous le régime ancien à 20 ans et à 30 ans, lorsqu'il y avait eu exécution figurative; en appuyant la demande de renvoi, je demande aussi que la prescription soit réduite à 20 ans. (L'Assemblée ordonne l'ajournement et le renvoi de l'article 14 au comité.)
annonce l'ordre du jour de la séance de ce soir.
J'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée nationale que, par un décret du 2 novembre, elle a décidé qu'il serait sursis à la nomination de la municipalité de Nîmes jusqu'au rapport sUr les troubles de cette ville. Je me suis constamment adressé au comité pour presser ce rapport ; on m'a dit, la sémaine dernière, qu'il était prêt, et M. le président du comité a écrit à M. l'abbé Grégoire, alors président de l'Assemblée, pour le prier de mettre cette affaire à l'ordre de ce soir. Je vois cependant cet ordre interverti. Je n'ajouterai qu'un mot. Depuis six mois, 14 accusés sont dans les cachots, et ils ne peuvent obtenir la preuve des délits qu'on leur impute.
En l'absence de M. le rapporteur du comité, j'annonce à l'Assemblée qu'effectivement le rapport est prêt; mais que ce matin les députés du département nous ont représenté la nécessité d'un délai pour de nouveaux éclaircissements. Je pourrais ajouter, s'il en était besoin, que M. Marguerittes, maire de Nîmes, est convenu devant sept ou huit personnes que ce rapport ne pouvait être fait sans mettre le feu dans ce pays.
Nous sommes seize députés du département du Gard. Je demande combien il y en a qui sollicitent le délai.
Six ou sept.
Il y a un mois qu'étaot allé au comité, on m'a promis que le rapport serait fait incessamment, et cependant il n'en est rien. M. le président du comité m'a même dit : on vous renvoie de jour eniour, parce qu'on a pensé que le temps fixé pour le serment ces ecclésiastiques fonctionnaires publics n'est point du tout propre à ce rapport. On a annoncé a Nîmes que les conclusions du comité étaient de casser ignominieusement la municipalité. J'observe que, pour casser une municipalité....
Vous sortez de l'ordre de la discussion.
Pour firouver que personne n'est plus intéressé que es officiers municipaux au maintien de l'ordre, je dirai que nous possédons entre cinq ou six, plus de 15 à 1,800,000 francs de bien à la porte de Nîmes, que nous y avons notre famille et nos enfants. J'ai donc l'honneur de proposer deux dispositions....
Vous êtes monté à cette tribune pour l'éclaircissement d'un fait, et non pour proposer des dispositions.
On vous a dit que j'étais convenu moi-même que le rapport exciterait des troubles. Oui, si on cassait la municipalité avec ignominie. Je demande qu'il soit procédé à la nomination de nouveaux officiers municipaux; et cependant, pour vous procurer le plaisir de casser un maire, j'annonce que je ne donnerai pas ma démission.
C'est moins le rapport de l'affaire de Nîmes qu'une question de protestantisme et de catholicisme qu'on veut agiter dans un moment où on apprend que la -très grande majorité, je dirai presque la totalité des fonctionnaires ont prêté leur serment. (Applaudissements.) Plusieurs voix à droite : Non ! non !Plusieurs voix à gauche : Oui ! oui !
Plusieurs députés du département du Gard ont senti les inconvénients d'un pareil rapport dans les circonstances présentes ; j'en demande donc l'ajournement.
Plusieurs membres: Aux voix !
(L'Assemblée ordonne l'ajournement du rapport.)
Un membre du comité de Valiénation des domaines nationaux propose et l'Assemblée décrête la vente de différents biens nationaux de la manière suvante :
* L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par ]e même décret
Savoir :
A. la municipalit6 de Mouthier, d^parteinentdu Doubs, pour............ 23,576 1. 15 s. 4 d.
A celle d'Adam-lc-ver- cel, meme departement..7,326 » »
A celle d Urnans, meme departemeDt............ 147,320 12 »
A celle de vercel, meme departement............55,374 » »
A. celle tie Uonnevaux, même département...... 24,025 10 »
A celle d'Etray, mSme departement............ 5,575 18 »
a ceiieaeLavans, meme (tepartement............ 9,387 8 »
A celle d Orchamps-en- Veane, inline d6parte- ment................... 21,579 16 »
A celle de Lot, meme d6partement............2,322 » »
A celle de Gdvresin, même departcment...... 4.809 15 »
A cellc de Reugney, même département...... 4.383 10 »
A celle de willasans, même departemtnt...... 25,800 » »
A ceiled Hauteville, dé- partement de l'Ain...... 8,720 19 »
A celle dePoncin, même département............ 37,148 6
a cene ae rervay, ue- partement du Jura...... 87,383 » »
A ceile del'oncin, meme département............7,130 15 »
A celle de Montbarrey, même département...... 13,178 » »
A celle de Marpain, m6oie d^partement......7,693 19 4
A celle ae Parrecey, même departement...... 47,893 » »
- Le tout ainsi qu il est plus au long detail^ dans les d6crets de ventes et 6tats d'estimations respectifs, annexes & la minute du proc&s-verbal de ce jour.
léve la séance à trois heures et demie.
Séance du er
février 1791
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des différentes adresses suivantes:
Lettre des administrateurs du directoire du département de la Côte-d'Or, qui font hommage à l'Assemblée nationale d'une adresse qu'ils ont envoyée aux habitants de ce département, pour les prémunir contre l'égarement dans lequel les
ennemis de la Constitution s'efforcent de les plonger, sous le faux prétexte de religion.
Adresse de la Société des amis de la Constitution de Saint-Tropès, qui réclame une loi contre le duel.
Adresse de M. Rivière, prêtre, résidant à Mor-lagne au Perche, qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage imprimé en faveur de la constitution civile du clergé.
Adresse, du même genre, de M. Major, professeur au collège de Bar-le-Duc.
Adressede MM. Boulard, curé du Port-sur-Saône ; Moulis, curé de Saint-Sulpice de Gretienville ; Vaillant, curé de Louversey, près Gouches; de frère Archange Gusman, récollet, ancien lecteur de théologie, gardien de Gondrecourt-le-Cbâteau-Por-ligny en Barrois; du sieur Chauchot, curé d'Is-sur-Tille, près de Dijon, qui tous envoient à l'Assemblée nationale les protestations de leur serment civique, avec les discours qu'ils ont prononcés avant la prestation; discours qui respirent la piété la plus vraie et le patriotisme le plus pur.
Je demande à déposer sur le bureau une adresse et un arrêté du département de Maine-et-Loire, relatifs à un prétendu bref du pape, répandu avec profusion dans ce pays. Les citoyens ont été promptement détrompés, et la Constitution ne leur en •est devenue que plus chère. [Je saisis cette occasion pour faire part à l'Assemblée nationale des mesures prises dans le département de Maine-et-Loire, pour y maintenir l'ordre public dans la circonstance délicate où nous nous trouvons. Les trois corps administratifs se sont étroitement unis pour briser, par la force de la loi, la coupable résistance qu'on veut apporter à son exécution, et nos concitoyens se sont casernés dans la ville d'Angers, en corps nombreux, pour être toujours prêts à se porter partout où il est besoin, et ils doivent garder cette position jusqu'à ce que nous soyons sortis de la crise actuelle. (On applaudit.) Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes : Adresse de la municipalité de Belont, district de Dôle, département du Jura, qui annonce que son curé a prêté son serment civique, après avoir prononcé un discours patriotique. Adresse des administrateurs du district de Vierzon, qui annoncent que leur digne pasteur et ses vicaires ont fait avec une grande solennité leur serment civique.
annonce que le .sieur Varin, curé de Treçon et maire de la municipalité dudit lieu, a fait le serment, conformément au décret du 27 novembre dernier, d'être tidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout son fiouvoir la nouvelle Constitution décrétée par 'Assemblée nationale et acceptée par le roi.
annonce que le sieur Ouverger, curé de la ville de Bourg, chef-lieu de district, département de la Gironde, a prêté son serinent civique dans l'église paroissiale, en présence des officiers municipaux, du conseil de la commune, des membres du directoire du district, et d'un très grand nombre d'autres assistants; et qu'il a prononcé un discours patriotique qui renferme les principes les plus analogues à la Constitution. La municipalité fait l'offrande du dis- cours, et supplie l'Assemblée d'en faire une mention honorable dans ses procès-verbaux. Un de MM. les secrétaires fait lecture de la dénonciation, qui a été mise sur le bureau, du mandement de M. l'évêque de Séez, portant adoption de l'instruction pastorale de M. l'évêque de Boulogne, sur l'autorité spirituelle de l'Eglise, et de l'arrêté du directoire du département de l'Orne, contenant les expressions du plus pur patriotisme et les dispositions où on est, dans ce département, de nommer incessamment au remplacement des fonctionnaires publics ecclésiastiques qui ne prêteront pas le serment décrété par 1 Assemblée nationale. (Applaudissements.)
Je demande qu'il soit fait une mention honorable de cette dénonciation dans le procès-verbal.
Le département de l'Orne, dans son arrêté, s'est arrogé des droits qui n'appartiennent qu'au Corps législatif ; il est important de ne pas approuver de pareils écarts que les corps administratifs ne se permettent que trop souvent.
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait une mention honorable dans le procès-verbal de l'arrêté du directoire de ce département, ainsi que de tous les serments civiques annoncés dans le présent procès-verbal).
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse du département du Jura, qui supplie l'Assemblée nationale de ne pas étendre les nouvelles barrières à plus de 2 lieues de la frontière, et de fixer la lieue à 2,000 toises.
(L'Assemblée en ordonne le renvoi au comité de commerce.)
Un membre annonce que le district de Charle-ville, département des Ardennes, a vendu, les 13 et 20 janvier, pour 535,445 livres de domaines nationaux, estimés 319,2331.1 s. 2 d.
L'ordre du jour est un -projet de décret du comité des colonies pour l'envoi des commissaires aux colonies.
,rapporteur. Messieurs, l'Assemblée a ajourné à aujourd'hui le projet de décret sur l'envoi de commissaires à Saint-Domingue. Cette mesure est une conséquence de celle déjà prise; c'est une partie de l'ensemble des mesures que l'Assemblée a résolu pour porter enfin le calme dans les colonies. C'est surtout pour presser le moment de leur nouvelle organisation qu'elle a d'abord décrété l'envoi de forces nécessaires pour y prévenir de nouveaux troubles et pour y assurer, dans tous les cas, l'exécution des lois ; elle a ensuite annoncé la confection de nouvelles instructions qui, dans les mêmes principes que les premières, plus étendues, plus développées, réduites en articles positifs, seront propres a établir définitivement partout une organisation plus forte et vraisemblablement définitive. A ces deux mesures elle a voulu en joindre une troisième, qui consiste à envoyer dans chaque colonie les commissaires qui, avant l'arrivée des instructions, puissent rapprocher les esprits, établir le résultat nécessaire pour assurer leur succès, pour prévenir les doutes, les fausses interprétations et les suites des erreurs, les troubles qu'on voudrait encore y exciter. On assure, par là même,
le succès de vos procédés, la paix et la satisfaction des habitants.
Nous venons aujourd'hui, après l'avoir annoncé deux fois à l'Assemblée, vous proposer définitivement les mesures à prendre.
Saint*Domingue, à raison de la distance, de la différence des lieux, demande des commissaires particuliers ; et Gayenne également, en raison de la difficulté de la communication et de la distance, demande aussi un commissaire par-ticulier ; les colonies d'Amérique se divisent d'elles-mêmes en trois portions ; il a donc fallu que des commissaires exprès fussent revêtus de la même mission. Arrivés là avec les instructions faites en présence des députés des colonies, des députés des partis opposés, nous avons lieu d'espérer qu'ils y porteront d'autant plus facilement l'accord et l'union que nous avons déjà la consolation de pouvoir dire qu'il n'a fallu que ia force de la raison, quand d'ailleurs leurs intentions étaient bonnes, pour ramener les députés opposés d'abord aux principes qui doivent convenir à tous, c'est-à-dire au développement de ceux que vous leur aviez envoyés.
Nous vous présentons un projet de décret très court, mais précédé d'un préambule que nous croyons nécessaire pour des pays éloignés où les intentions de l'Assemblée ne sont pas aussi bien connues qu'en France.
Nous avons ajouté pour Saint-Domingue la faculté de suspendre les jugements de3 affaires criminelles qui pourraient avoir été intentées à raison des troubles qui ont eu lieu daos les colonies, parce qu'au moment où l'on veut parvenir à la fin de toute division, il est important d'apporter de la douceur dans la disposition des pouvoirs publics. Ce n'est donc qu'autant que la continuation des troubles ou de mauvaises intentions évidentes exigeraient la continuation des voies judiciaires, qu'ils les emploieraient, mais ils auront le pouvoir de les suspendre toutes les fois que le bien public et la tranquillité pourront 1 exiger.
Voici notre projet de décret :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le comité des colonies :
* Voulant réunir tous les moyens propres à assurer la tranquillité des colonies, et presser l'établissement des lois qui doivent les faire participer à la régénération de l'Empire ;
« Considérant que, pour parvenir à ce but, elle a annoncé qu'il leur serait incessamment adressé des instructions, et qu'en faisant précéder cette mesure d'un développement de puissance capable de faire cesser les troubles et de rassurer les bons citoyens, elle en a confié la disposition, dans les lies du Vent, à des commissaires nationaux, pour que l'influence de la persuasion pût accompagner toujours l'usage de l'autorité ;
« Qu'il entre également dans ses vues de faire concourir les mêmes mesures dans les autres colonies, et notamment dans celle de Saint-Domingue, où, après avoir anéanti des actes illégaux et employé des moyens de sévérité pour maintenir l'autorité des lois, il est conforme à ses principes de vouloir calmer les esprits, faire cesser les divisions, et conduire paisiblement à un vœu commun tous ceux qui désirent le bien public;
« Décrète ce qui suit :
« 1° Le roi sera prié d'envoyer dans la colonie de Saint-Domingue trois commissaires civils, chargés d'y maintenir l'ordre et la tranquillité publique ; à l'effet de quoi il leur sera donné tous
pouvoirs à ce nécessaires, môme celui de suspendre, s'ils l'estiment convenable, les jugements des affaires criminelles qui auraient été intentées à raison des troubles qui ont eu lieu dans cette colonie, ainsi que l'exécution de ceux desdits jugements qui auraient pu être rendus.
« 2° L'assemblée coloniale, qui a dû être formée en exécution du décret du 12 octobre dernier, ne pourra mettre à exécution aucun de ses arrêtés 6ur l'organisation de la colonie, avant l'arrivée des instructions qui lui seront incessamment adressées.
t 3° Le roi sera également prié d'envoyer dans la colonie de Gayenne et la Guyane française deux commissaires civils, pour y exercer les fonctions et les pouvoirs délégués par le décret du 29 novembre aux commissaires destiués pour les lies du Vent. »
J'ai l'intention de vous soumettre quelques observations sur les colonies, si toutefois elles sont encore à nous ; mais les désordres. .... (Murmures.)
Je demande que l'opinant s'explique. Tous les colons sont prêts à répandre leur sang pour la patrie.
Je suis bien loin de vouloir calomnier ou dénaturer les sentiments des colons; mais personne n'ignore les insurrections de Saint-Domingue, personne n'ignore combien ces insurrections sont dangereuses ni quels en sont les auteurs. G'est sous ce rapport que je soutiens que nos colonies sont en danger. Si l'Assemblée avait voulu s'occuper promptement des colonies, de leurs relations avec la métropole, nous n'aurions pas vu l'esprit d'inquiétude et d'exagération y exciter des désordres. Il est bien étonnant qu'un préopinant, habitant et administrateur des colonies, ait osé m'interrompre.....Je ne m'oppose pas à l'envoi des commissaires; mais je demande si, dans la position critique où sont les colonies, il est convenable que des commissaires du, roi ou de l'Assemblée, car je n'en sais rien.....
,rapporteur. Les commissaires de l'Assemblée nommés parle roi.
Monsieur l'opinant, vous devez savoir que les commissaires, dont l'envoi est décrété par l'Assemblée nationalerne peuvent jamais être que des commissaires de la nation nommés par ie roi.
Je demande ce que les commissaires feront dans les colonies, s'ils y
arrivent sans instructions. S'ils en ont, pourquoi ne les
connaissons-nous pas? Il ne peut y avoir d'instructions publiques que
nous ne connaissions pas. Je reviens donc à la question : que feront-îls
sans instructions ? La chose la plus importante, pour l'intérêt du
commerce, est que l'Assemblée s'occupe des questions relatives aux
colonies, sur la conservation des propriétés, et leurs relations avec la
métropole. Jamais nous n'aurons de colonies, si ces principes
fondamentaux, dont l'oubli cause tant de résistances, ne sont pas
établis..... On envoie un commissaire |à Gayenne. Je suis peut-être le
seul membre de l'Assemblée qui soit ullé à Gayenne. Un membre : Vous
n'avez qu'à y retourner. (Rires.)
Je demande si M. le rapporteur est instruit de ce qui se passe dans celte lie, ou si l'on envoie un commissaire, sans savoir pour* quoi, dans une petite coloDie où l'on n'entend pas vos décrets, où l'on a regardé le gouverneur comme un despote, parce qu'il voulait exercer le droit d'approuver ou d'improuver les décrets de l'assemblée coloniale. Elle ne produit que 60,000 livres d'impositions, et elle coûte à la métropole 105,000 livres. Il me semble que de tels détails valaient bien la peine d'être communiqués à l'Assemblée.....Il faut donner aux commissaires de véritables pouvoirs. Pourquoi les instructions ne sonl-elles pas faites?.....
Je voudrais soulager la mémoire de M. Malouet ; il a cru que j'ignorais que les colonies ont beaucoup à se plaindre d'une certaine classe de personnes. C'est pour arrêter au contraire les désordres qui pourraient en résulter,que nous proposons d'envoyer des commissaires...M.Malouet s'est étonné de ce qu'un administrateur des colonies l'interrompait; mais lui,qui est administrateur aussi, et très fort sur les principes de la Constitution.»., il doit savoir que c'est au pouvoir exécutif responsablequ'ilappartientdedonneraux commissaires, qu'il nomme, des instructions conformes aux décrets. Le ministre de la marine a rédigé des instructions qu'il a même communiquées à plusieurs personnes; et je ne doute pas que M. Maiou et lui-même n'en ait connaissance.....Ce que M. Barnave propose a été convenu entre tous les députés ordinaires et extraordinaires des colonies, et avec tous les colons instruits de l'état actuel des colonies. Les commissaires sont envoyés pour préparer les colonies à recevoir les instructions que l'Assemblée va incessamment décréter, pour empêcher les babitauts de s'entre-déchirer, en attendant que l'organisation définitive y soit parvenue. Quant à l'histoire de Cayenue, à l'histoire du gouverneur, à l'histoire de la petite assemblée coloniale, si tous ces désordres existent, si les décrets de l'Assemblée nationale y sont mal entendus, c'est un motif de plus pour y envoyer des commissaires. Un membre : Il faut envoyer M. Malouet, commissaire de l'Assemblée, à Cayenne.
Si les commissaires ont d'autres instructions des ministres, qui aient été concertées avec le comité colonial, au moins fallait-il que M. le rapporteur voulût bien en instruire r Assemblée; et mon doute et mes interpellations étaient au moins fondées.
,rapporteur. Il y a en effet deux natures d'instructions : les instructions ministérielles qui sont les commentaires des décrets rendus par l'Assemblée et qui, naturellement, ne doiventêtreconnues que du ministre et de l'agent du pouvoir exécutif qui les reçoit; l'un et l'autre en sont responsables ; les autres instructions sont relatives ou à l'interprétation des lois ou à des règles générales qui ne peuvent être statuées que par l'Assemblée nationale. Telles sont précisément les instructions annoncées par le comité colonial et destinées à présenter un mode d'organisation pour les colonies. Ce travail a été incontestablement très étendu, puisqu'il est très long de constituer un pays quelconque; cependant il est à présumer que le comité colonial, en deux séances de travail, pourra parachever son ouvrage. Du moment qu'il sera fait, nous ne le proposerons pas immédiatement à l'Assemblée ; mais nous la prierons de vouloir bien nous adjoindre les membres des comités de Constitution, d'agriculture, de commerce et de marine, pour examiner la nature du travail : car nous sommes aussi fà hés, aussi embarrassés que qui que ce soit, que des objets qui ont été traités dans les décrets sur les cofonies aient quelquefois paru à l'Assemblée de nature & éloigner toutes les difficultés. Quoique les instructions du 28 mars dernier, qui sont éminemment le décret le plus important qui soit sorti de cette Assemblée, aient été très longuement, très clairement discutées dans le comité, nous n'en déclarons pas moins, au tnoins moi personnellement, que nous désirons qu'à l'avenir aucun décret quelconque proposé par le comité colonial ne soit adopté sans que tôu3 ceux qui voudront bien en dire leur opinion nu l'aient proposé à l'Assemblée. Nous pensons que les commissaires de la Martinique et des lies du Vent ont dû précéder les instructions, parce qu'il y avait des troubles imminents à faire cesser, qu'il y avait un désordre extrême à réparer avant que nos instructions constituas tes pussent avoir du succès et être de quelque utilités Mais comme à Saint-Domingue, au contraire, le calme parait rétabli et que, malgré les très fâcheuses divisions dont M. Malouet a parlé, il paraît enfin que ce germe de division a cessé, houb avons cru, comme M. Malouet même, que les comonssaires ne devaient vous être proposés qu'au moment où les instructions destinées à être envoyées dans les colonies seraient prêtes à partir. Parla marche que nous avons suivie, ils arriveront en même temps; c'est là, ce me semble, le vœu du préopinant. Quant à ce qu'il a dit de Cayenne et de la Guyane, il est vrai que les principes et les décrets de l'Assemblée générale qui y sont parvenus y ont introduit un esprit contraire, à certains égards, aux décrets rendus par l'Assemblée nationale; comme il est vrai, et ie ne dois pas hésiter de le dire, qu'ube lettre d'un député de Saint-Domingue, étant arrivée deux mois plus tôt dans la colonie de la Guadeloupe, à mis un moment la tranquillité de cette colouie en péril, y a formé un parti puissant en faveur de l'assemblée générale de Saint-Domingue, qui heureusement est devenu inférieur et, par là, a laissé la colonie tranquille. Mais ce^.faits sont une raison de plus pour que les cornmissaires soient porteurs ou précèdent de quelques moments les forces que vous y enverrez, puisque les faits mêmes prouvent qu'à une grande distance les lois ne sont jamais assez claires pour qu'il ne soit pas utile d'avoir un homme qui, avec le caractère national, lève les doutes et les difficultés, Quelle que puisse être la cause des troubles, soit qu'on les doive à une classe d'hommés qui ont voulu y appliquer des principes de philosophie et des principes généraux admis dans la Constitution française, soit que des troubles aient été le fait de quelques personnes turbulentes dont les motifs sont inconnus, mais^ dont souvent les instigations sont parties de France, toujours est-il vrai que, et les instructions prêtes à partir, et les commissaires qui les précèdent, sont utiles dans toutes les propositions. Ils sont en ce moment les voeux des colons et du commerce dont M. Malouet a très à propos stipulé les intérêts et de tous ceux qui oqt intérêt à la chose. Nous no vous présentons qu'un vœu una-
nirae ; après cela, Messieurs, vous êtes maîtres de l'adopter.
Je crois que l'Assemblée peut être entièrement rassurée, puisque M. Barnave vient de dire que les instructions arriveront en même temps que les commissaires.
,rapporteur. Je ne vois pas que l'arrivée des commissaires avant les instructions puisse présenter un inconvénient réel. Un grand nombre de membres demandent que la discussion soit fermée. (L'Assemblée décrète que la discussion est fermée.)
M. Malouet pronoso, par amendement, de faire retarder l'envoi aes commissaires jusqu'au moment où les instructions sur les colonies auront été décrétées.
Ce n'est pas cela.
Ce que M. Malouet a demandé, c'est que les commissaires fussent porteurs des instructions.
Le président n'a pas le droit de faire dire à un opinant ce qu'il n'a pas dit,
Vous avez dit qu'ils devaient être porteurs d'instructions, ce qui signifie que leur départ doit être retardé jusqu'à ce que les instructions soient faites.
J'ai dit qu'il serait fâcheux que les commissaires partissent sans instructions.
Oserai-je demander à M. Malouet si son amendement est qu'il est fâcheux ? Je le prie d'écrire son amendement.
Je n'ai pas d'amendement à proposer. (Le projet de décret est adopté.) L'ordre du jour est un projet de décret du comité des pensions sur les pensions des septuagénaires (1).
,rapporteur, donne lecture du projet de décret du comité.
L'Assemblée, par un décret général, a déterminé la somme qui serait
annuellement appliquée aux pensions ; par un autre décret général, elle
a établi les règles d'après lesquelles les pensions doivent être
accordées. L'application à faire de ces règles pour chaque pension est
une affaire d'exécution. Je demande si c'est une loi que vous allez
prononcer, si c'est l'ouvrage de l'Assemblée nationale, ou si c'est au
contraire celui du comité. Vous décrétez de confiance, au lieu que si
cette distribution de pensions était faite par le pouvoir exécutif, il
en serait responsable; le ministre pourrait être dénoncé comme
prévaricateur. Si vous adoptez le travail de votre comité, le
pensionnaire n'aura pas la voie du recours, et vous n'aurez pas la
,rapporteur. Toutes les observations du préopinant ont déjà été faites. Il est certain que ce n'est pas au comité à fixer les pensions ; vous avez vous-mêmes décrété que c'était au commissaire de la liquidation à faire ce travail; mais comme il avait été commencé par le comité, vous avez voulu qu'il fût continué en ce qui concerne les pensions des septuagénaires, pour ne pas en retarder le payement. Le projet de décret est mis aux voix et adopté en ces termes : L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des pensions, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le Trésor public payera provisoirement, à titre de secours, pour chacune des années 1790 et 1791, la somme de 919,712 1. 10 d., laquelle sera répartie entre les personnes comprises en l'état annexé au présent décret, et suivant la proportion portée audit état. Art. 2.
« Le payement desdites sommes se fera d'après ledit état lorsque le présent décret aura été sanctionné par le roi, sur les quittancés et certificats de vie des personnes qui y sont employées. Art. 3.
« Sur le secours accordé pour l'année 1790, il sera fait déduction, à chacune des personnes employées dans l'état, de la somme de 600 livres ou autre somme qu'elles auraient touchée à titre d'acompte de pension, gratification ou secours pour l'année 1790, et le surplus desdites sommes leur sera payé à bureau ouvert, au Trésor public, à commencer huit jours après la sanction du présent décret. Art. 4.
« Les secours accordés pour l'année 1791 aux personnes comprises en l'état annexé au présent décret seront payés par moitié : la première au 1er juillet prochain, la seconde au lor janvier 1792. Art. 5.
« Au moyen du payement des secours portés en l'état annexé au présent décret, les personnes comprises audit état ne pourront, aux termes des décrets de l'Assemblée nationale, du 3 août dernier, recevoir aucune autre gratification, pension ni traitement; à l'effet de quoi le présent décret sera notifié aux trésoriers des différentes caisses. Art. 6.
« La détermination des secours portés au présent décret ne tirera point à conséquence pour la détermination du montant plus ou moins fort des pensions qui doivent être rétablies aux termes du décret du 3 août dernier. Art. 7.
« L'Assemblée nationale se réserve de statuer incessamment, conformément au décret du 16 décembre dernier, sur le surplus des états des pensions des septuagénaires, à joindre au rapport du comité.
Art. 8.
« Elle se réserve également de prononcer, dans le plus bref délai, sur les secours à accorder aux personnes dont les pensions ont été supprimées, et ne sont pas encore en état d'être rétablies ; ordonne à son comité des pensions de lui présenter incessamment un projet de décret pour fixer ces secours. Art. 9.
Elle ordonne également à son comité de veiller à ce que les demandes des ci-devant pensionnaires, qui doivent être portées au bureau général de liquidation, lui soient rapportées incessamment et sans interruption. »
Premier état des ci-devant pensionnaires de l'âge de soixante-dix ans, auxquels il est accordé des secours.
schaffenberg(Renaud-Henri de), né le 18 avril 1695, capitaine au régiment de Royal-Suédois, retiré en 1779: 34 ans de services, 10 campagnes.
Pension de 1,800 livres net ; secours de pareille somme (art. 10, tit. III),ci.1,800 1. » 8. » d.
Moreau (Grégoire),né le 21 janvier 1696,ancienpré-vôt de la marine à Brest, retiré en 1785: 33 ans de services.
Pension de 1,400 livres net, dont 400 livres sur le Trésor royal et 1,000 livres sur Ja caisse des invalides de la marine ; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci....1,400 » »
Bonneau de la Gal-linierre (Ignace de), né le 21 février 1696 ; doyen des conseillers en la cour des aides de Provence.
Pension de 1,500 livres net; secours de pareille somme (art. 10,tit.III), ci.1,500 » »
Blondel (Louis-Augustin), né le 6 octobre 1696, ancien ministre plénipotentiaire à Manheim : 35 ans de services et dé négociations dans les différentes cours de l'Europe.
Pension de 6,2121.10 s. net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III) ci.6,212 10 »
Ducasse (Pierre), né le 2 juin 1698, ancien chirurgien-major de l'hôpital militaire de Long-wy, retiré en 1789, 68 ans de services.
Pension de 800 livres net; secours de 1,000 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................1,000 » »
Soucellier (Jean-Nicolas), né le 17 mars 1697 :. maréchal des logis de la gendarmerie, retiré en 1761:40 ans de services, plus de 10. campagnes.
Pension de 945 livres net; secours de 1,920 livres, totalité des appointements de son grade (articles 19 et 20, tit. I), ci.. 1,920 1. s. » d.
Le Roy-Dugué (Catherine Guérin, veuve), née le 23 juillet 1697.
Pension de 670 livres net, accordée en considération des services de son mari, lieutenant d'artillerie, tué au siège de Fribourg ; secours de pareille somme(art. 7, tit. I), ci...................... 620 » »
Oize (Jean-Baptiste d'j, né le 24 janvier 1698, capitaine au régiment de Périgord, retiré en 1741 : 27 ans de services effec- tifs.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 6. tit. III), ci. 355 » »
Gaillarbois (Joseph), né le 14 novembre 1698, capitaine des grenadiers de France, retiré en 1756 : 36 ans de services en différents corps, 10 campagnes.
Pension de 670 livres net; secours de 1,020 livres (art. 19 et 20 du titre l et art. 2 du titre II), ci.....................1,020 » »
Rigandeaux (Antoine), né le 16 novembre 169», ancien chirurgien aidé-major de l'hôpital militaire de Douai : 60 ans de services.
Pension de 265 1. 10 s. net; secours de600 livres, totalité de ses appointements (art. 19 et 20, tit. I), ci..................... 600 » »
Desforges (Paul-Nico? las), né le 19 août 1699, capitaine au régiment Dauphin-Etranger (cavalerie), réformé en 1763 : 42ansde services, 14 campagnes.
Pension de 354 livres net ; secours de 1,500 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. I), ci.. 1,500 » »
Theurel (Jean), né le 8 septembre 1699, ancien soldat au régiment de Touraine, retiré en 1783 :
70 ans de services, grand nombre de campagnes.
Pension de 300 livres net; secours de 600 livres (décret du 30 janvier 1791), ci........... 600 1. » s. » d.
Mairon (Antoine), né le 12 novembre 1700; admis à la conservation de sa pension de 1,573 1. 8 d. net, accordée pour avoir perdu la vue après 18 ans de services dans les bureaux des hôpitaux du département de la guerre : secours de pareille somme (art. 10, tit. III; art. 17, tit I), ci. 1,573 6 8
méri de la canorgue (Josephde),néle28octobre 1701, ancien conseiller au Parlement de Provence.
Pension de 1,000 livres net, en considération de ses services; secours de pareille somme (art. 7. tit. III), ci............. 1,000 » »
Reins (Nicolas de) , né le 1er février 1701, capitaine des grenadiers du bataillon des milices de Troyes, retiré en 1761.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art.6, tit.III), ci. 355 » »
Làngelé (Louis-Jacques), né le 7 mars 1701 : 70 ans de services comme conseiller et président du Grand-Conseil.
Pension de 837 livres net; secours de-pareille somme (art. 10. tit. III),ci. 837 10 »
Vincent de Surennk (Louis), né le 16 mai 1701, lieutenant au régiment Dauphin (cavalerie),retiré en 1762:42 ans de services, 13 campagnes, plusieurs blessures.
Pension de 355 livres net; secours de 600 livres, totalité des appointe-., ments de son grade (article 19 et 20, tit. I), ci.. 600 » »
Cambis (Gaspard de), né le 30 mai 1701,ancien lieu* tenant au régiment de Maugiron (cavalerie), retiré en 1742 : plusieurs années de services.
Pension de 355 livres net ; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci, 355 » »
Ajourné pour la demande que le susdit sieur fait de la pension accordée jusqu'ici au plus ancien chevalier de Saint-Louis.
Machault (Jean - Baptiste), né le 13 décembre 1701, ancien garde des sceaux et secrétaire d'Etat au département de la marine et des tinances.
Pension de 31,500 livres net; secours de 20.000 li-vres|(art. 10, tit. III), ci......20,000 1. » s. » d.
Pastour deCostebelle (Jean-François), né le 8 juillet 1701, capitaine de vaisseau retiré en 1774 ; 55ans de services, ^campagnes sur mer, 6 sur terre.
Pension de 2,700 livres net; secours de 3,600 liv., totaiitédes appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. I), ci............3,600 » »
Souvigny (Jacques-Antoine de), né le 4 janvier 1702, maréchal des logis de la gendarmerie, retiré en 1765, lieutenant-colonel : 39 ans de services, 18 campagnes.
Pension de 837 liv, 10 s. net; secours Ide 4,000 livres, totaiitédes appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. I), ci.................4,000 » »
Faulconnier (Jacques), né le U janvier 1702, ancien subdélégué de l'intendance de Moulins.
Pension de 1,200 livres net ; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci 1,200 » »
Mathelin de Monty (Pierre-Joseph de), né le 23 mars 1702, capitaine de grenadiers au régiment de Champagne, retiré en 1756 : 36 ans de services, 16 campagnes.
Pension de 443 liv. 15 s. net; secours de 1,200 livres, totalité des appointements de son grade (art. 10 et 20, tit. I), ci..... ..................1,200 » »
Lobraine d'elbeufde Rontot (Henri-François de), né le 7 mai 1702, commandant de bataillon au régiment de Mailli, retiré en 1752 : 34 ans de services, 9 campagnes.
Pension de 532 liv. 10 s. net; secours de 1,799 liv. 10 s. (art. 19 et 20, tit. III (ci.........1,799 10 »
Beaudet de Morlet (Jean-Pierre), né le 23 mai 1702 :46 ans de services, tant en qualité de commissaire des guerres que de subdélégué.
Pension de 1,062 liy. net; secours de 3,060 liv. (art. 19 et 20, tit. I), ci..3,060 1. » s. » d.
0benheim(Àimé-Magnu8 d'), né le 2 se p te m bre 1702, lieutenant général des armées : 40 ans de services, 20 campagnes.
Pension de 8,185 liv.16 s. 8 d. net ; secours de 6,000 livres (art. 5, tit. III), ci..............6,000 » »
Dionis (Louis-Achille), né le 12 septembre 1702, ancien doyen de la cour des aides.
Pension de 837 livres 10 sous net, accordée en considération de ses ser-vices en lasusditequalité; secours de pareille somme (art. 7, tit. III) ci.......837 10 »
Albert de Rioms (François d'), né le 22 septembre 1702), ancien major de la ville de Dié.
Pension de 932 1. 10 S. net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III) ci 932 10 »
Pavel de Montoron (Paul), né le 16 octobre 1702, capitaine au régiment de Bresse, retiré en 1763 : 29 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 355 livres net ; secours de pareille somme (art. 6, tit. III) ci. 335 » »
Pelet (Jean de), né le 1er décembre 1702, maréchal de camp, retiré en 1768, lieutenant-colonel ; 45 ans de services, 15 campagnes sur terre, 5 ans de services hors de l'Europe.
Pension de 3,724 livres net; secours de 4,000 liv. (art. 5, tit. III), ci......4,000 » »
Minard (siéur Desaleux Edme-Etienne), né le 17 janvier 1703, directeur d'artillerie, retiré en 1780 : 58 ans de services, 10 campagnes.
Pension de 5,066 liv. 5 s. net; secours de 4,800 livres, totalité de ses appointements (article 10, tit. I) ci........4,800 » »
Thorel (Charles-Ignace-Alexis), né le 9 février 1703, ancien directeur du dixième de la généralité de Poitiers.
Pension de 1,200 livres net ; secours de pareille somme (art. 10, tit. III) ci 1,200 » »
Mort le 19 novembre 1790.
Tartas de Romain^ ville (René), né le 13 février 1703,'capitaine au régiment de Bourgogne, puis major de la ville d'Amiens, retiré en 1778 : 56 ans de services ; 10 campagnes.
Pension de 353 liv. 5s. 8 d. net; secours de 2,000 livres, totalité de ses appointements de major (art. 19 et 20, tit. I), ci......................2,000 1. » s. » d.
Cosson de Filliette (Nicolas), né le 17 juin 1703, capitaine au régiment d'Harcourt (cavalerie), retiré en 1755:33 anB de services,12campagnes,
Pension de 532 livres 10 sous net ; secours de 975 livres (art. 19 et 20, tit. III) ci.......975 » »
Blonquier (Claude-Alexis), né le lo juillet 1703, commis au département de la guerre, 27 ans de services publics.
Pension de 4,000 livres net; secours fie 3,000 liv. (art. 10 tit. III) ci......3,000 » »
Baillié (Alexandre), né le 15 août 1703, capitaine au régiment Royal-Ecossais, réformé en 1763 : 29 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 200 livres; secours de pareille somme (art. 6, tit. III) ci.200 » »
Monet (Jean-Antoine), né le 23 août 1703.
Pension de 6,000 livres net, accordée en récompense de la distinction avec laquelle il a rempli différentes commissions particulières dont il a été chargé par le gouvernement; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci 6,000 » »
Buisson de Beaute-viLLE(Pierre),né le 15 septembre 1703, lieutenant général des armées : 43 ans de services, plus de 10 campagnes, 13 ans d'ambassade en Suisse.
Pension de 17,310 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III) ci......................17,310 » »
Tusant d'Egremontde Chopé (Louis), né le 12 novembre 1703; ancien capitaine au régiment de Roval-Etranger, retiré en 1761: 35 ans de services, 15 campagnes.
Pension de 531 livres
net; secours de 1,920 livres (art. 19 et 20,'.tit. Ier), ci..................... 1,920 1. » s. »
d.
La Barre (Michel), né le......... 1703, ancien chirurgien de l'hôpital de Soissons.
Pension de 150 livres net, accordée par l'intendant et confirmée par l'administration provinciale, en considération de ses services; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci............. 150 » »
Guérif(François), né le 8 décembre 1704, commis principal des classes de la marine, retiré en 1777: 54 ans de services.
Pension de 530 livres net; secours de 900 li-. vres (art. 19 et 20, tit. I), ci........................900 » »
Peyrotte (André-Charles), né le 27 janvier 1704, ancien chancelier d'ambassade à Constantinople: 17 ans de services.
Pension de 1,000 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci!...................... 1,000 » »
Montmorin (Jean-Baptiste-François), néle 10 février 1704, lieutenant général des armées: 28 ans de services en activité, 12 campagnes.
Pension de 27,000 livres net; secours de 6,000 livres (art. 5, tit. III), ci..................... 6,000 » »
12,000 livres de cette pension, qui avaient été accordées à son épouse pour lui servir de douaire, lui étaient restées à titre de réversibilité : 3,000 livres pour le dédommager de ses dépenses de la capitainerie des chasses de Fontainebleau; enfin une somme de 8,000 livres jusqu'à ce j qu'il lui eût été accordé d'autres grâces ou emplois militaires, produisant au moins la même somme, quoiqu'indépen-damment de la totalité de sespensions, il fût pourvu du gouvernement de Belle-Ile.
Grosset i (Jean), né le 14 avril 1704, capitaine aide-major au régiment de Navarre (cavalerie), retiré en 1769 : 45 ans de services, 17 campagnes.
Pension de 1,416 livres net; secours de 1,500 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. J), ci............... 1,500 1. » s. » d.
Pellerin de Gauville (Charles-Nicolas), né le 15 avril 1704, capitaine au régiment de la marine, retiré en 1747; 26 ans de services, plu-sieurs campagnes.
Pension de 455 livres net; secours de pareille somme (art. 6. tit. III), ci. 455 » »
Plahault (Adrien), néle 17 avril 1704, capitaine aide-major du régiment de Flamarens, retiré en 1762 : '42 ans de services 19 campagnes.
Pension de 442 1. 10 1. s. net; secours de 1,500 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 10, tit. I), ci..................... 1,500 » »
Laur de La Lanzade Delors ( Paul ), né le 1er mai 1704, capitaine aide-major au régiment de Berry (cavalerie), retiré en 1763 : 40 ans de services, 17 campagnes.
Pension de 708 livres net; secours de 1,500 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. I), ci.. 1,500 » »
La Boullaye (Pierre), né le 21 mai 1704 : lieutenant au régiment de Noailles, retiré en 1759: 35 ans de services, 12 campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de 600 livres (décret du 19 janvier 1791), ci.........it...... 600 » »
Pomarède de Sanserre (Pierre de), né le 22 juin 1704, capitaine au régiment de Bassigny, retiré ep 1743 : 23 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 443 liv., 15 s. net; secours de pareille somme (art. 6, tit* III), ci............. 443 15 »
Flavigny de Renan-sart (Louis), né le 2 septembre 1704, lieutenant-colonel du régiment des grenadiers royaux, rétiré en 1764, et intendant des fortifications de Bourgogne : 44 ans de services, 20 campagnes.
Pension de 2,124 livres
net ; secours de 4,000 livres, totalité des appointements de son grade (art. 16 et 20, tit. III) ci.4,000 I. » s. » d.
jobelot demontureux ( François-Bonaventure), né le 15 septembre 1704, ancien président à mortier du Parlement de Besancon.
Pension de 3,000 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III) ci.....................3,000 » »
Coetlogon (Louis-Emmanuel de), né le 22 octobre 1704, lieutenant général en 1748 : 12 campagnes.
Pension de 1,475 livres net sur le Trésor royal et 200 livres sur les Etats de Bretagne; secours de 3,475 livres (art. 5, tit. III), ci..................... 3,475 » »
Barjolles (Félicité Marchand, veuve), née le 9dé-cembre 1704.
Pension de 443 1., 15 s. net, accordée en considération des services de son mari, commissaire ordinaire des guerres ; secours de pareille somme (art. 8, tit. III), ci. 443 15 »
François dit Cordier (Jean), né le 23 décembre 1704, cavalier de maréchaussée de l'lle-de-Fran-ce, retiré én 1777 : plusieurs années de services.
Pension de 400 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................400 » »
La Barberie (Charles Joseph Bernard), né le 18 janvier 1705, commandant du bataillon du régiment dè Hainaut, re- * tiré en 1762: 36 ans de services, 6 campagnes.
Pension de 708 livres net ; secours de 1,050 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci...................1,050 » »
Cardaillac (Jean de), né le 10 mars 1705, capitaine au régiment de Normandie, retiré en 1755 : 21 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. 111), ci. 355 » »
féval(Claude- Antoine), né le 14 mars 1705, ancien commis à la direction de la balance du commerce,
retiré en 1783 : 56 ans de services.
Pension de 1,500 livres net; totalité de ses appointements, secours de pareille somme (art. 19 et 20, tit. I), ci............1,500 1. » s. » d.
Marie de Toulle (Flo-rimond), né le 26 mars 1705, capitaine au régiment de Grammont (cavalerie), retiré en 1758, et inspecteur du haras : 25 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 1,3321.10s. net; secours de pareille somme (art. 10, titre III), ci......................1,332 10 »
Breton de Gandicourt (Cyr-Bernard),né le 6 avril 1705, capitaine aide-major au régiment de Noailles (cavalerie), retiré en 1756 : 34 ans de services, 10 campagnes.
Pension de 743 1.15 s. net ; secours de 930 livres (art. 19 et 20,tit. I), ci..930 » »
Bénard (Jean-Simon),né le 15 avril 1705, ancien commis du département de la guerre au bureau des fonds : 37 ans de ser-vices.
Pension de 9831.6 s. 8d. secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci......983 6 8
Pécoul (Laurent), né le 27 avril 1705, ancien commis des loteries réunies à la loterie royale de France.
Pension de 800 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III),ci. 800 » »
Séguin de Piégon (Alexandre de), né le 14 juillet 1705, ancien capitaine au régiment de Clermont-Tonnerre, retiré en 1754 : 22 ans de services effectifs, plusieurs campagnes.
Pension de 4431. 15 s. net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.......................443 15 »
Ballard d'Invilliers (Louis-fienri),néle24 août 1705, lieutenant général d'artillerie,retiré en 1770: 50 ans de services, 15 campagnes ; estropié de ses blessures.
Pension de 13,475 livres net ; secours de 12,000 livres, totalité des appointements d'inspecteur général d'artillerie (art. 18, tit. I),ci........ 12,000 » »
THomassin de Peinier (Louis), Dé le 17 septembre 1705, ancien président du parlement d'Aix, intendant des colonies de la Guadeloupe et de la Martinique : 18 ans de services dans les colonies, aux appointements de 66,666 l. 13 s. 4 d.
Pension de 19,8331.6 s. 8 d. net; secours de pareille somme (art. 10, tit. 111), ci.............,19,833 1. 6 s. 8 d.
Rostaing (Louis-Charles), né le 20 septembre 1705, lieutenant général, inspecteur d'artillerie ; 44 ans de services, 10 campagnes.
Pension de 11,800 livres net ; secours de 12,000 livres (art. 19 et 20, tit. 1), ci....................... 12,000 » »
Pestalozzi (César-Hip-polyte), né le 8 octobre 170b, lieutenant général des armées : plus de 10 campagnes^
Pension de 7,625 livres net ; secours de 6,000 livres (art. 5, tit. III), ci... 6,000 » »
Berger de Moydieu (Gaspard-François), né le 18 octobre 1705,procureur général au parlement de Grenoble, retiré en 1767 î 35 ans de services.
Pension de 4,1241.10 s. net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................4,124 10 »
La Garde (Antoine), né le 20 octobre 1705, commissaire ordinaire des guerres, et ci-devant premier commis du département de la guerre, retiré en 1769 : 49 ans de services.
Pension de 7,8661. 13 s. 4 d. net; secours de pareille somme (art. 10. tit. III), ci.............. 7,866 13 4
slbert de cornillon (Charles-Toussaint), né le 29 octobre 1705. capitaine au régiment de Forez, retiré en 1745 : 25 ans de services, 9 campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci, 355 » »
Il a compté ses services de l'année 1711, mais ils ne doivent dater que de 1721.
Bailot d'Acher (Yves), né le 13 novembre 1705, ancien ingénieur en chef à Carcassonne, retiré en
Gazeau de Langeome (Jean-Jacques), né le 10fé-vrier 1706, maréchal des logis de la gendarmerie, retiré en 1762: 33 ans de services, 18 campagnes.
1777 : 56 ans de services, grand nombre de campagnes.
Pension de 1,475 livres net ; secours de 3,000 livres, totalité de ses appointements (art. 19 et 20, tit. I), ci..............3,000 1. » s. » d.
Passelaigne (Georges), né le 17 novembre 1705, premier commis du | bureau de M. Trudaine, intendant des finances, aux appointements de 6,000 livres : 42 ans de services.
Pension de 8,100 livres net; secours de 4,200 li" vres (art. 19 et 20, tit. I), ci....................4,200 » »
Fresne (Charles-François de), né le 2 décembre 1705, capitaine au régiment de Mailly (infanterie), retiré en 1747 : 19 ans de services, 2 campagnes, 2 blessures.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III),ci. 355 » »
Blandurel de Mon- • plaisir (Claude), né le 6 décembre 1705, lieute-nant-colonel commandant le bataillon de garnisoû du régiment de Beauce, retiré en 1782 : 58 ans de services, toutes les campagnes depuis 1733.
Pension de 2,400 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.2,400 » »
Gondrier (Dié), né le 8 décembre 1705, inspecteur général des ponts et chaussées : 45 ans de services, appointements de 5,604 livres.
Pension de 4,780 livres net; secours de 4,553 livres 5 s. (art. 19 et 20, tit. I), ci............... 4,553 5 »
Faltans (Jean-François
de), né le........ 1705. .
Pension de 4,000 livres sur les économats, réduite à 2,520 livres net, accordée pour lui tenir. . lieu de doyenné et cano-nicat du chapitre de Gigny en Franche-Comté, dont il a obtenu la sécularisation ; secours de pareille somme (art. 10-, tit. III),ci............... 2,520 » »
Gazeau de Langeome (Jean-Jacques), ne le 10f6- vrier 1706, marSchal des logis de la gendarmerie, retir6 en 17o2 : 33 ans de services, 18 campagnes. Pension de 532 i. 10 s.
net; secours de 1,500 li* vres, totalité des appointements de son grade (art» 19 et 20, tit. I), ci......1,500 1. » s. » d.
Le Breton (François), né le 13 février 1706, lieutenant au régiment de Vienne (cavalerie), retirâ en 1756; 29 ans de servi» ces, 12 campagnes.
Pension de 355 livres; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.....................355 » »
Villers-Lafatr (Pier-re-Louis de), né le 24 février 1706, capitaine au régiment du roi, retiré en 1734: 10 ans de services, 2 campagnes.
Pension de 2,6621.10 s. net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................2,662 10 »
SlMONNET DE SlNGLY (Claude Maximilien), né le 5 mars 1706: lieutenant au régiment de Poli (cavalerie),retiré en 1754 ï 30 ans de services, 7 campagnes.
Pension de 266 1. 10 s. net; secours de 600 livres (décret du 9 janvier 1791), Ci......................600 » »
Coster (Henri-François, abbé), né le 22 mars 1706 ; services rendus à la France dans les guerres d'Aile* magne.
Pension de 1,200 livres net ; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................1,200 » »
Bosniak (François), né le 4 avril 1706, capitaine commandant au régiment de hussards de Berchémy, retiré en 1783 ; 40 ans de services, 13 campagnes, 2 blessures.
Pension de 1,800 livres net; secours de 2,000 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. I), ci..2,000 » »
Chinot dè CHAiLLY(Jean-Baptiste-Claude-François-Joseph),néle 12 avril 1706, capitaine au régiment de Picardie, retiré en 1740; 21 ans de services actifs.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.....................355 » »
Gironde (Jean-Baptiste de), né le 22 avril 1706, brigadier des armées du roi ci-devant lieutenant
colonel du régiment de Royal-Roussillon (infanterie), retiré en 1764: 42 ans de services, 20 campagnes.
Pension de 1,475 livres net; secours de 4,000 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. I), ci..4,000 1. » s. » d.
Natte (Jacques-Joseph de), né le 23 avril 1706. retiré en 1762, maréchal des logis de la gendarmerie: 35 ans de services, 6 campagnes.
Pension de 532 1. 10 s. net; secours de 1,050 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci...................1,050 » »
Barthelon (Pierre -Paul), né le 23 avril 1706, ancien secrétaire des économats,39 ans de services.
Pension de 2,0621; 10 s. net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................2,062 10 »
Aldeguier (Jean-Baptiste d'), né le 17 mai 1706, ancien capitaine au régiment de Poitou, retiré en 1756 ; 23 ans de services, 12 campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.....................355 » »
RouvROY(Jean de),né le 21 mai 1706, major de Penthièvre (cavalerie), retiré en 1756: 32 ans de services, 10 campagnes, plusieurs blessures.
Pension de 532 1. 10 s. net; secours de 840 livres (art. 19 et 20, tit. III), ci.....................840 » »
DuviGNiAN(Jean), né le 17 juin 1706, lieutenant-colonel du régiment des volontaires de flainaut, retiré en 1760 : 38 ans de services, 10 campagnes.
Pension de 1,947 livres net; secours de 3,404 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................3,404 » »
Le Maçon de Trêves (Jean-René), né le Ie* juillet 1706, lieutenant-colonel du régiment de Bourgogne (cavalerie), retiré en 1763: 35 ans de services, une année dans les colonies, 12 campagnes.
Pension de 1,062 livres net; secours de 3,700 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................3,700 » »
michelis du Villars (Charles-Zacharie), né le 2 juillet 1706; lieutenant-colonel du régiment de Nice, incorporé en Lyonnais, retiré en 1766:44 ans de services; 15 campagnes.
Pension de 3,4161.2 s. net ; secours de 4,000 livres, totalité des appointements de sou grade (art. 19 et 20, tit. I), ci.......4,000 1. » s. » d.
Roffignac (François de), né le 12 juillet 1706, capitaine au régiment de Laval, retiré en 1747; 23 ans de services, 6 campagnes, des blessures graves. «
Pension de 455 livres net ; secours de 570 livres (art. 21, tit. I), ci.......570 » »
Esprit de Saint-André (Etienne), né le 22 août 1706, lieutenant général des armées : 38 ans de services, 16 campagnes.
Pension de 4,130 livres net; secours de pareille - somme (art. 5, tit. III), ci..... 4,130 » »
lattre(Henri-Louis de), né le 22 août 1706, capitaine de grenadiers au régiment de Lorraine, retiré en 1756:33 ans de services, 4 campagnes.
Pension de 443 1. 15 s. net; secours de 615 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci...615 » »
Marnais de Saint-André de Vergel (Charles), né le 23 septembre 1706, lieutenant général des armées, ci-devaut lieutenant des gardes du corps; a fait toutes les campagnes que les gardes du corpâ ont faites sous le ' feu roi.
Pension de 14,180 livres net; secours de 6,000 livres (art. 5, tit. III), ci... 6,000 » »
Le Cul-Lefébure (Jacques-Léon ard),né le 1er décembre 1706, commissaire ordinaire et ordonnateur des guerres,retiré en 1776; 54 ans de services.
Pension de 9,841 livres net ; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.9,841 » »
Vallon de Boisroger (Jacques-François), né le i2 décembre 1706, inspecteur des manufactures, retiré en 1781 ; 54 ans de . services.
Pension de 3,000 livres net;savoir : 2,000liv. sur le Trésor royal, et 1,000 li-
vres sur les octrois des marchandises de Rouen; secours de pareille somme (art. 10 et 41, tit. IU), ci.....3,00Q 1. s. » d.
Fusée de Voisenon (Louis Victor de), né le 24 décembre 1706, maréchal de camp, et ci-devant commandant de bataillon au régiment des gardes-françaises : 39 ans de services, plus de 10 campagnes.
Pension de 7,125 livres...... 6,000 » »
net ; secours de 6,000 livres (art. 5, tit. III), ci.. 6,000 » Dusol (Antoine), né le 30 décembre 1706, ancien porte-étendard dans le régiment d'Orléans (cavalerie), retiré en 1766 : 37 an s de services, 10 campagnes.
Pension de 2661. 5 s. secours de 600 livres (décret du 9 janvier 1791).. 600 » »
Magallon de la Mor-lière (Alexis), né le 3 janvier 1707, lieutenant général des armées : toutes les campagnes de Flandre depuis le siège de Phi- Oi lipsbourg jusqu'en 1762.
Pension de 6,9561. 13 s.6 d.; secours de 6,000 li- vres (art..5, tit. III),ci... 6,000 » »
Eloy (Bonaventure), né le 24 janvier 1707, doyen du parlement de Flandre.
Pension de 1,005 livres; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci...... 1,005 » »
Chardin (Joseph),; né le 9 mars 1707, capitaine aii ' régiment de Charost (ca- valerie), retiré en 1758 28 ans de services ; plusieurs campagnes.....
Pension de 552 1. 10 s. net; secours de pareillq somme (art. 6, tit. III), ci. 532 .10 »
LÉ vis, maréchal de Mi-repoix (demoiselle Mar-guerite-Gabrielle de Beau-veau, veuve du sieur de),née le 27 avril 1707....."
Pension de 78,000 livres net, accordée en considération des services de feu son mari ; secours de 20,000 liv. (art. 10, tit. III), ci...................... 20,000 » »
Rémont de Montmort (François), né le 29 avril 1707fi lieutenant général des armées, ci-devant ma-jor des gardes du corps î: plus de 14 campagnes.
Pension de 7,1151.16 s. 8 d. net ; secours de
6,000 livres (art. 5, tit.111), ci.........6,000 1. » s. » d.
Le Sage de la Ville (Louis-Jacques), né le 29 avril 1X07, capitaine au régiment de Brie, ensuite lieutenant de roi de Belle-Ile, retiré en 1762 ; 40 ans de services, 10campagnes.
Pension de 2;,750 livres net ; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.2,750 » »
Bongars (Jean-Nicolas), néle 9 mai 1707;marécbal des logis de la gendarmerie, retiré colonel en 1772: 44 ans de services, 17 campagnes.
Pension de 992 1. 5 s. net; secours de 5,000 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. I),ci.......1,065 » »
Grave (Pierre de), né le 23 juillet 1707 ; capitaine général des canonniers garde-côtes, et ci-devant mousquetaires : 29 ans de services effectifs ; plusieurs campagnes.
Pension de 777 1. 10 s. net ; secours de pareille somme (art. 6, tit. III),ci.797 10 »
PONS DE BOURNEUF (AU-toine-Angélique de), né le 5 juillet 1707 ;• capitaine au régiment de Salles (cavalerie), retiré en 1757 : 33 ans de services, 14 campagnes.
Pension de 532 1. 10 s. net; sscours de 1,065 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................3,006 » »
B0SQUiLL0N(Pierre-Sam-son), né le 12 août 1707, lieutenant- colonel d'ar-tillerieetsous-inspecteur, retiré en 1765: 35 ans de services; 16 campagnes.
Pension de retraite dé 2,212 1. 10 s. ; secours de la totalité des appointements de son grade, montant à 3,000 livres (art. 10 et 20, tit.I), ci....... .3,006 » »
Chaperon (Jacques), né le 14 août 1707, lieutenant au régiment de la Reine (cavalerie), retiré en 1764: 38 ans de services,16 campagnes, quelques blessures.
Pension de 354 livres ; secours de 600 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. 1), ci.............600 » »
Dug abé (Jean-Pierre), né le 19 août 1707, capitaine
aide-major du régiment de Bourbon,retiré en 1743: 16 ans de services, plu--sieurs campagnes, une blessure grave.
Pension de 266 1. 5 s. secours de pareille somme (art. 6, tit. III),ci...266 1. 5 s. » d.
Courtois (Claude-Char-lesj, né le 14 septembre 1707, capitaine au régiment de Ben thème,réformé en 1749 : 24 ans de services plusieurs campagnes..
Pension de 708 livres ; secours de pareille somme (art. 6, tit. III),ci....708 » »
Grossoles (demoiselle Louise-Denis-Jean ne dé Mousselin, veuve de), née le 22 septembre 1707. '
Pension de 443 1. 15 s. en ^considération des services de feu son mari, lieutenant général d'artillerie, en Roussillon, mort de la suite de ses blessures ; secours de pareille 8omme(art. 7, tit. I), ci....443 15 »
Le Moine de sérigny (Jean-Honoré-François-Xa-vier),né le 14 octobre 1707, capitaine au régiment du roi (infanterie), retiré en 174§ : 21 an s|de services, plusieurs campagnes. *
Pension de 443 I. 15 s. secours de pareille somme (art. 6, tit. III),ci...443 15 »
Genevières (sieur de Cocove) (Philippe-Waast),' né le 27 octobre 1707, capitaine commandant dé bataillon au régiment, ; d'Aumont, retiré en 1760: 36 âns de services,18 campagnes.
Pension de 8371.10 s. ; secours de 1920 livres,totalité des appointements de son grade (art. 49 et 20,tu. i), ci..........1,920 » »
Bruyard (Pierre), né le 31 octobre 1707, ancien premier commis et direc-teurdela balance du com-mercé (appointements de 6,000 livres): 59 ans dë services.
Pension de 8,000 livres net; secours de 6,000 livres, totalité de ses appointements (art.l8,tit. I), ci.......... ..........6,000 » »
Gaulmyn de la Goutte (Marc-Antoine), né le 2 novembre 1707 ; capitaine au régiment d'Antichamp, retiré en 1763 : 35 ans de services 15 campagnes.
Pension de 837 T. 10 s. .
net; secours de 2,000 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19et 20,tit. I), ci...2,000 1. » s. » d.
Le Père (Martin), né le 7 novembre 1707, porte-étendard dans la gendarmerie, retiré en 1783 : 56 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 1,955 livres net; secours de 2,000 li» vres (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................2,000 » »
Claris de Florian (Philippe-Antoine),né le 8 novembre 1707,capitaine au régiment de Lusignan,retiré en 1756; : 24 ans de services, 10 campagnes.
Pension de 8371. 10 s. net, secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci. 837 10 »
Verton (Philippe-Louis de), né le 10 novembre 1707, brigadier, ci-devant colonel du régiment d'Auxonne (artillerie), retiré en 1769 : 43 ans de services, 11 campagnes.
Pension de3,540 livres, net; secours de 5,000 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. I), ci..5,000 » »
Mauperche (Mathieu-Louis de), né le 13 no* vembre 1707, doyen des substituts du procureur général, en service depuis 1733.
Pension de 2,000 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III); ci......................2,000 » »
Georger (François-Antoine), né le 22 novembre 1707, lieutenant réformé du régiment de Royal-Bais rière, retiré eu 1763 î 38 ans deservices,l4 campagnes, plusieurs blessures.
Pension de 354 livres net; secours de 600 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. I), ci..600 » »
Vallier (demoiselle Charlotte Ozenne, veuve du sieur) née le 8 novembre 1707.
Pension de §83 1. 6 s.8 d. net; accordée en cou* sidération des service! de son mari, ancien pre« mier commis au bureau de la guerre, secours de pareille somme (art. 8, tit. III), ci.............983 6 8
Arclais (Charles-Fran-* cois d'), né le 3 décembre 1707, ancien lieutenant au régiment de Chartres (cavalerie),retiré en 1762: 37 ans de services,15 campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de 600 livres (art. 19 et 20, tit. I), -ci..................... 600 1. » s. » d.
Beaupoil (Jacques), né le 13 décembre 1707; ancien capitaine en second au régiment de Béarn, retiré en 1779, avec commission de capitaine commandant: 54 ans de services, 5 campagnes.
Pension de 1,200 livres net ; secours de 2,000 livres (art. 19 et 20, tit. I), et art, 2 tit. II), ci....... 2,000 »
Chalmot - Saint - Rusb (Louis-César),né le ^'janvier 1708, lieutenant au régiment de Bourgogne (cavalerie),retiré en 17581 31 ans de services, 15 campagnes.
Pension de 355 livres net ; secours de pareille somme; ses appointements n'étaient que de 411 livres (art. 19 et 20, tit. I, et art. 10, tit. III), ci..................... 355 * »
Albert (Antoine), né le 17 janvier 1708, médecin.
Pension de 4431. 15 s. net, accordée en considération de la remise faite au gouvernement, de son secret pour faire les rouges de garanCe ; secours de pareille somme (art. 6, tit. II), ci.............; 443 15 »
Hottay (Jacques), né le 11 janvier 1708, lieutenant en second du régiment de la Marck, retiré en 1763: 39 ans de services; plus de 12 campagnes.
Pension de 318 h 12 s. net; secours de 600 livrés, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. I), ci...... 600 » »
Mézière -Faverollb (François-Claude), né le 21 janvier 1708, capitaine au régiment de la Fére. retiré le 26 août 1747: 28 ans de services, 11 caih-pagnes, quelques blessures.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.;.................. 355 » »
Amé de Saint-Paul (Paul), né le 25 janvier 1708 ; maréchal des camps et armées : 55 ans de services, 11 campagnes.
Pension de 5.000 livres net; secours de pareille somme (art. 5, tit. III), ci.....................5,000 l. » s. » d.
Cour ad in (Pierre-Lau-rent-Séraphin),né le 11 février 1707, capitaine de port au Havre retiré en 1784: 50 ans de services,14 canpagnes, 2 embarquements.
Pension de 3,500 livres net; secours de 3,600 livres, totalité de ses appointements, ci........3,600 » »
La Clocheterie (demoiselle Catherine Daniand, veuve du sieur), née le 22 février 1708.
Pension de 266 1. 5 s. net, accordée en considération des services de. feu son mari, tué dans le combat rendu en 1747 par M. de la Jonquiére; secours de pareille somme (art. 8, tit. HI), ci.......266 5 »
Duchaffault de Besnb (Louis-Cbarles), né lé dernier février 1708, lieutenant général des armées navales : grand nombre de campagnes.
Pension de 3,000 livres net, accordée en considération de ses services, et* de la blessure qu'il a reçue au combat d'Oues-sant; secours de pareille somme (art. 5, tit. III), ci.3,000 » »
Frécut (Jacques), né le 15 mars 1708, lieutenant de grenadiers au régiment de Provence, retiré en 1769: 36 ans de services, 18 campagnes, 3 blessures.
Pension de 2651.10 s. net ; secours de 600 livres, totalité des appoi ntements de son grade (art. 19 et 20, tit. 1), ci............600 » »
Duhan de Jandun (Jean-Louis), né le 3 avril 1708, lieutenant-colonel au régiment de Béarn, réformé le 30 décembre 1*762 : 41 ans de services, plus de 10 campagnes.
Pension de 1,400 livres net; secours de 4,000 livres, totalité de ses apr pointements (art. 19 et 20, tit. I), ci...............4,000 » »
Choderlos de la Clos
(Philippe-Jean-Baptiste), né le 4 avril 1708; capi-taine en second au corps royal d'artillerie, retiré le 8 mai 1753 : 30 ans de services, 10 campagnes.
Pension de 355 livres net ; secours de 750 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci.. 750 1. » s. » d.
Le Seigneur de Maisons (Charles-Louis), né le 7 avril 1708; major au régiment de l'Ile de France, retiré en 1758:29 ans de services ; plusieurs campagnes et quelques blessures.
Pension de 443 1. 15 s, net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci. 443 15 »
Le dit sieur a obtenu, 4 plusieurs époquest 1,800 livres de gratifications.
Sary de la Roqué (Isaac), né le 4 mai 1708; capitaine au régiment de Médoc, retiré le 10 septembre 1769 : 36 ans de services, 10 campagnes, une blessure.
Pension de 600 livres net, qui doit être portée sur le pied de 1,620 livres d'appointements ; secours de 1,386 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci............ 1,386 » »
Séguin (Jean), né le 26 mai 1708 ; ancien contrôleur de la marine à l'Ile-Royale, retiré le 1» avril 1755: 26 ans de services, 5 années de séjour à l'Ile-Royale.
Deux pensions : l'une de 4411.13 s. 4 d. net, sur les fonds de la marine, et une autre de 500 livres, sur les invalides de la marine; secours de 941 1. 13 s. 4 d. (art. 10, tit. III), Ci..................... 941 13 »
Garat (Daniel), né le 29 mai 1708; ancien commis de la marine au port de Bordeaux, retiré en 1784 : 23 ans de services.
Pension de 600 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci..................... 600 » »
Dupour (Antoine), né le 4 juin 1708, lieutenant au régiment de Beaufremont (dragons), retiré en 1766 : 6 ans de commission de capitaine; 41 ans de services, 14 campagnes, plusieurs blessures.
Pension de 177 livres net; secours de 1,500 livres, totalité des appoin-
temeots de son grade(art. 19 et 20, tit. I), ci.......1,500 1. » s. » d.
Dutiers (François-Charles), né le 14 juillet 1708; doyen des conseillers au conseil supérieur de Poitiers.
Pension de 1,000 livres ïtet; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci......................1,000 » »
Saulnier de La Garenne (Gabriel), né le 21 juillet 1708; commandant au guet de Paris, ci-devant adjudant au régiment des gardes-françaises, retiré en 1775:48 ans de services, 9 campagnes, plusieurs blessures à la guer* re, et une dans son dernier service qui a nécessité sa retraite.
Pension de 6,355 livres net; secours de pareillè somme (art. 10, tit. III), ci.6,355 » »
Malherbe (François-Guillaume), né le 12 juillet 1708; lieutenant au régiment de Royal-Piémont (cavalerie), retiré en 1763:37 ans de services, 9 campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de 510 livres (art. 19 et 20, tit. I),. ci...................... 510 » »
Renard (Louis-Laurent), né le 28 août 1708,, ingénieur en second des
f)onts et chaussées, à Or-éans : 41 ans de services. Pension de 890 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III) ci.890 » »
Néel de La Caillerie (Robert-Julien), né le 16-août 1708, capitaine-lieutenant au régiment Royal-Lorraine (cavalerie), retiré en 1763 : 39 ans de services, 8 campagnes.
Pension de 500 livres net; qui doit être sur le pied de 1,620 livres d'ap- Ïointements; secours de ,0321.15 s. (art. 19 et 20, tit. I), ci...............1,032 15 »
Le Maire (François), né le 23 août 1708.
Pension de 250 livres net, accordée eu indemnité des pertes faites dans une manufacture, entreprise par ordre du gouvernement; secours de pareille somme (art. 3, tit. I), ci.....................250 » »
Dixmude de Montbrun (Jean-Baptiste-Oudard de), né le 4 septembre 1708;
capitaine au régiment de Clermont-Tonnerre (cavalerie), retiré en 1744 : 18 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 532 1. 10 s. net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.532 1. 10 s. » d.
Agogné (Jean-Louis), né le 5 septembre 1708, com- • mis dans les bureaux de la guerre, retiré en 1751 : 24 ans de services.
Pension de 1455 1. 6 s. 8 d. net; secours de pa-r reille somme (art. 10, titre III), ci.............1,455 6 8
Hérissy d'Estrehan (Jacques-Robert), né le 4 octobre 1708, lieutenant général des armées :' " 11 campagnes.
Pension de 6,000 livres net; secours de pareille somme (art. 5, tit. III), ci. 6,000 » »
Sainte-Aldegonde (Philippe-Ernest), né le 20 octobre 1708; brigadier des armées, retiré en 1770 : 44 ans de services j usqu'à cette époqUe, 18 campagnes.
Pènsion de 6,195 livres ' net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci. 6,195 » »
Loret (Jean-Paul), né lé 20octobre 1708 ; président des enquêtes au parlement de Bordeaux: 60 ans de magistrature.
Pension de 11811. 5 s. net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.1,181 5 »
Martin (Louis-Alexandre), né le dernier novembre 1708; ancien caissier des dividendes de la compagnie des Indes, retiré en 1773 : 34 ans de services.
Pension de 3,000 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci. 3,000 » »
Mignot de la Bévière (Jean-Joseph), né le 5 novembre 1708; major de la ville dë Metz, retiré en 1777: 51 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 2124 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.2,124 » »
Bondon de la Combe (Michel-Mathieu), né le 14 novembre 1708, capitaine au régiment de Normandie, retiré en 1757 : 27 ans de services, grand nombre de campagnes.
Pension de 355 livres
net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci. 355 1. » s. » d.
La Chassagne (Pierre de), né le 14 novembre 1708, ancien capitaine au régiment de La Marche^ retiré en 1758, 25 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de pareillé. sommé (art. B, tit.III), ci. 355 » »
Cairol-Madaillan (François-Ignace), né le 18 décembre 1708, président à mortier au conseil de Roussillon ; 29 ans de services.
Pension de 1,500 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci. 1,500 » »
Maurice (Jean-Daniel)',* né le 29 décembre 1708, capitaine des volontaires du Hainaut en 1761, retiré en 1762 : 34 ans de services, 10 campagnes, plusieurs blessures.
Pension de 443 1. 15 s. net; secours de 1,162 livres (art. 16 et 20, tit. 1), ci..... 1,162 » »
Geoffrain de Thié-court (Jean-Baptiste), né le 15 janvier 1709, capitaine au régiment des recrues d'Abbeville, retiré en 1776 : 40 services, 12 campagnes.
Pension de 354 livres net; secours de 1,500 livres (art. 19 et 20, tit. 1), ci..................... 1,500 » »
Drummont de Melfort (Louis-Jean-Edouard), né le 15 février 1709, lieutenant général des armées, ci-deVant colonel réformé du régiment Royal-Ecossais : 56 ans de services. 10 campagnes.
Pension de 15,835 livres net; secours dé 6,000 livres (art. 5, tit. III), ci........................6,000 » »
Voisin (Honoré), né le 27 février 1709, chirurgien aide-major de la marine, retiré en 1777 : 37 ans de services, 16 années d'embarquement, et employé pendant 2 ans dans les hopitaux.
Pension de 1,325 livres net; secours de pareille somme (art. 10,tit. III),ci. 1,325 » »
Bertrand de Maucler (Pierre), né le 13 mars 1709, lieutenant-colonel du régiment de Vivarais,
retiré en 1766 : 39 ans de services, 17 campagnes.
Pension de 1,770 livres net ; secours de 4,000 livres (art. 19 et 20, tit. III), ci....................4,000 1. » s. » d.
Mal ete s te (Jean-Louis^, néie 13 mars 1709, ancien conseiller au parlement de Bourgogne. .
Pension de 1,005 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit.III), ci.1,005 » »
Dulac de la Boissière (Pierre-Jean-Joseph), né le 20 mars 1709, major du • régiment de Saiote-AldeT gonde, incorporé dans celui de. la Reine, réformé en 1763 : 30 ans de services, 16 campagnes.
Pension de 1,062 livres net; secours de 2,550 li* vres (art. 19 et 20, tit. I),ci.............2,550 » »
Vandel (René-Pierre de), né le 29 mars 1709-, capitaine au régiment de La Tour-du-Pin, retiré en 1753 : 24 ans de services, plusieurs campagnes, quelques blessures, pour lesquelles il a eu 1,400 livres de gratification.
Pension de 355 livres; secours de pareille somme (art. 6 et 9, tit. III), ci... 355 » »
Piat de Malaumont (Joseph), né le 12 avril : 1809, lieutenant du régir ment de Bourbon (cavaler, rie) avec rang de capitaine, retiré en 1749 : 22 ans de services, plu-, sieurs campagnes.
Pension de 443 1. 15 s. net; secours de pareil lé somme (art. 6, tit. III), cil 443 15 »
Pichery (Noël),curé de Perray, né le 27 avril 1709, retiré de sa cure de Perray et de Saint-Hubert; 40 ans de fonctions cu-riales.
Pension de 1,000 livres net,,qui lui a été accordée en considération de sort grand âge et de ses anciens services; secours de pareille somme (art. 19 et20, tit. I; art. 10, tit.lll)ci................1,000 » »
Le Flament d'Elbou-ville (Louis-Augustin), né le 29 avril 1709, capitaine au régiment de Pen-thièvre (infantèrie); retiré ' en 1757 : 24 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.....................355 1. » s. » d.
Gellas (Edme), né le 11 mai 1709, cavalier de la surin tendance des postes : plusieurs années de services, tant en ladite qualité qu'en celle de soldat et sergent au régiment d'Enghien.
Pension de 600 livres et supplément de 200 livres ; secours de 800 livres (art. 1., tit. III), ci......800 » »
Savatte de Genouillé (Joseph-Louis-Charles), né le 2 juin 1709, ancien capitaine en second au régiment de Limousin, retiré en 1753 : 29 ans de services, plusieurs campagnes.
Pensions de 855 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci. 355 » »
Saint-Blaize (Claude-François), né le 6 juin 1709, ancien capitaine au régiment de Périgord, retiré le 26 décembre 1755 : 25 ans de services et 8 campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci. 355 » »
Folard (Hubert de), né le 29 juin 1709, employé comme ministre dans différentes cours d'Allemagne, et à différentes époques, depuis 1740 jusqu'en 1776.
Pension de 6,212 1. 10 s. net; secours de pareille somme (art. 10, tit. ni), cU..,......... 6,212 10 »
La Fermière (Simon-Charles), né ie 9 juillet 1709, ancien chirurgien-major de l'hôpital d'Ha-guenau, retiré le 12 mai 1784: 51 ans de services.
Pension de 1,495 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci. 1,495 » »
Pourier de Colombier (Louis-César), né le25juillet 1709, capitaine fac* tionnaire au régiment de Lyonnais, retiré en 1677; 33 ans de services, 10 campagnes.
Pension de 532 1. 10 s. net; secours de 1,106 1. 5 s. (art. 1, tit, III), ci.. 1,106 5 »
Buchotte de Vermont (Nicolas-Honoré), né le 26 juillet 1709, ancien in-
génieur ordinaire du roi, retiré en 1768 : 34 ans de services, tant en cette qualité qu'en celle de lieutenant et capitaine d'infanterie; 6 campagnes, 1,500 livres d'appointements.
Pension de 983 1. 6 s.8 d.; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci....................983 1. 6 s. 8 d.
Cousin (Nicolas), né le 6 août 1709, lieutenant au régiment Royal-Étranger (cavalerie), retiré en 1763 : 32 ans de services, 19 campagnes.
Pension de 355 livres net ; secours de600 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit I), ci..600 » »
La Rivière de Mon-treuil de Goiney (Jean-Baptiste), né le 7 août 1709, officier général et commandant à Toulon :9 campagnes.
Pension de 4,602 livres net, rétablie et suspendue étant en activité.....4,602 » »
La Caze (Joseph de), né le 15 août 1709. lieutenant du roi à Saint-Domingue, et gouverneur de la partie de l'Ouest pendant un an, retiré en 1763 : 36 ans de services, dont 30 dans les colonies.
Pension de 5,148 1. 12 s. 3 d. net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci..............5,148 12 3
Jarente (Augustin), né le 27 août 1709, gouverneur de Notre-Dame de la Garde de Marseille.
Pension de 1,7251. 6 s. net, qui lui a été accordée pour lui tenir lieu d'appointements, après 19 ans de services, et 5 campagnes de mer; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci..........1,725 6 »
Spinette (Dominique-François de), né le 29 septembre 1709, capitaine au régiment d'Alsace, retiré en 1752: 21 ans de services, 10 campagnes.
Pension de 442 1. 10 s* net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci 442 10 »
Marabail (Antoine), né le 30 septembre 1709, retiré commissaire-ordon* nateur des guerres eu 1778: 45 ans de servi-* ces, tant dans les troupes
que comme commissaire, 4 campagnes comme officier; ses appointements étaient de 3,000 livres.
Pension de 4,230 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci. 4,230 1. » s. » d.
Lecourt - Demécourt (Edme), né le 11 octobre 1709, réformé en 1749; lieutenant-colonel du régiment de Fleury (infanterie) : 24 ans de services effectifs ; 10 campagnes.
Pension de 708 livres net ; secours de pareille somme (art. 6, tit. III) ci. 708 » »
quesnel (Jacques), né le 1er novembre 1709; premier lieutenant au régiment des cuirassiers ! retiré en 1777: 46 ans de services, 13 campagnes, plusieurs blessures.
Pension de 531 livres net ; secours de 900 livres, totalité des appointements de sou grade (art. 2, tit. II ; art. 19 et 20, tit. I), ci...........900 » »
Castellane (Barthé-lemy-Philippe de), né le 10 novembre 1709, capitaine au régiment de Champagne, retiré eu 1769 : 35 ans de services, 19 campagnes.
Pension de 1,062 livres net ; secours de 1,500 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. 1), ci. 1,500 » »
Desmier d'Archiag DE Saint - Simon (Etienne-Louis), né le 16 novembre 1709, lieutenant général et commandant eu second au comté de Bourgogne, pour lequel service il a un traitement de 28,848 livres.
Pension de 6,000 livres rétablie et suspendue, étant en activité (art. 10, tit. I), ci..............6,000 » »
Eynard (Pierre-Antoine), né le 16 novembre 1709, lieutenant de Royal-Lorraine (cavalerie), retiré en 1766 : 23 ans de services, 14 cam* pagnes.
Pension de 354 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci 354 » »
La Forest - Divonne (Gilbert), né le 23 novembre 1709, lieutenant-colonel au régiment de Conti, retiré en 1774: 45 ans de services, 12 cam-
pagnes, 2 blessures ; pension de 885 livres net; lieutenant de roi à la citadelle de Besançon, aux appointements de4,300livres.
Sa pension, quand il cessera de jouir de sa lieutenance de roi, sera de 4,000 livres, totalité des appointements de son grade, ci...............4,000 1. » s. » d.
Hanicque - d'Herque -linguk (Jean-An loine), né le 7 décembre 1709, ca* pitaine au régiment de Picardie, et ensuite capitaine des grenadiers dans les troupes Bolonoi-ses, réformé en 1761: 33 ans de services, 11 campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de 1,162 1: 10 s. (art. 19 et 20, tit.I), ci.....................1,162 10 »
Néef (Jean - Baptiste-François-Ignace), né le ........... 1709, procureur général au conseil souverain d'Alsace; a obtenu, après 20 ans de services, une pension de retraite de4,000 livres sur l'excédent du prix des fourrages d'Alsace; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....4,000 » »
Franqoe (François), né le 7 février 1710, ancien architecte et inspecteur de l'Hôtel des Invalides.
Pension de 1,000 lit vres net ; secours de pareille somme (art. 10. tit. III) ci..............1,000 » »
Ricard (Joseph), né ie 8 février 1710; ancien officier de plume de la marine, au département de Toulon.
Pension de 266 1. 5 s. net ; secours de pareille somïne (art. 10, tit: III), ci.....................266 » »
Thouverey (Henri), né le 13 février 1710 ; commandant de bataillon de milice de Lons-le-Saul-nier, retiré en janvier 1763: 23 ans de services effectif?, 13 campagnes.
Pension de 442 1. 10 s. net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.......................442 10 »
toyon de la Gra-vière (Jean), né le 25 février 1710 ; ancien cornette au régiment de Royal-Pologne, retiré en
1763:33 ans de services, 8 campagnes.
Pension de 270 livres net ; secours de 298 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci..298 1. » s. » d.
Gérandie (Jean de), né le 26 mars 1710, capir taine au régiment de Médoc, retiré en 1769 ? 41 ans de services, 9 campagnes.
Pension de 265 1.10 s.net; secours de 1,500 livres, totalité de ses appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. I), ci. 1,500 » »
Gohre (Charles-Joseph-Antoine de), né le 27 mars 1710, ancien capi- : : taine au régiment de Wurtemberg (cavalerie), retiré en 1769 : plusieurs, années de services, plusieurs campagnes.
Pensionne 708 livres net ; secours de pareille' somme (art. 10, tit. III), ci................... 708 » »
Pinsot (Gabriel), né le 27 mars 1710, retiré en 1763, lieutenant au régiment Dauphin (dragons): 33 ans de services, 14 campagnes, plusieurs blessures.
Pension de 266 1. 5 s. net ; secours de,60Q.livres,(décret du 9 janvier 1791), ci.................... 600 » »
Fornier de Changeac (Claude-François), né le 2 avril 1710, retiré en 1762, commandant un bataillon du régiment de Provence i 34; ans de services, dont 18 mois d'embarquement, 11 campagnes, plusieurs blessures.
Pension de 670 livres net ; secours de 1,275 livres (art. 19 et 20, tit. 1),ci..................... 1,275 » »
Langlade (Antoine de) né le 20 avril 1710, capitaine de grenadiers, commandant un bataillon du' régiment de Bourgogne, retiré en 1762:34 ans de services, 19 campagnes et une blessure grave.
Pension de 753 1. 15 s. net; secours de 1,500 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. 1), ci.. 1,500 » »
Ledoulx de la Fave-rie (Claude-César), né le 22 avril 1710 ; colonel au corps royal d'artillerie,
retiré en 1778 : 46 ans de services, 14 campagnes.
Pension de 3,540 livres net ; secours de 4,000 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20; tit. I), ci.4,000 1. » s. » d.
Kehrer de Fortun-(Jean-Louis-Ghristian), né le 2 mai 1710, capitaine en second au régiment de Royal-Bavière, réformé en 1745 : 25 ans de ser-? vices, plusieurs campa-: gnes : la perte d'un bras.
Pension de 797 1.10 s. net ; secours de, 937 1, 10 s. (art. 19 et 20, tit. I), ci......................937 10 »
Martin du Bayet (Jean-Baptiste), né le 3 mai 1710, maréchal de camp ès armées du roi : 23 ans de services en activité, 18 campagnes.
Pension de 3,724 livres net : secours de pareille somme (art. 5, tit. III), ci.3,724 » »
Badets (Pierre), né le. 4 mai 1710, contrôleur de. l'hôpital militaire du Fort-Louis du Rhin, retiré en 1777.
Pension de 786 1. 13 s. 4 d. net ; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci...............786 13 4
Soret ( Gilles - Dieu-donné), né le 6 mai 1710-in lieutenant au régiment de Noailles (cavalerie), retiré en 1772 : 43 ans de services, 17 campagnes, des blessures.
Pension de 531 livrés net : secours de 600 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. I), ci....600 » »
Héliez (Anselme), né le 13 mai 1710 ; ancien commis au bureau du contrôle de la mairie de Toulon, retiré en 1779.
Pension de 1,000 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci......................1,000 » »
Le Touzet de Longue-mar (François-Louis), né lé 15 mai 1710, maréchal des logis de la gendarmerie, retiré en 1768 ; 39 ans de services, 20 campagnes, quelques blessures.
Pension de 715 livres net ; secours de 15,000 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. I), ci....1,500 » »
Marcol (Pascal-Joseph), Dé le 20 mai 1710 ; ancien procureur général du ci-devant parlement de Nancy.
Pension de 2,062 I. 10 s. nets, accordée pour ses anciens services; secours de parei I le som me (ar 1.10, tit. III), ci.............. 2,062 1. 10 s. » d.
La Porte (Pierre-Jean-François de), né le 2 juin 1710; ancien intendant des armées et conseiller d'Etat.
Peusion de 8,250 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................8,250 » »
Ducossea d'Espeyroux (Gérard-Joseph), né le 4 juillet 1710; commandant un bataillon du régiment de Beauvoisis, retiré en 1757 : 31 ans de services, 12 campar gnes.
Pension de 532 1.10 s. nets; secours de 1,799 1. 10 s. (art. 19 et 20, tit. I), ci. 1,799 10 »
Massieu (André), né le 4 juillet 1710; capitaine au régiment de Foise, retiré en 1751: 20 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 355 livres net, secours de pareille somme (art. 10, tit. III), . ci..............355 » »
Radulph (Léonor-Char-les), né le 28 juillet 1710 ; ancien procureur général au conseil supérieur, ci-devant établi à Bayeux.
Pension de 500 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), . ci.......................500 » »
La Motte (Rémy de); né le U août 1710. commandant de bataillon au régiment de La Fère, retiré en 1761 ; 35 ans de »* services ; 12 campagnes.
Pension de 532 livres 10s.net; secours de2,1651* 10s. (art. 19 et 20, tit. 1), ci....................2,165 10 »
Froissent (Jean-François), né le 13 août 1710; ancien porte - étendard dans la compagnie des gendarmes d'Artois, retiré colonel eu 1782; 48 ans de services, 16 campagnes.
Pension de 1,755livres net; secours de4,000livres (art. 19 et 20, tit. I), ci..4,000 » »
Pujol de La Grave
(Jean - François), né le 15 août 1710; capitaine au régiment de Piémont (cavalerie), retiré en 1766 ; 40 ans de services, 19 campagnes.
Pension de 797 I. 15 s. net ; secours de 1,500 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20rtit.I), ci....1,500 1. » s. » d.
Lascazesde Roquefort db Beauvoir Saint-Pol (Jean-Paul de), né le 16 août 1710 ; capitaine au régiment de Bretagne,: retiré en 1751 ; 24 ans de services ; plusieurs campagnes.
Pension de 532 1. 10 s. net ; secours de pareille somme (art. 6, tit. 111), ci. .532 10 »
L'Enfant de Louzil (Honoré - Alexandre), né le 4 septembre 1710 ; ancien lieutenant-colonel de milice, retiré en 1779; 33 ans de services, 4 campagnes.
Pension de 800 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci......................800 » »
Lort de Saint-Victor (Frédéric-Charles de), né le il septembre 1710;' maréchal des camps et armée*, et lieutenant de roi à Strasbourg, appointements de 15,0U0 livres, retiré en 1782; 56 ans de„ services, 18 campagnes.
Pension de 4,000 livres net; secours de 10,000livres (art, 18, tit. I), ci.. 10,000 » »
Réveillànd ( Henri - • François), né le 10 octobre 1710, capitaine commandant au régiment d'Artois, retiré en 1777 : 42 ans de services, 8campagnes, trois années de garnison dans les colonies, une blessure grave.
Pension de 1,416 livres net : secours de 2,000 livres, totalité des appoin-[ tements de son grade ' (art. 19 et 20, tit. I), ci.. 2,000 » »
DUVERNET-DlJPLESSlS(Ni-colas), né le 11 octobre 1710, inspecteur des ha-. ras de la généralité de ' Paris, retiré en 1782: 38 ans de services.
Pension de 1,200 livres net; secours de pareille Eomme (art. 10, tit. III), ci.....................1,200 » »
Mésange (Pierre-Nicolas de), né ie 13 oc-
tobre 1710, maréchal des logis dans la gendarmerie, retiré en 1773: 43 ans de services, 17 campagnes.
Pension de 1,062 livres net; secours de 1,500 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. I), ci..............1,500 1. » s. » d.
Gosset (Jean-Baptiste-Sébastien de), né le 20 octobre 1710, ancien major au régiment d'Ep-tingen, retiré en 1764: 34 ans de services, 19 campagnes.
Pensiondel,9661.13 s. 4 d. net; secours de 3,000 livres (art. 19 et 20, tit. I),ci...........3,000 » »
Brglon(Urbai n-Pier re), né le 21 octobre 1710, ancien directeur de la marque des fers et ci-devant employé dans les vivres à la suite de l'armée, retiré en 1771 : 38 ans de services ; appointements de 1,200 livres.
Pension de 400 livres net; secours de 660 livres (art. 10 et 20, tit. I), ci....................660 » »
Ducruzel de Romorin (François), né le 9 novembre 1710, capitaine d'artillerie, retiré en 1759; 27 ans de services, 12 campagnes.
Pension de 885 livres net ; secours de pareille somme (art. 6, tit; III), ci....................885 » »
Noël (Claude-Charles), né le 14 novembre 1710, capitaine au régiment de Chabot (dragons), retiré en 1763 : 28 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 837 livres 10 sous net ; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.............817 10 »
L'Homme (Pierre), né le 18 novembre 1710, capitaine commandant au régiment de Rouer-gue, retiré en 1777 : 50 ans de services, grand nombre de campagnes, plusieurs blessures.
Pension de 1,770 livres net, secours de 2,000 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. I), ci..............2,000 » »
La Guarigue de Savi-gny (Pierre), né le 10 décembre 1710, chef d'escadre retiré en 1776 :49 ans de services,15 campagnes.
Pension de 3,540 livres net; secours de 3,600 livres (art. 19 et20, tit. I), ci.3,600 1. » s. » d.
Bernet de Favan-court (Pierre-François), né le 14 décembre 1710, brigadier et ci-devant lieutenant-colonel au régiment de Custine, retiré en 1780 : plus de 50 ans de services, 16 campagnes.
Pension de 4,000 livres net ; secours de pareille somme (art. 10. tit. III), ci. 4,000 » »
Le Rot de Sérocourt (Jean-François), né le 3t décembre 1710, capitaine au régiment d'Escars (cavalerie), retiré en 1757 : 24 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 532 livres 10 s. net, secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.............532 10 »
DuROZiER(Jean - Baptiste), né ie 22 février 1711, entré simple soldat au régiment de Languedoc en 1727, lieutenant au régiment Roval-Cravates, retiré en 1767 : 40 ans de services, 14 campagnes.
Pension de 442 livres net, secours de 600 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci..600 » »
Le Duchat Douderne (Gédéon),néle5marsl7U, directeur en chef de l'artillerie du département de Sedan, retiré le 18 décembre 1776 : 48 ans de services, 27 campagnes.
Pension de 4,210 livres net ; secours de 4,800 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci...............4,800 »
Ferrary (André), né le 13 mars 1711, brigadier de cavalerie, ci-devant maître de camp d'un régiment hussard de son nom, au service de l'électeur de Bavière ; il allait passer au service de la Hollande, lorsque MM. de Saxe et de Vergennes, par ordre exprès du roi, l'attirèrent en France, ell lui fut accordé une pension de 2,350 livres net ; il en a obtenu une autre, en 1756, de 4,248 livres net, à cause de la suppression de son régiment
levé à ses frais : 16 ans de services en France.
Deux pensions réunies montent à 6,598 livres net ; secours de pareille somme, (art. 10. tit. III), ci................... . 6,598 1. » s. » d.
Bordère de Bésingran (Jean-Ignace),néie21jmars 1711, capitaine au régi* ment de Beauce, retiré en 1767 : 33 ans de services, plus de 19 campagnes.
Pension de 708 livres net; secours de 1,500 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................1,500 » »
Ducasse de Horgues (Pierre), né le 29 mars 1711, capitaine de grenadiers au régiment de Dauphiné, retiré eu 1763 ; 29 ans de services, quelques campagnes.
Pension de 443 1. 15 s. net; secours de pareille somme (art..6, tit.III), ci.443 15 »
Nuzeret de la Frag-nosse (Jacques), né le 30 mars 1711. lieutenant au régiment de cavalerie d'Artois, retiré en 1764 : 35 ans de services, 17 campagnes, une blessure.
Pension de 355 livres net; secours de 600 livres (art. 19 et 20, tit. III),ci. 600 » »
Fontlebon (Elie-Fran-çois), né le 2 avril 1711, capitaine de grenadiers au régiment de Bourbonnais, retiré en 1767 •: 33 ans de services, 18 campagnes.
Pension de 1,239 livres net; secours de 1,500 livres (art. 19 et 20, tit. I),-. ci..................... 1,500 » »
Mandinet de Montri-chier (Léonard-Baptiste), né le 2 avril 1711, capitaine au régiment d'Ar-r tois, retiré en 1725,22 ans de services, 12 cam pagnes.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................355 » »
Jourdain de Marmaignb (Louis-Gabriel), né ie 4 avril 1711, capitaine au régimentde Rouergue, rc tiré en 1755 : 22 ans de services, 12 campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................355 » »
La Chapelle (J ean-Bap-
tiste-Joseph-Alexis), né le 15 avril 1711, chef de division des canon niers garde-côtes de Vannes en Bretagne, retiré en 1783 i 41 ans de services, plus de 10 campagnes.
Pension de 600 livres net; secours de 1,620 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci....................1,620 1. » s. » d.
Saint-Mauris (Philibert-Yolande), né le '18 avril 1711, major du régiment Royal-Cavalerie, avec rang de lieutenant-colonel, retiré en 1764 j 34 ans de services, 18 cam-* pagnes.
Pension de 3,062 livres net, secours de 4,000 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................4,000 » »
Barbotin ( demoiselle Marie Hélène La Roche, veuve du sieur Pierre-François), né le 26 avril 1711. Son mari était premier lieutenant devais-seau de lacampagniedes Indes : 35 ans de services, 19 compagnes, une blessure, 18 mois de captivité en Angleterre.
Pension de 200 livres ; secours de pareille somme (art. 8, tit. III), ci........200 » »
Barbier (Charles-Jean), né le 12 mai 1711, ingénieur en chef des ponts et chaussées, retiré en , 1783 ; 51 ans de services.
Appointements de 3,000 livres qui lui étaient accordées en retraite ; secours de pareille somme, ci.....................3,000 » »
Dantan Duclos (Pierre), né le 17 mai 1711, capitaine au régiment de Saint-Chamand (infanterie), retiré en 1759 le 24 février : 31 ans de services, 10 campagnes.
Pension de 355 livres net ; secours de 795 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci. 95 » »
Mobgan (Jean-Baptiste-François), né le 22 mai 1711 ; ses litres à la gratification de 2,268 1.15 s. dont il jouit, sont les soins qu'il a pris pendant son échevinage pour procurer des successeurs aux jésuites dans le collège d'Amiens, les persécutions publiques et connues qu'il a éprouvées à cette occasion et la perte de son état, attestée par
la décision du 24 mai 1768.
24 enfants d'une même femme, en 24 aus, dont 6 encore à sa charge avec la mère (registre vert, folio 98), ci..............2,268 1. 15 s. » d.
Laidet (Jean), né le 26 mai 1711, lieutenant-colonel du régiment de l'Ile de France, retiré en 1766 : 36 ans'de services, 14 campagnes, 2 blessures.
Pension de 532 1. 10 s. net; secours de4,000livres (art. 19 et 20, tit. I), ci..4,000 » »
II jouit en outre d'une pension de 600 livres sur l'ordre de Saint-Louis.
La Bertbonye (Louis), né le 26 mai ,1711, médecin de l'Hôpital militaire de Toulon : 33 ans de services.
Pension de 800 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci. 800 » »
Jacobé (François-Antoine), né le 6 juin 1711, receveur général des aides à Langres, retiré en 1782:51 ans de services, compris 5 ans de surnu-mérariat.
Pension de 800 livres net; secours de 1,200 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................1,200 » »
joubert-d'orléans (Marin), né le 17 juin 1711, lieutenant de frégate, retiré en 1762; sous-aide major des troupes navales et des ports, en 1768; capitaine de brulôt, retiré en 1786 : 57 ans de servi- ' ces, 4 campagnes de guerre sur mer, et 8 de paix.
Pension de 1,500 livres net; secoursde 1,500 liv., totalité des appointements de son grade (art. 19 et20, tit. 1),ci....1,500 » »
Bertier (Honoré), né le 4 juillet 1711, doyen des substituts du procureur général au parlement de Provence ; 39 ans de services.
Pension de 300 livres net; secours de pareille somme (art. 10. tu. III), ci......................300 » »
Mousselard - Maison-rouge (Louis), né le 17 juillet 1711, capitaine au régiment de Verman-dois, retiré en 1755 à raison de ses blessures, 28 ans de services, 14 campagnes.
Pension de 355 livres
net ; secours de 930 liv.
(art. 17. tit. I), ci....... 930 1. » S. » d.
Ducros (Jean-Jacques), né le 29 juillet 1711, directeur de l'artillerie et maréchal des camps et armées, retiré en 1788 ï ' ' 54 ans de services, 9 campagnes.
Pension de 4,200 livres net ; secours de 4,800 liv. (art. 19 et 20, tit. I),ci... 4,800 » »
Andrieu (Jean-Charles-Antoine), né le 4 août 1711, capitaine du régiment Royal- Roussillon, retiré en 1766; 32 ans de services, 20 campagnes tant sur terre que sur mer,2 blessures.
Pension de 355 livres net; secoursde 1,500 liv. (art. 19 et 20, tit. I), ci... 1,500 » »
Prévost (Jacques-Antoi-ne), né le 8 août 1711, directeur de la caisse de Poissy, retiré en 1777 : 38 ans de services.
Pension de 1,000 livres net ; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci...................... 1,000 » »
Lalouette (Pierre), né le 15 août 1711, docteur régent de la faculté de médecine de Paris.
Pension de 4,000 livres net, accordée en considération de la découverte d'un remède qu'il a rendu public pour la guérison radicale des maladies vénériennes, et pour indemnité des dépenses que lui a occasionnées sa recherche; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci....................... 4,000 » »
PoudenX (François), né le 18 août 1741, colonel du régiment Royal-Gantabre, retiré en 1762 ^ 35 ans de services; 17 campagnes,3 blessures.
Pension de 4,210 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III) ci. 4,210 » »
Solages (Gabriel), né le 19 août 1711, maître' de camp d'une brigade du régiment des carabiniers, et maréchal de camp en 1780, retiré, le 28 avril 1769 ; 38 ans de services : 28 campagnes.
Pension de 2,953 1.15 s. net; secours de 4,000 liv. (art. 19 et 20, tit. 1),ci... 4,000 » »
Lourdet (Charles - Antoine-Joseph), né le 22 août
1711, capitaine au régiment de Forez, retiré ie 23 mars 1769 :37 ans de services, plus de 13 campagnes.
Pension de 500 livres net, secours del,500 liv. (art. 19 et 20, tit. 1), ci.. 1,500 1. » s. » d.
bourdeille de la salle (Guillaume), né le 28 août 1711, ancien capitaine des grenadiers royaux de la Martinique, retiré'en 1763 : 18 ans de services, quelques campagnes.
Pension de 2651.10 s. net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III),ci. 265 10 » »
Lescure (Jean), né ie 30 août 1711, prêtre du diocèse de Cahors.
Pension de 300 livres net, accordée en raison de son grand âge et de ses infirmités ; secours de pareille somme pour être payée des fonds destinées au clergé, ci.......300 » »
Brugnière (Thomas),né le 31 août 1711 ; ancien chirurgien-major du château de Sommières, retiré le 24 avril 1782 : 19 ans de service dans les armées.
Pension de 150 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................150 » »
Salomon (Louis), né le 9 septembre 1711 ; porte-drapeau au régiment de Navarre, retiré en 1768 : 39 ans de services, 16 campagnes.
Pension de 265 1. 10 s. net;8ecoursde 600 livres (décret du 9 janvier 1791), ci.....................600 » »
netzell(Sered Didricb), né le 11 septembre 1711; capitaine au régiment Royal-Suédois, retiré en 1766; 21 ans de services ; quelques campagnes.
Pension de 885 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci. 885 » »
Cholet, né le 12 septembre 1711, ancien ingénieur en chef des ponts et chaussées du Hainaut : 41 ans de services.
Pension de 2,890 livres net; secours de pareille somme (art.10,tit. III),ci. 2,890 » »
Orsène (Joseph-Etienne d'), né le 19 septembre 1711, capitaine au régiment de Lenoncourt
(cavalerie),retiré en 1759: 24 ans de services, quelques campagnes.
Pension de 532 1.10 s. net, secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................532 1. 10 s. » d.
Fagnier (Claude-François), né le 22 septembre 1711, lieutenant au. . "régiment du roi (cavalerie), capitaine commis-sionné dès 1759, retiré en 1765 : 36 ans de services, 27 campagnes.
Pension de 442 livres net;secours de 1,500 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci..1,500 » »
Ghoiseul-Meuse (Demoiselle Beatrix Marti-gny, veuve du sieur), née le 10 octobre 1711
Pension de 1,475 livres net, qui lui a été accordée en considération des services de son mari, brigadier-colonel du régiment dauphin,tué dans la campagne de 1745;secours de pareille somme (art. 8, tit. III), ci............. 1,475 » »
Geoffroy de Flévy (Pierre Jean), né le 15 octobre 1711, colonel-direç-teur au corps royal d'artillerie, retiré en 1774; 45 ans de services , 9 campagnes.
Pension de 3,600 livres net; secours de 4,800 1. (art. 19 et 20, tit. I) ci..4,800 » »
Sarrau (Elie), né le 28 octobre 1711,lieutenant-colonel du régiment de la Fère, retiré en 1766; 40 ans de services ; 9 campagnes.
Pension de 1,593 livres net; secours de 3,850 1. (art. 19 et 20, tit. I), ci..1,000 » »
Ghanlaire (Pierre-Gilles-Joseph), né le 6 novembre 1711, procureur du roi à Châlons pendant 36 ans, puis conseiller au Conseil supérieur de Châlons.
Pension de 1,000 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.
Andrieu (Henri-Philippe), né le 8 novembre 1711, commissaire de la marine, retiré le 27 mars 1762 : 34 ans de services, plusieurs embarquements.
Pension de 1,500 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci..................... 1,500 » »
La Roche-Aymon (Philibert). né ie 17 novembre 1711, capitaine au régiment de Vienne, retiré en 1755 : 24 ans de services, plusieurs campagnes..
Pension de 532 livres 10 sous net; secours de pareille somme (art. 6. tit. III), ci..............532 1.10 s. » d
Houlié (Pierre-Simon), né le 17 novembre 1711, commis dans les bureaux de l'intendance de Paris, retiré en novembre 1788 : 33 ans de services.
Pension de 450 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci. 450 » »
HERBiN(Louis-Frédéric), né le 25 novembre 1711, capitaine du régiment des recrues d'Alençon, réformé en 1767 : 47 ans de services, 7 campagnes, 5 blessures et des pertes à Québec.
Pension de 1,5181.12 s. net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................1,518 12 »
Grelly de Belisle (Henri-Antoine), né le 1er décembre 1711, capitaine au régiment de Gonti (infanterie),retiréen 1757: 28 ans de services; 8 campagnes, une blessure.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit.III), ci.355 » »
Dubois de la chevalerie (Jacques-François}, né le 3 décembre 1711, commissaire provincial et ordonnateur des guerres, retiré le 1er novembre 1776 : 45 ans de services, 3 campagnes.
Pension de 5,550 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.5,50 » »
Gosse (Matbias-Glaude), né le 11 décembre 1711, cadet volontaire dans le régiment de laCompagnie des Indes à la Louisiane, de 1728 à 1736; en 1737, commis au service de la compagnie des Indes : en 1739, fait sous-marchand ; en 1740, chancelier du consulat de Bas-sora; en 1741, nommé consul audit lieu, et a exercé pendant 5 ans; en 1743, conseiller au conseil supérieur de Pon-dichéry ; eu 1745, ambassadeur auprès du nabab
d'Arcate ; en 1750, premier conseiller au conseil supérieur de l'Ile de France, jusqu'en 1760, retiré en 1785 : 32 ans de services ; 6 fois le voyage des Indes.
Pension de 800 livres •net; secours de 3,250 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci.3,250 1. » s. » d.
Berjon (Alexandre), né le 13 décembre 1711, capitaine aux grenadiers du bataillon de milice de Bergerac, retiré en 1763 -i 29 ans de services de milice, plusieurs campt^ gnes.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.355 » »
Durozel de beauma-noir(Nicolas-François), né le 18 décembre 1711, capitaine de vaisseau, retiré en 1762 : 30 ans de services, 10 campagnes de guerre et 6 années d'embarquement en temps de paix.
Pension de 1,200 livres net ; secours de 3,600 livres, comme à M. Pastour de Costebelle. (art. 19 et 20, tit. I), ci............3,600 » »
Dorival (Nicolas), né le 18 décembre 1711, lieutenant au régiment de colonel-général (cavalerie,!» retiré le 8"décembre 1753;. 24 ans de services, 11 campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de pareille, somme[(art. 6, tit. III), ci. 355 » »
Odunne (Jacques-Bernard), né ie 27 décembre 1711, ci-devant ambassadeur du roi à la cour de Portugal.
Pensions montant à 12,655 livres, accordées pour ses services poli- : tiques dans différentes cours, depuis 1756 jusqu'en 1785; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.............12,655 » »
Champagne (Jean-Bap-tiste-Gabriel), né le 30 décembre 1711, colonel au corps royal d'artillerie, retiré en 1768.
Pension de 3,540 livres net; secours de pareille somme, ci..............3,540 » »
Hinderer (Georges), né le 12 janvier 1712, sous-lieutenant du régiment Royal-Allemand, retiré en 1766 : 35 ans de services, 15 campagnes.
Pension de 2651. 10 s. net; secours de 600 livres (décret du 9 janvier 1791), ci...........600 1. » s. » d.
Vaulsairre des Adrets (Apolliùaire-Étiëûne), né le 15 janvier 1712, major du régiment Royal-Vaisseaux, retiré en 174Ô : 21 ans de services, 9 campagnes.
Pension de 632 1. 10 s.' net ; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.632 10 »
LaDrouvière (Charles-Vincent de), né le 22 janvier 1712, commissaire ordonnateur des guerres, retiré en 1777: 31 ans de services, 5 campagnes.
Pension de 3,0971.10 s. net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................3,097 10 »
Eynaud (Gaspard), oéle 23 janvier 1712, commissaire de la marine, retiré en 1776 : 42 ans de services.
Pension de 1,474 livres net; secours de 1,680 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................1,680 » »
Marle d'Abbansdessus (Thomas), né le 24 janvier 1712, lieutenant de dragons au régiment de Laoans, retiré en 1772 : 39 ans de services; 17 campagnes.
Pension de 354 livres net; portée à 600 livres (art. 18,19 et 20, tit. I), ci.600 » »
Martin de la Gariêrb (Jean), né le 24 janvier 1712, ancien lieutenant au régiment d'Auvergne, retiré en 1737 : 8 ans de services; plusieurs campagnes, blessures graves.
Pension de 177 L 10 s. net; secours de 300 livres à raison de ses blessures (art. 21, tit. I), ci........300 » »
Descamps (Louis-François-Bernard), né le27janvier 1712, ancien capitaine au régiment de cavalerie Liégeoise-Raugra-ve, réformé en 1761, avec rang de maître de camp : 34 ans de services, 8 campagnes.
Pension de 1,9111.12 s. net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.....................1,911 12 »
Vaux (Joseph de), né le 2 février 1712, lieutenant-colonel du régiment de
Beauce, retiré en 1767 : 38 ans de services; 18 campagnes.
Pension de2,1111.10 s; net; secours de 4,000 livres (art. 18, 19 et 20, tit. I) ci............... 4,000 1. » s. » d.
Montalembert (Louis dé), né le 5 février 1712, capitaine au régiment de la Marche, comte, retiré en 1757 : 29 ans de services ; 15 campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. M), ci. 355 » »
Formanoir de Saint-Mars (Claude-Joseph), né le 10 février 1712, brigadier et lieutenant-colonel du régiment de Royal-Normandie, retiré en 1772 : 44 ans de services; 12 campagnes.
Pension de 1,770 livres net ; secours de 4,000 livres ^art. 19 et 20, tit.I), ci. 4,000 » »
Brie de Serrant (Jo-seph-Étienne de), né le 16 .. février 1712 : capitaine au régiment de la Couronne, retiré en 1757:27 ans de services, 10 campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III),ci* 355 » »
Rancher de La Feriè-re (François-Michei-Ao-toine de), né le 7 février 1712, lieutenant de carabiniers avec commission de capitaine, retiré en 1745 ; 15 ans de services, 4 campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci..................... 355 » »
La Salle (François de) né le 18 février 1712, an* cien colonel d'infanterie au régiment de la Marck, et employé par le gouvernement dans les affaires étrangères.
Pension de 14531.12 s.3 d. net ; secours de pareille somme (art. 10. tit. III), ci............... 1,453 12 3
Buin (Jean-Marie), né le 25 février 1712, btiga-dier de maréchaussée avec rang de lieutenant de cavalerie, retiré en 1784 : 52 ans de services, 4 campagnes.
Pension de 180 livres net: secours de 900 livres (art. 18,19et20, tit.I),ci. 900 » »
Desaint (Pierre-An-
toine), né le 25 février 1712, commis de la ma-rioe et commissaire des classes, retiré en 1781 31 aDs de services.
Pension de 3,000 livres net ; secours, de pareille, somme (art. 10, tit. III), ci.....................3,000 1. » s. » d.
La Crosse dd Cad (François de), né le 27 février 1712, commandant de bataillon du régiment d'Auvergne, retiré en 1760:35 ans de services, 11 campagnes.
Pension de 532 1. 15 s. net ; secours de 2,074 livres (art. 19 et 20, tit. 1), ci......................2,074 » »
Perrin (Charles-Henri de), né le 28 février 1712, commissaire des guerres, retiré en 1761 :27 ans de services, 9 campagnes.
Pension de 6,962 livres net ; secours de pâreillê somme (art. 10, tit. III), ci.....................6,962 » »
Malassis (Julien-David de), né le 29 février 1712; commandant du bataillon de milice, retiré en 1762 : 32 ans de services, 8 campagnes.
Pension de 443 1.15 s. net; secours de 1,525 livres (art. 19 et 20, tit. I)r ci......................1,525 » »
Frémy de la Tour (Simon),néle5 mars 1712,,. garde-magasin des effets du roi à Saint-Omer : 14 ans de services.
Pension de 400 livres net; secours de pareille ^ somme (art. 10, tit. III), o ci.....................400 » »
glaine(Pierre-Antoine), né le 9 mars 1712, capi-., taine aide-major du régiment provincial de Péronne, entré au service en 1730, retiré en 1772: 41 ans de services, 15 campagnes.
Pension de 454 livres net ; secours de 1,500 li- . vres faisant la totalité des appointements de capitaine d'infanterie, ci.....1,500 » »
Jollivet de Vannes (Jacques-Jérôme), né le 16 mars 1712, ancien avocat et procureur du roi de la ville de Paris, ci-devant lieutenant au régiment de Touraine, et. ensuite prévôt général de * l'Ile-de-France : 28 ans
de services en ces deux dernières qualités.
Pension de retraite de 1185 1. 5 s. net, secours de pareille somme (art. 3,tit. 6), ci.............. 1,185 1. 5 s. » d.
Ajourné pour avoir l'avis du département, quand il sera formé, sur. une seconde pension dé 15,000 livres accordée sur l'Hôtel de Ville de Paris, en vertu d'une délibération du bureau de ladite ville et d'un arrêt du conseil, en considération de 30 années de services en qualité d'avocat et de procureur du roi de la ville.
Dumarché (François-René), né le 24 mars 1712, capitaine de grenadiers du bataillon de Bourg-en-Bresse, retiré en1762^* " ** — *6 28 ans de services, 6 campagnes.
Pension de 355 livres net ; secours de pareille somme (art. 6. tit. III), ci. 355 » »
Foucault (Charles-Louis de), né le 25 mars 1712,, lieutenant-colonel d'infanterie, brigadier des armées, retiré en 1778 : 50 ans de services; 14 campagnes.
Pension de 2,124 livres net ; secours de 3,600 lit vres (art. 19 et 20, tit. I), 1 ci...................... 3,600 » »
Boyer (Pierre), né le 27 mars 1712, lieutenant de dragons auL régiment ' de Lanans, retiré avec rang decapitaineen 1772; : 4 6 ans de services, 11 campagnes.
Pension de 800 livres net; secours de 900 livres, totalité de ses appointements de lieute-. nant, ci................ 00 » »
Fermaud de la Blan-quièRe (Jean-Jacques), né * le 28 mars 1712; conseiller au conseil supé-rieur de Blois, et ci-dé-vant lieutenant principal au présidial de Montpellier, retiré en 1774, lors de la suppression descon seils supérieurs : 37 ans de services.
Pension de 200 livres, net; secours de pareille ; somme (art. 10, tit. IH), ci........................ 2,000 » »
Colombel (Isaac-René), né le 1er avril 1712, capitaine au régiment de
Vexin, retiré en 1763, rentré en 1773, retiré en 1775 : 32 ans de services, 21 campagnes.
Pension de 442 livres net; secours de 1,500 livres faisaot la totalité de ses appointements de capitaine (art. 19 et 20, tit.I), ci.....................1,500 1. » s. » d.
Legac de Lansalut (Louis-Gabriel), né le 9 mai 1712, capitaine au régiment de Nice, retiré en 1757:24 ans de services, 12 campagnes.
Pension de 346 1. 18 s. net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................346 18 »
Jourdan (Jean-Claude), né le 6 juin 1712, chirurgien-major de l'hôpital ae Phalsbourg, retiré en 1782; 41 ans de services.
Pension de 800 livres net; secours dè pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................800 » »
Renaud de Vallongue (Marc-Antoine), né le 17 juin 1712; capitaine de grenadiers au régiment de Royal-Comtois, retiré en 1772 : 39 ans de services, 12 campagnes. *
Pension de 1,062 livres net; secours de 1,500livres, totalité de ses appointements de capitaine (art. 18, 19 et 20, tit. 1), ci....................1,500 » »
Aubert de Fleigny (Jean-Baptiste), né le 26 juin 1712, capitaine au régiment de Lyonnais, retiré en 1758 : 23 ans de services, Il campagnes.
Pension de 35S livres net; secours de pareille ' somme (art. 6, tit. III), ci.
DuppuY'Dufavet (Jean-Michel), né le 1er juillet 1712, lieutenant-colonel du régiment de Paris, réformé en 1757: 34 ans de services, 12 campagnes.
Pension de 2,124 livres net ; secours de 3,400 livres (art. 18,19 et 20, tit. I), ci......'.......3,400 » »
Duval de Yaraire (Joseph), né le2 juillet 1712, doyen de la ci-devant Cour des aides de Mon-tanban.
Pension de 837 1. 10 s. net; secours de pareille
somme (art. 10, tit. III), ci...................837 1. 10 s. » d.
Arasse de Sarau (Antoine-Joseph), né le 9 juillet 1712, capitaine au régiment de Piémont : 24 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 443 1. 15 s. net; secours de pareille,, somme (art. 6, tit. III), ci..................... 443 15 »
Mazan-Fabry (Charles-César de), né le 15 juillet 1712, lieutenant des galères, retiré en 1749: 23 ans de services.
Pension de 706 1. 13 s. 4 d. net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci...................706 13 4
Balasne de Montréal (Louis-François), né le- • • 19 juillet 1712, capitaine des grenadiers du régiment de Sarres, retiré en 1757:27 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 443 1. 15 s. net : secours de pareille . somme (art. 6, tit. III),ci 443 15 »
Le Noury de Mord allé (Jean-Baptiste), hé le 20 " juillet 1712, lieutenant au régiment de Mestre-de-camp (cavalerie), retiré en 1770 : 41 ans de services, 14 campagnes.
Pension de 885 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.885 » »
DuRiEUX(Jean-Baptiste), né le 28 juillet 1712, pre- " ' mier commis des monnaies, retiré en 1767 : 39 ans de services.
Pension de 2,100 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III),ci.2,100 » »
Reinharde (Jean-Geor-ges), né le 3 août 1712, sous-lieutenant au régiment de Royal-Allemand (cavalerie),retiré en 1765 : 30 ans de services, 14 campagnes.
Pension de 265 livres 10 sous net; secours de 600 livres (décret du 9 janvier 1791), ci........600 » »
André, sieur de la Co-longe (André de), né le 7 août 1712, capitaine au régimentde Bourbonnais, retiré en 1748: 15 ans de services, 9 campagnes.
Pension de 354 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III),ci.354 » »
ChouPPES (Jean-Charles-René de), hé le 13 août 1712, major du régiment du commissaire général, retiré en 1763:34 ans de services, 15 campagnes.
Pension de 638 livres net : secours de 2,887 I. 10 s. (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................2,887 1. 10 s. » d.
Boutron (Jean), né le 14 août 1712, entré simple soldat en 1734, retiré en 1780, lieutenant ad régiment de Brie en 1778, avec rang de capitaine : 46ansde services, 16 campagnes, plusieurs blessures.
Pension de 900 livres net; secours de 2,000 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................2,000 » »
Abzac de Mayac (François d'), né le 5 septembre 1712, capitaine au régiment de Mestre de camp général, retiré en 1743 :25 ans de services^ plusieurs campagnes.
Pension de 532 1.10 s. net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci....................532 10 »
Parades (Pierre de), nô le 7 septembre 1712; cornette au régiment du Roi (cavalerie) réformé en 1713: 28 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 266 1. 5 s. net : secours de 600 livres (décret du 9 janvier 1791), ci...........600 » »
Vaux (Fancois-Antoine de), né le 16 septembre 1712,ancien secrétaire interprète du régiment d'Alsace, et ci-devant employé au dépôt de la guerre.
Pension de 2.840 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III),ci. 2,840 » »
Monier de Chambrai (demoiselle René Hoffmann, veuve du sieur), née le 18 septembre 1712.
Pension de 180 livres, accordée en considération des services de son mari, capitaine au régiment de Royal-Barrois, tué après la bataille de Rosbach dans une affaire commandée par M. de Chevert; secours de pareille somme (art. 8, tit. III), ci...........180 » »
Loys de Lointille (Jean François de), né le 25 septembre 1712, capitaine au régiment de
Champagne,retiréenl764, 27 ans de services; 15 campagnes.
Pension de 354 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.354 1. » s. » d.
Planta (Joseph-Henri-. Robert de), né le 5 octobre 1712, ancien lieutenant au régiment de Fou-quet, retiré en 1747 : 18 ans de services ; plusieurs campagnes.
Pension de 266 1. 5 s. net ; secours de 600 livres (décret du 9 janvier 1791), ci.....................600 » »
Amedroz (Abraham), né le 9 octobre 1712, maréchal de camp, et ci-devant lieutenant des fardes suisses, retiré eu 780 : 50 ans de services, plus de 8 campagnes.
Pension de 5,000 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. IU), ci. 5,000 » »
Charpentier pu Pe* tit-Bois (Charles-François), né le 10 octobre 1712, ancien commissaire pour le roi à Granville : plusieurs années de services, 16 campagnes.
Pension de 2,942 U 10 s. net ; secours de pareille somme (art. 6, tit, III), ci.................2,942 10 »
Betting d'Henrivillh (Nicolas-François), né le 17 octobre 1712, ancien commandant de bataillon au régiment d'Anhalt, retiré en 1762 : 28 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 1,062 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III),, ci......................1,062 » »
Pons Saint-Maurice (Emmanuel - Louis- Auguste de), né le 29 octobre 1712, lieutenant général des armées, et ci-devant commandant du régiment d'Orléans : U campagnes.
Pension de 10,2711.3 s, 4 d. net; secours de 6,000 livres (art. 5, lit. III), ci....... .......:.6,000 » »
La Pérouze (Louis de), né le 22 octobre 1712, ancien lieutenant au régiment de Mestre de camp (cavalerie),retiré en 1777: 44 ans de services, 15 campagnes.
Pension de 442 1.10 s.
net; secours de 900 livres (art. 19- et 20, tit. I), ci.....................%900 1. » s. » d.
Làmbour (Charles-Ti-mothée), né le 23 octobre 1712, ancien commissaire général delà marine, retiré en 1777 : 48 ans de services.
Pension de 4,070 livres net ; secours de pareille somme (art. 10, titre III), ci.............. 4,070 » »
Richard de Cendre-court (Jean François), né le 25 octobre 1712, lieutenant au régiment de commissaire-général, commissionné de capitaine en 1759 et retiré en 1760 :31 ans de services, 12 campagnes.
Pension de 53z 1. 10 s. : net ; secours de 600 lièvres (décret du 9 janvier , 1791), ci............... 600 » »
Avesgo de Coulonge (Louis Pierre d!), né le 27 octobre 1712, ancien capitaine au régiment Royal (cavalerie), retiré en 1758 : 25 ans de services ; 9 campagnes.
Pension de 542 1. 10 s. net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.................... 542 10 » »
Grattier de la Gra-terie (Claude), né le 31 octobre 1712, commandant réformé du régiment des recrues dé,.., Blois, avec commission de lieutenant-colonel eu 1761, et retiré en 1768 ; 38 ans de services, 12 campagnes.
Pension de 2,124 livres net ; secours de 4,000 livres (art. 17 et 20, tit. I), ci..................... 4,000 » »
Bourdon de Sigrais (Claude-Guillaume), né le 3 novembre 1712, ancien capitaine à la suite du régiment 4e Berry (cavalerie) et membre de l'Académie des belles-lettres : 23 ans de services militaires, quelques campagnes, plusieurs mémoires et travaux littéraires.
Pension de 2,931 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. IÏI). ci.................... 2,931 » »
Moriolles (Léonard François-Marip), né le 4 novembre 1712, lieutenant général des armées,
et ci-devant lieutenant des gardes du corps ; 10 campagnes.
Pension de 7,930 livres net ; secours de 6,000 livres (art. 5, tit. III), ci.. 6,000 1. » s. » d.
Langan - Boisfévrier (Pierre-Herculain), né le 7 novembre 1712, capitaine au régiment de Royal-Comtois, retiré en 1755 ; 24 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 450 livres net; secours de pareille somme (art. 6, titre III), ci.....................400 » »
Humières (Guillaume d'), né le 14 novembre 1712, ancien major du ré-giment d'Orléans, avec rang de lieutenant-colonel en 1758, retiréen 1766: 31 ans de services, 14 campagnes.
Pension de 680 livres net; secours de 3,128 livres (art. 19 et 20, tit. I),ci. 3,128 » »
Vallin (Jacques), né le 2 décembre 1712, porte-drapeau au régiment de Bouillon (étranger), retiré en 1781 : 43 an3 de services, 11 campagnes.
Pension de 405 livres net; secours de 720 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci.720 » »
Rémy d'Evin(François-Eustache), né le 6 décembre 1712, sous-doven des conseillers au Parlement de Flandre.
Pension de6701ivresnet; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....670 » »
Huguet de Semonville (Jean-Baptiste-François), né le 9 décembre 1712, ancien major de la ville de Calais, et ci-devant capitaine du régiment de Roye, retiré en 1771: 43 ans de services, 11 campagnes.
Pension de 1,286 livres, secours de 1,500 livres (art. 19 et 20, tit.I), ci..1,500 » »
Montboissier (Pbilippe-Claude), né le2l décembre 1712; lieutenant-gé-néralet ci-devant capitaine des mousquetaires : 8 campagnes.
Pension de 11,9431.10s. 6 d. net; secours dé 5,000 livres (art. 5,tit. III), ci......................5,000 » »
Sole au (Jean-Julien), né le 21 décembre 1712,
ancien contrôleur des vingtièmes de la généralité de Châlons.
Pension de 1,200 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci. 1,200 1. » s. » d.
Beffroy de la Grève (Jean-Baptiste), né le 28 décembre 1712, ancien capitaine au régiment d'Orléans, retiré en 1857: 29 ans de services, 12 campagnes.
Pension de 443 1. 15 s. net; secours de pareille somme (art. 6, tit. I),ci.. 443 15 »
Mouchard (François), 'né le............1712,ancien boulanger de la marine à Rochefort, retiré en 1784 : 48 ans de services, plusieurs embarquements.
Pension de 180 livres net ; secours de 365 livres totalité de son traitement (art. 19 et 20, tit. I), ci. . 365 » »
Le Changeur Franr çois-Louis), né le 2 janvier 1713, ancien commis principal du département de la guerre, aux appointements d'activité de 5,600 livres,retiré en 1778 : 47 ans de services.
Pension de 3,450 livres net ; Becours de 4,970 livres (art. 18, 19 et 20, tit. I), ci................ 4,970 » »
Champy (Claude), né le 4 janvier 1713, ci-devant officier au régiment de Champagne (infanterie), retiré en 1751 : 21,ans de services, tant en qualité de soldat, qu'en celle de sergent et de lieutenant, 11 campagnes.
Pension de 1,000 livres net ; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci. 1,000 » »
blanchard(Guillaume), né le 6 janvier 1713, ancien sous-caissier au bureau des vivres de la marine : 33 ans de services.
Pension de 1,000 livres net; secours dé pareille* somme (art. 10, tit. III), ci..................... 1,000 » »
Merle de Beaulieu (dlto Françoise-Bathildede Claessen, veuve du sieur), née le 30 janvier 1713.
Pension de 150 livres-, en considération des services de feu son mari, capitaine au régiment de ' Foix, mort des suites de ses blessures; secours de
pareille somme (art. 8, tit. ni),ci.............. 150 1. » s. » d.
Bonnafait deBachaux (Jean), né le 18 mars 1713, lieutenant au régiment du commissaire général, retiré en 1768 : 26 ans c(e services, grand nombre de campagnes.
Pension de 354 livres net ; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci. .354 » »
sallet(Claude-Charles- François), né le 25 mars 1713, doyen du ci-devant Parlement de Nancy.
Pension de 1,500 livres net, en considération de ses longs services; secours de pareille somme (art, 10, tit. III), ci........ 1,500 » »
Redon de Mondevis (Louis), né le 14 avril 17 i 3, capitaine au régiment de Hainaut, réformé en 1762 :23 ans de services, plu-sieurs campagnes.
Pension de 354 livres net; secours de 600 livres (décret du 9 janvier 1791), ci..................... 600 » »
Bordier (Jacques), né le 22 avril 1713, ancien conseiller au conseil supérieur de Rouen.
Pension de 2,000 livres net ; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci. 2,000 » »
Thibault (Jean), né le 23 avril 1713, greffier de ' la délégation de Poitiers.
Pension de 300 livres, accordée en considération de ses services en ladite qualité; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci............. 300 » »
Ballet (Jacques-François), né le 26 avril 1713, lieutenant au régiment . d'Anhalt, retiré en 1768:
35 ans de services, 16 campagnes.
Pension de 354 livres net ; secours de 600 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci.. 600 » »
Lacroix de Ghevrières de Saive (Arthur-Joseph), né le 1er mai 1713, ancien président du Parlement de Grenoble.
-Pensionde 2,800 livres net ; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci. 2,800 » »
Teure au de Rochefort (Jean-François), né le 7 • • mai 1713, capitaine d'artillerie, retiré en 1765;36 ans de services, 15 campagnes.
Pension del,2491.11 8. 8 d. net; secours de 1,500 livres (art. 10 et 20, tit. I), ci................ 1,500 1. » P. » d.
Roux de Lusson (An-net), né le 12 mai 1713, capitaine au régiment de l'Ile-de-France, réformé en 1762 : 32 ans de services,' 15 campagnes.
Pension de 354 livres net; secours de 1,331 1. 5 s. (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................1,331 5 »
Monteynard (Louis-François), né le 12 mai 1713, lieutenant général des armées et ancien secrétaire d'Etat, ayant le département de la guerre : 46 ans de services, 17 campagnes.
Pension de 26,9791. 3 s. 4 d. net; secours de 15,000 livres (art. 10, tit. III), ci..............15,000
Parret (Louis), né le 15 mai 1713, employé à la caisse des marchés dè Sceaux : 32 ans de services.
Pension de 600 livres net ; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................600
Marmet de Valcrois-sant (demoiselle Marie-Charlotte d'Autrie de Vin-timille,veuve du sieur de), née le 15 mai 1713.
Pension de 708 livres net, accordée en considération des services de feû son mari,commissaire ordinaire des guerres, retiré après 39 ans de services, secours de pareille somme (art. 8, tit. III), ci.
La faige(François-Eleo-nor de), né le 18 mai 1713, lieutenant au régiment de Royal-Normandie, retiré en 1764 : 33 ans de servi-' ces, 20 campagnes.
Pension de 354 livres net ; secours de 600 livres (art. 19et 20, tit. I), ci...600
Castagny (François de), né le 20 mai 1713, capitaine au régiment d'Au-nis, retiré en 1765 : 34 ans de services, 6 campagnes.
Pension de 1,062 livres net, secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................1,062
Fabry de Fabrègnes (Jacques),né Ie27mai 1713, capitaine de vaisseau, retiré en 1774 : 42 ans de
services, 18 années d'embarquement, dont 9 campagnes de guerre.
Pension de 2,420 livres net ; secours de 3,600 livres, totalité des appoiu-. tements de son grade (art. 19 et 20, tit. I), ci.......3,600 l
Vallerand (Jean-François de), né le29mai 1713, capitaine de la Légion-royale (infanterie), retiré en 1776 : 42 ans de services, plus de 10 campagnes.
Pension de 1948 livres net, secours de 2000 livres (art. 19 et20, tit. I), ci...2,000
Cresun (Philippe-Jo-seph), né le 30 mai 1713,' capitaine au régiment de Condé (cavalerie), retiré en 1763: 29 ans de services , plusieurs campagnes.
Pension de 7421.10 s. net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci....................742 10
voland de matheron de Salignac (Henri-Renaud-Pierre), né le 4 juin 1714, ancien capitaine du régiment de Royal-Vaisseaux, retiré en 1762 : 28 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 450 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci,
Verlhac (Jean-Baptiste de), né le 12 juin 1703, ancien major au régiment de Flandre,retiré en 1784 ; commandant pour le roi à Sarrebourg : 60 ans de services, 7 campagnes; chargé de différentes négociations en Italie, en Toscane et en Sardaigne; -plusieurs blessures graves.
Pension de 800 livres net; secours de 2,000 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................■
Roland (François-Marie), né le 16 juin 1713,. capitaine au régiment des recrues de Lyon, retiré en 1767 : 33 ans de services, 13 campagnes.
Pension de 354 livres net; secours de 1,275 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci......................1,275
Le Josne de Versigny (Constant), né le 26 juin 1713, capitaine au régiment de la marine, retiré
en 1763 :30 ans de services, 18 campagnes.
Pension de 443 1. 15 s. net; secours de 1,387 livres 10 s. (art. 19 et 20, tit. I), ci.............. 1,387 1. 10 s. » d.
Godin des Odonais. (Jean),né le 4 juillet 1713.
Pension de 630 livres net, accordée pour avoir fait à Cayenne, sur le Jbord de fa rivière des Amazones, par ordre du gouvernement, différentes opérations astronomiques et divers travaux pour l'exploitation des terres ; secours de pareil le somme (art. 10, tit. III), ci..................... 620 » »
Bellini (Barthélemy-Xavier),néle4 juillet 1713, capitaine au régiment Royal-Corse, retiré en 1779:33 ans de services, 3 campagnes.
Pension de 1.200 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................1,200
Glocker (Joseph de),né le 5 juillet 1713, maréchal de camp en 1780 : 36 ans de services effectifs, 16 campagnes.
Pension de 3,000 livres net : secours de 4,000 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci..................... 4,000
La Borde (Armand), né le 10 juillet 1713, ancien capitaine au régiment de Royal-Vaisseaux, retiré en 1770 : 35 ans de services, 11 campagnes.
Pension de 1,020 livres net; secours de 1,275 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................1,275
1,200
1,275
Ligonier - Dubuisson (Louis),né Iel0juilletl713, capitaine au régiment de Touraine, retiré en 1757 ; 25 ans de services, plu-' sieurs campagnes.
Pension de 355 livres ; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.......
Carrière (Etienne-Félix de),né le 12 j uilletl713, capitaine au corps des grenadiers de France, retiré en 1755 : 22 ans de services, plusieurs campagnes, quelques blessu-res.
Pension de 532 1. 10 s. net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.....................532 10
Poulain de Mauny (Ma-thurin-Pierre-Jean-Guii-Iaume),néle29iuilletl713, capitaine au régiment de Toulouse, retiré en 1755 :
21 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.355 l
Cotte de la Tour (François-Louis), né le 2 août 1713, capitaine au régiment de Chartres (iu-fauterie), retiré en 1756 :
22 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 355 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci.355
Faudoas de Serillac (Louis) né le 10 août 1713, capitaine au régiment de la Reine,avec rang de lieu* tenant-colonel en 1765» retiré en 1768:37 ans de services, 9 campagnes.
Pension de 443 1.15 s. net; secours de 600 livres (décret du 9 janvier 1791), ci...............600
Dupain (Louis-Charles), né le 18 août 1713, ragé-1 nieur géographe des camps et armées, et ci-devant capitaine à la suite du régiment de Piémont, retiré en 1775 : 31 ans de services.
Pension de 2,3151.15 s. net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................2,315 15
Duvergîer (Pierre), né le 23 août 1713, capitaine au régiment de Piémont, retiré en 1761:32 ans de services, 17 campagnes, plusieurs blessures.
Pension de 532 1.10 s. net; secours de 1,128 1. 5 s. (art. 19 et 20, tit. I), ci..;..................I 1,128
Talbot de Montalbot (Charles-Antoine),né le 23 août 1713, capitaine de vaisseau, retiré en 1770,.. 20 ans de services, 2 campagnes, plusieurs embarquements.
Pension de 3,000 livres net; secours de pareille somme (art. 19, tit. J1I) ci. 3,000
Gallien de Chabons (François), né le 29 août 1713, ancien président à mortier du parlement de Grenoble.
Pension de 2000 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. 111),ci. 2,000
Brigand (Guillaume-Henri), né le 10 septembre 1713; lieutenant au régiment de Toustain (cavalerie), retiré en 1761 : 30 ans de services, 18 campagnes.
Pension de 443 1. 15 s, net; secours de 490 1. 10 s. (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................490
490 I. 10 s. » d.
Lyle-Calliàn (Joseph-Ignace de), né le 11 septembre 1713, chef d'escadre : 46 ans de services, 24 campagnies ou embarquements.
Pension de 3,540 livres net; secours de 3,600 livres, totalité de ses appointements (art. 19 et 20, tit. I), ci........... 3,600
Rosenthal (Jean-Fré-* déric de), né le 14 septembre 1713, capitaine an régiment Salis-Grisons, retiré en 1764 :21 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 590 livres net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci. 59Q
Saintonge (Pierre), né le 18 septembre 1713 : 41 ans de services tant dans le régiment de Royal-Etranger, que comme maître de l'école de trompette, établi à l'hôtel des Invalides.
Pension de 960 livres net ; secours de pareille somme (art. 10, tit. lllj, ci. 960
Vienne (Louis - Henri de), né le 23 septembre 1713, ancien maître de camp d'un régiment de cavalerie du même nom, retiré en 1760 : 31 ans de services, 17 campagnes.
Pension de 4,700 livres net ; secours de 3,700 livres (art. 10, tit. III), ci, 3,700
Platel (Pierre), né le 23 septembre 1713, cornette dans la légion de Condé, retiré en 1763 : 24 ans de services, 14 campagnes.
Pension de 438 iiv. 9 s. net ; secours de 600 livres (décret du 9 janvier 1791), ci............... . 600
Duchastelier (Charles-François), né le 27 septembre 1713; commandant du bataillon de milice de Rennes, retiré en 1763 : 29 ans de services, 4 campagnes.
Pension de 443 1. 161.
net ; secours de pareille somme (art. 6, tit.III), ci.355
Aumont de Mouteer (Charles-Louis-Jean-Bap^ tiste ), né le !** octobre 1713, maréchal de camp et ci-devant lieutenant-colonel au régiment de Chartres, retiré en 1780 : 51 ans de services, 17 campagnes.
Pension de 5,228 1. 5 s. net ; secours de pareille somme (art. 5, tit. III), ci. 6,228
Roger de Beaufremont (Charles), né le 4 octobre 1713, maréchal de-camp et ancien gouverneur de Secelles : 8 campagnes de guerre.
Pension de 6,062 1. 10 s. net; secours de 5,000 livres (art. 5, Ut. III), ci..............................5,000
Muyart de Vouglan» (Pierre-François), né le 13 octobre 1713, ancien conseiller au grand Conseil et ci-devant conseiller au parlement de 1771.
Pension de 3,500 livrés net, secours de 3,000 11- " vres (art. 10, tit. III), ci.. 3,000
Pinard ( Marie-Elisabeth - Thérèse Guérin. veuve du sieur), néelelo octobre 1713.
Pension de 2,950 livres net, en considération des services de feu son mari, ancien commis au bq-r reau de la guerre pendant 36 ans; secours de pareille somme (art, 8. tit. III), ci.............. 2,9,50
Lastic (Charles-Antoine* Renaud), né le 16 octobre 1713, brigadier de cavalerie, retiré en 1767 : 38 ans de services, 17 cam^ pagnes.
Pension de 1,885 livres net; secours de 5,000 livres, totalité des appointements de son dernier grade (art. 19 et 20, tit. I), ci.................5,000
Couloub (Jacques-Luc), né le 18 octobre 1713, ingénieur et constructeur en chef dans les ports de Brest et Toulon, retiré en 1768 ; 40 ans de ser-vices.
Pension de 2,100 livres net ; secours de 3,000 livres (art. 9 et 20, tit. I), ci...............3,000
NARBONNE-PELET(Fran-çois-Raymond), né le 2t
octobre 1713, lieutenant général des • armées, ci-devant lieutenant des gardes du corps, et gouverneur de Sommières: 11 campagnes.
Pension de 4,125 livres net; secours de pareille somme (art. 5, tit. III), ci.4,125
Saint-Phalle (Alexan-dre-David), né le 21 octobre 1713; capitaine au régiment de la Roche-Aymond, retiré en 1758
Sour cause d'infirmités :
[) ans de services, 11 campagnes.
Pension de 947 1.10 s. net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci...................... 947 10 »
Quiqoeran de Badjeu (Pierre), né le 24 octobre
1713, sous-lieutenant des., .......
grenadiers à cheval, retiré en 1754 : 27 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 1181, 1. 5 s. net; secours de pareille somme (art. 6, tit. III), ci................. 1,181 5 »
Chardoillet (Christo-. phe), né le 27 octobre 1713, capitaine au régiment Royal-Bavière, retiré en 1759 pour cause de blessure : 25 ans de services, 12 campagnes.
Pension de 670 livres net ; secours de 930 livres (art. 19 et 20, tit. 1), ci. . 930 » »
Marlin (Laurent), né le 29 octobre 1713, maréchal des, logis de la gendarmerie, retiré en 1770': lieutenant-colonel ; 40 ans de services, 12 campagnes.
Pension de 983 1. 6 s. 8 d. net; secours de 4,000 livres (art. 19 et 20, tit. III), ci.............. 4,000 » »
Lancry Ûepron-le-Roy ( Louis-Maxitnilien-Emmanuel), né le 30 octobre 1713, lieutenant '
généra] "des arméés, ci-".....
devant officier des gardes françaises, réformé en 1777 :* 45 ans de services, 7 campagnes.
Pension de 9,589 3 s. 4 d. net; secours de 4,500 livres (art. 5, tit. III), ci................. 4,500 » »
Lascases de Beauvoir (Pierre-Louis), né le 2
novembre 1713, capitaine1
commandant de bataillon au régiment d'Auvergne,
retiré en 1661 à raison de ses blessures : 29 ans de services, 18 campagnes.
Pension de 532 1.10 s. net; secours de 1776 I-; (art. 19 et 20, tit. I), ci. 1,776 i. »
Aubert de Résie (Pierre), né le 2 novembre 1713, lieutenant au régiment Royal-Piémont, "avec commission de ca^ 1 • pitaine depuis 1759, retiré en 1763 : 30 ans de services, 10 campagnes.
Pension de 4421. 10 s. net; secours de 937 l. 10 s. (art. 19 et 20, tit. I), ci..................... 937 10
Suze (Jean-Baptiste de), né le 3 novembre 1713 ; capitaine aux volontaires de Hainaut, réfermé eu • 1763 : ans de services-plusieurs campagnes.
Pension de réforme de 450 livres net, à laquelle il avait renoncé par sa lettre à M. Necker, du 10 octobre 1789, à condition d'une sous-lieute-nance pour son second fils, soldat volontaire depuis 3 ans au régiment « de Viennois, secours de pareille somme (art. 10, . tit. III), ci.............../ 450
Eu de Rapsecourt (Pierre-François d'), né le 7 novembre 1713, capitaine au régiment de hussards de Lynden, réformé en 1749 : 18 ans de services, 10 campagnes.
Pension de 265 1. 10 s. net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci..................... 265 10
Savalette (Pierre Charles), né le 10 novembre 1713; ancien garde du Trésor royal.
Pension de 2,750 livres ' net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), , .
ci..................... 2,750 »
Boyer (Etienne), né le 10 novembre 1712, employé dans la régie des droits réunis.
Pension de 400 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci...........,ï........... 400 ...»
Scepeaux (Joseph Pierre Henri de), né le 11 novembre 1713, maréchal de-camp, ci-devant enseigne des gardes du corps, retiré en 1757 : 37 ans de services, 12 campagnes.
Pension de 3,500 livrçs
net; secours de 4,812 1. 10 s. (art. 19 et 20, tit. 1), ci.....................4,812 1. 10 s.
Mourche (Jean-Baptis-te),nélel2novèmbrel713, cnirurgien-major au régiment Royal-Lorraine, retiré eu 1785 : ,41 ans de services.
Pension de 1,000 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................1,000
Pagès (Raymond-Dominique), né le 12 novembre 1713, ancien commis des classes de la marine pendant 6 ans.
Pension de 288 livres net ; secours de pareille somme (art. ^10, tit. III),' ci.....................288
Duc, dit le duc (Claude-Marie), né le 21 novembre 1713, maréchal de camp et inspecteur général d'artillerie : 57 ans de services, 18 campagnes.
Pension de 600 livres net; secours de 10,000 liv. mais dont il ne jouira que lorsqu'il cessera d'être en activité........(Mémoire.)
Pareth (Jean-Joseph), né le 25 novembre 1713, capitaine au régiment d'Alsace, retiré en 1771 : 43 ans de services, plus de 10 campagnes.
Pension de 708 livres net; secours dé 1,500 livres, totalité des appointements de son grade (art. 19 et 20, tit. III), ci.....................1,500
Guittard (Jacques-François),né le 26 novembre 1713, capitaine au régiment provincial de col-mar, retiréen 1773,28 ans de services,4 campagnes.
Pension de 531 livres pet ; secours de 600 livres (décret du9janvier 1791), ci...................600
Mendavit (Nicolas), né le 7 décembre 1713, lieutenant au régiment deNas-sau, retiré en 1763 ; 32 ans de services, 15 campagnes.
Pension de 354 livres net; secours de600 livres (décret du 9 janvier 1791), ci.....................600
Leuze de Villaret(J ean-Antoine de),né le ^décembre 1713, major du régiment d'Eu (infanterie), retiré en 1766 :32 ans de
services, 10 campagnes.
Pension de 885 livres net ; secours de 2,100 \i-vres (art. 19 et 20, tit. I), ci......................2,100
Cairon de la Motte (Jean-François), né 1e 24 décembre 1713, capitaine au régiment de Dauphiné; retiré en 1763 :29 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 443 1. 15 s. net, secours de pareille somme (art. 6, tit. III); ci......................443
Bérard (Etienne), né le 26 décembre 1713, commissaire général de la marine, retiré en 1776 : 48 ans de services, quelques embarquements.
Pension de 3,540 livres net ; secours de 3,600 livres (art. 19 et 20, tit. I),
Duchesne (Etienne), né le 28 décembre 1713, an- ; cien conseiller au conseil supérieur de Blois.
Pension de 200 livres net; secours de pareille somme (art. 10, tit. III), ci.....................200
Le Bel (Pierre), né le 18 décembre 1713, lieutenant au régiment Royal-Cbampagne (cavalerie) retiré en 1763 : 28 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 355 livres net : secours de 600 livres (décret du 9 janvier 1791), ci.....................600
Clergue, sieur de Durfort (Joseph), né le janvier 1714; major d'infanterie au régiment de Guyenne, retiré eu 1759 :29 ans de services, 11 campagnes.
Pension de 443 1. 15 s. net : secours de pareille somme (art. 6, tit. III),
Marseille de Gérin (Louis-Alexandre), né le 8 janvier 1714, ancien lieutenant de roi à Sisteron, et ci-devant major général des huit bataillons de milice de Marseille, retiré en 1779 : 51 ans de services, 10 campagnes.
Pension de 1,200 livres net; secours de 1,920 li-' vres (art. 19 et 20, tit. 1), ci.....................1,920
Dufour, sieur Oufort,
(Etienne), né le 21 janvier 1714, lieutenant-colonel de la gendarmerie, retiré en 1775: 44 ans de services, 17 campagnes.
Pension de 355 livres net ; secours de 4,000 livres (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................4,000
Elpas, sieur de Saint-Marsal (Jean - Baptiste-Polycarpe-Antoine d'), né le 26 janvier 1714, réformé en 1766, commandant d'un régimeot de recrues: 28 ans de services, plusieurs campagnes.
Pension de 1,062 livres net; secours de,pareille somme (art. 6. tit. III), ci.....................1,062
DuMONCHET(Jean-Fran-çois-Louis), né le 7 février 1714, ancien capitaine de grenadiers du bataillon ae milice de-Blois, retiré en 1763 : 33 ans de services, 12 campagnes.
Pension de 595 livres net ; secours de 1,218 1. 10 s. (art. 19 et 20, tit. I), ci.....................1,218
Beàuharnaïs (François de), né le 8 février 1714, ancien chef d'escadre et gouverneur de la Martinique, aux appointements de 42,000 livres, retiréen 1764: 35 ans de services, 20 campagnes de mer dont 9 en temps deguerre.
Pension de 3,182 1. 10 s. net; secours de 10,000 livres (art. 19 et 20, tit. I),ci............10,000
Sédilhac (Georges de), né le 11 février 1714, lieutenant de cavalerie au régiment Royal-Lorraine, retiré en* 1766 : 26 ans de services, 9 campagnes.
Pension de 354 livres net ; secours de 600 livres (décret duk9janvier 1791), ci........;............600
Brugnière (Jean de), né le 12 février 1714, ancien chirurgien-majordu régiment de Béarn, retiré en 1781 : 44 ans de services.
Pension de 1,000 livres net; secours de pareille somme (art, 10, tit. III), ci.....................1,000
Total............919,712 I. » s. 10 d.
L'ordre du jour est un rapport du comité mili-taire sur les masses destinées à Ventretien des différentes parties de l'armée.
,rapporteur. L'Assemblée veut-elle entendre le rapport du comité militaire sur les masses (1)? Un grand nombre de membres : Non 1 nou l On vous en dispense 1
,rapporteur, donne lecture du projet de décret.
Après quelque discussion, l'article 14 du titre 1" est ajourné et le projet de décret est adopté comme suit :
« L'Assemblée nationale, ayant entendu le rapport de son comité militaire sur la fixation des masses destinées à l'entretien des différentes parties de l'armée, décrète ce qui suit :
Art. 1er
« Indépendamment des sommes décrétées pour les appointements, traitements et soldes des différents grades de l'armée, il sera fait un fonds, par chaque régiment, pour chacune des parties ae dépenses tenant à leur entretien. Ces fonds seront calculés par homme dans la proportion relative à chacune de ces dépenses, et seront payés sous le nom de masses générales, masses de boulangerie, masses des fourrages, masses des hôpitaux, masses des effets de campement, masses des bois et lumières, dès troupes et des corps-de-garde, et serviront à subvenir aux dépenses qui seront détaillées ci-après; pour chacune. Art. 2.
« Toutes ces masses n'appartiendront point individuellement aux hommes;
ils n'auront aucun droit à en demander des décomptes partiels; elle
n'appartiendront pas même individuellement aux régiments, mais seulement
collectivement à toute l'armée: elles demeureront à la disposition du
roi, sous la responsabilité de son ministre, pour être administrées par
ses ordres, conformément aux principes décrétés par l'Assemblée
nationale. TITRE 1er
Masses générales de boulangerie, de fourrages, d'hôpitaux et d'effets de campement.
Art. 1er
« Les masses générales dans chaque régiment,, serontdestinées à subvenir s l°Aux remplacements d'habillement et d'équipement : 2° aux recrutements et aux rengagements : 3° aux réparations d'habillement, d'armement, d'équipement et aux dépenses communes d'administration.
« Dans les troupes à cheval, elles seront déplus chargées de subvenir à la dépense des remontes, ainsi qu'à celles relatives aux soins des chevaux et à leur équipement.
Art. 2.
« Les masses générales, devant varier dans chaque arme en raison des
différentes dépenses qui leur sont propres, seront fixées et divisées
pour chacune, à compter du 1er janvier 1791, ainsi qu'il suit, par an :
«Pour l'habillement et l'équipement,201.10s.; pour les recrues, 16 livres ; pour les réparations et dépenses communes, 21. 10 s. Total, 39 livres. Infanterie étrangère.
« Pour l'habillement et équipement. 21 1.10 s. pour les recrues, 24 livres; pour les réparations et dépenses communes, 2 1. 10 s. Total, 48 livres.
Infanterie légère.
« Pour l'habillement et équipement, 221.10 s. ; pour les recrues, 16 livres ; pour les réparations et dépenses communes, 3 1.10 s. Total, 42 liv.
Cavalerie.
« Hommes montés : pour l'habillement et l'équipement de l'homme, 35 1. 10 s. ; pour l'équipement du cheval,8 livres; pour les recrues,19 1.10 s.; pour les réparations et dépenses communes, 6 livres; pour les remontes et l'entretien du cheval, 65 livres. Total, 134 livres.
« Hommes à pied : pour l'habillement et l'équipement, 35 livres ; pour les recrues, 19 1. 10 s. ; pour les réparations et dépenses communes, 4 li-10 s. Total, 59 livres. Carabiniers.
« Hommes montés : pour l'habillement et l'équipement de l'homme, 36 L 10 s. ; pour l'équipement au cheval, 8 livres ; pour lés recrues 19 1.10 s.; pour les réparations et dépenses communes, 6 livres ; pour les remontes et entretien des chevaux, 65 livres. Total, 135 livres.
« Hommes à pied : pour l'habillement et l'équipe* ment, 36 livres; pour les recrues, 191.10 s.; pour les réparations et dépenses communes, 4 1.10 s. Total, 60 livres. Hussards.
« Hommes montés : pour l'habillement et l'équipement de l'homme, 34 livres; pour l'équipement du cheval, 8 livres; pour lès recrues, 18 livres; pour les réparations et dépenses communes, 6 livres; pour les remontes et entretien des chevaux, 60 livres. Total, 126 livres.
« Hommes à pied : pour l'habillement et l'équi-
Îement de l'homme, 33 1.10 s. ; pour les reôhies, 8 livres ; pour les réparations et dépenses communes, 4 L 10 s. Total, 56 livres. Chasseurs.
• Hommes montés : pour l'habillement et l'équipement de l'homme, 42 livres; pour l'équipement du cheval, 7 livres ; pour les recrues, 18 livres ; pour les réparations et dépensés communes, 5 Iir vres ; pour les remontes et rentretien des chevaux, 55 livres. Total, 127 livres.
« Hommes à pied : pour l'habillement et l'équipement de l'homme, 41 1. 10 s.; pour les re-
crues, 18 livres ; pour les réparations et dépenses communes, 3 1. 10 s. Total, 63 livres. Chasseurs.
« Hommes montés : pour l'habillement et l'équipement de l'homme, 3o livres; pour l'éguipement au cheval, 7 livres; pour les recrues, 18 livres; pour les réparations et dépenses communes, 5 livres; pour les remontes et l'entretien des chevaux, 55 livres. Total, 121 livres.
« Hommes à pied : pour l'habillement et l'équipement de l'homme, 35 1.10 g. ; pour les recrues, 18 livres ; pour les réparations et dépenses communes, 3 1. 10 s. Total, 57 livres.
Artillerie
« Mineurs et ouvriers : pour l'habillement ,et l'équipement, 25 1. 10 s,; pour les recrues, 22 1* 10 s.; pour les réparations et dépenses communes, 3 livres. Total, 51 livres. Art. 3.
« Toutes ces masses, quoique ainsi subdivisées pour l'évaluation de leurs différentes dépenses, seront néanmoins soumises à une comptabilité commune et générale; et les fonds d'une partie, lorsqu'ils seraient excédant les besoins, pourront aider celles qui se trouveraient insuffisantes. Art. 4.
« Sur la partie des fonds de la masse générale destinée à l'habillement et équipement, il sera fourni à chaque homme un habit, avec les marques distiuctives de son grade ou de son ancienneté, une veste, une culotte, un bonnet de police, un chapeau, casque ou bonnet de grenadier ; et de plus, dans les troupes à cheval, un gilet -en. tricot pour l'écurie, un surtout de tricot, un
Eorte-manteau et besace, et des bottes, tant aux ommes montés, qu'à ceux à pied. Cette masse fournira en outre, dans toutes les armes, les gibernes, banderoles de gibernes, bretelles de fusils, de mousqueton nu carabine, les caisses, colliers de tambours, trompettes, cornets, ceinturons et sabres, à ceux qui, par leur grade ou la naturoxle leur service, seront dans le cas d'en être armés ; et de plus, dans les troupes à cheval, l'équipage complet du cheval, en selles, brides, bridon d'écurie, licols et surfaix, housses et chaperons, schabraque8 et couvertures de laine pour le* chevaux, ainsi qu'un manteau et des gants à tous les hommes montés dans la cavalerie, les carabiniers et les dragons. Toutes ces parties d'habillement et d'équipement seront façonnées et remplacées ainsiqu'il sera plus particulièrement prescrit par les règlements. Art. 5.
« La partie des fonds de la masse générale destinée au recrutement, servira à payer les engagements, les faux frais des recruteurs, les dépenses de routes des recrues, ainsi que les rengagements : le tout conformément aux décrets de l'Assemblée nationale sur le recrutement, et aux règlements que Sa Majesté pourra faire pour leur exécution.
« Cette partie sera accrue en recette des sommes qui pourront résulter des congés de grâce qui seront accordés à l'avenir, suivant les fixations prescrites par les décrets.
Art. 6.
« La partie des fonds de la masse générale destinée aux dépenses communes, servira à payer : 1° toutes les réparations de l'habillement, de l'armement et de l'équipement des hommes, ainsi que ceux des chevaux, à l'exception néanmoins des dégradations qui pourraient y arriver par la faute prouvée des hommes, lesquelles continueront d'être à leur compte particulier ; 2° toutes les dépenses relatives à l'administration intérieure et commune de chaque régiment. Art. 7.
« La partie des fonds de la masse générale destinée aux remontes et entretien des chevaux dans les régiments de cavalerie, carabiniers, dragons, chasseurs et hussards, servira à subvenir à toutes les dépenses relatives à l'achat des chevaux, à leur conduite aux régiments; à leur nourriture en route, à leur ferrage, et généralement à toutes celles relatives à leur entretien ou à leur conservation. Cette partie sera accrue des sommes qui pourront provenir, tous les ans, de la vente des chevaux de réforme, lesquelles y seront portées en recette additionnellement. Art. 8.
La masse générale, dans aucun corps et dans aucune arme, ne sera plus assujettie aux payements de la retenue des 4 deniers par livre, qui n'auront plus lieu sur les dépenses de la guerre, i on plus qu'à ceux relatifs aux capitations, aux 31 des mois, ni à aucune autre dépense qui ne serait pas énoncée dans les articles précédents. Masse de la boulangerie.
Art. 9.
« A compter du même jour, 1er janvier 1791, la masse de boulangerie sera fixée sur le pied de 48 livres par an pour chaque homme, sous-officiers et soldats composant l'armée, y compris l'infanterie suisse, sans distinction d'armes ni de grades : elle servira à subvenir à toutes les brandies d'administration de ce service, et à fournir à chacun des hommes présents aux corps, ou détachés pour le service, une ration par jour, composée de 24 onces de pain cuit et rassis, et manipulé avec les trois quarts de froment et un quart de seigle, ainsi qu'il est prescrit par les ordonnances actuelles. Les hommes absents par congés, aux hôpitaux du lieu ou externes, n'auront aucun droit à la recevoir, et ils ne pourront, sous aucun prétexte, réclamer aucun décompte à ce sujet. Les hommes embarqués toucheront néanmoins le décompte de leur pain sur le pied de 18 deniers par jour pour le temps de leur embarquement, mais uniquement par forme de gratification extraordinaire, ainsi qu'il a été déjà décrété. Masse de fourrage.
Art. 10.
« La masse de fourrage pour les troupes à cheval sera fixée de même, à compter du 1er janvier 1791, sur le pied de 270 livres par chacun des sous-officiers, cavaliers, dragons, chasseurs à cheval, hussards, trompettes ou maîtres ouvriers montés : elle servira à fournir à chacun de leurs chevaux effectifs et présents, une ration de fourrage dans les quantités et proportions qui
seront déterminées par lps règlements, tant pour la cavalerie que pour les dragons, chasseurs et hussards. Art. 11.
« Au moyen de ces fonds fournis au département de la guerre, toutes les dépenses de fourrages, ci-devant au compte de quelques provinces, cesseront d'avoir lieu à leur charge, et les fourrages seront en conséquence fournis aux troupes sur les fonds de cette masse, dans tous les départements indistinctement. Art. 12.
« Les sommes assignées aux officiers généraux et supérieurs de l'infanterie, de l'artillerie, du génie, de l'état-major, de l'armée, aux aides de camp et aux commissaires des guerres, pour les rations de fourrage qui leur reviennent, conformément aux décrets qui fixent leur traitement, ne feront point partie de la présente masse, et leur seront payées cumulativement à leurs appointements : en conséquence, ils seront chargés eux-mêmes de la nourriture de leurs chevaux. Quant aux sommes assignées par les décrets aux officiers des troupes à cheval, en raison de leurs grades, elles seront retenues et cumulées avec la masse générale de fourrage dë leurs régiments ;et cette masse sera chargée de fournir ia subsistance aux chevaux effectifs présents qu'ils auront au corps, en observant la fixation de leur grade et de leur faire le décompte des rations de fourrage non consommé par eux pendant les absences auxquelles ils pourraient être autorisés par semestre ou congés, en raison du nombre de chevaux fixé pour leurs grades, sur le pied du prix qui sera déterminé pour chacune dans chaque département. Masse d'hôpitaux.
Art. 13.
« A compter du même jour 1er janvier 1791, la masse des hôpitaux sera fixée à la somme de 15 livres par an pour chaque sous-officier et soldat composant l'armée, y compris l'infanterie suisse, sans distinction d'arme ni de grade ; elle servira à leur fournir tous les secours nécessaires en maladies, ainsi qu'à subvenir à toutes les dépenses ou faux frais , accessoires de ce service. Sur cette masse seront payés en outre les appointements d'un chirurgien-major entretenu dans chacun des régiments d'infanterie française, allemande, liégeoise, irlandaise, de troupes à cheval et d'artillerie, dans chacun des bataillons d'infanterie légère ; et enfin dans le corps des mineurs, attendu la réunion habituelle de ces compagnies. Art. 15 du projet, devenu le 14* du décret, au moyen de l'ajournement du 14e du projet.
« Cette masse sera accrue par la retënùe de la la solde exercée sur tous les nommes entrant aux hôpitaux, lesquels cesseront de la toucher pendant tout le temps qu'ils y demeureront ; mais cette retenue ne pourra jamais être que de la partie de la solde affectée au prêt dans chaque arme, ou désignée sous le nom de haute paye, par la proclamation du roi du 5 juillet 1790, en exécution des décrets des 6 et 24 juin dernier. La partie de la solde affectée à la poche ou à l'entretien particulier des hommes, ainsi que la haute paye c des tambours, destinée à l'entretien de leur caisse,
continuera toujours à leur appartenir, et le décompte leur en sera fait pour tout le temps dé leur séjour à l'hôpital, sur le rappel qui en aura lieu dans la première revue du commissaire, qui suivra l'époque de leur sortie. Masse des effets de campement.
Art. 15.
« A compter du même jour 1er jénvier 1791, la
masse des effets de campement sera fixée à 3 livres par chaque
sous-officier et soldat, saos distinction de grade ni d'arme composant
l'armée, v compris les régiments suisses : elle servira à fournir : 1°
les drapeaux, étendards, guidons, aiDsi que leurs lances, leurs cravates
et leurs montures qui cesseront d'être aux dépens des colonels; t les
capotes des sentinelles pour le service de l'hiver dans les places; 3*
les tentes, bidons, gamelles, marmites et autres ustensiles de campement
qui pourraient être nécessaires aux troupes dans leur rassemblement ou à
l'armée. Bile sera en outre chargée de l'entretien de ces effets, ainsi
que de toutes les dépenses relatives à leurs mouvements, à leurs
emmaga-sinements, ou traitement des gardes-magasins nécessaires à leur
conservation. Art. 16,
Les fonds de toutes les masses générales d'hôpitaux et d'effets de campement, ci-dessus fixés par hommes, seront toujours faits sur ie pied complet déterminé pour chaque arme par les décrets de formation, et seront remis à ia disposition du ministre de la guerre, par douzième au 1er de chaque mois; quant aux fonds des masses de boulangerie et de fourrage, le ministre des financesest autorisé à verser entre lesmainsdu ministre de laguerre, et par égale portion, dans chacun des mois de novembre, décembre, janvier, février et mars, les trois quarts de leurs montants, et en conséquence à ne lui payer,pendant les 7 autres mois, et par égale portion, au commencement de chacun, que le quart restant du montant desdites masses; le tout ainsi qu'il sera plus particulièrement prescrit par les décrets à rendre relativement aux versements, et à l'administration des fonds du département de la guerre.
TITRE II.
Du chauffage des troupes, des bois et lumières des corps de garde.
Art. 1er
« A commencer du lar janvier 1791, les troupes de toutes les armes recevront, dans les proportions qui seront ci-après indiquées, du bois, de la tourne ou du charbon de terre, pour servir à leur chauffage et à. la préparation de leurs aliments. Art. 2.
¦ Lorsqu'il sera délivré du bois aux troupes, la fourniture s'en fera à raison de 5 cordes un tiers pour 100 hommes, pendant 30 jours d'hiver, et de 2 cordes un tiers également pour 100 hommes, pendant 30 jours d'été.
« Ghaque corde aura 8 pieds de couche sur 4 pieds ae hauteur, et la bûche 3, pieds 6 pouces de-longueur.
Art. 3.
c Dans les pays où la tourbe et le charbon de terre seront en usage, la fourniture s'en fera à raison de 9 briques de tourbe de marais, ou de 2 briquettes de houille, ou de 2 livres de charbon de terre par homme, et pour chaque jour d'hiver, à raison de 4 tourbes de marais, ou une briquette de houille, ou une livre de charbon de terre par homme et par jour d'été.
« Ghaque brique de tourbe de marais aura 5 pouces et demi de longueur, sur 1 pouce et demi de largeur à chaque face, ou environ; et chaque briquette de houille sera de 5 pouces de longueur, sur 2 pouces de largeur, et 1 pouce et demi d'épaisseur.
« Dans les lieux cependant où, d'après l'usage, les briques de tourbe de marais, ou les briquettes de houille n'auraient point ces dimensions, il pourra être délivré des briques et briquettes du pays, pourvu qu'elles le Soient en quantité proportionnelle. ?
« Le charbon de terre sera pesé au poids de marc, de 16 onces; les tourbes et briquettes seront toujours délivrées sèches. Art. 4.
« Dans l'île de Corse, la fourniture du bois continuera à être faite sur le pied de 2 livres, poids de marc, par jour d'hiver ou d'été, et par homme.
« Mais,à compter du 1er janvier 1791,le chauffage ci-devant fourni en nature, et actuellement payé en argent aux officiers généraux employés dans l'Ile de Corse, à ceux des troupes qui y tiennent garnison,et généralement aux personnes attachées au service militaire de l'Ile, sera supprimé. Art. 5.
« Les adjudants, sergents-majors et sergents dans l'infanterie et l'artillerie; les adjudants, maréchaux des logis dans les troupes à cheval, recevront toujours le bois, la tourbe et le charbon de terre, à raison du double des fixations réglées par les articles 2, 3 et 4 ci-dessus. Art. 6.
« Dans les garnisons et quartiers où il est ordinaire de donner aux troupes le chauffage en argent, et dans les lieux où des troupes seront cantonnées ou bien détachées, il sera payé à chaque homme, et avec le prêt, savoir :
« Dans les lieux où la tourbe et le charbon de térre seront en usage, et dans ceux où le prix de la corde de bois, de là dimensioh indiquée article 2, sera de 20 livres au-dessous.
Par Jour d'hiver, d'été.
A chaque adjudant, sergent-major, sergent, maréchal des logis en chef et maréchal des logis.... 14 d. 6 d.
A chaque caporal, brigadier, soldat, cavalier...7 3
Dans les lieux où la corde de bois sera d'un prix au-dessus de 20 livres, jusqu'à 35 livres inclusivement:
A chaque adjudant, sergent, etc. 20 8
A chaque caporal, brigadier, etc. 10 4
Et dans ceux où le prix de la corde de bois excédera 35 livres :
A chaque adjudant, sergent, etc. 30 12 | A chaque caporal, brigadier, etc. 15 6
Art. 7.
« Le chauffage, soit en nature, soit en argent, ne sera fourni ou payé qu'aux hommes présents et h ceux qui seront aux hôpitaux du lieu ; eu conséquence, il sera toujours fait déduction des hommes absents par congé, on aux hôpitaux externes,
« Les fournitures faites pour les hommes aux hôpitaux du lieu, ou l'argent qui en tiendra lieu, seront toujours employés au chauffage de la chambrée dont ces hommes feront partie, sans que lesdits hommes puissent en prétendre aucun aéoompte. Art. 8.
« Lorsque les troupes de passage logeront chez l'habitant, elles ne recevront le chauffage ni en nature ni en argent : les hôtes continueront à leur donner place au feu et à la lumière, Art. 9.
« U sera arrêté, par le ministre de la guerre, un état du nombre de mois d'hiver pour lesquels le chauffage sera fourni ou payé dans cftàque ville, dans chaque département. Cet état sera annexé au règlement à rendre sur ce service, en consé-quence du présent décret, Art. 10.
« Les pays de départements ou villes qui sup-
Sortent actuellement la dépense du chauffage des
çupes, eu seront déchargés à dater du 1** janvier 17^1.
k Cette dépense sera entièrement au compte du département de la guerre, à l'exception du cas prévu par l'article 8. Art. 11.
f Les marchés actuellement existants pour la fourniture ou chauffage en nature, continueront d'avoir leur exéoution, à la charge par les entrepreneurs de se conformer à ce qui est prescrit relativement aux quantités à distribuer aux troupes. Art. 12,
« A commencer du Ie* janvier 1791» le chauffage et la lumière nécessaires aux corps de garde des troupes dè ligne, seront fournis ainsi qu'il anit; Art. 13.
« Dans les lieux où la fourniture se fera eu bois, il sera délivré, savoir :
Au corps de garde de 16 hommes et au-dessus
. » Pendant le premier et le dernier mois d'hiver, 2 cordes de bois par 30 jours ; ce qui fait un quinzième de corde par jour.
« Pendant les- autres mois d'hiver, 4 cordes pour 30 jours, ou deux quinzièmes de corde par jour j, et pendant les-mois d'été, 6 tourbes de tanneur.
Au corps de garde de 8 à 15 homme f.
« fendant le premier et le dernier mois d'hiver, une corde et demie de bois pour 30 jours, ou un vingtième de cqçde par jour.
« Pendant les autres mois d'hiver, 3 cordes pour 30 jours, ou un dixième de corde par jour.
n Et pendant les mois d'été, 5 tourbes de tanneur par jour.
De 7 hommes et au-dessous.
« Pendant le premier et le dernier mois d'hiver, une corde de bois pour 30 jours, ou un trentième de corde par jour*
« Pendant les autres mois d'hiver, 2 cordes pour 30 jours, pu un quinzième de corde par {our.
« Et pendant les mois d'été, 4 tourbes de tan« neur par jour, Au corps de garde fofficiers, ; pour la, chambre de l'officier.
« Pendant le premiep et le dernier mois d'hiver, une cordé de bojs pour 30 jours, ou un trentième de corde par jour.
« Pendant les autres mois d'hlver> 2 cordes de bois pour 3Q jours, ou un quinzième de corde par jour*
« Et pendant {'été, il ne sera délivré ni bois, ni tourbes de tanneur* Art. 14.
« En Corse, et dans les lieux où le bois se délivre au poids, la fourniture se fera, savoir : Au corps de garde de 1Q hommes et au-dessus,
« Pendant ie premier et le dernier mois ^'hiver, à raison de 50 livres de bois, poids de marc, par jour.
« Pendant les autres mois d'hiver, de 100 livres par ioup.
« Et pendant l'été, de 6 tourbes de tanneur. Au corps de garde de 8 à 15 hommes.
« Pendant le premier et le dernier mois d'hiver, à raison de 40 livres de bois par jour.
« Pendant les autres mois d'hiver, de 80 livres de bois par jour. Et pendant l'été, de 5 tourbes de tanneur. Au corps de garde de 7 hommes et au-dessous.
« Pendant ie premier et te dernier mois d'hiver, à raison de 30 livrés de bois par jour.
« Pendant les autres mois de 1 hiver, de 60 livres par jour. « Ët pendant l'été, de 4 tourbes de tanneur* Au corps de garde d'officiers, et pour la chambre de Vofficier.
« Pendant le premier et le dernier mois d'hiver, à raison de 30 livres de bois par jour.
« Pendant les autres mois de l'hiver, de 60 livres par jour.
« Et pendant l'été, il ue sera délivré ni bois, ni tourbes de tanneur. Art. 15
Dans les lieux où le charbon de terre est eu usage, il sera délivré, savoir :
Au corps 4e garde de 16 hommes et au-dessus,
Pendant le premier et le dernier mois d'hiver, 40 briquettes de houille, ou 40 livres de charbon de.terre, et un petit fagot par jour.
« Pendant les autres mois d'hiver, 80 briquettes de houille; ou 80 livres de charbon de terre, et un petit fagot par jour.
« Ët pendant l'été, 6 tourbes de tanneur par jour. Au corps de garde de 8 à 15 hommes.
« Pendant le premier et le dernier mois , d'hiver, 35 briquettes de houille, ou 35 livres de charbon de terre, et un, petit fagot parjoar.
V Pendant les autres mois d'hiver, 70 briquettes de houille, ou 78 livres de charbon de terre et un petit fagot.
« Et pendant l'été; 5 tourbes de tanneur par jour. Au corps de garde de 7 hommes et au-dessous.
c Pendant le premier et le dernier mois de l'hiver, 30 briquettes de houille ou. 30 livre» de charbon de terre, et un petit fagot par joue-
«; Pendant les autres mois d?hiver, 60 briquettes de houille, ou 60 livre de charbon de terre» et un petit fagot par jour.*
« Et pendant l'été, 4 tourbes de tanneur par jour. Au corps de garde d'officiers, pour la chambre de Vofficier.
c Pendant le, premier et le dernier mois de l'hiver, deux faisceaux de bois, et un, petit fagot par jour.
« Pendant les autres mois d'hiver, 4 faisceaux et un petit fagot par jour.
« Et pendant 1 été, il ne Sera délivré aucun combustible,
Art. 16.
« La corde bois et la brique de houille auront les mêmes dimensions que celles fixées ci-dessus, article
« La tourbe de tanneur aura 5 pouces de longueur, 3 pouces 3 lignes de largeur, et 2 pouces 2 lignes d'épaisseur.
« Le petit fagot sera de 17 pouces de longueur, sur 9 pouces f/2 de circonférence.
« Le faisceau aura 28 pouces de longueur, sur 22 pouces de circonférence.
« Dans les lieux cependant oà la tourbe de tanneur, la briquette de nouille, les petits fagots, etc., auraient d'autres dimensions, auprès nisage du pays, ces combustibles seraient fournis en quantité proportionnelle.
Art 17.
« La lumière sera fourni^ dans les corps de garde savoir ; Au corps de garde de 16 hommes et au-dessus.
f Pendant le premier et le dernier mois de l'hiver, à, raison de 4 chandelles de 8 à la livre de 16 onces, ou de & onces d'huile par iour.
« Pendant les autres mois de l'hiver, de 5 chan-
delles de 8 à la livre, ou de 10 once» d'huile par jour. * • » «
« Et pendant l'été, de 3 chandelles de 8 à la livre, ou de 6 onces d'huile. Aux autres corps de garde et à ceux d'officier Si
« Pendant le premier et le dernier mois de l'hiver, à raison de 3 chandelles de 8 à la livre, ou de 6 onces d'huile par jour.
« Pendant les autres mois d'hiver, de 4 chandelles de 8 à la livre, ou de 8 onces d'huile par jour.
« Et pendant l'été, de 2 chandelles de 8 à la livre, ou de 4 onbeB a'huile par jour. Art 18.
« Si quelques-uns des corps de garde établis ou à établir exigeaient, à raison de leur position ou de la situation de la place, que les fournitures y fussent plus fortes que celles indiquées, elles y seraient faites sur le. pied qui serait alors réglé par le ministre de la guerre.
Art. 19.
« Il sera compté pour les corps de garde un mois d'hiver de plus que pour le chauffage dans les casernes.
« Ainsi les mois d'hiver commenceront, pour les corps de garde, de 15 jours plus tôt que pour le chauffage dans les casernes, et finiront 15 jours plus tard. Art. 20.
« Les fournitures à faire aux corps de garde des troupes de passage seront à la charge des municipalités, conformément aux tarifs ci-dessus. Art. 21.
Les fournitures qu'exigeront les corps de garde des troupes détachées ou cantonnées dans des lieux où le département de la guerre n'aurait point de fournisseur, seront faites provisoirement par les municipalités, conformément aux tarifs ci-dessus, auxquelles le remboursement en serait effectué sur les fonds du département de la guerre. Art, 22.
« Les pays, départements, ou villes qui supportent actuellement la dépense des fournitures a faire auxjcorps de garde, en seront déchargés, à compter du 1" janvier 1791, que cette dépense sera entièrement au compte du département de la guerre, à l'exception du cas prévu par l'article 20. Art. 23.
« Les marchés actuell ement existants pouf lesdites fournitures, continueront d'être exécutés, à la charge par les entrepreneurs de se conformer à ce qui est prescrit relativement aux quantités à délivrer aux corps de garde. Art. 24,
« Pour acquitter toutes les dépenses relatives au chauffage des troupes, et à la fourniture des bois,1 lumières; effets, ustensiles et guérites, etc., pour les corps de garde des troupes de ligué, il sera fait, à compter dtf 1OT janvier 1791, au département, de la guerre, au fonds annuel de 9 livres par homme an complet de l'armée, dont le payement sera fait par le Trésor public sur les fonds assignés au département de la guerre, à raison d'un douzième au 1* de chaque mois. *
Un membre demande que l'article du titre pre-' - - ——ié, soit présenté vendredi
un irteini/re ueuiauuo 4
mier. qui a été ajourné prochain.
Plusieurs membres demandent qu'on s'en occupe au premier jour et que les séances du soir soient employées à entendre tous les rapports du comité militaire qui restent à faire.
met aux voix cette motion. (L'Assemblée décrète que les séances du soir seront consacrées à entendre lés rapports du comité militaire.)
indique l'ordre du jour de la séance de demain. La séance est levée à onze heures.
Rapport par M. de Bouthillier, et projet de décret du comité militaire sur les masses (1).
Messieurs, vous avez, par vos décrets précédents, amélioré d'une manière digne de votre sagesse le sort de tous les individus composant l'armée ; vous avez rélevé leur existence et constaté leurs droits; votre ouvrage serait imparfait, Messieurs, si vous ne cherchiez pas encore à fournir aux corps tous les moyens nécessaires à leur entretien, et si vous ne les calculiez pas de façon à les soustrairè enfin de toutes les ressources vexatoires de l'industrie, qu'ils étaient obligés sans cesse d'employer, pour remédier à l'insuffisance des fonds qui leur étaient accordés.
Les dépenses relatives à l'entretien des troupes \ sont de différentes espèces ; pour éviter lâ confusion qu'elles pourraient présenter, et mettre en état de les évaluer avec plus de certitude, le système établi depuis longtemps est de les classer, chacune suivant leur nature, en les rapprochant, par forme de masses fixées par homme, de ceux pour lesquels elles doivent avoir lieu. Nous avons cru ne devoir pas nous écarter de cet usage sagement adopté; et justifié jusqu'ici par l'expérience. C'est en conséquence dans cette forme que nous vous présenterons les dépenses de l'entretien des troupes, sous les dénominations de masses générales, de masse de boulangerie, de fourrages, d'hôpitaux, d'effets de campements et de bois et lumières.
Masses générales.
Les masses générales fixées,par les ordonnances actuelles, à des sommes déjà reconnues insuffisantes à leurs dépenses, avaient paru au ministre susceptibles encore de réductions, dans l'état d'évaluation qu'il vous avait présenté. En débarrassant ces masses du payement des 4 deniers pour livre, aujourd'hui retenus sur toutes les dépenses, et que le projet est de faire cesser, des capitations des officiers, qu'il vous paraîtra juste,
sans doute, de ne pas imputer sur ces fonds qui leur sont étrangers, et des prêts des 31 des mois dont elles étaient chargées, et que vous avez décrété, payables avec la solde pour le nombre effectif de jour de chaque mois, il avait pensé qu'elles resteraient suffisantes, en les diminuant ainsi en raison de l'évaluation de ces dépenses qui devaient cesser d'être à leur charge. Mais, Messieurs, en proposant cette réduction il n'avait pas songé, sans doute, que ces masses, dans l'état actuel, étaient souvent au-dessous de leurs besoins réels dans certaines circonstances, et que plusieurs articles des bénéfices accessoires dont elles étaient accrues, et qui les aidaient seuls à subvenir aux dépenses, étaient de nature à ne plus subsister, dans un système qui doit avoir pour but de proscrire toute administration arbitraire, et toute ressource d'industrie, n'ayant jamais lieu qu'au détriment des individus sur lesquels elle est contrainte de s'exercer.
Ces bénéfices accessoires, déterminés par les ordonnances actuelles, consistent:
1° Dans les soldes des hommes morts et désertés étant en congé, jusqu'au jour de leur radiation des contrôles;
2° Dans les produits de la masse de linge et chaussure des nommes morts, désertés ou congédiés par grâce, jusqu'à la concurrence de 15 livres, le surplus de ce qu'ils pourraient avoir en caisse devant appartenir à leur compagnie;
3° Dans le produit du jour, ou des jours au-dessous de 30 du mois de février ;
4° Dans les bénéfices résultant du payement de la masse de linge et chaussure au complet du régiment, et de ses décomptes, faits seulement à l'effectif réel ;
5° Dans les retenues exercées sur les officiers semestriers, ou nouvellement pourvus, en raison de chacun de deux hommes de recrues qu'ils sont obligés d'engager, lorsqu'ils n'ont pas rempli cette condition;
6° Enfin dans le bénéfice des congés de grâce, et dans celui de la vente des chevaux de réforme dans les troupes à cheval.
Payèr aux nommes morts ou désertés étant en congé, le montant de la solde de leur absence, pour en accroître les fonds de la masse générale de leurs régiments, ou ne pas leur en faire ie décompte, et alors donner à cette masse l'augmentation nécessaire pour l'en indemniser, produirait le même effet en finance, mais n'exposerait pas les régiments à une comptabilité embrouillée, fictive et souvent dangereuse entre les mains de ceux qui voudraient en abuser.
Une meilleure administration exigera, sans doute, que les effectifs présents soient seuls payés et que les décomptes d'absence ne soient faits qu'à ceux qui reviendront réellement. Cette première ressource des soldes des hommes morts ou désertés étant en congé, parait donc devoir devenir nulle pour ia masse générale.
La masse d'entretien du soldat doit être désormais comprise avec la solde; elle doit appartenir individuellement à chaque homme ; la faire payer au complet, ainsi que le prescrivent les ordonnances actuelles, produit une complication de compte pour un bénéfice bien médiocre, et puremeut imaginaire. Il n'en existe aucun en effet, puisque la diminution de fonds qui en peut résulter sur les masses générales, est au moins compensée par un payement plus fort sur l'autre partie; il paraît donc beaucoup plus simple que désormais la masse d'entretien suive en tout la solde dont elle fait partie, les
bénéfices qui pouvaient résulter de la différence de ces fonds, payés au complet, avec ses décomptes faits seulement à l'effectif, doivent donc encore devenir nuls pour la masse générale.
. Les masses particulières des hommes, formées sur la partie de leur solde affectée à leur entretien, leur appartiennent individuellement. Les leur retenir lorsqu'ils obtiennent des congés de grâce, c'est une injustice ; c'est un moyen de les leur rendre encore plus onéreux, en leur enlevant le fruit de leur économie. Votre justice ne souffrira pas certainement plus longtemps cet usage. Celles des hommes morts et désertés peuvent seules rester, sans injustice, à la disposition de l'administration; mais appartiendront-elles à la masse
générale, comme indemnité de la perte des ^ommes ? La nation doit entretenir ses troupes ; ce serait un moyen d'économie peu digne d'elle que de reprendre ainsi ce qu'elle avait accordé aux individus. Appartiendront-elles aux soldats, comme dédommagement du service fait par eux pour ces hommes, jusqu'à leur remplacement ? Cela vous paraîtrait plus juste, sans doute. Nous avons pensé, d'après cela, que cette ressource ne pouvait pas être évaluée dans la fixation des masses générales.
La solde sera désormais payée pour chaque jour effectif du mois. Le léger bénéfice résultant au profit des masses, du jour ou des deux jours du mois de février payés, mais non consommés, devient donc encore absolument nulle pour elles.
Les retenues exercées sur les officiers semes-triers ou nouvellement pourvus, pour chacun des deux hommes de recrues auxquels ils sont obligés, ,et qu'ils n'engagent pas, est une injustice, puis-
3ue tous, par leurs positions dans les différents épartements du royaume, ne sont pas également à portée d'avoir, à ce sujet, les mêmes facilités : elles sont aussi souvent une cause de dérangement pour des officiers peu aisés, auxquels elles enlèvent leurs moyens de subsistance. Cette punition économique doit disparaître devant la sagesse de vos décrets. Ces retenues ne peuvent donc plus être une ressource pour les masses générales.
Les congés de grâce, dans le système actuel, sont un des principaux bénéfices accessoires de ces masses; mais ils sont aussi souvent,une grande cause d'injustice et de vexation pour les parents des soldats qui, quels que soient leurs besoins ou leur position, se trouvent souvent obligés de payer, aux dépens de leur fortune, lès sottises de leurs enfants. L'Assemblée nationale ne souffrira pas cet abus. Les congés de grâce seront fixés de manière à couvrir simplement lés frais de remplacements qu'ils occasionneront; et s'ils sont dans le cas de procurer quelques légers bénéfices, ils pourront tout au plus servir à faire face à quelques dépenses imprévues du recrutement qui auraient pu n'être pas évaluées avec précision.
Il en est de même de la vente des chevaux de réforme dans les troupes à cheval ; leurs produits sont très incertains; ils dépendent des circonstances, des localités, et du plus ou moins de ser-. vice dont ils pourraient être encore susceptibles; on ne peut donc pas lés calculer comme une ressource assurée, et l'on ne peut évaluer tout au plus leur prix que comme suffisant pour couvrir quelques dépenses imprévues des remontes, des traitements des chevaux, ou autres faux frais qui auraient pu n'être pas calculés.
Toutes ces ressources accessoires étant abolies, ou devenant nulles pour les masses générales, il
est donc indispensable de calculer les fonds qui leur sont nécessaires sur les dépenses réelles dont elles doivent être chargées. C'est ainsi que nous avons procédé à leur évaluation, sans nous arrêter à ces calculs imaginaires, toujours faits jusqu'ici par des hommes sans expérience pratique des détails qu'ils ne connaissent pas.
Ces dépenses consistent dans l'habillement ét l'équipement des hommes et des chevaux, dans le recrutement, dans les remontes et le soin des chevaux, dans les réparations de l'habillement, de l'armement et de l'équipement, et dans les faux frais inséparables de toute administration. Ces dépenses varient en raison des armes. Les masses générales en conséquence ne peuvent pas être fixées uniformément pour toutes. Les calculs les plus exacts et les plus détaillés ont été faits par nous, pour servir de bases à leur évaluation dans chaque arme. Votre comité militaire les mettra sous vos yeux, si vous l'ordonnez ; mais comme ils sont longs et minutieux, il craindrait de vous faire perdre un temps précieux.
Les résultats, tant pour les détails des,fournitures à faire aux troupes, ou des dépenses à acquitter par elles sur chacune de , ces parties, que pour leS sommes à fixer en conséquence, se présenteront nécessairement dans le projet de décret que nous vous soumettrons à la fin de ce rapport : les comprendre dans Son contenu serait une répétition inutile, et nous avons cru devoir vous l'épargner. Masse de boulangerie.
La fourniture du pain des troupes a été longtemps confiée à une compagnie des vivres. Les succès de cette forme de service, non seulement dans ses rapports militaires, mais encore relativement à l'administration civile, qu'une compagnie bien organisée peut aider par des secours portés à propos dans des provinces menacées ou affligées, de disette de grains, semblaient devoir assurer la continuation du même régime. Différents essais faits depuis la suppression de cette compagnie, pour chargèr lés régiments des achats dé leurs grains, ou seulement de la manipulation de leur pain, n'ont servi qu'à démontrer de plus en plus que cette forme d'administration partielle, de tout temps reconnue impraticable à la guerre, ne réunissait, sous aucun rapport, même en temps de paix, aucun des avantages que l'on s'était flatté d y rencontrer. Cette épreuve momentanée ne paraît pas faite pour engager à la recommencer. Mais l'objet de ce rapport, Messieurs, n'est pas d'examiner ici dans tous leurs détails les moyens les plus avantageux à employer dans cette partie intéressante de l'administration militaire; son but se borne uniquement à soumettre en cé moment, à votre discussion, là fixation des fonds nécessaires pour la dépense de ce service.
La fourniture du pain aux troupes a, jusqu'ici été acquittée au moyen d'une retenue sur leur solde, fixée anciënnement à 2 sous, et maintenant à 1 s. 6 d. par jour ; cumulée avec une plus-value déterminée par chaque ration, et payée par le département de là guerre à ceux chargés de cé service.
Nous vous avons déjà proposé, d'accord avec le ministre de la guerre, de séparer désormais les dépenses du pain de la solde des troupes. Il en résulte de plus grandes facilités pour la comptabilité, en la débarrassant d'Une retenue toujours compliquée ; et ce moyen permet de présenter,
comparativement aux dépenses, une recette pins certaine, lorsqu'elle Se trouve déterminée crutte manière fixe, qu'elle ne pouvait l'être lorsqu'elle dépendait des retenues exercées sur la solaé, qui ne pouvaient avoir lieu qu'én raison de l'effectif réel de l'armée. Vous avez adopté cette proposition, et la solde a déjà été décrétée par vous, dégagée de toute espèce de rétenue relative au pain.
L'unique question est aujourd'hui de fixer cette masse. Le ministre vous propose de la porter à 48 livres par an, c'est-à-dire à 32 deniers par jour par homme.
Les relevés des dépenses du pain faites depuis 1778, jusques et y compris 1787. établissent le prix commun de chaque ration à 41 deniers l'une dans l'autre ; une masse de 32 deniers poUr chacune ne serait pas certainement suffisante, si l'armée, tûnjours complète et toujours présente, pouvait être dans le cas de recevoir ainsi son pain toute l'année; mais il n'est réellement dû qu'aux présents effectifs, et à ceux détachés pour le service. Les hommes absents par congés, et ceux aux hôpitaux h'y ont aucun droit. Le prix des rations payé pour eux, et qu'ils ne consomment pas, peut servir à acquitter, par supplément, la valeur de celles réellement délivrées; la compensation petit s'établir ; nous avons donc pensé que cette masse fixée à 48 livres par an, par homme, aù complet total de l'armée, pouvait suffire à fournir, par jour, par homme présent réellement, ou détaché pour le service, une ration de pain cuit «t rassis du poids de 24 onces, et manipulé avec les trois quarts de froment, et un quart de seigle, ainsi qu'il est prescrit par les ordonnances actuelles, et c'est èttconséquence d'après ces principes que nous tous proposons de la décréter. Masse des fourrages.
L'administration des fourrages a souvent varié dans ses détails et dans ses moyens; elle a été successivement confiée tantôt aux corps mêmes, tantôt à des entrepreneurs, tantôt énfin à dés régisseurs intéressés en raison des dépenses. Les mêmes principes qui ont dirigé nctre travail, relativement à la masse de boulangerie, semblent devoir le borner de même dans cette partie à vous proposer la fixation des fonds nécessaires pour subvenir à ces dépenses.
Quelques provinces, dabs le système ancien, étaient dans l'usage de fournir, par leurs soins, les fourrages à toutes les troupes dans leurs arrondissements; d'autres étaient imposées particulièrement pour ces dépense^ qu'elles payaient, sans être chargées de léurs détails ; d'autres enfin devaient fournir un nombre déterminé de troupes à cheval, et ne payaient le prix des rations que jusqu'à la concurrence de la valeur fixée par l'accord fait avec elles à ce sujet. Le surplus excédant, tant pour le nombre que pour le prix, était dans ces provinces à la charge du département de la guerre. II résultait de ces formes une confusion fâcheuse dans l'administration, et des disparates nuisibles au service, par la manière dont les troupes étaient traitées, suivant les différentes parties du royaume dans lesquelles elles étaient établies. Vous ne laisserez pas certainement subsister de pareils inconvénients; nous avons donc pensé devoir vous proposer la suppression de ces usages locaux, qui ne peuvent plus avoir lieu dans le nouvel ordre de choses que vous voulez établir.
Avant 1788, la dépense des fourrages des troupes à cheval n'était pas fixée par forme de masses; des marchés généraux on particuliers, passés d'après lëfc fixations de la valeur des den* rées prononcées par des intendants, déterml* naient le prix des , rations suivant les localités. Les évaluations de fonds ne pouvaient être faites avec précision. Le conseil de la guerre adopta, pour y remédier, l'établissement d une masse de fourrages, et crut devoir la porter à 270-livrés, sur le pied de 15 sols par jour par cheval5, l'uu dans l'autre. C'est ainsi que la dépense en a été calculée depuis cette époque. Les évaluations par formé de masses sont les plus certaines; c'est en conséquence ainsi bue flous avons cru devoir voué proposer celle de cette partie. Si le prix de 15 sots par jour, pair ration, était donné indifféremment à tons les régiments, en les chargeant de leurs fourrages, quelle que fût leur position dans le royaume, les uns certainement recevraient un prix supérieur Ti leurs dépenses, tandis qu'il serait Inférieur pour beaucoup d'autres, placés moins avantageusement. Mais en laissant ainsi ces fonds fixés par évaluation communé à la disposition du mintetrë, pour régler te prix deB fournitures, suivant les variations dés localités, en les payant toujours au complet, l'expérience a mdntré qu'ils étaient suffisants, et nous ne pouvons que vous engager à porter cette masse au prix de 270 livres par chaque cheval dè cavalier, de carabinier, de dragon, dë hussard et de chasseur, ainsi qu'il vous a été proposé par le ministre.
Vous avez accordé, Messieurs, par vos décrets précédents t tous les officiers généraux et supérieurs de l'infanterie, dè l'artillerie et du génië, aux adjudants généraux et dé division, aux aides de camp, ainsi qu'aux commissaire^ des guerres, un certain nombre dë rations de fourragés, en raison de leurs grades. Leur prix fixé par vous à la même sommé dè 270 litres par Un, ou de 15 sols par jour, ainsi que nous vous proposons de le déterminer pour les chevaux de la tïoupe a déjà été décrété, concurremment atec leurs appointements. fy'usage actuel est de payer en argeht ce traitement à ceux de ces Officiers aux-quels il est accordé par les ordonnances. Souvent placés dans des Villes éloignées de tous les ma* gasins de fourrages, il serait difficile d'essayer de lëùr fournir en nature lés rations qui leur reviennent; nous avons pensé que leur valeur de* vait être cumulée avec leurs appointements, et leur être payée de la même maniéré et en même temps.
Quant au* officiers supérieurs et particuliers des troupeB à cheval, pour lesquels vous avez pareillement décrété déjà un nombre de rations ae fourrages proportlbnné à leurs grades, ils doivent être tous indispéusablement montés ; c'est un des points essentiels de leur* service. Les ma* gasins de fourrages établis pour la troupe peuvent fournir la nourriture de leurs chevaux ; toutes lés facilités qu'ils pourraient avoir, ou être tentéB de Sè procurer, en employant ceuit destinés à leurs régiments ou à leur compagnie, pour diminuer le nombre de ceux qu'ils devraient avoir personnellement, seraient un abUs; nous avons donc pensé que la valeur des rations de fourrages à eux accordées, devait être cumUléé avec la masse des fourrages de leurs régiments, et que sur cette masse ils devaiënt recevoir eu nature, pendant le temps de leur présehcé à léurs corps, la quantité des rations à eux revenante, s ils avaient le nombre de chevaux prescrits, ou sinon
un nombre proportionné à ceux qu'ils auraient réellement, et qu'à leur retour, dans lé cas où ils n'auraient pas préféré de laisser à leur régiment la totalité ou partie seulement de leurs chevaux, pour y être nourris en nature, le décompté de leur ratiôn, non èônsommée, devait leur être fait eu argent, ét d'après les mêmes principes, potir le temps dé leur abSeUCè, sur le pied du prix filé pour la ration dans lé département ou dan s là ville où ils seraient; en garnison ou en quartier. Masse dei hôpitaux.
Lâ dépensé dés hôpitaux n'avait jamais été calculée par formé dë masse : les retenues de soldé étaient exercées sur Chaque homme qui y étàit traité, et le département de la guerre payait toutes lès dépenses de ce service, ainsi que celles deè jôurnéeè en ajoutant au montant de Ces reténues une JJluS-vahiê sttr des fonds calculés par âpnroximatiôn, et c|ùi lui étaient fournis à cet effet. Lé cônseil de la guetre, eh 1788, fcrUt devoir détruire l'atfèièn sy&tème d'administration des hôpitaux, et tous les marchés passés en Conséquence avec des régisseurs qui én étaient chargés. Il pensa que les régiments pouvaient soigner eux-mêmes leurs malades, il établit des infirmeries régïtaéhtaires dans chacun, et ne conserva que le nombre de grands hôpitaux, absolument indispensable dans les grandes villes pour i'édu-cation des élèves chirurgiens. En adoptant ainsi lé système de charger les corps dé leurs malades, il crut encore dévoir leur fixer uue masse destinée à cet objet. Elle fut calculée.sur le pied de lâ livres par homme, ait complet, indépendamment des retenues exercées SUr la SOlde de ceux aux hôpitaux, et elle fut partagée entre les régiments, pour le payement des journées, et lés dépenses de leurs infirmeries, et entre l'administration pour les frais généraux dé ce service. Ce n'ést pas ici le moment d'examinéi1 la forme d'administration qu'il conviendrait dé donner à cette parti'é : là fixation des fonds nécessaires doit seule être l'objet de ce rapport.
Là masse dés hôpitaux est aujourtfhtti Calculée sur le piéd de 15 livres par homme. Les retenues des soldes exercées sur tous ceux qui V sont traités Servent Concurremment avec elle a payer les prix des dépenses des journées. Ces retenues deviendront, il est vrai, plus considérables , en raison des augmentatiôns de solde prononcées par Vous. La plus-value des journées paraîtrait donc devoir diminuer dans la même proportion ; mais, Messieurs, en prononçant la éontinuation des retenues de solde des hommes aux hôpitaux, vous ordonnerez sans doute qu'elles n'auront jamais liéu sur les 6 deniers que vous avel accordés au soldat pour sà poche, ni sur la partie que vous en avez affectée à son entretien particulier, é'est en diminuer le produit, et d'ailleurs le traitement des Chirurgiens-majors des régiments n'a point été Compris dànft les niations d appointements que vous avez décrétées, il vous a été annoncé alors qu'il paraissait devoir être payable sur les fonds des hôpitaux:. Les bénéfices qui pourraient résulter en diminution de là plus-value des journées, des retenues de solde dêyenues plus Considérables, Seront au moins absorbés par ces dépenses d'aug-mentation. Nous avons pensé,én conséquence, que le montant de la masse des hôpitaux ne pouvait pas être diminué. Les calculs les plus exacts, ét
dont nous vous boumettrons les bases, si vous l'ordonnez, nous ont montré ^tl elle lié séïàit tjue suffisante én la fixant à 15 livres, ainsi qd il vous l'a été proposé parle ministre.
Quels seront^ à présent les tmieméhts des chirurgiens-majors 1 Leurs appointèméniS ordinaires sont actuellement fixés à 1,200 livres par an, dans toutes les armes. Les ordonnances de 1788, eù établissant des infirmeries particulières dans les régiments, ont accordé en outre un supplément ae traitement plus ou tndiusjiônsi-dérable, à prendre sur la masse des hôpitàttx f a ceux d'entre eux qui se trouveraient Chargés de ces détails. Dans un moment où vous améliorez considérablement le Sort de tous les individus de l'armée, cette classe si méritante par la manière dont elle sert, ët par ses connaissances, serait-elle seule exceptée ? Nous ne l'avons pas pensé, Messieurs.
Nous aurons l'hontlëdr dé vouâ proposer Ultérieurement deà arrangements particuliers relativement aux officiers ae santé, pour graduer leurs appointements en raison de lëUr ancienneté, pour fixer leur avancement et assurer leur retraité à la fin de leur Service : en àttëodant nous croyons devoir nous borner à vous engager à décréter, provisoirement eu leur faveur, une augmentation de 300 livres par an aux. appointements et traitements dont Ils jouissent actuellement, en vertu des ordonnances, à ordonner que cette augmentation sera payée, ainsi que léûrs appointements et traitements, sur les fonds dë la masse des hôpitaux, en leur accordant en outre', sur les mêmes fonds, a chacun une sommé de livres pour subvenir aUi dépenses des aides chirurgiens, qu'ils seront par ce moyen obligés d'entretenir à leurs dépens, dans les proportions nécessaires au besoin du service.] Masse des effôts de campement.
La maSse des effets de campement, fixée par le conseil de la guerre à 450,000 livres» est destinée actuellement à fournir les tentes et autres ustensiles de campement aux régiments» à payer les dépenses de leur emmagasinement, de leurs expéditions et de leUrs réparations, à fournit' les capotes de sentinelles dans les places de guetre, ainsi que les drapeaux et étendards. S'il s'agissait dans ce moment de renouveler tous ces ef* fets longtemps négligés dans les magasins, ou dépéris par mille causes différentes^ entre les mains des troupes, depuis 1788 qu'ils ont été expédiés à la plupart des régiments, ces fonds c&S tainement ne seraient pas suffisants, et il en faudrait de beaucoup plus considérables pour mettre l'armée, composée de 140,000 hommes, en état d'entrer en campagne : mais si en les supposant rétablis, et tels qu'il serait à désirer qu'ils fus-1 sent, ce qui ne pourrait avoir lieu qu'avec des fonds extraordinaires, que votre sagesse ordonnerait, sans doute, si les circonstances le requéraient ; on ne veut considérer ceè dépensés (tue sous leur rapport d'entretien des effets, de leurs réparations et de leurs mouvements, nous avons pensé qu'une masse de 3 livres par homme, au complet de l'armée, serait bien suffisante alors, et c'est ainsi que nous aurons l'honneur de tous proposer de la décréter. Masse des bois et lumières.
Les dépenses des bois ét lumières des corps
de garde, et du chauffage des troupes, n'ont jamais été fixées par forme de masse ; calculées, pour ainsi dire, au hasard, et sans bases certaines, elles ont toujours été exposées à une confusion d'autant plus grande, qu'une partie en est, jusqu'à ce moment, payée au compte du roi, tandis que les autres sont restées à la charge de quelques provinces, ou de quelques villes.
Ces bois et lumières sont distribués, tant aux différents corps de garde, en raison du nombre de ceux qui sont occupés dans chaque place, qu'aux Régiments pour leur chauffage particulier, d'après leur nombre effectif ou présent. Ces fournitures varient, non seulement de province à province, mais encore souvent même de place à place, tant pour leur qualité et mesure, que pour la manière de les distribuer. Dans quelques villes, elles se font aux soldats présents seulement, dans d'autres elles ont lieu à l'effectif, cela dépend d'un chef, d'un commissaire : il n'en résulte que confusion. Elles ont été faites jusqu'ici par des entrepreneurs, en vertu des marchés à eux passés, soit par les villes, lorsqu'elles doivent être à leur compte, soit par les ci-devant intendants, lorsqu'elles doivent l'être à celui du département de la guerre.
Il serait difficile de pouvoir établir une appréciation commune dans le système actuel ; mais il est plus aisé d'assurer qu'il y a de grands abus dans les prix accordés aux entrepreneurs, dans la distribution qu'ils en font, et dans les rachats toujours infiniment inférieurs aux prix de leurs marchés, et auxquels ils sont autorisés. Pour détruire ces abus, le meilleur moyen est de simplifier les opérations, de mettre toutes ces dépenses au compte du département de la guerre, de ne plus les laisser à la change d'aucune ville, et d'établir, dans tout le royaume, des mesures uniformes pour servir aux distributions, dans des proportions également fixées en raison du nombre d'hommes' qui doivent y participer.
Quelles seront ces mesures ? Dans quelles proportions ces fournitures seront-elles faites aux soldats? Quelle sera leur dépense? Ce sont les trois articles que nous avons cru devoir examiner successivement.
Dans certaines provinces le bois se distribue au cercle, dans d'autres à la bûche, dans d'autres enfin à la livre. La mesure la plus connue partout est la corde : mais comme elle varie fréquemment dans ses dimensions, il paraît important d'en déterminer les proportions; il sera ensuite façile d'y réduire toutes les manières
Èarticulières de mesurer, tenant aux localités.
n conséquence, c'est sur une corde de bois ayant 7 pieds de longueur, 4 pieds de hauteur, et la bûche ayant 3 pieds et demi de longueur, c'est-à-dire sur 112 pieds cubes de bois par corde, que nous avons cru devoir procéder aux évaluations : c'est cette mesure qui nous a paru devoir servir de base à tous les marchés, et à laquelle nous vous proposerons de rapporter toutes celles des fournitures en tourbe ou en houille, qui doivent avoir lieu dans certaines provinces.
Les proportions dans lesquelles le chauffage se distribue aux troupes varient, non seulement pour les quantités, pour les distributions aux présents ou aux effectifs, mais encore pour la fixation des mois d'hiver et des mois d'été. En Normandie et dans les Evêchés, le bois de chauffage se distribue sur le pied de 4 cordes, 213 par 100 hommes effectifs à la revue, pendant chacun des cinq mois d'hiver, fixés du 1er novembre
au 1*» avril, et sur le pied seulement de moitié pendant les sept autres.
Les sergents-majors, sergents, maréchal des logis en chef et ordinaires, ainsi que les adjudants, reçoivent un chauffage double: mais d'après les usages de ces deux provinces, dans lesquelles les troupes paraissent les mieux traitées, il est impossible d'établir ce qui a lieu, l'un portant l'autre, dans tout le royaume : il est beaucoup plus simple de dire ce qui devait être.
Lorsque les distributions se font à l'effectif des revues, le soldat présent ne fait pas, avec précision, ce qui doit lUi revenir personnellement, et il est bien aisé d'abuser à son détriment de ces facilités. Lorsqu'elles n'ont lieu que pour les présents seulement, les proportions du bois n'étant pas alors assez considérables, il est exposé à en manquer, et à être forcé d'en acheter a ses dépens. Il est donc indispensable d'établir, pour tout le royaume, des proportions, de distributions uniformes. Le bois n est réellement dû qu'aux présents; ceux qui sont en congé ou aux hôpitaux externes, n'y ont aUcun droit; c'est donc aux présents seuls à la chambre, ou aux hôpitaux du lieu, dont l'absence momentanée ne dérange pas les ordinaires, que nous avons pensé qu'il doit être distribué. Il n'y a qu'à augmenter les proportions dans lesquelles on fournira à ces hommes, il n'en coûtera pas plus cher, et du moins chacun d'eux saura ce sur quoi il doit compter.
Les consommations dé bois ont lieu, non pas tant en raison des. hommes qu'en raison des chambres. Une chambrée de soldats en contient ordinairement un nombre double d'une chambrée de sous-officiers; il est donc juste d'accorder un chauffage double à ces derniers.
La proportion actuelle est de 4 cordes 2/3 par 100 hommes effectifs, pendant les mois d'hiver : le soldat manque souvent de bois, il est indispensable de l'augmenter. 5 cordes 1/3 de bois pour 100 hommes présens pendant chacun des mois d'hiver, seront une proportion raisonnable, et le soldat, ainsi traité pendant ce temps, n'aura point à se plaindre d'une part, et de 1 autre, connaissant ce qui doit lui revenir, ne pourra plus soupçonner d'infidélité dans les distributions.
Le chauffage d'été est donné, dans certaines provinces, à moitié du chauffage d'hiver; dans d'autres il n'a lieu qu'au tiers. En été il ne faut de bois que pour la préparation des aliments ; et s'il était nécessaire autrefois de le donner pendant ce temps dans des proportions excédant les besoins, parce qu'il faisait compensation avec ce qui se trouvait manquer pendant l'hiver; il ne sera pas nécessaire, en augmentant les fournitures, ainsi qu'il a été proposé ci-dessus, de recourir à ce moyen. Nous avons donc pensé qu'il fallait un peu outrepasser le tiers, mais sans aller jusqu'à la moitié, et qu'en conséquence 2 cordes 1/3 par chaque mois d'été pour 100 hommes seraient suffisantes.
Comment fixera-t-on à présenties mois d'hiver et les mois d'été ? Cela doit dépendre des climats et de la position des villes au nord ou au midi : c'est au roi à en ordonner la distinction ; c'est à lui à la prononcer positivement dans ses règlements, afin que l'armée puisse connaître, avec précision, la manière dont elle doit être traitée dans chacun des départements dans lesquels elle pourrait être répartie, en raison des besoins du service.
Dans quelques provinces, telles que les départements du Pas-de-Calais et du Nord, il est d'usage de donner de la tourbe ou de la houille au lieu de bois. Dans quelques villes, faute de marchés ou de magasios, il serait impossible de fournir le chauffage en nature aux troupes, il faut y suppléer par des moyens en argent. Il serait à propos d'établir ici la proportion des équivalents; mais comme ils doivent être détaillés dans le décret que nous aurons l'honneur de vous proposer, la répétition en serait superflue, et nous avons cru devoir vous l'épargner dans le cours de ce rapport. Il en est de même des différents détails relatifs aux bois et lumières des corps de garde; ils seraient trop longs et trop minutieux : le projet de décret doit les comprendre pareillement; nous avons cru de même devoir vous en épargner la répétition.
Les calculs les plus exacts, et que nous mettrons sous vos yeux, si vous l'ordonnez, nous ont montré que la masse de cette partie ne pouvait pas être portée à moins de 9 livres par homme au complet de l'armée, pour toutes les armes indistinctement; c'est ainsi que nous vous pro-proserons de la décréter.
Toutes cës masses uniquement destinées à l'entretien collectif de toute l'armée, nous ont paru dénaturé à ne devoir appartenir particulièrement à aucun individu, ni même à aucun régiment. Plus que suffisantes dans certaines localités, elles pourraient ne pas l'être dans d'autres; c'est au roi à les administrer pour le plus grand bien du service, conformément aux principes généraux que vous établirez; c'est à lui à les employer à fournir à tous les corps les objets auxquels elles sont destinées, ou à leur en assigner la portion dont ils pourront disposer par leurs soins pour se les procurer, en la déterminant en raison de leurs positions ou de leurs besoins.
Enfin, Messieurs, l'exactitude à payer tous ces fonds, peut seule contribuer à leur bonne administration. Les dépenses des masses générales, des masses d'hôpitaux, d'effets de campements et du chauffage des troupes, sont de nature à avoir lieu dans tous les mois de l'année. Nous avons pensé que les versements à en faire par le Trésor public, devaient s'effectuer par douzième au premier de chaque mois; mais, Messieurs, l'économie dans l'administration des vivres et des fourrages, dépend souvent des moments favorables saisis à propos pour leur approvisionnement ; ils ne peuvent avoir lieu avec succès que pendant certains mois desquels il est à propos de profiter. Ils ne sont possibles à exécuter ainsi, que par le moyen de quelques fonds d'avances fournis dans la saison qui y convient le mieux. II est plus avantageux de recevoir ces avances du Trésor public même, que des fournisseurs ; nous vous proposerons donc d'ordonner que les trois quarts des fonds affectés aux 2 masses de boulangerie et de fourrages, soient remis à la disposition du ministre de la guerre par égale portion au premier de chacun des mois de novembre, décembre, janvier, février et mars, et que le quart restant lui soit payé de même par égale portion au premier de chacun des sept autres mois. Ces avances auxquelles nous vous engageons à assujettir le Trésor public, ne sont pas réelles, Messieurs; les cinq mois pendant lesquels elles devront avoir lieu, seront ceux des congés des officiers et des soldats; les payements à faire alors sur la solde et les appointements, seront moins considérables, au moyen des arrangements que nous vous proposerons, pour ne faire payer que les effectifs pré-
sents réellement. La compensation s'établira, et nous osons d'avance vous assurer que les fonds à fournir par mois au département de la guerre pour toutes les parties, n'excéderont jamais le douzième de leur totalité.
Telles sont, Messieurs, nos observations sur les différentes masses relatives à l'entretien des troupes: nous avons l'honneur de vous proposer en conséquence le décret suivant : projet de décret.
Nota. Ce projet de décret ayant été adopté sans modifications dans la
séance de ce jour (Voyez ci-dessus, p. 702), à l'exception de l'article
14 du titre Ier, qui a été ajourné, nous nous bornons à reproduire ici
cet article. TITRE 1er
Art. 14. En attendant que l'Assemblée nationale ait pris les arrangements définitifs qu'elle se propose ultérieurement, relativement aux traitements, avancements et retraites des officiers de santé employés au service de l'armée, les appointements et traitements dont les chirurgiens-ma-jors des régiments peuvent jouir, en vertu des ordonnances actuelles, seront augmentés provisoirement d'une somme de 300 livres par an sans distinction d'arme; et il leur sera, en.outre, accordé pareille somme de 300 livres par an pour le traitement des aides-chirurgiens qu'ils seront obligés, par ce moyen, d'entretenir à leurs dépens dans la proportion des besoins du service. Leurs appointements et traitements actuels, l'augmentation qui ièur est provisoirement accordée, ainsi que la somme à eux passée pour leurs aides-chirurgiens, seront payables par mois, à compter du l8r janvier dernier, sur le fonds de la masse des hôpitaux.
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures et demie du matin.
- Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier au soir, qui est adopté.
observe qu'il existe dans le décret rendu sur les masses, une inégalité faible, mais désagréable, entre l'infanterie et les autres armes, en ce que le porter-manteau des hommes à cheval faisait partie do la masse générale, au lieu que le, sac du fantassin restait à sa charge.
(Cette observation est renvoyée à l'examen du comité militaire.)
au nom du comité de judiôatutè. MerSieurS, Idrsqué Votfs avea autorité lëS créanciers des flifiérëntes compagnies sUppi-iiH^ëâ ft former des oppositions âU remboursement de ces compagnies, vous n'avez point indiqué là forme dans laquelle ils seraient tenus de les f&ire : OU a suivi la forme anciennement en usagé ; on dé les a point motivées. Il résulté de là que le Conservateur des hypothèques, qui n'est pas Jugé des oppositions, est dans la nécessité de recevoir toutes celles qu'on lui présente, et que les commissaires du roi, hé pouvant également les apprécier, sont en quelque sorte arrêtés dans leur ad-mioistration.
Pour obvier à ces iîlCdrtvêtiiénts, votre comité dè judlcature m'a chargé de vous proposer l'article suivant, qUi n'est qu'additionnel au détrèt rendu le 28 novembre dernier i
« Conformément à l'article 9 du décret du 28 novembre dernier, il ne pourra être formé aucune opposition sur lëë compagnies collectivement, si ce n'est pour raison des arrérages échus au 31. décembre der-nier. En conséquence,- toutes dppoiitiodB formées pour céttë dernière cause contiendront renonciation de l'Objet à raison duquël elles seront formées.
«t fit à l'égard de celles déjà formées où qui pourront l'être, et qui ne contiendraient pas îfiditê énonciation, elles seront dès à présent dé1 ClarPèS Bulles j elles ne pourront èmpêchêr la déL livrance des reconnaissances dé liquidation, et les conservateurs n'en Chargeront point lettré certificats.
« Pourront néanmoins les créanciers desdites compagnies qUi, à raison dés arrérages échus au 31 dédèmbre dernier, avaient formé defe opposi* tions hou motivées, les renouveler, sans frais, en ia forme ci*deSfcus prescrite, eu représentant l'ori* glnal dé l'opposition par eux précédemment formée. »
(Cet article additionnel est décrété.)
ait nonï du bomltè dès financéi, propose le projet de décret suivant (1) :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances et les arrêtés pris par le conseil de l'assemblée administrative du département du Gard, des 27, 29 novembre et 7 décembre 179QL, ayant égard aux représentations des ci-devant diocèses de Nîmes, d'Uzès et d'Alais, décrète ce qui suit* conformément aux-dits arrêtes :
« 1* Les administrateurs du directoire dudit « département demeurent autorisés à ouvrir un « emprunt de 130,280 livres, au denier 20, remet boursable en 10 atinées par la voie de l'im-« position, pour ladite somme être employée, « savoir : 1* 30,000 livres aux dépenses les plus « urgentes nécessitées par les dégàti extraordi-* naires que les pluies et les rivières ont dccà* « sionnés dans presque toute l'étendue du dé* « partement; 2° 100,280 livres à l'acquittement « d'anciennes sôinmës duel à divers entre-« preneurs de réparations de chemins par la « même administration, et à l'achèvement des « réparations des mêmes chemins.
« 2* Autorise lesdits administrateurs à em-« prunter la somme de 7,924
livres, pour êtré « employée au payement des différents entre-
* tenue eh exécution des lettrés de convocation « du 24janvièr 1789^ ainsi que les frais tl'itn* «position relatifs à ladite assemblée, laquelle « somme Sera remboursée par une imposition « faite en l'année présente, sur toutes les com-« munautés qui composaient ladité administra-« lion.
« 3' A ouvrir on emprunt de 21,000 livres au « denier 20, remboursable avec les intérêts par « une somme additionnelle aux impositions de «1791, pouf ladite somme être employée, « savoir t 6,000 livres dues à l'imprimeur du « département pour les dépensés de l'assemblée
* électorale et ae l'administration, et 15,000 li* « vres pour les premiers soins des prisons et des « enfants trouvés. Le remboursement dè cette « dernière somme de 15,000 livres sera supporté k par chaque district, au prorata de la portion « qui en aurait été employée dans l'étendue de « Son arrondissement. »
(de Saint-Jean-d' Angély) i Des circonstances impérieuses ont forcé l'Assemblée à permettre quelques emprunts, et tous oèux qui ont concouru aux dêdrets due vous avei rendus sur ce point ePaffligeaient de cette nêces-sité. Ce n'est pas dans le sein d'une Assemblée qui a rêgénérô( la France pérduë peut-être, ou près dë l'être, qu'on doit autoriser les départements à faire des' emprunts. Il en résultera, Messieurs, Bi vous adoptez cette marche, que les départements, au lieu de fournir habituellement à leur dépense, prendront la dangereuse et terrible habitude d anticiper ainsi sur leurs revenus, de soulager la génération présente aux dépens de la génération future, et de préparer peut-être l'impossibilité de payer les impôts qui doivent fournir aux dépenses générales. Si le département du Gard a des besoins Urgents, que le trésdr Commun, qUe la caisse commune vienne à son secours. Les départe» ments sont les portions d'une même famille; ils doivent agir entrô ëux comme des frères. (Mur* mureè.) L'espêCë dë murmure qui vient dë s'é-lever prouve éneore mieux lë danger de l'opinion qui VOUS est présentée ; C'est le produit de l'Intérêt particulier qu'il faut repousser. Je demande donc, Messieurs, la question préalable sur le décret proposé, ët que les dépenses qui vous sont présentées soient séparées en deux classes, celles qui sont d'utilité générale, telles que les réparations du canal, qui peuvern intéresser les départements voisins, et auxquels- l'ensemble doit être commun, et oellés qui sont d'utilité particulière. Je demande qu'on ne fosse pas d'emprunts, mais qu'en se tenant fermement attachêau prinelpeque vous avez paru approuver sans lequel vous n'aurez point d'empire, point d'impôt, on impose les départements pour les besoins particuliers ; que le Trésor public four* nisse aux dépenses générales, ët qu'on ne tolère aucun emprunt pour les besoins particuliers.
Lë projet de. décret qui voua est présenté, sous deux points de vue, me parait delà plus grande importance. Il ae s'agit pas d'examiner l'utilité des travaux que propose le département du Gard, mais de poser en principe si vous ordonnerez des emprunts de la part des départements» Qu'est-ce que sont des départe» ments ? des corps administratifs sous l'autorité immédiate du chef dë pouvoir exécutif. Il faut
renvoyer au comité des finances à examiner très sérieusement la question qui Vous est proposée et qui tend à faire rejeter un décret constitutionnel. (Applaudissements.)
(de Saint-Étienne). Messieurs, il n'y a rien de plus vrai^ d'après les principes constitutionnels qu'on vient d'établir, qu'il serait très impolitique de permettre aux administrations de départements de faire, avec trop de facilité, des emprunts. Cette loi est Bage; mais je vous prie d'observer que la loi de la nécessité est infiniment plus instante ; (Murmures.) que la nécessité de maintenir votre Constitution rend indispensable d'établir, dans l'état actuel, l'activité des travaux nécessaires en Languedoc. Sous l'ancien régime, les travaux publics s'y faisaient aveo la plus grande promptitude, avec intelligence et activité. Depuis un an ces travaux sont suspendus, les inondations et les dégâts extraordinaires qui sont survenus ont laissé dans un état de désolation ces contrées. Les communications qu'avaient les campagnes sent interrompues. VoUs vo^ez que les objets qu'on voUs demande sont d'une indispensable nécessité. J'examine i présent comment on doit; y pourvoir. On vous a présenté ie mode d'emprunt remboursable, si vous le voulez, par annuités. (Interruption.) Je ne crois pas que l'Assemblée nationale veuille charger toute la nation des Réparations ou des entretiens locaux de chaque département. Je demande doûo que le projet de décret, présenté par le comité, soit décrété.
Permettez-moi de rappeler au préopinant que l'Assemblée nationale a donné, il y a environ 2 mois, 30,000 iivres à chaque département, pour pourvoir à leurs premiers besoins. Vous avez décrété en outre qu'il leur serait donné 80,000 livres pour établir des ateliers de travail» Vous avea encore réservé 8 millions de livres destinés aux objets d'utilité générale et il est incroyable qu'avec de pareils seéours, que jamais l'administration antérieure n'a donnés, on puisse avoir encore des besoins;:mais je vous dirai de plus : y eûtdl des besoins réels, il ne faut pas donner aux départements les moyens de pouvoir s'entendre avec le pouvoir exécutif pour pouvoir faire des emprunts comme le faisaient les anciens Etats de Languedoc. Rien ne serait plus dangereux pour la Constitution, que d'introduire de pareils emprunts, (Applaudissements»)
(de Saint-Jean-d'Angêly). Je retire ma demande de question préalable, mais je me réfère à l'opinion de M. Oefermoa pour le renvoi au comité. (L'Assemblée rènVoie ie projet de décret aux comités des finances et de Constitution réunis.)
au nom du comité d'aliénation, propose 2 ventes de biens nationaux aux municipalités de Réauville et d'Izieu pour 117,885 1. 2 S. U d.
Ces ventes sont décrétées Comme suit :
« L'Assemblée nationale, sur lé rapport qui lui a été fait par sou comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-Verbaui respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret :
« Savoir t
« A iâ muhièipalité d'ïaieu, département de Rhônê-et-Lôtre pour la somme de......v-..^". 38,750 h 5 S. > d.
( A célie de Réauville, département dé la Drôme, I pôiit celle dé........... 59,134 17 il '
« Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et états d'estimation respectifs, annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. *
Un de MM. les„ secrétaires fait . lêctUre dés la lettre suivante adressée
à ^Assemblée nationale par le président de l'assemblée électorale du
département de la Seine-înférieurô. « Rouen, le er février 1791
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur dç. voUs informer que MM. les électeurs du département dé la Seine-InfépieUrè, qui ont daigné me choisir pour préaider leur assemblée, viennéht d'élire pour leur évôqué M. l'abbé Verdier, curé'de Ghoisi-le-Roi.
« La proclamation de cette élection sera faite demain matin en la forme prescrite par les décrets»
c Je vous supplie de vouloir bien ëh instruire l'Assemblée nationale.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble, etc...
« Signé : massé. * (ApplaudîèsêmenU.)
Un de MM. les secrétaires annonce que M. Me-volhon, député, abëeût par congé, est de retour depuis le 27 janvier.
J'ai reçu de M. le ministre de la justice, la note suivante :
« Le roi a donné sa sanction le 23 janvier dernier :
« lb Au décret de l'Assemblée nationale, du 20dëce mois, relatif aux régiments de Royal» Liégeois et dé Lauzutl ;
c 2b au décret du même jour, concernât l'éléction du slènr Rondeau à une place dé jugé du district .de ftobhefbrt, et à la délibération au directoire du département de Ia Cbarente-Infé-rieure, du 14 décembre.
« 3* Au décret du môme Jour 20 janvier, cou* cernant ie Viëà et reconnaissantes provisoires à délivrer pour les objets admissibles au payement des domainës nationaux ;
« 4» Au décret du 22, cdhtèuaht des articles additionnels au code pénal de |a marine ;
« 5e Au décret dU 23, relatif à la circulation des petits assignats;
« 6* Ét le $6. à neuf décrets dti 17 décembre dernier, concernant la Vente de biénë nationaux aux municipalités de BafcôChes-dès-GàllèïandS, Montigny-le*-Gallenou, Broii, Sebondourt, Che*-vressy-les-Damés, AuthéUil, GaUdottVlllë, Terra ube etBolbèze-lès-Toulouse;
« 7° Au décrët du 21 ' de de Mois, relatif au payement d'une Somme suffisante pour dêlïâyër Îe3 sieurs Platel frères, Mnry, Gërle ét autres* de leurs dépenses dailS le voyagé qu'ils Ô lit à fairè pour se rendre à leurs domiciles;
« 8» Au décret dd thêide jour: relatif g Utiê somme de 2,000 livres par mois, dont jodit l'éta-» blissement Connu sous le hom de la Chârlté maternelle dé paris:
9* Au décret du même jour, relatif à l'achat d'une maison ou couvent des Auguslins, pour remplir le service ordinaire de l'administration du département du Gard ;
« 10° Au décret du 22, relatif à la circonscription des paroisses de la ville d'Amiens ;
« fil* Enfin, au décret du même jour, concernant la somme de 34,000 livrés, que le receveur des revenus publics comptera provisoirement, et en deux payements égaux, de quinzaine à autre, pour être employée aux réparations les plus urgentes des digues de Dol, département de l'Ille-et-Vilaine.
c Le ministre de la justice transmet à M. le président les doubles minutes de ces décrets, sur chacune desquelles est la sanction du roi.
« Signé : M.-L.-F. Duport.
« Paris,
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les jurés.
Après quelques observations, les articles 18, 19 et 20 du titre Vil sont adoptés comme suit :
Art. 18.
« Le président avertira les jurés "de se retirer dans leur chambre; ïls y resteront sans pouvoir communiquer avec personne; le premier inscrit sur le tableau sera leur chef.
- Art. 19.
« Le juré n'aura à prononcer que sur ce qui est porté dans l'acte d'accusation, quelle que soit la déposition des témoins. Art. 20.
« Il aura à prononcer, d'abord, s'il y a, ou non, délit constant; ensuite, si l'accusé est, ou non, convaincu. *
M. Duport, rapporteur. L'article suivant a besoin d'une courte explication, qui servira à la délibération. Nous avons renfermé dans Un même article plusieurs circonstances très différentes, mais qui se trouvent souvent attachées à un procès; ainsi il arrive quelquefois qu'un délit est certain, que l'accusé est convaincu de l'avoir commis, que ce délit est involontaire; il est évident alors qu'il ne peut pas être l'objet d'une
Îmnition et que les jurés doivent être appelés à e déclarer. Ensuite il peut arriver qu'un délit ait été commis sans intention de nuirç, et c'est la même chose qu'un délit involontaire ; jusque-là il n'y a point de difficulté. Mais voici un autre cas qui est également important à prévoir : un acte d'accusation qui est rendu hors de la présence de l'accusé, peut porter que l'accusé est prévenu d'un assassinat prémédité.rVous venez de décréter que les jurés ne peuvent donner leur délibération que sur ce qui est porté dans l'acte d'accusation ; mais cependant la défense de l'accusé peut avoir altéré, dérangé ce qui a été porté dans l'acte d'accusation; elle peut l'avoir atténué de manière que lorsqu'il est accusé d'assassinat prémédité, elle puisse prouver que c'est un simple assassinat dans une rixe.
Voici un autre exemple : un homme est accusé d'avoir commis un vol avec effraction, parce qu'il y a vol et effraction ; mais comme il n'a pas été entendu lors de l'accusation, il dira lors du débat : Il est prouvé que j'ai fait ce vol ; et quant jU'effraetion, elle était antérieure au vol; ainsi je n'en suis point coupable. Et il y a dans ces
deux crimes une telle différence, qu'il est du plus grand intérêt pour l'accusé de pouvoir les séparer.
" Nous avons donc pensé qu'il fallait, en prononçant sur ce qui est porté dans l'acte d'accusation, que le juré puisse cependant prononcer une atténuation du genre de délit, suivant ce que la défense de l'accusé aura pu effectivement opérer sur ce crime.
Voici le texte que nous vous proposons :
« Art. 21. Il y aura une troisième déclaration d'équité que les jurés pourront faire sur les circonstances particulières du fait, d'après l'indication qui leur en aura été donnée parle président, à l'effet de déterminer si le délit a été commis volontairement ou involontairement, avec ou sans dessein denuire ; si l'accusé est excusable ou non, ou pour prononcer en atténuation du même genre de délit, comme si l'accusation .d'assassinat prémédité se trouvait réduite à un homicide dans une rixe ou celle du vol avec effraction à un vol simple. »
Il me semble que l'article 21 qui vient d'être lu fait dépendre absolument du président du tribunal criminel l'appréciation des circonstances qui peuvent tendre à rendre l'accusé plus ou moins excusable ; et c'est, ce me semble, une très grande imperfection dans cet article. En effet, s'il résulte des circonstances que l'accusé est ou non excusable, ii ne faut pas en remettre absolument le discernement au président : autrement vous feriez dépendre, sous ce rapport, le sort de l'accusé de son discernement, de sa bonne ou mauvaise volonté. Il me semble qu'il ne faut pas ôter aux membres du juré la faculté de faire les indications;' et alors le sort de l'accusé ne dépend pas absolument du président. J'ai sur ce même article une autre observation à faire : il me semble qu'il y a 4 à5 mots d'inutilisés, je veux parler de ceux-ci : avec ou sans dessein de nuire ; il me semble qu'ils sont parfaitement exprimés par ceux-ci : volontairement ou involontairement. Je ne voudrais pas non plus que la loi renfermât les deux exemples qui se trouvent à la fin, il y a du danger à les limiter, pour ainsi dire, dans l'article même de la loi ; et cela doit faire partie du règlement qui pourra détailler cette même loi. Mais de toutes ces observations, la plus importante est celle qui peut faire dépendre delà bonne ou mauvaise volonté du président, le sort de l'accusé, d'après les circonstances mêmes qui résultent des dépositions des témoins. Je voudrais donc, et j'insiste particulièrement sur cette observation, que les jurés qui, d'après leur propre conscience, doivent juger si une circonstance est bonne ; je voudrais, dis-je, que les mêmes jurés pussent faire eux-mêmes ce que selon l'article ils ne peuvent faire que d'après l'avis du président.
Valné. Tout homme peut être bon pour juger d'après des témoignages humains, si ie matériel d'un fait est ou npn prouvé ; mais ii s'agit ici, Messieurs, de la moralité d'un fait, de l'intention d'une action : si vous réfléchissez un peu, Messieurs, sur cette question, vous sentirez, vous reconnaîtrez qu'il est plus de droit que de fait ; aussi veut-on en Angleterre, quoi que le juré soit autorisé à décider un fait reconnu et suffisamment prouvé, et à en apprécier l'intention ou le dessein ou la moralité, aussi veut-on, dis-je, que les jurés, lorsqu'ils seront embarrassés
sur la moralité d'un fait, puissent s'en remettre entièrement aux juges de la loi, pour juger tout à la fois et le fait et la moralité de la question. Cela est attesté, Messieurs, par Bakstown, dans son code criminel, traduit par l'abbé Colier. Cela est attesté d'abord par la Constitution anglaise, au chapitre des jurés. Je demande que la même léserve soit faite aux jurés, et que les iurés français, sans habitude aucune de juger la moralité des faits, lorsqu'ils se trouveront embarrassés, puissent à cet égard, comme en Angleterre, s'adresser aux juges de la loi.
rapporteur. Voici ce qu'on oppose : on dit qu'il serait fâcheux de laisser le président le maître de déclarer, d'indiquer ou de proposer l'indication. Prenez donc garde, Messieurs, que le président agite une seule cause d'atténuation. Ainsi il dira aux jurés : Vous avez entendu un tel, qui a soutenu qu'il avait commis involontairement un crime, qui a proposé telle excuse : mais le juré est là pour lui dire : Cela n'est pas; ce n'est pas là l'excuse qu'il a proposée. Je crois donc, Messieurs, qu'il n y a aucun inconvénient dans la. pratique, à ce que le président résume ainsi la question. Je réponds à l'observation de M. Garat, savoir que ce ne devrait pas être au juré à déterminer la moralité d'un fait. Je sais, Messieurs, qu'en Angleterre les juges sont plus particulièrement appelés à déterminer la moralité d'un fait ; mais je crois que cela est une grande erreur. Les juges doivent bien examiner la culpabilité ; c'est-à-dire qu'en rapprochant le fait de la loi, ils doivent déterminer si le crime est défendu par la loi, et par conséquent si l'accusé est vraiment criminel. Voilà l'espèce de moralité que les juges doivent déterminer; mais pour savoir si le crime a été fait volontairement ou sans dessein, je ne vois dans les juges aucun caractère de plus que dans les jurés pour le déterminer.
Je suis entièrement de l'avis de M. le rapporteur (Rires à gauche.) que le jugement de la moralité des actions doit être entièrement laissé aux iurés et non pas aux juges; mais je ne peux pas être de son avis, lorsqu'il rend le président du juré l'arbitre souverain, exclusif, de la manière dont les jurés doivent prononcer sur les moyens d'atténuation ; c'est-à-dire que.l'accusé interpellant le président d'avoir égard à tel moyen d'atténuation, si le président ne veut pas y avoir égard, je dis que c'est au juré alors à prononcer sur les égards qu'ils peuvent et qu'ils doivent avoir aux moyens d'atténuation qui ont été fournis par l'accusé; aussi je voudrais que dans l'article on ajoutât une clause par laquelle le président ne fût pas exclusivement le maître de faire proaoncer le juré sur les moyens d'atténuation ; et cette clause serait d'effacer entièrement les mots : d'après Vindication qui en aura été donnée parle président. Je conclus donc à l'adoption -de 1 amendement proposé par M. Bu-zot, qui parait extrêmement nécessaire, à moins que [vous ne vouliez faire juger les citoyens par un nomme et non par le juré. (L'article est adopté avec l'amendement de M. fiuzot.)
rapporteur. On pourrait ajouter à l'article la disposition suivante : « L'accusé, l'accusateur public ou chacun des jurés qui croirait que l'indication faite par lé président n'est pas exacte ou n'est pas suffisante, pourra proposer celle qu'il croira devoir lui être substituée. »
Si l'accusé et l'accusateur n'ont que le droit de proposer, et que le président juge souverainement, nous retombons toujours dans le même inconvénient. Cette rédaction est infidèle. Plusieurs voix à gauche : Cette rédaction est adoptée. Voix à droite : Cela n'est pas.
On vous demande, Monsieur le président, si cette chose est jugée ou non ? On vous a dit qu'elle l'était, et qu'elle ne l'était pas; et j'observerai qu'il est digne de vous qui mettez toutes les idées à leur place, d'y mettre aussi toutes les actions. Je demande que toutes les fois qu'il y aura un amendement notable qui changera la rédaction, vous ayez la bonté de faire lire la rédaction avant que l'on décrète l'article.
J'ai voulu vous laisser exposer votre morale parce qu'elle est très bonne; mais elle est superflue en cette occasion, l'article avait été lu.
Je propose que la rédaction qui me parait en effet n'être pas bien claire, soit renvoyée au comité pour la rapporter demain. Je ne crois pas que M. le rapporteur y résiste ; mais dans ce cas je ferai une observation.'
Il me semble que l'objet de l'article n'a pas été de rendre le président despote dans la partie des renseignements à donner aux jurés sur les diverses circonstances. Je crois que l'intention du comité a été d'obliger le président à donner aux jurés des indications qu'ils n'auraient pas saisies, mais non pas de priver le juré du droit d'aller lui-même à la découverte, lorsque le président n'aura pas saisi toutes les circonstances propres à atténuer la déclaration, v
J'estime que la rédaction qui vous est proposée ne répond pas aux intentions du comité.
M. Duport, rapporteur. Je ne vois pas l'objet de ce renvoi. M. de Montlosier dit que j'ai rendu le président despote, je n'en ai pas eu l idée plus que lui. Par la nouvelle rédaction, nous avons donné à toutes parties intéressées, et même aux juges, le droit de redresser le président, de proposer l'indication telle qu'elle est présentée.
On m'a dit : mais si le président obstiné ne veut pas absolument donner connaissance de ce qui lui est indiqué par l'accusé ou leurs jurés? Je réponds à cela que si les jurés, l'ont proposé, il est certain qu alors ils peuvent eux-mêmes prononcer.
(L'Assemblée renvoie au comité la rédaction de cet article.) Art. 22.
« L'opinion de 3 jurés suffira pour faire déclarer, soit que le délit n'est pas constant, soit que l'accusé n'est pas convaincu, soit qu'il y a lieu à l'excuse ou à l'atténuation. »
Cet article donne lieu à une des questions les plus importantes que vous puissiez décider. Je vous propose d'adopter la loi anglaise, qui veut qu'aucun jugement de condamnation ne soit prononcé qu'à i unanimité* Si^vous
vouliez vous décider par l'expérience, ja vous citerais l'expérience et l'autorité de l'Angleterre, de l'Amérique : je vous citerai de plus le suffrage de toutes les autres nations qui se sont accordées pour regarder cette loi de l'unanimité comme la plus belle de toutes eeiles que présente le système des jurés, et même comme le remède à tous les défauts qu'il pouvait renfermer.
Monsieur le président, s'agit-il à présent d'un juré de douze ou de vipgt» quatre membres ? Plusieurs voix : De douze.
Messieurs, d'après l'exemple de d'Amérique et de l'Angleterre, et j'ose dire d'après l'opinion de l'Europe entière, j'ai cru devoir vous présenter avec confiance l'adoption de eette loi. Si vous aimez mieux vous décider par la raison et par les principes, je refonte aux principes. Un mot suffit pour établir lia nécessité da ia loi que je propose. Les jurés, les juges qui prononcent sur le sort d'un accusé représentent la société entière. Ils jugent en son nom, en vertu du pacte par lequel chaque citoyen s'est soumis à la loi générale, lorsque la société entière qui, dans ia pureté des maximes sociales, devrait exercer cetteionctioo, est obligée, parce qu'elle est trop nombreuse, de la1 déléguer à un très petit nombre d'hommes. Alors je crois que If vœu raisonnable et juste de la société est au moins que les opinions de ce petit nombre d'hommes concourent toutes à la condamnation de l'accusé. En effet, Messieurs, dans l'ordre que la société détermine pour les jugements criminels, elle exige, le plus haut degré de certitude morale possible pour asseoir la condamnation : et toutes les fois que le très petit nombre de juges destinés pour prononcer sur le sort des accusés, n'est point unanime, alors le plus grand degré de certitude morale où vous vouiez parvenir est bien loin d'être acquis ; au contraire, je conclus de ce qu'un de ces juges, serait d'un avis différent, qu'il en résulterait une présomption considérable, qu'il manque quelque chose à la preuve du crime; et toutes les fois que des^ommes revêtus de ia confiance de la loi, des hommes de bon sens et intègres sont convaincus, malgré l'opinion de ceux qui ont délibéré avec eux et qui ont trouvé l'accusé coupable, sont convaincus, dis-je, et persistent à soutenir que l'accusé est innocent, il y a une très grande présomption morale que la preuve n'est point, assez claire, et que l'on s'exposerait à sacrifier l'innocence en voulant punir le crime. Et certes, Messieurs, ce n'est point une chose si rare dans toute assemblée, dans- toute réunion d'hommes, que la raison se trouve quelquefois du côté de la minorité; (Murmures d'assentiment à droite.) on en a vu des exemples frappants, surtout dans les tribunaux. Non seulement ce n'est point un phénomène que cela arrive parmi des juges, mais au contraire il peut arriver que ce soit une très grande incompatibilité; une grande fermeté d'opinions, une grande étendue de lumières qui fasse que le petit nombre résiste constamment à la majorité. Rappelez-vous, Messieurs, les derniers exemples que votre jurisprudence criminelle vous offre eu ce genrei rappelez-vous ces trois condamnés dont le sort a si longtemps occupé ia nation j s'ils n'ont point expiré sur la roue, c'est iniquement parce qu'un seul magistrat était d'une opinion contraire à celle da tous. Un membre : 11 y en avait trois.
Qu'importe le nombre ? A défaut de l'aiianimité, ce magistrat a eu recours à la seule voie ouverte pour sauver l'innocence, et elle fut sauvée, le ne doute pas que la loi d$ l'unanimité n'eût également sauvé les Calas, les Langlade, les Montbaiily, et toutes les victimes infortunées qui ont été égorgées avec le glaive des lois. : Un exemple plus analogue encore à la matière que je traite, c est celui de cet Anglais condamné par tous les jurés, excepté un. Les preuves paraissaient ai claires, qu'on était étonné de l'opiniâtreté de celui qui s'obstinait à ne point vouloir condamner l'accusé. C'était lui qui avait commis le crime. D'après ce seul exemple, croyez-vous possible que les Anglais eussent jamais pu tenir faiblement à cette loi de l'un&ni* mité dont ils avaient reconnu la nécessité par tant d'exemples éclatants? Croyez-vous qu'aucun homme humain puisse y renoncer? Non, quand bien même elle ne devrait sauver qu'un seul accusé dans un siècle, ce serait encore ia peine de l'établir. On ne peut y renoncer, sans compromettre le salut d'un innocent, sans démentir ce principe qui est ia base de toutes les législations criminelles chez tous les peuples justes, que pour condamner un accusé, il faut des preuves plus claires que le jour ; il faut le degré- de certitude morale le plus grand que puisse obtenir le législateur. C'en est assez, pour vous couvain-Gré, et pour vous porter à décréter qu'aucun jugement de condamnation ne pourra jamais être prononcé qu'à l'unanimité.
Je crois que l'article du eomité, fait en faveur de l'accusé tout ce que peut admettre rigoureusement ia sûreté sociale ; le préopinant a commis une grande erreur de feut* et tous s es raisonnements en ont été la conséquence; ii a appuyé son opinion en faveur de l'humanité sur l'exemple de l'Angleterre et de l'Amérique; mais dans 163 usages de ees deux pays, l'unanimité des jurés est requise pour absoudre comme pour condamner. Ils sont obligés de se réduire à une seule opinion : renfermés dans une chambre, sans nourriture, ils ne peuvent en sortir avantde s'être réunis à un résultat unanime.' Ainsi, l'unanimité apparente, l'unanimité prescrite par la loi n'est véritablement que la majorité. Car dans l'obligation d'avoir un même avis, c'est la minorité qui cède. Je ne pensé! pas que vous soyes disposés à admettre cette forme que la bonne foi repousse; cette forme bien moins humaine que l'article du Comité, où les cinq sixièmes des voix sont, nécessaires pour condamner, et que les Anglais ne conservent encore que par un effet du respect religieux qu'ils portent à toutes leurs institutions. Mais si vous ne l'adoptez pas, l'unanimité seulement pour condamner est encore moins admissible. La composition du juré est toute en faveur de l'accusé : il en a éloigné par de nombreuses récusations tous ceux dont il a craint la partialité; la société et l'accusateur, au contraire, n'ont pu en récuser aucun. Il faut donc, si l'on ne veut que le crime demeure impuni, que la loi prenne des précautions contre la mauvaise foi ou la partialité d'un ou deux jurés qui s'obstineraient à montrer des doutes sur un délit évident. Le nombre de trois jurés que les comités
exigent pour absoudre est fondé sur une profonde connaissance du cœur humain, un seul homme est facilement soupçonné d'erreur ou de mauvaise foi, deux hommes forment facilement entre eux une collusion coupable; mais l'accord entre trois personnes se présume bien moins facilement, et leur doute commun imprime assez d'incertitude sur l'assertion des neUf autres jurés pour que la loi s'abstienne de condamner. Telle est 1a théorie de l'article, et si l'on réfléchit que pour donner sa voix contre l'accusé, il faut être convaincu de son crime, que pour l'absoudre, au contraire, il suffit d'en douter; que celui des jurés qui concevra des doutes raisonnables les fera toujours partager facilement à deux de ses collègues : on pensera que l'article des comités est la disposition la plus douce et la plus humaine qui ait jamais existé dans les lois criminelles d'aucun peuple, et que vouloir aller plus loin ce ne serait pas stipuler pour l'intérêt de l'innocence, mais pour l'intérêt des scélérats contre la sûreté de tous, Je demande la question préalable sur l'amendement de M. Robespierre.
(J'appuie la proposition de M. Robespierre. L'Assemblée a voulu détruire les preuves légales, et j'en vois le rétablissement dans l'article présenté par le comité. Quant à moi, j'aurais désiré cette preuve légale, j'aurais voulu qu'un juré pût toujours s'appuyer sud le texte de la loi qui aurait parlé avant lui. Mais vous avez/ abrogé cette forme de procédure; et cependant vous substituez aujourd'hui la volonté du juré aux dépositions de deux ou trois témoins. YouS avez voulu la preuve morale tellement évidente, que tout le monde la pût saisir t vous avez voulu qu'elle ne se refusât à personne ; vous avez donc voulu l'unanimité.
(L'amendement de M. Robespierre est rejeté par la question préalable); ^
(L'article 22 est adopté).
« Art. 23. Lorsque les jurés se trouveront en état de donner leurs déclarations, ils feront avertir le commissaire du roi, lequel passera dans la chambre du "conseil, où le chef du juré se rendra pareillement; les jurés successivement, et, en l'absence les uns des autres, feront, chacun devant eux, leurs déclarations de la manière qui va être expliquée. »
Un membre propose de retrancher les mots ; et en l'absence les uns des autres.
(Cet amendement est rejeté). '
Un membre propose de substituer à ces mots : Ils feront avertir le commissaire du toi, ceux-ci : Ils feront avertir les juges èt lè commissaire du roi, lesquels passeront, etc....
(Cet amendement est adopté).
L'article est décrété comme suit :
Art. 23,
« Lorsque les jurés se trouveront en état de donner leurs déclarations, ils feront ayertir les juges et le commissaire du roi, lesquels passeront dans la chambre du copseil, pù le chef dur juré se rendra pareillement, les jurés successivement, et, en l'absence les uns des autres,, feront, chacun devant eux, leurs déclarations de la manière qui va être expliquée.
fait lecture d'une lettre par laquelle M. lé maire de Paris annonce l'adjudication de deux maisons nationales, situées, la première, rue des SaiotPèW?. louée livres, estimée $,667 livres, adjugée 27,300 livres ; la se? conde rue du faubourg Saint-Antoine, louée 700 livres, estimée 7,QJ livres, adjugée 12,700 U* vres. 11 ajoute que le total des adjudications, au 31 janvier derniHr, monte à la soçpmç de 8,310,376 livres pour des immeubles qui Qn{ été estimés 4,178,556 livres 7 sols 8 deniers, (La séance est levée à deux heures fit demie.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et decpie du matin.
Un de MM. les secrétaires f4M lecture des procès-verbaux de la séance du mardi 1** février et de la séanCe d'hier.
(Ges procès-Yerbaux sont adoptés.)
Il a été sagement ordonné, par un décret, que les dispenses de mariages aux degrés prohibés seraient accordées gratis par les évêques. Il est évident que l'intention de l'assemblée n'a jamais été qiril y eût des distinctions à cet égard, parce que, indépendamment de Injustice qui résulterait des exceptions ; toute dis* position contradictoire Choquerait l'uniformité de la législation.
Cependant plusieurs mariages entre journaliers sont empêchés ou retardés dans ia ville d'Orthez, chef-lieu de district, département des Basses*Ityv rénées, et sans doute ùoe infinité d'autres le sont dans l'étendue de l'Empire, parce que, par les anciennes lois, les non-catholiques qui sont dans le cas de solliciter de pareilles dispanses, doivent s'adresser à la chancellerie et payer des droits de marc d'or et autres, assez arbitraires puisqu'ils sont établis selon ia fortune présumée des requérants, et ces frais se portent souvent aù-dessus des forces des artisans et journaliers. Il est sensible que la justice, la raison et les décrets s'opposent à Ce que les non-catholiques soient obligés de payer des dispenses que les oa-t tholiques obtiennent gratuitement.
Je demande que l'Assemblée décrète que les dispenses de mariage aux degrés pronibés soient accordées gratuitement à tous les Français catholiques pu non catholiques.
Vous savez, Messieurs, qu'il y a un article ajourné sur cette matière. Il ne conviendrait pas de décréter particulièrement des questions si intéressantes. Il y a beaucoup d'endroits où les mariages sont suspendus à cause des dispenses, Il est instant de foire cesser ces abus ; inàis il faut un décret entier et non pas un décret partiel.
Je demande que la proposition soit renvoyée aux comités de Constitution et ecclésiastique réunis.
11 y a deux choses à distinguer
J'appuie donc la motion de M. Darnaudat.
La motion est mise aux voix et décrétée comme suit :
c L'Assemblée nationale décrète que toutes dispenses de mariage aux degrés prohibés, seront accordées gratuitement, jusqu'à ce qu'elle ait statué sur lesdits empêchements. >
Dans la vente de biens nationaux décrétée en faveur de la municipalité de Cler-mont-Ferrand, département du Puy-du-Dôme, il se trouve des articles pour lesquels la municipalité de Romagnat (même département), a fait les soumissions et fourni au comité d'aliénation les désignations et estimations prescrites par les décrets.
Je demande que cette erreur soit redressée et que la préférence soit accordée à cette dernière municipalité.
Je demande que la réclamation soit renvoyée au comité d'aliénation .
(L'Assemblée décrète le renvoi de cette motion au comité d'aliénation pour en faire la vérification et son rapport à l'Assemblée lé plus tôt pos-sible.)
au,nom des comités des domaines et d'aliénation. Messieurs, l'Assemblée a décrété
Îu'il ne serait pas vendu de bois au-dessus de 00 arpents ; mais que cependant, dans certains cas, ils pourraient être vendus sur l'avis des directoires de départements et de districts. Beaucoup de soumissions ont été faites pour des portions de bois que les départements ontjugé plus utile d'aliéner que de conserver. C'est sur l'avis des directoires du département de la Sarthe et du district de Mamers, que ie vous propose le projet de décret dont je vais donner lecture:
« L'Assemblée nationale, buï le rapport qui lui a été fait par ses comités des domaines et d'aliénation, et d'après l'avis qni lui a été envoyé par le directoire du département de la Sarthe, déclare aliénables les bois d'Arennes ou Grattesac, situés dans ledit département,distriet de Mamers, contenant environ 144 arpents, et décrète qu'ils seront vendus de la manière et dans les formes prescrites par les décrets des 25, 26 et 29 juin, o août et Z novembre derniers. »
Vous avez décrété que les bois de 100 arpents et au-dessus ne seraient pas vendus. Si vous mettez une exception à votre règle, je vous garantis que l'intérêt particulier l'emportera sur la loi générale et que peu à peu on vous fera vendre vos bois.
(de Saint-Jean-d'Angély). Le préopinant ne se rappelle pas les termes du décret que vous avez rendu. Il excepte, à la vérité, en général, les bois dont la contenance excédera 100 arpents; mais comme vous avez senti, en rendant ce décret, qu'il pouvait et devait y avoir
des circonstances particulières, qu'il y avait de petites portions de bois enclavées dans l'héritage d'autrui, des portions qui ne pourraient être gardées qu'avec des frais plus considérables que la valeur du revenu, le même décret autorise l'aliénation de ces bois; mais il exige qu'il y ait pour cette aliénation un décret particulier du Corps législatif, rendu sur l'avis des directoires de département et de district. Et, Messieurs, remarquez que nous ne devons
f>as soupçonner les départements de donner trop égèrement leur avis, car c'est diminuer la masse d'objets à administrer : c'est affaiblir en quelque sorte leur autorité et leur influence. Vous avez préjugé la possibilité de la vente, ainsi vous ne pouvez pas vous dispenser de l'ordonner. : (Le projet de décret est adopté.) r
(de Saint-Jean-d'Angély). Messieurs, le mandement de M. l'évêque de Boulogne a été envoyé dans le département de la Charente-Inférieure comme dans tant d'autres. Les administrateurs, voulant seconder vos intentions et pleins de zèle pour la chose publique, n'ont pas cru devoir tolérer sa publication ; ils ont pris l'arrêté suivant qu'ils nous ont chargés de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale :
« Nous, etc. ; Considérant que l'imprimé ayant pour titre: Mandement de l'évêque de Saintes, portant adoption dè l'instruction pastorale de l'évêque de Boulogne contient des principes formels contre les lois de l'Etat ; que cet écrit, propre à séduire ou à effrayer les consciences timides, peut devenir une arme dangereuse dans les mains des malintentionnés, etc. — Arrêtons que ledit mandement sera dénoncé à l'accusateur public, défendons, sous les mêmes peines, à tous curés et vicaires de faire la lecture dudit mandement au prône et à toutes personnes de le vendre ou de colporter ; ordonnons, etc... » (.Applaudissements.)
Je suis chargé en même temps de vous mettre sous les yeux le serment civique prêté par un curé de ce diocèse et qui vous prouvera que le mandement n'a pas produit son effet; le voici : « La patrie a droit de s'assurer de l'intégrité de chacun des fonctionnaires publics par la -foi du serment .; c'est un nouvel nommage qu'elle multiplie en l'honneur de la religion. 11 ne peut être un seul des élus, non, Messieurs, il n'en peut pas être un seul qui ose éluder le serment, .sans être soupçonné de trahison ; et dans ce cas affligeant du refus, il est de son devoir de répudier le fonctionnaire.
: « Quant à moi, chargé parla divine Providence du régime de.cette vaste paroisse depuis près" de 40 ans, daigne le^ Ciel m'accorder la grâce de perpétuer ces sentiments religieux etpatriotique&que je vous ai annoncés I
« Dans ce désir, messieurs les officiers municipaux assemblés au pied de cet autel, et vous, cher troupeau que j'ai formé, recevez mou serment, conforme à la loi du 17 novembre dernier, que je réitère dans la sincérité de mon âme. » (Applaudissements.) Ce serment émane du curé de Magné-lès-Niort. Je demande qu'il soit fait mention de ce serment et de l'arrêté du directoire du département de la Chârente-Inférieure dans le procès-verbal. (Cette motion est décrétée.)
au nom du comité des finances, propose le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son
comité des finances sur la pétition des administrateurs du département de la Charente-Inférieure, décrète :
« 1° Que l'imposition des 452,513 livres ordonnée par arrêt du conseil du U décembre 1789, en remplacement des corvées, sera seule mise provisoirement en recouvrement dans les départements de la Charente-Inférieure et des Deux-Sêvres, représentant l'ancienne généralité de la Rochelle, attendu que ladite somme suffit pour les travaux exécutés et à exécuter dans lesdits départements, sauf à y être suppléé, si elle était reconnue insuffisante ;
« 2* Que la répartition de ladite somme sera faite sur toutes les paroisses de la ci-devant généralité, au marc la livre de la taille des contribuables, ou autres impositions représentatives, et de concert entre les directoires de ces trois départements ;
* 3* Qu'il sera fait état aux contribuables de tout ce qu'ils ont payé pour cet objet sur les rôles de 1789 et 1790; qu'ils seront même remboursés de l'excédent, s'il s'en trouvait; de telle sorte que chacun des contribuables ne paye,quant à présent, que sa portion afférente ae l'imposition des 452,513 livres. >
(Ce projet de décret est adopté.)
au nom du comité féodal. Messieurs, il résulte de l'article 40 du décret du 3 mai dernier, que dans ia masse énorme des biens sur lesquels la nation a repris l'exercice de ses droits de propriété, il en est qui, à chaque mutation, doivent ses droits de quint et de requint, des troisièmes de lods et ventes et autres semblables. Aussi avez-vous déclaré, par l'article 7 du titre I*r du décret du 24 mai, que les acquéreurs de ces biens les posséderont en totalité franchement et avec liberté, mais que la nation rachèterait des premiers deniers des ventes 4 faire les droits auxquels ils étaient assujettis envers leurs anciens seigneurs. Depuis on a vendu différentes portions des biens nationaux qui sont positivement dans le cas, et il s'en vendra encore par la suite davantage; il est donc urgent que l'Assemblée prenne des mesures pour opérer le rachat auquel la nation s'est engagée par son organe.
Voici ce que votre comité vous propose :
Art.1er
(Cet article est formé par le décret du 30 janvier 1791.)
Art. 2
« Les ci-devant seignecrs de qui relevaient des biens nationaux grevés envers eux de droits de mutation, suivant les distinctions établies par l'article 40 du décret du 3 mai 1790, recevront immédiatement après les ventes faites en exécution des décrets des 14 mai, 25 juin et 3 novembre suivants, le montant du rachat desdits droits, saus pouvoir rien prétendre à titre de droits échus en ventu desdites ventes.
Art. 3.
« Ce rachat sera liquid^ d'aprte leg dispositions du decret du 3 mai
1790, et, g'il j » lieu, d'aprfes celle de I'ariicle 1" du present
d6cret; et les droits qu'il s'agira de racheter seront lvalues sur le
prix desdites ventes.
« Tout particulier à qui il sera dû par la nation un rachat de cette nature, sera tenu, pour en obtenir la liquidation, de remettre ses mémoires, titres et pièces justificatives au secrétariat du directoire de district où auront été vendus les biens ci-devant tenus de lui en fief ou cen-sive, lequel les fera passer avec son avis au directoire du département, qui, après les avoir vérifiés et pris un arrêté en conséquence, enverra le tout 4 la direction générale de liquidation.
Art. 5.
« Ii en sera usé de même pour parvenir à ia liquidation des autres droits ci-devant seigneuriaux et fonciers, du rachat desquels la nation s'est chargée par l'article 7 du titre I* du décret du 14 mai 1790; et lorsque, d'après les règles tracées par le décret du 3 du même mois, il y aura lieu 4 des expertises pour fixer le montant de ces droits, les experts seront nommés,savoir : un par le directoire du district qui aura vendu les biens précédemment grevés desdits droits, un par le particulier 4 qui sera dû le rachat, et le tiers expert, s'il en est besoin, par le directoire du département. »
Je pense que ces articles devant être comparés avec toute la loi du mois de mai 1790, il est absolument nécessaire qu'ils soient imprimés ; ainsi je demande l'ajournement.
Ce qui se passe tous les jours dans l'exécution de la loi, l'extrême répugnance qu'on a à racheter des droits qui sont regardés désormais comme rachetables, la rigueur des principes de votre comité, tout, Messieurs, vous annonce combien vous deves avoir de confiance en lui, quand il parait vous proposer quelque chose de favorable aux vaasaux. Ainsi, moi qui n'aperçois rien que de très favorable à l'utilité publique dans ce qui vous est proposé, je demande que le décret soit mis aux voix article par article.
(L'Assemblée décide qu'elle passe 4 la discussion d« projet de décret.)
(La discussion s'ouvre su; l'article 2.)
Monsieur le président, je demande 4 M. le rapporteur s'il autorise dam ce moment tous ceux appslés autrefois suserains, qui ont dans leur moevancs des biens ecclésiastiques, 4 demander que le rachat soit fait; car si le décret n'autorise pas cela, il est certain que la vente se faisant, il y aura un droit échu qu'il faudra payer avant de payer celui du rachat.
rapporteur. Je réponds au préopinant que l'article 1" du titre 1" du décret du
14 mai dernier réfute la difficulté qu'il élève.
J'observe que le commissaire duroi poor la caisse de l'extraordinaire ne peut pas ordonner que l'on fasse de payement sur le prix des ventes, car il n^t pas ce pouvoir; et quand ii l'aurait eu, vous le lui aves ôté par le décret du
15 décembre dernier.
Il ne faut pas perdre de vue le projet que vous aves eu en rétablissant; c'est de faire de la caisse de l'extraordinaire et de tous ses commis dans les départements — car les receveurs de district ne sont que ses commis et ses dépositaires — d'en foire »irft». caisse de pur amortissement où il
n'entre des fonds que pour payer les dettes l'Etat.
S'il y a à payer pour le rachat des droits sei gneuriaux, comme pour des réparations et autres objets, c'est toujours au Trésor public à faire ces dépenses.
Je demande donc qu'il soit mis et sur les fonds qui y sont destinés. (L'amendement de M. Camus est adopté.)
L'article 2 est décrété comme suit : « Les ci-devant, seigneurs de qui relevaient des biens nationaux grevés envers eux de droits de mutation, suivant les distinctions établies par l'article 40 du décret du 3 mai 1790, recevront immédiatement après les ventes faites en exécution des décrets des 14 mai, 25 juin et 3 novembre suivants, et sur les fonds qui y seront destinés, le montant du rachat desdits droits, sans pouvoir rien prétendre à titre de droits échus en vertu desdites ventes, » (Les articles 3 et 4 sont ensuite adoptés.)
Je m'oppose à l'article 5. Il me semble que le comité féodal ne sait jamais mettre une mesure égale entre les individus et la nation traitant avec un particulier; car quand elle traite avec un particulier, elle n'est elle-même qu'un particulier.
Je demande donc qu'en cas de débat entre les deux experts, ce soit les deux experts qui en nomment un tiers et non lé directoire du département qui est votre représentant.
rapporteur. J'observe que la mesure que vous propose le comité féodal pour la nomination qui a été faite, est celle que l'Assemblée a déjà décrétée.
Je ne pense pas que jamais la nation puisse établir innovation contre les principes de tout droit et de toute justice ; or, ces principes sont que les particuliers traitant entre eux traitent toujours à droits égaux et non pas avec l'air de supériorité et de souveraineté. On voit que c'est sur un principe de justice que j'appuie mon amendement.
J'appuie l'amendement de M. de Folleville; il parait de toute justice.
Il paraît, selon l'amendement de M. de Folleville, que si les deux experts ont été contraires, ils peuvent différer sur le choix du tiers expert; et,dans çe cas, qui est-ce qui débarrera? C'est donc mettre des entraves.
D'un autre côté, Monsieur, je ne sais pas pourquoi vous avez des doutes sur l'administration des départements.
Je demande donc la question préalable sur l'a-mendeme: t de M. de Folleville.
(de Saint-Jean-d'Angély). Vous avez voulu, Messieurs, que la nation, lorsqu'elle aurait une contestation, plaidât comme un individu, qu'elle suivît les formes ordinaires des contestations. Et ces formes, quelles sont-elles? C'est que, lorsqu'il s'élève uoe contestation, chaque partie nomme un expert et que ces deux experts, lorsqu'ils ne s'accordent pas, en prennent un troisième... (Murmures)
Il est peut-être injuste de juger avant d'avoir entendu.
..... Ou le magistrat préposé par la loi pour
juger nomme lui-même l'expert ; ici vos administrateurs de département et de district ne sont pas le magistrat préposé pour juger. La nation a des propriétés; elle prépose à leur administration les directoires de département et du district. Dès lors cette masse d'administrateurs compose un individu qui représente le propriétaire. L'acquéreur, l'individu qui veut amortir les droits est un autre particulier. Voilà les deux parties, elles sont reconnues.lS'il y a partage d'opinions entre les deux experts, pourquoi donner une prépondérance aux administrateurs en leur accordant le droit d'avoir deux experts contre un? é
Je propose donc, par amendement, que ce soit le juge de district qui nomme le tiers.
Je demande la question préalable sur tous les amendements. Vous avez posé la base pour la vente des biens nationaux, pour le dessèchement des marais ; on vous demande les mômes bases pour le rachat des droits dé mutation. Vous devez les adopter.
Il s'agit de savoir si cette fonction est judiciaire ou non ; si elle est judiciaire, c'est une sanction judiciaire. Donc elle ne peut jamais appartenir à aucun administrateur.
Messieurs, si vous adoptez une pareille forme, vous allez introduire une procédure devant les juges pour une affaire d'administration. Il faudra donc appeler les parties. Je demanderais que ce fût sur simple requête de la partie la plus diligente et sans frais.
Je demande, pour l'intérêt de ia nation, que la discussion soit fermée.
(L'Assemblée, consultée, ferme la discussion.)
(Les divers amendements sont écartés par la question préalable et l'article 5 est adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet du décret sur les jurés (1).
rapporteur. L'Assemblée s'est arrêtée hier à l'article 24 du titre VII. Cet article est ainsi conçu :
Art. 24.
« Chaque juré passera d'abord sa déclaration sur le fait pour décider s'il y a délit CQnstant, ou non. Si cette pure déclaration est affirmative, il fera immédiatement après sa déclaration sur l'accusé, pour décider s'il est convaincu ou non ; si cette seconde déclaration est affirmative, il sera immédiatement prononcé, après sa déclaration, sur les circonstances d'atténuation ou d'excuse qui auraient pu être indiquées par le président.» (Adopté.)
Art. 25.
« Ceux des jurés qui auront déclaré qu'il n'y a pas de délit constant,
n'auront pas d'autre déclaration à faire; et ceux qui n'auront pas
trouvé l'accusé convaincu, n'auront pas à s'expliquer sur l'objet de la
troisième déclaration ; leurs voix seront toujours comptées à la
décharge de l'accusé sur la seconde et la troisième déclaration.»
(Adopté.)
« Chaque juré prononcera les diverses déclarations ci-dessus dans la forme suivante ; il mettra la main sur son cœur, et dira : Sur mon honneur et ma conscience, le délit est constant ; Vaccusé est convaincu, ou bien, Vaccusé ne me parait pas convaincu. La même forme sera observée lorsqu'il y aura lieu à 1a troisième déclaration. »
Je crois nécessaire de faire une observation sur cet article : est-ce l'honneur tant prôné par Montesquieu, est-ce l'honneur féodal* est-ce en un mot l'honneur dont les spadassins parlent tous les jours : Je jure sur mon honneur de faire cette chose? Il faut, Messieurs, proscrire du nouveau régime cette formule trop consacrée par d'anciens préjugés, cette formule gothique, et mettre simplement : je jure sur ma conscience parce que certainement si l'honneur n'est pas synonyme de la conscience, l'honneur n'est rien.
rapporteur. Nous avons pensé effectivement que la conscience... (Interruption.)
Plusieurs membres : Aux voix l'amendement 1
Nous ne pouvons pas nous dissimuler que le gros de la nation n'est pas arrivé au même degré de philosophie que M. Merlin. Je pense donc qu'il n'y a qu'un seul moyen de . voiler ie ridicule (Messieurs, l'expression est ménagée), dont cet amendement pourrait paraître susceptible au gros de la nation, c'est de l'étendre, de. retrancher en même temps : Je jure sur ma conscience.
Mon opinion, Messieurs,ie la fonde sur ce livre dont M. Didot se propose de faire l'impression et dont vous avez accepté la dédicace. Le divin auteur de ce livre vous dit : Ce sont les païens qui jurent sur différentes choses.
Mais un chrétien doit dire oui ou non ; voilà le seul jurement qui soit permis, voilà le seul jurement d'un peuple libre et régénéré ; il ne doit pas dire: je jure sur ma conscience, mais : le délit est constaté ou non.
J'ai l'honneur d'observer à l'Assembleé que l'énonciation : Vaccusé ne me parait pas convaincu, me parait du style de consultation et non pas du style de jugement ; il faut que l'accuse soit convaincu ou ne le soit pas; en conséquence, je demande qu'on prononce coupable ou non coupable.
Vous voyez qu'on vient de vous proposer deux amendements, et il parait très important de les diviser ; le premier frappait sur le mot d'honneur, je vous avouerai que cet amendement m'a paru extrêmement sensé et doit être admis.
Un autre a été à l'instant présenté.....
Monsieur Dumetz, si vous ne proposez pas un amendement, vous faites mon office.
Je ne sais pas si je fais l'office de M. le président, mais je crois faire l'office de tout représentant de la nation donnant son avis. Je crois, Messieurs, qu'il serait plus conforme à la dignité du serment de n'y insérer ni le mot d'honneur, ni celui de conscience ; j'ai encore trouvé très sage celui qui a dit : « Le mot ie jure est celui qui se joint le mieux à ia dignité
du serment, » et je crois en effet qu'il suffira de dire : je jure.
Je ne sais pas.pourquoi vous, n'aimez pas mieux deux liens qu'un, l'honneur et la conscience sont deux choses; l'honneur une partie des motifs (Murmures.), la conscience est relative à des idées religieuses, la conscience seule peut faire agir sans l'honneur; je dis ce qui est dans la bouche de tous les hommes, et particulièrement de tous les législateurs. Vous avez deux liens, Messieurs, je vous le répète; mais sous quelque rapport que vous considériez l'honneur, il ne sert point la conscience; il y a des hommes qui sont gouvernés par Ja conscience et qui n'ont aucune idée de l'honneur.1 Je crois que l'article doit subsister tel qu'il est. Je demande la question préalable sur les amendements.
rapporteur. Je ne demande qu'à dire un mot. Que faut-il ici ? Ce n'est point la religion universelle qui peut régler, chacun, c'est le but particulier de chacun des jurés. Ainsi, l'homme, comme l'a bien dit le préopinant, qui est conduit par l'honneur, je le fais jurer par le culte qu'il professe, je le fais jurer par sa conscience; n'oubliez jamais la religion de celui dont vous demandez l'opinion, parce que c'est d'après cela qu'il parlera. C'est la religion du juré seul qu'il nous faut, et non la religion, universelle; il est évident qu'il faut trouver tous les moyens de lier tous les hommes par la loi-----(Bruit.)
Ën honneur, Messieurs, puisqu'il est parmi vous question de l'honneur, vous ne pouvez pas délibérer avant que vous ayez fait silence.
Je demande la question préalable. M. Merlin nous a proposé un amendement qui tend à retrancher le mot d'honneur. Il a produit un grand effet sur l'Assemblée parce qu'il a rappelé l'honneur cité par Montesquieu; parce qu'il a rappelé l'honneur qui produit la rage des auels, et qu'en présentant ainsi ce mot d'honneur sous une définition vague, sous une acceptation philosophique et sUr une signification qu'on ne peut plus accepter, il a pu entraîner un instant l'Assemblée ; mais j'observe ici que ce n'est pas en philosophant parmi nous que nous ferons de très bonnes choses, il faut prendre les hommes comme ils sont. Il n'y a aucun homme de bon sens qui pense que parce que nous retrancherons le mot honneur tde l'article nous allions détruire les duels sur-le-champ.
Que dit l'article ? De jurer sur son honneur et sa conscience.
Que signifie vulgairement le mot conscience ? il signifie religion. Ët le mot honneur dans l'acception vraie, je ne parle pas de celle des spadassins? il signifie probité.
Voilà donc deux sens bien différents. L'un de religion attaché au mot conscience ; l'autre, de probité, attaché au mot honneur. Il est donc nécessaire que ceux qui prononcent sur la vie des citoyens, sur ce qu'il a de plus cher, affirment leur conviction sur les deux rapports principaux de la société; c'est-à-dire sur la religion et sur la probité personnelle. Voilà pourquoi il est indispensable de vous conserver l'affirmation sur l'une et sur l'autre, parce que vous liez le citoyen qui affirme par les deux motifs les plus puissants des principes moraux.
D'après la disposition de l'Assemblée nationale, je ne veux pas soumettre mon amendement à l'humiliation ae la question préalable, et je le retire.
Nous les retirons tous.
Plusieurs membres demandent la division de la question préalable sur les amendements.
(La question préalable sur cette division est d écrétée. )
(Les amendements sont rejetés et l'article 26 est adopté.)
rapporteur. L'article 27 est ainsi conçu :
« Après chacune de ces déclarations, chaque juré, en témoignage de son opinion, déposera à cet effet une boule blanche ou noire; la boule blanche exprimera l'opinion favorable à l'accusé ; la noire, celle qui lui est contraire. »
Au lieu de cette formalité ridicule des boules noires et blanches, qu'on nous propose, je voudrais qu'on choisit entre celte alternative, ou que les juges et le commissaire du roi dressent un procès-verbal de la déclaration des jurés, ou bien que les jurés signent leur déclaration, afin qu'il en reste une trace.
Dans cet article, il y a deux choses essentielles : la première de s'assurer que la boule déposée dans le vase par le juré est absolument le témoignage de sa déclaration; la seconde, de rassurer le juge, quand il est dépositaire de ce vase; je ne voudrais pas qu'on obligeât le juré de signer sa déclaration, par une raison toute simple, qui est que le juré ne saura pas toujours signer; il me semble qu'il serait aussi dangereux de faire dresser procès-verbal de la déclaration .
il est un moyen simple de concilier l'intérêt du juré, celui de l'accusé, et même celui du juge ; je voudrais que le juré, en faisant sa déclaration, tînt également la boule en témoignage de son opinion, et qu'en même temps il la déposât, non pas dans un vase seul, mais dans un des deux vases qui seraient sur une table, car il faut bien prendre garde que, quand il a fait sa déclaration, il peut, par distraction, prendre une boule pour une autre; il y a l'intérêt du juge, dont il faut aussi s'occuper ; car qui assurera te public que les boules que reçoit le juge n'ont point été échangées ? Qui est-ce qui garantira surtout le juge de ce reproche? Je voudrais, pour mettre le juge à l'abri de tout soupçon, que ces deux vases fussent fermés à clef. Par là il serait certain que les boules sont véritablement le témoignage de la déclaration de chaque juré: ainsi, je voudrais qu'au moment où le juré fait sa déclaration, il montrât sa boule aux juges, et la déposât dans un des deux vases.Je voudrais, en outre, que ces deux vases fussent fermés à clef. Voilà les deux amendements que je propose.
Messieurs, ce qu'on vous propose me paraît absolument effrayant; je crois que c'est réduire à une opération mécanique ia démonstration du sentiment du juré, et je crois que des erreurs très dangereuses peuvent se glisser dans cette opération, soit en confondant les boules, soit en portant dans un vase ce qui doit être porté dans un autre; je n'ai absolument aucune espèce de confiance dans une opération qui
me paraît beaucoup trop ressembler à l'établissement d'un escamoteur.
Je ne vois pas pourquoi M. le rapporteur insiste sur cet article, car il présente une forme très illégale de constater le jugement du juré.
rapporteur. M. Malouet vous dit qu'il ne voit pas la nécessité de l'article, elle est déjà dans les articles décrétés. Quand les jurés auront donné leur opinion en présence des juges, en l'absence les uns des autres et à haute voix, il faut la constater, parce que sans cela ce serait à la mémoire du commissaire du roi et des juges qu'il faudrait s'en rapporter. Il n'y a que deux manières de la conserver, ou par écrit, ou de cette manière-ci. Par écrit, vous en sentez les inconvénients ; il vaudrait cent fois mieux faire opiner chaque juré devant le public ; au lieu que dans la manière que le comité propose il y a aussi des dangers, mais ii y a de la moralité. Ainsi il me paraît démontré cfairement que si on donne par écrit les opinions, il vaut mieux les donner devant le public. Ainsi nous pensons qu'il faut que ce suffrage, qui serait donné par écrit, et qui est pour ainsi dire écrit avec cette boule, soit donné en présence du chef du juré, en présence du commissaire du roi, et en présence des juges qui y seront.
Groira-t-on jamais que la même Assemblée qui a infligé des peines si graves au contumax, positivement parce qu'il a manqué de confiance en la loi, donnera un moyen de subterfuge au juré, et ne lui dira pas qu'il doit être un homme juste et un homme ferme, parce que sans fermeté il n'y a pas de justice? Or, un homme ferme ne doit; point cacher sa façon de penser. Je dis donc que tout moyen d'élusion à cet égard est véritablement un moyen immoral; et je rappellerai au comité que ce qui doit servir de maxime à tous jurés, à tous fonctionnaires publics, c'est 1e. mot d'Agésilas, qui disait, en parlant d'un homme faible : Comment sera-t-il juste aux bons, s'il n'est pas terrible aux méchants ? Or, un homme qui est terrible aux méchants est un bon juge. (Applaudissements.)
Les alarmes conçues sur les effets de 1 article sont justifiées par le désir que le scrutin soit connu du public. Je crois aussi que l'opinion des jurés doit être connue du public; mais je crois en même temps que l'on ne doit pas se priver d'une manière d opiner qui soutient la faiblesse et qui amène la prononciation du véritable avis de l'homme. Cependant, il me paraît qu'on a raison de critiquer un peu la rédaction de l'article.
Le comité n'a jamais entendu que le scrutin fût secret; il a voulu, au contraire, réserver pour l'instruction l'indication de tous les moyens possibles pour que les juges éclairassent, et que le
Sublic connût l'opinion de chaque juré. Mais,
essieurs, y aurait-il des inconvénients quand on aurait rédigé ainsi l'article? A chacune des extrémités du bureau de3 juges sera une boîte, l'une noire, l'autre blanche : dans l'une, seront déposées les boules qui annonceront l'opinion pour condamner; dans l'autre, celles qui annonceront l'opinion pour justifier.
Il résultera de là que les deux boîtes étant séparées par une distance assez considérable, l'opinion du juré sera connue de tout le public
éclairé. Il en résultera qu'il ne pourra point y avoir d'erreur; car si une boule blanche tombe dans la boîte noire, le scrutin ue vaut rien; l'opinion se recommence. Voilà donc un moyen que je vous propose.
Dans mon opinion, l'article doit être rejeté. J'ajoute que cet article est incomplet, parce qu'aux termes des décrets antérieurs, les jurés ont trois déclarations à faire : la première, si l'accusé est coupable ; la seconde, s'il ue paraît pas convaincu ; et la troisième est encore une déclaration d'atténuation ; de manière que les jurés ayant trois déclarations à faire, il est évident qu'il faudrait des boules de trois sortes de couleurs, et par conséquent trois boîtes. Vous voyez, par là, que cette forme d'opiner présente les plus grands inconvénients; qu'elle donnera lieu à des méprises. Je demande la question préalable sur l'article.
Un membre demande la priorité pour l'amendement de M. Buzot et le sous-amendement de M. Le Chapelier.
(La priorité est accordée à ces deux amendements, qui sont mis aux voix et adoptés.)
L'article 27 est décrété dans ces termes :
Art. 27.
« Après chacune de ces déclarations, chaque juré, en témoignage de son opinion, déposera ostensiblement dans les deux boîtes, 1 une blanche, l'autre noire, qui seront placées à cet effet sur le bureau, une boule blanche ou une boule noire; la boule blanche exprimera l'opinion favorable à l'accusé, la noire celle qui lui est con-^rstirc D
Les'articles 28,29,30,31,32 et 33 sont ensuite adoptés comme suit :
Art. 28.
« Cela fait, les jurés seront appelés, et en leur présence il sera fait ouverture des bottes ; les boules seront comptées; les jurés rentreront dans l'auditoire; et après avoir repris leurs places, le chef du juré prononcera, en leur nom, la déclaration du juré en ces termes : Sur mon honneur et ma conscience, la déclaration du juré est, ou les déclarations du juré sont, etc. L'accusé n'est pas convaincu, ou l'accusé est convaincu; ou bii n l'accusé est convaincu, mais l'action est involontaire, ou elle a été commise sans dessein de nuire, ou elle est excusable ; enfin il y a lieu à telle atténuation qui sera exprimée par le juré.
Art. 29.
« Cette déclaration sera reçue par le greffier, signée de lui et du président.
Art. 30.
« Tous les accusés, compris dans le même acte d'accusation, seront jugés par le même juré.
Art. 31.
« S'il y a plusieurs coaccusés, le tribunal déterminera celui qui sera le premier présenté au débat, en commençant toujours par le principal accusé, s'il y en a un ; les autres coaccusés y seront présents, et pourront y faire leurs obsei-vations; il sera fait ensuite un débat pour chacun d'eux, sur les circonstances qui lui seront particulières.
Art. 32.
« Si l'accusé est déclaré non convaincu du fait porté dans l'acte d'accusation, et qu'il ait été inculpé sur un autre par les dépositions des témoins, l'accusateur public pourra demander au président de faire arrêter le prévenu, à l'occasion du nouveau fait ; le président, après avoir pris du prévenu les éclaircissements qu'il voudra donner, pourra, s'il y a lieu, le renvoyer devant un juré d'accusation avec les témoins, pour être procédé à une nouvelle accusation.
Art. 33.
c Dans ce cas, le juré d'accusation sera celui du district dans le cher-lieu duquel siège le tribunal criminel. »
rapporteur. L'article 34 est ainsi conçu :
« Si l'accusé est convaincu du fait porté dans l'acte d'accusation, il ne pourra jamais être poursuivi pour raison du nouveau fait, qu'autant que celui-ci mériterait une peine plus forte que le premier; auquel cas il sera sursis à l'exécution de la première peine jusqu'au jugement de la seconde accusation. »
Je demande qu'en ce cas l'accusé ne puisse être poursuivi avant qu'on ait achevé l'instruction, parce que c'est par l'instruction que l'on apprend quelquefois qu'un délit est plus ou moins grave; et je ne crois pas qu'on puisse surseoir à l'instruction d'un délit, parce qu'on le croit moins grave que celui par lequel l'accusé est détenu.
rapporteur. Il est vrai que nous avons établi que, par l'examen et le débat, il est possible qu'il y ait lieu à atténuation. Nous avons voulu qu'un homme qui aurait été condamné pour un assassinat à une peine, no puisse pas être puni relativement à un vol.
Je sens très bien qu'il ne peut pas y avoir lieu à condamner à une nouvelle peine un homme qui a été condamné à une peine plus grave ; mais je ne crois pas qu'il soit indifférent pour la société de ne pas prendre connaissance d'un nouveau délit dont serait accusée la même personne, parce qu'il est très important pour la société qu'on connaisse qu'un tel délit a été commis. S'il y a un délit public, et qu'on laisse ignorer au peuple et à la société qui l'a commis, un autre peut eu être accusé par un calomniateur.
En conséquence, je propose de substituer à ces mots : Il ne pourra jamais être poursuivi pour ¦raison du nouveau fait, ceux-ci : Il pourra être poursuivi pour raison du nouveau fait, mais il ne pourra être puni qu'autant que... etc.
(Cet amendement est adopté.)
L'article 34 est adopté comme suit :
Art. 34.
« Si l'accusé est convaincu du fait porté dans l'acte d'accusation, il pourra être poursuivi pour raison du nouveau fait, mais il ne pourra être puni qu'autant que celui-ci mériterait une peine plus forte que le premier ; auquel cas il sera sursis à l'exécution de la première peine jusqu'au jugement de la seconde accusation.
rapporteur. L'article 35 est conçu dans ces termes :
« Si la déposition d'un témoin est évidemment fausse, le président d'office en dressera procès-verbal,et pourra, sur la réquisition de l'accusateur public ou de l'accusé, le faire arrêter sùr-le-champ, et le renvoyer par devant le juré du district du lieu, pour prononcer sur l'accusation dont l'acte, dans ce cas, sera dressé par le président lui-même.»
J'observe au comité qu'il y a un cas auquel il n'a paspénsé, sur lequel je l'invite à réfléchir. Je suppose que j'ai formé une plainte en subordination contre la déposition d'un témoin. Il faut alors, non seulement iqterrompre l'instruction, mais il faut déterminer comment se fera l'instruction sur l'insubordination ; si elle se fera devant le mêmé tribunal ou devant un juré d'accusation. Je ne propose pas, quant à présent, d'article additionnel sur cela, mais je ferai seulement l'observation que le comité s'occupe de ces différents cas.
rapporteur. L'observation de M. Tronchet me parait fort utile .Votre comité proposera des articles là-dessus.
(L'Assemblée adopte l'article 35, et renvoie au comité les observations de M. Tronchet.) -
Vos comités de jurisprudence criminelle et de Constitution vous ont proposé eux-mêmes des articles additionnels; mais il me semble qu'ils n'ont pas porté leur attention sur un objet qui me paraît infiniment digne de la vôtre. Dans les manières qui ont été proposées pour manifester l'opinion du juré, on ne vous indique que deux formes consacrées déjà dans la jurisprudence anglaise ; savoir, le juré déclarera Si l'accusé est coupable on non Coupable. Il ne faut pas perdre de vue le grand changement que cette forme occasionne dans votre jurisprudence. Dans l'ancienne jurisprudence criminelle, vous aviez deux sortes de jugements, dont on ne vous parle pas ; savoir : le hors de cour et le plus amplement informé. Le hors de cour avait été imaginé, comme vous le savez, Messieurs, pour décharger l'accusateur des poursuites de l'accusé. Voilà le véritable objet qui a fait admettre le hors de cour, parce que si l'on avait déchargé pleinement de l'accusation, il y aurait eu lieu à une demande en dommages et intérêts. Je dis qûe tel en a été le véritable objet, d'après tous les cri-minalistes et surtout M. d'Aguesseau, qui a fort bien expliqué ce que c'était que le hors de cour, parce qu'au commencement de ce siècle la fausse monnaie s'était répandue dans le royaume, et par les précautions qu'a prises LoUiS XIV, la fausse monnaie ne s'est plus faite ouvertement; on n'en a plus connu d'atelier public en France.
Comment s'y prit-on, Messieurs? Les commissaires qui allaient dans les provinces reçurent indistinctement toutes les accusations, et ils n'absolvaient jamais personne; ils ne prononçaient qu'un hors de cour, de sorte que beaucoup d'honnêtes gens furent flétris ; et en 1720 des enfants, des petits-enfants, des arrière-petits-enfants qui demandaient à entrer dans les cours de judicature du royaume, et dont les pères avaient eu un procès célèbre en la cour des monnaiesj ne pouvaient pas y être admis, parce qu'on., leur disait que leur père, leur grand père avaient eu un hors de cour. C'est à cette occasion, Messieurs, que M. d'Aguesseau a ,
parfaitement prouvé que le hors de cour n'avait jamais été introduit dans les tribunaux français que pour éviter des dommages et intérêts.
Il y avait encore, Messieurs, un plus ample informé, et on en connaissait de deux espèces : > le plus ample informé pour un an, le plus ample informé indéfini. Le plus ample informé indéfini n'existe plus dans la nouvelle jurisprudence que l'on vous propose. Il n'est personne parmi vous qui ignore qu'en Angleterre, où cette jurisprudence de juré que vous adoptez aujourd'hui est établie depuis longtemps, on entend tous les jours, dans les cafés de Londres, des hommes se vanter d'un crime qui avait mérité la corde. On leur répond : mais vous vous mettez dans le cas de la poursuite. Non, je ne ia crains pas, disent-ils, je suis acquitté. Cela veut dire qu'ils ont été jugés par un juré qui a déclaré qu'ils étaient non coupables.
En Angleterre, Messieurs, lorsqu'un crime n'est pas légalement prouvé^ il faut que l'accusé soit déchargé. Cette institution ne me paratt ni juste, ni sage, ni politique. Il est très possible que les preuves contre l'accusé ne soient pas suffisantes pour le condamner; alors je ne ae-mande/pas qu'on le condamne, mais je demande qu'il reste sous le glaive de la loi, qui doit toujours rester suspendu sur la tête du coupable. Je demande qu'il y ait Une autre formule de jugement. Vous pèserez dans votre sagesse, Messieurs, s'il faut que cette formule entraîne une flétrissure d'opinion comme l'emportait autrefois le hors de cour ; vous examinerez si elle doit priver le citoyen des droits auxquels tout homme honnête peut prétendre dans la société. Mais je demande que, quelque détermination que vous preniez à cet égard, votre comité veuille bien vous présenter incessàmmënt des articles additionnels et une formule de prononcer dans ces termes : Les charges ne sont pas prouvées. Il en résultera, Messieurs, Si les charges ne sont pas prouvées, que l'accusé ne sera qu'élargi, mais il ne sera pas irrévocablement absous ; et si l'on acquiert de nouvelles lumières contre lui, il faut qu.on puisse le poursuivre. Au lieu que dans la forme de jugement qu'on vous propose, l'absolution serait irrévocable. Ce serait un trop grand scandale, Messieurs, que'de voir dans la société un homme qui aurait commis impunément un crime, se vanter publiquement d'avoir commis un crime capital, sans qu'il fût possible de le poursuivre. Cela n'arrivera jamais, si vous voulez bien adopter, dans votre justice, ce mode de jugement. Lorsque l'innocence ne sera pas pure, lorsque le juré, comme homme, verra parfaitement qu'il y a des charges très graves contre un accusé, mais qu'il ne peut pas le condamner, il déclare simplement que les charges ne sont nas prouvées, mais que le secours de la loi existe toujours.
Un cas qui n'est paS rare dans la jurisprudence, un notaire, par exemple, est accusé de faux : c'est un crime très capital dans. la société , et dont ia preuvre légale est très difficile à faire; vos jurés verront clairement que ce notaire est coupable d'un crime de faux, mais les témoins n'oseront peut-être pas encore se montrer; le juré sera donc obligé de dire qu'il n'est pas coupable ; il le renverra exercer des fonctions sacrées dans la société ; il livrera la société à un homme justement flétri dans un ministère de confiance et d'honneur. Que l'on déclare simplement que les charges ne sont pas prouvées, mais que les charges peuvent revivre, lorsque la preuvre légale
sera acquise si elle l'est jamais. C'est là l'addition que je demande à vos comités.
Je demande ia questiod préalable sur la motion de M. l'abbé Maury. Il demande que vous indroduisiez dans votre jurisprudence criminelle une troisième formule qui ne soit ni l'absolution, ni la condamnation, mais qui laisse l'accusé dans un état de soupçon. Cet état-là, Messieurs, est déjà une peine, c'est une peine infamante; car dès qu'un nomme est accusé et qu'il n'est pas déclaré innocent, il est dès lors flétri dans l'opinion publique; il est pour jamais dépouillé de là considération publique.
II n'y a jamais que deux alternatives; ou bièn la société a prouvé contre un citoyen accusé qu'il était coupable et qu'il devait être privé de ses droits de citoyen, ou elle ne l'a pas prouvé. Si elle l'a prouvé, il est coupable ; sinon, il jouit de tous ses droits et il est déclaré innocent.
Remarquez qu'une pareille motion teud à altérer entièrement l'esprit du juré. En effet, quand des jurés ont à prononcer si dans leur conscience ils croient un accusé coupable ou non, alors ils déploient tous les ressorts moraux possibles; ils examinent avec une attention religieuse les motifs de la décision qu'ils vont rendre sur le sort de l'accusé; mais si vous leur laissez une autre alternative, ils sont moins scrupuleux. Sous prétexte qu'ils ne sont pas obligés de condamner, ils se laissent aller nonchalamment à prendre un parti moyen ; et sur des présomptions et indices faibles et incertains, ils se portent à flétrir un accusé qu'ils auraient absous.{Applaudissements.)
Telles sont, Messieurs, les raisons qui, dans l'ancien régime, avaient déjà formé une opinion publique, qui, avant que vous fussiez établis, avaient proscrit, comme un grand abus de la jurisprudence criminelle, toute cette condamnation mitoyenne, sous le nom de hors de cour et de prison indéfinie et de plus ample informé. Il n'y a, dans notre jurisprudence criminelle et dans nos principes, que deux cas, ou l'innocence, ou le crime ; il faut condamner ou absoudre. Je demande la question préalable. (Applaudissements.) ...........
Cet homme que vous aurez renvoyé ne sera-t-il pas flétri dans l'opinion publique?
Je demande la question préalable sur la jurisprudence des ouï-dire que M. l'abbé Maury voudrait établir.
Je prie M. jé président à mortier de répétêr'ce qu'if à dit.
Monsieur l'abbé Maury, M. Le Peletier peut avoir dit une chose inutile, mais il n'a pas ait une chose injurieuse.
(La motion de M. l'abbé Maury est rejetée.) ,
rapporteur. Nous passons maintenant, Messieurs, au titre VIII (1).
TITRE VIII.
Du jugement et de Inexécution. Art. 1er
« Lorsque l'accusé aura été déclaré non convaincu, le président
prononcera que l'accusé est
Art. 2. (Nouveau.)
« II en sera de même, si les jurés ont décidé que le fait a été commis involontairementQu sans aucune intention de nuire. » (Adopté.)
Art. 3. (Nouveau.)
« Lorsque l'accusé aura été déclaré excusable, il en sera usé ainsi qu'il sera réglé dans le Code pénal. »
Je demande la permission d'observer à l'Assemblée qu'il est possible qu'un délit soit excusable, non pas dans la totalité du délit, mais pour une partie du délit. Or, je demande si un libelle d'accusation exprimait un délit qui emportât la peine capitale, et que le délit pût s'excuser de manière à ne mériter qu'une peine afflictive, personnelle, ou une peine pécuniaire, je demande alors comment le président, comment le juré s'exprimerait.
rapporteur. J'ai lieu de penser que le préopinant a demandé la parole avant d'avoir entendu l'article. En effet, nous ne pouvons pas régler dans ce moment ee qu'il y aura à; prononcer sur les excuses des crimes. Il est digne, sans doute, du législateur de déterminer, dans le Gode pénal, ce qui sera fait alors.
(L'article 3 est adopté.)
Art. 4. (Ancien art. ^2.) ^
« Tout particulier, ainsi acquitté, ne pourra plus être repris ni accusé pour raison du même fait ». (Adopté.)
Art. 5. (Ancien art, 3.)
« Lorsque l'accusé aura, été déclaré Convaincu, le président, en présence du public, le fera comparaître, et lui donnera connaissance de la déclaration du juré. » (Adopté.)
Art. 6. (Ancien art. 4.)
« Sur cela, le commissaire du roi fera sa réquisition pour l'application de la loi. » (Adopté.)
Art. 7. (Ancien art. 5.)
« Le président demandera à l'accusé s'il n'a rien à dire pour sa défense ; lui, ses amis ou conseils ne pourront plus plaider que le fait est faux, mais seulement qu'il n'est pas défendu, ou qualifié crime par la loi, ou qu'il ne mérite pas la peine dont le commissaire du roi a requis l'application ».
Il est possible, lorsque le juré aura prononcé, que l'accUâé, se présentant devant le juge, trouve de nouvelles pièces jus-: tificatives qui changent la nature de l'accusation et atténuent les circonstances, et qu'alors la révision soit ordonnée par les juges.
Si vous 4écrétez, dans Ce mOment-ci, que les amis et les conseils ne pourront plus plaider que ; le fait est faux, vous mettez un obstacle invih-{ciblé1 à cette révision.
' Je demande donc que l'article soit renvoyé au comité pour que la revision soit admise en ce cas.
(L'Assemblée rejette Jl'a)nendèûient et adopte i l'article. 7.)
donne lëcture d'une lettré
par laquelle M. le maire de Paris annonce à l'Assemblée l'adjudication de trois maisons vendues au profit dé la nation :
La première, située rue du Faubourg Saint-Jacques, louée 1,300 livres, estimée 19,050 livres, adjugée 33,100 livres ; la seconde louée 2,000 livres, estimée 30,000 livres, adjugée 32,500 livres; la troisième, place du Ghevalier-du-Guet, louée 770 livres, estimée 9,000 livres, adjugée 17,700 livres.
au nom du comité d'aliénation, proposent des ventes de biens nationaux à diverses municipalités.
Ces ventes sont décrétées comme suit : L'Assemblée nationale, sur les rapports qui lui ont été faits par plusieurs membres du comité de l'aliénation, des soumissions faites, suivant les formes prescrites, par différentes municipalités ci-après nommées, a déclaré et déclare leur vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret; Savoir :
Département des Ardennes.
A la municipalité de Sault-lès-Rethel, pour la
somme de..............9,393 1. 14 s. 6 d.
A la municipalité de Vassigny, pour celle de..41,309 8
A la municipalité de Courcy, pour celle de...18,151
A la municipalité de Sauce-aux-Bois, pour...38,860
A la municipalité de
Bertoncourt, pour.......33,497
A la municipalité d'Au-boncourt-lès-Vauzettes...5,161
Département du Nord.
A la municipalité de
Beuvry, pour celle de... 128,062
A la municipalité de
Ruesnes, pour celle de.. 5,762
A la municipalité de
Bousies, pour celle de 8,450
A la municipalité de Valenciennes, pour..... 5,923,386
Département du Pas-de-Calais.
A la municipalité de Diéval, pour celle de—
Département de F Aube»
A la municipalité de
Riceys, pour celle de.... 82,704
A la municipalité de
Bouv-sur-Orvin, pour... 54,835
A la municipalité d'Aix-
en-Othe, pour....................70,835
Département de la Marne.
A la municipalité de Neuvelle, pour celle de..20,819
A la municipalité de Passavant, pour celle de A la municipalité de Pringy, pour celle de...29,261
A la municipalité de Loisy, pour celle de....52,591
Départementde la Côte-d'Or.
A la municipalité de Fontangy, pour.........10,534
Département de Loir-et-Cher.
A la municipalité de Vendôme pour.......... 109,735 2
Département de la Haute-Marne.
A la municipalité de Dommartin-le-Saint-Père, pour celle de........... 20,683 7
Département de l'Oise.
A la municipalité de Saint-Leu-sur-Oise, pour A la municipalité de
Silly, pour celle de......107,401
A la municipalité de Gondreville, pour.......44,850
Département de l'Ariège.
A la municipalité de Saint-Girons, pour......49,602
Département des Hautes-Pyrénées.
A la municipalité d'As-que, pour celle de......3,220
Département de la Haute-Marne
À la municipalité de Cirey, pour celle de.....5,685
A la municipalité de Villers-sur-Marne, pour..2,309
A la municipalité de Morancourt, pour.......43,507
A la municipalité de Villers-aux-Ghênes, pour A la municipalité de
Doulaincourt pour......16,894
À la municipalité de Flammerecourt, pour....13,922
Département de l'Yonne.
A la municipalité de Sens, pour celle de...... 2,690,149
Département de l'Aude.
A la municipalité de Carcassonne, pour....... 359,300
indique l'ordre du jour de la séance de ce soir et lève la séance a deux heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du matin.
Je demande à l'Assemblée nationale si elle est contente du procès-verbal ? Plusieurs membres à gauche : Oui !
Messieurs, j'ai à vous dire que j'en suis très peu satisfait (Rires); le sujet de mon mécontentement est que, vraisemblablement pour abréger, M. le secrétaire a mis : 11 a été proposé des amendements; et il n'énonce pas quels sont les amendements. Je demande qu'on suive à cet égard l'usage reçu.
Je vous rappellerai qu'il y a un règlement qui porte que le procès-verbal ne renfermera que ce qui a été délibéré.
Je réponds à M. le Président ue l'Assemblée a regardé constamment comme élibérés les objets qui, ayant été proposés à la discussion, ont été accueillis de la question préalable. On ne regarde comme enlevés à la discussion et par conséquent à l'ordre du procès-verbal que les objets sur lesquels on passe à l'ordre du jour. Je demande donc que M. le secrétaire ait la bonté, d'après les notes de M. le Président —car M. de Mirabeau a la bonté d'en prendre de très exactes — d'ajouter au procès-verbal les divers amendements.
J'appuie la proposition et j'observe à l'Assemblée qu'il est aussi essentiel de rapporter les amendements refusés que ceux qui sont adoptés. Cette précaution empêche que ces mêmes amendements ne puissent être représentés dans aucune occasion. D'ailleurs, j'observe que l'article relatif aux dispenses est mal rédigé ; il semble approuver la prohibition de mariages à certains degrés, et vos intentions ne sont pas, je crois, d'y donner les mains ; il semble être une loi stable et le décret n'est que provisoire. Je demande donc que l'article soit rédigé dans l'esprit de l'Assemblée.
Ce qui donne lieu aux observations des préopinants, ce sont les articles additionnels proposés par M. l'abbé Maury sur les matières criminelles, articles que l'Assemblée a rejetés ; il est donc important que ie procès-verbal en fasse mention.
Un membre propose de passer à l'ordre du jour.
Un membre demande ia question préalable.
(L'Assemblée décide qu'il y a lieu à délibérer
Un dé MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre, du 30 janvier dernier,du maire de la municipalité de Regmalard, district de Bellesmc, département de l'Orne, qui annonce que tous les ecclésiastiques du canton, dont Regmalard est ie chef-lieu, ont prêté le serment prescrit par le décret du 27 novembre dernier.
Un membre fait lecture des adresses suivantes : Adresses des juges du tribunal du district de Beaune et du district d'Ustarits, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l'Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement.
Adresse de la société des amis de la Constitution, établie à Saint-Etienne, qui présente à l'Assemblée les instructions les plus précises sur la quantité de fusils que fournit annuellement cette ville, et sur l'accroissement que recevrait cette branche de commerce, au moyen de quelques encouragements.
(Cette adresse est renvoyée au comité militaire.)
Adresse des citoyens français qui, exclus des emplois militaires par l'orgueil des anciens ministres, ont les premiers combattu pour la liberté, sous les drapeauxdeWashiugton, ont ensuite servi des puissances alliées, et viennent réclamer de l'Assemblée nationale la gloire de défendre leur patrie, et l'immortelle Constitution qu'elle lui a donnée.
( Cette adresse est renvoyée au comité militaire.)
Adresse d'un citoyen de la communauté de Viday près le Mesle-sur-Sarthe, contenant une réponse à son curé, aux administrateurs du district de Bellesme, relativement au serment qu'il a prêté.
Adresse de la Société patriotique de Mane, qui se plaint que plusieurs ci-devant seigneurs refusent de paraître par-devant un notaire, pour recevoir le montant de leurs droits rachetables.
Adresses des officiers municipaux de la ville de Crosne, de Villiers-le-Bel, de Beaumout-sur-Oise, de Bourbon-l'Archambaud et de la communauté de Saint-Sauveur, district de Saint-Fargeau, contenant les différentes prestations du serment civique, prêté par les curés et autres fonctionnaires publics de ces différentes paroisses, suivant les décrets de l'Assemblée.
Adresses des curés de Pont-de-Metz-les-Anciens, des Essarts-le-Roi, de Gelnanés, département de l'Aube, de la Lande de Goult, département de l'Orne, de la Coste, département de l'Hérault, de Saint-Bénigne-des-Champs, département de la Meuse, de Pithiviers, de celle d'Epinal, et de tous les curés, fonctionnaires publics et autres ecclésiastiques résidant en la ville de Saint-Lô, qui s'empressent d'annoncer à l'Assemblée qu'ils ont, au milieu d'une satisfaction universelle, prêté leur serment civique. La plupart font hommage des discours qu'ils ont prononcés avant cette prestation, dans lesquels ils démontrent l'excellence de la constitution civile du clergé, et combattent avec force les sophismes des ennemis du bien public coutre cette constitution.
donne lecture d'une lettre du procureur général syndic du département de la Charente, avec un arrêté du directoire de ce départe-
ment, relatif au mandement de M. l'évêque d'Angoulême, qu'il dénonce à l'Assemblée nationale comme contraire aux lois, et demande quand il pourra procéder à la nomination du successeur de cet évêque. Plusieurs membres à gauche : Tout de suite 1
fait lecture d'une lettre de M. Daunou, prêtre de l'Oratoire, professeur de théologie, par laquelle il fait hommage à l'Assemblée d'un écrit intitulé : Accord de la foi catholique avec les décrets de VAssemblée nationale sur la constitution civile du clergé. Cet écrit patriotique a été imprimé aux frais de la société des amis de la Constitution de Boulogne-sur-Mer. Le directoire du district de cette ville en a ordonné l'envoi à toutes les municipalités et à tous MM. les curés et fonctionnaires ecclésiastiques de son ressort.
au nom du comité de marine (1). Messieurs, le ministre de la marine nous a fait parvenir un procès-verbal d'acte d'insubordination de la part des matelots que l'on reconduisait dans leurs quartiers au territoire de Bordeaux, et avec ce procès-verbal une lettre très détaillée sur les faits. Il résulte de ces pièces que les matelots que l'on reconduisait ainsi ont osé se livrer à des excès contre les commissaires qui les accompagnaient. Le ministre, en faisant passer cés pièces au comité, désire que l'Assemblée prenné des mesures, et pour prévenir de semblables délits, et pour punir cetix dont se plaignent lès commissaires. Il convient, cependant, qu'il pourra être difficile de faire des poursuites, parce que, dans aucune des pièces qui lui ont été envoyées et qu'il a communiquées au comité, personne d'est nommé.
Là disposition de l'ordonnance de 1784, qui enjoint aux matelots de rentrer dans leurs quartier» sous une inspection militaire, a été a peu près sans exécution; nous avons pensé qu'elle ne peut avoir d'utilité que lorsqu'il faut que le matelot se rende à jour fixe au lieu de l'armement. Mais lorsqu'on désarme, on peut se dispenser de faire recouduire les matelots dans leurs quartiers; il peut être même de l'intérêt de ces matelots dë ne pas se rendre dans leurs quartiers et de se rendre au contraire dans les ports où ils pourront trouver de l'occupation.
C est d'après ces considérations que le comité a cru qu'il fallait laisser aux matelots, après le désarmement, la liberté de se rendre où leur intérêt les appelait, sauf aux commissaires aux classes qui leur donnent les congés de désarmement, a partager ces eongés de façon que les matelots ne se trouvent pas en trop grand nom • bre dans les quartiers; et finalement nous avons pensé qu'il fallait prier le roi de donner des ordres pour la poursuite des actes d'insubordination et des excès dont on se plaint au ministre de la marine.
C'est en conséquence de ces vues qUe je vais avoir l'honneur de vous lire le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, sur le compté qui lui a été rendu par son comité
de la marine, décrète ce qui Suit :
er.
« Les matelots et autres gens de mer, qui, au désarmement des vaisseaux de l'Etat, auront reçu leur congé et la conduite pour retourner dans leurs quartiers, voyageront librement et sans autre surveillance que celle des municipalités, officiers de police et gendarmerie des lieux par lesquels ils passeront. » Art. 2.
« Les commissaires qui expédieront aux marins les congés et passeports dans les lieux de désarmement, observeront de diviser convenablement les départs, à l'effet que les associations des retours dans les quartiers ne nuisènt 'pas au bon ordre, et ne surchargent point les couchées et lieux de passage» » Art. 3.
* Les gens de mer, partant de leurs quartiers pour se rendre dans le port pour lequel ils auront été levés, seront provisoirement assujettis à la forme de conduite prescrite par l'ordonnance de 1784; et les actes d'insubordination et autres délits commis par eux envers leurs conducteurs seront jugés et punis à leur arrivée dans ie port comme les délits commis dans les arsenaux. » Art. 4.
« L'Assemblée charge son Président de se retirer devers lë roi, pour le prier de donner des ordres nécessaires à la poursuite et au jugement dans les formes légales, deyant le tribunal du, district du lieu du délit, contre les excès dénon-,' cés parles sieursDelaunây, Milly, Misque ét'Cor-mant. »
Ce sont les conducteurs qui ont rapporté le procès-verbal.
Je propose un amendement sur le dernier article. Je crois qu'il y a trop longtemps que l'Assemblée nationale se mêle des de-lits particuliers. J'ai entendu souvent propdèer à l'Assemblée nationale de prier le roi défaire punir tel ou tel crime; je croîs qu'il serait sujèt à beaucoup moins d'inconvénients de laisser agir le pouvoir judiciaire sur toutés les affaires particulières, et j'en cite pour preuve le rapport qui" vient de vous être fait. Sur quelles preuves et sur quels indices vous exhorte-t-on à punir de tels crimes et à provoquer vous-mêmes le pouvoir exécutif pour faire punir des faits d'insubordination ? Vous estril prouvé par des preuves claires, dont chacun de vous puisse reconnaître la vérité, que le délit a été commis? Je ne prétends pas qui! n'y en ait point eu ; mais ni vous ni moi ne le connaissons. On vient de vous faire Un rapport très vagiié ; on vient de vous citer une lettre et des pièces envoyées par le ministre dé la mariné ; vous ne conhaissez pas ces pièces.' Le rapporteur vous a observé que le ministre de la marine ne nommait pas même les personnes coupables d'insubordination. Je soutiens que,dans cètte situation v vous n'êtes pas assez éclairés pour trouver que* ces délits existent; vous ne l'êtes donc pas assez pour les dénoncër au pouvoir exécutif et pour provoquer à cet égard son action. Si le pouvoir exécutif connaît des délits, qu'il agisse; mais qu'il soit seul responsable ; ne vous mêlez point de ce que vous ne connaissez pas. Je conclus à ce que vous ne délibériez pas sur l'article du décret qui consiste à prier le roi de
donner des ordres pour punir les prétendus délits.
rapporteur. L'observation du comité,parune lettre très détaillée et en y joignant un procès-Verbal,d'actes d'insubordination; C'est pour ne pas abuser des moments de l'Assemblée que je n'en fais pas lecture. J'ajoute qu'indépendamment du procès-verbal, je n'aurais jamais consenti à porter à l'Assemblée l'article 4 que je proposé à présent, s'il ne fallait pas indiquer quels seront les juges qui connaîtront du délit.
Je réponds en deux mots au fait qui regarde les tribunaux. L'Assemblée nationale, par ses décrets précédents, a déjà déterminé quèl est l'ordre des tribunaux où ces affaires doivent être portées : ou elle l'a fait, ou elle ne l'a pas fait. Si elle l'a fait, il n'y a plus rien à statuer à cet égard ; si elle ne l'a pas fait, il faut faire une loi générale qui détermine à quels tribunaux devront être portées les accusations concernant la marineét les matelots. Mais quant aux faits particuliers dont M. le rapporteur a parlé d'une manière vague, je soutiens que l'Assemblée nationale ne doit pas s'en mêler, elle doit connaître en quoi consisté précisément le délit : Or, vous ne le connaissez pas ; quand vous le connaîtriez, vous ne devriez pas prononcer sur. un délit particulier. Faites des lois générales, pourvoyez au salut public dans les grandes circonstances ; mais dans les affaires particulières, laisser tout au pouvoir exécutif et judiciaire.
Les principes et les observations que vient de présenter le préopinant, me paraissent en général d'une grande justesse; mais dans l'espèce dont il s'agit, il n'en ést pas moins nécessaire d'adopter le projet de décret qui vous est proposé. Le ministre de la marine a été obligé de demander à l'Assemblée devant quel tribunal devait être poursuivi le délit dont il est question. La preuve du délit existe dans un procès-verbal dont j'aurais désiré qu'il eût été fait lecture, parce que vous y auriez vu les traces d'un délit bien caractérisé, non seulement pour raison d'insubordination, mais d'excès commis sur la personne des fonctionnaires publics, de vol fait sur l'un d'eux; ainsi, rien de plus caractérisé que ce délit. Mais le ministre a dû s'adresser, à vous pour savoir quel tribunal devait en connaître, puisque les matelots en pareil cas étaient jugés par les tribunaux de marine qui n'existent plus. Si M. le rapporteur veut faire lecture du procès-verbal, vous verrez que l'Assemblée ne peut se dispenser de rendre le décret qui indique le tribunal, sans toutefois que j'attaque ni que je,' veuille déroger aux principes très justes qu'a posés M. Robespierre.
Il me semble que ni M. Malouet, ni M. Defermon n'ont répondu au système de M. Robespierre. M. Robespierre a dit : Ou il y a une loi antérieure qui dit à quels tribunaux doivent être dénoncés lés délinquants, ou il n'y en a pas. S'il y en a une, le ministre doit la faire exécuter; s'il n'y en a pas, faites une loi générale, il en faut une. Je demande donc que cet article soit renvoyé au comité de la marine.
Je pense, comme M. Robespierre, que nous ne devons pas rendre une loi pour tel ou tel cas particulier. Il faut que le comité nous présente une loi générale, qui fixera le tribunal qui doit connaître des délits commis eu route par les matelots qui retourneront chez eux. Lorsque nous aurons établi le tribunal qui doit connaître de ces délits, le ministre ou le pouvoir exécutif saura à qui il doit s'adresser. Ce n'est pas en disant que le roi sera prié de faire telle chose que vous rétablirez l'ordre dans le royaume. Je conclus donc à ce qu'on décrète, si le comité a un article prêt pour cela, que le tribunal du lieu où le délit aura été commis en connaîtra. Si l'Assemblée ne veut pas adopter cette mesure, je demande ie renvoi au comité pour nous présenter une loi générale à cet égard.
Èn appuyant les observations du préopinant, j'ajoute que si, dans ce cas-ci,l'Assemblée nationale faisait une loi particulière et que cent cas pareils suivissent, ii faudrait encore faire cent dispositions pareilles.
Il faut sans doute une loi générale pour les cas qui peuvent se renouveler ; mais par le premier article du décret le comité vous propose une disposition qui prévient à l'avenir tout délit pareil; d'un autre côté, il he faut pas dire qu'il n'existait pas uns loi là-dessus. Il en existe une et vous l'avez décrétée en prononçant sur les arsenaux. (L'Assemblée décrète les articles 1, 2 et 3 et décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 4.) Une députation des auteurs lyriques est intro-duité à la barre.
orateur de la députation, s'exprime ainsi ; « Messieurs, permettez qu'au milieu des cris de reconnaissance et de joie que chaque JPur un peuple libre élève autour de vous, des artistes, oubliés dans la grande Révolution qui s'opère, vous fassent entendre leurs demandes respectives. « Vous avez raffermi sur des bases nouvelles un Empire que le despotisme et l'impéritie des anciens ministres avaient ébranlé jusque dans ses fondements. Vous avez reconstitué sa garde, ses finances, ses tribunaux; vous avez rendu au peuple français le droit d'élire les agents de son administration, les organes de sa justice, et les ministres de son culte : c'est à lui maintenant à vous demander tous les établissements qu'H croit nécessaires pour assurer son existence pour augmenter sa richesse, ou pour accroître sa splendeur. « A ce titre, Messieurs, et au nom de l'un des beaux-arts, nous paraissons aujourd'hui dans votre auguste Assemblée. » Déjà les peintres, les sculpteurs, les gens de lettres, les savants ont obtenu de votre justice l'usage du même droit que nous réclamons. Sans doute l'art que nous professons, cet art Connu des peuples sauvages, et chéri des peuples civilisés, qui appelle avec le même succès la galétè Sous le chaume, et chasse l'ennui aes palais, pet art qui brille au milieu des fêtes, etsâit Jes pn&'béilîr., qui mêle aux combats ses sons belliqueux; et ajoute
un nouveau charme au plaisir de la victoire, qui fait retentir les voûtes des temples d'une pure et religieuse harmonie; en un mot, cet art touchant et sublime, qui maîtrise nos passions, en pénétrant nos cœurs d'accents nobles et animés, n'est pas moins que la peinture et la poésie, digne d'occuper un moment les plus austères législateurs. « Si des hommes peu versés dans l'économie morale, et quidédaignent tout ce qu'ils ignorent, le regardaient comme indifférent et frivole, nous leur dirions que Socrate le cultiva, que Platon attachait à son enseignement le destin de la République, et que Pythagore jouit d'une réputation immortelle, pour en avoir seulement découvert les premiers principes; nous leur dirions que les plus grands philosophes modernes ont tous reconnu combien est grande l'influence politique de l'art musical sur les mœurs, et nous citerions avec confiance les noms à jamais célèbres de Descartes, de Gondillac, de Montesquieu, de cet homme enfin dont vous estimez les écrits, dont vous respectez le génie, pour qui vous venez de renouveler des honneurs connus seulement des peuples antiques, et qui trouve dans votre admiration le prix le plus flatteur de ses travaux et de ses vertus. (Applaudissements.) « Eh! pourriez-vous, hommes publics, pères de la patrie, laisser perdre au peuple français, quand il recouvre sa liberté, les plaisirs doux et consolateurs qui, sous le poids même du despotisme, ont si souvent charmé ses peines, jusqu au jour où votre courage l'a débarrassé de ses fers ? « Mais une considération importante vous fait un devoir d'écouter nos vœux. Nous formons dans l'Etat une famille nombreuse : les talents qui nous font vivre ont besoin de protection, et leur célébrité même tourne au profit de l'industrie nationale. « Jusqu'ici, par la stupidité de notre ancien gouvernement, qui décriait nos productions, qui avilissait nos artistes, qui nous refusait les écoles nécessaires à leur perfection, deux nations voisines, et constamment nos rivales, nous ont enlevé la gloire, et avec elle le bénéfice qui devait payer nos travaux.Ressaisissons-nous aujourd'hui d'une branche de commerce d'autant plus précieuse, qu'elle doit tout à l'imagination : champ vaste et fertile, dont la culture n'est point onéreuse au peuple, et dont les fruits, dans les Etats policés, sont aussi certains que flatteurs. Trop longtemps les habitants de l'Allemagne et de l'Italie nous ont vaincus par leurs institutions dans cette lutte savante: qu'ils redeviennent à leur tour nos disciples, nos admirateurs et nos tributaires. Vous nous avez défendu de conquérir les nations par la force et la violence; mais vous saurez nous conserver les moyens de les conquérir par les arts et notre génie. (Applaudissements.,) « Vous le savez, Messieurs, non seulement les arts polissent l'esprit, mais ils éclairent la raison, il3 accoutument à penser, à réfléchir, à s'instruire; ils ont toujours le bien pour but, le beau pour modèle; ils ouvrent a l'intelligence une Carrière immense, une communication rapide: ehl serait-il prudent de les négliger, quand tout présage à la nation des jours de pompe et de magnificence? Car vous instituerez certainement, Messieurs, des fêtes nationales, où le luxe d'un peuple libre se déploiera dans tout son éclat ; vous donnerez à l'allégresse publique ce caractère imposant de grandeur etde majesté, qui en augmente la jouissance, qui en prolonge ie souvenir, et qni, plus que personne peut-être, cimente au fond des cœurs l'amour sacré de la patrie. (Vifs applaudissements.) « S'il fut jamais à propos d'employer ces moyens touchants, c'est à présent surtout, que la France offre le spectacle fier et terrible d'un peuple armé. II s'est uni, dans sa colère, d'un bout du royaume à l'autre ; il défie ses ennemis, il prend sous les drapeaux et dans l'exercice des armes, un caractère de sévérité qu'il est déjà temps d'adoucir. C'est à vous, législateurs, qu'il appartient de tempérer son courage, de lui fournir les établissements capables de perfectionner ses talents rares, ses goûts brillants et ses vertus sociales. Voyez les Rénubliques de la Grèce ; toutes n'ont pas été guerrières ou agricoles, et toutes ont goûté cependant les douceurs de la liberté. Athènes, ce centre des arts, a même succombé plus tard que ThèbesetqueLacédémone, aux coups irrésistibles du sort. Réunissez donc sous vos yeux les diverses institutions de ces trois villes fameuses; daignez protéger les arts qui ont couvert la Grèce de gloire, qui, le siècle dernier, nous ont rend us l'admiration de l'univers, qui même ont favorisé cette Révolution mémorable, digne effort d'un peuple éclairé. Craignez, par un oubli funeste, de laisser éteindre le feu du génie, si difficile à rallumer ; prévenez, par quelques précautions bienfaisantes, 'émigration irréparable des artistes ; et vous verrez, au sein d'une capitale, devenue celle de tous les peuples civilisés, briller dans tout son éclat 'urbanité sans mollesse, la bonne foi sans ignorance, et le civisme sans férocité. Nous demandons que vous nous autorisiez, Messieurs, à présenter au comité de Constitution, relativement à la partie des beaux-arts que nous professons, des règlements analogues à ceux que les peintres ont eu l'honneur de lui soumettre. » (Applaudissements.)
répond : « Tous les beaux-arts sont une propriété publique ; tous ont des rapports avec les mœurs des citoyens, avec cette éducation générale qui change les peuplades d'hommes en corps de nation. « La musique a longtemps conduit les armées à la victoire; des camps elle a passé dans les palais des rois, de ces palais sur nos théâtres, de nos théâtres dans nos fêtes civiques; et peut-être i lie donna tout leur empire aux premières lois des sociétés. Cet art, fondé sur la régularité des mouvements si sensibles dans toutes les parties de l'univers, mais principalement dans les êtres animés, chez lesquels tout s'exécute avec rythme, et dont le penchant à la mélodie se manifeste dans tous leurs goûts; cet art n'est qu'une imitation de l'harmonie de la nature, et lorsqu'il peint les passions, il a pour modèle le cœur humain, que le législateur doit étudier sous ce point de vue ; car la, sans doute, se trouvent les motifs de toutes les institutions sociales. c L'Assemblée prendra votre demande en considération; elle vous permet d'assister à sa séance. » (Applaudissements.) (L'Assemblée ordonne le renvoi de l'adresse au comité de Constitution et l'impression des deux discours.) 1 L'ordre du jour est un rapport du comité de i commerce et d'agriculture sur une découverte phy-3 .sique de M. de Trouville.
rapporteur (1). Messieurs, l'Assemblée nationale a ordonné à sou comité d'agriculture et de commerce de prendre connaissance de la découverte physique dont M. de Trou ville est venu lui faire hommage à la séance du soir, le 5 octobre 1790.....G'est pour remplir vos intentions. Messieurs, et pour satisfaire au devoir du comité, que j'ai l'honneur de vous demander l'attention que l'objet mérite.
Un homme qui se présente à vous, et qui vous dit : Je ferai couler les rivières sur les montagnes, et je tarirai les golfes des mers, semble vouloir parler à la crédulité plutôt qu'à la raison. G'est cependant ce que vous a promis M. de Trou-ville : ce sont ces effets surprenants qu'il se propose de produire; et ce qui, delà bouche d'un autre, ne serait qu'une ridicule jactance, prononcé par lui, reçoit et réfléchit les couleurs de la vérité.
Dans le nombre des projets de toute espèce, qui ont été soumis à votre comité, il a été forcé de distinguer celui-ci. Quand on a pris connaissance des moyens de l'auteur, un profond souvenir en reste; il vous porte à la méditation ; et l'on est tourmenté du désir d'expliquer le principe. Les commissaires, par lesquels votre comité s'est fait représenter, ont éprouvé cette agitation, à laquelle s'est jointe la vive satisfaction d'avoir rencontré un homme qui paraît né pour reculer les limites des sciences, pour honorer le dix-huitième siècle et la nation française.
L'auteur a deviné le moyen d'élever les eaux indéfiniment, par un simple effet direct d'aspiration, de compression et de balancement alternatif de l'air et de l'eau. Sa machine est débarrassée de l'attirail des pistons, des roues, des leviers. La réflexion et la pratique ont soulevé pour lui le voile qui couvre encore en beaucoup de parties les grandes lois de la nature, et lui ont rendu, pour ainsi dire, la mécanique inutile. A l'aide de son invention, il peut élever des masses énormes d'eau à des hauteurs inconnues jusqu'à nous. On ne connaissait jusqu'ici que la possibilité d'aspirer l'eau à trente-deux pieds d'élévation. A ce degré de hauteur devenait invincible la résistance de l'atmosphère.
L'auteur a composé avec la nature; il a rusé eu homme de génie contre Ja difficulté. Il s'est dit : Je ne puis transgresser les lois physiques, je ne puis aspirer l'eau d'un seul jet à plus de 32 pieds dans ia même colonne; mais ne puis-je pas enter des jets les uns sur les autres ; créer de nouvelles bases, en y adaptant des réservoirs, les multipliers, déplacer la résistance de l'atmos-mosphère? Ne puis-je pas ainsi, dans un tem, s presque indivisible, et par la même aspiration, dont les effets seront calculés, et agiront à des hauteurs diverses, exécuter une quantité indéfinie de jets semblables au premier; élever à cinq cents pieds et plus cette eau qui semble destinée à s'arrêter à jamais à 32? Je braverai ainsi les hauteurs et les distances. Ce que l'auteur s'est demandé, il l'a réalisé, et il a obligé la nature de sourire aux efforts de l'art.
Le trait de génie consiste, Messieurs, à avoir su, mieux que personne,
entendre et diriger le syphon. L'auteur a renversé, combiné retourné sur
lui-même, divisé et subdivisé cet instrument simple; il i'a maîtrisé
sous toutes les formes, et lui a arracbé enfin le secret de ses forces.
Une eau quelconque qui est, ou qui devient active,
Cette découverte peut devenir de la plus grande utilité aux villes, à l'agriculture, au commerce et aux arts. Elle sera utile aux villes, en portant l'eau en masses continues, et parles procédés les plus ingénieux, au-dessus d'un pont chargé de la transmettre aux édifices publics, à l'extinction des incendies, à la propreté des rues, et à tous les usages de ia société; elle sera utile à l'agriculture en tournant ce moyen vers les dessèchements des marais, vers le ressuiement de tous ces terrains voisins de la mer, plus bas que sa surface, et qui pourraient deveuir si précieux, s'ils n'étaient plus submergés par des eaux croupissantes, qui ont filtré à travers les terres ; elle sera utile au commerce, en élevant les eaux des vallées dans les plaines en volume si immense, qu'elles suffiront à alimenter des canaux de navigation, et à l'irrigation des campagnes; elle sera utile à la mécanique, et aux autres arts, en simplifiant des machines qui ont été longtemps l'objet de notre admiration ; en faisant marcher à froid des pompes à feu; en rendant l'air un agent familier de notre industrie. G'est sous ces rapports, Messieurs, que votre comité a envisagé cette découverte; et certes, si la machine réunit en grand la perfection qu'elle a dans l'élévation d'une chambre ordinaire, elle doit produire tous les effets annoncés, étonner l'esprit et les yeux, et faire pardonner aux hommes qui ont pu douter de l'invention.
Un certificat très abrégé de l'Académie des sciences,que présente l'auteur, ne serait pas une autorité suffisante pour constater la sublimité de la découverte ; mais l'opinion publique fortifiée chaque jour, et l'hommage des étrangers versés dans la science (1), anéantissent presque toute l'incertitude qui pourrait vous rester après le rapport de votre comité, dont ia destination n'est pas de juger les savants, mais de juger en quoi les sciences peuvent devenir utiles.
M. de Trouville dit, et nous sommes portés à croire que l'Académie des
sciences n'a pas senti toute la grandeur de l'invention, et que le trait
de génie lui a échappé. Accoutumée à se considérer comme supérieure aux
artistes qui s'avancent dans la carrière, elle a pu méconnaître un homme
qui a peut-être eu des raisons de s'envelopper, et de ne montrer de sa
découverte que la face extraordinaire qui la rendait problématique. Quoi
qu'il en soit, Messieurs, ces corps illustres, qui ont lutté avec tant
de constance contre les préjugés, l'ignorance et le fanatisme; qui, sous
le despotisme, ont étendu l'empire des arts, n'en ont pas moins eu
quelquefois des erreurs à se reprocher : ils ont quelquefois été
soupçonnés de ne pas donner aux idées nouvelles toute la protection
qu'elles méritaient; et aujourd'hui où nos principes sont qu'aucune
corporation ne puisse ralentir le mouvement heureux qui entraîne
l'esprit humain ; si l'autorité des compagnies savantes ne recevait pas
quelque modification ; si elles ne devenaient pas des sociétés
fraternelles, elles iraient contre la dignité de leur institution, elles
rapetisseraient l'homme que leur devoir est d'a-
Après avoir donné une notion préliminaire de la découverte, il reste, Messieurs, à vous dire quelques mots de 6on auteur. C'est un de ces pommes ardents et contemplatifs, qui ne bornent pas leur esprit à la seule spéculation ; qui attachent toujours uue action à leur pensée; et qui, par conséquent, sont propres à perfectionner et à éterniser les fruits de leurs veilles. Ce n'est pas à une nation enflammée par le patriotisme et la liberté, qu'il est permis de dédaigner de pareils hommes : des erreurs en ce genre sont des taches pour les peuples éclairés. Ce ne sera point vous, Messieurs, qui refuserez de leur servir d'appui, et vous aimerez sûrement le langage que celui-ci vous tient.
Voici comme il s'exprime en parlant de son art : « Une des plus inconcevables comme des plus utiles fonctions à assigner à la mer, sera sans doute de la faire revertir dans les terres pardessus les côtes qui la dominent, de la faire remonter sur ces grands et naturels aqueducs, les sources, les rivières, les fleuves qui nous coïncident du haut en bas dans son bassin, dernier réceptacle des eaux du globe.
« Ces eaux y resteraient toujours et livreraient le globe à la stérilité, sans la pénétration des rayon s solaires qui, s'amalgamant avec elles, les vaporisent, les convertissent eu un fluide mixte de pesanteur spécifique moyenne, pour les élever, vapeurs légères, dans la région des nuages.
« Là, condensés en fluide aqueux,geforment,sur la cime des montagnes, et se déroulent de nouveau par gravitation naturelle et sur leurs pians inclinés, les sources, les rivières, les fleuves entraînés vers la mer qui doit les reproduire encore.
« Métamorphose admirable,circulation active et féconde, où la nature se peint en si grands traits, êtes-vous donc, vapeurs légères, le seul moyen possible et nature! de la réversion des eaux vers leurs sources élevées? Non.... un homme dans su faiblesse au milieu de vous, éléments, vous conçoit autrement, et par un autre équilibre d'air et d'eau, sans attendre une vaporisation, ou lente ou incertaine à se produire, vous prescrit en masse fluide une marche rétrograde, et pour ie bonheur universel vous fait recommencer à plusieurs fpis votre cours (1). »
Voici maintenant comme l'auteur parle de lui-même, dans le style de tout artiste digne de l'être :
« J'ai médité, j'aiagi,jepuisêtreutiie,et je veux l'être à ma patrie. Je me présente au concours, et je la prie de me juger elle-même. Qu'elle m'abandonne à l'obscurité, si je suis un hommeordi-naire ; qu'elle se serve ue moi, si je lui parais capable. Ma situation ne me permet pas d'attendre. Mon insouciance de tout ce qui ne servait pas ma passion pour les arts m'a ruiné. Ma fortune a disparu, je sens ma force, et la vie fuit. Ce serait avec la plus vive douleur que je me verrai contraint de quitter ma patrie, à l'époque, surtout, où elle a recouvré sa liberté. Mais si je suis méconnu par mes concitoyens, je me dois, et je me donne à l'humanité entière. »
Le comité ajoute, Messieurs, que l'impatience de l'imagination de
l'auteur et l'urgence de ses besoins agiront contre lui-même, s'il n'est
pas lixé promptement par quelques grands travaux
Toutes ces considérations, Messieurs, ont convaincu le comité que l'intérêt de la nation est d'employer et de secourir l'auteur de cette découverte. si la nation ne veut pas perdre un homme qu'elle pourrait regretter. Mais, vu l'importance du sujet, et la nécessité d'observer, scrur puleusement sous tousses rapports toute machine nouvelle, le comité a pensé qu'il est de la prudence des représentants de la natiqn de s'assurer encore plus amplement de la vérité et de l'étendue de l'invention de M. de Trou ville; qu'il serait dans la prévoyance de l'Assemblée de nommer six commissaires dans son sein, de les choisir entre les membres les plus versés dans les sciences, et de les adjoindre à son comité. Ils appelleraient encore les hommes les plus éclairés, soit de l'académie,soit des savants isolés, Il lui (serait ensuite rendu compte de cette admirable découverte, dans les détails les plus approfondis, et les commissaires lui indiqueraient ie premier essai, ou le premier usage qu'il conviendrait d'en faire. Il n'est pas à craindre sans doute que l'envie ose, sous nos yeux, approcher du berceau de la liberté ; ainsi l'Assemblée nationale, parfaitement instruite, prendra alors sans inquiétude tel parti qu'elle jugera digne d'une grande découverte et d une grande nation. PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, sur le compte avantageux que son comité d'agriculture et de commerce lui a ren iu, d'un moyen nouveau également simple et puissant, d'élever les eaux et de les transporter à de grandes hauteurs et distances, présenté par M. de Trouville, et voulant pr.otéger une invention qui peut avoir une si grande influence sur la prospérité de l'agriculture, du commerce et des arts utiles, décrète :
« Que six commissaires,choisis au scrutin parmi ses membres, se joindront au comité d'agriculture et de commerce, pour concerter avec lui et avec les gens de l'art, le devis des frais d'une première machine telle que la proposera le sieur de Trouville,afin qu'il soit démontré en grand à la nation les avantages ou les inconvénients de l'invention annoncée ; se réservant l'Assemblée nationale de délibérer, sur le rapport que lui feront ses commissaires, ce qu'elle jugera être le plus utile au bien général. »
Je ne doute pas que la découverte du sieur de Trouville ne soit aussi sublime qu'utile ; mais je vous prie, Messieurs, de considérer qu'il n'appartient pas à une Assemblée législative ni à ses membres de juger de l'utilité ou même de la possibilité de l'exécution d'une telle machine. En conséquence, je ne demande pas l'ajournement ; mais je demande que l'Assemblée nationale renvoie ia découverte à l'examen de l'Académie des sciences.
M. le rapporteur n'a pas in-
culpé l'Académie, puisqu'il a dit que son rapport avait été favorable à M. de Trouville, mais qu'il était trop abrégé. Cette découverte a fait tant de bruit à Paris et en pays étranger que je demande à l'Assemblée qu'une salle attenante aux séances soit destinée à faire les essais nécessaires. Je saisis cette occasion pour rappeler à l'Assemblée qu'elle a déclaré qu'il y aurait des fonds pour l'encouragement des arts ; ce serait peut-être l'occasion ou jamais de les distribuer entre les artistes célèbres que la bienfaisance de vos décrets a attirés dans ce pays.
(1). Quand vous renvoyez à l'Académie des sciences, c'est pour qu'elle vous dise la vérité ; ne trouvez pas mauvais que quelquefois elle contredise l'idée des auteurs. Ce n'est pas pour M. de Trouville que je parle; les principes de sa machine nous ont paru bons, ingénieux; mais la difficulté est de savoir si, dans l'exécution, leur effet ne serait pas détruit par les imperfections d'une grande machine. Je crois que vob comités pourraient se compromettre s'ils prenaient sur eux la conduite des expériences ; les principes peuvent n'être pas présents à leur mémoire. Si ressai ne réussissait pas, on ne manquerait pas de dire : Voilà ce que c'est que de n'avoir pas consulté ceux qui s'y connaissent. Non, prenez donc des mécaniciens partout où vous en trouverez ; pour nous, nous n'y connaissons goutte.
,rapporteur. Il ne s'agit pas de juger dë l'utilité ou de la possibilité de la découverte, mais seulement de faire le devis des frais de l'expérience nécessaire pour constater Gette utilité.
La découverte dont il est question s'annonce sous les dehors les plus imposants. Il faut se défier, je le sais, des projets qui nous sont présentés ; mais il faut mettre en cela la prudence nécessaire à l'encouragement des arts. Votre comité embrasse, dans son projet de décret, l'une et l'autre ; et je demande que son projet soit adopté. (L Assemblée adopte le projet de décret et ordonne l'impression du rapport.)
au nom du comité des rapports (2). Messieurs, votre comité des rapports me charge de vous rendre compte de la contestation qui existe maintenant dans la pille de Poitiers entre les corps administratifs et C Université de cette ville. Voici ce qui y a donné lieu : Dans la Faculté des arts de l'Université de Poitiers, les professeurs ont manifesté l'intention de cesser leurs fonctions, qu'ils ont en effet cessées. Les corps administratifs, prévenus de ces intentions, ont cherché à prendre toutes les précautions possibles pour empêcher que les classes ne fussent abandoUnées.Ils ont cru que, dans la circonstance d'une cessation de fonctions si essentielles, il était de leur devoir de suppléer aux places qui devenaient vacantes.
J'ai une connaissance particulière de l'affaire!dont il s'agit; elle a
été
Un membre à, gauche ; ParbleuI c'est lui qui l'a | faite.
Je prierai M. le rapporteur de vouloir bien la lire, parce que c'est là qu'on trouvera les faits ; M. le rapporteur ue l'a pas encore lue.
Monsieur Maury, je vous prie de garder le silence jusqu'à la fin du rapport.
rapporteur. La municipalité, le district et ie directoire se sont réunis et ont nommé aux places vacantes. Gette nomination s'est faite le 21 janvier dernier. Le 23, c'est-à-dire deux jours après que les corps administratifs avaient pourvu au remplacement des professeurs, l'Université, par députés, prévint le cfirectoire du département qu'elle avait pourvu au remplacement des professeurs de la Faculté des arts, qui se trouvaient dans le cas de ne pas continuer leurs fouctions, et qu'elle se transporterait le lendemain 24 pour faire l'installation des sujets par elle nommés. Il fut répondu aux députés de l'Université que les corps administratifs s'étaient occupés de ce remplacement et qu'eux-mêmes entendaient faire l'installation des sujets qu'ils avaient nommés. Le lendemain 24, les trois corps administratifs réunis se transportèrent au collège de Poitiers, Eour y installer les sujets qu'ils avaient nommés, à ils trouvèrent l'Université, c'est-à-dire idu-sieurs membres d'un tribunal établi dans l'Université de Poitiers, qui avaient devancé les corps administratifs au collège, et qui déjà avaient procédé à l'installation du principal, quoiqu'il ne fût que 8 heures du matin. Le principal installé par l'Université soutint, vis-à-vis des corps administratifs, qu'il était bien pourvu. On demanda les clefs des classes, elles furent remises ; et les corps administratifs installèrent les professeurs. Le principal, installé par l'Université, a toujours conservé les clefs de l'appartement de la princi- Ëalité et prétend devoir continuer ses fonctions, 'autre part, les professeurs de l'Université prétendent aussi avoir été nommés légalement. Il e3t arrivé qu'on a excité dans ce moment-là, dans la ville de Poitiers, une espèce d'insurrection. Les écoliers ont très mal reçu les professeurs qui étaient nommés par les corps administratifs ; et le directoire a été obligé de faire publier une proclamation pour établir l'ordre et la paix. Les choses étant en cet état, les eorps administratifs se sont adressés à l'Assemblée nationale. Les classes ont cessé dans le collège, les professeurs nommés par les corps administratifs ne peuvent exercer leurs fonctions à cause des troubles et dans l'indécision oty l'on est de savoir laquelle des deux nominations doit prévaloir ou de celle des corps administratifs ou de celle de l'Université. Celle-ci n'a pour elle que les droits d'un tribunal de l'Université, qu'il n'est probablement pas dans votre intention de laisser subsister. Votre comité a pensé que, d'après l'esprit et les termes de vos décrets, notamment celui dq 22 décembre, qui attribue au directoire du département la surveillance sur l'éducation publique, le directoire du département, d'après l'avis du district, et après en avoir conféré avec la municipalité, avait été en droit de nommer- Je ne vous ajouterai pas en général qu'il est attesté,
par les pièces dont je suis saisi et par la députation entière de Poitiers, que les professeurs qui ont été nommés réunissent toutes les qualités possibles du côté du talent, du côté de la probité. Voilà, Messieurs, les témoignages que je suis chargé de leur rendre de la part de beaucoup de MM. les députés de Poitiers, qui demandent, pour le bien-être de leur ville, que les classes puissent continuer d'être tenues dans le collège de Poitiers, et c'est d'après cela qu'au nom de votre comité j'ai l'honneur de vous proposer le décret suivant : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports sur les pétitions des corps administratifs du département de la Vienne, décrète : « Que les principal et professeurs commis par les trois corps administratifs de Poitiers exerceront provisoirement au collège de ladite ville les fonctions qui leur ont été attribuées ; et ce, nonobstant toute autre nomination ou commission, lesquelles sont déclarées comme non-avenues. » Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix l
D'après une copie d'adresse que j'ai reçue ce matin, il résulte que beaucoup de faits n'ont pas été présentés avec exactitude. D'abord l'année dernière, le 19 du mois de février, vous avez rendu un décret par lequel vous avez statué que toute police de collège resterait dans le même état, jusqu'à ce que vous en eussiez autrement ordonné. Voilà la loi fondamentale que je vous supplie de ne pas perdre de vue. A présent, voici la contestation qui s'est élevée dans le collège de Poitiers et qui vous est présentée dans ce moment d'une manière très inexacte. Le 22 du mois de janvier dernier était le terme latal prescrit par vos décrets pour la prestation du serment des fonctionnaires publics. M. le rapporteur nous a dit que les professeurs de l'Université de Poitiers avaient cessé leurs fonctions ; je vous supplie de retenir ces expressions, car elles sont infiniment importantes. Voici, Messieurs, ce qui s'est passé dans la ville de Poitiers : Il s'est d'abord élevé une grande contestation pour savoir si ces professeurs de l'Université étaient des fonctionnaires publics ; et à cet égard, Messieurs, plusieurs membres du directoire du district pensaient le contraire, croyant que, dans le sens de votre décret il ne s'agissait que du ministère purement ecclésiastique.
Qu'en pensez-vous?
Je ne soutiens pas cette opinion, fI vous rends compte des faits. Plusieurs membres du directoire de district et même du directoire du département ont déclaré que le sens de votre décret était uniquement renfermé dans l'exercice du ministère ecclésiastique, et que des ecclésiastiques qui n'étaient pas payés par l'Etat n'étaient pas dans le cas du serment. Cependant, cinq professeurs immédiatement soumis au régime de l'Université se sont persuadés que l'on pouvait leur appliquer la sévérité de votre décret, et, en conséquence, ils n'ont pas cessé leurs fonctions comme on vous t'a dit ; ils ont donné leur démission. (Rires.)
A présent, Messieurs, que j'ai eu le bonheur
d'obtenir un sourire pour ce mot-là, je vais vous prouver qu'il n'était pas indifférent.
Le 21 du mois de janvier, les professeurs se sont adressés au tribunal de l'Université qui les avait institués. Le tribunal de l'Université a accepté leur démission, et leur a dit : Puisque vous ne voulez plus être fonctionnaires publics, vous allez être remplacés.
Lorsque des professeurs d'un collège donnent leur démission, est-ce à l'Université ou au directoire à les remplacer? Voilà la véritable question à cet égard. Messieurs, comme l'Université est en possession de nommer ses professeurs, comme vos décrets ne lui ont pas défendu et spécialement votre décret du 19 du mois de février dernier les a provisoirement maintenus dans ce droit, il me semble que les municipalités, les districts et les départements ne pouvaient s'immiscer de l'enseignement public que dans le cas où l'Université refuserait de nommer des professeurs. Ici, Messieurs, les classes n'ont pas été vacantes un seul instant, il n'y a pas eu interruption d'un seul jour dans les places. Il me paraît bien sévère que cette Université se trouve dépouillée, par un décret subséquent, d'un droit que votre décret du 19 février dernier lui avait assuré.
Je vous prie d'observer, Messieurs, que je suis d'autant moins suspect dans cette cause, que, par le plus grand de tous les hasards, je plaide la cause apparente de plusieurs professeurs qui ont prêté le serment : ce n'est pas mon intention. (Rires.) Aussi n'aurais-je pas demandé la parole si j'avais voulu plaider la cause des professeurs, mais j'ai cru entrer dans vos vues, vous donner un exemple de mon respect pour vos décrets, en vous rappelant que c'était la cause de l'Université que je plaidais et de l'Université, Messieurs, qui n'a fait qu'exercer un droit ancien, un droit dont jouissent l'Université de Paris et celles de tout le royaume.
La municipalité et le directoire de Poitiers n'ont donc pu être animés, pour cette nomination, que de ce désir de conquête d'autorité auquel il faut mettre des bornes. Quand on vous dit, Messieurs, que depuis la destruction des jésuites la municipalité de Poitiers était dans ru-sage d'instituer des professeurs, il y a ici une grande erreur, qui provient de ia négligence à faire usage des mots propres. La municipalité de Poitiers était dans l'usage d'installer les professeurs, mais non pas de les nommer. Jamais la municipalité n'en a nommé aucun.
Est-ce encore une vérité, cela?
Oui, Monsieur. '
Monsieur Babey, asseyez-vout.
murmure.
Je vous ordonne de vous asseoir.
parle avec vivacité dans le tumulte de l'Assemblée. Cris unanimes ; A l'ordre !
Au nom de l'Assemblée, je vous ordonne de vous asseoir et de vous taire : on doit être aussi sage le soir que le matin, le matin que le soir.
Vous voyez, Messieurs, que dans cette discussion nous sommes discords sur un principe. Personne ne conteste les décrets de l'Assemblée nationale; ilnepeuty avoir dedoute que sur les faits. Premier fait : y a-t-il eu cessation de fonctions dans l'Université de Poitiers? Second fait : la municipalité de Poitiers est-elle dans l'usage de nommer ses professeurs? Troisième fait : les nouveaux professeurs nommés par la municipalité de Poitiers ont-ils prêté le serment ? Comme le comité des rapports, dont le devoir est d'être impartial, ne vous rend pas compte des moyens employés par l'Université de Poitiers, je supplie l'Assemblée de permettre que demain matin je remette au comité des rapports les pièces qui m'ont élé communiquées, afin que samedi au soir l'Assemblée puisse prononcer sur cette affaire en connaissance de cause.
évêque de Poitiers. J'ai très peu de choses à ajouter à ce que M. l'abbé Maury vient de dire. Je dirai seulement que, par les nouvelles que j'ai r çues de Poitiers hier, il me paraît que MM. les administrateurs se sont un peu pressés pour nommer des professeurs qui ne sont pas seulement des professeurs des arts, mais des professeurs de théologie. J'ai dit qu'on s'était pressé de faire celte nomination : 1° parce que les régents qui étaient en exercice n'ont point refusé le service; il est vrai qu'il y en a plusieurs qui ont annoncé qu'ils ne pourraient pas prêter le serment, mais ils ont offert de continuer leurs fonctions, conformément à votre décret du mois de décembre qui leur permettait de le faire jusqu'au remplacement. Si on avait différé, il eût été moins mauvais; j'ose dire moins mauvais, parce qu'il y avait deux chaires de théologie dans l'Université de Poitiers. Ces deux chaires de théologie ont été remplies par un religieux cordëlïér, recteur de l'Université. Je ne parle pas de son mérite, mais en fait de théologie, il en avait très peu : on l'a reconnu dans l'Université pour avoir des latents en politique; possédé de la manie aérostatique, ce religieux s'est appliqué à faire plusieurs ballons, dans le temps qu on avait celte fureur. J'observe que le collège de Poitiers est très heureux; ci-devant occupé par lés jésuites, ils étaient au nombre de 60 à 70, et le concours de la jeunesse était considérable. J'observe que 1e principal du collège, qui est ordinairement un ecclésiastique, est aujourd'hui un procureur; cet homme est trè3 bon praticien, mais je ne le crois pas capable de conduire un collège. (Rires.) On a nommé pour professeur de seconde un féodiste qui est un pariait honnête homme ; mais aujourd'hui, comme vous avez supprimé toute espèce de féodalité.... (Rires et applaudissements.) On vous a dit qu'il y avait des professeurs qui avaient prêté le serment: cela est vrai; il y en a deux qui sont prêtres et qui ont effectivement prêté leur serment; je n'en connais pas d'autres. Je finis par vous observer qu'il est très certain que l'Université ait été pendant longtemps idans l'usage de nommer ses professeurs; qu'elle a offert de les nommer en cette occasion, et que les corps administratifs n'ont point voulu agréer cette offre.
procureur-gênéral-syndie de la commune de Poitiers. L'insurrection qui a eu lieu dans le collège de Poitiers, et qui s'est propagée dans toute la ville, n'a eu d'autre cause que la distribution qui a été faite de divers écrits répandus par le clergé contre la constitution civile que vous avez décrétée. Cette distribution n'a pas produit l'effet qu'on en attendait, car il y a 11 curés dans la ville de Poitiers qui ont fait leur serment et sont encore en fonction. M. l'évêque de Poitiers avait, de son côté, fait publier un maudement, et je conviens, Messieurs, qu'il a produit un effet tout différent sur les ecclésiastiques professeurs dans un collège; aussi aucun d'eux n'a voulu prêter son serment. Au moyen de ce, qua-t-on fait alors? Vous avez vu, par les pièces dont on vous a fait lecture, qu'ils s'étaient retirés, et non pas qu'ils avaient donné leur démission, comme vous l'a dit M. l'abbé Maury. C'est, Messieurs, dans ce moment que les corps administratifs de ia ville de Poitiers, voyant que le service du collège allait cesser, voyant que personne ne s'empressait de le remplacer, parce que ceux qui étaient à la tête du collège ne demandaient pas mieux que de perpétuer le désordre et l'anarchie, se sont réunis, et d'un concert unanime ont fait le choix des nouveaux professeurs. Après cette nomination, faite par les trois corps administratifs, ils se sont assemblés pour aviser aux précautions à prendre pour l'installation de ces professeurs. {C'est alors que l'Université, sortant du sommeil où elle était plongée, a cru qu'elle devait croiser la nomination faite par (es corps administratifs et la contrarier par une nomination postérieure qu'elle prétendait avoir le droit de faire ; et comment prétendait-on faire cette nomination ? Les corps administratifs avaient nommé plusieurs ecclé^-siastiques qui, pour se rendre propres à leurs nouvelles fonctions, avaient fait leur serment civique, et des laïques sur le patriotisme desquels ils étaient bien rassurés, et dont MM. les députés de la ville de Poitiers, car je parle au nom de mes confrères de ce côté-là (l'orateur montre la gauche), estiment beaucoup les personnes. Ou doit donc avoir toute la confiance que mérite dans cette circonstance la réunion des trois corps administratifs et des députés du département ; mais l'Université ne pouvait pas nommer des ecclésiastiques; c'eût été les astreindre au serment civique, et elle ne voulait pas qu'ils le fussent : elle voulait donc nommer des laïques, parce qu'elle n'ignorait pas que les laïques n'étaient point forcés au serment sur la constitution civile du clergé ; ce n'est pas que les laïques ne soient obligés de faire le serment prescrit à tous les fonctionnaires publics, mais je dis qu'elle ne voulait pas nommer d'ecclésiastiques qui avaient fait leur serment : -ce qui fait qu'elle a nommé un principal laïque. Et quel est, Messieurs, ce principal laïque ? Certainement je suis bien éloigné de toute espèce de personnalité, je rends justice également à la probité de tous ceux qui se trouvent compromis dans ce conflit de nominations; niais, Messieurs, cet homme est une créature du ci-devant parlement de Paris, principalement- de M. le président Rolland, qui était à la tête de ce collège, qu'il gouvernait à sa fantaisie. C'est cet homme, esclave aveugle des volontés de M. le président Rolland, qu'on a commencé par nommer principal du collège. Cependant dans ce moment le service public est attaqué.
Quand il a été question d'installer les professeurs nommés par l'administration, la municipalité chargée de cette fonction s'est transportée au collège ; elle a trouvé les postes occupés par des sujets nommés par l'Universite ; elle a voulu procéder à l'installation des professeurs élus par le
corps administratif. Les écoliers, par des instigations pernicieuses et faciles à pénétrer, ont reçu la municipalité avec des huées, des acclamations injurieuses; et après avoir commis des désordres dans le collège, se sont répandus dans la ville, où ils ont excité la même insubordination.
Les choses en cet état, le département a pris un arrêté par lequel il a ordonné que les portes du collège Seraient ouvertes aux professeurs, a ordonné aux écoliers de les reconnaître, et à fait défense à tous autres de s'immiscer dans l'administration de ce collège. Les professeurs nommés par l'Université ont résisté à cet arrêté ; le principal est toujours resté dans le collège, et a constamment refusé d'en ouvrir les portes ; de sorte que le collège est actuellement vacant.
Dans ces circonstances, les trois administrations se sont adressées à vous, Messieurs, vous ont porté leur plainte, et vous ont demandé de vouloir bien autoriser la nomination provisoire des professeurs faite par elle.
Quel parti devez-vous prendre, Messieurs ?...
Voix nombreuses ! Assez ! assez !
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète qu il n'y à pas lieu à délibérer sur la demande d'ajournement.)
Je demande, par amendement, que le tribunal de l'Université soit supprimé.
Si vous supprimez Cé tribunal, à qui s'adressera-t-on désormais pour terminer les différends qui pourront s'élever par ia suite? (L'Assemblée rejette l'amendement par la question préalable.) (Le projet de décret est adopté.)
Messieurs, je demande par amendement que l'Assemblée ajoute à son décret ces mots : « Qu'elle ne l'a adopté que parce que l'abbé Maury l'a combattu. »
Je demande que M. l'abbé Maury soit rappelé à l'ordre et envoyé à l'Abbaye pour avoir insulté l'Assemblée.
annonce l'ordre dU jour de demain et lève la séance à neuf heures trois quarts.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture dU procês-verbal de la séance d'hier au soir, qui est adopté.
Le patriotisme et le zèle pour le
Des membres de l'Assemblée nationale, des étrangers même, craignant de ne pas avoir une expédition assez prompte des décrets que vous rendez, les copient dans les journaux qui ne les rendent pas toujours très exactement; ensuite ils les présentent ou les font présenter pour la signature à M. le Président et à MM. les secrétaires.
Cette manière de présenter des pièces à signer est sujette aux plus grands inconvénients : il arrive fréquemment que ces extraits de procès-verbaux ou ces décrets, comparés à ceux qui sont envoyés officiellement dans les départements, se trouvent absolument différents. Cette différence jette du trouble dans les esprits, arrête la marche de vos travaux, sert de prétexte aux ennemis du bien public et compromet réellement le président et les secrétaires qui ont signé des envois manuscrits ; elle peut en outre occasionner de très grands désordres.
Pour remédier à un pareil inconvénient, nous avons imaginé un moyen que je vous prie de Vouloir bien décréter ; le voici :
« L'Assemblée nationale décrète que son président et ses secrétaires ne signeront désormais d'autres expéditions collationnées manuscrites des décrets, que celles qui leur seront présentées par les secrétaires-commis au bureau des procès-verbaux, ou au Comité des décrets, et sur le haut de la première page desquelles On lira ces mots imprimés : Extrait du procès-verbal de VAssemblée nationale,séance du...... avec le fleuron de
l'Assemblée nationale. » (Cette motion est décrétée^) ;
Messieurs, un professeur de philosophie au collège de Saintes, c'est-à-dire dans Une ville où le patriotisme est travaillé dans tous les sens par l'erreur, lé fanatisme et la malveillance, M. Le Tournan, a eu le courage, quoique très jeune,de donner le premier l'exemple de la soumission à la loi, en prêtant son serment civique, par l'organe du directoire du dépàrte-inentde la Charente-Inférieure. Il a fait aussi Un travail sur cette matière, travail très fort en principes, en raisonnements et en citations, dont il fait hommage à l'Assemblée. Je demande, Messieurs, que pour stimuler et récompenser l'émulation de ce jeune citoyen, vous daigniez ordonner qu'il Sêra fait mention honorable dans le procès-Verbal dudit ouvrage ainsi que de l'adressé du directoire du département de la Charente-Inférieure, qui l'accompagné. (Cette motion est adoptée.)
J'ai l'honneur d'informer l'Assemblée qué les Six chrés de la Ville dé Vienne, leurs vicaires, lé principal, sous-prihcipal, et les huit professeurs ecclésiastiques du collège, ont prêté le serment décrété le 27 novembre dernier. Après cela je vous prierai de renvoyer à votre comité de jurisprudence criminelle la difficulté dont je vais vous faire part. Vous avez chargé provisoirement les juges des tribunaux de district de juger les affaires criminelles qui se trouvaient alors arriérées. Dans le
greffe du tribunal de la ville de Vienne, il y a 1,000 à 1,100 procédures arriérées; pour procéder à l'instruction de ces affaires, il faut que les juges ne perdent pas u» instant, d'une part ; mais il faut, d'autre part, qu'ils aient des coopé-rateu'rs. Le greffier notamé de ce tribunal a pris en conséquence 7 Ou 8 commis, dont les uns sont constamment occupés à travailler auxdites procédures et les autres constamment occupés à faire copier des procédures qui doivent être délivrées a l'accusé. Cependant, Messieurs, vous n'avez nullement statué sur les moyens de dédommager de ces frais extraordinaires les greffiers de district; vous sentez, Messieurs, qu'avec des appointements de 600 livres, il est impossible qu'un greffier ait 5 ou 6 commis et qu'il suffise à ia suite des expéditions criminelles. Dans cet état, Messieurs, ie propose à l'Assemblée nationale de renvoyer la difficulté à son comité de jurisprudence criminelle qui lui proposera une disposition pour subvenir à cet inconvénient (Cette motion est décrétée.)
Si nous ne sommes pas en nombre légal à dix heures et demie, je lèverai la séance.
Il me semble, Monsieur le Président, qu'il serait nécessaire de faire la même observation à deux heures.
au nom du ôofnitê de Constitution, propose le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des directoires des départements de Rhône-et-Loire, de ia Côte-d'Or, du Var, du Finistère, de la Seine-Inférieure, de la Haute-Loire, de Seine-et-Marne, de Saône-et-Loire et de la Haute-Garonne, décrète ce qui suit : « La ville de Saint-Etienne aura deux juges de paix, outre celui déjà nommé pour lé canton; les limites de leurs juridictions seront celles indiquées par le procès-verbal de la municipalité de la ville de Saint-Etienne, du 14 décembre dernier. « 11 sera établi des tribunaux de commerce dans les villes de Dijon, Beaune, Toulon, Grasse, Antibes, Saint-Tropez, Morlaix, Eu et Tréport, Brioude et Montereau : celui d'Eu et Tréport sera séant à Eu. « Les juridictions consulaires actuellement existantes dans quelques-unes de ces villes continueront d'être en activité jusqu'à l'élection et l'installation des nouveaux juges, qui seront faites dans la forme établie par la loi sur l'organisation judiciaire. - « La commune de Rathnel fiait partie du district de Màcon. «• Celle de Passavant est distraite du département des Vosges, pour être unie à celui de la Haute-Saône et au district de Jussey. « L'administration de la Haute-Saôûe propo-sera la compensation de Cette distraction. a Les Communes de Marsoulas, Cassaigne, Bel-bèze et Aussain, sont distraites du département de l'Ariège; et du district de Saint-Girons; elles seront incorporées au département de la Haute-Garonne, district de Saint-Gaudens, canton de Salies. » (Ce décret est adopté.)
au nom du comité ecclésiastique. Messieurs, j'ai à vous proposer un projet de décret potir la circonscription des paroisses de la ville de Poitiers. Ce décret ne peut souffrir aucune difficulté; il est adopté par la municipalité, le district et le département.
M. l'évêque de Poitiers a été invité à y concourir : on a attendu pendant trois mois ; d'abord il n'a pas fait de réponse; enfin il a répondu au mois de janvier par une lettre que j'ai en original et qui porté un refus exprès.
Voici le projet de décret que nous vous proposons :
« L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité
ecclésiastique, d'un procès-ver bal contenant un projet de réunion et
circonscription des paroisses de la ville de Poitiers, arrêté par le
directoire du district le 21 novembre dernier, de l'avis et du
consentement des commissaires du conseil général de la commune de cette
ville, et approuvé par le directoire du département le 16 janvier
suivant, ainsi que du refus de concourir à cette opération^ manifesté
par M. l'évêque de Poitiers dans sa lettre du 11 dudit mois de janvier,
en réponse à la réquisition qui lui avait été faite par le directoire du
district, décrète ce qui suit ! Art. 1er.
« La ville de Poitiers et ses faubourgs seront divisés entre lés six paroisses suivantes, savoir : la cathédrale, Sainte-Raôégonde, Saint-Porchaire, Notre-Dame, MontierneuV et Saint-Hilaire, lesquelles seront limitées ainsi tju'il est exprimé au procès-verbal de réunion et circonscription ci-dessus daté. Art. 2.
« Les autres paroisses de la ville et de ses faubourgs, mentionnées au même procès-verbal, Sont supprimées. Art. 3.
« L'église ci-devant paroissiale de Saint-Saturnin sera conservée comme succursale de la paroisse de Sainte-Radégonde. »
(Ce décret est adopté.)
au notti du comité ecclésiastique (1). La municipalité dé Paris, ayant terminé ses OpérationSj a fait mettre son travail sous les yeux du comité ecclésiastique ; de 51 paroisses qui existaient dans la ville et faubourgs de Paris, 24 seulement sont conservées, et 9 autres sont nouvellement établies où transférées dans des églises qui sont plus à portée des paroissiens.
Votre comité, prenant en considération la population et l'étendue de la
capitale, et surtout la suppression d'un grand nombre de communautés
religieuses, qui procuraient aux habitants la faculté d'assister au
Service divin, a cru que le nombre de 33 paroisses, proposé par la
municipalité de Paris, n'était pas trop considérable. Votre comité n'a
pas cru devoir se livrer à un examen trop sévère pour la circonscription
de ces paroisses; il a Senti qué l'expérience seule pouvait faire
ressortir les avantages et les inconvénients dé cette circonscription;
il a senti qu'il n'y âvait que l'examen d'une administration su-
Pour ne pas abuser de vos moments, Messieurs, je devrais borner là mon rapport; mais je suis obligé de vous rendre compte de quelques faits qui me paraissent nécessaires; et d'abord, Messieurs, je vous observe que, par un décret du 15 janvier, vous avez décrété provisoirement l'établissement de la paroisse Notre-Dame, et par ce décret vous avez dit que 1a paroisse de l'Ile Saint-Louis, qui est annexée à la première, demeurera provisoirement succursale jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné. Cette disposition de vos décrets a donné lieu à des réclamations très vives et très puissantes. La municipalité de Paris, à laquelle votre comité a fait demander son avis sur ces réclamations, n'a pu se dissimuler que l'urgence des circonstances l'avait empêchée de (aire les réflexions qui ont été proposées dernièrement par les citoyens de l'île Saint-Louis, réflexions auxquelles elle convient qu'elle aurait dû faire beaucoup plus d'attention, et qui méritent la considération de l'Assemblée. La position particulière de l'île Saint-Louis semble effectivement indiquer à tous ceux qui ont quelque connaissance du local que la paroisse devrait être conservée. L'île Saint-Louis est une espèce de petite ville de province établie au centre de la capitale, et qui a des habitudes et des mœurs particulières. Elle est singulièrement peuplée de personnes qu'on appelle ici gens retirés, pour lesquels le service divin et une certaine pompe dans les cérémonies religieuses sont une espèce de besoin.
Il a été observé aux députés de la section de l'île Saint-Louis que leur paroisse devant être provisoirement conservée à titre de succursale, ils pourront présenter leur pétition à une seconde législature, qui ne sera pas retenue, comme pourrait être l'Assemblée nationale, par la nécessité de maintenir l'exécution de ses décrets, puisqu'il n'est question ici que d'un objet purement réglementaire.
Votre comité n'a pas cru qu'il fût régulier de vous proposer de revenir, quant à présent, sur votre décret; il a cru que les habitants de l'île Saint-Louis devaient être tranquillisés par l'aveu qu'a fait 1a municipalité de la justesse de Ces réclamations, de la nécessité qu'il y aura de les adopter lorsque la loi le permettra. Au moyen de quoi votre comité ne vous propose rien à cet égard, s'en rapportant à votre prudence.
Je suis obligé aussi, Messieurs, de vous offrir différentes réclamations qui ont été faites par les habitants de la section du Louvre; elles sont relatives à la circonscription de la paroisse Saint-Germain-l'Auxerrois. Cette paroisse, dans la partie septentrionale, est bornée par la rue Saint-Honoré jusqu'à la rue du Dauphin. Il a paru à votre comité, ainsi qu'à la municipalité de Paris, que la cour du Manège, que l'Assemblée nationale et ses dépendances devant faire partie de la
paroisse Saint-Germain-l'Auxerrois, les difficultés qui pourraient s'élever sur la démarcation des limites des deux paroisses de Saint-Roch et de Saint-Germain-l'Auxerrois ont engagé les citoyens de la section du Louvre à vous prier de comprendre dans la paroisse Saint-Germain-l'Auxerrois toute la partie gauche de la rue Saint-Honoré, qui est depuis la rue du Dauphin jusques et y compris ia rue Royale.
Au surplus, la proposition que vous fait le comité ecclésiastique de n'adopter que provisoire-, ment les circonscriptions présentées par la municipalité a pour but de prévenir toute espèce de réclamations. Je dois encore vous dire, Messieurs, que le plan proposé par la municipalité a présenté une difficulté à vaincre, et la voici : les églises dans lesquelles il sera établi de nouvelles paroisses appartiennent encore, au moins quant à la jouissance, à des communautés religieuses. Nous avons cru que ce serait porter atteinte à l'article 3 de votre décret du 13 février, que d'en disposer sans leur consentement, parce qu'une église doit être regardée comme une dépendance très essentielle d'un couvent. En Conséquence, Messieurs, je me suis transporté, avec uq commissaire de la municipalité de Paris, d'abord au couvent des Filles-Dieu; il ne nous a pas été possible de vaincre ces dames-là; nous avons vu une opposition si marquée que nous n'avons pas cru devoir aller plus avant, d'autant plus qu'après avoir examine le local autant qu'il nous a été posssible de ie faire, ces religieuses n'ont même pas voulu nous accorder l'entrée de leur chœur. (Rires.) Il n'en a pas été de même des dames de l'abbaye Saint-Antoine : la considération du bien public a eu sur elles l'empire qu'il doit avoir sur tous les bons citoyens : elles se sont prêtées, non seulement avec complaisance, mais avec tout le civisme possible, à nos propositions. (Rires et applaudissements unanimes.)
Messieurs, la gaieté française est extrêmement aimable, pourvu qu'elle ne uure pas trop longtemps dans une Assemblée délibérante.
,rapporteur. Elles ont voulu absolument s'en tenir au mot soumission, auquel cependant elles ont ajouté l'aveu, que de tous les arrangements qui leur seraient proposés, celui qui leur avait été proposé par les commissaires était assurément le inoins désagréable; elles ont même déposé leurs intentions dans le sein des deux commissaires, et elles s'en sont rapportées à moi sur l'exécution de cet arrangement. (Rires.)
Messieurs, je serais fâché de mettre aux voix la proposition de ne plus rire.
rapporteur. Les détails que je me permets sont essentiels, parce qu'il est question d'altérer, en quelque sorte, l'exécution d'un de vos décrets. Je dis donc que mesdames de l'abbaye de Saint-Antoine se soumettent très volontiers. Je n'ai poiut chargé la nomenclature des paroisses de Paris des conditions sous lesquelles ces religieuses consentiraient à céder leur église. Votre comité ne croit devoir rien vous proposer, si ce n'est d'en renvoyer l'examen à votre comité d'aliénation. Je finis par une observation très simple : il est certain que ce n'est que par une organisation très simple de votre clergé, que vous rétablirez l'ordre dans
l'Eglise. Hâlez-vous donc d'employer tous les moyens qui sont en vous pour la conservation d'une religion dont le maintien est la plus chère comme la plus importante de vos sollicitudes.
Votre comité m'a chargé de vous proposer d'adopter le projet de décret suivant :
L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu, par son comité ecclésiastique, de la délibération prise par la municipalité de Paris (faisant fonctions d'assemblée de district, et provisoirement d'assemblée de département) et du plan en dépendant, et par elle arrêté le 24 janvier dernier, après avoir, conformément à l'article 13 du 14 novembre 1790, invité et requis l'évêque du départementde Parisde concourir aux travaux préparatoires des suppressions, unions et translations ci-après, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
• Les terrains et habitations renfermés dans la nouvelle enceinte de Paris, qui dépendaient ci-devant des paroisses hors les murs, en sont distraits pour être compris dans la division générale dont sera ci-après parlé. Art. 2.
« Les terrains et habitations qui dépendaient ci-devant des paroisses intérieures en sont distraits pour être réunis à des paroisses extérieures, suivant la nouvelle circonscription qui sera décrétée sur l'avis des districts et du département de Paris ; et cependant, jusqu'à ce que cette nouvelle circonscription soit décrétée, les lidèles des lieux dont il s'agit au présent article continueront de recevoir les secours spirituels de la part de leur ci-devant curé; et en cas de suppression, de la part du curé établi dans la paroisse dont dépend leur ci-devant église paroissiale. Art. 3.
La ville et les faubourgs de Paris, compris tout ce qui est renfermé dans la nouvelle enceinte, sont divisés en trente-trois paroisses, dont la dénomination est indiquée dans l'état annexé au présent décret. Art. 4.
Les trente-trois paroisses ci-dessus sont provisoirement circonscrites suivant les arrondissements mentionnés en l'état annexé. Art. 5.
Toutes les paroisses existantes dans la nouvelle enceinte de Paris, et qui ne sont pas comprises en l'état annexé, sont supprimées. Art. 6.
« La nouvelle église de Sainte-Geneviève est conservée pour servir provisoirement d'oratoire à la ville et au département de Paris. »
Plusieurs membres : Aux voix I aux voix I
rapporteur. Je dois vous faire une observation au sujet de l'article 6. La ville de Paris désire que vous conserviez l'église de Sainte-Geneviève comme oratoire, attendu la dévotion qu'y ont tous les habitants de la cité, et même tous les habitants des lieux circonvoisins. Il a paru à votre comité que la nouvelle église de Sainte-Geneviève, n'étant pas d'ailleurs disposée pour faire une église paroissiale, pouvait être accordée sous le titred'oratoire à la ville de Paris. Voici maintenant l'état des arrondissements des trente-trois paroisses dont nous vous proposons la création :
Arrondissements des trente-trois Paroisses pour la Capitale (1).
1. Saint-Pierre-de-Chaillot.
(Barrière de Versailles), en suivant le bord de la rivière jusqu'à la place de Louis XV, les Champs-Elysées jusqu'à la grande avenue, ladite à gauche jusqu'à la barrière de l'Etoile, les murs de ladite jusqu'à celles de Versailles , et généralement toutes les rues, culs-de-sac, places, etc., enclavés dans cette limite. 2. Saint-Philippe-du-Roule.
(Barrière de l'Etoile), de ladite à celle de Monceau; la rue des Rochers à droite, jusqu'à celle de la Pépinière; les rues Quatremer et d'Anjou, à droite, jusqu'à la rue duFaubourg-Saint-Honoré; ladite à droite, à celle des Champs-Elysées ; ladite à droite, jusqu'à la grande avenue; ladite à droite, jusqu'à la barrière de l'Etoile. 3. La Madeleine de la Ville-VEvêque, sous la dénomination de Sante-Madeleine.
(Place de la Madeleine), le boulevard à gauche, jusqu'à la Ghaussée-d'Antin; ladite à gauche, rue des Porcherons à gauche, jusqu'à celle de la Rochefoucauld, ladite a gauche, jusqu'à sa barrière; les murs de ladite, jusqu'à celle de Monceau, rue des Rochers à gauche; rues Quatremer et d'Anjou, à gauche ; rue du Faubourg-Saint-Honoré, à gauche jusqu'à celle des Champs-Elysées ; ladite à gauche, jusqu'à la Place Louis XV; ladite place entière, le pont Louis XVI, rue Royale à gauche, jusqu'aux boulevards, et généralement toutes les rues, etc.
4. Saint-Roch.
(Rue Saint-Honorê), rue de Richelieu, à gauche jusqu'aux boulevards, lesdits à gauche jusqu'à la rue Saint-Honoré; la rue Royale à gauche, jusqu'à celle de Saint-Florentin; les murs hors les Tuileries, jusqu'à la rue du Dauphin; ladite à gauche, jusqu'à celle de Saint-Honoré, ladite à gauche, j usqu'à celle de Richelieu, et généralement toutes les rues, culs-de-sacs enclavés dans cette limite. 5. Saint-Germain-V Auxerrois.
(Arche-Marion) rues Thibautodé et des Bourdonnais à gauche; rue
Saint-Honoré à gauche, jusqu'à celle du Dauphin; ladite à gauche,
jusqu'aux murs des Tuileries; lesdits jusqu'à la Place Louis XV, la cour
du Manège et la salle de l'Assemblée nationale, et dépendances
comprises, lesdits, jusqu'à la rivière, le Pont-Royal, le bord de ladite
jusqu'à l'Arche-Marion, la Sama-
6. Les Petits-Pères, place des Victoires, sous la dénomination de Saint-Augustin, patron de là-Vite église.
(Rue Saint-Honoré), rue Croix-des-Petits-Champs, à gauche, jusqu'à la place des Victoires; ladite à gauche, jusqu'à celle de Vide-Gousset; ladite et celle de Notre-Dame-des-Victoires à gauche, jusqu'à celle de Montmartre, ladite à gauche jusqu'au boulevard, ledit à gauche jusqu'à la rue de Richelieu, ladite à gauche jusqu'à celle de Saint-Honoré, lafdite à gauche jusqu'à celle Groix-des-Petits-Champs. 7. Saint-Eustache.
(Rue Saint-Honoré), rue Groix-des-Petits-Champs à droite jusqu'à la place des Victoires, ladite à droite jusqu'à la rue Vide-Gousset; ladite et celle Notre-Dame-des-Victoires à droite jusqu'à celle de Montmartre; ladite à droite jusqu'au boulevard; ledit, à droite, jusqu'à la rue Poissonnière, ladite et celles des Petits-Carreaux, MontorgUeil et Comtesse-d'Artois, à droite, jusqu'à celle Fromagerie, ladite et celle de la Liugerie, à droite, jusqu'à celle dite de la Chausseterie et celle Saint-Honoré ; ladite à droite, jusqu'à celle des Petits-Champs.
8. Saint-Sauveur, nouvelle Eglise : jusqu'à ce que l'église soit achevée, le service continuera provisoirement à se faire dans l'église Saint-Jacques-l'Hôpital, sans que les maisons du cloître dépendent de la paroisse.
(Rue Mauconseil), rue Saint-Denis, à gauche jusqu'aux boulevards, lesdits à gauche jusqu'à la rue Poissonnière; ladite et celle des Petits-Car-reauX, Montorgueil et Gomtesse-d'Artois, à gauche, jusqu'à celle Mauconseil; ladite à gauche jusqu'à celle Saint-Denis. 9. Notre-Dame-de-horette.
(Chaussée d'Antiri), le boulevard à gauche jusqu'à la rue Poissonnière; ladite et celle de Sainte-Anne à gauche jusqu'aux murs de clôture, lesdits jusqu'à la barrière de la rue de La Rochefoucauld; ladite à gauche, celle des Por-cherons à gauche, jusqu'à celle Ghaussée-d'Antin; ladite à gauche jusqu'aux boulevards; et généralement toutes les rues, culs-de-sac, places, etc., enclavés dans cette limite. 10. Saint-Laurent.
(Boulevard Poissonnière), le boulevard à gauche jusqu'à la rue du Faubourg-du-Temple ; ladite à gauche jusqu'à la barrière Sainte-Aune, les murs de la clôture, jusqu'à la rue Sainte-Anne; ladite et celle Poissonnière, à gauche, jusqu'aux i boulevards, 11. Sain t-Nicolas-des-Champs.
(Porte Saint-Denis), le boulevard à droite jusqu'à la rue du Temple; ladite à droite, jusqu'à
celle Michel-le-Comte; ladite et celle Grenier-Saint-Lazare, à droite, jusqu'à celle Saint-Martin ; ladite à droite jusqu'à celle aux Ours ; ladite à droite jusqu'à celle Saint-Denis; ladite à droite jusqu'aux boulevards/ etc. 12. Saint-Leu.
(Rue Aubry-le-Boucher)% rue Saint-Martin à gauche, jusqu'à celle aux Ours; ladite à gauche celle Mauconseil à gauche, jusqu'à Celle Comtesse-d'Artois; ladite et celles de la Fromagerie, Lingerie et Féronnerie, à gauche; le marche des Innocents; la rue Aubry-Ie-Boucher à gauche, jusqu'à celle de Saint-Martin. 13. Saint-Jacques et Saints-Innocents, sous la dénomination de Sain t-Jacques - le-Majeur.
(Arche-Marion), rue Thibautodé, celle des Bourdonnais, à droite.; celle Saint-Honoré, celle de la Féronnerie, à droite ; celle de Saint-Denis, à droite, jusqu'à celle Aubry-le-Boucher; ladite, à droite, jusqu'à celle de Saint-Martin; ladite et celle des Arcis, à droite, jusqu'à celle Jean-Pain-Mollet; ladite et celle de Jean-de^-l'Epine, à droite, jusqu'à la place de Grève; la place de Grève, à droite, jusqu'au quai Le Pqletier; ledit, et ceux de Gèvre et de la Mégisserie, jusqu'à l'Arche-Marion. 14. Saint-Merri.
(Rue Saint-Martin), rues Grenier-Saint-Lazare, Michel-le-Gomte, Vieilles-Haudriettes, du Chaume, de l'Homme-Armé, des Billettes, à droite; celle de la Verrerie, à droite jusqu'à celle du Coq ; ladite et celle de la Tixeranderie, à droite, jusqu'à celle du Mouton; ladite et la place de Grève, à droite, jusqu'à la rue Jean-de-l'Epine; ladite, celles Jean-Pain-Mollet, des Arcis et de Saint-Martin, à droite, jusqu'à celle Grenier-Saint-Lazare. 15. Saint-Gervais.
(Pont Marie), rue des Nonnaindières, à gauche ; celle de Saint-Antoine, à gauche, traverser à celle des Ballets; ladite et celle du Roi-de-Sicile, à gauche, jusqu'à celle Pavée; ladite, à gauche, jusqu'à celle des Francs-Bourgeois; ladite, celles de Paradis, du Chaume, de l'Homme-Armé, des Billettes et de la Verrerie, à gauche, jusqu'à celle du Coq; ladite et celle de la Tixeranderie, à gauche, jusqu'à celle du Mouton; ladite et la place de Greve, à gauche, jusqu'au Port-au-Blé; ledit et le quai des Ormes, jusqu'à la rue des Nonnaindières. 16. — Saint-Paul,
(Pont Marie), rue des Nonnaindières, à droite ; celle de Saint-Antoine, à droite, traverser à celle des Ballets; ladite et celle du Roi-de-Sicile, à droite, jusqu'à celle Pavée ; ladite et celle Payenne, à droite, jusqu'à celle du Parc-Royal; ladite et rue Neuve-Saint-Gilles, à droite, jusqu'au boulevard, ledit et la rue des Fossés-Saint-Antoine, à droite, jusqu'à la rivière, les bords de ladite et l'île Louviers, jusqu'à la rue des Nonnaindières.
17. — Les Capucins-du-Marais, sous la dénomination de Saint-François, patron de ladite église,
(Rue du Temple), le boulevard, à droite, jusqu'à la rue Neuve-Saint-Gilles ; ladite et celle du Parc-Royal, à droite, jusqu'à celle Payenue; ladite, à droite, jusqu'à celle des Francs-Bourgeois ; ladite, celles de Paradis, du Chaume, des Vieilles-Haudriettes et du Temple, à droite, jusqu'au boulevard. 18. — Les Annonciades-de-Popincourt, sous la
dénomination de Saint-Ambroise.
(Rue du Faubourg-du-Temple), le boulevard, à gauche, jusqu'à la rue Duval; ladite, celles de la Roquette, de la Folie-Reguault, à gauche, jusqu'à la barrière ; les murs de ladite a celle de la rue du Faubourg-du-Temple; ladite, à gauche, jusqu'aux boulevards. 19. — Sainte-Marguerite.
(Barrière du Trône), les murs de ladite, jusqu'à la barrière de la Folie-Regnault; ladite rue, celle des murs de la Roquette; celles de la Roquette et Duval, à gauche, jusqu'aux boulevards; lesdits, à gauche, jusqu'à la rue du Faubourg-Saint-Antoine; ladite, à gauche, jusqu'à la barrière du Trône. 20. — Véglise extérieure de Vabbaye Saint-Antoine, sous la dénomination de Saint-Antoine,
(Barrière du Trône), les murs de ladite, jusqu'à la Râpée ; les bords ae la rivière, jusqu'à la rue des Fossés-Saint-Antoine ; ladite, à droite, jusqu'à celle du Faubourg-Saint-Antoine ; ladite, jusqu'à la barrière du Trône. 21. — La Métropole.
Les îles Notre-Dame et Saint-Louis, tous les ponts adjacents, les maisons du pont Saint-Michel, à droite en partant du Gagnard, et la gauche dudit pont, y compris les maisons rue du Hurpoix, côté de la rivière, rue de la Bûcherie, côté de la rivière, jusqu'aux Petits-Degrés, en partant de la rue du Petit-Pont; 22, — Suint-Victor.
{Rue des Fossés-Saint-Bernard), les bords de la rivière, jusqu'à la barrière de la Salpètrière; les murs de ladite jusqu'à l'avenue du Marché-aux-Ghevaux; ladite, à droite, jusqu'à rue du Marché ; ladite et celle du Jardm-du-Roi, à droite ; rue Copeau, à droite; celle Mouffetard, à droite, jusqu'à celle des Fossés-Saint-Victor; ladite et celle des Fossés-Saint-Bernard, à droite, jusqu'à la rivière. 23. — Saint-Médard.
(Rue Mouffetard), rues Copeau, du Jardin-du-Roi èt du Marché, à droite ; rues de la Muette et de Fer-à-Moulin, à droite ; rue Mouffetard jusqu'à la rue de Lourcine; ladite, à droite, jusqu'à celle des Bourguignons; ladite, à droite, jusqu'à celle des Charbonniers; ladite, à droite, jusqu'aux murs de la Providence; lesdits et ceux de fa Pré-
sentation, jusqu'au cul-de-sac des Vignes ; ledit, à droite, traverser la rue des Postes, vis-à-vis la rue Pot-de-Fer; ladite et celle Mouffetard, à droite, jusqu'à celle Copeau. 24. — Saint-Marcel.
(Barrière du Petit-Gentilly), chemin du Petit-Gentilly, rue de la Santé, à droite, jusqu'à la Croix-de-la-Grande-Hostie, place de ladite Croix, et .rue des Bourguignons, adroite, celle de Lour-cine, à droite; rue Mouffetard, à droite, jusqu'à celle de Fer-à-Moulin; ladite, à droite : celle de la Muette, celle du Marché-aux-Chevaux jusqu'aux murs de l'enceinte ; lesdits jusqu'à la barrière de Gentilly. 25. Saip,t-Jacquesrdu-Haut-Pas.
(Barrière du Petit-Gentilly), les murs de ladite jusqu'à celle de la rue Montparnasse; ladite, a droite; rue Notre-Darae-.des-Champs, à droite, jusqu'au cul-de*sac de ladite rue ; ledit jusqu'aux mups des Chartreux ; suivre lesdits jusqu'à la rue d'Enfer; ladite à droite, jusqu'àlcelle de Saint-Thomas ; ladite, celles des Fossés-Saint-Jacques, des Postes, à droite, jusqu'au cul-de-sac des Vignes ; ledit, à droite, suivre les murs de la Présentation et de la Providence, jusqu'à la rue de l'Arbalète et des Charbonniers; ladite et celle des Bourguignons, à droite, jusqu'à celle de la Santé; ladite et celle du chemin de Gentilly, à droite, jusqu'à la barrière* 26. Saintes-Geneviève, nouvelle église, et provisoirement celle de Saint-Etienne-du-Mont. jusqu'à ce que celle de Sainte-Geneviève soit entièrement construite.
(Rue de là Harpe), rue des Mathurins, à droite; celle de Saint-Jacques, à droite, jusqu'à la rue des Noyers; ladite et celle de la Montagne-Saiote-Geneviève, à droite, jusqu'à celle Traversière; ladite, à droite ; rue d'Arras, à droite, jusqu'à celle Saint-Victor; ladite et celle des Fossés» Saint-Victor, à droite, jusqu'à celle Mouffetard; ladite, à droite, jusqu'à celle du Pot-de-Fer, ladite, celle des Fossès-Saint-Jacques, Saint-Thomas, d'Enfer, de la Harpe, à droite, jusqu'à celle des Mathurins. 27. Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
(Rue des Fossés-Saint-Bei'nard), le bord de la rivière jusqu'à la rue d'Amboise ; ladite, à gauche i place Maubert, à gauche; rue de la Montagne, à gauche, jusqu'à celle Traversière; ladite, à gauche,rue d'Arras, à gauche, jusqu'à celle Saint-Victor ; ladite et la rue des Fossés-Saint-Bernard, à gauche, jusqu'à la rivière. 28 Saint-Severin.
(Rue des Mathurins), rue de la Harpe et celle de la Vieille-Bouclerie, à droite, jusqu'à celle de la Huchette; ladite, à droite et a gauche, à partir du Cagnard, rue de la Bûcherie, à droite, jus» qu'aux Petits-Degrés ; ladite, à droite et à gauche, jusqu'à la rue d'Amboise; ladite, à droite, jus»
qu'à la place Maubert, rue des Noyers, rue Saint-Jacques, à droite, jusqu'à celle des Mathurins; ladite, à droite, jusqu'à celle de la Harpe. 29. Saint-Andrè-des-Arts.
Quais des Quatre-Nations, de Gonti, des Au-gustius, jusqu'à la place du Pont-Saint-Michel ; ladite place, rue de la Vieille-Bouclerie, à droite; celle de la Harpe, à droite, jusqu'à la place Saint-Michel; rue des Francs-Bourgeois, des Fossés-de-M.-le-Priuce, des Fossés-Saint-Germain et Maza-rine, à droite, jusqu'au quai de Gonti. 30. Saint-Sulpice.
(Barrière de la rue du Montparnasse), rue du Montparnasse, à gauche; rue Notre-Dame-des-Champs, à gaucbe, jusqu'au cul-de-sac; ledit, à gauche, en suivant le mur mitoyen des Chartreux et du Luxembourg, jusqu'à la rue d'Enfer; ladite, à gauche; celles des Francs-Bourgeois, des Fos-sés-de-M.-le-Prince, des Fossés-Saint-Germain, de Buci, du Four, de Grenelle, jusqu'aux boulevards; lesdits, à gauche, jusqu'à la rue de Sèvres ; ladite, à gauche, jusqu'à la barrière, suivre les murs jusqu'à celle du Montparnasse. 31. Vabbaye Saint-Germain, sous la dénomination
de Saint-Germain-des-Prés.
(Extrémité méridionale du Pont-Royal), quai Malaquais, rues Mazarine, de Buci, du Four, de Grenelle, à droite, jusqu'à celle des Saints-Pères; ladite, à droite, jusqu'à celle de l'Université; ladite, à droite, jusqu au quai Malaquais. 32. Les Jucobins-Saint-Dominique, sous la dénomination de Saint-Thomas-a'Aquin, patron deladite église.
(Extrémité méridionale du Pont-Royal), rue du Bac, à droite, jusqu'à celle de l'Université; ladite, à droite, jusqu'à celle des Saints-Pères ; ladite, à droite, jusqu'à celle de Grenelle; ladite, à droite, jusqu'au boulevard; ledit, à droite, jusqu'à la rivière; quais de la Grenouillère et d'Orsay, jusqu'à la rue du Bac. 33. Saint-Pierre-du-Gros-Caillou.
(Barrière de la rue de Sèvres), les murs de ladite jusqu'à ia rivière;le bord de ladite jusqu'au quai de la Grenouillère, la place des Invalides, le boulevard, à droite, jusqu'à la rue de Sèvres; ladite, à droite, jusqu'à la barrière.
Je pense, en premier lieu, qu'il ne faut pas dire qu'une démarcation de paroisses est provisoire. Il n'y a pas de doute que si par la suite on découvre que tel quartier serait mieux placé dans une telle paroisse que dans une telle autre, on ne puisse faire à cet égard tous les changements nécessaires, parce que dans la démarcation d'une paroisse on ne doit jamais considérer que l'utilité du service public. Ainsi je demande que l'on retranche du décret le mot provisoire, qui est inutile, et qui peut même être dangereux. Je demande, en second lieu, que l'on retranche du décret la disposition qui déclare que la nouvelle église de Sainte-Geneviève sera provisoirement oratoire. Elle peut devenir une église paroissiale, d'autant plus que l'ancienne église de Sainte-Geneviève est en très mauvais état; que l'église Saint-Etienne-du-Mont, qui est l'église paroissiale, n'est pas non plus en très bon état, et d'ailleurs trop petite pour l'étendue de la paroisse, de manière que si dans un an ou deux la nouvelle église est achevée et que le département de Paris, de concert avec l'évêque, trouve qu'il serait mieux de transporter la paroisse dans l'église neuve de Sainte-Geneviève, il faut leur en laisser la pleine et entière liberté. Il n'y a pas, quant à présent, de nécessité de rien statuer sur la nouvelle église de Sainte-Geneviève, puisqu'elle n'est pas achevée. Je demande qu'on retranche cette partie-là comme l'autre.
appuie la motion de M. Martineau.
Je crains bien que ce ne soit ici une dispute de mots. Lorsque nous avons examiné les plans, nous avons cru voir que cet arrondissement pourrait être plus parfait qu'il, ne l'est en effet; mais nous avons senti qu'il était très instant de circonscrire d'une manière quelconque les paroisses. Si l'on juge inutile le mot provisoire, je ne m'y opposerai pas; car il n'y a rien de constitutionnel : tout est nécessairement réglementaire, et l'on fera les changements nécessaires dans les arrondissements. Mais je ne vois point que ce mot puisse être dangereux. Quant à l'église de Sainte-Geneviève, nous avions été d'accord au comité de proposer la translation de la paroisse de Saint-Etienne-du-Mont à Sainte-Geneviève. L'église de Saint-Etienne-du-Mont périt de vétusté. L'église de Sainte-Geneviève est très vaste. Il faut donc que la paroisse de Saint-Etienne-du-Mont soit transférée dans celle de Sainte-Geneviève.
Vous avez rendu un décret portant la suppression de quelques paroisses qui se trouvent dans les environs de Notre-Dame, notamment de la paroisse de Saint-Louis, portant que cette paroisse serait provisoirement succursale jusqu'à ce qu'il y eût un pont de communication établi entre l'île Saint-Louis et Notre-Dame, ou jusqu'à ce qu'on ait comblé ce bras de rivière. Permettez-moi de vous observer, Messieurs, qu'il sera possible que cette condition n'arrive pas de 100 ans; il sera possible aussi qu'au moment où la condition arrivera, les paroissiens demandent à conserver leur succursale; et il sera possible également que dans ce moment ils ne le veulent pas. Il me parait tout naturel de laisser à cet égard toute la latitude des pétitions, et de ne pas nous engager à faire aujourd'hui une chose qui serait peut-être mauvaise lorsque la condition arrivera.
D'ailleurs, Messieurs, j'aurai l'honneur de vous observer qu'il serait absolument contradictoire de décréter aujourd'hui que la succursale sera là perpétuellement, avec le décret rendu il y a 15 jours, qui porte que cette succursale 1 est provisoirement. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée rejette l'amendement relatif à la suppression du mot provisoire ; elle ajourne l'article 26 concernant l'église Sainte-Geneviève et adopte le projet de décret)
Plusieurs membres du comité d'aliénation proposent des ventes de biens nationaux qui sont décrétées comme suit :
« L'Assemblée nationale, sur les rapports qui lui ont été faits par plusieurs membres du comité d'aliénation, des soumissions faites, suivant les formes prescrites, par différentes municipalités ci-après nommées, a déclaré et déclare leur vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret ;
Savoir:
Département du Loiret.
A la municipalité de Beaugeucy, pour la somme de............. 91,464 L 7 p. 2 d. Département de Maine-et-Loire.
A la municipalité d'Angers.................. 52,000 1. » s. » d. Département de l'Yonne.
A la municipalité d'Auxerre, pour la somme de.............340,272 1. 10 s. 4 d. Département de la Sarthe.
A la municipalité du
Mans, pour la somme de 203,184 1. 6 s.
A la même, pour la
somme de...................46,762 1. 4 s.
Le tout ainsi qu'il est plus au long porté aux décrets et états d'estimation respectifs annexés à la minute du procès-verbal de ce jour.
fait connaître à l'Assemblée l'état de santé de M. Lucas, député de la ci-devant province de Bretagne, qui demande un congé de six semaines. (Ce congé est accordé.)
donne lecture d'une lettre par laquelle M. d'Aremberg de la Marck sollicite, pour des intérêts de famille, un congé de dix jours, à partir du 8 du courant. (Ce congé est accordé.)
au nom du comité des finances. Messieurs, j'ai été chargé par le comité des finances de rendre compte à l'Assemblée d'une circonstance relative à l'exécution de vos décrets. Pour vous en rendre compte, je vais lire la lettre adressée au comité le 10 janvier : « Je crois devoir vous engager de nouveau à procurer aux commis des bureaux de l'administration générale du département des finances le payement de leurs appointements sur l'ancien pied, pour le quartier échu le premier de ce mois. Il n'est pas possible que ce payement se fasse autrement, puisque les bureaux sont restés dans l'état où ils étaient ; qu'il convient même de les y laisser jusqu'à l'organisation prochaine du ministère, pour ne pas s'exposer à renvoyer des sujets qui deviendront de plus en plus nécessaires lorsque le pouvoir exécutif aura repris la consistance que la Constitution lui assure. Je vous prie de vous occuper de cet objet le plus tôt possible et de me faire part de l'arrêté pris : ia situation de ces commis qui n'ont que leurs appointements pour subsister devenant chaque jour plus fâcheuse. »> Dans l'exposition de cette lettre, vous voyez que les commis doivent être pavés, parce qu'on les a laissés en place. Votre comité des finances n'a pas hésité de dire qu'ils devraient être payés, quand on a parlé du troisième quartier. Il s'agit du quatrième, et sur le quatrième votre comité n'a pu rien décider sans les ordres de l'Assemblée, parce que vous sentez, Messieurs, que c'est l'exécution d'un décret. Je crois que l'Assemblée dans sa sagesse, laissant les choses en l'état qu'elles sont, peut décider que provisoirement seulement ces commis doivent être payés, sauf à voir en définitive à la charge de qui doit tomber le payement dont il s'agit.
de Saint-Jean-d'Angély). Je désire que l'on rende un décret sur la proposition de M. Vernier; et voici mon motif : au mois d'août dernier, on vous présenta l'état des frais d'administration des départements. Dans celui de l'intérieur,dont M. de Saint-Priest était ministre, vous ordonnâtes des réductions. Les circonstances particulières et l'immensité des travaux dont ce département a été surchargé, relativement à l'envoi des lois, ont empêché la réduction du nombre des employés de ce département. U est incontestable qu'il faut que les commis qui'ont travaillé soient payés pour le quartier échu au 1er janvier, et qu'ils continuent de l'être jusqu'à l'organisation du nouveau ministère; mais cepen-dant'îl ne faut pas que votre comité des finances soit autorisé par vous sans décret à donner nn ordre opposé aux dispositions formelles de votre décret du 7 août. Je demande que vous déclariez par un décret que l'exécution de votre décret du mois d'août dernier sera suspendue jusqu'à l'organisation des bureaux du ministère, en ce qui regarde le nombre des commis. Cette proposition est décrétée comme suit : « L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, décrète : « Que l'exécution du décret du 7 août, sur l'administration générale des départements du ministère, demeurera suspendue à l'égard des commis actuellement en fonctions; et ce, jusqu'à la nouvelle organisation. » L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur le tabac.
,au nom du comité d'imposition. Messieurs, votre comité d'imposition est prêt à reprendre aujourd'hui la discussion sur le tabac dans l'état où vous l'avez ajournée samedi dernier. Il persiste dans les idées qui vous ont été soumises en son nom ce jour-là par M. Rœderer. Les députés des départements du Haut et Bas-Rhin, du Nord et du Pas-de-Calais, ont conféré avant-hier avec M. de Mirabeau au comité diplomatique, et le résultat de cette conférence a été le désir commun qu'il ne fût pas nécessaire d'asseoir pour l'Etat un revenu sur une prohibition de culture et de fabrication contraire aux principes de la liberté que vous établissez. Pendant ce même temps, les travaux de votre cumité des finances se sont avancés ; et dès après-
demain, il doit être en état de vous présenter le tableau des besoins publics pour l'année 1791. Il a bien voulu communiquer son travail à votre comité d'imposition, qui pourra vous soumettre de nouveau les moyens de pourvoir aux dépenses de cette même année, aussitôt que vous en aurez arrêté la somme. Il est prêt à vous donner aussi le reste de son travail et les projets de décret vous seront distribués sous deux jours. Vous ne trouverez entre le nouveau tableau et celui du 6 décembre dernier d'autres différences que celles nécessitées par les décrets que vous avez rendus depuis cette époque, pour les secours à répandre dans les départements, et celles résultant de dispositions nouvelles adoptées par votre comité sur les parties dont il ne vous avait pas encore soumis les détails, et de la revision au calcul de quelques autres. Mais il me chargé de vous annoncer que la liberté de la culture et de la fabrication du tabac subsiste toujours dans son plan ; que le revenu à tirer de cette marchandise consistera dans les droits de douane, dans ceux sur le débit et la fabrication, et dans le produit que procureront les fabriques nationales sans privilège exclusif. Il combinera ces différents droits de manière à présenter au commerce des Etats-Unis d'Amérigue un attrait qui le détermine à faire des ports de France l'entrepôt de ses tabacs en Europe. Ainsi, restituant aux habitants du royaume une liberté dont la plus grande partie était privée, vous trouverez encore une occasion de resserrer les liens qui unissent les Américains aux Français. Mais quelqUè désir qu'ait votre comité d'accélérer votre ïharche sur les objets de Son travail, il ne penée pourtant pas que vous deviez vous occuper aujourd'hui de la question ajournée sur le tab^c, puisque sous peu de jours, ayant sous les yeux d'un côté les besoins de la nation, et de l'autre ses ressources, Vous pourrez vous décider en pleine connaissance. Aussitôt donc que lé comité dés finances vous aura fait son rapport, vous vous livrerez sans interruption aux discussions importantes dont le résultat heureux fondera la confiance publique sur dés bases solides. Votre comité d'imposition vous aunonce avec satisfaction qu'il règne dans tous les départements la plus louable activité pour toutes les opérations relatives à l'établissement des contributions. Nous demandons donc, Messieurs, d'ajourner la question du tabac à un jour prochain, après celui où le comité des finances aura fait son rapport.
(ci-devant Delley d'Agier). Je demande qu'on ajourne après qu'on aura traité toutes les parties de l'impôt.
J'appuie la motion de M. de La Rochefoucauld, et je demande que le décret qui sera rendu aujourd'hui soit irrévocable ; car, Messieurs, déjà nous avions décrété que, après avoir connu nos dépenses et les moyens d'v subvenir, nous nous occuperions de cet objet. Le • comité a fait de l'Assemblée une navette de tisserand, et l'a fait aller de gauche à droite, et de droite à gauche. Je demande donc qu'on adopte ce qui a été proposé par M. de Delley, et je demande encore qu'on ne statue sur aucun impôt qu'après avoir considéré le système de l'impôt en général.
Nous ne pouvons pas nous refuser à ajourner, lorsque notre comité, chargé de cette délibération, s'y réfère et demande lui-même l'ajournement; mais cependant nous connaissons assez les différentes propositions faites par le comité de Constitution pour voir avec effroi que l'on se propose de retrancher de la recette publique un impôt indirect de 30 millions qui doit porter sur les gens riches. Plusieurs membres. Aux voix 1 aux voixl
Sur l'heureux espoir et même sur la certitude qui nous est présentée par le comité de l'imposition, que nous pourrons nous passer du régime prohibitif, je mets aux voix l'ajournement, jusqu à ce que le comité des finances ait donné à l'Assemblée la connaissance du tableau de recette et de dépense. (L'ajournement est décrété.)
au nom du comité des finances. L'objet dont j'ai à vous entretenir, Messieurs, est très intéressant. Vous connaissez les insurrections qui ont eu lieu dans différentes villes du royaume, que la fatalité des circùus-tances a entraînées et nécessitées, pour ainsi dire. Vous aviez pour percepteurs, dans les pays d'Etats, les receveurs ordinaires de ces même pays; vous aviez nommé fermiers de la nation tous ceux qui étaient chargés de correspondre, soit à la régie, soit aUx fermes générales, goit aux traites. De .cette/position, messieurs, naît une infinité de comptes entre ces mêmes fermiers et le Trésor public. Tous ces fermiers vous demandent aujourd'hui une indemnité, et on ne peut se dissimuler que leur demande est juste. Les uns ne veulent compter que de clerc à maître, lés autres prétendent n'avoir rien perçu, et refusent franchement de payer. Dans ces circonstances l'opinion de. votre comité, Messieurs, était de vous proposer un projet de décret en plusieurs articles. Le premier serait d'attribuer provisoirement aux départements la faculté de régler l'indemnité due a chaque fermier. Le "Second article serait de permettre qu'il vous en soit référé, ou d'autoriser encore vos comités provisoirement à adopter l'opinion des corps administratifs.
Messieurs, il paraît que M. le rapporteur n'a pas considéré la question dans toute son étendue; le rapport le plus essentiel à présenter était celui du remplacement dé ces impositions ; car j'ai l'honneur dé vous observer que le mode d'imposition n'étant point uniforme, il y avait une grande partie dés provinces qui ne payaient une partie de leur contribution financière qu'en contributions indirectes, telles que l'Artois et autres. Mon opinion serait donc que chaque département donnât son avis sur la compensation à accorder aux fermiers et qu'il vous présentât, d'une manière additionnelle aux impôts directs, le remplacement de cette contribution à faire sur lui-même.
rapporteur. Les réflexions de M. de FoIIeville sont extrêmement justes ; je demande le renvoi de la question au comité des finances afin que, d'après tin nouveau rapport et l'avis du comité, l'Assemblée puisse statuer en connaissance de cause.
Je demande le renvoi au pouvoir exécutif qui consultera les départements ; et sur l'avis du pouvoir exécutif le comité des finances proposera des décret!. (Le renvoi au comité des finances est décrété.) L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les jurés (1),
, rapporteur. Messieurs, nous en sommes restés hier à l'article 6 (ancien) du titre VIII ; cet article est ainsi conçu : « Les 'juges prononceront ensuite et sans désemparer la peine établie par la loi, ou acquitteront l'accusé, dans le cas où le fait dont il est convaincu n'est pas défendu par elle. » Plusieurs membres 'proposent des amendements tendant: les uns, à ce que les juges ne prononcent qu'après trois jours;) les autres, vingt-quatre heures après. (Ces amendements sont rejelés par la question préalable.) Plusieurs membres demandent des éclaircissements qui sont fournis par M. le rapporteur.
Je demande que la délibération soit prise dans la chambre du conseil et que l'article contienne la disposition suivante : « Les juges pourront se retirer dans la chambre du conseil pour délibérer. »
, rapporteur. J'accepte l'amendement. (L'amendement est adopté.) L'article 6 du projet primitif est décrété comme suit (2) :
Art. 6.
« Les juges prononceront ensuite, et sans désemparer, la peine établie par la loi, ou acquitteront l'accusé, dans le cas où le fait dont il est convaincu n'est pas défendu par elle. U sera libre aux juges de se retirer dans la chambre du conseil pour y délibérer. » Art. 7.
« Les juges donneront leur avis à haute voix en présence du public, en commençant par le plus jeune, et finissant par le président. » (Adopté.) Art. 8.
« Si les juges sont partagés pour l'application delà loi, l'avis le plus doux passera; s'il y a plus de deux avis ouverts, ou si deux juges sont réunis à l'avis le plus sévère, ils appelleront des juges du tribunal de district pour les départager, à commencer par le premier après le président, et ainsi de suite, par ordre du tableau. »
Un membre demande la suppression des mots : « Si les juges sont partagés pour l'application de la loi l'avis le plus doux passera, » en alléguant que si le Gode pénal exprimait la peine du délit, les juges ne devraient pas être divisés d'opinion sur l'application de la lot
(Cet amendement n'est pas adopté.)
, rapporteur, fait observer que ce n'est pas ici le cas de faire entrer des articles de détail, mais qu'il adopte néanmoins la réflexion du préopinant.
(L'article 8 est décrété.)
Les articles 9, 10, 11, 12 et 13 sont décrétés ainsi qu'il suit :
Art. 9.
« Le président, après avoir recueilli les voix, et avant de prononcer le jugement, lira le texte de la loi sur laquelle il est fondé. » Art. 10.
• Le greffier écrira le jugement, dans lequel sera inséré le texte de la loi lu par le président. » Art. 11.
« Lorsque le jugement aura été prononcé à l'accusé, il sera sursis pendant trois jours à son exécution. » Art. 12.
« Le condamné aura le droit de se pourvoir en cassation contre le jugement du tribunal ; a cet effet il sera tenu, dans le susdit délai dé trois jours, de remettre sa requête en cassation au greffier, lequel lui en délivrera reconnaissance* Celui-ci remettra la requête au commissaire du roi, qui sera tenu de l'envoyer aussitôt au ministre de la justice, après en avoir délivré reconnaissance au greffier. » Art. 13.
« Le commissaire du roi pourra également demander, au nom de la loi, la cassation du jugement ; il sera tenu, dans le même délai de trois jours, d'en passer sa déclaration au greffe. »
, rapporteur. L'article 14 est ainsi conçu : Les demandes en cassation ne pourront être fondées que sur la violation des formes prescrites, à peine de nullité, soit dans l'instruction, soit dans le jugement, ou sur la fausse application de la loi. » Un membre propose de remplacer le mot fondées par le mot admises. (Cet amendement est décrété.) L'article 14 est adopté comme suit :
Art, 14.
« Les demandes en cassation ne pourront être admises que sur la violation des formes prescrites, à peine de nullité, Soit dans l'instruction, soit dans le jugement, ou sur la fausse application de la loi. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 15 :
« Les requêtes en cassation seront adressées directement au ministre de la justice, lequel sera tenu, dans les trois mois, d'en donner avis au président, et d'en accuser la réception au commissaire du roi, qui en donnera connaissance au condamné. »
Un membre propose d'ajouter & la fin de l'ar-licle ces mots ; et à son conseil,
(L'amendement est adopté.)
L'article 15 est décrété dans ces termes :
Art. 15.
« Les requêtes en cassation seront adressées directement au ministre de la justice, lequel sera tenu, dans les trois jours, d'en donner avis au président, et d'en accuser la réception au commissaire du roi, qui en donnera connaissance au condamné et à son oonséil. » Art. 16.
« Dans le cas où la demande en cassation aura été présentée par le condamné, elle ne pourra être jugée qu'après un mois révolu, à compter du jour de la reception de la requête; et pendant ce délai, le condamné pourra faire parvenir au tribunal de cassation, par le ministre de la justice, les moyens qu'il voudra employer(Adopté.)
Un membre. Messieurs, avant de passer à l'article 17, il me paraît nécessaire d'insérer un article additionnel. Dans les trois articles précédents les droits de l'accusé et les droits du ministère public, relativement à la cassation, me paraissent entièrement conservés; mais ceux de la partie civile me paraissent absolument négligés. Je crois, Messieurs, que la partie civile doit être admise à se pourvoir en cassation entre le jugement qui réduira ses intérêts civils : Je reconnais en même temps que l'intérêt de la société, qui est absolument distinct, ne doit essuyer aucune altération des procédés de la partie civile. D'après ces considérations, Messieurs, j'ai l'honneur de vous proposer de placer avant l'article 17 un article ainsi conçu :
« La partie civile pourra aussi se pourvoir en cassation contre le jugement, en cequi concerne la réduction de ses intérêts civils, Sans que l'exécution du condamné puisse être différée. »
, rapporteur. G'est une confusion d'idées qui porte le préopinant à proposer cet article; car assurément, je crois qu'il ne voudrait pas soutenir la thèse qu'il propose. De quoi par-lons-nous ici ? nous;parlons du jugement proprement dit. Je ne peux pas copcevoir comment une partie civile aurait intérêt à l'application de la peine au délit. Une vérité qui n'a jamais souffert de difficulté, même parmi les criminalistès les plus rigides, .c'est que la partie civile ne pouvait jamais conclure à dès peines, et que c'était le droit exclusif de la société.
(de Saint-Jean-d'Angély). je suis d'avis de renvoyer cette question au comité. ( Le renvoi au comité est décrété.)
Art. 17.
. « Le tribunal de cassation confirmera ou annulera le jugement. Dans ce dernier cas, il exprimera, dans sa décision, le motif de la cassation, et renverra le procès à un tribunal, criminel. » (Adopté.)
, rapporteur. Je passe l'article 18, attendu qu'il se trouve dan3 le décret sur le tribunal de cassation.
Art. 19, devenu art. 18.
« Le ministre de la justice enverra sans délai la décision du tribunal de cassation au président du tribunal criminel, et au commissaire
du roi, lequel en donnera connaissance à l'ac, cusé. » (Adopté.) Art. 19.
c Lorsque le jugement aura été annulé, l'accusé sera toujours renvoyé en personne devant le tribunal criminel indiqué par le tribunal de de cassation. » (Adopté.) Art. 20.
« Dans le cas où le jugement aura été annulé à raison de fausse application de la loi, le tribunal criminel rendra son jugement sur la déclaration déjà faite par le juré, après avoir entendu l'accusé ou ses conseils, ainsi que le commissaire du roi. » (Adopté.) Art. 21.
« Dans le cas où le jugement aura été annulé à raison de violation ou d'omission de formes importantes dans l'examen et la déclaration du juré, l'accusé ainsi que les témoins seront de nouveau entendus par devant les jurés, qui seront assemblés à cet effet. » (Adopté.) Art. 22.
« Passé le délai de trois jours, mentionné en l'article 16, s'il n'y a point eu de demande en cassation, ou dans les vingt-quatre heures après la réception de la décision qui aura rejeté cette demande, la condamnation sera exécutée. » (Adopté.) Art. ,23.
« Cette exécution se fera sur les ordres du commissaire du roi, qui aura le droit à cet effet de requérir l'assistance de la force publique. » (Adopté.)
, rapporteur,donne lecture des articles 24 et 25.
Art. è4.
« La décision des jurés ne pourra jamais être soumise à l'appel; si néanmoins le tribunal est unanimement convaincu que les jurés se sont trompés, il ordonnera que trois jurés seront adjoints aux douze jurés pour donner une déeision aux quatre cinquièmes des voix. » Art. 25.
« A cet effet, après avoir formé le tableau du juré, il en sera toujours tiré au sort trois de plus, lesquels seront placés séparément dans l'auditoire; ils prêteront serment lorsqu'ils seront requis de se joindre aux autres jurés. »
l'aîné.Je demande, Messieurs, que tout le juré soit renouvelé pour décider si le premier'juré s'est trompé; cette forme est très favorable à l'innocence de l'accusé ; elle ést infiniment moins sujette à inconvénient. C'est ainsi que cela se pratique en Angleterre.
, rapporteur. Cela n'est vrai que dans quelques cas.
l'aîné.Gela est vrai dans tous les cas; j'offre de le prouver par l'autorité de Blakstone. Quand l'exemple des Anglais ne nous apprendrait pas qu'il faut un nouveau juré, la raison nous le dirait assez. Laisser les douze jurés qui paraissent s'être déjà trompés, leur en adjoindre
trois simplement, c'est ne faire rien, Messieurs. C'est une éternelle expérience que tous les hommes tiennent par amour-propre à leur premier jugement; vous aurez donc bean faire délibérer deux fois les mêmes jurés en deux délibérations, ils ne porteront que le même jugement et les trois nouveaux jurés seront impuissants contre les douze autres.
Avant tout, ii me semble qu'il faut décider, oui ou non, s'il y aura un nouvel examen; quant à moi, quoique cette mesure paraisse dictée par l'humanité, je la trouve si contraire aux principes, je la trouve si dangereuse dans la pratique, que je ne peux pas admettre ce nouvel examen par jurés. En effet, les jurés décident exclusivement du fait, les juges appliquent exclusivement la loi. La ligne de démarcation est parfaitement tracée entre les fonctions des jurés et celles des juges. Gomment est-il possible, Messieurs, lorsque la démarcation est si bien tracée, lorsque c'est essentiellement là ce qui constitue l'institution des jurés, comment est-il possible que l'on rende les juges du fait dont ils ne doivent prendre aucune espèce de connaissance, qu'on leur permette de prononcer que les jurés se sont trompés? Et sur quoi? Sur ce qu'ils n'ont pas dû examiner, c'est-à-dire, sur le fait. Avant de savoir, oui ou non, si le juré de revision aura lieu, s'il sera composé de nouveaux jurés ou entier, ou d'addition de plusieurs jurés à l'ancien, je demande que vous mettiez aux voix la question de savoir, oui ou non, s'il sera fait un nouvel examen.
S'il fallait choisir entre les opinions extrêmes de M. Garatet de M. Pétion, c'est celle de M. Garat que je préférerais. Je crois cependant que faire examiner de nouveau le fait par douze nouveaux jurés, c'est s'engager dans ces complications de procédure dont nous avons voulu sortir. Le principe est, à mon sens, que lorsque douze jurés ont prononcé sur un lait il n'y a plus aucun examen à faire; mais la disposition de l'article étant favorable à l'humanité, je demande qu'elle soit décrétée.
Il me semble qu'il serait possible de concilier la pureté des principes prononcés dans l'opinion de M. Pétion avec les vues d'humanité et la plus grande infaillibilité qui résulte de l'article du comité, ce serait que l'adjonction des trois nouveaux jurés eût lieu avant et non pas après la déclaration du juré; je veux dire, que toutes les fois que dans les douze jurés il n'y aurait pas unanimité pour la condamnation ni trois voix pour l'absolution, c'est-à-dire, quand il y en aurait seulement une ou deux pour l'accusé, alors avant que la prononciation eut lieu que le juré eût donné son verdict, il fût obligé d'appeler les trois autres jurés. (Murmures.) De là résultera que l'erreur de quelques personnes pourra être également réformée, et que cependant le jugement, la déclaration, le verdict du juré ne sera jamais réformé, parce qu'il ne l'aura pas donné avant l'adjonction des trois personnes. Et je vous représente, Messieurs, que s'il arrive qu'après que les douze jurés auront donné leur déclaration contre l'accusé, et qu'au moyen de l'adjonction des trois personnes, l'accusé soit absous par le second jugement, alors l'institution du juré aura subi un grand échec; alors l'infaillibilité sera détruite dans l'opinion. Vous éviteriez cet effet-là, si vous vouliez opérer cette adjonctiou, quand il y aurait une ou deux voix contre la déclaration du juré.
J'observe à l'Assemblée que la proposition de M. Barnave est absolument conr traire à l'esprit qui semble avoir dicté l'article à votre comité; l'on ne peut pas accuser votre co-* mité de n'avoir pas cru à l'infaillibilité des jurés. Quant à moi, je ne crois nullement àcette infaillibilité, je ne sais ce que c'est que cette pureté de principes qui repousse constamment des dispositions que la justice et l'humanité réclament : et je ne puis penser qu'il soit dans l'intention de l'Assemblée nationale qu'un jugement du juré soit comme la fatalité aveugle et irrémissible. Je demande donc qu'on adapte l'article du comité, et que toutes les fois que l'unanimité des juges aura trouvé que le prononcé du juré est faux, le second examen soit recommencé, en ajoutant trois nouveaux jurés ; et je me réunis à l'article du comité. (L'Assemblée ferme la discussion et adopte les articles 24 et 25 du comité.)
Art. 26, '
« Le silence le plus absolu sera observé dans l'auditoire ; les témoins et les défenseurs de l'accusé seront, tenus de s'exprimer avec décence et modération. Si quelque particulier s'écartait du respect dû à la justice, ie président pourra le reprendre, le condamner à une.amende, çt même à garder prison jusqu'au terme de huit jours, suivant la gravité du cas. ».(Adopté.).
, rapporteur, donne lecture de l'article 27, ancien article 28 du projet du comité, qui est ainsi'conçu : « Lorsqu'un accusé aura été acquitté, il pourra présenter requête pour obtenir de la société une indemnité, sur laquelle requête il sera statué par le tribunal criminel. » Plusieurs membres obtiennent successivement la parole sur cet article : les uns demandent que l'indemnité soit accordée par la société à tout accusé acquitté qui aura été poursuivi sur la clameur publique; d'autres, par le juré d'accusation et de jugement; d'autres, par les officiers; un autre, que la société accorde l'indemnité, sauf à se pourvoir par devers le dénonciateur, s'il én a lé moyen. (La question préalable est demandée sur ces amendements-et n'est pas appuyée.)
Messieurs, l'article est incomplet; il n'est pas doUteux que, dans certaines circonstances, il est de la justice de la société d'accorder à l'accusé acquitté une indemnité ; mais il ne faut pas laisser incertains les droits de l'accusé à cet égard : il ne faut pas que le jugement, en pareil cas, soit arbitraire. Comme l'article est incomplet, je demande que l'article soit ajourné et renvoyé au comité. (Ce renvoi est décrété.)'
Art. 28.
« Le tribunal criminel sera compétent pour connaître des intérêts civils, résultant des procès criminels. »
l'aîné. Le tribunal qui a assisté à tout le procès peut seul en bien juger les dépendances; je demande qu'on ajoute à l'article ces mots : et pour y statuer en dernier ressort.
(de Saint-Jean-d1 Angêly). Il est impossible que vous adoptiez la proposition qui vous est faite : pour statuer en dernier ressort. Vous avez voulu qu'il y eût deux degrés de juridiction t de quelque sourde que dérive l'action d'ud individu, c'est une action simple, une action civile, qui doit être portée devant les tribunaux civils. Je demande que, pour statuer sur l'amendement qui est proposé, on renvoie l'article au comité. (Cette motion n'est pas adoptée.) (L'article 28 eBt décrété avec l'amendement de M» Garat.)
J'ai reçu de M» le maire de Paris la lettre suivante :
* Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de Vous prévenir que la municipalité a fait hier l'adjudication de si* maisons nationales, situées, la première, rue des Fontaines, louée 6,218 livfeâ, estimée 75,425 livres^ adjugée 106,100 livres; la seconde, rue Saint-Martin, louée 900 livres, estimée 29,250 livres, adjugée 62,600 livres; la troisième, rue Baillif, Ibuée 2,500 livres, estimée 22,700 livres, adjugée 42,000 livres; la quatrième, enclos Saittt-Martin, louée 1.064 livres, eBtimêé 7,760 livres, adjugée 20,000 livres ; la cinquième, rue Croix*des«Petits* Champs, louée 2,800 livres, estimée 45,000 livres, adjugée 79,000 livres ; la sixième, enclos Saint-Martin, Ibuee 1,200 livres, estimée 8,800 livres, adjugée 26,100 livres,
« Je sois avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : Bailly. >
Messieurs, on est effrayé de tous côtés des progrès que fait l'usage atroce dutduel : il déshonore nos mœurs et notre liberté \il peut produire les plus funestes effets chez un peuple entièrement armé. {Murmures.) Que m'importent les murmureô quand je soutiens une demande conforme à là raison et favorable à l'humanité ! On répand le bruit que des spadassins ont formé le projet de provoquer en duel quantité de bons citoyens (Rires à droite) ; une grande inquiétude règne à ce sujet dans les campagnes. Je crois en conséquence qu'il est de mon devoir de demander que l'Assemblée ordonne à son comité de Constitution de présenter incessamment un projet de décret sur le duel dans le plus court délai. (Celte motion est décrétée.)
J'invite les membres de l'Assemblée à se retirer dans les bureaux pour procéder à l'élection de six adjoints au comité du commerce et d'agriculture» L'ordre du jour de la séance de demain sera la suite de la discussion sur les jurés. (La séance eét levée à deux heures trois quarts^)
Développement de l'opinion de M. de Mirabeau l'aîné, concernant le revenu public à établir sur la consommation du tabac (i).
J'ai avancé, daus mon opinion sur le projet du comité, que le droit de 2 I. 10 s. par quintal, qu'il propose d'établir sur l'importation libre du tabac, en Framce, ne rendrait pas plus de 300 à 400,000 livres ;
Que les taxes, d'ailleurs évidemment impraticables sur les fabricants et les débitants, ne donneraient qu'un revenu d'environ 2,400,000 fi] Qu'il était donc impossible de supposer, avec le comité, que ce double produit pût s'élever à 8 millions;
Enfin, qu'il serait facile de concilier avec le véritable intérêt de l'agriculture et du commerce la conservation d'un impôt d'environ 30 millions sur la consommation du tabac.
On a paru désirer |ue je fisse connaître les bases dé mes calculs; je vais donner ce dévelop* pement à mou opinion»
M. Rœderer, rapporteur du comité des impositions, m'a préposé, ett ces termes, les questions auxquelles je dois répoudre :
Que M. de Mirabeau veuille bien joindre à son déciret deux calculs pour établir, ywi, quel produit il espère, pour la présente année et pour la prochaine, du régime qu'il propose.
L'autre, quel produit il espéré dé cé régime pour les années suivantes.
Je distingue les deux temps, le présent et l'avenir,, parce qu'il y a des obstacles actuels et des obstacles perpétuels.
Actuels : ce sont, 1* tu contrebande déjà vetsie dans le royaume f 2° Le tabac qui y a été Cultivé. Perpétuels : te sont, ld la\suppression des Hgueuts pénales »
2° La suppression des visités domiciliaires; 3° La~ suppression des barrières intérieures; Ces trois suppressions font perdfè toute la garantie que Voh avait dans l'ancien système pour la Conservation des ptvduits.
Avant de répondre à ces questions, je dois établir par des calculs que l'impôt tel que lé propose le comité, au lieu de fournir 8 millions, ne produirait qu'environ 2,800,000 livres.
1° Le droit de 2 l. 10 s. par quintal, sur le tabac importé, ne produira pas plus dé d à 400,000 livres.
Je le prouvé de cette manière. Il est possible d'abord, et ce serait un très grand mal, que la manie de cultiver du tabac prît au point que nous n'eussions besoin d'aucun tabac étranger; et dès lors, il n'y atorâit ni importation de cette denrêé, ni commercé avec l Amérique, ni perception de droit» Cette supposition est d'autant plus facile à admettre que, selon le comité, 40.u00 arpents de terres à tabac suffiraient à toute la consommation du royaume.
Dans cette première hypothèse, le droit de 2 1. 10 s. par quintal ne serait donc d'atieufi produit.
Je suppose maintenant qu'où importât du tabac, en France, pour le tiers de notre consommation, Ce qui ne pourrait avoir lieu qu'âveô un droit
très modique. Quel serait alors le produit de cette branche de revenu?
Le rapporteur du comité reconnaît que 20 millions de livres de tabac fabriqué suffisent à toute la consommation du royaume; et j'ajoute un tiers à cette quantité pour compenser le décret de la fabrication.
D'après cette base, l'importation du tabac en feuilles serait de 10 millions de livres, ou de 100,000 quintaux.
Or, 100,000 quintaux à 2 1.10 s. font............................ 250,000 liv.
J'ai porté cette somme plus haut, parce que j'ai supposé que notre consommation pourrait s'élever à 24 millions de livres; et j'admettrai, si l'on veut, cet excédent pour.... 100,000
Total.......... 350,000 liv.
Mes calculs sont donc exacts, lorsque j'évalue le produit du droit d'importation à 300 ou 400,000 livres.
On m'a fait observer, depuis que f ai prononcé monopinion, que le comité proposai t un droit de 50 livres par quintal, et non de 50 sols; et en effet, M, Rœderer a parlé de 50 livres. Mais j'ai pris cela pour une erreur, ne pouvant pas supposer qu'il pût entrer dans sa pensée d'exiger un droit de 50 livres par quintal, sur une denrée qui ne vaudrait, chez nous, que 10 livres. S'il n'avait eu, en cela, pour objet, que d'empêcher entièrement l'introduction du tabac étranger, autant et mieux valait-il la prohiber. A 2 1. 10 s. par quintal, le droit pourrait rendre quelque chose : à 50 livres U ne rendrait rien du tout; et dès lors, mes calculs sont bien plus vrais.
Le produit des taxes est donc le véritable impôt que propose le comité.
Or, je soutiens qu'en admettant la liberté de la culture du tabac, le produit des taxes auxquelles on voudrait assujettir le droit exclusif de fabriquer et de vendre cette denrée ne produirait qu'environ 2,800,000 livres.
Pour arriver à ce résultat, j'ai supposé qu'un pareil privilège serait impossible à maintenir, au milieu des facilités que la liberté de la culture donnerait aux fraudeurs, s'il y avait plus de 20 0/0 à gagner pour ceux qui vendraient le tabac, sans s'assujettir aux taxes.
Voyons maintenant ce que produirait le 20 0/0.
Le tabac en feuilles, acheté à 25 livres le quintal, revient à la ferme,! tout préparé, à 13 sous la livre, à cause du déchet et dés frais. Il reviendrait à 10 sous la livre, si les deux tiers de la matière première ne coûtaient que 10 livres le quintal? Ainsi le prix total des 20 millions de livres à consommer ne s'élèveront qu'à 10 millions.
Le 20 0/0, sur 10 millions, c'est 2 millions; et j'ajoute 400,000 livres de plus, parce que je suppose que la consommation du tabac peut être portée à 24 millions de livres.
On voit que je renonce à déduire tout ce qui serait fabriqué et débité par la régie que le comité déclare exempte des droits de taxe, ce qui pourtant ferait tomber tous les privilèges particuliers, et réduirait à rien le produit des taxes.
Je vais plus loin, et je dis qu'une taxe, même de 40 0/0 sur la Valeur, ne produirait pas davantage, puisqu'il est impossible de ne pas supposer que la moitié des habitants du royaume échappe-
raient à la taxe, en fabriquant du tabac pour leur usage.
Je n'ai parlé jusqu'ici que du pian du comité, et il me demande des calculs relatifs à mon système.
Il désire que je distingue avec soin le produit actuel d'un impôt sur le tabac, de son produit à venir : pour moi je n'attache presque aucune importance à cette distinction ; car fût-il vrai que pour une année seulement, la recette d'un impôt dût être beaucoup moindre par des circonstances particulières, il ne faudrait pas conclure pour cela que l'on dût y renoncer, si d'ailleurs il tenait lieu d'une autre imposition qui serait beaucoup plus onéreuse. Je répondrai cependant à tous les détails ; mais je dois, avant tout, fixer le produit d'une année commune; nous examinerons ensuite si la recette de cette année et de la suivante doit être aussi médiocre qu'on le suppose.
Je prends pour base l'année 1/88, et voici des calculs sur l'exactitude desquels on peut compter :
Les produits bruts de la vente exclusive du tabac ont monté à............................. 81,034,4951.16s. » d.
Les frais d'achats de matière, de fabrication et autres de ce genre ont été de 10.354.6541.17 s,7d.^
La dépense en irais de garde, de régie et de remises a
été de... 7,177,8371.11 s. 4 d.j
17,532,4921. 8 s. 11 d.
De cette part... .......... 33,502,0031.7s.s.Id.
Mais sur cette dernière somme, quatre millions ont été employés pour ia garde des frontières, celte partie des frais ne devra plus être comptée à l'avenir.
Sans la déduire il y a eu un produit net de................... 33,502,003 L 7 s. 1 d.
Et en la déduisant, puisque la perCerption des traites rénd déjà là garde des frontières indispensable, le produit
serait de............. 37,502,003 1. 7 s. 1 d.
Prenons donc cet exemple pour base; et voyons si la réduction du prix de 5 sous l'once, à 3 sous l'once, permettra dé porter le produit de l'impôt du tabac à 30 millions, ainsi que je l'ai annoncé .
En 1788 la recette, dont jfe VieniS de parler, a été faite par la vente de 15,277,000 livres pesant de tabac : or, d'après ce fait vérifié, il ne s'agit que de savoir si 2 cinquièmes de moins dans le prix du itabacne seront pas compensés en partie par une consommation plus forte. Je le prouverais au besoin par ce seul calcul : le comité suppose qu'il se consomme en Frauce 20 millions de livres de tabac. Je disais donc : si 15,277,000 livres pesant ont produit, à 5 sous l'once, 37,502,003 1. 7 s. 1 d., 20 millions de livres produiront certainement, à 3 sous l'once, 29,457,6171.8 s., c'est-à-dire 49,096,029 livres, moins les 2 cinquièmes de cette dernière somme.
Je n'ai pas besoin de prouver que la vente pourra s'élever à 20 millions de livres, le comité en convient ; mais il est facile de montrer qu'on peut la porter beaucoup plus haut. Quelques données faciliteront ce calcul.
1° En 1788, la vente exclusive n'avait point lieu dans les ci-devant provinces d'Alsace, de Flandre, de Hainaut, d'Artois, de Cambrésis et Franche - Comté. Il faudra donc ajouter aux 15,277,000 livres de tabac vendues en 1788 presque toute la consommation de ces provinces;
2° A cette époque, la franchise de Lorientet de Dunkerque, et celle de Bayonne et de son territoire, diminuaient considérablement les ventes de la ferme dans la Bretagne, le pays de Labour, la Biscaye et le Béarn, sur les frontières de la Picardie et sur les eôtes de la Normandie. Or, la franchise de Lorient n'existe plus, et Bayonne ainsi que Dunkerque pourraient être soumis à la vente exclusive du tabac;
3° On a toujours évalué l'introduction du tabac en fraude à un dixième de celui qui était vendu par la ferme. Or, la réduction du tubac de 5 sous à 3 sous diminuera au moins la contrebande de moitié ;
4° La diminution du prix du tabac en augmentera nécessairement la consommation dans tout le royaume, au moins d'un sixième;
5° Enfin, s'il fallait juger de la consommation totale du royaume par celle de plusieurs provinces où le tabac est à moindre prix, on pourrait l'évaluer à une livre par individu, en sùpposant un consommateur sur 8 personnes qui ne le sont pas, et 8 livres de tabac par chaque consommateur. La vente serait alors de 25 millions de livras, et le produit net à 3 sous l'once serait de 36,822,0191.5 s. La consommation de la Bretagne excède une livre par individu.
Je n'ai donc exagéré aucun des calculs, lorsque je n'ai porté le produit de cet impôt qu'à environ 30 millions.
Il me reste à répondre aux différentes questions du comité.
Première question. — Quel produit pourra-t-on retirer de la vente exclusive du tabac en 1793, et dans les années suivantes ?
Je viens de répondre à cette question.
Deuxième question. — Sur quel produit peut-on compter pour la présente année et pour la prochaine?
Il est facile de prouver que cette branche de revenu sera de plus de 25 millions pour cette année, et de plus de 28 millions pour la suivante.
Je donne comme un fait certain que le produit brut, pour l'année 1790, a été de... 29,826,171 1. 18 s. 5 d.
Il faudrait retrancher environ le tiers de cette somme en frais de garde, de fabrication, de régie et de remise pour
avoir le produit net, ci......
9,942,057 1. 6 s. 1 d.
Mais j'en déduis 4 millions pour la garde des fron-tière s, puisque la nation suppor-ter ait é-galement cette dépense, si l'impôt surleta-
[!•' février 1791.) 742
bac était supprime, ci. 4,000,000 1. » »
Reste
eu frais. 5,942,057 1. 6 s. 1 d. 5,942,057 L 6 s. 1 d.
Le produit de 1790 serait donc de.......................... 23,884,114 1. 12 s. 4 d.
Et cependant il est impossible de supposer que la contrebande puisse être plus active , et les moyens de résistance plus complètement abandonnés qu'ils l'ont été pendant cette année.
Il est facile de justifier pourquoi je porte au moins à 1,200,000 livres de plus le produit de 1791, malgré la réduction du prix du tabac de 5 sous à 3 sous. Les corps administratifs, quand l'impôt sera décrété, ne refuseront pas leur concours pour empêcher l'introduction et le débit des tabacs de contrebande. La baisse du prix augmentera la consommation. L'achat que fera la régie de tous les tabacs des provinces ci-devant privilégiées ne permettra plus aucun versement frauduleux; et les ventes seront encore augmentées de toute la consommation de ces provinces.
Je ne parle pas de l'année 1792, car, si en 1791 le produit peut s'élever à 26 millions, il est évident qu'il s'accroîtra chaque année.
troisième question. — Comment peut-on parer aux deux obstacles actuels du produit, qui sont la contrebande, maintenant versée dans le royaume, et le tabac qui y a été cultivé?
Réponse. — 1° On n'a cultivé du tabac que dans les provinces ci-devant exemptes. A cet égard, l'ancien état de choses n'est donc point changé. Mais, quoique dans mon système je laisse subsister les plantations de tabac dans ces provinces pendant six années, le produit de l'impôt en souffrira benucoup moins, puisque j'y introduis la vente exclusive du tabac préparé, et que je force la régie à acheter toutes les récoltes des habitants sur leur déclaration, et à un prix plus haut que le prix commun des six dernières années. Le comité doit trouver bien peu d'inconvénients dans cette mesure, puisqu'il voudrait la rendre commune à tout le royaume, et distinguer partout le droit de cultiver du droit de fabriquer et de vendre.
2° La contrebande déjà versée sera sans doute un obstacle au produit; mais d'abord elle a déjà porté son coup en grande partie. Elle diminuera par la vente forcée des tabacs des provinces exemptes; par la faveur qu'obtiendra la régie lorsqu'elle sera regardée comme une administration nationale; par la baisse du prix de son tabac; enfin par le dépérissement du tabac de contrebande, qui, étant de la plus mauvaise qualité, se détériore et pourrit chaque jour.
Nous supposons que, pour celte année, la contrebande soit encore plus forte de moitié que dans l'ancien régime, où, malgré les versements des provinces privilégiées, on ne l'évaluait qu'à un dixième des ventes, la perte du bénéfice sur2 millionsde livres de tabac de moins ne ferait, à 3 sous l'once, et déduction faite dé 13 sous par livre, que 3,500,000 livres. Or, certainement c'est porter la contrebande bien haut; car il ne faut pas croire que les versements frauduleux n'aient pas été contrariés; on a même fait des saisies très considérables; et si cela n'était point ainsi, comment le produit net de la vente exclusive de 1790 s'élèverait-il à plus de 23 millions?
Quatrième question. Comment pourrw-t-on remédier à plusieurs obstacles perpétuels du produit, tels que la suppression des rigueurs pénales, Vimpossibilité des visites domiciliaires, et Vanéantissement des barrières intérieures des traitest
Je réponds d'abord à ce dernier point :
1° Lés barrières intérieures n'étaient établies que pour les traites, et n'avaient aucun rapport avec ie tabac ;
2° Il n'y aurait pas non plus de barrières intérieures dans le système du comité; et cependant il croit pouvoir concilier la liberté de la culture et du commerce du tabac avec deux ou trois mille privilèges exclusifs de le fabriquer et de le vendre ;
3° Il en sera du tabac comme des traites pour les marchandises, ou prohibées, ou soumises à des droits. Si l'impôt sur le tabac ne peut pas être assuré, le droit sur les traites ne saurait l'être ;
4° L'introduction du tabac en grande masse est encore plus facile à découvrir que celle de toute autre marchandise prohibée.
Visites domiciliaires. — Même sous l'ancien régime, on en faisait très rarement; et il s'est passé des années sans qu'on en fît une seule dans de très grandes villes. Elles deviendront encore moins nécessaires, par la suppression du privilège des provinces exemptes, qui doublait en quelque sorte les points à garder, et rendait la .contrebande cent fois plus active qu'elle ne le sera sous le nouveau régime. Il ne s'agira pour l'avenir que de garder rigoureusement les frontières.
Il est d'ailleurs des fraudes inévitables qu'il ne faut pas compter, puisque je les retranche du produit; et, en bornant les visites au seul cas d'approvisionnement, en exigeant même alors que la visite soit autorisée par la présence d'un officier municipal, il sera très facile de concilier la liberté publique avec la surveillance qu'il faut pourtant accorder à la perception des impôts. Les visites domiciliaires déterminées par la loi sont admises en Angleterre.
Suppression des rigueurs pénales. — Je la réclamerai si le comité ne la demandait pas; elle ne contrarie en aucune manière mon système ; mais si les peines sont plus douces, le produit de l'impôt ne sera-t-il pas diminué par une contrebande plus forte? Voilà ce que je n'admets point, parce que dans mon plan une foule de causes particulières s'opposeront à la contrebande et rendront les peines inutiles.
La première source de la fraude était le prix excessif de la ferme. Cette cause cessera. On n'aura de même plus à craindre les versements des provinces libres presque partout enclavées dans des provinces sujettes à la vente exclusive; et telle était la position de l'Alsace relativement à la Lorraine; de l'Artois, du Hainaut et du Gam-brésis, relativement à la Picardie, au Soissonnais et à la Champagne; enfin de la Franche-Comté, par rapport à la Lorraine et à la Bourgogne. On n'aura donc plus à se garder à l'avenir que des étrangers et l'on aura de fortes barrières.
Or, montrer qu'en grande partie le délit cessera, c'est répondre certainement à l'objection tirée de la nécessité des peines. Cette objection d'ailleurs poussée trop loin serait commune aux traites, et faut-il donc renoncer aussi aux produits des traites? Il est évident que par une contravention tout à la fois moins fréquente,
moins facile et moins nuisible, les simples amendes avec contrainte par corps suffiront.
Enfin, n'oublions jamais le point d'où nous sommes partis daus cette discussion, c'est que le comité avoue qu'ii a besoin d'un impôt sur le tabac. Si, pour discuter cette assertion, il était encore temps de refondre tous les plans du comité, et de remonter à d'autres principes, peut-être et probablement ne serais-je pas de son avis, et certes, il n'y a que la nécessité la mieux démontrée qui puisse justifier la prohibition de tel commerce et de telle culture. Mais, je n'ai été appelé à partir que des bases du comité. Qu'il déclare que la situation de nos finances nou3 permet de nous passer de ces 30 millions, provenant de la consommation du tabac; qu'il déclare surtout que tous les autres impôts seront plus équitables, et toute polémique entre nous cessera. Je ne craindrai plus alors que la culture soit libre, étant bien assuré que presque personne ne cultivera, et que nos relations avec l'Amérique septentrionale ne seront point anéanties.
4 février 1791.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
Un membre fait lecture d'une lettre des officiers municipaux de la commune d'Aix à M. le Président de l'Assemblée nationale, contenant le détail des bons traitements que reçoivent les détenus dans les prisons de cette ville relativement aux événements qui l'ont affligée le 12 décembre dernier.
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention de cette lettre dans le procès-verbal.)
J'ai reçu de M. le garde des sceaux la note suivante :
« Le roi a donné sa sanctionne 26 du mois dernier :
« 1° Au décret de l'Assemblée nationale du 21, relatif à l'instruction sur la Constitution civile du clergé.
« 2° Le 20. au décret des 22, 23 et 24 décembre 1790, et 16 janvier dernier, sur l'organisation de la gendarmerie nationale.
« 3° Au décret du 23, relatif aux lieux où se tiendront provisoirement les séances de deux tribunaux du département de Paris, et aux emplacements à donner aux 6 tribunaux de ce département.
« 4° Au décret du 28 du même mois, relatif à l'élection des membres qui composeront le tribunal de cassation.
« 5° Ët le 30 au décret du 16 octobre dernier, concernant les édifices et
bâtiments qui servaient
« 6° Au décret des 19, 21 octobre et 9 novembre, relatif au canal de navigation proposé par le sieur firulée.
« 7° Au décret du 2 décembre, relatif à la suppression de diverses indemnités.
« 8° A dix décrets du 13, concernant la vente de biens nationaux aux municipalités d'Ebarres, Billon, la Guillotière, Nogent-sur-Seine, Savigny-lès-Beaune, Chasselas, Cessey, Sugères et Ghes-sey.
« 9° A cinq décrets du 16, concernant pareilles ventes aux municipalités de Varrois et Ghignot, Bourges, Messas, Bayonne et Athée.
« 10° A cinq décrets du 17, concernant pareilles ventes aux municipalités de Traignes, Orléans, Janville, Hamel et Saint-Léonard.
« 11° Au décret du 27, concernant pareille vente à la municipalité d'Aigue-Perse.
« 12° Au décret du 31, concernant pareille vente à la municipalité de Beauvais.
« 13° Au décret au 23 janvier, relatif aux parties de rentes et autres charges de pareille nature de 12 à 20 livres de produit, remboursables à la caisse de l'extraordinaire.
« 14° Au décret du 24, relatif à la perception, au profit de la commune de Strasbourg, de la moitié des droits perçus sur le débit en détail des boissons.
« 15° Et enfin, au décret du même jour, concernant les communes de Royaunais.
» Le siège de l'administration du département des Basses-Alpes;
» La nomination des juges de paix et l'établissement de tribunaux de commerce dans quelques villes et cantons.
» Le ministre de la justice transmet à M.le Président les doubles minutes de ces décrets, sur chacune desquelles est la sanction du roi.
Signé:M. L. F. Duport.
Paris,le
, au nom du comité d'aliénation, propose de vendre et l'Assemblée déclare vendre aux municipalités ci-après, les biens mentionnés dans les différents états annexés à la minute du procès-verbal de ce jour, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, payables de la manière déterminée par le même décret ;
Savoir t
A la municipalité d'Angers, département de Maine-et-Loire, pour................. 385,935 1.
A celle de Tours, département d'Indre-et-Loire...... 375,529
A celle de Ruan, département du Loiret.............. 176,265 12 d.
, au nom du comité d'emplacement des tribunaux et corps administratifs. Messieurs, je viens proposer à l'Assemblée non pas de loger, mais de déloger un département. (JRim.)Le directoire de la Corrèze vous demande, non pas d'être autorisé à acquérir, mais d'être autorisé à avoir acquis. Cette proposition a toute la fraîcheur de la nouveauté, et il en résulterait que le Corps législatif ne serait plus, en quelque sorte que l'instrument passif des directoires, et qu'il ne lui resterait qu'une sanction de cérémonie à leur accorder. L'article 6 des décrets du 17 octobre porte : « Que chaque directoire enverra à votre comité de l'emplacement un mémoire expositif de ses vues, et y joindra un plan et devis estimatif, contenant l'étendue de l'édifice qu'il jugera lui convenir. Gette disposition dictait assez aux corps administratifs la marche qu'ils avaient à suivre; et il est assez sensible que, si elle n'a pas été conçue par eux, c'est qu'ils n'ont pas voulu la concevoir. Leur premier pas a dû être d'examiner quel était l'édifice national qui pouvait convenir le mieux à leur établissement. Cela fait, ils devaient charger un architecte d'en dresser ie plan et le devis estimatif des arrangements intérieurs nécessaires au placement des bureaux, et ensuite les adresser au comité, avec une pétition pour se faire autoriser à acquérir ou à louer. Une grande idée d'économie devait présider à cet établissement surtout dans les départements où les administrés sont loin de l'opulence. Le rapport de votre comité de l'emplacement portait les expressions suivantes : « Une économie sévère doit être pour les corps administratifs une jouissance, en même temps qu'elle est un devoir, parce que chaque fois qu'ils vont au delà du besoin, ils commettent un vol envers les malheureux ; parce que la liberté commence à se compromettre, le jour où elle permet au faste de pénétrer dans la modeste demeure.....» L'article 10 d'un décret du 2 septembre renferme une exhortation non moins remarquable ; en voici lès termes : « Le Corps législatif fera imposer annuellement sur chaque district les dépenses du corps administratif et du tribunal qui y seront établis : VAssemblée nationale les invite à régler avec économie celles qui les concernent, et à se distinguer à l'envi par cette simplicité patriotique qui fait la décoration des élus du peuple »... Le vœu bien évident de l'Assemblée était d'établir entre eux la plus touchante des rivalités, et de les conduire à disputer d'économie et de simplicité. Plus d'un exemple est venu nous apprendre qu'il était difficile de ne pas perdre sur cet article l'erreur de l'espérance, si l'Assemblée ne prend des mesures sévères et promptes. 1° Il est aussi nécessaire qu'instant de décréter qu'aucun corps administratif ne pourra faire une acquisition quelconque sans l'autorisation du Corps législatif : si vous n'usez de cette précaution, les départements iront loin : ils ont en général une tendance très décidée à envahir des pouvoirs qui ne peuvent être à eux et à s'établir sans la plus petite cérémonie dans les édifices nationaux les plus vastes, et ils préfèrent communément ceux qui ont de très beaux jardins. A cet égard, je désirerais que le Comité de santé fût chargé de faire un rapport pour déterminer jusqu'à quel point le grand air est nécessaire à l'esprit des administrateurs. 2° Il est d'une égale nécessité de prononcer dans les termes les plus exprès, qu'ils ne pourront même s'établir provisoirement dans un édifice national quelconque, qu'après avoir reçu l'attache du Corps législatif. Le motif en est palpable : on connaît bien l'instant où un corps administratif entre dans un édifice national ; mais celui où il est possible de l'en faire sortir n'est pas aussi connu. D'ailleurs c'est un édifice condamné par le fait à être invendu ; car quel est le citoyen qui cherchera à évincer un corps administratif? La nation se trouve donc réduite à recevoir un
faible loyer, que des experts évaluent à peu près au gré du directoire.,... Ces deux mesures prises, reste à examiner quelle est la valeur de l'adjudication passée au profit du directoire de ia Corrèze : son procédé ne peut évidemment se soutenir devant vos décrets ; tout s'unit pour faire déclarer nulle cette adjudication..... Chose étrange! ce directoire commence à acquérir sans savoir où il puisera pour payer ; et il avoue lui-même que le département est pauvre. L'acquisition faite, il nous ouvre son trésor indigent et nous dit : Le premier terme approche, vous voyez cependant quelle est la nullité de mes finances ; mais pour cela ne me laissez pas manquer à mes engagements, parce que cela est contraire à l'honnêteté. La disette d'argent, peut-on lui répondre, est un motif de plus qui vous commandait de recourir à l'autorité du Corps législatif, que vous ne semblez n'instruire de votre acquisition que parce que vous ne savez comment voufr acquitter. Quant à présent, dès qu'il n'y a pas d'autorisation, on ne peut disposer qu avec une sainte avarice de l'o-Dole du pauvre ; qu'ils craignent qu'en les voyant habiter des édifices somptueux, il ne s'écrie dans ses moments de détresse : die ut lapides isti panes fiant ; qu'ils sentent enfin que la simplicité, que nous leur recommandons si instamment, sied autant à la liberté, que la discrétion à la bienfaisance, que la modestie au mérite, et si je n'étais pas législateur, j'ajouterais, que la pudeur sied à 1 amour. Voici le projet de décret : « L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement des tribunaux et corps administratifs, déclare qu'aucun corps administratif ne peut faire aucune acquisition sans l'autorisation préalable du Corps législatif; en conséquence, que l'adjudication faite le 29 décembre dernier, au profit du directoire du département de la Corrèze, pour une somme de 20,000 livres est nulle, sauf au directoire dudit département à se pourvoir, pour son établissement, suivant les formes prescrites par l'article 6 du décret du 16 octobre dernier. « L'Assemblée nationale décrète, en outre, que les corps administratifs, après avoir délibéré définitivement sur le choix du lieu de leurs séances, et autres objets accessoires, ne peuvent s'y établir, même provisoirement, qu'après avoir adressé à l'Assemblée nationale un mémoire expositif de leurs vues, la description écrite du local, et le devis estimatif énoncé en l'article 6 du même décret, pour ensuite être'autorisés, par le Corps législatif, à acquérir s'il y a lieu».
(1). Je demande que la capitale commence par donner l'exemple.
Je demande au'oa mette : sans autorisation préalable et que le décret soit commun à tous les départements qui ne sont point autorisés par le Corps législatif.
Je demande, Monsieur ie rapporteur, comment vous considérez ceux qui, sans l'attache de l'Assemblée nationale, seront déjà logés. Ils sont établis actuellement; ils se sont prévalus d'un décret que vous avez rendu; qui autorise provisoirement les directoires à faire une dépense de 10,000 livres et les districts jus- qu'à concurrence de 1,000 écus. Ils se sont établis dans des édifices nationaux ; ils y sont. Il faut prendre garde de mettre le décret que vous allez rendre en contradiction avec celui que vous avez rendu et avec ce que la nécessité prescrit.
, rapporteur. Le décret dont parle Monsieur est du 2 septembre et celui que j'invoque est du 16 octobre dernier. Il a développé, expliqué ce qu'avait d'imparfait le décret du 2 septembre, qui avait pour but, non dè loger, mais de ne pas faire déloger les départements qui, d'après la loi de la nécessité, se sont établis provisoirement et pour ne donner à votre loi aucun effet rétroactif.
Puisqu'il est question des départements qui se sont ainsi logés, je demande que, dans le décret, on ajoute que ceux qui se sont emparés de quelques maisons ou communautés pour leur directoire, sans y être autorisés par le Corps législatif, soient tenus d'en payer ie loyer.
Je demande que l'Assemblée adopte le projet de décret tel qu'il lui est proposé et que le comité soit chargé de présenter à l'Assemblée, relativement à ceux des départements et districts qui se sont emparés de maisons nationales, un décret général. (Le projet de décret et la motion de M. de Choiseul-Praslin sont adoptés.)
, au nom du comité de judicature (1). Messieurs, vous avez adopté un projet de décret par lequel vous avez dit que les gages des officiers de judicature seraient acquittés jusqu'au 1er janvier 1791. Ce décret ne peut point recevoir d'exécution relativement aux municipalités, parce qu'il ne comprend pas nommément les municipalités, les ci-devant hôtels de ville, et ne charge point les villes de payer les gages dont il s'agit. Les ci-devant officiers municipaux se sont présentés à votre comité de judicature; j'en ai conféré avec le rapporteur au comité qui doit proposer incessamment des dispositions générales sur cet objet. En attendant, après avoir consulté les différents membres sur ce qui est relatif aux gages des officiers municipaux des ci-devant provinces de Lorraine et Barrois et autres, je vous propose le décret suivant : « L'Assemblée nationale décrète que les villes qui étaient chargées de payer les gages des ci-devant officiers municipaux, seront tenues de les acquitter jusqu'au 1er janvier 1791. »
(de Saint-Jean-d'Angély). Je demande le renvoi de ce projet de décret aux comités des finances et de judicature ; il est d'une très grande importance et grève une infinité de villes de charges considérables.
D'abord, il y a une conséquence qui résulterait d'un fuit dont M. le rapporteur est sûrement instruit; c'est qu'il y a une très grande variété dans les créations d'officiers municipaux ; il y a des conditions pour le payement de leurs gages. Dans beaucoup d endroits on a ordonné que les villes payeront si elles ont de quoi et que, faute de cela, ce sera le Trésor public.
, rapporteur. J'accepte le renvoi. (Le renvoi aux comités des finances et de judicature est ordonné.) L'ordre du jour est la suite de la discussion sur les jurés.
, rapporteur. Messieurs, vous avez renvoyé nier à votre comité l'ancien article 28 qui est devenu le 27* du Titre VIII, par suite du retranchement de l'article 18 du projet primitif. Cet article était ainsi conçu : « Art. 27. Lorsqu'un accusé aura été acquitté, il pourra présenter requête pour obtenir de la société une indemnité, Sur laquelle requête il sera statué par le tribunal criminel. » Nous vous proposons d'y ajouter la disposition suivante : « Mais,lorsqu'il n'y a ni dénonciateur, ni partie civile, ou lorsqu'ils sont insolvables, il doit présenter requête pour obtenir de la société une indemnité. »
Cette disposition exige un amendement indispensable dans tous les cas où l'accusateur ou le dénonciateur succombent. Il faut distinguer si l'accusateur a été méchant, pervers : alors il doit être puni. Je demande donc que,dans l'article, il soit ajouté ces mots : « Toutes les fois qu'il n'y aura ni partie civile, ni dénonciateur qui doivent les supporter. »
Je suis d'avis, Messieurs, que l'article soit amendé de cette manière : « Lorsqu'un accusé aura été acquitté et qu'il ne pourra obtenir de dédommagement ni contre son dénonciateur ni contre la partie civile, il pourra présenter requête pour obtenir une indemnité de la société, sur laquelle requête il sera statué par le tribunal criminel. »
L'article 3 accorde bien la faculté à l'accusé acquitté de présenter sa requête pour demander une indemnité; mais il ne dit pas qu'elle lui sera nécessairement accordée, puis-qu'au contraire il a pour contradicteur l'accusateur public. Quant au dénonciateur et à la partie civile, ils ne se trouvent condamnés à indemnité qu'autant qu'ils ont fait une accusation fausse ; ainsi M. Goupil doit être absolument rassuré sur la crainte qu i l a témoigné sur l'article.
L'avis qui vous est proposé donnera à 83 tribunaux le droit de donner en définitive des mandats sur le Trésor public,et même 3 juges sur les 4 auront cette faculté, ce qui peut ne pas être absolument conforme aux principes de la Constitution : je proposerai pour amendement que le tribunal donnera son avis si la requête doit être présentée au Corps législatif; je propose que ce soit le Corps législatif qui statue sur les indemnités qui seront demandées par les accusés acquittés. L'article doit être rédigé dans ces principes en y ajoutant : « Jamais l'accusateur public ne pourra être condamné à des dommages-intérêts à moins qu'il n'y ait lieu à la prise à partie contre lui; lorsque l'accusateur public a été mû par la clameur publique, il n'est rien dû contre lui. »
Je crois que l'article proposé par le comité est également conforme à l'humanité et à la justice, en y joignant l'amendement que j'ai l'honneur de vous proposer, et je ne saurais être de l'avis du préopinant qui soutient que la société, dans aucun cas, ne doit être tenue du dédommagement envers l'infortuné injustement poursuivi, et qui a été absous. C'est déjà un assez grand malheur qu'un innocent puisse être expose à tous les dangers de la procédure criminelle, sans que son sort puisse encore être aggravé par l'impossibilité de réparer sa ruine. Dans le cas où il n'y aurait ni partie civile, ni dénonciateur, c'est à la société à indemniser l'accusé. Elle ne doit pas souffrir qu'un citoyen,assez malheureux pour avoir essuyé les dangers d'une procédure criminelle, soit encore ruiné. C'est dans les cas peu fréquents où un accusé n'aurait aucun moyen de recours contre un individu, où il aurait été évidemment victime des passions et des préventions locales, c'est dans ce cas que la société ne pourrait, sans barbarie, lui refuser un dédommagement. J'insiste pour l'article avec mon amendement.
La première question décidée est celle-ci : La société doit-elle dans tous les cas une indemnité? Si vous introduisez une différence remarquable, vous formez évidemment un troisième jugement qui devient nécessairement une sorte de flétrissure contre un homme accusé, après même avoir été déclaré innocent. Si vous décrétez que le juge pourra décerner, au nom de la société, une indemnité à l'accusé innocent, vous faites une loi immorale, une loi d'après laquelle tout accusé qui ne recevra pas d'indemnité sera regardé comme inculpé ou comme à demi-ab-sous: la quotité des indemnités, arbitrairement fixée par le juge, sera le thermomètre de sa réputation. Je demande donc, sur cette première question, que l'Assemblée veuille bien déterminer en général sans parler de la quotité qui peut être fixée par les circonstances. Cette première question décidée, on passera à celle de savoir si un accusé pourra obtenir une indemnité lorsqu'il aura été acquitté. Je porterai alors la parole et démontrerai que la multiplicité des accusés doit détourner d'une pareille disposition.
J'ajoute à ce que vient de dire le préopinant que M. Régnier a raisonné d'après une fausse hypothèse, dans les principes de l'ancien régime. On ne verra plus comme autrefois des procès traîner en longueur, des accusés emprisonnés pendant plusieurs années; ils comparaîtront immédiatement après l'accusation devant le juré d'accusation et delà devant le juré de jugement. Les lois ne sont donc plus mauvaises par l'effet de la société; conséquemment on ne peut pas répéter de dommages-intérêts contre elle. Si un innocent estaccusé, c'est un malheur pour lui; mais la société ne lui doit point d'indemnité. Le législateur a tout fait, quand il a donné aux accusés les moyens les plus efficaces pour se justifier, quand il a établi un ordre de choses tel, qu'il soit moins difficile à un coupable qu'à un innocent de se soustraire à la peine.
Il n'est pas démontré que la société qui établit une procédure telle que celle des jurés, doive aucun dédommagement à l'accusé qui a donné les plus grandes preuves de son innocence. M. Martineau est descendu à cet égard dans des détails que je ne répéterai point; mais, Messieurs, ne perdez pas de vue la grande considération que vous a présentée M. Buzot. 11 serait impossible d'accorder des dommages et intérêts à tous les accusés acquittés. Si vous permettez
aux jugea d'en accorder selon la cause, vous avez manqué votre but. Quantaux frais, rappelez-vous, Messieurs, que l'on vous a dit que dans le district de Vienne il y a actuellement plus de cent procès criminels. Vous avez 547 districts. Je suppose qu'il n'y ait que 50 procès dans chacun ; c'est 6,000 l'un portant l'autre ; à supposer qu'il n'y ait qu'un seul accusé, ce serait une affairede plus de 20 millions, lorsque vos finances sont dans un état de détresse. Vous ne devez pas de bienfaisance; vous ne devez que de la justice.
D'après toutes les observations qui ont été faites, il résulterait qu'un accusé ne serait pas parfaitement acquitté toutes les fois qu'il n'aurait pas obtenu le maximum de l'indemnité. Je soutiens que si vous dites que tous les accusés auront une indemnité, et que vous ne mettiez pas cette indemnité uniforme, la quotité plus ou moins grande de l'indemnité deviendra le thermomètre auquel l'opinion publique jugera de l'innocence de l'accusé ; en sorte que s'il n'obtient pas le maximum, il se trouvera d'autant flétri dans l'opinion publique. Je conclus donc qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'indemnité.
Dans les campagnes, vous avez des gens qui feront toujours des dénonciations.
Je soutiens la question préalable sur l'article. Je pense que les préopinants ont confondu les vrais principes. Je conclus à ce que M. le Président ait la bonté de mettre la question préalable aux voix. (Murmures.)
Vous m'avez nommé votre président et non votre sonneur banal.
Afin de terminer la question, je retire ma proposition; je crois que M. Lanjuinais la retirera aussi.
Je ne puis pas, moi, retirer la question préalable; voici pourquoi: l'article du comité rend très^joli ie métier de se faire accusé; il faut au moins y _ mettre des bornes. Gomme il serait très possible que des personnes fissent le honteux métier de se faire accuser pour avoir des indemnités, je demande que si vous décrétez que la société accordera des indemnités, vous déterminiez en même temps combien de fois on sera admis à en recevoir. Je demande donc qu'on ne puisse être accusé plus de quatre fois. (Rires.)
Il me paraît que dans l'Assemblée on a confondu indemnité et dommages et intérêts. (Murmures.)
Il n'y a pas un devons qui ne pense que M. Chabroud mérite d'être entendu.
Lorsqu'un citoyen a été constitué en souffrance pour quelque opération sociale, la société lui doit une indemnité qui ne s'élève pas au delà des droits très précis de ce en quoi la société l'a constitué en souffrance. Les dommages vont beaucoup plus loin : c'est une taxation arbitraire. Je ne pense pas qu'on ne doive pas remplacer dans la main du manou-vrier, ce qui y serait entré par le fruit de son travail pendant le temps de sa détention ; ainsi, ^'estime que cette indemnité soit bornée là. Je «rois, Messieurs, qu'on doit adopter l'article du comité ; mais j'y mets deux modifications. Par la première, je voudrais que l'Assemblée se réservât le droit de déterminer les bases d'après lesquelles cette indemnité sera fixée, parce que je ne pense pas qu'on doive la laisser à l'arbitraire du juge. Par la seconde, je voudrais que la requête que lui présentera l'accusé fût d'abord communiquée à l'administration du département, parce qu'il me paraît que, s'agissant d'une demande formée contre le coupable, c'est aux représentants du peuple à la contredire.
Je propose pour amendement que, lorsque le juré d'accusation aura déclaré qu'il y a lieu à accusation, l'accusé ne puisse répéter aucuns dommages et intérêts ; si, au contraire, le juré décide qu'il n'y a pas lieu à l'accuser, il faut lui accorder une indemnité pour le temps qu'il a souffert. (Inteiruptions.)
, rapporteur. Il s'agit de savoir s'il y % lieu à indemnité, oui ou non. Plusieurs membres : L'article a été décrété.
envoie chercher ie procès-verbal et après en avoir donné lecture annonce que la question est entière.
Je ne vois dans la société qu'un contrat synallagmatique entre chaque individu et la masse de la société. Toutes les conditions doivent être égales, c'est-à-dire que chaque individu est responsable à la société de toutes ses actions. Par le même principe, la société exerçant dans le cas de l'accusation par l'accusateur,public, une espèce d'action particulière contre un de ses membres, elle doit être responsable envers ce dernier : et cela est d'autant plus dans les principes que quoique le juré ne soit point responsable, l'accusateur public l'est à ia nation. La nation a donc une caution : donc elle doit en donner une à l'accusé. Je pense donc que la question préalable ne peut point être mise aux voix, parce qu'elle serait une injure pour l'Assemblée.
Nous demandons la priorité pour la question posée ainsi : que ceux qui sont d'avis que la société doive une indemnité, veulent bien se lever.
Je demande la priorité pour la question préalable. (Tumulte.)
met aux voix la proposition de M. Buzot dans les termes posés par M. d'André. (L'Assemblée déciderque la société ne doit point d'indemnité à l'accusé.)
(de Saint-Jean-d'Angély.) Il y a doute. Voix nombreuses à gauche : Non ! non !
L'Assemblée a décidé.
L'Assemblée a décidé une question générale, c'est-à-dire que la société ne doit pas une indemnité dans tous les cas à l'accusé acquitté; mais sans doute elle pensera qu'il en est du dans quelques cas qui seraient déterminés par la loi.
Plusieurs membres : Non ! non !
Tant que je serai dans le fauteuil, vous n'empêcherez pas qu'un membre ne présente sa proposition, parce que c'est la loi de r Assemblée. L'Assemblée a décidé une question générale ; mais la question générale peut avoir besoin d'exception. Voilà ce que l'Assemblée n'a pas décidé.
Ma proposition est de savoir si, dans certains cas que la loi déterminera, il ne sera pas accordé d'indemnité à l'accusé absous ; je demande que l'Assemblée en renvoie l'examen au comité de Constitution et de jurisprudence criminelle, pour en faire le rapport incessamment.
appuient la proposition de M. Pétion. Un grand nombre de membres du côté gauche réclament l'ordre du jour. (L'Assemblée adopte l'ordre du jour.)
annonce qu'il est de retour d'un congé qui lui avait été accordé par l'Assemblée.
Messieurs, je suis chargé d'annoncer à l'Assemblée nationale que le corps électoral du département de l'Aisne, en exécution de vos décrets, a procédé à la nomination de l'évêque de Soissons et que son choix s'est porté sur M. l'abbé Marolles, membre et secrétaire de cette Assemblée.
donne lecture d'une lettre de M. de Colbert-Saignelay, évêque de Rodez, qui annonce que sa santé né lui permettant pas de faire usage d'un passeport qu'il avait obtenu pour deux mois, il le renvoie à l'Assemblée, en la priant d'agréer sa respectueuse reconnaissance. La discussion sur les jurés est reprisé.
, rapporteur. Nous arrivons maintenant, Messieurs, au titre X (1) qui traite de la manière de former le juré d'accusation. Je vais soumettre à l'Assemblée quelques observations. Il existe quatre classes entre lesquelles les citoyens doivent être choisis pour former et être appelés aux fonctions politiques et publiques :
i° la classe des simples citoyens ; 2° celle des citoyens actifs; 3°
celle des citoyens éligibles aux assemblées administratives; 4° enfin,
celle des citoyens éligibles à l'Assemblée nationale. Nous n'avons pas
pensé, et personne ne pensera sûrement que l'on puisse prendre les jurés
dans la classe qui est appelée presque exclusivement à vivre de son
travail. Quant aux citoyens actifs, nous avons pensé qu'il serait bon,
et peut-être nécessaire, de les appeler un jour aux fonctions de juré ;
mais dans 1 origine d'une pareille institution, il nous a paru que ce
serait la compromettre. Restreindre la formation du juré aux citoyens
éligibles à l'Assemblée nationale, ce serait pousser trop loin la
précaution ; d'ailleurs, comme
er rend="superscript"> février 1791.
Quelles sont les conditions d'après lesquelles les jurés seront appelés? La voix d'élection n'est pas admissible ici. Reste donc à savoir si les citoyens appelés pour former le juré le seront ou par la voie du sort ou par le choix d'un officier public. Si vous les appeliez par la voie du sort, il faudrait d'abord établir des règles générales d'exception en faveur des aveugles, des sourds et autres infirmes. D'ailleurs, le sort pouvant tomber sur le même homme plusieurs fois de suite et laissant le reste des citoyens dans l'incerti-tude, personne ne pourrait sortir de son pays. Il faudra donc former une première liste de gens avertis que, dans l'année on les trois mois, ils pourraient être maudés comme jurés; la seconde liste serait également formée au sort, et dès lors il n'interviendrait, dans la formation du juré qui doit jugér, aucune espèce de choix, ce qui serait très dangereux, car il est des qualités sur lesquelles on ne peut pas transiger, ce sont les qualités nécessaires, et cela du côté de l'esprit, pour que ce ne soit pas un homme privé du sens ordinaire, et du côté de la moralité, pour que ce ne soit pas un homme notoirement connu comme suspect.
Ensuite nous avons cru devoir établir le sort, parce qu'entre les hommes égaux c'est la seule manière de choisir, mais à la condition expresse que la première liste ait été formée avec quelque attention et avec choix. Maintenant il ne s'agit plus que de savoir par qui le choix sera fait. Nons avons pensé, Messieurs, qu'il était important que ce choix soit remis à un seul homme. Eu général, lorsqu'il y a à s'expliquer sur un grand nombre d'individus et à exercer des fonctions délicates, jamais je ne conseillerais qu'on le contiât à un corps bon pour conserver, bon pour surveiller, mais jamais pour choisir, parce qu'il n'est pas responsable. C'est donc à un individu seul que je le confierais, par la raison que cet homme est entouré journellement de l'opinion publique. Maintenant je crois qu'il est nécessaire de vous faire remarquer qu'un homme qui choisit 800 personnes, c'est-à-dire 200 par trimestre, et qui par conséquent ne peut jamais avoir en vue tel fait ou tel homme eh particulier dans le choix qu'il fait des citoyens éligibles, est placé dans une situation où il peut faire le bien sans craindre qu'il fasse le mal:
Nous avons pensé ensuite que dans la nécessité absolue d'avoir une première énumératioh de cette liste considérable, ce n'est pas sous le ■ rapport du choix qu'il faut l'envisager, mais sous un rapport plus important qui est celui de l'exclusion des hommes que l'opinion publique demanderait à exclure, et pourquoi elle n'a besoin que d'un organe. G'est dè3 lors pour ces fonctions seules, que le procureur général syndic est choisi. Si l'on fait attention, d'une part, à la confiance qu'il faut avoir dans les hommes élus par le peuple, si d'une autre on réfléchit qu'il n'y a pas d'autre manière de faire la liste des jurés, je pense que l'avis que nous avons soumis à votre délibération ne souffrira pas de difficulté.
La première question que vous ayez à déterminer, c'est d'abord la nature
du juré. Une fois cette question posée, toutes les autres s'éclairciront très naturellement. Ainsi je demande d'abord qu'il soit mis à la discussion quelles seront les conditions nécessaires pour être appelé à remplir les fonctions de juré.
Votre comité distingue différentes classes entre les citoyens. Je vous prie d'observer que l'admissibilité de tous les citoyens aux fonctions de jurés n'a pas les mêmes dangers que l'admissibilité aux fonctions d'électeurs, ou aux places d'administration. Les jurés subissent véritablement un choix; ils sont soumis à plusieurs récusations. On ne peut concevoir pourquoi votre comité a exclu des fonctions de jurés la masse des citoyens que vous avez déclaré être citoyens actifs. Messieurs, vous voyez que sans cesse l'inégalité des fortunes ici décide de l'inégalité des citoyens. Voilà déjà, dans plusieurs circonstances, la règle qu'on ne cesse de suivre, c'est-à-dire que sans cesse on humilie la majeure partie des citoyens; parce qu'un citoyen n'a pas telle fortune, on le regarde comme incapable de remplir tel emploi. Il est, Messieurs, contre tous les principes que vous avez adoptés, même contre tous les principes de justice et d'équité, de bannir ainsi, sous le prétexte du défaut de fortune, les citoyens des différents emplois. Je n'approuve pas aussi le choix qui vous est proposé; ce serait, Messieurs, s'exposer à de grands inconvénients que de mettre dans les mains d'un seul homme le droit de faire des élections aussi intéressantes, parce que cet homme pourrait ne pas bien épurer les choix, pourrait avoir des prédilections. Je préférerais que ce choix fût fait par les électeurs de district. Ce choix ainsi fait vous assurerait d'autant plus que l'on ne prendrait que les hommes capables d'exercer ces fonctions importantes, des hommes en état de les remplir. Ensuite, Messieurs, il n'y aurait plus qu'une opération infiniment simple à faire, ce serait de tirer au sort sur ceux qui auraient été choisis par les électeurs de district. Je dis en dernière analyse que c'est là la seule objection qu'on puisse faire contre les citoyens actifs. Je maintiens donc que je propose la seule manière de bien composer votre juré d'accusation. Tout ce qu'on peut dire pour exclure les citoyens actifs ne se réduit qu'à une seule et unique question : ils n'ont pas de fortune, et de là ils n'ont ni honnêteté ni lumières.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de répondre aux déclamations du préopinant, à ces déclamations qu'il croit populaires, et qui cependant sont si loin de l'être qu'il serait facile de démontrer qu'elles sont évidemment contre les intérêts du peuple. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'apprendre à l'Assemblée nationale que les propriétaires sont la société elle-même; que c'est par ia propriété que la société a été fondée; et que s'il est juste que tous soient soumis à la loi, que tous doivent être égaux en droits, devant elle, il n'en est pas moins vrai que toutes les fonctions publiques doivent être remises aux propriétaires pour l'avantage même de ceux qui Bont soumis à ces fonctions, pour l'avantage des justiciables et pour l'avantage des administrés. Je vais donc m'occuper seulement du projet du comité. Votre comité vous propose d'appeler à remplir les fonctions de jurés tous les éligibles aux places de district et de département : je crois que l'Assemblée nationale doit faire porter cette charge importante aux citoyens qui réuniront les qualités nécessaires pour etre élus membres du Gorps législatif. (Murmures.) Je vais examiner l'office du juré relativement à celui qui l'exerce ; je vais le considérer relativement à l'intérêt de celui qui y est soumis; et je crois que de ce double rapport naîtront les raisons sur lesquelles je motiverai mon opinion. Je commencerai par rappeler à l'Assemblée nationale que pour être éligible aux administrations de district et de département il suffit de payer un impôt direct de 10 francs, ce qui suppose une propriété de 50 livres de rente. Je lui rappellerai que pour être élu à la législature il suffit de payer la valeur d'un marc d'argent, c'est-à-dire un impôt de 52 livres, ce qui suppose une propriété de 250 livres de rente, et une propriété de 250 livres ne me paraît pas, comme l'a dit M. le rapporteur, être dans la classe où se trouvent si souvent les vices de la richesse. Je crois qu'au contraire cette propriété est dans l'état médiocre où M. le rapporteur convient que se rencontrent le plus souvent lés lumières et les vertus. Les fonctions de jurés doivent être gratuites. M. Thouret s'est indigné de la seule idée qu'il pourrait être nécessaire de les payer. La sainteté du juré, a-t-il dit, serait profanée, sa dignité avilie, sa moralité corrompue, du jour où l'argent deviendrait un ressort nécessaire à son ac-tivité.Or, je soutiens qu'à moins du plus extrême besoin, la société n'a pas le droit d'imposer des fonctions gratuites au sociétaire qui n'a pas une fortune suffisante pour se nourrir; car il est une loi de la nature, une loi plus forte que la fonction sociale, qui veut que tout homme vive; et c'est aller directement contre cette loi que de forcer un citoyen à faire le sacrifice de son travail et de l'emploi de son temps, de le dévouer gratuitement à des fonctions publiques. Si vous vouiez ajouter au prix de la perte du temps qu'essuiera ce citoyen qui a besoin de son travail pour vivre, et qui rendra.son déplacement nécessaire, lorsqu'il sera obligé de se transporter au chef-lieu du département, et que le chef-lieu du département ne sera pas son domicile habituel, vous sentez qu'il est impossible d'imposer une pareille charge à un homme qui n'a que 50 livres de rente, à un homme qui a une propriété insuffisante pour sa nourriture. Si vous adoptez une pareille mesure, il est évident que notre loi se trouvera en contradiction avec la loi plus impérieuse de ia nécessité, et sera constamment éludée et violée. Alors se réalisera l'inquiétude qu'ont eu ceux-là mêmes qui vous ont proposé l'institution des jurés, qui est que celte institution ne puisse pas se soutenir en France. Un grand nombre de citoyens se refusera à en remplir les fonctions : ce ne sera pas faute d'esprit public, ce sera parce que leur fortune ne leur permettra pas de faire ce sacrifice à la chose publique. De quel intérêt n'est-il pas, pour l'accusé et pour la société entière, que la plus grande autorité que des hommes puissent exercer sur de» hommes, le droit de disposer sur leur conscience, sur une simple conviction morale, de l'honneur et de la vie des citoyens, ne soit confié qu'à des hommes qui soient, par leur fortune, indépendants et désintéressés; à des hommes choisis dans cette classe qui, placée entre l'extrême richesse et le besoin, n'a ni les viGes de l'une, ni
les besoins de l'autre, à des hommes qui vivent dans cet état de médiocrité où se rencontrent quasi toujours les lumières, le courage et la vertu ; non que les hommes y soient meilleurs, mais parce que leur éducation est plus généreuse; non que les hommes y soient plus vertueux, mais la pratique de la vertu est plus facile à ceux qui ne sont ni assez grands ni assez petits pour être séduits, ni assez indigents pour être achetés par des fripons, ou intimidés par des factieux. Je sais qu'il est possible d'être nécessiteux et de n'être pas achetable, mais au moins il faut convenir que c'est une difficulté; et ce n'est pas sur les vertus difficiles que les législateurs doivent compter; ce n'est pas d'après cela que la nature humaine doit être calculée. En un mot si les fonctions du juré devaient être lucratives, mon avis serait non d'y appeler les citoyens de toutes les classes, mais d'y appeler la classe la moins riche du peuple. Les fonctions de jurés sont une véritable charge pour ceux qui les exercent; mais s'il est vrai que leurs mains doivent être pures, comme la justice qu'ils administreront, appelez-y des hommes au-dessus du besoin. Si je suivais mes principes dans toute leur rigueur, je n'hésiterais pas à conclure que pour remplir les fonctions de jurés, il faut au moins posséder une propriété de 1,000 livres de rente ; mais pour me servir de la rigide expression de Montaigne : « La vérité de maintenant n'est pas ce qui est vrai, mais seulement ce qu'on peut ordonner ». Je me restreins à conclure que ia seule marche à suivre est d'appeler aux fonctions de jurés ceux qui auront réuni les qualités nécessaires pour être élus au Corps législatif; c'est-à-dire qui auront une propriété de 250 livres de rente* Si vous en ordonnez autrement, je vous prédis que l'institution des jurés croûlera, parce que la plus grande partie des citoyens que vous y appellerez n'en voudront pas remplir les fonctions. Alors se vérifiera ce dire populaire, que les hommes échappent toujours à la punition qu'ils ont méritée. Si à la force de ces raisons il était nécessaire de joindre l'autorité des deux seuls peuples qui pratiquent l'institution du juré, je vous dirais qu'en Angleterre, pour être appelé à en exercer les fonctions, ii faut posséder une propriété de 10 livres sterlings de rente, et qui équivaut à 240 livres de rente. Le statut qui l'a réglé est le quatrième de la reine Marie : par conséquent il a été passé en 1693 ; et 240 livres de rente d'alors équivalent à 15 ou 16,000 livres de capital. Je vous dirai que c'est d'après tous les auteurs les plus savants dans la jurisprudence anglaise que ce tarif a été fixé. Je vous dirai que cet usage a tellement prévalu, qu'il est sans exemple qu'on appelle à remplir les fonctions de jurés des hommes qui ne possèdent pas une grande propriété. Je vous dirais que dans les Etats-Unis de l'Amérique, dans cet Etat dont vous aimez à citer les règlements et à suivre l'exemple, dans cet Etat où l'établissement du juré a été perfectionné, il faut pour être membre du juré, avoir réuni les qualités nécessaires pour être élu membre de la législature. Je conclus donc à ce que l'Assemblée nationale décrète que pour pouvoir être appelé aux fonctions de juré il faudra réunir les qualités nécessaires pour être éligible au Corps législatif.
A qui appartient le droit d'élire les fonctionnaires publics? C'est là la question î car les jurés sont des fonctionnaires publics. Il n'en est point de plus intéressants, puisque leur devoir pèse à chaque instant sur les droits particuliers et 6ur la liberté individuelle des citoyens. A qui appartient le droit d'élire aux places de fonctionnaires publics ? à celui-là seul de qui émanent toutes les autorités, toutes les fonctions publiques, au souverain, c'est-à-dire au peuple. Remarquez, Messieurs, que dans la circonstance actuelle, vous ne pouvez pas vous écarter de ce principe, sans ouvrir la porte aux plus grands inconvénients. C'est dans les temps de révolution surtout qu'il faut observer scrupuleusement ce principe. Il ne faut pas que ces factions connues sous le nom d'aristocrates, de démocrates, d'impartiaux, puissent sous le voile de la justice se faire mutuellement une guerre aussi lâche que cruelle. Or, rien n'est si possible dans les circonstances où nous sommes que de voir l'administration confiée à un officier qui pourrait être enclin à un parti. Il composerait la liste, de tous ceux qui seraient attachés aux mêmes principes que lui; il serait facile à un procureur-syndic de composer en partie ce juré de ces hommes nuls et faibles qui appartiennent toujours au plus adroit et au plus rusé. Ainsi vous verriez par là la destinée des citoyens livrée à des principes factieux. Vous pourriez même voir les plus zélés patriotes victimes de ce dangereux inconvénient. J'en conclus que, soit que vous considériez les principes, soit que vous considériez les circonstances si décisives de la Révolution,vous ne pouvez pas confier à un seul homme le droit de choisir les jurés qui doivent prononcer sur la vie et la liberté des citoyens.Ce droit appartient donc essentiellement au peuple. Le caractère essentiel des jurés consiste à être jugé par ses pairs. Or, si vous attachez à une certaine quantité de propriété le droit exclusif d'être appelé aux fonctions de juré, il est évident que l'égalité des droits est violée, et que tous les accusés ne sont pas jugé3 par leurs pairs, puis-qu'alors les citoyens sont en quelque sorte divisés en deux sections, dont l'une est destinée à être jugée, et l'autre à jugèr, et la dernière de ces sections est élevée au-dessus de l'autre de toute la hauteur qui existe entre l'égalité politique et la nullité et la sujétion. La majorité de la nation serait donc dans un état de nullité et d'abjection qui est absolument incompatible avec les principes de la Constitution et les droits qu'elle a exigés de ses représentants. Je conclus donc, d'une part, qu'il faut que tous les citoyens puissent être appelés aux fonctions publiques. Il s'ensuit de là que les jurés ne peuvent être élus que par le peuple; et ie vous prie de remarquer que si vous adoptez l'une de ces deux dispositions, la dernière écarte tous les inconvénients que l'on pourrait trouver à permettre l'élection dans toutes les classes de la société ; car la plus sûre garantie de la confiance publique c'est le suffrage de la majorité des citoyens ; et quelles que soient les classes de propriétaires que vous veuillez exiger, il est évident que la circonstance qu'un homme possède tant de propriété, que ia circonstance qu'un tel homme paye tant d'imposition, n'est point un garant aussi certain ni de ses lumières, ni de sa droiture, ni de son incorruptibilité, que ie suffrage dé ses concitoyens ; et moins cet homme sera fortuné, et moins il aura de ces moyens qui subjuguent les suffrages et qui éblouissent les yeux du public : ce sera un garant certain au public de ses talents et de ses vertus. Je conclus donc, Messieurs : 1® que tous les ci-
toyens doivent avoir la faculté d'être élus aux fonctions de jurés ; 2° que les électeurs du peuple doivent élire seuls ceux qui doivent être élus aux fonctions de jurés. En conséquence je propose l'idée suivante : je propose que les électeurs de chaque district nomment tous les ans les 30 citoyens qui doivent former la liste des jurés. Si les assemblées vous paraissent devoir être trop longues, vous pouvez les diviser en sections. Dans tous le8 cas, les incommodités, les longueurs, ne peuvent jamais vous appeler à sacrifier les intérêts de la liberté et les droits les plus sacrés. Lorsqu'il se présentera des affaires dans les cas déterminés par le comité, on tirera au sort, sur les 30 sujets choisis par les électeurs, ceux qui doivent composer le juré d'accusation. Le juré de jugement se formera avec la même simplicité et sans qu'il soit besoin de procéder à de nouvelles élections. On réunira dans une liste les jurés qui auront été nommés par les districts et dans les époques aussi déterminées par le comité et voisines des moments où il faudra faire les procédures criminelles. Alors le président du tribunal tirera au sort pour nommer les jurés.
, rapporteur. Votre comité se trouve obligé de répondre à deux objections d'un genre entièrement opposé. Je dirai d'abord que je crois que l'avant-dernier opinant a très bien démontré l'impossibilité physique qu'il y a que des jurés qui n'auraient pas au moins la présomption des facultés nécessaires pour pouvoir se transporter dans les lieux où ils doivent exercer leurs fonctions, où ils doivent demeurer un temps quelconque, ne pourraient pas être jurés. Quand on veut faire une institution on doit vouloir tous les moyens qui concourent à l'établir; et il est évident que ne pas établir les jurés serait préférable à former cette institution de manière que l'opinion publique la repoussât. Je sais très bien qu'il faut que l'opinion publique l'adopte. Les législatures suivantes pourront lui donner toute la perfection que l'opinion publique lui désignera, mais dans ce moment il faut regarder que tout ce qui est physiquement impossible à établir ne doit pas être établi. A présent je n'ai plus qu'à répondre à M. de Cazalès. Il a reproché au comité d'avoir dit qu'en plaçant les jurés dans la classe de ceux qui payent 50 livres, c'est-à-dire le marc d'argent exigé pour l'éligibilité à l'Assemblée nationale, nous appelions cette classe celle des gens riches. Ce n'est pas là ce que nous avons dit, ou ce que nous avons voulu dire; mais seulement que dans cette classe se trouvent aussi ceux qui payent davantage, et que les hommes riches et puissants auraient dans cette classe, ainsi bornée, une prédominance considérable : certes, s'ils avaient tous 50 livres, ils seraient dans la classe mitoyenne de la société, celle que nous paraissons tous désirer; mais ils ne forment pas cette classe, ils la bornent seulement. Je pense donc que si l'Assemblée veut simplifier ses opérations et la discussion sur cet objet, elle doit d'abord examiner quelles seront les qualités de ceux qui seront appelés à être jurés. On vous a dit qu'il était plus naturel de faire élire les jurés par les citoyens : je ne sais pas si on entend bien ce qu'on veut dire lorsqu'on parle d'élection de jurés, cela ne me présente à moi qu'un mot vide de sens. Que sont les jurés? Ce sont des citoyens par opposition aux fonctionnaires publics, ils sont chargés de remédier à l'abus des fonctionnaires publics. S'il fallait procéder à des élections, il serait plus simple de iaisser les juges qui sont élus, juger et le fait et le droit.
Je pense, comme le comité, que les jurés ne peuvent pas être élus parle peuple; car cette fonction devant être alternativement partagée par tous les citoyens que la loi n'en déclare pas incapables, il n'y a pas lieu à élection, mais seulement à désignation. Je ne vois pas non plus d'inconvénient à laisser à un officier public ia désignation de la liste du juré ; mais je ne trouve pas que M. le rapporteur, ait détruit les observations très sages de M. de Cazalès sur les qualités exigibles pour être juré. La grande majorité des petits propriétaires est infinie en comparaison de celle des gens véritablement riches. De là résulte la nécessité d'appeler des propriétaires dont la fortune et l'éducation soient une sorte de garantie, et aux yeux du public,et aux yeux de l'accusé. Je crois, Messieurs, que si vous avez déjà réduit au marc d'argent l'éligibilité pour la législature, il me semble que vous ne pouvez, sans de grands inconvénients, affranchir de cette condition ceux qui seront appelés à prononcer sur la vie des citoyens. J'exige, de plus, qu'aucun ne puisse être élu juré, même dans la classe de ceux qui payent 50 livres, s'il est actuellement en instauce et poursuivi pour dettes exigibles par corps, encore qu'il n'y ait point de condamnation prononcée.
résume la discussion et pose les deux questions suivantes : La liste sera-t-elle de 30 citoyens ? Par qui sera formée la liste des citoyens éli-gibles ?
Je propose, par amendement, que ceux qui payent 50 livres de contribution directe, c'est-à-dire ceux qui sont éligibles au Corps législatif, puissent seuls être forcés à accepter les fonctionside jurés et qu'on ne puisse pas y forcer les autres. Plusieurs membres demandent la question préalable sur les amendements.
, rapporteur. Je demande que l'amendement de M. Malouet ne soit pan mis aux voix, ni rejeté par la question préalable, parce que c'est la le cas de récusation. Or, si le procureur syndic, l'accusateur public et l'accusé n'ont pas jugé à propos de récuser, je ne vois pas qui pourrait récuser. Ainsi, je demande qu'on passe à l'ordre du jour sur cet amendement. (L'Assemblée rejette les amendements par la question préalable et adopte l'ordre du jour sur celui de M. Malouet.) L'article 2 du titre X du projet de décret est mis aux voix et adopté comme suit :
TITRE X.
De la manière de former le juré d'accusation.
Art. 2.
« Cette liste sera composée de 30 citoyens éli-
gibles aux administrations de district et de département. »
, rapporteur. Nous revenons maintenant à l'article 1er qui est ainsi
conçu : « Art. 1er. Le procureur syndic de
chaque district formera tous les 3 mois la liste des citoyens qui
doivent servir de jurés dans les accusations ; elle sera envoyée à
chacun des membres qui en fera partie. »
Je demande que la liste des citoyens qui doivent former le juré soit faite annuellement par les électeurs du district et renouvelée par la voie du sort.
Il ne faut pas de choix ni de désignation ; il faut s'en tenir au rôle des contributions sur lequel on prendra les citoyens éligibles pour lejuré.
Il est dangereux déconcentrer un esprit de parti et de coalition dans un directoire de district; je demande que chaque municipalité présente un ou deux sujets pour la formation au juré. (Ces amendements sont rejetés par la question préalable.)
Je crois, Messieurs, que vous ne devez pas donner au seul procureur syndic du district le droit de former la liste des citoyens qui doivent composer le.juré; je crois que vous devez confier ce soin aux membres des directoires de district et de département.
appuie cette motion.
, rapporteur. Je pense que des fonctions aussi délicates sont mal confiées à des corps; mais si l'Assemblée trouve que nous donnons trop d'influeuce à uu seul homme, on peut fondre l'amendement, en donnant au procureur syndic la formation ae la liste, " de concert avec les membres du directoire de district.. J'ajoute toutefois que ce n'est nullement mon opinion et l'expérience vous prouvera un jour que c'est une faute. L'article 1er serait donc ainsi conçu :
Art. 1er.
« Le procureur syndic et les membres du directoire de chaque district formeront, tous les 3 mois, la liste des citoyens qui doivent servir de jurés dans les accusations; elle sera envoyée à chacun des membres qui en fera partie. » (Adopté.)
L'Assemblée, ayant adopté l'article 2, passe à l'article 3 qui est ainsi conçu : Art. 3.
« Le tribunal de district indiquera celui des jours de la semaine qui servira à l'assemblée du juré d'accusation. » (Adopté.) ~ Art. 4.
c Huitaine avant ce jour, le directeur du juré fera tirer au sort, en présence du commissaire du roi et du public, 8 citoyens sur la liste des 30, pour en former le tableau du juré d'accusation. » (Adopté.) Art. 5.
« S'il y a lieu d'assembler le juré d'accusation, ceux qui doivent le composer seront avertis, 4 jours d'avance, de se rendre au jour
fixé, sous peine de 30 livres d'amende, et d'être privés du droit d'éligibilité et de suffrage pendant 2 ans. »
Je demande s'il y aura cumulation dans les amendes; c'est-à-dire si, étant sur la liste pour 3 mois, et étant appelé 5 fois par exemple, j'encours l'amende 5 fois par mon absence et si je dois payer 150 livres et être privé pendant 10 ans de mou droit d'éligibilité?
Toutes les fois qu'un citoyen est privé du droit de citoyen actif pour 2 ans, de ce moment-là il ne peut plus être nommé juré une seconde fois; par conséquent il n'encourra pas plusieurs amendes. (L'article 5 est décrété.)
Art. 6.
« Lorsque les citoyens inscrits sur la liste des 30, formée par le procureur syndic et le directoire, prévoiront pour l'un des jours d'assemblée du juré quelque obstacle qui pourrait les empêcher de s'y rendre, s'il arrivait qu'ils y fussent appelés par le sort, ils en donneront connaissance au directeur du juré, 2 jours au moins avant celui de la formation du tableau des 8 pour lequel ils désirent d'être excusés. (Adopté») Art. 7.
« La valeur de cette excuse sera jugée, dans les 24 heures,par le tribunal de district. (Adopté.) Art. 8.
« Si l'excuse est jugée suffisante, le nom du celui qui l'a présentée sera retiré du nombre de ceux sur lesquels le tableau des 8 sera tiré au sort. Si elle est jugée non valable, son nom sera soumis au sort. » (Adopté.)
Un membre propose par amendement à l'article 9 qu'il soit dit que la signification sera faite au juré avec copie laissée à sa personne ou à son domicile.
L'amendement est adopté et l'article rédigé comme suit : Art. 9.
« S'il, est du nombre des 8 désignés par le sort, il lui sera signifié, avec copie laissée à sa personne ou à son domicile, que son excuse a été jugée non-valable, qu'il est sur le tableau des jurés, et qu'il ait à se rendre au jour fixé pour l'assemblée. » (Adopté.) Art. 10.
« Tout juré qui ne se sera pas rendu sur la sommation qui lui en aura été faite, sera condamné aux peines mentionnées dans l'article 5. Sont exceptés de la présente disposition ceux qui seraient retenus pour cause de maladie. »
Indépendamment de l'absence et de la maladie, il peut y avoir une cause d'excuse légitime; mais il ne faut rien laisser à l'arbitraire. Je demande qu'on ajoute ces mots : pour causes légitimes constatées par la municipalité de son domicile. Un membre : Dans le jour que je devrais partir pour me rendre à l'assemblée du juré, il est pos-
sible que ma femme meure subitement, que ie perde mon père. Ainsi j'appuie la motion de M. Prieur.
Ferons-nous un amendement d'une mort subite?
, rapporteur. Je persisté à dire que, n'ayant point voulu employer des peines pour avoir des jurés, si l'on va encore ajouter à toutes les difficultés la malveillance et la paresse, il n'y a plus de moyens d'avoir de jurés. (L'article 10 est décrété.)
Art. 11.
« Dans tous les cas, s'il manquait Un des jurés au jour indiqué, le directeur du juré le fera remplacer par un des citoyens de la ville, pris au sort dans la liste des 30, etsubsidiairement parmi les éligibies ». (Adopté.)
, au nom du comité d'aliénation, propose à l'Assemblée de déclarer, et l'Assemblée déclare vendre aux municipalités ci-après les biens mentionnés dans les différents états annexés à la minute du procès-verbal de ce jour, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, payables de la manière déterminée par le même décret ; Savoir : A la municipalité de Romorantin , département de Loir-et-Cher, pour la somme de..... A celle de filois, même département, pour celle de................... 164,878 A celle de Sens, département de l'Yonne, pour celle de.......... 671,756 7 2 La discussion sur les jurés est reprise.
, rapporteur. Nous passons, Messieurs, au titre XI du projet de décret.
TITRE XI.
De la manière de former le juré du jugement.
Art. 1er.
« Tout citoyen éligible aux administrations de département et de district se fera inscrire avant le 15 de décembre, au plus tard, de chaque année, comme juré de jugement, sur un registre qui sera tenu à cet effet par le secrétaire-greffier de chaque district, » (Adopté.) Art. 2.
« Le procureur syndic du district enverra,dans les 15 derniers jours de décembre, une copie de ce registre au directoire de département, et en fera remettre un exemplaire à chaque municipalité de son arrondissement. » (Adopté.) Art. 3.
« Ceux qui auront négligé de se faire inscrire pendant le mois de décembre au plus tard, seront privés des droits d'éligibilité et de suffrage à toute fonction publique, pendant le cours de l'année suivante. » (Adopté.)
, rapporteur. L'article 4 est ainsi conçu : « Ne pourront être jurés les officiers de police, les commissaires du roi, l'accusateur public, les procureurs généraux syndics et procureurs syndics des administrations, ainsi que tous les citoyens qui ne sont pas portés sur la liste dos éligibies; les ecclésiastiques et les septuagénaires en sont dispensés. »
Je demande qu'il soit ajouté à l'article les commandants des gardes nationales et des cavaliers de maréchaussée, parce que leurs places leur donneraient trop d'influence dans le juré.
, rapporteur. Cet amendement pourrait être ajourné, parce que nous ignorons encore quelle sera l'influence que l'Assemblée accordera aux commandants des gardes nationales.
, Je demande que la rédaction de la dernière partie de l'article soit ainsi conçue : « Les ecclésiastiques et les septuagénaires pourront s'en dispenser. »
Ce serait faire une classe do citoyens à part; car il existerait des ecclésiastiques qui ne rempliraient pas les fonctions civiques. Je demande la suppression de la fin de l'article,
Il paraît que le comité a l'intention, non pas d'exclure les ecclésiastiques et les septuagénaires, mais au moins de donner à penser que les uns et les autres doivent être plus éloignés des fonctions de jurés. Mais, quant aux ecclésiastiques, il me semble que leur ministère, qui est un ministère de paix et de charité, doit les exclure des fonctions de jurés. Je crois qu'il serait très prudent, de la part de l'Assemblée, d'exclure totalement les ecclésiastiques de Gette fonction. (Applaudissements.) Plusieurs membres ; Non I non I
Je pense que les ecclésiastiques doivent en effet, à leurs concitoyens, toutes les preuves de patriotisme qu'ils peuvent leur donner ; mais l'Eglise a défendu à ses ministres de concourir jamais à aucun jugement qui condamne un homme à mort, sous peine d'irrégularité. Je demande donc que les ecclésiastiques soient formellement exclus du ministère des jurés, parce que, leur en réserver la faculté... (Murmures). Je demande donc, Messieurs, comme un moyen de conserver aux ecclésiastiques la confiance des peuples, que vous vouliez bien les exclure de ce ministère rigoureux, parce que, plus leur ministère les dévoue à la paix, à la bienfaisance et à la charité, plus ils doivent être jaloux de n'exercer aucunes fonctions rigoureuses : ils ne sont pas les ministres de la justice, ils sont les ministres de la miséricorde;
Je demande la question préalable sur l amendement. Je soutiens que tous les devoirs de citoyen conviennent aux ecclésiastiques au moins autant qu'aux autres citoyens. Il est certain qu'exercer les fonctions de juré, ce n'est pas exercer une fonction sanguinaire, que c'est exercer une vertu civile (Applaudissements à gauche.), que c'est exercer véritablement un
acte de bienfaisance et de miséricorde ; car tout ce qui teDd au bien public est une fonction bienfaisante. (Murmures à droite.) La cruauté", Messieurs, consiste, suivant les principes de la morale et de la politique, à épargner le coupable. La véritable religion consiste à punir, pour iebonheurdetous, ceux qui troublent la société. La motion de M. l'abbé Maury n'est fondée ni sur la morale, ni sur la religion, mais sur un préjugé qui n'est pas digne de notre législation nouvelle. (Applaudissements. )
L'Assemblée a déjà cru devoir exclure les ecclésiastiques des places municipales et de juges de paix; or, Messieurs, il est bien extraordinaire qu'on mette en question, si ce môme juré, qui aura condamné un homme à être pendu, pourra ensuite être son confesseur et le mener à la potence (Murmures.); ce ne serait certainement pas là un moyen de lui attirer la confiance de son pénitent. Rappelez-vous que dans les parlements les conseillers-clercs n'étaient jamais de Tournelle. Il y a plus, Messieurs, si on veut examiner l'institution du juré dans la pureté de son principe, les ecclésiastiques doivent en être exclus, parce que le jugement par juré n'est autre chose que le jugement des sus. (Murmures prolongés.) Un membre : Voilà encore les privilèges.
Le devoir des ecclésiastiques est de descendre dans les cachots pour y consoler les malheureux ; leur devoir est de monter sur les échafauds, et la religion n'est jamais plus grande que lorsqu'elle va ainsi porter des consolations à l'homme souffrant. Mais leur vocation n'est pas de condamner à mort; l'esprit de notre ministère y répugne; et quand on nous dit que les fonctions de juré sont un ministère de justice, on dit une grande vérité; mais la justice est trop sévère pour les pasteurs des peuples; c'est à eux à demander grâce pour les coupables et non pas à les condamner. Leur conserver Celte faculté, ce serait en quelque sorte leur imposer la loi d'en accepter les fonctions. Or, ils ne le peuvent pas ; ils ne se tiendront pas pour offensés d'une exclusion qui honore leur ministère ; et puisque vous les avez exclus des fonctions municipales, vous ne devez certainement pas les appeler à des fonctions judiciaires.
M. l'abbé Maury a enfin posé le vrai point de la question, lorsqu il a dit que'les ecclésiastiques ne devaient pas être jurés, parce qu'ils devaient former une classe particulière dans la société. C'est parce que les ecclésiastiques ne doivent pas former une classe particulière; qu'ils doivent être admissibles aux fonctions publiques, lorsque ces fonctions ne sont pas, par leur permanence et par l'assiduité qu'elles exigent, incompatibles avec les fonctions ecclésiastiques qu'ils exerçent déjà. (Murmures à droite.) C'est là le principe que vous avez suivi jusqu'à présent; vous avez exclu les fonctionnaires publics ecclésiastiques de toutes les places qui exigeaient une assiduité et une suite de travaux, telles que lés places de juges, d'officiers municipaux, des directoires d'administrations; mais vous les avez formellement admis, au contraire, à celles qui n'exigent que des fonctions passagères et momentanées, telle est véritablement la nature des fonctions de juré; et lorsqu'on nous dit que des raisons particulières d'humanité et de charité doivent éloigner les ecclésiastiques de ces fonctions, je disque l'article remplit suffisamment tout ce qu'on peut désirer à cet égard, en leur laissant la faculté de ne pas les accepter; je dis que les principes d'humanité n'appartiennent pas exclusivement à une classe d'hommes, mais à toutes les classes de citoyens; je dis que dans la lettre des lois ecclésiastiques, que M. l'abbé Maury nous rappelle, il n'y a pour eux aucun obstacle à la fonction de juré, puisque c'est le juge, et non pas le juré, qui condamne l'accusé, et qui le soumet à la peine. (Murmures à gauche.) Dans les fonctions auxquelles les ecclésiastiques ont été admis à ce jour, ils ont pu concourir à la condamnation d'un accusé ; on ne les a jamais écartés de la fonction de témoin; nous ne faisons donc rien de plus à cet égard. C'est aux ecclésiastiques fonctionnaires publics à s'en dispenser s'ils le veulent. Ouire que c'est la loi civile, c'est que tous les Français sont citoyens, c'ést que tous les citoyens sont soumis aux charges que la Constitution leur impose; enfin on vous propose d'exclure une classe de citoyens des fonctions publiques; c'est tout à la fois lui refuser le droit d'être, comme toutes les autres, jugée par des pairs; et c'est, d'autre part, renouveler dans la société un ordre séparé, un ordre privilégié que nous avons détruits.
En Angleterre, les ministres ne participent pas à ces fonctions. (L'Assemblée ferme la discussion.)
demande que les membres des directoires soient exclus du juré.
répond que ces administrateurs ne font que contrôler les listes des éligibles. (La question préalable est demandée sur tous les amendements, excepté sur celui de M. Prieur.) (L'amendement de M. Prieur, tendant à remplacer les mots : en sont dispensés, par ceux-ci : ¦pourront s'en dispenser, est adopté; les autres amendements sont rejetés.) L'article 4, ainsi amendé, est adopté en ces termes :
Art. 4.
« Ne pourront être jurés les officiers de police, les juges, les commissaires du roi, l'accusateur public, les procureurs généraux syndics et procureurs syndics des administrations, ainsi que tous les citoyens qui ne sont pas portés sur la liste des éligibles. Les ecclésiastiques et les septuagénaires pourront s'en dispenser. »
Messieurs, le scrutin pour la nomination de 6 commissaires-adjoints au comité d'agriculture a donné la majorité des suffrages à MM. Bureaux de Puzy, de Phélines, Dionis du Séjour, Jarry, Millet de Mureau et Chevalier. M. le maire de Paris m'annonce par lettre que la municipalité de ladite ville a fait hier l'adjudication de 3 immeubles nationaux : le premier, une maison louée 1,200 livres, estimée 15,000 livres,adjugée 35,000 livres; Le second, huit masses de bâtiments au marché Saint-Martin-des-Champs, louées 4,500 livres, estimées 42,900 livres, adjugées 71,300 livres ; Le troisième, uné maison, rue Saint-Martin,
louée 4,050 livres, estimée 50,000 livres, adjugée 110,000 livres.
indique l'ordre du jour de la séance de ce soir, et lève ia séance à trois heures.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
Un dé MM. les secrétaires fait lecture des pièces suivantes :
Lettre de M. Guy Ardouio, laboureur au village de Lorrait, département de la Charente, père de 11 enfants, bientôt de 12, lequel fait don à l'Assemblée nationale de 800 livres en assignats, bien qu'il lui ait déjà fait don de 3,300 livres, avant même l'existence du décret sur la contribution patriotique.
(L'Assemblée arrête qu'il sera fait une mention honorable de cette lettre dans son procès-verbal, et que là somme de 800 livres actuellement sur le bureau sera remise à la caisse des dons patriotiques.) «
Adresse des officiers municipaux de la ville de Bordeaux,qui annoncent que M. La Fosse, de Hon-fleur, capitaine de navire du commerce, commandant le navire la Jeune Sabine, mouillé vis-à-vis du château Trompette, a sauvé la vie, à travers les plus grands périls pour lui, à plusieurs citoyens qui avaient fait naufrage le 23 janvier dernier ; et qu'ils ont délibéré de lui décerner une couronne civique, et de lui donner un pavillon aux couleurs nationales.
(L'Assemblée nationale arrête qu'il en sera fait mention honorable dans son procès-verbal.)
La même municipalité fait aussi part, dans ladite adresse, de la conduite de deux femmes de la classe la plus indigente, qui ont donné les marques du courage le plus civique, et qui, après s'être exposées à de grands dangers, se sont empressées de donner aux naufragés, arrachés à la mort, tous les soins qu'elles ont pu. La municipalité recommande à l'Assemblée ces trois personnes intéressantes.
(L'Adresse est renvoyée aux comités des pensions et des finances et l'Assemblée ordonne également une mention honorable, dans son procès-verbal, de l'action courageuse de ces deux citoyennes.)
Discours prononcé par M. de La Court, curé de la paroisse de Saint-Romain, de la ville de Romans, département de la Drôme, lors de ia prestation de son serment, dans lequel les motifs qui ont déterminé ce pasteur sont exposés d'une manière aussi simple que lumineuse.
Plusieurs discours du même genre, l'un de M. Defaux, docteur en théologie, professeur au collège de Bar-le-Duc ;
L'autre de M. le curé de Saint-Pierre de Caen.
Adresse de dévouement des élèves de M. Jouan,
instituteur â Tourmins, département de Lot-et-Garonne.
Adresse des négociants et fabricants de la ville de Grasse, département du Var, qui sollicitent un tribunal de commerce.
(Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution.)
Adresse de la municipalité de Saint-Denis, en l'île d'Oléron, contenant le précis de la conduite qu'elle a tenue, relativement à un naufrage arrivé sur ses côtes : ii en résulte que, par son zèle et sa prudence, elle a sauvé les effets du vaisseau naufragé.
(L'Assemblée arrête qu'il en sera fait mention honorable dans son procès-verbal.)
Discours militaire et patriotique, prononcé dans la séance publique des amis de la Constitution des ville et district de Lille, par M. Vernay, soldat au régiment de Brie, au nom de tous les soldats citoyens de cette ville, et par M. Dubois le jeune, députédu détachement du corps-royal d'artillerie, en garnison à Lille.
Adresse des administrateurs du directoire du département de la Côte-d'Or, contenant un procès-verbal qui atteste les généreuses dispositions de la garde nationale de Dijon à se transporter en corps partout où les dangers de la patrie et le maintien de la Constitution pourraient l'appeler.
Adresse de M. Poutier, commandant à la citadelle de Besançon, qui renouvelle entre les mains de l'Assemblée nationale son serment civique : « Soumis, dit-il, aux lois de mon pays, je serai sans cesse dévoué au pouvoir qui les décrète, et, jusqu'à mon dernier soupir, je servirai ma patrie en brave, loyal et fidèle citoyen. »
Adresse du conseil général de la commune de Mello, qui supplie instamment l'Assemblée nationale de ne point se séparer, avant d'avoir terminé et perfectionné ses glorieux et immortels travaux.
Adresse de la société des amis de la Constitution de Lyon, qui supplie l'Assemblée de prendre des mesures contre les efforts des ennemis de la Constitution, tant au dedans qu'au dehors,et d'ordonner que les fonctionnaires publics soient tenus non seulement de prêter leur serment civique en France, mais même d'y résider.
Adresse de M. Tribouillet, professeur de rhétorique au collège de Vesoul, qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage imprimé, sur la constitution civile du clergé.
Adresse des officiers municipaux des villes de Cherbourg, Libourne, de la communauté de Cham-pigneule, du procureur de la commune d'Epernay, qui annoncent que les curés,fonctionnaires et instituteurs publics de ces différentes paroisses ont prêté le serment civique.
Adresse des curés de Ghâtillon, de Bereims et de Saint-Gyr, département de l'Ain, de Sublames, département d'Indre-et-Loire, de la ville d'Eu, de Nângis-en-Brie, de Saint-Martin-d'Audouville, dé-partementde la Manche, de Saint-Romain de Blaye,. de Salins, de Villers-la-Montagne, de Reinsling, de Givry-en-Argonne et d'Allondres.qui font hommage à l'Assemblée des discours patriotiques qu'ils ont prononcés lors de la prestation de leur serment civique.
Acte de serment du clergé de la Flèche, département de la Sarthe, qui atteste que tous les fonctionnaires publics du culte et de l'éducation ont juré d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi.
M. Villar, doctrinaire et supérieur du collège
de cette. ville, l'un des premiers de l'Empire français, y déclare qu'il est chargé, de la part des doctrinaires non fonctionnaires publics, de témoigner la peine qu'ils éprouvent de ne pouvoir joindre leur serment à celui de leurs confrères fonctionnaires publics, et d'assurer l'Assemblée que ce serment est gravé dans leurs cœurs.
M. Buissard, de l'académie d'Arras, qui fait hommage à l'Assemblée nationale d'un ouvrage sur les poids et mesures, lui adresse un supplément à cet ouvrage, qui est renvoyé au comité de commerce.
Adresse patriotique de la société des amis de la Constitution à Bourbon-Lancy, qui annonce les manœuvres de quelques ecclésiastiques fonctionnaires publics, pour détourner leurs confrères de la prestation du serment civique ; elle rend compte des moyens qu'elle a employés pour prémunir le peuple contre cette séduction.
Lettre du directoire du département du Puy-de-Dôme, portant dénonciation d'une lettre au sieur Lage, officier au régiment de Chartres, infanterie, par laquelle cet officier intime au sieur Pelacot, oflicier du même régiment, des défenses, de la part de leur colonel, d'engager aucun sujet qui ait servi dans les troupes de ligne.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité militaire).
Un membre annonce que tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics de la ville d'Avesnes, département du Nord, ont prêté le serment décrété par l'Assemblée nationale ; il demande qu'il en soit fait mention dans le procès-verbal.
(Cette motion est adoptée.)
annonce à l'Assemblée que les quatre curés, les vicaires, les professeurs du collège et tous les autres ecclésiastiques, fonctionnaires publics, sans exception, de la ville de Brioude, se sont empressés de prêter, le 29 janvier dernier, le serment civique.
, évêque de Poitiers. Messieurs, vous avez confirmé, jeudi dernier, la nomination des professeurs du collège de Poitiers par les corps administratifs réunis. Je dois respecter vos décrets, même lorsque je n'en pénètre pas les motifs et je ne vous proposerai pas de révoquer celui que vous avez rendu en cette circonstance. Je vous représenterai toutefois qu'un procureur a été nommé principal du collège (Murmures); il n'est pas question d'apprendre a de jeunes gens les règles de la procédure. (Interruptions.) Je demanderai seulement qu'on veuille bien ordonner à messieurs des corps administratifs de fixer leur choix sur des sujets en état de mieux remplir les fonctions qui leur sont confiées.
Je ferai remarquer au préopinant qu'il s'écarte des principes qu'il a avoués lui-même en entrant en matière : vous avez annoncé que votre intention n'était pas de faire réformer le décret. Cependant il le serait si votre proposition était adoptée, car l'objet d'un mauvais choix ne pourrait être justifié que par une dénonciation de faits et il me semble que vous n'en avez pas encore énoncé, auxquels l'Assemblée puisse s'arrêter. Veuillez bien vous exprimer d'une manière plus positive..... (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom des comités ecclésiastiques et d'aliénation. Messieurs, avant de passer au rapport relativement à l'objet qui est annoncé, je proposerai un projet de décret en deux articles sur les baux à vie que quelques administrateurs se permettent de faire. Par un décret, vous avez déjà ordonné que défenses étaient faites aux administrateurs des hôpitaux, et autres personnes qui sont chargées de l'administration au bien public, de les vendre d'aucune manière qu'en vertu d'un décret. Pour contrevenir et éluder cette défense, on ne vend pas directement, mais on passe des baux à vie; sans contredit, c'est une aliénation. Pour parer à cet abus, je vous propose le décret suivant : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par ses comités ecclésiastiques et d'aliénation des domaines nationaux, réunis, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les corps, maisons, communautés et établissements publics, tant ecclésiastiques que laïcs conservés, et auxquels l'administration de leurs biens a été laissée provisoirement, ne pourront faire des baux pour une duréé excédant neuf années, à peine de nullité; tous ceux faits pour une plus longue durée, à compter du 2 novembre 1789, dans quelque forme qu'ils aient été passés, sont déclares nuls et de nul effet. » Art. 2.
« Les baux autorisés par l'article ci-dessus ne pourront, à peine de nullité, être passés qu'en présence d'un membre du directoire du district dans les lieux où se trouveront fixés lesdits établissements, ou d'un membre du corps municipal dans les lieux où il n'y aura pas d'administration de district. Les formalités, prescrites par l'article 13 du titre II de la loi du 5 novembre dernier, seront observées pour la passation desdits baux, à peine de nullité. »
Messieurs, le décret qui vous est proposé contient deux dispositions très distinctes. La première est de ne pas passer à l'avenir de baux à vie, et cette disposition me paraît extrêmement sage; la seconde annule les baux qui ont été faits depuis le 2 novembre 1789. Nulle puissance humaine, même surhumaine, n'a le droit de donner aux lois un effet rétroactif. Plusieurs membres : Aux voix I
Je demande la division des articles du décret.
Je propose, par amendement, au lieu de la nullité des lieux, seulement la réduction à neuf ans ; alors vous concilieriez ce qu'on doit à l'intérêt public et le respect des conventions; et vous ne donneriez pas à la loi un effet rétroactif.
Il n'y a point, à mon sens, de difficulté à adopter le décret proposé; cependant on a fait un amendement qui annonce des difficultés. On observe que les baux passés ne sont pas nuls pour neuf années ; il faut convenir que les lois ne permettaient pas aux ecclésiastiques de faire des baux à longues années. Je ferai surtout une observation : certaine-
ment, depuis le 2 novembre, les corps religieux qui possédaient ou qui administraient des biens ecclésiastiques ont dû mettre la plus grande exactitude a ne pas s'écarter de l'exécution de la loi ; ainsi les baux qui ont été faits depuis cette époque ne l'ont été que par un mauvais esprit et pour embarrasser la vente des domaines nationaux. Je crois donc qu'à l'égard de ces baux on ne peut regarder comme une loi qui donne un effet rétroactif la disposition qu'on vous propose, mais comme une loi qui, appliquant celles antérieures, prononce une nullité d'usage ; quant aux baux a vie, faits de bonne foi, ils seront exécutés, en raison d'une disposition du décret du 14 mai dernier.
Je combats les amendements qui vous sont proposés. Tous les corps administratifs et réguliers savent fort bien que l'Assemblée nationale avait décrété que leurs biens seraient à la disposition de la nation et qu'ils ne pouvaient pas faire de baux à vie ; tous les baux faits depuis ce décret sont donc atteints de mauvaise foi. D'après cela, le décret qui vous est proposé me paraît très juste. On fait un amendement qui tend à accorder à ces baux une existence de neuf années; je m'y oppose, parce qu'une semblable disposition ferait, à mon sens, un tort considérable au Trésor public; et je dis que, lorsque ces corps ont fait des baux à vie, ils les ont faits pour une somme bien moins considérable que s'ils eussent fait dés baux à terme. (Applaudissements.) Vous laisserez donc, dans les circonstances actuelles, le prix de leur mauvaise foi à ceux qui auraient contracté de mauvaise foi. (Applaudissements.) Plusieurs membres : Aux voix I
Je retire mon amendement. Un membre demande la question préalable sur la division proposée par M. de Cazalès. (La question préalable est adoptée). (Le projet de décret est mis aux voix et adopté).
Je demande à l'Assemblée la permission de profiter de cette occasion, pour l'inviter à ordonner à son comité d'agriculture de lui présenter un projet de décret relatif à la durée des baux. Vous n ignorez pas qu'en Angleterre la durée des baux est plus longue qu'en France, et que les administrateurs éclairés attribuent à cette loi la prospérité de l'Angleterre. (Murmures et interruptions.)
Le décret est inutile; car il tfest pas en France de loi qui défende de passer des baux pour plus de 9 ans. Plusieurs membres demandent l'ordre du jour.
M. Dauchy, membre du comité d'agriculture, m'observe qu'on s'occupe dans le comité de cet objet. Je mets, en conséquence, aux voix la proposition qui est faite de passer à l'ordre du jour. (L'ordre du jour est adopté).
, au nom du comité ecclésiastique. Messieurs, votre comité ecclésiastique m'a chargé de vous présenter un projet de décret, pour le- ver des doutes qui s'élèvent dans différents départements, sur le serment à prêter par les ecclésiastiques fonctionnaires pubfics. Le premier est de savoir si les prédicateurs sont des fonctionnaires publics. Votre comité l'avait ainsi pensé ; mais, avant de le déclarer, il a voulu prendre vos ordres. Il a cru que nul ecclésiastique ne pouvait prêcher qu'il n'eût auparavant justifié de la prestation de son serment. Le second doute nous a paru aussi facile à lever. Il consiste à savoir si les fonctionnaires publics qui ont déclaré, par un écrit signé d'eux, ne pouvoir ni né vouloir prêter le serment, ne peuvent être destitués qu'après le délai prescrit par le décret du 27 novembre. (Murmures dans la partie gauche.) Le comité a pensé que si la loi accordait un délai, c'était pour donner le temps de connaître et d'exécuter le décret. C'est par ces motifs que vous n'avez accordé que 8 jours à ceux qui sont présents dans le lieu de leurs fonctions; un mois à ceux qui sont répandus dans le royaume, et deux à ceux qui sont en pays étranger. Le comité ecclésiastique a pensé que, dès qu'il avait été donné àun ecclésiastique connaissance officielle de votre décret, et qu'il avait déclaré ne pas vouloir s'y soumettre, il s'était fait justice lui-même. (Applaudissements couverts par des murmures dans la partie gauche.) Votre comité a pensé que tout était rempli; qu'il ne fallait pas que ia tranquillité publique fût compromise ; je dis la tranquillité publique, parce qu'il existe des départements où ces déclarations, faites à l'avance, peuvent exciter des troubles. La question que je vous soumets nous a été non seulement faite par des départements, mais encore par les commissaires envoyés dans quelques endroits, pour maintenir l'ordre public. C'est le principe que si telle ou telle personne, à laquelle od a accordé un délai pour exercer tel ou tel acte, déclare, avant l'expiration du délai, ne pouvoir le faire, elle est déchue des prétentions qu'elle aurait pu avoir, si elle avait exercé cet acte. Je vais conclure par la lecture du projet de décret : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité ecclésiastique, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les prédicateurs sont compris parmi les fonctionnaires publics tenus de prêter serment aux termes du décret du 27 novembre dernier.
« En conséquence, nul ne pourra prêcher dans quelque église que ce soit, sans avoir au préalable justifie de sa prestation de serment, conformément audit décret. »
L'intention de l'Assemblée est-elle d'entendre la lecture du projet entier, ou veut-elle que le premier article soit immédiatement mis aux voix?
Je demande qu'on lise tout le décret, car il serait possible qu'on eût à faire des observations sur des articles subséquents.
Je suis bien étonné qu'on nous propose un article qui présente un contraste aussi frappant avec le décret que vous avez rendu ce matin. En effet, Messieurs, vous donnez aux ecclésiastiques un droit qui ne leur a jamais appartenu, qui, suivant les canons de l'Eglise, ne peut pas lenr
appartenir (Murmures), et aujourd'hui vous leur ôtez l'observation de leur devoir le plus rigoureux, celui de prêcher l'évangile. Par là vous les réduisez à suivre le régime des ministres protestants, et à prêcher au désert (Murmures) ; je demande, Messieurs, quels sont les moyens que votre décret réserve pour pourvoir aux besoins des fidèles qui auront confiance en eux ? Plusieurs voix : L'obéissance à la loi 1
D'après cette considération, nous devrions leur ôter le droit que nous leur avons donné ce matin, et leur accorder ce que nous voulons leur ôter ce soir;.ainsi, je conclus à la question préalable sur l'article du décret proposé. Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. (La discussion est fermée.)
demande la parole.
Apparemment, M. le rapporteur que pendant que vous parliez à M. Regnaud, vous ne vous êtes pas aperçu que la discussion était fermée.
Je sais que la discussion est fermée, mais, ni vous, M. le président, ni l'Assemblée, ne pouvez refuser d'entendre votre comité.
Service pour service, vous avez voulu m'apprendre mon métier, je vais vous apprendre le vôtre.
(de Saint-Jean-d'Angêly). Je demande que le serment qu'on exige ues prédicateurs, soit restreint à ceux qui seront salariés par la nation ; on sait quels sont les dangers de l'abus de la parole, je sais qu'il y a des provinces où des ecclésiastiques en feraient le plus terrible usage, si la loi n'était là pour les réprimer; mais vous n'avez pas à craindre qu'un ecclésiastique, qui aura prêté le serment, permette qu'un prêtre réfractaire vienne déclamer contre la raison et la religion qui respirent vos décrets. (Rires à droite).
Je demande la question préalable sur l'amendement, et l'appuie sur une question fort simple. Le décret du 27 novembre comprend dans le nombre de3 ecclésiastiques fonctionnaires publics, qui doivent prêter le serment, les professeurs de collège et les supérieurs de séminaires ; votre intention a donc été que toutes les personnes qui participent à l'enseignement public, même dans un endroit particulier, fussent tenues de prêter le serment ; à plus forte raison devez-vous vouloir que ceux qui forment une instruction publique soient astreints à ce serment ; quant à ce qu*on dit que les prédicateurs ne sont pas salariés, cette observation n'a aucune espèce de solidité par deux raisons, la première en ce qu'ils ne prêchent pas gratuitement, et qu'ils sont salariés par les fabriques au nom de la nation ; la seconde, parce que leur ministère seul les astreint à ce serment. Il ne s'agit donc pas ici d'une nouvelle disposition ; mais seulement de déclarer que vous les avez compris dans le décret du'27 novembre dernier, et qu'ainsi ils ne pourront prêcher qu'après avoir prêté le serment.
J'ai été singulièrement frappé des puissantes raisons de M. Treilhard, et c'est cet effet de la conviction subite qui est entrée en moi, qui me détermine à proposer un nouvel amendement. M. Treilhard vous a très bien observé qu'il n'était pas permis aux prêtres qui n'ont pas prêté le serment de contribuer à l'enseignement public, mais comme non seulement ces prêtres pourraient être dangereux par la parole, ils pourraient l'être encore par leurs écrits. Je demande, en conséquence de ces réflexions, qu'il ne soit pas permis aux prêtres, aumôniers, etc., de ne rien écrire ni de rien imprimer, et qu'ils ne puissent ni confesser ni dire la messe, (Rires à gauche) s'ils ne prêtent pas le serment.
Je demande que M. de Montlosier soit rappelé à l'ordre.
J'observe que j'ai apporté ce décret signé de M. le président et de M. le secrétaire du comité. Plusieurs membres demandent la question préalable sur les amendements. (La question préalable est adoptée).
Je vais mettre aux voix l'article premier.
Nous ne prenons pas de part à la délibération. (L'article premier est décrété.,)
, rapporteur. D'après les observations qui viennent d'être faites, je demande le renvoi de l'article 2 au comité.
Il est assez singulier qu'on nous propose de renvoyer un article qui n'est pas même lu. Plusieurs voix à gauche : Vous ne délibérerez pas.
II est notoire que la disposition de cet article a été développée ; le comité lui-même demande le renvoi. Je suppose qu'il n'y a pas même lieu de le mettre aux voix.
Le comité a dit lui-même qu'il devait le projet à M. Chasset.
, rapporteur. Oui, et j'en demande le renvoi en mon nom.
Puisque M. de Montlosier veut un décret pour le renvoi, il faut le contenter.
Je veux lé renvoi quand on aura lu l'article. (Le renvoi est ordonné).
L'Assemblée nationale vient de rendre un décret sur un objet de police sur lequel une partie de l'Assemblée n'a pas cru dé" voir manifester d'opinion. Moi, je dois la consulter sur un autre objet, c'est de savoir s'il sera loisible d'exercer privément dans sa famille et parmi ses domestiques la f religion catholique, apostolique et romaine. (Applaudissements à droite.)
Voix nombreuses à gauche : A l'ordre M. de Folleville 1
La demande de M. de Folleville est appuyée.
Ma demande est très sé- j rieuse et elle est appuyée ; je demande qu'on la mette aux voix.
Mon in tentiou estde répondre j à votre question et de vous observer que, comme elle est également inconstitutionnelle et injurieuse à la foi de l'Assemblée nationale, je vous rappelle à l'ordre. (.Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Monsieur le Président, je demande la parole pour prouver que vous avez eu tort.
Je vous observe, Monsieur le Président, qu'en déclarant que ce que j'avais dit était inconstitutionnel et injurieux à la foi de l'Assemblée, vous avez prétendu juger ma conscience ; or, je dis que la religion qu'on m'impose n'est point la religion catholique, apostolique et romaine que je veux conserver à moi et à ma famille.
Ma proposition, Monsieur le Président, est que vous avez eu tort de rappeler à l'ordre M. de Follevile ; je demande à le prouver.
Monsieur, je vais vous montrer que je suis le fidèle organe de l'Assemblée. Messieurs, M. d'Eprémesnil demande la parole pour prouver que j'ai eu tort ; je la demande pour lui. Plusieurs voix à gauche : L'ordre du jour I
Monsieur le Président, voulez-vous bien mettre aux voix si j'aurai la parole contre vous : ma proposition est appuyée. Plusieurs voix à gauche : L'ordre du jour !
Messieurs, il y a peu d'entre nous qui n'aient pas la preuve que la chaleur contagieuse d'une grande assemblée ne nous ait conduits au delà de nos propres sentiments et du sens que nous voulons donner aux expressions. Et M. de Folleville est si peu sujet à des écarts que je crois que M. d'Eprémesnil voudra bien concevoir qu'il n'est aucunement du devoir d'un bon citoyen et d'un homme sensé de donner suite à 'une affaire assoupie et entièrement étouffée. Maintenant, M. d'Eprémesnil exige-t-il que je sois jugé ? Je lui demande à lui-même s'il insiste pour que je le sois?
insiste.
Je mets à l'instant aux voix la proposition de M. d'Eprémesnil. Que ceux qui pensent que M. de Folleville n'a pas dû être rappelé à l'ordre se lèvent. (L'Assemblée décide, à une très grande majorité, que M. de Folleville a dû être rappelé à l'ordre.)
Vous avez mal posé la question.
Je vous demande maintenant la permission de vous avertir que si je n'ai pas tort, il est bien évident que, si vous continuez, ce serait vous qui auriez tort et non pas moi. (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité- de judicature. Messieurs, le commissaire du roi chargé, par vos décrets du mois de décembre et par celui du 6 janvier dernier, de liquider les différents offices de judicature, a fait remettre à votre comité plusieurs procès-verbaux de liquidation par lui faits. Le comité ayant pris communication des procès-verbaux les a trouvés en bonne forme et les opérations faites conformément à vos décrets. Il me charge de vous proposer le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de judicature, qui lui a donné lecture du résultat des opérations du commissaire du roi, dont te tableau suit ; Savoir : La municipalité d'Abbe- ville, montant à.... 10,315 1. 12 s. » ( La sénéchaussée d'Aix. 190,092 17 « Le bureau des finances, 889,488 9 8 Le bailliage d'Aire.... . 62,383 5 5 L'élection d'Angers.... 144,785 3 . » La sénéchaussée, idem. 303,765 » A La police, idem....... 73,839 6 8 La sénéchaussée d'Arles 123,193 5 » Le bailliage et gouver- nance d'Arras....... 136,743 5 8 Le bailliage de Bar-le- . 249,504 11 4 Eaux et forêts, idem .. Le bailliage et siège pré- 2L4,806 9 » sidial de Besançon .. 199,325 ' 7 4 Le bailliage et siège pré- sidial de Gaen....... 360,763 19 8 Le bureau des finances, idem............... 1,183,974 14 2 Le bailliage de Ghàtel.. 29,331 ; 9 » La sénéchaussée de Châ- tellerault........... 69,749 13 » Grenier à sel de Chà- teau-Porcien........ 41,050 » • Le bailliage de Charmes 32,265 14 10 L'élection de Commin- ges................ 31,726 - 19 1 La municipalité de Di- nan................ 23,000 _ » Le bailliage de Dom- front............... 62,853 12 Le bailliage de Saint- 69,038 15 Les traites et gabelles de Fougères........ 25,400 6 La police de Fougères. 3,554 11 La sénéchaussée, idem. 62,414 10 Les eaux et forêts, id.. 34,363 18 8 La chancellerie de Flan- dres ............... 1,516,775 9 8 Le bailliage de Saint- Flour.............. 77,454 15 4 Le bailliage de Gévau- 11,662 16
La justice royale de Gontaud........... Le grenier à sel d'In- grande............. Les eaux et forêts de - Laon ........ La sénéchaussée de Limoges ............. L'élection de Loches,. Le bailliage de Luné-Yille..,........*.«• Les eaux et forêts, id. L'élection de Saint-Lô. La sénéchaussée de Martel............. 2,36^ 20,479 76,807 215,645 45,900 198.810 142,840 117,521 5 13 16 8 12 12 7 10 38,024 10 4 Le siège royal de Mu- ret ................ 6,981 16 2 La chancellerie de Mon- tauban............. 651,183 » 10 L'office de prévôt gé- néral des monnaies et maréchaussées de France............. 150,000 » a La justice royale de Montolieu......... ? 899 7 » La vicomté de Moyaux. 15,167 10 4 Le bailliage de Mohon. 1,378 4 8 La châtelleuie royale de Néronde .......» 5,660 6 » Le bailliage de Nuits» • 29,384 4 8 Le châtelet d'Orléans.. 037 494 1 P L'élection, idem...... 94,044 13 5 Les eaux et forêts, id. 670,006 9 4 Le bureau des ijinappes, idem............... 1,3.28,357 19 » Le grenier à sel, idem. 75,260 6 4 Le bureau des finances de Paris........... 2,712,674 4 7 La chancellerie de Pau. 1,095,059 6 6 La chancellerie de Per- pignan............. 1,008,336 15 « Le bailliage de Ponlar- lier................ 97,836 5 » La sénéchaussée de Quimperlé.......... 33,373 8 n Le procureur général 109,583 10 des requêtes de l'Hôte\ » La sénéchaussée de Riom.............. 513,562 n g La juridiction de Ro- 6,842 quecizière.......... )> n La municipalité de Sar- 5,000 rable.............. 1 La municipalité de Sar- ! ÎQ,SQQ guemines.......... » » Le bailliage de Saunoy et Perray..... .. 37,202. 17. 4 Le siège de Simorre... 2,473 17 4 Le grenier à sel de âillé- Guiiiaume.......... 26,982 19 19 La municipalité de Thiaucourt,,,..,... 16,940 % 8 La maîtrise des ports de Toulon.......... 6,693 5 » La sénéchaussée d'Uzer- ehes............... 66,145 12 4 Le grenier à sel de Ven- dôme .............. 16,890 11 7 Le grenier à sel de Viniers............. 24,659 9 6 L'élection de Vire..... 85,340 12 10 Et le bailliage de Voulant.....!......... 29,178 6 4 Total des liquidations ci-dessus............. 16,463,6201. 10 e. 5 d. Les dettes actives réunies de toutes les corn-pagnies ci-dessus, et dont la nation profite, sont de la somme de...... 1,124,0141. 2 s. 1 d. Les dettes passives, don t la nation se charge, sont de.............-, 537,054 U 8 Partant, il y a bénéfice, au profit de la nation, de la somme de. 586,959 l. 10 s. » d. Décrète que, conformément au résultat pré-senté des liquidations arrêtées par le commissaire du roi, il sera payé par la caisse de l'extraordinaire la somme de 16,463,620 1.10 s. 5 d.; à l'effet de quoi les reconnaissances de liquidation seront expédiées aux officiers liquidés, en satisfaisant par eux aux formalités prescrites par ses précédents décrets, u (Qe décret est adopté.) L'ordre du jour est un rapport du comité des recherches sur Vaccusation de prévarication portée, au nom de la commune de Haguenau, contre Claude-Ambroise Régnier, membre du comité des rapports (1).
, rapporteur. Messieurs, je orois qu'il est de mon devoir de vous prévenir, avant de commencer mon rapport sur l'affaire de Haguenau, que ce matin il m'a été remis une lettre adressée à l'Assemblée nationale par le sieur Westermann, actuellement à l'hôtel de la Force en vertu d'un décret de prise de corps. Il était ci-devant député extraordinaire de la commune de Haguenau sur laquelle ce rapport est dirigé. Il demande à être transféré, sous bonne et sûre garde, au comité des recherches au moment de la délibération pour s'expliquer sur les intérêts de la commune. Veut-on un rapport sur paroles ou sur pièces constatées? Plusieurs voix : Sur pièces !
, rapporteur. Qu'on veuille donc bien faire mention de ma demande dans le procès-verbal.
Je crois que nous ménagerons le temps de l'Assemblée, si vous voulez bien permettre que M. le rapporteur entende au comité des recherches l'individu qui demande à être entendu, parce que, si par hasard cet homme qui demande à être entendu a des choses utiles, intéressantes à dire, et qu'il faille les redire encore, vous serez obligés d'entendre un autre rapport et vous perdrez de nouveaux instants. Vous avez assez d'objets importants à l'ordre du jour.
Un membre : Je n'empêche pas qu'on prenne les éclaircissements dont le
comité des recherches
M. de Riolles est enfermé. (Interruptions.)
... Je demande pourquoi M. Voidel a défendu de sa propre autorité à la fille de M. Riolles de voir son père, et au fils de M. de Riolles de parvenir jusqu'à lui. Je demande encore pourquoi l'avocat de M. de Riolles n'a pas la liberté de lui parler?
, rapporteur. J'observe que M. Wes-termann demande à être entendu sur les intérêts de la commune de Haguenau, qui a d'autres députés ici, et que le rapport n'est point du tout dirigé contre M. Westermann. Si cependant l'Assemblée croit que M. Wester^ mann, ayant ici des codéputés chargés des intérêts de la commune de Haguenau, doive être entendu sur une affaire qui concerne cette commune, je ne m'y oppose pas; mais j'observe qu'il s'agit dans cette affaire de l'honneur d'un membre de cette Assemblée, gravement inculpé, et qu'il est triste pour un représentant de la nation d'être sous le coup d'une pareille inculpation. L'Assemblée, d'après cela, peut décider ce qu'elle voudra. (L'Assemblée ordonne que le rapport sera fait à l'instant et qu'il sera fait mention dans 1e procès-verbal de la communication de M, Yoidel relative à la demande de M. Westermann.)
, rapporteur. Messieurs, upe accusation grave est portée contre un de vos membres ; un de nos collègues vous est dénoncé comme un prévaricateur, et c'est au nom d'une commune qu'est faite cette dénonciation. L'infidélité prétendue d'un rapport est le titre de l'accusation, et ce rapport n'existe que par lambeaux, dans des feuilles publiques ; son auteur ne l'avait pas écrit. Le décret qui en était la conséquence, recueilli dans les mêmes feuilles, altéré dans ses principales dispositions, est présenté comme la preuve d'une prévarication; et cette preuve est tirée des textes altérés. On reproche au rapporteur de l'inexactitude dans les faits, un silence affecté et perfide sur des pièces importantes; et de 77 pièces que l'on dit avoir été déposées au en-* mité, il est prouvé par l'extrait des registres et par la propre décharge des agents des dénonciateurs que 23 seulement y ont été produites ; l'on ditenlin que le rapporteur a fui les éclaircissements, qu'il a repoussé la lumière, et le rapport a été fait au comité dont il était l'organe; il a été discuté en présence des députés du département dans lequel se trouve la commune qui en était l'objet. Cependant, l'accusation ést formelle, elle a été déposée sur votre bureau et vous en avez renvoyé l'examen à votre comité de recherches que vous avez chargé de vous en rendre compte. S'il y a prévarication, vous devez aux accusateurs la plus prompte et la plus sévère justice contre celui qui en serait l'auteur; plus ses fonctions étaient augustes, plus ses devoirs étaient sacrés ! S'il est calomnié, vous devez, Messieurs,à lui, à la sainteté de son caractère, au peuple qu'il représente, la plus entière et la plus éclatante réparation.
Vous avez ici à juger tout à la foi6 ia conduite du rapporteur du comité dans l'affaire de la commune de Haguenau, et celle de ce comité lui-même, qui revendique ie travail de son rapporteur, qui l'avoue et qui en garantit l'exactitude et l'intégrité. Voici les faits :
Depuis longtemps, des dissensions intestines désolaient la ville de Haguenau'; plusieurs fois vous aviez pris, dans votre sagesse, les moyens que vous jugiez propres à y rétablir la paix. Ils avaient tous été sans succès. L'enlèvement et ]e pillage des effets du greffe de cette commune arrivés les 16 et 17 juin dernier, la fuite d'une partie des officiers municipaux, la municipalité accusant de ces excès le parti qui lui était opposé; tous ces faits avaient donné lieu à un premier rapport et au décret du 3 juillet qui ordonne : l'information et la poursuite de ces délits; 2® l'envoi d'un régiment de cavalerie française, destiné à maintenir les officiers municipaux dans le libre et paisible exercicé dp leurs fonctions; 3P ia dissolution d'un corps de milice nationale qu'on disait être nouvellement formé ; avec la faculté aux citoyens qui le composaient d'entrer dans celui qui avait été formé d'après les principes delà Copstitutiop, en remplissant les formalités prescrites.
Après la fédération, qui eut lieu à Strasbourg,. le 12 juin,pe corps particulier de milice nationale, touché des sentiments d'égalité et de fraternité qui se développaient avec tant d'énergie dans ces fêtes civiques, et voulant détruire tout sujet d'inquiétude et de soupçon dans la vjl|e de Haguenau, s'incorpora volontairement le 17 juin; dès le i4, M. de Worstatt avdt été élu commandant de Ja garde nationale ; il avait accepté, par le désir d'effectuer ja réunion des deux corps, et il y travailla avec activité : le 15, y trouvant de trop grandes difficultés, il donna sa démission.
I^e 16, la municipalité, refusant la démission, donna de plus à M. de Worstatl;, par écrit, l'autorisation de former un corps privilégié, sous le nom de compagnie martiale, il s'y refusa. L'incorporation se fit le 17 et c'est sous cette date que la municipalité a présenté depuis la démission de M. de Woptatt, donnée le 15. Le chiffre 5 se trouve altéré et remplacé par le chiffre 7, ce qui produit l'horrible effet de faire soupçonner que l'incorporation était la cause d'une démission qui n'avait eu popr motif, le 15, que la difficulté même de cette incorporation.
Arriva bientôt après la fédération générale, brillante époque de notre histpire, l'honneur de la Révolution et dont il était]si important et si facile de saisir l'occasion, pour rallier à un vœu commun les prétentions discordantes des citoyens. La municipalité ne l'envisagea pas ainsi ; sous le prétexte de dangers qui n'existaient pas ou qu'elle exagérait, elle osa, contre la teneur expresse de vos décrets, arrêter : que cette cérémonie serait différée à Haguenau du 14 au 28. Elle y mit tous les obstacles qui étaient en son pouvoir; elle en avait déjà apporté à l'envoi des députés de sa garde nationale à la fédération générale, et cette garde n'aurait pas eu de représentants à cette auguste cérémonie, sans les soins du district et la générosité de quelques bons citoyens.
La municipalité affirme que ce fait est faux, et elle prétend prouver son assertion en disant que quatre députés du corps illégalement formé se rendirent a Paris; qu'ils furent rejetés à ce titre comme membres d'un corps dont la dissolution était ordonnée par un décret, et qu'ils ne parurent à l'assemblée générale des fédérés qu'après des arrangements amiables pris avec le sieur Westermann, qui reçut leur adhésion au décret du 3 juillet, et qui, en vertu des pouvoirs qu'il avait reçus de la commune,les nommapour représenter la garde nationale de leur cité. Si l'objet de ce rapport était d'examiner quelle
fut en cette occasion la conduite de la municipalité, nous lui dirions : Votre dénégation démentie par la garde nationale, par les commandants pour le roi dans la ville et dans le département, par les directoires du district et du département par toutes les autorités légitimes enfin, votre dénégation ne suffit pas pour prouver qu'il existait à cette époque un corps particulier de garde nationale, dissous depuis le 17 juin : ni vous ni votre agent à Paris n'aviez le droit de nommer des députés à la fédération ; ils doivent être élus par leurs camarades; ainsi, vous avez, sur ce point, enfreint la loi.
La municipalité ne s'en est pas tenue là, et le 22 juillet, dans un temps où il n'y avait pas de troubles à Haguenau, malgré les vives instances des commissaires du département contre la dé fense expresse du directoire, notifiée par celui du district, elle a fait publier avec beaucoup de fracas et d'appareil le décret du 3 juillet qui, bien que sanctionné alors, ne lui avait pas été adressé officiellement et dans une forme légale, ce qui constituait encore une violation des lois constitutionnelles. Ainsi, faisant autant de fautes que de pas, elle s'acheminait vers la catastrophe qui ensanglanta les murs de Haguenau, où elle aurait pu si facilement faire régner l'ordre de la paix.
Le 24 juillet, deux jours après la publication du décret du3, le maire, le procureur de la commune et le sieur Westermann, secrétaire-greffier de la municipalité, arrivèrent à Haguenau, escortés d'un régiment de chasseurs et précédés d'une troupe d'hommes armés de bâtons; la garde de la porte de Saverne par laquelle ces officiers du peuple faisaient leur entrée, fut en leur présence insultée, maltraitée et renversée, et peu après ii s'engagea dans la ville un combat dans lequel 5 hommes furent tués et un plus grand nombre blessés, sans qu'on voie que ces magistrats aient fait le moindre effort pour prévenir ou empêcher le massacre de leurs concitoyens.
A la première nouvellé de ce tragique événement, le prévôt des maréchaux de Strasbourg, sur la réquisition des directoires du département du Bas-Rhin et du district de Haguenau, se transporta dans cette ville, et ii y informa Contre les auteurs des meurtres commis le 24. La municipalité voulait et demanda que le prévôt, sans ultérieur éclaircissement, décrétât de prise de corps les citoyens qui s'étaient ce jour-là trouvés de garde a la porte de Saverne et qui paraissent avoir été les premiers attaqués.
Le .'28 juillet, la municipalité remit sa démission entre les mains des commissaires du département, en les priant de la faire agréer par la commune; ces commissaires ne voulurent pas l'accepter, mais, malgré leur refus, les officiers municipaux ne voulant pas reprendre l'exercice de leurs fonctions, les commissaires les exercèrent provisoirement. Cette démission combinée était une véritable forfaiture, et c'est ainsi que la municipalité savait respecter la Constitution et les lois, en accusant ses adversaires de les mépriser.
Cependant, en exécution du décret lancé contre lui dans la procédure qui s'instruisait, pour raison des excès et violences commis les 16 et 17 juin, le sieur Westermann, le héros du parti municipal, fut arrêté à Paris et constitué prisonnier, à l'hôtel de la Force ; il devait être incessamment transféré dans les prisons criminelles de Strasbourg. Il vous présenta, Messieurs, sa réclamation, il vous exposa que l'envoyer à Strasbourg,
c'était l'envoyer à la mort, parce que ses juges étaient ses ennemis.
Ce fut là l'objet d'un premier rapport que vous fit le 30 octobre dernier, M. Régnier, au nom de votre comité des rapports.
M. Régnier, aujourd'hui attaqué sans ménagement et sans pudeur au nom de la commune de Haguenau, aujourd'hui accusé de prévarication, oubliant alors, en faveur du sieur Westermann, la rigueur des principes sur l'ordre judiciaire; vous proposa de décréter qu'il serait sursis à la translation du sieur Westermann dans les prisons criminelles de Strasbourg, jusqu'à ce qu'il vous eût été rendu compte des charges que contenait la procédure contre la municipalité de Haguenau, et que cependant l'accusé demeurerait en état d'arrestation. Mais vous, Messieurs (égarés, disent les dénonciateurs, par le rapport artificieux de M. Régnier), vous décrétâtes qu'il n'y avait pas lieu à délibérer.
Trois jours après ce premier rapport, M. Régnier vous en fit un second, duquel, en rentrant dans l'esprit de votre décret du 30 octobre, il écarta les pièces des deux instructions criminelles commencées, l'une par la municipalité de Strasbourg, sur les événements des. 16 et 19 juin, l'autre par le prévôt des maréchaux sur celui du 24 juillet.
Je ne m'arrêterai pas à discuter les reproches nombreux faits à ce second rapport par la commune de Haguenau et qui fait la base de la dénonciation. J'ai déjà eu l'honneur de vous ob server que ce rapport n'est point écrit ; il n'en existe que des fragments épars, et sans doute aussi infidèlement rendus, dans les papiers publics que le décret dont il était cependant si facile de se procurer une copie exacte. Mais ce que je ne puis m'empêcher de faire remarquer, c'est l'insolence des expressions employées contre le rapporteur dans un mémoire imprimé de 71 pages in-quarto, distribué avec profusion dans les départements du Haut et Bas-Rhin.. Presque chaque ligne de cet outrageant écrit distille le fiel de la haine et le poison de la calomnie; les épithètes d'homme atroce, traître, perfide, ennemi de l'Etat, prévaricateur, y sont répandues avec une profusion dégoûtante et cruelle.
A travers ce déluge d'injures, mon devoir était cependant, à défaut d'un corps de délit qui n'existe pas, de rechercher les traces fugitives d'erreur ou de négligence qui auraient pu échapper au rapporteur ; mais comment tirer de cet examen un résultat satisfaisant ? Voici, Messieurs, la marche que j'ai suivie, et qui m'a parue indiquée par le bon sens.
Le décret proposé doit être la conséquence, soit des faits, soit des décrets précédents : voyons si celui-ci est justifié par les faits ou les décrets. Je le lis ce décret, non pas dans le mémoire des accusateurs où il est ainsi rendu :
« L'Assemblée nationale, considérant que la municipalité de Haguenau a excité, par sa conduite, une partie des troubles qui sont arrivés dans cette ville, et qu'elle a depuis donné sa démission entre les mains du commissaire du roi, déclare qu'elle improuve la conduite de ia municipalité, qu'elle est satisfaite de celle de la garde nationale et du commandant de la place, décrète que le roi sera supplié de donner des ordres pour la nomination d'une nouvelle municipalité; décrète, en outre, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la pétition de quelques citoyens de Haguenau et que M. Westermann sera transporté dans les -prisons de Strasbourg. »
Mais je prends ce texte original du décret dans le procès-verbal du 2 novembre et j'y lis :
« Un membre du comité des rapports a rendu compte de l'affaire de la municipalité ;de Hague-nau et a proposé ie projet d'un décret que l'Assemblée nationale a adopté ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, considérant que la municipalité de Haguenau, par la conduite qu'elle a tenue, a entretenu les troubles de cette ville,itan-dis que son devoir était de les calmer; que cette conduite est devenue plus répréhensible encore d'après la lettre de son comité des rapports en date du 2 juillet,et qu'enfin elle est devenue tout à fait inexcusable par sa démission illégale du 28 du même mois, dans laquelle elle a persévéré malgré le refus fait par les commissaires du département du Bas-Rhin de la recevoir;
« Déclare qu'elle improuve la conduite de la municipalité de Haguenau, et qu'elle est satisfaite de celle de la garde nationale et du sieur de Worstat, son commandant.
« Décrète que le roi sera prié de donner les ordres nécessaires pour faire procéder à l'élection d'une nouvelle municipalité; décrète, en outre, qu'il n'y a lieu de délibérer sur les diverses pétitions d'une partie des citoyens composant la commune de Haguenau, et que la procédure criminelle, commencée en exécution du décret du 3 juillet dernier, sera continuée. »
Je ne vois rien, dans ce décret, qui ne soit justifié par les faits que j'ai eu l'honneur de vous exposer, par des déclarations officielles du district, du département et des commandants pour le roi, dans ce pays ; je vois toutes les autorités légitimes se réunir» pour accuser la mauvaise conduite de la municipalité, je vois de la part de celle-ci une grande facilité à maintenir l'ordre, et pas une démarche, pas un seul effort pour y réussir ; je la vois partout substituer l'orgueil du pouvoir aux fonctions douces et tranquilles d'une administration paternelle.
Le comité des rapports lui écrit, le 22 juillet, une lettre également honnête et ferme ; il est nécessaire de vous la lire :
« Paris, le 23 juillet 1790.
« Le comité des rapports, autorisé par l'Assemblée nationale, me charge, Messieurs, de vous informer que l'examen qu'il vient de faire d'un grand nombre de pièces qui lui ont été adressées, en dernier lieu, par l'Assemblée nationale, ne lui permet pas de douter :
« 1° Que dans plusieurs circonstances intéressantes le corps municipal de Haguenau s'est trouvé dispersé, de manière à ne pouvoir remplir les fonctions importantes qui lui sont confiées;
« 2° Que la municipalité a refusé d'assister à la cérémonie du serment civique qui a cimenté la réunion de tous les bons citoyens dans le corps de la garde nationale;
« 3° Que ia municipalité s'est également refusée, malgré la réquisition de M. Diettrich, commissaire du roi, à faire convoquer la garde nationale, à l'effet de procéder à l'élection des députés pour la confédération du 14 juillet ;
« 4° Que la municipalité a refusé d'ouvrir un paquet à elle adressé par les commissaires choisis parmi les électeurs du département pour procéder à l'élection des députés de la garde nationale, et que ce refus aurait empêché le départ de ses députés, sans la géaérosité avec laquelle
quelques citoyens ont fait, à cet égard, les avances nécessaires ;
« 5° Qu'il a fallu les instances réitérées tant de la part du commandant du roi pour la ville de Haguenau, que de celle de M. de Choisi, officier général, employé dans la province, pour décider ceux des officiers municipaux alors présents à Haguenau à assister à la cérémonie solennelle du serment, le 14 de ce mois;
« 6° Enfin, que la municipalité a refusé de reconnaître la garde nationale actuellement réunie à Haguenau, et n'a pas cédé aux différentes instances qui lui ont été faites pour assister aux assemblées légales qui ont été tenues pour couronner cette réunion, à l'élection légale des officiers, etc.
« Ces six faits principaux, auxquels il serait aisé, Messieurs, d'en joindre plusieurs autres qui résultent aussi des pièces que le comité a sous les yeux, auraient, sans doute par leur importance, exigé qu'il en fût fait sur-le-champ un rapport à l'Assemblée nationale ; les conclusions de ce rapport n'auraient pu qu'être très fâcheuses pour votre municipalité; mais le comité, sollicité à cet égard par les députés de la garde nationale de Haguenau, a cru devoir céder à leurs instances, et il s'est plu à n'attribuer qu'à un moment d'erreur, de votre part, les démarches imprudentes auxquelles vous vous êtes portés ; le comité a espéré qu'en vous épargnant dans ce moment un jugement sévère de la part de l'Assemblée nationale, il suffisait de vous rappeler vos devoirs, de vous prévenir d'y rentrer sur-le-champ pour parvenir à vous retirer de l'état de négligence et de découragement auquel vous paraissez vous être abandonnés.
« Le comité, persuadé, Messieurs, que vous sentirez le prix du ménagement dont il use dans ce moment à votre égard, me charge de vous mander très positivement que si, sous différents prétextes, la municipalité de Haguenau continuait à demeurer oisive et dispersée dans un moment où son zèle et son activité seraient si importants à la chose publique ; si vous continuez, Messieurs, à ne pas reconnaître, comme légalement incorporés dans la milice nationale, tous ceux des citoyens actifs qui ont prévenu le dernier décret rendu sur cet objet, et qui ont procédé à une réunion parfaite avec une grande loyauté; si, enfin, le sieur Westermann et plusieurs autres, qui paraissent être les principaux auteurs des troubles, continuaient à avoir de l'influence, et à vous entretenir dans des démarches contraires au rétablissement de la tranquillité publique dans votre ville, ce serait à regret, mais forcément, que le comité des rapports se verrait obligé à rendre compte de tous ces faits qui vous inculpent à l'Assemblée nationale, et à solliciter de sa part un jugement qui sans doute serait d'autant plus sévère, que l'importance des fonctions que vous avez négligé de remplir est plus grande pour le succès de la nouvelle Constitution et pour le bonheur du peuple.
« J'ai l'honneur d'être, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur. « Charles-Claude Delacour, président. »
La municipalité saisit le prétexte de cette lettre, et croyant peut-être embarrasser la marehe de l'administration, peut-être aussi rallier ses partisans, en faisant délibérer la commune sur sa démission ; au lieu d'adresser ses plaintes à l'A-semblée nationale, si elle pensait que cette
lettre contînt des reproches injustes, tout en protestant de son attachement à la Constitution, elle forfait à la Constitution par cette démission combinée.
Je me dis alors : le premier article du décret appuyé sur des faits incontestables est parfaitement juste et sage.
Le second, qui exprime une improbation contre la municipalité, qui loue la conduite de la garde nationale et de son commandant, est une conséquence, Une suite nécessaire du premier.
Je distingue trois parties dans le troisième : 1° le remplacement de la municipalité; 2° les pétitions d'une partie des citoyens de la commune de Haguenau ; 3° la continuation de la procédure.
J'observe, sur la première, qu'ordonner le remplacement d'une municipalité qui s'était rendue coupable de forfaiture, était moins une peine qu'une disposition d'indulgence.
Sur la seconde, que les citoyens de Haguenau, quel qu'en fût le nombre, avaient pour objet, d'une part ; le désir de faire bannir de la cité M. de Worstat, commandant de la garde nationale, et M. de Pons, commandant pour le roi, d'annuler toutes les procédures faites; de donner mainlevée de leurs personnes aux officiers municipaux condamnés par corps à une remise de pièces, par un jugement de la municipalité de Strasbourg, confirmé par un arrêt du ci-devant conseil souverain d'Alsace; enfin de commettre hors du département de nouveaux jugés pour une nouvelle instruction de l'affaire. Elles avaient pour objet, de l'autre : des plaintes de persécution, des reproches ou des griefs contre les juges. Or, sous tous ces rapports, les pétitions étaient, ou une absiirdité, ou le renversement de l'ordre judiciaire, ou du ressort du district de Haguenau, séant à Saverne, qui doit, aux termes de votre décret du 12 octobre, suivre l'instruction commencée sur les événements des 16,17 et 24 juillet.
J'observe enfin, sur la troisième, que la continuation de la procédure était déjà décidée par le décret du 30 octobre, qu'elle était rigoureusement conforme aux principes : que les accusés, devant, par l'effet de cette disposition, être jugéâ par leurs juges naturels, dans le pays où leur conduite étant bien connue, pouvait être mieux appréciée, il leur serait aussi plus facile d'y faire éclater leur innocence; et que,s'ils étaient coupables, là aussi, poUr le plus grand intérêt de la société, il convenait qu'ils fussent punis. Le décret est donc en tous points juste et régulier.
Je m'étonne ensuite de voir un décret altéré, extrait d'un papier public, servir de titre à une accusation aussi grave. Je trouve, dans celui-ci, des sens faux et des réticences coupables :
Le texte original porte : que la municipalité a, par ?a conduite, entretenu les troubles que son devoir était de calmer: le texte altéré porte : qu'elle a excité par sa Conduite Une partie des troubles. Celui-ci dit qu'elle a donné sa démission entre les mains du commissaire du roi, et l'autre n'en dit pas un mot: la version littérale parle de la lettre du Comité des rapports, la version falsifiée n'en parle pas ; celle-ci parle des éloges donnés au commandant de la place, celle-là du sieur Worstat, commandant de la garde nationale ; enfin, le véritable décret énonce qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les diverses pétitions d'une partie des citoyens de la ville de Haguenau, et que la procédure criminelle, commencée en exécution du décret du 3 juillet
dernier, sera continuée : lé décret faux exprime qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la pétition de quelques citoyens de Haguenau et que M. Westermann sera transféré dans les prisons de Strasbourg.
Ces nombreuses variantes pourraient paraître minutieuses ou indifférentes, mais elles deviennent très graves, quand on voit que chacune d'elles fait le texte d'un chef particulier d'accusation.
Des citoyens, là municipalité de Strasbourg, les commissaires du département, ce département lui-môme, le district, tout â été successivement attaqué bar la municipalité de Haguenau (1), et elle ne parle que de sort patriotisme, comme si le patriotisme né consistait pas surtout dans le respect des lois.
On est également surpris et itldigné de la stupidité et de l'audace avec lesquelles, au nom d'une commune, quelques hommes actuellement sous le glaive de la loi, se sont efforcés de flétrir ia réputation de l'Un de nos plus vertueux collègues (Applaudis sentent s). Mais elle fut toujours au-des-sUs de pareilles atteintes. Son âme honnête et pure saurait sans doute livrer au mépris les calomnies et les calomniateurs. Satisfait de votre estime et sachant bien qu'il la mérite, elle serait à ses yeux la plus flatteuse récompense de ses travaux 5 mais l'accusation a été publique, et vous devez, Messieurs, au rôle qu'il a joué dans cette affaire, et à la dignité de son caractère, une réparation solennelle»
AprèJ avoir établi la preuve de l'intégrité de M. Régnier, votre comité a examiné quel genre de satisfaction convenait le miedx à un représentant du peuple, calomnié avec scandalei
Il a pensé, Messieurs, qu'il fallait saisir cette occasion de donner à la France et aux législatures qui vous suivront, un exemple de modération et de sagesse; qu'il ne fallait pas écârter par des peines sévères des accusations qui mettent ia conduite de chacun de nous et celle de nos successeurs, sous la censure plus immédiate de l'opinion, qui nous commandent une plus grande attention, et qui présentent ainsi un appui de plus à la liberté publique. (Vifs applaudissements.)
Voici, en conséquence, le projet de décret que votre comité a l'honneur de vous proposer ;
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait par son comité des recherches,
« Décrète, que Claude-Ambroise Régnier» député à l'Assemblée nationale, est pleinement justifié, et honorablement déchargé des impuiation.4 qui lui avaient été faites au nom de la commune de Haguenau. » (Applaudissements.)
On crie de toutes parts: Aux voix.! Aux voixl
Gela est suffisant pour la réputation de M. Régnier ; mais cela ne l'est pas pour la satisfaction de la loi. Je demande en conséquence que ceux qui ont imprimé et distribué les mémoires, dont M. le rapporteur a parlé, soient livrés à la justice et poursuivis rigoureusement.
demande la parole avec insistance.
Monsieur Régnier, je vous demande la permission de vous refuser la parole ; ne nous ôtez pas le plaisir d'avoir rendu justice à votre droiture sans vous avoir entendu. (Le projet de décret est unanimement adopté et l'impression du rapport ordonnée.)
, au nom du comité de la marine. Messieurs, votre comité de la marine m'a chargé de vous présenter un projet de décret concernant la décoration militaire pour la marine, et qui est absolument l'application littérale de ce que vous avez rendu relativement à l'armée de ligne. Le voici : - « L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de la marine, décrète, pour être exécutés provisoirement, et jusqu'à la nouvelle organisation de la marine, les articles suivants :
Art. Ier.
« La décoration militaire sera donnée à tous les ofliciers de la marine ou attachés à la marine qui auront 24 ans de service, en quelque qualité et dans quelque grade qu'ils aient servi dans un corps militaire ou sur les vaisseaux de l'État ; ces années seront comptées conformément aux dispositions des articles 1 et 4 des décrets des 10, 16,23 et 26 juillet 1790. Art. 2
« Les officiers qui auront pris leur retraite, ou qui auraient été réformés sans avoir obtenu la décoration militaire, pourront en former la demande, et sont déclarés susceptibles de l'obtenir
s'ils ont servi le temps déterminé par l'article précédent. »
Je demande, pour ne laisser aucun doute, que vous veuillez bien mettre après ces mots : attachés à la marine, ceux-ci : ainsi qu'aux corps militaires dépendant de ce département.
, rapporteur. Je réponds à M. Dillon que l'observation a été faite au comité et qu'effectivement par le mot de corps on a voulu comprendre les régiments des colonies; mais pour ne laisser aucun doute, je puis bien intercaler, si l'Assemblée l'ordonne, après ces mots : ou attachés à la marine, ceux-ci: ainsi qu'aux officiers militaires du corps des colonies dépendant de ce département. (Le projet de décret, ainsi amendé par M. le rapporteur, est adopté.) Un membre du comité d'aliénation des biens nationaux propose à l'Assemblée le projet de décret suivant, qui est adopté : « L'Assemblée nationale déclare vendre les biens nationaux dont les états sont annexés à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations et estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret ; Savoir : A la municipalité de Marseille, département des Bouches-du-Rhône, pour 9,237,2731. » s. » d. Acelledu Puy, département de Haute-Loire...... 1,177,023 12 » A celle de Saumur, département de la Vienne. . . . 27,412 11 11
annonce l'ordre du jour de la séance de demain et lève la séance à neuf heures et demie. FIN DU TOME XXII.
Pages.
se prétendant vainqueurs de la Bastille (16 janvier, p. 281 et suiv.).
Parle sur des incompatibilités (t. XXII, p. 478), (p. 479).
des colonies, de Constitution, diplomatique et des domaines réunis (ibid.). Rapport par Roussillon sur le commerce du Sénégal (18 janvier 1791, t. XXII, p. 319 et suiv.) projet de décret (ibid. p. 321) ; — adoption avec amendement de Malouet (ibid.). Adresse de l'assemblée générale de la colonie de l'Ile-de-France (19 janvier, p. 334 et suiv.). Motion de Monneron tendant à l'organisation des colonies dans l'Inde (20 janvier, p. 349) ; — discussion : Barnave, Bouche, Malouet, Monneron, Barnave (ibid. et p. suiv.); — renvoi au comité colonial (ibid. p. 350). Adresse de l'assemblée générale du commerce de Bordeaux au sujet de La Martinique, présentée par Nairac (24 janvier, p. 467 et suiv.) ; — renvoi au comité colonial (ibid. p. 468) ; — rapport de Barnave (25 janvier,p. 483);—discussion : Le Chapelier, Barnave, Le Chapelier, Barnave (ibid. et p. suiv.); —décret chargeant le comité colonial de présenter unprojet de décret sur les troubles de Saint-Domingue (ibid. p. 484), Projet de décret présenté par Barnave et tendant à l'envoi de commissaires civils à Saint-Domingue, à Cayenne et à la Guyane (lor février, p. 665 et suiv.) — discussion : Malouet, Dillon, Malouet, Barnave, le Président (Mirabeau), Malouet, Dillon, Malouet, Barnave, de FoIIeville, Barnave, le Président, Malouet (ibid. p. 666 et suiv.) ; — adoption (ibid. p. 668).
d'Anjou. Parle sur une division de paroisses, (t. XXII, p. 477).
théâtre de Monsieur (p. 360), — sur les droits de traites (p. 481), — sur le serment des ecclésiastiques (p. 504), (p. 506), — sur les pensions (p. 589).
Cazalès, Robespierre, Duport, Malouet, de Cazalès, Duport (ibid. p. 758 et suiv.) ; — adoption de l'article 2 (ibid. p. 761 et suiv.) ; — article 1** : Pétion, Lanjui-nais, des Royes, Mougins, d'André, Duport (ibid. p. 762) ; — adoption (ibid.)\ — articles 3 et 4 : adoption (ibid.) ; — article 5 ; de Folleville, Cholseul-Praslin (ibid.) ; — adoption (ibid.) ; — articles 6-9 : adoption (ibid.)\ article 10 : Prieur, un membre, Duport (ibid. et p. suiv.) ; — adoption (ibid. p. 763) ; — article 11 : adoption (ibid.) ; — titre XI ; adoption des articles 1, 2 et 3 (ibid.) ; — article 4 : de Cus-tine, Duport, Prieur, Duquesnoy, abbé Bourdon, abbé Maurv, Robespierre, abbé Maury , Barnave , abbé Maury, BoutteViHe-Dunfets, do Choisenl-Praslin (ibid. et p. suiv.) | — adoption de l'article amendé (ibid. p. TQ4).
Lameth, d'André, Gaultier-Biauzat (15 janvier, p. 249 et suiv.). Rapport par de Curt sur les fonds de la marine et des colonies (20 janvier, p. 353 et suiv.); — décret (ibid. p. 354 et suiv.). Adoption d'un projet de décret présenté par Defermon sur la solde des gens de mer (30 janvier, p. 585 et suiv.). Adoption d'un projet de décret présente par le même snr les indemnités à accorder aux commandants des bâtiments de l'Etat (ibid. p. 586 et suiv.). Projet de décret présenté par Defermon snr l'état des matelots (3 février, p. 730) ; — discussion : Robespierre, Deiermon, Robespierre, Malouet, Duquesnoy, d'André, Chabroud, Lanjuinais (ibid. et p. suiv.); —adoption des 3 premiers articles et rejet de l'article 4 (ibid. p. 731). Idées sur l'organisation de la marine, par de Vief-villedes Essarts (14 janvier, p. 241 et suiv).
(ibid,.);—discussion : de Cussy, Alexandre de Lameth, un membre, Belzais-Courménil, Rewbell, un membre, abbé Maury, Rœderer (11 janvier, p. 139 et suiv.); — adoption des articles 1 et 2 du projet du comité (ibid. p. 141) ; — amendement présenté par Virieu (ibid. et p. suiv.) ; — discussion : Belzais-Courménil, Martineau, un membre (ibid. p. 142) ; — Juestion préalable (ibid.);—adoption sans discussion es articles 3, 4, 5, 6 et 7 (ibid.) ; — article 8 : deux membres, de Virieu, Le Couteulx de Canteleu (ibid.) ; — adoption (ibid.); — article 9 : amendement proposé et rejeté (ibid.) ; — adoplion (ibid.) ; — article 10 : abbé Saurine (ibid. et p. suiv.) ; — adoption (ibid. E. 143) ; — article 11 : adoplion avec amendement de ong (ibid. et p. suiv.) ; — adoplion de l'article 12 amendé (ibid., p. 144); — adoption des articles 13 et 14 réunis en un seul (ibid.).
Projet de décret présenté par Gossin relativement aux officiers municipaux (5 février, p. 155); — discussion : Regnaud (de Saint-Jean d'Angély), Gossin (ibid. et p. suiv.) ; — renvoi aux comités des finances et de judicature (ibid. p. 156).
tire sa motion (ibid.) ;—adoption de la motion ded'El- ' becq (ibid.).
ment des tribunaux de Paris (p. 83), — sur l'établissement d'un tribunal de commerce à Vervins (p. 120),— sur une créance réclamée par d'Orléans (p. 128), sur les monnaies (p. 140), — sur les jurés (p. 312), sur un projet de aécret concernant la dette amortie du clergé (p. 338), (p. 339), (p. 340), — sur les troubles dAix, (p. 343), — sur l'emplacement des tribunaux, (p. 463), — sur les droits de traites (p. 469), (p. 474 et suiv.), (p. 475), — sur la lettre de l'empereur Léopold II relative à l'Alsace (p. 525 et suiv.), (p. 526), — sur le projet de décret relatif à la sûreté (p. 539J, (p. 540),— sur le tabac (p. 558), — sur les droits de traites (p. 593), (p. 594), (p. 596 et suiv.), — sur les biens nationaux (p. 722).
cès-yerbal (ibid.)', — Bion demande qu'il retire son serment (ibid. p. 9); — retrait (ibid.). Commentaire au décret sur le serment présenté par l'abbé Grégoire et approuvé par Mirabeau (ibid. p. 14) ; — explication donnée par Bailly sur une affiche inconstitutionnelle (ibid. et p. sniv.). — Malouet réclame une enquête (ibid. p. 15); — motion de Barnave, tendant à l'exécution du décret (ibid.); — discussion : Lucas, Mirabeau, Lucas, abbé Thirial, abbé Maury, Camus, abbé Maury (ibid.);— clôture de la discussion (ibid.) ; — Barnave divise en deux sa motion et n'en retient que la première partie (ibid.); — nouvelle discussion : Duval d'Eprémesnil, Camus, Duval d'Eprémesnil, abbé Gouttes, Thouret, abbé Verdet, le Président, abbé Yerdet, Mirabeau, de Murinais (ibid. et p. suiv.); — adoption de la première partie de la motion de Barnave (ibid. p. 16); — appel nominal des ecclésiastiques qui n'ont pas prêté serment : Dusson de Bonnac, évêque d'Agen (ibid.); — interruption pour cause de bruit à la porte de l'Assemblée (ibid.); — reprise de l'appel nominal ; Dusson de Bonnac, Fournetz et Leclerc refusent de prêter serment (ibid. p. 17); — motion de Bonnay tendant à substituer à l'appel nominal une invitation collective, appuyée par Chasset et adoptée (ibid.); — l'abbé Landrin prêle serment (ibid.);— l'abbé Couturier et l'évêque de Bonnal offrent de prêter serment avec réserves (ibid.) ; — débat sur la question de savoir si l'Assemblée a entendu toucher au spirituel : de Bonnal, le Président, de Cazalès (ibid.); — interruption de toute discussion d'un quart d'heure pour attendre les prestations de serment qui ne se produisent pas (ibid.) ; — reprise du dernier débat : de Cazalès, Beaupoil de Sainte-Aulaire, évêque de Poitiers, de Cazalès, Mirabeau, de Cazalès, Chasset, de Béthizy de Mézières, évêque d'Uzès (ibid. et p. suiv.) ; — adoption do la proposition de Mirabeau tendant à l'adoption de la seconde partie de la motion de Barnave relative aux mesures à prendre contre les ecclésiastiques fonctionnaires qui auraient refusé le serment (ibid. p. 18); — nouvelle et dernière invitation du Président, non suivie d'effet (ibid.) ; — lecture de la disposition complémentaire présentée par Barnave (ibid.); — amendement de l'abbé Maury, renvoyant à soixante ans l'exécution (ibid ); — adoption de la disposition (ibid.). Opinion, non prononcée, de l'abbé Rivière (p. 19 et suiv.). Rectifications au procès-verbal de la séance du 4 janvier, demandées par d'André, Treilhard et un membre (5 janvier, p. 20); — adoption (ibid.). Lettre de Duport, garde des sceaux, contenant des explications sur l'affiche du décret du 27 novembre (ibid. p. 21);— discussion : Malouet, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), Malouet, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), Malouet, d'André, Malouet (ibid. et p. suiv.); — l'Assemblée décide que le titre de chaque loi, à l'avenir, en indiquera simplement l'objet et que la lettre du garde des sceaux sera inscrite au procès-verbal et envoyée dans les départements ibid. p. 22). Un abbé demande que ce soit dans "le jour que le Président se rende chez le roi pour la prompte exécution de la loi du 27 novembre (ibid.); — discussion : de Bois-Rouvray, Bion, abbé Goutles, d'André, le Président (ibid. et p. suiv.) ; — ordre du jour (ibid). L'abbé Simon demande l'insertion au procès-verbal de l'explication donnée par lui dans sa présentation de serment (ibid.); — il présente un papier à un secrétaire qui le rejette '(ibid.) ; —protestation de Bois-Rouvray qui est rappelé à l'ordre (ibid.); — ordre du jour (ibid.). Lettre de l'abbé Pous sur son serment (ibid.); — l'abbé Forest do Masmoury demande à expliquer le sien (ibid.) ; — ordre du jour sur la proposition de d'André (ibid.). Lettres de plusieurs curés du canton de Saint-Me-noux (Allier) et d'un curé de la section de Bondy, contenant une complète adhésion au décret du 27 novembre (6 janvier, p. 38). Le Président prévient l'Assemblée qu'il a reçu des lettres de curés demandant à ajouter une explication au sermeDt qu'ils onl prêté (6 janvier, p. 46); ~ discussion : Barnave, abbé Gouttes, abbé Massieu, de Montlosier, abbé Massieu, Barnave (ibid. et p. suiv.); — adoption d'une motion de ce dernier tendant à ne plus avoir égard à de semblables propositions (ibid. p. 47). Adresse de plusieurs prêtres, diacres, sous-dia, cres, etc., ci-devant bénéficiers de la ville de Paris-se déclarant disposés à prêter le serment exigé des fonctionnaires ecclésiastiques et désavouant toutes les protestations, réelles ou supposées, sous le nom du chapitre de Paris (7 janvier, p. 52) ; — insertion au procès-verbal (ibid.). Le ministre des affaires étrangères (de Montmorin), annonce la preslation du serment civique, à Londres, par M. de La Luzerne, ambissadeur en Angleterre, Barthélémy, secrétaire d'ambassade, et Nettement, secrétaire particulier de M. de La Luzerne (7 janvier, p. 52). Motion de d'Estagniol tendant à conserver le traitement aux prêtres qui auraient refusé le serment de bonne foi (8 janvier, p. 80); — combattue par Bouche et rejetée (ibid.). Adresse des ecclésiastiques de la paroisse de Saint-Sulpice qui ont prêté serment (10 janvier, p. 107 et suiv.); — insertion au procès-verbal (ibid. p. 108). Avis donné par le ministre des affaires étrangères (de Montmorin), du serment prêté par Choiseul, ambassadeur à Turin, Lalande, secrétaire d'ambassade dans la même cour, Laurent Bernier, chargé d'affaires à Cenève, de Moustier, ministre plénipotentiaire à Berlin, de Falciola, secrétaire de la légation à la même cour, Gabard de Vaux, chargé d'affaires à la cour de Vienne, Gatebois de Surlair, secrétaire-interprète à la même cour et Puyabry, chargé des affaires ae la marine et du commerce, par intérim de celles d'Etat à Madrid (10 janvier, p. 116). Prestation de serment par tous les ecclésiastiques du diocèSG de Nemours (11 janvier, p. 137), par Mar ret, curé et maire de la paroisse du Teil (Orne (ibid. p. 138). Prestation de serment par vingt-et-un ecclésiastiques du diocèse de Sézanne (14 janvier, p. 217 et suiv.); — par le curé et les vicaires de la paroisse de Yillers-le-Bel (Seine-et-Oise), (15 janvier, p. 274) ; — par le curé d'Àubagne, dislrict de Marseille (ibid. p. 275 et suiv.); — par le curé de Rozoy (Oise) (16 janvier, p. 279 et suiv.) ; — par un prêtre de la section des Plantes (ibid. p. 280); —par le curé de Gaudelud (17 janvier, p. 290); — par des consuls, vice-consuls et un ambassadeur (18 janvier, p. 304) ; — par un recteur (ibid.). Lettre de l'abbé Blanc, curé de la commune du Coudray, dénonçant des brochures contre le serment des prêtres (ibid. p. 315 et suiv.). Prestation du serment par le clergé de la paroisse de Saint-Médard de Paris (ibid. p. 316), — par le clergé des paroisses des Trois-Patrons et de Saint-Michel de Saint-Denis (19 janvier, p. 327); — par le curé de Toury en Beauce (22 janvier, p. 423), — par le curé du petit Niort et le procureur ae la commune (ibid. et p. suiv.),— par le curé d'Appelles (ibid. p. 424). Dénonciation d'un libelle intitulé : De la conduite des curés dans la situation présente (ibid.); — renvoi au comité des recherches (ibid.). Prestation de serment par les curés du département de l'Allier (ibid. p. 425) ; — par des ministres plénipotentiaires et leurs subordonnés (23 janvier, p. 459) ; — par des officiers municipaux et des curés d'un grand nombre de communes (25 janvier, p. 484 et suiv. ). Rapport par Chasset, au nom des comités ecclésiastiques et de la Constitution,sur les difficultés survenues dans la ville d'Amiens au sujet des fonctionnaires ecclésiastiques qui refusent do prêter le serment (ibid. p. 487 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 489) ; — discussion : Foucault, abbé Maury, Merlin, Babey, abbé Maury, abbé Massieu, abbé Maury, Barnave, de Murinais, Malouet (ibid. et p. suiv.); —adoplion (ibid. p. 492). Lettre de Griolet, procureur général-syndic du département du Gard, suivie d'une proclamation du directoire de ce département sur le serment ecclésiastique (ibid. p. 493 et suiv.).
Prestation do sermeut par un consul en Norvège (26 janvier, p. 494). Pétition de la section de Mauconseil tendant à astreindre au serment ecclésiastique tous les préposés à l'éducation gratuite (ibid.). Prestation de serment par tous les curés de la ville d'Aleuçon, la grande majorité des ecclésiastiques fonctionnaires publics et quelques ecclésiastiques non fonctionnaires (26 janvier, p. 497), — par tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics de la ville de Riom (ibid.), — par sept curés sur neuf de la ville d'Evreux et par tous les régents et prêtres du collège, un seul excepté (ibid.). Rapport par Chasset, au nom du comité ecclésiastique, sur les moyens à prendre pour parvenir à un prompt remplacement des ecclésiastiques fonctionnaires publics qui n'ont pas prêté le serment (ibid. et p. suiv.); — incident : abbé Massieu, de Juigné, Chasset, de Murinais, abbé Maury (ibid. p. 498 et suiv.)—projet de décret (ibid. p.499); —discussion : de Cazalès, abbé Gouttes : de Cazalès, Boutteville-Dumetz, Biauzat, tioupilleau, Martineau, de Cazalès, Guillotin, de Montlosier, de Cazalès, Babey, de Cazalès, Gaul-tier-Biauzat, Boutteville-Dumetz, de Cazalès, Larie, un membre, Duval d'Eprémesnil, de Cazalès, de Foucault, de Cazalès, abbé Maury, de Murinais, de Cazalès , abbé Maury, de Cazalès, abbé Maury, de Cazalès, La vie, Regnaud (de Saint-Jean-d1 Angély), de Cazalès, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), Gaultier-Biauzat, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), de Cazalès, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), Boutteville-Dumetz, de Montlosier, Rrgnaud (de Saint-Jean-d'Angély), de Cazalès, abbé Maury, Duval d'Eprémesnil, abbé Maury, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), de Cazalès, le Président (abbé Grégoire), de Cazalès, de Menou, de Cazalès, Chasset, de Cazalès, Chasset, de Cazalès, Mirabeau, Duval d'Eprémesnil, Mirabeau, Duval d'Eprémesnil, Mirabeau, de Cazalès, Mirabeau, Chasset, de Foucault, de Montlosier (ibid. p. 499 et suiv.); — adoption du projet amendé (ibid. p. 503}; — reprise de l'article 1er; Guillaume, Chasset, Guillaume, de Folleville, Chasset, d'Estourmel, Guillaume, Goupilleau, Guillaume, Camus, Babey, Chasset, Martineau, d'Estourmel, Lanjuinais, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), d'André (27 janvier,p. 504 et suiv.); — renvoi au comité ecclésiastique de l'article 1er pour changement de rédaction (ibid. p. 506). — Nouvelle rédaction (ibid. p. 514). Prestation de serment par tous les curés et fonctionnaires publics ecclésiastiques de la ville de Pé-ronne (ibid. p. 507), — par le curé de Courménil (Orne),— par les ecclésiastiques fonctionnaires publics de Montmorency (Seine-et-Oise),— paries curés de Li-gny (Meuse), de Dame-Marie (Eure), d'Oriébat (Hautes-Pyrcnees), d'Allaye (Eure-et-Loir), de Nangis-en-Brie et d'Is-sur-Tille (ibid. p. 514 et suiv.), — par l'ancien curé du Mesnil, la plus grande partie des ecclésiastiques fonctionnaires publics de l'Ain, — par les curés et vicaires de Carcassonue, — par les prêtres de la doctrine chrétienne de la même ville et la majeure partie des curés de ce district (ibid. p. 515), — par je curé de Dormans, le vicaire, le principal du collège et un prêtre habitué de la même paroisse (ibid. ?. 516), — par cinq curés sur six de la ville de ontoise, et tous leurs vicaires et autres ecclésiastiques fonctionnaires publics moins deux (ibid.), — par Mourellon, curé de Néoux, élevé à l'évèché du département de la Creuse (28 janvier, p. 523), — par les curés de Mobecq, de Saint-Symphorien, de Brance et de Chevannes (29 janvier, p. 548;, — par Sallen-tin, curé de Mouy, par les prêtres de l'oratoire de Béthune, les curés de Monceau-le-Comte, de Saint-Jean de Nevers, de Saint-Germain-de-Gonverne-en-Brie et de Vercourt, les ecclésiastiques de Chartres et des paroisses voisines (ibid. p. 560), — par tous les curés du diocèse de Valence (ibid. p. 562). Prestation de serment par des ambassadeurs, secrétaires d'ambassade, etc. (30 janvier, p. 582). Serment spécial prêté par le cardinal de Bernis, ministre d'Etat et du roi à Rome (ibid.) ; — discussion : Goupil, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), d'André, Goupil (ibid.)\ — renvoi au ministre des affaires étrangères (ibid ). Serment prêté par le cardinal de Brienne, évêque de Sens, et par tous les fonctionnaires ecclésiastiques (1er février, p. 658), — par les curés de Belmont de Treçon et de Bourg (ibid. p. 665) ; — par le curé de Magné-les-Niort (3 février, p. 720), — par un professeur du collège de Saintes (4 février, p. 738), — par les curés de la ville de Vienne, leurs vicaires, etc. (ibid.), — par les curés des villes de Cherbourg, Li-bourne, Epernay et la Flèche (5 février, p. 765), — par les curés de la ville de Brioude (ibid. p. 766). Projet de décret présenté par Chasset au nom du comité ecclésiastique sur l'assimilation des prédicateurs aux. fonctionnaires publics (ibid. p. 767); —discussion : Montlosier, Foucault, Chasset, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), Treilhard, abbé Bourdon, Chasset (ibid. et p. suiv.) ; — adoption de l'article l,r (ibid. p. 768); — renvoi de l'article 2 au comité (ibid.).
sieur (21 janvier 1791, t. XXII, p. 359);—discussion : Martineau, Thibault, d'Estourmel, Martineau, Fréteau (ibid. et p. suiv.); — ordre du jour (ibid. p. 360).
adoption de l'article (ibid. p. 495) ; — texte des articles adoptés sur les droits d'entrée (ibid. et p. suiv.) ; — droits de sortie : Tracy, Custine et Bnllat-Savarin demandent la sortie en franchise des marchandises provenant de France (ibid. p. 497) ; — question préalable (ibid.) ; — matières premières : colon en laine et en laines brutes, lavées et non filées : Heurtault-Lamerville, de FoIIeville, Sallé de Choux, Tracy, Roussillon, Decretot, Rœderer, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély) (ibid.) ; — adoption (ibid.) ; — reprise de l'article relatif aux faïences étrangères : de Custine, Goudard (27 janvier, p. 510) ; — revoi au comité (ibid.) ; — adoption d'un article additionnel sur les toiles étrangères (ibid.) ; — suite de la discussion des droits de sortie : cuirs bruts (ibid.) ; —, adoption de l'article (ibid.) ; — peaux et cuirs en vert : de Tracy (ibid.) ; — adoption de l'article (ibid.) ; — vins : Dauchy, Delley d'Agier, Dupont (ibid. p. 511 et suiv.) ; — maintien provisoire des droits sur les boissons (ibid. p. 512) ; — Dauchy indique ce par quoi on pense les remplacer (ibid.) ; — Goudard demande qu'on ajourne aussi les droits à établir à la sortie des vins (ibid.)', — ajournement à quatre jours de la suite de la discussion (ibid.) ; — Dauchy demande que le tarif soit décrété en masse (31 janvier, p. 593) ; — débat : Rewbell, Démeunier, Le Déist de Botidoux (ibid. et p. suiv.) ; — adoption de la motion (ibid. p. 594). — discussion : Dauchy, Rewbell, Lavie, Murinais, Rewbell, Dauchy, Murinais, Leclerc, Dauchy, de Menonville, Roussillon, Lavie, Parent, un membre, d'Elbhecq, de FoIIeville, Dauchy, Démeunier, Lavie, de Kyspoter, Dauchy, Nairac, de Lachèze, Moreau, Rewbell, Boutleville-Dumetz, Dauchy, Prieur, de Noailles, Goupilleau, de Custine, de Cernon, Garat (ibid. et p. suiv.); — projet de décret sur le tarif des vins (1er février, p. 653 et euiv.);— adoption (ibid. p. 659) ; — projet de décret sur l'importation des fils retors étrangers : de Kyspoter (ibid.)', — adoption (ibid.) ; — projet de décret sur une édition du tarif des droits de traites (ibid.) ; — adoption (ibid.).