Compiled from ARCHIVES PARLEMENTAIRES documents.
PARIS.-IMPRIMERIE ADMINISTRATIVE DE PAUL DUPONT 41, Rue J.-J.-Rousseau, (Hôtel des Fermes.)
RECUEIL COMPLET DES DÉBATS LÉGISLATIFS & POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES IMPRIME PAR ORDRE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS sous Là DIRECTION DE M. J. MAVIDAL CHEF DU BUREAU DES PROCÈS-VERBAUX, DE L'EXPÉDITION DES LOIS, DES IMPRESSIONS ET DISTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS ET DE MM. E. LAURENT, BIBLIOTHÉCAIRE-ADJOINT DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS ET E. CLAVEL, SOUS-BIBLIOTHÉCAIRE
PREMIÈRE SÉRIE (1787 à 1799)
TOME X DU
PARIS LIBRAIRIE ADMINISTRATIVE DE PAUL DUPONT 41, RUE J-J ROUSSEAU (HOTEL DES FERMES.)
1878
Séance du
, président, ayant annoncé que M. Thouret avait réuni la majorité des suffrages et était en conséquence éiu président, a dit :
Messieurs, l'avantage'que j'ai eu de présider votre auguste Assemblée m'a fait connaître de plus en plus tout le prix de vos moments : je les respecterai lors même que je voudrais me livrer àl'épanchement de la reconnaissance la plus vive et la plus respectueuse.
Le devoir du président de l'Assemblée nationale, devoir dont l'observation fait la grandeur de votre président, est d'exécuter scrupuleusement les ordres de l'Assemblée, d'être l'organe fidèle de ses volontés. J'ai toujours eu ce devoir présent à l'esprit : le remplir a été le but unique de mes démarches. Mon bonheur sera à son comble, si je suis assuré de ne m'être point écarté de la route qui devait me conduire au terme que je n'ai cessé d'avoir sous les yeux.
a dit ensuite :
Messieurs, lorsque votre confiance m'élève à la place éminente qui m'impose de si hautes obligations à remplir, et qui me présente de si grands exemples à suivre, je n'ai à vous offrir, en retour de l'honneur inestimable dont vous me comblez, c[ue le plus entier dévouement au succès de vos importants travaux.
Recevez, Messieurs, l'hommage de mon zèle
L'établissement de la Constitution, premier besoin de la nation, et seul gage du retour de la sécurité publique, devient de jour en jour plus pressant. Agréez que j'use spécialement des fonctions dont vous me faites le dépositaire, pour en accélérer le travail. Je compterai comme autant de bienfaits, dont ma reconnaissance personnelle demeurera chargée, tous les décrets constitutionnels que vous me mettrez en état de prononcer.
(L'Assemblée vote ensuite des remercîments à M. Camus.)
, l9un de MM. les secrétaires, a fait lecture du procès-verbal de la séance de la veille. Il a fait ensuite la lecture des adresses, dans l'ordre qui suit :
Adresse des représentants de la commune d'A-lais, où ils renouvellent leurs sentiments d'adhésion et soumission à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à celui concernant la contribution patriotique du quart des revenus de chaque citoyen; ils représentent qu'ils attendent avec une respectueuse impatience la publication des arrêtés du 4 août, et les lois qui doivent en procurer l'exécution.
Adresse du même genre de la commune Pon-. tieux en Bretagné ; elle demande l'érection d'un " corps municipal.
Délibération du conseil permanent de là ville d'Auch, portant qu'attendu la publication faite par Sa Majesté des arrêtés du 4 août dernier et jours suivants, il tient ces décrets pour des lois
positives et obligatoires dont il se fera un devoir constant de partager l'éxécution ; que cependant les ennemis du bien public prétendent que ces arrêtés ne sont que de simples projets de lois dont l'exécution est impossible, ou du inoins encore très^éjpigu^e; il supplie l'Assemblée de rendre un décret qui fi^e l'incertitude des peu-: pies, notamment sur l'abolition de la dîme, et qui détermine d'une manière précise quels sont les droits féodaux abolis sans indemnité, et surtout si l'on doit compter dans cette classe le droit de fouage payé par l'emphytéote, à raison de son habitation.
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion de la commune de la ville du Palais, à Belle-Ile-en-Mer. Elle supplie l'Assemblée d'empêcher l'exportation des grains de l'île, parce que les différentes demandes particulières qui out été faites lui font craiudre d'en être dégarnie, et que son éloignemént du continent l'empêche d'en recevoir des secours pendant l'hiver.
Délibération des officiers municipaux et habitants de la ville de Die en Dauphiné, où elle adhère aux décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale, et proteste de la manière la plus expresse contre la convocation des Etats, et au doublement de la province, faite par la commission intermédiaire, comme illégale et préjudiciable aux- droits de la nation-
Adresse des habitants de la paroisse de Gonti-gny en Auvergne, contenant félicitations, remercîments et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale.
Délibération du conseil permanent de la ville d'Auch, par laquelle il demande que l'Assemblée qui existe actuellement dans cette villp, pour la province dé Gascogne," y soit maintenue d'après fa nouvelle organisation qui en sera réglée par l'Assemblée nationale; il vote en conséquence que la Gascogne soit isolée dé la Guyenne, et que le royaume soit divisé en petites provinces.
Adresse des religieux Dominicains dé la ville de Gaen. où ils offrent à l'Assemblée nationale tous "leurs biens, s'en rapportant à sa sagesse pour leur subsistancé, et la suppliant de leur accorder la liberté. '
Adresse de l'armée nationale dp la ville de Bordeaux, où elle présente à l'Assemblée nationale son admiration respectueuse polir ses décrets, et Son tlévbuéinént absolu. Pour en assurerl'exécution. elle lui dénonce J'ipiprimé intitulé : pécla-raïion de Vordre delà noblesse de la sénéchaussée de Toulouse, comme séditieux et anti-patriotique.
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion dès habitants du bourg de Cosne, dans la Lorraine Ardénnoise -, ils demandent la suppression des monastères riGhes situés dans les parties fertiles des provinces, et là conservation de ceux qui sont placés dans les déserts, où ils amènent l'abondance.
Adresse des habitants de la ville de Saint-Amand en Flandres, en demande d'un bailliage royal.
Adresse d'une novice au prieuré royal de la Ferté, près Nevérs, ordre de Gluny, qui conjure l'Assemblée nationale de lui permettre de faire ses vœux, nonobstant son décret qui suspend .l'émission des vœux monastiques.
Délibération du Gomité permanent de la ville de Monteliinart en Dauphiné, contenant les protestations contre la convocation'des Etats dé la province, et du doublement, faite par la commission intermédiaire dans une délibération subséquente. Le comité déclare qu'il a reçu avec autant
de plaisir que de respect les ordres de l'Assemblée nationale pour la liberté de M. le comte de Marsanne. Il résulte du procès-verbal fait en conséquence, que le peuple s'est empressé de réparer, de la manière la plus authentique, l'injure qu'il avait faite à M. le comte de Marsanne, et qu'il l'a élu colonel de cette milfpej
Délibération des habitants de là baronnie de Serves en Dauphiné, composée de trois paroisses, contenant l'adhésion la plus entière aux décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale, et les protestations les plus expresses contre la convocation des Etats de la province et du doublement, faite par la commission intermédiaire.
Délibération des officiers municipaux et habitants du bourg du Péage-de-Pisançon, contenant félicitations, remercîments et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, et à une délibération de la ville de Romans, sur les moyens d'assurer la perception des impôts et de maintenir la trçncmilité publique.
J}élitliératipp' du corps municipal de la ville de Lannion en Bretagne, où il exprime les sentiments de respect et de dévouement dont il est pénétré pour les décrets de l'Assemblée nationale et s'engagea paver, dans les termes prescrits, la contribution patriotique du quart des revenus.
Enfin, il est donné lecture de 1 Adresse des Dominicains de la rue du Bac à VAssemblée nationale. Elle est airisi conçue (1) :
« Nosseigneurs, aucune partie de la nation ne « réclamera vainement ses droits auprès de l'As-« semblée de ses représentants (2). »
« C'est ce que disait, il n'y a pas longtemps, votre auguste Assemblée, par la bouche de son illustre président. Enpouragés par ces belles paroles, nous venons avec confiance réclamer, non des privilèges, vous les avez sagement abolis, mais un droit sàéré, et nous avons un ferme espoir ç|e ne pas le faire en vain.
« Des bruits alarmants viennent de toutes parts frapper nos oreilles et déchirer nos cœurs.
S'il ep faut croire l'opinion publique, c'en est fait des corps religieux : un décret
solennel va les anéantir sans réserve et sans retour. Qu'on noqs pardonne de trembler au seul
aspect d'un tel bouleversement ; mais ce n'est pas la perte de nos biens qui nous touché,
quoiqu'ils soient à nous par des titres jusqu'ici réputes inviolables : car, pour parler un
instant le Jangage d'une foule d'écrivains modernes, ce n'est m une indiscrète libéralité, ni
une piété superstitieuse qui ont doté notre maispn. Ses biens sont le fruit des acqui-i
sitions et des rigoureuses économies de nos Pères. On leur doqna un terrain fangeux et sans
valeur : ils l'ont couvert de mai^qns, et nous ont transmis ce qu'ils ne durent qu'à
eux-mêmes. Où est le citqyen* qui puisse produire un meilleur titre pour assurer ses
possessions ? Malgré cela nous sommes prêts à abandonner les) nôtres ; nous les verrons sans
murmure et sans regret aller se fondre dans le Trésor public ; trop heureux de contribuer
pour notre part à la libération de l'Etat et au rétablissement de la chose publique. La
privation de nos biens ne nous sera pénible que* parce qu'elle nous ravira la douce
satisfaction de verser d'abondantes aumônes dans le sein des malheureux.
« Vous travaillez,Nosseigneurs,avec un courage et une persévérance qui étonnent l'Europe, à rétablir à consolider, à rendre pour jamais inviolable la liberté publique et particulière; vous nous laisserez dpnc jouir de la nôtre ; or, nous en faisons consister l'exercice et les douceurs, non à rentrer dans le siècle, non à y vivre au gré de nos désirs, mais à remplir les devoirs de notre profession, à vivre et à mourir dans l'état que nous avons embrassé sous la garantie des lois, dans un état dont la religion et la patrie avaient assuré à chacun de nous la stabilité et la durée.
« En devenant religieux, nous n'avons pas cessé d'être citoyens ; nous n'avons abdiqué ni les droits ni les sentiments dont cette honorable dénomination réveille l'idée : or, vous l'avez solennellement consacré ce grand principe, que tout citoyen peut faire librement ce qui ne nuit à personne ; et, nous le disons avec confiance, l'existence de notre maison ne nuit en rien à la chose publique : qu'on nous y laisse donc en paix si on veut respecter ces droits éternels de l'homme auxquels l'auguste Assemblée a rendu un si éclatant hommage.
« Vous ne souffrirez donc pas, Nosseigneurs, qu'au milieu de la régénération universelle, de la joie et de la prospérité qui en doivent être le fruit, nous n'ayons pour notre part qu'une affreuse calamité, et la perte de ce que nous avons de plus cher au monde. Si, faute d'héritiers, nous ne pouvons plus nous flatter de transmettre le dépôt des observances régulières, qu'on nous permette au moins de le conserver nous-mêmes jusqu'au dernier moment, de terminer paisiblement notre carrière dans l'asile que nous avons choisi.
c Mais la conservation de notre maison ne serait qu'un bienfait illusoire : que dis-je? ce serait pour elle un malheur pire que la destruction, si l'on nous forçait d'en ouvrir indifféremment les portes à ceux qui, revêtus du même habit que nous, et liés par les mêmes engagements, n'auraient ni les mêmes habitudes, ni les mêmes goûts, ni les mêmes sentiments que nous. Ce mélange forcé d'esprits hétérogènes aurait bientôt banni de notre maison l'ordre et la paix qui y régnent; le séjour en deviendrait insupportable aux gens de bien : cette déplorable association les contraindrait de désirer, dé solliciter eux-mêmes la suppression d'un monastère dont ils demandent aujourd'hui la conservation avec tant d'instance. Ainsi, Nosseigneurs, que vos décrets, en frappant une multitude d'établissements religieux, assez insensibles pour ne pas redouter la mort, assez aveugles peut-être pour la désirer, épargnent notre maison, puisque son existence nous est infiniment chère, et que vous n'avez pas plus la volonté que le pouvoir de faire des malheureux. Mais en la sauvant du naufrage, laissez-lui une entière liberté de remplir sa première et plus essentielle destination, qui a toujours été de recueilJir de nos diverses provinces les reli-
gieux qui voudraient remplir avec plus d'exactitude les devoirs qu'ils ont voués au pied des autels, et de repousser constamment ceux qui seraient ennemis de la subordination et de la régularité.
* Nous sommes avec un très-profond respect,
Nosseigneurs,
Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs :
« Les religieux dominicains du noviciat général, rue du Bac;
c A Paris, ce
« F. Louis Breymand, prieur; F. Adrien Le Roy, sous-prieur, maître des novices; F. Thomas Jacob, prêtre et procureur de la maison ; F. Jean-Joseph Giraucl^ prêtre ; F. Jean-Pierre Lacombe, prêtre ; F. Pierre Lizanet, prêtre • F. Bernard Lambert, prêtre ; F. Claude Motet, prêtre ; F. Claude-Antoine de Lisle, prêtre; F.Pierre-François Janneney, prêtre ; F. Dominique Debar, prêtre ; F. François Mercier, prêtre ; F. Nicolas Giraud, prêtre ; F. Jacques Debadts, prêtre; F. Vendelin Baar, prêtre ; F. Dominique Bielhi, prêtre ; F. Antoine Chay-rou, prêtre ; F. Jean-François Chabert, prêtre; F. Thielbaud Baour, prêtre; F. Martin Bonnefoux, prêtre ; F. Louis Lafon, novice; F. Jean Ghalot, novice; F. Antoine Albert, novice ; F. Jacques Bollotte, novice ; F. Jean-Baptiste Denys, novice ; F. Pierre Chauvigné, novice ; F. Jean Pipon, novice ; F. Mi,chel Bardoul, novice ; g. François-Nicolas Mossay, novice ; F. Jacques Plaigers, novice; F. Ferdinand Faffet, novice. »
(Voy., annexé à la séance, le Mémoire des Dominicains sur le projet de détruire les ordres religieux.)
,au nom de la section du comité d'agriculture et du commerce, chargée par l'Assemblée nationale dè Vexamen de la réclamation des députés de Saint-Domingue, relative à l'approvisionnement de Vile, annonce qu'il est prêt à faire le rapport de celte affaire, mais que l'importance de la question, la longueur indispensable du rapport et des annexes qui le complètent, réclameront un temps assez long pour la lecture.
L'Assemblée décide que le rapport sera imprimé et distribué avant d'être lu. (Voy. le rapport annexé à la séance.)
annonce que, son élection à la présidence ayant laissé une vacance parmi les secrétaires, il a dû être procédé à un scrutin pour compléter le bureau. M. de Lachèze, ayant réuni le plus de voix dans ce scrutin, est proclamé secrétaire de l'Assemblée.
, député de Douai, donne sa démission ; elle est acceptée.
, député de Lille, demande un passeport illimité ou offre sa démission ; l'Assemblée accepte la démission.
, archv-prêtre de Laverdin, député d'Auch, offre également sa démission. L'Assemblée, consultée par M. le président, refuse de l'accepter, parce que M. Guiraudez n'a pas de suppléant nommé.
J'invite MM. les députés de la généralité de Tours à s'assembler pour travailler à la division de leur province en départements.
L'Assemblée reprend la suite de son ordre du jour, concernant la division nouvelle du royaume dans Vordre des questions proposées par le comité de constitution.
Je demande : 1° une division moins compliquée que celle du comité ; 2* que les députés des provinces, qui tous n'ont pas été consultés, soient entendus avant de prendre une décision ; 3° que le droit des provinces de faire des observations et de donner des instructions soit réservé.
Je m'élève contre cette paotion. Nous sommes députés des Français en général et non des provinces en particulier. Nous devons rechercher avant tout le bien général, qui ne peut être formé que du bonheur de tous.
, curé de Barras. Je suis député de la même province que M. Bouche et je remplis mon devoir en m'opposant à ce que sa motion soit adoptée.
consulte l'Assemblée qui décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion.
(1). Voici quel est l'état du travail du comité de constitution sur la nouvelle division du royaume. Il y a déjà 40 départements d'établis : 5 en Bretagne, 6 en Normandie, 6 en Languedoc, 3 en Provence, etc. MM. les députés des provinces intérieures communiquent chaque jour leurs observations et dans peu de temps on pourra décréter les 80 départements ou environ. Le ministre de la guerre a bien voulu nous ouvrir ses bureaux ; il nous a donné des cartes et deux ingénieurs habiles ; nous nous faisons aider d'un géographe très-capable pour hâter cette grande opération à laquelle, toutefois, nous apportons une extrême prudence.
J'ai l'honneur de soumettre à l'Assemblée nationale une motion qui tient à la fois aux finances, au domaine, à la division du royaume et à la constitution. J'ai ordre de mes commettants de réclamer contre le pape la propriété du Gomtat venaissin et de l'Etat d'Avignon. (Murmures fur divers points.)
La motion est ajournée.
La première question posée 'par le comité est la suivante : Chaque grand département sera-t-il divisé en neuf districts ou communes?
(2). Messieurs, la réunion en corps d'Etat, des représentants d'une grande province, vous
a paru, comme les grands corps de magistrature, inconciliable avec la constitu-
Vous avez donc désiré une nouvelle division territoriale du royaume, pour distribuer plus également tous les poids dans la balance de la puissance publique.
Tel est le véritable but auquel vous devez tendre : diminuer les grandes masses, renforcer les petites, supprimer toutes les différences de régime, anéantir les prétentions exclusives ; lorsque ces conditions essentielles seront remplies, votre division sera bonne; toutes les sous-divi-sions, toutes les bases de représentation lui seront applicables ; l'esprit de corps, l'esprit de province ne sera plus à craindre ; vous en aurez détruit ce qu'il faut en détruire : mais un système qui tendrait à l'effacer complètement, s'il n'était dangereux, serait au moins d'une impossible exécution ; car l'esprit de province considéré sous le rapport des, habitude?, du sol, du climat, des coutumes, des mœurs locales, du genre d'industrie et de culture, cet esprit se compose d'une multitude de combinaisons qui échappent à l'autorité de la législation, et qu'elle doit même respecter.
Deux plans ont occupé principalement votre attention : l'un présente une idée vaste dans ses détails et plaît à l'imagination comme un tableau d'une belle composition; l'autre, en conservant des formes anciennes, semble s'unir plus facilement aux innovations.
Tous les deux, défendus avec une grande supériorité de talents, ne me laisseraient rien à dire, si j'adoptais complètement celui du comité ou celui de M. de Mirabeau; mais je vous dois compte des motifs qui me déterminent pour une opinion rapprochée de celle de M. Pison du Galand.
Je pense, Messieurs, qu'en reconstruisant un édifice avec de vieux matériaux, on est obligé de conserver quelque chose des anciennes dimensions et il Serait peut-être plus facile d'opérer subitement une grande réforme dans nos mœurs, que d'attaquer partiellement toutes les grandes habitudes d'un grand peuple.
Je suppose que les lois somptuairesvous parussent nécessaires au maintien de la liberté et pussent se concilier avec le commerce, i'industrie et la situation politigue de la France.
Je dis que la privation des jouissances du luxe et de l'opulence, rappelant dans tous les esprits de grandes pensées, un grand intérêt moral et politique, nous soumettrait sans commotions à ce nouvel ordre de choses.
Mais ordonner dans toutes les parties de l'empire un véritable déplacement, sans que le peuple soit frappé de sa nécessité ; attaquer à la fois l'amour-propre, les relations, les intérêts locaux des villes, bourgs et villages, c'est exciter un grand mouvement, sans qu'il puisse en résulter ni de grands, ni d'utiles effets.
Ainsi, Messieurs, multiplier dans une même province les assemblées d élection et d'administration, au lieu de les réunir en en seul corps d'Etat, et soumettre l'organisation à des règles fixes et proportionnelles au territoire, à la population, à la contribution, c'est une opération vraiment utile au peuple de ces provinces, à l'universalité de l'empire. Mais multiplier inutilement les fractions, lorsque l'objet essentiel est d'obtenir des quantités égales, changer absolument dans tout le royaume le régime municipal, en
composant, par la création des communes, une municipalité de plusieurs, en enrégimentant pour ainsi dire des villes, bourgs et villages, qui avaient une existence propre et indépendante de toute autre municipalité, cette innovation sera pour toute la France une contrariété, une disconvenance sensible, sans aucun avantage apparent ; car s'il est utile d'établir un point central pour des intérêts communs d'un même district, d'un même département, la police et la gestion des affaires locales d'une ville et d'un bourg y doivent être abandonnées à leurs propres officiers, et c'est là ce qui constitue le régime municipal qu'il s'agit aujourd'hui de rendre universel et uniforme mais non de circonscrire dans des lieux privilégiés.
Ce régime était celui des Gaules avant et depuis la conquête des Romains : il fut détruit par l'invasion des Francs; mais l'affranchissement des communes fut pour nous la seconde époque du gouvernement municipal; et ce n'est que dans le dernier siècle, après la prise de la Rochelle, que ce privilège, commun à toutes les villes et bourgs du royaume, fut anéanti dans plusieurs, et altéré dans tous.
Jusqu'alors, chaque communauté avait ses représentants qui élisaient leurs officiers, et composaient le conseil municipal, chargé de la police, des recettes et dépenses locales, sous l'autorité et l'inspection du Roi. Voilà ce qu'il est question de rétablir ; et lorsqu'on retrouve dans la simplicité primitive des municipalités, le mode le plus raisonnable d'organisation, il me semble qu'on peut s'abstenir de toute innovation, telle que celle qui transporte dans un chef-lieu le régime de plusieurs. 11 me semble que c'est diviser les citoyens au lieu de les réunir. C'est imprimer un grand mouvement aux petites affaires et mettre une trop grande somme d'intérêts particuliers en compromis avec l'intérêt public.
Je n'adopte donc ni la division de la France en 80 départements, ni celles des départements en en communes et cantons. J'emploie contre le plan du comité les objections de M. de Mirabeau, qu'il est inutile de répéter, et, contre le sien sur la division de la France en 120 départements, voici mes raisons pour n'y pas déférer :
Je ne veux conserver de l'ancienne distribution du royaume, ni l'égalité des masses, ni celle des rapports entre elles ; mais tout ce qui présente des proportions raisonnables en se rapprochant des formes, et même des dénominations anciennes, m'a paru admissible de préférence.
Je préfère une division qui comprenne, dans une même étendue de territoire, le ressort d'une cour de justice et celui d'une assemblée provinciale, celui d'un commandement militaire, et qui puisse s'adapter également aux bases'de représentation proposées par le comité, ainsi qu'à toutes les sous-divisions de diocèses et de districts.
80 départements ni 120 ne présentent point ces avantages, et comme il existe nécessairement un premier terme invariable, qui est Paris, dont le département sera composé de 7 à 800,000 âmes, il m'a paru plus naturel d'en faire une mesure commune, qu'une exception.
Paris, par sa consistance de métropole, a déjà un assez grand avantage sur le reste du royaume, sans y ajouter celui d'une disproportion énorme entre sa force administrative et toutes les autres. Paris, comme ville, doit être la reine des cités ; mais comme corps administrant, il me paraît convenable, et peut-être nécessaire, que Paris ait des pairs dans le royaume, et que les provinces ne
se trouvent point, par une distribution faite dans son enceinte, à une trop grande distance de la capitale.
Je me range ici de l'avis de ceux qui pensent que la représentation nationale ne peut avoir.de base plus solide que là population, parce qu'elle suppose ou qu'elle compense toutes les autres, et que si elle varie dans des lieux déterminés, elle reste à peu près la même dans une grande étendue de territoire, qui n'est exposée ni à la dévastation d'une armée ennemie, ni à la famine, ni à la peste. Mais si je prenais pour mesure absolue un département de 800,000 âmes, j'éprouverais presque autant de difficultés dans les grandes divisions, que dans celles de dix-huit lieues carrées, qu'on entend subdiviser en neuf parties égales, appelées communes, opération que je crois impraticable.
En évitant donc toutes les perfections idéales, en ayant égard aux convenances et aux motifs déterminants par une utilité réelle, je trouve que, de toutes les divisions, celle qui remplit le mieux les conditions nécessaires est la distribution du royaume en quarante provinces, dont la plus petite ne pourra comprendre moins de 600,000 âmes, et la plus grande plus de 800,000.
Je trouve que chacune de ces provinces peut-être le ressort d'un tribunal souverain, d'une assemblée provinciale, de deux départements et huit districts d'administration, de deux diocèses et de six cents paroisses.
Chaque district, étant composé de 70 à 100,000 âmes, nommerait deux ou trois députés à l'Assemblée nationale : cette latitude est nécessaire jusqu'à ce que la formation et le dénombrement de districts soient assurés.
Vous remarquez, Messieurs, que la distribution que j'ai l'honneur de vous proposer se prête à tous les établissements, à toutes les réductions qui vous paraîtront convenables, il est très-possible que 80 diocèses et 24,000 cures suffisent à la France, mais quarante cours souveraines lui sont nécessaires pour rapprocher la justice des justiciables.
J'établis donc ainsi ma division, qui se rapproche de celle de M. Pison du Galand : elle m'a paru plus favorable pour la section des grandes provinces, et pour empêcher le morcellement des moyennes. *
Je propose que le royaume soit distribué en quarante provinces, et qu'il y ait dans chacune une assemblée provinciale.
Chaque assemblée provinciale sera composée de deux départements.
Chaque département sera divisé en quatre districts.
Chaque district sera composé d'autant de municipalités indépendantes entre elles, qu'il y aura dans son arrondissement, de villes, bourgs et villages, ayant des rôles séparés d'impositions.
Les assemblées primaires se tiendront dans chaque ville, bourg et village municipal, pour nommer les représentants de la commune qui doivent former le conseil municipal.
Les assemblées d'élection pour la représentation nationale et provinciale se tiendront au chef-lieu du district, où les assemblées primaires enverront un député par cent votants.
Lesdits députés éliront des membres des assemblées provinciales à raison de treize députés ' par district.
Les assemblées provinciales seront ainsi composées de cent quatre membres, dont douze seront destinés à l'administration, par commis-
sion, de chaque département, et trois à là correspondance de chaque district.
Si je n'adopte pas, Messieurs, les assemblées secondaires et communales, pour l'administration des districts, si je préfère des commissions intermédiaires suboraonnëéS, c'est parce tjiîë je suis convaincu que l'ordre, l'économie, 1 expédition des affaires, se cbhciliëht parfaitement avec une assemblée supérieure d'administration^ qui prononce, qui inspecté; et des agents qui exécutent; mais qu'il n'est pas bon d'adopter, poUr les détails d'exéçùtiott; urié hiérarchie d'administra-tion collèctiVë.
J'adopte l'avis du préopinant. mais je ne puis sbUScrihe à la divisioti en neuf districts ; deux me paraissent suffire aux besoins de l'administration.
La division én neuf districts me paraît aussi trop considérablë ; elle donnerait naissance à utt grand nombre d'àdministratëurs, ce qui établirait une trop grande différence entre les fruits et les frais dë l'administration. On a reproché aux assemblées provinciales les dépenses considérables qu'elles entraînaient, et là nouvelle opération qu'on propose d'établir mériterait davantage encore cë reproche. Les districts de communes ou assemblées communales seraient trop grands pour des municipalités ét trop petits pour des départements d'administration;
Je ne dirai rien sur lës demandes relatives aux municipalités, parce qu'il né s'agit point en ce moment de cet objet.
Je propose donc de poser ainsi les questions :
1° Les départements seront-ils divisés en districts ?
2° Les districts seront-ils au hbmbre de neuf dans chaque département, ou d'un nombre moindre et proportionné aux convénahces locales?
Une division multiple dé trois sera nécessaire pour la représentation nationale, si l|on adopte trois bases» comme le propose le comité.
Je pense qu'il faudrait établir la question comme il suit :
Les districts séront-ils divisés en trois, six ou néuf départements, selon que les députés dés provinces lë jugeront convenable ?
J'adopte cet avis; mais je crois qu'il faut préalablement prononcer sur les bases de représentation.
Il me semble que trois districts dans chaque département rempliraient entièrement l'objet qu'on se propose.
Je regarde comme très-important que les assemblées primaires nomment des électeurs qui se réuniront aux districts, pbur députer de là direè-tément à l'Assemblée nationale j il faut avoir tou-' jours devant les yeux le grand principe de droit naturel que les délégués n'ont pas le droit dë déléguer eux-mêmes.
Les observations sur lés municipalités sè réduisent à unë différence de mots ; il faut ôter le hom de municipalité aux assemblées communales et le donner au burëau de municipalité que le comité établit dans les villages.
Je propose d'abord de décider s'il y aura des cantons* parce que cettë
décision influera sur le nombre des assemblées de communes : il faut aussi examiner préalablement si l'on conservera des municipalités aux lieux qui en ont maintenant, et si l'on en établira dans ceux qui n'en ont pas ; j'en fais la motion formelle.
, député d'Auch. Les habitants de plusieurs villes et communautés qui forment de grandés municipalités par ieurs agrégations à des vil les, m'ont expressément engagé d'en demander là dissolution; ces habitants me chargent de réclamer pour chaque communauté et village une municipalité particulière, indépendante, chargée de la police ét de l'administration* Instruits par l'expérience, ils ont conçu pour ce régime d'agrégation Une aversion dont il sera difficile de les faire revenir: Si, dans l'état de servitude dont nous venons de sortir, ils se sont mohtrés si jaloux de l'affranchissemënt de cette tutelle que les villes ëxërçaiëiit à leur égard, combien ën seront-ils plus jàloux aujourd'hui qu'ils ont appris à connaître tout le prix de la liberté ! Je demande au surplus l'adoption des administrations dé districts dont mes commettants ont reconnu l'utilité.
Il ne faut rien laisser d'arbi-tràirë aux provinces relativement au nombre des districts; on ne sait pas quelle latitudë lès ennemis du bien public donneraient à cette incertitude sur les départements second airefc. Il faut établir six districts, de telle manière qu'on puisse aller ét Venir au chef-liëu du district dans une journée.
Je demande que le régime municipal soit séparé du régime de district, et j'adopte pour le surplus le "plan du comité.
, évêque de Rodez. Il existe peu de contrées d'une étendue de quatre lieues carrées où il ne se trouve Unë habitation propre à former un ehef-lieu, et oû il'n'existe assez dë gens instruits qui, éclairés par unë Correspondance directe avec l'assemblée de département, ne soient eh état de fèmplir les fonctions qui leur seraient confiées. Je regarde en conséquence l'établissement dès cantons comme très-praticable et très-utile.-
Avec cettë communication directe, lés intermédiaires ne formeraiërii; qu'une complication sans objet. Il faut; dans toute espèce de division pbli-tique, mettre en lignë de compte les passiotis des hommes ét cràindré lës effets dé l'amour dë l'indépendance et du désir d'éxëifcer quelque empire. La cdmplicâtion dès intérêts ét- des vd* lohfés est contraire à l'intérêt général: rien n'est plus dangeréux aux gouvernés que la discordé entre ceux qui gouvernent. Je cdhclUs à ce qu'il n'y ait pas d'assembléë Communale entre les can-tonS et les départements.
expose qu'éh Gascogne plusieurs communautés ont, avec les miihiëipalités dont ëilés dépendent, des contëstationsqlii sont actuellement portées au conseil:
rappelle les diverses questions présentées pàr les préopinants; et observe qu'en les mëhant toutes de front oti tombe nécessairement dans un désordre qui éternisé la discussion.
L'ordre du jour est réellement la division des départements ëti distHcts. Oh rie peut, comme le propose M. Biauzat, comnîençer par l'organisation dés tndhicipâïlté^. Lë ctimité a bien présenté dés vues générales, mais point encÔrë son plan sur lèur organisation ët letirs fonctions. Elles në sont placées ni dans l'ordre représentatif , ni dans l'ordre administratif. Cë sont des tours particuliers et dés familles chargées dé leurs propres âffairëil; et qUi né Jjëtivenf relè-ver des assemblées coriimuriales.
Il n'y a nulle difficulté à clidngër lë nom de communes en celui.de districts. L'objection Stlr ta dépense que leur établissement occasionnerait ëst très-faible. Vous Supprimerez dans lë tioùveau régime les intendants, lés sUbdélégUéSj lës frais de bureau, et sans doute ce sera une grande économie : d'ailleurs, il S'agit Sur tfclute fehbie de mettre un grand nombre dè bitOyëhs en activité poUr lës former aux affaires publiques. Cette considération tient de très-près au. maintien delà Constitution:
Si vous n'adoptez pas lë nombre dé 9 distHcts pâr département; ët que vous décidiez la question d'une maniéré indéterminée, vous préjugerez la réjection des trois bases proposées par le comité.....
Je demandé qu'ott aille âtix voix sur l'article du comité, et que si l'on n'adopté pas la division en 9 districts, on admette celle en nombres ternaires.
, député de Toulon. Je Ctbis tju'il y a nécessité a donner à ehaquë ville * à chaque village, dés municipalités; soit à raison de la dif-féredeë dë lëurs bieris, soit parfce que la ville profiterait pour son utilité particulière dës fdtids qui appartiendraient au village et dont il a besoin pour ses dépenses publiques:
, l'aîné. Tout ce qui a été dit prouve surabondamment la riéèéssitë de délibérer d'abbrd sur l'établissement dës municipalités.
, archevêque d'Aix. Rien n'était plus blàir tjtie la sérié des questions du comité. Unë cotifusibn dads les mots a dbnné lieu à uné confusion dans les idéës. Il faut classer lès diverses questions Sous leurs différents rapports.
Les assemblées des élëeteUrsrtéddiVeht pas être établies danS les chëfs-liéux dës départements, d'après la nécessité de séparer des adttiinisira-teurs les électeurs c(ui doiVëiit lëS choisir. La base du territoire ne doit être appliquée qu'à la détermination dës dépaHèiriërits, ët iibfl à la formation dës cotilmunës ët dës cantons.
Il faut confondre la basé de, la population avec celle dë la contribution, où bien ce serait Un double emploi; ainsi l'ëtenduë n'entrant pour rietl dans la représëntatiob, les assemblées primaires nommeront des électeûrs> brdportioriiiëllëûiertt à la population, ët ëëtte même base servira à déterminer le nombre dë députés. Je pensé qiie> pour procéder avec ordre, il faut examiner successive-ment lës cjuestions sous lës rapports uè 1 administration, de la représentation et des baSës:
Je termine en réclamant pojir ma province la conservation dës municipalités.
Délibérera-t-dh d'abord sur les municipalités ou sur les communes, comme le propose le comité? La question à examiner rie consiste pas dans le nombre des unes ou des autres, mais dans la détermination
du degré de pouvoir et d'importance que vous donnerez aux premières. Une fois l'espèce de leurs fonctions décidée ; vdus pourrez plus aisément arrêter vos idées. Ainsi, les municipalités doivent êtrë lë premier objet de votre travail. Cette marche est d'autant plus nécessaire, que si les provinces méridionales craignaient d'être privéës dés.municipalités qui existent,dans chaque habitation, cette crainte pourrait donner lieu à une insurrection.
Vous avez décidé a Versailles que vous suivriez l'ordre des questions proposées par le cbrriité. M. BiariZàt vous engagea alors à statuer sùr les municipalités; vous rejetâtes cette opinion. Je demande l'exécution de ces deux décrets, et celle du règletrienfc qùi défend de représenté^ une proposition déjà jugée.
Les opiniohs qiii Viennent d'être discutées contiennent deux propositions préalables; que je vais mettre successivement aux voix.
La première a pour objet de décider, avant de s'occuper du fohd de l'article, S'il y aura des rtiunicipalités dans chaque ville, bourg ou village.
L'Assetnblée ainsi consultée décrète :
« Qu'il y aura municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse du ëddimuriautë dë éâmpégne. »
Je consulte l'Assemblée sur làSëcdiidé cjUëStibn fttealablë aitisi coriçUë: S'oe^ cùpërà-t-bh d'abord des bases dé ia représentation; avant dë délibérer sur l'artlëlë preseiité par le ebmittë dë bonstitution?
Cette prdpbSitiëri ëSè rëjëtée; ,
On fait lecture dës amendements ét l'Àssembléë décrète :
« 1° Que chaque département sera divisé en districts ;
« 2° Que chaque département rie sera pas divisé nécessairement en neuf districts; selon le plan du comité ;
« 3° Que chaque département sera nécessairement divisé dans un nombre ternaire ;
« 4° Que lë ribmbre dès districts rië ëëfa pas nécessairement lë riiêdie pour toUs lë^ départements;
« 5° Que le nombre des districts pour chaque département sera fixé par l'Assemblée nationale, après a^bir éotëbdu lés dépUték de chaque province Suivant la convenance et lë bësoin dë chaque départèmetii. »
fait lectiirë d'une lettré dé M. lë garde des Sceaux, jbinte à une écrite de la foairi de Sa Majesté. Ces lettres sont ainsi conçues:
« Le Roi a ordoriné à M. le garde des sceaux d'envoyer à M. le président de l'Assemblée nationale la lettre que Sa Majesté écrit à l'Assemblée.
« En exécutioç de ses. ordres; M. le garde des sceaux, adresse à M. le président la lettre dé Sa Majesté, pour qfi it veuille biëri en donner cori-naissanee à l'Assemblée.
Signé: Champion de Ciêé; archèvéque dé Botdedhêi »
Lettre du Roi a l'Assemblée nationale (1).
a Paris, le
« Messieurs, j'ai reçu avec sensibilité vos remer-cîments. J'ai donné mes ordres pour former une nouvelle Chambre des vacations du parlement de Rouen.
« Vous savez que lès lettres patentes qui prorogeaient la Chambre des vacations de ce parlement, ont été enregistrées purement et simplement, et vous avez vu, par l'arrêté que cette Chambre a pris le 10 de ce mois, que celui du 6 n'était pas destiné à devenir public.
« Ces motifs me font regarder comme convenable que l'affaire n'ait pas d'autres suites, je pense que la modération et l'indulgence sont les plus sûrs moyens de réunir les esprits aux mêmes principes, et je n'hésite pas à vous dire que c'est le vœu de mon cœur.
« Signé : Louis. »
La lecture de cette lettre est suivie de nombreux applaudissements dans une grande partie de la salle.
Plusieurs membres demandent la parole.
propose la motion, suivante conforme aux désirs du Roi :
« M. le président se retirera par devers le Roi pour le remercier d'avoir nommé une nouvelle Chambre des vacations, déclarer qu'au surplus, voulant donner des marques de son dévouement au Roi, l'Assemblée, usant d'indulgence, consent à ce qu'il ne soit donné aucune suite à l'affaire de la Chambre des vacations du parlement de Rouen.
L'Assemblée nationale doit être juste, et non clémente ; elle doit s'en tenir strictement à l'équité; quant au Roi, il peut être indulgent, mais il n'usera de cette indulgence quelorsque l'affaire aura été jugée.
(de Nemours). Messieurs,,cette question doit se décider par la grande maxime :
Pardonner aux vaincus, écraser les swperbes.
Je propose la motion suivante :
« M. le président se retirera par devers le Roi pour l'assurer que l'Assemblée entrera toujours dans ses vues de bonté et d'indulgence pour ses sujets de toutes les classes. »■
L'Assemblée devient tumultueuse; d'un côté on demande l'ajournement ; de l'autre on crie : Aux voix!
M. le président ne peut de faire entendre. — Le désordre est à son comble.
, élevant la voix. Quelques membres veulent fatiguer l'Assemblée
Par la lettre du Roi, l'Assemblée est dessaisie de la question et sans examiner si elle a le droit de faire grâce, je crois que cette considération suffit pour prononcer l'ajournement.
Je demande l'ajournement jusqu'à ce que les malheureux qui sont en prison à cause de la révolution du mois de juillet, soient mis en liberté.
(Le tumulte recommence. — La grande majorité de la salle demande à aller aux voix — L'adhésion à la lettre du Roi paraît évidente.)
Plus l'opinion d'a-d'hérer à la lettre du Roi est générale, plus il me semble convenable de se prêter à écouter l'opinion contraire. Le décret que vous avez rendu contre la Chambre des vacations du parlement de Rouen est une chose de nécessité, de justice, mais je crois qu'on peut aujourdhui user de douceur et de clémence. Avant tout et surtout, on doit entendre la discussion.
J'insiste pour qu'on aille aux voix. La résistance, de quelques membres est une violation des droits de l'Assemblée.
Il n'y a de dispute et d'altercation que lorsqu'on veut violer les règlements. Quand l'ajournement est demandé, la discussion ne peut être refusée; suivons le règlement et nous aurons la paix.
Je demande l'ajournement en me fondant sur l'article 19 de votre règlement. Cet article porte que lorsqu'un décret aura été rendu, il ne pourra plus être remis en question pendant la durée de la session. Ce n'est pas lorsqu'il s'agit d'un crime de lèse-nation que des législateurs doivent s'attendrir. Ce n'est pas le sentiment, c'est la justice qu'il faut consulter. Si les magistrats de Rouen ne sont pas jugés, le peuple dira qu'il n'y a que les dernières classes qui soient punies et que les hommes puissants ne le sont jamais. Je demande que, si l'on fait grâce à la Chambre des vacations du parlement de Rouen, on ouvre les prisons à tous ceux qui sont accusés du crime de lèse-nation.
Justement indignés de la conduite des magistrats de Rouen, vous avez voulu faire un grand exemple et vous l'avez fait. La demande du Roi donne un nouveau degré de justice et d'authenticité à votre décret; mais c'est par les ministres que vous avez été instruits de cet arrêté. Refuser au Roi la grâce qu'il demande, serait aussi barbare qu'impoli-tique; je m'oppose à l'ajournement.
veut parler et ne parvient pas à se faire entendre (1).
Je trouve naturel que vous vous soyez d'abord intéressés à la demande du Roi; mais après
avoir payé ce premier tribut à
Ma motion était un véritable ajour-nementV Elle avait principalement pour objet d'établir que nous ne connaissons pas de différence entre un coupable puissant et un coupable faible et sans appui. Je mettais sous les yeux du Roi cette grande vérité, que les rois, aue tous les hommes, toujours disposés à l'indulgence, ne doivent jamais s'écarter de la justice.
La sévérité n'est pas la règle qui a marqué la conduite de l'Assemblée envers le peuple. Avec quel empressement ne se porta-t-elle pas à solliciter la grâce des soldats et des citoyens qui avaient brisé les portes des prisons de 1 Abbaye ! Pouvez-vous refuser le Roi; lorsqu'il sollicite une grâce qu'il vous a déjà accordée ?
met aux voix l'ajournement.
L'ajournement est rejeté.
Je retire ma motion et j'adopte celle de M. le comte de Grillon.
On demande la mise aux voix de la motion de M. filin.
Un membre fait remarquer que cette motion n'est qu'une sorte d'ajournement ; elle est rejetée.
La motion de M. le comte de Grillon est ensuite adoptée et le décret suivant est rendu :
« Après avoir entendu la lecture de la lettre du Roi relativement à la Chambre des vacations du parlement de Rouen, l'Assemblée nationale, empressée de donner à Sa Majesté un nouveau témoignage de son dévouement, a décrété que le vœu qui lui était annoncé par Sa Majesté devenait celui de l'Assemblée nationale, et que le président se retirerait devers le Roi, pour lui porter le présent décret.
La séance est levée. l'Assemblée se sépare à quatre heures et demie.
première annexe.
Mémoire sur le projet de détruire les corps religieux, par des Dominicains.
Il n'est pas possible de se le dissimuler, les instituts religieux, chéris et honorés dès leur origine et durant une longue suite de siècles, sont aujourd'hui menacés d'une subversion totale et prochaine. L'opinion publique, qui n'est jamais plus redoutable que quand elle s'égare, les dévoue à l'opprobre et à la mort. De toutes parts l'on entend retentir ce cri menaçant et cruel : Détruisez, anéantissez, renversez jusqu'aux fondements (1).
Pourrions-nous être spectateurs tranquilles des maux que nous éprouvons déjà, et envisager sans effroi ceux quivont fondre sur nous ? Nous taire, au milieu d un si grand péril, serait, de notre part, une lâcheté et un scandale. C'est peu pour nous de ne pas provoquer la suppression de notre état; nous devons ne rien oublier pour éloigner ce malheur. L'inaction et le silence nous rendraient coupables devant Dieu et devant les hommes.
Mais est-il encore temps de s'opposer à un débordement qui va tout entraîner? En élevant la voix, en faisant des efforts pour détourner l'orage, pouvons-nous espérer quelque succès de nos réclamations? Et pourquoi non? Le découragement n'est permis que sous l'empire du despotisme : sous le règne de la liberté, la vérité ne parle point en vain; tôt ou tard la justice triomphe des préjugés les plus accrédités. Notre défense sera courte et franche ; nous la renfermons dans J'examen des deux questions suivantes :
Première question :
L'Assemblée nationale peut-e[le accueillir les projets destructeurs dont nous sommes inondés, et anéantir en France tous les instituts religieux?
Seconde quéstion :
Si l'Assemblée nationale a le pouvoir légal de détruire tous les monastères, doit-elle ën user? Ferait-elle en cela une opération sage et utile?
Réponse :
Sur ces deux questions notre réponse est précise. L'Assemblée ne le peut pas ; l'Assemblée ne le doit pas. Nous disons d'abord qu'elle ne le peut pas ; qu'elle n'a pour renverser tous les monastères de l'un et de l'autre sexe, ni droit, ni pouvoir légal; qu'elle ne pourrait l'entreprendre que par une violation manifeste du droit naturel.
Pour le démontrer, nous n'avons besoin que d'un principe avoué de tout le monde, et auquel l'Assemblée elle-même a, en toute occasion, rendu un solennel hommage : c'est que la propriété doit être inviolable, et que nulle puissance sur la terre ne peut ni l'envahir ni la troubler que par un coupable attentat. Si l'on a enlevé au clergé ses possessions, c'est qu'on a supposé qu'il n'en était qu'un simple administrateur, et non lé propriétaire.
Or, je le demande ici à tout homme équitable,
entre toutes les propriétés, en est-il pour moi, comme pour tout autre individu, de plus constante, de plus sacrée, de plus inviolable, que la propriété de ma personne, c'est-à-dire le drOit d'aller où bon me ëëmble» de faire ce que je veux, de prendre tel engagement, d'entrer dans telle association. qu'il me plaît, toutes les fois qu'eu usant aitisi dé ma liberté je n'enfreins point les.loi§» je ne trouble en rien l'ordre établi par elles? L'Assemblée elle-même a publiquement reconnu et consacré ce droit imprescriptible de l'liomme) et du citoyen.,
Eh bien I il y a vingt., trente Où quarante ans, n'importe, il m'a plu d'embrasser la profession reiigieusé, dé m'y voiier, par un engagement absolu et irrévocable. Bn faisant choix de Cet état, en abdiquant pour _toujours Ië droit dë devenir sur mes jDaé, je n'ai nui, à personne ; jë n'ai ni Violé lés Ibis, hi troublé 1 ordré public. Que dis-je ! les lois dé la religion et celles de la patrie oht formélièment ratifié mon engagement; ellesLofit consacré v, elles m'en ont expressément garanti l'inviolable stabilité. Cet engagement qui, ëh me liant par. dés liens indissolubles à un état permis, approuvé, .çonsacré par lés ibis, m'en assurait aùsâi la paisible possession pour le reste dë mes jours, est devenu la plus chère, la plus précieuse de mes propriétés. Où est donc le législateur qiii ait droit de mè l'arrachèr malgré moi, qui pdissë légalement àhêantir uhè jidÉsëSsitin que j'ai ac-quise sous la garantie de la loi, ét jîar l'abandon volontaire déboutés les autres? N'est-il pas évident quë quiconque entreprendra de m'en dépouiller, ëût-il eu main la suprême puissance» ne peut être ën cela qu'un injuste Usurpateur, un oppresseur Violent ? A ce raisonnement qui nous paraît sans répliqué, ajoutons-ën un autre qui ii'est pas moins décisif. Un moment avant lié me lier par la profession religiéusp, j'ai disposé dë mes biens, parce que la loi m'en laissait la liberté, et jé l'ai fait suivâiit les formes qu'elle prescrit. Cette disposition ae te dès lors irrévocable. Ni législateur, ni priricë h'ôsërait aujourd'hui y toucher, ou le tenterait en vain. Pourquoi donc là disposition. de ma personne, ni moins permise, ni moins légale^quë celle dë mon patrimoine, se-rait-ëllë moins inviolable i Les biens que je donnai alors sont devenus pour toujours la propriété des donataires, personne au monde ne peut les contester ; ët l'on me ravirait arbitrairement ce que iës lois elles-mêmes m'ont dondé en échatigë de ces biens !
La tyrannie elle-même, en faisant pour l'avenir dés lois nouvel lès, n'Oserait leur donner un effet rétroactif, ni.anéantir lès conventions antérieures , ni boulêvërser les fortunes» réglées suivant les formes, qui étaiënt en vigueur avant la nouvelle législation ; ét l'on adopterait ce système, non moins absurde qu'atroce, quand il S'agit d'un contrat plus important, plus solennel, plus irrévocable, tel que ma profession dans uh institut religieux! Quelle apparence que l'oubli des principes prévale jamais dans l'Assemblée, au point de lui faire prononcer un décret aussi . vexatoire, àiïàsi cdiitraire à la jiisticë ët & la raison, quë Celui qiii proscrirait tous les corps réguliers, et renversérait lotis les monastères ?
Ëh quoi ! nous dirâ-t-on, est-Cé que vous refusez ail souverain le droit de (îissôtidre dés associations nuisibles à la chose, publique? A lîiëii ûë plaise ! nOuS savons qlië les corps iront )as plus que les individus; le droit d'enfreindre es lois, de corrompre ou de troubler la grande société dont ils sont membres. Leurs pernicieux
principes, leurs cabales, leurs attentats peuvent et dbivënt être réprimés et punis; On peut les dissoudre; les expulser des terres de l'empire» dUattd ils ont mérité la mort ou le bannissement, tout comtfie on envoie un particulier au supplice; quand il a été jugé indigne de vivre!
Mais on he petit faire ni l'un tii l'autre par un acte de législation, pfts plus que par un coup du pOiivbir arbitraire ; il faut pour cela qu'un juger ment réguliër ait constaté le délit* et détertriitié le genre dé peine qui doit le punir. Qu'un tribunal compétent fasse donc le procès aux instituts religieux : si, après une exacte informàtion; il ést prouvé que dès leur origine ces corps ont trompé là loi et ses ministres ; qu'ils ont abusé de leur influence pour troubler le repos de l'empire ; queleurs prlhcipes tendent à corrompre les mœurs et la morale ; que leur administration particulière est inconciliable avec la paix gênéràle; c|iië plus on les ramènera à leur premier esjârit; plus oh les rendra nuisibles et dangereux : il est juste que dés corps convaincus de ces crimes soient proscrits sans délai.
Mais que, sans information préalable, sans forme de jugement» et parce que nos finances sont dans un affreux désordre, ou par telle raison de convenance, on fasse main-basse sur tous les corps réguliers ; que par un simple décret de police, on renverse tous ces monuments de la piété de nos pères; que sans délit constaté, ni présumé, ïli dénoncé, on prononce contre des milliers de citoyens hohriêîes, irrépréhensibles; reîêtus d'uti caractère respectable» la confiscation du bien le plus précieux qu'ils aient au monde; qu'on leur ravisse la plus douce, la plus légitime dé leurs jouissances, la seule qu'ils se soiënt réservée, en renonçant à toutes les autres, une jouissance que l'Etat et l'Eglise leur avaient assurée pour le reste de leur vie, ce serait un acte d'oppression et de violence, qui n'est pas à redouter dë la part d'une Assemblée qui a si souvent et si hautement protesté qu'elle n'a, ni né veut avoir de puissance que pour réprimër l'injustice, pour défendre les faibles, pour assurer tous les droits, pour consacrer toutes les propriétés.
Quoi ! parce que les corps religieux se Sont urie fois introduits dans l'Etat, faut-il qu'ils y aient une existence immuable, ldrs thème que 1 intérêt public ën exigerait la suppression en tout ou en partie; Ce n'est pas là ce que nous prétendons. Le souverain, chargé de procurer» par tods les moyens légitimes, la plus grande prospérité de l'Etat,. peut( mettre des bornes à la durée d'un institut religieux il fpeut lui défendre de se perpétuer en admettant dë nouveaux sujets. En paralysant ainsi, un Corps raorai» ëh bornant son existence à celle des individus actuels qui lë composent, peut-être le législateur se laisse égarer par d'injustes préventions ; il nuit peut-être à la religion, en la privant des ressources qu'elle trouvait dans tel étabiissqnieni que là loi dévoue à la mort; il abuse peut-être dë son pouvoir, mais enfin il n'en passe pas les bornes i il ne vexe aucun citoyen, il n'enlève à aucun individu ses droits et sa propriétés
Mais parce qu'il a le droit de défendre l'admission de nouveaux sujets, s'ensuit-il qu'il puisse violer la justice à l'égard de ceux qui existent déjà, en les dépouillant arbitrairement d'une propriété qui leur a été garantie par les lois, et à laquelle ils mettent, avec raison, le plus grand prix? Quand on accorderait pour un instant que le législateur peut ouvrir la porte des
monastères à tous les sujets mécontents de leur état, de quel droit forcerait-il ceux qui l'aiment à l'abandonner pour rentrer dans le monde ?
Cet état, pour ne l'envisager un instant que sous le rapport d'une propriété temporelle, les religieux l'ont acquis par l'abandon de tout le reste. C'est pour eux l'équivalent de tous les biens, de tous les droits qu'ils possédaient dans la société avant leur engagement. La loi a ratifié cet échange : elle a répondu que cet arrangement était désormais irrévocable et à l'abri de tous les événements.
Qui pourrait donc aujourd'hui anéantir une pareille convention, sans ébranler tout ce qui a précédé le nouvel ordre de choses qu'on veut établir ? Les donations, les testaments, tous les contrats, toutes les dispositions antérieures, qui avaient reçu le sceau de la loi, et qu'une paisible possession avaient consacrées, se .trouveraient livrés à la plus alarmante instabilité. D'après le système que j'attaque, il ne faudrait qu'une motion hardie et quelques ardents orateurs pour bouleverser toute la société. Exposer les suites funestes qu'entraînerait ce principe, c'est avoir démontré que jamais l'Assemblée nationale ne sera tentée d'en faire la base de ses décrets, quand il s'agira des instituts religieux.
Si par impossible il se trouvait un esprit assez hardi pour le proposer, assez rusé pour en couvrir le vice, d'un assez grand ascendant pour le faire goûter? en sorte que le législateur Crût devoir auéantir les cdnvèntiôns que j'ai faites avec un corps régulier, et avec la loi elle-même, il faut bien au moins que son décret me replace aU point où j'étais avant de me .lier par la profession religieuse; il est dé toute justice que la lot me rende les droits que j'ai cédés, puisqu'elle me ravit l'unique bien que j'avais reçu en "échange. En détruisant la convention qui me liait à l'institut, et qui liait l'institut à mou égard, il faut de toilte nécessité qu'elle m'affranchisse des obligations que m'imposait ce contrat synallagmatique, comme elle me dépouille des avantages qu'il me procurait, et pour tout dire, en un mot, il faut qu'elle m'autorise à réclamer la part qui me serait échue dans toutes les successions directes ou collatérales de ma famille. Me ravir un état que j'avais légitimement acquis, que je désire ardemment conserver, que je n'ai pas mérité de perdre, est une opération "assurément fort étrange ; mais me le ravir Sans indemnité, sans m'en rendre le prix, serait, je ne dis pas une injustice, mais une atrocité : et puis-je la craindre de la part d'une Assemblée, qui, aux yeux de toutes lés nations, a pris et renouvelé l'honorable engagement dé faire des heureux, et non pas des victimes?
On vous donnera, dit-on, une pension. Fort bien, mais moi, je veux mes droits, et non pas une aumône; je veux mon état, ou ce que j'ai Cédé pour l'avoir : et puis je veux dépendre de moi et non pas d'un caissier, que je ne pourrai faire actionner, quand il me répondra qu'il n'y a rien dans son coffre : je veux, en un mot, ne pas moiirir de faim • malheur pourtant inévitable, quand, par l'impérilie ou les prévarications d'tin administrateur des deniers publics, je ne pourrai toucher que darls 18 mois ou 2 ans la pension dont j'ai besoin pour vivre cette annéê.
Mais lès religieux eux-mêmes^ demandent la Suppression de leurs corps respectifs. Des milliers j de victimes de tous les ordres s'adressent journellement à l'Assemblée nationale, et la conjurant, avec les pliis ViVes instances, de rôiiipre
leurs fers. Faut-il qu'elle ferme l'oreille à leurs gémissements? Au lieu de les laisser traîner une ignominieuse et douloureuse existence dans l'oisiveté, dans les murmures et le désespoir, ne vaut-il pas mieux mille fois briser leurs liens, les rendre à la société, à des travaux utiles, en les mettant à portée de remplir des places ddns les collège?, d'exercer le saint ministère dans les villes et les campagnes, en qualité de curés ou de vicaires ? Et si l'Assemblée se détermine à cet acte d'humanité et de bienfaisance, n'y aurait-il pas de l'injustice et du fanatisme à lui eii faire un crime?
A ce séduisant sophisme, contentons-nous d'opposer quelques observations fort simples. D'abord, il est fort douteux, en morale et en saine politique, qu'on puisse ouvrir la porte des cloîtres aux sujets las de porter le joùg honorable de la règle. Ou en seraient la religion et la société si, pour être affranchi de ses devoirs, il suffisait d'en perdre le goût? Dëâ promesses Solennelles faites au pied des autels, ratifiées par les lois de l'Eglise et de l'Etat, cessent-elles d'obliger du moment qu'on a ouvert son cœur à l'amour de la dissipation et de l'indépendance? Est-ce que désormais les engagements seront subordonnés à la volonté dé celui qui les contracte, et tomberont aussitôt qu'il les jugera durs et incommodes?Si ce beau système pouvait faire fortune, qu'on permette donc aux maris mécontents de renvoyer leurs femmes-, qu'on laisse à celles-ci la même liberté de renoncer à la société conjugale, dès qu'elle mettra quelque obstacle à leurs goûts et à leurs projets ; que tous les contrats soient résiliés ; que toutes les conventions disparaissent aussitôt que l'une des parties croira avoir sujet de s'en plaindre. Mais si la seule idée de livrer ainsi tous les engagements civils à l'inconstance et au caprice de chaque individu est une extravagance qui détruirait toute justice, et bouleverserait en un moment la société tout entière, comment de sages législateurs pourraient-ils l'adopter, quand il s'agit de contrats d'un ordre supérieur, d'engagements plus solennels, plus irrévocables?
En second lieu, quand il serait vrai qu'on peut accueillir les regrets des sujets dégoûtés de leur état, favoriser leur amour pour l'indépendance, les rejeter dans le tourbillon du monde, parce qu'ils le demandent, pourrait-on en conclure qu'il est juste de n'avoir aucun égard aux instances des religieux fidèles à leur premier engagement? Assurément ce n'est pas trop demander pour eux, que de vouloir qu'on les mette sur la même ligne que les religieux violateurs de leur serment. Vous permettez à ceux-ci de rentrer dans le siècle, parce que tel est leur goût, et qu'on ne doit gêner là liberté de personne. Laissez donc les autres dans Tétat qu'il ont embrassé, car ils le chérissent; respectez leur liberté, car ils en ont une aussi, et dont ils sont fort jaloux, quoiqu'ils n'en fassent par le même usage qué leurs indignes confrères. Ne faites point de violence à leur goût, quoiqu'il vous paraisse bizarre ; souffrez qu'ils accomplissent leurs promessès, quoique vous les jugiez nulles : pleins d'indulgence pour les sujets dégénérés, n'auriez-vous que des rigueurs pour ceux qui sont fidèles ? Non, je ne croirai jamais que ie législateur ayant à prononcer entre des cénobites, dont les uns demandent l'anéantissement de leur état, âprès l'avoir déshonoré, et les ^utres en sollicitent viveïriënt là conservation, parce qu'ils en connaissent le prix èt eh aiment les devoirs, puisse hésiter un instant, Ôii, par une
honteuse préférence, débouter la vertu et accueillir le vice.
Mais, disent ici de faux politiques, les religieux aujourd'hui mécontents, oisifs, inutiles dans leur cloître, s'ils sont rendus à la liberté, serviront utilement l'Eglise et la patrie. Illusion déplorable ! Sans en désigner aucun en particulier; on peut dire, en général, que les sujets qui portent impatiemment le joug de la vie régulière, qui soupirent après leur affranchissement, sont ce qu'il y a de moins estimable dans les monastères. Pleins d'ardeur pour se produire dans le monde; et en goûter les plaisirs, avides de richesses jusqu'à l'indécence (1), ne croyez pas qu'ils aillent se livrer aux pénibles fonctions du saint ministère dans une paroisse de campagne, ou de renseignement dans un collège. Quelle apparence que des esprits indociles, ennemis de tout assujettissement, amoureux d'une folle indépendance, puissent se plier à des devoirs qui exigent un esprit sérieux, un grand éloignement dés faux plaisirs du siècle, le goût de la retraite, l'amour au travail, etc?
Et quand même ces cénobites fugitifs ambitionneraient des places dans les collèges ou dans le saint ministère, les administrateurs chargés d'y nommer n'auront garde, sans doute, de confier jamais l'éducation nationale, ni l'enseignèment des peuples, ni la dispensation des choses saintes à des transfuges, qu'on peut avec raison regarder comme l'écume des monastères, à des religieux infidèles, qui ont violé avec scandale le premier et le plus saint de leurs devoirs. Quels principes pourraient enseigner à la jeunesse, quel bien pourraient opérer dans uné paroisse de lâches apostats, de sacrilèges violateurs de leurs engagements? Ils ont été de mauvais religieux, des prêtres sans piété, et trop souvent sans mœurs, et ils seraient de sages instituteurs, des pasteurs dignes de la confiance des peuples !
Mais enfin que faire des, ces sujets dégoûtés jusqu'à l'horreur de leur état ? Qu'en faire ? La religion et la politique le disent nettement : c'est de prendre les voies les plus naturelles et les plus efficaces pour leur ouvrir les yeux, pour les rappeler à l'amour de leurs devoirs ; c'est de leur faire sentir que la misère et l'opprobre les attendent dans le monde. Ceux que nulle considération ne pourra ni fléchir ni gagner, en qui tout sentiment de religion et d'honneur sera éteint, qui seront assez aveugles et assez endurcis pour braver à la fois la colère de Dieu et le mépris des hommes, on leur ouvrira la porte des monastères et on les laissera s'écouler comme une eau bourbeuse, dans le grand ègout du siècle. Les corps réguliers.n'auront qu'à se réjouir d'une salutaire évacuation, qui les délivrera pour toujours de ces humeurs vicieuses et corrompues qui les surchargent aujourd'hui et qui les déshonorent.
Nous pardonnera-t-on d'ajouter ici une observation en finissant la première partie de ce mémoire? Tout le monde sait avec quel acharnement le trop fameux archevêque de Toulouse poursuivait les corps religieux ; par combien de ravages en ce genre il a, durant bien des années, signalé son
génie turbulent. Serait-il de la dignité de l'Assemblée d'adopter le système, de consommer l'ouvrage de ce Coupable perturbateur du repos public?
Passons maintenant à notre seconde question : en accordant, pour un moment, que l'Assemblée nationale a le droit et le pouvoir légal d'abolir les instituts religieux, de raser tous les monastères, de couvrir de ruines toutes les provinces du royaume, de faire une prodigieuse multitude de victimes et de malheureux, d'aDreuver d'amertume, de tourmenter tout ce qu'il y a de plus vertueux, de plus honnête, de plus laborieux dans le cloître, en détruisant leurs asiles, en les dépouillant de leur état ; en supposant, dis-je, que le souverain a cet étrange pouvoir, serait-il sàge à lui d'en user? Si les corps religieux succombent devant la conjuration universelle qui les menace, Je chrétien qui révère la religion, le citoyen qui aime la patrie, auroot-ils sujet d'applaudir à la catastrophe? Peut-on crôire raisonnablement qu'il en reviendra quelque avantage à l'Etat ou à l'Eglise ?
, La question ainsi posée, et peut-on la poser autremént? n'en est plus une, ce semble, pour tout homme à qui il reste encore quelque sentiment de religion et d'humanité. Mais ne nous bornons pas à ce premier aperçu. Il n'est pas inutile d'observer d'abord que la profession religieuse, si Chère à ce qu'il y a eu de plus grand, de plus éclairé, de plus saint dans tous les âges du christianisme, est infiniment odieuse à ces turbulents sophistes qui, depuis un demi-siècle surtout, ont souillé et avili le nom de philosophe. Il es^ non-seulement certain, mais notoire, que l'irréligion est la première et la principale cause de l'orage qui éclata, il y a 20 ans, contre les réguliers, et qui menace aujourd'hui de les écraser pour toujours. C'est cette philosophie insensée, qui, par ses déclamations emportées, par ses insultantes railleries, par ses fanatiques libelles, a, sur ce point, comme sur tant d'autres, égaré et perverti l'opinion publique, soulevé contre les monastères cette multitude innombrable' d'hommes frivoles et irréligieux qui remplissent toutes les classes de la société. ^
La haine de l'incrédulité contre l'état religieux surpasse celle des anciens tyrans contre le christianisme. Malgré sa fierté elle s'abaisse, dès qu'il s'agit de décrie!* les paisibles habitants du cloître, aux plus grossières injures, aux plus dégoûtantes satires. L'humanité dont elle fait parade, la tolérance Universelle dont elle parle avec tant d'ostentation, l'abandonnent ici, et sont remplacées par des calomnies, par des emportements et des fureurs. Elle pardonne à toutes les sectes leurs erreurs et leurs vices; aux adorateurs même des idoles, leurs superstitions atroces ou impures. Mais elle ne saurait pardonner aux religieux ni leur profession, ni même leur habit.
Sa haine devrait faire notre sûreté comme elle fait notre gloire. Ses invectives et son acharnement sont une preuve publique que la cause des réguliers est étroitement liée, de l'aveu même de leurs plus ardents ennemis, à celle de l'Eglise; que pour porter à la religion des coups sûrs et efficaces, il faut commencer par éteindre ou déshonorer les instituts religieux. Quelle imprudence, après cela, et quel aveuglement, quand on ne peut se dissimuler les progrès effrayants que fait l'impiété parmi nous, d'oser encore, au nom de la religion, désirer ou demander la suppression dé tous les monastères 1 N'est- ce pas évidemment entrer dans les vues de nos mécréants,
travailler pour leurs intérêts, concourir à l'exécution de leurs funestes complots?
Cette première observation suffirait pour résoudre le problème que nous examinons. Donnons-lui un plus grand développement pour la rendre plus frappante. 11 faut pour cela rappeler un principe de la plus haute importance, c'est que de toutes les institutions, il n'en est ni de plus précieuse, ni de plus nécessaire, même dans l'ordre politique, ni qui mérite d'être plus soigneusement conservée que la religion. Ses intérêts et ceux de l'Etat sont liés par des rapports si multipliés et si intimes, qu'on ne peut blesser les uns sans nuire aux autres. L'impiété a toujours été, elle sera toujours le tleau des empires : un Etat où la religion est avilie, impunément attaquée, éteinte ou chancelante, doit se regarder comme sur le penchant de sa ruine, et à la veille d'éprouver les derniers malheurs, et les plus terribles révolutions.
Vainement nous opposerait-on l'exemple de ces anciennes républiques qui, au sein de 1 idolâtrie, n'ont pas laissé d'êlre florissantes et heureuses. Ces peuples n'étaient pas sans religion, quoiqu'ils ignorassent la véritable. Ils conservaient, quoi-qu'en les défigurant par un mélange d'erreurs, les dogmes essentiels qui servent de base aux vertus sociales et de frein aux passions, qui préviennent ou étouffent dans leur naissance une foule de crimes que l'œil et la sévérité de la loi ne sauraient ni découvrir, ni atteindre; au lieu que les efforts de l'incrédulité de nos jours tendent visiblement à effacer du cœur et de la mémoire des hommes tous lesprincipes religieux, à leur substituer les dogmes affreux et abjects de l'athéisme, ou, Ce qui revient au même, une monstrueuse indifférence pour tout ce qui a rapport à l'Etre suprême. Si elle réussit dans ses horribles projets, le dogme capital de la Providence et d^une vie future, l'immortalité de l'âme, la distinction du .juste et de l'injuste, et tant d'autres vérités ni moins importantes, ni moins nécessaires, seront bientôt méprisés comme des préjugés de l'enfance. Et de quels malheurs, même temporels, une pareille impiété ne peut-elle pas être la source ?
Hélas I nous venons d'en faire une triste expérience. Si, malgré les sages décrets de l'Assemblée nationale, et les efforts de ceux qui sont chargés de concourir à leur exécution, la France a été troublée, déshonorée par une multitude de forfaits en tous genres ; si lè plus horrible brigandage a laissé dans toutes nos provinces des traces sanglantes de ses fureurs; si la liberté nationale, conquise avec tant de courage sur le despotisme, a été souillée ici et ailleurs par les plus monstrueux excès de la licence : n'est-ce pas à l'irréligion que nous sommes redevables de tous ces attentats? Ils sont une nouvelle preuve entre mille autres, que la plus sage constitution, gue la plus parfaite théorie des lois, ne seront jamais que de faibles garants de la paix et de la félicité publique, si les peuples sont sans religion.
Les liens formés par elle entre l'homme et son Dieu étant une fois brisés par l'impiété, ceux qui attachent le citoyen à la patrie, aux lois, â 1 intérêt public, tombent d'eux-mêmes, ou ne paraissent plus qu'un joug incommode. Les décrets les plus importants pour affermir le pouvoir et en prévenir l'abus ; pour contenir les peuples dans l'obéissance et les garantir de l'op-pression ; pour faire régner la liberté, et réprimer la licence, ne seront que de vaines formules alternativement exposées aux affronts du despo-
tisme, et aux désordres de l'anarchie, jusqu'à ce que Ja religion vienne les environner de sa majesté, y joindre une sanction plus redoutable, intimider par ses menaces ceux qui seraient tentés de les enfreindre, et qui se flattent presque toujours de le faire inpunément, dès qu'ils ont pérdu de vue le suprême législateur du genre humain et ce qu'il prépare aux contempteurs de ses lois dans la vie future.
Malheur et trois fois malheur aux nations dont les représentants et les mandataires regarderaient la religion comme un hors-d'œuvre dans leur législation ; qui croiraient pouvoir sans elle guérir les plaies de l'Etat, élever ou affermir le grand édifice de la félicité publique. Ils ne feront pour cela que de vains efforts, s'ils ignorent ou s'ils dédaignent deux maximes fondamentales, qui doivent servir de base et de règle à toute sage politique : la première, que « c'est la justice qui élève en gloire les nations, et qu'elles sont tôt ou tard punies de leurs désordres par d'affreuses calamités (1) ; » la seconde, qu'il n*y a ni justice, ni vertu sans religion.
La paix, la liberté, la sûreté publique et particulière, la grandeur, la stabilité des empires, dépendent essentiellement des bonnes mœurs ; et il est certain par la raison comme par l'expérience de tous les lieux et de tous les temps, que dans lés nations, non plus que dans les individus, il ne peut y avoir ni mœurs, ni morale sans religion. C'est elle qui commande et qui inspire toutes les vertus nécessaires à la société. Elle seule peut les rendre solides, constantes, supérieures aux plus fâcheux événements et aux plus rudes épreuves. Elle seule leur conserve leur mérite et leur prix, lors même qu'elles sont en ce mondé dédaignées, stériles, malheureuses. C'est donc ébranler la société jusque dans ses fondements, mettre d'insurmontables obstacles à la régénération de l'empire, que de donner atteinte à la religion, que de lui ôter ses appuis, que de la laisser tomber dans le mépris et l'oubli.
N'est-il pas évident que cette religion, si nécessaire à la chose publique, est sur le point de s'éteindre parmi nous? Encore un moment de distraction ou d'indifférence, et ce trésor nous échappe. Lasse de nos dédains et de nos outrages, la religion va porter ailleurs sa lumière, et nous laisser dans d'affreuses ténèbres. Or, n'est-ce pas hâter la catastrophe, que d'abolir les instituts religieux? Il serait impossible qu'un décret qui renverserait tous les monastères, qui disperserait tous les cénobites, ne fît éprouver une violente secousse à la religion dans l'esprit des peuples, surtout dans les provinces. Sans doute dans nos grandes cités, les esprits, égarés et pervertis par l'incrédulité, applaudiraient pour la plupart à ces renversements. Mais il n'en serait pas ainsi des campagnes, ni des petites villes de province, où la double épidémie de l'impiété et de la dépravation n'a fait encore que peu de ravages. Leurs paisibles habitants pourraient-ils n'être pas frappés de ces terribles innovations ? Voyant tomber tout à coup avec éclat une multitude d'établissements religieux, un nombre infini de temples fermés, démolis, ou livrés à des usages profanes, ne seraient-ils pas tentés de regarder ces bouleversements comme le3 funestes avant-coureurs d'une révolution dans les idées religieuses jet dans le culte public? Il est aisé de prévoir
que ces inquiétudes, bien ou niai fouies, auraient des suites fâcheuses pour la religion.
Les peuples, dit-on, auraient tort de s'effarrou-cher de ces opérations, puisque les religieux ne furent jamais que des troupes auxiliaires. La re-ligj'pn avec ses ministres essentiels, et tqut ce qui suffit à son cuUe, § longtemps existé sans monastères ; pourquoi ne pourrait-elle se passer aujourd'hui (1 un prétendu secours dont elle s'est bien passée durant plusieurs siècles ? "
Si quelqu'un se laissait éblouir parce sophisme, il ne serait pas difficile de le désabuser. Il ne faut pour cela que rappeler deux vérités de fait également incontestables :
1° Quelque Rendue qu'op veuille donner à la lihertp des opinions," il est pourtant certain que la religion chrétienne et catqoliqué est la religion dè l'Etat ; qu'elle fait partie de notre droit public ? quiconque proposerait 4e la renverser ou de la contredire par une loi formelle, ne recueillerait de sa motion,'je pensé, que l'indignation et le mépris de ses concitoyens ;
2° tt 'est également certain qu'à des préceptes, dont l'observa^iop est indispensable, le législateur d^ christianisme a ajouté dés conseils, dont j'ac-com plissement conduit plps sûrement à la perfection, à laquelle tous sont obligés de tendre. C'est une des glorieuses prérogatives de l'Eglise d'avoir toujours dans son seip un nombre plus du moins considérable dé justes qui marcnent dans la ypie sublime des conseils ef offrent au monde ïjp spëctapie que l'anciepne philosophe promettait toujours et ne donnait jamais.
L'observation âe§ copseils n'est pas nécessaire à chaque particplierj mais elle est nécessaire à l'Eglise. Car ce n'est pas .'en vain qu'ils ont été ajgqjés au cpde S|$ré du phrisîiâpisme : ils appartiennent au corps 4e la, mprale évangélique; et cette morale ne peut manquer d'observateurs et de 4iscïplésV parce que c'est etlermème qui les forme par l'onction spfcrète qui l'accompagne. G est par la pratique des conseils, que l'Eglise, topjoprs semblable à elle-même, malgré la différence des lieux et des temps, cqhserve apssi toujours, d'une manière plus du inoins éplàtante, les avantages de sa première origine, et qu'elle retrace sans cesse à nos yeux l'e j;po nant exefnplç^ que doppèrent au monde les premiers ûplèfes de 1 Eglise de Jérusalem.
Dans tous les temps, et dès l'pj-igine dp çhrisn tianismé, il y eut des fidèles qui, renonçant Mà tops les §oins, à toutes les prétentions, à toutes les espérances du siècle, se vouèrent sans réserve à la contemplation des vérités éternelles. Mais ces exemples rares ou épars ne suffisaient pas dessein de la Providence ; c'est aux monastères qu'elfe avai| réservé la gloirq de perpétuer d'âge en âge la pratique dés conseils, et une tr^diûpp visible de vrais philosophes, dont les vains> discoureurs, jusqu'alors décorés de ce nom, p'avaient pas ipême pjj§|?
C'est ainsi que, dès les premiers siècles, la profession religieuse parut étroitémént liée à la destination'et à la gloire de l'Eglise. « Quiconque CQnpalt, dit un historien célèbre, l'esprit de l'Évangile, ne peut douter que liai profession religieuse ne soit d'institution divine, puisqu'ejle consiste essentiellement à pratiquer deux conseils de. Jésus-phrist, en renonçant au mariage et aux biepg temporels, en embrassant la' continence parfaite et là pauvreté (t).' » Ce serait donc con-
tredire une dps vues de Jésus-Christ sur son Eglise,, méconnaître' l'Esprit de l'évangile, et, par une. suite nécessaire, attaquer la religion nationale,^ que,de dissoudre les jporps religieux, et de supprimer tous les monastères.
La religion, dit-M, n'en sera que plus floris-: santé et plus honorée, quand, une fois débarrassée d'une foule 4'hpmmps inutiles, elle n'aura plus que les miniâtres essentiels (fe son pulte. Mais 4 qui se flatte-t-on de persuader unè fausseté'si notoire? La religion ne se soutient et rie se transmet que par les ip^mes moyens qui ont servi à son établissement', c'est-à-dire par la prédication de la divine parole, par l'enseignement public et particulier des vérités évangéliques. Ce seraft la détruire que 4e lui ravir ses ministres, ou que 4e leur fermer la bouche ; c'est l'affaiblir du moins, c'est la blesser et lui. nuire, que de rendre la prédicàtiop de la sainte doctrine plus rare ou plus imparfaite, et de préparer ainsi les voies à l'ignorance et à tous les maux qui en sont la suite.
Mais si l'instruction des peuples, la conservation dp sacré dépôt, l'enseignement publfp, intéressent essentiellement la religion, peut-on nier que les réguliers ne prennent à ces fonction^ si nécessaires Une part abondante ? Sans parler des claires qu'ils remplissent dains les Universités et lès collèges du royaume, y a-t-il un seul diocèse où ils ne soient chargés d'un grand nombre de stations, où ils n'exerçent avec autant de zèle que de désintéressement les autres fonctions dp saint ministère?' Qui les remplacera, si le prpjèj; d'anéantir les monastères a son exécution? Eh l avec la ressource qu'offrent les réguliers, l'instruction publique est encore si imparfaite et si insuffisante I la religion est si peu ou si mal connue 1 les fidèles sont sf peu arfermis contre les soptiisipes dé l'incrédulité l Combien l'ignorance, déjà si cpt^f^une,.40vieaclFar('iei]Q plus affligeante et plus générale, si, en détruisant les ordres religieux, on rédpit pour toujours au silepce une multitude de bouches qui s'ouvrent encore pour rendre témoignage à Jésus-Christ, à la vérité de sa doctrine, à la pureté de sa morale, à la pertir tude de ses menaces, à la magnificence, de ses promesses.
Si la famine de la parole désole déjà l'empire de Jésus-Christ^ combien ce fléau deviendra-t-il plus commun et plus terrible, quand lés divers instituts, anéantis ou paralysés, n'auront plus rien li offrir aux pasteurs ordinaires ; que tops les prédicateurs qui se forment aujourd'hui dans Ips monastères auront disparu pour toujours ; que toutes les chaires confiées aux réguliers dans les universités et lès collèges seront vacante^, qu que, pour remplacer les anciens instituteurs, qn sera forcé d'enlèver aux autres fonctions du ministère une partie des sujets qui, dans l'état actuel, n'y peuvent même suffire !
Et la plupart dés missions dans nos colonies et dans les pays étrangers, que deviendront-elles, si les corps réguliers qui leur fournissent des ouvriers évangéliques, sont détruits? lp clprgé séculier fait tous les jours de nouvelles pertes; il n'est déjà que trop affaibli ; il suffit à peine aux églises d'Europe. Que pourra-t-il dope offrir aux autres églises du monde ? Les premiers pasteurs, plps touchés des besoins de ces peuples lointains qUe des intérêts dé leur propre troupeau, céderont-ils leurs meilleurs sujets pour soutenir les missions de l'Amérique, de l'Afrique et de l'Asie ? il est visible que la très-grande partie de ces saints établissements est essentiellement liée à la des-
tinée des corps réguliers. La ruine des uns entraînera infailliblement celle des autres. Le même coup qui abattra les monastères, portera la désolation dans ces différentes parties du royaume de Jésus-Christ.
Qr, ne serait-pe pas un malheur pour la religion, que, dans le temps même où elle fait de si grandes pertes en Europe par les ravages de l'incrédulité, elle se vît tout à coup privée d'une multitude d'ouvriers, dont elle a un si pressant besoin pour se soutenir et s'étendre dans les autres parties de l'univers? Cette considération, nous le savons, est nulle pour cette foule de hauts penseurs qui fourmillent parmi nous : sans doute ils se rient de nos alarmes. Mais, en leur permettant pour un moment de mettre à part l'intérêt de la religion, dont ils n'ont que faire, prions-les d'examiner si, pour l'honneur même de leur politique, ils ne doivent pas soutenir les établissements dont il s'agit, et repousser tout ce qui tend à les détruire. Croient-ils qu'aux yeux des autres peuples de l'Europe, il fût bien glorieux pour nos législateurs d'avoir , par leurs décrets, préparé l'anéantissement de la plupart de nos missions dans l'ancien et le nouveau monde ?
Croient-ils qu'en particulier les peuples de nos colonies , une fois privés des ministres de la religion., et bientôt livrés à une stupide ignorance, ou à l'indifférence de l'athéisme, en seront de meilleurs citoyens, plus soumis aux lois, plus éloignés de tout projet d'indépendance, plus fidèles à la métropole ? Qu'ils sont aveugles, ces vains discoureurs en politique, s'ils croient sérieusement que la religion ne sert de rien pour contenir les peuples dans les bornes d'une sage obéissance, ou que dans nos mission lointaines la religion n'aurait rien à souffrir de la révolution qui anéantirait les monastères 1
On l'a dit et prouvé mille fois, rien de plus nécessaire à une nation que la pureté des mœurs : elles peuvent tenir lieu des lois, et de tous les autres appuis; mais nulle autre ressource ne peut remplacer les mœurs. Ainsi, pour juger si telle institution est nécessaire ou inutile, salutaire ou nuisible à l'Etat, il faut voir quelle est son influence sur les mœurs publiques. Si elle tend à les amollir et à les corrompre, elle est par cela seul, et sans autre discussion, un fléau public : on ne peut trop promptement en purger la société.
Ce priqcipe supposé, il ne s'agit plus que de savoir non si des religieux, qui n'ont pas su se défendre de la contagion des mauvais exemples, peuvent contribuer à la conservation ou au rétablissement des mœurs d'une nation, mais si l'on peut raisonnablement espérer cet heureux effet des instituts religieux ; si des législateurs qui connaissent les vrais intérêts de la patrie, si un gouvernement qui ne travaille que pour le bien public, doivent s'appliquer à affaiblir les communautés, à les avilir aux yeux de la nation, à démolir une partie des monastères, à préparer la ruine des autres; ou s'ils ne doivent pas plutôt prendre les voies les plus naturelles, les moyens les plus efficaces, pour les ramener à leur premier esprit, pour leur rendre la considération qu'ils ont perdue, et avec elle le désir et les moyens de servir utilement l'Etat et l'Eglise.
Ce problème n'en saurait être un pour des esprits sages et modérés, pour de vrais citoyens qui aiment la patrie, et qui en connaissent les périls et les besoins. Il est pour eux évident que, si l'on parvient à faire revivre dans les ordres religieux l'esprit de prière, l'amour de la retraite.
le goût des bonnes études, une partie au moins de leur première ferveur, on peut se promettre de cette révolution, difficile, il est vrai, mais non impossible, la plus heureuse influence sur les mœurs de la nation. Répandus sur toute la surface du royaume, les monastères seront comme un précieux ferment, propre à échauffer, à ranimer tout ce qui les entoure. Leurs avis particuliers, leurs exhortations publiques, et plus que tout cela, la ferveur de leurs prières, l'ascendant de leurs exemples, aideront puissamment les pasteurs à purifier la masse de* la nation de tant de vices qui la corrompent et la déshonorent. Us ramèneront parmi nous les vertus que l'impiété décrie et bannit, et d'où dépendent pourtant la splendeur et la prospérité des empires.
Qu'est-il nécessaire de répéter ici ce qui n'est ignoré de personne, que les corps religieux ont rendu aux sciences les plus importants services; qu'ils ont acquis les plus justes droits à la reconnaissance de tous ceux qui aiment les lettres? Ce qu'ils ont déjà fait en ce genre, ils le feront encore, dès qu'au lieu de les harceler, de les avilir, de les décourager, on voudra sérieusement les remettre en activité.
Quel intérêt n'ont pas les campagnes, surtout, et les petites villes de province, à la conservation des religieux? Qui pourrait compter les pauvres que nourrissent les divers monastères du royaume? Les cénobites trouvent dans leur économie un superflu qui est la ressource d'une infinité de malheureux. Et que deviendra ce fonds toujours susbsistant et depuis tant de siècles pour les indigents, si les religieux sont supprimés, ou si l'administration de leurs biens passe en des mains étrangères ? Dans cette affligeante supposition, qu'il est à craindre que les pauvres n attendent en vain la portion qui leur était destinée par la Providence, et fort exactement payée par les religieux!
L'Etat, dit-on, nourrira ses pauvres, et toute justice sera accomplie. Gela se dit en un mot, mais ne s'exécute pas de même. Une plus sage administration diminuera sans doute l'effrayante quantité de pauvres qui couvrent la face du royaume ; mais, malgré les plus belles théories pour faire disparaître l'indigence et la mendicité, il restera encore, dans les campagnes surtout, une infinité de malheureux : et ils ne seront efficacement secourus que par les propriétaires aisés, qui, vivant sur les lieux, y consomment leur superflu, et sont souvent forcés, par la dureté des circonstances, à donner même de leur nécessaire.
Or, sur ce point, tous les plans de bienfaisance et de soulagement ne remplaceront jamais l'inépuisable charité des monastères. Si les divers ordres religieux avaient eu soin de réunir sous un même point de vue, je ne dis par les aumônes courantes qu'ils versent tous les ans dans le sein des pauvres, mais les secours extraordinaires qu'ils n'ont jamais manqué de leur distribuer dans les temps de disette et de calamité, les efforts incroyables qu'ils ont faits en mille occasions, pour soulager des contrées entières -, ce tableau aurait frappé d'étonnement les plus passionnés détracteurs des réguliers, il aurait fait rougir de leurs projets destructeurs ces réformateurs insensés qui ne se plaisent que dans les ruines. Malgré eux, ils auraient senti que les plans de subversion, quand il s'agit de monastères, ne peuvent valoir à leurs auteurs et coopéra-teurs que l'horreur de tout ce qu'il y a de sages parmi leurs contemporains, et les malédictions des races futures.
On sait aussi que les monastères ne sont presque remplis que de sujets sortis de familles honnêtes, mais peu favorisées de la fortune. Les maisons religieuses leur servent d'asile pour ceux de leurs enfants qui n'ont ni goût ni talent pour les affaires du siècle, et que 1 esprit de Dieu appelle à la retraite. Pourquoi enlever à celte classe si intéressante et si nombreuse, la ressource utile et honorable que leur offrent les monastères?
Oui, sans doute, des religieux fidèles à leur vocation, sont utiles à l'Etat et à l'Eglise, et méritent la protection de l'un et de l'autre. Mais quelle apparence de tolérer plus longtemps des corps où régnent l'oisiveté, la dissipation, la licence, et qui partout sont devenus le rebut de la société et la honte de la religion?
Au lieu de répondre en détail à ces insultantes exagérations, contentons nous de rappeler une belle comparaison qu'emploie saint Augustin, pour faire sentir à des esprits aigres et murmura-teurs, l'injustice et la témérité dé leurs invectives générales contre les dérèglements et les scandales qui affligent l'Eglise. « Quand on regarde d'une manière superficielle, dit ce Père, une aire où les gerbes ont été battues, mais où la paille couvre encore le grain qui en a été séparé, les esprits inattentifs seraient tentés de croire qu'il n'y a rien qui mérite d'être porté dans les greniers du père de famille. Mais un examen plus sérieux dissipe aussitôt cet affligeant préjugé. 11 n'y a qu'à soulever la paille qui couvre la surface de l'aire, pour voir que le père de famille est plus riche qu'on ne pensait, et que, sous une matière méprisable et légère, il y a des biens solides et précieux. »
L'application de cette comparaison se fait d'elle-même. On rie le dissimule point, les religieux ont étrangement dégénéré de leur premier esprit : il ne reste parmi eux que des débris de cette sainte discipline, de cette ancienne ferveur, qui jadis les rendit si utiles à l'Eglise, et si respectables aux yeux des péuples. Mais quelque étendus que soient les relâchements qui ont pénétré dans les cloîtres, ils rie sont ni universels ni incurables. Dieu s'y est réservé de fidèles adorateurs : nous ne craignons par d'être démentis, en annonçant qu'il n'y a point de congrégation régulière qui ne possède encore un nombre assez considérable de religieux fidèles à leur vocation, pleins de zèle et de lumières, capables de ranimer leurs corps respectifs, d'en bannir les abus; dont eux seuls connaissent l'origine et lé remède ; d'y faire revivre l'amour de la retraite, de l'étude, dès observances régulières, si on les tiraitde l'inaction où diverses causes les ont réduits ; si leurs désirs et leurs efforts, pour opérer une salutaire réforme, étaient encouragés par les premiers pasteurs, et soutenus par la puissance temporelle.
Il est un très-grand nombre de religieux, on l'avoue, qui ont perdu l'esprit de leur état, et qui ne respectent guère leurs engagements. Mais dans quelle classe de la société la pureté des mœurs, la sévère probité, le désintéressement, le bon usage des richesses, le zèle pur du bien public, sont les vertus du plus grand nombre? Si dans tous les états, à commencer par ce qu'il y a de plus saint dans l'Eglise et de plus illustre dans l'ordre politique, les gens de bien ne sont presque rien en comparaison de la foule toujours préparée à sacrifier ses devoirs à ses passions, qui a droit de s'étonner ou de s'irriter qu'un dépérissement aussi universel se fasse sentir aussi dans les congrégations régulières ?
Quoi ! l'on voudrait que ces corps n'eussent
rien perdu de leur intégrité au milieu d'une infection générale; qu'ils eussent toujours été inaccessibles à l'activité de ce principe dévorant qui mine et dénature peu à peu les plus sages et les plus saintes institutions; qu'ils eussent conservé leur esprit, leur ferveur ; qu'ils fussent toujours les mêmes après une existence de plusieurs siècles, tandis que tout autour d'eux, s'affaisse, se dégrade, se corrompt !
Ce n'est pas qu'on ne soit en droit d'exiger des religieux une vertu que rien n'altère. Le premier de leurs devoirs, le plus saint de leurs engagements, est de lutter contre la corruption du siècle, d'opposer leurs exemples comme leurs prières à la licence générale. Mais s'il arrive que des affaiblissements insensibles les rapprochent peu à peu du monde, faut-il les condamner avec emportement, se permettre contre eux les censures les plus amèresetles plus outrées, les dévouer au mépris et à l'anathème ? Non, il faut les plaindre» et à une juste sévérité contre les abus, joindre une sage condescendance pour ceux qui n'ont pas su s'en défendre, prendre des mesures efficaces pour les rappeler à leur première fidélité.
Tels sont les sentiments que la religion et la raison inspirent. Au milieu des révolutions qu'a éprouvées l'état religieux, l'esprit invariable de l'Eglise a été de réformer, et non de détruire. Les relâchements, qui servent aujourd'hui de prétexte aux déclamations aigres et violentes contre les religieux, avaient autrefois inondé les monastères. A des siècles de ferveur et de grâces, avaient succédé pour eux des temps moins heureux. L'esprit du monde avec tous les vices qu'il traîne à sa suite, pénétra dans des asiles consacrés à la prière, au travail, à la pénitence.
Alors, comme aujourd'hui, des hommes injustes et passionnés se répandaient en invectives contre ces instituts ; ils demandaient avec audace leur anéantissement. Des esprits même plus modérés et plus religieux, mais trop frappés des relâchements qui régnaient dans les monastères, regardaient cette plaie comme incurable ; ils ne voyaient d'autre remède à un si grand scandale, que la suppression même de ces corps dégénérés.
On trouve un exemple remarquable de ce découragement, et des résolutions injustes qu'il inspire, dans le cardinal de Vaudémont. Il avait été chargé par le pape de réformer les abbayes et les monastères dans toute l'étendue de sa légation. Le Succès n'ayant pas répondu à ses efforts, il proposa à Clément VIII de supprimer pour toujours les maisons où il n'avait pu faire revivre l'esprit de régularité. Le pape lui répondit qu'HP avait envoyé pour guérir les malades, et non pour les étouffer.
Quel malheur pour l'Eglise, pour l'Etat, pour les lettres, si le conseil violent de cet imprudent légat l'eût emporté sur la sagesse du pontife 1 Ce projet absurde et barbare nous eût privés des biens infinis que la religion et la patrie ont recueillis des réforme? postérieures.
On sait que depuis cette époque les diverses congrégations sortirent de leur engourdissement et reprirent une nouvelle vigueur. Elles enfantèrent une multitude de saints et de savants, qui ont édifié l'Etat et l'Eglise par leurs vertus, enrichi l'un et l'autre par leurs écrits.
L'exemple que l'on vient de citer est une leçon pour tous les temps. Il nous apprend à nous défier de ces injurieuses exagérations, qui aigrissent le mal au lieu de le guérir; à repousser ces projets destructeurs, qui seront toujours funestes au bien public, et qui ne peuvent don-
ner de la joie qu'à ses ennemis. Imitons plutôt la sage modération de nos pères : les affaiblissements et les scandales que le malheur des temps avait introduits dans le cloître, né firent naître ni à l'Etat ni à l'Eglise, la pensée de supprimer ces pieux établissements : jamais on ne désespéra d'y faire revivre la régularité. Comme on prenait, pour y réussir, les moyens naturels que les canons indiquent, le succès couronna toujours ces saintes entreprises. Qu'on suive aujourd'hui le même plan, qu'on emploie les mêmes moyens, qu'on travaillé avec la même sincérité, avec le même zèle et la même persévérance à la réforme des ordres réguliers, et l'on y verra bientôt révivre la piété, le goût pour les études sérieuses, l'amour de la retraite, et lès autres vertus analogues à leur état. Les religieux ainsi régénérés s'acquitteront généreusement envers la religion et la patrie.
Si,-ce qu'à Dieu ne plaise, le parti était pris, et que, sans égard pour les principes que l'on vient d'exposer, on fût décidé à supprimer la plus grande partie des corps religieux, il serait bien juste, ce Semble, bien digne de sages législateurs d'excepter au moins de la proscription générale deux instituts. L'un serait voué sans partage à la prière, au silence, à la retraite, au travail des mains ; et, à ce titre, destiné à recueillir tous ceux qui n'ont ni goût ni attrait pour les occupations du siècle, mais qui ont un extrême besoin d'un asile pour mettre en sûreté leur innocence, ou pour pleurer la perte de ce trésor.
L'autre institut serait spécialement consacré à former des ministres qui, de concert avec les pasteurs ordinaires, travailleraient à l'instruction des peuples, à l'administration des choses saintes. On ne peut, ce semble, se refuser à cette idée, s'il est vrai que l'on veuille sérieusement conserver la religion et son culte. Depuis bien des années, tous les diocèses du royaume éprouvent une affligeante disette de sujets. Les secours deviennent plus rares, à proportion de ce qu'ils sont plus nécessaires. Les séminaires sont mal remplis, les ordinations peu nombreuses, et pour comble de malheur, les premiers pasteurs très-gênés dans leur choix quand il s'agit de remplir des postes vacants. Ils se voient forcés, par la pénurie, d'y nommer des sujets qu'ils eussent repoussés dans les jours d'abondance.
Il ne faut pas demander si cette disette ira toujours croissant, maintenant que les biens dû clergé sont passés entre les mains de la nation, et que l'humiliation réelle ou prétendue d'être salarié par elle est placée comme un épouvan-tail à la porte du sanctuaire : elle en repoussera également et les hommes délicats et les nommes avides ; et peut-on douter que cette rareté de ministres ne. porte un coup mortel à la religion et à son culte?
Il n'y a pas d'autre moyen, pour en prévenir les suites malheureuses^ que de laisser subsister un ordre religieux qui, par le titre essentiel de son état, et par sa première destination, soit voué à l'exercice du saint ministère ; un ordre qui, dès son origine ait été chargé de défendre la religion, de perpétuer de vive voix et par écrit l'enseignement de la saine doctrine dans les chaires chrétiennes, dans les écoles publiques, dans les missions de l'ancien et du nouveau monde, et qui ait constamment rempli le but de son fondateur et l'objet de sa vocation ; un ordre qui, à un grand zèle pour les fonctions saintes, joigne un désintéressement constaté par l'expérience de plusieurs siècles ; un ordre qui n'ait
jamais annoncé ni goût pour une vaine magnificence, ni attrait pour les richesses, qui ait toujours été éloigné par caractère comme par devoir de tout ce qui a la moindre apparence d'intrigue;, un ordre qui, avec la faveur des rois et tous les moyens capables de réveiller l'ambition et la cupidité, n'en soit pas devenu plus opulent, se soit renfermé dans les bornes de sa vocation, et ait laissé aux enfants du siècle le soin de discuter leurs intérêts et leurs affaires (1) ; un ordre, dont les membres accoutumés à porter le joug de l'obéissance, à se contenter de peu, à mener une vie dure et laborieuse, aient vu sans regret et sans murmure le décret qui a mis leurs biens à la disposition de la nation : aucun d'eux n'avait du superflu quand leur corps jouissait de ses biens ; aucun d'eux ne manquera du nécessaire, parce qu'il lés a perdus; ainsi, les mêmes causes qui éloigneront tant de sujets des séminaires, seront nulles pour écarter les novices d'un ordre ainsi organisé. Il pourra donc, s'il échappe à l'anathème universel, former des ministres dignes de la confiance des peuples, et offrir aux pasteurs un secours qui ne leur fut jamais plus nécessaire que dans ces jours de défection et de dépérissement. Le lecteur nous a sans doute prévenus ; il est peu nécessaire de lui dire que cet ordre pour lequel nous réclamons une exception, si l'on ne peut écarter la loi générale, est celui dont nous avons le bonheur d'être membres.
F. Charles Grand-Jean, provincial des Dominicains de la province Saint-Louis, rue et maison Saint-Honoré ; F. Joseph Faitot, - prieur du collège des Dominicains, en l1 université de Paris, rue Saint-Jacques ; F. Elie Christophe, prieur des Dominicains de la rue Samt-Honoré; F. Louis Breymand, prieur du noviciat général des Dominicains, rue du Bac.
PREMIÈRE PARTIE.
A la fin du mois dernier, les administrateurs de Saint-Domingue, MM. le marquis du Ghilleau et de Marbois, gouverneur et intendant, avaient lieu de craindre de voir se propager à la colonie la disette qui commençait dès lors à s'annoncer dans une partie de l'Europe.
La prévoyance leur dicta l'ordonnance du 30 mars ; elle est, pour toutes ses dispositions, conforme à celles que les administrateurs étaient dans l'usage de rendre dans l'île en pareille conjoncture, en temps de paix.
Cependant cette ordonnance ne remplit pas entièrement les vues du gouverneur, qui, en conséquence, se détermina à proposer à l'intendant celle que, sur son refus d'y concourir, il
rendit seul le 27 mai dernier, et qui ai été cassée au Conseil d'Etat le 25 juillet.
C'est contre cette cassation que les députés de Saint-Domingue ont élevé les plus vives réclamations, qui font le sujet de la discussion qui vous est soumise.
Ces réclamations, Messieurs, sont contenues, soit aux motions faites à ce sujet dans l'Assemblée, à différentes époques, par MM. Chevalier de Cocherel, comte de Regnaud, marquis de Gouy d'Arsy, soit aux différentes pièces qui toutes vous ont été adressées ou distribuées avec exactitude.
C'est lors des premières réclamations des députés de l'île que vous avez décrété, Messieurs, la formation d'un comité d'agriculture et de commerce, qui choisirait dans son sein, mais parmi les personnes non intéressées au commerce des îles, un comité d'instruction préalable, composé de six membres, pour prendre connaissance et vous réndre compte de cette affaire. Vos intentions ont été remplies : six commissaires ont été nommés; toutes les pièces dont il vient d'être parlé leur ont été remises, et en outre, des arrêts, ordonnances, précis, observations, répliques, le tout sous différentes formes; et quel-ques-Unes de ces pièces mêmes, fournies manuscrites, ont reçu quelques additions à l'impression.
Voici, Messieurs, ce qui résulte dé toutes ces pièces et motions, ou du moins ce qu'y allèguent et ce qu'en concluent les députés dé Saint-Po-mingue :
Que l'île a éprouvé et continue de ressentir la plus affreuse disette; que les administrateurs actuels conviennent même que l'état ordinaire des choses, en avril, mai, juin, juillet, a été une cherté excessive ; "
: Que 400,000 habitants de toute couleur, composant la population de l'île, y sont condamnés à la plus affreuse famine ;
Que c'est l'esprit d'intérêt particulier seul qui a dicté l'opposition que le commerce a apportée à l'exécution de l'ordonnance du 27 mai, et qui a guidé les démarches que ses agents ont faites auprès du ministre pour obtenir sa cassation ;
Que la nation n'a pas d'intérêt général à conserver le régime prohibitif, quant aux subsistances;
Que ce régime, que les députés de l'île attaqueront au fond quand il en sera temps, n'est, comme ils le démontreront alors, autre chose que le monopole commercial, et non le régime national, auquel il est directement opposé ;
Que, contraire dans tous les temps au bien général, il se trouve bien plus odieux encore dans un moment où tout se régénère et saisit de nouvelles formes de liberté ;
Que l'île était menacée d'une disette à l'époque de la première ordonnance commune des deux administrateurs, ainsi qu'il est aisé de s'en convaincre par sa lecture;
Que les ressources qu'elle a fournies ont été de peu de conséquence, comme on peut s'en assurer par les tableaux joints à la correspondance imprimée du marquis du Chilleau avec MM. de la Luzerne et de Marbois, dont le premier prouve qu'il n'avait été exporté par les différents capitaines de navire d'Europe, au Port-au-Prince, que 9,126 barils de farines étrangères pendant les six premiers mois de 1789, dont seulement 3,600 dans le trimestre d'avril ; et le second, qu'il n'avait été importé dans toute l'île pendant le même trimestre que 34,430 barils de farine, dont seulement 7,332 de farines françaises, et 27,098 de farines étrangères; d'où il résultait que l'ileavait
manqué de pain pendant sept jours, ou qu'on avait été forcé à la triste nécessité de réduire les rations d'un quart pendant le dernier mois;
Qu'il résulte du premier état, que les commerçants français avaient laissé manquer l'île pendant cinq mois entiers des six premiers de l'année, puisque leur exportation des six premiers mois n'était que de 9,126 barils, pendant qu'à raison de 150,000 par an, elle devait être à peu près de 12,500 barils par mois, l'un dans l'autre ?
Qu'à la fin de mai, le gouverneur avait cru devoir prendre des précautions plus efficaces, nécessitées par les conjonctures; qu'en effet, il était démontré que jusques à cette époque il ne s'était introduit dans l'île qu'une très-petite quantité de fariné, que le prix du pain n'avait éprouvé qu'une diminution bien peu sensible, et qu'elle n'avait eu lieu que dans les trois villes principales; que fe défaut d'importation, d'après le rapport des bâtiments étrangers, venait de ce que ces mêmes bâtiments ne pouvaient se remplir, avec des denrées coloniales, de la vente des farines qu'ils importaient; que de ce régime prohibitif avaient résulté deux effets absolument contraires à la colonie : le premier, de la laisser dépourvue du principal objet qui pouvait la faire subsister; le second, de la priver du peu de numéraire qu'elle pouvait posséder, à raison de ce que les étrangers n'ayant pas la liberté de former leurs chargements en toute espèce de denrées, emportaient en argent une grande partie de la valeur des farines importées; que ces maux exigeaient un remède prompt et efficace, et qu'on ne pouvait le trouver alors que dans une prorogation du délai de l'ordonnance du 30 mars, et dans la permission d'un échange de denrées ;
Qu'il n'y avait pas eu un instant à perdre, et que ces considérations avaient déterminé le gouverneur à, proposer à l'intendant l'ordonnance du 27 mai, que, sur son refus d'y concourir, lé marquis du Chilleau avait ,çru devoir rendre seul :
Que le refus de l'intendant n'avait rien qui dût étonner ; qu'il est vendu au commerce, et partisan d'un système prohibitif et oppresseur; que cette opposition est criminelle ; qu'il s'est rendu coupable d'insubordination, ce dont il sera accusé dans le temps, et méritera d'être puni ;
Que cependant, grâce aux soins et à la fermeté du gouverneur, et surtout à son ordonnance du 17 mai, l'île était pourvue en juillet; mais que son rappel ayant été prononcé, et son Ordonnance cassée par un arrêt du conseil du Roi, fait dan» le cabinet du ministre, que le Roi peut-être n'avait jamais lu, sur lequel il n'a pas été éclairé, et cet arrêt ayant été inséré dans les papiers publics et envoyé aux colonies avec une coupable célérité, les expéditions avaient dû cesser en fin de septembre, et que l'île devait être dans la plus affreuse disette, puisqu'aucun approvisionnement n'a pu sortir de France pour la colonie ; que les sirops, tafias et piastres sont épuisés, et que n'ayant pas la liberté de payer en denrées, qui sont actuellement la seule monnaie du pays, la permission d'acheter à toute autre condition, qui n'çst pas au pouvoir des habitants de l'île, est illusoire et vaine ;
Que les habitants de Saint-Domingue sont bien loin de chercher à relâcher les nœuds qui les unissent à la métropole; mais qu'il faut que des relations soient justes pour être longtemps durables ;
Que le pain est à Saint-Domingue, comme en France, d'une absolue nécessité;
Qu'il faut indispensablement 150,000 barils de
farine par an, qu'ilen faudrait 400,000 barils de plus pour adoucir le sort des nègres, dont 12,000 meurent annuellement de faim, à raison de ce que les productions du pays, dont ils vivent, ne peuvent résister qu'en partie, dans lps plaines aux pluies , dans les montagnes aux sécheresses, et dans l'une et l'autre de ces positions aux ouragans, qui ravagent presque annuellement ces belles contrées ;
i; Qu'on demande la liberté dé recevoir des pays étrangers ce dont on ne peut se passer, et ce que la France ne peut évidemment fournir; qu'elle ne peut avoir d'intérêt au monopole de quelques marchands des ports de mer; que peu lui importe que ceux-ci vendent plus cher aux planteurs, ce qu'ils auraient d'un autre côté à meilleur marché ; que ce bénéfice n'ést que celui de quelques particuliers; que ce que les colons débourseraient annuellement de moins accroîtrait en augmentation de cùlture, et servirait à multiplier les forces exploitantes des planteurs ;
Que la contrebande naît de la gêne; que quand on manque de denrées de première nécessité, aucuns des moyens qui peuvent en procurer ne sont illicites; qu'ainsi l'Etat perd les droits qu'on payerait si l'importation et l'exportation étaient permises, en acquittant les droits de traite ou d'entrée;
Qu'avec une surveillance bien ordonnée, on peut empêcher d'exporter plus qu'on ne le devrait faire pour acquitter les importations ; qu'on ne demande la permission des échanges que pour les objets de première nécessité, et pour subvenir à l'insuffisance, ou, pour mieux dire, à la nullité des moyens licites, qui consistaient, quand il en existait dans la colonie," en sirops, tafias et piastres ;
Qu'on ne demande qu'un provisoire, et un provisoire pour six mois, ou seulement pour jusqu'à l'époque où la; métropole pourra recommencer et soutenir des envois suffisants: qu'on n'a pas, qu'on ne peut avoir l'intention de se soustraire aux relations avec la métropole, et à elle seule réservées, mais qu'on demande une exception à la loi ordinaire, dans un moment aussi critique qu'extraordinaire ;
Que dans des circonstances moins désastreuses, en 1778, dans un instant où la crainte de la famine était le seul fléau de la colonie, des administrateurs éclairés, vertueux, MM. d'Argout et de Vêvre, avaient accordé la permission qu'on sollicite actuellement dans une position' Bien plus déterminante, puisque la disette n'est pas seulement prévue, mais réelle ; qu'alors cette permission d'exportation s'était étendue à toutes les denrées coloniales, au lieu que dans cet instant on se restreint à la libre extraction des sucres et cafés, en réservant au commerce national les denrées les plus précieuses, celles dont la grande valeur dépend de leur emploi ; que cette facilité, contre laquelle le commerce n'avait pas réclamé à cette époque, ou bien contre laquelle il avait réclamé sans succès, s'était continuée pendant cinq ans entiers, sans que le commerce eût été ruiné par cette longue concurrence, comme il paraissait si fort craindre de l'être pour six mois seulement; qu'en vain il répondait que ce temps était un temps de guerre, que les trois grands ports étaient bloqués ; qu'on savait bien que l'on ne pouvait pas, en occupant seulement trois points, bloquer 250 lieues de côtes; (pie d'ailleurs nos flottes étaient alors en position et en mesure vis-à-vis des flottes anglaises, qui n'avaient pas pu conserver cette sta-
tion toute la guerre; qu'alors la disette ne désolait pas la France, comme elle le fait encore à présent, même à la suite d'une récolte abondante; qu'alors il n'y avait pas de prohibition d'exportation, d'insurrection du peuple, qui s'était opposée et qui ne manquerait pas de s'opposer encore a tout enlèvement/ quand bien même on voudrait en permettre, ou en ordonner, ce à quoi la prudence ne paraissait pas devoir déterminer l'Assemblée dans l'occurrence ; qu'enfin à l'époque dont il vient d'être question, il pouvait arriver et arrivait effectivement dans nos îles de nombreux convois sous escorte ;
Que l'opposition du commerce n'est donc nullement recevable; que les quatre moyens proposés par ses agents pour l'approvisionnement de la colonie ne sont pas plus admissibles ; que le premier (1) mettrait dans sa main une régie que, malgré le désintéressement prétendu du commerce, on ne pouvait lui confier, sans crainte de le voir chercher à faire dans les ténèbres un bénéfice quelconque, le seul but de ses opérations mercantiles; qu'en effet, de quel avantage pourrait-il être pour la nation d'accepter une offre qui ne servirait qu'à faire payer aux colons la farine le double, le triple de ce que la leur vendraient les Américains, vu les frais d'armement, de chargement, de déchargement, d'avaries, de magasinage et d'assurance? qu'il est au surplus inutile de fatiguer les bâtiments du Roi à des courses et pour des destinations de ce genre ;
Que le second (2) ne servirait qu'à remplir le même but, et de plus à mettre le commerce à portée de vendre aux Etats-Unis une partie de ses cargaisons en fraude des droits dont elles sont exemptes à la destination des colonies, et par suite à augmenter encore le prix de ce qui lui resterait à vendre à l'arrivée de ses vaisseaux dans l'île ; qu'il en résulterait en outre une dépense de 450,000 livres pour l'Etat, pour l'acquit de primes que le commerce ne rougit pas de demander dans un instant où le Trésor est épuisé ; ,
Que le troisième (3) n'est qu'illusoire : car quel capitaine américain, dont au surplus les vaisseaux sont très-petits et par conséquent de peu de charge, voudrait, pour 200,000 barils qu'il vient échanger contre du sucre et du café, prendre des lettres à 14 mois d'échéance ; que ce moyen serait difficile à faire agréer aux étrangers, ou qu'en l'admettant il ne servirait, à raison du retard, qu'à faire payer aux colons les denrées de première nécessité le double de leur valeur
Que le quatrième (4) serait le moins déraison-
nable, s'il était praticable; mais qu'on connaît l'insurrection générale du peuple, et son opposition à toute espèce d'enlèvement, de quelque peu d'importance qu'il soit, quelque prochaine que puisse être sa destination ; combien ne serait-elle pas plus à craindre, et peut-être plus légitime, s'il était question de faire sortir de France une quantité de farine qui lui paraîtrait considérable, et dont il feindrait de méconnaître la destination pour justifier sa conduite! qu'on sait à quoi s'en tenir, particulièrement pour les environs de Bor-peuple le calcul fait par le commerce, et dont on ne nie pas l'exactitude; que les 150,000 barils de farine nécessaires pour la subsistance annuelle de l'île ne font pas un jour et demi de la consommation de tout le royaume; mais qu'au reste il vient encore à l'appui du raisonnement fait par les colons, que pour un objet si modique, la métropole n'a pas grand intérêt de maintenir, surtout provisoirement, le commerce exclusif des farines avec les colonies;
Qu'il résulte de tout ce qui vient de vous être rapporté :
Qu'au 27 mai, on avait lieu de craindre à Saint-Domingue une disette qu'on y éprouve dans cet instant au plus haut point ;
Qu'on convient que la farine y était excessivement chère à l'époque des dernières lettres écrites et reçues de l'île ;
Qu'il est évident que la France ne peut en fournir dans ce moment ;
Qu'elle ne le pouvait pas davantage au moment où l'ordonnance rendue au 27 mai a été cassée ;
Qu'elle l'a été sans examen, sans raison, sans motif ;
Que l'Assemblée nationale ne peut se dispenser de rétablir provisoirement, et pour six mois, à compter du jour de la publication dans l'île, l'ordonnance du 27 mai ;
Qu'elle doit rendre garant et responsable des effets de la révocation de cette ordonnance un ministre qui, au mépris des besoins de là colonie et des représentations de ses députés, a pris sur lui de faire casser au conseil du Roi une ordonnance que les administrateurs des lieux ont droit "de rendre provisoirement quand le cas l'exige; et que cette responsabilité est d'autant plus fondée,, que le ministre convient que ce n'est que sur les lieux qu'on peut connaître la nature, l'étendue et l'urgence des besoins de la colonie.
Telles sont, Messieurs, les conclusions que les députés de Saint-Domingue ont tirées des considérations qu'ils vous ont présentées, et dont je viens d'avoir l'honneur de vous soumettre l'extrait : vous avez pu voir qu'en se contentant d'effleurer la question quant à ce qui regarde le fond, ils se sont restreints à traiter le provisoire, et c'est sous ce point de vue seulement qu'ils ont cherché à démontrer la justice, l'indispensable nécessité de le leur accorder.
Nous allons passer maintenant à la défense des députés des manufactures et du commerce de France, qui ont demandé et à qui vous avez accordé d'être entendus sur cette importante question.
IIe PARTIE.
Le commerce de France a adopté un plan de défense dans lequel, pour répondre aux diffé-
rentes demandes et allégations des députés de la colonie, il s'est trouvé souvent obligé d'entamer la question au fond ; sa réponse porte donc et sur le fond et sur le provisoire : d'où il résulte qu'elle est nécessairement plus étendue que la demande des députés de la colonie. Mais l'instant de traiter cette grande question dans tous ses rapports n'est pas encore arrivé. Vos moments sont précieux; je ne vous rendrai donc compte des motifs allégués sur le fond, qu'autant qu ils tiennent essentiellement au provisoire.
La défense du Commerce commence par ces deux propositions :
1° Il tfest pas vrai que la fourniture des farines françaises à Saint-Domingue soit et ait été insuffisante, ni qu'elle soit cause que 10 à 12,000 nègres meurent de faim tous les ans ;
2° En supposant que cette disette ait lieu, elle ne frappe que sur les habitants blancs.
11 était difficile que la sensibilité des députés du commerce de France ne fût pas profondément affectée de l'inculpation grave qu'on fait à leurs commettants, d'un horrible monopole qui, pour un intérêt particulier, condamnerait actuellement aux horreurs de la famine 400,000 hommes, et dévouerait annuellement à la mort 12,000 des instruments du luxe de] l'Europe, qu'on vous a peints, au nombre de plus de 360,000, n'obtenant pas pour prix de l'abandon absolu de leur existence, les moyens indispensables de la soutenir.
Le commerce a senti l'effet que cette peinture pourrait faire sur les représentants d'une nation douce et compatissante: et en vous présentant un tableau rapide de la colonie de Saint-Domingue, il a cherché à diminuer l'exagération des affections douloureuses que les planteurs ont fait naître dans votre âmei sur le sort d'infortunés en faveur desquels ils ont. essayé de soulever votre indignation contre ce qu'ils ont appelé l'insensible cupidité du commerce.
De cette population de 400,000 hommes, le commerce avance (et il en appelle sur cette allégation au témoignage de tous ceux qui connais-naissent le régime des îles, ou même de tout colon impartial ) qu'il y en a 360,000 qui ne consomment de pain, ni par besoin, ni même par goût, si ce n'est en état de maladie ou de convalescence ; et il soutient, toujours en invoquant le même témoignage, que les vivres du pays consistant dans le manioc, la patate, l'igname, la racine de chou caraïbe, la banane, toutes productions dont la récolte ne manque jamais dans tous les quartiers et à la fois, quels que soient les contrariétés des saisons ou le ravage des ouragans, suffisent sans peine, avec les riz, la farine de maïs, les pois, les légumes de toute espèce, dont la libre importation est toujours permise, pour assurer la subsistance saine et préférée des noirs et géns de couleur, c'est-à-dire des 9/10 des habitants de l'île.
C'est à la suite de cet exposé que le commerce vous présente, en réponse à l'allégation des députés de la colonie, d'une mortalité forcément annuelle de 12,000 noirs, causée par le défaut de subsistances, un recensement des morts et des naissances des noirs dans l'île pendant les deux années 1786 et 1787 (l'état de 1788 n'est pas encore formé) d'où il résulte qu'en 1786, sur 333,000 nègres, il y a eu 4,217 naissances et 5,067 morts ; en 1787, sur 364,000 nègres, 3,556 naissances et 6,116 morts; qu'en 1786 les mortalités surpassèrent les naissances seulement de 1,850, et en 1787 de 2,560; et cet excédant
de perte d'une année sur l'autre, vient de ce qu'en 1787 il y eut 30,000 nègres importés d'Afrique, et que la mortalité est plus considérable sur des nègres non acclimatés; d'où il résulte enfin, qu'en deux ans la colonie n'a perdu réellement, en sus des . naissances, sur un nombre commun de 348,000 nègres, que 2,350 nègres, c'est-à-dire à peu près 1/130. Il vous paraîtra comme à nous heureux, Messieurs, qu'un tableau de mortalité puisse devenir un sujet de consolation. '
Mais il ne suffit pas au commerce de vous avoir tranquillisés sur l'existence, ainsi que sur les subsistances des 9/10 de l'île; il n'a pas perdu de vue qu'il vous doit compte de sa conduite, de ses envois, de ses efforts pour l'approvisionnement de 40,000 individus blancs, ou gens de couleur, et des nègres malades et convalescents ; et voici quelles sont à ce sujet, et les réponses qu'il fait aux reproches qu'on lui a adressés, et les preuves qu'il apporte a l'appui de ses allégations.
Il faut tout au plus, d'après le calcul que présente le commerce, pour subvenir à ces besoins ou à ces goûts, 93,000 barils de farine, année commune; mais depuis cinq ans il en a été im- Çorté dans l'île, des ports de France seulement, 50,0QÛ barils ; ce qui donne une année commune de 150,000 barils; du moins tel est le résultat de l'importation de l'année comnaune, faite sur cinq années, de 1784 à 17B8 : reste donc annuelle-lement 57,000 barils, au delà des besoins réels de la colonie, qui servent, soit aux caboteurs, soit à la contrebande avec les Espagnols habitants de l'île, soit enfin à former les magasins des spéculateurs, qui ne peuvent être ni nombreux ni considérables dans un pays où la farine n'est pas longtemps de garde; inconvénient qui éloigne toute idée d'accaparement soutenu. Et ce n'est pas toujours à bénéfice que le commerce se défait de cette denrée; ses agents offrent de prouver que souvent la farine a été moins chère a Saint-Domingue qu'à Bordeaux même ; alors le commerçant a perdu sans se plaindre, il n'a point demandé de dédommagement; pourquoi donc, dit-il, se récrier contre des bénéfices momentanés qui ne font que le couvrir des désavantages de spéculations souvent contrariées oumêmeruinées?
Et cependant, pour prouver que ces bénéfices ne sont pas aussi exorbitants qu'on le suppose, le commerce présente un tableau du prix des farines dans l'île en 1788, mois par mois, d'où il résulte que le prix commun a été de 4 sols 7 deniers î/2 la livre, pendant toute l'année. Le tableau de 1787 donne à peu près le même résultat ; et le commerce observe, quant au salaire des Ouvriers, que dans nos îles les journées sont payées le quadruple de ce qu'on les paye en France ; ce qui met les gens de peine bien à même de supporter la plus-value de la denrée de première nécessité.
Mais ces motifs, qui tiennent autant au fond u'au provisoire de la question, il faut les aban-onner pour l'instant, et passer à ceux relatifs à la situation actuelle. Le commerce ne se croirait pas à l'abri des reproches, s'il ne démontrait pas que, malgré les événements imprévus qui ont généralement dérangé cette année l'ordre ordinaire des choses, l'île a dû recevoir et a réellement reçu une quantité de farine suffisante à sa consommation.
Ici les députés du commerce se trouvent absolument en contradiction avec les députés de l'île. Ceux-ci ont argumenté, pour prouver la disette dont ils se plaignent, de deux états four-
nis par M. le marquis du Ghilleau. Vous vous rappelez, Messieurs, que l'un présente l'importation comparative faite au Port-au-Prince dans les six premiers mois des années 1788 et 1789; l'autre le tableau des farines, soit françaises, soit étrangères importées dans huit ports d'amirauté, du 1er janvier, au juillet de cette année, ensemble la quantité restante en magasin, à l'époque des procès-verbaux dont ces états sont censés le résultat : d'où il suit, du premier, que dans les six premiers mois de 1788, le Port-au-Prince avait reçu 36,770 barils de farine; tandis qu'en 1789, il n'a reçu que 9,126 barils pendant le même temps ; du second, que pendant les trois mois -d'avril à juillet, il n'avait été importé dans tous les ports de l'île, que 34,480 barils de farine, dont 7,332 seulement de française ; enfin, qu'il ne restait en magasin, à l'époque des procès-verbaux, que 4,918 barils de farine en totalité.
Le commerce répond que, de ces deux états, l'un est inutile et ne prouve rien, l'autre est imparfait et ne prouve pas davantage; que le premier, celui des importations comparatives de 1788 à 1789, faites au Port-au-Prince, en le supposant exact, ne prouverait rien dans la question ; que de ce que le Port-au-Prince n'aurait pas reçu dans les six premiers mois de 1789, une quantité de farines françaises égale à celle qui y a été importée pendant le même temps en 1788, on ne peut 'pas conclure que la différence des importations françaises dans toute l'île à été déplus de 27,000barils de moins en 1789 qu'en 1788, mais seulement qu'elle a été telle au Port-au-Prince ; que le Port-au-Prince n'est pas l'entrepôt général de la colonie, et que, pour prouver que celle-ci n'a pas été suffisamment approvisionnée, il faudrait démontrer cette allégation par le tableau des importations faites dans tous Tes ports de l'île, dont au surplus les autres ports ont reçu en excédant le déficit qui se trouve sur la fourniture du Port-au-Prince, ainsi qu'il va être prouvé; enfin, qu'il est contre toute logique de vouloir tirer d'un fait particulier et isolé une conséquence générale; que le second tableau est inexact; que la preuve de cette inexactitude résulte de l'état joint à la lettre en date du 28 août des deux administrateurs actuels de la colonie, MM. de Peynier et de Marbois, lequel prouve que, pendant les quatre mois d'avril, mai, juin et juillet, l'importation dans l'île a été de 54,348 barils, dont 24,677 de farines françaises et 29,671 d'étrangères; et que pendant les trois mois d'avril, mai et juin, les mêmes dont l'état de M. du Chilïeau présente le tableau, l'importation a été dans l'île de 43,297 barils, dont 17,934 de farines françaises et 25,363 d'étrangères ; ce qui est bien différent de 34,430 barils, dont 7,332 de farines françaises et 27,098 d'étrangères, dont les députés parlent, d'après M. du Chilïeau : d'où le commerce conclut que, bien loin d'avoir manqué de 3,070 barils, l'île a eu un excédant de provision de 5,797 barils.
Cependant, le commerce ne prétend pas que, dans l'occurrence actuelle, ce qu'on a pu importer à Saint-Domingue, ce qui pourrait lui être encore adressé de France, doive tranquilliser votre humanité sur l'approvisionnement de l'île : il est loin de blâmer les précautions conjointement prises par les administrateurs, et les motifs qui les ont déterminés à l'ordonnance du 30 mars dernier; ses députés en reconnaissent la sagesse, ils en consentent la maintenue et l'exécution ; ils vont au devant de votre juste sollicitude pour l'assurance de l'approvisionnement de l'île; et c'est pour y concourir, autant qu'il est en eux,
qu'ils vous proposent les quatre moyens déjà rapportés dans la demande des députés de l'île, et combattus par ceux-ci.
Les députés du commerce, contre ces réponses, disent encore à l'appui de leurs propositions : sur la première (1); que, malgré les imputations calomnieuses deS députés de l'île, on peut se fier à la bonne foi et à la loyauté du commerce français, qui a fait plus d'une fois ses preuves de désintéressement et de zèle dans les opérations qui lui ont été confiées par le gouvernement; que des bâtiments du Roi Seraient moins fatigués à faire dés courses du genre de celles auxquelles il propose de les employer, qu'à rester immobiles dans les ports, où ils se gâtent, et finissent par pourrir ; qu'en acceptant cette proposition, elle ne nécessiterait pas moins par. le commerce une mise hors, Une avance sans intérêt de plusieurs millions, et.que cette offre est certainement désintéressée et honnête ;
Sur la seconde, qu'ils renonceront volontiers à la prime dont la demande était d'abord contenue dans leur proposition, mais qu'elle n'avait été faite que pour l'intérêt même des colons ; qu'on n'ignore pas qu'une prime est un avantage, nOù' pour le vendeur, mais bien pour l'acheteur, puisque celui-ci paye moins la denrée le toute la quotité de la prime; qu'il est au surplus très-aisé de prendre des précaution» contre la fraude qu'on leur suppose l'intention de faire aux Etats-Unis;
Sur la troisième, que ce moyen a été plus d'une fois employé, et qu'il est très-probable que les Américains, qui doivent à l'Angleterre, accepteraient volontiers cette manière de s'acquitter ; que le délai de quatorze mois n'est ni inconnu ni inusité à qui traite avec les planteurs de nos lies, qui sont loin de tout payer comptant;
Sur la quatrième, qu'ils sentent toute la difficulté dé son exécution; mais cependant, qu'il' est probable qu'une nation juste et généreuse comme la nation française ne voudra pas, en conservant le régime qui existe depuis si longtemps pour les îles (régime, pour le dire en passant, beaucoup plus doux qu aucun de ceux des puissances européennes avec leurs colonies), ne voudra pas, disent-ils, ne pas assurer la subsistance de ses frères des îles ; que l'opposition aux chargements qui pourraient avoir lieu dans l'intérieur du royaume ne se réalisera sûrement pas dans les ports de mer habités par des Français, perpétuellement témoins de ces sortes d'enlèvements, qui tous, indépendamment de l'intérêt national et commun, ont encore un intérêt particulier, par l'emploi et l'occupation que leur procure d'une manière ou d'autre, l'armement, de vaisseaux pour les îles, à cè que ce commerce soit conservé dans sa totalité à la métropole; que lés chargements pour les îles se continuent dans les porta et particulièrement à Bordeaux ; que les pays accoutumés à faire cette fournituré, sollicitent, àvec instance, d'être autorisés et soutenus pour la continuer; que plusieurs demandes de ce genre ont été ou vont être adressées à l'Assemblée nationale; que Montauban, pays qui fournit les belles farines de minot, a déjà fait remettre au comité d'agriculture et de commerce un mémoire à ce sujet ; qu'on peut d'autant plus se permettre d'accueillir ces différentes réclamations, qu'il n'est pas question d'une extraction qui puisse inquiéter la France, puisqu'il ne s'agit
que de la quantité qu'elle consomme en un jour et demi ; que les farines particulièrement destinées au commerce des îles, sont tirées principalement dés environs de Bordeaux, c'est-à-dire de pays éloignés de deux cents lieues de la capitale, a laquelle on ne pourrait faire parvènir ces approvisionnements, même avec des frais qui doubleraient la valeur de la denrée ; pays qui n'ont eux-mêmes d'autre ressource pour subsister et entretenir leurs manufactures, que la vente et la conversion de ledrs blés en farine, dans lès beaux établissements de Moissac ët autres de ce genre;
Que cependant, quelle que soit la justice de maintenir la liberté de cette extraction, particulièrement conservée par les décrets de l'Assemblée relatifs aùx subsistances, les1 députés dù commerce attendent sa décision pour la continuité de l'emploi de ce moyen, ou pour la préférence de ceux qu'elle croira devoir adopter dans sa sagesse, pour assurer la subsistance des colonies, à la conservation et à l'accroissement desquelles aucun corps n'a, dans l'Etat, plus d'intérêt que le commerce, auquel elles doivent beaucoup de millions ; que, relativement à la cherté excessive dont së plaignent lës députés de Saint-Domingue, Ceux du commerce doivent dire que le prix de 120 livres ou 130 livres n'est $ as un prix excessif aux colonies dans un moment de disette ; qu'il-est malheureusement relatif à celui' auquel, malgré une récolte très-abontante, on paye actuellement le pain en France ; qu'aux îles comme ailleurs, la rareté est le fruit de l'inquiétude, dont on voit l'effet sans pouvoir en assigner la cause ; que dans les temps malheureux, sans doute, les habitants blancs payent le pain cher, mais que l'aisance dont ils jouissent les met bien au-dëssus de cette dépense passagère; qu'ils ont au moins pour ressource der-' nière les vivres du pays, qui ne manquent jamais, et qui, sans être aussi agréables pour les blancs que ceux de l'Europe, sont néanmoins bons et sains ; que ce n'est pas aux îles, mais dans nos pays, que la disette est vraiment à craindre et exerce d'affreux ravages; que là, tous ont une subsistance assurée, les noirs et gens de couleur, à leur goût, et presque pour rien, en denrées du pays, les riches des unes et des autres, avec plus ou moins d'argent, suivant les circonstances ; mais qu'ici le cultivateur, le manouvrier peut mourir de faim et de misère, quand le pain lui mangue ou que son prix est au-dessus de ses modiques facultés; quil serait sans doute satis-faisant pour la métropole d'avoir à fournir à un taux modéré des denrées à ses colonies, mais qu'enfin l'essentiel n'est pas tant que des colons très-riches ou au moins très-aisés aient des farines à meilleur marché ou-même à prix égal à celui de France, mais bien qu'ils en aient: et ils en ont, et n'en manqueront pas ; qu'au 24 août, il y en avait au Gap seulement environ 10,000 barils, ainsi qu'il est prouvé par la lettre de M. Goutard, maréchal de camp, commandant en second de l'île, datée du 24 août, et produite; qu'il vient d'en être expédié de nos, ports, et particulièrement de Bordeaux, plus de 6,000 barils pour le compte du commerce, indépendamment de ce qu'il en faut ^pour les troupes; que ces expéditions se renouvellent chaque jour dans la proportion permisé-par la loi; qu'il est constant, tant par les papiers publics, que par des lettres particulières produites, qu'aux Etats-Unis la farine ne valait au 23 juillet que 27 livres 10 Sols le baril ; que l'espérance de la récolte était au delà de tout ce
qii'on avait vu depuis longues années, et qu'on devait compter que le'baril baisserait à 23 livres; que sans contredit on payerait un peu plus cher ; en sirops, "tafias et piastres qu'én denrées, mais qu'il n'en résulterait pas défaut de denrées, mais seulement une légère augmentation dans le prix, avec certitude d'en avoir ; que les colons, achetant la farine un peu plus cher, vendraient aussi leurs dentées dans la même proportion aux négociants français, qui, ne pouvant y porter des farines de France en suffisante quantité, mais cependant se dispenser d'aller y prendre des denrées coloniales, y recevraient la loi, puisqu'ils ne pourraient pas raisonnablement revenir des îles en lest, et sans rapporter des retours dont la métropole né peut se passer et qu'il importe au commerce d'y verser continuellement; que partout où ést le besoin, là aussi se porte l'industrie commerciale ; que, quoiqu'il y ait toujours eu des lois prohibitives, cela n'à pas empêché les étrangers d'importer en contrebande dans les colonies ou d'en exporter les denrées à l'extraction, à l'importation desquelles les circonstances momentanées attachaient un bénéfice; que les cplons n'annoncent que trop combien ils connaissent ces moyens de fraude et avec combien peu de scrupule ils en font usage ; que l'Assemblée nationale ne sera pas toujours séante; qu'on ne pouvait se dissimuler que la permission que l'on sollicitait d'elle, une fois accordée, deviendrait d'une part difficile à révoquer même par elle, et que sûrement dans l'intervalle de ses sessions, aucune autorité n'aurait le droit ni la volonté d'en suspendre l'effet ; de l'autre, qu'elle préjugerait défavorablement sur la question principale que l'un et l'autre parti étaient déterminés à porter à l'Assemblée dans le cours 4e la session actuelle ; qu'il était impossible, à raison de la multiplicité et de l'obscurité des lieux de débarquement, d'établir une surveillance qui pût parer aux abus, surtout si on ouvrait d'autres lieux d'entrepôt que les trois grands ports; que l'exportation permise des sucres et cafés entraînerait, malgré toutes les précautions possibles, celle de denrées bien plus précieuses encore, par exemple des cotons, des indigos, qui prenaient dans nos manufactures et dans nos ateliers, par l'emploi et la main-d'œuvre, une valeur 6 fois, 10 fois, plus grande que celle delà denrée en nature ; que le commerce, déjà réduit à une position bien défavorable par des traités désavantageux, faits contre son avis avec quelques puissances étrangères et encore plus mal exécutés, verrait s'évanouir la dernière et la seule ressource qui n'eût point encore été enlevée à son activité et à son industrie ; qu'il se conformera individuellement avec respect à la décision que l'Assemblée nationale croira devoir prononcer, mais que ses agents réunis ne peuvent lui dissimuler, et qu'ils doivent lui dire, avec tout le courage que la vérité inspire, que si, franchissant du premier pas ce grand intervalle qu'a toujours respecté l'ancien gouvernement, elle allait arrêter le débouché de nos manufactures, priver la métropole du bénéfice du transport de ses denrées, porter la main sur la propriété publique (et quelle propriété, que celle du manouvrier et du pauvre!) en ôtant au peuple l'objet de son travail, son seul patrimoine, ce décret frapperait de léthargie et de mort les manufactures et les ports du royaume; que le contre-coup s'en ferait bientôt ressentir d'un bout de la France à l'autre, et qu'après avoir si longtemps désiré Un nouvel ordre de choses et tourné ses dernières espérances vers les au-
teurs de la liberté, le fruit de tant d'attente et'de vœux si ardents, serait pour toute la France, et en particulier pour tous les malheureux, dont ils défendent la cause, la misère, le découragement et le désespoir.
Ici, les députés du commerce ne se dissimulent pas la force de l'induction que les députés de l'île veulent tirer en faveur de l'ordonnance du marquis du Ghilleau, du 27 mai, de la conduite gu'ont tenue en. 1778 deux administrateurs aussi intelligents qu'intègres, MM. d'Argout et de Vêvre, et ils avouent qu'il leur serait plus difficile d'y répondre si les circonstances étaient les mêmes; mais quelle différence entre les époques qu'on veut rapprocher! s'écrient les députés du commerce ; peut-on ainsi confondre 1 e temps de guerre avec le temps de paix, les périls avec la sûreté ? ne sait-on pas que cette liberté est une conséquence indispensable d'une déclaration de guerre; qu'en 1755 la même permission avait été donnée pour le même motif; qu'en 1778, au commencement de la guerre, le premier convoi parti pour nos îles, avait été tout entier enlevé ; qu'alors les trois grands ports étaient bloqués par des escadres anglaises; qu'on ne pouvait entrer dans l'île que par les petits ports ou points de la côte;" que, quoi qu'en disent les députés de l'île, ils ne peuvent pas ignorer que les abords sont infiniment dangereux, et pour ainsi dire, impraticables, quand des escadres ennemies occupent la pointe, G'est-à-dire sont au vent de l'île, a laquelle rien ne peut arriver que de ce côté ; que, quoique dans plusieurs circonstances nos flottes se soient honorablement montrées vis-à-vis des escadres ennemies dans la dernière guerre, il n'en est pas moins vrai qu'elles n'ont pas toujours eu l'avantage; que des corsaires ennemis infestaient ces parages; qu'il est de notoriété qu'un seul d'entre eux, perpétuellement stationné dans les eaux de l'île, a fait pendant la guerre quatorze cents prises, presque sous le canon et à la vue des ports de l'île; enfin, que les motifs de cette liberté illimitée et prolongée pendant tout le cours de la guerre, dont les députés de l'île veulent tirer une conséquence si favorable à leur demande dans la circonstance actuelle, étaient bien plus encore de leur procurer le débit de leurs denrées, entassées dans leurs magasins, et réduites à vil prix, qu'un approvisionnement de farine dont ils n'ont jamais manqué, même dans ce temps ?
Les députés du commercé et des manufactures de France finissent par protester qu'ils sont loin de se croire chargés de plaider, au tribunal de la nation, la cause du Roi et des ministres de Sa Majesté; leur respect pour l'Assémblée nationale leur interdit toutes réflexions ; ils savent qu'il n'appartient qu'à elle de maintenir des actes conformes à la législation jusqu'à présent existante, constamment observée pour les colonies, et qui n'ont eu pour but que de préserver le commerce national, c'est-à-dire la propriété de 26 millions d'hommes, des atteintes que lui aurait infailliblement portées l'ordonnance de M. le marquis du Ghilleau, si elle n'avait pas été cassée, et ils attendent de la justice de l'Assemblée nationale qu'elle n'ordonnera pas l'exécution de. dispositions qui seraient entièrement subversives des lois commerciales du royaume.
Pour quoi et tout ce que dessus, les députés des manufacturés et du commerce de France concluent qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
IIIe PARTIE.
Vous venez d'entendre, Messieurs, le rapport des moyens des députés de Saint-Domingue, et des agents des manufactures et du commerce de France. Les uns et les autres ont été imprimés, et vous ont été distribués avec une attention qui vous a mis à portée d'étudier sur les pièces mêmes, la valeur réciproque des prétentions des deux parties, et de vous convaincre de l'exactitude de l'extrait que je viens d'avoir l'honneur de vous lire. Dans toute autre circonstance, il ne nous resterait qu'à vous présenter les réflexions que les motifs allégués de part et d'autre nous ont fait naître, et à soumettre à votre sagesse le résultat de notre avis; mais il ne vous a pas échappé, Messieurs, que par la manière dont cette affaire a été amenée a votre tribunal, une tierce partie s'y trouve intéressée, et même compromise, puisqu'elle y est dénoncée. Vous entendez que je veux parler d'un des agents du pouvoir exécutif, du ministre de la marine, M. le comte de la Luzerne. Indépendamment de la dénonciation de la part des députés de Saint-Domingue, dont sa conduite se trouve l'objet, son intervention, les éclaircissements qu'il pouvait procurer * ont été réclamés par chacune des deux parties. Le comité l'a jugée juste, nécessaire, indispensable, et je ne crois pas avoir besoin de vous développer les motifs qui l'ont déterminé à communiquer avec le ministre sur la question qui vous est soumise. Instruit de l'intention du comité, M. de la Luzerne lui a fait parvenir les éclaircissements dont nous vous demandons la permission de vous faire lecture. Ils n'ont point été livrés à l'impression, et il ne serait pas juste que cette délicatesse privât M. de la Luzerne de vous présenter ses motifs, ceux du conseil, enfin sa justification particulière dans tout leur jour. La connaissance entière de ces éclaircissements nous a paru devoir être pour vous, Messieurs, d'une importance extrême, et nous avons pensé qu'elle pourrait essentiellement contribuer à vous mettre à portée de rendre sur la réclamation des députés de Saint-Domingue un jugement éclairé et digne de l'importance de l'affaire dont vous vous occupez dans ce moment. Un simple extrait n'aurait pas rempli ces vues, et nous-mêmes n'aurions pas satisfait à notre devoir, si, en nous livrant au désir de ménager des moments dont nous connaissons la valeur, nous avions acheté cette économie de temps au prix de votre instruction (1).
Ces éclaircissements ont été suivis, Messieurs, de la part de M. le comte de la Luzerne, de réflexions sur les deux états ou tableaux fournis par M. le marquis du Ghilleau, en date du 7 seplem- -bre; j'ai eu l'honneur de vous rendre compte de ces états, des inductions qui ont été tirées, des moyens par lesquels elles ont été combattues. Je vais avoir l'honneur de vous faire également lecture des observations du ministre sur ces états. Elles sont courtes et intéressantes (2).
Depuis, M. de la Luzerne a remis copie d'une lettre des deux administrateurs actuels de l'île, MM. le comte de Peynier et de Marbois, en date du 28 août; je vais vous en faire lecture (3).
A cette lettre est joint l'état y annoncé, d'où il
résulte que, pendant les quatre mois d'avril, mai, juin et juillet, l'importation, dans l'île, des farines, tant françaises qu'étrangères, a été de la quantité annoncée de 54,348 barils (1).
Enfin, au moment où nous étions prêts à vous faire ce rapport, le ministre de la marine nous a écrit la lettre que nous allons encore vous lire. Elle n'a rien changé à la détermination à laquelle votre comité s'était arrêté avant sa réception (2).
Il nous semblé superflu, Messieurs, de vous extraire des pièces dont vous venez d'entendre la lecture; elle vous a mis à même d'apprécier l'avis auquel s'est déterminé le comité, dans le résultat que j'aurai l'honneur de vous soumettre en son nom, relativement à ce qui, dans la demande de MM. les députés de Saint-Domingue, a rapport à la conduite du ministre.
C'est dans cet instant, Messieurs, que nous sentons plus que jamais l'importance des fonctions dont la confiance de votre comité nous a honorés. Car il ne faut pas se le dissimuler, le parti pour lequel l'Assemblée nationale croira devoir se déterminer dans la grande question qui lui est soumise, quoique seulement provisoire, est cependant fait pour influer, d'une manière peut-être décisive, et sur la perpétuité des rapports des colonies avec la métropole, et sur le sort d'une grande partie des manufactures et du commerce de France. En effet il s'agit, d'un côté, de maintenir ou de renverser le régime sous lequel les premières ont été administrées depuis qu'elles sont réunies à la France, de conserver ou d'intervertir le système commercial, et les liaisons combinées d'après les intérêts réciproques des colonies et de la métropole; enfin, de statuer au provisoire sur une branche d'une des relations de commerce, dont tous les objets réunis produisent} dans les ports de -la métropole, un retour annuel de 230 à 240 raillions; et dans lesquels l'île de Saint-Domingue est seule pour 140 millions. De l'autre, les députés de la plus florissante de nos colonies, dont toutes les autres suivront probablement le sort, demandent, au nom de leurs commettants, la permission de se procurer par des échanges, c'est-à-dire par un des premiers moyens que la nature ait mis à la disposition de l'homme, des subsistances qui leur sont indispensables, et que cette facilité leur procurerait plus aisément et à meilleur marche ; ils vous conjurent de les débarrasser, du moins provisoirement, des entraves dans lesquelles le commerce prétend les retenir; et ils demandent cet affranchissement au nom de cette liberté qui vient de naître parmi nous, mais dont ils craindraient sûrement que le cri ne retentît trop fort au milieu de ces brillantes habitations qui doivent toute leur valeur à l'entier asservissement de ceux dont le travail en fait la prospérité et la richesse. Ainsi, par une de ces contrariétés morales si frappantes, mais cependant si communes, ce que le commerce appelle l'abus, et les colons l'usage de la liberté, est réclamé par ceux dont toute la fortune repose sur le maintien de l'esclavage.
Il est infiniment délicat d'avoir à proposer et à prendre un parti entre deux intérêts qui se montrent si opposés, mais cependant il est impossible de ne pas se déterminer, et lès circonstances démontrent chaque jour de plus en plus la nécessité d'une prompte décision. Dans une telle
situation, nous allons vous présenter avec la plus exacte intégrité, avec l'impartialité la plus scrupuleuse, les considérations qui nous ont décidés, et qui nous paraissent devoir vous détermiiier à adopter le parti que nous vous proposerons. Elles sont le fruit des plus mûres réflexions, de l'examen le plus approfondi, des éclaircissements et instructions que nous n'avons cessé de chercher à recueillir, soit auprès des personnes instruites dans cette matière, soit auprès des parties intéressées, dans les conférences multipliées que nous avons eues avec elles à ce sujet, soit enfin dans l'étude des principes et des décrets de cette auguste Assemblée.
La première, là seule question qui est soumise à votre jugement, et qui pouvait l'être, Messieurs, c'est de savoir, non pas si leur île a été chèrement ou à bon marché approvisionnée, "mais si elle l'a réellement été dans une proportion suffisante. Car on s'est plaint de disette, de famine, et ce n'est que subsidiairement que les réclamations se sont étendues jusque sur le prix de la denrée. Cependant, c'est sous le premier point de vue seulement que la réclamation pouvait être fondée, qu'elle pouvait intéresser votre humanité, détourner votre sensibilité de la position dans laquelle la France entière se trouvait et se trouve encore dans quelques provinces, malgré l'abondance de la récolte. Car les planteurs de nos îles, accoutumés à payer un peu cher, même dans un temps ordinaire, les farines qu'elles reçoivent de la métropole, ne se seraient pas plaints, ne se seraient pas flattés du moins de vous voir vous occuper de leur réclamation, si elle n'avait porté que sur une augmentation, quelle qu'elle fût, dans le prix d'une denrée qu'on ne pouvait alors se procurer én France, même au poids de l'or, en suffisante quantité. Nous sommes loin de penser qu'ils aient eu l'intention de profiter de la circonstance fâcheuse dans laquelle l'Etat se trouvait à cette époque, pour se soustraire en partie aux conditions jusqu'ici invariables du traité qui les unit à la métropole. Nous rendons justice à la pureté de leurs intentions ét de leurs g vues. Nous convenons que la position de la France, les défenses d'exportation momentanément prononcées, même pour nos îles, par quelques-unes des cours souveraines dans le ressort desquelles se font en grande partie les exportations qui sont destinées à leur approvisionnement, ont pu, ou dû même éveiller leur active sollicitude, sur la subsistance de leurs compatriotes;-les nouvelles qu'ils ont pu recevoir, les renseignements qui leur ont été fournis, tout a concouru à entretenir et à augmenter leurs inquiétudes sur l'existence de leurs commettants, et ils ont fait ce que chacun de nous aurait cru devoir faire dans une pareille circonstance.
Mais des nouvelles moins fâcheuses, des états plus exacts, ont fourni à votre comité des motifs de tranquillité sur l'approvisionnement de l'île, à l'époque même qui avait si fort inquiété ses députés, et nous nous trouvons heureux d'avoir à présenter à votre humanité des données plus rassurantes.
Vous n'avez pas perdu de vue, Messieurs, que la demande des députés de l'île ne s'élève provisoirement qu'à 150,000 barils par an, ce qui fait 12,500 barils par mois. Or, il résulte de l'état joint à la lettre des deux administrateurs de l'île, en date du 28 août, qu'il est entré dans ses ports pendant les 4 mois d'avril, mai, juin et juillet, 54,348 barils de farine tant françaises qu'étrangères ; d'où on peut conclure qu'au delà de la
fourniture jugée nécessaire de 12,500 barils par mois, il y a eu un excédant de 4,348 barils. Si à cet excédant vous joignez le montant des expéditions qui ont été faites, seulement dans nos ports, depuis cette - époque, ét qui était de 7,400 barils au commencement de septembre, vous demeurerez convaiucus que si l'état le plus constant des choses a été une-cherté excessive (et par là on entend de 120 à 140 livres le bar^l de 180 livres pesant, ce qui n'est pas tout à fait le double de la valeur ordinaire), du moins l'île a été approvisionnée en quantité suffisante, jus-ques et au delà de l'époque à laquelle les députés de l'île ont craint et annoncé la disette comme extrême. - . .
A la vérité cet état ne cadre point avec celui de M. du Ghilleau ; mais, pour se déterminer en faveur de celui envoyé conjointement par les deux administrateurs, votre comité a pensé que les raisons par lesquelles le commerce a combattu l'exactitude des états fournis par M. du Ghilleau étaient sans réplique; et il a été convaincu que celui qui se trouvait joint à la lettré commune des deux administrateurs actuels, et d'une date postérieure, comportait avec lui des probabilités bien plus fortes que les premiers, fournis par l'ancien administrateur seul.
Une considération est encore venue à l'appui de ces motifs, et elle a paru déterminante à votre comité en faveur de l'exactitude de l'état envoyé par MM. de Peynier et de Marbois : c'est qu'il résulte de l'extrait des déclarations faites, dans les ports du royaume, des exportations pour Saint-Domingue, que, pendant les mêmes 4 mois, il eh a été déclaré à cette destination 24,446 barils, quantité bien approchante de celle de 24,677, annoncée par l'état des deux administrateurs. Ce rapport'entre des relevés faits à Saint-Domingue d'une part, dans nos ports d'une autre part, et non combinés entre eux, a paru à votre comité porter jusqu'à l'évidence les assertions du commerce et du ministre, sur les quantités de farines françaises importées dans l'île pendant l'espace de temps dont il est question. Quant aux farines étrangères annoncées dans l'état, et formant avec celles de France le total de 54,348 barils, nous n'avons eu aucun moyen possible de faire la vérification de cette quantité; mais la véracité démontrée de partie de l'état, relativement aux farines françaises, nous a paru une bien forte présomption de son exactitude en ce qui concerne les farines étrangères. Ainsi, il nous a semblé prouvé que M. du Ghilleau avait été induit en erreur pour les états qu'il a fournis, que celui de MM. de Peynier et de Marbois était parfaitement exact ; d'où il résulte que pendant les mois d'avril, mai, juin et juillet, l'île a été suffisamment approvisionnée de farines, qu'il y en avait même à cette époque un excédant, qui, avec les envois faits depuis par la métropole seule, a dû suffire à l'approvisionnement du mois suivant.
Nous pensons, Messieurs, que ces détails vous auront pleinement rassurés sur la subsistance de Cette précieuse colonie, à l'époque pour laquelle on avait conçu et cherché à vous inspirer de si justes inquiétudes.
En effet, c'était beaucoup, c'était tout alors, que d'avoir du pain pour de l'argent, et l'île n'en a pas manqué. Mais ses députés se plaignent qu'il était excessivement cher. Sans doute, il est fâcheux de payer à un prix excessif une denrée de première nécessité ; mais ce qui est un malheur capital quand il est ressenti par ceux qui peuvent à peine fournir à leur subsistance rigoureuse
dans des tetaps où le pain n'a qu'une Valettr ordinaire, n'est plus qu'une atteinte bien légère portée à la sUperïluité dans la fortune de l'homme opulent, ou très-aisé, pour lequel cet excédant de dépense n'est que d'une conséquence, pour ainsi dire, insensible. Or, telle est la position de tous ceux qùi font ou font faire journellement usage de pain dans nos colonies : ainsi ils vous paraîtront probablement peu fondés à se plaindre d'une augmentation momentanée de dépense nécessitée par la disette générale. Voyons pourtant si elle a été aussi considérable que vous l'ont peinte les députés de Saint-Domingue, si elle se trouvé même dans une proportion rélative à l'augmentation que nous avons éprouvée, que nous éprouvons encore en France. Nous ne le pensons pas, et MM. les députés dé Saint-Domingue en conviendront avec nous; car c'est à eux-mêmes que nous devons le calcul que nous allons vous présenter. Ils disent, dans leur réponse succincte au mémoire des commerçants des ports de mer (1), que dans les temps de meilleur marché, le pain coûte dans l'île, d'après le tarif prescrit par les ordonnances, 10 sols la livre, argent des îles, ce qui fait, argent de France, 7 sols 6 deniers ; et, qu'actuellement que le baril vaut 150 livres et au delà, il coûte 1 sol l'once, c'est-à-dire, 10 sols 8 deniers, toujours argent de France. Or, il résulte de cette allégation que, malgré les contrariétés de toute espèce qu'on a éprouvées à faire l'approvisionnement de l'île, le pain n'a cependant augmenté que d'un quart en sus de la valeur ordinaire; tandis que dans la métropole, à portée des secours, des ressources, des efforts de tout genre, il a plus que doublé. Penserez-vous à présent, Messieurs, que cette augmentation momentanée dans le prix ait été aussi considérable et soit aussi ruineuse pour la colonie, qu'on vous l'a représentée? et si l'on veut s'arrêter un moment sur l'assertion du commerce et du ministre, que les ventes faites aux colons sont toujours à crédit et à long terme, que ce défaut dé payement influe beaucoup sur la quotité du prix, dans un pays où l'argent produit aisément un revenu plus considérable qu'en France, et que tout coûterait infiniment moins à qui solderait comptant, on y trouvera peut-être la vraie, la seule raison de l'excédant du prix des.denrées, et de leur valeur relative de l'île à la métropole.
Après les détails dans lesquels nous venons d'entrer, et malgré les résultats qu'ils présentent, nous sommes cependant bien éloignés, Messieurs, de penser, avec les députés des manufactures et du commerce de France, qu'il n'y à pas lieu à délibérer. Loin de nous, an! loin de nous à jamais, Messieurs, la froide apathie, la coupable indifférence de ceux que des probabilités pourraient rassurer suffisamment sur l'existence de leurs semblables, de leurs frères. Nous sommes convaincus, au contraire, que jamais question ne vous fut présentée, qui méritât, de votre part, une plus mûre et plus sérieuse délibération; car les motifs de tranquillité sur la situation passée, n'existent pas dans la même certitude pour l'avenir.
Nous voilà donc enfin arrivés au terme où il faut vous proposer de statuèr sur la demande des députés de Saint-Domingue. Avant de vous soumettre le décret que nous aurons, dans l'instant, l'honneur de vous présenter, il nous paraît nécessaire d'établir les principes suivants, qui, d'après
tout ce qili a été dit dans ce rapport, ne nous semblent pas avoir besoin de développements ultérieurs : le décretn'en sera que la conséquence.
Le premier point, incontesté comme incontestable, c'est qu'il faut qiie l'île soit approvisionnée, et qu'elle le soit sûrement.
Le second, c'est que cet approvisionnement soit fait, tant qu'il n'y aura pâs d'inconvénient, de préférence par le commerce national ; d'où il suit qu'il est a souhaiter, mais qu'il n'est pas indispensable et qu'on ne peut exiger que cet approvisionnement ait lieu à meilleur marché, ni même à un prix égal à celui de la métropole.
Le troisième, c'est qu'il est évident que la libre importation dans l'île par le commerce étranger, et lé payement en retour, en toutes denrées des Colonies, n'a pas produit, pendant le temps qu'il a eu lieu, l'effet que paraissent en attendre pour la suite les députés de l'île, celui d'une plus abondante fourniture, et d'une modération dans le prix des farines.
L'induction de cette conséquence résulte encore. Messieurs, et du tableau des importations fourni par les deux administrateurs actuels, et du prix auquel les farines se sont vendues dans l'île, en juin, juillet et août, d'après les lettres adressées au ministre, au commerce, aux députés de l'île.
Vous vous rappelez, Messieurs, que c'est au 27 mai qu'à été rendue l'ordonnance du marquis du Chilleau, dont les députés réclament que vous 'confirmiez les dispositions. C'est donc tout au plus dans le mois de juillet qu'on a pu se ressentir de ses effets. Eh bien! Messieurs, il résulte de ce même tableau que je viens de vous citer, qu'en juillet, dans les temps où on pouvait importer et exporter librement par les dix ports d'amirauté toute espèce de denrées, il n'a été introduit dans l'île que 4,308 barils de farines étrangères pendant qu'en mai, il en avait été importé 11,778 ; en juin 10,399, toujours seulement d'étrangères.
Il est aussi prouvé que c'est en juillet et août que les farines ont été le plus chères, en août surtout, où l'arrêt de cassation dé l'ordonnance du marquis du Chilleau n'avait encore pu être connu ni aux îles ni à l'Amérique, mais où on avait eu alors le temps de profiter, pour les spéculations sur la fourniture, de facilités et d'avantages que ne présentait point, que n'a jamais présenté le commerce des autres nations, dont aucune ne pouvait fivàlisér avec l'île sur la préférence pour les approvisionnements. Les avantages et lés ressources d'une ordonnance dont on vous a si fort vanté la sagesse ne nous ont pas paru démontrés d'après ces résultats, et votre comité ne pense pas devoir vous engager à faire droit à la demande des députés de l'île.
En effet, il a considéré que s'il est de votre devoir d'assurer invariablement la subsistance de colonies dont les relations avec la métropole, calculées dans des rapports aussi étendus que les bénéfices communs qui en sont les résultats, sont également avantageuses aux îles et à ce royaume, il n'est pas moins de votre justice de conserver à la nation ses avantages et ses bénéfices commerciaux, qui font la base de la prospérité de ses arts, de ses manufactures, et le principe de l'occupation de tous ceux qui y sont employés, dont le travail est le seul patrimoine ;
Que l'ordonnance du marquis du Chilleau, en date du 27 mai, dont les députés de l'île de Saint-Domingue sollicitent provisoirement le ré-tablissement, indépendamment de ce qu'elle ne lui paraît point avoir été nécessitée par les circon-
stances, n'a pas été justifiée par le succès, ce qui même n'aurait pu faire excuser l'atteinte qu'une partie de ses dispositions portait aux lois commerciales du royaume, et dont le commerce national ne manquerait pas de ressentir les funestes effets, par l'annihilation ou du moins le ralentissement du travail dans tous les ports et manufactures du royaume ;
QUe, si le'régime auquel- les colonies Ont été soumises jusqU à cette époque comporte des inconvénients ou des abus, il trouvera sa réformation dans la régénération générale à laquelle elles auront l'avantage de participer avec toutes le provinces françaises, et dont elles ont déjà ressenti les heureux effets par l'admission de leurs députés à l'Assemblée nationale ; mais que Votre prudence doit vous interdire d'autoriser, même provisoirement, un système qui, sans être dicté impérieusement par les circonstances, n'en deviendrait pas moins subversif de tous les anciens principes d'administration, par lesquels il est indispensable que toutes les provinces françaises continuent d'être régies, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait, adopté et fixé les bases générales et uniformes de la constitution; et que le maintien, comme la conséquence dé ces principes, a nécessité la conduite du -ministre et dicté l'arrêt de cassation du 23 juillet ;
Que si, en supprimant votre comité des subsistances, vous avez annoncé l'intention de ne vous livrer à aucun des détails particuliers de cette branche d'administration, vous ne pouvez, sans déroger à vos principes, vous occuper de ceux dans lesquels vous jetterait la demande provisoire des députés de Saint-Domingue ; mars que Vous avez, dans vos décrets généraux, relatifs à cet objet important de la sûreté, delà tranquillité et dé l'existence publiques, statué d'une manière spéciale sur l'approvisionnement des colonies, èt mis autant qu'il était en vous le pouvoir exécutif à même tfv pourvoir, en maintenant l'exécution des dispositions qui y sont relatives; enfin, que tout ce qu'on peut solliciter de vous, et ce qu'on adroit d'attendre de votre justice,, c'est de l'autoriser en outre à employer, par lui ou par ses agents, les moyens que les circonstances pourraient nécessiter, moyens qu'il serait injuste et dangereux de mettre les habitants de l'île dans la nécessité de venir réclamer à dix-huit cents lieues de leur domicile, et qui d'ailleurs, ne pouvant tirer leur efficacité que de la célérité avec laquelle ils doivent être employés dans l'occasion, cesseraient aussi d'être justes, s'ils étaient jamais prolongés au delà du besoin qui en aurait nécessité l'usage.
Voici en conséquence* Messieurs, le décret que nous vous proposons :
L'Assemblée nationale renvoie les députés de Saint-Domingue au pouvoir exécutif, pour qu'en maintenant l'exécution des décrets de l'Assemblée relatifs aux subsistances et particulièrement aux dispositions qui peuvent concourir à l'approvisionnement des colonies, il tienne la main à ce qu'il ne soit apporté aucune opposition aux envois qui pourraient leur être destin nés de la métropole ;
Que le pouvoir exécutif demeure en outre autorisé à prendre par lui, ou par les agents, sur le lieu, toutes les mesures nécessaires et qu'il croirait les plus efficaces, suivant les différentes circonstances, pour, en ménageant autant qu'il sera possible les intérêts du commerce national, assurer invariablement l'approvisionnement de l'île;
Que sur le surplus des demandes des députés de l'île, et en particulier sur les plaintes par eux faites de l'administration du ministre de la marine dans éette occasion, et en ce qui concerne la colonie,, elle déclare qu'il n'y a lieu à délibérer.
Ce rapport de la section des six du comité d'agriculture et de commerce, a été soumis à ce comité complet, dans son assemblée du 5 de ce mois et il l'a adopté à l'unanimité. Cette approbation justifie lés expressions « votre comité » employées quelquefois dans ce rapport.
No I.
eclaircissements
Sur la demande de MM. les députes de Saint-Domingue.
MM. les députés de Saint-Domingue ont adressé, le 30 juillet dernier, au ministre de la marine, plusieurs demandes relatives à cette colonie. Elles ont été mises le 9 août sous les yeux du Roi et de son conseil.
Ils y désiraient spécialement l'introduction, pendant deux ans, dés farines par Vétranqer dans tous les ports d'amirauté, attendu la disette des blés dans Vintérieur du royaume, et la défense d'en porter dans les colonies.
Le Roi et son conseil n'ont pas cru devoir statuer sur cet objet :
1° Parce qu'en cas de disette, il est, pour subvenir aux besoins des colonies, d'autres moyens légaux, usités, plus prompts, et dont l'expérience a prouvé l'efficacité ;
2° Parce que l'admission des navires étrangers dans dix des ports de Saint-Domingue, en favorisant la contrebande, porterait un préjudice considérable au droit dont jouit depuis longtemps le commerce national, et intéresserait essentiellement les rapports de la colonie avec la métropole.
La distance qui nous sépare des îles Sous-le-Vent, le peu de connaissance qu'ont des lois coloniales et du régime de nos possessions éloignées. - beaucoup de personnes, d'ailleurs très-éclairées, exigent que j'entre dans quelques détails sur ces deux considérations qui ont arrêté lé conseil de Sa Majesté.
Plusieurs denrées et divers comestibles peuvent être licitement apportées à Saint-Domingue dans les trois ports d'entrepôt (le Cap, le Port-au-Princè et les Gayes) par les navires venant de l'étranger ; les colons n'ont droit de lui payer ce qu'ils ont acheté de lui, qu'en argent ou en marchandises importées de la métropole, ou par la vente de leurs sirops et tafias.
L'introduction des farines et du porc salé a été réservée aii commerce national, et fait partie du privilège exclusif dont il jouit; il a seul, d'ailleurs,le droit de vendre aux colons toutes les marchandises dont l'importation n'est pas expressément permise, à l'étranger ; et quant à l'exportation (si l'on excepte les sirops et tafias),toutes les productions coloniales doivent lui être livrées, et reversées par lui dans les ports de la métro-, pôle.
Des fléaux imprévus, et la disette qu'ils occasionnent, ont néanmoins plus d'une fois forcé le gouvernement à permettre que les bâtiments étrangers introduisissent dans les ports d'entrepôt plusieurs denrées de première nécessité, et spé-
cialement les espèces de subsistances que les bâtiments français ont habituellement seuls le privilège d'y importer.
Mais jamais une telle permission n'est émanée du Roi ; jamais on ne la lui a demandée. Il serait funeste aux colons eux-mêmes, d'être obligés de venir solliciter dans une autre partie de l'univers, le remède (iu'exigent des maux urgents. Il leur importe que le pouvoir d'appeler les secours indispensables réside au sein de la colonie même ; les lois y ont pourvu. Le gouverneur général et l'intendant ont droit de rendre conjointement, sur cet objet, des ordonnances provisoires, et d'autoriser les bâtiments étrangers à verser dans les ports d'entrepôt des farines ou d'autres denrées que la circonstance rend nécessaires.
Ce n'est assurément que sur les lieux qu'on peut connaître la nature et l'étendue des besoins d'une colonie. MM. les députés de Saint-Domingue semblent en avoir eux-mêmes fourni l'exemple, et avoir démontré la vérité de cette réflexion : car, en sollicitant le 30 juillet une innovation aussi importante, ils n'ont invoqué aucune circonstance locale, ils n'ont présenté au conseil du Roi aucune preuve, je dirai même aucune pièce tendant à faire croire que les farines fussent à cette époque rares à Saint-Domingue, ou que la sécheresse et le peu d'abondance des vivres du pays dussent rendre la consommation de ce genre de comestible plus considérable. Ce déficit de preuves ne doit point étonner. Il est évident qu'on ne peut jamais constater l'état actuel d'un pays dont on est séparé par 1,500 lieues de distance.
Le roi a donc dû laisser à cet égard, comme il a été pratiqué de tout temps, les administrateurs user de leurs pouvoirs légaux, pour autoriser provisoirement l'introduction des farines étrangères dans les ports d'entrepôt, si le besoin le requérait, et s'en reposer d'ailleurs sur leur humanité et sur leur vigilance.
Il convient de faire observer, relativement à ces ports d'entrepôt, la forme très-singulière des possessions qu'ont acquises les Français dans l'île Saint-Domingue. La lisière que nous cultivons est telle, qu'il se trouve peu d'habitations (si l'on en excepte le petit quartier de Mirebalais), éloignées de plus de 5 ou 6 lieues du rivage ; les mers sont presque toujours belles entre les tropiques ; le cabotage porte facilement les subsistances partout où le besoin les appelle ; et l'expérience a prouvé qu'aucune famine n'est véritablement à craindre dans la colonie, lorsque les trois ports d'entrepôt, séparés à peu près par d'égales distances, se trouvent approvisionnés.
Cette considération rendait peu nécessaire ou au moins peu urgente la permission demandée au Roi par MM. les députés de Saint-Domingue, d'ouvrir à l'étranger les dix ports d'amirauté, et d'être autorisés, pour solder l'achat des farines Ïui leur seront apportées, à faire passer chez 'autres nations toutes les productions de la colonie. Une telle faculté entraînerait d'ailleurs des conséquences de la plus haute importance, et priverait aussitôt le commerce national de pres- aue tous les avantages qui lui ont été accordés. est en effet aisé de prévoir qu'on ne pourrait établir dans une aussi grande quantité de lieux une surveillance assez exacte (1), pour prévenir
les fraudes du commerce interlope, et empêcher le versement des marchandises manufacturées par les nations rivales de notre industrie.
Un exposé rapide, mais exact du commerce de la métropole, avec Saint-Domingue pendant l'an née 1787 (car les états de 1788 ne sont pas encore parvenus) fera sentir combien influerait sur les bénéfices habituels de la France l'innovation demandée au conseil du Roi, et qu'on lui proposait même d'établir sans preuve, sans examen, sans avoir appelé et écouté les parties intéressées à s'y opposer.
Il a été importé, en la dernière année, des ports du royaume dans ceux de Saint-Domingue, des denrées valant 51,8031000 livres ; la traite des nègres par le commerce national y a produit aux armateurs français 41,912,000 livres; et les retours des denrées de cette île dans les ports de la métropole ont été évalués à 139,753,000 livres.
Il n'est point fait évaluation dans ce calcul des droits de fret et de commission, de l'avantage qu'à retiré la navigation française de 500 navires à peu près expédiés en 1787 pour Saint-Domingue, de la quantité de matelots qui ont dû leur subsistance a l'étendue et à l'activité de ce commerce, des avantages qui en résultent pour les manufàctures établies dans nos diverses provinces, du numéraire que fait affluer dans le royaume la revente à l'étranger de l'exeédant considérable en denrées coloniales que nous ne pouvons nous-mêmes consommer.
C'est à l'Assemblée nationale à peser dans sa sagesse les réflexions importantes que peut occasionner ce court résumé : je resterai impartial et muet sur le fond d'une aussi grande question. Mon intention n'est point de discuter s'il conviendra de maintenir, de restreindre ou d'abroger les droits dont a joui jusqu'à ce jour le commerce national : je me borne à les exposer et à en constater les résultats.
Mais si ces résultats prouvent qu'un objet aussi intéressant, soit pour la métropole, soit pour ses possessions éloignées, mérite toute l'attention de l'Assemblée nationale, s'il a été facile de prévoir qu'elle s'en occuperàit tôt ou tard, le conseil du Roi n'a-t-il pas dû lui en réserver la connaissance et renvoyer à se pourvoir devant elle MM. les députés de Saint-Domingue ? C'est à quoi il s'est borné (1) ; on présentait au Roi un genre
de demande sur lequel il n'avait jamais été d'usage qu'il fut statué en Europe. C'étaitau moment où une récolte abondante commençait à entrer dans les greniers de la France, qu'on proposait l'introduction des farines étrangères à Saint-Domingue ; on sollicitait à une telle époque, et sous prétexte d'une disette future, l'admission pendant deux ans entiers des navires de toutes les nations dans tous les ports d'amirauté de la plus riche de nos colonies.
Cette courte discussion doit suffire pour établir les principes et assigner les motifs qui ont déterminé le conseil de Sa Majesté : mais on peut désirer encore quelques éclaircissements ultérieurs sur les faits dont je n'ai point parlé jusqu'ici; je vais les énoncer succinctement, et suis prêt à produire toutes les lettres ou pièces nécessaires à l'appui de mes assertions.
On a dû sentir combien il importe que les moyens d'obvier aux maux urgents, que le pouvoir de prévenir ou de réparer les effets des fléaux trop communs dans nos possessions éloignées, résident au milieu d'elles. Ce pouvoir provisoire a été confié aux administrateurs par les lois coloniales, et par leurs instructions ; il est indispensable qu'ils en restent dépositaires jusqu'à ce qu'il y soit suppléé. J'ai donc, avant tout, à examiner comment ils l'ont exercé depuis le commencement de cette année, et à exposer les mesures qui ont été prises par eux pour prévenir la disette dans nos colonies. _
L'introduction des farines étrangères est autorisée à Saint-Domingue depuis le 1erer avril, et la permission accordée doit finir au 1er octobre prochain.
Le gouverneur général et l'intendant de la Martinique y ont ouvert le port d'entrepôt depuis le 11 mai jusqu'au 15 octobre.
Les administrateurs de la Guadeloupe ont annoncé qu'ils seraient bientôt obligés de suivre l'exemple donné par l'île voisine.
Le Roi a approuvé, quant au fond, toutes les ordonnances rendues à cet effet par les administrateurs, parce qu'eux seuls peuvent véritablement être bons juges du besoin présent des colonies ; et qu'ils ont plus que qui que ce soit les moyens d'en prévoir les besoins futurs. On leur a même annoncé qu'ils ne devaient pas hésiter à prolonger l'effet des permissions accordées, si les circonstances leur paraissaient le requérir. De pareilles dépêches ont été adressées dans nos colonies occidentales.
Mais quelques administrateurs ayant excédé l'étendue de leurs pouvoirs, soit en ouvrant à l'étranger les ports d'amirauté et en lui accordant l'achat des productions coloniales, soit en
diminuant les droits qu'il doit payer pour l'introduction de la morue et du poisson salé, droits qui favorisent et assurent la vente de la morue de pêche nationale, le Roi, en confirmant le reste de l'ordonnance, a cassé, par des arrêts du conseil, ces dispositions vicieuses, ou a enjoint aux administrateurs de les réformer eux-mêmes.
Les faits dont il me reste à parler exigeront que je discute brièvement deux points, sur lesquels je me permettrai d'exposer mon opinion privée et de présenter des considérations qui m'ont frappé.
1° Le 12 mars de cette année, j'ai écrit aux chambres de commerce des trois villes maritimes (Bordeaux, Nantes et le Havre), qui importent le plus de farines dans les colonies françaises, et je leur ai renouvelé récemment encore mes instances, pour les déterminer à faire connaître d'avance aux administrateurs de chaque colonie, les envois de farines qui doivent y être faits dans les mois suivants.
Je crois que les négociants qui répugnent à donner connaissance de leurs spéculations sur cet objet de première nécessité entendent mal leurs véritables intérêts. Ce n'est pas moins pour leur propre avantage que pour celui des colonies qu'on les a invités à annoncer la quantité de fa-riqes qui doit y passer. Le commerce risque, par son silence, ,que les administrateurs obligés avant tout de pourvoir à la subsistance des colons, et ignorant quels secours doivent leur parvenir, ouvrent subitement les ports d'entrepôt; alors l'introduction de la farine étrangère, et la concurrence de la farine nationale, qui arrive inopinément, faisant baisser rapidement le prix de -cette denrée, doit occasionner aux commerçants français eux-mêmes, des pertes considérables; pertes qu'ils n'auraient point éprouvées si la colonie eût été prévenue des envois qui devaient y être faits.
2° Il sort annuellement beaucoup plus de farines pour nos colonies, du port de Bordeaux seul, que de tous les autres ports du royaume pris ensemble. Le parlement de cette ville a défendu l'exportation de cette denrée, par un arrêt en-date du 30 avril. Les circonstances et la terreur du peuple ne permettaient pas que le conseil du Roi cassât cet arrêt. J'écrivis au magistrat qui présidait le parlement de Guyenne, et je pressai la chambre de commerce de demander, de son côté, la sortie des farines et biscuit destinés, soit pour l'approvisionnement des colonies, soit pour la subsistance des marins qui y sont stationnés.
Il est de mon devoir de représenter qu'aussi longtemps qu'on laissera au commerce national le droit d'importer seul ces comestibles dans les colonies françaises, il convient, quelle que soit la disette dans l'intérieur du royaume, de permettre qu'elles en tirent ce qui est nécessaire à leurs besoins, de défendre au moins qu'elles en soient, subitement privées. La quantité qu'elles demandent annuellement, est très-peu considérable, eu égard à leur population, même en y comprenant les esclaves. Elle n'est presque rien relativement à la consommation duroyaume.il est certain que, pendant les cinq années 1784,1785, 1786, 1787 et 1788, il n'a été importé licitement dans nos colonies occidentales que les farines nationales. Il est également certain qu'en 1787, cette importation, quoique beaucoup plus forte que dans aucune des quatre autres années, n'a monté cependant qu'à. 270,441 barils, contenant chacun 180 livres. C'est évaluer fort bas la quantité de
farine nécessaire pour la nourriture d'un homme adulte en France, qué de la fixer à 450 livres (1) par an. Le royaume, obligé d'alimenter environ 25 millions d'habitants, s'apercevra-t-il, même dans un moment de disette, qu'il fournit de plus, par delà les mers, à des Français, une masse de farine si modique, qu'elle ne suffirait pas, en Europe, à la consommation de 95,000 humains î On peut penser à cet égard autrement que moi ; mais, quelle que soit la règle qu'on établira, il est juste, il est politique d'en rendre l'exécution tellèjnenl certaine qu'aucun événement n'y puisse faire porter atteinte. Des possessions aussi éloignées de tous les pays où croît le blé sont fondées à demander qu'on lès garantisse du péril de se voir subitement enlever les moyens de subsistance qu'on leur aura assignés. La métropole, si elle n'assure pas l'extraction toujours libre des farines nationales à ses colonies, leur donne droit d'obtenir l'admission constante des farines étrangères, au moins dans leurs ports d'entrepôt, quoiqu'il soit vrai que ces dernières, par leur bas prix, en excluront aussitôt les farines de France, quoique la faculté d'acheter ce genre d'approvisionnement à l'étranger, doive entraîner, par la suite, celle de lui donner en payement quelques productions coloniales.
Tels sont les éclaircissements que j'ai à donner sur tout ce qui m'est connu, c'est-à-dire ;: l°sur la demande que m'ont adressée MM. les députés de Saint-Domingue le 30 juillet; sur la décision rendue par le Roi en son conseil le 9 août, et sur les motifs qui l'ont déterminée ; 2° sûr les mesures prises par les administrateurs de chaque colonie pour y prévenir la disette ; 3° sur ma correspondance avec eux et avec les chambres de commerce du royaume-
Je ne puis prévoir si d'autres renseignements seront désirés, ignorant encore quels moyens MM. les députés emploieront pour appuyer la demande qu'ils ont faite à l'Assemblée nationale, et quelles seront les objections du commerce de France.
On doit néanmoins présumer que l'une des parties intéressées, et peut-être toutes deux voudront qu'il soit discuté à quel prix les farines ont été vendues dans nos colonies, et spécialement à Saint-Domingue, depuis le mois de janvier dernier ; qu'on vérifie ce qu'elles y coûtaient à l'époque la plus récente, la valeur de la denrée étant l'un des indices les plus certains de son abondance où de sa rareté.
Il paraît que depuis le commencement de l'année, le prix de la farine à Saint-Domingue n'a été ni bas ni excessif.
La cherté ne m'en a été annoncée par aucune des lettres que . j'ai reçues de la colonie ; aucun des particuliers qui en sont revenus, et que j'ai consultés, ne m'a porté plainte à cet égard.
A la preuve assez forte qui résulte de ce silence universel, se joint le témoignage des gazettes. Il ne m'en est point (jusqu'à ce jour, 14 septembre) parvenu de postérieures à celles du Gap, en date du 27 juin dernier; elles attestént qu'à cette époque, le prix de la plus belle farine V était de 66 livres 13 sols 8 deniers, argent de France, et le prix moyen de la farine commune de 40 livres le baril; ce qui fixe la valeur d'une livre de farine de la première espèce à 7 sols 4 deniers 41/40 et de la seconde à 4 sols 5 deniers 1/3: ces deux farines sont de pur froment. On n'en importé point d'autres dans les colonies; mais on désigne par farine commune celle qu'introduisent lès Américains, et qui se conserve moins longtemps que la farine de minot, connue aussi sous le nom de farine de Moissac. On suppute communément qu'une livre de farine convertie en pain, fournit une livre et demie de cet aliment.
11 est dû foi aux gazettes sur la valeur qu'elles assignent aux denrées importées dans la colonie; je veux dire qu'on peut être certain que jamais elles n'indiquent un prix inférieur à celui du commerce; car la notice de la valeur momentanée qu'a chacune de ces denrées, est fournie aux rédacteurs de la gazette par les commerçants, c'est-à-dire, par les vendeurs. Ils ont un intérêt évident et constant à persuader au public acheteur, qu'on a droit de lui vendre plus cher tous ses besoins. Pendant que j'étais gouverneur général de Saint-Domingue, les administrateurs ont eu quelquefois des reproches à faire et aux négociants et aux journalistes sur des exagérations de ce genre; le prix commun du commerce est d'ailleurs fixé par les ventes aux colons qui achètent presque toujours à crédit èt ne payent qu'à longs termes : ce délai de payement influe beaucoup sur la quotité du prix, surtout dans un pays où les fonds produisent aisément un revenu plus considérable qu'en France. Tout coûterait infiniment moins à qui solderait en argent comptant ; et c'est peut-être le prix qu'on exigerait de lui dans cette supposition, qui doit être regardé comme le prix réel de la denrée.
J'ai cru devoir présenter ces dernières considérations, parce qu'elles dérivent d'usages locaux qu'on connaît peu en France, et qu'elles fournissent un moyen aisé de vérification. On peut en effet appeler les gazettes américaines à témoin, et être sûr qu'elles sont rarement infidèles, mais que jamais la valeur des denrées venues de la métropole ou de l'étranger n'y est déprimée.
Versailles, ce 14 septembre 1789.
La Luzerne.
N° 1 bis.
Etat des farines exportées des ports de France aux îles de l'Amérique pendant Vannée 1787.
Extrait des états envoyés par les commissaires des ports.
Barils.
A Saint-Domingue............ ........199,236
Aux îles du Vent et Cayenne.......... 71,205
Total..........270,441
Extrait dos comptes de la balance du commerce.
Barils.
A Saint-Domingue.................... 170,162
Aux îles du Vent et Cayenne.......... 66,825
Total.......... 236,987
Extrait des états d'importation envoyés par les intendants des colonies.
Barils.
A Saint-Domingue..............,..,. 151,411
Aux îles du Vent et de Cayenne....... 59,053
Total.,...,..,. 210,464
Certifié véritable : LA LUZERNE.
N° 1 ter.
Etat des farines exportées des ports de France à Saint-Domingue, pendant les années 1784, 1785, 1786, 1787 çt 1788, tiré des états envoyés par les ports de France.
Barils.
1784 j De Bordeaux.... Autres ports..... .. 96,195 ) 10,963 107,158
1785 ( De Bordeaux.... Autres ports.... .. 131,157) 19,029 150,186
1786 ( De Bordeaux.... Autres ports.... .. 16,261) 151,047
1787 ( De Bordeaux.... Autres ports.... .. 168,081 ) .. 31,155 1 199,236
1788 ( De Bordeaux.... Autres ports.... 14,194 ) 142,388
Total des cinq ans..., 750,015
Année commune. 150,003
Tous les calculs ont été faits d'après ces états où l'évaluation de la quantité de farines portées annuellement à Saint-DomiDgue et aux îles du Vent, est plus fprte que dans ceux donnés par le bureau de la balance du commerce, et dans ceux qui sont extraits des déclarations faites lors du débarquement dans les colonies
Certifié véritable :La LUZERNE.
N° II.
réflexions
Sur les deux états ou tableaux joints à la lettre de M. le marquis du Chilleau, en date du
Le premier état sommaire désignant la quantité des farines importées par les capitaines des différents navires d'Europe, pendant les six premiers mois de 1788, et pendant les six premiers de 1789, donne d'abord lieu à une réflexion très-frappante, et qui rend nécessairement cet état suspect. Le receveur de l'octroi au Port-au-Prince assure qu'il est entré dans ce port pendant les six premiers mois de 1788: 36,770 barils de farine, mais en cette année il n'a pu être importé que de la farine de France. S'il en fût entré d'étrangère, c'eût été illicitement, secrètement, en petite quantité. On se serait d'ailleurs bien gardé d'en donner connaissance et d'en faire déclaration.
Or, les états des farines exportées cette année dés ports de France à Saint-Domingue, prouvent qu'il n'est entré dans toute la colonie pendant l'année dernière de 1788, que 142,388 barils de cette denrée.
Il paraît très-invraisemblable que sur cette quantité il en ait été introduit 36,770 barils pendant six mois dans un seul des dix ports où il y a des receveurs d'octrois.
Car la même proportion induirait à croire que le Port-au-Prince en aurait reçu pendant les douze mois de 1788, 73,540 barils, c'est-à-dire plus que tous les autres ports de la colonie pris ensemble.
Une telle conséquence est absurde, et rend très-sùspect le certificat donné par le receveur de l'octroi.
Sur le second tableau des farines françaises et étrangères importées à Saint-Domingue depuis le premier avril 1789, et celles qui y existaient aux époques des procès-verbaux qui le constatent, fournis à M. le marquis du Chilleau (1), à son départ pour la France, il est plusieurs remarques intéressantes à faire.
1° En supposant l'état parfaitement exact, et qu'il soit entré pendant ces trois mois 34,430 barils de farine, j'observerai que cette quantité est moindre, mais ne diffère que peu de celle que reçoit communément Saint-Domingue pendant chaque trimestFe.
Par un relevé fait sur les -cinq années de paix 1784, 1785,1786,1787 et 1788, l'importation annuelle des farines dans cette colonie est, par un calcul moyen, de 150,003 barils; il n'en a même été introduit, en 1788, que 142,388 barils.
Il a donc été importé pendant chacun des quatre trimestres de l'année dernière pris l'un dans l'autre, 35,597 barils, et on doit regarder l'importation commune par trimestre, comme devant être de 37,500 barils. Cette quantité ne donne pas un onzième de différence,étant comparée à 34,430 barils de farine importés pendant le second trimestre de 1789-
Mais dans le même état, à la colonne Observations, on assure des faits, on présente des évaluations qui paraissent incroyables.
Si le Cap consommait par jour 120 barils de farine, si le Port-au-Prince supposé en fournir à une autre juridiction, en consommait 300, il résulterait que trois juridictions seules consommeraient par an 153,300 barils de farine, c'est-à-dire plus qu'il n'en est entré communément pour la subsistance de la colonie entière, en comparant toutes les années depuis la paix.
Comment vivraient sept autres juridictions? Est-il croyable qu'elles se passent de farine, que personne n'y mange de pain?
Mon devoir ne me permet pas de dissimuler combien les assertions que présente cet état me paraissent étranges, ainsi que les calculs qui en dérivent.
11 est fort à craindre qu'on ait induit en erreur M. le marquis du Ghilleau sur cet objet important; qu'il n'ait pas reconnu l'inexactitude évidente des états qu'on lui a donnés et qu'il m'a transmis. Il n'a point passé sept mois dans la colonie ; il y a eu des démêlés très-vifs avec l'intendant; il attribue à ces débats son rappel (1), quoiqu'ils n'en soient cause en aucune manière.
Toutes les lois coloniales et ses instructions l'obligeaient de ne rien faire en matière de commerce étranger et de haute police, sans le concours du co-administrateur. C'est toujours (2) conjointement que les deux administrateurs (lorsqu'on craint la disette d'une denrée) font faire les procès-verbaux de visite, les recherches, demandent les avis des colons et des commerçants. Il importe que dans les différents lieux de la colonie, ce soin soit confié par eux au représentant du gouverneur général, et à celui de l'intendant (3) qui doivent aussi y procéder ensemble.
Plus il y avait d'animosité personnelle, et à raison même de ce que l'intendant n'avait pas cru l'introduction des farines étrangères aussi nécessaire qu'elle l'avait paru au gouverneur général, celui-ci devait se regarder comme encore plus astreint d'appeler son collègue à témoin de toutes les recherches et vérifications qu'il n'était, en aucun cas, autorisé à faire sans lui. On n'aurait pas présenté à un magistrat qui administre la colonie depuis quatre ans, des états aussi invraisemblables; il aurait reconnu l'erreur, si elle existe; il l'aurait fait corriger, ou aurait transmis ses observations en France. Je n'ai aucune lettre de lui à ce sujet. Lui a-t-on fait part des recherches ou des résultats? Lui en a-t-on soustrait la connaissance, quoiqu'elle lui appartînt de droit ? Il m'est impossible de rien assurer à cet égard. Je n'entends point m'écarter de l'impartialité exacte que j'ai toujours observée entre ces deux administrateurs divisés ; mais, en matière aussi importante, mon devoir est d'exposer ce que je sais, ce que j'ignore, mes doutes, et les motifs sur lesquels ils sont fondés.
Enfin, deux autres soupçons graves s'élèvent sur ce second tableau, relativement à l'importation des farines nationales.
1° II y est annoncé qu'il n'en est entré au Cap, en avril, mai et juin, que 1,480 barils.
Mais l'extrait des registres de la chambre d'agriculture du Cap, du 2 juillet 1789, assure que du 7 avril au 22 mai, il est entré 7,371 barils de farine française, et explique que tel est le résultat des recherches faites au greffe de l'amirauté de cette ville; en sorte qu'il n'est point fait mention de ce qui en a été introduit par les neuf autres ports d'amirauté.
2° Comment est-il possible qtfen avril, mai et juin, il ne soit entré dans toute la colonie de Saint-Domingue, que 7,332 barils de farine venant de nos ports, tandis que par les déclarations faites dans ces mêmes ports, il en est sorti pour nos colonies occidentales, en février, mars et avril, 24,518 barils, et que Saint-Domingue reçoit constamment plus des deux tiers de ce qui est envoyé auxdites colonies ?
Pour prouver ceci jusqu'à l'évidence, je joins l'état: 1° des farines envoyées des ports de France pendant chacun des six premiers mois de 1789, a toutes les Iles du. Vent et Sous-le-Vent ; 2° de la quantité de ces mêmes farines qui a été adressée directement à Saint-Domingue. Il est à remarquer que la colonie a dû en recevoir plus que ladite quantité, car plusieurs des navires qui se déclarent expédiés pour la Martinique ou pour la Guadeloupe, après y avoir fait escale, portent le reste de leurs cargaisons à Saint-Domingue : mais aucuû de ceux qui touchent d'abord à Saint-Domingue, ne remonte aux îles du Vent, à raison de la difficulté et de la longueur de cette navigation.
Versailles, le
Signé : La LUZERNE,
N° II bis.
ëtat des farines exportées des ports du royaume pendant chacun des six premiers mois de 1789, d'après les déclarations faites dans lesdits ports.
Pour toutes les colonies occidentales.
Pour Saint-Domingue directement.
Barils. Barils.
( Janvier 6,999 5,499
Total du lep trimestre, 20,510 j Février 7,359 5,871
Mars....... 6,152 4,604
( Avril...... . 11,007 9,782
Total du 2e trimestre, 25,541 J 5,332 4,189
Juin...... . 9,202 4,896
Total général pour les six mois. . 46,041 34,841
Pour copie certifiée véritable :La Luzerne.
N° III.
Saint-Domingue. — Lettre commune. — Introduction de farines pendant les mois d'avril, mai, juin et juillet derniers. — Primata, n° 11.
Au Port-au-Prince, le
Monseigneur, nous avons l'honneur de vous adresser l'état des farines importées dans différents poris de cette colonie, pendant les mois d'avril, mai, juin et juillet derniers. Vous verrez que pendant ces 4 mois il y a eu 54,348 barils de farine ^importés, dont 24,677 de farine française, et 29,671 de farine étrangère. Les Etats-Unis auraient pu seuls nous en fournir une bien plus grande quantité, si les armateurs de celte colonie et les Américains eussent pu respectivement connaître les besoins de la colonie, et s'ils n'avaient craint une concurrence nuisible à leurs intérêts. 11 est remarquable que ces importations non
combinées, non concertées entre les Français du royaume et les Américains, ont donné, à peu de chose près, la quantité nécessaire pour la consommation de la colonie pendant 4 mois. Mais elle a été répartie inégalement, et il y a eu de la perte pour les armateurs dans quelques circonstances, à la suite d'une importation démesurée; tandis qu'il y a eu dans d'autres moments, du même espace de temps, une cherté excessive. Cette cherté a été le plus constamment l'état des choses; et, même en ce moment, la farine est toujours excessivement chère.
Nous sommes avec respect, Monseigneur,
Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs.
Signé: Le comte de Peinier et de Marbois.
Pbur copie certifiée véritable : La Luzern.
Saint-Domingue.
IV.
Année 1789. BUREAU DE LA NAVIGATION.
1ÉTAT des farines importées de France et de Vétranger dans différents ports de cette colonie, pendant les mois d'avril, mai, juin et juillet derniers.
AVRIL. MAI. JUIN. JUILLET.
noms des ports. barils de farine Totaux. noms des ports. barils de farine Totaux. noms des ports. barils de farine totatx. noms des ports. barils de farine Totaux.
Française. Etrangère. Française. f Etrangère. Française. Etrangère. Française. Étrangère.
Le Cap........ Saint-Marc..... 2.342 830 1.708 1.144 3.489 830 2.850 200 1.196 Le Cap........ Saint-Marc..... 5.783 120 2.223 500 60 400 8.533 2.180* 14.316 100 4.403 500 1.125 400 Le Cap........ 3.430 4.520 7.950 Saint-Marc..... Port-au-Prince. Jérémie....... 753 550 4.915 3.638 4.391 550 5.215
Port-au-Prince.. Jérémie........ 1.142 200 700 Port-au-Prince.. Jérémie..1...... Les Caves...... Port-au-Prince.. 62 4.157 800 922 4.219 800 922 300
Les Caves.. • •.. 496 1.065 Les Caves..... 170 200 170 125
Jacmel.... Jacmel......... Jacmel 525
5.376 3.186 8.562 9.066 11.778 20.844 3.492 10.399 13.891 6.743 4.308 11.051
RÉCAPITULATION. SOMMAIRE.
noms des mois. barils de farine Totaux. noms des ports. barils de farine Totaux.
Française. Étrangère. Française. Étrangère.
Avril.......................................................... 5.376 9.066 3.492 6.743 3.186 11.778 10.399 4.308 8.562 20.844 13.891 11.051 12.308 1.480 8.908 500 556 925 17.835 7.779'' 1.000 2.857 200 30.143 1.480 16.687 1.500 3.413 1.125
Juillet...................................................
Vu par nous, Gouverneur général et Intendant de Saint-Domingue, Signé : de Marbois.
24.677 29.671 54.348 zerne.
Pour copie certifiée véritable : La Li 0 24.677 29.671 54.348
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N° V,
Lettre de M. le comte de La Luzerne à M. de la Jacqueminière.
Paris, le
Je viens de recevoir, Monsieur, le duplicata d'une lettre que m'ont écrite, le 15 août, M de Vincent, commandant par intérim, à Saint-Domingue, et M. de Marbois. intendant.
Ces administrateurs m'annoncent qu'ils ont rendu une ordonnance pour permettre dans la colonie confiée à leurs soins, l'introduction de farines et biscuits étrangers par les 3 ports d'entrepôt, seulement pendant le mois d'octobre et pendant celui de novembre.
Ils m'ajoutent qu'ils Ont pris sur eux d'autoriser les colons à payer ces subsistances à l'étranger, éri lui donnant en échange des sucres et des cafés.
Mais ils ont expressément défendu qu'on lui livrât du coton et de l'indigo, denrées précieuse^ pour nos manufactures, et dont la valeur décuple pour le moins lorsqu'elles ont été employées.
Dans les fcirconstances actuelles, ces mesures me paraissent sages; les administrateurs ne les ont prises qu'après avoir fait faire des recherches exactes et avoir consulté la Chambre de commerce du Gap.
Je, crois, d'ailleurs, qu'il serait très-délicat de ne pas s'en rapporter entièrement à eux, comme il a toujours été pratiqué, parce qu'ils peuvent seuls connaître les besoins présents et prévoir les besoins futurs d'une colonie dont nous : sommes séparés par une distance de 1,800 lieues.
Des lettres postérieures, en date du 24 et du 28 août, m'ont appris qu'il a été introduit, pendant les 4 mois d'avril, mai, juin et juillet, 54,348 barils de farines nationales ou étrangères, c'est-à-dire, plus qu'il n'en entré ordinairement dans le même espace de temps, et qu'il en restait 10,000 barils chez les divers négociants de là ville du Cap.
On peut donc induire de ces diverses lettres qu'il n'y a point eu disette réelle de farines à Saint-Domingue, mais que le prix de cette denrée s'y est élevé quelquefois jusqu'à moitié en sus de sa valeur moyenne. La cherté momentanée de ce genre de subsistances ne doit point surprendre, puisqu'elle est proportionnellement beaucoup plus grande dans le royaume, et que la quantité considérable de blés que l'Europe a tirée de l'Amérique septentrionale, a dû pareillement en faire monter le prix dans cette autre partie de l'univers.
Les administrateurs ont de plus fait publier et réimprimer les règlements anciens, qui obligent les habitants à mettre en vivres et à cultiver une portion de leur terrain pour la subsistance de leurs esclaves. Des visites exactes ont été irescrites pour tenir la main à l'exécution des ois; précautions qui, dans la circonstance présente, me paraissent infiniment sages.
Il m'a paru utile, Monsieur, d'instruire le comité dont vous êtes membre, de ces détails; daignez les lui communiquer : je ne^puis vous envoyer l'ordonnance même rendue le 15 août par les administrateurs, parce que je ne l'ai pas reçue. Elle ne s'est point trouvée jointe à leur lettre, quoiqu'ils me l'eussent annoncée, mais
elle le 'sera probablement au primata qui ne m'est pas encore parvenu. J'ai l'honneur d'être, etc.
Pour copie certifiée véritable,:
La Jacqueminière.
PRÉCIS REMIS
M. le marquis de Gouy d'Arsy aux commissaires auxquels l'Assemblée nationale à renvoyé Vexamen de la demande faite par les représentants de la colonie pour obtenir provisoirement la liberté de se procurer dès farines dont elle manque absolument.
La demande faitë par les députés de Saint-Domingue , leur requête présentée, il y a trois semaines, pour avoif provisoirement du pain, est si simple, si juste, que les motions imprimées de M. le comte de Reynaud, celles de M. le chevalier de Gocherel, et la réplique verbale faite dans l'Assemblée nationale par M. le marquis de Gouy d'Arsy aux objections des oppo-santsr èussënt suffi, sans doute, pour éclairer MM-.-les commissaires. Cependant le provisoire demandé est d'une telle importance pour le salut de la colonie, que l'un de ses représentants croit devoir en rappeler l'évidence à messieurs du comité, par les observations suivantes :
Quels sont les besoins de Saint-Domingue?.
Quelle est sa consommation annuelle ?
Quelles importations en. farines à-t-elle reçu cette année?
Quel est l'état actuel de ses magasins ?
De courtes réponses à ces quatre questions ne doivent pas laisser le moindre doute sur la position de la colonie.
première question. Quel sont les besoins de Saint-Domingue?
Le vœu de la colonie est, depuis longtemps, d'adoucir, le sort des nègres en les faisant participer à unè nourriture saine et fortifiante, que le haut prix des farines françaises nous a empêchés de leur donner juSqu'ici. Il est douteux que nous puissions bientôt voir s'accomplir entièrement les désirs de notre humanité; mais au moins est-il indispensable que nous prémunissions une bonne fois nos ateliers contre les horreurs de . la sécheresse ët du besoin. Le seul moyen d'y parvenir serait de se procurer, chaque année, un baril de farine par tête de nègre, ce qui porterait ce seul article d'importation à près de 400,000 barils.,
Si l'qn ajoutait à cette consommation Celle qui se fait annuellement sur la table des blancs, il nous faudrait encore 150,000 barils.
D'où résulte que les besoins de Saint-Domingue, supposé dans une abondance désirable, s'élèveraient a 550,000 barils de farine par années
seconde question. Quelle est la consommation actuelle?
Des relevés faits avec exactitude dans les bureaux de la marine ont démontré évidemment que le commerce de la France ne porte, année commune, à Saint-Domingue que 150,000 barils
de farine.'Cette quantité n'est bien juste que celle qui est indispensablement nécessaire à la consommation particulière des blancs, et des hôpitaux qu'ils entretiennent.
D'où résulte que la consommation annuelle s'élève actuellement à 12,500 barils par mois, ou à 37,500 barils par trimestre.
TROISIÈME QUESTION. Quelles importations en farines la colonie a-t-elle reçu cette année ?
Les désastres qu'éprouva en France la récolte de l'année dernière n'avaient pas permis au commerce de porter beaucoup de farines à Saint-Domingue, et l'on avait été loin de pouvoir faire des eminagasinemenis dans les six derniers mois de l'année 1788 ; on vivait donc au jour le jour, et déjà les trois premiers mois de 1789 se passèrent dans des anxiétés douloureuses.
A l'époque du 31 mars, Saint-Domingue se trouvant dans le plus pressant besoin, M. le marquis du Ghilleau, en se conformant à l'arrêt du conseil du 30 août 1784, rendit une ordonnance qui ouvrait pour trois mois aux biscuits et farines étrangers les trois ports d'entrepôt, avec défense aux armateurs étrangers de se charger en retour des denrées coloniales.
Lorsque cette ordonnance fut promulguée, le 7 avril, nous étions déjà dans une disette effrayante : nos magasins étaient vides et nos besoins urgents.
Or, pour satisfaire à ces besoins urgents pendants les trois mois d'avril, mai et juin, il fallait encore 37,500 barils de farine.
Eh bien, Messieurs, le commerce de France nous en a apporté 7,332, c'est-à-dire la cinquième partie de ce qu'il nous fallait. Quelle eût été l'horreur de notre position, si les Etats-Unis ne fussent venus à notre secours? Ils nous apportèrent, dans ce même trimestre, 27,098 barils ; de manière qu'avec ce secours, la colonie m reçut en tout 34,430 ; mais il lui en fallait 37.500.
D'où résulte d'abord, qu'il nous a MANQUÉ 3,070 barils, c'est-à-dire que l'on a été SEPT JOURS SANS PAIN, ou que l'on a été réduit à la dure extrémité de réduire les rations d'un quart pendant le dernier mois.
Si nous considérons la consommation particulière de la partie du Port-au-Prince, nous reconnaîtrons, par les états authentiques apportés par le gouverneur, et par les procès-verbaux qui sont entre les mains du ministre, que cette consommation s'élève, par jour, à 300 barils de farine; ce qui équivaut à 9,000 barils par mois, ou à 54,000 barils par semestre.
Eh bien, Messieurs, le commerce de France qui. an lieu de 54,000 barils de farine, ne nous en avait fourni que 36,770 pendant les six premiers mois 1788, ne nous en a apporté; pendant les six premiers mois d"e 1789, que 9,126, c'est-à-dire le quart de ce que nous avions reçu l'année dernière, et le sixième de ce dont nous avions strictement besoin.
Le département du Cap n'a pas été mieux traité, et relui des Cayes est encore plus délaissé.
D'où résulte, en second lieu, que les commerçants français ont laissé manquer absolument la colonie pendant 5 mois entiers.
quatrième question. Quel est l'état actuel des magasins de la colonie ?
Par les différents états légalisés, apportés par M. le marquis du Ghilleau, et remis par lui au ministre, il constate :
1° Que la partie du Port- au-Prince n'avait plus, au 7 juillet dernier, en farines, tant françaises qu'étrangères, que pour onze jours de subsistance;
2° Que la partie du Gap n'avait plus, au 17 de juin, que pour six jours de subsistance;
3° Que la partie des Gayes n'avait plus, au 1er juillet, que
quatre barils de farine en tout.
D'où résulte, sans réplique : 1° que le commerce de France n'a pas, à beaucoup près, alimenté la colonie dans ses plus stricts besoins; 2° que les secours étrangers, appelés par l'ordonnance du 31 mars 1787, ont été eux-memes insuffisants pour notre consommation ordinaire.
Ces quatre conclusions, et la dernière surtout, deviennent un argument irrésistible en faveur de notre demande.
En effet, puisqu'il est démontré que le commerce français nous a laissés dans le plus triste de tous les embarras, puisqu'il est démontré que le secours des étrangers a été au-dessous de nos besoins, il faut en chercher la raison, et nous la trouverons naturellement dans la conlexture de l'ordonnance rendue le 31 mars 1789, par le gouvernement de Saint-Domingue.
Aux termes de l'arrêt du conseil, du mois d'août 1784, elle n'ouvrait aux étrangers que trois ports d'entrepôt, et elle leur prohibait d'emporter en échange des denrées coloniales ; il n'en fallait pas davantage pour éloigner les Anglo-Américains :
1° Parce que, forcés de n'entrer que dans trois ports désignés, ils se trouvent exposés aux lois que leur imposent les commerçants monopoleurs de ces trois ports, ce qui, en diminuant leurs bénéfices, enchérit la denrée pour les habitants ;
2° Parce que, réduits à ne charger que des tafias et des sirops dont nous manquons, et à ne donner aucune des denrées coloniales que nous avons, ils sont obligés de recevoir le prix de leur cargaison en argent, ce qui, en diminuant considérablement les profits de leur commerce, dépouillé absolument la colonie d'un numéraire dont elle est malheureusement privée, et dont elle ne peut plus se passer, sans voir s'élever le prix des denrées et des objets provenant des manufactures, à un taux ruineux pour le colon.
Le mal une fois connu, le remède n'était pas difficile à trouver. Le seul qu'on pût opposer aux inconvénients énoncés était sans contredit : 1° d'ouvrir aux étrangers tous les ports d'amirauté ; 2° de leur permettre de charger en retour des sucres et des cafés.
C'est le parti qu'a pris en effet le gouverneur général, lorsque effrayé de la position vraiment alarmante de Saint-Domingue, il a rendu, le 27 niai, une ordonnance dont la sagesse et l'urgence ne peuvent être contestées, et dont, avec modération, il a fixé les limites au 1er octobre prochain.
L'expérience a prouvé combien cette ordonnance du 27 mai était nécessaire, puisque la disette a continué jusqu'à l'époque où cette ordonnance, parvenue à la connaissance des Etats-Unis, a pu déterminer dans les ports de cette puissance des armements qui n'ont dû arriver au plus tôt, à Saint-Domingue, que dans les
premiers jours de juillet, époque du départ de M. du Ghilleau.
On pouvait donc espérer alors de voir reparaître l'abondance si longtemps désirée, lorsque, le 23 du même mois de juillet, le ministre de la marine a eu l'horrible procédé de casser cette ordonnance, dans son cabinet, par un arrêt du Conseil d'Etat du Roi, que le Roi peut-être n'avait jamais lu, que bien certainement au moins Sa Majesté n'avait point rendu sur un rapport impartial discuté avec les députés de la colonie, puisqu'ils n'en ont eu aucune connaissance.
Cette ordonnance meurtrière a été mise dans tous les papiers publics, envoyée en grand nombre dans tous les ports, et elle a dû parvenir dans les ports anglo-américains, dès les premiers jours de septembre. Ainsi, dès celte époque, leurs armements ont dû cesser ; ainsi va s'éloigner à jamais d'une terre qui la repousse, une nation que la Providence semblait avoir placée près de nous pour conserver notre existence, et à laquelle nous aurions dû notre salut, si un ministre, à deux mille lieues d'elle, n'avait eu la barbarie de prononcer froidement sa ruine, sa détresse , son désespoir.
C'est dans cette position accablante, que des citoyens utiles sans doute représentent à l'Assemblée nationale dont ils ont l'honneur de faire partie:
Que leur consommation désirable étant de 550,000 barils de farine ;
Que leurs besoins annuels étant au moins de 150,000 barils;
Que leurs importations, cette année, ne s'étant élevées de la part de la France, qu'à un quart de cette valeur ;
Que les importations étrangères n'ayant pu égaler leurs besoins, par la gêne dont elles embarrassaient le commerce;
Il est absolument indispensable de consacrer sans délai le rétablissement provisoire de l'ordonnance du 27 mai, par le décret suivant:
« L'Assemblé nationale, instruite que le commerce de France n'a pu fournir depuis plusieurs mois à la province de Saint-Domingue, la quantité de farines nécessaire à sa subsistance; et, considérant que l'ordonnance rendue le 31 mars 1789, par les administrateurs de la colonie, est insuffisante pour attirer les commerçants étrangers dans les ports de cette île, a décrété et décrète que l'ordonnance rendue le 27 mai dernier, par le sieur marquis du Chilleau, sera provisoirement rétablie, et maintenue suivant sa forme et teneur, pendant sept mois seulement, à compter du jour où le présent décret aura été promulgué dans la colonie. »
Nouvelles réflexions sur la nouvelle division du royaume, par M. Rabaudde Saint-Etienne, membre du comité de constitution.
Tous les Français ont reconnu l'utilité de la nouvelle division du royaume que l'Assemblée nationale a décrété; et rien ne fait peut-être mieux l'éloge de notre nation et de notre siècle, rien ne prouve mieux l'ascendant de la raison sur un peuple rempli de patriotisme et de lumières, que l'universelle adhésion de toutes les parties de l'empire à cette grande et universelle réforme. C'est par une suite de ce discernement rapide, de cette profonde sagacité, qui semblent
tenir de l'instinct, et qui caractérisent le peuple français, qu'en un mois de temps, toutes les provinces, toutes les villes, tous les citoyens ont applaudi à ces décrets régénérateurs qui substituant l'égalité politique de toutes les villes et de toutes les portions du royaume au monstrueux et contradictoire amas d'inégalités, dont le temps, le hasard , les abus, les privilèges,' la faveur ou le despotisme, avaient composé le chaos. Ce que Louis XIV n'aurait osé entreprendre, ce qu'il n'aurait pas pu exécuter, la natiou l'aura conçu, approuvé, exécuté dans l'espace de quelques mois. C'est que l'intérêt de tous est fait pour être senti et reconnu de tous; c'est que le despotisme commande, et que la raison seule persuade.
La timidité cependant s'était alarmée. Des citoyens, honnêtes sans doute, mais faibles ; cette classe d'hommes, utiles dans le cours paisible d'une administration sagement ordonnée, mais embarrassants ou dangereux dans la manœuvre d'une révolution générale, s'effrayaient de la tempête; ils croyaient l'Assemblée nationale entourée de débris dont aucune main ne semblait pouvoir relever et mettre en ordre les matériaux ; ils tremblaient en la voyant porter d'un autre côté son bras destructeur ; ils ne concevaient pas comment pourrait s'opérer ce déplacement total des hommes et des choses. L'antique et illusoire solidité des provinces à privilèges, le régime arbitraire des pays d'élection, la chaîne de pouvoirs qui lie tous les administrateurs les uns aux autres, cet entrelacis informe de tribunaux de toute espèce dont la face de l'empire est bizarrement couverte; une multitude d'hommes nés au sein des abus, alimentés par eux et intéressés, ce semble , à les maintenir ; cet empire de. l'usage que les hommes respectent aveuglément, comme ils font de tous les anciens pouvoirs ; tout cela leur paraissait autant d'obstacles insurmontables. Vous avez assez détruit, nous disaient-ils, c'est assez prononcer de ces décrets faciles, qui n'ont pour but que de renverser. L'Etat est désorganisé, tous les pouvoirs sont suspendus, nulle autorité n'est respectée, la multitude commande, et personne n'obéit; craignez qu'en déplaçant tant d'intérêts depuis si longtemps établis, vous ne les souleviez tous ensemble, et que les mains mêmes que vous avez armées, ne renversent tout votre ouvrage.
Mais l'Assemblée nationale, qui, parla correspondance de tous ses membres, connaît l'esprit de la nation entière, ne s'est -point effrayée de ces cris, et n'a point écouté ces timides et vulgaires conseils. Frappée de la multitude des abus contre lesquels chacun de nous avait entendu, durant le cours de sa vie entière, de longues et inutiles réclamations, elle a pensé qu'il était indispensable de les couper par la racine; que puisque dans l'histoire de l'empire, dans l'histoire entière de l'univers, il ne s'était jamais présen té une circonstance pareille à celle-ci, il fallait en profiter; que le mal ayant gagné toutes les parties de l'Etat, c'était un crime de se contenter de palliatifs; ce n'était faire autre chose que garder les abus; et que chargée de faire le bonheur d'un peuple, dont tous les établissements existants consommaient le malheur, il fallait renouveler ce peuple même, changer les hommes, changer les choses, changer lus mots, et ramener les vrais principes, puisqu'il n'en était aucun dont on ne se fût écarté.
Ces mots tant répétés depuis six mois, de régénération, de restauration, ne sont point des mots
vagues et insignifiants : ils tiennent profondément à cette vérité dont tous les Français sont pénétrés, que quand, un empire est tombé dans l'avilissement au dehors, quand il est en mépris à ses voisins. quand il est énervé, par la mollesse, affaibli par le luxe, rongé par l'égoïsme, appauvri par le fisc, joué par des volontés arbitraires, méprisé de ceux-là mêmes qui le gouvernent et qui dédaignent et ses plaintes et son courroux ; il faut renouveler ce peuple, le rajeunir, changer ^es formes pour changer; ses idées, changer ses lois pour changer ses mœurs, et tout détruire, oui, tout détruire, puisque tout est à recréer.
Et je le demandé aux Français d'aujourd'hui : voudraient-ils être encore les Français d'autrefois? Couverts de l'estime de l'Europe, auraient-ils honte de leur gloire ? Mais puisqu'ils n'ont pu parvenir à cet état de renaissance, que par cette générale destruction dont quelques hommes? encore cherchent à l'alarmer, puisque ce que: l'on a détruit était ce qu'il fallait détruire,qu'ils ferment l'oreille à de vaines clameurs et qu'ils n'aient pas la faiblesse de reculer à l'aspect de leur propre ouvrage.
Une observation n'a point échappé à l'Assemblée nationale: c'est la connaissance du caractère français, qui s?est montré avec éclat dans: l'Assemblée même. Prompt à concevoir, prompt à exécuter, impatient de jouir, le Français n'a pas plutôt vu le-but, qu'il brûle d'y atteindre. Les obstacles sont pour lui des moyens> les résistances des motifs, et les digues que l'on oppose à ce torrent, ne servent qu'à accroître son impétuosité.
Un tel peuple ne devait pas être conduit comme un autre. La lenteur du conseil et la méditation profonde des moyèns, l'auraient endormi dans l'inertie. Trop de réflexions sont trop d'ennui. L'éloquence èst hors de saison. On menait, les Athéniens avec des parôles ; le Français, actif, veut agir; impatient, il veut des faits;tout Ce qui l'arrêté trop longtemps l'aigrit ou le dégoûte, et il passe subitement à d'autres objets qui puissent exercer son infatigable activité. Des observateurs superficiels ont cru qu'il était changeant et volage: je viens d'indiquer la cause de cette erreur. Le Français abandonne l'objet qu'il ne peut pas remplir, lorsque son coup d'œil rapide et sûr lui fait voir qu'il est plus sage d'y renoncer : il s'y attache obstinément; tout le temps où son activité peut y être exercée. U'quitteun objet plutôt qu'un autre peuple, parce* qu'il l'a plutôt épuisé : cette différence tient à la promptitude de sa sagacité et à l'impétuosité de son caractère
Cette réflexion, qui devrait elle-même me servir de motif à l'abréger, mais que je jp| pas le temps de resserrer;, n'est cependant pas inutilé; elle sert à expliquer la conduite de la partie de l'Assemblée qui, dès les commencements, s'est montrée populaire. Elle prouve combien se sont abusés ceux qui ne voulaient pas la Révolution, Elle montrera, dans les provinces, à ceux qui ne savent pas marcher à la cadencè commune, qu'ils doivent renoncer à opposer des obstacles à une révolution très-avancée. Les Ffançais voulaient la, liberté ; il fallait la leur laisser prendre.
Ce n'est donc pas. de ceux qui ont renversé les barrières qu'il faut se plaindre; c'est de ceux qui les ont posées. Sans ces obstacles que la violence a mis à la Révolution, et dont le temps a découvert le ridicule, ceux qui ont opposé des digues au torrent ne se plaindraient pas de ce gui les a emportées. Ils font de grands reproches de ce qu'on a détruit la maison, au lieu de la
réparer ; mais pourquoi n'ont-ils pas voulu qu'on en fît seulement la visite?
L'organisation des assemblées municipales, que l'Assemblée nationale vient de décréter, prouve qu'elle peut créer quand la malveillance veut bien lui en laisser le loisir, et même quand elle ne le veut pas. La nouvelle division du royaume qui vient d'être terminée, est désormais une base solide sur laquelle va s'établir l'égalité des droits de tous les citqyens. C'est dans ces départements d'une étendue modérée, que tous les hommes "vont être pla'cés., tous les droits conservés, toutes les plaintes entendues, toutes les forces distribuées ; c'est là que, par une administration facile, dont tout citoyen aura en quelque sorte la surveillance et la censure, et que les opérations du fisc et l'arbitraire des ordonnances ne pourront plus, obscurcir, des hommes choisis parle ipeuple lui-même,seront chargés de la gestion de ses intérêts
Qu'il se défie ,maintenant, ce peuple immense, dont l'Assemblée nationale a toujours eu en vue le bonheur, qu'il se défie des obstacles quél'on chercherait à mettre au cours de ces utiles opérations, et surtout qu'il prenne garde de ne. pas y en mettre lui-même.
Aussitôt que les, citoyens ont été instruits de la division prochaine en départements et en districts, ils ont saisi les avantages de cette grande et simple opération ; mais bientôt l'intérêt particulier d'une multitude de villes, ou, si l'on veut, leurs droits et les avantages publics qu'elles ont ;cru voir dans leur situation, leur ont fait souhaiter de devenir chefs-lieux, si; ce n'est de département, au moins de district; les demandes, les réclamations se sont multipliées; les adresses, les députés sont arrivés en foule de toutes les parties du royaume; en sorte que, si le comité eût accueilli chaque demande sans examen, il n'y aurait plus eu de mesure dans la distribution, plus d'égalité dans les parties : les déparlenients et les districts se seraient multipliés à l'infini, sans règle et sans proportion, et le comité serait devenu injuste par 1 excès même .de la justice. Tels sont donc les heureux effets de la liberté et de l'égalité : telle est l'émulation qu'elles excitent. Tous veulent profiter des avantages communs; et plusieurs lieux, qui gémissaient ci^devant dans l'obscurité ou qui languissaient sous une autorité arbitraire, repaissent à cette vie nouvelle et réclament hautement ce qu'ils estiment être leurs droits.
Tous, cependant, ont été entendus; toutes les localités ont été scrupuleusement étudiées, toutes les convenances consultées, tous . les droits soigneusement pesés; et Fon peut dire, avec assurance, qu'il n'est pas une petite ville, pas un •village, dont on n'ait tâché d'établir les rapports . avec ses voisins, avec autant d'exactitude, que s'il eût été le seul dont on eût dû s'occuper. Deux mois entiers, d'un travail continué bien avant dans la nuit, ont été consacrés.à cet examen; et, malgré l'urgence des circonstances, malgré l'impatience de la nation elle-même, malgré cette apparence de jalousie qui semblait naître entre des villes voisines, malgré les fausses terreurs» que l'on cherchait à faire naître sur les suites dp ces rivalités, on a cru ne devoir jamais s'écarter dé ce principe : que, puisque cette grande opération se faisait pour le bonheur des peuples, il fallait examiner toutes les demandes ; que» puisqu'on la faisait pour la postérité et pour le bonheur des enfants, il fallait éco.uter les pères.
Enfin, la division a été définitivement arrêtée;
mais ce n'est pas, sans doute, avec une telle rigidité que, pour, quelques détails de circbri-stances locales, il n'y ait lieu d'entendre les réclamations qui poUrraieht être portées aux législatures suivantes.:'Si les peuplés^ qui ont chargé leurs députés du glorieux emploi de rompre leurs fers et de leur* donner une constitution nouvelle, s'ils ont observé lés pénibles circonstances où nous avons été' placés; s'ils considèrent combien est vaste la carrière qu'ils nous ont eux-mêmes ouverte, et combien dé travaux à la fois sont imposés à leurs représentants, ils nous sauront gré peut-être de la confiance et du zèle, qu'au milieu de tant d'autres'méditations, nous avons mis à cette opération pahiciilièrë, ou du moins' ils ^^érS^àns ftassagères, et qu'il est si facile dé redresser avec e temps.
Mais, pour ces imperfections, pour quelques droits à réclamer, pour quelques convenances ou quelques prétentions qui seront aisément jugées par nos successeurs, que les peuples ne cherchent pas à troubler l'ordre immense qui, danS.péu, va s'établir partout à la fois 1 Qu'ils se défient de ceux qui, pour déranger cette vaste opération, voudraient exciter des jalousies pârticùlièrës ! Qu'ils se rappellent les victoires qu'eux-mêmes ont remportées sur la malveillance, et l'adresse avec laquelle ils ont évité les pièges qui déjà leur ont été tendus.
Placés au ck4rê des événements, au rendez-vous de tous les rapports politiques, au foyer d'où se répandent la cMlëûr et l'activité générales, nous pouvons avertir leà peuples de 'tous les obstacles qu'on'voudrait mettre encore' à leur libët'té ; ils në^hc^'s obt; pas seùletîiéiit chargés de travailler pour eux, mais encore dé Veiller pour eux. Eh bien ! qu'ils'nous écoutetit avec cette; confiante que notre vigilance nous à, sans doùte, méritée.
Peuplés, on vous attend à l'organisation des municipalités, à la distribution des départements et des districts: C'est là qu'on espère "de vous diviser contre vous-mêmés; on compte que l'intérêt particulier vous fera oiibliqr ' l'intérêt public. On croit que les rivalités des villes" désuniront les citoyens ; quç-feelles qui se croiront méprisées arrêteront, par jalousie, l'organisation généralé : on sè flatte de vous voir vous déchirer réciproquement. Ces armes qùfe vous avez prises pour la liberté, on croit que vous Vous en servirez pour favorisér la licence pu l'intérêt particulier ; on compte que, dans l'intérieur dé VoS villes, ceux qui avaient la douce habitude de l'autorité favoriseront ces tumultes ; que les fausses et injurieuses alarmes de ceux qui avaient acheté le droit de vous gouverner ajoûtérbiit au désordre ; que ceux qui se croient injustement dépouillés se jetteront dans la mêlée, ou vous travailleront sourdement pour vous brouillër ét vous détruire, et que de cette multitude de tempêtes iocalés naîtra un bouleversement général.
Vaine espérance ! triste et déplorable ressource de l'aristocratie au désèspoir 1 Quand vous auriez la faiblesse de vous étonner de ces terreurs, vos représentants ne l'auront pas, et ils persévéreront avec courage à remplir l'honorable tâche que vous leur avez prescrite. Ce*ne sont pas e'ux, cependant, qui douteront de Votre persévérance, et qui pourront craindre que vous renonciez au fruit de] leurs travaux, au moment même de le cueillir. L'esprit public s'est emparé de tous les Français; le titré dè eitoyen, mot nouveau dans notre langue, comme les idées qu'il représente sont nouvelles
dans cet empire, le titre de citoyen fait maintenant votre gloire : dans cette désorganisation apparente de tous les pouyoirs.au sèin de ces terréurs d'ëspritsV ou animés, où inquiets, qui cherchent autour d'eux l'autorité égarée, au milieu de. c&tfe apparence de désordre, il régne un ordre cependant ; une autorité réelle domine et fait entendre' ses lois ; c'est l'autorité sainte du bien public; c'est le sentiment et le besoin de l'ordre ; c'est la voix, sacrée de l'intérêt général et l'espoir dè la liberté. ,
Si les peuples sont animés de ces espérances, celles de l'Assemblée nationale ne seront pas déçues.' Mais que . les citoyens aient soin de se garder d'eux-mêmes, de leurs passions, de leurs riyalifés, et décès intérêts particuliers, le plus souvent mal entendus, que l'on pourrait appeler l'amour-propre des villes. Elles ont toutes acthéréâ la destruction, clés cor pis; qu'elles pren-nént garde de né, pas devenir corps élles-memes. Elles ont rompu la jalousie et l'esprit des pro-iVipqes, qu'elles ne leur substituent pas la jalousie ties cités.'Elles jOpVvQUlù qu'il n'y eût plus en France que des Fraqçais, qu'elles ne descendent pas de ,la dignité de çe.npm ^evenu glorieux par elles,,.ppuFborner,leurs vues à la petite enceinte 'de leurs murs.
| .Un.epipiré aussi vaste ne pouvait être gouverné pair une: volonté simultanée;vil fallait une division de' sq^ parfies; Tm^ la division n'est pas une scission ; les fliembres d'un corps lui appartiennent'toujours," quoique distincts les uns des autres ; les départements, séparés par la nature, jsont réunis par l'intérêt commun; administrés par le. même régime, objets des, mêmes soins, poqtribùànt'également à la représentation la plus parfaite qui'fut jamais, aucune partié de l'empire fae pourra échapper à la vigilance générale, ni Redouter d'être sacrifiée,
Peut-être portons-nous trop loin des précautions qui véritablement sont bien plus grandes qde nos 'craintes. Mais hous devons compte de tout aux peuples qui nous ont commis, de tout, même de nos plus légères sollicitudes ; et il nous est permis peut-être, en les invitant à élever l'édifice dont l'Assemblée nationale leur a tracé le plan, de nous'défier dé tout ce qui pourrait arrêter l'exécution de cet ouvrage.
Les plus petites villes ont présenté des adresses ; toutes avaient l'ambition louabl,è d'attirer dans leur sein quelque branche de l'administra-Jicn ; plusieurs seront trompées dans leurs espérances. Mais l'Assemblée nationale a toujours eu pour but de vérifier avec égalité toutes les parties du royaume, de semer partout les germes de la liberté, de former des hommes partout, en appelant à concourir à la chose publique le plus grand nombre possible de citoyens. Tous seront rapprochés de leurs administrateurs; on n'ira plus chercher au loin la justice, c'est-à-dire la répartition du droit de chacun. Avec quel scrupule n'a-t-on pas calculé les dépenses et les pas qu'on voulait épargner aux peuples, Vérifié l'existence dés communications, étudié les difficultés, évité les obstacles, consulté les mœurs et les habitudes, et rassemblé les lumières qu'ont dû fournir un si grand nombre de représentants arrivés de toutes les parties du royaume!
Si, malgré tant de soins, il est encore des lieux qui gardent leurs prétentions et qui se plaignent d'avoir été négligés, qu'ils rendent justice aux hommès impartiaux chargés de ce pénible travail ; qu'ils se soumettent aux décrets de lyAssemblée ; qu'ils réservent à des temps plus
calmes, à une législature moins traversée, des représentations qui seront toujours entendues; et qu'ils se gardent bien, pour des intérêts qu'ils s'exagèrent peut-être, et pour leur avantage particulier, de troubler l'organisation générale, et de s'exposer à en perdre eux-mêmes les fruits.
Tel est cependant l'avantage de la nouvelle division, qu'il n'est point de ville un peu importante, qui n'y ait obtenu quelque administration, ou qui n'ait lieu d'espérer quelque établissement propre à réveiller son activité. Quatre-vingt-cinq villes porteront incontestablement le titre de chefs-lieux de département. Les localités ou l'égalité des avantages feront peut-être accorder à quelques autres la faculté d'alterner. La liberté de ne pas placer les autres établissements dans les mêmes lieux, appellera plusieurs villes à les recevoir. Cinq ou six cents autres villes moins importantes, deviendront chefs lieux de district; quelques autres recevront des sièges de justice ; les communautés réunies en cantons auront vraisemblablement des juges de paix ; et l'administration et les lois faisant couler leur influence jusque dans les campagnes, tous les citoyens utiles qui les cultivent, s'apercevront qu'ils ont été l'objet de l'attention de l'Assemblée, et que c'est d'eux précisément qu'on a voulu se rapprocher. Peuples, jetez les yeux derrière vous, rappelez-vous ce que vous étiez naguère, et voyez si vous voulez profiter'des avantages qu'on vous destine-, et jugez ceux qui, par des insinuations artificieuses, chercheraient à vous en priver !
Opinion de M. le duc d'Aiguillon sur l'affairede la Chambre des vacations du parlement de Rouen (1).
Messieurs, avant d'examiner le parti que doit prendre l'Assemblée dansl'affaire qui nousoccupe, il me semble qu'il faut se rendre un compte exact des faits.
Lundi dernier, M. le président reçut une lettre de M. le garde des sceaux, qui, de la part du Roi, rendait compte à l'Assemblée que la Chambre des vacations du parlement de Rouen, en enregistrant notre décret relatif aux parlements, s'était permis des expressions peu convenables ; que le Roi avait sur-le-champ assemblé son conseil et cassé l'arrêté de la Chambre des vacations. L'Assemblée désira le connaître : M. le président le demanda à M. le garde des sceaux. Ce ministre, pendant la durée de la même séance, l'envoya à M. le président. La lecture en fut faite, et l'on peut dire qu'il excita une juste indignation dans tous les bons esprits. La discussion fut commi-n-céé sur Je parti que devait prendre l'Assemblée en cette circonstance, et fut continuée au lendemain. Elle fut reprise en effet le mardi. Elle dura longtemps ; ceux qui voulurent parler furent entendus : on écouta quelques magistrats du
parlement de Rouen. Enfin l'Assemblée nationale décréta « que le Roi serait remercié; que l'arrêté de la Chambre des vacations du parlement de Rouen serait envoyé au tribunal chargé de poursuivre les crimes de lèse-nation, pour le procès être fait aux magistrats auteurs d'un tel arrêté; que le Roi serait supplié de nommer une autre Chambre des vacations à Rouen, alin que le cours de la justice ne fût pas interrompu. » Je ne me rappelle pas précisément, Messieurs, les termes du décret de l'Assemblée ; mais il me semble qu'on y trouve des expressions qui indiquent combien vous avez cru coupables les magistrats du parlement de Rouen, qui composaient la Chambre des vacations.
Aujourd'hui, Messieurs, vous venez de recevoir une lettre du Roi, qui contient de nouvelles assurances de la confiance de Sa Majesté pour l'Assemblée; qui vous annonce qu'il a nommé une autre Chambre des vacations à Rouen, et vous invite, en vous assurant que l'arrêté des magistrats du parlement de Rouen n'a pas été publié, à user, en celle occasion, de clémence et d'indulgence. Je ne suis point étouné de l'effet que la lecture de cette lettre a produit parmi vous. Vos sentiments pour la personne du Roi, le premier mouvement de l'humanité, le bonheur dé pouvoir faire grâce, ont excité en vous un enthousiasme bien naturel et que tous les membres de cette Assemblée ont partagé ; mais devons-nous nous abandonner à ce premier mouvement? devons-nous suivre cette impulsion? Législateurs impassibles, la voix de l'indulgence doit-elle- dicter nos décrets? je ne le pense pas, Messieurs; un devoir rigoureux nous commande, nous devons lui obéir sans réserve. Je crois que nous écarter, dans ce moment, d'un de nos décrets, d'une de nos résolutions les plus sages, ce serait compromettre notre caractère et transgresser tous nos pouvoirs. Je vais entreprendre de le prouver.
Personne ne peut nier que pour suivre en cette circonstance les projets de décret proposés par plusieurs honorables membres de cette Assemblée, il faut revenir sur vos pas, il faut détruire par un décret contraire celui que vous avez rendu avant-hier, et cela vous est impossible, Messieurs. Vous avez déjà décidé que, dans le cours de cette session, aucune de vos décisions ne pourrait être annulée par une décision opposée. Votre marche est donc invariablement tracée; vous ne pouvez en cette occasion ni revenir sur une résolution déjà prise, ni en éluder l'effet. Gela me paraît démontré jusqu'à l'évidence et je ne m'étendrai point sur un principe que je regarde comme incontestable.
Mais en supposant que vous pussiez revenir sur vos décrets précédents, n'y aurait-il pas un danger évident à le faire? Ne serait-il pas possible que les ennemis du bien public (et malheureusement il en est encore beaucoup), abusassent de cette dangereuse facilité pour jeter quelques doutes sur les lois sages que vous avez faites, et dont l'immuable consistance peut seule assurer le bonheur de la patrie Cette considération est d'un grand poids, et je vous prie, Messieurs, de la peser aans votre sagesse.
Je suppose pour un moment, et que vous puissiez altérer vos décrets, et qu'il n'y ait aucun inconvénient à le faire, il me semble que dans cette circonstance vous ne le pouvez sans compromettre votre caractère de représentants de la nation, et sans passer les bornes de votre pouvoir. En effet, de quoi est-il question dans ce moment? Des magistrats sont prévenus d'un crime de lèse-
nation ; vous les avez renvoyés au tribunal que vous avez commis pour rendre ces jugements. Jusque-là vous avez rempli strictement les fonctions qui vous appartiennent. Vous êtes (passez-moi l'expression, je n'en connais point d'autre pour rendre cette idée), vous êtes les procureurs généraux de la nation. Obligés de poursuivre en son nom ceux qui se rendent coupables envers elle, votre devoir est de nommer un tribunal pour examiner leur délit, et de les y poursuivre. On vous demande aujourd'hui de leur faire grâce; vous ne le pouvez point. Ministres rigoureux de la loi, vous devez la faire exécuter dans sa sévérité, et la natio i entière réclamerait contre une clémence nuisible à ses intéiêts. D'ailleurs, il faut le dire, personne n'a le droit d'user d'indulgence pour les criminels de lèse-nation. Le pouvoir exécutif n'en a pas la faculté ; et vous-mêmes, Messieurs, ne l'avez pas davantage. La nation entière, si elle pouvait s'assembler, aurait seule le droit suprême de pardonner les injures qui lui sont faites. Ce raisonnement me paraît tellement évident, qu'il me semble impossible de l'éluder.
Un honorable membre nous a dit qu'au mois de juillet dernier l'Assemblée avait demandé grâce au Roi pour quelques coupables; que cette grâce avait été accordée; que dans ce moment il était juste que l'Assemblée accordât celle que demandait le Roi. Ce raisonnement me paraît plus spécieux que solide. Pour s'en convaincre, il faut se rappeler les faits. L'Assemblée nationale demanda, au mois de juillet dernier, au Roi la grâce de quelques citoyens qui avaient forcé les prisons de l'abbaye Saint-Germain. Je n'examine point si cette démarche de l'Assemblée, dictée par son humanité, était conforme aux principes austères qui doivent guider sa conduite;-mais enfin, le crime de cette insurrection populaire ne fut point considéré comme un crime de lèse-nation ; et, soit que vous attribuiez ou non, à l'avenir, au pouvoir exécutif le droit de faire grâce sur les délits ordinaires, certainement le Roi en avait alors le pouvoir. Dans ce moment il s'agit d'un forfait national; et, dans mon opinion, il me semble que ni Sa Majesté, ni l'Assemblée nationale, ne peuvent user d'indulgence. L'évidence de ces faits, étayée de raisons qui me paraissent invincibles, me déterminent à répéter que l'argument par lequel on a cherché à émouvoir votre sensibilité, me semble plus spécieux que solide.
Il me reste encore à entretenir l'Assemblée d'une considération bien importante. Le peuple a toujours dit, pendant que l'aristocratie pesait sur sa tête, que les petits coupables étaient seuls punis, et que les grands échappaient à la rigueur des lois. Il a béoi la sagesse de vos décrets, qui rétablissaient parmi les hommes cette heureuse égalité de droits que le despotisme des monarques, l'ascendant de leurs ministres, la puissance des corps privilégiés, l'abus de pouvoir des corps de magistrats, avaient anéantie. Rendez donc au peuple cette justice impartiale, que vous lui devez : qu'aucun rang, qu'aucune place ne dérobent un coupable à la sévérité des lois, et affermissez, par un grand exemple, la plus sage, la plus consolante de vos résolutions, celle qui décrète la précieuse égalité des droits de tous les hommes.
Enfin, Messieurs, il faut le .dire, prenons garde que les ennemis du bien public n'essayent en ce moment, en voulant ravir à la classe la plus nombreuse des citoyens, la consolation de voir que la justice est rendue à tous sans distinction, n'essayent dis-je, de l'indisposer contre vos résolutions. Rien n'est aussi important que cette ré-
flexion, et je prie l'Assemblée nationale d'y apporter l'attention la plus sérieuse.
On nous parle toujours, Messieurs, de complots contre la félicité publique. Aucune preuve ne nous est encore offerte; mais il est difficile de nier la vraisemblance de pareils attentats. Peut-être l'affaire que vous avez renvoyée avant-hier au tribunal chargé des crimes de lèse-nation, portera quelque lumière dans ce labyrinthe inextricable de complots, de forfaits et d'atrocités? Je l'ignore; mais cette supposition peut se présenter à l'esprit de tout homme raisonnable, et vous ne devez pas, ce me semble, laisser échapper un des fils qui peuvent guider votre comité des recherches, dans les poursuites que vous lui avez ordonné de faire.
Je ne répondrai point, Messieurs, à l'objection qui vous a été sou mise, que l'arrêté de la Chambre des vacations de Rouen n'avait aucune publicité. Il est vrai qu'il n'a point été envoyé dans les bailliages du ressort de ce parlement, mais il a été lu deux fois dans l'Assemblée nationale ; la France entière en a connaissance, elle n'ignore pas combien ses expression sont coupables, sont incendiaires : elle sait qu'il a été marqué du sceau de votre réprobation ; ainsi l'on ne peut avancer que cet arrêté n'a aucune publicité. N'usons pas d'un subterfuge aussi vain. Employons toujours les lumières de la raison, et non les fausses lueurs des sophismes.
Je me résume donc, Messieurs : il me semble (et c'est avec regret, mais la sévérité des principes m'en fait une loi), il me semble que vous ne pouvez point user d'indulgence dans cette occasion, sans manquer à ce que vous prescrit l'intérêt de la nation ; que vous ne pouvez point exercer l'acte de clémence qui vous est demandé, sans manquer à vos devoirs; enfia, que vous n'avez ni ne pouvez avoir le droit de faire grâce pour les crimes de lèse-nation.
En conséquence, je suis d'avis que M. le président se retire par-devers le Roi, pour as?urer Sa Majesté du regret de l'Assemblée nationale, de ne pouvoir obéir à la voix bienfaisante du monarque, et accorder la grâce qu'il sollicite ; mais que la rigueur des devoirs, la sévérité des principes des représentants de la nationales empêchent de se livrer à l'indulgence, et les forcent de n'écouter que la justice.
Séance du
La séance est ouverte par la lecture du procès-verbal de la veille.
Je demandeque ma motion tendant à faire écouter les députés des provinces sur la division du royaume, soit mentionnée au procès-verbal.
Un membre: La motion ne doit pas être insérée au procès-verbal parce qu'elle a été rejetée.
Je réclame contre le procès-verbal en
L'Assemblée délibère et décide que le procès-verbal est exactement et convenablement rédigé sur ce point.
On. fait lecture ainsi qu'il suit de plusieurs adresses relatives aux décrets de l'Assemblée nationale :
Adresse de la Ville d'Arzacq, où elle adhère avec dévouement à tous les décrets de l'Assem* bléé nationale et renonce en conséquence à tous ses privilèges particuliers.
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion du comité général et permanent de la ville de Vire. 11 supplie l'Assemblée nationale de'ne pas se séparer qu'elle n'ait fait jouir la nation de ces lois sages' et nécessaires que sollicite son honneur, et de croire qu'il adoptera toujours avec zèle tout sacrifice auquel il n'aura été qu'invité.
Délibération du comité permanent de la ville de Lectoure, sur les moyens de maintenir l'ordre et la tranquillité publique, en exécution des décrets de l'As^embléè nationale.
Adresse du comité permanent de là ville de Gputances, où il adhère de nouveau aux décrets de l'Assemblée nationale, let, la supplie de s'occuper sàhs cesse de l'organisation des assemblées provinciales, et des municipalités.
Propès-verbal de prestation de serment de la milice nationale de Montpellier, auquel est jointe une. lettre des représentants de: la comchune dé la méihe ville,. pur laquelle ils expriment, leair. respect ppur l'Assemblée, nationale, et leur empressement'à se conformer'a ses décrets.
Délibération de la ville de Saint-Hippolyte en Languedoc, par laquelle les habitauts déclarent qu'ils adhèrent de cœur et d'esprit au décret de 1 Assemblée relatif à la contribution patriotique, dans l'espoir que les arrêtés du 4 .août auront, le plus tôt possible, leur plein, et entier effet.
Adresse de félicitations, renaercîmenls et adhésion du comité municipal de la ville d'Argentan en Normandie. *
Arrêté des officiers du bailliage dé Saint-Paul-Ï'rois-Gliàteaux en Dauphiné, de rendre la justice gratuitement ; ils présentent à l'Assemblée l'hommage de leur respect et de leur dévouement.
Délibération. ; de la ville s et communauté de Malestroit en Bretagne, par laquelle elle dénonce à l'Assemblée nationale lés excès et violences commis envers plusieurs citoyens» et notamment les officiers municipaux, au mépris des décrets de l'Assemblée nationale, et notamment de la loi martiale, pour lesquels la communauté est pénétrée de respect et de vénération ; elle supplie l'Assemblée défaire punir les auteurs de ces délits.
Adressé du comité permanent et des habitants de la ville de Confolens, où ils adoptent avec transport la contribution patriotique duqrçart des revenus, quoique la disette des grains et la chute de leur commerce les aient plongés dans l'infortune.
Réclamations du clergé du bailliage de Douay et Orchies, contre la vente des biens ecclésiastiques. Il déclare qu'il a toujours concouru, comme les autres citoyens, au payement" dé tous les impôts réels ; renonce à toutes exemptions, et
offre de venir, de tout son pouvoir, au secours des : finances et de la chose publique.
Deux membres du comité de vérification ayant successivement annoncé que M. flenryot, député du bailliage de Langres, et M Rabin, député du clergé d'Anjou, avaient donné leur .démission, et que les pouvoirs de M. Devron, en qualité de suppléant du premier, et ceux de M. Pilastre, nommé premier suppléant des communes d'Anjou, et présenté pour remplacer le second, avaient paru en règle.; ils ont été admis l'un et l'autre.
Les soldats de la milice parisienne du district des Jacobins Saint-Honoré se sont présentés pour offrir un don patriotique tant en argent comptant qu'en argenterie et la députation ayant été admise à la barre, M. le président leur a dit que l'Assemblée voyait avec satisfaction cette marque de leur patriotisme.
— Une députation des commis des fermes aux entrées de Paris est. également admise^ Son ora-. teur représente qu'il se prélève annuellement sur Iles appointements des commis une somme qui est versée dans une caisse destinée à payer les pensions des employés qui ont vingt ans de service. Il se fait aussi, dans beaucoup de circonstances, telles.que les cas d'absence et de maladie, des prélèvements qui sont encore destinés à,la caisse des pensions. Depuis vingt-huit ans, la compagnie des fermes, qui administre celte caisse, a touché pour ces; objets une somme qui s'élève au-,dessus de 4,600,000 livres, «telle n'a payé en pensions qu'environ 1 million. Les commis des fermes n'ont jamais pu obtenir qu'il leur fût? rendu compte de l'état de cette caisse. Ils supplient rAssemblée"de les autoriser à l'exiger, et ils font hommage à lâ .nation du tiers de là sommé dont lies fermiers généraux se sont reconnus leurs débiteurs. -
(L'Assemblée accorde la séan'ce: à ces deux dé-putations.)
Le premier objet qui se trouve à l'ordre du jour est la suitede la motion de M. Treilhard relative aux biens ecclésiastiques. L'article par lequel la discussion doit commencer pstainsivconçu :
: « Ceux qui seront pourvus à l'avenir de quelque bénéfice, de quelque nature qu'il puisse être, ne pourront jouir des revenus qui y sont actuellement attachés* que jusqu'à concurrence des som-taes qui seront incessamment déterminées par l'Assemblée nationale. »
Je demandé que l'exception s'étende à tous lès hôpitaux en général.
Il n'est pas besoin d'un long discours pour faire apprécier à l'Assemblée nationale les motifs de justice qui doivent faire respecter la jouissance des titulaires vivants qui, étant mis en possession de leurs revenus au nom de la loi} sont des possesseurs respectables. Je demande que la motion soit ajournée; jusqu'à ce que vous ayez statué sur le plan général à suivre pour les biens du clergé.
, Je pourrais vous annoncer que dans ma province plusieurs corps ecclésiastiques déprèdent non-seulement leurs 'mobiliers, mais encore leurs fonds. On sait qu'en Berry les cheptels sont une propriété très-fort en usage. Les ecclésiastiques vendent à présent ces cheptels; mais mon observation principale porte sur lés iois. Les bénéficiera possèdent une très-grande
partie des forêts du royaume, et la rareté des Bois de marine doit fixer principalement votre attention sur cette nature de biens-, cependant on coupe à présent en Berry des bois qui ont à peine douze du quinze ans, tandis que l'aménagement ordinaire est de vingt-deux- ans. Les ordonnances des eaux et forêts ont ordonné ces quarts de réserve qui n'ont presque jamais été faits.
Je demande qu'il soit décrété provisoirement qu'aucuns bois, même taillis, ne seront coupés jusqu'à ce qu'il eh soit autrement ordonné.
Ces diverses observations ne doivent rien changer aux articles proposés.par M. Treilhard Nous avons mis les biens ecclésias-tiqués à la disposition de la nation; il: faut les conserver à la nation, ou bien nous n'aurions fait qu'un arrêté illusoire, nous n'aurions établi qu'une maxime sans conséquence. Des lettres et des délibérations des communautés mises sur le bureau prouvent combien nos précautions sont nécessaires et tardives.
La mOtion de M. Treilhard concilie tout et ne fait tort à personne. Je demande qu'on aille aux voix sur-le-champ.
Est-il juste, est-il utile de mettre le scellé sur les titres des bénéfices î
Est-il juste ? Il est donc, en fait de propriétés ecclésiastiques, des titrés qui, nécessaires à la propriété, ne lè sont pas à là jouissance. M. Treilhard propose d'excepter du scëllé lés baux, les cueilleraies, etc., etc..Tous nos procès, soit sur la propriété, soit. sur la jouissance, exigent une représentation de titres, sinon primordiaux, du moins.três-ahciéns : il faut donc apposer partout le Scellé" sur tous lès; .titres, ou sùr aucun. Ce qu'il y aurait de plus raisonnable serait de faire un inventaire sans frais, et de laisser la jouissance des titres.
. Est-il utile? L«e seul mot de scellé emporte, avec lui quelque chose d'humiliant, et nous ne pou-vons changer les préjugés,. Je demande si, quand vous ferez une descente dans un monastère de religieuses,vous n'y porterez pas l'effroi, en. leur inspirant la crainte, de leur destruction? Je demande si, lorsque vous apposerez le scellé dans une maison de religieux, cet acte ne leur paraîtra pas une véritable interdiction, et ne sera pas la cause de la dilapidation que vous voulez éviter ? Persuadés de leur suppression, et voyant que vous n'avez encore rien fait pour eux, ils s'occuperont à assurer leur sort. Pourquoi, pendant un grand nombre de séances, s'est-on sans cesse occupé à détruire sans songer à remplacer? C'est lin heureux. don que de voir partout de l'or, comme les alchimistes; mais faut-il, comme eux, le chercher dans les cendres ? Imitons la marche de la nature, qui ne détruit que pour créer.
On a oublié de s'occuper des chapelains qui tiennent leurs bénéfices de la piété, de la reconnaissance ou de l'estime; permettez que j'appelle votre attention sur eux et sur les droits des patrons laïcs, Nos pères ont consacré à la fondation de ces bénéfices une partie de leur fortune, pour préparer à leurs héritiers le plaisir de secourir un malheureux, ou de faire accepter un bienfait à l'bomme délicat et infortuné. Je laisse aux jurisconsultes à discuter les droits des patrons,
et je me borne à demander que cet objet soit mis eu délibération.
J'approuve les principes de l'article proposé par M. Treilhard, mais je pense qu'il est inutile et dangereux de s'en occuper dans ce moment. On pourrait tirer du décret que vous rendriez à cet égard des inductions spria question de savoir si l'on touchera à la jouissance des titulaires actuels. Je demande en conséquence l'ajournement, ou que, si l'article est admis, il y soit ajouté par amendement, que c'est sans rien préjuger sur là conservation ou réduction du revenu. des titulaires.
propose à l'Assemblée Un plan général de travail sur la disposition des biens du clergé.
On le rappelle à l'ordre du jour ci-devant établi.
Il me paraît que la question étant provisoire de sa nature, une , décision provisoire n'est point une chose pressée^ et que vous pourriez attendre les plans et les observations générales qui vous; sont proposés^ J'ai une suite de questions à vous présenter sur le décret du 2 de ce mois, et il me semble impossible de délibérer sur des vues particulières avant d'avoir arrêté un plan général.
Je reconnais l'avantage de la proposition qui .vous est faite; mais je pense que, même en y adhérant, il est indispensable ; de statuer sans délai sur le-troisième article que j'ai à vous proposer. Il a pour objet le scellé à mettre sur les chartriers de tous les bénéfices, excepté des curé^ -Cette mesure est purement conservatoire, ét, sans, contredit, avant de s'occuper de la disposition d'un jbien, il faut assurer sa conservation.
, évéque de Clermont. Je prends la parole pour servir la justice.de l'Assemblée et soulager mon , âme d'un poids que. le devoir m'impose.
L'exception. des curés pour le scellé proposé pourrait donner au peuple dés idées défavorables aux évêques, et niiire au respect (fue l'intérêt de la religion exige qu'ils inspirent. Le peuple n'a vu mettre le scellé que. sur les effets= des morts, des banqueroutiers et despersonnes suspectes...
Ce scellé est absolument inutile. Ou vous nous s laisserez L'administrajioiï de nos biens; ou vous nous l'ôterez. Si vous nous la laissez, l'intérêt réel des titulaires vous assurera la conservation ' des titres. Si vous nous.l'ôtez, notre destinée et , celle de nos successeurs étant attachée à la situation pécuniaire de la France, notre intérêt nous i prescrirai encore de conserver, avec soin toutes nos propriétés. Mais l'intérêt seul doit-il être votre garant, et ne pouvez-vous j compter sur notre foi,'et sut notre honneur?
Je propose, en amendement, que le scellé ne soit mis que sur les établissements qui, d'après les circonstances ét les intentions de l'Assemblée, seront dévoués à la suppression.
Je demande que l'Assemblée, sévère sur les choses, jette des regards favorables sur les individus, et que la question présente soit ajournée jusqu'à ce que le comité ecclésiastique ait présenté lçs moyens de rassurer les religieux sur le sort qui leur est réservé.
Vous avez entendu qu'il serait
pourvu au sort des individus dont la position sera changée. Vous avez voulu que la nation eût la. propriété des biens ecclésiastiques, vous ne pouvez administrer ces biens et en disposer qu'en les connaissant; et vous ne pouvez les connaître que par les titres. Votre premier soin surtout doit être de conserver ces biens.
Des supérieurs très^recoinmandables de plusieurs maisons religieuses m'ont écrit et m'ont dit qjie, malgré, leur respect pour les décrets dé l'Assemblée nationale, ils craignaient de rie pouvoir empêcher leurs religieux de, dilapider des. effets précieux.
M. dé Montesquiou demande que ïe sort des ecclésiastiques réguliers soit assuré.. Je propose un décret qui remplirai ses vues, celles de M. l'évêque d'Auiun, celles de M. Treilhard et les vôtres.
Il consiste à supprimer tous les ordres religieux en France, excepté celui de Malte, sur lequel l'Assemblée se réservera de statuer. Chaque individu pourra choisir s'il veut suivre sa règle, on; être sécularisé; Dans le premier cas, des maisons seront réservées; dans le second, s'ils veulent vivre en commun ils s'adresseront au Roi, et à l'Assemblée. nationale pour connaître le lieu où: il pourront se réunir.
Il me paraît indispensable de statuer sur ces. objets avant d'ordonner l'apposition des scellés.
L'un des préopinants a surtout été effrayé de l'aspect d'humiliation et de l'idée de séquestre et d'interdiction que l'apposition des:scellés peut entraîner. Cette objection n'est sans doute pas sérieuse ; il a dit que la nature ne détruit que pour créer ; il aurait dû dire que la nature détruit aussi pour conserver. Les scellés sont incontestablement conservatoires, et ce préopinant, à raison de ses talents, nous a le mieux fait sentir la nécessité de cette précaution.
Il faut auxiliarisèr à la chose publique les intérêts bien entendus des ecclésiastiques. Tel est l'esprit des mesures que j'ai à proposer ; mais la conservation des biens que la nation a mis à sa disposition doit précéder ces mesures, et j'opine pour le scellé.
, évéque de Nîmes. Je fierai remarquer qu'en tout état de cause, les scellés ne peuvent être apposés que sur les bibliothèques des corps et non sur celles des particu-, lieTs.
Comme l'on pourrait craindre des arrangements frauduleux à raison de certaines possessions litigieuses du clergé, je propose d'interdire aux titulaires des bénéfices et administrateurs actuels' des biens ecclésiastiques , de consentir aucun arrêt d'expédients ou de transactions, sous aucun prétexte que ce soit, jusqu'à ce que l'Assemblée ait statué sur la disposition de ces biens. Je propose également de défendre aux notaires de passer des transactions et aux tribunaux de prononcer de pareils arrêts d'expédient.
Un inventaire sommaire des titres serait suffisant sans recourir aux scellés.
, abbé d'Abbecourt. Il est des égards auxquels les ministres d'une religion sainte ont droit de prétendre ; ce qui tend
à les avilir, tend à détruire le respect des peuples. Pourquoi recourir à des moyens flétrissants, leà déclarations ne seraient-elles pas suffisantes? ' Je propose que les titulaires des bénéfices et chefs des communautés ecclésiastiques soient tenhs de faire leur déclaration des effets, titres et papiers do n t ils seron t personnellement res-responsables envers la nation.
Je ne cherche point à appuyer la motion de M. Treilhard; elle me paraît n'en avoir pas besoin, d'après la manière dont elle a été attaquée et défendue.
Je me borne à exposer, d'après un fait, qu'il je£$ aussi utile au clergé qu'à la nation que la proposition du- scellé soit adoptéé. On a prétendu à Nantes que des ecclésiastiques dissipaient leur mobilier, et sur-le-champ on a voulu mettre le scellé partout, ce qui aurait alors été réellement désagréable pour le clergé ; mais, dans l'espoir d'un décret prochain de l'Assemblé nationale, on a différé cette opération. Il est aisé de prévoir, dans dé telles circonstances, ce qui résulterait :d'un ajournement.
Le scellé qui serait ordonné par nous ne cau-• serait pas Je plus léger préjudice aux titulaires. Dans les cas très-rares de procès, la levée de ce scellé: pourrait être faite avec très-peu de frais pour leur -remettre les pièces dont ils auraient besoin.
Je demande que les chapitres possesseurs des cures soient exceptés de la formalité des scellés et inventaires.
La motion de M. Treilhard est d'une nécessité; pressante; mais jè crois que nulle autrëlmotion de détail ne doit être désormais discutée avant que le comité ecclésiastique ait présenté un plan général. Je crois aussi qu'il est nécessaire de prévenir lés alarmes que l'apposition du scellé pourrait donner aux religieux.
Je propose, dans cette vue, que l'Assemblée nationale décrète que, si elle supprime les monastères, elle laissera subsister un assez grand nombre de maisons des deux sexes, pour que les religieux et religieuses qui sont attachés à la vie monastique puissent y vivre continuellement.
On propose plusieurs autres amendements de détails.
réclame la priorité pour la motion de M. l'abbé d'Abbecourt sur celle de M. Treilhard. •
Cette demande donne lieu à beaucoup de débats.
Quel est l'objet que nous nous proposons? Nous voulons garantir à la nation la disposition des bien écclésiâstiques, et en assurer la conservation. Deux moyens sont indiqués: . M. Treilhard propose le scellé, M. d'Abbecourt les déclarations des titulaires. Si vous voulez éloigner les diverses dispositions et simplifier les s délibérations, vous pouvez poser ainsi la question: Adoptera-t-on les déclarations des titulaires, ou procédera-t-on par le scellé?
La question ainsi posée, on délibère.
La première épreuve est douteuse ; la seconde donne la majorité à la motion de M. l'abbé d'Abbecourt.
Quelques membres ont proppsé une exception en faveur des curés, lorsqu'il était question de l'apposition des scellés; cette propo-
sition ne convient plus pour les déclarations. Il ne peut v avoir d'exception quand il ne s'agit que de dire la vérité.
La même raison doit déterminer à comprendre dans le décret les ordres de Saint-Michel, de Malte, de Saint-Lazare, etc.
, député du Limousin, propose cette motion :
Que tous les titulaires et supérieurs des établissements-ecclésiastiques, sans exception, seront tenus de faire des déclarations, etc., et que tous ceux qui auront fait des déclarations frauduleuses seront déchus de tous droits à leur bénéfice, ainsi qu'à toutes pensions ecclésiastiques. .
présente cet amendement : que lés déclarations soient faites par-devant les juges des lieux, et sous procès-verbaux d'inventaire, dont copie sera envoyée à l'Assemblée nationale.
Vous ne pouvez pas vouloir nous soumettre à des peines ayant d'avoir fixé exactement la forme des déclarations. Beaucoup d'abbés commandataires ne sont jamais allés dans leurs abbayes; voulez-vous les dépouiller pour des erreurs involontaires? Vous ne devez punir que la mauvaise foi. Iudiquez-nous donc, les moyens qu'il faut prendre pour faire des déclarations complètes.
Ce que vient de dire le préopinant nous prouve peut-être la sagesse de la mesure que vous venez de rejeter. Depuis trois cents ans, on a fait une multitude de déclarations, et pasjine peut-être ne s'est trouvée exacte J'appuie d'autant plus volontiers la proposition de M. Des-Roys, qu'il sera infiniment aisé de se conformer au vœu-de l'Assemblée. Je m'étonne qu'on ait cherché à excuser d'avance l'inexactitude et l'infidélité des déclarations.
Beaucoup d'ecclésiastiques ont fait au fisc des déclarations inexactes; il serait à propos d'insérer dans le décret une clause qui les mit à l'abri dés poursuites des traitants.
proposent d'ordonner que les déclarations seront affichées aux portes des églises et des paroisses.
observe que beaucoup de membres ont quitté la séance dans la persuasion qu'elle était levée. Il demande l'ajournement à demain.
Cet ajournement est rejeté.
On délibère sur la proposition de l'affiche^ elle est adoptée, ainsi que divers amendements,
Le décret est conçu en ces termes :
« L'Assemblée Dationale a décrété ce qui suit:
« Que tous titulaires de bénéfices, de quelque nature qu'ils soient, et supérieurs de maisons et établissements ecclésiastiques, sans aucune exception seront ténus de faire sur papierlibre et sans frais, dans deux mois pour tout délai, à compter de la publication du présent décret, par devant les jugesroyauxQUofliciersmunicipaux, une déclaration détaillée de tous les biens mobiliers et immobiliers dépendants des dits bénéfices, maisons et établissements, ainsi que de leurs revenus, et dé fournir dans le même délai un état détaillé des charges dont lesdits biens peuvent être grevés ;
lesquels déclarations et états seront par eux affirmés véritables devant lesdits j'uges ou officiers, et seront publiés et affichés à la porte principale de chaque paroisse où les biens sont situés, et envoyés à l'Assemblée nationale par lesdits juges et officiers. Décrète pareillement que les titulaires et supérieurs d'établissements ecclésiastiques seront tenus d'affirmer qu'ils n'ont aucune connaissance qu'il ait été fait directement ou indirectement quelque soustraction des titres, papiers et mobilier desdits bénéfices et établissements, comme aussi que ceux qui auraient fait des déclarations frauduleuses seront poursuivis devant les tribunaux, et déclarés déchus de tout droit à tous bénéfices et pensions ecclésiastiques; pourra néanmoins le, susdit, délai de deux mois, être prorogé, -s'il y a lieu, pour les ecclésiastiques membres de l'Assemblée seulement, et sur leur réquisition, sans que des déclarations qui seront faites, il puisse résulter aucune action e la pari des agents du fisc. »
a levé la séance, et l'a indiquée pour demain neuf heures et demie du matin.
Observations et motions de M. le comte de Cler-mont-d'Esclaibes, député de
Chaumont-en-Bassigny, relatives au port d'armes. (Distribuées le
Député du bailliage de Chauinont-en-Bassigny, j'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée nationale :
1° Que cette partie de la Champagne est couverte de forêts qui servent d'aliment à quantité de forges, fourneaux, clouteries et autres usines à feu ;
2° Que les nombreux.ouvriers occupés à l'exploitation des bois et à la fabrication des fers, sont, les uns venus de provinces éloignées, la plupart sans domicile fixe, et presque tous sans aucune propriété foncière;
3° Que d'une part on les voit, depuis la suppression du droit de chasse, empressés à je pourvoir d'armes à feu, et de l'autre, à la veille de tomber dans le désœuvrement, puisque Paris a fermé le principal débouché où se portaient les produits de leur industrie;
4° Que les réflexions à faire sur le danger de laisser armés une multitude de bras oisifs et qui portent tout avec eux sont applicables, sans doute, à plusieurs autres parties du royaume;
5° Qu'enfin le prétendu droit de tout homme libre à porter des armes, disparaît devant celui de la société, qui pour sa propre conservation, peut exiger une garantie de ceux à qui elle confie cette force artificielle-
En conséquence, je propose à l'Assemblée de décréter qu'aucun habitant des campagnes ne pourra porter ou garder chez lui une arme à feu, s'il n'est propriétaire ou fermier d'une étendue de sol suffisante à l'occupation d'une charrue.
Nota. Il y a plus de six semaines que cette motion a été mise sur le bureau : M. le président m'a observé qu'elle n'était point dans l'ordre du jour, et je n'ai pas cru devoir insister.
De nouveaux avis, de pressantes, d'itératives sollicitations me persuadent que mes commettants croient nécessaires et très-urgent de la renouveler.
Pressé entre ma soumission à leurs volontés et la crainte d'importuner l'Assemblée, j'ai pris le parti de mettre chacun de ses membres à même ae juger si ma demande mérite attention ou ajournement.
Rapport fait au comité des domaines, le
Messieurs, le temps qui répand les lumières, perfectionne aussi les lois : celles qui régissent les domaines de la Couronne ont subi des révolutions fréquentes, qui jettent sur cette matière une assez grande obscurité. Pour bien connaître cette branche essentielle de notre législation, il faut en rechercher l'origine, en étudier les variations en suivre les progrès. C'est la tâche que vous m'avez imposée. Les détails où je vais entrer sont arides et rebutants. Je compte sur votre attention, parce que la matière est importante ; et j'implore votre indulgence, parce que je connais la faiblesse de mes moyens.
Les rois de France ont eu, dès l'établissement de la monarchie, des domaines considérables. Les Francs, conquérants des Gaules, s'emparèrent d'une portion du territoire des peuples vaincus. Toute l'armée victorieuse prit individuellement une part plus.ou moins grande à cet intéressant partage; et l'on juge bien que celle du chef de la nation fut relative à la dignité et aux charges qu'il avait à soutenir (?.); aussi le produit des domaines royaux, joint à quelques perceptions accessoires, a-t-il longtemps suffi aux dépenses ordinaires de la souveraineté.
Ces précieux domaines qui formaient toute la richesse de l'Etat, n'étaient cependant pas considérés alors comme inaliénables. Les rois mérovingiens, entourés de guerriers exigeants et farouches, de prélats ambitieux (3), de courtisans avides, détachaient chaque jour des portions considérables de leurs domaines, qu'ils conféraient à titre de bénéfice. Ces dons multipliés furent
d'abord amovibles à la volonté du donateur : ils furent ensuite conférés à vie, et la commune opinion est que le traité d'Andelaw ou d'Andely entre Childebertet Gontraa les rendit héréditaires. Celui de Paris consomma bientôt après celte grande révolution.
La prodigalité des rois eut bientôt épuisé leurs possessions territoriales, et les Francs loin de contester au monarque le droit de les aliéner, cherchèrent à faire imprimer le sceau de la loi (1 ) à ces dissipations ruineuses. Le traité dont on vient de parler fut l'ouvrage des grands du royaume. Ils allèrent jusqu'à forcer les deux rois français à rétablir dans leurs bénéfices ceux qui en avaient été dépouillés (2).
Ces rois privés de leurs domaines perdirent leur puissance avec leurs richesses. Les maires du palais profitèrent de cet affaiblissement et ne leur laissèrent que le vain titre de roi. Le trône même fut vacant pendant un assez long intervalle, sous le gouvernement de Charles-Martel (3) et son fils Pépin dicta bientôtaprès à l'évêque de Rome (4) cette fameuse réponse par laquelle ce pontife disposa du trône, en déclarant qu'il convenait que le titre et la puissance fussent réunis sur la même tête.
Charlemagne dont le caractère moral porte toujours l'empreinte de la véritable grandeur, gouverna ses domaines avec une attention digne du citoyen le plus économe. On trouve, dans un de ses capitulaires, un compte exact de son administration domestique. Les détails où il daignait descendre et qu'il partageait avec l'impératrice, paraîtraient aujourd'hui minutieux et presque vils.
Quoi qu'il sentit bien le prix de ses possessions territoriales, qu'il se fût (même singulièrement appliqué à le3 étendre, il continua d'en disposer comme son aïeul. Obligé de s'attacher les grands par des bienfaits toujours nouveaux, il multiplia les bénéfices aux dépens de ses, domaines. On lui reproche même d'avoir donné à, ses. enfants, ce dangereux exemple, et de leur avoir appris à acheter des flatteurs, et à s'entourer de courtisans intéressés a ies séduire (1).
Sous ce prince, les bénéfices ne se donnaient cependant encore qu'à vie. Louis le Débonnaire, cédant à la nécessité, en aliéna quelques-uns à perpétuité, et Charles le Chauve bientôt après consentit à les rendre héréditaires. 11 » voulut même que les seigneurs qui en étaient en possession pussent,, à défaut. d'enfants, en disposer en faveur des-Collatéraux. N'ayant plus de bénéfices à donner, il poussa la subversion des règles jusqu'à rendre les comtés héréditaires. Chacun sentit bien qu'il agissait contre sesjntérêts ; mais il ne vint dans l'esprit de personne que ce nouvel ordre de choses fût contraire aux principes du droit public, qu'on ne Soupçonnait pas. On peut consulter sur ce point:de fait Dom Bouquet, dans sa collection dés historiens de France, et les Capitulaires de Charles le Chauve de l'année 877, article 10. On y verra pour la seconde fois, la libre disposition des domaines royaux érigée en loi de l'Etat. La suite des rois carlovingiens offre encore bien des exemples de divisions de la monarchie et d'aliénations partielles des domaines de la couronne ; .ceux qui connaissent mieux le droit actuel que notre histoire ancienne, verront peut-être avec quelque étonnement la fille de Charles le Simple apporter en dot au chef d'une horde de Normands la belle province de Neustrie, et la suzeraineté sur celle dé Bretagne.
Les derniers rois de cette race fameuse ne cessèrent ces imprudentes prodigalités, que lorsque la source en fut entièrement épuisée. On vit avec quelque pitié les héritiers du plus puissant monarque qui ait régné en Europe, réduits à un nom sans pouvoirs, et aux villes de Laon et de Reims pour tout domaine.
Cette race dégradée descendit du trône ; ellefit place à celle des capétiens. Le chef de cette 3e dynastie était excessivement riche ; il possédait entre autres domaines le comté de Paris, le duché de France" et celui d'Orléans. Il rendit au trône, dont il s'empara, une partie de la splendeur; mais sa fortune, immense pour un particulier, était encore médiocre pour un souverain. Les premiers rois de cette famille auguste, à qui la monarchie doit son intégrité, comprirent que la puissance tient aux richesses. Ils pro fi tèren t des fautes et des malheurs des deux maisons auxquelles ils avaient succédé; ils ne songèrent qu'à accroître leurs domaines; les aliénations qui avaient avili le trôné n'eurent plus lieu. On vit une suite de rois appliqués à se ressaisir de l'autorité échappée à leurs prédécesseurs, lis suivirent un système d'agrandissement bien combiné,
bien adroit pour leur siècle. Ils eurent ; tous, jusqu'à Philippe-Auguste, l'attention d'associer, de leur vivant, leur fils aîné à la couronne. Ils avaient autant pour but de maintenir l'indivisibilité du trône, que de le conserver dans leur famille. ,La loi des apanages réversibles n'était cependant pas encore connue, leur prévoyance ne s'étendait pas jusque-là. Le duché de Bourgogne, sous Henri Ier, l'Artois, l'Anjou et le Maine, sous Louis VIII, furent détachés de la couronne à perpétuité; on donna même aux .filles de France des domaines en dot, à titre perpétuel et non réversible.
Philippe le Bel, donnant en apanage à son second fils Philippe-le Long, le comté de. Poitou, est le premier qui ait stipulé la réversion à défaut d'hoirs mâles.
Louis VIII avait déjà donné l'exemple d'une semblable réserve, mais il nes'était pas borné aux hoirs mâles, les femmes pouvaient encore succéder. Chopin observe même -que, jusqu'à Charles V, .nos rois n'avaient restreint l'apanage aux mâles que par des dispositions dans leur famille, domesticâ lege, et que ce prince est le premier qui en ait fait une loi du royaume.
On a cependant prétendu que vers la fin du xiii® siècle les princes chrétiens, assemblés à Montpellier, en personne ou par leurs représentants, avaient réglé qu'à l'avenir les domaines de leurs couronnes respectives seraient inaliénables. Cette fable, sans possibilité, sans vraisemblance, a été hasardée, pour la première fois, par un jurisconsulte anglais, dans un ouvrage donné sous le nom de Fleta, parce que l'auteur était alors dans la prison nommée The Fleet ; mais personne aujourd'hui n'est dupe de cette fiction mal tissue.
Après ce précis purement historique, on va rappeler dans l'ordre de leurs dates les principales ordonnances relatives aux domaines. La première -de l'année 1318, a été rendue par Philippe V, dit le Long; ' elle peut être regardée comme la loi constitutive de l'inaliénabilité des domaines dans l'ordre ciyil (l); Cette loi cependant et celle de Charles le Bel, son frère, de l'année 1321,semblent faire dépendre la question d'un point de fait, de la lésion et de la surprise.
On trouve ensuite celle de 1356; dont les articles 41 et 45 sont relatifs aux domaines. Par le premier, Charles V, lors Dauphin, promet aux gens des trois états de ne point aliéner ses domaines, ni souffrir qu'ils soient aliénés ; il promet également de faire révoquer les dons excessifs, ou sans juste cause, faits depuis Philippe le Bel, et il veut, par l'article 45,• que le chancelier fasse serment de ne sceller aucunes lettres portant aliénation du domaine. Ce'prince, devenu roi, renouvela ses dispositions en 1364 : sous ce prétexte la Chambre des comptes fit saisir les dons faits à Guillaume Nogares et à Guillaume Duples-sis; mais Charles V déclara, par d'autres lettres du 24 novembre de la même année, que ces termes, depuis Philippe le Bel, ne devaient être entendus que de ce qui avait été fait-, depuis la mort de ce prince.
Par une ordonnance de 1374, Charles V régla les apanages de ses enfants nés et à naîtro elles dots de .ses filles. Il fixa les apanages de ses fils à 12,000 livres de rente, la dot de sa fille aînée à 100,000'livres, et celle des autres à 60,000 livres.
En 1401, Charles VI donna une ordonnance pour la conservation de ses domaines et pour la révocation des aliénations précédentes. Il ordonna que l'apanage du duc d'Orléans son frère serait augmenté, s il se trouvait trop faible.
Louis XI exécuta les lois prohibitives faites par ses prédécesseurs, et fit plusieurs réunions des domaines aliénés; mais il éluda souvent lui-même'ces sages règlements en faveur de Notre-Dame dé Gléry et d'autres églises, auxquelles il assigna des rentes sur ses domaines. Il donna même dés terres et dés seigneuries considérables à des particuliers. « Des terres, dit Cominnes, donna grande quantité aux gens d'Eglise, mais ce don de. terres, ajoute-t-il, n'a point tenu, aussi ils en avaient trop. »
Louis XI mourut le 30 août 1483. Charles VIII, en montant sur le'trône, ordonna la recherche de tous les domaines aliénés sous le règne précédent.-En 1498, la couronne de France fut déférée à Louis XII. Il avait beaucoup de biens patrimoniaux ; il maria sa fille Claude au duc (J'Angou-lêm'e, et par des lettres patentes de 1500 et de 1509, il déclara que les comtés et seigneuries de Soissons, Blois, Coucy et Duriois, formant son domaine particulier, ne seraient point confondus •avec le domaine royal, mais qu'ils demeureraient propres à la maison d'Orléans, aliénables et transitoires à tous ses héritiers de même sang et ligne. Cette exception, dit M. de la Guesle, confirma la règle pour tout le reste, et prouva qu'ordinaire est de droit en la confusion de Ces domaines. Par édit du 3 décembre 1517, François Ierrévoqua toutes les aliénations des domaines, à la réserve des terres aliénées pour les frais de-la guerre.
Il est bon de remarquer que jusqu'ici les lois qu'on vient d'analyser n'avaient fait aucune mention .des aliénations à prix d'argent qui, avant François Ier, ce prince guerrier, malheureux et prodigue, n'étaient guère en usage, et, dans cette loi il n'est fait aucune mention de la faculté de-rachat. En vertu de cet édit et de deux autres qui le suivirent de près, les procureurs, généraux firent des recherches, on leur opposa la prescription; le roi donna un nouvel édit, le 30 juin 1539, par lequel il déclara qu'en cette matière "la prescription, même centenaire, ne pouvait être opposée.
François II, à son avènement à la couronne, révoqua, comme la plupart de ses prédécesseurs, toutes les aliénations antérieures; il en excepta néanmoins entre autres Je duché de Chartres, le comté de Gisors et les autres terres données en mariage à la duchesse de Ferrare. C'est peut-être la dernière fois qu'une fille de France ait eu des terres en dot ; encore'Celle-ci pouvait mériter une dérogation à la règle générale.
Nous Yoilà parvenus à l'année 1566, époque célèbre dans l'administration domaniale. L'ordonnance-du mois de février de cette année fait un détail de toutes les différentes natures.de domaines, et consacre tous les principes d'après lesquels ils- doivent être administrés. Elle a conservé le nom d'Ordonnances des domaines, et elle est la base de tous les règlements intervenus depuis sur cette matière. Le premier article règle que le domaine de la couronne ne pourra être aliéné qu'en deux cas seulement : le premier pour apanage, et l'autre en deniers comptants pour nécessité de guerre, mais que dans ce cas il y aura faculté perpétuelle de rachat.
Le second et le troisième articles décident que le domaine dé la Couronne doit s'entendre de
celui qui a été expressément consacré et incorporé àia Couronne, ou qui a été administré pendant dix ans par les officiers des domaines, ou enfin des portions du domaine autrefois aliénées et retournées à la Couronne.
L'article 8 porte que les aliénataires du domaine pour les causes ci-dessus autorisées, ue pourront couper lès bois de haute futaie, ni tou- « cher aux forêts.
Il est statué par les articles 15 et 16 que les vassaux et censitaires des terres aliénées, à la seule exception des apanages, continueront de faire au Roi foi et hommage et les autres obéissances féodales.
Par autre édit de même date, il est porté qu'attendu la nécessité de mettre en culture et labeur les terres vaines et vagues, prés, pàlus et marais vacants appartenant au Roi, ces -objets seraient aliénés à perpétuité à cens et rentes et deniers d'entrée, sans que ces aliénations pussent être par la suite révoquées. Voilà l'origine de la direction qui subsiste ëncore entre le grand et le petit domaine.
En 1576, sous Henri III, les Etats du royaume furent convoqués à Blois : l'ordonnance, rendue sur leurs demandes en 1579, ordonne l'exécution de celle de 1566 dont elle rappelle et sanctionne les principes ; elle veut qu'en engageant les domaines, le Roi se réserve la nomination des offi-ciérs extraordinaires.et lés droits royaux; elle révoque, avec certaines modifications et sous quelques exceptions, les aliénations antérieures.
Henri IV parvint au trône en 1589 : il n'avait point d'enfants alors ; l'affection qu'il portait à sa sœur, la duchesse de Bar, lui arracha la déclaration du 15 avril 1590, par laquelle il déclara n'entendre réunir à la couronne de France ses biens patrimoniaux.'Le parlement réfusa cte l'enregistrer; il reçut plusieurs lettres de jussion, et le 29 juillet 1591, intervint arrêt, portant que le parlement ne pouvait ni ne devait procéder à la vérification.
La duchesse de Bar mourut en 1604, et, par édit du mois de juillet 1607, le Roi révoqua sa déclaration, confirma l'arrêt de 1591, etprononça lui-même la réunion, sans préjudicier néanmoins aux droits de ses créanciers ; ainsi il. n'est plus permis d'agiter comme une question l'union des biens patrimoniaux du prince, au moment et par le seul fait de son avènement à la couronne.
Louis XIII, en 1611 et 1615, déclara que les taillis seuls, et non les futaies, pourraient être compris dans les engagements.
M. Gûlbert, devenu ministre des finances, voulut en 1666 obliger tous les départements des domaines engagés de représenter leurs titres. En 1667, intervint édit qui ordonne que tous les domaines aliénés à quelques personnes, pour quelque cause et pour quelque temps qfue ce soit, à l'exception des dons faits aux églises, des douaires, apanages et échanges faits sans fraude ni fiction, seront réunis à la Couronne, nonobstant toute prescription, sans qu'ils en puissent à l'avenir être distraits ni aliénés, si ce n'est pour apanages, et à-la charge de la réversion, le cas échéant.
Les possesseurs de terres vaines et vagues, landes, marais, étangs, communes et autres domaines concédés à deniers d'entrée, à cens, rente et redevance par inféôdation à perpétuité, à temps ou à vie, ainsi que lés détenteurs des boutiques, échopes et places données par baux emphytéotiques, furent chargés de représenter les titres et baux de leur concession pour être remboursés ou
maintenus et conservés, ainsi qu'il serait jugé par le conseil.
Le Roi déclara qu'il pouvait rentrer dans les domaines échangés, en rendant les biens et droits qui lui auraient été donnés en échange, dans le cas où il aurait souffert une lésion énorme, et dans celui où les évaluations n'auraient pas été faites selon les formes requises. Cet édit fut enregistré en lit de justice.
Les guerres qui survinrent ensuite firent perdre de vue le projet de rentrer dans les domaines. En 1691, les possesseurs des biens et droits domaniaux furent confirmés dans leur jouissance, en payant des suppléments de finance. En 1695, 1702, 1708 et 1712, il fut même ordonné différentes aliénations des domaines.
Lors du fameux système de Law, le gouvernement forma le projet de rentrer dans les domaines aliénés et, après quelques opérations préliminaires, le conseil rendit l'arrêt du 2 novembre 1719, par lequel il fut dit que tous les domaines et biens domaniaux aliénés ou engagés , de puis quelque temps que ce fût, -seraient réunis à la couronne sans pouvoir à l'avenir en être désunis ni détachés, pour quelque cause que ce fût ; on n'excepta que les apanages, les dons faits aux églises, les douaires et les échanges faits sans fiction et sans fraude. Le mode et les conditions de cette réunion sont réglés et déterminés avec beaucoup de détail, et l'exécution de l'édit du mois d'avril 1667 est expressément réservée. Un autre arrêt du 23 novembre suivant nomma des commissaires pour procéder à cette grande opération, mais elle tomba dans l'oubli avec le fatal] système qui l'avait fait regarder comme possible; et au lieu de suivre ce plan, on ordonna et on exécuta de nouvelles aliénations. On abandonna ensuite l'usage de faire payer en deniers ces sortes d'acquisitions ; on y substitua des baux à rente, propres à former un revenu fixe au Trésor public, on obligea seulement les nouveaux adjudicataires de rembourser la finance due aux anciens. Ces dispositions sont consignées dans l'arrêt du conseil du 13 mai 1722.
Enfin, le Roi régnant a rendu en son conseil, le 7 mars 1777, un premier arrêt portant règlement pour les ventes et reventes des domaines. Il «st inutile d'en rapporter les dispositions, parce qu'il est demeuré sans exécution; il a été révoqué ou suspendu par un autre arrêt du 14 janvier 1781, qui forme le dernier état des choses. Au lieu d'en faire l'analyse, qui demanderait de grands détails, nous renverrons au compte de 1780, où le premier ministre des finances, auteur de ce dernier règlement, s'exprime en ces termes : « Votre Majesté, dit-il, s'est bornée à exiger des engagistes, qu'ils eussent à fournir l'état exact des domaines dùnt ils jouissent, et d'après cette connaissance, les administrateurs généraux des domaines examineront avec attention quelle est la redevance annuelle qu'on peut exiger pour établir une plus juste proportion entre les finances et le produit des domaines. Les administrateurs devront en traiter à l'amiable avec les engagistes, sans les forcer à se soumettre à cette décision, s'ils préfèrent d'être remboursés de leur finance, en rétrocédant les domaines qui leur ont été aliénés ; et ceux des engagistes qui acquiesceront à la redevance déterminée, seront maintenus dans la jouissance de leur engagement pendant le règne de Votre Majesté. »
On ne se permettra aucune réflexion sur cette opération de finances ; il est probable que les changements subits et fréquents survenus dans
le ministère des finances ont empêché de lui donner toute l'exécution dont elle était susceptible. Quoi qu'il en soit, elle est fondée sur le principe de l'inaliénabilité des domaines, et sur ia faculté perpétuelle de rachat à laquelle ils sont soumis, nonobstant tout laps de temps, et quand même cette faculté n'aurait pas été stipulée par l'acte d'aliénation.
Après avoir parcouru succinctement les faits historiques, les lois et les divers règlements relatifs à cette partie intéressante de notre droit public, il nous reste à classer les objets dont le domaine est composé et à indiquer les privilèges qui le concernent, et les moyens établis pour le conserver.
Eutre les différentes sortes de biens qui composent le domaine, les uns sont domaniaux par leur nature, les autres sont tels parce qu'ils ont fait partie du domaine dès les commencements de la monarchie, ou parce qu'ils y ont été réunis dans la suite. Dans la première classe sont les immeubles réels, comme les villes, duchés, comtés; dans la seconde, certains droits incorporels, tels que le droit d'amortissement, francs-fiefs, nouveaux acquêts, ceux mêmes d'insinuation et de centième denier.
Le domaine ancien est celui qui se forma dès le commencement de la monarchie, ou dont l'origine n'est pas connue. Le domaine nouveau est composé des terres et biens qui ont été unis dans la suite au domaine ancien par acquisition, succession, conquête, etc.
, Les immeubles réels qui composent le domaine donnent lieu à une autre subdivision en grand et en petit domaine : le grand domaine consiste en villes, châteaux et corps de seigneuries considérables ; le petit domaine est formé de divers objets détachés qui ne font partie immédiate d'aucun corps-de seigneurie. Sur le second membre de cette subdivision, on peut consulter l'édit du mois de février 1566 et celui d'août 1708. Les droits incorporels, faisant partie du domaine, se subdivisent également suivant leur nature. Les uns dépendent de la souveraineté, et sont domaniaux par essence; les droits d'amortissement, de francs-fiefs, d'aubaine, de nouveaux acquêts sont de cetgenre; les autres ne sont point domaniaux par leur nature et ne dépendent que du droit de justice comme les déshérences, les banalités en certaines coutumes, etc. D'autres droits ne sont domaniaux que parce qu'on les a qualifiés tels, et qu'il a plu au Roi de les unir à l'administration des domaines, tel est le droit d'insinuation. Il y a encore 1er domaine muable et le domaine immuable, le domaine fixe et le domaine casuel. Au reste on se croit obligé d'observer que quelques-unes de ces divisions sont arbitraires, et qu'il y a certaines dénominations qui ont été prises par les auteurs dans des sens différents.
On peut distinguer deux sortes de privilèges du domaine: les uns lui sont inhérents, et tiennent à son essence; les autres n'ont rapport qu'à sa conservation et à la nature des actions dont il est susceptible. Les droits inhérents au domaine sont l'inaliénabilité et rimprescriptibilité, qui ont leur base directe et immédiate dans les principes du droit public et dans l'intérêt social ; de ces principes dérive encore le droit de n'être point sujet a la complainte, ni à la plupart des exceptions qui peuvent être proposées dans les instances et procès dont l'objet est commerçable, telle est l'exception rei judicatœ.
Les privilèges qui ont rapport â sa conserva-
tion sont la source des diverses précaution s dont cette conservation ést l'objet direct; ceci demande quelques détails. Un arrêt du conseil du 19 septembre 1684 oblige les fermiers et les sous-fermiers du domaine, même les engagistes, à remettre leur baux et sous-baux au greffe du domaine de leur généralités respectives. U$e disposition d'un édit du mois d'avril 1685 porte que les fermiers généraux des domaines feront mention dans les états au Roi, et dans les comptes qu'ils rendront, de la consistance en détail et par le menu de tous les droits dépendants des domaines dans leurs généralités et départements. L'article 7 de ce même édit oblige les fermiers et engagistes des domaines de fournir tous ces états à la première sommation; il impose encoré aux engagistes l'obligation de fournir à certaines époques des copies en bonne forme de leurs titres et contrats. On a encore pris d'autres précautions tendant au même but, par rapport aux actes de foi et hommage, dénombrements, déclarations censuelles, etc., par l'arrêt du conseil du 20 février 1722, et on a créé des officiers spécialement chargés de veiller à l'exécution dé toutes ces lois; tels sont l'inspeeteur général, les receveurs et contrôleurs généraux des domaines, etc. La conservation d'une partie bien essentielle des domaines est confiée au maîtrises des eaux et forêts.
Les détails dans lesquels nous venons d'entrer font naître plusieurs questions relatives aux domaines de la couronne; et les principes qui en résultent peuvent en fournir la solution.
Première question : Le domaine de la couronne est-il, a-t-il toujours été, sera-t-il toujours inaliénable?
Pour répondre à cette première question : il faut commencer par distinguer les temps. Si l'on s'arrête d'abord à celui qui s'est écoulé depuis la fondation de la monarchie jusqu'à l'extinction |1) de la seconde race en la personne de Louis le Fainéant, on est forcé de convenir que pendant ce long intervalle, qui comprend un espace de plus de 500 ans, les "lois civiles autorisaient les rois à aliener leurs domaines à perpétuité, sans espoir de réversion (2). Le traité d'Andely et le capitulaire de Charles le Chauve, dont nous avons fait mention dans l'ordre de leurs dates, avaient imprimé à ces aliénations le sceau de la loi ; et aucune loi contraire ne paraît y avoir dérogé.
L'avénement de Hugues Capet au trône forme dans notre histoire une époque bien mémorable. Ce prince et ses premiers successeurs reconnurent l'abus de ces dons successifs, de ces aliénations ruineuses dont leurs prédécesseurs avaient été les victimes» Ils y remédièrent par le fait en s'abstenant avec soin de ces dangereuses prodigalités, mais ils ne les prescrivirent par aucune loi; et loin, d'adopter le grand principe de l'inaliénabilité des biens de la couronne, on vit Hugues Capet doter ses filles aux dépens de ses domaines (3).
(3) Hugues Capet, en montant sur le trôné, avait un patrimoine immense, et le titre auguste dont il fut re-
Son fils Robert et ses autres successeurs donnèrent à leurs enfants puînés de grandes terres en toute propriété. Cependant Louis VIII entrevit l'utilité des apanages réversibles, Philippe le Bel goûta cette première idée et la perfectionna ; il était réservé à Charles le Sage de l'ériger en en loi du royaume.
En 131.8, Philippe V défendit l'aliénation des domaines; il ordonna même là révocation des dons excessifs et sans causé, faits par ses prédécesseurs ; mais ce prince et les rois qui lui succédèrent, jusqu'à François II inclusivement, ne consacrèrent point le vrai principe qui rend les domaines inaliénables; ils alléguèrent la lésion, la surprise, et ils se retranchèrent sur des motifs de fait qui sont toujours douteux; au lieu d'avouer que, n'étant que do simples administrateurs, ils ne pouvaient transmettre une propriété qui ne leur appartenait pas. Enfin Charles IX, éclairé par le génie puissant du chancelier de L'Hôpital, donna les deux ordonnances du mois de février 1566 qui servent de base à notre jurisprudence actuelle. Les grands domaines furent déclarés frappés de l'inaliénabilité la plus absolue, sous les réserves et exceptions dont nous avont parlé ; et si les petits domaines purent être aliénés, ce ne fut que pour favoriser l'agriculture et contribuer au bien général.
Gardons-nous bien de conclure de Get aperçu rapide qu'avant Charles IX les domaines de la couronne fussent vraiment aliénables. Il est vrai que la loi civile n'avait pas prononcé la prohibition; elle fournissait même des inductions contraires ; mais, comme l'observe le président de Montesquieu, G'est par la loi politique et non par la loi civile que cette question doit être décidée; aussi les différentes ordonnances que nous venons de citer donnént-elles à leurs dispositions un effet rétroactif : ce qui ne pourrait pas être, si le principe de l'inaliénabilité n'avait pas le droit public pour base.
Il ne faut cependant pas donner trop d'extension à ce principe; iivy aurait de l'inhumanité et beaucoup d'inconvénient dans l'ordre civil, de franchir tout intervalle, et de pousser ces recherches aussi loin que le droit public semble le permettre ; mais ce n'est pas dans un comité qu'il est permis de déterminer les limites auxquelles ces recherches doivent être bornées : l'Assemblée nationale peut seule prononcer sur cette grande question ; elle seule peut déterminer les points où nous devons agir, et ceux où nous devons nous arrêter : il serait même possible qu'elle ne se fît point à cet égard de loi générale, et que sur chaque espèce elle se déterminât par les circonstances, la bonne ou mauvaise roi connues ou présumées, les facultés personnelles des détenteurs, les mutations fréquentes et les actions en garantie auxquelles elles pourraient donner ouverture; tout cela peut influer plus ou moins sur le parti qu'il conviendrait de prendre dans chaque affaire. Le laps de temps seul ne sera jamais une cause de ménagement bien décidée, à cause des précautions que
les lois ont prises pour rappeler aux engagistes leurs obligations, et en perpétuer la durée. L'omission qu'ils auraient faite de satisfaire aux formalités prescrites tournerait même contre eux, parce qu'elle ferait présumer un projet d'usurpation. Il est d'ailleurs une considération générale qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est qu'on ne peut ménager les engagistes qu'aux dépens des autres citoyens, et que, dans un moment de détresse, c'est de préférence à ses débiteurs légitimes que l'Etat doit avoir recours.
Mais l'inaliénabilité des domaines aura-t-elle lieu pour l'avenir (l)? C'est ici une simple affaire de calcul. La conservation des domaines a ses avantages, l'aliénation a les siens. La nation assemblée, réunissant en elle-même tous les droits de la propriété, peut en faire tel usage qu'elle voudra; elle peut à son gré aliéner ou conserver. Si elle préfère grossir ses revenus actuels pour remplir le déficit des finances, si elle veut mettre dans le commerce des fonds précieux que des'acquéreurs, certains dTune propriété incom-mutable, cultiveront avec soin et amélioreront avec intelligence; si enfin elle veut éviter les frais de régie, les profits des fermiers, les abus, les gaspillages que doit entraîner une simple administration ; elle peut ordonner l'aliénation des domaines à perpétuité, et les acquisitions fondées sur les décrets, seront assurées et au-dessus de toute atteinte.
Ce nouveau système s'étendra-t-il jusqu'aux forêts? Il y a sur cet objet des distinctions à faire. Tous le monde reconnaît que l'aliénation des bois épars, des simples bouquets, des taillis mêmes serait avantageuse, par cela seul que les frais d'une administration étendue à tant de détails doivent en absorber les produits ; mais les forêts en grandes masses sont dans un cas différent (2) : elles sont la ressource de la marine, et celles qui sont situées dans le voisinage des places fortes sont nécessaires à leur entretién. Des particuliers devenus propriétaires de ces forêts pourraient s'empresser de jouir et ne pas conserver les grands arbres dont on a besoin pour cette double destination. Les règlements qu'on ferait pour les y contraindre pourraient être éludés; et les belles pièces de bois, déjà très-rares en France, le deviendraient encore davantage.
La nation préféra ces motifs pour se déterminer sur cette grande question; et si elle prend le parti de conserver les grandes forêts, elle en améliorera le régime ; elle fera veiller aux aménagements, à ce qu'elles soient bien gardées et peuplées de bois convenables au sol. Les administrations provinciales fourniront à cet égard de grandes ressources.
Seconde question : Le roi de France peut-il avoir un domaine privé distinct du domaine de la couronne ? Cette question semble devoir se résoudre par une distinction : ou ce domaine fait partie du royaume de France comme ceux que possédait Henri IV dans plusieurs cantons du royaume, ou bien c'est une souveraineté ou une seigneurie étrangère à la France, et située au delà de ses limites, comme la Navarre, venue à la branche
royale par la maison d'Albret, ou comme le Milanais qui formait le patrimoine de Louis XII.
Au premier cas, les règlements dont on vient de rendre compte, établissent de la manière la plus formelle que le domaine particulier du prince qui parvient au trône, les successions mêmes qui lui arrivent, sont de plein droit réunis à la couronne. C'est une suite naturelle de nos anciennes lois féodales. Les objets qui lui viennent à titre de déshérence, de bâtardise, d'acquisition même se confondent également avec le domaine royal; ils sont le produit des revenus nationaux, dont le Roi n'est que l'administrateur et non l'usufruitier ; mais hors le cas de la conquête, ces règles s'appliqueraient " difficilement aux possessions foncières situées hors des limites du royaume; parce que nos lois ne peuvent avoir d'autorité au delà du territoire qui leur est soumis, et qu'il est difficile de penser que sans un consentement formel,.deux nations, souvent opposées de caractère et gouvernées par des lois différentes, se confondent de plein droit pour n'en faire plus qu'une, parce que le hasard de la naissance leur a donné le même souverain ; ainsi la tille de Louis le Hutin hérita de la Navarre, quoiqu'elle fût incapable de succéder à la couronne de France, et lorsqu'en 1500 et 1509 Louis XII prit des précautions pour empêcher la confusion du patrimoine de la maison d'Orléans, il ne parla dans ses lettres patentes que des seigneuries situées dans le royaume, il ne fit aucune mention du Milanais ni des autres objets qu'il possédait en Italie. Il ne pensa jamais que, parce qu'il était monté sur le trône de France, des fiefs impériaux pussent cesser de l'être, et devenir des parties intégrantes de son nouveau royaume. Ce que l'on vient de dire ne peut s'appliquer à la partie de la Navarre rendue à la France par le traité des Pyrénées, ni à la Lorraine échangée avec la Toscane en 1735. La réunion de ces deux provinces, prononcée par les traités, a été confirmée par le laps de temps, et surtout par le voeu et l'assentiment des peuples. {Voyez à la fin quelques observations sur les réunions ; elles ont paru trop longues pour être mises en note.)
Troisième question : La révocation des engagements nécessite le remboursement de la finance qui en a été le prix. Doit-elle être rendue selon sa valeur mumérique actuelle, sans égard à celle qu'elle avait au temps de l'aliénation? Une nation qui exerce un droit rigoureux doit surtout être juste, et les engagistes dont un titre régulier ffrait présumer la bonne foi ont droit d'exiger l'équité la plus exacte; on sait les augmentations progressives qu'éprouve graduellement la valeur numérique des métaux. Après une certaine révolution le même nombre de livres ne répond plus à la même quantité effective, ne désigne plus la même chose, et c'est la quantité et la chose qui sont dues, indépendamment de l'expression (1).
Si rengagement avait acquis des héritages dans le commerce, ils auraient augmenté de valeur en raison directe de la diminution de celle du numéraire. On dira qu'il a trouvé dans les jouissances une indemnité anticipée ; mais nous supposons une acquisition faite de bonne foi ; et d'après les principes du droit, tout possesseur de bonne foi gagne les fruits sans restitution.
Quatrième question : L'abolition de la féodalité et l'aliénation des domaines obligera de changer la loi des appanages ; il sera nécessaire de les convertir en une rente annuelle réversible à la couronne aux cas de drôit. 11 faudra que la quotité de cette rente soit relative à la dignité et à l'éclat qui doit environner la personne des enfants de France. On sent bien que la somme de 200,000 livres, à laquelle le revenu des apanages est actuellement fixé, n'a aucune proportion avec l'éclat qu'ils doivent tenir : de là ces évaluations feintes, ces estimations illusoires, ces tours de force (permettez-moi cette expression), autorisés par l'usage et que nous avons vu employer pour transgresser la loi, en paraissant lui obéir. Il faudrait donc assignera l'apanagiste un revenu décent qui le dispensât d'être à charge à l'Etat, et de puiser arbitrairement dans le trésor public; il serait même juste de pousser la prévoyance jusqu'à assurer à ce revenu une augmentation graduelle et successive, en raison de la diminution de la valeur effective des espèces et de l'-aug-mentation du prix des terres. Mais ce règlement pourrait-il avoir un effet rétroactif? La nation pourrait-elle dans un moment de crise retirer les anciens apanages et les convertir en rente annuelle équivalente au produit? Les princes qui en jouissent pourraient invoquer les lois anciennes, et se retrancher sur leur possession ; mais le salut de l'Etat est la suprême loi ; et si le chef de la nation n'est que simple administrateur, si la nation a le droit de disposer des biens domaniaux pour libérer le fisc, la portion de ces domaines dont la jouissance a été abandonnée aux enfants puînés de nos rois serait-elle plus sacrée que celle qui est restée dans les mains de notre monarque? C'est à vous, Messieurs, ou plutôt c'est à l'Assemblée nationale de résoudre ce grand problème.
Cinquième question : Quelle est la forme des aliénations du domaine de la couronne ?
Autrefois, du temps même d'Henri IV, les engagements se faisaient par acte devant notaires et les différents protocoles peuvent encore en fournir des minutes. Aujourd'hui le Roi nomme des commissaires pour en faire les adjudications au plus offrant et dernier enchérisseur après publications préalables; ces commissaires, pris d'abord dans le parlement et dans la Chambre du domaine, ont depuis été choisis par mi les conseillers d'Etat et les intendants des hnances. 11 y a actuellement un bureau particulier pour les aliénations.
Les échanges sont sujets à d'autres formalités. Elles consistent à faire des procès-verbaux d'évaluation des fonds qui sont donnés au Roi en échange dë ceux qu'on en reçoit. Il faut qu'après la clôture de ces évaluations, il soit expédié des lettres de ratification, et que ces lettres soient enregistrées dans la forme ordinaire ; jusque-là
l'échange n'est point parfait, et l'échangiste n'est point propriétaire incommutable. On ne peut assimiler, disait en 1776, M. le procureur général de la Chambre des comptes, dans l'affaire de M. le duc de Bouillon, on ne peut assimiler les échanges faits avec le Roi avec ceux qui peuvent avoir lieu entre particuliers;ces derniers acquièrent leur perfection par la signature de l'acte qui annonce la volonté des parties, tandis que les échanges faits avec le Roi ne sont que projetés par la signature du contrat; et qu'ils deviennent dès lors sujets à des formalités qui sont tellement essentielles , que leur omission compromet à toujours la propriété; jusque-là elle n'est que précaire : ce n'est qu'une jouissance provisionnelle. Voyez l'édit d'octobre 1711; on finira par observer que, dans l'ordre naturel des choses, les évaluations devraient précéder le contrat et l'envoi en possession. Dans l'échange dès domaines de la couronne on suit une marche contraire ; on contracte avant de connaître d'une manière légale et positive la valeur des objets dont on traite, on met l'échangiste en jouissance, et on lui laisse le soin de faire procéder aux évaluations; l'on sent bien que, s'il en craint le résultat,, il ne manque pas de moyens pour s'y soustraire. Cette forme vicieuse est la source des plus grands abus ; on pouvait les prévenir en ordonnant que l'évaluation précéderait le contrat, ou du moins en fixant à l'échangiste un délai fatal, après lequel les biens domaniaux donnés en échange seraient réunis de plein droit à la couronne, faute d'avoir consommé les évaluations et accompli toutes les formes.
Ce serait ici l'instant, Messieurs, de vous proposer un projet de décret pour établir et consacrer les principes sur lesquels repose cette partie essentielle de notre législation; mais la matière est si importante, elle a des branches si étendues, elle donne lieu à des questions si délicates que l'entreprfse serait prématurée. Je sens d'ailleurs, malgré votre indulgence, combien est faible et superficielle l'esquisse que j'ai eu l'honneur de vous présenter. La lecture rapide que vous en avez entendue ne vous a pas même permis de saisir des nuances que je n'ai fait qu'indiquer, et que je n'ai peut-être pas énoncées d'une manière assez précise. J« ne puis donc que vous inviter a vous occuper séparément de ces grandes questions, à approfondir et à méditer les principes qui doivent en fournir la solution, et, dans une autre séance, vous déterminerez les points sur lesquels doit porter ce décret important. Un projet digne d'être présenté à l'Assemblée nationale sera le fruit de vos travaux, de vos méditations, et de vos recherches.
Observation sur les réunions. (Voir page 51.)
La réunion des biens propres et acquêts du prince régnant au domaine de la couronne n'est point fondée sur une loi particulière; elle avait lieu avant l'ordonnance de 1566 (1). C'est une émanation, une suite nationale de nos lois féodales, en vertu desquelles le fief dominant est réuni de plein droit au fief servant, lorsque l'un et l'autre se trouvent appartenir au même propriétaire. Cette réunion, appliquée au domaine royal, s'opère de plein droit à l'instant même de l'événement qui y donne lieu, et son effet est
perpétuel et irrévocable ; autrement les biens de la maison de Valois/ ceux de Louis XII et de François Ier seraient passés depuis longtemps dans des familles étrangères. Il n'est pas même nécessaire que ces biens aient été régis pendant dix ans par l'administration des domaines, comme le suppose l'ordonnance de 1566; c'est dans la seconde année de son règne que Henri IV donna une déclaration pour empêcher la confusion de ses domaines particuliers avec ceux de la couronne, et elle ne produisit aucun effet; le parlement en opéra la rectification et maintint les vrais principes. La réunion en matière domaniale n'a donc rien le commun avec l'inaliénabilité, on ne peut tirer de conséquence de l'une à l'autre, parce qu'elles partent de deux sources différentes : l'une procède du droit féodal, et l'autre du droit politique. Il peut sans doute arriver que les biens échus au souverain ne soient pas dans la mouvance directe de la couronne; mais la réunion n'en aurait pas moins lieu en ce cas, parce que tout ce gui appartient au Roi est sur-le-champ affranchi de la mouvance des seigneurs particuliers ; au reste, l'abolition du système ïêodal obligera l'Assemblée nationale à consacrer cette réunion, pour l'avenir, par un décret formel.
Autorités et passages relatifs à la réunion.
M. Gilbert, inspecteur général du domaine, a fait, en 1760, un mémoire, où les principes exclusifs du domaine privé sont établis avec autant de force que de précision. Il dit que la personne du Roi est tellement consacrée à l'Etat qu'elle s'identitie en quelque sorte avec l'Etat même, et que comme tout ce qui appartient à l'Etat est censé appartenir au Roi, tout ce qui appartient au Roi est réciproquement censé appartenir à l'Etat. Le Roi devient l'homme de l'Etat; il contracte avec sa couronne une société perpétuelle et indissoluble, qui, lui communiquant tous les avantages attacnés à la couronne, communique aussi à la couronne tous les droits propres à la personne du Roi.
M. Freteau, aussi inspecteur du domaine, a dit, dans un mémoire contre M. l'évêque de Péri-gueux, que la constitution de cet état oe permet pas de reconnaître dans le prince d'autre caractère qu'un caractère public, qui efface absolument toute idée, tout attribut d'une personne privée ; qu'on ne peut supposer que le prince ait quelque bien propre, quelque domaine particulier, à raison duquel son intérêt puisse être différent de celui de la couronne.
M. de la Guesle, déjà cité, pose pour principe que par le saint et politique mariage entre nos Rois et la couronne, les seigneuries qui leur appartiennent particulièrement sont censées, par même moyen, appartenir au royaume : que le domaine public attire le domaine particulier, en sorte qu'il se fait un mélange indissoluble du tout en tout.
M. Dubeloy, avocat général au parlement de Toulouse, dit que le patrimoine particulier du prince se confond et se réunit à la couronne ; que tout ce qui lui appartient est dù à la chose publique, ainsi que ce qui lui advient par succession, acquisition, ou autre moyen quelconque.
Par l'édit de juillet 1607, dont on a rapporté les dispositions, Henri -IV prononça lui-même la réunion de ses domaines particuliers au domaine public. 11 établit pour principe que les rois de France sont dédiés et consacrés au public, duquel
ils ne veulent rien avoir de distinct et de séparé ; qu'ils ont contracté avec leur couronne une espèce de mariage saint et politique, par lequel ils l'ont dotée de toutes les seigneuries qui, à titre particulier, pouvaient leur appartenir.
Un arrêt du 9 janvier 1679 a jugé que la terre de Bohin, que ce monarque possédait n'étant encore que Roi de Navarre, sous la mouvance des religieux de Vermand, avait été réunie au domaine par son avènement à la couronne de France, et que la mouvance de ces religieux avait été dès ce moment éteinte.
On finira ces citations par une anecdote propre à confirmer les maximes adoptées au rapport. Quand Louis le Grand eut acheté le palais d'Orléans, ou du Luxembourg, il dit à M. de Harlay que c'était pour remplacer le Palais-Royal, qu'il avait donné à M. le duc de Chartres; ce magistrat lui demanda en quel nom il l'avait acheté : Au mien, réponditleRoi.—Tant pis, sire, répliqua-t-il ; car tout ce que vous acquérez en votre nom appartient à la couronne, et par conséquent l'achat du Luxembourg ne remplace point l'aliénation que vous avez faite. (Dict. des arrêts, V° Domaine.)
Nouvelie observation.
Ce rapport était à l'impression, lorsque l'Assemblée nationale a été forcée d'abandonner pendant deux séanees l'ouvrage immortel de la constitution, pour s'occuper du droit public rie la Bretagne. Plusieurs orateurs, divisés d'opinion, . ont discuté avec chaleur et énergie la question intéressante dont le décret de 11 janvier a donné la solution. Au milieu d'une foule de vérités instructives, il est échappé à un honorable membre" une erreur, ou du moins une inexactitude, qui semble contredire les principes que nous avons établis au comité des domaines, et que nous soumettrons bientôt au jugement de l'Assemblée. Il a dit que, sans le contrat de 1532, la Bretagne serait passée sous une domination étrangère, à l'extinction de la branche royale de Valois ; et il a fait le détail des maisons que les lois civiles auraient appelées, selon lui, à cette belle succession. Nous nous croyons obligés, pour le maintien des principes, de prouver que si ce fameux contrat n'avait pas eu lieu, la Bretagne n'en serait pas moins unie à la France.
La province, ou, pour parler plus juste, la nation bretonne, a eu comme tous les peuples ses temps obscurs, dont il n'est resté que des traditions peu fidèles; sans nous arrêter à démêler le petit nombre de vérités qu'une saine critique apprend* à discerner parmi les fictions que nous ont transmises la crédulité ou la mauvaise foi des historiens, nous conviendrons que de temps immémorial la Bretagne a eu ses souverains particuliers, dont la reine Anne, issue par mâles du sang royal de France, avait recueilli les droits ; mais lorsque cette princesse s'unit à Charles VIII, chef de la maison, il y avait longtemps que la Bretagne était devenue un fief de la couronne qu'elle allait partager.. On sait que tous les fiefs ne sont pas de concession ; une foule d'aleux ont été successivement transformés en fiefs, sans avoir été détachés du fief dominant : cette conversion s'opérait le plus souvent par une simple convention, dont Marculfe nous a conservé la formule; et l'on conçoit aisément qu'un grand nombre d'événements politiques pouvaient, entre deux souverainetés voisines, conduire au même résultat. La Bretagne était donc alors une mouvance de la
couronne ; ses ducs, soumis à la formalité dé l'hommage, ne contestaient que sur sa nature;
ils voulaient qu'il fût simple* et nos rois le prétendaient lige ; dès la fin du XIII® siècle* la Bretagne avait été érigée en pairie, et comme l'oh
sait, c'était dans la mouvance immédiate quë consistait l'essence de cette éminente dignité ;
c'était donc, dès lofs, un fief de la couronne* et elle formait à ce titre une partie
intégrante de la mo-narchie française.
Ce précieux héritage fut successivement apporté en dot à trois de nos rois; Charles Vill, Louis XII et François Ier. Ce monarque le réunit à là couronne par le contraire 1532; que les Bretons ont jusqu'ici regardé avec raison comme le palladium de leurs franchises et de leurs libertés Mais si ce contrat n'eût pas existé, la réunion qu'il a produite n'aurait été retardée que de quelques ins? tants. La-Bretagne, dans cette hypothèse; serait passée à titre successif à Henri IL fils et successeur de François, Ier, et à son avènement au trône elle aurait été réunie irrévocablement et de plein droit, au domaine royal* comme l'avaient été avànt elle les patrimoines de Louis XII et de François Ier, et comme l'a été depuis celui de Henri IV. Je n'examinerai point si les deux contrats de mariage de la reine Anne auraient empêché cette réunion; je laisse aux publicistes à décider ei une convention privée, un pacte domestique peut déroger à une loi de l'Etat ; je me borne à prétendre que les lois générales du royaume auraient consommé cette réunion sans le secours d'autres actes. Les généreux Bretons, si jaloux de leur libertés et si dignes d'en jouir, n'en auraient pas moins conservé leurs franchises. Le principal but du traité de Vannes» était de maintenir les maximes d'après lesquelles leurs ducs les gouvernaient; et les rois de France, héritiers de ces ducs, n'auraient pu, sans injustice, s'arroger des droits plus étendus que ceux'des souverains qu'ils représentaient.
Signe : ËNJÙfiÀtîLT DE LÀ RodîË.
Séance du
, secrétaire, fait lecture du pro-CèS-vèrbal dë la sèanèe de là veille.
fait une motion tendant à faire déclarer que, dans tous les monastères et Chapitres où il existe des bibliothèques et archivés, lés supérieurs seront tenus de déposër des états et catalogues au greffe du siège royal ou municipalité le plus voisin ; demies affirmer véritables et d'y désigner particulièrement les manuscrits qui poiirraient se trouver dans les bibliothèques ; de s'en constituer les gardiens ? d'affirmer qu'ils n'ont pas connaissance qu'il en ait été soustraite — Il demande que sa motion soit immédiatement adoptée et ajoutée ah décret d'hier.
La discussion du cette motion est rétardée par la lecture des adresses suivantes :
Délibérations ét adresses des villëS; boùfga iit communautés de Méracq, de Souprosse, de
Sainte-
Délibération du même genre; de la ville de Boiscommun ën Gàtinais; Elle demande d'être radgée dans la classe dés bailliages secondaires du second ordre.
Délibération de la ville de Saint-André eh Dauphiné, contenant adhésion aux décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale, ainsi qu'aux principes renfermés dans l'arrêté de la ville de Vienne, relativement à la convocation des Etats de la province; et du doublement* faite par la commission intermédiaire.
Adresse de félicitations et rémercfcients de la ville de Bourganeuf; Elle demande un siège royal.
Adresse Un même genre, dès habitants delà ville, vicomté; ancien bailliage et district de Rochêchouart, en Haut-Poitou.
Adressé du comité permaiient de là ville de Cbatellerault, où il adhère, àvec un respectueux remërcîment, au décre^dë l'Asàenfbléë nationale sur la disposition des biens écclésiastiques.
Adresse de la municipalité de Vatan; contenant deux procès-3Verbaux qui constatent Une violenté émotiort populaire arrivée dans cette ville au sujet de l'ëxéeutidn du décret de l'Assemblée nationale sur la libre circulation dès grains; Elië la supplie de lui indiquer la conduite qu'elle doit tenir; lui présentant une adhésion parfaite et .une soumission entière à ses décrète.
Adresse des religieux bénédictins de l'abbaye de Saint-Georges de BoScherville, où ils abandonnent leurs biens à la nation; pleins de confiance en la justice de l'Assemblée nationale; pour,leur subsistance.
Délibération de la ville de Gap, en Dauphiné; -contenant l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale.
Délibérations des communes de Loriol et Li-vron, en Dauphiné, où ôlles adhèrent avec un dévouement absolu aux décrets de l'Assemblée, et protestent dé la manière la plus forte contre la convocation des Etats de la province, et du doublement, faite par la commission intermédiaire.
Adresse du même genre de là ville du Buis; de la même province.
Adresse du comité pérmahent du pays d'Autiis, qui supplie l'Assemblée nationale, par les motifs les plus pressants, d'organiser au plus tôt les assemblées provinciales ët municipales il représente crue les citoyens, ne pouvant se soumettre à 1 ancien régime pour la . répartition de l'impôt; se trouvent dans la nécessité dë s'assembler dans peu au sujet des impositions de l'année 1790.
Adresse de l'abbé Batbedat, prébefldé de l'égliâè cathédrale dé la ville d'Acq; syndic des chapelains prébondés de la dite cathédrale, et de plusieurs autres, où il supplie l'Assemblée de câëser la prétendue assemblée du clergé du diocèse d'Acq, du 14 octobre dernier, tonug et convoquée par M. l'évêque1( comme nulle et irrégulièré, attendu que les bénéficier^ simples et électeurs du diocèse n'y ont pas été. appelés, et comme contraire aux décrets de l'Assemblée nationale,
auxquels il adhère Ae cœur et d'esprit, notain-mènt à lous ceux qui intéressent les ecclésiastiques.
Délibération du comité municipal de la ville . dé Pont-à-Mousson, où il représente que les Onze maisons religieuses qui existent dans la ville lui rendent les plus grands services, soit parce qu'elles se consacrent à l'éducation de la jeunesse, soit parce qu'elles y répandent des aumônes abondantes. Il supplie l'Assemblée de les conserver.
, député de la Rochelle. Je démande au nom de ma province que lé président se retire vers le Roi, à l'effët d'obtenir qu'il y soit.envoyé un nouveau délégué pour faire là répartition des impôts. L'intendant est absent; et des circonstances particulières fotit présumer qu'il ne se rendra pas à ses fonctions.
Plusieurs députés font de semblables demandes.
, député de Lyon. Si la motion est appuyée, je propose» par amendement, d'y ajouter la suppression des intendànts.
Gomme l'Assemblée né petit se déterminer en n'entendant qu'une seule partie* je propose le renvoi au comité des rapportai
Nous n'àvons pas besoin d'entendre les deux parties; il suffit qu un intendant soit haï dans la provihée pour qu'il ne puisse faire le bien qu'exige son institution;
Il faut différer jusqu'à ce que nous ayons établi le nouveau régime. Si nous sollicitions lignvoi d'un autre délégué, et que, par la suite, nous vinssions à les supprimer tous, notre démarché ne parâltrait-elle pas avoir été inconséquente ?
Le renvoi au comité des rapports est ordonné.
; député du Dauphiné, donne sa démission.
, cultivateur,, député de Chàumonl* eri-Bassignyj présente également sa démission.
Ges deux démissions sont acceptées sans Opposition.
reprend sa motion relative aux bibliothèques des maisons religieuses ét en donne une nouvelle lecture.
, abbé d'Abbecàurt. En se servant dans le décret dû mot mobilier drt à implicitement compris les livrés et lés manuscrits ; il n'y a donc pas lieu à délibérer.
, Messieurs du comité des recherches savent très-bien qil'ils ont été obligé^ dé prendre des précautions relatives à la bibliothèque de l'abbaye Saint-Germain : voilà le motif de ma motion; qu'on juge s'il y a lieu à délibérer.
La motion est très-importante pour les lettres et le droit public, dont les ordrës religieux conservent les monuments les pluâ rares.
La motion de M; Gàinus, mise aux voix, est adoptée et le décret suivant est rendu :
« Dans tous les monastères et chapitres où il existe des bibliothèques et archives^ leëdits monastères et chapitres seront tenus dé déposer
aux greffes des sièges royaux ou des municipalités les plus voisines, des états et catalogues des livres qui se trouveront dans lesdites bibliothèques et archives, d'y désigner particulièrement les manuscrits, d'affirmer lesdits états véritables, de se constituer gardiens des^ivres et manuscrits compris auxdits états, enfin, d'affirmer qu'ils n'ont'point soustrait et n'ont point connaissance qu'il ait été soustrait aucun, des livres et manuscrits qui étaient dans lesdites bibliothèques et archives. »
, au nom du comité des finances, fait un rapport sur les réclamations de la province d'Anjou concernant la gabelle.
L'horreur qu'inspire la gabelle a excité lea habitants ,de la province d'Anjou à proscrire cet impôt. Rassemblés en grande partie à Angers, ils l'ont remplacé par un impôt de 60 livres par minot ce qui fait 1,500,000 livres et ils offrent de porter cette somme à 1,600,000 livres. Quelques villes n'ont pas voulu adhérer à ce remplacement très-avantageux sous plusieurs rapporta, mais qui a aussi ses inconvénients* car ii faudra rembourser les cautionnements, rembourser les offices et d'ailleurs la contrebande se répandra dans l'Orléanais,, dans la Touraine et fera refluer les cordons d'archers sur ces provinces. Cependant le comité des finances a pensé qu'il fallait accepter la proposition de l'Anjou et légitimer par un décret de l'Assemblée nationale la délibération tumultueuse de , la province. Je vais donner lecture du décret que nous vous proposons.
Décret
Art. 1 er. Le pouvoir exécutif cet autorisé à accepter le
remplacement de l'impôt du ëël, proposé par la plupart des communautés de l'Anjou, a raison
de 60 livfesl p&r mifiôi, ëàtts qu'il soit fait aucune délivrante dé sel.
Art. 2. Le rëibplaeemetit de cet impôt fié pourra être cependant pour la, province,, moindre de 1,600,000 livres pàr aiinëeâ, 800,000 livrés pour six mois, ainsi de suite, jusqu'à ce que la gabelle soit supprimée..
Art. 3. La répartition des sommes sera faite par l'administration dé la province, ëânâ distinction de personnes et à raison des facultés.
Art. 4. Les contestations qui seront relatives aux rôles, seront portées devant les tribunaux qù| connaissent dë l'impôt.
Art. 5. La perception sera faite tous lës mois et ïê Versement au Trésor royal sé fera égalettiétit tous les mois.
Art. 6. Les sommes qui auront été. versées dans les caisses particulières sëroiit nécessairement versées dans les caisses respectives.
Je déclare que la sénèçpUsseé de Saumûr il'à pas adhéré aux réclamations de la province d Anjoil parce que la contribution a été portée à un chiffre trop eletê, attendu que l'abolition du régime actuel des gabelles procurera une économie dont lës contribuables doivent profiter.
produit un tàblëàû des opératidns du comité des financés à l'aide dUqUel il établit que les frais de pérCeptiqû ont été distraits de là somme à laquelle l'Anjou va être assujetti.
établit par des càlciils économiques, qu'il "appelle arithmétique politique, qU'iiest.de la justice dë fixer le prix du sel à 51 livres le quin-
tal, et non à 60 livres, selon la proposition faite par l'Anjou. Il pense qu'il serait convenable d'étendre -l'abonnement à toutes les provinces où la gabelle est établie. Vous arriveriez, ajoute-t-il, sans doute à la réforme, par le rpoyen très-dur de ramener le cordon terrible d'employés sur les provinces qui ne seraient pas abonnées, et qui dans leur effroi demanderaient bientôt à imiter l'Anjou; mais faut-il faire cette réforme les armes à la main, et par la voie trop sûrement victorieuse de l'irruption de l'armée fiscale?
L'orateur fait la motion suivante :
Que la proposition de la province d'Anjou soit adoptée à la charge que l'abonnement qu'elle offre ne sera réglé que sur le pied de sa consommation actuelle, évaluée à 51 livres le minot;
Que la même opération' sera étendue à toutes les provinces de grandes et petites gabelles et aux provinces de salines, en faisant à celles qui sont sur les frontières la remise d'un sixième sur leur contribution et à celles de l'intérieur la remise d'un tiers;
Que les provinces rédimées soient tenues en même temps d'abandonner les droits 4e convoi sur le transport des sels, auxquels elles sont actuellement soumises;
Que les commis actuellement employés au service des gabelles soient portés sur les frontières pour perfectionner la perception des droits de traite et réprimer l'exportation dés grains.
Dans le décret qui contient les dispositions relatives au remplacement de la gabelle en Anjou, le comité des finances propose ae faire juger les contestations par les juges des élections. Je crois cette clause contraire à l'esprit de l'Assemblée. En matière d'impôt, les juges compétents doivent être élus librement. Je propose en conséquence de renvoyer aux assemblées de district ou de département toutes les contestations relatives au remplacement de la gabelle en Anjou.
, député d'Anjou, adhère à cette observation, au nom de sa pro-vincé.
L'offre excessive de l'Anjou est une offre patriotique qui ne peut tourner au détriment d'un tiers; cèpendant, en reculant les barrières de l'Anjou, vous les rejetez sur le Maine. Cette dernière province ne peut se soumettre à l'évaluation excessive de 60 livres, par minot. Je propose en son nom un abonnement à raison de 30 livres.
Le décret que vous avez rendu sur la gabelle n'existera pro-visoiremènt que jusqu'au moment où, après un-examen approfondi, vous prononcerez la suppression totale d'un impôt désastreux, déjà jugé depuis plusieurs années. L'Anjou a mieux aimé payer une somme considérable que de s'y soumettre : je ne vois pas qu'en acceptant cette offre, qui rejette les barrières sur les provinces voisines, vous commettiez une injustice. Ces provinces peuvent imiter cet exemple.
Le préopinant vous "propose pour le Maine un remplacement à raison de 30 livres par minot. Cette faveur deviendrait une charge pour d'autres provinces.
Si là gabelle, qui est décrétée à 60 millions, n'en produit que 40, il se trouvera un déficit de 20 millions qui portera sur les provinces non assujetties à cet impôt : ne croyez pas que ces
dernières, dans le mauvais gouvernement où nous avons vécu, fussent réellement soulagées. Le fisc, pour établir un équilibre parfait, les forçait sur des impositions d'une autre nature ; plusieurs étaient même surchargées évidemment ; et si la méthode des sous pour livres a servi à aggraver la gabelle, elle a été employée d'uné manière aussi aggravante sur la taille des provinces rédimées.
Je pense donc que vous devez vous borner à accepter l'offre de la province d'Anjou, sans approuver la manière dont elle a été faite,et en invitant toutefois les provinces également soumises à la gabelle à vous présenter, dans le plus court délai, leurs propositions.
On demande à aller aux voix.
Je dois prévenir l'Assemblée que M. le ministre des finances demande à être reçu.
Le ministre est introduit et l'Assemblée témoigne par de vifs applaudissements du plaisir qu'elle a de le voir dans son sein. 11 prend séance dans l'enceinte au-devant de la barre où l'on place un fauteuil pour lui.
apporte un mémoire ayant pour objet la conversion de la Caisse d'escompte en une Banque nationale (1).
Le ministre, étant très-fatigué, ne lit que le commencement de son discours ; la lecture, qui dure une heure et demie, est ensuite continuée, de l'agrément de l'Assemblée, par un de ses secrétaires.
Voici le texte du mémoire :
Messieurs, c'est une pénible situation pour moi que d'avoir si souvent à vous entretenir des embarras et des difficultés des financçg. Je n'ai eu que des inquiétudes et des déplaisirs dans cette administration, depuis l'instant où je l'ai reprise au mois d'août de l'année dernière.
Le discrédit général à cette époque, l'existence d'un déficit immense, et l'extrême pénurie du Trésor royal ont déployé devant moi les premiers obstacles. Cependant les revenus de l'Etat étaient au moins dans leur entier, et les recouvrements s'exécutaient avec la ponctualité usitée. On ne prévoyait pas encore l'affreuse disette des subsistances dont nous étions menacés, et l'on ne soupçonnait pas les malheureux événements qui ont contrarié la perception des droits et des impôts, et qui, en jetant l'alarme daus les esprits, ont détourné le cours de toutes les affaires et ont fait disparaître, à la fois, l'argent et la confiance. Un avenir favorable se présente à nos regards, mais il n'est embrassé que par l'espérance, et les affaires de finances n'en éprouvent point encore la salutaire influence.
L'Assemblée nationale, de concert avec le Roi, a cependant déterminé deux grandes dispositions pour l'encouragement du crédit, et pour le rétablissement de l'ordre dans les finances. Par l'une elle assure, à commencer du 1er janvier prochain, un parfait équilibre entre les revenus et les dépenses fixes,et par l'autre, elle autorise une contribution patriotique, dont elle a présumé que le produit pourrait être équivalent aux besoins extraordinaires de cette année et de l'année prochaine.
Une immense difficulté reste à vaincre encore. Cette contribution patriotique ne fournira
que des ressources' graduelles, puisque le dernier er avril 1792
Cependant les besoins sont instants, et l'état du crédit, en ces moments critiques, n^offre aucun secours sur lequel on puisse solidement compter.
L'Assemblée nationale verra, par le tableau annexé à ce mémoire, qu'en acquittant les engagements pris avec la caisse d'escompte, pour le 31 décembre, les besoins de cette année s'élèveraient à 90 millions, mais les anticipations sont fort diminuées.
Les dépenses extraordinaires pour l'année prochaine peuvent être évaluées à environ 80 millions, et l'on vous en remettra l'aperçu.
Mais le besoin serait plus grand si, à commencer du 1er janvier
prochain, l'équilibre entre les revenus et les dépenses n'était pas encore établi dans son
entier;
Si le remplacement de la diminution du produit sur la gabelle n'était pas effectué à
commencer pareillement du 1er janvier prochain ;
Si le payement de l'année ordinaire des droits et des impositions essuyait des retards;
Si les anticipations sur l'année 1790, quoique infiniment réduites, ne pouvaient pas être renouvelées complètement.
On ne peut donc encore, en cet instant, dé-^ terminer, d'une manière positive, quel sera le secours extraordinaire, indispensable, pour suppléer au déficit extraordinaire et momentané ae l'année 1790. C'est être modéré que de le supposer de 80 millions, et personne ne peut en répondre avec certitude, au moment où je rédige ce mémoire.
Voilà donc 80 millions à ajouter au moins aux 90 qui sont nécessaires pour achever le service de cette année et s'acquitter avec ,1a caisse d'escompte.
SeGour3 total à trouver, 170 millions.
Cependant, pour se faire une juste idée de la difficulté des circonstances, il ne suffit pas .d'arrêter son attention sur l'embarras du Trésor royal ; il faut encore porter ses regards sur la situation de la caisse d'escompte, établissement étroitement lié avec la.chose publique, et avec les finances en particulier.
Cet établissement a rendu les plus grands services au commerce, et les secours que les finances en ont reçu depuis quelque temps, ont été aussi importants que nécessaires. Il n'en résulterait aucun inconvénient pour la caisse d'escompte, si l'Etat-avait des moyens suffisants pour la rembourser aux époques convenues; mais un grand discrédit ayant pris la place des ressources dont un nouvel ordre de choses avait donné l'espérance 11 devient impossible, sans de nouveaux moyens, de remplir les engagements contractés avec la caisse d'escompte, engagements qui font partie des besoins extraordinaires de cette année.
La situation de ja Caisse d'escompte n'est pas seulement critiqué; en raison des avances qu'elle a faites au gouvernement ; elle participe, comme le Trésor royal, comme tout le commerce, comme la France entière, aux inconvénients majeurs qui résultent de la rareté excessive du numéraire effectif.
Je dois répéter ici ce que j'ai dit dans une autre occasion sur les causes de.cette rareté. Et d'abord elle a toujours été éprouvée dans les temps d'alarmes et dans les importantes crises des empires ; chacun, incertain des résultats d'un grand trouble, ou simplement d'une révolution majeure, resserre son argent, et attend, pour en disposer, que les événements se calment ou s'éclaircissent.
Il y a déplus, aujourd'hui, des circonstances particulières qui concourent à la rareté du numéraire. Notre ancienne balance de commerce avec les pays étrangers, balance toujours favorable à la France, est dérangée par diverses causes. Nous avons importé cette année des quantités immenses de blé, et nous demandons encore aux pays étrangers de nouveaux secours ; notre traité de commerce avec l'Angleterre nous rend débiteurs, envers ce royaume, d'une somme de marchant dises manufacturées que nos propres fabriques fournissaient autrefois.
Les étrangers, intimidés par les circonstances, s'éloignent de nos fonds publics, et au lieu d'y employer annuellement une portion de leurs capitaux, plusieurs, depuis quelque temps, cherchent à s'en défaire, et tout au moins ils n'y replacent pas les intérêts que. nous leur payons, et nous sommes obligés de leur en remettre les fonds en entier. Les voyageurs étrangers sont détournés par nos troubles intérieurs de venir en France, et nous avons perdu pour un temps l'introduction de numéraire que leurs grandes dépenses dans le royaume occasionnaient.
Enfin., ce que peut-être on n'a jamais vu, même aux époques les plus fatales de la monarchie, une émigration prodigieuse, toute composée de gens riches ou aisés, attire dans l'étranger, non-seulement des fonds proportionnés aux dépenses des citoyens qui nous quittent, mais encore une partie de leurs capitaux disponibles.
Je dois citer encore une cause de la rareté de l'argent, non pas dans le royaume, mais dans la circulation : c'est le retard du payement des impôts, retard qui retient inutilement dans une multitude de mains, les espèces qui doivent servir aux dépenses publiques, et se diviser ensuite de nouveau par les consommations.
Enfin, les temps de divisions, les temps où l'esprit de parti se déploie avec une grande force, donnent lieu quelquefois aux séquestres de l'argent, par le seul désir de gêner la circulation et de produire un embarras qui amène un surcroît de confusion, propre à changer la situation des affaires et la scène des événements. Il existe donc une grande diversité de causes particulières qui, avec les causes générales, codcourent à la rareté du numéraire, rareté qui s'accroît ensuite par elle-même, parce que la, crainte de manquer d'argent, comme la crainte de manquer d'une denrée nécessaire, engage ceux qui en ont à se ménager une double provision.
Faisons maintenant le résumé précis des effrayantes difficultés que nous avons encore à vaincre.
Il faut trouver un secours-extraordinaire de 170 millions, soit pour les besoins imminents de cette année, soit pour assurer le service de l'année prochaine, et il faut trouver ce secours au milieu d'un discrédit absolu.
Il faut de plus soutenir l'édifice de la caisse d'escompte, édifice ébranlé et prêt à tomber; il faut, s'il e=t possible, lui procurer une nouvelle force; ou, si l'on veut abandonner cet établissement , malgré son intime connexité avec les finances et les affaires publiques, malgré le souvenir des services qu'on en a tirés, il faut se proposer un dessein plus difficile encore à remplir, celui d'être juste envers les actionnaires et envers les porteurs actuels des billets de caisse.
Il faut encore s'occuper d'accélérer le payement des rentes sur l'Hôtel-de-Ville, et parvenir, d'ici à une époque peu éloignée, à les remettre au moins assez au courant pour n'avoir plus qu'un
semestre en arrière, et pour assurer les payements à l'avenir de la manière la plus régulière.
Enfin, le dernier but qu'on doit avoir en vue* c'est de se préserver, s'il est possible* des funestes effets de la rareté excessive au numéraire effectif.
Je déclare d'abord que, selon mes lumières, toutes ces entreprises sont impossibles à exécuter sans inconvénients» et qu'ainsi nulle proposition né peut être jugée parfaitement bonne en elle-même; le mérite de celle qui sera préférée dérivera toujours en partie des objections plus grandes que l'on pourra faire contre tout autre plan. Et, pour le dire en passant, le grand malheur des ministres, en des temps si difficilés, c'est d'avoir presque toujours à employer leurs facultés et leurs moyens, non pas à faire un bien complet et manifeste, mais a adoucir les maux, à en prévenir le progrès, et à tirer dès circonstances le parti le moins désavantageux; ce genre de travail, le plus pénible de tous, ne procure aucune récompense de la part des hommes, parce qu'ils en comparent le résultat avec les idées de perfection que chacun se forme si facilement, au lieu de le rapprocher des inconvénients et des dangers qu'on a eu le bonheur d'éviter ; mais cette comparaison, ce rapprochement, peu de gens sont tentés de le faire, car on né prend pas de la peine pour louer autrui.
Je vais maintenant développer de quelle manière je pense qu'on peut se tirer, au moins passablement » des difficultés actuelles : vous jugerez* Messieurs* de ce moyen ; vous le comparerez avec d'autres, et s'il s'en présente un meilleur, comme il est très-pdssiblè, je serai le premier à l'adopter et à le faire valoir. L'amour-propre d'auteur serait aujourd'hui, de tous les sentiments, le plus misérable; nous sommes tous sous le-.poids de circonstances» où le désir de sauver la chose publique est devenu le seul véritable intérêt particulier* en même temps qu'il doit être la seule passion de l'homme d'Etat.
Il faut vous rappeler, Messieurs, que les fonds extraordinaires dont vous avez besoin pour cette année et la suivante sont au moins de 170 inil- lions.
J'ai dû d'abord examiner s'il était possible de trouver* par la voie ordinaire des emprunts, une somme aussi considérable, somme, encore susceptible d'accroissement par les motifs dont j'ai fait mention ; et il m'a paru, qu'en ces moments d'alarmes et de discrédit* l'on essayerait en vain d'y réussir, même en se soumettant à un intérêt usuraire. Cependant, un tel intérêt obligerait à augmenter en proportion la somme des impôts, et rendrait plus difficile l'établissement d'un équilibre entre les revenus et les dépenses fixés, disposition si nécessaire et sur laquelle l'ordre entier des finances doit constamment reposer.
J'ai réfléchi ensuite sur la manière très-simple de se tirer de toute espèce d'embarras, et que plusieurs personnes proposent aujourd'hui, celle de créer* par forme de papier-monnaie remboursable ou non remboursable, une somme de billets d'Etat* non-seulement proportionnée aux besoins de cette année et de l'année prochaine mais suffisante encore pour liquider tous les arrérages d'intérêt ou de rente, tous les reliquats dus par les départements, tdus les effets dont le remboursement a été suspendu* et auxquels on a attribué un intérêt de 5 0/0.
On éteindrait encore, avec ces billets, tous ceux de la caisse d'escompte; on s'acquitterait de même des capitaux dus par l'Etat aux actionnaires* et de cette manière enfin, par une opération d'une
vaste étendue, on résoudrait en un moment toutes les difficultés de finances.
Mais, si les circonstances uniques où là France et les finances se trouvent mettent dans la nécessité de se servir de billets qui ne soient pas con-versibles en argent à Volonté, il me semblé que* bien loin d'uêer immodérément de cette ressource, il faut s'appliquer à la resserrer dans les plus étroites limites ; il faut qué la somme dès billets en circulation soit restreinte aux besoins les plus pressés .et les plus indispensables ; il faut ericorë accélérer, par tous ies moyens possibles, le terme de leur durée ; enfin pour ménager là confiance, il convient de se rapprocher des usages auxquels le Crédit est attaché par les effets puissants de l'habitude.
Tel est le but, Messieurs Vers leqtiél il m'a paru Convenable de diriger ces combinaisons ; èt si vous pensiez différemment, il vous serait facile d'adoptet urt Système plus étendu ; car rien n'est plus aisé, rien n'est plus commode en commençant, que la création pure et simple d'une quantité de billets d'Etat proportionnée à toutes les dépensés auxquelles on voudrait satisfaire.
Je vais maintenant vous expliquer le plan auquel, d'après les principes que j'ai établis je donnerais la préférence.
Là Caissé d'escompte serait Convertie en Banque nationale.
On accorderait à cet établissement Un .privilège pou? dix, Vingt ou trente ans, à votre choixi
Le ttotnbre de ses âdmidistrâteurs seràit porté à vingt-qdatre par une nouvelle élection des actionnaires ; et six ou huit de ces administrateurs dëvraient êtrë nécessairement choisis parmi des personnes absolûineht étrangères aux affaires de banque et de finances.
Un nombre quelconque de commissaires nommés par vous, Messieurs, Veillerait sur la partie de la gestion des administrateurs de la Banque nationale qui> intéresserait la Confiance publique.
Tous les Statuts concernant l'administration intérieure de la caisse d'escompté seraient revus et discutés ; et le résultat de eet examen, consenti par les actionnaires, et revêtu d'une sanction lé-* gale, formerait le règlement applicable S l'administration dé la Banque nationale.
La somme des billets de Caisse mis successivement en Circulation, serait fixée à 240 millions.
La nation, par tin décret spécial de votre part* sanctionné de Sa Majesté* serait caution de ces billets.
Ils seraient tous revêtus d'un timbre aux armes de la France, et ayant pour légende, ces mots : Garantie nationale.
Ce timbre serait apposé par vos commissaires sur une quantité quelconque de billets j dont il Serait ténu rëgistre, et dont la somme totale ne pourrait jamais excéder 240 millions.
Ces billets, conformément aux dispositions de l'arrêt du conseil du 18 août 1788, pour les billets dé la caisse d'éscômpte, continueraient à être reçus corflme argent dans toutes les caisses royales et particulières de Paris.
Vous déciderez* Messieurs, si cètte disposition peut être rendue générale, soit par l'effet d'un décret de votre part, soit par un acquiescement libre de la part des principales villes du royaume.
Voilà les premières conditions du projet que je soumets à votre Considération.
Il faut maintenant que je m'arrête sur les parties de ce plan, dont la discussion est la plus importante, et je vais commencer par les indiquer :
1° Le fonds capital nécessaire à l'avenir de la Caisse d'escompte convertie en Banque nationale;
2° L'empioi des fonds de la Banque nationale;
3° Comment l'Etat ne courrait aucun risque, eh se portant Caution des 240 millions dé billets de caisse ed circulation ;
4° Avantages que les finances de l'Etat tireraient des dispositions qu'on propose;
5° Accroissement de secours pour le commerce;
6° Assignations ou reacriptiorls qtii seront dëli7 vrées à la Banque natioîlale èontre Ses avances ;
7° Calcul sur Ië profit des àctitins ;
8° Les moyens qui peuvent faciliter la levée de douze mille einq cents actions nouvelles.
Je vais reprendre maintenant ces Huit indications.
article preuier.
Le fonds capital de la Caisse d'escompte convertie en Banque nationale.
Lë capital de. la Caisse d'escompté est aujourd'hui composé dë 30 milliotiâ circulant dahs ses affaires, et de 70 millions déposés pàr leâ actionnaires au. Trésor royal, aii commencement de l'aimée 1787.
En tout, lOQ millions de capital appartenant à vingt-cinq mlllë actions, â raison dë 4,00u francs par action.
Jë proposerais maintenant que ce capital fût augmenté(dë âd millions, par iine création de 12,500 ètctîbhs nouvelle^; payables en argent effectif, et faisant, à 4,000 francs pàr action, la susdite somme de 50 millions.
Le nombre total des actions se trouverait ainsi de 37,500, lesquelles, à raison de 4,000 francs par action, formeraient uti Capital de 150 millions.
Ces 150 millions deviendraient la première caution des 240 millions de billets de caisse, qui seraient successivement mis en circulation.
La seconde caution dériverait de tous lés effets pris â ëscompte par la Banque nationale* et leur somme serait nécessairement égale à la totalité des billets de, caisse, puisqu'aucun de cës billets n'aurait été délivfé (ju'en payemetit des effets sur lesquels la Banque nationale aurait fait des kvances par fornie d'escompte.
Enfin la troisième caution des billets de caisse, et la plus importante de touteé, serait la garantie pleine et entière de la nation même, et je mon* trerai bientôt que cette garantie n'exposerait l'Etat à aucune espèce dë risque.
art. II.
Emploi des fonds de la Banque nationale.
On a vu que le capital dé la Banque nationale se monterait à 150 millions.
La Banque aurait la faculté de délivrer dés billets de caisse jusqu'à là concurrence de 240 millions.
C'est donc ën tout 390 millions dont la Banque nationale aurait la disposition ; mais dans .cette somme sont compris .les 70 millions qui ont été prêtés .à l'Etat en 1787 : àinsij c'est 320 millions seulement qont il est nécessaire d'indiqUër remploi. Voici mon idée à cet égard.
170 millions seraient avancés à l'Etat contre des assignations ou rescriptions sur le produit d'un recouvrement certain, ainsi qu'il sera expliqué dans la suite.
80 millions seraient destinés aux escomptes des lettres de change de commerce.
70 millions seraient destinés aux fonds de caisse qui devraient avoir lieu en numéraire effectif.
320 millions.
En tout, comme on voit; 320 millions, sommë égalé précisément aux fonds dë commerce et aux billets dé la Banque en circulation:
art. III.
Comment l'Etat ne courrait aucun risque, en se portant caution de 240 millions de billets de caisse en circulation.
On l'aperçoit d'un coup d'œil.
Les avancés que la Banque nationale s'obligerait dë faire à l'État coiitre des rescriptions ou assignations sut* les deniers publié se monteraient, comme on vient de l'indiquer, à 170 millions.
Le Trésor royal est dépositaire, depuis Je commencement de l'année 1787, d'un capital dë 70 millions appartenant aux actionnaires, ci 70 millions!.
En tout 240 millions, somme équivalente à céllé des billëts de caissë en circulation ; ainsi la nation en se portant caution dë ces billets, garantirait tifliquemetit sa propre dette.
art. IV
Avantages que les finances de l'Etat tireraient des dispositions qu'on propose.
On exigerait déux conditions de la Banque nationale :
L'une, que l'intérêt du capital de 70 millions, entre les mains du Roi depuis 1787$ serait réduit de 5 à 4 Ô/O;
L'autre, que les avances faites à la finance, en billets de caisse et sur des rescriptions payables en 1791, seraient fixées à l'intérêt de 3 0/0 l'an.
Ainsi; indépendamment d'une réduction sur l'intérêt des 70 millions, dont la Caisse d'escompte est créancière depuis 1787, l'Etat obtiendrait Un secours de 170 millions à un très-petit intérêt, et cela dans un temps où, de toute autre manière, il né pourrait trouver une faible portion de cette somme, même en se déterminant aux plus grands sacrifices.
ART. V.
Accroissement dè secours pour le commerce.
Les fonds employés dans ce moment par la Caisse d'escompte, en lettrés de change de la banque et ail commerce, ne se montent qu'à 46. millions.
On a proposé, comme on |'à vu, de destiner à ces lettres de change un capital de $0 millions ; ainsi du moment que vous auriez donné votre approbation au projet général dont il est ici
question, on procurerait à la Banque, au corn- | merce du royaume, et aux entreprises utiles, de nouveaux secours qui leur sont très-nécessaires. Il y a surtout plusieurs maisons gênées par les avances qu'elles ont faites sur des fonds publics et qui, ne pouvant se rembourser par la vente de ces fonds faute d'acheteurs à des prix tolérables, se trouvent en ce moment dans un pénible embarras. D'autres, ayant compté sur des remboursements qui ont été suspendus au commencement d'août 1788, mériteraient d'obtenir des secours, en attendant qu'on pût prendre à l'égard des effets dont ils sont propriétaires un arrangement propre à relever leur valeur et à en faciliter la négociation. On ne peut donc douter qu'un accroissement d'escompte en faveur du commerce ne produisît le plus grand bien.
art. VI.
Assignations ou rescriptions qui seront délivrées à la Banque nationale contre ses avances.
Il importe à la confiance publique, il importe aux principes de fidélité parfaite qui doivent être la règle de conduite d'une nation, que les assignations ou rescriptions sur lesquelies'la Banque nationale fera des avances au gouvernement, soient dirigées non-seulement sur un recouvrement réel, mais encore sur un recouvrement dont lé produit ne soit ni engagé par d'autres assignats, ni nécessaire même aux dépenses fixes de l'Etat.
Je vous proposerai donc, Messieurs, d'instituer un receveur particulier entre les mains duquel seraient versés tous les fonds extraordinaires qui proviendront, soit de la contribution patriotique, soit des biens-fonds du domaine royal et du clergé, dont la vente serait déterminée, soit enfin de la partie des droits attachés à ces deux propriétés, et dont l'aliénation ou le rachat serait pareillement prescrit.
Ces recouvrements extraordinaires exigent, pour le bon ordre, uhe trésorerie particulière, et je vous proposerai d'autoriser les administrateurs du Trésor royal, ou tels commissaires que vous jugeriez plus convenables, à tirer des rescriptions sur le receveur dont j'ai fait mention, et auquel on pourrait donner le nom de receveur de l'extraordinaire. Ces rescriptions, égales en somme à l'avance qui serait fournie par la Banque nationale, devraient porter sur les deniers extraordinaires qui seront perçus à commencer du premier janvier 1791. Et, comme il convient que ces rescriptions puissent au besoin être négociées par la Banque nationale, il serait nécessaire de leur donner un terme fixe ; et je proposerais qu'elles fussent divisées à raison de 10 millions par mois, à commencer de janvier 1791, jusqu'en mai 1792; ce qui ferait en tout 170 millions.
On ne peut guère douter que le produit des deux derniers tiers de la contribution patriotique, réunis aux autres recouvrements qui naîtront de vos dispositions connues à l'égard des biens du domaine et du clergé, ne soient plus que suffisants pour répondre à l'avance de la Banque nationale. Mais il est essentiel, Messieurs, pour le crédit, qu'une commission de votre choix s'occupe activement et sans retard de manifester et de raire valoir ces diverses ressources. Cependant, comme il ne faut aucune espèce d'incertitude sur la ponctualité d'un engagement à terme fixe, il conviendrait que vous prissiez la résolu-
tion de pourvoir par un emprunt, au supplément de fonds, que pourrait exiger l'acquit régulier des rescriptions fournies sur le receveur de l'extraordinaire.
Il y a toute apparence qu'il ne sera pas nécessaire d'y recourir ; mais s'il le fallait pour une portion du remboursement promis à la Banque nationale, l'état très-vraisemblable du crédit en 1791 vous donnerait le moyen d'y réussir à des conditions modérées.
Je crois prudent de réserver, en entier, pour les besoins de 1790, tous les fonds qui seront versés au receveur de Vextraordinaire, pendant le cours de l'année prochaine. Que si cependant il y avait un superflu, il serait également appliqué à la libération de la dette de l'Etat envers la Banque nationale.
art. VII.
Calcul sur le profit des actions.
On exige des actionnaires, comme on l'a vu, un prêt de 170 millions à 3 0/0 ; on demande que l'intérêt du dépôt de 70 millions entre les mains du Roi depuis 1787, soit réduit de 5 à 4 0/0 ; on veut de plus que la Banque nationale ait en numéraire réel un capital oisif de 70 millions. Voilà beaucoup d'exigences ; il est donc nécessaire de montrer qu'avec ces conditions remplies, le bénéfice des actions sera suffisant. En voici le calcul très-simple :
Rappelons-nous que le capital de la Banque nationale sera de 150 millions, savoir :
70 millions, le dépôt fait au Trésor royal en 1787;
30 millions placés actuellement dans le commerce de la Caisse d'escompte;
50 millions, supplément de fonds qui résultera du produit des nouvelles actions.
150 millions.
Il faut ajouter à cette somme de................................... 150,000,000 livres
Les billets de caisse, dont elle se servira comme argent et qui seraient fixés à,...... 240,000,000
Total ..... 390,000,000 livres
Résumons maintenant l'emploi et le produit annuel de cette somme :
70 millions destinés à un fonds de caisse habituel en numéraire effectif ne produiront rien,ci.......................... 10,000,000 livres.
70 millions, le dépôt entre les mains du Roi depuis 1787, produiront annuellement à 4 0/0......s,.............. 2,800,000
170 millions, avances aux finances de l'Etat contre des valeurs à terme, produiront,à 3 00.................................5,100,000
80 millions employés à l'escompte des lettres de change du commerce, à 4 0/0......, 3,200,000
Il faut en déduire, pour les frais de manutention dé la Banque nationale et pour les pertes inévitables........... 600,000
Restera par an..... 10,500,000 livres.
Lesquels 10,500,000 livres feraient précisément l'intérêt à 7 0/0 du fonds capital de la Banque nationale, puisque nous avons montré que ce fonds capital serait de 150 millions.
Un tel intérêt paraîtra suffisant, mais on ne l'estimera pas trop fort, si l'on fait attention qu'il est ici question d'une affaire de commerce à laquelle des peines d'administration et des hasards sont attachés. D'ailleurs, on doit considérer qu'aujourd'hui l'Etat ne trouverait d'aucune manière une telle somme même à cet intérêt; il faudra donc être fort content si à l'abri d'un bénéfice modéré assuré aux actions de la Banque nationale, l'Etat se procure 170 millions à 3 0/0 et une réduction de 1/5 sur L'intérêt du dépôt de 70 millions entre les mains du Roi depuis 1787.
Il est important de faire observer que cet intérêt de 7 0/0, assuré, selon le calcul ci-dessus, au capital des actions, est cependant susceptible d'accroissement et de diminution.
Il est susceptible d'accroissement, parcè qu'indépendamment des 240 millions de billets que la Banque nationale aurait en circulation, elle tiendrait la caisse de toutes les personnes qui la choisiraient librement pour dépositaire. C'est aujourd'hui un des bénéfices de la Caisse d'escompte, et ce bénéfice ne consiste pas dans aucune rétribution qui lui soit accordée pour ce genre de service, maisxlans les jouissances de fonds qui résultent nécessairement d'une manutention ; et comme la Banque nationale réunirait toutes les conditions propres à fonder la confiance la plus étendue et la plus complète, il est naturel de présumer qu'insensiblement toutes les personnes qui ont un mouvement d'argent, toutes celles qui chercheraient un dépositaire assuré pendant leur absence, enfin d'autres particuliers encore, par différents motifs, donneraieutleurs fonds en garde à un caissier aussi positivement sûr et fidèle que la Banque nationale.
Ce n'est pas tout ; la Banque nationale devrait pareillement servir de caissier au Trésor royal et au receveur de l'extraordinaire qu'on vous a proposé d'instituer et en général aux divers receveurs et payeurs de deniers publics. Mais on proposerait a l'Assemblée nationale de valider par un décret formel une des dispositions constitutives de la Caisse d'escompte actuelle : c'est de ne payer jamais pour le compté d'aucun particulier, d'aucune compagnie, un seul denier au delà de leurs fonds en dépôt ; ainsi les relations étendues de la Banque nationale ne l'exposeraient jamais à,la moindre perte, et lui procureraient seulement un bénéfice quelconque provenant dés jouissances de fonds. L'on doit observer que, ces jouissances ne fussent-elles que de 20 millions (et la caisse seule du Trésor royal les procurerait aans les temps ordinaires), il en résulterait un bénéfice équivalent au moins à. 1/2 0/0 d'intérêt sur le capital des actions.
Enfin, la Banque nationale une fois reconnue comme le meilleur de tous lès dépositaires, vous ne trouveriez probablement aucune difficulté à ordonner qu'a l'avenir les dépôts judiciaires fussent placés entre ses mains ; et peut-être qu'en faveur uniquement de ces dépôts forcés, il serait convenable de s'écarter de la règle générale, et d'imposer à la Banque nationale l'obligation de de bonifier, sur cette partie de fonds,.un intérêt de 1/4 0/0 par mois révolu. Ce serait un avantage essentiel pour les dépositaires de ce genre, et dont, jusqu'à présent, ils n'ont jamais pu jouir, puisque leurs deniers restaient sans produit pendant toute la durée du séquestre.
Le bénéfice des jouissances de fonds pour la Banque nationale ne pourrait avoir lieu que successivement : car* jusqu'à l'époque ou les payements en argent et à bureau ouvert pourraient être établis* il conviendrait de conserver dans la Banque une somme de billets de caisse précisément égale à la somme totale des dépôts. Ce serait assez faire que de diminuer par ce moyen ; et peut-être considérablement, la somme des billets en circulation.
On a calculé à 4 0/0 par an le bénéfice que la Banque nationale retirerait de la partie ue ses fonds appliquée aux escomptes des lettres de change de commerce; mais il lui serait permis, comme aujourd'hui, de fixer le prix des escomptes à 4 1/2 0/0 lorsque le terme des lettres de change excéderait deux mois, et même à cinq lorsque les avances de la Banque nationale auraient lieu sur des effets de quatre à six mois, avec nantissement.
En total, il n'y a nul doute que les actions de la Banque ne deviennent un placement d'argent fort avantageux; mais leur bénéfice, bien loin d'être pris sur la fortune de l'Etat, se conciliera parfaitement avec l'avantage de la nation.
Une objection importante, relative aux bénéficiés des actions de la Banque nationale, se présentera sans doute à l'esprit et il est important de la résoudre. Ce bénéfice doit reposer sur la çertitude d'avoir des avances à faire au gouvernement, puisque sans une telle condition, la Banque nationale ne trouverait par l'emploi d'une somme de 240 millions en billets de caisse et que cependant le bénéfice de ses actionnaires est calculé sur une pareille supposition.
Il est sûr que le placement d'une sommé de 240 millions en effets de commerce serait très-difficile, et, en y destinant 80 millions, comme je l'ai proposé, c'est peut-être assez dans les temps ordinaires. Mais il est une manière très-simple d'assurer un emploi permanent aux fonds disponibles de la Banque nationale , il suffirait de lui promettre qu'après le remboursement du son avance extraordinaire, elle serait chargée du service courant des anticipations et qu'elle en serait même chargée seule, de manière qu'il n'y aurait plus d'autre agent de ces négociations. Voilà un moyen très-simple d'occuper les fonds dont la Banque nationale pourrait disposer, et l'Etat.y gagnerait beaucoup, puisqu'il aurait à 3 0/0 des avances qui lui coûtent plus de 6 aujour-d'hui.
La Banque nationale, lorsqu'elle le désirerait pour diminuer la masse de ses billets de caisse en circulation, devrait avoir la liberté de négocier lès rescriptions qui lui seraient délivrées par le gouvernement ; et le préjudice qui pourrait résulter pour elle de ces opérations momentanées devrait lui être bonifié par le Trésor public. Je crois néanmoins que, passé la première année, les chances d'augmentation de profit pour la Banque nationale seront beaucoup plus grandes que les chances de diminution, aussi neverrais-je aucun inconvénient à proposer que l'Assemblée nationale garantît aux actions de la Banque un intérêt de 6 0/0 de leur capital à condition que la moitié des bénéfices excédant 7 0/0 appartint à l'Etat.
On a vu, au reste, qu'en faisant le calcul du bénéfice des actions, j'ai compté sur 70 millions de fonds oisifs en numéraire réel : cette somme, comparée à 240 millions de billets de caisse, approche du tiers de ce dernier capital ; il y a donc
toute apparence que le fonds de 70 millions, une fois formé, suffirait constamment à la circulation des billets de caisse : l'expérience prouve cette conjecture et elle n'a souffert d'exception que dans les temps de discrédit général, temps qui ne reviendront pas avec le nouvel ordre de choses prêt à se déArelopper, puisque les finances de l'Etat seront au grand jour, puisque l'équilibre entre les revenus et les dépenses fixes sera maintenu constamment, et que toutes les bases du crédit seront indestructibles.
Article VIII.
Les moyens qui peuvent faciliter la levée des 12,500 actions nouvelles.
Je proposerais d'abord que ces 12,500 actions nouvelles, payables en argent effectif, fussent divisées en demies et en quarts d'actions, afin de les mettre à la portée d'un plus grand nombre de personnes.
L'action entière étant de4,000 livres en capital, la demi-action serait de 2,000 livres et le quart d'aclion de 1,000 livres.
On aurait pour attrait la garantie nationale d'un intérêt de 60/0 et la certitude morale d'un intérêt de 7 0/0 susceptible d'amélioration ; enfin ces avantages seraient réunis à la sûreté la plus parfaite.
On ne peut néanmoins, malgré ces encouragements, espérer de trouver des acquéreurs au prix de 4,000 livres pour l'action entière, tant que le cours des anciennes actions sur la place ne s'élèvera pas ; mais on doit s'attendre à une hausse plus ou moins prochaine, si la Caisse d'escompte est convertie en Banque nationale conformément au plan que je viens de mettre sous vos yeux.
Le bénéfice qui, à commencer du 1er janvier prochain, serait dévolu à la Banque nationale, ne devrait être réparti aux anciennes actions actuellement existantes qu'en raison de la quotité qui leur serait revenue si ces nouvelles actions étaient levées, et le surplus serait réservé à celles-ci par forme de bénéfice anticipé. Un tel arrangement, qui accroîtrait graduellement l'avantage attaché aux nouvelles actions, assurerait au moinw qu'un peu plus tôt ou un peu plus tard on s'empresserait de les acquérir, et l'on doit remarquer que la disposition proposée ne causerait aucun préjudice aux anciennes actions ; les nouvelles étant destinées à composer le fonds mort de la Banque nationale en numéraire effectif, le bénéfice de cette Banque sera la même avant ou après la levée des nouvelles actions.
On aura encore un moyen de hâter, quand il en sera temps, l'acquisition de ces actions. 11 est un grand nombre de personnes qui prennent un juste intérêt au rétablissement entier du crédit et à la reprise de payements de la Caisse d'escompte, dorénavant la Banque nationale, et l'on ferait peut-être un grand effort pour atteindre à ce but, si l'on était sûr d'un succès complet; il serait donc à propos, en choisissant bien le moment, d'ouvrir une souscription pour les nouvelles actions, laquelle ne serait valable qu'à l'époque où cette souscription serait entièrement remplie. Une convention du même genre pourrait encore avoir lieu pour de simples dépôts d'argent; toujours dans la vue de compléter entre les mains de la Banque nationale un capital en numéraire effectif de 60 à 70 millious.
Enfin, comme c'est moins d'une somme d'argent réel constamment en caisse qu'on a besoin, que de la certitude d'en trouver au moment où l'on viendrait en demander à la Banque nationale pour une somme plus forte qu'à l'ordinaire, il serait possible de faire avec les maisons de banque et de commerce, et avec des particuliers, une convention d'après laquelle, au lieu d'une misé effective proportionnée au capital des actions nouvelles, on s'engagerait seulement de remettre à la Banque nationale telle somme en argent réel à sa première réquisition, ou tant de jours après l'avertissement.
Le Trésor royal, sitôt que les circonstances le lui permettront, accroîtrait aussi de tous ses efforts le numéraire de la Banque nationale, et contribuerait à la munir des fonds réels nécessaires pour répondre à sa circulation en billets.
On dira peut-être que, malgré cette réunion de moyens, si longtemps que les billets de la caisse de la Banque ne seront pas tous conversibles en argent à volonté, ils ne seront pas en crédit; mais ceux de la Caisse d'escompte le sont encore malgré l'obligation où elle s'est trouvée de ne payer qu'un à un les billets de 1,000 francs ; et cependant ces billets n'ont point l'avantage particulier qu'obtiendront ceux de la Banque nationale, celui d'être institués et cautionnés par la nation.
J'irai plus loin : je ne sais s'il faut regretter gue, dans le moment actuel, il n'y ait pas tout à coup dans la Banque nationale la somme de numéraire effectif nécessaire pour ouvrir sans réserve et sans distinction le payement des billets de caisse en circulation ; car, dans un temps de crise et d'alarme, le dirai-je encore ? dans une temps de cabale et de passions, il y aurait du risque à ouvrir sans limites le payement des billets de caisse, même en ayant une somme de numéraire effectif, équivalente au quart et au delà des billets en circulation. Plusieurs motifs, dans les circonstances où nous sommes, engageraient à des demandes d'argent qui épuiseraient la Banque nationale en peu de temps, et il est peut-être préférable que toute l'étendue de ses moyens s'établisse dans un moment plus calme, afin qu'on soit solidement à l'abri de toute convulsion nouvelle.
On dit qu'une banque, au moment où elle ne paye pas ses billets de caisse à bureau ouvert et en argent comptant, doit y être contrainte ; cette idée est exagérée: car, puisque le bénéfice de toute espèce de banque publique provient de ce qu'elle a moins de numéraire effectif que de billets en circulation, on peut toujours supposer une af-lluence de demandes d'argent qui ne lui permettrait pas d'acquittèr de celle manière tous ses billets de caisse à la seule volonté des porteurs. La Banque d'Angleterre, plus digne de confiance q u'aucune autre par la protection que lui accorde la nation entière, a cependant eu des moments de crise où elle s'est vue forcée de retarder ou de prolonger ses payements en argent, et la confiance publique n'en a point été altérée. Il est vraiqu en Angleterre on verrait avec une indignation générale toute manœuvre qui annoncerait un dessein d'embarrasser la Banque; un pareil sentiment s'établira de même en France, sitôt que nos passions seront calmées, et qu'il ne restera de nos débats qu'un plus grand amour de la patrie, un plus grand intérêt à sa force et à sa prospérité.
La grande difficulté est le moment présent. La somme d'argent que la Caisse d'escompte délivre tous les jours épuise sa caisse dans un
temps où le numéraire effectif semble avoir disparu, en sorte que si une telle crise durait encore longtemps, et qu'aucun moyen quelconque ne pût accroître ses capitaux en argent, sa distribution journalière d'espèces ou serait interrompue, ou serait au moins diminuée.
Les billets de caisse garantis par un décret national, les billets de caisse remboursables avec certitude en 1791, ne seraient pas moins dignes de la plus parfaite confiance, lors même que leur conversion en argent serait momentanément interrompue.
Cependant, s'il devenait nécessaire d'en soutenir le crédit, on ne manquerait pas de moyens, soit en y attachant un intérêt, ou simplement un tirage de primes, et le bas prix auquel reviendrait à l'Etat l'avance de 170 millions, faite par la Banque nationale, permettrait de faire un sa-crilice momentané, s'il devenait indispensable, pour encourager la circulation des billets de caisse : un sacrifice également passager pourrait de même être proposé pour exciter l'acquisition des nouvelles actions; mais il est inutile, et serait peut-être peu convenable en ce moment de traiter à l'avance toutes ces hypothèses, et de donner ainsi de la réalité à des suppositions encore vagues. Un tirage de primes fort simple, et le plus attrayant qu'il serait possible, me paraîtrait le moyen d'encouragement préférable; ce serait le sacrifice auquel on pourrait renoncer le plus promptement, et il faudrait le faire au moment où le payement des billets de caisse en argent comptant, et à bureau ouvert, serait solidement établi; çt jusqu'à cette époque un tel sacrifice même ne serait pas nécessaire, si, à l'aide d'un sentiment national et patriotique, on voulait, d'un commun accord, soutenir dans le royaume, ou dans les principales villes de commerce, la circulation des billets de caisse.
Au reste, même en supposant la Banque nationale une fois inunie d^un capital en numéraire effectif, proportionné à ses billets de caisse en circulation, il ne faut pas se dissimuler que des circonstances pareilles à celles où nous sommes, rendraient absolument nécessaire l'établissement d'une règle ou d'une mesure dans la distribution de cet argent ; et je ferai remarquer, à cette occasion, qu'il serait important d'inviter les administrateurs ou commissaires de la Caisse d'escompte à prendre en considération les inconvénients attachés à la forme adoptée dans ce moment pour la répartition journalière d'une certaine quantité d'argent aux porteurs de billets de caisse ; il en résulte un désordre qu'Userait essentiel de prévenir, et l'on a malheureusement lieu de croire que, dans le nombre des personne qui augmentent ou qui excitent la foule autour de la Caisse d'escompte, plusieurs ne voudraient pas avouer leurs motifs.
Tout devient embarrassant, tout devient pénible sans doute, quand le malheur des circonstances a détourné les affaires d'argent de leur cours régulier, mais il ne faut pas se lasser de lutter contre les difficultés; il n'en est aucune au-dessus des moyens qui naîtraient d'une volonté commune, et il ne faudrait qu'un pareil seeours pour abréger le passage entre l'état premier de la Banque nationale et sa consistance parfaite. Enfin, si nous avons besoin de soutenir, d'animer nos espérances, considérons que, cette affaire publique achevée, tout sera dans le plus grand ordre pour les finances.
Il n'y a plus d'incertitude raisonnable sur l'établissement d'un parfait équilibre entre les rave-
venus et les dépense fixes ; vous en avez pris l'engagement, vous en avez manifesté les moyens, et vous en trouverez encore d'autres pour établir une caisse d'amortissement, susceptible d'un accroissement graduel; et fût-elle petite à sou début, elle suffirait, en n'empruntant plus, pour élever sensiblement le prix des fonds publics. Ce sera l'objet d'un second mémoire, où l'arrangement final des finances sera traité. Mes idées sont arrêtées à cet égard; mais j'attends, pour vous en rendre compte, que l'on sache positivement le résultat des économies que vous avez exigées du département de la guerre. Je crois aussi que, pour ne rien faire à la légère, il est important de réunir quelques notions plus certaines sur Je produit de la contribution des privilégiés, et sur vos projets, relativement aux biens du domaine et du clergé.
Tout prendra, n'en doutons point, une face nouvelle, dès que trois grandes dispositions, de votre part, seront décisivement terminées:
L'accord évident et parfait entre les revenus et les dépenses fixes, cette condition essentielle d'une confiance durable ;
L'établissement solide des administrations provinciales, cet aide si puissant pour tout : et pour les finances, et pour le bonheur des peuples, et pour la liberté publique ;
La restauration, l'affermissement d'un pouvoir exécutif qui assure l'obéissance aux lois et qui captive ce respect si nécessaire pour maintenir dans une action continuelle la paix et la tranquillité dans un si vaste royaume.
Tous les biens naîtront de ces trois grandes bases sous la précieuse sau ve gardedes Assemblées nationales ; mais comme au milieu de la confusion des finances toutes les idées s'égarent, toutes les espérances s'affaiblissènt, il était essentiel de se défendre du désordre dont nous sommes menacés ; il était pressant de s'assurer de 170 millions absolument nécessaires, et pour répondre aux besoins de cette année, et pour préparer le service de l'année prochaine, et pour arriver au moment où il n'y aura plus de dépenses qu'en raison des revenus certains de l'Etat. Ce plan, trèsrdifficile, vous est proposé, et néanmoins on a réservé comme une ressource additionnelle le produit des recouvrements extraordinaires qui auront lieu cette année et l'année prochaine sur la contribution patriotique. Je vous proposerais d'employer les premières rentrées à grossir les fonds destinés aujourd'hui au payement des rentes sur l'Hôtel-de-Ville. Il serait à souhaiter qu'avant le te janvier prochain les six derniers mois 1788 fussent entièrement acquittés, et qu'ensuite on ne laissât plus d'arrérages d'un sémestre sur l'autre. Il faudrait, en ce moment, 35 millions d'extraordinaire pour exécuter ce plan, et j'avais d'abord pensé à prendre tout de suite cette somme sur le secours extraordinaire de 170 millions, qui serait procuré par la Banque nationale; mais il est convenable de ne pas mettre en circulation à la fois une trop grande somme de billets de caisse, et il importe aussi, au milieu de tant de circonstances contrariantes, de ne soumettre à aucun hasard la ponctualité du service courant. Au reste, on jugera sûremen avant peu de l'étendue de la contribution patriotique de Paris, et, selon toute apparence, les rentiers ne perdront rien aux dispositions de prudence que je vous propose.
Il y aura encore en ressource le produit d'une grande partie de l'emprunt de 80 millions, puis-
que la somme non distribuée en ce moment se monte à 48 millions ; mais vous savez, Messieurs, que la moité est payable en effets dont -le remboursement est suspendu.
On pourra faire aussi quelque usage de la créance sur les Américains : l'on est en pourparlers d'un commencement de prêt sur ce gage, et il vous en sera donné connaissance lorsque les négociations commencées auront acquis plus de consistance. C'est de Hollande qu'on donne quelques espérances deréussite,etsi vous faites attention,Messieurs, à la défaveur deschanges, occasionnée par la réunion combinée de l'étendue de nos besoins au dehors et de la rareté du numéraire effectif avec lequel nous pourrions acquitter cette dette, vous sentirez de quelle importance il serait pour l'Etat de trouver à faire quelques emprunts dans l'étranger, et je prévois que l'on pourrait être aidé à cet égard par la Banque nationale.
Enfin, Messieurs, vous aurez toujours devant vous la perspective de l'extinction graduelle de 105 millions de rentes viagères, et toutes les autres améliorations que les lumières réunies d'une nation pourront procurer, à mesure que cette nation prendra possession par l'expérience de toutes les connaissance relatives à l'administration, et à mesure que la baisse de l'intérêt de l'argent donnera de nouvelles idées, et ouvrira de nouvelles ressources.
Il me reste à répondre à une objection générale, après avoir déjà discuté celles qui étaient relatives aux dispositions de détail.
La réputation, dit-on, de la Caisse d'escompte est altérée : elle doit peut-être ce malheur à des contrariétés qu'il était hors de son pouvoir de prévenir ; mais il suffit qu'elle ait souffert dans son crédit pour- qu'on doive désirer de détruire cet établissement et de le remplacer par un autre de mémo genre.
On peut répondre à cette objection: 1° que le crédit de la Caisse d'escompte, tel qu'il existe aujourd'hui, crédit d'habitude en partie n'est pas moins encore très-considérable ; 2° que le nom de Banque nationale, substitué à celui de Caisse d'escompte, l'augmentation du nombre des actions, l'accroissement du nombre des administrateurs, la faculté de perpétuer ou de changer les gérants actuels par le résultat libre d'urçe élection générale, les changements encore qui seront apportés aux statuts constitutionnels et à toutes les dispositions intérieures de l'établissement, enfin la surveillance assuréé à des commissaires nommés par l'Assemblée nationale; toutes ces circonstances feraient véritablement de la Caisse d'escompte un établissement nouveau : on ne pourrait aller plus loin qu'en remboursant les anciennes actions et en en créant de nouvelles ; mais des actions ne, peuvent avoir ni mérite ni démérite, et comme elles changent de mains tous les jours, on ne peut fixer sur personnela louange ou le blâme que l'on voudrait attribuer aux propriétaires de ces actions.
Il ne serait pas aisé, d'ailleurs, de rembourser 70 millions dus par ie Roi à ces actionnaires, si on voulait, en les dépouillant de leur propriété, se montrer juste envers eux ; et cette difficulté deviendrait encore plus grande, si l'on proposait de détruire en entier la" Caisse d'escompte sans aucun remplacement, car il faudrait non-seulé-ment rembourser d'une manière quelconque le dépôt de 70 millions fait par les actionnaires, mais on devrait encore acquitter tous les engagements du Trésor royal envers la Caisse d'escompte, et qui font partie du gage des billets de
caisse ; enfin, soit pour une telle dépense, soit pour assurer eu entier le service de cette année et de l'année prochaine, on .aurait à chercher un secours d'une grande étendue et que l'état présent du crédit ne permettrait pas de trouver à des conditions tolérables.
Il ne faut jamais perdre de vue que, par le malheur des circonstances, il y a deux difficultés à vaincre à la fois : l'embarras de la Caisse d'escompte, et la nécessité d'un secours considérable pour les finances.
Cette réflexion, m'engage à vous retracer en peu de mots les résultats du projet dont je viens de vous entretenir.
Un secours de 170 millions absolument nécessaire serait procuré.
Il ne coûterait à l'Etat qu'un intérêt de 3 0/0 par an.
A l'époque fixée pour le remboursement de ces 170 millions, la Banque nationale se chargerait du service des anticipations, pareillement à 3 0/0 d'intérêt sans aucune rétribution, et il en coûte aujourd'hui plus de 6 pour les mêmes négociations.
L'Etat obtiendrait encore une diminution d'un cinquième sur l'intérêt dont il est grevé envers les actionnaires en raison de leur dépôt de 70 millions fait en 1787; ainsi ses charges annuelles seraient diminuées par cette condition de 700,000 livres par an.
Le commerce, la banque et les entreprises utiles recevraient de nouveaux secours par l'accroissement de fonds qu'on pourrait destiner à l'escompte des billets ou des lettres de change.
Un établissement public qui a rendu de grands services aux finances serait maintenu; et ses intéressés, qui réunissent entre eux un capital de 100 millions confié presque en entier à l'Etat, n'auraient à se plaindre d'aucune injustice.
Ces avantages seraient achetés par les inconvénients inséparables d'un accroissement de billets de caisse, dont le remboursement en argent à la volonté des porteurs n'aurait pas lieu tout de suite, et qui devrait cependant être reçu légalement dans beaucoup de payements.
Mais ces inconvénients seraient affaiblis :
1° Par la garantie nationale donnée^ à ces billets;
2° Par les. limites apposées à leur somme totale ;
3° Par l'assignat formel destiné au remboursement de l'avance delà Caisse d'escompte à une époque extrêmement rapprochée ;
4° Par les diverses précautions prises pour accélérer lemomentoùl'on pourrait payer en espèces, et à bureau ouvert, tous les billets de la Caisse en circulation;
5° Par la proposition qui vous est faite d'en soutenir, jusqu'à ce moment-là, le crédit, en y attachant un intérêt ou une loterie de primes, si cet encouragement devenait nécessaire.
Enfin, à tous ces moyens efficaces, il pourra s'en j oi ndre d'autres par la réunion de vos lumières ; et quand je n'aurais fait que présenter avec un peu de clarté les points de difficulté, autour des- " quels chacun peut diriger ses réflexions, je ne croirais pas la peine que j'ai prise absolument inutile.
Vous penserez sûrement, Messieurs, que ce mémoire doit être communiqué à MM. les actionnaires de la Caisse d'escompte, puisqu'on ne peut traiter sans eux de leurs intérêts et de leur propriété. Vous trouverez d'ailleurs, dans leur assemblée générale, une réunion de lumières dont vous
pourrez tirer de l'utilité dans l'affaire gui est aujourd'hui soumise à votre considération ét attachés comme ils le sont à là chose publique par plusieurs intérêts, ils s'expliqueront, je le crois, avec beaucoup d'impartialité et de patriotisme.
Je ne m'étendrai pas davantage, et j'attendrai de connaître les objections essentielles qui ont pu m'échapper, ,soit pour les discuter ensuite, soit pour être éclairé par elles ; on peut s'en fier aux lumières présentes et à l'activité ordinaire de la censure, que rien ne sera négligé. Je crois la critique facile, puisqu'à mes propres yeux tout se ressent, dans ce projet, delà désolante contrariété des circonstances ; mais je ne puis qu'employer mes efforts à en affaiblir les conséquences, et seul je suis confident de ce qu'il m'en coûte de peine pour vous proposer un moyen qui s'écarte clés principes généraux d'administration, dont l'observation sévère m'a seule attaché jusques à présent au maniement des affaires publiques. Aussi je crois me soumettre à l'un des plus grands sacrifices, en soignant même à ce prix l'intérêt de l'Etat.
Je demande cependant, Mqgsieurs, qu'après avoir fait part sans aucune réserve de toutes mes réflexions, on considère lèur résultat comme une simple opinion, comme une simple déférence ^de ma part. Examinez, approfondissez par vous-mêmes une si importante question ; aidez-vous, je vous prie, de la comparaison et des lumières de tous Ceux que vous jugerez à propos dé consulter, car je n'accepterais point que vous vous en rapportassiez à moi par un sentiment de confiance ; je n'ai point décliné cette forme pour la contribution patriotique, parce que tout était simple dans une pareille affaire; mais quand il s'agit d'une disposition aussi grave que compliquée, d'une disposition susceptible d'interprétations diverses ; enfin quand toutes sortes de motifs, toutes sortes dintérêts et dépassions viennent se mêler à présent au jugement qu'on porte des opérations de finance, je ne dois pas rester seul à répondre du succès ou des événement : c'est assez de vivre d'inquiétudes pour étudier, pour chercher, pour trouver le mieux ; c'est assez d'user toutes les facultés de sa pensée, toute la puissance de son âme, pour prévenir, pour éloigner, pour adoucir les malheurs de tout genre, dont j'aperçois à chaque instant te spectacle autour de la grande administration qui m'est confiée ; c'est assez, je le puis dire, d'aller en dépérissant sous l'immense fardeau dont je suis chargé, ét de le soutenir sans un moment de relâche, sans une minute de distraction ; enfin c'est assez d'avoir à se livrer à tant de peines par la seule loi d'un dévouement libre à vos intérêts. Je crois qu'il est de toute justice, Messieurs, que vous vous associiez à cette tâché^ et que vous le fassiez, comme je vous en prie, simplement et généreusement, et de la manière qui convient aux-représentants d'une grande nation, près desquels on ne verrait jamais aborder, sans douleur,' aucune considération, aucune politique particulière, tant est superbe, auguste et supérieur à tout l'éminent intérêt qui vous rassemble.
Pardonnez, Messieurs, si en vous parlant d'affaires j'y mêle souvent les sentiments de mon cœur ; elles seraient insupportables, ces affaires, si rien de moral, si rien de sensible ne pouvait s'y réunir : et quel citoyen ne serait animé, quel homme ne serait agrandi par la contemplation du but auquel vous désirez d'arriver? vous ne rejetterez donc point l'hommage que l'on se plaît
à vous rendre de ses sentiments, de ses vœux et de ses pensées, et ce serait avec peine que je me soumettrais, si vous le vouliez, au sacrifice de tous les mouvements de mon cœur, et que je me réduirais à vous offrir, en tout temps, le langage de la simple raison ; mais cette raison n'est jamais complète lorsque le sentiment en est absolument séparé, parce que lui seul peut recueillir une infinité de vues qui échappent, même dans les affaires, aux efforts et aux atteintes de l'esprit.
L'Assemblée nationale donnera aux vues que vous venez de présenter toute l'attention qu'elles méritent, à cause de l'importance de leur objet et à cause de là confiance que votre dévouement inspire à la nation.
Un grand nombre de membres réclament l'impression du mémoire ; cette impression est ordonnée.
Le ministre des finances se retire.
L'Assemblée nationale décide le renvoi du mémoire au comité des finances.
insiste pour qu'on reprenne la délibération sur l'affaire de la province d'Anjou, mais elle est renvoyée à lundi.
Je demande que l'Assemblée nationale ait une séance demain dimanche afin de- s'occuper des nombreuses affaires particulièrès qui sont en souffrance.
Cette proposition est rejetée.
Je fais la motion expresse qu'il y ait à l'avenir trois séances du soir par semaine pour expédier une multitude d'affaires qui concernent les provinces.
développe avec force les motifs qui doivent faire adopter les séances du soir.
dit que la nécessité de ces séances est prouvée par les rapports que les différents comités demandent inutilement à faire depuis plusieurs jours.
Ni à Londres, ni à Varsovie, ni à Stockholm, où il y a des Assemblées nationales, on ne s'assemble deux fois par jour. Notre temps appartient sans doute au royaume; mais si nous avons deux séances, il sera impossible de préparer aucune matière. La raison était différente lorsque nous tenions deux séances par jour à Versailles; d'ailleurs, les distances sont longues ici et les retraites difficiles. Il faudrait consacrer le commencement et la fin de nos réunions aux affaires particulières. Il est dangereux d'en traiter d'importantes à la fin d'une séance.
Si nous n'avons point des Assemblées en Europe qui tiennent deux séances par jour, c'est qu'elles ne travaillent nulle part à faire des constitutions. C'est chercher à retarder l'ouvrage important dont nous sommes chargés que de s'opposer à ce que l'Assemblée s'occupe dans des séances du soir, d'affaires qui, pour être moins importantes que la Constitution, sont cependant du plus grand intérêt pour la chose publique.
On va aux voix selon la méthode accoutumée sur la motion de M. Brunet de Latuque.
L'épreuve paraît douteuse.
On procède à l'appel nominal, dont le résultat est pour admettre trois séances du soir par semaine.
ajourne l'Assemblée à lundi, 9 heures du matin et lève la séance.
Séance du
, l'un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance de samedi et des adresses dans l'ordre qui suit.
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion du bourg de Longuy, en Perche, qui demande une justice royale.
Délibération et adresse du même genre, de la ville de Saiht-Remy, en Provence. Elle adhère notamment au décret du 6 octobre, concernant la contribution patriotique.
Adressse du même genre du comité permanant de la ville de Merdrignac.
Adresse du même genre de la commune d'Evaux, capitale du pays de Combrailles, en Auvergne.
Adresse de 6 religieux bénédictins de plusieurs monastères situés en Bretagne, Anjou et Poitou, par laquelle ils abandonnent les biens de la Congrégation dè Saint-Maur à la nation, sous les conditions d'une pension viagère de 18,000 livres et de l'habileté à posséder les bénéfices-cures, et à remplir les chaires de l'enseignement public, avec la motié seulement des honoraires attachés auxdites places.
Adresse de félicitations, remerciements et adhésion du comité municipal du Mans.
Délibération des officiers municipaux et habitants de la ville d'Issoire en Auvergne, par laquelle elle adhère avec transport au décret de l'Assemblée nationale, concernant là contribution patriotique du quart des revenus.
Adresse du comité municipal de la ville de Saumur, contenant félicitations à l'Assemblée nationale de ses glorieux travaux, et adhésion la plus entière à ses décrets; il demande que la ville de Saumur soit érigée en chef-lieu du département.
Délibération de la commune de Pau en Béarn, ainsi conçue :
« Les habitants de la ville de Pau considérant que le salut de la patrie et le bonheur de
l'empire ne peuvent se trouver que dans l'union intime de toutes les parties de l'Etat; qu'il
n'existe pas sous le ciel un plus beau titre que celui de Français, depuis que les trois
bases de la Constitution sont posées: la liberté, l'égalité de l'homme, et le respect des
propriétés. Considérant que la féodalité qui affligeait nbs campagnés ne dégradera plus une
classe de citoyens aussi nobles que la terre qui leur ouvre ses trésors ; que le moment est
enfin venu où le Béarn, toujours uni d'affection et d'intérêt à la France, ne doit pas ténir
à une constitution particulière qu'il ne peut garder, abandonné à sa faiblesse, lorsqu'il a
le bonheur de pouvoir embrasser la constitution générale de la France, qui sera défendue par
l'intérêt com-
« Sur quoi il demeure arrêté par unanimité do suffrages que la ville de Pau adhère purement et simplement aux décrets de l'Assemblée nationale, auxquels elle donne des pouvoirs généraux et illimités, et qu'au surplus MM. Darnaudat, Mourot, Noussitou et Pémartin, députés, seront remerciés du zèle, avec lequel ils ont défendu l'intérêt de la province; que la présente délibération sera imprimée, qu'on en enverra des extraits collationnés à l'Assemblée nationale, à M. Bailly, maire de Paris, et à toutes les communes de la province. »
Afin de déterminer l'ordre des séances du soir, leur durée et l'objet du travail, je propose de décréter :
Que les matières qui seront traitées à la séance du soir, seront annoncées à la séance du matin du jour précédent, sans qu'il puisse être agité aucune matière qui n'ait été annoncée la veille; et qu'aucun décret ne pourra être prononcé après 9 heures du soir.
Que les séances du matin seront levées régulièrement à deux heures, les jours de deux séances.
propose de ne traiter le soir que les affaires relatives aux provinces, villes et individus.
Il faut d'abord fixer les jours où il y aura deux séances.
L'Assemblée consultée adopte les mardi, jeudi et samedi.
Je propose de décider que les matières qu'on traitera le soir seront annoncées seulement à,la séance du matin.
Cette proposition est adoptée.
Je demande qu'il n'y ail pas d'heure fixée comme limite pour rendre un décret et qu'en tout cas l'Assemblée se réserve le droit de prononcer jusqu'à dix heures au lieu de neuf.
On demande la question préalable sur cette partié de la motion de M. Frétéau; elle est adoptée et le décret suivant est rendu :
1° Que les séances du soir seront consacrées exclusivement aux affaires qui concerneront les provinces, les municipalités et les individus, et qui n'intéressent pas lé royaume entier ;
2° Que lés matières qui seront traitées à chaque èéânce du soir seront annoncées par M. le président à la séance du matin du mêmé jour ;
3° Qu'il n'y pas lieu de délibérer sur l'heure à laquelle finiront les séances du soir.
annoncé qu'il a présenté au Roi le décret de l'Assemblée relatif à la Chambre des vacations du Parlement de Rouen, et que Sa Majesté l'a reçu avec une sensibilité dont il l'a chargé de faire part à l'Assemblée.
Le Roi a revêtu de lettres patentes tous les arrêtés sanctionnés ou acceptés jusqu'au 3 no- vembrè; ils sont tous réunis, selon l'ordre de leur date, et Sa Majesté a cru nécessaire d'en renouveler et d'en assurer la publication.
demande que le comité des finances fasse lecture de son plan général sur les finances du royaume. Ce plan devait être présenté dans la séance de samedi ; il appuie cette demande sur la nécessité de méditer ce travail, et de le comparer avec le mémoire de M. Necker.
pense que le temps que prendrait cette lecture pourrait être plus utilement employé, et demande que le plan du comité soit imprimé et distribué.
Cette proposition est adoptée. (Voyez le texte du rapport annexé à la séance.)
M. Thirial, député de Château-Thierry, demande un passe-port illimité. Le passe-port est accordé.
indique plusieurs rassemblements de députés de généralités, concernant la division du royaume.
On passe à l'ordre du jour relatif a la formation des assemblées primaires.
Le comité de constitution propose de marquer des espaces de 4 lieues carrées, portant le nom de cantons où se réuniraient 500 citoyens actifs, au moins, pour former des électeurs. Je crois que des assemblées primaires de 600 votants seront tumultueuses ; je crains la perte de temps pour les ouvriers et les frais de déplacement pour les habitants des campagnes. Je propose donc de faire deux assemblées primaires dans chaque ville où il y aura plus de 600 votants et une assemblée primaire dans tous les lieux où il y aura cent votants, lesquels nommeront un électeur.
, député de Condom. Les assemblées de district devraient être composées de deux députés de chaque ville, bourg ou village du ressort'du district.
Le seul objet de l'assemblée de canton est l'élection des représentants. Je propose trois articles.
. Premièrement. Il y aura des assemblées primaires ou de canton chargées de faire des élections.
Secondement. Toute municipalité qui fournira cent citoyens actifs formera une assemblée primaire.
Troisièmement. Chaque communauté qui ne fournira pas cent citoyens actifs se réunira à telle autre qui sera indiquée par des assemblées provinciales.
Le comité propose de réunir tous les citoyens actifs au chef-lieu du canton, pour nommer et envoyer à l'assemblée de département les électeurs chargés d'élire les représentants. Ce projet tromperait les vues de l'Assemblée. L'éloignement du chef-lieu du canton empêcherait les citoyens peu aisés de concourir à l'élection : les connaissances des laboti- ' reurs et des journaliers ne s'étendent pas au delà de leur foyer ; ils seraient obligés à l'assemblée de canton de nommer d'après des suggestions étrangères.
Je propose, pour éviter ces inconvénients :
1° De faire nommer un électeur par cent citoyens actifs;
2° Que si le nombre des citoyens actifs ne s'élève pas à cent, il soit également nommé un électeur ;
3° Qu'il en soit nommé deux pour cent cinquante-un citoyens actifs.
Ainsi les élections se feraient sans aucun transport dans chaque communauté.
Les fonctions des électeurs sont infiniment importantes ; ils doivent nommer les membres de l'administration de district, ceux de l'Administration provinciale, et les représentants à l'Assemblée nationale ; il est donc nécessaire que cette nomination se fasse avec soin. La réunion des citôyens actifs d'une espèce quelconque rendra le choix plus sûr et propagera les lumières. Le moyen de rassembler ainsi un certain nombre d'électeurs produira cet effet, et compensera le second degré d'intermédiaire auquel le comité à renoncé, et qui avait pour but d'épurer les élections.
Quand vous réunirez une communauté de trois cents membres avec une de deux cents, pour former une assemblée primaire de cinq cents citoyens actifs, la nomination des électeurs sera infailliblement faite par la communauté la plus considérable, et vous établirez ainsi une aristocratie funeste des grandes paroisses sur les petites.
J'ai cru qu'en donnant des municipalités à toutes leà paroisses on renonçait aux assémblées primaires, et que chaque communauté nommerait ses électeurs en même temps que ses officiers municipaux. La réunion de plusieurs villages ne pourrait jamais se faire sans donner lieu à des querelles très-violentes. L'expérience que j'ai de l'effet de ces réunions dans ma province me prouve l'importance de cette considération.
J'adopte la motion de M. Pison du Galand.
propose de regarder comme élément de représentation le nombre des familles, et non celui des citoyens actifs. Il pense en conséquence qu'il faut accorder une députation directe à chaque paroisse de cent cinquante feux, et ordonner la reunion de celles qui ne contiendraient pas ce nombre de familles.
Le plan du comité présentede grands avantages, et est d'une exécution très-facile, tandis que celui que proposeM.PisonduGa-land est tout à fait inexécutable. Il ne faut pas compter sur la réunion des villages par la distribution des cures ; il est certain que cette réunion ne pourra être fort considérable, parée qu'on ne fera .pas faire une lieue aux habitants des campagnes pour aller à la messe. Considérons donc les choses dans l'état où elles sont actuellement. Il y a des paroisses de dix, de huit et de cinq feux; leur donnera-t-on une députation directe, ou les privera-t-on de leurs droits? M. Pison du Galand devrait répondre à ces questions.
On parle de l'aristocratie des communautés; mais ne se ferait-elle pas également sentir dans lës assemblées de district et de département? On objecte aussi l'éloignement où les villages se trouveraient du chef-lieu du canton : ce chef-lieu, placé au centre de quatre lieues carrées, sera à peine à une lieue ou à une lieu et demie du village qui se trouvera sur la lisière du canton : on faisait bien plus de chemin pour aller tirer à la milice.
Vous craignez de donner lieu à l'aristocratie des grandes communautés, en leur adjoignant les petites pour l'élection; mais en donnant une députation directe aux petites paroisses, on s'exposerait à l'aristocratie des personnes. Pour peu que le seigneur soit aimé, pour peu crue le curé soit digne de son caractère, quelle ne sera par leur influence ?
On propose de réunir les paroisses trop petites : c'est former un canton, c'est revenir au plan du comité. On en objecte aussi la distance : qu'est-ce que l'inconvénient de faire faire à des campagnards une lieue ou une lieue et demie une fois dans deux ans, comparé à celui de livrer les élections des villages à la disposition du seigneur et et du curé ?
, curé de Souppes. Le comité se propose sans doute de faire représenter toutes les municipalités; mais lors de la réunion des électeurs dans l'endroit le plus important du canton, ils. seront corrompus par les riches habitants çlé cet endroit. D'autres personnes ont proposé de féiinir les petites municipalités; si elles sont Unies à de grandes paroisses, il résultera de cette union l'inconvénient qui a déjà été représenté ; si elles doivent l'être à de petites communautés, il faudra souvent s'écarter à une distance considérable pour opérer cette réunion.
Nous sommes tous animés du même esprit ; la seule question est donc de savoir si les moyens sont appropriés au but que nous nous proposons également. Que voulons-nous?... ( L'Assemblée avait déjà témoigné le désir de terminer la discussion, et l'on crie : Nous voulons aller aux voix 1 ) Le point qui nous occupe est de la plus haute importance pour le bonheur du royaume, je ne puis donc croire qu'on veuille aller si rapidement aux voix. Opérer une représentation libre, universelle, et qui ne soit le produit d'aucune influence étrangère, voilà notre objet. On propose de réunir les petites communautés ; mais qui ordonnera cette réunion? Ce devrait être l'assemblée provinciale, et elle n'existera pas alors.
M. Target représente ensuite quelques observations faites par les préopinants, et notamment celle de M. Destutt de Tracy sur l'influence indivi-
duelle, et conclut en faveur du plan du comité, par le moyen duquel il n'y a, dit-il, aucune influence à craindre, tandis qu'on les craindrait toutes en adoptant les autres plans proposés.
Le plan du comité est inutile, dangereux èt impraticable. En divisant les districts en six cantons, chaque canton serait composé de six mille personnes, et pourrait députer directement au district. L'influence du curé, du seigneur, et les intrigues du brouillon du village suivraient aisément les votants à l'assemblée du canton; il n'en sera pas de même pour celle du district ; la réunion d'un grand nombre de citoyens actifs anéantirait cette influence.
On demande qui est-ce qui ordonnera la jonction des communautés? Cette réunion se fera d'elle-même. Une petite paroisse se confondra avec la paroisse voisine: et quoiqu'on affecte de ne pas prendre en considération l'objection de la distance du village au chef-lieu, je ne puis m'em-pêcher de la trouver très-raisonnable.
Vous n'êtes pas venus ici pour épargner quelques pas aux habitants de la Campagne, mais pour assurer leur liberté ; établissez des cantons, si vous voulez avoir, par la suite, une représentation digne des grandes destinées de la nation.
Il me paraît très-inu-tile de défendre le plan du comité. Si vous adoptiez celui de M. Pison du Galand, autant vaudrait décréter que vous n'admettez pour électeurs et pour éligibles que le curé, le seigneur et l'homme d'affaires.
appuie, ainsi que le préopinant, l'observation de M. Destutt de Tracy, qu'il regarde comme très-importante.
ayant exposé les diverses motions et établi la priorité des articles proposés par le comité, l'Assemblée a décrété successivement les articles suivants :
1o Chaque district sera partagé en divisions, appelées cantons,
d'environ quatre lieues carrées, lieues communes de France ;
2° Que dans tout canton il y aura au moins une assemblée primaire ;
3o Que lorsque le nombre des citoyens actifs d'un canton ne
s'élevera pas à 900, il n'y aura qu'une assemblée dans ce canton ; mais, quand il s'élevera
au nombre de 900, il s'en formera deux de 450 chacune au moins ;
4° Chaque assemblée tendra toujours à se former, autant qu'il sera possible, au nombre de 600, qui sera le taux moyen, de telle sorte néanmoins que s'il y a plusieurs assemblées dans un canton, la moins nombreuse soit au moins de 450. Ainsi, au delà de 900, mais avant 1,050, il ne pourra y avoir une assemblée complète de 600, puisque la seconde aurait moins de 450; de ce nombre 1,050, et au delà, la première assemblée sera de 600, et la dernière de 450 au plus. Si le nombre s'élève à 1,400, il n'y en aura que deux, une de 600 et de l'autre de 800; mais à 1,500, il s'en formera une de 600 et deux de 450, et ainsi de suite, suivant le nombre des citoyens actifs de chaque canton.
On propose de délibérer sur l'article suivant :
« Chaque assemblée primaire députera au dis-
trict à raison d'un membre sur deux cents votants. »
Il faut renvoyer la décision de cet article au moment où vous aurez réglé les de' grés d'élection. On n'explique pas d'ailleurs si les mêmes électeurs nommeront pour les assemblées de district, pour celles de département, ét pour l'Assemblée nationale, et s'ils seront en-même nombre pour chacune de ces élections.
J'observerai, en passant, qu'un seul électeur sur deux cents votants restreindrait beaucoup trop l'assemblée chargée d'élire.
adopte l'avis dé M. Barnave, et demande qu'en délibérant sur cet article on prenne en considération la motion qu'il fera, de proportionner le nombre des électeurs à celui des ramilles.
On fait lecture d'un autre article ainsi conçu :
« Les députés seront nommés directement par les électeurs, qui se réuniront au chef-lieu de chaque département. »
On fait plusieurs observations sur cet article, et on propose de remplacer le mot département par celui district.
Avant de délibérer sur cet article, qui présente une question très-importante et très-compliquée, il faut décider :
Premièrement, s'il y aura deux degrés intermédiaires, c'est-à-dire si les électeurs nommeront directement les députés à l'Assemblée nationale et aux assemblées administratives.
Secondement, s'il convient d'adopter les trois bases combinées de représentation.
L'Assemblée décrète :
Qu'il n'y aura qu'un degré intermédiaire d'élection entre les assemblées primaires et les assemblées nationale et administratives.
L'Assemblée va passer maintenant à son ordre du jour de 2 heures, c'est-à-dire à l'audition de quelques rapports.
, député de Besançon. Je dénonce à l'Assemblée nationale qu'il se fait une exportation considérable des grains de Franche-Comté pour la Suisse et que les Suisses donnent un sou de prime par setier. La ville de Besançon a envoyé des députés pour dénoncer cet abus et offrir un projet d'arrêté.
L'arrêté ayant été lu a été mis aux voix et décrété ainsi qu'il suit :
L'Assemblée nationale, persistant dans ses décrets des 29 août, 18 septembre et 5 octobre dernier, concernant la libre circulation des grains et farines dans l'intérieur du royaume, et la défense d'en exporter hors du royaume, a décrété et décrète ;
Que dans les cas où il y aura lieu à la confiscation portée par l'article IV de son décret du 18 septembre, des grains et farines saisis en contravention, le produit de la confiscation appartiendra, pour les deux tiers, à ceux qui auront fait la saisie et la dénonciation, ou a ceux qui auront saisi et arrêté les grains et farines, s'il n'y a point de dénonciateur, les frais de saisie et vente prélevés;le surplus sera appliqué au profit des hôpitaux ou des pauvres des lieux où la saisie aura été faite.
L'Assemblée a statué de plus que le Roi sera instamment supplié , d'envoyer le présent décret à tous les tribunaux, municipalités et corps ad-
ministratifs du royaume, pour être inscrit, publié et affiché, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour en assurer la pleine et entière exécution.
a rendu compte de quelques empê" chements mis à la libre circulation des grains achetés par la ville de Nantes ; mais il a été observé que l'affaire était arrangée.
, membre du comité de judicature, a demandé qu'attendu la suppression prononcée de la vénalité des offices, oh ne scellât plus de provisions, sauf au garde des sceaux à donner provisoirement des commissions, et que les titulaires actuels ne soient plus soumis au payement du centième denier : il a proposé, au nom du comité de judicature, un modèle d'arrêté qui a été décrété en ces termes :
L'Assemblée nationale, considérant que, d'après la suppression dé la vénalité des offices de judicature, qu'elle a prononcéé par son décret du 4 août, toute résignation ou traité des offices de judicature ne-doivent êtré regardés que comme un simple transport ou cession de la finance, sur lequel il ne peut être accordé aucunes provisions;
Considérant en outre quil serait contraire aux règles de la justice de laisser les titulaires ou propriétaires ae la-financé desdits offices de judicature assujettis plus longtemps aux droits de mutation ou de centième denier, puisque ces droits n'ont été introduits qu'en considération de la transmissibilité, laquelle n'existe plus;
Ouï le rapport du comité de judicature, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. premier.
A compter du jour de la promulgation du présent décret, il ne sera plus expédié ni scellé aucunes provisions sur résignation, vente ou autre genre de vacance des offices de judicature compris au décret du 4 août, sauf à être provisoirement expédié des commissions pour l'exercice des fonctions de magistrature, et ce, dans le cas de nécessité seulement.
Art. 2.
11 ne sera plus payé aucun droit de mutation, d'annuel ou centième denier pour raison desdits offices de judicature.
Art. 3.
Les offices dépendant des apanages des princes sont compris dans le présent décret.
expose la situation inquiétante dans laquelle se trouve la ville de Gaen, par l'administration vicieuse d'un comité permanent, la désunion des milices nationales, l'indiscipline des troupes réglées, la désertion des juges, et le défaut de publication de plusieurs décrets importants.
L'Assemblée renvoie cette affaire au comité des rapports, pour le rapport en être fait jeudi.
fait lecture d'une lettré écrite1 par M. le garde dés sceaux, pour accompagner l'envoi d'un arrêt du conseil, par lequel le Roi casse un arrêt du parlement de Metz :
Lettre .de M. le garde des sceaux.
« M. le garde des sceaux s'empresse de com-inupiquer à M. le président l'arrêt que le Roi vient de ^iidre pOùrcasserun arrêt rendu par le parement de'Metz.
« L'Assemblée nationale y reconnaîtra sûrement la fidélité du Roi à ses principes, et son'zèle pour réprimer tout ce qui pourrait tendre à affaiblir dans l'esprit des peuples le respect dû aux décrets dé l'Assemblée sanctionnés par Sa Majesté.
« Signé : CHAMPION DE GlCÉ, archevêque de Bordeaux.
«
Extrait des registres du Parlement de Metz, du
Vu par la Cour, toutes les chambres assemblées, lettres patentes du Roi, données à Paris le troisième jour de novembre présent mois, signées Louis, et plus bas : Par le Roi, La Tour-du-Pin, et sce}lées du grand sceau de cire jaune; portant sanction d'un décret de l'Assemblée nationale, concernant les parlements :
Ouï Regnier, doyen des substituts du procureur général du Roi, qui en a requis l'enregistrement eh la manière accoutumée.
La: Cour, pénétrée des sentiments de fidélité qu'elle doit au Roi et à. la nation, incertaine sur la manière de remplir, dans les circonstances actuelles, les engagéïhents'qu'elle a contractés par son serment, et croyant ne pas reconnaître dans le décret de l'Assemblée nationale du 3 du courant, et dans la sanction du Roi qui y est jointe, le caractère de liberté nécessaire pour rendre lçs lois obligatoires, à protesté et proteste contré ledit décret, ainsi que contre ladite sanction^ Mais, pour prévenir de plus grands maux, et jusqu'à ce que l'opinion du peuple français soit fixée sur cet objet, ordonne provisoirement que ledit décret et ladite sanction seront enregistrés, ouï, et ce requérant le procureur général au Roi, pour être exécutés selon leur forme et teneur; que copies collationnées en seront incessamment envoyées dans tous les présidiaux, bailliages et autres sièges ressortissants dûment en la Cour, pour y être pareillement exécutés; enjoint aux substituts du. procureur général du Roi sur les lieux, de tenir la main à leur exécution, et d'en certifier la Cour au mois. Fait à Metz, en Parlement, toutes les chambres assemblées, le 12 novembre 1789; Signé : Collignon.
Collationné. Signé : Gimel.
Pour copie conforme à l'expédition qui m'a été adressée:
Signé : La T0UR:DU-Pin.
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi.
Sur le compte rendu au Roi en son conseil, de l'arrêt rendu par le Parlement de Metz en enregistrant les lettres, patentes du 13 ,de ce mois, PQrJant prprogation de la chambre des vacations, Sa Majesté àuraitTeçoflnu qu'au lieu d'enregistrer lesdites lettres purement et simplement, et de
les exécuter, ledit Parlement se serait permis de supposer que le décret de l'Assemblée nationale du 3 de ce mois, et la sanction de Sa Majesté, sont dépourvus du caractère de liberté nécessaire pour rendre les lois obligatoires, et n'aurait pas craint de protester, tant contre ledit décret que contre ladite sanction; qu'enfin ledit Parlement présente pour motif unique de son obéissance, lé désir de prévenir de plus grands rivaux, en attendant que l'opinion du peuple français soit fixée sur cet objet;
Le Roi doit au maintien de son autorité et de celle de l'Assemblée nationale, de . réprimer promptement de pareils écarts. Il doit à ses peuples fidèles de les prévenir contre des suppositions et des protestations aussi téméraires.
A quoi voulant pourvoir, ouï le rapport, le Roi étant en son conseil, a cassé et annullé, casse et annulle l'arrêt rendu par le Parlement de Metz le 12 de ce mois, en tout ce qui excède l'enregistrement pur et simple des lettres patentes du 3 du présent mois ; fait Sa Majesté très-expresses inhibitions et défenses aux officiers de son Parlement de Metz d'en rendre à l'avenir de semblables. Et sera le présent arrêt, imprimé, publié et affiché partout où besoin sera.
Fait au Conseil d'Etat du Roi, Sa Majesté y étant, tenu à Paris le
Pour copie conforme à la minute,
Signé: La Tour-du-Pin.
L'Assemblée renvoie au lendemain la discussion sur cet objet.
La séance s'ouvrira demain à 9 heures. Le rapport du comité des finances est mis à l'ordre du jour de mardi à 2 heures.
La séance est levée.
plan de travail présenté à l'Assemblée nationale, au nom du comité des finances, par M. le marquis de Montcsquiou(1). (Imprimé par ordre de l'Assemblée.)
Messieurs, l'Assemblée nationale, constamment occupée du grand travail de la Constitution, n'a pu s'en détourner encore pour se livrer à la restauration des finances. En vain, les besoins du moment l'ont assaillie de toutes parts : lorsqu'ils ont exigé des sacrifices, elle n'a point hésité à les faire : mais elle n'a employé que des moyens provisoires, et sa sagesse ne lui permettait pas d'en employer d'autres. Il suffisait de soutenir quelque temps encore ce vieil édifice prêt à s'écrouler, tandis que vos mains en élevaient un nouveau sur des bases inébranlables. Avant que ces bases fussent posées, toute décision importante et définitive eût été prématurée. Le système entier des finances doit en effet dériver de la Constitution.
Les impositions du pouvoir arbitraire ne doivent avoir rien de commun avec les contributions consenties par un peuple libre. Les dépenses publiques, faites pour soutenir la dignité et non pour alimenter le faste d'une cour, doivent payer des serviteurs utiles, au lieu d'enrichir, comme par le passé, d'oisifs courtisans, ou d'avides financiers. L'ordre le plus sévère doit économiser les efforts d'un peuple généreux ; et c'est la Constitution qui, liant les diverses parties de ce grand tout, doit' les faire correspondre ensemble, et les diriger vers le bonheur général, but'essentiel de toute association politique.
Mais pour former ce grand ensemble, il fallait en bien connaître toutes les parties. Avant de vous déterminer sur chacune d'elles, il fallait que l'ancien régime et ses abus, soit de parcimonie sur les dépenses nécessaires, -soit de profusion sur les dépenses inutiles, pussent être approfondis. Il fallait vous mettre en état de condamner ce qui devait l'être, et de créer ce qui nous manquait. Aussi, votre prévoyance a chargé, depuis longtemps , un comité nombreux de prendre une connaissance exacte de tout ce qui existait dans l'ordre ancien, de faire la vérification de vos revenus et de vos dépenses, et d'examiner la situation du Trésor punUc, la nature et la quotité de vos dettes : c est l'ordre de ce travail que votre comité m'a chargé de vous présenter.
Vos décrets ont déjà, marqué la route que nous aurons à suivre.
Un nouvel ordre judiciaire va s'établir. La justice était ci-devant une ressource abondante pour le fisc ; le Trésor public ne s'enrichira plus de nos discordes particulières ; les fonctions de vos nouveaux juges, gratuites pour les citoyens qui y ont recours,, seront, comme tous les services publics, salariés par la nation.
Vos armées, que surchargeaient tant de frais inutiles , et dont les soldats n'avaient pas même le nécessaire, vont recevoir une organisation nouvelle, et leur dépense, mieux répartie, sera moins accablante.
Vos perceptions, enlevées à des mains avides pour être remises dans celles des citoyens, rendront en entier au Trésor public les sacrifices du peuple, et ces sacrifices ne seront exigés que dans la juste mesure des besoins de l'Etat.
Les récompenses, proportionnées aux services et dirigées par une sage économie, recevront du puissant aiguillon de l'honneur, ce qui donne la véritable énergie aux âmes : en dépensant bien moins, vous serez sûrs d'obtenir bien davantage.
Votre comité des finances n'a pas le droit de préjuger vos décisions sur les différents objets que vous avez confiés à d'autres comités, ou que vous vous êtes réservés. Il s'est borné aux fonctions auxquelles vous l'avez destiné ; mais composé, comme il l'est, des coopérateurs de tous vos travaux, il a du se pénétrer des principes sur lesquels vous établissez la constitution française, et il en a fait la base, de son travail. Lorsque votre Ouvrage n'était qu'ébauché, il ne vous a présenté què des vues générales : il croit qtie le moment est arrivé de réduire en pratique ce qui n'a encore été qu'en spéculation.
ïl est prêt à répondre à ce que vous attendez de lui. Les recherches sur la dépensé et sur la recette l'ont mis en état de juger le passé et de vous offrirjes ressources de l'avenir. Ce travail est nécessairement ;aride ; il est plus composé d'observations que de combinaisons, et par conséquent
n'est guère susceptible d'un autre mérite que celui de l'exactitude; mais notre ambition est satisfaite, si nous avons le bonheur d'être utiles, et c'est sans peine que de bons citoyens consentent, à ce prix, à renoncer à toutës les jouissances de l'amour-propre.
Nous avons divisé notre travail -en différentes sections. C'est sur l'ordre dans lequel nous l'avons partagé que nous supplions l'Assemblée nationale de nous faire connaître ses intentions.
Nous comptons faire passer successivement sous vos yeux tous les objets de dépenses. Il nous a paru que votre détermination à cet égard devait précéder toutès les autres : 1° parce que nous devons compte à la nation du motif et de l'emploi de ses contributions ; 2° parce que votre décision sur les dépenses servira de base à l'établissement des contributions mêmes.
Chaque partie des dépenses dont nous vous rendrons compte vous sera présentée dans l'état où elle était au moment où nous l'avons examinée, et ensuite dans l'état de réduction dont nous l'avons jugée susceptible.
L'administration des dépenses publiques sera divisëé en deux parties entièrement distinctes, et que nous vous présenterons séparément.
La première, celle qui renferme les objets d'une utilité commune àJout le royaume, comprendra, en différents chapitres, tout ce qui doit, être dirigé par le gouvernement, et dépendre immédiatement du pouvoir exécutif. Ce sera la collection des objets qui composeront la dépense du Trésor public et qui vous seront garantis par la responsabilité des ministres.
La seconde partie, absolument séparée dë la première, ne renfermera que les objets d'utilité articulière à chaque département du royaume, es dépenses doivent être entièrement soumises à l'administration des assemblées de district et de département ; elleâ doivent varier suivant les années, les circonstances et les besoins du moment et du lieu. Ce genre de dépense ne pouvant être compris dans l'emploi des fonds provenant des contributions générales, la somme à laquelle il s'élèvera dans chaque département doit servir de basé à une contribution particulière et locale.
Sur chacune de ces parties, nous commencerons par vous présenter les titres des chapitres, et , dans le détail nous vous présenterons, de suite chaque chapitre particulier de manière à mettre sous vos yeux tciut ce qui nous a paru propre à fixer vos déterminations.
La première partie sera divisée en sept chapitres.
PREMIÈRE PARTIE
chapitre premier.
Dépense de la liste civile.
Il contiendra la dépense personnelle du Roi et de la reine, celle des enfants de France, des princesses, tantes et sœurs du Roi; les bâtiments, menus-plaisirs, garde-meuble, etc.
Le Roi a demandé qu'une soçnme de 2Q millions lui fût assignée pour ces différents objets. Votre comité ne pense pas que l'Assemblée nationale, en déférant à cette demande d'qn Rqi qui lui est cher, à tant de; t^tçgs,, soit dans l'intention, de porter un examen sévère sur l'emploi qu'il fera de
cette somme ; il suffira sans doute à l'Assemblée d'avoir la certitude que le Roi sera* en état de soutenir la dignité du trône, que rien ne manquera aux agréments de sa vie, et aux besoins ae son auguste famille, qu'enfin il n'aura pointé regretter les sacrifices que lui-même il nous a offerts. Nous croyons convenabléque cette somme de 20 millions, qui pourrait commencer à être payée du 1er janvier de cette année, soit dégagée ae toute dette antérieure à cette époque.
chapitre ii.
La maison des princes, frères du Roi.
Quoique les princes aient été mariés par le Roi leur grand-père, que leur' contrat de mariage leur assure, tant à eux qu'aux princesses leurs épouses, les sommes annuelles qu'ils ont perçues jusqu'à présent, quoiqu'ils aient à leur charge l'intérêt des finances payées au Trésor royal par la plupart des officiers de leur maison, dès que le Roi a témoigné le désir de leur voir imiter les sacrifices qu'il faisait, Monsieur a consenti à tous ceux qu'il lui demandait, et y a consenti sans la moindre représentation.
M. le comte d'Artois pensera sûrement comme lui, et ne réclamera de plus que le traitement accordé par le Roi pour les deux princes ses enfants. La réduction projetée sur ce seul chapitre de dépense monte à 3,540,000 livres.
chapitre iii.
Administration des trois grands départements.
1° Les affaires étrangères ;
2° La guerre, l'artillerie, le génie, les fortifications et les maréchaussées;:
3° La marine et les colonies.
Nous vous rendrons compte du premier article. Vous avez chargé deux comités particuliers du travail relatif aux deux autres.
chapitre iv.
Les Pensions.
Le comité vous présentera l'état des pensions telles qu'elles étaient dans l'origine, et, telles qu'elles sont depuis les réductions qui ont été faites en 1787.11 vous les présentera : 1° classées par départements; 2° classées suivant les sommes auxquelles elles s'élèvent. 11 y joindra, si vous l'ordonnez, son opinion sur les pensions qui paraissent excessives, et il achèvera son travail d'après les règles qui lui seront prescrites par l'Assemblée.
.Nous joindrons à ce chapitre le traitement accordé aux Hollandais réfugiés.
chapitre v.
Administration de là justice.
Ce chapitre contiendra tout ce que coûte aujourd'hui l'administration de l'a justice, les frais des prisonniers, et ceux des procédures criminelles.
Il renfermera : les gages actuels du conseil, le traitement et les bureaux du garde des sceaux et
du ministre chargé de la correspondance avec les provinces ;
Le traitement dont jouissaient les intendants et leurs siibdélégués, et les sommes accordées pour leurs frais de bureau.
Un second état sera dressé d'après la réduction ou la suppression des gages du conseil, des intendants, etc.
Lorsque l'Assemblée aura fixé la dépense du nouvel : ordre judiciaire, nous pensons qu'il faudra compléter ce chapitre par les sommés destinées à payer les tribunaux supérieurs, le tribunal de révision, et la cour suprême.
Quant aux tribunaux de canton, de district et de département,_ nous estimons que leur dépense doit faire partie de celle qui sera confiée aux assemblées d'administration.
chapitre VI .
Administration intérieure.
Nous vous rendrons compte dans ce chapitre :
1° De la dépense en primes et encouragements pour le commerce et les manufactures ;
2° Des universités, académies, collèges et travaux littéraires ;
3° Des passe-ports pour la marine royale, et pour les ambassadeurs et ministres étrangers;
4° Du jardin des plantes, du cabinet et de la bibliothèque du Roi;
5° Des ponts et chaussées, turcies et levées ;
6° Des dépenses anciennes de la police et de la garde de Paris;
7° Des travaux de charité ;
8° Des dépôts et des dépenses relatives à la mendicité;
9° Du moins imposé ou remises accordées sur les impositions ;
10° Des entretiens ou constructions de bâtiments publics ;
11° Des dépenses diverses et variables dans les provinces.
Un second état vous présentera notre projet de réduction sur les trois premiers articles; savoir: les primes et encouragements pour lé commerce et les manufactures, les universités, académies, collèges et travaux littéraires, et les passe-ports des ambassadeurs.
Quant au quatrième, le jardin des plantes, le cabinet et la bibliothèque du Roi, nous désirerions qu'il fut compris dans les dépenses de la liste civile, d'autant que c'est un objet peu considérable, et que les bâtiments qui en dépendent font partie de ceux que le Roi a gardés à sa charge.
Quant au cinquième, les ponts et chaussées, nous ne doutons pas que l'intention de l'Assemblée ne soit de remettre cette dépense tout entière à l'administration des assemblées de département. Cependant, il -serait possible que l'Assemblée nationale considérât que certains ouvrages d'art extraordinaires, comme des ponts sur de grandes rivières, et autres entreprises de ce genre, peuvent être utiles à tout le royaume, et supérieurs aux facultés ordinaires d'une seule province, et qu'il serait bon'qu'il existât au Trésor public un fonds particulier, -dont l'Assemblée nationale ferait l'application, d'après les demandes qu'elle recevrait, et les comptes qu'elle se ferait rendre.
L'Assemblée ordonnera, si elle veut, que son comité lui propose d'employer une somme pour cet objet, dans le tableau des dépenses générales.
Un article principal à placer dans ce chapitre sera la dépense des Assemblées nationales.
Les six derniers articles, savoir : les dépenses de la police et garde de Paris, les-travaux de charité, les dépenses pour la mendicité, les remises sur les impositions, les entretiens ou constructions des bâtiments publics, les dépenses divérses et variables dans les provinces, nous ont paru de nature à être remises entièrement aux soins et à la direction des assemblées de département, et nous pensons que les fonds qui y seront employés ne doivent pas entrer dans le Trésor public.
chapitre vn.
Administration des Finances.
Ce chapitre contiendra :
1° Les appointements du contrôleur général et des intendants des finances, la dépense des bureaux de radministràtion générale, celle des mines, des monnaies, de la caisse de commerce, et de l'ancienne compagnie des Indes;
2° L'administration du Trésor public et les payements des rentes ;
3° Les traitements des receveurs généraux et particuliers, les honoraires, droits de présence, etc., des fermiers généraux, des régisseurs et administrateurs de tous les revenus, et généralement tous les frais de perception dans l'état actuel;
4° Les dépenses imprévues.
Un second état vous présentera le projet de réduction de tous les frais de bureau, un plan d'administration et d'organisation pour le Trésor public, qui en simplifierait infiniment la gestion et en modifierait les frais, ainsi que les réductions convenables sur le traitement des fermiers, régisseurs et administrateurs.
Quant aux receveurs généraux et particuliers, la nouvelle division du royaume rend indispensable le changement de leur administration. Nous avons pensé que tout ce qui était.relatif à la perception ordinaire des impositions et à la remise des deniers au Trésor public devait être confié aux assemblées de département, et que le fonds de cette dépense ne devait plus entrer au Trésor public.
Quant aux dépenses imprévues, l'Assemblée seule peut les évaluer.
Les sept chapitres ci-dessus renferment la totalité des dépenses dont les fonds doivent être versés dans les caisses nationales ou d'administration.
Vous ne trouverez dans aucun de ces chapitres les articles de dépenses que vous avez supprimées par un de vos précédents décrets ; savoir :
Les haras ;
Les engagements à terme avec le clergé ;
L'emploi en actes de bienfaisance d'un fonds réservé sur le produit de la loterie royale et sur la ferme du Port-Louis;
Les dépenses pour dés communautés ét maisons religieuses, etc. ;
Les dépenses des plantations dans les forêts, curements de rivières.
Nous allons passer à la seconde partie des dépenses d'administration, celle qui nous paraît faite pour être régie et administrée par les assemblées de département, sur les fonds d'impositions particulières au département, et non versés au Trésor public. Nous nous contenterons de réunir
ici les objets qui nous paraissent devoir y entrer :
1oLa dépense des assemblées primaires, de celles de district et
de celles de département;
2° La dépense des tribunaux de caifton, de district et de département ;
3° La levée des impositions et les frais quelconques, tant de perception que de remise au Trésor public ;
4° La dépense d'administration, des caisses de district et de département;
5° La dépense des milices nationales;
6° La dépense des chemins et de tout ce qui y est relatif;
7° Les travaux de charité ;
8° La destruction de la mendicité;,
9° Les secours pour les épidémies et calamités locales, et les encouragements pour l'agriculture;
10° La garde et police des villes ;
11° L'entretien et construction des bâtiments publics.
Nous avons parcouru sous ces deux grandes divisions l'administration entière du royaume.
Les dépenses que nous avons comprises dans la première partie seront déterminées par les décrets qui suivront le travail des comités de la guerre,.de la marine et le nôtre; les décisions que vous rendrez alors fixeront irrévocablement la dépense entière du Trésor public. Dès à présent, si vous l'ordonnez, nous aurons l'honneur de faire passer successivement sous vos yeux les articles dont nous sommes chargés.
La seconde partie dés dépenses, celle qui doit être confiée aux départements, sera sujette à des différences locales ; cependant, d'après des bases connues, nous pourrons aussi vous présenter un aperçu au moins vraisemblable des sommes auxquelles elles pourront monter.
Votre comité, après avoir terminé le tableau des dépenses publiques, entrera dans le détail de la dette.
Elle se divise naturellement en onze articles :
dettes.
1° L'ancienne dette constituée en rentes perpétuelles, à différents taux. Elle vous sera présentée avec les époques de chaque emprunt et les édits de création, l'historique des différentes réductions qu'elle a éprouvées, et son montant actuel;
2° La dette constituée en rentes viagères avec le détail des conditions de chaque emprunt; le montant de ces rentes à leur origine et l'état de ce qui en existe aujourd'hui;
3° La dette remboursable à époques fixes, classée suivant chaque édit de création, avec l'état de ce qu'elle était dans le principe, des remboursements qui en ont été faits, de ceux qui auraient dû l'être, et la situation actuelle de chacune dé ces parties;
4° La dette provenant d'acquisitions faites par le Roi à différentes époques, l'état de ce qui a été payé et de ce qui reste dû sur chacune;
5° La dette provenant de différentes finances de charges qui ont été supprimées, l'état des remboursements faits et de. ceux qui restent à faire ;
6o La dette résultant des cautionnements et fonds d'avance
fournis par toutes lés compagnies dé finances, et l'état des conditions attachées à cette
espèce de créance ;
7° La dette résultant du prix des charges des
receveurs généraux et particuliers, des receveurs des décimes et autres officiers du clergé, officiers des eaux et forêts, trésoriers, et généralement de tous ceux qui, en vertu d'une charge ou d'un office, perçoivent une partie des revenus publics;
8o Les prêts faits à titre de dépôt au Trésor public ;
9° Les intérêts actuels et les capitaux de toutes les charges de judicâture;
10° Les indemnités accordées pour des non-jouissances ou pour dès sacrifices de propriétés;
11° La dette du clergé de France.
Lorsque votre comité vous aura présenté les détails de chacune des parties qui constituent la uétte de l'Etat, il vous proposera en mêihè temps le seul moyen d'acquérir la connaissance entière d'une autre espèce de dettes, que les plus exactes recherches ne feraient jamais découvrir avec certitude, si vous ne les soumettiez à ùiiè vérification particulière : cette partie de dettes est l'arriéré. Nous appelons ainsi tout ce qui reste dû au 1er janvier 1790, de toutes les dépeûses dont le gouvernement est chargé.
Votre comité vous propose donc dès à présent de nommer une commission Chargée de faire la liquidation de tout ce qui est dû pour les dépenses de toute espèce, jusqu'au premier janvier 1790, et d'ordonner que tous les créanciers seront tenus de se présenter à cette commission, dans le plus court délai, pour faire reconnaître et allouer le titre de leùr créance. Cette liquidation sera mise sous les yeux de l'Assemblée nationale, et elle jugera, en connaissance de cause, des moyens qui lui paraîtront les plus propres à éteindre ce capital, en distinguant les dépenses les plus pressées de celles qui peuvent être retardées, en se livrant à toutes les considérations de sagesse et de prudence qui pourront se concilier avec le bien du service.
Lorsque vous aurez acquis la connaissance de la somme entière de l'arriéré, ce sera le 12e article de la dette publique, et aucune partie n'aura échappé à vos recherches.
Votre comité vous présentera ensuite un projet de division des différentes parties de recettes et de dépenses, et la distribution et organisation des différentes caisses. Il y joindra le plan de' comptabilité qui lui paraîtra le plus simple, le plus facile, et en même temps le plus sûr, pour gue chaque législature puisse, connaître à chaque instant le tableau de toute l'administration, et que l'Etat soit à l'abri de l'infidélité des différents comptables.
Lorsque vous aurez, par vos différents décrets, fixé et classé toutes les dépenses, lorsque vous aurez reconnu et constaté chaque partie de la dette, avec la distinction des intérêts et des remboursements exigibles, vous connaîtrez avec certitude le total des besoins publics et par conséquent du montant des contributions qu'il faudra établir.
C'est de ce point que votre comité partira pour vous proposer l'établissement de l'impôt.
C'est l'objet de sès méditations actuelles. Il ne se permettra, dans ce moment-ci, que d'indiquer les premières bases. Les détails exigent les combinaisons les plus profondes et l'étude la plus suivie des résultats.
Les impositions paraissent naturellement devoir être divisées en trois classes : droits sur les consommations, contributions territoriales, taxes personnelles.
Lès droits sur les consommations, pourvu qu'ils ne portent pas Sur lès objets d'une nécessité indispensable, ont lë grand avantage d'une liberté apparente, puisque chacun est lè maître d'usèr ou de ne pas user de l'objet imposé ; ils ont encore l'aviintage de sé rapprocher des facultés du consommateur, qui proportionne ordinairement sès dépenses à sesf revenus. Ils sbût lës seuls qui puissent faire contribuer les étrangers qui voyagent ou demeurent dans un pays; mais l'inconvénient inévitable d'employer a leur perception un grand nombre d'individus] rend leur recouvrement fort dispendieux. La "contrebande, suite ordinaire des prohibitions, nécessite un code pénal pour des crimes qu'elles ont créés ; et si les plus sages combinaisons n'ont pas présidé au tarif de ces droits, ils étouffent l'industrie, anéantissent ou font languir le commerce.
Tous les principes de la liberté civile repoussent l'assujettissement aux visites domiciliaires ; ceux du commerce s'oppôsent à tout Ce qui embarrasse la circulation : ainsi les droits sur les consommations ne peuvènt se percevoir qu'aux frontièrès et à l'entrée des villes, et même avec toutes les précautions et restrictions possibles; au reste, cè genrè d'impôts qu'on accuse de retomber, en dernière analysé, sur le territoire qui produit tout, est le moins dur de tous pour le consommateur qui le paye, parce que le droit et le prix de la marchandise se confondent ensemble à ses yeux. L'incertitude du produit des droits sur les consommations oblige de les mettre eii ferme ou de les faire régir, et ces deux modes d'administration sorit fort coûteux.
Dans la classe de ces droits sont compris aujourd'hui tous les revenus qui composent la ferme générale, la régie des aides et droits réservés, les marchés de Sceaux et de Poissy, et une partie des droits domaniaux.
Le revenu territorial des domaines et forêts, les droits féodaux, les fermes des postes, la régie des poudres, les monnaies, les affinages, les loteries composent une autre classe de revenus,
La contribution territoriale est la véritable richesse delà nation. La défense du territoire et,1a sûreté de ses cultivateurs étant les premiers besoins communs à tous les propriétaires, la charge qu'ils imposent doit leur être commune : ainsi personne n'a le droit d'en être exempt ; mais cet impôt ne peut excéder certaines limites, sans attaquer et détruire la propriété. Les frais de culture, de semence,«les entretiens de tout genrè, doivent en être exceptés. C'est sur'le revenu net que doit porter l'imposition.
La taxe personnelle répugne infiniment à la liberté; et, dans la malheureuse nécessité de l'admettre, il semblerait qu'elle ne devrait, porter que sur les hommes qui, ne possédant pas de territoire, ne peuvent s'acquitter autrement de la rétribution que chaque citoyen doit à l'Etat. Cette taxe a l'inconvénient dé manquer de bases certaines, et par conséquent d'être voisine de l'arbitraire : ce sera toujours à regret que nous vous proposerons de la faire entrer dans nos calculs.
Il serait au moins à désirer qu'on pût la soumettre à des règles assez sûres pour atteindre, dans des proportion justes, les fortunes purement mobilières.
L'impôt de consommation ne doit donc porter que sur les objets qui ne sont pas de première nécessité.
Il doit être modéré,, pour fie pas exciter la contrebande : son tarif doit être favorable aux productions de l'industrie nationale.
Il ne doit être perçu qu'aux entrées des villes et aux extrémités du royaume, et ne doit ni gêner le commerce, ni exposer les citoyens à la violation de leur domicile.
L'impôt sur les propriétés ne doit porter que sur le revenu net, et ne rien excepter de ce qui est productif ; mais il ne ' doit frapper sur rien de ce qui est nécessaire à la reproduction.
L'impôt sur les personnes doit être soumis à des règles de proportion aussi justes qu'il est possible de les établir, et ne peut être considérable que sur les citoyens qui ne payent aucune autre imposition de propriété.
C'est d'après ces règles que votre comité médite et travaille à rédiger le système d'imposition qu'il aura l'honneur de vous présenter lorsque vous aurez déterminé la somme des besoins de l'Etat.
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale, considérant que rien n'est plus important à l'établissement et au maintien d'un ordre permanent dans les finances du royaume et dans la comptabilité du Trésor public, que de mettre au courant les départements, et de ne comprendre à l'avenir dans le compte de chaque année que la dépense effective de ladite année ;
Considérant en outre qu'elle ne pourrait, sans s'écarter de l'esprit de justice qui l'anime, se dispenser de prendre des moyens sûrs et prompts pour constater le montant de ce qui restera dû à l'époque marquée par elle pour le nouvel ordre d'administration et de comptabilité, afin de satisfaire tout à la fois à ce que lui prescrivent l'intérêt de la nation et celui de ses créanciers légitimes, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. Le payement de toutes les dépenses des départements,
autres que la solde des troupes, sera et demeurera suspendu, pour tout ce qqi se trouvera dû
au 1er janvier 1790, jusqu'après la liquidation qui va en être
ordonnée.
Art. 2. A compter du 1er janvier 1790, le Trésor public
acquittera exactement toutes les dépenses ordinaires de l'année courante, mois par mois, sans
aucun retard, et il ne sera alloué dans les comptes de la dépense ordinaire de ladite année
que les sommes provenant de la dépense que 1 Assemblée nationale aura décrétée pour l'année
1790.
Art. 3. Il sera nommé incessamment une commission de douze membres de l'Assemblée, pour procéder à la liquidation de toutes les créances dont le payement est suspendu par l'article 1er du présent décret.
Art. 4. Les administrateurs de chaque département et les ordonnateurs de toutes les dépenses feront remettre en conséquence, dans le délai d'un uoiois au plus tard, à ladite commission, l'état, distingué par nature de dépenses, de toutes celles qui peuvent être arriérées dans leurs différents départements, et ledit état signé d'eux sera certifié véritable.
Les entrepreneurs et autres qui auront personnellement des titres de créance reconnue à à produire, pourront se présenter devant la commission et lui remettre leurs titres.
Art. 5. N'entend, l'Assemblée nationale, comprendre dans la suspension prononcée par le
présent décret les arrérages de rentes et pensions échues avant le, 1er janvier 1790, qui continueront d'être payées dans l'ordre de leurs échéances, et
dont elle se propose de rapprocher
les payements par tous les moyens qu'elle aura en son pouvoir.
Elle excepte également de ladite suspension les intérêts de toutes les créances auxquelles il en est dû, ainsi que les obligations contractées pour achats de grains, assignations et rescriptions sur les revenus de 1790, et tous les frais relatifs à l'Assemblée nationale.
Art. 6. Le payement de tous les arrérages sera continué, ainsi qu'il a été dit par l'article 4, pour toutes les rentes et créances de l'Etat ; mais les pensions qui écherront après le ,1er janvier 1790 nepourront être acquittées, à partir de cette époque, que d'après, l'état qui en sera arrêté par l'Assemblée nationale et publié par ses ordres.
Art. 7. La commission chargée de procéder, en vertu du présent décret, à la liquidation de l'arriéré, rendra compte à l'Assemblée nationale, le plus tôt qu'il sera possible, de la liquidation qu'elle aura faite des créances incontestables ; et lui soumettra le jugement de celles susceptibles de contestation.
Art. 8. Sur le compte qui lui sera rendu par ses commissaires, l'Assemblée nationale avisera aux moyens qui lui paraîtront les plus convenables et les plus justés pour acquitter les créances dont la légitimité aura été réconnue.
, Vun des secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la veille et des adresses ci-après.
Adresse des officiers municipaux de la ville de Grandpré où ils- adhèrent, avec Une admiration respectueuse à tous les décrets de l'Assemblée nationale et déclarent ennemis de la nation et traîtres à la patrie tous ceux qui auraient osé, ou qui oseraient par la Suite, sous quelqué prétexté que ce fût, s'opposer à leur exécution.
Délibération de la commune de Saint-Laurerit-du-Pont, en Dauphiné, contenant l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale, et la protestation la plus formelle contre la convocation des Etats de la province, et du doublement, faite par la commission intermédiaire.
Délibération de la commune de la Ville de Salies en Gomminges, contenant félicitations, re-mercîments,-adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale; elle demande une justice royale.
Adresse des municipalités de la ville de Romo-rantin et de plusieurs paroisses de son élection et district, tendant à obtenir l'établissement d'un département et d'un tribunal du second ordre dans cette ville.
Adresses de différentes villes et. communes d'Auvergne; elles demandent toutes l'établissement d'un tribunal souverain à Glermont, et quelques-unes demandent un tribunal royal pour Maringues, Mauriat, Maurs.
Adresse de la ville de Bort en Limousin;,elle demande sa réunion à l'Auvergne, un tribunal
Adresses des villes et communes d'Altillac, Beaulieu, Camps, Cros, Gerzat,Gignat, la Bëssette, Ides, Lanobre, Laume-Grand,. Luzillat, Madic, Maillat, Marchai, Maurs, Pléaux, Pradelles, Roches-Charles, Saint-Girq, Saint-Martin-des-Plaines,. Sailhan, Salsigne, Sauvat, Singles, Trémouille-Marchal, Trizac, Vebret, Vialé; elles demandent toutes l'établissement d'un tribunal souverain à Glermont-Ferrand.
Les communes d'Altillac, Beaulieu, Camps, Gros, la Besette, Ides, Lanobre, Madic, Marchai, Salsigne, Singles, Trémouille-Marchal et Vebret, demandent un tribunal royal àBort; Pradelles en demande un pour Mauriac, et Luzillat en demande un pour Maringues.
Adresse des religieux dominicains de la maison du noviciat général à Paris, qui réclament avec instance leur conservation et que leur monastère ait toujours la liberté de remplir sa première et plus essentielle destination, qui consiste à recueillir des diverses provinces les religieux qui voudraient remplir leurs devoirs avec plus d'exactitude, et à repousser constamment ceux qui seraient ennemis de la subordination et de la régularité.
Délibération des habitants delà communauté de Sutrieu en Valromey, province de Bugey, portant offre à l'Assemblée nationale des bois du quart des réserves de leur montagne, en valeur de 8,000 livres,, pour être versées dans la caisse patriotique, et tenir lieu du quart de leur revenu, sous la réserve d'une somme de 1,000 livres qu'ils doivent à la chartreuse d'Arrière. Ils demandent que l'Assemblée les autorise à faire donner l'adjudication de la coupe desdits bois, en observant les formalités ordinaires.
Enfin, lettre du sieur Eustache, maître en chirurgie à Béziers, en date du 6 du mois dernier, qui, dans l'impossibilité de payer autrement sa contribution patriotique, fait offre de trois médailles d'or, de la valeur de 500 livres, qui lui ont été adjugées à titre de prix.
Sur la lecture de cette lettre, M. le président a été chargé d'écrire audit sieur Eustache, pour lui annoncer que ses médailles ont été reçues.
M. Eustache fils, encore fort jeune, avait apporté lesdites médailles, et présenté la lettre de son père à M. le président; a la barre, il a dit :
Nosseigneurs, l'auteur de mes jours n'ayant d'autre revenu que sa profession, a peine suffisante pour sa famille,se serait cru privé de la satisfaction de pouvoir concourir à la contribution patriotique, ordonnée par votre sagesse pour le salut de l'Etat, si ses faibles talents ne lui eussent obtenu divers prix, consistant en trois médailles d'or, de la valeur de 500 livres. Il a dû être infiniment touché de ces récompenses flatteuses; mais, si j'en juge par le sentiment que j'éprouve, le sacrifice qu'il en fait à la chose publique est bien plus cher à son cœur.
lui a répondu| que l'Assemblée voyait avec satisfaction la marque de patriotisme que son père l'avait chargé de présenter à l'Assemblée, et qu'il l'exhortait à bien aimer la patrie; il l'a autorisé à assister à la séance.
a ensuite annoncé qu'il s'était retiré devers le Roi pour lui présenter deux décrets: l'un concernant la déclaration à faire par
les bénéficiers et supérieurs d'établissements ecclésiastiques. l'autre concernant les grains achetés par la ville de Nantes dans celle d'Auray; et que Sa Majesté lui avait répondu sur le premier, qu'il le prendrait incessamment en considération, et sur le second, qu'il renouvellerait ses ordres dans la province de Bretagne pour l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale.
, a exposé qu'ayant été nommé membre du comité des rapports, il lui était impossible d'en remplir les fonctions, parce qu'il était membre du comité ecclésiastique. Sur sa démission, et d'après le vœu de rÀssemblée, M. te président a invité le bureau n° 1, à s'assembler de nouveau pour élire un autre membre du comité des rapports à la place de M. Treilhard.
a dénoncé qu'il. avait appris que les Etats du Gambrésis avaient protesté contre les décrets de l'Assemblée nationale, et a demandé que les députés de cette province eussent à s'ëx-pliquer à' ce sujet.
a donné lecture de cet arrêté dont voici les principaux objets :
« Les Etats du Gambrésis, sensiblement affectés des justes alarmes qu'inspirent quelques arrêtés de l'Assemblée nationale, croiraient trahir le vœu de leur province et les générations futures, s'ils consentaient à la destruction des franchises du Gambrésis et à l'anéantissement des droits des propriétaires. Il n'est pas au pouvoir des représentants de la nation, ni de la nation elle-même, de disposer des biens des citoyens.
« Les capitulations du Gambrésis consacrent le maintien de ses coutumes et de ses franchises ; elles sont le gage de sa soumission et la règle de ce qui lui est dû; si le contrat est violé, il est relevé de ses engagements. Certains arrêtés de l'Assemblée nationale préparent la ruine du royaume et l'anéantissement de la religion. Si elle a pu mettre certains biens à la disposition delà nation, tous les propriétaires ne peuvent-ils pas s'attendre au même sort ?
« D'après ces considérations, les Etats du Gambrésis déclarent qu'au moyen de la renonciation que la noblesse et le clergé ont faite à toutes exemptions et à tous privilèges, et qu'ils réitèrent, les intérêts sont devenus communs, et tous les ci-' toyens sont frères^ déclarent en conséquence, au nom de tous, qu'ils n'ont donné et ne peuvent donner aucune renonciation à leurs capitulations, et désavouent celle qui pourrait avoir été faite en leur nom.
« Déclarent, dès à présent, les pouvoirs des députés du Gambrésis à l'Assemblée nationale nuls et révoqués.
« Délibèrent en outre de demander au Roi que la province puisse s'assembler pour donner suite à la présente délibération.
« Ce
On ne peut sévir avec trop de sévérité et de promptitude contre des actes aussi condamnables. Je demande que la délibération sur cet arrêté soit ajournée à la séance de ce soir.
Cet ajournement est ordonné, et l'on passe à l'ordre du jour sur les bases de la représentation nationale.
L'article du comité mis à la discussion est ainsi conçu :
« Le nombre des députés à l'Assemblée nationale, par chaque département, sera déterminé selon la proportion de la population, du territoire et de la contribution directe. »
La combinaison des trois bases est une idée ingénieuse, beaucoup plus subtile que solide. Les deux bases factices qu'on veut réunir à la population donneront lieu à une inégalité certaine dans la représentation.
La représentation est un droit individuel ; voilà lé principe incontestable qui doit déterminer à admettre uniquement la base de la population, On vous a ait que cette base variera, tandis que celle du territoire est invariable; mais vos divisions territoriales seront nécessairement inégales en étendue ; la différence de leur valeur respective sera encore une autre source d'inégalité. Ainsi, cette base immuable sera immuablement inexacte et injuste.
La base de la contribution n'est pas plus convenable. En donnant une représentation à la fortuné, vous blessez tous les principes, et dans votre supposition même vous êtes encore injustes, puisque vous n'accordez pas de représentation aux impositions indirectes.
N'espérez pas, en combinant ces éléments vicieux, parvenir à un sage résultat.
Vous n'avez pas même l'avantage de simplifier l'opération. En effet, pour donner à la population lé tiers que vous lui réservez dans la représentation, il en faudra connaître la totalité. Si vous adoptez cette base unique, cette connaissance suffirait seule à l'organisation d'un système aussi juste que simple. La population changera, dit-on ; vous changerez vos propositions avec elle, et tous les dix ans vous pourrez réparer les erreurs que l'expérience vous aura dénoncées.
En examinant les bases que lepréopinant trouve très-ingénieuses, oh s'aperçoit aussi qu'elles ont de très-grands avantages.
Ceux qui contribuent plus que les autres ont plus d'affaires à traiter que les autres ; il est donc nécessaire de leur accorder plus de représentations : cet avantage, dont tous les contribuables voudront jouir, engagera les villes, les provinces et les individus à payer exactement leurs impositions; ainsi la base de la contribution est non-seulement juste, mais elle est encore politiquement utile à l'Etat.
La base du territoire se présente aussi sous les mêmes rapports. Les pays les moins peuplés étant plus malheureux, en augmentant leurs avantages politiques on les rendra plus heureux, on augmentera leur population ; ayant des besoins plus étendus, ils ont des demandes plus nombreuses à faire ; le nombre des organes de leurs réclamations doit donc être plus grand...
J'adopte les trois bases.
Je me détermine difficilement à combattre une opinion, fruit d'une longue méditation, et je ne le fais que pour l'intérêt de ceux que je représente et de ceux qui seront dans la suite représentés.
La base du territoire n'est pas juste. La sixième partie de l'Auvergne ne produit rien ; lui donne-rei-vous une représentation égale à celle des autres parties de cette province qui sont très-productives ?
La base de la contribution est contraire aux
principes du droit naturèl, et les circonstances présentes la rendent d'une exécution dangereuse. A l'instant où l'on élira les députés pour la législature qui doit suivre eette Assemblée, la masse des impositions ne sera pas encore déterminée conformément au régime que vous devez établir. Croirez-vous avoir ordonné une représentation libre, lorsque vous l'aurez fondée sur les bases d'une contribution créée par le despotisme ?
Je ne puis donc admettre les bases du territoire et de la contribution.
(1). Messieurs, vous avez décrété que la France serait partagée entre soixante-quinze et quatre-vingt cinq départe-^ ments, que chaque département serait divisé en districts triennaires, que chaque district serait sous-divisé en cantons à peu près de deux lieues carrées.
Ces décisions, auxquelles vous avez été conduits par degrés, semblent présager et pour ainsi dire nécessiter l'acceptation du plan de votre comité de constitution.
Je regrette seulement qu'une conception aussi ingénieuse, et qui m'a paru aussi séduisante dans la théorie, présente autant de difficultés dans l'application, et qu'elle ne prépare que des inconvénients pour la province pauvre que j'ai l'honneur de représenter.-Quoi qu'il en soit, il vous reste aujourd'hui, Messieurs, un grand problème politique à résoudre, qui est de savoir quelles sont les véritables bases de la représentation nationale.
On vous a proposé trois combinaisons différentes, pour déterminer le mode et la forme de la représentation :
La représentation sera-t-elle en raison composée du territoire, de la population et de la contribution?
La représentation sera-t-elle en raison composée de la population et de l'importance que donnent au territoire la culture, le commerce et les arts ?
Enfin, la représentation sera-t-elle en raison directe de la population?
Avant de fixer votre attention sur ces trois combinaisons différentes, je vous prie, Messieurs, de me permettre d'examiner d'abord ce que c'est que la représentation, ensuite quels sont les principes et les règles qui doivent servir de base à une véritable représentation nationale.
Lorsque j'aurai déterminé quels sont les caractères distinctifs d'une représentation politique, j'en ferai l'application aux différents modes de représentation qu'on vous a proposés.
Et d'abord qu'est-ce que là représentation? C'est un droit inhérent à chaque citoyen de l'em-'pire de concourir par son suffrage à la formation dé la loi à laquelle il doit obéir; je ne crois pas qu'on puisse me contester la vérité et l'exactitude de cette définition.
L'homme, né libre, doit exercer la plénitude des droits qu'il a reçus de la nature. Le plus
beau, le plus incontestable de ses.privilèges , c'est que personne ne puisse contracter un
engagement pour lui, sans y avoir été autorisé par lui. La liberté de l'homme est donc la
base, comme elle est le garant de la représentation personnelle.
Maintenant, quels sont les principes et les règles d'une véritable représentation?
Pour établir ces principes, il faut considérer quels sont les éléments, quel est l'objet, et quelle doit être la forme de la représentation,
Quels sont les éléments de la représentation ? Ce sont les individus qui tiennent de la nature et de la loi le droit inaliénable de concourir au choix de leurs représentants.
Quel est l'objet de la représentation? C'est que les délégués, les représentants du peuple aient une égale influence sur les opérations du corps , législatif.
Enfin* quelle doit être la forme de là représentation? C'est qu'elle établisse la plus exacte proportion pour l'exercice du droit, et le plus parfait équilibre pour le maintien des intérêts de ceux qui sont représentés.
Pour ne point abuser de vos moments, je développerai la vérité de ces principes; enen faisant l'application aux différents modes de représentation qui ont été mis sous vos yeux.
Votre comité de constitution vous a proposé d'établir la représentation en raison composée de la population, du territoire et de là contribution.
En applaudissant aux talents et au zèle infatigable des membres de votre comité, je regrette infiniment d'être forcé de combattre ces principes ; mais comment est-il possible, Messieurs, qu'un droit de représentation immuable par sa nature, égal par son essence, puisse jamais reposer sur des bases inégales et incertaines? Or, la base territoriale et celle de la contribution directe sont également frappées de ce vice radical.
Pour comparer en politique deux superficies égalés, il faut qu'elles soient toutes les deux susceptibles du même produit territorial ; il faut que toutes les deux, soumises aux travaux du cultivateur , puissent pourvoir à sa subsistance , et accroître la somme de ses jouissances et de son bonheur : autrement deux superficies, quoique égales, ne peuvent, ni aux yeux de la raison, ni aux yeux ae la politique, servir d'objet de comparaison. En effet, quel rapport peuvent avoir, avec le droit de représenter ses semblables, des montagnes arides et des déserts inhabités? Comment rapprocher des idées aussi disparates, pour en faire la base d'une égalité de représentation? On a choisi précisément, comme le dit M. de Mirabeau, la mesure la plus propre à former une inégalité monstreuse; mais il serait superflu de s'étendre plus au long sur l'inexactitude de la base territoriale. Votre comité en convient lui-même ; voici comment il s'explique dans son rapport :
L'égalité du territoire, dit-il, par son étendue superficielle, n'est qu'apparente et fausse, si elle n'est modifiée par la balance des impositions directes qui rétablit l'équilibre des valeurs.
Je pourrais d'abord demander comment, en matière de représentation, qui est un droit immuable, votre comité a pu choisir une base qui, de son propre aveu, n'est qu'apparente et fausse ; mais je crois en outre pouvoir démontrer que cette base apparente et fausse ne peut pas être modifiée par la balance des impositions directes.
Tout le mondé sait que l'imposition directe est celle qui frappe directement sur le produit territorial. J'ose supplier l'Assemblée de vouloir bien
donner quelque attention à un raisonnement qui détruit tout l'édifice de la combinaison du comité de constitution.
Pour que la base des impositions directes pût rectifier l'inexactitude de la base territoriale, il faudrait que l'imposition directe fût exactement et également proportionnée au produit territorial ; car la balance des impositions ne peut rétablir l'équilibre des valeurs territoriales, qu'autant que dans toute l'étendue du royaume, les impositions directes frapperont également et proportionnellement sur toutes les parties du territoire; mais si, au contraire, toutes les propriétés ne sont pas assujetties à une imposition directe proportionnelle, il s'ensuit nécessairement que la base de la contribution directe est elle-même fautive , inégale et incomplète.
Un fait certain, une vérité constante, connue de tous les membres de cette Assemblée, c'e3t çjue le mode et l'assiette des impositions' varient suivant les différentes provinces. Dans un pays, la totalité de l'imposition est directe, parce qu'elle frappe uniquement sur la propriété territoriale ; dans un autre pays, l'imposition n'est qu'indirecte; parce qu'elle n'est établie que sur les consommations; enfin, dans un autre canton, l'imposition est moitié directe et moitié indirecte, parce qu'elle porte moitié sur le territoire, moitié sur les consommations.
En Provence, par exemple, chaque municipalité choisit et établit la forme d'imposition qui lui convient pour acquitter le montant de son affoua-gement ou de sa contribution. En Auvergne, toutes les impositions sont directes et portent sur le produit territorial. En Berry, elles sont moitié directes et indirectes, parce qu'elles portent moitié sur le territoire et moitié sur les consommations. Nulle part, enfin, il n'y a ni égalité ni proportion dans l'assiette de ^imposition directe ; mais, si l'imposition directe n'est pas également et exactement proportionnée au territoire, il s'en suit deux vérités incontestables: la première, que l'imposition directe, prise par votre comité pour une base immuable de représentation, est au contraire une base fautive, inégale et incomplète, puisqu'elle n'a aucune stabilité, et qu'elle varie suivant les différents pays; la seconde, c'est que cette base fautive, inexacte et incomplète, ne peut pas rectifier et modifier la base territoriale, qui n'est elle-même qu'apparente et fausse, de l'aveu de votre comité ; j'ose dire et articuler qu'il n'y a point de réponse à cette objection, parce qu'on ne peut pas détruire un fait par un raisonnement.
Qu'on ne dise pas que l'Assemblée nationale va établir un mode cf'impositions qui assujettira toutes les propriétés foncières à un impôt direct et proportionnel. D'abord l'Assemblée nationale n'a rien statué sur cèt objet : elle n'a ni examiné ni déterminé si l'imposition directe serait réelle, personnelle ou mixte, et, d'après ce que nous disait hier un membre du comité, il faut prendre les choses dans l'état où elles sont aujourd'hui. Ensuite, lorsqu'il en sera question, on pourra aisément faire voir qu'il serait impolitique d'ôter à chaque province la liberté de s'imposer de la manière qui conviendra le mieux aux localités, et qui sera la moin3 onéreuse pour les peuples. En supposant même que, par des raisons de convenance, l'Assemblée nationale se déterminât à établir un jourun régime uniforme d'impositions directes, les législatures suivantes pourront, par des considérations fondées sur l'expérience et les localités, altérer, modifier ou changer le mode
de perception. D'après cela, comment est-il possible de ronder sur des combinaisons aussi variables et incertaines que l'assiette de l'impôt, la base du droit sacré et inaltérable de la représentation? comment la combinaison inégale de la contributiqn directe, peut-elle modifier la combinaison fausse du territoire? c'est-à-dire que par cette opération oïl rectifie une èrreur par une autre erreur, ou plutôt c'est sur deux erreurs qu'on veut établir les bases de la représentation nationale.
Mais, dira-t-on, puisque la base de l'imposition directe, est vicieuse, on peut cumuler les impositions directes et indirectes, pour faire de la masse totale une des bases de la représentation ; de manière que chaque département fournira un tiers de ses députés à l'Assemblée nationale, en raison de la masse totale de ses impositions.
J'observerai d'abord que l'équilibre des valeurs foncières ne peut être rétabli que par la balance de l'imposition foncière. Votre comité l'a très-bien senti, et l'a dit expressément. Vous ne pouvez rectifier l'inexactitude de la base terri-toriale que par la contribution directe proportionnée au produit territorial. Ainsi, si l'on admet pour base de la représentation la masse totale des impositions directes et indirectes, il faut renoncer à ,1a base territoriale, qui n'est qu'apparente et fausse, ,de l'aveu de votre comité, si elle n'est modifiée par la balance des impositions directes.
Mais je vais encore vous démontrer que la masse totale des impositions directes et indirectes de chaque département serait une base de repré-tation infidèle, inexacte et injuste.
Au lieu de chercher à vous égarer par des subtilités et des raisonnements analytiques,. je me bornerai à des faits, et je prendrai pour exemple la ville de Paris.
Là masse de la contribution totale de la ville de Paris n'est pas payée à beaucoup près par les citoyens actifs qui l'habitent : la majeure partie de l'imposition est payée par ceux qui sont appelés à Paris pour leurs affaires ou pour leurs plaisirs; c'est un centre de réunion pour les régnicoles et pour les étrangers, où chacun en arrivant est obligé de payer, pour ainsi dire, l'air qu'il respire. Plus les étrangers augmentent le débit des consommations, plus ils accroissent le montant des impositions : ce n'est pas de son sein, ni de sa valeur territoriale, que Paris retire tout ce qui fait l'objet de sa contribution' Serait-il raisonnable et conforme aux règles de la justice distri-butive, que chaque habitant de province forcé de se rendre à la capitale pour ses affaires, et d'y apporter des tributs involontaires, contribuât encore par la dépense qu'il y fait à augmenter le droit de représentation de la ville de Paris ? Si l'on prenait la masse de l'imposition directe et indirecte pour base de la représentation, ne serait-ce pas donner au département de Paris un avantage immense sur tous les départements du royaume? Et dans quel moment, Messieurs, son-gerons-nous donc à rétablir ce parfait équilibre que les provinces réclament, si ce n'est lorsqu'il s'agit de fixer le degré d'influence que chaque portion de l'empire doit avoir sur le corps législatif?
Ce que je viens de dire de la ville de Paris, je pourrais le dire également de toutes les grandes villes du royaume ; et l'application que j'en fais suffit pour prouver que la masse totale des impositions directes et indirectes serait une base de représentation aussi inégale et injuste que la contribution directe est infidèle et inexacte.
D'où il suit évidemment que ni l'égalité du territoire, ni là, contribution directe, ni là masse totale de l'imposition directe et indirecte ne peuvent être les éléments ni l'objet de la représentation nationale.
On vous a encore proposé de prendre pour base de représentation l'importance que donnent au territoire la culturelle commerce et les arts.
J'observe d'abord que les variations presque continuelles qui peuvent et doivent arriver dans l'importance relative de tous les départements, formeraient une règle bien incertaine de représentation : d'ailleurs si, comme le dit lui-même M. de Mirabeau, la population est le signe le plus évident ou des subsistances qui représentent le sol, ou des richesses mobilières et de l'industrie qui le remplace, il est bien plus simple de confondre la réalité avec l'image, et de n'admettre d'autre base que la population, qui, de l'aveu de M de Mirabeau, représente l'importance du territoire.
D'ailleurs, il n'est pas exact de dire que l'importance du territoire peut être un des éléments de la représentation ; plus un pays est fertile, plus il a de richesses, et plus, comme je l'ai déjà observé, il est redevable à là puissance publique, qui défend et garantit ses jouissances : c'est au contraire, à l'indigence et à la faiblesse que doit s'attacher particulièrement la protection de la loi, pour faire jouir tous les individus de la plénitude au droit de représentation.
Enfin, Messieurs, on vous a proposé de prendre pour base de la représentation, la population. C'est, j'ose le dire, en prenant la population pour règle et pour base, que chaque individu pourra exercer le droit qu'il tient de la nature et de la loi, de concourir par son suffrage médiat ou immédiat, à la formation des loi^1 auxquelles il doit obéir; que tous les représentants de la nation pourront avoir une égale influence sur les opération du corps législatif. Enfin, c'est par la base de la population que s'établira la plus exacte proportion pour l'exercice du droit et pour le maintien des intérêts de tous ceux qui doivent être représentés.
Je le répète encore, Messieurs, lorsqu'il s'agit de défendre la patrie, tout, homme est soldat et doit payer de sa personne : de même, lorsqu'il s'agit de représenter la nation, tout homme est citoyen, et a le droit de faire compter son suffrage. C'est donc par le nombre des citoyens qu'il faut calculer la représentation nationale; la population est donc la véritable base de la représentation.
On objecte que, si la représentation avait pour base la population, cette base serait très-vacillante et fort incertaine; qu'elle serait sujette à des variations continuelles ; qu'elle aurait de la peine à se plier aux divisions du royaume, que des considérations politiques rendent indispensables ; qu'il faudrait varier à l'infini l'étendue et les limites du département. Je ne crois pas avoir affaibli l'objection.
J'observerai d'abord, qu'en raison et en politique, il faut que les divisions territoriales se prêtent aux lois immuables de la représentation, et non pas que la représentation se plie aux règles arbitraires de la division territoriale; parce que la représentation est un, droit naturel et immuable, et que la division n'est qu'une opération politique.
C'est d'après cela que j'ai dit, et que je pense que votre comité de constitution aurait dû vous proposer d'établir les bases de la représentation, avant de vous faire prononcer sur les divisions
territoriales. Je ne crains point encore de vous dire que les divisions de districts et de cantons qu'on vous propose auront infiniment dé peine a se plier aux trois bases de représentation, surtout si vous voulez rapprocher la représentation des représentés, et faire nommer les représentants par les districts ; ce qui serait l'avantage du peuple, le vœu de la justice, et celui de plusieurs membres de cette Assemblée.
J'observerai encore que le plus grand de tous les inconvénients en politique, c'est de diviser Un royaume sans avoir égard à lâ population, parcequ'on s'expose à établir des corps administrants qui n'auront rien à administrer, à créer des tribunaux qui n'auront personne à juger, et au'enftn on peut, par une égalité chimérique de ivisioris territoriales, achever d'écraser un pays pauvre, par l'entretien des routes et par les frais d'Une administration compliquée.
Mais, pour répondre directement à l'objection par laquelle on dit que, la population variant à l'infini, cette base serait très-vacillante et très-incertaine, cette objection est plus séduisante que véritablement fondée. On ne fait pas attention que, si le Corps législatif est composé de 700 députés, il aura un député, à peu près, sur 36,000 individus ; de manière qu'un département ne pourrait réclamer un député de plus qu'autant que sa population serait augmentée dé 36,000 individus. De même on ne pourrait retrancher un député à un département qu'autant que sa population diminuerait de 36,000 individus. Quelque avantage que l'agriculture, le commerce et les arts puissent retirer de la constitution que nous allons donner à la France, on aura le temps d'arriver à une nouvelle convention nationale, avant que l'accroissement ou la diminution sensible d'une population proportionnée sur un grand espace exige une nouvelle combinaison pour la représentation. Mais il y a, Messieurs, un moyen bien plus simple pour rendre la représentation exactement, je dirais presque mathématiquement proportionnelle et absolument invariable, en prenant la population pour base unique: c'est de faire la même opération que votre comité de constitution vous a proposée ; c'est-à-dire, au lieu de divisér la population du royaume en 240 parties, pour former le tiers de la représentation du royaume, il faut diviser la population en 700 parties, pour former la totalité de la représentation ; de manière qu'un département aura autant de députés à l'Assemblée nationale qu'il aura de 700 parties de la totatité de la population du royaume.
Alors les éléments de votre représentation seront simples, uniformes, proportionnels ; alors vous aurez pour éléments des hommes et non pas des terres, dont la valeur n'est qu'apparente ou fausse; vous aurez pour éléments des citoyens et non pas des contributions, dont le mode, la quotité et l'assiette doivent nécessairement varier suivant les localités. Alors vous remplirez vis-à-vis de vos concitoyens un devoir de justice rigoureuse, en conservant à. chacun d'eux la plénitude du droit de représentation, que vous ne pouvez ni ne devez altérer, parce que chaque individu le tient de la nature, et parce que la loi ne peut y porter atteinte par des combinai-inexactes et incertaines.
Qu'on ne dise pas, comme on l'a fait entendre dans cette tribune, que nous n'avons encore pu nous affranchir des erreurs populaires et des préjugés gothiques. Ce sont les défenseurs du plan du comité de constitution qui, sans s'en aperce-
voir, sont eux-mêmes les partisans zélés des opinions les plus antiques. Ce plan qu'on vous a tant vanté a pris naissance parmi les Egyptiens, chez lesquels Platon a longtemps médité les sciences abstraites et analytiques ; il a reposé plus de deux mille ans dans lés ouvrages de ce philosophe ; il en a été tiré pqur être mis sous les yeux des Etats-Unis de 1 Amérique, qui l'ont rejeté. Enfin, M. l'abbé Siéyès l'a rajeuni pour le faire adopter par votre comité dé constitution.
Nous devons dire que ce tableau politique, retouché gar des mains habiles, est devenu une copie qui surpasse beaucoup l'original ; mais iljâut aussi convenir que, loin qu'on puisse nous reprocher d'être les serviles esclaves des vieux préjugés, nous avons le courage et peut-être la témérité de nous déclarer les détracteurs des monuments de l'antiquité la plus reculée.
Ne craignez donc point, Messieurs, d'imiter les exemples que vous ont donnés les nations étrangères les plus jalouses de la liberté. Elles ont constamment regardé la population comme la seule base juste et proportionnelle de la représentation ; on leur a présenté, comme à Vous, des systèmes combinés de représentation, mais toutes les nations ont senti que le désir du mieux est souvent l'ennemi du bien; qu'on ne peut ni ne doit composer avec un droit naturel et imprescriptible tel que le droit de représentation ; et qu'enfin, puisque lès hommes sont; l'objet de la représentation, ils doivent en être les seuls éléments.
Je me résume, Messieurs, et je dis que, pour consommer la division du royaume en soixante-quinze ou quatre-vingts départements,won doit avoir moins d'égards encore à l'étendue territoriale qu'à la population, afin que toutes les parties de l'empire ressentent uniformément plutôt les douceurs que le poids accablant d'un nouveau régime. Je dis enfin que, pour fixer la loi de là représentation nationale, vous devez prendre pour base unique la population,.parce que c'est le vœu de l'humanité et celui de la justice.
Voici le projet que j'aurais à soumettre aux délibérations de l'Assemblée nationale :
projet d'arrêté.
Art. 1er. La population sera la base unique et immuable de la
représentation nationale.
Art. 2. L'Assemblée nationale sera composée de 700 membres.
Art. 3. La totalité de la population du royaume sera divisée en sept cents parties.
Art. 4. Chaque département enverra à l'Assemblée nationale autant de députés qu'il aura de sept cents parties de la population totale du royaume, ce qui sera à peu près un député par trente-six mille individus.
Art. 5. Il y aura dans chaque département autant de districts que le département aura de députations.
Art. 6. Chaque district nommera son député à l'Assemblée nationale.
Art. 7. La population de chaque district sera à peu près de 36,000 individus, et de 6,000 citoyens actifs. S'il arrivait quelques variations dans la population de chaque district, l'assemblée provinciale rétablirait l'équilibre et le niveau pour l'élection seulement des députés à l'Assemblée nationale.
Art. 8. La population de chaque district étant à peu près de 6,000 citoyens actifs, l'assemblée
d'élection de chaque district sera composée de 120 électeurs à peu près. :
Art. 9. Chaque assemblée primaire enverra à l'assemblée d'élection de son district un député sur 50 citoyens actifs, ce qui formera le nombre de 120 électeurs.
On demande à aller aux. voix.
L'article du comité de constitution est adopté sans aucun changement.
, au nom du comité de constitution, donne lecture d'un second article ainsi conçu :
« Les électeurs choisis par les assemblées primaires se réuniront au .cnef-lieu': de leur département pour y nommer les députés à l'Assemblée nationale. »
, député d'Agen. J'observe que dans ma sénéchaussée la plus grande partie des laboureurs ne s'est pas rendue à l'assemblée d'élection et que l'autre l'a abandonnée dès le lendemain, sans autre raison que celle de l'ennui et, de la dépense. L'élection a été faite uniquement par des officiers de justice, des avocats, des procureurs, des notaires, des négociants et quelques bourgeois des villes ; d'où je conclus que les élections doivent se faire désormais par district et non au chef-lieu du département.
représentera facilité avec la? quelle la corruption pourrait agir dans lé chef-lieu du département, qui sera nécessairement une ville considérable. Il demande que la nomination des députés se.fasse dans les districts. Cet inconvénient, dit-il, me paraît mériter la plus sérieuse réflexion : la discussion prouvera si je ne me suis pas exagéré ses conséquences.
Une partie de l'Assemblée, touchée de cette observation, demande à aller aux voix sans autre discussion.
se dispose à faire délibérer sur cette demande.
On ne peut rendre un décret sans discussion ; M. de Richier l'a si biçn,senti, qu'il a demandé que la discussion l'éclairât sur son opinion.
L'Assemblée décide qu'on discutera contradic-toirement.
demande qu'il ne soit pas fait mention de ce décret sur le procès-verbal.
Vous avez ordonné qu'il y aurait quatre-vingts départements ou environ, que les districts seraient en nombre ternaire, et que la représentation se leràît en raison combinée des trois bases. Tel est. l'état des décrets que vous avez rendus. Voyons s'il est possible.,de faire faire les élections des députés dans chaque district.
Si le taux moyen des députés de ; chaque département est de neuf personnes, si vous avez neuf districts par département, et un député par district, comment un district qui n'aura qu'un représentant à élire poûrra-t-il faire line dépu-tation à:raison des trois bases? Combinera-t-il les. trois bases sur un seul député ? Cela est impossible. Les. districts députeront donc alors à raison seulement de la population, et le décret que vous venez de rendre sera détruit. Que pou-vez-vous donc faire par égard pour la considé-
ration très importante que de Richier a présentée? Vous pouvez ou réunir trois districts pour la députation, ou ajourner la question au moment où vous aurez décidé quel sera le nombre-des districts dans chaque département.
L'ajournement me paraît inutile. La division d'un département en six ou neuf districts ne peut vous empêcher de décider à l'instant cette question, et je propose cette motion :
« Dans chaque département il sera formé trois assemblées d'élection, pour nommer des députés à l'Assemblée nationale, et dans les départements où il aura été établi six ou neuf districts, les électeurs de deux ou trois districts les plus voisins se réuniront alternativement au chef-lieu de chaque district. »
, demande que les élections se fassent dans un même lieu, mais que ce lieu change à chaque élection.
J'ajoute aux raisons contre jl'ér lection par districts séparés, qu'élire un seul homme dans une assemblée, c'est élire nécessairement l'homme le plus puissant de cette assem-blée.llest à craindre aussi que l'assemblée soit trop nombreuse ; on peut éviter cet inconvénient) en réunissant trois districts, suivant la proposition de M. Defermon.
Que les élections se fassent par une assemblée pour les neuf districts, ou que trois districts seulement se réunissent pour les faire, afin de prévenir les intrigues, je demande, dans les deijx cas, que l'élection commence six -jours au plus tard après la nomination des électeurs; et que, s'il y a trois assemblées dans trois districts différents, l'élection se fasse le même jour dans toutes ces assemblées.
Le grand nomhre des ^électeurs est un moyen sûr de déjouer les intrigues; les influences étrangères seront moins actives dans le chef-lieu dq département que dans celui du district, parce que chaque électeur se trouvera plus éloigné de l'administration qui exerce sur lui une action ot une juridiction journalières. Je demande, d'après ces raisons, qu'il n'y ait qu'une seule assemblée, et qu'elle se tienne dans le chef-lieu du département.
adopte l'article du comité et y propose ces amendements :
1° Que jamais l'élection ne se fasse dans, le chef-lieu du département ;
2° Qu'elle soit faite successivement dans les chefs-lieux des différents districts.
L'Assemblée demande à délibérer.
La priorité est accordée.à la motion de M. Defermon. On én fait lecture.
propose, comme amendement, pour conserver, le nombre ternaire qu'on a décrété de suivre : « que la réunion des districts se fasse par nombre ternaire. »
demande comment il serait possible, en adoptant cette motion, dé nofliT mer un évèquo ou un officier de justice dans un département, puisqu'un seul individu ne pourra
physiquement être élu que par la réunion de tous les électeurs.
Le nombre des députés à raison du territoire sera nécessairement ternaire; à raison de la population ou de la contribution, il ne le sera presquëjamais. Alors comment trois assemblées nommeront-elles pour ces deux bases deux ou quatre députés? Il faudrait confier alternativement cette nomination à l'une des trois assemblées ; mais les moyens d'alterner seront extrêmement compliqués.
Je pense que l'élection doit être faite dans une seule assemblée.
L'intention de l'Assemblée est de faire un décret dont l'exécution soit possible : cependant si un département doit nommer ou cinq, ou sept, ou onze députés d'après Ja combinaison des trois bases, la division de ces nombres ne pouvant se faire par trois, quel district voudra en nommer moins qu'un autre district ? Chacune de ces assemblées voudra en élire le plus grand nombre possible afin d'augmenter son influence sur l'Assemblée nationale, et de là des débats et des désordres fâcheux.
On craint avec raison l'influence qui résulterait de la" tenue des assemblées d'élection dans le chef-lieu du département ; mais ne doit-on pas craindre aussi dans les districts l'influence de deux ou trois seigneurs ?
, député de la Meuse, interrompt l'opinant, et lui observe qu'il n'y a plus de seigneurs.
Je me suis trompé; je ne devais pas jne servir d'un mot que la destruction du régime féodal a rejeté de notre langue. J'ai voulu dire l'influence des gens riches, et sans contredit l'influence de la richesse est de tous les temps et de tous les lieux.
La liberté d'une assemblée dépend souvent du nombre de ses membres. Quand ils sont peu nombreux, l'intrigue a plus de prise; chacun veut être élu, et cette prétention donne lieu au petit commerce dangereux qui se fait en disant : Donnez-moi votre voix et je vous donnerai la mienne.
Quand bien même ces raisons n'existeraient pas, il faudrait rejeter une motion qui rendrait le plan que vous avez adopté si difficile à exécuter, Prenez-y garde, ceux qui voteraient pour une semblable mesure ne désireraient pas l'exécution de ce plan.
retire sa motion et se réfère à l'article proposé par le comité.
S'il dépend d'un membre de l'Assemblée de retirer sa motion, il dépend aussi d'un autre membre de la réclamer, et plus de'cent réclament celle de M. Defermon.
On met aux voix le sous-amendement ainsi exprimé :
Dans le cas où un département sera divisé en six districts,il n'y aura que deux assemblées.»
Puis les deux amendements suivants, qui forment une partie de la motion de M. Defermon :
« Dans le cas où il y aura trois assemblées composées de deux ou trois districts réunis,elles se rassembleront dans le chef-lieu de l'un de ces districts. »
Cet amendement est adopté.
« Les assemblées de district se réuniront alternativement pour l'élection dans l'un de ces districts. »
Cet autre amendement est également adopté.
, du consentement de l'Assemblée; pose ainsi la question principale de la motion de M. Defermon :
« Les députés à l'Assemblée nationale seront-ils nommés par tous-les électeurs de l'entier département, ou seront-ils nommés par les électeurs réunis de trois districts, si lés districts sont au nombre de neuf ; ou de deux districts, si les districts sont au nombre de six; ou enfin de chaque district, si les districts ne sont qu'au nombre de trois ; bien entendu que, s'il est décidé que les élections se feront par les électeurs réunis de l'entier département, l'Assemblée statuera ultérieurement si elles pourront être faites dans le chef-lieu du département, et si pour ces élections les cbefte-lieux de district n'alterneront pas. »
La question posée de la sorte, les voix ont été prises à, la manière accoutumée ; mais ayant paru douteux de quel côté était la majorité, on a réclamé l'appel nominal, après lequel les voix oqt été comptées.
a prononcé le décret, portant :
« Que les députés à l'Assemblée nationale seraient nommés par les électeurs réunis de tous les districts de chaque département, se réservant l'Assemblée de statuer si les élections pourront se faire dans le chef-lieu du département, ou si elles ne se feront pas dans les chefs-lieux des divers districts qui alterneront; ce qui a été ajourné à demain. »
L'ordre du jour a été donné pour la séance du soir.
a levé la séance, et l'a renvoyée à ce soir six heures.
Séance du
La séance est ouverte par l'annonce d'un1 don patriotique de la part des sœurs de l'Union chrétienne de la ville de Gaen.
, député de Lyon, demande qu'il lui soit permis dé, s'absenter jusqu'au 20 du mois prochain. L'Assemblée consent à cette demande.
, député de Sedan, demande que sa démission, donnée pour cause de maladie et qu'on avait omis de mentionner dans les précédents procès-verbaux, soit insérée dans celui de la séance d'aujourd'hui, L'Assemblée y consent.
Une dêputation de la commune de Paris est annoncée ; elle est introduite ^ glle dépose sur
le bureau un arrêté du district des Cordeliers et une
« L'assemblée générale a unanimement arrêté que les députés à la commune prêteraient le serment dont voici la formule : Attendu que nous n'avons d'autres pouvoirs que ceux de nos commettants, nous jurons et promettons de nous opposer autant qu'il sera en nous, à tout ce qui pourrait porter atteinte au pouvoir constituant, et de protester contre tout ce qui ne serait pas adopté par la majorité des districts ; que nous sommes révocables à volonté, etc. Arrête en outre que ladite formule sera imprimée et envoyée à tous les districts. »
La commune de Paris a blâmé cette conduite ; elle n'a pas voulu recevoir les nouveaux députés, et a rappelé les anciens.
répond à la députation que l'Assemblé;! nationale prendra cette affaire en considération.
L'ordre du jour appelle la discussion sur Tarrêt du parlement de Mets, adressé à l'Assemblée nationale pendant la séance d'hier,
(1). Je sens, Messieurs, toute la défaveur qui doit suivre celui qui monte à la tribune, et est supposé y monter avec l'intention de combattre une idée presque généralement adoptée par l'Assemblée ; mais je crois que c'est dans cette circonstance qu'un opinant a le plus de droits à l'attention et à l'indulgence de l'Assemblée.
Je connais peu les formes judiciaires; je ne sais par conséquent pas quelle est la différence qui existe entre un enregistrement pur et simple, et un enregistrement provisoire, accompagné de protestation, .le n'entreprendrai donc pas de déterminer quelle peine a encouru le parlement de Metz par la conduite qu'il a tenue; je me contenterai d'examiner la base sur laquelle elle est fondée et je ne crains pas de dire que je ne la trouve pas dénuée de fondement.
Le parlement de Metz dit; que ne croyant pas reconnaître dans le décret de l'Assemblée nationale, du 3 du courant, et dans la sanction qui y est jointe, le caractère de liberté nécessaire pour rendre les lois obligatoires, il est incertain sur la manière de remplir, dans les circonstances actuelles, les engagements qu'il a contractés par son serment. Personne n'est plus convaincu que moi que le monarque est libre ; il le dit dans sa proclamation et je suis accoutumé à ne voir que la vérité et mon devoir, dans ce qui émane de la bouche du monarque ; mais personne ne disconviendra avec moi que, quand bien même il ne le serait pas, il tiendrait encore le même langage.
(Un grand tumulte éclate dans la salle. — On demande que l'orateur soit rappelé à l'ordre. — Plusieurs membres proposent de lui retirer lapa-rote. — M. le président parvient à ramener le silence.)
Je dois imaginer aussi que l'Assemblée est libre dans ses délibérations et opinions ; et
l'attention qu'on me prête en ce moment, où je ne suis pas d'accord
(De nouvelles interruptions couvrent la voix de l'orateur. 11 attend que le silence se rétablisse.)
Quant à ce qui regarde l'Assemblée nationale, ne pardonnerez-vous pas, Messieurs, qu'on ait pensé, à 120 lieues de nous, ce que beaucoup de membres ont cru et soutenu dans le sein de l'Assemblée lorsque la question de son départ pour Paris y a été discutée?
Je pense donc, Messieurs, que le parlement de Metz a pu croire, sans crime, mais seulement par erreur, que le Roi et l'Assemblée nationale n'étaient pas libres et j'interrogerai à cet égard la conscience d'un grand nombre de membres de cette Assemblée. Il en est (et en grand nombre) qui ont craint, mal à propos sans doute, l'influence de la capitale sur les décrets de l'Assemblée; il en est beaucoup même à qui leurs commettants ont manifesté la même crainte; je le tiens d'eux-mêmes.
D'après ces considérations, je conclus, Messieurs, par demander :
1° Que le Roi soit remercié de la promptitude qu'il a mise à rassurer les peuples sur l'identité de ses principes avec ceux de l'Assemblée nationale et à les manifester en cassant l'arrêt du parlement de Metz ;
2° Que l'Assemblée nationale, considérant que son autorité dépend de sa liberté, déclare à toutes les provinces qu'elle est parfaitement libre et que les peuples doivent à ses décrets le respect qui est dû à tous les actes du pouvoir législatif;
3° Que l'Assemblée ordonne à son président de se retirer immédiatement par devers le Roi, à l'effet de proposer le présent décret à l'acceptation de Sa Majesté, pour être ensuite envoyé au parlement de Metz, qui sera tenu de l'enregistrer sans réserve et sans délai, ainsi qu'à tous les autres tribunaux et corps administratifs du royaume.
Le discours de M. le vicomte de Mirabeau est irrespectueux pour l'Assemblée et tend à ia déconsidérer dans l'opinion publique. Je propose de lui interdire la parole pour trois mois.
Une Assemblée délibérante n'est pas libre quand chacun de ses membres n'a pas le droit de dire crûment son sentiment ; il ne doit même pas être interrompu, à moins qu'il n'attaque les individus, et M. le vicomte de Mirabeau n'a manqué à personne.
Je demande que le discours que vous
venez d'entendre soit remis sur le bureau, afin que vous puissiez le juger en pleine connaissance de cause.
Pour excuser l'orateur, l'on vient d'invoquer les principes de liberté. Je dis que la liberté ne saurait être confondue avec une licence répréhensible et criminelle; vous avec entendu des propôs injurieux au Roi et à l'Assémblée nationale. Cette déclaration ne peut tendre qu'à ébranler la confiance que l'on doit à la proclamation d'un Roi que nous chérissons, j'ai presque dit que nous adorons.
On demande la question préalable sur la motion de M. Lavie.
Je n'adopte ni la.question préalable ni la motion qui vous est proposée. Je demande que le discours de M. le vicomte de Mirabeau soit imprimé, afin de prouver à tous la liberté de l'Assemblée.
Je regarde l'impression, si elle est ordonnée, comme une peine suffisante et je retire ma motion.
L'incident n'a pas d'autre suite et la discussion continue.
Messieurs, l'arrêt de la cour de Metz est une circonstance particulière d'un plan général entrepris pour faire échouer la révolution. Je ne vous tracerai pas le tableau de diverses manœuvres employées pour répandre le trouble dans le royaume. Déjà des bruits (rare- , ment trompeurs) nous annoncent des mouvements. prêts à se faire.sentir dans la capitale; on va jpsqu'à vous en désigner le jour, et lorsqu'on apra excité ces mouvements par lesquels on sè flatte d'étouffer notre liberté, on ne manquera pas d'en accuser ceux qui la défendent avec plus d'ardeur ; il faut qu'une juste;sévérité mette enfin à découvert ces entreprises, qu'elle prévienne leurs desseins et qu'elle rende le calme aux citoyens alarmés.
L'arrêt du parlement de Metz est attentatoire aux droits de la nation, par les protestations -qu'il renferme; séditieux par l'appel àù peuple qui y est énoncé; injurieux au Roi et à l'Assemblée nationale par lès doutes qu'if élève, sur leur liberté.
Tous les décrets de l'Assemblée nationale, celui; surtout de la loi martiale, délibéré au moment saême où le peuple était attroupé, ne laissent aucune excuse aux doutes qu'on atfecte de répandre sûr notre liberté.
Douter de notre, liberté, c'est supposèr que nous sommes des traîtres, car celui d'entre nous qui ne sent pas son opinion libre et qui délibère, trahit sa consciènce et ses commettants.
Je propose de mander a la barre les magistrats auteurs de l'arrêt d'enregistrement, pour concilier les moyens de punir avec ceux de recueillir des lumières, l'intérêt des justiciables avec l'honneur des membres de ce parlement qui n'ont pas concouru à l'arrêt.
On a accusé vos décrets d'inhumanité. La véritable humanité est celle qui défend 24 millions d'hommes contre l'oppression de leurs tyrans. La faiblesse qui encourage l'indulgence est une vraie complicité; .c'est un crime dés représentants contre les représentés.
Il est beau d'unir la modération à la force, la générosité à la puis-
sance et la clémence à là souveraineté; mais quand l'Etat est en péril, quand les dissensions civiles peuvent renaître Qt nuire à vos importants travaux; quand la liberté de vos délibérations est méconnue, le pouvoir national outragé ; quand on élève enlin des doutes sur la sanction royale et qu'on attaque même le caractère sacré des lois, vous devez déployer toute la force et l'étendue de l'autorité législative et faire ce que la nation ferait elle-même si elle pouvait être rassemblée.
Si je parlais'à- des administrateurs ou à des ministres , je leur dirais que l'art de gouverner dans ce moment consiste à, épier les circonstances, à composer avec les passions, à ménager les intérêts' particuliers et les préjugés des corps. Mais vous, régénérateurs d'une grande nation, vous ne devez voir que la France, qui demande un aptre ordre judiciaire et Une constitution avec laquelle les anciens tribunaux ne peuvent plus s'accorder. Les parlements furent utiles et courageux dans les temps du despotisme et leur résistance alors mérita nos éloges. Aujourd'hui ils pourraient effrayer la liberté, si l'exemple donné par le parlement de Metz pouvait trouver des imitateurs. Dira-t-on que cette cour ne s'est pas rendue plus Indigne de la cfémence de l'Assemblée que la chambre des vacations de Rouen? Quelle différence entre les deux forfaitures ! A Rouen, l'enregistrement a été pur et simple ; à Metz, il est accompagné,4é protestations contre le décret de l'Assemblée et la sanction du Roi; à Rouèn un arrêté séparé a été secrètement fait et secrètement adressé au monarque; à Metz l'appel au peuplé et les protestations ont été consignés dans l'arrêt même de registre; à Rouen, huit individus seulement étaient coupables; à Metz, c'est le délit de toutes les chambres assemblées.
D'après ces considérations, je propose l'érection d'un nouveau tribunal provisoire à la place du parlement, jusqu'à ce que le pouvoir judiciaire soit organisé ; je propose en outre que les auteurs de l'arrêt d'enregistrement soient poursuivis pour cause de forfaiture et le Roi remercié d'avoir cassé l'arrêt.
(1). Messieurs, en prenant la parole dans l'affaire du parlement de Metz, dont je suis membre, je ne dois pas craindre qu'on me soupçonne d'avoir eu pour but de l'attaquer, ou de le défendre. Mon devoir, Messieurs, est d'abord de juger cette cour avec vous. Gomme vous, je ne suis ici d'aucun corps, d'aucune famille; comme vous, dépositaire des droits de la nation, je dois défendre ce dépôt sacré, de quelque part et par quelque personne qu'il soit attaqué. Mon devoir particulier est encore,. Messieurs, de motiver mon opinion dans l'affaire du parlement de Metz, parce que cettp opinion porte essentiellement sur des faits et sur des circonstances dont l'Assemblée ne saurait être instruite, et dont je lui dois compte.
L'arrêt du parlement de Metz est, Messieurs, un acte répréhensible.
Il contient un appel au peuple des lois que vous avez faites; il méconnaît dans vos lois
les caractères qui peuvent les rendre obligatoires ; il autorise le peuple à les méconnaître
de même. Il suppose que l'Assemblée national^ et le Roi sont capables de sacrifier à, la
crainte ou à la force,
Voilà, Messieurs, ce qui m'a frappé dans l'arrêt \ du parlement de Metz; et je ne tairai pas qu'il m'a paru entraîner avec lui des dangers particuliers dans une province frontière, où le respect du peuple pour les lois, et sa confiance dans les j autorités légitimes sont plus nécessaires qu'ailleurs; dans une province où la sûreté de l'Etat rassemble une armée nombreuse, dont les chefs, sont placés par vos décrets sous la direction des tribunaux comme des municipalités; dans une ville où les citoyens, à peine délivrés d'une: magistrature municipale et de police nommée par une autorité toute militaire, sont environnés de mécontents, qui regrettent leur ancienne domination et leur ancienne servitude ; dans une ville; enfin, où le clergé, qui comprend deux Chapitres' nobles longtemps agités parun mandement inconsidéré, vient de faire des assemblées" contre lesquelles le comité municipal a cru devoir protester pour la sûreté de vos décrets.
Cependant, Messieurs, il ne doit pas, ce me sçmblê; échapper' à; votre justice que les expressions de l'arrêt/ dont il s'agit, renferment Un; sens séditieux, plutôt qu'elles ne sont séditieuses èlles-mémes. Elles pourraient autoriser la révolte; : mais elles né sont pas de nature à l'exciter; et il me paraît qu'une froide déclaration d'inobéis-sance ne doit pas être vue du même œil, ni jugée avec la même rigueur qu'un arrêt véhément, incendiaire qui appelle tous les sentiments et tous les intérêts à l'insurrection. Plusieurs personnes auront sans doute remarqué que l'arrêt du parlement de Metz a été rendu en chambres assemblées.
Mais, Messieurs, cette circonstance, qui le rend plus dangereux, n'en rend cependant pas les auteurs plus coupables. Ici, Messieurs, je vous prie de me permettre une explication qui peut influer sur votre opinion.
Si les chambres s'étaient'assemblées après l'en-! registrement et la publication de votre décret, leur réunion serait elle-même une véritable rébellion. Mais, Messieurs, quand les chambres se sont assemblées, rien encore ne s'opposait à cet qu'elles le fussent ; et elles avaient caractère pour enregistrer la loi qui les mettait en état de vacances. Voici les faits :
C'est le 3 du présent mois qyè vous avez prorogé les vacances du parlement,
Le même jour, Votre décret a été sanctionné par le Roi; et sa Majesté a dit à M. le président « que ce décret allait être envoyé sur-le-çhamp, par des courriers extraordinaires, à tous les tribunaux qui exigent par leur distance qu'on prenne ce moyen,. »
Il faut, Messieurs, que l'expédition et les secondes lettres patentes aient tardé de quelques jours, car c'est seulement le 9 au soir qu'elles sont; arrivées à Metz.
A cette époque, non-seulement le parlement était en vacances, mais même la chambre des vacations avait fini son service depuis environ trois semaines. Les magistrats qui la composaient étaient absents. Cependant, dès le soir même de l'arrivée du paquet, le doyen des substituts du procureur général leur fit passer les ordres du Roi pour se rassembler. Lé président de la Cham-
bre des vacations, qui était à sa campagne, revint le lendemain, 10.'Il convoqua pour le soir même une assemblée de la chambre; mais une grande partie de ses membres sans doute trop éloignés de Metz ne pureut se trouver à cette assemblée, et il fut résolu d'attendre au lendemain-pour faire l'enregistrement. Le lendemain, 11, il se tint, dans 1 après-dîner, une nouvelle assemblée de la chambre des vacations ; alors, sans doute, il était, possible d'enregistrer; mais on fut arrêté par une circonstance.
Le lendemain, 12, le parlement entier devait rentrer, conformément à son édit d'établissement; son usage est de rentrer à 7 heures du matin. Il était donc à peu près impossible que l'arrêt d'enregistrement, qui serait rendu dans la soirée du 11, fut publié, affiché, et connu avant 7 heures du matin, temps où il fait à peine jour dans cette saison. La chambre des vacations pensa donc que, sans blesser le respect qu'elle devait à la loi, elle pouvait témoigner au reste de la compagnie les égards de la confraternité, en différant jusqu'au lendemain de statuer sur l'enregistrement.
Ainsi, le lendemain les chambres se sont régulièrement rassemblées; ainsi elles ont été compétentes pour ordonner l'enregistrement du décret; et sans idôute, si elles l'avaient ordonné dans des termes convenables, leurs concours, dans cette circonstance, ne serait regardé que comme une preuve de zèle et d'attachement à l'ordre.
Je pense donc, Messieurs, que la circonstance de l'assemblée des chambres n'aggrave en rien la faute du parlement, et ne doit entrer pour rien dans les motifs de votre détermination.
Je dois aussi vous observer, Messieurs, que tous les membres du parlement n'ont pas eu part à l'arrêt qui est sous vos yeux ; plusieurs ont protesté contre cet arrêt; plusieurs aussi ne se sont pas trouvés à. la séance ; ainsi, encore bien que l'arrêt entier soit coupable, tout le parlement ne l'est pas.
Maintenant, quel tribunal doit prononcer dans cette affaire? Comment assurera-t-on le cours de là justice dans le ressort du parlement de Metz? Voilà, Messieurs, deux questions à résoudre.
Je pense d'abord, Messieurs, que vous avez le droit de juger vous-mêmes le parlement de Metz; qu'il n'appartient même qu'à vous de statuer sur les offenses commises envers votre autorité.
Sans doute, Messieurs, le pouvoir judiciaire ne doit jamais être uni au pouvoir législatif.
Mais que faut-il entendre par le pouvoir judiciaire, sinon la faculté de juger les citoyens, d'après les lois que le pouvoir législatif a établies ; sinon de faire l'application de:ces lois aux différentes affaires qui peuvent s'élever entre ,les citoyens?
Ces idées conviennentrelles, Messieurs, au droit de,juger et de punir les insurrections qui s'élèvent contre le Corps législatif lui-même? Je ne vois rien qui mène à le croire.
Il me semble, Messieurs, que le droit de faire respecter l'autorité législative, ne peut appartenir qu'au dépositaire de cette autorité ; que si le corps législatif était obligé d'avoir, hors de lui-même, un corps conservateur de ses droits, ce corps étranger serait supérieur au pouvoir législatif, puisqu'il suffirait à ce premier corps de désirer, la justice au second, ou d'en rendre une imparfaite, pour que celui-ci devînt incertain de son existence.
Votre autorité, Messieurs, n'étant qu'un dépôt entre vos mains, vous ne pouvez, je crois, remettre ce dépôt en, des mains étrangères ; vous
ne pouvez le commettre au hasard d'un jugement auquel vous n'auriez point dë part.
D'après ces réflexions, Messieurs, la faute du parlement de Met^ qui est une véritable atteinte donnée à l'autorité d'un de vos décrets, doit être jugée et punie par vous-mêmes.
Mais quel est le jugement à porter: sur cette affaire?
Il me semble, Messieurs, qu'il convient de prévoir ici quèlle sera très-vraisemblablement la conduite des autres parlements du royaume, et de vous rappeler le dernier décret que vous avez rendu au sujet du parlement de Rouen.
Ce souvenir et dette prévoyance vous amèneront peut-être à l'indulgence.
D'un côté, vous répugnerez peut-être à faire venir dè toutes les provinces du royaume et à rassembler dans la capitale une foulé de magistrats dont l'infortune intéresserait peut-etre assez pour affaiblir l'impression de leur faute.
D'un autre côté, vous aurez, je crois^ quelque peiné à sévir contre une cour qui n'est coupable au fond que de la même erreur que lé parlement de Rouen.
Enfin, Messieurs^ il me semble que l'erreur du parlement , peut être excusée par celle qui est répandue au sein de la capitale^ et peut-être trop près de vous-mêmès, Messieurs, par des esprits qui voudraient s'en autoriser pour entretenir le désordre dans le royaume.
Enfin, Messieurs, la manière de pourvoir à l'administration de la justice dans le ressort du parlement de Metz me paraît difficile; car, Messieurs, il est peut-être douteux que les bailliages ne se croient pas engagés à suivre la destinée des cours auxquelles ils ont toujours été subordonnés. Et puisque tous les membres du parlement de Metz ne sont pas coupables, ce serait, ce semble, remplir à la fois une Vue de prudence et une règle dé justice, que de faire à Metz, comme à Rouen, une nouvelle chambre, composée des membres de ce parlement qui sont restés fidèles à leur devoir.
Je vous propose, Messieurs, d'ordonner à six des officiers du parlement de Metz qui ont assisté à la séance du 12 du présent mois, de se rendre à la suite de J'Assemblée nationale* et dé les faire comparaître à la barre dans l'une dè ses séances ; d'ordonner au président de déclarer quels sont les membres qui se sont opposés à l'arrêt du 12 novembre? d'exprimer, à ceux qui y ont concouru, le mécontemënt dé l'Assemblée, et de leur enjoindre de respecter ses décrets.
Peut-être ne savez-vous pas, Messieurs, peut-être n'âppartienMl iei qu'à moi, qui suis nouvellement arrivé au milieu de vous, dé savoir à quel point est imposante la majesté de vos séances ; dé concevoir à quei point tonnerait, dans le coeur de magistrats égarés, la voix de votre président, qui ferait entendre votre censure entre les murmures de leur conscience ; et peut-être enfin qu'en vous proposant de les citer devant vous, ai*jè à me reprocher Un décret trop rigoureux ; Car, je lé sens, Messieurs, si j'avais à le subir, il serait pour moi là mort.
L'Assemblée ne peut se laisser toucher par la défense éloquente qu'ellô vient d'entendre.
Le parlement de Metz mééonnaît le Souverain qui fait la loi et le monarque qui la fait exécuter ; il appelle au peuple de ses décrets» tandis que. c'eBt le peuple qui les fait par ses représentants.
C'est donc le signal de la guerre civile, c'est
donc l'étendard de la révolté qu'il a voulu déployer. L'impunité enhardît le crime et dit aux ennemis du bien public qu'ils sont assez nombreux, qu'ils peuvent, tout ogôh; mais vous ne .Souffrirez pas qu'au moment cù vous avez détruit les privilèges et les ordres, les parlements s'élè-:vept contre , vos décrets, pour établir sur les ruines du despotisme ministériel un autre despotisme d'autant plus dangereux qu'il aurait l'apparence de la justice et des lois; voilà l'opinion que je voulais déclarer lors de l'affaire de Bouen. Il faut faire.utt grand exemple sur le. parlement de Metz ; il n'attend qu'un moment favorable pour nous ensevelir sous les ruines de la constitution. J'appuie la motion de M. Barrère de Vieuzaec
, député de Metz. Il y a des magistrats à Metz qui ont protesté au péril de tout ce que l'esprit de corps peut avoir de terrible ; vqus pouvez renvoyer les auteurs du délit devant le tribunal établi; pour le 4ugument de ces sortes de. causes ; mais on peut mander l'es, officiers qui ont rendu l'arrêt* pour savoir d'eux les motifs qui les ont portés â croire que l'Assemblée et le Roi n'étaient pas libres; mandez-lés pour savoir qui leur a donné ce conseil et cette inspiration funeste ; Cela marque des relations étrangères sur lesquelles il est intéressant d'entendre les officiers du parlement ; des lettres particulières nous disent qu'il y aura Une nouvelle explosion. Il: s'y est tenu une assemblée ecclésiastique qui n'a été arrêtée que par les curés qui ont montré de l'énergie. Nous connaîtrons le fil de cette trame odieuse qui nous enveloppe et de cette nouvelle conspiration dont on nous menace.
Quant au remplacement des magistrats, il est dangereux et contraire au bien des justiciables ue confier le pouvoir souverain à des tribunaux inférieurs qui manquent d'oniciers. ïl faut déléguer les fonctions de la chambre des vacations aux membres qui ont protesté. J'appuie la motion de M. Batnave, eti ordonnant au greffier de cette c&ur de porter les registres et eh exceptant les ôraclêr's qui étaient absents.
On demande à aller aux Vôix et le décret êui-vàht est rendu.
i L'Assêmblêe flâtionàlè a 'décfétô et décrété :
« ib Que ceux des membres du parlement de Mett qui ont assisté à la délibération du 12 de ce moM paraîtront à la barre de l'Assemblée nationale, dans le délai de huitaine, à compter dujour de la notification qui leur sera faite du présent décret, pour y rendre compte de leqr conduite, et que lé syndic, ou le greffier de ladite cour, apportera à leur suite léâ registres de la com-papie;
« 2" Que lé Roi sera supplié de former une Chambre dés vacations prise parmi les membres dë de parlement qtii n'ont point concouru à l'arrêt du 12 de cê mois, laquelle chambre enregistrera purement et simplement le décret de l'Assemblée nationale, du 3 du présent mois, et exécutera ses dispositions;
« 3® Que Bon président se retirera devers le Roi pour le
remercier de la promptitude avec laquelle il a réprimé les écarts du parlement de Metz et lui
annoncer que l'Assemblée nationale est déterminée à prévenir par une juste sévérité les
attentats d'un si dangereux exemple, le prier de donner sa sanction au présent décret, et les
ordres nécessaires pour son exécution. »
L'Assemblée se réunira
demain à 9 heures du matin» La séance est levée.
Séance du
La séance à commencé par laiéctUfe des procès-verbaux dës deux séances de la veille, et ce,lié des adresses suivantes :
Adresse des citoyens dé là vittê et juridiction de RionS et Câpian, sènèchaUSSée de Casteltnoron d'Albret, contenant félicitations, reniôrcîttlêfits, et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à ceux relatifs au payement des impositions et au maintien de l'ordre et de la tranquillité publique.
Adressé du môme genre de la ville de Sàint-Haon-îe-Cbatel en Forez; elle fait offre à la nation de l'argenterie de son église, dû prix qui proviendra de la vente de ses communaux et de là contribution qui sera supportée cette année par lés ci-devant privilégiés ; elle demande que la chatellenie royale s'exerce désormais dans son sein, et non pas à Roanne.
Arrêté, de plusieurs citoyens dé la ville de Montpellier, portant qu'ils défendront jusqu'à la dernière goutte de leur sang les articles décrétés à l'Assemblée nationale les 4, 6, 7, 8, et 11 août dernier, comme formant une portion essentielle de la constitution française et de la liberté.
Proclamation de la commune dp Pau, délibérée en assemblée générale des commissaires des six districts, poùr inviter tous les citoyens à faire des dons patriotiques.
Arrêté pris par lés officiers du bailliage de Montpensler à Aiguepersë, sur l'enregistrement de la déclaration du Roi, registrée en parlement, contenant sanction du décret de l'Assemblée nationale, qiii porte qué tous les parlements du royaume continueront de rester en vacances. Par Cet arrêté, les officiers du bailliage» à l'incitation dë ceux du parlement, se sont engagés de rendre la justice gratuitement.
Adresse de félicitations, remercïihents et adhésion de la ville de Gournày-eh-Bray.
Adresse du même genre de la ville de Valence éti AgénoiS; elle demandé Une justice royale.
Adresse de la Commune dé la ville do Pau, capitale du Béifrn, dâûS laquellè elle adhère purement et simplement, avec une respectueuse reconnaissance, à tous les décrets de l'Assemblée nationale; elle annonce qu èn suite de l'invitation qu'elle a faite aux citoyens, hommes, femmes et enfants, tous se dépouillent a l'envi de ces bijoux qui n'ont d'autre prix qué celui-du Caprice et delà mode, pour les offrir à la patrie : elle demande de continuer à être lé siège a'Utte assemblée provinciale et d'une cour souveraine.
Adresse du comité permanent de là villé de Ballon, Contenant félicitations, retnercîtnents et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, pour maintenir la tranquillité et l'obéissance due aux lois; ii demande d'être autorisé à établir une milice citoyenne composée de 400 hommes; il" demande encore Une justice royale.
Adresse de félicitations, réiilérrtinents et adhésion de la ville dé Nàngis eh Brlè ; elle présente plusieurs observations sur lç décret concernant là libre circulation des grâins.
Délibération de la Ville dé GrêSt en Dauphlhé, contenant une adhésion absolue aux décrets de l'Assemblée nâtiotiale, ëtune protestation formelle contre la convocation des états delà province et du doublement, faite par la commission intermédiaire.
Acte d'abandon fait en faveur de la nation, par M. Jamon, de la finance de son office de conseiller et procureur du Roi en la viguerie delà ville de Montfaucon en Velay, province -du Langue doc.
Contribution patriotique offerte - à l'Assemblée nationale, par M. Boudet, commis des finances, au nom de M. Boudet Labombardière son oncle, citoyen de la ville de Caussade en Quercy, avec déclaration de la part du contribuable, que la somme qu'il offre exôêde de beaucoup le total de son revenu d'une année.
Après cette lecture, bu à fait la proclamation du comité des rapports, ainsi qu*il suit :
MM. tindèl (Rëbèït-thôftiàs)
Bàilleui.
Renaud d'Agen.
Péllorin.
de Cairon.
Tellier.
Goupileau.
Jaillant.
Hébïâfd (de Saint-Flour), secrétaire.
fie Cohfcié, arbhôvècpiô de Tours.
Larreyré.
Martin, curé.
Lemeféier, secrétaire.
Deschamps (de Lyon)
Calellanet.
Moutier.
Livré.
De Ruallem.
Gossin, vice-présiderit.
Règnault (de Nancy).
La Poule.
De Macaye.
Bion.
Faydel, secrétaire.
Ruffo de Léric, évêque de Saint-Floùr, président.
L'àbbé de Grieux.
Gilidt ae Saint-Florent.
L'àbbé JoUbert.
L'abbé de Rastignac.
Lombard de Taradeau.
, curé, député de Bar-lë-Duc, donne sâ démission ét demande qu'elle soit acceptée parce que son suppléant doit arriver au premier jour.
L'Assemblée sursoit à recevoir la démission jusqu'après l'arrivée et la vérification des pouvoirs du suppléant de M. Colinet.
, député de la Guadeloupe, demande la parole au nom de toutes les colonies réunies pour un objet qu'il dit être de la plus haute importance. L'Assemblée arrête qu'il sera entendu dans la Séance du jeudi soir, immédiat'ertiettt après la discussion de l'affaire du Cambrésis.
Voraté du jour ést ïtt côfttinuatibii de la discussion du plan d,e comité de constitution concernant lei électeurs et lès éligibtës.
On fait lecture de l'article suivant :
Les assemblées d'élection, pour la nomination deâ députés à l'Assemblée nationale, Sé tiendront
alternativement dans les chefs-lieux des différents districts de chaque département. »
Je propose par amendement d'ajouter : autant que les localités le permettront.
L'amendement est rejeté et l'article adoptéè.
Les deux articles suivants sont décrétés sans discussion :
« Art... Les assemblées primaires choisiront les électeurs dans tous les citoyens actifs de leur canton. »
« Art... Les électeurs choisis par les assemblées primaires de chaque district, choisiront lete membres de l'administration de district parmi les éli-gibles de tous les cantons de ce district. »
donne lecture de l'article suivant :
« Art... Les électeurs choisiront les membres de l'administration de département parmi les éligibles de tous les districts de chaque département. »
Il a été proposé par amendement que pour l'administration de département, il y eût au moins un membre de chaque district et par sous amendement qu'il y en eût au moins deux.
Cet amendement gênerait la liberté des votants, qui doivent pouvoir, dans toute. l'étendue du département, accorder leur confiance à celui qui la mérite le plus à leurs yeux: J'irai plus loin, et je présenterai une opinion contraire à l'article du comité. Chaque province sera divisée en plusieurs départements ; mais toutes ces parties, quoique divisées, auront toujours quelques intérêts communs. Je crois qu'il serait utile de permettre que tous les éligibles renfermés dans les anciennes limites pussent devenir indifféremment membres de» l'un des départements de cette province.
La représentation doit être égale; elle doit être utile aux représentés : elle serait inégale parce qu'il pourrait arriver que l'un des deux départements d'une province fournît ainsi un plus grand nombre de membres à l'administration. Le but d'utilité pourrait de même n'être pas complètement rempli. Des administrateurs choisis dans le sein même du département, connaissant davantage ses localités, connaîtront mieux ses besoins.
Cette considération ne sera sûrement pas oubliée par les électeurs ; ils verront s'il est dé leur intérêt de nommer un éligi-ble hors de leur district, ou de choisir des administrateurs dans son sein : laissons leur cette liberté.
Il est nécessaire que le district tiénne par un ligament au département. L'amendement proposé par M. l'abbé... remplit cet objet.
Cet amendement est adopté, et l'article avec ce changement est unanimement décrété, ainsi qu'il suit :
« Art...Les électeurs choisiront les membres de l'administration de département parmi les éligibles de tous les districts de chaque département, de manière néanmoins que dans cette adminis-
tration il y ait au moins deux membres de chacun des districts. »
Un cinquième article a été présenté en ces termes :
« Art... Les électeurs des assemblées primaires de Chaque département, réunis par département, pourront choisir les députés à l'Assemblée nationale parmi les éligibles de tous les départements du royaume. »
En adoptant cet article, les députés seraient toujours pris dans les villes principales du royaume. Pour éviter cet inconvénient, je demande que lès députés qui seront nommés par chaque assemblée de département soient exclusivement choisis parmi les éligibles du département électeur.
Vaîné. Je ne puis adopter cet avis, parce qu'il me semble que, d'après tous les principes, chaque assemblée de département doit avoir la liberté de fixer ses regards sur les vertus et sur lés lumières partout ou elles se trouveront.
En divisant les provinces, vous vous êtes proposé de détruire l'esprit de province ; si vous adoptez la motion de M. d'Ambly, vous Consacrez cet esprit, et vous aurez quatre-vingts provinces ; au lieu de trente-deux généralités. Nous ne nous considérons pag dans cette assemblée comme députés de tel ou tel bailliage ;.le parti qu'on vous propose pour les assemblées qui nous suivront les remplira de députés des départements, et non de réprésentants de la nation.
Les préopinants poussent un peu trop loin le principe ; ils oublient que les besoins locaux doivent aussi être représentés ; ils oublient qu'en adoptant l'article du comité, au lieu d'eS-prit national, on n'aurait que l'esprit de la capitale et,de la côùr. Les .gens riches qui entourent le trône, et qui font l'ornement de Paris, se sont répandus dans les provinces au moment des élections ; ils y ont fait valoir l'influence trop puissante des dignités et delà fortune.Il est vrai que si l'on devait par la suite être soumis aux orages que nous avons éprouvés, ils ralentiraient leurs poursuites.
Il n'est pas dit qu'on doive oublier ses intérêts naturels et ceux de sa province pour je ne sais quel esprit général. On réclame la liberté des électèurs ; c'est un abus, c'est une illusion ; la liberté réelle doit avoir pour objult d'être bien et de faire le bien de tous.
On demande à aller aux voix.
On délibère, et là,discussion est fermée.
proposé cet amendement à l'article du comité : « Et néanmoins qu'il y ait au moins les deux tiers des députés choisis parmi les éligibles du département. »
Il est très-vràisem.-blable que, quelle que soit votre décision, les éligibles du département seront le plus souvent choisis. Connus sous dès rapports utiles, et par leurs vertus et leurs talents, ils auront un avan-. tage incalculable sur les intrigants qui voudraient lutter avec eux. Je pourrais appuyer mon opinion d'un exemple qui est sous vos yeux, en vous faisant observer combien peu dans cette élection, où l'on avait la liberté d'élire dans tous 1 les ordres, il s'est introduit de nobles ou d'ecclé-
siastiques parmi les représentants des communes, et certes jamais le désir d'être élu ne sera aussi ardent....
Les murmures qui s'élèvent ne me féront pas douter de la solidité de ces réflexions. .
On craint les personnes puissantes- mais si elles résident dans le département, elles auront le même droit que les autres citoyens ; si elles n'y résident pas, elle ne pourront arriver à l'éleclion que par de grandes qualités ou de grands bienfaits. L'intérêt du royaume est que la belle et noble fonction de représentant de la nation soit; le prix des talents et des vertus.
Le grand intérêt de la France est la population, qui fait la richesse des empires; vous ne l'encouragez pas dans les campagnes si vous donnez aux villes une trop grande influencé.
Si vous permettez que le tiers des représentants ' d'îin département soit pris hors de ce département, aussitôt que le Roi aura publié des lettres de convocation pour une assemblée nouvelle,'Vous verrez se répandre dans les provinces un essaim de prélats et de gens de cour, que nous avons appelés dans la dernière élection des Coureurs dé bailliages. N'espérez pas que vous aurez toujours dès rois Citoyens et des ministres honnêtes gens. Quand un 'gouvernement voudra ressaisir un pouvoir arbitraire; il fera ce que font nos voisins;,-il cabalera,1 il intriguera, il corrompra les' électeurs et l'Assemblée nationale sé trouvera composée d'un tiers de députée engagés, par Péspoir des faveurs ou des emplois, à détruire la constitution.
Je suis autant ennemi du despotisme et de l'anarchie que le préôpinant, ét; cependant je ne partage pas son effroi. Il a cité l'Angleterre ; mais il n'a pas exposé la cause du vice dont il a voulu vous faire le tablëau : sur 8 millions d'habitants, à peine cinq cent mlli/rconcoûrént aux élections ; dans les.comtés le peuple éiit en masse; dans les bourgs l'élection est faite par quinze ou vingt personnes presqiie toujours dévouéès au gouvernement . Vous avez établi des règles qui vous mettent à l'abri de cèâ; inconvénients ; la France aurà un avantage que l'Angleterre n'a pas, puisque les administrations intermédiaires feront connaître lès hommes dignes de la confiance. Vous avez, senti que! la; qualité d'éligibilité la plus importante était la confiance des; électeurs ; et, si vous avez ùrie fois dérogé à ce principe en .exigeant un marc d'argent, ce n'est pas un motif d'y. déroger encore.
J'entends ihur murer autour de moi contre cette opinion. Des murmures ne sont pas des réponses ; qu'on examine mes raisons, ët qu'on, juge avec ^connaissance 4e cause.
Je demande que l'article du comité soit admis sans amendement.
Quand on a eu l'honneur d'étrë pendant plusieurs mois le témoin et le compagnon de vos travaux, on doit s'attendre à trouver parmi vous une grande défaveur sur l'opinion qui a pour nbjet de limiter à l'enceinte de, chaque département l'élection à l'Assemblée nationale. Nous avons souvent.entendu réclamer le grand principe que chacun de nous représente la nation, qu'il est solidaire des intérêts, de la sûreté: et de la liberté de toute la France, et non d'un canton, et nous devions
espérer de voir, toujours accueillir cetle réclamation avec faveur.
Y a-t-il i une autre loi pour l'élection que la confiance ;de ceux qui élisent, et pouvez-vous sen ce sens imposer des lois à vos commettants? Le principe d'élection n'est pas le même pour les assemblées provinciales ; dans une administration locale et' de localités, il est profondément juste de choisir pour administrateurs ceux qui ont un intérêt local et la connaissance des localités.
On s'appuie de l'exemple de l'Angleterre ; pourquoi argumenter d'un ordre de choses absolument différent, et, de la partie même, de cet ordre que vous avez reconnue essentiellement mauvaise ? Chaque année, le parti des ministres provoque la réforme de la représentation nationale; le parti de l'opposition fait la même provocation, et jamais la réforme ne s'opère ; ce qui est une preuve certaine de la mauvaise foi des deux partis. D'où vient, dira-t-on, celte mauvaise foi? C'est que chacun se fait une propriété de la corruption politique, en faveur de laquelle la phalange des intéressés agit.....
Ce n'est pas qu'il n'y ait quelque chose de vrai dans les . inquiétudes qu'on cherche à nous inspirer; mais ce serait;une grande faute de la part du corps,législatif de, transporter, dans des lois faites pour tous les temps les craintes d'un moment que nous ne verrons plus, et de conserver la trace d'un ordre de choses où il n'y avait ni constitution ni esprit public, dans un ordre de Choses où l'un et l'autre se trouveront....
J'adopte l'article pur et simple du comité, parce qu'il renferme toutes les convenances et tous les principes, en statuant qu'une partie.de l'empire sera parfaitement libre de choisir dans toute autre partie l'homme qu'elle croira le plus, digne de sa confiance.
Un des préopinants a redouté les coureurs de bailliages ; il a donc oublié que les électeurs seront tenus de résider dans le département. où se fera l'élection; il n'a donc pas vu que vous êtes disposés à décider que les,élections se feront partout au même instant; la lettre dë vosdécretsetltespritconnu de l'Assemblée auraient dû dissiper ses craintes. Alors il n'aurait pas appuyé une opinion contraire à trois grandes considérations.
Premièrement, tout député représente la totalité de la nation.
Secondement, la confiance des électeurs est le premier titre pour être élu.
Troisièmement, restreindre la faculté d'élire, c'est peut-être dans quelques circonstances empêcher les électeurs de faire un bon choix.
Au reste, je ne vois pas d'inconvénient à déclarer, qu'un tiers des députés de chaque département pourra être pris hors de ce département.
Vous portez atteinte à la liberté du peuple en excluant une partie des citoyens du droit d'obtenir sa confiance. La confiance .est le prix de la vertu et des talents, il appartient à tout citoyen de décerner librement ce prix; tous ont droit de l'obtenir, il est du devoir de tous de le mériter.
Les premières observations de M. Démeunier doivent empêcher de craindre les intrigues errantes dont on s'efforce de vous effrayer.
C'est parce que l'Assemblée représente la nation qu'elle peut imposer à chaque
département telle au telle règle de représentation. En décidant que les députés ne pourront être pris que dans le département, vous attirerez dans les campagnes ceux des habitants des villes qui ambitionneront vivement les honneurs de la représentation publique; vous rendrez plus active cette utile censuré que tous les citoyens exerceront sur tous ceux qui pourront prétendre à les représenter...
J'adopte la motion de M. d'Ambly et je propose que dans ce moment, ou dans un autre instant plus opportun, on déclare que la nation, en commettant aux différents départements le choix des députés, est maîtresse de prescrire les règles de l'élection.
On demande à aller sur-le-champ aux voix.
monte à la tribune, ét ne peut se faire entendre.
La motion de M. d'Ambly obtient la priorité.
La question préalable est demandée sur l'amendement de M. Christin et l'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
La motion de M. d'Ambly est décrétée en Ces ces termes :
« Art... Tous les députés à l'Assemblée nationale qui seront élus par chaque assemblée de département ne pourront être nommés que parmi les éligibles du département électeur. »
met en discussion un sixième article préposé par le comité, en ces termes ;
Art... Le nombre des électeurs que les assemblées primaires de chaque canton auront à nommer svera déterminé à raison d'un sur cent citoyens actifs, présents ou non présents à l'assemblée, eh sorte que jusqu'à 150 citoyens actifs, il sera nommé un électeur, et qu'il en sera nommé deux depuis 151 citoyens actifs jusqu'à 250, et ainsi de suite. »
expose les Motifs qui le déterminent à penser que les Assemblées nationales doivent être composées au moins de mille dé* pu tés ; il est persuadé que plus elles seront nombreuses, plus l'intrigue aura de peine à s'y introduire, et plus la vérité paraîtra avec éclat. Les mêmes raisons lui font croire que le nombre des électeurs doit être plus grand que le comité ne le propose.
combat cette observation, èt l'article du comité est adopté.
Un autre article est présenté; il a pour objet la détermination du nombre des électeurs à élire dans chaque canton pour la formation des assemblées de département et de district.
Cet article est renvoyé 6 demain, ainsi qu'un autre relatif à la proportion à établir entre le nombre des cantons et celui des administrations des membres de district.
M. le marquis dé Montesquieu demande à faire un rapport, au nonv du ôorfiitédM financés, sur l'état financier du royaurtie. Je lui donné la parole.
(1], Messieurs, le comité des finances a cru qu il était temps de présenter le résultat de
ses travaux.
Après avoir assuré une heureuse constitution à l'empire français* malgré toutes les résistances, malgré tous les orages qu'ont fait naître les ennemis de la liberté, il ne vous reste plus qu'à relever la fortune publique, sans laquelle les peuples ne jouiraient pas du grand bienfait qu'ils tiendront de vous. La confusion que nous avons vue régner dans les finances ne doit plus être le sujet de no3 regrets, puisque, sans des besoins extraordinaires, nous aurions gémi peut-être pendant plusieurs siècles encore sous le joug au pouvoir arbitraire. M.ais, ainsi que le désordre a fait périr le despotisme, il ferait bientôt périr ia liberté. Peut-être même lés maux dont nous nous plaignons encore tiennent-ils en grande partie a la sourde inquiétude, à Cette inquiétude vague crue l'avenir inspire à chaque citoyen. Le peuple e.3t depuis longtemps écrasé soUs le poids des impôts. Il craint encore de recevoir une surchargé nouvelle. Il sait'qu'une dette prodigieuse a été reconnue par ses représentants, et il n'applaudira à là loyauté des dépositaires de sa confiance que' lorsqu'il n'aura plus à craindre d'eu être la victime.
Il faut donc promptement entreprendre et consommer ce grand ouvrage, et, pour y parvenir, il ne s'agit plus de combiner les petites ressources de lafiscalitéet dé l'agiotage, pour varier lesimpôts et pour solliciter la cupidité. Ces talents si recommandés, et regardés si longtemps comme re-cômmândableS, ne feront plus fortune parmi nous. Ils sont finis ces jours de notre enfance. C'est d'un plan général, d'un plan régénérateur, que nous avons besoin, tous les bons esprits seropt en état dé. le juger, si des moyens simples Sont présentés dans un langage intelligible. Il n'est plus permis d'en employer d'autre; et dé* gormais, en finances, tout ce qui n'est pas à la portée de tout le monde n'est plus à la portée de personne.
Mais, avant d'adopter aucun système, il faut connaître bien notre situation ; avant de songer à perfectionner le . mode de nos revenus, il faut établir Une recette assurée; il faut distinguer nettement nos dépenses, nos dettes constituées, et Celles auxquelles nous oserons donner la dénomination bien vulgaire, bien triviale, mais trèS-expréSsiVe de dettes criardes. Réduire et déterminer les dépenses, assurer l'acquittement et l'extinction des dettes constituées, rembourser les d'éités criardes, et en même temps, soulager le peuple, voilà quels soht nos devoirs.
Les dettes auxquelles nous donnons ici ,lê nom de dettes criardes ont été dans tous lés temps et sont encore le plus grand obstacle à toute régénération. G'est pour y satisfaire, sans causer un grand engorgement dans le payement des dépenses courantes* qu'ont été imaginées ces funestes anticipations qui absorbent à gros intérêts les revenus futurs, et qui rendent l'administration tributaire des capitalistes.
Ce sont ces mêmes dettes qui, s'opposant à tous les marchés faits au comptant, et qui, Obligeant de laisser dans toutes les comptabilités des objets arriérés, ont fait imaginer ces comptes d'exercice interminables tant que toutes les dépenses ne sont pas soldées ; de sorte qu'au bput de douze années, la situation d'un département, qui
devrait toujours être connue, ne l'est pas encore.
C'est dans la même classe qu'il faut placer la somme des intérêts arriérés sur les rentes. Le point de vue le plus favorable, sous lequel on pût les présenter, serait celui d'un emprunt ; mais cet emprunt est forcé, mais il est sans intérêts, et, pour trancher le mot, c'est une véritable violation de la foi publique, que la seule nécessité peut excuser, comme tant d'autres. 11 est donc de la dignité et de la loyauté nationale de faire cesser cette injustice.
C'est encore dans la même.liste que nous inscrirons, moins en raison de leur nature que de leur dangereux effet, ces emprunts connus sous le nom de cautionnements, ou de fonds d'avances de compagnies de finances, qui mettent l'administration dans l'éternelle dépendance de ces compagnies: car enfin, il est impossible de congédier les individus qui les composent, en retenant le cautionnement qu'ils ont fourni ; et comme l'appât de ces cautionnements les a fort multipliés, et qu'il est juste de payer aux hommes qu'on emploie, le travail qu'on leur impose, les frais de perception se sont accrus en proportion du nombre de ces employés inutiles. Il est constant cependant que quarante fermiers généraux ne sont pas nécessaires pour faire aller la ferme générale, et qu'un moindre nombre y suffirait, quand la machine est montée. La même vérité peut s'appliquer aux différentes régies, au double exercice des receveurs généraux, et aux sous-ordres de ces diverses parties.
Nous renfermerons sous la même dénomination les sommes dont on ne saurait se passer pour atteindre au moment où la recette régulière des revenus nécessaires suffira au payement régulier des dépenses déterminées. Le calcul rigoureux de tout ce que nous venons de comprendre sous le titre de dettes criardes est donc le premier de tous les calculs à faire ; c'est à y pourvoir qu'il faut consacrer tous ses moyens, toutes ses ressources; dons patriotiques, vaisselle des églises et des particuliers, ventes extraordinaires, banque nationale, banque particulière, tout est bon s'il opère ce grand bien. Tout ce qui laissera cet ouvrage imparfait ne sera que palliatif, et les palliatifs ne nous conviennent plus.
Il s'agit donc avant tout de fixer le nombre et la quotité de ces créances.
1° Les anticipations. Elles se montent, au 1er novembre, y
compris les assignations suspendues sur les domaines et bois, à 225,300,000 1.
2° L'arriéré des rentes pour un semestre à............... 81,000,000
3° Le cautionnement des fermiers généraux et régisseurs généraux, etc............... 201,799,400
4° Les receveurs généraux et particuliers, payeurs et contrôleurs des rentes, grand-maître des eaux et forêts, et autres, à.. 119,178,835
5o Avances de la caisse de Pôissy.................902,673
6° Arriéré des départements, évalué à...................... 8Ô,000,ÔÔÔ
7o Besoins extraordinaires de cette année, et de l'année 1790
170,000,000
Total......... 878,180,9081.
Cette dette (1), sans doute, est immense, mais son immensité même prouve combien il est important de la faire disparaître. Comment compter sur la rentrée des revenus pour acquitter les rentes, ou pour payer les dépenses publiques à jour fixe, si l'aosence momentanée du crédit peut s'opposer au renouvellement des anticipations, et par conséquent à la rentrée des revenus?
Comment mettre de l'ordre dans les dépenses si on manque d'argent comptant pour ses marchés, et si on ne peut jamais terminer ses comptes avec tous les dépositaires des deniers publies ?
Comment améliorer les revenus affermés, si l'on est lié invinciblement avec les compagnies de finances, et si aucune concurrence ne peut aidera faire fructifier les baux? Et comment améliorer les régies, s'il est impossible de réduire à volonté le nombre des régisseurs et des employés?
Comment enfin atteindre au moment où l'ordre pourra renaître, si faute de fonds il fallait vivre d'industrie jusque-là, et arriver obéré au jour de la libération ?
En vain nous craindrions de mettre sous vos yeux cette effrayante réunion de dettes ; le faux ménagement qui engagerait à les dissimuler, empêcherait-il leur existence? Il est certain que le même art meurtrier prolongerait longtemps encore la durée des anticipations, et que même il serait commode, dans certains moments où l'administration pourrait se trouver en faveur, d'user de la faculté de les étendre sans bruit et sans scandale; mais il faut convenir qu'indépendamment des intérêts considérables que coûte cette ressource, elle nous endort sur les bords d'un abîme, et que le moindre choc pourrait nous y précipiter.
Il y aurait moins de risques, sans doute, à laisser subsister les cautionnements ; mais
coai-ment, sans ce remboursement, sortir de la ser-
Pour se résoudre à supporter plus longtemps de semblables entraves, il faudrait qu'il mt impossible de s'en délivrer, et cette impossibilité, seule excuse valable, n-est pas démontrée. C'est ce que nous examinerons dans la suite de ce mémoire, et peut-être aurons-nous quelque solution heureuse à donner à ce problème ; mais avant de fixer votre attentidn sur ce grand objet, qui formera dans notre plan un chapitre particulier, nous allons examiner l'état des affaires dégagé de tous ces obstacles.
Nous supposons d'abord que vous êtes dans l'intention de consacrer le principe de la division des finances de l'Etat en deux caisses. Nous avons déjà essayé de vous en démontrer l'avantage; mais, soit que vous l'adoptiez, soit que vous le rejetiez, les résultats seront les mêmes. En admettant cet établissement, qui nous' paraît utile et important, et qui présenterait à l'Europe le gage constant'et inviolable de tous les, engagements de la France ; la première de ces Caisses, caisse nationale, percevrait tous les impôts di- ; rects, et acquitterait toutes les dettes ainsi que la i liste civile. La seconde, caisse d'administration, percevrait le reste des revenus publiôs, et acquitterait les dépenses des différents départements, sous l'inspection des ministres devenus responsables à la nation.
Nous allons examiner les besoins de chacune de ces caisses,'et leur assigner des revenus. Parmi ces revenus, il y en a qui existent, et dont le régime est sans doute susceptible d'amélioration; mais la nouvelle combinaison, dont ils profiteront dans la suite', n'entre pas dans le plan de ce mémoire : c'est une ressource que nous réservons à des temps plus tranquilles, et qui, avant d'être employée, exigera les plus grandes précautions et les plus profondes connaissances. L'établissement des assemblées provinciales vous fournira à cet égard la réunion de toutes les lumières eC la connaissance, si nécessaire en administration de toutes les localités; nous nous hâtons seulement d'effacer dès a présent, de la liste des revenus de l'Etat, les, impôts que la voix des peuples, celles dés siècles et les cahiers précurseurs de vos décrets Ont proscrits. La gabelle, les aides et les droits réservés doiventcesser d'exister à l'instant marqué par votre sagesse pournotrerégénération, et nous ne vous proposerons de remplacer ces impôts, dont le produit effectif est de 109 millions, et la surcharge incalculable, que par une subvention de 60 millions répartis sur les provinces qui les ont payées jusqu'à présent, acquittés proportionnellement par elles, ét soumis par vos décrets au régime le plus doux. Nous posons donc pour première base die l'édifice que nous élevons une remise à la nation de 49 millions effectifs sur les impositions qu'elle a toujours payées, sans compter les frais ae régie de ces impôts les bénéfices considérables des fermiers et régisseurs, les saisies, les procès et les vexations de tout genre ; et ce qui nous reste en revenus suffit pour atteindre le but que nous nous sommes, proposé.
Voici Messieurs, l'état des dépenses que la caisse nationale serait chargée d'acquitter :
l° Les rentes viagères constituées ; elles se mon-
tent à ......................... 105,253,076 liv.
2° Les rentes perpétuelles constituées......................56,796,924
3° Les gages actuels des charges de magistrature, jusqu'à ce que la liquidation en ait été faite. 9,355,160
4° Intérêts d'effets publics, d'emprunts à termes suspendus et autres, en ayant retranché les objets compris dans les remboursements précédents............ 31,443,082
5° Les indemnités dues à différents titres (1).............3,179,000
6° Emprunt national de septembre 1789......... ..........2,000,000
7° Dépense de la maison du Roi, ou liste civile (2)................20,000,000
8° Dépenses concernant les provinces, savoir:
1. Les ponts et chaussées........ 5,680,000 liv.
2. Les primes et encouragements accordés au commerce et aux manufactures. ....... 3,262,000
3 . Les frais de procédures criminelles............ 3,180,000
4. Les frais de perception ou traitement des receveurs généraux et particuliers des finances, réduits au moyen durembour-sement de leurs charges........... 3,400,000
5. Remise en moins-imposé sur les différentes généralités et pays d'Etats.......... 7,123,000
6. Lès travaux de charrié........La mendicité........3,055,000
7. Construction et entretien des bâtiments publics. 1,874,000
8. Dépenses variables dans les provinces....... ; 4,500,000
9. Police et garde de Paris....... 3,985,000
36,059,000 liv.
Parmi les objets qui composent cette somme de 36,059,000 livres il nous a paru qu'il était nécessaire de faire une distinction entre ceux qui devait en rester à
A reporter,....... 228,027,242 liv.
la charge de tout le royaume, et ceux qui ne devaient être considérés que comme dépenses locales.
Les travaux des ponts et chaussées, rendus aux différentes provinces, . ne feront plus l'objet d'une administration particulière. Les fonds qui . y étaient employés n'auront plus de destination que com-, me secours accordés pour quelques travaux extraordi-naires,connus sous le nom de travaux d'art, auxquels toutes les provinces particepèraient également: d'après cette observation, il nous a paru que cette dépense ne devait rester aux frais de l'univer-' salité du royaume, que pour moitié,ci................ 2,840,000
Les primes et encouragements accordés au commerce et aux ma-nufacturespeuvent être considérés comme objet d'utilité générale,ci.... 3,262,000
Les frais de procédure criminelles, susceptibles peut-être de réduction dans le nouvel ordre judiciaire, l'ont 12,682,000 encore un objet de dépense générale.... 3,180,000
Les frais de perception et de versement des impositions de chaque province, font évidemment une dépense locale ; maisV comme elle est commune à tout le royaume, -nous croyons devoir la comprendre au rang des dépenses générales, ci..... 3,400,000
Les objets suivants nous ont paru de nature à être regardés simplement commes dépenses locales.
1° Le moins-imposé montant à 7,123,000. livres, l'imposition étant mieux répartie, et n'étant plus vexatoire, le moins-imposé
A reporter. ....... 240,709,242 liv.
Report............ 240,709,242 liv.
n'aura plus d'application que dans le cas d'un accident particulier, ou d'une calamité locale.
2° Les travaux de charité et la mendicité montent 3,055,000 livres ce sera l'objet des soins pàrticu- liers des administrations provinciales et municipales. Les ressources, à cet égard, ne peuvent être mesurées que sur des besoins locaux, et la sagesse de l'administrtaion y sera plus utile que les secours d'argent. Il est onc; certain que ce genre de dépense, dirigé désormais par une administration paternelle,, et d'autant moins nécessaire que cette administration sera perfectionnée, ne doit plus faire partie des,dépenses de la caisse natio-nalé.
3° La construction et l'entretien des bâtiments publics monte à 1,874,000 livres. Cet article, plus que tout autre, ne peut être considéré que comme dépense locale ; s'il l'eût toujours été, il en serait résulté plus de sagesse dans les entreprises, et plus d'économie dans rexècùltion.
4° Les dépenses variables, dans les provinces montent à 4,500,000 livres. Cet article est du même genre que le précédent; il est uniquement composé de dépensés locales.
5° La police et garde de Paris, le pavé de Paris et les travaux de carrières montent à 3,985,000 livres.'Il en doit être de Paris, à cet égard, comme des autres villes du royaume ; cette dépense rentre naturellement dans la caisse des dépenses locales.
Nous avons pensé cependant qee sur ces defférents objets, les localités pourraient avoir besoin de secours, et il nous a paru prudent de distraire sur la totalité de ces dépenses, montant ensemble à 20,537,000 livres une somme équivalente au quart de leur montant, pour secourir chacune de ces parties en cas de besoins extraordinaires, ci............. 5,134,250
6° Frais de la justice gratuite dans le royaume......................6,000,000
7° Frais d'administration de la caisse nationale................ 1,350,000
Total de la dépense de la caisse nationale.............. 253*193,492 liv.
Nous proposons de comprendre dans la recette de la caisse nationale les objets de revenus suivants :
État de recette de la caisse nationale.
1° Les recettes géniales des impositions des pays d'élection et pays conquis, que nous présentons, ainsi que les articles suivants, sous leur ancienne dénomination, seulement pour faire ressortir la vérité des calculs, et cependant bien persuadés qu'ils changeront de nom, de régime et de principes à l'avenir. 155,655,000 liv.
2° Les recettes générales des pays d'états.....24,556,000
3° Abonnement de la Flandre maritime.......823,000
4° Impositions pour les fortifications des villes ................ 575,000
5° La nouvelle contribution des privilégiés, que nous avons évaluée, y compris la capitation du clergé, au moins à (!)..........' 30,000,000
6° Le subside dont nous ayons parlé ci-dessus, destiné à remplacer la gabelle, les aides et les droits réservés........ 60,000,000
7° Les droits casuels qui, dans leur état actuel, valent.8,0Q0,000
8° Les loteries, déduction faite des frais................12,000,000
9° La créance sur les Etats-Unis de l'Amérique, ci 1,600,000 ïiv,.. que nous ne portons ici que pour, Mémoire,
10° Créance sur un prince d'Al*-lemagne, 300,000 liv., de même pour...................Mémoire,
Total des revenus de la caisse nationale..................... 286,609,000 liv.
Il résulte de la comparaison de la recette à la dépense de la caisse nationale, un excédant de recette de 33,415,508 livres , et yous allez voir qu'il vous reste encore un revenu suffisant pour tous les besoins de la caisse d'administration.
Ces besoins sont calculés dans l'état suivant d'après les réductions dont chaque partie
nous a paru susceptible , sans aucune exagération ; et nous croyons pouvoir vous répondre que
nos calculs , a cet égard , posent sur des bases certaines (2).
1° Les affaires étrangères... 6,300,000 liv.
2° La guerre....".:...:.:... 79,000,000
3° La marine...............39,000,000
4° La maison des princes, frères du Roi................' 4,000,000
Pensions de Mgr le duc d'An- -goulême et de Mgr le duc de Berry................................................700,000
5° Les pensions (1)..................18,000,000
6° Les gages du conseil..........2,774,000
7° Les régisseurs et les fermiers généraux, au moyen de la réduction de leur nombre qui s'opérerait facilement après le remboursement des fonds d'avances........................................2,300,000
8° Les frais de la caisse d'administration, au plus..................1,000,000
9° Les bureaux de l'administration générale des finances, du commerce, des monnaies, etc. 1,275,000
10° Secours accordés aux Hollandais réfugiés, dépense éventuelle ...........................830,000
11° Jardin du Roi......................92,000
12° Bibliothèque du Roi..... 69,000
13° Universités, académies,
travaux littéraires............ ,, 1,000,000
14° Passe-ports des ambassadeurs.................................400,000
15° Dépenses imprévues..... 2,400,000
Total........... 159,140,000 liv.
Voici les objets de recette dont vous pouvez disposer en faveur de la caisse d'administration.
État des revenus destinés à acquitter les dépenses de la caisse d'administration.
1° La ferme générale après la suppression de la gabelle...... 91,440,000 liv.
2° Régie du Clermontois...107,000
3° Régie des domaines....... 50,000,000
Nota. Si cette régie éprouve quelque diminution par la suppression de quelques droits, il y a d'un autre côté des augmentations à espérer dans les articles suivants, qui ne sont portés que dans leur état actuel.
4° La ferme des postes............12,000,000
5° Des messageries (2)..............1,100,000
6° Des marchés de Sceaux et de Poissy...............................630,000
7° Des affinages..........................120.000
8° Du droit du Port-Louis.... 47,000
9° Marc d'or................................1,500,000
10° Régie des poudres............. 800,000
11°Monnaies... -........................500,000
12° Forges royales,..,...... 80,000
13° Caisse du commerce........ 636,000
14° Loyers des maisons des Quinze-Vingts...............180,000
Total........... 159,150,000 liv.
Nous avons compris les loteries dans les objets qui composent cet èxcédant; et dans cette disposition, nous avons entrevu l'espoir de faire bientôt disparaître nn revenu que réprouvent tous les principes dé la morale et de l'ordre public ; mais C8 jour heureux n'est pas encore arrivé , et il nous suffit dans çe moment-ci d'avoir pu abolir les impôts qui sont essentiellement le malheur du peuple» et d'apercevoir l'anéantissement prochain de i'appat corrupteur qu'un jeu funeste ne cesse de lui présenter.
Il nous reste, comme nous croyons vous l'avpir démontré, un revenu supérieur de plus de 33 millions à la dépense, et nous n'avons pas encore parlé du secours dont les biens du clergé peuvent être à la chose publique* ici plusieurs systèmes se présentent, et c'est entre eux qu'il s'agit de faire un choix.
Vous avez décrété que la nation avait la disposition dos biens du clergé ; mais, en établissant ses droits, vpus n'avez rien prononcé sur l'usage qu'elle en feraft.
Si vous adoptiez le plan aussi séduisant que vaste, et habilement combiné, qui vous a été présenté par' un. membre distingué de celte As-semblée, vous convertiriez en simples honoraires la possession des ministres de l'Église, et la nation mettrait eu vente tous les capitaux,, pour accroître ses revenus par l'extinction de toutes ses dettes. L'immensité de cette entreprise nous a trop effrayés peut-être.; mais nous sommes forcés d'avouer que ie succès nous en a semblé douteux. 11 est d'ailleurs des considérations politiques, relatives à l'Inégalé distribution des biens du clergé dans les différentes provinces du royaume, qui pourraient s'opposer à l'exécution de ce grand projet. Enfin, il est possible que vous trouviez des inconvénients réels à ne pas laisser à des ministres nécessaires à l'instruction et à la con-solation des peuples, un gagé de subsistance qui, croissant avec la valeur des denrées, les mette à jamais à l'abri du besoin. Cette subsistance doit être honnête; g'est une dette sacrée pour la nation: peu importe comment elle soit acquittée, pourvu qu'elle le soit avec facilité et régularité.
Vous pourriez? donc vous déterminer à laisser au cierge» ou à une commission de l'Assemblée nationale, formée à cet effet, l'administration des biens que la piété de vos pères a destinés au culte
de la Divinité et au soulagement des pauvres. Mais, si vous diminuez ie nombre des individus consacrés au service des autels, si vous ne laisser pas disposer des abbayes commendataires et autres bénéfices vacants; si vous supprimez, soit en partie, soit en totalité, les ordres religieux ; si, en fixant le nombre des prêtres utiles, vous anéantissez l'espoir des grâces pour les membres inutiles du clergé ; si vous mettez plus de proportion et plus de modération dans les revenus des évêehés et archevêchés, à mesure qu'ils vaqueront, il est évident que la dotation du clergé excédera bientôt ses besoins réels, et que l'emploi de cet excédant à Soulager le peuple du poids des impôts, est la plus juste et la plus sainte des destinations.
De quelque manière que vous établissiez l'administration des biens du clergé, el|e ne pourra plus exister sans rendre un compte annuel à l'Assemblée nationale» puisque sa position changerait tous les ans ; et déjà, vous pourriez en tirer un parti utile, sans nuire à personne, puisque les maisons religieuses supprimées, les bénéfices en commence qui sont vacants, ceux qui le deviendront» ceux j qui étaient aux économats, vous mettraient dans le cas de disposer incessamment d'une portion considérable de revenus libres, et d'une forte masse d'immeubles non productifs, par la vente des emplacements situés dans les grandes ivilies. du mobilier des maisons et des bibliothèques. Les principales conditions que vous pourriez imposer a cette nouvelle administration pôurrraiént donc être : 1° (Facqijitter, à la décharge du Trésor public, la portion qui revenait à des hôpitaux, à des établissements dé charité où a, des maisons d'éducation j sur lep5,îll,GQ0.livres de §ecours annuels que le gouvernement accordait ci-devant à, des établissements |é ce genre, et à des maisons religieuses ; 2° d'aliéner, au profit de la caisse nationale, une partie des capitaux, jusqu'à la concurrence de 400 millions dans l'espace de quatre années, et en outre Jusqu'au montant de la somme nécessaire pour assurer le remboursement de la dette du clergé (1).
Ce plan est bien simple et ne s'oppose à aucune combinaison ultérieure. Il nous paraît, par cette raison, préférable à ceux qui vous ont été présentés, Si cependant vous acceptiez un autre projet, ce ne pourrait être qu'en raison de sa plus grande utilité: et alors, loin d'affaiblir nos calculs, il les fortifierait.
Ladisposition générale des finances du royaume, dont le développement vient d'être mis sous
vos yeux, présente un avenir bien çpnsolant ; et cet àVénir, Messieurs, il,dépend de vous de
le rendre très-prochain. Arbitres des destinées de ce grand empire, pourquoi renverriez-vous
à des temps éloignés un nouvel ordre de choses que toute la nation désire, et pour lequel il
faut si peu de combinaisons préliminaires ? Les dépenses peuvent être fixées d'ici au janvier
prochain ; l'établissement de deux caisses peut être fait alors. Les suppressions d'impôts
désastreux, les remplacements peuvent avoir lieu dès le 1er avril, et l'espérance la mieux
fondée aura bientôt effacé le souvenir des malheurs passés. Mais, pour que la confiance
publique renaisse avec la vôtre, vous attendez la solution de notre premier problème,
c'est-à-dire la démonstration de moyens qui ne soient ni chimériques, ni même douteux, pour
Article premier.
Remboursements des cautionnements et fonds d'avances des Compagnies de finances, de l'arriéré sur les intérêts des rentes, et d'une part de l'arriéré des départements.
Nous conservons dans notre projet douze administrateurs des produits de la ferme générale, douze pour la régie des domaines, six pour la régie des postes, et deux trésoriers, l'un pour la caisse nationale, et l'autre pour la caisse d'administration. Il est juste, nécessaire même, que chacun d'eux fournisse un cautionnement. Nous estimons qu'il doit être de 1 million pour chacun; et l'intérêt de ce million à 5 0/0, est calculé dans l'évaluation que nous avons faite de leurs attributions : ainsi la somme à rembourser pour cet objet, se trouve réduite à 170,000,000 livres.
Quant aux recettes générales, nous pensons que chaque province fera des arrangements particuliers pour la rentrée de ses contributions, et pour leur versement au Trésor public (1); ainsi nous croyons que le remboursement entier des receveurs généraux et particuliers doit être effectué : les charges des officiers de maîtrises des eaux et forêts, des payeurs et contrôleurs des rentes, et quelques autres utiles à rembourser, font partie de cet article. Il monte à........................... 119,000,000 liv.
Les arrérages arriérés sur les rentes....................... 81,000,000
Enfin, l'arriéré des départements peut être divisé en deux parties.
Nous placerons ici un premier payement de............... .. 30,000,000 liv.
recapitulation.
Compagnies de finances..... 170,000,000 liv.
Receveurs généraux et autres. 119,000,000
Arriérés des rentes.. ....... 81,000,000
Premier payement de l'arriéré des départements............. 30,000,000
Total............400,000,000 liv.
L'obligation imposée à l'administration des biens du clergé , de payer en quatre ans une
somme de 400 millions au Trésor public, et de fournir aux intérêts de la portion qui en exige
jusqu'au remboursement, ferait face à cet objet : d'après le décret que l'Assemblée nationale
pourrait rendre à cet égard, et ensuite de la liquidation qui serait faite de chaque créance
en particulier, il serait expédié en administration les mandats nécessaires aux époques du
remboursement.
Remboursement des anticipations et du reste de l'arriéré des départements.
Les anticipations dans la circulation montent,à l'époque présente, à.........174,500,000 liv.
Les assignations sur les domaines et bois suspendues en 1788, et qui sont de même des anticipations, montent à............50,800,000
Le reste de l'arriéré des départements. .....................50,000,000
Total........... 275,300,000 liv.
Nous ne croyons rien exagérer en estimant à cette somme les dons patriotiques, ou le quart des revenus de la France, surtout lorsque l'ordre rétabli dans toutes les parties des finances, aura inspiré une juste sécurité à tous les citoyens, et qu'aucune crainte ne retiendra plus l'effet du patriotisme. Les délégations sur cette rentrée de capitaux seront aisées à faire et seront successivement acquittées.
Art. iii.
Besoins extraordinaires de l'année 1789 et de l'année 1790.
L'engagement que nous avions pris est en grande partie rempli; mais il nous reste à pourvoir aux besoins extraordinaires de cette année et de l'année 1790, que nous vous avons annoncés au commencement de ce mémoire. Le premier ministre des finances les évalue à 170 millions.
Surcet objet, Messieurs, il nous est impossible, dans ce moment-ci, de nous expliquer aussi
clairement que sur le reste. Nos ressources se trouveront dans le parti que vous prendrez
pour ou contre la caisse d'escompte. Il faut indispensa-blement que vous la releviez, ou que
vous la remplaciez. Dans le premier cas, la nation sera dépositaire du gage hypothéqué à la
sûreté des créanciers de la caisse; et si vous adoptez le plan que le ministre des finances
(1) vous a présenté, nous n'avons plus à discuter que le choix entre le parti qu'il propose,
de rembourser la caisse d'escompte de ses avances, en laissant subsister des anticipations
pour la même somme, ou le parti définitif de supprimer à jamais les anticipations, en
préférant laisser subsister la créance entière de la caisse d'escompte pendant la durée de
son privilège.
Enfin, si la nation prenait elle-même la place de tous les établissements de crédit qu'ou va lui offrir, elle serait créatrice de ce nouveau gage. Ainsi, sans vouloir rien préjuger sur cette grande opération, nous osons garantir que, dans toutes les hypothèses imaginables, et très-prochainement (car les délais sont désormais impossibles) .le secours de 170 millions vous est assuré, et vous sera fourni à un prix très-modéré.
Voilà donc, Messieurs, la preuve acquise du rétablissement possible et très-prochain de l'ordre, du bonheur et de la tranquillité publique. Nous ne vous avons pas présenté les rêves de l'imagination ; nos évaluations ne sont pas problématiques; nous n'avons rien donné au hasard. C'est dans quelques mois que nous pourrons entrer en jouissance ; c'est dès aujourd'hui que vous pouvez poser toutes les bases. Vous pouvez dire : Tel jour l'ordre immuable sera établi : tel jour il ne sera plus permis d'être inquiet delà fortune publique. Si vous adoptez ce plan, il ne faut, pour son exécution, qu'un petit nombre de décrets; et la nation, attentive à tout ce que vous faites pour elle, n'aura bientôt plus d'autre sentiment que celui de la reconnaissance.
Mais il.reste un objet digne de toute votre attention. Votre loyauté a encore une obligation à satisfaire. Tous les engagements de l'Etat sont sacrés pour vous, et tous tes engagements ne sont pas remplis. Plusieurs emprunts ont été faits depuis quelques années, avec la condition d'en rembourser tous les ans une partie, jusqu'à extinction totale. Au mois d'août 1788, l'autorité a suspendu l'effet de cet engagement ; et à la fin de la présente année, 72 millions (1) qui auraient dû être remboursés ne le seront pas. 48 millions avaient été promis pour l'année prochaine et courent le même risque; dans les années suivantes, des sommes qui vont toujours en décroissant devraient être acquittées successivement. On ne peut vous reprocher, sans doute, la violation qui a été faite de la foi publique à cet égard; mais il serait beau qu'au moment où la nation est rendue à elle-même, l'ordre et la fidélité sortissent, à la fois et de tous les côtés, du sein du chaos! La caisse d'amortissement que vous pouvez fonder aujourd'hui, au moyen de 33 millions de revenus libres qui vous restent, ne suffit pas à ces engagements; mais vos ressources sont entières. Vous n'avez mis aucun impôt sur le luxe, et personne ne doute que cette source de richesses ne pût s'ouvrir à votre voix, Les provinces y applaudiraient unanimement, et enfin on verrait le luxe servir à réparer les maux qu'il a faits. Ce moyen, employé avec mesure, pourrait élever, dès l'année prochaine, les fonds de la caisse d'amortissement de de 33 à 35 millions, qui déjà seraient accrus par des extinctions de rentes viagères ; vous rétabliriez aussitôt les remboursements annuels, qui n'auraient été suspendus que pendant dix-huit mois. Quelle, belle réponse à ceux qui naguère osaient douter des ressources de la France et calomnier vos intentions.
Chaque somme de remboursement rendrait la
Une dernière observation vous frappera sans doute, et ce n'est pas la moins importante de celles qui résultent du plan que nous avons l'honneur de vous présenter. Suivant ce plan, une somme énorme de capitaux serait, en peu de temps, employée en remboursements. Ces capitaux auront besoin d'emploi et la nation pourrait leur fournir elle-même des débouchés faciles par des emprunts constamment ouverts et constamment employés à d'autres remboursements. Quel bénéfice immense une opération semblable n'opérerait-elle pas, soit par le remboursement- des rentes viagères nouvellement constituées, soit par la réduction des intérêts de la dette perpétuelle ! C'est à cette époque, très-prochaine, que vous commenceriez avec facilité le remboursement des charges de judicature. Vous remarquerez, Messieurs, qu'il n'est, aucune de ces opérations qui ne tende directement et effectivement au soulagement du peuple et à la diminution de l'impôt territorial.
C'est après avoir déterminé, par vos décrets, tout ce qui doit consommer pour le présent, et préparer pour l'avenir, les opérations précédentes, que vous pourrez, à loisir, approfondir chacune. des parties qui composent les revenus publics. C'est alors que le secours de toutes les lumières vous sera vraiment utile, parce que les essais seront sans danger ; et vous aurez, en peu d'années, perfectionné toute l'administration, et redressé toutes ses erreurs. , :
Tous les tableaux justificatifs et explicatifs de nos propositions sont joints à ce mémoire et vont être déposés sur votre bureau.
Lorsque vous l'ordonnerez, nous aurons l'honneur de vous présenter les projets successifs des décrets nécessaires à l'exécution de ce plan.
tableaux justificatifs et explicatifs annexés au présent mémoire.
No I. Etat comparatif des dépenses et des dettes publiques dans l'ancien état, et suivant le nouveau plan du comité des finances.
N° II. Etat comparatif des revenus publics dans l'ancien état, et suivant le nouveau plan du comité des finances.
N° III. Etat comparatif entre les revenus publics, suivant le plan du comité des finances, et les dépenses et dettes publiques, suivant le même plan.
N° IV. Anticipation sur les revenus de l'Etat.
N° V. Fonds d'avances et de cautionnements.
3N° VI. Offices de finances.
N° VII. Tableau des remboursements à termes fixes, suspendus au mois d'août 1788.
N° I .
ETAU COMPARATIF
des dépenses publiques et des dettes dans l'ancien, état, et suivant le nouveau, plan du
comité des finances.
Dépenses et dettes suivant l'ancien état......................................531,513,000 liv.
Dépenses et dettes suivant le plan dftCQ^jté.deSiflflîLQees.,.,.;..,.. . . . 41^.333^49^
Réd(^tipij des dépenses et. des. dettes, 1191,179.,508 liv.
ETAT des dépenses et des dettes publiques, arrêté le
Nos
lr Dépenses générales de la maison du Roi et de celle de la Reine, de monseigneur le Dauphin, des enfants de France, de madame Elisabeth, et de Mesdames tantes du Roi, avec les traitements annexés à différentes parties, et en y comprenant divers objets de dépense dans les forêts, qui étaient autrefois payés sur le produit des bois.................................................. 23,000,000 liv.
2. Maisons de Monsieur, frère du Roi, et de Madame; maisons de monseigneur le comte et de madame la comtesse d'Artois, de monseigneur le duc d'Angou-lème et de monseigneur le duc de Berry, et traitements conservés aux personnes qui ont servi les enfants de monseigneur le comte d'Artois, dans leur bas âge.....................................................................8,240,000
3, Affaires étrangères, lignes suisses, et courses des courriers de ce département. 7,330,000
4. Département de la guerre, traitements et objets accessoires, non compris ce que les provinces s'imposent et versent directement dans les caisses militaires... 99,091,000
5. Marine et colonies......................................... 40,500,000 ) Supplément demandé pour indemnités et récompenses qu'exi- f ^q qqq qqq geront les réformes déterminées dans les établissements des \ ' colonies................................................. 400,000 1
6. Ponts et chaussées...............................................................5,680,000
7. Haras sous les ordres de M. le grand écuyer, de M. le duc de Polignac et de M. le marquis de Polignac....................................................................814,000
8. Rentes perpétuelles et viagères...............................................................162,050,000
9. Intérêts d'effets publics et d'autres créances.........................................................44,247,000
10. Gages de charges représentant l'intérêt de la finance.................. ...... 14,729,000
11. Intérêts et frais des anticipations qui portent sur 1790 et 1791 ; intérêts et frais de renouvellement des billets des fermes, des autres anticipations ou des emprunts nécessaires pour balancer le besoin de l'année 1789................. 15,800,000
12. Engagements à temps envers le clergé.......................................* 2,500,000
13. Indemnités à différents litres........Y..................................... 3,179,000
14. Pensions.................................................................. 29,554,000
15. Gages du conseil et traitement de M. le chancelier, de M. le garde des sceaux, au secrétaire d'Etat de la maison du Roi, à divers magistrats, compris leur franc salé et traitements à d'autres personnes.............................. 3,161,000
16. Intendant des provinces, leurs subdélégués et leurs commis.....................1,413,000
17. Police de la ville de Paris..................................................1,569,000
18. Guet et garde de la ville de Paris...................................1,138,000
19. Maréchaussée de l'Ile de France.............................. 251,000
20. Entretien et réparation du pavé de Paris...................... 627,000
21. Travaux dans les carrières qui sont sous la ville de Paris et environs.......................................................400,000
3,985,000
22. Remises, ou moins-imposé sur la recette des pays d'élection et des pays con- quis : décharges et modérations sur les vingtièmes et la capitation : remises aux pays d'Etats......................................................... 7,123,000
23. Traitements aux receveurs, fermiers et régisseurs, et autres frais de recouvre- ments........,......................................................... 19,511,000
24. Les cinq administrateurs du Trésor royal, payeurs des rentes, etc...............3,372,000
25. Dépenses du département des mines...........................}
26. Traitements et autres dépenses de l'administration des monnaies, i de celle de la caisse au commerce; de celle du département > 3,139,000 des mines et des bureaux de l'ancienne compagnie des Indes 794,000 1
27. Bureaux de l'administration générale......................... 2,345,000 J
28. Fonds réservés sur le produit de la loterie royale, et sur la ferme du Port-Louis, pour des actes de bienfaisance.;......................................................173,000
29. Secours à des Hollandais qui se sont réfugiés en France............................................830,000
30. Communautés et maisons religieuses ; secours pour la construc- ) tion d'édifices sacrés...................................... 2,182,000 f 5,711,000
31. Dons, aumônes, secours, hôpitaux, enfants trouvés, etc......... 3.529,000)
A reporter...........507,532,000 liv.
ÉTAT des dépenses et des dettes publiques réduites par le décret de VAssemblée nationale du 6 octobre 1789, et par le plan du comité des finances.
N°s
1. L'offre faite au nom du Roi, et le décret de l'Assemblée nationale du 6 octobre, sanctionné par Sa Majesté, ont réduit cet article à........................ . 1 20,000,000 liv.
2. Le décret de l'Assemblée nationale du 6 octobre, sanctionné par le Roi, avait fait un premier retranchement de 3,000,000 livres sur cet article. Monsieur ayant offert de réduire à 2,000,000 livres l'article qui le concerne ; et le traitement conservé aux personnes qui ont servi les enfants de M. comte d'Artois, dans leur bas âge, devant être renvoyé aux pensions, cet article se trouve réduit naturellement pour les deux provinces, à.................... 4,000,000 Pensions de M. le duc d'Angoulème et de M. le duc de Berry............................700,000
3. Le décret de l'Assemblée nationale du 6 octobre, sanctionné par le Roi, a réduit cet article à............V...........,'...'.*............................... • 6,300,000
4. Le décret de l'Assemblée nationale du 6 octobre, sanctionné par le Roi, a réduit cet article à..................... ...................................... 79,000,000
5. Le décret de l'Assemblée nationale, du 6 octobre, sanctionné par le Roi, a réduit cet article à............................................................ 39,000,000
6. Le comité des finances propose de renvoyer cette dépense à la direction des assemblées provinciales, et de la réduire à moitié : ci..........................................2,840,000
7. Le décret de l'Assemblée nationale, du 6 octobre, sanctionné par le Roi, a supprimé cette dépense en totalité............................t.........................
8. Il n'y a aucun changement à cet article, ci....................................................................162,050,000
9. En retranchant de cet article, l'intérêt des cautionnements des compagnies de finance, celui du fond d'avance des fermiers de la caisse de Poissy, et celui de 50,800,000 livres d'assignations suspendues sur les domaines et bois, cet article est réduit à......................................................................31,443,082
10- Après le remboursement des receveurs généraux et autres charges que le plan du comité des finances propose, jusqu'à la concurrence d'un capital de
119,000,000 livres, cet article ne subsistera plus que pour......................................9,355,160
11. Le remboursement des anticipations fait disparaître cet article ; mais l'emprunt national de septembre 1789, subsiste pour..................................................................2,000,000
12. Le décret de l'Assemblée nationale du 6 octobre, sanctionné par Sa Majesté, a anéanti cet article....................................................................
13. Il n'y a rien de changé à cet article, ci....................................................3,179,000
14. Le plan du comité des finances réduit cet article à.........................................18,000,000
15.
16.
Le travail du comité des finances réduit ces deux articles à.................. 2,774,000
Ces cinq articles sont considérés par le comité des finances comme des dépenses locales qui ne sont pas de nature à être imposées sur tout le royaume. Il pense de même sur l'article 22, l'article 32, l'article 39 et l'article 42,
19. ^ montant ensemble à 20,537,000 livres qui doivent être regardés comme dé-
20. ] penses locales ; mais afin de pourvoir aux besoins extraordinaires que peuvent
21. f éprouver ces différentes parties, le comité a proposé d'y destiner une somme équivalente au quart de leur montant, ci............................ 5,134,250
22. Renvoyé à l'observation de l'article 17................................... ..............
23. Cet article, d'après les remboursements faits, la réduction du nombre des em-
ployés, et la modération de leur traitement, ne sera plus compté que pour., 5,700,000
24. Cet article, par les mêmes raisons, est réduit à..........................................................2,350,000
25. 1
26. [ Le travail du comité des finances, réduit ces trois articles à................................1,275,000
27. )
28. Le décret de l'Assemblée nationale, du 6 octobre 1789, sanctionné par Sa Ma-
jesté, supprime cet article..............................................................
29. Il n'y a rien de changé à cet article : ci..........................................................................830,000
„0 t Ces deux articles sont renvoyés par le décret de l'Assemblée nationale du f:' 6 octobre, sanctionné par le Roi, à la charge de l'administration des biens 31 * ( du clergé...........................................................................-
A reporter................. 395,930,492 liv.
SUITE de l'état des dépenses, arrêté le 31 août 1789, par M. Dufresne, etc.
N°*
Report........................................507,532,000 liv.
32. Travaux de charité.................^ 1^911,000
33. Destruction du vagabondage et de la mendicité............................................................1,1-44,000
34. Primes et autres encouragements pour le commerce..................................................3,862,000
35. Jardin royal des plantes, et cabinet d'histoire naturelle............................................130,000
36. Bibliothèque du'Rôi..............;..'..........................................................1^9,Ô00
37. Universités, académies, collèges, sciences et arts... . .... ........................1,004,000
38. Passeports en exemption de droits* à la marine royale,!aux Ambassadeurs et aux ministres étrangers;... ,-i. ...............................................400,000
39. Entretiens, réparations et constructions de bâtiments, employés à la Chambre publique............................................................:-. 1,874,000
40. Dépenses de plantations dans les forêts, de cure/nents de rivières et d'autres objets dont le payement est assigné sur le produit des bois et sur le Trésor royal.................................................................817,000
41. Frais de procédure criminelles et de prisonniers...............................'3,180,000
42. Dépenses dans les provinces dont l'ôbjet varie tous les ans, ët 'qui se 'renou- vellent de différentes manières............ ........................................4,500,000
43. Dépenses imprévues..................................................................................................5,000,000 Total..................531,513,000 liv.
SUITE de l'état des dépenses réduites par le décret, etc.
N"
Report........................393,930,492 liv.
32. Renvoyé à l'observation de l'article 17...................................|................
33. Renvoyé à l'observation de l'article 17........................................................
34. Le travail du comité des finances a réduit cet article à...................... 3,262,000
35. Le comité des finances l'a réduit à......................................................................92,000
36. Réduit par le comité des finances à.........................................................................69,000
37. Réduit par le comité des finances à,........................................ 1,000,000
38. 11 n'y a rien de changé à cet article.........................................................400,000
39. Renvoyé à l'observation de l'article 17..... ...............................................
40. Le comité des finances est d'avis de la suppression de cet article................................
41. Il n'y a rien de changé à cet article, ci................................. '... 3,180,000
42. Renvoyé à l'observation de l'article 17............................ ..........................
43. Le comité des finances réduit cet article à................................... 2.400,000 406,333,492
La dépense de justice gratuite dans tont le royaume........................ 412,333,492 liv.
Total............. 413,334,922 liv.
N° II.
ÉTAT COMPARATIF
Des revenus publics dans Vancien état, et suivant le nouveau plan du comité des finances.
Revenus publics suivant l'ancien état.............................. 475,294,000 liv.
Revenus publics suivant le plan du comité des finances—........... 445,749,000
Réduction sur les revenus publics................................... 29,545,000 liv.
ÉTAT des revenus publics arrêté le 3 août 1789, par M. Dufresne, et vérifié par le comité des finances.
COMPTE IMPRIMÉ DE 1789
N«*
1. Fermes générales.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8. 9.
10. 11. 12.
13.
14.
15.
17.
18.
19.
20. 21. 22.
23.
24.
Objets affermés......................... 113,560,000
Objets en régie.......................... 28,440,000
Droits du Clermontois.
f Sur le tabac et v entrées de Pa-
Supplémen | ris..........
Sur les objets en régie.....
4,000,000 2,000,000
107,000
6,000,000
compte imprimé de 1789.
150,107,000 liv.
Ferme des postes.........................................
Ferme des messageries.....................................
Ferme des droits sur les bestiaux, à Sceaux et à Poissy......
Ferme des affinages....................................... •
Ferme des droits du Port-Louis.............................
Abonnement des droits de la Flandre maritime................
Régie générale des aides et des droits réunis............ .
Régie des domaines et bois.................................
Régie de la loterie royale de France et des petites loteries.....
Régie des revenus casuels..................................
Régie du marc d'or........................................
Régie des poudres et salpêtres................................
Impositions ordinaires et
capitation.............. 110,568,000
Vingtièmes............... 46,467,000
Recette générale des finances de Paris, des pays d'élect. et des pays conquis.
Déduction pour des sommes par les receveurs généraux dans les caisses de la régie générale et de la régie des domaines, et qui font partie des produits de ces deux régies..........................
157,035,000
1,380,000
Imposition des pays d'états.
Languedoc.........
Bretagne..........
Bourgogne.........
Provence..........
Pau, Bayonne, Foix
Trésoriers. Receveurs généraux. Totaux.
8,584,824 6,115,400 3,190,068 1,997,031 1,182,426 496,060 938,128 895,432 1,156,658 9,767,250 6,611,460 4,128,196 2,892,463 1,156,658
19,887,323 4,668,704 24,556,027
16. Capitation et vingtièmes abonnés.
Capitation et dixième retenus au Trésor royal sur les pensions et sur d'autres objets..................................................................
Impositions particulières aux fortifications des villes.........................
Bénéfice sur la fabrication des monnaies....................................
Bénéfice annuel des forges royales..........................................
Revenus de la caisse du commerce..........................................
Loyer des maisons et des terrains des Quinze-Vingts..........................
Intérêts annuels des sommes prêtées aux Etats-Unis de l'Amérique............
Intérêt annuel de 6 millions que doit un prince d'Allemagne........«........
12,000,000 1^100,000 630,000 120,000 47,000 823,000 50,220,000 50,000,000 14,000,000 3,000,000 1,500,000 800,000
155,655,000
24,556,000 575,000
6,290,000 575,000 500,000 80,000 636,000 180,000 1,600,000 300,000
Total
475,294,000 liv.
ETAT des revenus publics, conforme au plan du comité des finances.
No
1. Cet article, après la suppression de la gabelle, ne produira plus que.............91,347,000 liv.
2. Il n'y y a rien de changé à cet article, ci....................................................................12,000,000
3. Idem.....................................................................1,100,000
4. Idem......................*......................................630,000
5. Idem......................................................'....................120,000
6. Idem..............................................................................................................47,000
7- Idem.........................................................'.......................823,000
8. Cet article sera entièrement supprimé...........................................»...........
9. 11 n'y a rien de changé à cet article, ci......................................................................50,000,000
10. Déduction faite des frais, cet article n'ira qu'à..............................................................12,000,000
11. Il n'y a rien de changé à cet article, ci..........................................................3,000,000
12. Idem......................................................................1,500,000
13. Idem..........................................................................................800,000
14. Il n'y a rien de changé à cet article...... ............. ........................................155,655,000
15. Il n'y a rien de changé à cet article........................................ 24,556,0
16. Cet article sera représenté par la véritable imposition des privilégiés, évaluée, d'après des données certaines, au moins à.............................................................30,000,000
17. Les pensions étant réduites et les privilèges d'imposition retranchés, cet article doit être supprimé....................................................................
18. Il n'y a rien de changé à cet article...............................................................575,000
19. Idem...............................................................................................500,000
20. Idem........................................................................80,000
21. Idem......................................................................................636,000
22. Idem............................................................................................180,000
23. La rentrée de ces fonds étant incertaine, cet article n'est ici que pour Mémoire
24. Idem..,.........................................................Mémoire
385,749,000 liv.
Subvention destinée à remplacer la gabelle et les aides....... ...................60,000,000
Total................................... 445,749,000 liv.
N° III.
ÉTAT COMPARATIF
Entre les revenus publics suivant le plan du comité des finances, et les dépenses et dettes publiques suivant le même plan.
Les revenus publics monteront à.........-........................... 445,749,000 liv.
Les dépenses et dettes publiques à............................ ....... 412>333,492
Les revenus excéderont les dépenses de
33,415,508 liv.
ÉTAT des revenus publics, suivant le plan du comité des finances.
Nos
li Fermes générales réduites après la suppression de la gabelle, à..............................91,347,000 liv.
2. Ferme des postes..............................................................................12,000,000
3. Ferme des messageries..............................................................................1,100,000
4. Ferme des droits sur les bestiaux, à Sceaux et à Poissy............................................630,000
5. Ferme des affinages....................'......................................................................120,000
6. Ferme des droits du Port-Louis......................................................................47,000
7. Abonnement des droits de la Flandre maritime..................................823,000
8. Régie des domaines et bois.............•.................................,. 50,000,000
9. Régie de la loterie royale de France, et des petites loteries, déduction faite des
frais..............................................................................................................................12,000,000
10. Régie des revenus casuels...................................................................3,000,000
11. Régie du marc d'or............... ..............................................................................1,500,000
12. Régie des poudres et salpêtres....................................................................................800,000
13. Recette générale des finances de Paiis, des pays d'élection et des pays conquis 155,655,000
14.
Imposition des pays d'Etats..
Languedoc ........
Bretagne.....
Bourgogne.........
Provence..........
Pau, Bayonne, Foix
Trésoriers. Receveurs généraux. - Totaux.
8,584,824 6,115,400 3,190,068 1,997,031 1,182,426 496,060 938,128 895,432 1,156,658 9,767,250 6,411,460 4,128,196 2,892,463 1,156,658
19,887,323 4,668,704 24,556,027
24,556,000
15. Véritable imposition des privilégiés, évaluée, d'après des données certaines, au
moins à.....................................;..........................................30,000,000
Itf; Impositions- particulières aux fortifications des villes..................................................575,000
17. Bénéfice sur la fabrication des monnaies..........................................................500,000
1&.- Bénéfice annuel des forges royales................................................80,000
19. Revenus de la caisse du commerce....................................................................................636,000
20. Loyer des maisons et terrains des Quinze-Vingts.....................................................180,000
21. Subvention destinée à remplacer la gabelle et les aides..............................................60,000,000
Total.......................................... 445,749,000 liv.
ÉTAT des dépenses publiques et des dettes, suivant le plan du comité des finances.
N°»
1. Dépenses générales de la maison du Roi, et de celles de la Reine, de monsei- gneur le Dauphin, des enfants de France, de madame Elisabeth, et de Mesdames, tantes du Roi.................................................... 20,000,000 Uv>
2, Maisons de Monsieur, frère du Roi, et de Madame, de monseigneur le comte et de madame la comtesse d'Artois ; pensions de monseigneur le duc d'Angoulême et 4,700,000
3. Affaires étrangères; lignes suisses et courriers de ce département............. 6,300,000
4. Département de la guerre : traitements et objets accessoires, non compris ce que les provinces s'imposent et versent directement dans les caisses militaires 79,000,000
5. 39,000,000
6. 2,840,000
7. 162,050,000
8. 31,443,082
9. 9,355,160
10. 2,000,000
11. 3,179,000
12. 18,000,000
13. Gages du conseil et traitements de M. le chancelier, de M. le garde des sceaux: au secrétaire d'Etat de la maison du Roi : à divers magistrats, compris leur franc salé : traitements à d'autres personnes : intendants des provinces, leurs 2,774,000
14. Besoins extraordinaires de la police de Paris; du guet et garde de la ville de Paris ; de la maréchaussée de l'Ile de France ; de l'entretien et réparation du pavé de Paris, et des travaux, dans les carrières qui sont sous la ville de Paris et environs ; remises pour causes extraordinaires sur la recette des pays d'élection, et des pays conquis ; sur les vingtièmes et la capitation ; aux pays d'états : secours extraordinaires pour les travaux de charité et la destruction du vagabondage et de la mendicité ; pour entretiens, réparations et construc-
tions de bâtiments employés à la chose publique : pour dépenses dans les
provinces dont l'objet varie tous les ans....................................5,134,250
15. Traitements aux receveurs, fermiers et régisseurs, et autres frais de recouvre-
ments..,.............................................................................................................................5,700,000
16. Les cinq administrateurs du Trésor royal; payeurs des rentes, etc........................2,350,000
17. Dépenses du département des mines ; traitements et autres dépenses de l'admi- nistration des monnaies, de celle de la caisse du commerce, et des bureaux de l'ancienne compagnie des Indes............................................................1,275,000
18. Secours à des Hollandais qui se sont réfugiés en France....................'.. 830,000
19. Primes et autres encouragements pour le commerce..................................................3,262,000
20. Jardin royal des Plantes, et cabinet d'histoire naturelle,............................................92,000
21. Bibliothèque du Roi...............................;.,............................................69,000
22. Universités, académies, collèges, sciences et arts..............................1,000,000
23. Passeports en exemption de droits à la marine royale, aux ambassadeurs et aux ministres étrangers...............................................................................................400,000
24. Frais de procédures criminelles et de prisonniers......................................................3,180,000
25. La dépense de justice gratuite dans tout le royaume...........................- 6,000,000
26. Dépenses imprévues....................................................................................2,400,000
Total............................412,333,492 liv.
IV.
ANTICIPATIONS SUR LES REVENUS DE L'ETAT.
TERMES
DES ASSIGNATIONS.
Année 1789
-S
Novembre. Décembre.
Année 1790...
Janvier.... Février....
Mars......
Avril......
Mai.......
Juin.......
Juillet.....
Août......
Septembre. Octobre....
Année 1791.
RECETTES générales
des finances.
liv. 10,3(07,000 9,078,000
6,700,000 6,700,000 8,400,000 7,300,000 9,500,000 8,100,000 11,300,000 11,600,000 11,400,000 11,200,000
111,585,000
FERMES générales[unies compris les billets.
liv. 8,450,000 9,117,000
8,083,000 11,300,000 13,358,000 10,011,000 10,460,000 8,850,000 8,300,000 7,895,000^ 7,930,000 5,670,000
109,424,000
REGIE générale
compris les billets.
liv. 2,186,000 2,093,000
1,000,000 1,719,000 3,312,000 360,000 1,180,000 1,201,000 108,OCO 102,000 15,000 6,000
13,282,000
FERMES des
postes et relais de France.
liv. 1,153,000 1,134,000
1,033, 1,333, 834 333, 333, 484, 150 150, 150,
000 000 000 000 000 000 000 000 000
20,000
7,107,000
FERME des droits de Sceaux et
de Poissy.
liv.
115,000
115,000
N. B. Il y a dans le Trésor royal pour environ 67 millions de rescriptions des recettes générales faisant partie des 111,585,000 liv. ci-dessus, et il doit en être fait déduction, ci..................................
Reste définitivement en anticipations, dont les assignats sont dans les mains du public.
TOTAUX.
liv. 22,096,000 21,422,000
16,931,000 21,052,000 25,904,000 18,004,000 21,473,000 18,635,000 19,858", 000 19,747,000 19,495,000 16,876,000
20,000
241,513,000
67,000,000
174,513,000
N° V.
FONDS D'AVANCE ET DE CAUTIONNEMENT.
Des administrateurs du Trésor royal, à S O/O.....
Des commissaires du bureau de la maison du Roi.
Des fermiers généraux, fonds d'avance......................... Intérêts à 5 0/0............................... 3,432,000 liv. Indemnité à raison de 2 0/0 sur 15,810,000 liv. seulement desdits fonds.....................
CAPITAUX.
68,640,000 liv.
Des employés des fermes.
Anciens cautionnements...................... 17,985,200
Nouveaux —
316,800
',985,200 9.156,800
{27,142,
000
Intérêts des anciens cautionnements à 4 0/0.... 719,408 Intérêts des nouveaux — à 5 0/0 .... 457,840
95,782,000 liv,
INTERETS.
3,748,800 liv.
CAPITAUX
dus au premier janvier 1789.
6,000,000 liv. 2,500,000
1,177,240
4,926,048 liv.
Des fermiers des postes, fonds d'avance et de cautionnement à 5 0/0........
Des fermiers des messageries — — à 5 0/0........
Du fermier des aflinages des villes de Paris, Lyon et Trévoux, idem à 5 0/0.
Des régisseurs généraux, des aides et des droits réunis, à 5 0/0. Des employés dans ladite régie................................
95,782,000
8,400,000 1,100,000 300,000
Des administrateurs généraux des domaines et bois, des revenus casuels et du droit de marc d'or, à 5 0/0.....................
Des employés de ladite administration.
Anciens cautionnements à 4 0/0.....
Nouveaux — à 5 0/0.....
De l'administrateur et receveur général de la loterie royale de
France, et autres y réunies, à 5 0/0.........................
Des receveurs particuliers desdites loteries......................
CAPITAUX. INTÉRÊTS.
33,600,000 liv. 3,354,500 1,6SO,000 liv. 157,725
36,954,500 liv. 1,S47,725 liv.
33,600,000 liv. 70,000 6,492,900 1,680,000 liv. 2,800 324,645
40,162,900 liv. 2,007,445 liv.
3,203,000 liv. 7,400,000 160,003 liv. 370,000
10,600,000 liv. 530,000 liv.
Totaux.
36,954,500
40,162,900
10,600,000
INTERETS d'un an.
300,COO liv 125,000
4,926,048
420,000 55,000 15,000
1,847,725
201,709,400 liv.
2,007,445
530,000
10,226,218
N° VI."
OFFICES DE FINANCE.
Receveurs généraux des finances des
pays d'élection et pays conquis... 31,400,000 Receveurs particuliers des finances
desdiles provinces........../..........34,140,000
Receveurs généraux des finances des
pays d'Etats'........7.............1,424,000
Payeurs des rentes de l'Hôtel de Ville 24,000,000
Contrôleurs desdites rentes...........7,200,000
Trésorier payeur des charges assignés
sur les fermes.....,.,...........'. 500,000
Contrôleur dudit payeur.............50,000
Payeurs et contrôleurs des rentes de
l'ancien clergé...,,...................131,140
Grands maîtres des eaux et forêts.. : 5,280,000
Officiers des maîtrises.....................10,153,695
Trésoriers des offrandes et aumônes
dé Sa Majesté......................370,000
Officiers du point d'honneurv . .... 4,530,000
Total..:......................119,178,835
N° VII.
EMPRUNTS A TERMES FIXES
Dont le remboursement a été suspendu au mois d'août 1788.
Objets suspendus.
Echus en 1788 15,067,422 liv.
1789 57,000,000 (a) ?
1790............... 48,319,288 liv.
1791............... 43,501,800
1792 ............... 31,450,635
1793............... 29,920,234
1794 ............... 29,693,044
1795 ............... 22,415,082
1796............. • 18,353,969
1797............... 19,201,000
1798 ............... 9,550,000
•1799 ............... 9,617,500
1800............... 9,690,000
1801............... 10,017,500
1802............... 9,995,000
1803............... 15,560 000
1804............... 10,315,000
1805 ... ;........... 22,007,500
1806............... 10,102,500
1807............... 10,450,000
1808............... 10,555,000 *
1809............... 10,662,500
1810............... 12,410,000
1811........... 3,392,500
1812............... - 3,517,500
1813............... 3,645,500
1814.............. 11,582,500
De 1815 à 1835, à 50,000 Ih.paran 952,243
De 1815 à 1822............... 30,292,961
72,067,422 liv. 447,170,756
Objets suspendus...... 72,067,422
Total............. 519,238,178 liv.
(a) Non compris les 50,818,000 livres d'assignations sur les domaines et bois', suspendues.
Nota. Il se trouve dans les calculs du rapport quelques articles qui ne sont pas rigoureusement coufor: mes à ceux des états, parce que les fractions ont été supprimées lorsqu'il ne s'agissait que de fixer l'atten tion sur des sommes en masse.
On demande que le rapport et les tableaux soient imprimés et distribués.
Cette proposition est adoptée.
La séance de demain sera ouverte à neuf heures. La séance est levée à trois heures et demie.
Séance du
La séance a commencé par la lecture du procès-verbal de la veille, et des adresses suivantes.
Adresse de la ville d'Epernon, contenant félicitations, remercîments et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à celui concernant le don patriotique du quart des revenus de chaque citoyen.
Adresse du même genre des officiers municipaux de la ville d'Aigueperse.
Adresse du même genre des communes des vingt-Cinq municipalités composant la ville et châtellenie de Castillon-en-Couserans, pays de Comminges.
Délibération du même genre de la communauté de Barraux en Dauphiné : elle déclare qu'elle regarde comme traîtres à la patrie, et coupables du crime de lèse-nation, tous ceux dont les discours ou la conduite tendraient à exciter des soulèvements contre l'Assemblée nationale, ou à diminuer le respect, la confiance et la soumission qui sont dus à ses décisions.
Adresse de la communauté de Château-Renard, en Provence, où elle annonce qu'elle a fait porter à l'hôtel de la Monnaie l'argenterie de son église, pesant trente-neuf marcs : elle présente à l'Assemblée l'hommage d'une prompte et entière soumission à tous ses décrets.
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion de la ville de Louviers, en Normandie, laquelle demande une justice royale.
Adresse du comité national du bourg de Cam-bremer, de ceux des bourgs de Crevecœur, de Beuvron et Bonnebosq, et de plusieurs habitants des paroisses voisines, en Normandie, dans laquelle, pénétrés de respect et de reconnaissance pour l'Assemblée nationale, ils donnent leur pleine et entière adhésion à ses décrets : ils la supplient instamment de les autoriser à faire eux-mêmes la perception et le recouvrement des droits d'aides, de ceux des cuirs et boucheries, et d'en faire verser le montant au trésor royal.
Adresse de plus de seize cents citoyens signataires de la ville de Lyon, contenant une adhésion absolue à tous les décrets de l'Assemblée nationale : ils déclarent qu'ils regardent comme un attentat contre la nation toute manœuvre qui tendrait à affaiblir la confiance due à ses représentants, qu'ils n'oublieront rien pour découvrir les ennemis de la patrie et du monarque, à l'effet de les dénoncer et d'appeler sur leurs têtes coupables l'éclatante vengeance des lois.
Adresse du comité permanent de Bourbon-l'Ar-chambault, contenant félicitations, remercîments,
et adhésion au?: décrets de nationale,notamment à celui cpncej'natttïa cotitribujion patriotique du quart des revenus.
Cétte lecture faite, il a été exposé qu'il s'était é|pyé quelques difficultés entre les députés des marcW-eomniunes dé Bretagne et de Poitou, et èêux de ces deùx provinces, sur la démarcation de leurs départements respectifs, et que les uns et las àptres demandaient qu'on les renvoyât devant le Comité de constitution pour y être "jugés 5 l'Assemblée à prononcé ce renvoi.
On a démandé qu'on joignît au Gomité de constitution quatre commissaires pris dans celles des provinces qui n'ont aucun intérêt dans la contes-tation, et qUe le décret fût éommqn à toutes celles qui seraient dans le même cas ; ces deux propositions ont été adoptées.
a dit qu'au nom de {'Assemblée nationale, il remercie Je Roi des soins qu'il a bien voulu prendre pour reprimer lés écarts du parlement de Metz. Jl ai opte qu'il a présenté le décret relatif â cë pàrléméfit, et que Sa Majesté a promis de le prendre, sans délai en considération.
On reprend l'ordre du jour concernant les bases -de la représentation, articles relatifs juœ assem-blées administratives.
, au nom du comité de constitution, donne lecture d'une sérié d'articles.Le premier et le second sont ainsi conçus :
« Art.., Chaque administration, soit de département, soit de district, spra permanente, et les membres en seront Fenouvélés par moitié "tous les deux ans, ia première fois au sort après les deux premières années d'exercice, et ensuite à tour d'ancienneté. »
« Art... Les membres des assemblées administratives seront en fonctions pendant quatre ans, à l'exception de ceux qui sortiront, par le premier renouvellement au sort, après les deux premières années. »
Ces deux articles sont adoptés sans discussion.
Un autre article est ainsi proposé :
« Art:.. Apr^s avoir nomipé les dépptés à l'Assemblée nationale, les électeurs de Cnaquë département, choisiront les membres pour l'administration du département. »
fait une motion tendant à ce que lès assemblées de district nomment les meiphres de l'àsseiïibiée de département.
Il paraît que, pour la nomination des membres de l'administration de département, le comité renonce à la combinaison des trois bases. Je réclame cette proportion, et, commit avocat des campagnes, j'insiste surtout sur l'influéncè à accorder ^ l'étendue du territoire. Je demande donc que le district concoure à l'élection des membres de l'administration du département, à raison de sa population, dé sa contribution et de son étendue.
Vous avez arrêté qu'il n'y aurait pas deux degré3 intermédiaires et, par ëe moyen vous vpus êtes iptér^it la faculté de combiner les trois basés pour l'élecition aux assemblées de'dé-partement.1
Ç^est surtout pour les élections relatives à l'administration des provinces
qu'|l faut conserver la triple base ; plus un territoire est étençlti, plus il demande de sdins.
En faisant usage de la triple base pour la ^présentation, on donnera lieu à un double emploi, puisque le nombre des districts sera déterminé en raison de cette triple propor?-tion.
Je n'pxamine pas la proposition dé M. de Tracy, et je me borne à vous poser une question qui n'est pas sans importance. Si vous confiez à une même assemblée le so|n de députer à ^Assemblée nationale et à l'assemblée dé département, ne combineresc-vous pas ensemble deux pouvoirs qui deviendront nécessairement dangereux par leur réunion ?
l'ainé. En réunissant ces pouvoirs, on renforcera i'iatrigue du moyen bien simple de l'échange des voix 5 cet échange se fera en disant : Nommez-moi pour l'Assemblée nationale,je voùs nommerai potir celle de département,
demande que, pour être éligible pour rassemblée de département, il soit nécessaire d'avoir' été membre de l'assemblée de district.
L'Assemblée ferme la discussion et adopte l'article du comité ainsi que l'article suivant ainsi conçu :
« Art... Les électeurs du district, revenus au chef-lieu de ce district, choisiront les membres pour l'administration de leur district. »
donne lecture de l'article suivant.
« Art... Les administrations de département seront composées de trentê-six membres. »
láinél'a,ip,é. En établissant une administration on doit avoir toujours devant les yeux l'économie et la célérité de l'expédition des affaires ; or je demande si les trente-six administrateurs dont on propose d'ordonner la nomination auront une rétribution ? S'ils en ont une, cette dépense deviendra énorme ; s'ils n'en ont pas, ils ne pourront être pris que parmi les gens riches, et l'aristocratie renaîtra. Je demande encore s! l'ôïi croit qu'un aussi grand nombre d'administrateurs n'occasionnera pas une grande lenteur dans les opérations.
Je demande que le nombre des administrateurs soit réduit à dix-huit.
Dans l'état actùel des choses, les personnes ep eiat d'administrer les affaires publiques sont très-rares, aussi je prépose de fixer à, 24 le nombre des administrateurs de département.
On a demandé si les administrateurs de département seraient payés? Les28 membres composant le conseil feront leurs fonctions gratuitement. Les huit autres seront appointes.
l'aîné. C'est où j'attendais le comité de constitution. Je soutiens que siv sur 36 administrateurs, huit seulement reçoivent des honoraires, les 28 autres qui composeront Ce qu'on appelle le conseil du département ne seront autre chose que les individus les plus opulents et les plus riches d» pays. L'homme vertueux et capable n'aura pas toujours la faculté de pouvoir consacrer un mois de. son temps à la chose publique.
Je conclus donc à ce que tous les administrateurs soient payés également pour éviter l'aristocratie des riches, qui ne manquerait pas de s'introduire dans les assemblées de département, si l'on adoptait le système du comité de constitution.
L'administration provinciale de la haute Guyenne était composée de cinquante-deux personnes, et elle a toujours été au moins suffisante. Cette province sera au moins divisée en deux parties ; et en suivant cette proportion relativement au département, il est certain que le nombre proposé par le préopinant paraîtra convenable.
Les émoluments à accorder aux administrateurs doivent être bornés aux déboursés. Le nombre dés administrateurs doit être considérable, sinon on concentrerait dans peu de personnes une autorité dangereuse, puisqu'elles auraient toujours à leur disposition des faveurs et des grâces.
L'expérience doit aussi être notre guide. Dans les projets qui ont été faits par tous les ministres, pour l'établissement des assemblées provinciales, la proportion que présente Je comité a toujours paru nécessaire. J'adopte l'article tel qu'il est.
Il faut sacrifier la considération de l'économie à l'avantage essentiel de multiplier les soutiens et les défenseurs du peuple. D'après cette vue, loin de demander la réduction du nombre trente-six, je pense qu'il doit être porté à quatre-vingts.
En Bretagne, le petif nombre des administrateurs a conduit à l oppression du peuple. Je demande que les membres de l'administration de département soient au nombre de soixante-douze.
L'article qui vous occupe est très-important pour la nation. 11 donne lieu à trois observations : premièrement, il ne faut faire de l'administration du royaume, ni la source d'un impôt, ni un objet de cupidité ; secondement, les assemblées les plus nombreuses sont toujours les moins actives ; troisièmement, autant le grand nombre peut éloigner les injustices générales, autant il peut faire des injustices de faveur qui sont plus dangereuses encore.
En adoptant quelques-unes des propositions qui vous sont faites, la France régénérée renfermera cent mille administrateurs, et ce nombre inouï se trouvera égal à celui qu'emploie la fiscalité. J'adopte l'article du comité.
, député de Bigorre. Je demande la question préalable sur tous les amendements.
La question préalable mise aux voix est adoptée.
L article du comité est adopté sans modification.
donne lecture des deux articles qui suivent,' proposés par le comité :
« Art... Les administrations de district seront composées de dix-huit membres.
« Art...-Chaque administration de district sera divisée en deux sections, l'une sous le nom de; conseil de district, l'autre sous celui de direc- I toire composé de quatre membres. > 1
Ce nombre doit être proportionné à l'étendue du district; nous devons en laisser la détermination aux électeurs.
Je regarde comme très-important d'établir les administrations de district, de manière qu'elles soient entièrement subordonnées aux départements. Il faut les considérer comme les yeux et les bras de cette dernière administration, et les réduire à l'état de simples commissions, qui seraient composées de sept personnes.
Quand une administration est trop nombreuse, les membres qui la composent se reposent les uns sur les autres, et la négligence naît de cette confiance. Je crois convenable de réduire à neuf le nombre proposé par le comité.
J'adopte d'autant plus volontiers cette opinion qu'elle peut donner un député par canton, et qu'il est très-essentiel que chaque canton soit représenté.
L'intention du comité est de diviser le nombre des administrateurs de district en deux parties ; l'une formerait un conseil d'administration, l'autre un directoire d'exécution. Je n'admets ni cette division, ni le nombre proposé par le comité. Je réduis ce nombre à neuf. Trois de ces administrateurs seraient nommés directeurs de district, et exécuteraient sous les ordres immédiats du département; les six autres seraient chargés de préparer les matières et les considérations à soumettre à l'assemblée du département.
Les districts des divers départements seront inégaux en nombre. Je demande qu'il y ait cinq électeurs dans chaque district, si le département est divisé en neuf parties, sept s'il l'est en six, et neuf s'il l'est en trois. .
Le comité propose un conseil d'administration dans chaque district, parce qu'en effet chaque district aura des travaux particuliers à faire et des établissements particuliers à créer. Vous avez accordé cet avantage aux municipalités : pourquoi le refuseriez-vous à une étendue bien plus considérable? Ou craint, dit-on, que le district ne s'oppose aux opérations du département ; mais si l'injustice de son opposition est apparente, il n'obtiendra rien ; si la justice en est manifeste, il aura eu raison de réclamer, et on aura bien fait de lui en conserver le moyen.
Les districts doivent être soumis au département pour l'administration générale, mais non pour l'administration particulière. Un certain nombre d'administrateurs est nécessaire pour l'un et l'autre de ces pouvoirs; il doit être borné à trois pour exécuter, à neuf pour administrer.
Les assemblées d'arrondissement ont très-souvent gêné les assemblées provinciales; celles de district pourront entraver les opérations de l'assemblée dé département. Il faut établir entre elles Une grande différence, qui ne peut exister que par le nom-
bre, puisque les citoyens qui composeront les unes et les autres seront égaux. Je propose de fixer ce nombre à neuf.
Vous avez décrété ce matin même que les assemblées de district se renouvelleront par moitié à une époque déterminée ; ce renouvellement ne pourra se mire si le nombre des membres de ces assemblées n'est pas divisible par deux. Je pense, d'après ces observations, qu'il doit être porté à douze.
L'opinion de M: le comte de Montmorency paraît rallier le plus grand nombre de suffrages.
la soumet à l'Assemblée, qui l'adopte et décrète :
« 1° Que les administrations de district seront composées de 12 membres; 2° que chaque administration de district sera divisée en deux sections; l'une, sous le. nom de conseil de district; l'autre, sous celui de directoire, composé de 4 membres. »
Cet objet réglé, le comité propose l'article suivant :
« Art... Chaque administration de département sera divisée en deux sections : l'une, sous le titre de conseil de département, tiendra annuellement une session pendant un mois, ou plus, si la nécessité des affaires l'exige, pour fixer les règles de chaque partie d'administration, et ordonner les travaux et les dépenses générales du département; l'autre, sous le titre de directoire de département, sera toujours en activité pour l'expédition des affaires étrangères, et rendre compte de sa gestion au conseil de département. »
Je propose d'ajouter à l'article une disposition portant que le compte rendu tous les ans, par ie directoire au conseil, sera chaque année rendu public par la voie de l'impression.
La durée de la session du conseil de département doit être fixée d'une manière précise; je propose de la limiter à quinze jours.
Je demande au contraire jque la durée de la session soit portée à six semaines pour donner au conseil le temps d'examiner et de traiter les questions qui lui seront soumises.
J'ai un amendement ou plutôt une addition à présenter à l'article que nous discutons. Je propose de décider dès à présent que l'assemblée de département nommera six adjoints qui remplaceront, en cas de besoin, les membres de l'administration.
Je propose d'exclure de l'administration du département les parents des administrateurs à un certain degré et j'adopte l'amendement de M. Brunet de Latuque.
Je vois avec chagrin qu'on propose sans cesse de nouveaux moyens de gêner les droits "du peuples dans l'élection de ses représentants ;, ces droits ne doivent avoir d'autre règle que la confiance.
consulte l'Assemblée, qui décrète sur les deux premiers amendements :
« 1° Que le conseil de département pourra rester
assemblé pendant six semaines à la première, session et un mois au plus aux suivantes ;
« 2° Que le compte général du directoire au conseil sera rendu public par la voie de l'impression. »
L'article ainsi amendé est lu de nouveau et définitivement adopté en ces termes :
« Art... Chaque administration de département sera divisée en deux sections. L'une, sous le titre de conseil de département, tiendra annuellement une session pour fixer les règles.de chaque partie d'administration, et ordonner les travaux et les dépenses générales du département : cette session pourra être de six semaines à la première assemblée, et d'un mois au plus pour lés suivantes. - - '
« L'autre section, sous le titre de directoire de département, ! sera toujours en activité pour l'expédition • des affaires, et rendra au conseil de département un compte annuel de sa gestion, lequel sera, rendu public par la voie de l'impression. »
Il est important que le nombre des membres du directoire dans radministration de département soit fixé' sans retard, je propose de le porter à neuf.
, au nom du comité de constitution. Le comité vous propose de décréter l'article suivant :
« Art... Les membres de chaque administration de département éliront à la fin d.é leur premièré session huit d'entre eux, pour composer le directoire; ils le renouvelleront tous les deux ans par moitié : lés 2'8 autres formeront le conseil de département. t>
L'article mis aux voix est adopté.r
Je demande qu'il soit décrété :
Premièrement, que les parents ou alliés jusqu'au second degré inclusivement, ne puissent, être en même temps membres de la même assemblée d'administration; / , -
Secondement, que chaque assemblée d'élection nommera un suppléant pour chaque député à l'Assemblée nationale et aux assembléës d'administration et que les suppléants n'entreront en activité qu'en cas de mort ou de démission d'un député.
On fait observer que ces demandes s'écartent de l'objet du travail de la séance. Elles sont ajournées à lundi prochain.
a dit que des circonstances particulières te déterminaient à proposer à l'Assemblée les deux articles suivants, sur lesquels il croyait nécessaire qu'elle prononçât sans délai:
Art. Ier. Les représentants nommés par les cau-tons pour l'administration du district ne pourront jamais être regardés que comme des représentants de la totalité du district, et non d'aucun canton en particuliér; les représentants à l'administration de département ne pourront jamais être considérés que comme les représentants de la totalité du département.
Les représentants nommés dans les départements à l'Assemblée nationalé ne pourront jamais être regardés que comme les représentants de la totalité des départements, c'est-à-dire de la nation entière.
Art. 2. En conséquence, les membres des administrations de district ou de département, non plus que les membres de l'Assemblée nationale,
ne pourront jamais être révoqués, et leur destitution ne pourra'être que la suite d'une forfaiture jugée.
Ces deux articles sont décrétés à une très-grande majorité.
On demande que le président les présente à l'acceptation du Soi immédiatement après la séance.
de Sàint-Jean-d'Afigëly. céttë présentation doit être faite à l'instant»
L'Assemblée se range ^ cet âvis.
annonce que dans la séance du soir on discutera l'affaire des .états provinciaux du Cambrésis et celle des colonies.
, l'un dés prédécesseurs du président; remplacé eë dernier au fauteuil.
L'Assemblée passe à l'ordre du joilr de deux heures.
se présente à la tribune .et donne lecture du rapport suivant, au nom du comité militaire, sur la manière de recruter ràrmée (ij :
Le système politique de là France he dbit point être sans doute de faire des conquêtes; mais entourée de voisins puissants qui entretiennent çohs-tamment siir pied des armées si considérables, qué la paix ne peut être regardée, poufSinsi dirë, que commé line suspènsipn d'hostilités, sa prudence ët sa sùrefe exigent impériètisèment, non-seulement qu'elle ait toujours urt état dé forces suffisantes pour leur ënimpbsér ëtpotirsë défendre, mais encore que cette puissance militaire, réduite pendant la pâix àtix simples besoins du service, puisse être augmentée facilement d'un moment à l'autre dans la proportion nécessaire pour aller au-devant des ennemis, les attaquer dans leur propre pays, et les empêcher, par là, de pénétrer dans nos provinces frontières et de les dévaster en y établissant le théâtre de la guerre.
Nous aurons l'honneur de mettre incëssàm-tnent sous vos yeux, nos réflexions sur la ftirce nécessaire de l'armée active à entretenir eh tout temps, siir lé pied auquel il faudrait la porter en cas dè guérre, ét sur la composition dé l'armée auxiliaire, inactive pendant là paix mâis tok-» jours prête au premier signal,à fournir les moyens cl'augmentatioU que leé circonstances de guerre pourraient rendre indispensable. Ces deux ar~ mées vous paraîtront sans douté nécessitées par notî'ë situation politique; par nos rapports avec nos voisins, et par la position même de nos frontières.
Mais, avant d'entrer dans ces détails, 11. est dëfe bases préliminaires! à établir, sans lësquellës noils
îie pourrions ihâr^f quw Mèafti.
La CQnstitntion à donner à l'armée, les détails qui en font la suifé, et la fixation des dépenses qu'elle, doit occasionner, depêrident essentiellement des moyens | employer pour sa formation et pour son entretien : c'est à vous, Messieurs, à prononcer sur ces moyens.
Comment l'armée sera-t-elle recrutée?
Tout citoyen doit contribuer proportionnellement^ et sans exemption, à toutes les charges publiques; é'est pailr lui; hë^sëtolemëttt un devoir, îîiais tin droit. Cè principe dicté par là justifie, faisant essentiellement la basé de tout contrât Social,* â été cOn§âcrê par Vos décrets. L'entretien dé l'armée ë§t une charge publique ; tout citoyen doit donc y ëoncourir de sa persohné ou de sa fortune. Çé Brihéipë, ainéi posé, établit deux manières dë pourvoir à l'entretien dé l'armée s la première, par Un Service personnelj auquel chaque Citoyen serait obligé, soit en personne, soit par un représentant avoué ét fourni par lui; la seconde, par des enrôlements Volontaires à prix d'argent, 'àii moyen desquels ceux qui voudraient ëer¥it*, recevant la sëifimë fixée pour leurs enga-mehts, ëpr lëS fonds des contributions aux charges publiques, fournies proportionnellement par tous les citëyëfls, acquitteraient ainsi à leur ùê~ charge le service personnel réellement dû par chaciin.
Nous allons mettre successivement soits VOS yeux les avantages et les inconvénients de ees deux moyens : ils fiehnent trop essentiellement à l'ordre civil, puisqu'ils intéressent la population, pour que nous rie nous permettions pas dé Vous lés présenter avec tous les développements dont il nous ont pârU susceptible^
SERVICE PERSONNEL;
Le service personnel exigé dè tous les citoyens, soit eh personne, soit par un représentant avoué et fpurm par eux (car il paraîtrait juste d'acçor-corder cétte facilité à ceux qrie leui?s âffaifës.lëurs habitqdeë et leur genre de vie même rendraient peu propres Ou peu disposés au métier des armes) réUhirait Sûrement de très-grands avantages. En fixant, avec toutes les précautions nécessaires* les moyens de l'inscription à faire sur des registres publics, à tenir àéètéflëtî de tous les citoyen^ san| aUCUhé exemption quelconque qué celle du mobârque ét de l'héritier présomptif de sa couronne,en chargeant de ces détails et dé leur surveillance les municipalités et les assemblées prGyinciàlës,ën0rd6nnantîqùëce®ristèssèraient toujours tënùs publiquement pour éviter les abu^i èt ôtér toute possibilité dé favèUr, en déterminant la màttiête dont chacun serait commandé à soft tour; enfin en fixant, par des lois sages, tous les détails qui pourraient $ êtf*e relatifs} l'exécution d'iifi pârèil système pourrait n'être pas très-difficile. - j,
En ptërfflinânt à quatre ans la durée du service personnel, il en résulterait une charge bien légère pour chaque individu: D'après lës calcillfe de populatîcm du royaume, on ose assurer que, rfiêihë ëfi supposant dix années de guerre suHes Vingt oti Vingt-deuX ans pendant lesquels chaque individu pourrait être tenu à servi!*, auctih fié serait dans le caâ d'être Commandé Une sëdondë fois. Quatre années de service acquitteraient con-séquemfflent la dette de chèque citoyen envers la patrië, et cërtaiQetnënt ce sacHfitie ne doit pas paraître exorbitant à dfeS ccèurs français : un pareil moyep procurerait sans contredit à l'armée une ëlâiéë à'hëhiffiës mëilleUrë et plus sûre qùe celle qu'elle obtient du recrutement à prix d'argent, ëtt usage dans le système actuel} puisqu'elle ne serait plus composée que de propriétaires et de domiciliés, ou au moins de gens
avoués par eux, et) reconnus susceptibles de les représenter par les municipalités ou assémbléés chargées dé Cette surveillance. Les dépenses de l'entretien de l'armée diminueraient considérablement. Le citoyen servant personnellement ou par représentant serait soldé, mais ne serait plus acheté, et Cette dépense supprimée épargnerait au Trésor public 3 millions à peu près, auxquels montent à présent, tous lès ans, les frais dès enrôlements à prix d'argent. Le service personnel, exijgé sans exemption de tous les Citoyens, fodrnirait facilement à toutes lès augmentations successives que les besoins d'une guerre pourraient nécessiter dans l'armée. Toutes les classes des citoyens quelconques y contribuant, personne hç pourraitètrehuniiliéd'y être assujetti.Chacun ayant le droit de se faire représenter par un avoué, personne ne pourrait se plaindre d'être obligé dè se livrer à uhe profession à laquelle il ne serait pas appelé par son inclination. Eu composant l'armée de toutes les classes dés citoyens, oh rendrait au métier de soldat la Considération qu'il devrait avoir, uh meilleur esprit s'introduirait dans les troupes, et en limitant à quatre ans, au lieu de huit, le temps de service à faire par chacun, on diminuerait prodigieusement les funestes effets de la désertion. Elle tient principalement au ea*-ractèrë dû Français : il chérit la liberté, et calcule toujours avec peine le sacrifice trop long qu'il en-a fait souvent trop légèrement. Cette maladie fâcheuse, qui enlève à présent annuellement à l'Etat environ trois mille citoyens qui vont grossir a nos dépens les troupes de nos Voisins, serait par là bien diminuée, aàns le cas même où elle ne sèrait pas totalement détruite par cette réduction du temps forcé de service, et par l'amélioration du sort du soldat. Ènfin, en établissant que tous les célibataires marcheraient seuls, ou tout au moins en totalité, avant qu'aucun homme marié puisse être appelé au service, il èn résulterait que tel homme jouissant d'une fortune honnête, et qui par goût se serait déterminé au célibat, së marierait pour être dispensé de servir personnellement : ainsi cette loi militaire serait encore, sous ce point de vue, aUssi avantageuse à la population 4u'à la composition de l'armée.
Si Cette manière de recruter offre les avantages détaillés ci-dessus, elle peut aussi rencontre!* de grands obstacles dans son exécution ; et dans une question aussf importante et aUssi constitutionnelle, il est sage de ne pas se' décider avant d'avoir pesé même jusqu'aux plus légers inconvénients.
Pour établir avec équité la répartition dU service personnel sur tous les individus qui devraient y concourir, il faut qu'elle se fasse d'abord sûr foutes les provinces du royaume. Quelle projpor-lion conservera-t-on dans Cette répartition ? Serâ-ce celle de leur population ? Elle serait juste sans doute, si loué les individus quelconques de l'âge prescrit pouvaient marcher; mais Si l'On nè peut exiger le service que de ceux qUi auront la cotti-plexion et la taillé nécessaires au métier habituel des armeg, cette base cesserait d'être équitable : il. èst évident, d'après le relevé de là population militaire des différentes provinces, que te nombre des homme en état de faire la guerre n'est pas, dans chacune d'elles, dans le même rapport qUe leur population respective. Dans les provibees du nord dé la France, il n'existe qu'un septième des hommes que lëUr défaut de taille ou leurs infirmités mettent hors d'état d'être soldats, tandis que dans les provinëeêdu Midi, ils y existent sur
le piéd d'Un cinquième. Un homme petit et faible n'en doit pas moins, dira-t-on, contribuer aux charges publiques ; il pourra se faire représenter pàr un aVoué : cela est vrai ; mais, si sa fortune ne lUi permet pàfe cette dépense, il faudra donc qu'il marche en personne ; et si tous ceux qui sont dans Ce Cas composaient les armées, quel service en pourrait-on attendre? Premier inconvénient dp service personnel.
La pOpUlatibn de chaque province servant de base aU contingent d'hommes qu'elle devrait fournir, il eh résulterait que chacune d'elle contribuerait au recrutement de l'armée dans sa proportion respective avec les autres ; mais toutes h'ont point l'esprit également militaire, toutes par leurs habitudes actuelles ne se consacrent pas de même à cet état. L'expérience démontre que les habitants dU nord de la France sont non-seulement plus propres au service, mais encore qu'ils ont plus ae goût pouI* cet état, puisqu'ils y Contribuent dans une proportion beaucoup plus considérable pâr la voie des engagements volontaires. PoUr rendre cette Vérité plus sensible, nous allons vous rapporter des faits pris d'après les relevés comparatifs qui en ont été faits au mois de mai dernier, par l'auteur du mémoire qui vous a été présenté sur la population du royauittè. Ces faits sont constatés par le tableau qu'il en a dirigé avec toutes les connaissances qu'il a acquises, pâr un travail réfléchi, sur cette partie ihtérëssâttte, trop longtemps négligée, et.qu'il a, pour ainsi dire, tlréô du chaos dans lequel l'inëouciance et la négligence du gouvernement l'avaient laissée plongée trop longtemps. Il est démontré par Cë tableau, que les seize généralités du Nord, sur urtë population cOttnUé de 14,641,285 âmes, fournissent à l'armée 98,068 hommes, c'est-à-dire 1 sur 149 1/3, tandis qUe les quinze généralités du midi, sur une population de 10,420,598 àmës, n'en fournissent que 37,278, c'eèt-à-dii-é 1 sur 279 1/2j Si l'on avait obligé ces généralités du Nord et du Midi à fournir, chacune en raison de leur ffbpu-lation respectif, les 135,346 Français qui composaient réellement l'armée à cette époque, il en serait résdlté que lés seize généralités du Nord auraient dû fournir 79,070 homme, et les quinze généralités du Midi 56,276 hommes;' c'ëét-à-dire 18,998 hommes de moins pour les premières, et pareille quantité de plus pour les secondes; Les arts , le commerce , l'industrie ; PagricUlture même, ont pris dans Chacune de ces provinces, le niveau de la quantité de bras qu'elles ont à y employer. En suivant cé système, et d'après ces calculs, les seize provinces.du Nord seraient sUr-. chargées d.e l8,998 hommes qu'elles në pourraient occuper, et qui, portés par inclination au service militaire, iraient en chercher chez les puissances Voisines: car il n'est pas vraisemblable que les citoyens des provinces, répondant des avoués pâr lesquels il se feraient représenter, voulussent les choisir parmi des étrangers à leur canton; qU'ils ne bon naîtraient pas, ou qu'ils pussëht les jîrëndre dans d'autres provinces qui, voyant par là diminuer la masse de ieUrs contribuables au service personnel, ne vdUdraient pas certaibement le souffrir.
Les quinze prdvinces du Midi, au contraire, obligées de fournir Un nombre d'hommes excédant de beaucoup là proportion dans laquelle elles sont dans l'Usage .''de contribuer habituellement à présent au service, éprouveraient Un déficit considérable dans leurs travaux ordinaires, ce qui deviendrait très-préjudiciable à leurs
intérêts. Ce contraste, Messieurs, vous paraîtra encore plus frappant, si au-lieu de vous le présenter en masse, on vous en offrait l'application particulière à quelque provinces : par exemple, l'Alsace, sur une population de 65$,881 âmes, fournit par le recrutement volontaire 10,657 soldats ; par le service, personnel, elle n'en donnerait plus ,que 5,339, tandis que la généralité d'Auch sur 887,731 âmes, n'en fournit que 1,413, et serait obligée d'en donner 5,683. Combien de difficultés ne rencontrerait-on pas pour changer les habitudes de ces deux provinces, et y rétablir le niveau 1 Second inconvénient du service per-sonuel.
La majeure partie des recrues que l'on fait à présent sont composées d'artisans, d'ouvriers, presque tous habitants des villes, dans lesquelles ils passent successivément, en faisant ce qu'ils appellent leur tour de France ; lé besoin, le libertinage même les y font engager : ce sont des hommes déjà perdus pour les campagnes qu'ils ont abondonnées, et pour l'agriculture dont ils on craint les travaux. Errant continuellement de ville en ville, n'ayan t, pour ainsi dire, de domicile fixe dans aucune, ils ne pourraient être inscrits sur aucun registre public de service personnel; et cette classe d'hommes, étant, pour ainsi dire, perdue pour lui jcar aucun citoyen, sans doute, ne voudrait choisir parmi ces coureurs un avoué dont il répondrait) forcerait à enlever réellement aux campagnes plus de bras qu'elles n'en fournissent actuellement. Les villes, aujourd'hui, contribuent ainsi de près des deux tiers au recrutement de l'armée ; d'après les basés de la population elles en fourniraient à peine le cinquième : quel tort cela ne ferait-il pas à l'agriculture, non-seulement en lui enlevant des bras nécessaires, mais encore en dégoûtant de ses travaux dés hommes, qui en ayant perdu l'habitude pendant le temps de leur service dans 1',oisiveté des garnisons, y seraient peut-être peu propres à leur retour. Troisième inconvénient du service personnel.
La majeure partie des citoyens, accoutumée à un autre genre de vie que l'état de soldat, quitterait avec peine ses travaux, ses foyers, ses habitudes ordinaires; elle chercherait à se faire représenter. Chacun répondant de son avoué, ne voudrait prendre que quelqu'un dont il croirait pouvoir être sûr ; il voudrait choisir dans sa province, -dans son canton même. Les hommes dans le cas de servir ainsi, sentant la nécessité dont ils seraient, voudraient tirer parti du besoin qu'on aurait d'eux ; ils feraient la loi ; les gens aisés ne regarderaient pas à la dépense pour avoir un homme qu'ils croiraient sûr. En vain les ordonnances fixeraient le prix cles avoués, il s'établirait bientôt à un taux plus haut que celui auquel il serait déterminé. La généralité, de Lille, par exemple, engage pour ses milices actuelles. Chaque homme lui revient l'un dans l'autre à plus de 320 livres/tandis que les recrues de l'armée ne coûtent que de 120 à 130 livres. On voit par là que, si le Trésor public se trouve en apparence soulagé par la suppression des dépenses du recrutement à prix d'argent, dont il ne ferait plus les fonds, elles monteraient à des sommes bien plus considérables payées par les particuliers, ce qui reviendrait au même dans le fait, attendu que ce qui serait ainsi payé par eux particulièrement n'en doit pas moins être regardé comme une charge publique , qu'ils seraient obligés de supporter sous une autre dénomination. Quatrième inconvénient du service personnel.
Enfin, leservice personnel, quelques précautions qu'on prenne pour le répartir également, plaira-t-il à toutes les provinces? Les milices actuelles ne marchaient pas. Quel effroi cependant ce service, susceptible au plus d'être prévu, n'inspirait-il pas! combien de réclamations n'excite-t-il pas dans tous nos cahiers qui demandent sa destruction? Que serait-ce donc, si ces mêmes provinces, peu militaires, sans doute, et c'est le grand nombre, se voyaient assujetties lie droit à un service actif, et qui tirerait de leurs foyers des citoyens peu curieux de ce métier, ou les obligerait à se procurer, à prix d'argent, un avoué dont ils répondraient ! Pour établir le service personnel avec les avantages qu'on aurait droit d'en attendre, il faudrait changer les esprits, les habitudes, les préjugés de ces provinces ; et malheureusement une pareille révolution n'est pas l'ouvrage d'un jour : on ne peut espérer de la produire que successivement; et si l'on voulait mettre ce système en vigueur, avant qu'elle fût opérée, on exposerait l'armée à manquer de soldats dès la première année, et peut-être même verrait-on dans l'intérieur du royaume, renaître les mêmes troubles qui ont été occasionnnéà sous Louis XIV et sous Louis XV, par le rétablissement des milices. Ces observations méritent sans doute d'être pesées dans votre sagesse, et nous avons cru devoir vous les présenter. /
Le recrutement à prix d'argent, véritable représentation du service personnel, a sans doute aussi ses inconvénients, ses abus et ses avantages : il ne prive réellement les campagnes que des hommes que(la paresse ou le libertinage rendent peu proprés à ses travaux, et en arracheraient volontairement, pour aller chercher dans le tumulte et l'oisiveté des villes, un genre de vie plus propre à leurs inclinations. Il offre une ressource aux ouvriers, qui, manquant quelquefois de travail, seraient forcés d'employer tous les moyens pour leur subsistance, si celui-là ne venait pas s'offrir à eux dans ces moments. 11 ne les rend pas inutiles à leur profession, qu'ils peuvent exercer, quoique soldats. Il ôte aux citoyens tout l'embarras d'un service personnel rigoureusement dû par tous pour défendre leurs foyers, mais susceptible de leur paraître un attentat contre leur liberté lorsqu'il s'agit de les abandonner dans des moments de paix, qui ne donnent à craindre aucune hostilité, ou pour aller défendre des provinces qui, quoique faisant partie du même empire, semblent pourtant étrangères à leurs yeux par la distance qui les en sépare. 11 les délivre de l'inquiétude de répondre des avoués par lesquels ils pourraient se faire représenter. Enfin, étant volontaire, il ne pèse réellement sur aucune partie du royaume, puisqu'il n'enlève de fait à chaque province, pour ainsi dire, que le superflu de sa population; Voilà ses avantages.
Les moyens employés pour y parvenir sont vicieux, il est vrai : les recruteurs, peu délicats sur le choix des moyens, pourvu qu'ils procurent des hommes, favorisent le libertinage, et le provoquent même, par les engagements conditionnels qu'ils se permettent. Ils emploient la fraude, souvent la violence, toujours la séduction. Répandus en grand nombre, surtout dans les grandes villes, ils y trafiquent ouvertement des hommes, ils en établissent un commerce entre eux ; et cette manière de travailler, également immorale et fâcheuse pour les villes dans lesquelles ils sont établis, devient en même temps très-dispendieuse pour les régiments qui les emploient, et par con-
séquent pour l'Etat qui les paye. Mais ces incon-véniens tiennent plus aux abus qu'au moyen en lui-même : on peut les prévenir par des lois sages, en interdisant aux recruteurs les grandes villes, telles que Paris, Lyon, Bordeaux, Marseille, dans lesquelles, en raison de leur grandeur, se commettent les plus grands abus ; en chargeant leur police d'y faire elle-même les enrôlements, et d'y établir des dépôts dans lesquels les régiments lé plus à proximité se fourniraient; en affectant même, s'il était possible, des provinces au recrutement de chaque régiment en particulier, ou au moins en ordonnant que désormais les officiers, bas-officiers et soldats à employer comme recruteurs ne pourront l'être que dans les bourgs, villes ou provinces dont ils sont domiciliés, ce qui est facile, puisque l'armée est composée d'officiers et de soldats de toutes les parties du royaume. On remédierait à beaucoup de ces abus : des étrangers à un pays s'y permettent souvent des malversations que des compatriotes, ayant des intérêts à ménager, s'interdisent. Enfin, en enlevant, pour ainsi dire, les recruteurs à la discipline de leurs régiments, qu'ils reconnaissent seule à présent, et à laquelle ils trouvent si facilement le moyen de se soustraire, en raison de l'éloignement qui les en sépare, en les subordonnant immédiatement aux polices ou municipalités des villes dans lesquelles il recrutent, en leur prescrivant les moyens qu'ils pourraient employer, en les assujëttisant à des formalités rigoureuses et indispensables, leur ministère perdrait bientôt l'odieux qu'ils font rejaillir sur des corps, qui presque toujours les désapprouveraient, s ils étaient instruits de leur manière de travailler.... Mais toutes ces précautions pour empêcher les abus* appartiennent au détail de la loi. Si vous adoptez ces moyens, nous aurons l'honneur de les mettre sous vos yeux ; en attendant, nous ne devons ici que vous présenter ses avantages et ses vices.
L'espèce d'hommes procurée par les enrôlements à prix d'argent est encore un des inconvénients qu'on leur reproche. Elle est moins bonne, sans doute, qu'elle né serait si chaque citoyen acquittait lui-même sa contribution à la défense de l'Etat, par un service personnel ; mais, du moment qu'on permettrait à chacun de se faire représenter, quelque précaution que l'on pût prendre pour rendre le choix des avoués le meilleur qu'il serait possible, pourrait-on croire que l'espèce des soldats deviendrait différente? Ceux qui s'engagent à présent seraient les avoués des citoyens qui ne voudraient pas marcher eux-mêmes, et l'armée serait toujours, comme elle l'est aujourd'hui, à l'exception de quelques régiments qui se permettent de prendre tous les hommes qu'ils rencontrent, composée des fils, frères et parents de ceux qu'on regarde avec raison comme la classe précieuse de la nation, lesquels, par paresse ou libertinage, abandonnant lès travaux de la campagne, se consacreraient à ce genre de vie ; et la seule différence, peut-être, ainsi qu'il à déjà été dit ci-dessus, est que la dépense de leurs enrôlements, payée par ceux qui se feraient représenter par eux, coûterait plus cher qu'elle ne coûte à présent.
Le recrutement à prix d'argent ne peut pas fournir à l'entretien de l'armée; les régiments sont incomplets : c'est encore une objection qu'on fait contre lui. Ce ne sont pas les moyens employés pour faire les recrues, qu'il faut en accuser tout à fait; la principale cause de cet incomplet se trouve dans l'intérêt même des régiments.
Payés de leurs massés au complet quel que soit leur effectif r.éel, ils ont un grand intérêt à diminuer les dépenses, qui deviennent d'autant moins considérables en raison du moindre nombre d'hommes qu'ils ont à entretenir. Il existe des régiments qui n'ont aucun recruteur soldé, qui n'emploient pour ce service les officiers, bas officiers et soldats que dans les provinces même de leur domicile, qui ont par ces moyens seuls souvent excédé le complet, et qui y seraient "toujours si les intérêts de leur administration ne le leur interdisaient pas.
L'état du soldat amélioré par un traitement plus fort, par la proscription des minuties et de l'arbitraire de la discipline, rendu plus honorable par de nouvelles lois mieux appropriées au caractère de la nation, et par la certitude d'avancement qu'on donnera à ceux qui voudront embrasser cette profession, la considération qu'on pourra lui rendre pendant qu'il l'exercera, ou après qu'il l'aura quittée; les facilités plus grandes et moins coûteuses qu'on pourra lui donner pour l'abandonner avant la lin de son engagement, lorsque ses affaires l'exigeraient, contribueront sans doute à une meilleure composition, et à procurer des ressources d'hommes plus abondantes, en décidant à cet état, devenu plus honnête, une classe de citoyens que le système actuel devait nécessairement en écarter.
Telles sont, Messieurs, les observations que nous avons cru devoir vous présenter : c'est à vous à prononcer sur l'adoption d'un de ces deux moyens; l'un et l'autre sont indiqués dans les différents mémoires qui vous ont été distribués par leurs auteurs. Après les avoir discutés avec la plus grande attention et avoir vérifié tous les calculs des différents tableaux de population et de recrutement, rassemblés par les ordres de M. le comte de la Tour-du-Pin avec un soin d'autant plus digne d'éloges, qu'il est le premier des ministres du département de la guerre qui soit parvenu à mettre à fin le travail important des recherches comparatives sur la population des différentes parties du royaume, et sur les rapports nécessaires de l'ordre civil à l'ordre militaire ; nous nous sommes résumés à penser, ainsi que ce ministre l'annonce lui-même, page 3 de son mémoire :
1° Que le recrutement habituel de l'armée active devoit continuer à avoir lieu par des enrôle-mens à prix d'argent pendant la paix, et même le plus longtemps possible pendant la guerre, ainsi que pour toutes les augmentations successives que ces moments pourraient exiger, sauf les modifications de détail nécessaires pour détruire les abus des moyens actuels, et les améliorer en les appropriant davantage aux intérêts particuliers des provinces, et en les leur rendant moins à charge-; "
2° Que le service personnel obligé, susceptible de paraître attaquer en quelque sorte la liberté des citoyens, ne devait jamais être employé sans nécessité, et qu'on ne pouvait en faire usage que pour la composition des milices nationales destinées à la sûreté intérieure de chaque province, et tout au plus pour celle de l'armée auxiliaire, laquelle ne sortant pas de ses foyers pendant la paix, et n'étant assujettie à aucun servicè, doit être uniquement regardée comme une ressource dans des moments de danger, pendant lesquels chaque individu doit des efforts extraordinaires à la patrie, et même qu'on ne devait employer ce moyen pour la formation de cette armée auxiliaire, véritable remplacement des milices ac-
tuelles, que dans les cas où elle ne pourrait pas être formée par des moyens en argent, ainsi que je demandent presque tous nos cahiers.
Voilà, Messieurs, l'opinion de votre comité. Lorsque votre décret prononcé à ce Sujet nous aura fait connaître vbs intentions, nous aurons l'honneur de mettre sous vos veux nos observations sur les détails relatifs à l'Usà^e à faire de ces deux moyens, selon que VOUs jugerez à propos d adopter l'un ou l'autre, ou de les combiner ehsemblè. Nous attendons votre décision ; elle nous est indispensable pour nous mettre en état de vous présenter un travail sur l'organisation des armées actives et auxiliaires nécessaires à entretenir.
Ce que le comité vieiit dé présenter contient tout jau plus les vues de la moitié de ses membres; Plusieurs d'entre eux demandent à être entendus.
L'Asseihblée leur accorde la parole pour mercredi prochain.
L'impression du rapport est ordonnée. L'Assemblée prononce én même temps que le mémoire qui contient d'autres vues sera pareillement imprimé.
Il est indispensable d'entendre les députés de Lyon et le comité des recherches sur les troubles occasionnés par les entraves que la province de Bourgogne met à la libre circulation des grains.
On fait remarquer que l'heure est trop avancée pour commencer une affaire aussi longue»
La séance est levée.
Séance du
, député de Bretagne Je prie l'Assemblée de vouloir bien entendre la lecture d'une lettre que je reçois du comité permanent établi à Lorieut, à4loccasion de deux vaisseaux que la Compagnie dés Indes a achetés ou est à même d'acheter en Angleterre. Le comité témoigne des inquiétudes sur 1$ fermentation que cet achat occasionne dans l'esprit du peuple.
L'Assemblée nationale n'àyàtit encore rien statué sur ce (lui cbncèrqé la Compagnie des Indes, nous ne pouvons prepoiidér siîr les plaintes que i on formé contre elle due d'après les iois qui ont constitué feon régime iusqU à présent ef qui le constituent éticciré ; cette arfàïre est du ressort du pouvoir exécutif.
Sur cette observation, la réclamation est rën-vpyée au gouvernement.
Uhe lettre du ministre des finances m'annonce qu'il vieil t d'apprendre la convocation d'une assemblée à Diibn pour lé 23 de ce mois, dans laquelle doivent së trouver des , députés des muriicipalités de Bourgogne, fttitt de . s'occuper de l'affaire de l'approvisionnement de la ville de Lyon. Gétte question, pouvant termi ner â l'amiable, cesse d'être instante.
La question est ajournée.
L'ASssefflblée refuse dé l'entendre à cause des questions urgentes qu'elle a à examiner.
demandé à présenter quelques observations Sur le rapport du comité des Six, concernant l'approvisionnement de Saint-Domingue (7. ce document, annexé à là séance).
dit qtie la question n'eBt pas à l'ordre du jour.
L'ordre du jour appelle ensuite la discussion sur Vàrrêtépris par la commission intermédiaire, en bureau renforcé, dits Etats de Cambrai et du Cambré sis.
Vous avez décrété qu'il ne se ferait plus de convocation d'Etats par ordre, et qu'il serait sursis à toute assemblée de province, jusqu'à ce que, vous en eussiez ordonné le mode. L'arrêté des Etats du CambrésiS, convoqués en bureaux, renforcés et composés de six ecclé^ siastiques, de six nobles et de trois maires, est donc, sous ce seul rapport, illégal et contraire à vos décrets. Je ne qualifierai pas les expressions séditieuses qu'il contient, fit je me bornerai à demander que le pouvoir exécutif déploie touie sa iorçe pour faire rentrer dans le devoir çes particuliers sans mission ; que leur arrêté soit déclaré nul et de nul effet, et qu'il ieur soit défendu d'en prendre de pareils à l'avenir, sous peine d'être déclarés perturbateurs du repos public, et poursuivis comme tels.
Vous connaissez les termes de la délibération séditieuse des prétendus Etats du Garii-bjrésls. Cette province est nôn-seuiement la plus aristocratique, mais encore la plus théocratique du royaume: Voyez son réginié et vous né serez pas surpris de la protestation de ses Etats. L autorité repose entre les mains de M. l'archevêque de Cambrai et de quelques abbés réguliers. Les curés seuls, pasteurs utiles , y sont saqs représentation ; il y a un règlement fait par un grand vicaire, l'abbé de Calonne. Lés représentants dés communes sont les éhnemisides communes elles-mêmes. Ces représentants sont des maires, des écheyins nommés par l'archevêque et l'intendant, qui les révoquent à volbnté. Dès baillis nommés par les abbés renforcent çétte masse d'aristocratie, de manière que le peuple est sOUs |èidespotisme ët la féodalité, d'Une part; dé l'autre,il est livré aux attaques de la cupidité religieuse. Un pareil attentat pe peut rester impuni [lès Etats sonnent le tocsih contre l'Assemblée nationale Comme envahissant les propriétés ; je propose de mapdër à la barre les membres de ce bùreâu et de supplier le I\pl dé prendre les mesures nécessaires pour l'èxécution du décret.
Je Conviens que là Représentation est tout à fait vicieuse dans le Càm-brésis et qu'elle doit être réformée ; mais vos décrets n'ont point d'effet rétroaetif. Il faut considérer la délibération sous toUs lés rapports. 11 n'y a pas eu de convocation d'États ? mais seulement une assemblée de la commission intermédiaire qui n'a rien prononcé souverainemënt. Des placards de Charles-Quint font le droit public de cette province, conquise pâr Louis XIV en 1675 et qui a été réunie à la France avec sés capitulations.
Les membres de la commission bht seulement dit qu'ils fl'avàient pas donné de mandats pour
disposer des propriétés et qu'ils n'avaient déclaré les mandats nuls que pouf cet ôbjet, puisque Ces mandats portaient injonction de sQiJtenif leurs droits. L'Europe est garânte dii traité dé NimègUe et cette province prétend que lés biens ecclésiastiques sont garantis par ce traité ; je demande que l'Assemblée se fasse représenter les capitulations et le traité de NimêgUeY
Le préogiriaftl à pérdU de vue le principal objet dé la discussion, puisqu'il ne s'agit pas de la provitice dé Cambrésis, mais dé son bureau renforcé, et vraifxiejat aristocratique. ,
.(A ces mots des murmures et des appldudisse-tnèhts ironiques interrompent P orateur.)
J'invite rAssëfnblé âû Silence et au câl& qUi doiyént présider à lôlitës ses délibérations.
potirâuit : Au premier eoup d'oeil-on ne peut se défendre d'un mouvement d'indignation corilrë ces hommes qui, sans qualité légale, ont osé attaquer vos décrets. Le comble du délire de leur part,-est d'avoir tenté de révoquer les pouvoirs des députés qu'ils n'ont pas nommés et de les révoquer sans l'aveu des peuples qui ont chargé ces mêmes députes de détruire le régime actuel des Etats ; mais tant d'absurdité-ïait changer l'indignation en pitié. Les manderez-?0Us a là bârfô? mais ils sont moins coupables qu'ignorants :^i{s tiennent .en» core a tiép pfëjugés gothiques dont iis n'ont ptl sëCdUèrli jo'tig; lies lûthieMs f^)îhdt|fes dahs le royaume ne sont pas jusqu'ici parvëhties jusqu'au bureau renforcé du Lambrésis 1 Ce., sont des orgueilleux qu'il faut humilier et des ignorants qu'il faut instruire. Je propose de charger les députés dti Gapibrésis, ses Véritables défenseurs, d'écrire line adresse pour leur insinuer des sentiments patriotiques et des idées raisonnables.
L'arrêté du bureau renforcé des Etats du Gambrésis est attentatoire aux droits de la nation 1 -la réclamation qu'il Contient est fôiidée sUr des titres qui ddi-t vent disparaître devant l'intérêt général; et si Èét eXëmple dangereux était sufvi, biéfitôt la plupart des provinces, armées uë ISerfiblàhlès titres, viendraient s'opposer â Une 'Constitution qui doit améliorer leur sûft, en accôMârtt à tôu-të| les partië&de cet empiré de§ droits bien plus utilés quë lé§ pfivilégeé des provinces les plus favorisées.
Je ne ydUs proposerai point dé niaildèr â la flafre "les aUteurs d'Uâ arrêté àbsUMé et biâarre ilsiië ifiérient pas cet hbhUèflrf'niais ëdihtûe , pour l'intérêt de la patioq, leur attentat doit étre sévèrement puni, je pense qu'il fàUt renVoye^ ■Cette affaire aû QriàtBlet.
Si qqelqUeS provinces pouvaient réclamer dëS capitulations, dëS privilèges, ce êefàit surtdiil 1| province de Bretagne ; mais Cèltë province s'est fait un devoir d'en Taire ,1e sacrifice sur ï'aUtel dè la patrie.
pe qUël dfpit les États prétendus du C^mbrér-Sjs vlpnnënt-ils fëclarhéf leurs privilèges ?'Sont-ils Français du iidn ? S'ils ' sont Français. doivent-ils réclamer d'autres titres qUé le reste dès Français?..,
Nous âVôn^ poUSsê l'Indulgence, dans deux (Je nos décret!, asèèà lôïh pour fië point potirsuivre
rigoUreuserîiëiït les rebéllëS aux décrets dè l'Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés pat*^ le Roi ; mais une pareille indulgence peut avoir des suites funestes, Les prétendus Etats du Gambrésis ont fronde l'esprit de noS décrets, et nor tarnment celui relatif au biens du clergé.
, député dit Cambre'sis. Je ne crois pas qu'on puisse empêcher le bureau du Gambrésis de s'assembler comme bureau renforcé* attendu qu'il n'existe ftucutlB défense- ad hoc. Aucun des députés de la province n'a eu con* naissance des opérations du bureau et ils ont écrit aux merhbrës des Etats; Je propose donc en mon nom et au leur : l0 dë renvoyer l'affaire au pouvoir exécutlfi 2S de faire défense âu bureau intermédiaire de faire aucUhe ço'nvoeatioh.
Si un particulier, s'était rendu coupable d'un délit pareil, et qu'il fût cité au comité des recherches, bû ne bai an-Gerait pas à le traduire au Ghâtelet; et lorsqu'un corps, dont les actes sont d'uno bien plus grande influence, a commis ce crime, il est incroyable qu'on propose d'user d'indulgence;
On a proposé de renVô^er ï'af-faire au Ghâtelet ; renvoyer au Ghâtelet, c'est renvoyer à l'oubli. Le mandement de M, l'évêque de Tréguier a été dénoncé a cé tribunal et on n'en parlç plus. L'occiisiop ferait propjpe pour que le çQdàité de constitution donnât UU travail sur PorgafiijSatibn aUtribiiftal qdi dôiî juger les Crimes dé l|se^nation.
Je pehëe que l'Assemblée nationale doit déclarer les États de Cambrai et du Gambrésis et lë bureau .reû hàrcé desdits Etats incapables ■ dé représenter les habitants dé cette province et d'exprimer leur vœu; qu'elle doit déclarer la convocation dudit bureau renforcé e| la délibération qu'il a prise lé 9 dé cë mois, nulles, attentatoires à la souvéraiheté nationale et aux droits dès citoyèhs; qu'elle doif charger son pré1 sident de Se retirer devers le Rbi. pbur le prier dé faire rentrer dans J'ordrë les membres de cé bureau, ét dé fairé exécuter \eé décïets âë l'Assemblée dâïis la proviriCë d ji GaÉtirésiS; eflnn, réconimâiidër âûx Citoyens dë la province du Cambrésis de persister dans le mâlhtlende l'ordre et de la tranquillité publique.
Trois motions principales ont été faites et plusieurs projets d'arrêtés présent tés. Lea trois principaux sont ceux de MM. Treil-hard, le Ghapôliôr et Barnave. Je vais les soumettre à l'Assemblée,
1er projet, par m. treilhard.
i L'Assëtnblée nationale, considérant qué là Convocation des prétendus Etats du Gambrésis, en bureau renforcé, et la délibération prise par ce bureau le neuvième du présent mois, sont attentatoires à ses dëCfëtS ;
« A décrété, qde lé président se retirerait par devers le Roi pour supplier âa Majesté de déployer dans cette occasion le pouvoir exécutif dont elle est revêtue: en conséquence de déclarer là convocation desdits "prétendus États ëtl bureau renforcé ef; la dëliliératiùn qt)i â âUiVi, nÙlfes et dé nul effet; faire déférisë a tOUtéë persoti|lëi de faire de pareilles convocations et ue prendre â l'avenir des délibérations SerliblablëS, sous peiné
d'être poursuivis comme perturbateurs du repos public. »
2e projet, par m. le chapelier.
« L'Assemblée nationale considérant que l'arrêté des soi-disant Etats du Gambrésis est attentatoire à la souveraineté de la nation, et contraire à la tranquillité publique :
« Décrète que ledit arrêté sera remis au tribunal provisoirement établi pour connaître des crimes de lèse-nation, afin que l'officier chargé des fonctions de ministère public, fasse toutes poursuites contre ceux qui seront prévenus d'avoir été les auteurs et moteurs de rassemblée et de l'arrêté des soi-disant Etats du Gambrésis, et que le Roi sera supplié d'employer son autorité pour dissiper cette assemblée illégale, et en empêcher toute autre de même natore.
« Enfin, l'Assemblée nationale invite le peuple du Gambrésis à garder la plus grande modération, à laquelle le peuple doit d'autant plus se porter, que l'Assemblée nationale se charge de poursuivre au nom de la nation l'attentat commis contre elle. »
3® projet, par m. barnave.
« L'Assemblée nationale déclare que lés prétendus Etats du Gambrésis, et le bureau renforcé desdits Etats, sont incapables de représenter les habitants de cette province, et d'exprimer leur vœu; déclare la convocation dudit bureau renforcé, et la délibération qu'il a prise, le 9 du courant, nulle, attentatoire à la souveraineté nationale et aux droits des citoyens ; arrête que le Roi sera supplié de donner les ordres nécessaires pour faire rentrer dans l'ordre les membres dudit bureau, et faire exécuter les décrets de l'Assemblée nationale dans la province du Gambrésis, recommander aux habitants de cette province de persister dans le maintien de l'ordre et de la tranquillité.publique, et dans la confiance qui est due aux décrets de l'Assemblée nationale. »
La priorité est demandée pour ce dernier projet :
Elle est demandée par d'autres membres pour le second projet.
prend les voix pour savoir si le troisième aura la priorité; et soit que plusieurs meiùbres aient déclaré qu'ils n'avaient pas entendu, soit que la première épreuve ait paru douteuse, M. le président en fait une seconde, sur laquelle il prononce le décret portant que la priorité est accordée au troisième décret.
Mais dans l'instant des réclamations s'élèvent. Elles ont pour fondement que sur la seconde épreuve la majorité est encore douteuse; l'appel nominal est demandé, et cette demande combattue.
propose de mettre aux voix, par appel nominal, les deux motions, ou projets d'arrêté, en concurrence l'une avec l'autre.
On fait remarquer qu'on ne peut mettre deux motions aux voix, en même temps.
réclame la priorité pour le premier projet en supprimant la phrase portant : a que Sa Majesté serait suppliée de déployer dans cette occasion le pouvoir exécutif dont elle est revêtue. »
Divers membres réclament l'appel nominal sur la question de priorité.
D'autres membres demandent l'ajournement à samedi séance du soir.
L'Assemblée consultée prononce l'ajournement.
Je viens dé recevoir une note de M. le garde des sceaux par laquelle ce ministre m'apprend que le Roi a accepté les deux articles de constitution que l'Assemblée a chargé ce matin son président de présenter à Sa Majesté.
, membre du comité' des rapports, veut parler de l'affaire du district des Cordeliers ; mais d'après ses observations et celle de M. Duport, qui espérait voir renaître le calme entre les districts et l'assemblée de la commune de Paris, l'affaire a été ajournée à demain 2 heures.
lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour 9 heures et demie.
PREMIÈRE ANNEXE
Motion sur la situation de la province du Bugey, par M. le marquis de (/lermont-Ufont- Saint-Jean (1).
Messieurs, l'impossibilité d'obtenir la parole, et l'importance que peut avoir dans ce moment le mécontentement général d'une province, et surtout d'une province frontière, me force à user de la voie de l'impression pour vous faire connaître promptement ce qui se passe dans celle du Bugey, que j'ai l'honneur de représenter.
Cette province, ainsi que la Bresse, furent échangées en 1601 contre le marquisat de Saluce; par ce traité et celui de limite, faits en 1760, les souverains de France et de Savoie contractants ont respectivement garanti les droits, privilèges et immunités des habitants de ces pays échangés.
Dès cette époque, ceux du Bugey, glorieux d'être Français, en ont donné des preuves par leur soumission aux lois du royaume, leur respect et leur attachement sans borne pour les volontés et la personne du Roi.
Us en ont consigné la preuve la plus éclatante dans les cahiers donnés par les trois ordres de la province, à leurs représentants aux Etats généraux.
Chacun s'est empressé d'y renoncer aux privilèges particuliers ou pécuniaires, chacun a désiré, demandé et consenti une égalité nécessaire au bonheur public.
La province entière, pour concourir à atteindre ce but, a déclaré qu'elle renoncerait à la forme de son administration, si une nouvelle était généralement adoptée pour le royaume.
Mais en faisant ces sacrifices, et en renonçant à ces formes anciennes, elle s'est réservé le droit de s'administrer elle-même séparément, et sans division ni réunion.
Ce droit est le plus beau, le plus ancien et le plus cher de ceux dont elle a constamment joui ; et l'on peut dire que sa position, son étendue quoique circonscrite : l'air, le sol, le caractère de ses habitants, ses productions et surtout la nature des limites qui la séparent de ses voisins lui rendent son administration distincte et séparée nécessaire.
Aussi, Messieurs, la crainte seule de se voir réunir au département de Bresse a excité les plus vives inquiétudes dans les campagnes ; des municipalités se sont assemblées, et toutes ont consigné de fortes réclamations dans des délibérations qu'elles ont adressées à la commission intermédiaire, en la priant d'y joindre son intervention pour prévenir et s'opposer à une pareille réunion.
C'est dans celte circonstance, accompagnée d'une disette affreuse,-suite des fléaux qui ont ravagé cette année toutes les récoltes de cette province pauvre, même les années d'abondance, que M. le ministre des finances a adressé à la commission intermédiaire divers décrets relatifs au recouvrement des impositions, et notamment à celui de la contribution patriotique. Il l'invite à « employer l'influence qu'elle peut avoir dans la province, pour assurer l'entière et prompte exécution de ces divers décrets, d'où dépend le salut de l'Etat. »
Les membres de la commission intermédiaire, dont on peut garantir l'union, le zèle et les efforts pour le bien public, Viennent d'adresser à M. le premier ministre des finances, pour le mettre sous les yeux du Roi, et chacun de ses députés, pour vous en donner connaissance, un mémoire qui mérite la plus sérieuse attention et qui vous sera lu quand vous l'ordonnerez. Il démontre leur zèle, leur bonne volonté pour seconder de tous leurs efforts l'exécution des décrets de l'Assemblée et des ordres du Roi et pour concourir personnellement par toutes sortes de sacrifices au salut de l'Etat.
Ils assurent qu'il ne s'est fait encore que dix-huit cents livres de recette sur les impositions pour l'année courante, qu'il en est dû vingt-cinq mille d'arrérages de l'année dernière et que les seuls recouvrements certains à espérer prompte-ment seront ceux des rôles de supplément des privilèges sitôt qu'ils seront confectionnés; mais que la misère du peuple est si grande, et ses alarmes si vives sur leur administration, qu'ils craignent que leurs efforts ne soient vains pour la perception des impositions courantes et réelles de la contribution patriotique qui devra être prise sur le plus trict nécessaire, si Von ne rassure d'avance et promptement les campagnes sur leurs justes craintes.
Enfin, Messieurs, ils demandent sur ce point l'intervention de M. le premier ministre des finances auprès de vous, et chargent leurs députés de vous faire connaître le vœu de la province et de s'opposer de lous leurs efforts à toute division du royaume qui tendrait à incorporer ou démembrer l'administration de Bugey.
En conséquence, je déclare que je ne puis, non plus que mes collègues, y consentir, d'autant qu'il est facile de n'en faire qu'un seul département.
Réflexions de M. de Cocherel, sur le rapport du comité des Six concernant Vapprovisionnement de Saint-Domingue (1).
Mesieurs, j'ai lu attentivement le rapport de votre comité des Six, dont vous avez ordonné l'impression : par votre décret du mois d'août dernier, vous aviez chargé ce comité de recevoir les pièces respectives qui lui seraient remises par les députés du commerce et par les députés de Saint-Domingue. Le comité ne devait être composé, d'après votre décret, que de six membres de votre Assemblée, n'ayant aucun intérêt direct ni indirect à la question soumise à leur examen ; et cependant dans le nombre de ces six membres, on compte quatre négociants ; on en appelle à leur propre témoignage (2).
Lebut de l'institution de ce comité était de vous éclairer sur la demande provisoire des députés de Saint-Domingue, tendant à obtenir dans lous ses ports d'amirauté l'introduction des bâtiments des Etats-Unis, qui leur offraient dans ces temps calamiteux de disette, des secours, de farines que la France ne pouvait leur procurer.
Les députés de Saint-Domingue vous disaient alors hautement que les trois ports d'entrepôt ouverts dans les temps ordinaires aux Etats-Unis devenaient insuffisants dans des temps de calamité extraordinaire.
Ils vous annonçaient que ces trois ports d'entrepôt des ressources inévitables à l'accaparement tant de la part du gouvernement que des négociants de ces trois ports, et qu'il n'aurait pas été dès lors étonnant que les négociants de ces trois ports fussent d'accord avec M. de Marbois, intendant de Saint-Domingue, pour demander l'exclusion des autres ports d'amirauté, et que ce n'est que par cette raison que les négociants de3 autres ports d'amirauté n'ont été ni appelés ni consultés par les administrateurs, ce dont ils se plaignent amèrement, et ce qui prouve combien le témoignage du commerce du Cap, dont s'étaye M. de Marbois, est intéressé, et devient par là même suspect.
Les députés de Saint-Domingue vous ajoutaient que la faveur accordée à ces trois ports portait le caractère odieux d'un privilège exclusif au préjudice des autres ports d'amirauté, d'un privilège onéreux d'ailleurs à toutes les autres parties de la colonie, qui payent également les charges occasionnées par les précautions et mesures tendant à s'opposer à la contrebande, sans jouir du bénéfice accordé à ces trois seuls ports.
Les députés de Saint-Domingue vous disaient qu'ils étaient expressément chargés de réclamer contre cette injustice faite à leurs commettants en faveur des trois villes principales dont ils se trouvaient plus ou moins éloignés dans une étendue de position de 250 lieues de côtes; ils vous demandaient, en Conséquence, l'ouverture de tous les ports d'amirauté dans les temps de calamité, et la suppression alors des trois ports d'entrepôt
qui ne pouvaient leur être que d'une utilité très-dispendieuse.
Les députés de Saint-Domingue ne vous laissaient pas ignorer qu'ils avaient fait à cet égard les réclamations les" plus fortes auprès du ministre de la marine ; qd'il avaient sollicité en vain sa justice; que le ministre de la nîàriné lèur avait protesté que rien ne pouvait le décider à permettre l'ouverture des poris 4'amirautéj si vivement sollicitée par les propriétaires planteurs, que eé ministre leur avait ajouté que les principes prohibitifs dont les négociants dés ports de mer réclamaient l'exécution 'seraient toujours pour lui. des lois inviolables dont il ne s'écarterait dans aucun temps.
Ce refus obstiné avait déterminé les députés de Saint-Domingue à citer à votre tribunal le ministre delà marine, dont l'opiniâtreté tendait à livrer aux horreurs de la famine la plus belle de Vos possessions insulaires.
C'est dans ces circonstances que M. l'évêque de Langres éleva la voix, prétendit qu'il n'y avait pas lieu à délibérer, et proposa de renvoyer vers le ministre de la marine, é'est-à-dirê vèls M. le comte de la Luzerne,- son frère, les députés de Saint-Domingue pour obtenir l'objet de leur demande.
Je vous exposai alors, Messieurs, que cette de' mande de ,M. i'évéque de Langres renfermait un cercle viçieUx; en effet, vous disais-je, les députés de Saint-Domingue viennent se plaindre à votre tribunal du ministre de la marine et de M. de Marbois, l'un des administrateur^ de Saint-Domingue, et M. I'évéque de Langres vous propose de renvoyer le jugement de cette question à ce même ministre ; cette seule réflexion vous a suffi, Messieurs, et vOus avez parfaitement senti alors le piégé de la motion de M. I'évéque de Langres, et c'est par cette raison que vous avez jugé que les députés dé Saint-Domingue ne devaient point être renvoyés au pouvoir exécutif; c'est d'après Ce motif cfue vous avez décrété çfu'il serait nommé un comité de six de vos membres, pour examiner la question qui Vous était présentée, et vous en faire le rapport, afin de vous mettre en état de prononcer vous-mêmes provisoirement sur la plainte des députés de Saint-Domingue.
Comment donc ce comité peut-il proposer aujourd'hui de renvoyer au pouvoir exécutif la décision d'une cause doht vous vous êtes réservé la connaissance par un décret, et- que vous avez enlevée par cette raison au ministre de la marine, accusé à vôtre tribunal par les députés de Saint-Domingue?
L'accusé ne peut être et juge et partie dans sa propre cause, et c'est ce qui arriverait,^Messieurs, si vous pouviez vou3 décider, d'âprès l'avis du comité des Six, à renvoyer la demande dès députés de Saint-Domingue au pouvoir exécutif, c'est-à-dire au ministre du département de la marine, où aux administrateurs de Saint-Domingue qui ne peuvent agir et qui n'agissent jamais q[ue par la Volonté absolue du ministre qui les fait mouvoir à son gré.
Vous sentez d^illeurs, Messieurs, que si les députés de Saint-Domingue étaient renvoyés au pouvoir exécutif pour obtenir l'objet de leur demande, ils s'empresseraient de se rendre dès aujourd'hui même chez le ministre de la marine pour lui en demander l'exécution. Le ministre, d'après ses principes connus et manifestés, ne manquerait pas dë s'y opposer, et demain les députés de Saint-Ûominguë se Verraient encore
dans la nécessité d'interrompre le cpur's de yos travaux, pour vous faire lés mêmes réclamations et vous porter les mêmes plaintes du ministre de leur département ; alors vous nommeriez encore un nouveau corqité pour Examiner la denjaqfjé des députés de Saipt-^qmingue, ét pendant ce temps, cette province malheureusa dépourvue des secours de la France, verrait dans la cruelle impossibilité de profiter de ceux qui lui sont offerts çlans tous ses ports par les Etats-Unis ; pendant le temps qu'on délibérerait sur ses bes.qjps elle serait dévastée par le plus crùel çjes fléaux, ou elle serait forcée d'employer des moyens violents, mais fondés sur le droit naturel', pour se procurer des subsistances, nafpe qug lp plus impérieux dé tous les besoins ne' saurait s'allier avec Te respect pour les lôi§ prohibitives, devenues elles-mêmes la cause de ce besoin,
Je crois d'ailleurs, Messieurs, qu'il nè serait ni politique ni équitable d'abantjppner le sort d*pne grande pontrée I J'aFbitraire de deux a4raiqis-trateurs, en un mot 4e deux hommes susceptibles de passions, comme les autres hommes, de deux hommes qpi pourraient être séduits p$r le commerce toujours intéressé à soutenir le système prohibitif."
Eh quoi! Messieurs, c'est dans un moment qù vous travaillez à renverser les débris du despotisme que votre comité vous proposerait d'en raffermir le sceptre dans les mams deux administrateurs puissants; placés à 2,000 lieues de l'autorité suprême, qui ne pourrait jamais assez tôt déployer ses forces pour s'opposer à l'abus du pouvoir arbitraire; le crime se consommerait, et vous n'auriez jamais que la, triste et malheureuse ressource de punir, sans qu'il vous fut possible de sauver les victimes.
Mais ce n'est pas ici le moment, Messieurs, de combattre un système aussi étrange que dangereux dans les circonstances cruelles pô nous nous trouvons et de discuter les inconvénients qui pourraient résulter de l'abandon d'une autorité absolue en faveur des administrateurs (Tune colonie placée à 2,000 lieues de la métropole,
Ce n'est pas que je ne spis persuadé quç lp régime des colonies n'exige un pouvoir considérable, presque toujours en activité, mais il est des moyens d'organiser ce pouvoir ; ce n'est que dans les assemblées provinciales où doit se former le plan de notre constitution, qu'on pourra fixer avec sagesse les limites de cette autoriié
Nous croyons donc que ce n'est pas le moment de les déterminer, et que vous voudrez bien suspendre votre jugement jusqu'à l'examen d'un plan de constitution qui sera fait sur les lieux avec les connaissances locales, par nos commettants eux-mêmes et qui sera envoyé à leurs députés pour vous être présenté afin d'obtenir votre sanction.
En attendant, je deman4e qUe, vu l'impossibilité démontrée ou se trouve la colonie de Saint-Domingue d'obtenir des farines c(ê la métropole, obligée elle-même de s'en procurer chez l'étranger, Vous décrétiez provisoirement qu'il sera permis aux Etats-Unis de l'Amérique de porter et d'introduire dans tous lës ports d'amirauté de Saint-Domingue, les farines nécessaires à sa subsistance, avec pduvoir d en recevoir le payement en denrées coloniales, aux clauses et conditions imposées d'ailleurs par l'ordonnance de M. du Chilleau, et ce, jusqu'à ce qu'il en soit par vous autrement ordonné.
Je ne réponds pas,Messieurs, aux diverses objections du commerce à cet égard, parce qu'il m'a
semblé inutile de les réfuter avant d'avoir combattu l'avis de votre çoroité. Si cependant vous voulez me permettre de répondre aux objections qu'on pourrait me faire , j'engage MM. les députés du commerce à se présenter et à m'attaqqer ; mais je les prie de poser des principes,' et de les suivre avec ordre et méthode : en divisant chaque objection et en y répondant succinctement, la question sera bien mieux éclaïrcie que par un discours oratoire.
Je ne vous rappellerai donc pas, Messieurs, les divers mémoires instructifs que nous vous ayons remis sur là question agitée dans ce. moment ; je n'ajouterai qu'un moyen qui me paraît décisif pour déterminer votre jugement :
Ën 1778 , MM. d'Argout et de Vaivre, administrateurs de Saint-Domingue, rendirent une ordonnance qui permettait l'introduction des bâtiments neutres dans tous les ports d'amirauté de cette île, avec pouvoir de se charger en denrées coloniales.
Cette ordonnance n'a pu, n'a dû avoir lieu que pour prévenir une grande disette.
Si la crainte de la disette a été plus fondée dans la circonstance actuelle que dans celle de la guerre en 1778, une pareille ordonnance, devait plutôt avoir lieu dans, la circonstance actuelle que dans pelle de la guerre de 1778.
Or* il est évident que lq disette a été plus grande dans cette circonstance que dans celle de la guerre de 1778.
En effet, en 1778 la France ne manquait pas de farines.
En 1778, la France, fournissait des farines par des convois à ses colonies.
En 1789, la France a manqué de farines; elle ne pouvait donc en fournir à ses colonies; donc la disette est plus grande en cette circonstance qu'en 1778 ; donc, puisqu'on 17781es administrateurs ont cru devoir ouvrir tous les ports d'amirauté aux étrangers, à plus forte raison dans la circonstance actuelle où la disette est plus grande, les administrateurs devaient plutôt être autorisés à ouvrir tous les ports d'amirauté aux étrangers ; jene sais ce qu'on peut répondre à cet argument.
Il est donc évident, d'après cela, que M. le comte de la Luzerne, ministre delà marine, ne pouvait ni ne devait provoquer la cassation de la sage ordonnance de M. du Ghilleau, conforme à celle de Mi\L d'Argout et de Vaivre en 1778, sanctionnée par le Roi ;. et puisqu'il l'a fait, il doit compte à l'Assemblée nationale de ses motifs, et je demande qu'il vienne se justifier d'Une conduite qui tend à la perte de la plus florissante, de la plus riche des colonies françaises.
Mais les négociants des ports de mer avancent hardiment, pour le disculper, que MM. d'Argout et de Vaivre n'ont rendu en 1778 leur ordonnance que parce que les trois grands ports étaient fermés par les escadres anglaises, et qu'on ne pouvait être approvisionné que par les petits ports de la côte qui n'étaient pas bloqués.
Je demande 1° à MM. les négociants des ports de mer, dans quel temps de là guerre ils ont vu nos trois grands ports bloqués par trois escadres anglaises (1).
_ Nos trois grands ports sont le Gap, le Port-au-Prince et les Gaves ; je jes prie c}ë nûîûffiép l'époque de ces blocus et les noms de ces escadres. Ce nouveau trait historique est inconnu à tous les habitants dë Saint- Domingue, à tous les officiers de la marine française et anglaise ; il n'est connu que des négociants des ports de mer; ils l'ont imprimé avec assurance dans leur réplique aux députés de Saint-Domingue ; c'est à eux à faire connaître la vérité de ce fait.
Je demande 2° aux négociants des ports de mer comment i( se^it possible f(ue trois es? padres anglaises puissent bloquer les trois ports principaux de Saint-Dominguéj dont le premier est placé au nord, le deuxième àji sud, et le troisième à l'ouest, c'est-à-dire presqU'au centre de la colonie, sans que la communication des autres petits ports ne fût interceptée? Je qe pqis, en vérité, {n'imaginer que les négociants dès porfs de mer aient voulu parler sérieusement aux représentants de la nation, en leur débitant, dans un mémoire imprimé et revêtu dé 23 signatures, des assertions aussi singulières, pour ne rien dire de plus.
Je demande 3° aux négociants des ports dé mer, en quoi "le blocus des escadres anglaises aurait pu] nuire aux bâtiments neutres, $yèc qqi elles n'étaient pas en guerre, et auxquels, par cette raison, l'ordonnance de MM. d'Argout et dë Vaiyre avait permis l'entrée dans tous nos ports indistinctement.
Je ne puis en deviner la raison; MM. les négociants des ports de mer vous l'apprendront sans doute.
Je rqe permettrai de leur demander encore l'explication de ce système nouveau, celui des ports d'entrepôt, pour empêcher l'accaparement.
j'ai toujours cru au contraire que c'était un moyen infaillible pour l'exciter et l'encourager.
En effet, je suppose queJParis manque de farines ; je suppose que pour approvisionner Paris, le ministère ne veuille permettre aux fournisseurs étrangers d'introduire des farines que dans les ports de Marseille où du Havre, nô sera-t-il pas facile àux négociants de ces deux ports de former ce qu'ils appellent une spéculation, d'achetef de concert toutes les farines importées dans leurs ports, d'en cacher une partie, afin d'en occasionner la rareté, et d'en augmenter le prix par ce moyen ? Cette opération est simple, et ne pourrait avoir lieu si la permission d'introduire les farines était générale et s'étendait jusqu'à Paris, qui, par ce moyen, se trouverait soulagé des frais de transport, d'achat, de commission, etc.
Certes, cette seconde hypothèse offre ipoins de ressources à l'accaparement que la première, c'est-à-dire que celle de deux ou trois ports d'entrepôt.
Qu'entendent donc MM. lesjnégociants des ports de mer, quand ils nous apprennent qu'il ne faut avoir que la plus légère idée de commerce* pour être persuadé de leur principe ? Nous nous flattons encore qu'ils voudront bien nous le développer. Nous leur avouerons que nous sommes peu versés dans les principes commerciaux; nous pensons qu'il voudront bien en conséquence, nous pardonner nos erreurs.
Je finis, Messieurs, et je vais dissiper les
craintes que les négociants témoignent à l'Assem-blée nationale sur la ruine totale du commerce de France, si on permet, dans un temps limité; l'introduction des bâtiments des Etats-Unis dans nos port d'amirauté.
Je n'ai qu'un exemple à leur offrir pour les rassurer. Pendant les cinq années de la dernière guerre, tous les ports d'amirauté et autres ont été ouverts indistinctement à tous les bâtiments étrangers, même pour le cabotage ; eh bien 1 cette permission, quia duré cinq ans, a-t-elle anéanti le commerce français? l'a-t-elle frappé comme d'un coup de tonnerre, pour me servir des expressions des négociants des ports de mer ! non sans doute. Eh! pourquoi donc une permission provisoire, limitée et bornée à la vente des farines nécessaires à la subsistance de la colonie, et au retoiir en denrées coloniales, pour l'objet seulement du payement de ces farines pourrait-elle frapper, aujourd'hui, d'un coup de tonnerre le commerce français? Les lois prohibitives, exercées même dans des temps delà plus grande calamité, seraient donc les seules barres électriques, les seuls paratonnerres qui pourraient préserver de la foudre l'édifice de ces. trésors commerciaux.
Un second exemple que MM, lés négociants des ports de mer nous citent encore eux-mêmes, celui d'une pareille ordonnance à celle de MM. d'Ar-gout et de Vaivre, rendue en 1757 par M. le marquis de Vaudreuil et M. de la Porte-Lalanne, serait bien fait cependant pour dissiper toutes leurs craintes, et les réconcilier avec les députés de Saint-Domingue, qui se bornent à la demande d'unsimple provisoire pour les farines étrangères, et en reconnaissance de cette justice qu'ils appelleront, s'ils veulent, un bienfait, ils déclarent renoncer en faveur de la mère patrie, qui se trouve elle-même dans un état de calamité, à la portion de subsistances qu'ils ont lieu d'attendre de sa bienveillance.
Nota. MM. les députés du commerce, pour s'opposer au décret que sollicitent les députés de Saint-Domingue, attestent que l'île de Saint-Domingue est abondamment pourvue de farines, que par conséquent ce décret devient inntile.
MM. les députés de Saint-Domingue répondent qu'en admettant meme l'exactitude et la vérité des états de subsistances fournis par messieurs du commerce, contre lesquels cependant ils protestent, ils doivent conclure tout au plus, et MM. les députés de Saint-Domingue concluent avec eux, que l'abondance dss farines, sans doute étrangères, qu'ils annoncent, n'est due qu'à la «âge ordonnance de M. du Chilïeau, qu'elle en prouve même la nécessité ; donc il était déraisonnable et injuste d'en prononcer la cassation ; donc la prorogation en devient nécessaire ; donc les députés de Saint-Domingue sont fondés à en solliciter la prorogation, puisque les besoins de la France ne lui permettent pas encore de fournir à ses colonies leur approvisionnement ordinaire.
Séance du
, Vun des secrétaires, donne lecture du procès-verbal des deux séances de la veille.
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion de la commune de la ville de Cusset en Auvergne.
Adresse du conseil permanent de la ville de Nîmes. Il déclare qu'il s'opposera de tout son pouvoir à toute convocation d'Etats provinciaux et d'assemblée générale ou partielle qui ne serait pas faite conformément aux décrets de l'Assemblée.
« S'il s'est élevé, dit le conseil permanent de Nîmes, des doutes injurieux à notre province, n'imputez pas à tout le Languedoc ce qu'a produit dans la ville de Toulouse l'intérêt bien connu de quelques privilégiés, tentative infructueuse repoussée par tous les bons citoyens.
« Nous voyons avec plaisir et confiance le Roi et l'Assemblée nationale au milieu des braves Parisiens, qui trois fois ont soutenu l'édifice chancelant de la liberté, et qui, garants aujourd'hui de l'indépendance de nos assemblées, sauront respecter un dépôt que toutes les provinces surveillent. »
Adresse de trois religieux de l'abbaye de Saint-Calais, bas Vendômois, qui approuvent l'abandon des biens de la congrégation de Saint-Maur, fait entre les mains de l'Assemblée nationale, sous les conditions d'une pension viagère de 1,800 livres à chacun des sujets, et de l'nabileté à posséder les bénéfices-cures et à remplir les chaires de l'enseignement public.
Adresse du même genre, de cinq religieux de la même congrégation de l'abbaye de Saint-Flo-rent-le-Vieil.
Adresses de félicitations, remercîments et adhésion de Ja ville de Flavigny, en Bourgogne ; elle supplie l'Assemblée de s'occuper sans cesse de l'organisation des assemblées provinciales et municipales, et de rédiger au plus tôt les lois interprétatives des arrêtés du 4 août.
Délibération de la vallée d'Ossau, composée de dix-huit communautés en Béarn, contenant adhésion au^c décrets de l'Assemblée nationale. Elle renonce en conséquence à tous ses droits, privilèges et exemptions particuliers, espérant néanmoins que la nation maintiendra dans leurs provinces, leurs coutumes pour ce qui regarde les droits successifs.
Adresse de la communauté de Gaumont en Li-magne, renfermant l'adhésion la plus expresse à tous les décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse du même genre de la ville de Grisolles dans le haut Languedoc, qui demande une justice royale.
Délibération des communautés de Saint-Bonnet-de-Galaure, Ghâteauneuf, Ratière et-Saint-Avit en Dauphiné, contenant une adhésion absolue aux décrets de l'Assemblée et une protestation formelle contre la convocation des Etats de la province, et du doublement fait par la commission intermédiaire.
Délibération de l'assemblée municipale et électorale de la commune de Rouen, par laquelle elle improuve, de la manière la plus forte, l'arrêté de la chambre des vacations du parlement de Rouen, le regardant comme un attentat contre la nation, contre les habitants de la Normandie, que l'on a osé mettre en jeu dans un acte de cette importance, sans leur assentiment, et que l'on tente d'abuser en suggérant que des considérations de province doivent l'emporter
L'a municipalité de Rouen a député dèux de ses membres pour exprimer ses remercîments au Roi, à l'Assemblée nationale, et pour assurer - la commune de Paris de la satisfaction de celle de -Rouen dé voir le séjour du Roi et de l'Assemblée dans la capitale. La municipalité atteste encore à l'Assemblée que, si l'acte éclatant de sa justice -et la dénonciation de Sa Majesté ne lui eussent pas seuls donné connaissance de cet arrêt fait ;dans les ténèbres, elle se fût fait gloire de le lui -porter elle-même, et que, malgré les obstacles que lui impose un parti malveillant, elle ne cessera de donner à l'Assemblée des preuves de son -dévouement absolu pour l'exécution de tous ses décrets.
Adresse du comité permanent de la ville de ^Dieppe : dans laquelle il s'élève avec force contre » l'arrêté de la chambre des vacations du parlement de Rouen. L'adresse est ainsi conçue :
« Nosseigneurs, nos commettants attestent avec empressement, et avec tous les vrais amis de la liberté, les déclarations qui doivent en affermir la base, en portant les dèrniers coups à l'aristocratie sacerdotale et judiciaire,
« Vos décrets du 2 et du 3 de ce mois vous ont acquis de nouveaux droits à leur admiration et à leur reconnaissance ; toutes les craintes étaient calmées, toutes , les inquiétudes dissipées, et les patriotes voyaient avec joie qu'il n'existait plus -d'obstacle à l'établissement de cette égalité, de cette unité sociale, sans lesquelles il ne peut exister de véritable liberté. . « D'après cela, nos concitoyens n'ont pu voir qu'avec un sentiment de surprise et d'indignation 1 arrêté de la chambre des vacations du parlement -de Normandie, sous la date du 6 de ce mois, et si quelque chose a pu tempérer les sentiments dont les a pénétrés la lecture de cette production antipatriotique, c'est Tanathème dont un roi, l'idole de ses sujets et le restaurateur de leur liberté, s'est hâté de la frapper dès sa naissance. 4 « Comme Français, comme fidèles Normands surtout, il est du devoir de nos concitoyens d'annoncer^ la France entière l'horreur dont ils sont pénétrés pour les principes qui ont dicté un pareil arrêté, et leur attachement inviolable pour tous ceux dont le développement accélère une régénération entière,: dont les ennemis de notre bonheur et de notre gloire ne peuvent arrêter les rapides progrès.
. « Quoil la nation, par l'organe de ses représentants légitimement élus, aura manifesté sa volonté, le monarque aura sanctionné le décret qui la renferme, et lorsque cet acte sera revêtu de tous les caractères qui peuvent lui donner force de loi, une corporation sans mission, sans titre ni qualité, vient se permettre en transcrivant la loi sur ses registres,. des expéditions qui annoncent le désir de ressusciter des prétentions extravagantes et l'espoir de ramasser les débris d'un système qui, depuis plusieurs siècles, retenait les Français sous un joug aussi cruel qu'avilissant.
« Cette corporation croira, d'un côté, en transcrivant la loi, faire un acte d'obéissance ; et de l'autre, par la manière ambiguë dont elle s'exprime, elle se soustraira à la reconnaissance de la seule autorité légitime, pour profiter du premier moment favorable pour faire renaître d'odieuses prétentions et s'écrier alors qu'elle agit sans liberté, sans qualité et uniquement entraînée par la force des circonstances.
« D'un côté elle paraîtra n'écouter que le cri impérieux de la conscience; de l'autre elle croira
qu'il est de sa prodence de prévenir dé nouveaux maux par une sorte de flexibilité qu'elle n?a composée qu'avec le vil sentiment de la craîntë, èt le sentiment plus honteux encore dé son intérêt particulier.
« Elle ne craindra pas d'avancer que la plupart dés citoyens semblent volontairement frappés d'un aveuglement absolu, comme si une nation entière, longtemps malheureuse, longtemps esclave, pouvait se méprendre sur ses véritables intérêts.
(c Cette corporation fera parade d'une sortô de flexibilité et de prudence, sous le prétexte d'éviter des maux incalculables; et cependant elle allumera le feu de la discorde, attisera celui de la-sédition, en annonçant qu'un de vos'décréta ne tend qu'à établir plus que jamais l'anarchie dans le royaume ; et elle dénoncer ainsi les représentants de la nation à la nation elle-même pour tâcher de leur faire perdre une confiance méritée par des actes multipliés de dévouement, de patriotisme, de courage et de fermeté.
« Cette corporation enfin proclamera que ses membres périront plutôt que de consacrer les atteintes portées aux lois dont ils se disent les, dépositaires, et elle saisira-pour annoncer ce courageux dévouement précisément l'instant où elle transcrit Une loi qui blesse son orgueil et choque son amour-propre ; elle feindra d'oublier que, dès que la nation a choisi librement ses représentants, ils ont le pouvoir de changer, de modifier pour ses intérêts les lois existantes. Telles sont. Nosseigneurs; les réflexions bien naturelles et bien simples que produit sur l'esprit dé nos concitoyens l'arrêté, de là çhambre des vacations. Puisse la peine réservée aux auteurs d'une production incendiaire, inconséquente et irréfléchie, rassurer les amis de la liberté et leur apprendre que si la nation a trouvé dans cette auguste Assemblée des défenseurs intrépides de ses droits, elle y trouvera aussi de juste vengeurs.
« Pour nous, Nosseigneurs, éh manifestant dans cette occasion vraiment essentielle l'adhésion de tous nos concitoyens à tous vos décrets, nous protestons en leur nom que nous ne pouvons ni nous ne devons reconnaître d'autres représentants que les membres de votre auguste Assemblée, que nous désavouons hautement l'arrêté de la chambre dés vacations du parlement de Rouen du 6 novembre et que nous déclarons ennemis de la patrie, des droits et de la glçire de la nation, les auteurs et adhérents dudit arrêté, que nous livrons avec tous les bons Français à la honte, à l'indignation et au mépris public.
« Nous avons l'honneur d'être avec un profond respect, « Nosseigneurs,
c Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs.
« Les président, secrétaires et membres du comité permanent de Dieppe,
« Bauldryde Breteuil, président ; vasse, exprésident; S oison, secrétaire, etc. »
Après la lecture de ces adresses, on'introduit à la barre une députation de la ville d'Issoudùn ën Berry. ,
Les citoyens qui la composent présentent une adresse par laquelle ils assurent 1 Assemblée de leur sincère aqnésion à ses arrêtés e|à ies .décrets, ainsi que de leur soumission au payement dû quart de leurs revenus; de leurs soins pour faèilifer la circulation des grains et favoriser la perception
de l'impôt, pour le recouvrement duquel plusieurs d'entre eux se sont chargés d'assister personnellement les préposés de la régie; de plus, les citoyens d'Issoudun annoncent qu'ils se dépouillent de leurs boucles d'argent, lesquelles, jointes à quelques autres objets, font un montant d'en-1 viron 115 marcs; qu'enfin ils remplacent pour le moment leurs boucles d'argent par des boucles de cuivre, afin de donner un plus grand débit aux manufactures du royaume.
L'Assemblée nationale reçoit avec satisfaction l'assurance des sentiments patriotiques delà ville d'Issoudun et le témoignage de son zèle pour le soulagement des besoins ae l'Etat. Elle vous permet d'assister à la séance.
, député de Chaumont. L'exemple donné par les citoyens d'Issoudun ne doit pas être perdu; je fais le don de mes boucles et j'invite mes collègues de l'Assemblée à agir de même.
La ville de Bordeaux a déjà donné l'exemple qu'on nous propose aujourd'hui et si cette résolution dévient générale, elle produira au moins 120 millions.
L'Assemblée accueille la proposition deM. d'Ailly, par acclamation et décide que ses membres porteront des boucles de cuivre.
MM. les députés suppléants, présents à l'Assemblée, prient M. le président de leur permettre de faire le même don patriotique, ce qui est agréé.
, député de Sainte-Ménéhould, a annoncé, au nom des officiers du bailliage, du corps municipal et des citoyens de la ville de Sainte-Ménéhould leur ' reconnaissance, et leur respect, l'adhésion la plus entière et la plus formelle à tous ses décrets, et la plus ferme résolution d'en maintenir l'exécution; il a demandé la conservation de son siège royal, et a offert, au nom du comité patriotique de la ville de Sainte-Ménéhould, la somme de 3,?9tii liv. 19 s. 9 d. provenant des libéralités de toutes les classes de citoyens : il a demandé de plus, que l'état annexé à l'adresse, soit imprimé, , avec la liste des dons patriotiques, ainsi que la lettre de M. Ghamisso de Villè; ce qui a été agréé.
L'ordre du jour appelle la discussion du mémoire du ministre des finances pour convertir la caisse d!Escompte en banque nationale, sous la garantie de la nation.
Quelqu'un demande-t-il la parole? (Un grand silence se fait dans l'Assemblée. — Les orateurs semblent hésiter devant l'importance de la question.)
J'ai à soumettre à l'Assemblée quelques considérations sur lë plan du premier ministre des finances et un plan de banque nationale, mais il n'y a pas lieu de les produire à la tribune. Je les ferai imprimer et distribuer. .(Voy. ces documents annexés à la séance.)
répète sa question : Quelqu'un réclame-t-il la parole?
, entrant dans la talle. Je suis prêt à parler.
(Un grand silence se fait dans l'Assemblée.)
Messieurs, lorsque sur un établissement aussi important que la caisse d'escompte, on s'est expliqué comme je l'ai fait dans deux motions; lorsque l'une et l'autre de ces motions offrent des résultats infiniment graves et entièrement décisifs, surtout pour un peuple dont les représentants ont, en son nom, juré.foi et loyauté aux créanciers publics; lorsqu'on n'a été contredit que par de misérables libelles, ou des éloges absurdes, si ce n'est perfides, des opérations de la caisse d'escompte ; lors-qu'enfin une fatale expérience manifeste mieux tous les jours, combien sontcoupables les moyens extérieurs par lesquels mes représentations ont été jusqu'ici rendues inutiles, il ne reste peut-être qu'à garder le silence, et je l'avais résolu.
. Mais le plan qu'on nous apporte s'adapte si peu à nos besoins; les dispositions qu'il renferme sont si contraires à son but ; l'effroi qu'il inspire à, ceux-là mêmes qu'il veut sauver est un phénomène si nouveau; les deux classes d'hommes que l'on s'attend si peu à rencontrer dans les mêmes principes, les agioteurs et les propriétaires, les financiers et les citoyens, le repoussent tellement à l'envi, qu'il importe avant tout de fixer les principes, et de chercher au milieu des passions et des alarmes, l'immuable vérité.
Je me propose de démontrer, non-seulement les dangers d'une opération qui n'a aucun vrai partisans, mais la futilité de cette objection ban-nale dont on harcelle depuis quelques jours les esprits timides, ou les hommes peu instruits. Si l'on ne relève pas la caisse d'escompte, on n'arien a mettre a la place.
M. Necker est venu nous déclarer que les finances de l'Etat ont un besoin pressant de 170 millions. 11 nous annonce que les objets sur lesquels le Trésor royal peut les assigner d'après nos décrets, sont assujettis à une rentrée lente et incertaine ; qu'il faut, par conséquent, user de quelque moyen extraordinaire, qui mette incessamment dans ses mains la représentation de ces 170 millions.
Voilà, si nous en croyons le ministre, ce qui nous commande impérieusement de transformer la caisse d'escompte en une Banque nationale, et d'accordèr la garantie de la nation aux transactions que cette banque sera destinée à consommer.
Cependant, si nous trouvions convenable de créer une Banque nationale, pourrions-nous faire un choix plus imprudent, plus contradictoire avec nos plus beaux décrets, moins propre à déterminer la confiance publique, qu en fondant cette banque sur la caisse d'escompte ?
Et quel don la caisse d'escompte offre-t-elle en échange des sacrifices immenses qu'on nous demande pour elle?... Aucun... Nous avons besoin de numéraire et de crédit : pour que la caisse, puisse nous aider dans l'un ou l'autre de ces besoins, il faut que le crédit de la nation fasse pour la Banque ce qu'il a paru au ministre que la nation ne pourrait pas faire pour elle-même.
Oui, Messieurs , par le contrat que M. Necker nous propose de passer avec la caisse d'escompte, la ressource que la Banque nous offrirait porte tout entière sur une supposition qui détruit nécessairement celle dont le ministre a fait la base de son mémoire. Si la nation ne méritait pas encore aujourd'hui un très-grand crédit, nulle espèce de succès ne pourrait accompagner les mesures que ce mémoire développe.
En effet, M. Necker nous-propose, pour suppléer à la lenteur des recettes sur lesquelles le Trésor
royal a compté, de lui faire prêter par la banque nationale 170 millions en billets de banque. Mais quelle sera la contre-valeur de Ces billets ? où se trouveront les fonds représentatifs de cette somme ?
1° Vous créerez un receveur extraordinaire.
2° Vous ferez verser dans la caisse les fonds qui proviendront soit de la contribution patriotique, soit des biens-fonds du domaine royal et du clergé, dont la revente serait déterminée, soit enfin delà partie des droits attachés à ces deux propriétés, et dont l'aliénation et le rachat seraient •.pareillement prescrits.
3° Le Trésor royal fournirait sur ces objets des rèscriptions en échange des 170 millions de billets.
, 4» Elles seraient livrées h raison de dix millions par mois, à commencer de janvier 1791, jusqu'en mai 1792. £
Et quel serait, dans la circulation, le passeport de ces billets de banque, le motif de, la confiance que la capitale et les provinces pourraient placer dans l'usage de ce papier? Le crédit de la nation. Un décret spécial de votre part, sanctionné par le Roi, la rendrait caution de ces billets. Ils seraient revêtus d'un timbre aux armes de France, ayant pour légende ces mots : garantie nationale.
Respirons, Messieurs: tout n'est pas perdu; M. Necker n'a pas désespéré du créditde la France. Vons le voyez ; dans treize mois le nouveau receveur extraordinaire sera en état, par les divers objets que vous assignerez à sa caisse, d'acquitter de mois en mois, les rèscriptions que le Trésor royal aura fournies sur lui à la Banque nationale en échange des 170 millions qu'elle lui aura livrés en billets.
C'est donc nous qui nous confierons à nous-mêmes les sôit-disant billets.. Uniquement fondée sur notre crédit, la Banque daignera nous rendre le service essentiel de nous prêter sur le nantissement de nos rèscriptions, les mêmes billets auxquels notre timbre aura donné la vie et le mouvement.
Nous érigerons donc en Banque nationale privilégiée une caisse d'escompte que quatre arrêts de surséance ont irrévocablement flétrie ; nous garantirons ses engagements (et je montrerai bientôt jusqu'où va cette garantie) ; nous laisserons étendre sur le royaume entier ses racines parasites et Voraces. Nous avons aboli les privilèges, et nous en créerons un en sa faveur, du genre le moins nécessaire. Nous lui livrerons nos recettes, notre commerce, notre industrie, notre argent, nos dépôts judiciaires, notre crédit public et particulier 1— nOUs ferons plus encore, tant nous craindrons de ne pas être assez généreux: nous avons partagé le royaume en quatre-vingts départements, nous les vivifions par le régime le plus sage et le plus fécond que l'esprit humain ait pu concevoir (les assemblées provinciales) ; mais, comme si l'argent et le crédit n'étaient pas nécessaires partout à l'industrie, nous rendrons impossibles a chaque province les secours d'une banque locale qui soit, avec son commerce ou ses manufactures, dans un rapport aussi immédiat que son administration. Car enfin, Messieurs, le privilège de la nouvellé Banque fût-il limité à la capitale (ce qu'on ne nous dit pas), quelle banque particulière subsisterait ou tenterait de s'établir à côté de celle gui verserait dans la circulation des billets garantis par la société entière?
Tels sont les points de vue généraux sous lesquels se présente le contrat que M. Necker nous
proposé de passer avec la caisse d'escompte.
Et quelle urgente nécessité nous entràîne donc à de telles résolutions? Je le ' répète: la nécessité d'attendre une année potir commencer à percevoir 170 millions, dont la recette sera complétée 17 mois après.
Représentons-nous, Messieurs, un prince ennemi nous dictant ces mêmes lois, et se croyant sûr de nous y soumettre, parce que, faute de 170 millions, nous ne pouvons pas mettre én mouvement nos armées. Avec quel méprisant sourire nous repousserions ce lâche traité, et néanmoins nous épargnerions du sang en l'acceptant 1
Grâce au ciel, la caisse d'escompte ne nous obligera pas à en répandre : nous pouvons lui résister à moin de frais; nous n'avons à combattre que de vains fantômes, que de frêles so-phismes; câr n'oubliez pas, Messieurs, que la Banque proposée porte sur notre crédit, et notre crédit sur des recettes désignées; en sorte que si l'opinion publique n'embrassait pas ces espérances eomme des réalités, la caisse d'escompte n'y suppléerait point, et cet échafaudage s'écroulerait de lui-même.
Osons, Messieurs, osons sentir enfin que notre nation peut s'élever jusqu'à se passer, dans l'usage dé son crédit,, d'inutiles intermédiaires. Osons croire que toute économie qui provient de la vente qu'on nous fait de ce que nous donnons, n'est qu'un secret d'empirique. Osons nous persuader que, quelque bon marché qu'on nous fasse des ressources que nous créons pour ceux qui nous les vendent, nous pouvons prétendre à des expédients préférables, èt conserver à nos provinces, à tous les sujets de l'empire, (les facultés inappréciables dans le système d'une libre concurrence.
Quel sera le fruit de ce facile courage? De vaines inquiétudes sur la nécessité d'exalter la caisse d'escompte, se dissiperont. La question que vous avez à décider se présentera sous son vrai point de vue ; vous reconnaîtrez dès ce moment, que notre pénurie, notre discrédit actuels, ne justifieraient pas ces arrangements que le ministre ne nous propose qu'avec une extrême défiance.
lise plaignait naguère dé nos amendements à ses projets d'emprunts, et maintenant il nous conjure d'examiner, d'approfondir par nous-mêmes l'importante question qui fait l'objet de son mémoire.
Rapprochons ce langage de cette longue conspiration des administrateurs de la caisse d'escompté pour en étendre le domaine, et de la position critique où, jusqu'à ce, joiir, ils ont réussi trop souvent à mettre le ministère, des finances: peut-être verrons-nous qu'il s'agit bien moins d'ériger une Banque nationale que de tentatives, exigées ou promises, pour obtenir de nous, s'il était posssible, des concessions que le ministre craindrait d'avoir à se reprocher.
Et quelle réflexion fait-il lui-même sur le contrat qu'il nous propose ? Cé moyen, nous dit-il, s'écarte des principes généraux d'administration, principes, ajoute-t-il, dont l'observation sévère m'a seule attaché, jusqu'a présent, au maniement des affaires publiques. •
Sommes-nous donc réduits à cette honteuse nécessité? Au moment même où nous nous occupons à restaurer l'empire, faut-il s'écarter des principes généraux d'administration ?
M. Necker nous déclare qu'if n'accepterait point que nous nous en rapportassions à lui par un sentiment de confiance... Eh bien 1 si nous n'acceptons pas de confiance, il faut donc voir
si nous pouvons accepter de principe et d'honneur; il faut donc examiner scrupuleusement si la demande qu'on nous fait du,manteau national pour couvrir la nudité de la caisse d'escompte n'est pas une surprise faite à la bonne foi du ministre, un calcul impolitique autant qu'immoral, dont on lui a déguisé la marche et les conséquences; une aggravation terrible, de la décadence /générale, pour des intérêts obscurs, faussement présentés îusqu'ici comme des mouvements de patriotisme.
Entrons dans de plus grands détails.
Qu'est-ce qui fait le crédit des billets de banque ? Là certitude qu'ils seront payés en argent, à pré-sentation^toute autre doctrine est trompeuse; Le
Eublic laisse aux banques le soin de leurs com-inaisons, et, en cèla, il est très-sage. S'il ralentissait ses besoins par égard pour les fautes pu les convenances des banques, si l'on voulait qu'il modifiât ses demandes d'après les calculs sur lesquels, le bénéfice dès banques est fondé, on le mènerait Où il ne veut pas aller, où il ne faut qu'il aille : il lui importe de ne pas confondre son intérêt avec célui de quelques particuliers.
Si la Banquè d'Angleterre'a eu des moments de crise, elle a su les cacher ; jamais elle n'appela l'autorité à son secours pour en obtenir des délais ; jamais elle ne s'est tachée par des arrêts de surséânce
Pour que nous puissions retirer quelque avantage réel des billets que la Banque nationale nous prêterait sous notre timbre, il faudrait évidemment. Qu'elle, pût attacher à ces billèts l'opinion, qu'ils seront payés à présentation. Est-ce là ce que le ministre nous promet ?
NoU). Son mémoire ne fixe aucune époque où lêè payements en argent et à bureau ouvert pourraient être rétablis.
.. Il faudrait donc que l'Assemblée nationale fît l'une de ces deux choses :
Ou qu'elle prolongeât indéfiniment l'arrêt de surséance. — Je Vous lè demande, Messieurs, ose-,rez-vouS prononcer un semblable décret ? - . Ou qu'elle déclarât que les billets de la Banque seraient payables a sa volonté, et non à celle du porteur. Ici revient cette question : Pour mettre dans la circulation de semblables billets, est-
il besoin d'une Banque nationale ?
Je vois Idën qtië le ministre, èspère qu'un moment viendra, où les billets de banque pourraient être payés à bureau ouvert ; mais ce n'est qu'un espoir vague, Que d'efforts ne fait-il pas polir s'inspirer une confiance que sa raison combat encore l Examinons toutefois ce que nous pouvons espérer.
M. Necker fixe à 70 million s le numéraire effectif doit t la présence dans les caisses de la Banque suffirait pour établir le payement, à bureau ouvert, dè 240 millions de billets. Mais cette proportion, qui représente peut-être dans des temps calmes la situation moyénne d'une banque parfaitement accréditée, peut-elle garantir une banque sans principes Une banque qui a d'excellents statuts et qui les a tous violés ; une banque qui se réfugie encore dans le plus dangereux et le plus destructeur dés moyeùs, celui de nous vanter comme une préuve de patriotisme l'abandon de la foi publique ; une banque enfin dont l'uni-qUe loi a été jusqu'ici de tout assujettir à ses convenances ?
Non, Messieurs, nous ne sommes plus au temps des miracles politiques, et celui-ci s'accomplirait d'autant moins, que le véritable état de la caisse est dans la plus profonde obscurité.
Ainsi, sans mauvaise intention, sans encourir
le reproche d'alicune manœuvre à dessein d'embarrasser la Banque, le public pourrait, par de justes motifs, sonder les forces effectives de la caisse. Au moment où, munie de nouveaux fonds fastueusement annoncés, elle ouvrirait ses bureaux, chacun s'empresserait à réaliser ses billets.
On répond à cette objection embarrassante, que lespublic sera retenu par la garantie nationale.— Mais songez donc, Messieurs, qu'il ne s'agit pas ici d'une confiance relative à la solidité générale de la Banque, mais d'une certitude sur ce point d'administration. — Lorsqu'on aura besoin d'argent effectif, en aura-t-on a l'heure même? Or, que fait à cet égard la garantie nationale?
Tel est donc le discrédit où l'ambition de la caisse l'a jetée, que ce fonds de 70 millions ne suffit pas aujourd'hui pour fournir aux demandes, lorsqu'elle voudra payer ses billets à présentation.
Mais ce n'est pas tout. Ces 70 millions en espèces effectives, la caisse d'escompte,ne les a point; il faut, pour lui en assurer seulement 50, créer 12,500 actions nouvelles à 4,000 livres. Qui les achètera? Les anciennes actions sont à 3,600 livres. Beaucoup d'autres effets, déjà garantis par notre honneur et notre loyauté, offrent la perspective de bénéfices plus considérables..
Examiuons les expédients du ministre pour associer de nouveaux actionnaires à un état de chosès qu'ils ne connaissent pas.
11 propose : 1° de morceler les actions, c'est-à-dire, de multiplier les aliments de l'agiotage. Or, de tous les pâsse-temps d'une nation, c'est là le plus dispendieux. Nous devons donc, en économes sages, mettre en ligne de compte cette dépense, quand nous évaluons le bas intérêt auquel la Banque nationale nous prêtera les secours que nous lui donnerons.
2° Il demande que, non contents de garantir les, opérations de ia Banque nationale, nous assurions encore 6 0/0 d'intérêt à ses actionnaires : c'est peu pour des agioteurs; c'est beaucoup pour la nation. Mais voulez-vous connaître la conséquence nécessaire de cet encouragement? Il enhardira lès opérations de la Banque, qui ne doivent jamais être hardies. En effet, quel sera son pis-aller? de nous demander annuellement 9 millions; ou le supplément de 9 millions, pour l'intérêt à 6 0/0 de 37,500 actions ; car enfin le fonds de la Banque^pourrait être altéré ou perdu, que la nation ne serait pas quitte envers les actionnaires : autre dépense à mettre en ligne de compte pour évaluer le bas intérêt auquel la Banque nationale nous prêtera les secours que nous lui donnerons.
3° Le ministre propose que dès le premier de janvier prochain, les 12,500 actions nouvelles, quoique non encore levées, participent au profit de la Banque (c'est-à-dire qu'elles moissonnent là où elles n'auront pas encore semé). Or, cela revient précisément à prendre dans la poche des anciens actionnaires ; conséquemment a dépriser les anciennes actions ; conséquemment à rendre le débit des nouvelles encore plus difficile ; conséquemment à multiplier les marches et contre-marches de l'armée des agioteurs ; conséquemment à conserver le foyer de l'usure; conséquemment à multiplier les pertes nationales, bien faiblement compensées par 170 millions de nos billets que la Banque nous prêtera à 3 0/0. ;
Le ministre nous dit, il est vrai, que, le pro-
doit des nouvelles actions formant le fonds mort de la Banque nationale, celte disposition ne causera aucun préjudice aux anciennes actions.
Mais le ministre se trompe en appelant un fonds mort, le principe*sans lequel les billets de banque seraient sans vie ; et mon observation reste dans toute sa force.
4° Le ministre propose, pour soulever ces 12,500 actions, d'ouvrir une souscription qui n'aurait d'effet qu'autant qu'elle serait remplie. Il ne faut pour cela, dit-il, que bien choisir le moment. M. Necker ignore-t-il donc que l'arène delà Bourse a bien changé? Elle n'est plus comme au temps où il croyait qu'un administrateur des finances pouvait y descendre, pour diriger les mouvements du crédit. S'il est des agioteurs de bonne foi, que le ministre les interroge; ils lui diront combien le seul projet d'une souscription en rend le moment difficile à choisir.
Le mémoire pjopose encore de faire crédit du capital des actions nouvelles, pourvu que les acquéreurs s'engagent à les payer en espèces dès la première réquisition. On a souvent essayé de fonder de cette manière le numéraire effectif nécessaire aux banques ; elle n'a jamais réussi. Il faut, pour former ce payement, pouvoir faire vendre les actions, et cette opération est contraire au crédit de la banque. Ce moyen exposerait encore à des manoeuvres d'agioteurs, dirigées Contre son numéraire, pour faire baisser le prix des actions.
Enfin, une dernière ressource pour déterminer les spéculateurs à tenter fortune sur les nouvelles actions, serait de leur abandonner des primes; c'est encore là un moyen de maintenir bas le prix des anciennes actions, et il faudrait au contraire l'élever. Cette création d'actions nouvelles est donc tout à la fois incertaine dansson succès, et ruineuse dans ses conséquences.
Que de pénibles efforts, que de moyens incertains et contradictoires, pour donner a la caisse d'escompte une nouvelle existence, pour rajeunir une vierge flétrie et décriée, pour l'unir indissolublement avec nos provinces, avec nos villes, qui ne la connaissent que par une réputation peu faite pour préparer une telle union 1
Je n'examine pas, Messieurs, si cet acte important est en notre pouvoir, ou si nous devons nous le permettre sans consulter du moins toutes les villes du royaume; mais j'ose répondre pour elles et répudier en leur nom cette alliance.
Elles nous demanderaient ce que nous avons voulu favoriser : ou la dette publique, ou le commerce.
Si c'est la dette publique, elles nous diraient qu'une administration exclusive de tout autre objet et indépendante des ministres est enfin deveuue absolument nécessaire, pour que cet incommode fardeau tende invariablement a diminuer. -
Elles nous diraient que celte administration est la seule qui puisse mériter leur confiance, parce que d'elle seule peut sortir cette suite indéfinie de mesures utiles, de procédés salutaires que les circonstances feront naître successivement; parce que, rien ne la distrayant de son objet, elle y appliquerait toutes ses forces physiques et morales; parce que la surveillance nationale ne permettrait pas quel'on y troublât, un instant l'ordre et la régularité, sauvegarde sans laquelle les débiteurs embarrassés succombent enfin, quelles que soient leurs richesses. A ce prix seulement, les villes et les provinces peuvent
espérer le retour de leurs sacrifices, et les supporter sans inquiétude et sans murmure.
Elles nous diraient que des billets de crédit sortis du sein d'une caisse nationale uniquement appropriée au service de la dette, et constituée d'après des principes aussi simples que son but, sont l'institution la plus propré à ramener la confiance. Elles nous diraient que ces billets faits avec discernement, et hypothéqués sur des propriétés disponibles, auraient, dans les provinces, un crédit d'autant plus grand, que leur remboursement pourrait se lier à des dispositions locales, dont un établissement particulier et circonscrit dans son objet, est seul susceptible.
S'agit-il de, favoriser le.comraerce? Les villes et les provinces nous demanderaient pourquoi nous voulons les enchaîner éternellement à la capitale par une banque privilégiée, par une banque placée au milieu de toutes les corruptions. Que leur répondrions-nous pour justifier l'empire de cette banque, pour leur en garantir l'heureuse influence sur tout le royaume fleur montrerions-nous, comme dans la métropole anglaise, une république d'utiles négociants, instruits à peser les vrais intérêts du commercé, à les garantir de toute concurrence dangereuse ? La Seine réunit-elle à Paris, comme la Tamise à Londres, les négociants par un vaste entrepôt d'où les productions du globe puissent se distribuer dans toutes ses parties? \anterions-nous aux provinces les cris de la bourser ces agitations perpétuelles que tant de honteuses passions entretiennent, et que nous avons encore la folie de Considérer comme le thermomètre du crédit national ?
« Quoi! nous diraient nos commettants, vous voulez que la nation se rende solidaire pour, les engagements d'une Banque assise au centre de l'agiotage? Avez-vous donc mesuré l'étendue de cette garantie que lé ministre vous propose de décréter?
« Il réduit à 240 millions les billets qui seraient timbrés; et pour vous montrer que l'Etat ne courrait aucun risque par cette garantie, il réunit aux 70 millions que la caisse lui a prêtés en 1787, Vavancedè 170 millions qwp la Banque nationale lui ferait encore contre des assignations ou des rescriptions sur les deniers publics . . « Mais ces avances seront éternelles, ou elles ne le seront pas.
« Le ministre prétend-il qu'elles soient éternelles? nous demandons alors, non-seulement s'il convient à la nation de contractér de tels engagements, mais encore, s'ils n'entraînent pas les .conséquences les plus effrayantes? Car enfin, la Banque nationale aurait la liberté de négocier les rescriptions qui lui seraient délivrées par le gouvernement; et le préjudice qui pourrait résulter pour elle de ces opérations momentanées devrait lui être bonifié par le Trésor public.
C'est là une lourde méprise: une telle disposition place au sein de la Bauque nationale un levain continuel d'agiotage, et même un principe de dilapidation; et il faut encore ajouter à cette grave erreur l'engagement qu'on ferait prendre à la nation d'assurer à jamais aux actionnaires 9 millions de revenus annuels pour l'intérêt de leurs actious.
Dira-t-on que la Banque" nationale ne vendra ces rescriptions que dans le cas où elle voudra diminuer la masse de ses billets de circulation ? Mais, quoi! lorsque la Banque nationale aura rompu, ou pour le gouvernement et pour le commerce, ou pour l'agiotage, l'équilibre qu'elle doit
maintenir, il faudra que ce soit aux frais de la nation qu'il se rétablisse! §gi|li
« Les anticipations ont fait, de tout temps, le malheur et la ruine dë ce royaume.Çonsentirions-nous à les perpétuer pour assurer à la Banque nationale des profits, ou pour que la nation ne garantisse pas sans caution 250 millions de billets?
« On nous dit que ces anticipations; seront à Vavenir peu coûteuses en comparaison du passé. Soit; mais ce n'est pas uniquement parce que les anticipations sont coûteuses, que l'homme d'Etat doit les proscrire, c'est parce qu'elles fournissent d'incalculables moyens de dissiper et d'abuser.
« Si notre dette envers la Banque nationale n'est pas éternelle, nous deviendrons alors caution, sans aucune sûreté, et toujours obligés à garantir 9 millions de rentes aux actionnaires.
« D'ailleurs, connaît-on quelque banque dont le nombre des billets soit limité ou n'ait pas franchi ses limites? et si l'on veut que la Banque nationale répande les siens dans tout le royaume, si l'on veut que partout elle se présente pour animer nos ressources productives, la tiendra-t-on limitée à 240 millions de billets? (dette disposition est-elle compatible avec les fonctions qu'on lui . assigne ? ou bien faudra-t-il qu'elle ait des billets politiques et commerciaux, qu'elle fabrique du papier forcé et du papier de confiance qu'elle soit Banque nationale pour les uns, et banque privée pous les autres ? »
Que répondrons-nous, Messieurs, à cette pres-r santé logique? dirons-nous;que les statuts dé la caisse d'escompte seront perfectionnés ? Eh ! je vous le répète, on n'en fera pas de plus sages ; vous serez étonnés des leçons de prudence qu'ils renferment; tout y est prévu, et les embarras du gouvernement, ét lescrises politiques du royaume; c'est en lës violant articlefpar article, ligne a ligne, mot à mot, que la caisse d'escompte prétend nous avoir rendu des service essentiels, comme si ce qui faisait sa sûreté, ne contribuait pas à la nôtre! comme si ces services exigeaient la violation d'un régime destiné spécialement à fonder là confiance! comme s'il y avait dé la générosité à répandre des billets, a les prêter même, lorsqu'on se dispense de les payer !
Croirons-nous rassurer nos provinces en donnant à la Banque nationale vingt-quatre administrateurs? Mais dans toute entreprise qui repose sur des actions, plus les administrateurs sont nombreux, moins les vues sont uniformes. Voilà donc encore une fausse précaution. Le publié n'a pas besoin d'administrateurs action4-naires, ' mais de surveillants pour son propre intérêt.
Ce système d'administration est loin de celui de la "Banque de Londres. Deux gouverneurs à vie sont dépositaires de son inviolable secret. Voyez, Messieurs, ce qu'exigent les banques que l'on veut lier tout à la fois aux affaires de la politique et à celles du commerce. Ce secret, critique et cependant nécessaire à toute banque politique et commerciale, l'admettriez-vous ?
« En bien! nous dira-t-on, laiserez-vous donc périr la caisse d'escompte^ malgré son intime con-nexité avec les finances et les affaires publiques, malgré le souvenir des services qu'on en a tirés f»
Certes, cette ironie est trop longue et trop déplacée. Ahl cessez de parler de ces services! C'est par eux que notre foi publique a été violéè ; c'est par eux que notre crédit, perdu au dehors, nous laisse en proie à toutes les attaques, ou de
la; concurrence étrangère, ou de cette industrie plus fatale, qui méconnaît tout esprit public ; > c'est par ces prétendus services que toutes nos affaires d'argent sont bouleversées, c'est par eux que nos changes, depuis que je, vous en ai prédit la continuelle dégradation, s'altèrent chaque jour à un degré que personne n'eût osé prévoir! Et cependant l'on ne doute pas maintenant quenous ne voulions acquitter notre dette. Non, ne parlez pas de ces services ; ils sont autant de pièges | tendus au ministre des finances, qui, de son aveu, se voit entraîné hors de ses propres principes.
C'est par eux encore que l'on cherche à séduire les hommes inattentifs. Ecoutez les partisans de ; la caisse d'escompte, on lui doit l'Assemblée nationale; on lui doit ses travaux ; on lui doit la réunion des ordres, la déroute de l'aristocratie,, les biens du clergé; en un mot, tout ce dont l'esprit de liberté se glorifie. Les insensés! Nous sommes libres parce qu'on n'a pas su sacrifier quelques millions quand ils étaient nécessaires pour éviter la honte des arrêts de surséance (et combien ne coûte pas cette imprudente parcimonie) ! Nous sommes libres parce qu'on a prêté au gouvernement des billets qu'on ne payait pas! Nous sommes libres parce que les actionnaires de la caisse d'escompte ont craint d'altérer leur dividende ! Nous sommes libres, parce qu'un établissement dont le premier devoir serait d'influer sur les changes, n'en a pas eu, ou l'intelligence, ou le courage! Eh! si le despotisme eût été vainqueur, la caisse d'escompte ne se proster-nerait-elle pas à ses pieds avec les mêmes titres qu'on ose nous étaler aujourd'hui ? M. l'archevêque de Sens, les ministres qui ont avant lui puisé dans la caise d'escompte, étaient-ils des amis de la liberté? où trouvaient-ils donc des secours d'argent, sans lesquels on ne fait point de conspiration, ceux qui, disposant des troupes, se sont si longtemps efforcés d'intimider la volonté natiopale? Le peuple de Paris, qui .adéployé tant de courage, était-il soudoyé par la caisse; d'escompte? En supposant que cette banque était! l'unique source où pouvait puiser le Trésor royal, n'était-ce pas le plus souvent pour soutenir la cause du despotisme aristocratique et ministériel ? A quoi a-t-il tenu que le porte feuille de la caisse d'escompte ne fût enseveli sous les ruines de,la Bastille? Contre qui cette banque voulait-ellé se mettre en sûreté, quand elle a demandé au baron de Breteuil un ordre pour que Ses fonds pussent y être déposés? Elle comptait bien plus alors sur la forteresse du despotisme que sur la valeur des citoyens. Les caisses d'escompte sont au service de ceux qui les payent : voilà la vérité \ et c'est manquer à cette Assemblée que de lui parier de reconnaissance pour des services qùi sont aux ordres de tout le monde (1).
Songeons, Messieurs, aux provinces ; la capitale, les créanciers de l'Etat en ont besoin,
comme à leur tour les provinces ont besoin et de la capitale et des créanciers de l'Etat. Une
caisse nationale telle qu'elle a été proposée réunira tous les intérêts. Une fois résolue,*
vingts-quatre heures ne s'écouleront pas sans qu'elle nous donne un plan sage, adapté à la
nature des choses, exempt de fâcheuses conséquences, et tout au moins propre à ramener
promptement le crédit.
Êouvant nous aider que par des propriétés sem-
lables à celles des autres créanciers, on se défiera de ses vues, on la considérera comme maîtresse de se payer par ses mains, à l'aide du maniement des propriétés de tous.
Loin de détruire la caisse d'escompte, la caisse nationale lui rendra la vie ; elle créera des valeurs que la Banque nationale fondée sur la caisse d'escompte ne créerait point ; des valeurs plus rapprochées du numéraire effectif, que ne peuvent l'être des billets qui ne nous laissent d'alternative que de prolonger les arrêts de surséances d'en implorer bientôt le renouvellement ou de succomber.
Non, Messieurs, si la caisse d'escompte ne renferme pas dans son sein un mal qu'on ne guérirait pas, en l'entrelaçant de plus en plus a nos finances, elle ne périra point.
Les secours pour le commerce, les affaires d'argent entre particuliers lui resteront. M. Necker en porte les bénéfices à 3,200,000 livres et les. regarde comme susceptibles d'augmentation. N'est-ce donc rien pour une compagnie de finance que 3 millions de rente ? "Faut-il abandonner pour elle de plus grandes vues ? Le bien dé l'Etat1 exige-t-il qu'on lui donne des affaires à propos tion d'un nombre quelconque d'actions, ou qu'on l'oblige à proportionner ses actions à ses affaires ? Qu'elle renonce à cette volonté impérieuse de vouloir tout forcer; qu'elle se soumette aux circonstances. C'est à ceux dont elle a favorisé les entreprises à contribuer maintenant par leurs secours à la remettre au rang des banques accréditées. •
Je m'arrête, Messieurs ; j'en ai dit assez sur cet intarissable sujet, puisque j'ai prouvé invinciblement que la caisse d'escompte, transformée en Banque nationale, ne peut nous prêter que notre propre crédit ;
Que par conséquent elle nous est inutile;
Que les motifs qui nous détermineraient à cette institution ne sauraient la justifier;
Qu'aucune des dispositions qu'on nous propose ne rétablit, même à une époque éloignée, lé payement immédiat des billets à bureau ouvert;
Que la garantie nationale a des conséquences qui nous font un dévoir de nous y refuser;
Qu'une telle garantie ne peut s'accorder que pour des opérations parfaitement déterminées, dont tous les futurs contingents soient entièrement connus et limités;
Que le privilège exclusif accordé à une banque violerait tous nos principes ; qu'il détruirait dans une partie essentielle le bienfait des assemblées provinciales;
Que le commerce des provinces et leur industrie ne pourraient recevoir aucun avantage d'une banque établie dans la capitale ;
Qu'én nous refusant aux demandes du ministre nous ne détruisons pas la caisse d'escompte, dont la ruine ne peut venir que d'un vice intérieur ét caché;
Que si ce vice n'existe point, les secours de la caisse d'escompte seront rendus au commerce, et aux affaires entre les particuliers ;
Que rétablissement de la caisse nationale est
plus salutaire pour la caisse d'escompte elle-même, que les arrangements dont le succès paraît douteux au ministre qui les propose contre ses propres principes (1).
Je conclus à ce que le ministre des finances soit informé que l'Assemblée nationale attend que lé plan général qu'il lui annonce lui soit communiqué, pour prendre une. dernière résolution sur les arrangements les plus propres à pourvoir aux besoins dé l'Etat et à ses engagements ;
Qu'en attendant, elle décrète que lés fonds destinés à l'acquittement de la dette publique et au payement des intérêts seront séparés des autres dépenses, et soumis à uné administration particulière, sous la surveillance de la nation.
Un grand nombre de membres demandent que le discours de M. le comte de Mirabeau soit imprimé. — L'impression est ordonnée.
M. le président ayant entre sès mains des mémoires suria caisse d'escompte, je demande qu'on nomme six commissaires qui en rendront compte vendredi prochain.
, député de Bazas, dit qu'il regarde le projet de M. Necker comme tellement funeste, qué M. Necker lui-même effacerait avec ses larmes ce qu'il a écrit de sa main, s'il pouvait en prévoir les suites.
M. Lavenue examine les inconvénients et les avantages du plan de M. Necker. '
Les avantages, dit-il, sont très-apparents dans le mémoire du ministre ; ils consistent à procurer, à un très-mince intérêt, 170,000,000 à l'Etat, et à diminuer de 5 à 4 0/0 les intérêts que le gouvernemen t paie déjà à la caisse d'escompte.
Les inconvénients sont plus nombreux et aussi manifestes:
1° Le plan du ministre tend à couvrir les abus de la caisse d'escompte. ; . . ,
2° Il expose cette caisse à faillir une troisième fois, et à faire partager à la nation le déshonneur d'une banqueroute "i épuisons-nous plutôt en Sacrifices pour que notre liberté soit pure et que notre honneur soit entier.
3 II expose là nation à l'agiotage, qui a dé-
4° Il attribue un intérêt usuraire â dés prête-noms, et non à des prêteurs.
M. Lavenue développe ces inconvénients; il répondra, dit—il^ dans ses développements, une lumière si vive et si pénétrante, qu'il se mettra à la portée de tout le monde.
11 présènte ensuite des détails historiques sur la conduite de la caisse d'escompte ; il unit par annoncer un projet pour la création d'un papier? monnaie national, sous Ja surveillance et la direction de commissaires nommés par l'Assemblée, Cette opération faite, on apurerait les comptes de la caissé, et on lui payerait avec ce papier ce qui lui est dû par le gouvernement.
laisse sur le bureau la proposition suivante:
1° D'ajourner à vendredi prochain la motion qu'il fait, d'examiner l'état actuel de la caisse d'escompte, èt de régénérer pet établissement très-utile à la circulation du, numéraire dans la capitale, en lui donnant un nouveau régime convenable, ét en le restreignant aux vues de son institution ;
2° De décréter qu'il sera créé des billets d'Etat ou nationaux, à concurrence de 350, millions remboursables à diverses époques, et-dont le remboursement sera affecté : 1. sur la recette de la la contribution extraordinaire de cette année ; 2. sur le produit des dispositions que l'Assemblée nationale fera des revenus des biens ecclésiastiques ; 3. sur le' prix de l'aliénation des biens ruraux du domaine ; 4. et subsidiairement sur le produit de l'extinction des rentes viagères et les intérêts destinés au renouvellement des anticipations'qui seront éteintes par lès billets d'Etat ou nationaux ; et qii'à cet effet, il sera établi un receveur particulier de ces fonds et revenus publics;
3° Qu'il sera nommé par bureaux et un co? mité de six personnes pour la rédaction d'un projet dé création de billets d'Etat ou nationaux avec les développements convenables.
Dans un discours prononcé par M. Lavoisier à l'assemblée générale dé la caisse d'escompté,'cet administrateur a dit que la nation a délégué, à cet établissement, par décret, du 6 octobre, 60 millions sur la contribution patriotique. J'ai lu les. articles 18 et 19 de ce décret, et il en résulte que la nation n'a pas fait dé délégation et que, s?il a été pris des arrangements, l'Assemblée doit en être instruite par ses commissaires. On ne manque pas de nous instruire de ce que nous devons èn masse, mais on ne nous donne jamais ni les détails ni les tableaux de la dette. Je m'inscris en faux contre l'assertion de M. Lavoisier, et jé demande que ma motion soit inscrite au procès'verbal.
Avant d'inculper M. Lavoisier de faux, il faut entendre les administrateurs de la caisse d'escompte qui demandent à faire connaître leur gestion.
L'observation du préopinant n'empêche point d'insérer au procès-verbal une réclamation aussi juste que celle de M. Camus.
de Saint-Jean-d'Angely. M. le
prince de Poix a demandé que six commissaires lussent chargés d'examiner les opérations de la la caisse d'escompte. — Si cette motion est adoptée, je propose d'exclure les financiers de la commission.
Ces diverses motions sont ajournées.
M. Dupont (de Nemours) a la parole sur,le projet du ministre desfinances.
(de Nemours) (1). Messieurs, mal. gré les éclairs multipliés qui vous ont frappés dans le discours de M. le comte de Mirabeau, et la lumière vive et pénétrante que M. Lavenue s'est efforcé de répandre sur la matière qui vous occupe, je crois qu'il existe encore quelques vérités utiles qui n Ont pas été suffisamment élucidées et qui méritent d'être Soumises à votre considération.
M. de Mirabeau vous a vanté comme un des attributs les plus importants de la Banque d'Angleterre le secret impénétrable dont elle est enveloppée. Deux seuls administrateurs, vous a-t-il dit, inamovibles et à vie, sont dépositaires de ce secret. C'est donc sur les apparences extérieures, sur la régularité habituelle de ses payements dans un pays qui jouit de la plus graude prospérité, et sur la périlleuse parole de deux nommes que l'Angléterre croit, et que nous croyons^ après elle, que sa Banque a quelque solidité.
J'ignore s'il a jamais été utile de mener les affaires publiques par l'illusion, et de gouverner les humains en les trompant ; mais je sais que cette-manière ne convient pas à un siècle éclairé, ni à l Assemblée nationale de Prahce. Il me paraît que nous devons prendre une connaissance approfondie des choses sur lesquelles nous avons à décider ; qu'il faut que nous examinions à quoi les circonstances nous obligent, que nous pesions ce que la prudence peut exiger, et que nous prenions ensuite notre résolution avec franchise et avec fermeté, sans rien nous dissimuler à nous-mêmes ni aux autres.
On nous propose d'employer les secours d'une banque. Pour savoir si ce conseil est utile, il faut d'abord nous former une idée nette de la chose proposée.
Une banque» Messieurs, est un établissement imaginé pour procurer aux débiteurs solvables, mais qui ne peuvent cependant pas payer dans le moment, l'apparence d'un moyen présent de payer, et pour leur vendre à bon marché ce moyen fictif.
La banque à cet effet échange contre des titres de créances solides, à époques fixes et prochaines, des titres de créances exigibles sur elle-même, et dans l'espérance ou la spéculation qu'on ne se présentera que successivement pour en être payé, elle promet de les acquitter à vue. Elle tient parole tant qu'elle n'est pas pressée, parce qu'elle forme son entreprise avec un capital libre destiné à payer ses billets en attendant l'échéance des valeurs qu'elle a reçues en échange, et qui doivent alimenter journellement sa caisse. Elle manqué nécessairement à, cette parole dès que les demandes qu'on lui fait absorbent son capital libre et continuent d'être plus rapides que les rentrées.
Dans le premier cas, qui est celui que présente le cours ordinaire des choses, l'imitation
de paye-
Une banque est donc une institution belle, ingénieuse et utile ; mais ce n'est pas une institution inébranlable, ni en aucun sens à l'abri des révolutions.
Une banque est élevée à son point de perfection lorsque ses billets trouvent une multitude d'emplois plus profitables que celui de les rapporter à sa caisse : de sorte qu'on n'en présente pas à celle:ci plus qu'elle ne peut en payer. Et la précaution la plus sûre, quoiqu'elle ne soit pas toujours suffisante, pour empêcher qu'on nerapporte à la banque une trop forte quantité de ses billets, c'est non-seulement de persuader comme en Angleterre, mais de convaincre parfaitement les porteurs de billets, qu'il est impossible de perdre avec la banque.
Cette conviction ne peut exister lorsque les affaires de la banque sont un secret. On a payé, donc on payera, n'est pas un argument démonstratif. Mais lorsque la banque a beaucoup plus de moyens de payer que d'engagements, c'est un fait que des bilans fréquents et publics peuvent constater, et qui donne à la -confiance une base assurée.
Le secret qu'on vous a présenté comme si nécessaire aux banques n'est donc utile qu'à celles qui veulent pouvoir tromper, et par conséquent dont il faut que l'on se déhe.
Le secret doit être dédaigné par les banques bien constituées et bien administrées : car elles n'en ont pas besoin. Il leur convient que leurs affaires soient très-connues, la publicité qu'on leur donne devant ajouter au crédit de l'établissement.
En effet, Messieurs, une banque bien administrée ne met jamais en circulation un seul de ses billets qu'en échange contre des valeurs exigibles et solides. Elle a donc d'abord dans son portefeuille l'équivalent de ses billets; et il faut qu'elle ait en outre un capital qui soit dans une forte proportion avec leur masse. Alors, pourvu que le placement de ses billets ait été fait avec assez de sagesse pour qu'on ne puisse perdre sur les effets qui ont été pris en retour d'une somme égale à celle du fonds de caisse ou du capital libre, il devient évidemment impossible de perdre avec la banque, et les secousses passagères qu'elle peut éprouver ne détruisent pas son crédit.
Telle a toujours été la situation de la caisse d'escompte, dont on vous a parlé, Messieurs, beaucoup trop légèrement. Dans ses plus grandes calamités, il a été démontré qu'elle avait en portefeuille la valeur de ses billets, et qu'elle avait de plus un capital considérable, égal au tiers • de cette même valeur, tellement qu'il aurait fallu que sur des effets commerçables, choisis avec sévérité, il y eût néanmoins à essuyer des pertes qui montassent au-dessus du tiers de la totalité, pour que la propriété des porteurs de billets fût en danger. C'est en ce sens que les malheurs même de la caisse d'escompte, en éloignant tout secret de ses affaires, ont constaté sa solidité et ont servi à soutenir la confiance qui lui a été accordéear le public, malgré les fautes multipliées par esquelles le gouvernement aurait totalement dé-
truit cette confiance si elle n'avait pas eu un fondement très-manifeste.
La caisse d'escompte a essuyé quatre arrêts de surséance. Lors du premier, qu'elle pouvait éviter si le ministère eût osé permettre lés payements en piastres, ce qui devrait toujours être permis, et surtout s'il eût voulu et pu rembourser les avances aue la caisse d'escompte lui avait faites, il fut vériné dans la huitaine que l'actif de la caisse excédait d'un tiers son passif.
Lors du second, son actif excédai! son passif du double, èt de plus du double, de 13 millions au delà.
Aujourd'hui même encore, au moment d'une révolution, et après une crise de quinze mois consécutifs, son passif étant de 114 millions, son actif est de 216 ou presque double. Voilà ce qui soutient la valeur des billets. Ils ne la doivent point aux arrêts de surséance, qui de tous les moyens possibles sont les plus propres à décrier la valeur des effets commerçables. Le gouvernement s'est donné à lui-même arrêt de surséance pour les remboursements à époques fixes, auxquels il s'était engagé; et vous voyez que, malgré la juste confiance que doit inspirer la garantie nationale, les effets dont le remboursement est suspendu perdent depuis 8 jusqu'à 18 et 20 0/0. C'est que l'état de vos nuances, quoique présentant par la nature des choses, et selon le rapport de votre comité, la perspective la plus favorable, est, pour le moment, très-visiblement embarrassé. 11 n'est pas encore prouvé à tout le monde, comme* il le sera dans quelques mois, et comme il me l'est à moi, dès aujourd'hui, que vos moyens de payer sont fort au-dessus de vos besoins.
Ainsi le crédit de la caisse d'escompte, tant décriée, est dans une situation beaucoup plus favorable que le crédit de la nation elle-même.
Une raison assez puissante a contribué à soutenir ce crédit de la caisse d'escompte et à prévenir la perte sur ses billets. La caisse ne s'est pas prévalue des arrêts de surséance qui ont été publiés, en apparence en sa faveur, et dans le vrai pour dispenser le gouvernement de rembourser les sommes considérables qu'il lui doit. Elle a continué de payer mieux qu'aucune autre banque ne l'a jamais fait dans un temps de crise, et autant qu'il était nécessaire pour le service principal auquel une banque ne doit jamais refuser de l'argent, celui des sommes destinées aux menues dépenses courantes et aux salaires journaliers des ouvriers, qui ne peuvent être pavés en papier. Elle a régulièrement acquitté 100,000 écus au moins tous les jours. La Banque d'Angleterre, qui vous a été donnée pour modèle, est très-loin de s'être aussi bien conduite. Bile a totalement suspendu ses payements par son propre fait en 1697, sous le seul prétexte d'une refonte des monnaies, lors de laquelle elle devait payer en anciennes espèces jusqu'au jour où le produit de la fabrication l'aurait mise à portée de payer en espèces nouvelles. En 1745, elle a payé en schellings et demi-schellings comptés un à un ; sous cette forme elle ne pouvait solder par jour plus de 1,000 à 2,000 livres sterling, et dans cette dernière évaluation j'exagère: c'était donc à 47,000 francs de notre monnaie tout au plus que se main tenaient en tremblotant les payements journaliers de cette banque, qu'on vous peint comme, inébranlable. Et quel était lé terrible événement qui produisait cette effrayante lenteur, qu'aucune loi n'autorisait ni ne pouvait autoriser ? .C'était un événement qui ne comportait
en lui-même nul danger; c'était le Prétendant se présentant avee 1,500 montagnards d'Ecosse pour conquérir les trois royaumes britanniques, riches, puissants, affectionnés depuis longtemps à la maison de Hanovre, et qui regardaient leur constitution, qui leur est si chère, comme liée au destin de cette maison. 1,500 paysans à quarante-cinq lieues de distance, sans aucune apparence de succès ébranlaient à ce point la Banque: d'Angleterre. Le secret de son administration l'avait laissée dénuée de son numéraire; et je vous demande, Messieurs, si les orages auxquels le royaume est en proie, et la situation dans laquelle gémissent i depuis trop longtemps nos finances, ne sont pas tout autrement désastreux, tout autrement alarmants, que ne l'était la position de l'Angleterre en 1697, et en 1745? Je vous demande si l'on doit accumuler les qualifications injurieuses sur notre caisse d'escompte payant au moins 100,000 écus par jour,, souvent davantage, depuis quinze mois, au milieu d'une inquiétude générale et fondée, et malgré l'autorisation expresse qui lui a été donnée de se dispenser de tout payement, tandis qu'on prodigue les éloges à la Banque anglaise, payant au plus 47,000 francs par jour, ou même ne payant point, dans des circonstances bien moins pénibles, et qui ne devaient donner lieu à aucune raisonnable inquiétude. ï\
« Mais, dit: M. le comte de Mirabeau, le principe des banques et la base de la confiance qu'elles inspirent, étant la promesse qu'elles font que les porteurs de leurs billets pourront toujours les échanger à leur caisse, à présentation, contre de l'argent comptant, une banque qui dissémine ses payements, et qui ne réalise pour chaque porteur, que la somme nécessaire aux dépenses journalières et aux appoints du commerce, jusqu'à ce qu'elle ait fait le tour de ceux qui se présentent, et acquitté à chacun d'eux une somme égale* est, dans un état, absolument contraire au but de son institution. Elle ne mérite aucune confiance ; elle ne peut prêter à la nation que le crédit de la nation elle-même; et il y a, pour la nation, une sorte d'avilissement à y avoir recours. » ; :
Il me semble, Messieurs, que tel est l'extrait du discours éloquent que vient de prononcer cet honorable membre. Je ne puis rendre l'éclat de son style ; je tâche de ne pas oublier et de né pas affaiblir ses raisons.
Elles portent sur une fausse supposition, entièrement contraire à la nature des choses, et qui ne dérive que de notre crédulité exagérée pour les promesses des instituteurs et des prôneurs de banques, qui disent : venez à ma caisse, et vous serez toujours payés comptant ; comme le dentiste du carrefour, qui crie qu'il extirpera la dent, sans mal, ni douleur.
Mais il ne faut pas croire aux phénomènes qui ne sauraient exister. Il ne faut pas croire qu'aucuns entrepreneurs remplissent des conditions qui ne peuvent être remplies, et dont leurs prospectus comme leurs statuts constatent l'impossibilité ; et lorsqu'une nation a sanctionné d'avance cette impossibilité, elle ne doit pas être étonnée de la voir se manifester plus tôt ou plus tard; elle ne doit pas s'irriter contre ce qu'elle a jugé convenable d'autoriser.
Une banque, d'après l'expérience de ce qu'exige le remboursement des billets qu'on lui rapporte dans un temps ordinaire, annonce par ses règlements, qu'elle aura un fonds de caisse égal à la valeur du quart et même du tiers des billets
qu'elle mettra en circulation ; elle déclare donc très-disertement qu'il lui sera impossible de payer à présentation plus du tiers ou du quart de ses billets, et que, s'il arrive un moment de crise où on lui en présente davantage, le surplus ne sera payé qu'après qu'elle aura pu réaliser des fonds.
Une nation ou un gouvernement, en prenant sous leur protection rétablissement d'une banque, déclarent donc implicitement que la banque ne: pourra être forcée de payer à présentation que jusqu'à concurrence des fonds libres de sa caisse, et que le surplus des engagements qu'elle aurait pu contracter ne deviendra exigible qu'à mesure que la rentrée des fonds fournira les moyens de retirer ses billets ; car on ne peut contraindre personne à faire l'impossible. :
Enfin, lorsque des particuliers font usage des billets d'une banque pour la commodité de leur commerce, c'est encore sous la condition indispensable et très-connue d'eux-mêmes, que les billets seront acquittés à la caisse tant que l'on n'y en présentera pas un trop grand nombre, et qu'ils attendront leur tour s'il y a trop de porteurs qui veulent réaliser à la fois.
Cette condition nécessaire est fondamentalement liée à l'essence de toute banque de secours. Il serait physiquement impossible qu'aucune de ces banques existât, si, comme l'a supposé M. Lavenue, elle devait toujours avoir dans sa caisse une somme égale à la valeur totale de ses billets". "
La Banque de Hollande doit avoir dans ses caves la totalité de ses fonds; mais c'est que la Banque de Hollande n'est qu'une caisse de dépôt, qui ne prête à personne, qui se fait même payer pour garder l'argent; ce n'est pas une véritable banque : elle n'a d'autre avantage que d'épargner au commerce une partie des frais du transport dés métaux; elle n'a pas, comme les autres banques, celui d'en économiser le capital, puisqu'elle exige, ou est censée exiger une masse d'or ou d'argent, aussi considérable que la valeur de ses billets ; elle ne peut, comme les autres banques, faire baisser l'intérêt de l'argent.
Une banque de secours, au contraire, comme celles d'Angleterre et d'Ecossè, ou comme la
caïsse d'escompte de France, a cet avantage inestimable, de faire baisser l'intérêt de
l'argent, parce qu'elle peut prêter à meilleur marché que tout autre capitaliste. Et pourquoi
peut-elle prêter à meilleur marché? précisément parce qu'elle n'a besoin que d'un capital
inférieur à la masse de ses billets, et que leurs porteurs conviennent tacitement avec elle
que, s'ils sont tous empressés de toucher leur argent à la fois, plusieurs d'entre eux
attendront. A la faveur de cette convention plus ou moins formelle de la part des porteurs,
mais très-nettement exprimée dans les statuts et règlements de la banque, celle-ci peut
emprunter à 6 0/0 ét prêter avec profit à 4 ou même à 3, parce qué, ces 6 0/0 ne portant que
sur un capital égal à celui du tiers de ses billets, la somme exprimée par ceux-ci ne lui
revient réellement qu'à 2 0/0. Sans cette combinaison, il serait impossible et absurde
d'emprunter à. 6 0/0 pour prêter à 4, ainsi que l'exigeraient, dans leurs spéculations, les
pro-_ fonds politiques qui vous disent, Messieurs, qu'une banque doit toujours avoir en
caisse la valeur de ses billets (1).
Les premiers axiomes dont il faut se pénétrer relativement aux banques sont donc qu'il est
impossible de perdre avec elles, lorsqu'elles sont
Parmi les inconvénients inséparables des banques, il en est encore un assez grave auquel il faut se résigner comme aux autres, lorsqu'on sent l'utilité ou le besoin de cette espèce d'établissement. Les banques, auxquelles on ne songe pour l'ordinaire que lorsque les opérations publiques et privées sont gênées par la rareté du numéraire, augmentent inévitablement cette rareté.
En effet, Messieurs, toutes les choses humaines prennent naturellement un certain niveau qu'elles ne peuvent outrepasser; nul service social ne saurait employer plus de capitaux que le besoin ne l'exige : car il faut acheter ces capitaux, et en payer ou en perdre l'intérêt, quelque usage que l'on en veuille faire. Or, chacun craignant les dépenses où il ne trouve point d'avantages, les habitudes du commerce repoussent les instruments qui ne leur sont pas absolument nécessaires. On ne se procurait des métaux, et on ne les convertissait en monnaie, que parce qu'on s'apercevait, dans la société, que la monnaie était utile et commode ; mais, lorsqu'un papier qui inspire de la confiance supplée, dans une grande partie des achats et des ventes, à l'usage de la monnaie, on a moins besoin de celle-ci; dès lors les métaux que l'on y avait consacrés sortent de la circulation dans laquelle les billets les remplacent, et ces métaux servent à faire de l'argenterie et des bijoux, ou passent à l'étranger en achats de marchandises, que les capitalistes et les consommateurs jugent plus utiles à leur commerce et à leurs jouissances. Si j'osais vous exprimer cet effet par une comparaison simple, mais claire, je vous dirais qu'il en est des besoins de la société et du commerce, par rapport au numéraire, comme d'une éponge qui absorbe une certaine quantité d'eau, mais qui ne peut en contenir une seule goutte de plus qu'il n'en faut pour l'imbiber complètement : versez y plus d'eau, elle s'écoulera dans l'instant. Répandez dans le public plus de numéraire qu'il n'en a besoin pour le service journalier des ventes et des achats, ce numéraire ne pourra rester dans le pays; les métaux qu'il employait changeront de forme, ou sortiront. Notre gouvernement, qui croyait autrefois multiplier les capitaux en achetant des métaux, a constamment tiré d'Espagne des sommes énormes en piastres, et ces piastres, ou les écus dans lesquels on les a transformées, sont passés chez l'étranger avec une égale rapidité. G est ce qui fait que l'Europe entière est couverte de notre monnaie, tandis qu'on y trouve très-peu de celle d'Angleterre, quoiqu'en Angleterre on fasse beaucoup moins usage de la monnaie qu'en France, parce qu'il y a beaucoup plus de papier circulant.
Les inconvénients qu'ont les banques de chasser le numéraire sont liés à un de leurs avantages qui a été très-bien développé par le célèbre Smith
c'est celui de suppléer aux métaux avec plus d'économie. Le capital en métaux monnayés nécessaireaux besoins du commerce dans un pays où l'on fait peu d'usage du papier est énorme, et c'est un capital dont l'intérêt se trouve perdu pour la société; de sorte que, la dépense en étant répartie entre tous les achats et toutes les ventes, la société est servie, mais par un instrument dont l'achat coûte cher, et qui a de plus l'inconvénient que son transport est dispendieux.
Ainsi,lorsque l'on peut solder et) papier, c'est-à-dire par des échanges de titres de créances, tous les engagements qui portent sur de grosses sommes, la société se trouve mieux servie encore, avec plus de rapidité et à moins de frais.
Mais, quelque chose que l'on fasse, il reste toujours une infinité d'usages de la monnaie, pour lesquels il est impossible au papier de la suppléer. Tels sont les appoints, les consommations journalières, le salaire des ouvriers, le soulagement des pauvres et la paye des troupes. Il serait fort dangereux que l'abondance du papier, surtout s'il était en petits billets, fût telle qu'elle fit disparaître le numéraire. indispensable pour ces différents payements qu'il" faut sans cesse renouveler.
Le terme delà perfection à cet égard est celui où l'usage du papier, c'est-à-dire de l'échange des titres de créances, peut aisément acquitter toutes les grosses sommes qui sont réciproquement dues, et où il reste assez de métaux monnayés pour toutes les dépenses courantes.
Lorsqu'il y a longtemps que les banques durent, que la paix règne dans un pays et que le commerce y prospère, cet équilibre s'établit de lui-même; dans les temps de misère et de trouble, il est sujet à de grandes et fâcheuses oscillations.
Chez les nations emprunteuses, l'Etat ne devant jamais sans qu'une multitude de particuliers se doivent aussi mutuellement des sommes très-considérables, l'échange de créances devient plus facile et plus utile : un papier de banque alors peut avoir un beaucoup plus grand emploi. C'est ce qui fait qu'une banque peut être une excellente ressource pour une nation, obérée, pressée dans ses engagements, et qui, ayant une grande masse de dettes exigibles ; ne peut néanmoins les solder que successivement.
Les billets de banque équivalent d'abord à un versement réel d'espèces ; ils deviennent par là un assez bon remède à cette fâcheuse et honteuse maladie qu'on appelait autrefois les dettes exigibles, et que votre comité de finances a nommé justement, c'ést-à-dire d'une manière à la fois plus énergique et plus humiliante, les dettes criardes. Mais par cette raison même que la banque, qui a la propriété de tripler par les engagements qu'elle contracte et dans l'usage habituel le capital qu'elle possède réellement, peut être un remède et même un remède salutaire, par la même raison, dis-je, il doit être dosé avec une grande prudence, et l'on ne peut en user qu'avec une extrême sobriété ; car un remède n'est point un régime, et l'on ne vit pas de médicaments.
Les banques ne peuvent, sans le risque le plus effrayant, étendre leurs secours que jusqu'au niveau des usages utiles de leurs billets et des besoins de la circulation. Si elles excèdent cette mesure, les billets, après avoir chassé le numéraire, se chassent eux-mêmes ; ne trouvant point d'emploi préférable à celui de les rapporter à la caisse, ils y reviennent de toutes parts ; et avec quelque art que la banque puisse manifester l'impuis-
sance de payer toujours à vue, qui est dans son essence et constatée par ses statuts, le partage même de ses payements successifs, qui semble, en ce cas, prescrit par l'équité, entre des porteurs de billets dont le droit est parfaitement égal, et qui est d'ailleurs commandé par la prudence, n'empêche pas que la caisse ne doive être tarie en assez peu de temps.
Les banques alors font des efforts prodigieux pour se procurer des métaux : et comme elles n'en trouvent qu'avec difficulté dans le pays d'où leurs billets .les ont éloignés, elles en font revenir à grands frais de chez l'étranger, où ils retournent presque aussitôt qu'ils sont arrivés. Cette opération peut devenir si coûteuse qu'elle absorbe tous les profits de la banque. Elle peut les excéder ; et en ce cas, si elle ne devait pas être passagère, la banque finirait par être ruinée. C'est ce qui peut arriver un jour à la Banque d'Angleterre, qui garde' son secret ; c'est ce qui ne peut arriver à la caisse d'escompte, qui dit le sien au moins une fois tous les ans ; de sorte que, si ses affaires allaient mal; on l'obligerait de solder ses comptes avant qu'elle fût dans l'impuissance de le faire ; nouvel exemple de l'avantage immense que la franchise de notre nation a sur la politique mystérieuse de nos voisins.
D'après ce que je viens de vous exposer, Messieurs, vous voyez combien il est important, lorsque l'on veut employer le secours d'une banque,- de le borner au plus strict nécessaire, et d'ouvrir à ses billets une multitude d'emplois utiles et attrayants qui puissent en absorber la masse et faire qu'il n'en soit rapporté à la caisse que ce qui est absolument indispensable pour le besoin journalier des menues dépenses courantes.
Law avait entrevu la nécessité de cette précaution. Il déploya une [prodigieuse habileté et toute l'activité d'une imagination très-féconde pour créer des emplois aux niliets de Sa banque, et pour offrir des perspectives de profits à ses actionnaires. Mais Law n'avait aucune expérience de l'administration; il connaissait les hommes et ne connaissait pas les ,, choses. Il éprouva que le pouvoir du génie ne sàurait assurer de succès aux entreprises qui excédent les bornes que la nature et les circonstances assignent aux travaux humains. L'illusion des fantômes dé bénéfices, impossibles à réaliser, que sa magie avait d'àbord rendus éblouissants, ne tarifa pas à se dissiper. Un vide affreux s'ouvrit sous ses pieds, et sa banque, et la fortune publique, et la plupart des fortunes privées y furent englouties.
M. Necker, beaucoup plus habile que Law, ayant les idées plus sages et plus liées, concevant des pensées plus profondes, exercé aux travaux de l'administration, et plus particulièrement encore aux spéculations d'un art dont il s'est occupé toute sa vie; mettant au salut de l'Etat et le zèle qu'il vous a voué et tout l'intérêt de sa gloire, est peut-être le seul homme en France qui couçoivebien quel est le péril de la ressource dont les conjonctures actuelles l'obligent de vous faire la proposition. Aussi voyez-vous à quel point craint d'en abuser. 11 ne demande que 170 initiions ; et cependant il vous dit que pour que cette somme lui suffise il faut que les recouvrements n'éprouvent point de retard, que l'équilibre entre les revenus et les dépenses soit rétabli, que le remplacement de la gabelle soit effectué.
J'espère que ces événements auront lieu, ou que vous y suppléerez par d'autres ressources ; mais un ministre peut en douter, et vous voyez
que cette inquiétude n'engage pas le premier ministre des finances à demander à la banque rien au delà des 170 millions qui seront nécessaires même dans les suppositions les plus heureuses ; il aime mieux marcher sous le poids du besoin que sous le glaive du danger.
Jugez par sa prudence quelle doit être la folie de ceux qui vous proposent dë jeter sur la place 400 millions, 600 millions, 1 milliard, 2 milliards, 3 milliards de papier ; tous ces milliards ne seraient qu'une banqueroute, par laquelle vous suppléeriez aux titres actuels de créances sur la nation d'autres titres de créances sans intérêt, ou avec un intérêt plus faible que celui qué produisent aujourd'hui les anciens. Vous altéreriez la propriété des créanciers de l'Etat, que vous avez mis sous la garde de l'honneur et de la loyauté Française. Vous l'altéreriez d'autant plus, que vos billets, qui excéderaient lés besoins de la circulation, ne pouvant pas être réalisés, tomberaient en perte à l'instant même.
S'il y a quelque chose à craindre dans le plan que vous propose M. Nècker, c'est que, malgré sa modération scrupuleuse, il ne vous ait encore demandé trop de billets. pour le débouché qu'il leur ouvre. L'aliénation des domaines n'est pas faisable aujourd'hui. La nation y éprouverait une perte excessive. Les domaines ne sont point en valeur. Il faut attendre que les assemblées, administratives les y aient mis, et que leurs revenus soient triplés, comme ils peuvent et doivent l'être, avant d'en réaliser le capital. Les biens du clergé demandent, pour être aliénés, encore quelques décrets de votre part et la constitution des assemblées administratives . Les édifices mêmes et les terrains situés à Paris ne peuvent être réellement à votre disposition que lorsque vous aurez décrété la suppression des ordres monastiques, et pris les .mesures de justice et d'humanité que vous prescrivent en ce cas les droits et les besoins des religieux, dont les corporations seront détruites pour le bonheur de leurs membres et pour l'intérêt public. Cependant le ministre des finances, , retenu^ par la répugnance qu'inspirent aujourd'hui les emprunts, n'ose voUs montrer qu'en perspective cet emploi pour les billets surabondants de la banque; mais je vous invite, Messieurs, à n'adopter son plan qu'à la charge qu'il sera constamment ouyert un emprunt dont les conditions soient avantageuses pour la nation et attrayantes pour les prêteurs, sans être immorales.
La dernière fois que vous avez daigné m'écou-ter avec bonté sur la matière importante des finances , je vous ai soumis des idées que je crois saines, dont l'exécution me semble facile, dont le succès me paraît assuré pour l'institution d'un tel emprunt (1).
Les emprunts ont été redoutables quand leurs stipulations dépravaient les moeurs, quand
leurs capitaux servaient d'aliment aux dissipations, quand leurs intérêts aggravaient d'année
en année, le fardeau de l'Etat, et nécessitaient, chaque jour, dés impositions nouvelles.
Mais les emprunts libératifs, dont les vues seront conformes aux sentiments les plus naturels
et les plus honnêtes, dont l'attrait pour les prêteurs sera suffisant et même puissant, dont
le taux de l'intérêt sera cependant modéré ; enfin, qui, sous la sur-
Voilà, Messieurs, ce que j'avais à vous dire sur les banques en général. Je devais leur ôter leur masque. Je devais réduire à ses plus justes bornes la confiance qu'elles ont droit d'inspirer. Je devais montrer qu'il faut rire de leurs fastueuses et absurdes promesses de payer toujours à vue et comptant toute quotité de sommes, lorsqu'elles ne peuvent former leur capital qu'en empruntant à un taux d'intérêt plus cher que celui auquel elles prêtent ; lorsqu'elles ne peuvent exister qu'à la condition de n'avoir qu'un capital de beaucoup inférieur à celui des billets qu'elles mettent en circulation; lorsqu'elles déclarent cette condition au public dans leurs prospectus, leurs statuts et leurs règlements. Je devais établir en même temps que c'est avec raison que leurs billets ont cours et suppléent au numéraire, puisqu'il est impossible de perdre avec elles ; leurs billets n'étant donnés que contre des valeurs égales, et leur avoir surpassant nécessairement leurs dettes de toute la valeur de leur capital primitif. Je devais enfin indiquer les précautions qu'exige leur usage, et celles qui me paraissent devoir être ajoutées au plan que vous a soumis le premier ministre des finances. Il me reste à opposer quelques vérités aux imputations que j'ai entendu faire, dans cette tribune, à la caisse d'escompte; car c'est à raison de l'indignité qu'on lui suppose, qu'on veut vous priver de cette ressource, et vous conduire, soit à la création,d'une autre banque qui n'aura de préférable que de n'avoir rendu aucun service, soit à l'usage du despotisme pour appuyer la mauvaise foi, et pour forcer nos créanciers, dont vous avez garanti les droits, au nom de votre honneur et de votre loyauté, de perdre néanmoins, ou sur le capital, ou sur les intérêts de leurs créances, ou plutôt sur l'un et sur l'autre à la fois : conduite qui me semble à tous les égards bien plus indigne de vous et de la majesté des nations. Mais si la caisse d'escompte est irréprochable, et j'avoue qu'elle me parait plus qu'irréprochable, qu'elle me paraîtlouable dans ce qu'elle a fait pour l'Etat, les flots d'éloquence qu'on a répandus contre elle s'écouleront avec la rapidité du torrent qu'ils formaient ; il restera les faits, la convenance, l'utilité publique, les seuls motifs de votre détermination.
M. Lavenue vous a dit que la caisse d'ës-
-Compte était dans un état de banqueroute. 11 a beaucoup appuyé sur ce mot, et l'a retourné de plusieurs façons. Je suis surpris qu'un jurisconsulte éclairé n'ait pas distingué la banqueroute de la suspension et du ralentissement des paye-.ments. Un négociant qui, par des circonstances majeures, se trouve obligé ou de suspendre tout à ^ait ses payements, ou de ne les effectuer qu'en partie, est en faillite, et cet état, sans doute, est fâcheux ; mais si son actif est supérieur à son passif, si cet actif est de la plus grande solidité* s'il nefaut qu'attendre, et même qu'attendre peu, pour être complètement payé ; enfin, si-la certitude de la solvabilité est telle que, chacun étant convaincu qu'il est impossible de perdre avec lui, ses billets ne perdent en effet rien sur la place, le négociant n'est pas en banqueroute ; et il n'est pas permis à des gens qui connaissent les principes du commerce et le texte des ordonnances de lui faire cette inculpation.
C'est le cas où se trouve la caisse d'escompte. Elle existe, il est vrai, sous des arrêts de suspension ; mais ces.arrêts ne lui étaient nullement nécessaires; ils ne l'étaient qu'au gouvernement, qui voulait éviter de secourir les faiseurs de services qui l'avaient aidé en s'aidant eux-mêmes de la caisse d'escompte ; qu'au gouvernement
âui avait prévu le discrédit que les suspensions e ses propres payements entraîneraient,, le reflux de demandes qui devait en résulter sur la caisse d'escompte, et la possibilité que, cette caisse s'épui-sant, le Trésor royal, dépositaire des deux tiers du capital de la caisse, a titre de cautionnement, ne se trouvât dans l'obligation, qu'il ne pouvait satisfaire, de remplir les conditions de ce cautionnement en faveur des porteurs de billets qui ont un droit évident à le réclamer. C'est donc à lui-même que le gouvernement a donné sur ce point une suspension ; et il devait d'autant moins hésiter à s'accorder un tel répit soUs le nom de la caisse, qu'il se donnait directement dans le même temps la permission de ne pas effectuer les remboursements auxquels il s'était engagé, et qu'il créait même au moment du premier de ces arrêts un papier-monnaie sous le nom de hillets du Trésor royal pour les deux cinquièmes de tous les arrérages.
Le ministère qui a suivi a supprimé cette dernière partie de la faillite du gouvernement; pour ranimer la confiance, il a dit qu'il payerait, et il a payé comme il a pu les * dépenses courantes ; mais il ne l'a pu pour une très-grande partie de ces dépenses, qu'avec les billets de la caisse d'escompte, qui remplissaient les caisses publiques. Et depuis que des branches entières de revenu sont anéanties, que la perception des autres éprouve les plus grandes difficultés, il lui est devenu encore plus difficile de marcher sans le secours de cette caisse.
Celle-ci conservait du crédit, on savait que ses créances et son capital étaient fort au-dessus de ses dettes : elle avait eu la prudence, l'équité supérieure à celle de l'autorité publique, le courage de continuer ses payements, non pas, il est vrai, à toute quotité de sommes, ce qu'aucune banque ne peut faire dans les moments de crise, et ce qui, comme j'ai l'honneur de vous le prouver, est défendu à toutes les banques par la plus irrésistible des puissances, par leur essence même, qui ne comporte pas qu'elles aient en argent la totalité de leur capital ; mais elle les a continués dans la proportion de 3 à 400,000 francs par jour, ou de 8 à 10 millions par mois. Pendant une époque d'inquiétude aussi longtemps prolongée, c'est
un des plus grands efforts qu'on puisse espérer d'une banque ; il est, comme vous avez déjà eu occasion de le remarquer, au-dessus de toute comparaison avec la conduite qu'a tenue la Banque d'Angleterre, qui payait à peine 40,000 francs par jour dans des circonstances bien moins fâcheuses.
La caisse d'escompte a fait cet effort envers les porteurs de billets, malgré l'autorité qui l'en dispensait, et tandis qu'elle se trouvait entraînée par les conjonctures et par son zèle à en faire d'autres plus considérables, sans lesquels, Messieurs, nous ne serions pas ici.
Vous savez quelle était la situation du Trésor royal lorsque le ministre actuel des finances en a repris l'administration. 400,000 francs, c'est-à-dire les fonds nécessaires à la dépense de l'Etat pour un quart de jour, soupiraient sans espoir au milieu du vide immense des caisses publiques (1). L'archevêque de Sens avait tout épuisé: l'argent demandé a la charité des âmes sensibles pour la construction des hôpitaux, celui qui avai tété destiné à secourir les provinces accablées par la grêle, ces dépôts sacrés, ne l'avaient pas été pour ce prélat.
A cette époque, M. Necker est arrivé, fort de sa réputation, de son zèle, de son expérience et de la Confiance universelle, faible de moyens, car la situation de là chose publique ne lui en donnait aucun. Les Etats généraux étaient annoncés, mais il fallait les convoquer, il fallait que les provinces donnassent des instructions à leurs députés ; il fallait de longues discussions et de grands changements pour que les prétentions exagérées des différents ordres se fondissent dans un seul esprit public. "
On ne pouvait savoir quel serait le résultat de tant d'événements incertains ; on ne pouvait prévoir si les représentants des provinces garantiraient ou ne garantiraiéitf pas la dette publique ; il n'existait plus aucune forme sous laquelle on pût donner la moindre légalité aux nouvelles dèttes qu'il fallait contracter encore ; on ne pouvait prêter qu'à la probité personnelle du Roi qu'à l'estime qu'inspirait le ministre, qu'à votre honneur et à votre loyauté qu'on présumait. Ces gages étaient sûrs ; ils n'ont démenti l'attente de personne ; mais la garantie qu'ils présentaient n'avait rien de physique : une légère variation dans les opinions pouvait en déranger l'effet ; des banquiers pouvaient, sans honté, exiger (une autre hypothèque, et il était démontré, de mille manières, qu'il n'y en avait aucune autre.
C'est dans ces circonstances, c'est sur un abîme ouvert et connu, que la caisse d'escompte a risqué, pour l'Etat, son honneur et sa fortune; qu'elle s'est dévouée, comme une chaloupe au milieu d'une mer oragéuse, pour sauver Péquipage d'un navire en perdition; et ce vaisseau, c'était la France; il est arrivé au port de l'Assemblée nationale.
Si la plus honteuse banqueroute, qui était l'intérêt du despotisme et l'espoir de
l'âristocratie, ne les a pas fait échapper à la nécessité de consulter la nation, si elle n'a
pas élevé les moyens des vizirs fort' au-dessus de leurs dépensés; si la probité du Roi et
celle du ministre ont été secourues, si lës représentants de la nation française ont été
assemblés, si une fois réunis ils ont ce senti qu'ils devaient être, si le clergé n'est plus
Ce n'est pas que je prétende qu'une nation doive être asservie, même par la reconnaissance ; mais je dis que l'arithmétique, dont vous avez daigné remarquer que je ne négligeais pas le secours, en soumettant mes idées a vos lumières, ne doit pas être le guide unique des nations; je dis que les considérations morales ont aussi leur poids, que c'est principalement par elles que l'on gouverne les empires, et que, chérissant mes concitoyens comme moi-même, j'aimerais mieux qu'ils passassent pour malhabiles que pour ingrats.
Je ne voudrais pas porter ce sentiment jusqu'à faire acheter trop cher à nos compatriotes un service public qui doit, comme tous les autres services, subir la loi de la concurrence. Si quelque autre banque vous offre des conditions plus avantageuses que la caisse d'escompte, je dirai avec vous qu'elle doit être préférée, mais seulement après que vous aurez demandé à la caisse d'escompte, si elle ne peut pas remplir les mêmes conditions.
Cette nouvelle banque, Messieurs, que vous substitueriez à la caisse d'escompte, devrait réunir beaucoup d'autres moyens que l'esprit, les lumières, les talents et le génie ; il faudrait qu'elle vous donnât, lorsque vous remercieriez l'ancienne banque, de quoi la rembourser : : 1° Des 70 millions qu'elle a déposés au Trésor royal, non pas en billets sans valeur, comme vous l'a dit M. Lavenue, mais en actions qui ont été vendues au profit de l'Etat, argent comptant;
28 Des 25 millions que les actionnaires de cette caisse ont prêtés au commencement de cette année ;
3° Des 29 millions que leur caisse a encore avancés sans savoir si vous les rembourseriez;
4° Enfin des 60 millions qu'elle a fournis depuis l'autorisation que vous avez donnéè au gouvernement pour traiter avec elle, ou avec d'autres compagnies de finance.
Ce total de 184 millions, outre ce crui serait nécessaire pour former le fonds de la caisse de la nouvelle banque, me paraît, dans la situation présente du crédit punlic et privé, et dans l'urgence des besoins qui ne permettent aucun retard, une bien grande difficulté que le projet d'abandonner la caisse d'escompte aurait à vaincre ; je m'en rapporte à votre sagesse.
M. de Mirabeau vous a dit que la caisse d'escompte ne pouvait prêter à la nation que le crédit qui appartient déjà à la nation elle-même. Sans doute on ne prête pas aux gens qui n'ont point de crédit ; et sur quoi voudrait-on que la nation empruntât, si ce n'est en effet sur la confiance qui. lui est due? Les banquiers aussi qui empruntent à la caisse d'escompte ne trouvent l'usage de son crédit qu'à raison de celui qui leur est propre. L'union de deux crédits est, comme toute autre union, un moyen de force et de félicité. Elle ressemble à celle de deux arbres qui, séparés, seraient trop faibles pour résister aux coups du vent, mais qui se soutiennent pressés l'un contre l'autre, et entremêlant leurs branches et leurs racines.
Malgré la. perte qu'éprouvent aujourd'hui les effets publics, et malgré le peu de succès des deux emprunts que vous avez ouverts, je suis encore convaincu que la France a le germe d'un très-beau crédit; mais ce germe a un besoin vi-
sible d'être cultivé; et comment le crédit national peut-il être diminué en s'aidant de celui d'une compagnie qui a un capital de plus de 100 millions libres, et qui peut payer, sans effort, 8 à 10 millions par mois? Pensez-vous que ce ne soit rien qu'un capital de 100 millions de plus à vos ordres ; et croyez-vous que des payements effectifs, de 100 à 120 millions par année, réalisés régulièrement sur le pied de 3 à 400,000 francs par jour, ne soient pas de grands moyens d'entretenir la confiance? Ne voyez-vous pas combién elle est, combien elle a toujours été plus grande pour les effets qu'on rembourse, que pour ceux qu'on ne remboursé point ?
Je n'entends pas ce qu'on veut dire dans le projet du premier ministre des finances, ni dans celui de votre comité, ni dans le discours de M. de Mirabeau, par une caisse nationale, séparée de la caisse d'administration et particulièrement appliquée aux dettes. Pourquoi multiplier ainsi les dépenses de caisses et d'administrateurs? Pourquoi appréhender de vous voler vous-mêmes et d'intervertir la destination des, fonds publics? C'était à faire aux rois, qui craignaient leurs ministres, leurs maîtresses et leurs passions; c'était à faire aux ministres, qui se craignaient l'un l'autre. Mais vous, l'assemblée permanente d'une grande nation, vous ne. vous croiriez pas capables de faire effectuer par une seule caisse les payements divers que vous aurez décrétés 1 et vous voudriez inspirer la confiance que vous n'auriez pas en vous-mêmes ! Comment la rendrèz-vous générale ? ce. n'est pas en créant une caisse que vous indiqueriez comme plus nationale ou plus privilégiée qu'une autre, ce qui serait petit et insensé ? tous vos établissements publics doivent être également nationaux, nul besoin ne doit être privilégié que les plus urgents ; et pensez-vous que, si la caisse d'administration n'avait pas de quoi payer les troupes, vous pourriez ou devriez empêcher la caisse nationale de venir au secours? Pensez-vous qu'il y ait quelque enfant qui le croie? C'est en mettant la totalité de vos revenus au-dessus de vos dépenses, et non pas en partageant entre diverses caisses des revenus qui seraient insuffisants, que vous rétablirez votre crédit. Les déprédateurs n'y sont plus ; s'ils y étaient, s'ils pouvaient renaître, vos précautions de caisses particulières seraient impuissantes contre eux. Ne donnez point à penser que vous puissiez redouter de le devenir vous-mêmes. Apprenez à vous estimer ce que vous valez, connaissez votre dignité, et n'oubliez pas que vis-à-vis du peuple elle, tient beaucoup à l'économie et à la simplicité de l'administration.
Si, abandonnant l'idée d'une très-inutile et très-dispendieuse caisse nationale, qui ferait croire que vous avez deux intérêts, le Trésor royal veut user de son propre crédit et répand des billets: ou ces billets porteront, comme plusieurs personnes le proposent, un intérêt de 5 0/0, et alors le Trésor royal sera en faillite; il atermoiera d'autorité, et il payera cette situation désagréable et forcée au prix de 2 0/0 plus cher sur les intérêts que ne le propose la caisse d'escompte ;
Ou il n'attachera point d'intérêt à ses billets, et alors il fera banqueroute, au moins dé la valeur des intérêts à ceux qui seront obligés de recevoir les billets en payement. ,
Enfin, dans l'un et dans l'autre cas : ou le Trésor royal n'indiquera qu'une époque éloignée pour retirer les billets qu'il aura donnés, et alors ses billets perdront sur la place, la banqueroute sera plus cruelle et plus ruineuse ; ou il ouvrira une
caisse afin de payer chaque jour comme la caisse d'escompte, pour 3 à400,1)00 livres de billets ; alors le Trésor royal sera une banque qui commencera son établissement par la nécessité de payer 184 millions à l'ancienne banque que vous aurez réprouvée, et que vous aurez réprouvée pourquoi? à cause ae l'embarras passager où l'ont mise les services qu'elle vous a rendus et la difficulté que vous trouvez à vous acquitter envers ' elle. Encore le Trésor royal n'aura-t-il pas, comme la banque, le juste espoir de pouvoir payer à toutes demandes, des que la confiance sera rétablie.
C'est un cercle, Messieurs, dont nous ne pouvons pas nous tirer : ou nous emploierons la caisse d'escompte;, ou nous la punirons des secours qu'elle a donnés à l'Etat, et nous emploierons une seconde banque, qui devra commencer par le remboursement deîla première ; ou nous transformerons le Trésor royal èn une troisième banque, sous la même condition ; ou négligeant tous ces palliatifs, nous manquerons nettement aux engagements qui ont été pris sur la foi publique, après les avoir nous-mêmes consolidés avec une phrase imposante, et oubliant notre honneur .et notre .loyauté, nous ferons banqueroute au moins partielle sur le capital, sur l'intérêt, ou sur l'un et sur l'autre.
Banque ou banqueroute, vous avez le choix ; ou plutôt vous ne l'avez plus, car vous avez proscrit jusqu'à la dernière expression, et ce n'est pas moi qui vous ai fardé la première : c'est/moi, au contraire qui, la dépouillant de tout artifice, viens de vous dire, au grand étonnement des projeteurs, jusqu'où il fallait limiter la confiance dans les promesses des gens d'esprit qui -voudraient vous persuader qu'une banque payera toujours tous les billets qu'on pourra lui présenter.
Je me-sUis borné à vous exposer que l'on ne peut perdre avec une banque raisonnablement administrée et constituée, et qu'elle pourra payer constamment des demandes sagement proportionnées aux deniers de sa caisse. . Si ces conditions tirées de la nature de la chose ne vous inspirent pas une invincible répugnance (et pourquoi répugnerait-on à ce que la nature des choses exige?), si les Etats pauvres sont, comme les particuliers pauvres, obligés d'aider leur crédit du crédit d'autrui ; si le pire'des maux est d'exercer l'autorité pour se dispenser de payer ses dettes; si c'est une des injustices dont le peuple a toujours été le plus choqué, vous adopterez le projet du premier ministre des finances,
C'est à quoi je conclus, Messieurs, en vous priant seulement d'y apporter quelques modifications. Le ministre vous a demandé d'y faire celles que vous jugeriez utiles, et il en est trois qui me paraissent d'une indispensable nécessité: . La première est d'abandonner l'entreprise des banques aux lois de la liberté du commerce. Je n'ai pas compris ce que le ministre a voulu dire en vous parlant d'un privilège pour la caisse d'escompte. Si ce privilège renferme quelque çbose d exclusif, vous devez le refuser : vous êtes venus ici pour détruire les privilèges exclusifs,, et non pour en Créer de nouveaux. Si l'on n'entend par privilège que la décoration d'un titre, j'y vois peu d'utilité, peu d'inconvénients; mais aussi dans ce sens l'expression est pèu française.
Le sejcond amendement qué je demanderai aux propositions qui vous ont été faites est relatif aux anticipations. Je ne crois pas que vous en deviez conserver aucunes. Je crois que vous devez imposer au gouvernement la loi de les rem-
bourser toutes. Il serait impossible, avec des anticipations, d'établir un Ordre parfait de.comptabilité; il serait impossible de faire de toutes les caisses de recettes, des caisses de dépenses; et j'ai eu l'honneur de vous démontrer, dans une autre occasion, qu'indépendamment de la simplicité et de la clarté qui en résulteraient pour les comptes publics, ily a 20 millions par an à gagner à cette utile opération.
La troisième modification que je vous prie d'agréer est de tenir constamment ouvert un emprunt à 4 1/2 0/0, dont 4 en perpétuel, et 1/2 en tontines, duquel les fonds puissent toujours être faits, soit en effets suspendus, soit en billets de caisse, et soient toujours employés, sous l'inspëction de l'Assemblée nationale, et sous la garantie de la responsabilité des ministres, au remboursement des dettes les plus onéreuses. Avec cette précaution je ne crains pas que les billets.de la caisse d'escompte, bornés à 240 millions, surabondent; et je vois que la petite gêne même qui pourrait durer encore quelque temps dans le payement des billets de la caisse assurera le succès de l'emprunt. Sans elle, je crois, comme le premier ministre des financés, que les billets pourraient surabonder, et je serais effrayé, comme lui, de la ressource quil vous présente, tandis qu'il me paraît d'ailleurs si nécessaire d'en faire usage, et que jointe à celles que vous vous êtes déjà préparées, elle me semble 1 unique moyen d'amener les finances au degré d'équilibré et de prospérité dont je vous avais offert un aperçu que le rapport-de votre comité des finances confirme.
Je désire. Messieurs, que les vérités que je viens d'avoir l'honneur ae vous exposer justifient les propositions que je vais vous lire et que je remettrai ensuite sur le bureau.
propositions.
. Adopter le plan du premier ministre des finances, à la charge :
Que le privilège de la caisse d'escompte ne sera pas exclusif;
Que l'établissement des banques sera libre comme toute autre entreprise de commerce; • Que toutes les anticipations seront remboursées;
Que toutes les caisses de recette deviendront des caisses de dépense ;
Et qu'outre l'emploi offert aux billets de caisse, dans le rachat des dîmes et l'acquisition des biens-fonds qui sont à la:disposition ae la nation, il sera constamment ouvert un emprunt, à des conditions à la fois exclusives de toute immora-lité, attrayantes pour les prêteurs, et avantageuses pour la nation, afin d'assurer, de toutes parts, aux billets de caisse, Un débouché qui les empêche d'excéder les besoins de la circulation.
Voix nombreuses : L'impression du discours de M. Dupont (de'Nemours).
L'imprèssion est ordonnée.
La suite de la discussion est ajournée et l'Assemblée passe à son ordre du jour de deux heures.
rend compte, au nom du comité des rapports, des difficultés qui se sont élevées entre le district des Cordeliers et les représentants, de la commune de Paris. Il donne lecture des articles 2, 3 et 4 du plan provisoire que les districts ont au moins adopté tacitement. La
preuve en est dans la nomination des 60 membres qui forment le conseil de ville.
Chaque district a nommé 5 députés; les uns à temps limité, les autres avec certains pouvoirs.
Les districts se plaignent, et c'est le plus grand nombre, que les députés à l'Hôtel-de-Ville ont bientôt usurpé une autorité qui ne leur appartient pas.
Ainsi ils ont formé un régiment de chasseurs, fait des règlements de police qu'ils ont portés à l'Assemblée, pour éviter de les soumettre à la décision des districts, et ont prié le Roi de rappeler les gardes du corps, etc.
Le district des Cordeliers a révoqué ses députés ét en a nommé d'autres sur la démission des trois membres de la commune qui n'ont pas voulu prêter le serment qui leur était demandé ; ces députés nouveaux n'ont de pouvoirs que pour un règlement provisoire et non des pouvoirs indéfinis. L'assemblée des représentants des communes a voulu conserver les anciens membres et rejeter les nouveaux.
Les questions soumises à l'Assemblée sont donc : 1° de savoir si d'un côté les commettants peuvent révoquer à leur gré leurs députés nommés par un règlement provisoire de police et d'administration; 2° s'ils peuvent leur imposer tel ou tel serment. Le serment exigé soumet les députés à l'assemblée de la commune, à la révocabilité volontaire des districts; 3° si la commune peut casser l'arrêté du district, rappeler les anciens députés dans son sein, malgré la volonté expresse du district qui, sur la démission de ses représentants eu l'assemblée de la commune, en a nommé d'autres.
t a demandé que toutes choses demeurassent en état jusquà ce que l'Assemblée nationale pût donner elle-même un plan de municipalité; il lit un décret conforme à ses idées de paix et propose de l'étendre à toutes les municipalités.
propose un projet de décret portant que l'Assemblée nationale s'occupant de l'organisation des municipalités et de l'élection qui aura lieu incessamment pour les membres municipaux, recommande la modération à toutes les villes qui n'ont pas changé leurs municipalités, ou qui, entraînées par des circonstances impérieuses, en ont formé d'autres, sur lesquelles il v a des réclamations.
On demande l'ajournement.
demande qu'on décide sur-le-champ, parce que le district n'a plus de représentants.
t appuie la motion de M. Démeunier.
L'ajournement demandé pour demain, deux heures après midi, est mis aux voix et prononcé.
La séance est levée.
RÉFLEXIONS DU comte de Custine sur la proposition du ministre des finances de sanctionner, comme caisse nationale, la caisse d'escompte appartenant à des capitalistes.
Messieurs, ce n'est qu'avec crainte que je me permets quelques réflexions sur le plan qui vous a été présenté par le ministre des finances : sa grande réputation, sa longue expérience , tout concourt à faire regarder comme audacieux l'homme qui ose se le permettre. Mais, Messieurs, un représentant de la nation doit à l'Assemblée nationale, à un ministre même, à la probité duquel toute la nation rend hommage, au meilleur, au plus vertueux des rois, enfin, à son devoir, le développement des erreurs des administrations précédentes, qui ont amené la crise où nous sommes aujourd'hui (1) ; il doit faire connaître combien la' caisse d'escompte a facilité ces opérations qui, n'étant que des palliatifs, n'ont fait qu'ajouter à nos maux; il est de son devoir de vous faire observer que cette caisse d'escompte, que l'on vous propose de sanctionner comme caisse nationale, à laquelle on vous invite à recourir dans ce moment pour vous assurer ses secours, acquerrait par votre acquiescement une consistance que vous ne pourriez plus ébranler.
Il est de son devoir de vous faire connaître, Messieurs, que cette consistance que vous donneriez à la caisse d'escompte, facilitant le retour à ces fausses spéculations dont je vais vous tracer les effets, augmenterait encore cette déperdition de numéraire qui cause aujourd'hui ces suspensions dans la circulation. Il en est, Messieurs, du corps politique comme du corps humain : la suspension de la circulation du numéraire dans le premier produit le même effet que celle de la
circulation du sang dans le dernier: la dissolution, la destruction.
Nous ne pouvons prendre pour modèle du régime que nous adopterons pour notre caisse nationale l'exemple de la Banque d'Angleterre. Premièrement, il s'en faut que cette banque soit l'objet de l'admiration des spéculateur^ (en administration), sages et réfléchis de ce pays; d'ailleurs, pour faire avec justesse l'application du régime d'administration d'un Etat à un autre, il faut aussi'comparer leur position. L'Angleterre, placée à côté de l'Europe, est eùtoùrée de toute part par la iner; elle n'invite pas, comme la France, par sa position, seS voisins à prendre part à ses opérations., à profiter de ses erreurs en finances. Ce dernier royaume, placé au centre de l'Europe, a vu les banquiers hollandais, flamands, les places, de commerce de la haute Allemagne, de là Suisse, de l'Espagne même, s'enrichir de ses fausses spéculations, par un commerce de papier qu'a créé la caisse d'escompte.
Mon objet ,dans cet instant, Messieurs, est de vous tracer les opérations qui lui ont donné naissance, lés inconvénients qui en ont résulté, par l'avilissement de votre change avec les places de commerce de l'Europe.
Combien le contre-coup de cet avilissement est nuisible à vos villes de commerce et à vos manufactures ! Combien il rejaillit su? la fortune de vos capitalistes qui ne sont point actionnaires de la caisse d'escompte 1
La création de 12,000 actions que l'on vous propose, pour augmenter le numéraire de la caisse d'escompte, afin d'efi faire " Une caisse nationale, est probablement un moyen illusoire.
D'abord je demande comment l'on sè procurera ces 48 millions de numéraire. Parviendra-t-on, pour y réussir, à trouver des capitalistes qui aient thésaurisé leurs fonds et veuillent les prodiguer pour acquérir les nouvelles actions créées? Je mé dis, par quel appât pourraient-ils être décidés, lorsqu'il existe en vente sur la place tant d'actions que l'on peut acheter et payer en billets de la caisse d'escompte, en suspension"de payements, à 10 0/0 de moins que le taux que l'on métaux nouvelles actions,qu'il faudrait payer en numéraire sonnant ? Aussi le premier ministre ne tarde pas à dire que, si 1 on ne pouvait trouver le numéraire nécessaire à l'acquisition des nouvelles actions, l'on pourrait se contenter du cautionnement de maisons de banque accréditées, qui s'engageraient à fournir les fonds représentatifs du papier qui aurait été fourni *eh place du numéraire pour l'acquisition des nou-velles actions. Quel sera le résultât de cette annonce négligemment présentée dans le mémoire du premier ministre ? D'ouvrir un nouveau canal au commerce du papier de toutes les maisons de banque d'Europe, dont il a augmenté la fortune en leur rapportant le numéraire réel dela France en échange de papiers acceptés par les banquiers de la capitale, escomptés a la caisse d'escompte. Ce serait avec ce papier que se ferait l'acquisition de ces nouvelles actions : ce moyen, il est vrai, servirait à augmenter les opérations de la caisse d'escompte, et par conséquent ses profits, mais le résultat final de semblables opérations serait de faire sortir du royaume en numéraire, 1/2 0/0 de plus qu'il n'en serait entré, par la moitié de la différence de l'intérêt de 4, que coûterait l'escompte des lettres de change, à celui de 7, où serait le taux du dividende, et cela sans avoir fait entrer un seul écu dans le royaume. Quoil la nation tout entière serait^elle assemblée
pour sanctionner une disposition semblable?
Exigerez-Vous du numéraire pour l'acquisition de cette création d'actions ?
Je vais vous dire comment on se le procurera: on fera un traité avec des négociants en Espagne pour en obtenir des piastres ; ces piastres Seront payées en lettres de change, ces lettres de change seront retirées par les Anglais en échange de marchandises fabriquées dans leurs manufactures', ce nouveau moyen vous fera payer à l'Angleterre un soldé qui avilira encore votre change avec cette puissance, portera un coup mortel aux fabrications de vos manufacturés, pour accroître celles de votre rivale*. C'est ainsi que se lient les opérations de finances et celles de commerce. Si ce sont là les secours que doit donner la caisse d'esconipte au commercé national, certes sa reconnaissance sera facile à acquitter !
Quel contre-coup mortel n'éprouvera pas par cette nouvelle création la fortune des capitalistes ! Dans quel avilissement une semblable opération ne fera-t-elle pas tomber les fonds publics 1 peut-il se calculer ? ne préférera-t-on pas des effets à 7 0/0, que l'on pourra toujours réaliser, à des contrats qui produiront 5 0/0, dont le payement des arrérages est toujours retardé? C'est alors que lès étrangers pourront acheter de ces fonds à vil prix, que lés intérêts qui sortiront du royaume par ces acquisitions augmenteront encore la pénurie du numéraire, l'avilissement du change avec l'étranger; et, si jamais les fonds publics après de semblables ^opérations venaient à remonter, leur vente à cette époque, faite par ces étrangers, ferait encore sortir un numéraire réel, lorsqu'il ne serait entré que du papiçr pour les acquérir. Jusqu'à quand s'aveu-glera-t-on sur des vérités aussi incontestables ? Et faut-il préparer par l'opération qu'on vous propose, une crise plus désastreuse encore que celle où vous êtes aujourd'hui et où vous conduirait l'agiotage qui s'avivera avec une fureur incalculable? Ce sera un moyen de plus de produire l'exportation des fonds, par les profits immenses des étrangers dans ce jeu ; il leur sera facile de s'y livrer par les moyens que leur donneront les opérations d'escompte de cetté nouvelle caisse.
Eh ! pourquoi se préparer tant de maux? Est-ce pour être juste envers les actionnaires actuels de la caisse d'escompte, pour ne pas donner atteinte à leur fortune ? Quelle atteinte y donnerait-on, lorsque l'on remplirait les engagements du Roi envers eux, lorsqu'on leur donnerait 6 0/0 du fonds qui resterait en numéraire dans la caisse, lorsque l'on se chargerait des papiers qui forment leurs opérations de change? Quoi ! auraient-ils acquis le droit exclusif de détruire la fortune de l'Etat, pour accroître la leur? et lorsqu'elle est fondée sur un système qui a détruit les finances de la France, la nation serait-elle injuste si elle détruisait à son tour cet établissement, en garantissant aux actionnaires leurs fonds laissés à la caisse et en leur en payant l'intérêt à 6 0/0? Les actionnaires de la caisse d'escompte oublieraient-ils que c'est aux opérations de finances qu'ils doivent les dividendes qu'ils ont obtenus? Les banquiers qui y sont intéressés ne savent-ils pas que c'est à ces mêmes opérations qu'ils doivent les fortunes immenses qu'ils ont accrues par le système d'emprunt établi dans nos finances? J'ai trop bonne opinion de leur patriotisme, de leur honnêteté, pour ne pas croire à leur justice. Les actionnaires qui ont acheté à perle depuis l'avilissement du prix des
actions auraient-ils à se plaindre? Non, sans doute; et si l'on cesse toutes opérations de finances, que l'on paye en billets qui seront acquittés lors de la rentrée de l'imposition patriotique, que l'on force la caisse d'escompte a payer à caisse ouverte, je demande quelle sera la fortune de ses capitalistes ?
Dira-t-on que ce soit une fausse spéculation, que dë former une caisse' vraiment nationale ; qu'il serait bien plus avantageux de soutenir un établissement qui fera des prêts à la nation à 3 0/0? Quelle opinion a-t-on donc d'hommes auxquels on présente de semblables appâts ?
Le dernier résultat de cet établissement ne sera-t-il pas de valoir à la caisse d'escompte 7 0/0, même en aidant le Trésor de ces sommes immenses fournies à la nation? pourquoi ne pas ajouter aux avantages que recueillera la nation le produit de 7 0/0, réduit à 1 0/0 net pour elle, jusqu'à Pépoque où elle aura remboursé aux actionnaires les capitaux pour lesquels elle payera 6 0/0?
L'appât des fonds à 30/0, qui vous est offert, n"à d'âutre objet que de sanctionner un établissement que l'État ne pourra plus détruire lorsqu'il aura contracte avec lui une créance imménse.
La proposition qui vous est faite de tourner à votre profit ce-qui excédera 7 0/0 dans les bénéfices de la banque me paraîtrait illusoire : comment vérifier ce bénéfice, lorsqu'il sërâ 'si facile de vous cacher les opérations d'une banque que vos représentants ne dirigeront pas ? De semblables amorces ne peuvent être un appât séduisant pour les représentants éclairés d'une grande nation.
La caisse qui appartiendrait à la nation, donnerait autant de moyens de diminuer l'intérêt de la créance" publique, que cette caisse appartenant à des capitalistes.
Mais il est un inconvénient attaché à la caisse qui vous est proposée, et cet inconvénient doit vous décider à la rejeter sans retour. Entre les mains d'hommes qui ne pourront être responsables à la nation, ne pourra-t-elle pas faire des prêts à un Roi qui pourrait se servir dë ses fonds pour acheter les moyens de vous asservir ? La probité, la pureté des intentions du monarque qui nous gouverne, ôtent à la nation toute crainte à cet égard ; mais ses représentants doivent porter leurs regards dans l'avenir et prévoir d'avance les possibilités.
Enfin, une caisse nationale qui, lorsqu'elle aura acquis du crédit, contiendra le numéraire du royaume, ne peut être qu'entre les mains de délégués choisis par les représentants de la nation et comptables à eux seuls.
Si une caisse appartenant à la nation est préférée, ce que je désire Vivement, ce ne sera pas des billets d'Etat qu'il faudra créer, mais un papier qui, mis en circulation, sera sans doute escomnté lentement à son début, pas plus même que celui de la caisse d'escompte, ensuite plus vivement lorsque les fonds des impositions des provinces auront fait rentrer le numéraire dans la caisses : ce moyen n'augmentera pas l'avilissement de notre change avec l'étranger ; il en assurera, au contraire, l'augmentation pour l'avenir ; au lieu que je. crois avoir démontré que le parti proposé opérerait la destruction du crédit de la France pour bien longtemps.
Si la nation doit cautionner les billets d'un établissement, ce doit être de celui qui l'enrichira, car il faudrait qu'ëlle fût frappée de folie pour garantir ceux d'un établissement qui amènerait sa ruine, et qui ne vous permettra jamais
de faire contribuer aux charges publiques ses intéressés. Je terminerai cé tableau par les moyens que j'aurai l'honneur de vous soumettre, tendant à établir une caisse vraiment nationale, qui puisse par ses opérations lier là fortune des capitalistes à celles de l'Etat, les forcer de contribuer aux Charges publiques, servir à la splendeur de votre commerce, faire cesser l'exportation du numéraire, enfin, faciliter les versements de fonds des provinces. La dèstructionde quelques compagnies de finances (que je crois pouvoir prédire sans me tromper) pourrait rendre difficile le versement de fonds des impôts, sans le moyen que je propose.
La rareté que l'on éprouve dans le numéraire, daté1 d'unë époquè bien plus éloignée que l'époque actuelle ; sa source principale est dans trois grandes erreurs des administrations précédentes, qui remontent à l'époque du commencement delà guerre d'Amérique : premièrement, le systèmede taire cette guerre sans mettre d'impôt, et par des sommes empruntées (1 ) ; l'agiotage auquel ce système a donné naissance, les facilités qu'a fournies la caisse d'escompte, pour aviver ce jeu infernal, qui a enrichi les banquiers des places de commerce de nos voisins, aux dépens des mauvais spéculateurs et des hommes séduits, dans la capitale, par l'appât de s'enrichir. Quoi! la nation aurait-elle déjà oublié la chute de M. de Saint-JameS, celle de M. de Sérilly, et de tant d'autres, dont l'agiotage a hâté la ruine? L'idée qu'ils avaient conçue du degré auquel ils pouvaient porter leurs fortunes par ces opérations, les avait fait se livrer à des dépenses auxquelles ils espéraient satisfaire par ces fausses spéculations. Ce système, réprouvé par tout homme qui y a réfléchi ( sans consulter l'intérêt de quelques négociants d'argent de la capitale), lié à celui de n'envoyer que peu ou point de convois pour l'approvisionnement des armées de terre et de mer, répandues au loin sur la surfacedu globe dans cette guerre, a produit tous nos maux. En suppléant à l'omission des convois, par la liberté donnée aux commandants de ces armées, de tirer des lettres de change sur le Trésor public en Europe, on en a avili la valeur; ces lettres ont perdu d'abord 15, ensuite 20, 25 et 35, et l'on dit dans l'Inde
On ne pourrait pas dire que. des cpnvrçip, ipultiplîé3 auraient pu être interceptés psp'jfô^^glqjà, au?, côtes d'Europe et aux atterrages : nos flottes étj^ienjj à même de les protéger ; et il n'est personne qui,nç s^^^e que des bâtiments légers et quelques frégates sont tput ce qu'il faut en pleine mer.
jusqu'à 40 et 50 0/0, à mesure qu'elles se multipliaient dans les pays où séjournaient les armées. Il est facile de prouver que tant d'erreurs liées au système de la neutralité armée (1) sont une des plus fortes causes de l'extraction énorme de-numéraire qui a été faite de France depuis la paix.
Les lettres de change versées avec profusion dans la dernière guerre, dans tous les pays où séjournaient nos armées de terre et de mer, n'auraient pas été encore le plus grand de nos maux, puisqu en enrichissant les puissances neutres, elles les plaçaient en relation de commerce des denrées coloniales avec la France, leur faisaient contracter l'habitude de les consommer, et même leur en formaient un besoin qui, à la paix, devait nous dédommager par une plus grande consommation, une augmentation au commerce de ces denrées avec ces puissances ; alors des fonds qui n'auraient été extraits que momentanément seraient rentrés par ce commerce. Mais pour produire cet heureux effet, il fallait restreindre le service des armées fait en lettres de change, aux Antilles seulement; il fallait au moins approvisionner ces colonies mêmes des denrées du royaume, que ne produisaient point ces pays étrangers à la France, qui pourvoit à leur subsistance, et éviter surtout de laisser la possibilité à l'Angleterre, d'approvisionner des marchandises de ses fabrications, tous les marchés du monde, qui regorgeaient des lettres de change laissées avec prodigalité et perte extrême par la France, dans toutes les parties du globe. L'inattention et l'assoupissement des administrateurs en France sur cet important objet a relevé la fortune de l'Angleterre d'une manière qui nous paraît incompréhensible (2), après la guerre la plus désastreuse, en lui portant notre numéraire employé à payer ces lettres de change. Voilà une de ces vérités que peut attester la légation française à Londres, qui a vu, ainsi que j'ai été à portée de le voir, des monceaux d'or existant dans la; aisse de la Banque d'Angleterre, au coin de France, en 1785 en 1786.
Le faux système adopté, de tirer des piastres d'Espagne, pour les faire frapper dans les monnaies au coin de France, en les payant en lettres de change, ce commerce erroné est encore fait aujourd'hui par la caisse d'escompte pour se procurer du numéraire ; il ajouté à notre détresse, nous a imposé l'obligation de faire le solde de l'Espagne à toutes les puissances commerçantes de l'Europe, et par là, augmenté la sortie de notre numéraire par l'avilissement de notre change avec5les places de commerce étrangères, il a accru la fortune de l'Angleterre, qui a eu grand soin de retirer par les fabrications de ses manufactures, les lettres de change que la France donnait aux négociants espagnols, en payement de leurs piastres; ce sont toutes ces facilités données à l'Angleterre par les fausses spéculations des administrateurs en France (3) qui ont relevé le
commerce et la fortune de cette puissance rivale, en tenant notre change avec elle dans l'avilissement dans lequel il a été depuis la paix de 1783. Voudrait-on donc, en augmentant le nombre des actions de la caisse d'escompte, fournir de nouveau les mêmes moyens à l'Angleterre?
Après tant déraisons de ne pas augmenter un établissement dont les secours ont été si chèrement payés (1), il faut y ajouter le développement des motifs donnés depuis longtemps dans mon opinion relative aux finances de la France et à la caisse d'escompte.
Pour que cette caisse puisse vous faire l'avance des fonds nécessaires au Trésor public, il faut que tous ceux qui feront partie de l'impôt patriotique, soient versés dans les caisses de cet établissement, pour former le remboursement des avances faites par cette caisse devenue nationale de nom. Cette disposition portera à la caisse d'escompte une grande partie du numéraire du royaume; et, pour l'obtenir, elle vous aura donné du papier (2).
Au point où vous êtes arrivés, il ne reste plus qu'un parti à prendre pour que cet établissement ne devienne pas la ruine des capitalistes non intéressés dans la caisse d'escompte, et ne porte par un coup mortel aux opérations de banque de toutes les places de commerce du royaume, sans qu'il en résulte aucun avantage ni pour votre commerce intérieur ou extérieur, ni pour votre agriculture.
Je le répète : décréter la caisse d'escompte, caisse nationale, serait décréter la ruine de la nation, en investissant par ce décret, les capitalistes actionnaires de cette caisse, d'un crédit public prépondérant. Pour vous en convaincre, jetez un regard sur l'effet qu'elle a produit.
Cette caisse a été formée par le ministre des finances pour faciliter ses emprunts ; et, en effet, elle donne la facilité toutes les maisons accréditées de toutes les places de commerce de l'Europe, de prendre des parts dans les emprunts publics, sans verser en France aucuns ionds, puisqu'en tirant sur leurs correspondants à Paris, qui font escompter leurs traites à la caisse d'escompte, il versent au Trésor royal les fonds qu'ils ont pris dans les emprunts; sans avoir sorti un écu de leurs caisses, ils partagent avec leurs correspondants à Paris, le bénéfice qui résulte de la différence entre l'escompte de 4 0/0, exigé à la caisse d'escompte, et l'intérêt de l'emprunt fait par le gouvernement, plus (ainsi que l'appelle le premier ministre) l'appât donné au preteur, de l'intérêt courant entre le jour de la soumission faite au Trésor public, et celui de la remise des fonds : il est donc évident que les fonds provenant de la moitié de ce bénéfice sortent du royaume; que pour les obtenir, les banquiers étrangers n'y ont envoyé que du papier. Combien les rentes viagères ne font-elles par aujourd'hui sortir de fonds du royaume, sans que les maisons étrangères qui en sont propriétaires aient sorti de leurs caisses aucun numéraire
Ce mal, quoique réel, est bien léger, mis en parallèle avec celui qu'occasionne le jeu de l'agiotage : je vais essayer d'en esquisser le tableau. Les banquiers établis dans la capitale, qui ont dans leurs mains les agents de change, connaissant à coup sûr l'époque de la plus grande baisse du papier, en donnent avis à leurs correspondants chez l'étranger, en leur proposant d'en prendre une partie. Ces correspondants tirent sur eux les fouds nécessaires à cette acquisition ; leurs traites acceptées, escomptées à la caisse d'escompte, fournissent les fonds de ces achats qu'ont amenés à un taux très-bas les manœuvres des joueurs ; et lorsqu'arrive l'instant de la hausse du papier, tout aussi connu que celui de la baisse, et qui s'opère de même par les agents de change, ces fonds revenus à 10,12 et 15 0/0 de profit, font passer la moitié du bénéfice de ce jeu dans les caisses des banquiers des puissances voisines, sans qu'ils aient fourni de numéraire pour l'obtenir. Mais, dira-t-on, dorénavant il ne se fera plus d'emprunt, l'agiotage tombera. La Banque d'Angleterre (1) ne produit pas dans ce royaume
cet effet funeste, quoique les fonds en appartiennent à des capitalistes. La Banque d'Angleterre est en garde contre l'escompte des papiers qui arrivent des Etats voisins : elle connaît les maisons de banque qui se livrent à ce commerce ; elle n'en escompte pas les effets, parce qu'elle en connaît le danger; elle aime mieux se contenter de dividendes modiques. La caisse d'escompte au contraire, quoique souvent en état de suspension de payement, pour obtenir des dividendes excessifs, s'est immodérément livrée à ces escomptes. En France, à Paris surtout, loin des grandes opérations de commerce dont les principes sont fondés sur de saines bases (elles ne sont connues que dans les ports), l'appât de fortunes rapides donnera toujours essor à l'agiotage. II sera moindre sans doute quand le gouvernement ne fera plus d'emprunt ; mais, à cette époque^même, n'existera-t il pas un autre moyen de ruine, bien plus prompt encore que celui de l'agiotage de maisons de banque ? L'idée ne peut-elle pas venir à une grande puissance de décréter votre ruine, en la fondant sur le jeu d'un agiotage qu'elle aurait tant de moyens d'aviver ? C'est pour avoir conçu ce plan, m'être occupé des moyens par lesquels on pourrait le rendre utile à élever la fortune de mon pays au plus haut degré, que je puis en faire la réflexion dans cette assemolée ; elle peut donner matière à méditation aux génies prévoyants.
La Banque d'Angleterre s'est établie dans ce royaume dans un temps où il existait peu de connaissances en finances; l'Angleterre est forcée aujourd'hui de subir les lois qu'elle lui impose, parce que le gouvernement a contracté envers elle trop d'engagements; qu'elle a tout le numéraire dans ses caisses, qu'elle a trop de papier en circulation pour pouvoir l'éteindre ; mais les fautes de l'Angleterre ne doivent-elles pas nous apprendre à nous tenir en garde contre les effets fâcheux des opérations qui les ont produites (1) ?
Voyons maintenant si, pour le commerce, former de la caisse d'escompte une caisse nationale, produirait un plus heureux effet, si cette caisse n'appartient pas réellement à la nation ; examinons celui qu'elle a produit : cet effet, le voici.
Par le même jeu dont j'ai parlé, elle a donné des fonds à toutes les maisons de commerce de la haute Allemagne qui en manquaient ; ce défaut de fonds les rendait dépendantes des banquiers et du commerce des différentes places du royaume, dont elles n'étaient que les commissionnaires : aujourd'hui les fonds qu'elles ont pu se procurer par la caisse d'escompte ont fait prendre aux maisons de commerce ae France le rôle des maisons de commerce de la haute Allemagne.
L'établissement de cette caisse ne sera pas plus utile à l'agriculture, qu'il ne l'a été jusqu'ici à aucune place de commerce du royaume ; il n'a servi qu'à restreindre les opérations de banque de ses places diverses : l'effet du discrédit qu'il jette,dans ces places sur les traites qu'elles font sur la capitale, leur porte le plus grand préjudice.
Que le commerce de Lyon s'explique ; cette allégation ne sera par douteuse.
Tant de maux produits, dans le présent, d'effets si funestes prévus pour l'avenir, n'ont pu me permettre le silence. Si l'état de splëndeur de mon pays doit marcher vers sa décadence, sa destruction, par un décret porté par l'Assemblée nationale, je ne veux pas éprouver l'éternel remords d'avoir laissé les représentants de la nation dans l'ignorance des effets funestes que j'appris à connaître en Angleterre, en Hollande, en Allemagne et en France même.
N'y aurait-il de moyens d'obtenir de secours présents qu'en élevant la fortune de la caisse d'escompte au plus haut degré que puisse atteindre un établissement qui déjà absorbe une partie des opérations des maisons de banque qui n'y sont point intéressées ?
Elle a, sans doute, facilité les emprunts de là dernière guerre; mais qu'ils ont été onéreux, et combien est cruelle la crise dans laquelle ils ont jeté les finances !
Ce ne serait qu'en versant des fonds du Trésor public à la caisse d'escompte que l'on pourrait espérer de lui faire reprendre ses paiements, et, par conséquent, lui rendre du crédit. Pour què ce; crédit fût utile au prompt versement ues impôts, il faudrait des impôts, il faudrait des bureaux, de cette caisse dans les provinces
Ïtour escompter ses billets. La suppression de a| plupart des compagnies de finances va nécessiter celte disposition pour le versement des fonds au Trésor public : alors elle pourrait, en effet, faire des avances à la nation. Mais ce ne serait autre chose que le système d'emprunt, ramené, il est vrai, sous une forme moins onéreuse, puisque les prêts qu'elle ferait au Trésor seraient a un moindre intérêt. Ce système alors, quoique moins onéreux, aurait un inconvénient de plus, celui de; ne pouvoir jamais être détruit qu'à l'extinction de la dette publique sans pouvoir faire contribuer les actionnaires delà caisse d'escompte à aucune charge de l'Etat.
Le ministre des finances doit, plus que personne, être frappé de l'évidence de ces vérités; et puisque l'intérêt d'une nation qui s'abandonne à lui doit lui être cher, ne doit-il pas désirer que le succès d'un établissement de banque nationale tourne en entier au profit de la nation?
Serait-il arrêté par la difficulté de se procurer les fonds nécessaires pour escompter les billets de la caisse appartenant à la nation, mis en circulation ? Il me semble, au contraire, que rien ne serait plus aisé que de se procurer ces fonds.
Dans les provinces et dans la capitale, il existe des caisses de consignations dont l'Assemblée nationale pourrait décréter que les fonds seraient employés aux escomptes des billets, lorsqu'ils seraient présentés à la caisse pour être payés. Je ne sais si j'ai été trompé, mais un homme versé dans les finances m'a assuré qu'il existait de grandes sommes dans les caisses des consignations au royaume. Le premier ministre a proposé lui-même, dans son mémoire, de verser à la caisse d'escompté les fonds provenant dès dépôts judiciaires, eh frayant 1/4 0/0 par usance : un même
décret ne pourrait-il pas être porté en faveur d'une caisse vraiment nationale ?
Il existe au moins 3 millions dans les fonds de caisses des régiments qui pourraient être employés au même objet ; l'on pourrait donner aux unes et aux autres un modique intérêt.
Tous les fonds provenant de la perception des impositions seraient versés dans les caisses nationales pour être employés de même aux escomptes.
L'argenterie que les églises verseront dans les monnaies pourrait encore augmenter ces fonds destinés aux escomptes ; il en serait de même de toute l'argenterie portée aux monnaies.
A mesure que les fonds du quart des revenus du royaume, votés par l'Assemblée nationale, seraient payés par les propriétaires, ces. fonds seraient versés dans les caisses destinées aux escomptes des billets.
Avec de telles disposition s > on pourrait, dès ce moment, créer 150 millions de billets de cette caisse en billets de 1,000 livres, de 300 livres, de 200 livres, de 100 livres et de 50 livres.
Ces billets seraient reçus dans les caisses publiques, et bientôt ils prendraient; un tel crédit qu'ils seraient préférés a l'argent. -
Pour produire cet effet plus sûrement, il serait nécessaire de décréter que l'or qui aurait passé un certain taux de frais ne. serait plus reçu que dans les monnaies et au poids; on accorderait seulement une remise au porteur du tiers du profit des monnaies.
Si cette caisse ne prenait pas tout le crédit qu'il est probable qu'elle obtiendra, la vente des biens du domaine, dont on recevrait un tiers en effets publics, et deux tiers en argent, ce papier étant reçu pour même valeur qu'argent en relèverait bientôt le crédit.
La vente des maisons ecclésiastiques supprimées, que l'on pourrait faire succéder à celle des domaines, serait un nouveau moyen.
Tant de manières de révivifier le crédit de ces billets ne peuvent laisser aucun doute sur le succès de leurétablissement. Une fois ce succès assuré, le crédit relevé, quelle facilité ne tirerait-on pas de cette caisse pour changer la nature de la dette nationale et diminuer les intérêts de la créance publique?
L'établissement d'une semblable caisse est le seul moyen qu'ait la nation d'atteindre les fonds des capitalistes et de les faire contribuer aux charges publiques. En effet cette caisse, une fois accréditée, peut avoir des emprunts toujours ouverts, où elle reçoive tous les fonds que l'on voudra y verser; qu'elle emploie ces fonds à faire des prêts sur des hypothèques assurées ; que les fonds qu'elle prêtera aient un privilège toujours acquis, avantage dont jouit même aujourd'hui le Trésor royal pour les créances contractées envers lui, alors tous les capitalistes qui voudront avoir leurs fonds assurés devront les placer dans la banque, et ils seront forcés d'acheter cette assurance 1 0/0 par an, car la banque donnera 1 0/0 de moins aux prêteurs qu'elle n'en exigera de ses créanciers (1).
Si la caisse d'escompte devient caisse nationale, alors ce seront ses actionnaires qui pourront jouir de cet avantage; elle atteindra les fortunes de tous les capitalistes, ils deviendront ses tributaires.
Vous jugerez, Messieurs, qu'avec une Assemblée des représentants de la nation l'établissement proposé ne peut avoir ni inconvénient, ni dangers, surtout en séparant, comme l'a établi le, comité de finances, les fonds attribués aux départements de ceux affectés aux payements des arrérages et à la liquidation de la créance publique.
30 millions ou environ, que peut avoir aujourd'hui en caisse la caisse d'escompte, n'ajouteraient point de facilités aux escomptes des billets qu'elle fournirait au Trésor public, puisque ces 30 millions ne suffisent pas à l'escompte des billets que cette caisse a en éirculation pour les opérations d'escompte auxquelles elle se livre.
Le sort de la nation est dans les mains du premier ministre des finances ; aucun bien ne peut se faire que par lui. Investi d'une confiance qui lui donne d aussi incalculables moyens, rAssemblée nationale doit diriger tous ses efforts pour le seconder, lui élever un monument; de gloire dont aUcuu mortel n'aura joui; mais en même temps, des hommes animés du désir du bien public, doivent attendre de ce ministre, qu'oubliant tous intérêts autres que, ceux de la nation, il n'aura qu'une seule perspective, celle d'assurer un bonheur durable à un grand peuple qui s'est abandonné à lui.
Je me résume-
Je propose : premièrement, que la nation rembourse aux actionnaires de la caisse d'escompte les fonds d'avarices avec lesquels ils l'ont formée, et leur en paye, jusqu'au remboursement, les intérêts à raison de 61)/0, taux de commerce;
Secondement, que lesdites actions soient remboursées à raison de 5,000 livres l'une, en y comprenant les 1,000 francs par actiorn,ésultant de râppel fait au mois de janvier dernier ;
Troisièmement, que la nation se charge dé toutes les lettres de change ^escomptées par la caisse d'escompte sans exiger aucune indemnité des actionnaires actuels, pour raison de protêt desdites lettres de change ;
Quatrièmement, que la caisse d'escompte donne -un état exact de la quantité de papier-monnaie qu'elle a en circulation;
Cinquièmement,quece papier soit échangé contre du papier de même espèce, marqué d'Un timbre national, et des divers signes auxquels il serait reconnu ;..
Sixièmement, qu'il reste en numéraire, ou engagements du Trésor public, une somme égale à celle des fonds des actionnaires, dont la nation leur payerait l'intérêt.
proposition.
Je propose qu'il soit créé une caisse nationale dont le premier ministre sera invité à concerter le plan avec un comité de l'Assemblée nationale composé de six personnes ; que ce comité soit chargé de même de former, de concert avec le premier ministre des finances, et un comité nommé par les actionnaires delà caisse d'escompte, le plan des indemnités à donner à ces actionnaires.
Que le travail terminé soit soumis à i'Assemblée nationale, qui en ordonnera;
Que l'Assemblée nationale, remplie de confiance dans la probité du premier ministre, s'empresse de lui offrir la direction de cette
caisse, où seront versés tous les fonds des impositions affectées aux payements des arrérages et des amortissements de la créance publique ; qu'il en choisisse lui-même tous les agents secondaires ; qu'enfin il soit nommé par l'Assembléé nationale un comité de six personnes, pour former, avec le premier ministre, qui lé présidera, lë conseil établi pour les opérations de la caisse nationale.
Plan d'une banque nationale par M. le comte
de Custine. .
introduction.
Dans les moments de crise, tout citoyen doit à l'Etat, à la société dont il fait partie, le tribut de son travail, de ses réflexions; des voyages que j'entrepris dans la vue d'étendre les connais.-sances à l'étude desquelles je m'étais livré pendant plusieurs années, m'ayant mis à portée de connaître les détails des différentes banques qui existent dans plusieurs Etats de l'Europe, j'ai profité, à mon retour, de mes loisirs pour rédiger le plan d'une banque qui pût servir à mettre en circulation avec plus de facilité le numéraire qui existe dans le royaume ; je m'estimerai heureux s'il se trouve dans ce plan des idées qui répandent quelque jour sur les .principes, de l'administratiou des finances de la France, qui fassent connaître les inconvénients qui en sont résultés, préviennentje retour à des erreurs aussi funestes.
Quel motif plus puissant peut animer le zèle de tout citoyen attaché aux intérêts de sa patrie, que de voir un Roi animé de l'amour du bien, qui n'a cessé depuis les premières années de son règne de montrer le désir de faire le bonheur de ses sujets, avec cette sollicitude vraiment paternelle qui lui fit chercher, dès son avènement au trône de ses ancêtres, tous les hommes marqués par l'opinion publique pour être les plus propres à seconder ses vues bienfaisantes ; qui, fatigué de voir ses vœux si souvent trompés, de n'avoir, malgré ses recherches, mis à la tête des affaires que des hommes ou peu capables ou insensibles aux maux de leur pays, préférant leur repos, les hommages prodigués au pouvoir, aux grands travaux, aux entreprises nécessaires pour détruire les abus des différentes parties de l'administration, l'encens dejquelques adulateurs, des jouissances apathiques, à la gloire qui aurait illustré leurs noms, les aurait portés à l'immortalité, noms que cette coupable indifférence a condamnés à l'oubli ?
Quoi de plus fait, dis-je, pour animer tout ce qui composera les Etats généraux de cet esprit public qui seul peut régénérer une grande nation, que de voir un Roi qui, lassé de tant de recherches vaines, persévérant dans son ardent désir de faire le bonheur de ses peuples, voulant le rendre immuable, assemble sa nation, pour discuter, régler elle-même, et avec lui, ses véritables intérêts? c'est là le résumé du rapport de l'administrateur des finances, fait au Conseil d'Etat du Roi le 27 décembre dernier: en effet, que doivent être les Etats généraux ? le conseil permanent des rois, l'assemblée où se discuteront, s'arrêteront, se promulgueront les lois, les règlements sages, qui n'éprouvant pas de cqntradiction, restaureront une grande nation, rendront au Roi le calme et le bonheur, à sa couronne son lustre antique, la prépondérance qu'elle ne pouvait
perdre que par des conseils erronés ; l'Europe attentive, fixe ses regards sur la France, et la nation assemblée va déployer uu caractère de grandeur, de sagesse et de force, seul capable de soutenir cette importante révolution.
Un nouvel ordre de choses, tendant à la prospérité, à la gloire de cette monarchie, fera oublier jusqu'au souvenir de ces temps malheureux, déjà loin de nous, mais dont nous gémissons encore, où le pouvoir des ministres, pâssé dans leurs bureaux , donnait aux dépositaires de l'autorité royale la ressemblance et l'analogie la plus parfaite aux idoles du paganisme; cës faux dieux en effet, en avaient tous les attributs : aveuglés et sourds, ils étaient insensibles comme elles.
L'autorité ministérielle est la seule qui perde au rétablissement de l'ordre qui doit naître des Etats généraux permanents, et les ministres actuels, dignes à jamais de la reconnaissance de la nation, ont été les premiers à donner les conseils qui tendent àxette régénération, prouvant par ce sacrifice combien ils sont dignes de la confiance du Roi et de la nation.
Mais je pense qu'un tel ordre de choses, si digne de la bonté au Roi, de la sagesse des ministres qui composent ses conseils, ne peut reposer sur une base solide, que par l'établissement d'une banque nationale, administrée par la nation elle-même, par ses représentants ; j'essaye d'en esquisser le plan.
J'imagine qu'en effet la masse de sûretés qu'offrira le crédit d'une nation telle que la nation française paraîtra plus solide, plus immuable, que celui d'hommes qui ne sont que des individus isolés de corps, de- provinces même, qui souvent ont des intérêts différents. Je né sais si je vois juste, mais à mes yeux rien n'est imposant comme la masse de crédit, de force, de prépondérance que présentera la France, réunie en Etats généraux.
Je n ai pas la présomption de croire l'ouvrage que je mets sous les yeux du public capable de fixer son opinion ; il sera refuté par des nommes" instruits, peut-être défendu par d'autres, et du choc de ces opinions naîtra la vérité, qui mettra la nation à portée de se décider.
Plan d'une banque appartenant à la nation (*).
Je n'ai jamais pu comprendre la nécessité, qui paraissait indispensable en France, d'avoir un banquier de la cour (1) ou plusieurs agents du fisc destinés à faire le service et les fonds des différents départements, dont les besoins multipliés sans calcul, fixés sans prévoyance, par là môme ne pouvaient être satisfaites qu'à ; des conditions très-onéreuses qui montaient rapidement es fortunes de ces agents du fisc au plus haut degré de l'opulence, dont leur inconduite les a souvent précipités, entraînant avec eux la ruine d'une multitude de familles confiantes en
des spéculations exagérées ou dans une ostentation qui aurait dû leur faire perdre la confiance publique, et qui par un effet contraire, tenant à l'esprit de la nation (2), attirait dans le piège une multitude d'hommes crédules.
Je n'ai jamais pu regarder cette espèce d'agents du fisc que comme des sangsues attachées au corps politique de l'Etat, dont les, fortunes ne sont réellement formées que parla sueur et le sang des peuples qui, par tin épuisement continu, sont condamnés, ou à mourir de faim et de misère, ôju à n'acquérir de quoi se sustenter, que par un travail au-dessus des forces de l'humanité (3).
A quoi attribuer un tel moyen si fort opposé à tous les principes de la saine raison ? à deux causes également, funestes : l'une, provenant des besoins multipliés et sans cesse renaissants d'argent, besoins augmentés encore par ces fausses opérations qui donnent un discrédit marqué aux effets publics ; l'autre parce que, effectivement, l'arbitraire qui régissait tout ne pouvait donner cette confiance, si nécessaire aux opérations que pouvait proposer ou faire le gouvernement,
Un Roi juste, voulant le bonheur de ses peuples, rendant à une grande nation la liberté qui1 lui est nécessaire pour donner une confiance' fondée à tous les capitalistes, qui ne craindront plus de voir absorber leur fortune par des déprédations multipliées prenant naissance dans le défaut de crédit et les fautes des administrateurs, donne les moyens à cette nation, pénétrée des ressourcés qu'elle: peut tirer de son crédit, de. mettre en circulation la masse la plus forte dé numéraire qui existe dans aucun empire, facilite, par un mouvement rapide, les plus solides opérations, les plus grandes entreprises ; lui assure par une surveillance toujours existante, qui sera chaque année celle de la nation entière, qu'aucun abus ne pourra jamais lui faire perdre ce crédit, dont elle sera elle-même la garante la plus assurée,
Pour atteindre un tel but, il faut une banque dont le directeur, les 8 sous-directeurs, choisis par la nation elle-même, ne soient comptables qu'à elle-, ce choix ne portera que sur les hommes qui, par leur réputation méritée, auront conquis la confiance publique, ces 9 administrateurs de la banque n'opérant que réunis, et d'après des délibérations prises et consignées dans un livre de délibérations examiné chaque année par un comité nommé par les Etats généraux assemblés, chargé de rendre compte à ces Etats assemblés de la situation et des opérations de la banque (4).
Une seule entrave pourrait être mise à un si utile établissement, au crédit qu'il doit avoir: ce seraient ies spéculations de ces capitalistes dont les fortunes sont dues aux opérations dont ils étaient les agents; ils ne sont plus, ces administrateurs qui par leurs prodigalités, leur charlatanisme, leur impéritie même, touchaient toujours au moment de manquer à leurs engagements : il ne reste que leurs agents ; mais au lieu d'être frappée de la crainte qu'ils pourraient inspirer, la nation doit croire au zèle d'hommes dont la richesse est telle qu'ils ne doivent désirer que l'hon-neurd'êtreles restaurateurs deleurpays; l'on seper-suade au contraire qu'ils ne pourront croire leurs capitaux plus sûrs que dans la caisse de la Banque, et que, loin de chercher à la discréditer, ils établiront son crédit.
Les premiers fonds de cette banque seront formés par une somme de 40 ou 50 millions (5), votée et payée par la nation ; cette somme serait le-
vêe sur elle, en même temps que les fonds nécessaires à éteindre les anticipations; cette banque une fois accréditée, quelle facilité ne donnerait-elle pas pour verser les plus grandes sommes aux extrémités du royaume et les en retirer?
Cette banque aurait des dépôts de fonds dans les principales villes de commerce du royaume; et dans celles où sont établies ses monnaies, ces fonds seraient en proportion des affaires et du mouvement d'argent de ces places, des besoins du commerce et même des dépenses du gouvernement.
Les caisses de ces dépôts seraient tenues par un caissier choisi parle directeur et les sous-directeurs de la banque générale, la caisse soumise à l'inspection des représentants, des Etats généraux choisis dans .ceux des provinces qui avoisineraient le plus le lieu des dépôts de ces caisses.
Ces caissiers, répondant et correspondant à la direction de la banque générale, mettraient en circulation le papier de la banque qui leur serait envoyé par la direction générale ; des préposés des Etats généraux, pendant leur tenue, seraient chargés de la création de cette sorte de papier, dont la proportion à mettre en circulation serait réglée chaque année, d'après le rapport fait aux Etats généraux par les commissaires chargés du l'examen de la situation de la banque.
Pour l'établissement d'une semblable banque, il est nécessaire de commencer par rembourser les anticipations suspendues, afin de laisser aux capitalistes possesseurs des fonds;de ces anticipations, la possibilité de remettre ces fonds en circulation selon ce qu'ils croiront être leur plus grand intérêt.
J'ai indiqué, dans mon plan à consulter sur les pouvoirs et instructions à donner aux députés aux Ktats généraux des provinces de Lorraine et des évéchés, le moyen par lequel l'on pouvait faire le remboursement.
La banque serait autorisée dans tous les temps à recevoir les capitaux qui y seraient versés en donnant des lettres de change à 12 usances dont l'escompte serait payé en dedans, à raison de 1/4 0/0 par usance (6).
Cette banque serait la caisse où serait versée la masse totale de l'impôt.
Elle serait chargée de faire les fonds qui seraient arrêtés par les Etats généraux et fixés aux différents départements (7); elle acquitterait elle-même tous les intérêts de la dette nationale, serait le dépôt de tout les fonds affectés soit au payement des arrérages de la dette, soit aux amortissements (8).
Une partie du fonds de l'impôt payée par les provinces serait versée dans la caisse des provinces qui correspondrait à la banque, et cela en proportion de la quotité de l'impôt qui doit se reverser pour acquitter les charges à payer dans ces provinces.
Les dépôts des provinces seraient autorisés de même à recevoir les fonds que l'on y verserait et et à en donner des lettres de change à 12 usao -ces, dont l'escompte serait payé en dedans, à raison de 1/4 0/0 par usance; les caissiers des provinces et deux élus signeraient les lettres de change dont le compté serait envoyé chaque semaine, à l'administration générale de la banque.
La banque générale comme les caisses des provinces ne prendraient de fonds qu'à hauteur de ceux nécessaires (9) aux opérations des es-
comptes à courtes échéances auxquelles se livrer rait la banque (10).
, Toutes les opérations des caissiers des provinces seraient soumises à l'inspection de quatre élus choisis parles Etats provinciaux dans les lieux où seraient les fonds de la caisse, chacun de ces élus en aurait une clef, il! ne resterait hors de la caisse que les fonds nécessaires pour le service de deux jours, et trois fois par semaine' les opérations des caissiers seraient vérifiées par les quatres élus, et leurs résultats envoyés à la fin de Chaque mois à l'administration générale de la banque.
En outre des fonds nécessaires aux opérations de 48 heures, il serait laissé une somme plus ou mois forte, selon le mouvement des places, pour réaliser les billets en argent pendant les 48 heures.
La banque se livrerait à une autre spéculation, celle de recevoir des fonds de tous pays et de toutes personnes qui pendant 15 années consécutives et sans interruption d'une seule année voudraient y verser une somme déterminée de quelque force qu'elle puisse être ; celui qui pendant ces 15 années y aurait vérsé régulièrement cette somme toujours égale, à l'expiration de ce terme, lorsque les 15 payements auraient été faits , sans interruption, recevrait en revenu, sa vie durant,, une somme égale au total du capital! qu'il aurait versé dans la banque en payements égaux pendant ces 15 années; en sorte que celui qui aurait déposé 15 louis dans la banque par chaque année recevrait, au bout de 15 ans révolus, 15 louis sa vie durant (11). Mais cette spéculation, possible à tout le monde, ne pourrait porter cet intérêt, qu'au naturalisé, domicilié, et habitant son domicile en France au moins les deux tiers de l'année, son absence le privant, au delà de ce terme, de 3/5°* de sou revenu sur la banque.
Un semblable établissement aurait encore un avantage, celui d'engager les pères de famille à l'économie, à. placer sur la tête de leurs enfants des sommesproportionnées à leurs moyens, ce qui, dans l'âge où les enfants commencent à forcer leurs parents à une dépense, procurerait par leurs économies les moyens de pourvoir à l'éducation, à l'établissement de ces enfants: ce moyeu favoriserait plus qu'on ne pense' la population, qui seule peut faire la force dun grand empire.
11 serait créé une quantité de billets d'un tiers en sus des espèces existant dans les caisses de la banque (12). Ces billets pourraient être convertis en argent, toutes les fois qu'ils seraient présentés dans l'une des caisses, soit de la capitale, soit des provinces, ils devraient être revêtus de la signature du caissier de la banque et de quatre préposés à leur création; être faits de papier de forme particulière et timbrés, de manière à rendre leur contrefaçon impossible ; être numérotés du numéro de leur quantité dans chaque espèce de billet.
Les billets seraient de 100 pistoles; de 100 écus, de 200 livres, de 100 livres et de 50 livres ; ceux de 100 pistoles seraient bleus, tous les autres seraient jaunes; tous ces billets seraient timbrés au timbre de la couronne.
Toutes les fois qu'il serait fait des envois de ces billets dans les provinces, il serait formé un bordereau où seraient inscrits les numéros qu'ils portent afin, dans le cas d'un vol", de pouvoir les faire connaître au public, par les affiches des différentes provinces e tfaciliter le moyen dë
connaître celui dont ils viendraient originairement.
A mesure que le crédit de ces billets s'établirait, la banque pourrait les mettre en circulation et par eux se livrer aux spéculations d'escompte que l'on va proposer ; l'on augmenterait le nombré de billets qui seraient mis en circulation pour servir à ces opérations ; mais cette augmentation serait toujours statuée par les Etats généraux, tant pour empêcher l'abus qui pourrait en être fait que pour être garant au public delà confiance entière qu'il pourrait avoir dans' ces billets représentatifs de l'argent.
Il ne serait reçu dans les caisses de la banque d'or et d'argent qu'au poids, elle ne payerait de même qu'au poids (13); v:
Il serait réglé que toute pièce d'or qui passerait un certaiQ taux de déchet ne pourrait plus être reçue qu'aux hôtels des Monnaies pour y être refondue ; et là, en outre de la valeur intrinsèque de l'or, au taux du fin, il y serait fait un état au porteur d'un tiers du bénéfice de la couronne sur la refonte des monnaies, ce qui ne pourrait s'exiger qu'en portant aux Monnaies les monnaies nationales et lorsqu'elles ne seraient pas rognées.
Ce moyen, employé chez les nations les plus commerçantes de l'Europe, donnerait confiance au papier, le ferait même préférer à l'argent dans la crainte d'avoir une pièce d'or qui par le frayage aurait perdu de sa valeur; il serait le meilleur remède à apporter au désir, naturel à beaucoup d'hommes, de voir de l'or, qui, ayant perdu ou pouvant perdre de sa valeur par le frayage (14), tenterait beaucoup moins leur cupidité. r
Les billets de la banque seraient reçus dans toutes les caisses pour le payement des impositions, de même donnés pour les fonds à faire des différents départements.
La banque serait autorisée à escompter les lettres de change dont le plus long terme serait à trois usances, à raison d'uu tiers pour cent par usance ; ces lettres de change devraient être de domiciliés et naturalisés français solvables (15), tirées des domiciliés et naturalisés de même.
Ces opérations, devant avoir pour objet de faciliter les spéculations du commerce national, ne doivent point, ainsi que l'a fait la caisse d'escompte, servir à donner des moyens au commerce étranger (16).
Un semblable établissement doit aussi décider à ne plus tomber dans une erreur aussi forte que celle de remplacer des convois, des envois au loin d'approvisionnements, dans une guerre étrangère, par des lettres de change destinées à acquitter les. approvisionnements dont les armées ont des besoins multipliés, qui, fournis par le commerce étranger, lui font passer le numéraire de la France (17) ; toutes les nations du nord, la Prusse, la Suède surtout, ont infiniment accru leur richesse par l'admission de ce système dans la guerre de 1778 faite contre l'Angleterre (18) ;
La banque aurait toujours la première hypothèque sur ceux dont elle aurait escompté le papier (19), puisqu'en effet cette créance deviendrait une créance publique.
La banque aurait toujours dans ses caisses, en argent, or ou lettres de change, escomptées à courtes échéances, tous les fonds de ses billets bleus ou jaunes répandus dans le public en circulation.
Elle ne pourrait se livrer à des spéculations dont les échéances seraient à des termes éloignés, ou ne pourrait y employer d'autres fonds que
ceux qui excéderaient dans ses caisses le numéraire qui aurait des emplois assurés.
Les fonds provenant dé ces bénéfices pourraient s'appliquer à deux espèces d'emplois également assurés : le premier, à fournir des fonds qui seraient employés à des défrichements dont, après avoir payé l'intérêt pendant trente ans à raison de 6 0/0 chaque année, les débiteurs se trouveraient avoir remboursé le capital et n'avoir plus rien à payéf ;*le second serait de faire des prêts, aux mêmes conditions, aux possesseurs des terres, pour la libération dé leur dettes, et soustraire leurs fortunes à leurs créanciers ; ces deux spéculations ne pourraient se faire par la banque qu'en recevant pour hypothèque de* ses créances des objets plus qu'équivalents à l'argent qui serait prêté.'"1- - ' .
La banque, ne contenant que les fonds publics, aurait toujours un privilège acquis (20) et serait la première remboursée dans le cas de dérangement des fortunes des débiteurs à la banque (21) ; à cet effet, il y aurait des registres tenus où l'on pourrait dans tous lès temps vérifier ceux qui auraient contracté des créances envers la banque ; tout individu pourrait les voir;
Quelle facilité un semblable établissement ne donnerait-il pas pour les grandes spéculations de commerce, facilité augmentée encore par la modicité'du taux de l'intérêt de l'argent, que les commerçants pourrraient se procurer par lettres de change (22)1 • - : it:- > ^ } m ' ^
La banque, avant tout, s'occuperait de l'acquittement de la dette nationale ; pour y parvenir, les fonds d'amortissements, ainsi que l'accroissement de l'extinction des intérêts des créances remboursées y seraient employées ; ce serait là une des parties les plus essentielles du compte que les administrateurs auraient à rendre chaque année à la nation.
Cet établissement, une foi saccrédité, trouverait un bénéfice énorme dans le crédit même de ces billets.
Quelle facilité un semblable établissement ne donnerait-il pas pour verser les fonds des impositions et les renvoyer aux lieux où ils doivent être employés 1 dès lors plus besoin d'une multitude d'agents du fisc dont toute l'utilité ne dérive que de la difficulté des versements de fonds au Trésor royal.
La guerre se déclarant, la banque serait autorisée à fournir sur son crédit, au Roi, 100 millions pour pourvoir aux premiers frais dont les états d'emplois, ainsi que ceux des besoins de fonds extraordinaires seraient mis sous les yeux des Etats généraux, assemblés immédiatement, pour pourvoir aux moyens de fournir à la dépense nécessaire à la continuation de la guerre.
L'on pense que ce plan pourrait remplacer avec de grands avantages les spéculations, dépourvues de bases solides, que la plupart des ministres des finances ont mis en avant pour soutenir un crédit dont la chute était certaine, parce qu'en effet aucun crédit ne peut avoir de base solide que celle qui repose sur une fondation immuable et qu'aucun ne peut avoir ce caractère que lorsqu'il porte sur l'intérêt général d'une nation et qu'il en dépend uniquement.
notes
Annexées au plan d'une banque nationale, par M. le comte de Custine.
(N° 1) « Par les arrangements qui ont été
« ordonnés et fixés par M. le. duc de Choiseul et continués depuis., l'on fait payer à Paris les dé-« penses des affairés étrangères, tant les subsi-a des q,ue les appointements des ministres ; il; « n'est donc pas douteux qu'en temps de paix on « ne puisse se passer d'un banquier de la cour.
« Il n'en est pas de même en temps de guerre « et surtout lorsque les armées se trouvent éloi-« gnées des frontières; en pays où il faut tout « payer argent comptant, il serait dangereux et « nuisible pour la circulation, d'y envoyer la ♦ totalité des besoins en espèces, au lieu que le « banquier de la cour peut faire une grande par-« tie des fonds par des opérations dé change et « l'étendue de son crédit ; il vient même au se-« cours du gouvernement : M. de Monmartel s'est « trouvé plus d'une fois en avance de 40 millions. »
On peut répondre premièrement, qu'en France il se trouvera toujours des banquiers assez accrédités pour faire ce service, lorsque la guerre arrivera, et que l'on ue doit pas conclure qu'il faille en paix un banquier de la cour ;
Secondement, que la France aura probablement un jour des armées mieux organisées, par conséquent moins surchargées d'officiers et de bouches inutiles; il se trouvera sans doute dans ces armées des " hommes assez instruits, lorsqu'elles seront en pays ennemis, pour nourrir la guerre avec la guerre, et, en pays amis, pour alléger une partie des dépensesùnutiles; je puis citer li cet égard un mot de Frédéric II : Je ne concois pas, disait ce prince, pourquoi la France après laguerre de Sept-Ans, faite pour l'intérêt de tout l'Empire, où elle a prodigué sés trésors, s'est eneore encore crue obligée à verser en Allemagne après la paix des fonds immenses pour payer les denrées qu'avaient consommées ses armées dans les Etats des divers princes de l'Empire. « Avec ces moyens, continda-t-il, on peut bien gagner le royaume des cieux, mais à « coup sûr on ruine ceux de la terre. »
(N° 2) Cet esprit prend sa source dans* une grande abondance d'idées qui, n'ayant eu jusqu'à cette époque aucun objet solide pour en faire l'application, n'a produit qu'une fermentation d'esprit; il prendra le caractère de la force, lorsque l'abondance des idées qui la produisaient pourra la diriger vers les affaires publiques.
(N° 3) Quiconque a vu l'Europe a pu se convaincre d'une réalité affligeante pour toute âme sensible et patriotique, que dans aucun pays le spectacle de la misère du peuple n'est aussi frappant, aussi déchirant qu'en France.
(N° 4) « Tous les bons citoyens qui s'intéres-« sent à la prospérité du commerce et des finan-« ces du royaume ont été peinés de voir que « plusieurs Etats de l'Europe doivent leur gran-« deur à des banques nationales et qu'un établis-« sement aussi salutaire n'ait pu se faire en « France, qui cependant réunit infiniment plus de « ressources qu'aucun de ces Etats; les exemples « multipliés du pouvoir arbitraire en sont la seule « cause, en ce qu'ils ont détruit la confiance du « public ; un seul arrêt du conseil anéantissait « tout, il n'est pas douteux qu'une banque na-« tionale, créée et administrée sous l'autorité des « Etats généraux, garantie par eux, n'encourage « tous les bons citoyens, et notamment les capi-« talistes, à y placer leur richesse.
« Il ne sera pas facile cependant d'abolir en-« tièrement l'agiotage, à moins de retirer tous « les effets qui sont en- circulation, puisque les « avantages qu'il donne ne sont pas égaux, mais « ce seraient plutôt de simples négociations de spé-
culation, que des moyens de désordre, telles « sont surtout les actions des eaux, et celles de « la compagnie des Indes. »
L'on peut répondre à la première objection, que l'on convient de la nécessité que la banque soit créée, administrée et garantie par la nation ; aussi je regarde comme indispensable qu'il y ait des Etats généraux permanents et annuels.
Et pour la seconde objection, surtout pour les actions de la compagnie des Indes, qui en effet semble n'avoir été créée que pour donner des moyens d'agiotage, il est facile de remédier à cet; inconvénient; les Etats généraux, sans doute, y pourvoiront.
(N° 5) « On pense qu'un premier fonds de « 40 ou 50 millions n'est pas suffisant pour tout « le royaume, on devrait le:porter à 100 millions « en ajoutant à cette somme pour un milliard « de billets au porteur * semblables à ceux de la « caisse d'escompte qui ne portassent pas inlé-« rêt, et en acquittant avec ces billets les antici-s « pations et autres dettes d'Etat, on diminuerait « par les intérêts épargnés une très-grande par-« tie du déficit.
« Mais cette opération doit se faire successi-« vement avec la plus grande circonspection,, le « crédit public sérait perdu pour longtemps, et « le numéraire disparaîtrait, si on la précipitait,> « et qu'on n'attendît point que les Etats généraux « eussent acquis une consistance et une solidité « à jamais inébranlable, »
Mon mémoire ne présente pas moins de circonspection, que cette note n'en recommande, il fixe même une proportion renfermée dans les plus étroites bornes, du numéraire existant dans les caisses de la banque aux billets à mettre en circulation.
(N° 6) « Il serait bien à désirer qu'on nût « établir et fixer l'intérêt de l'argent a 1/4 0/0 « par usance, mais on y réussira difficilement « il serait peut-être plus convenable d'accorder « dans les commencements 1/3 0/0, sauf à ré-« duire à 1/4, lorsque la banque aurait acquis « sa perfection. »
Cette observation ne change rien à mon opinion sur le taux auquel doit être porté l'intérêt des fonds que recevra la banque, en donnant en échange des effets à douze usances; quel serait en effet un plus sûr emploi que pourraient faire de leurs capitaux tous les hommes: à portefeuille et à spéculations, que de les placer à la banque, d'où ils pourront chaque jour les retirer, ou par voie d'escompte ou à leur échéance ?
(N° 7) « Il pourrait arriver de grands incon-« vénients si la caisse de la banque était cbar-« gée des dépenses de la guerre, soit par terre,. « soit par mer, puisque leur importance est trop « subordonnée aux circonstances, il pourrait ar-« river des événements malheureux, tels qu'une « grande bataille ou un grand combat naval per « dus, qui exigeraient des secours instants, qui « gêneraient beaucoup la caisse nationale, il ne « serait par difficile de faire des dispositions par-« ticulières pour la guerre. »
Ce sont en effet les Etat généraux qui doivent fixer les fonds extraordinaires des différents départements pour la guerre et donner des moyens de se les procurer, soit par des impôts, soit par des emprunts ; la banque ne peut être chargée que de les recevoir et les verser dans les caisses des départements et cela seulement lorsque les Etats généraux les auront accordés; mais alors je ne vois pas le plus léger inconvénient à ce que les fonds versés dans les caisses de la banque, la
direction soit chargée de les fournir aux différents départements.
(N°8). Un des premiers remboursements dont il serait nécessaire de s'occuper serait celui des payeurs de rentes et autres agents du fisc, dont les charges deviendraient inutiles par l'établissement de la banque.
(N° 9) « Pour mieux habituer le public à la « facilité d'employer ses fonds et les placer dans « les caisses de la banque, il serait peut-être plus « convenable de ne point refuser ceux que l'on « voudrait placer ; la banque ne serait jamais em-« barrassée de faire valoir ces fonds : il est essen-« tiel qu'elle soit toujours dans l'abondance. »
Cette observation parait juste et doit être prise en considération.
(N° 10) Les directeurs et les sous-directeurs de la banque ne pourraient mettre trop de soin aux choix qu'ils feraient des caissiers, devant être responsables de la bonté de choix et qu'aucune intrigue, ni motif de faveur ne pût y influer.
(N° 11) « Cette opération mérite d'être bien « approfondie par les calculateurs les plus péné-« trants, car si beaucoup du rentiers vivaient « longtemps, leur placement deviendrait bien « onéreux pour la banque. »
Ce ne seront jamais des banquiers qui feront de ces sortes de placements quinze années de non-jouissance paraîtraient bieniongues à des hommes qui n'ont des fonds que pour les faire travailler, et lorsque ces opérations seront faites par des hommes qui n'enfouissent pas leurs fonds, les impôts qu'ils payeront dédommageront en grande partie des intérêts énormes qu'ils recevront, c'est au surplus une opération à laquelle se livre depuis longtemps la Banque de Venise, qui ne la trouve pas onéreuse.
(N° 12) « On a déjà parlé des billets à créer; « on a proposé une somme d'un milliard qu'on « ne mettrait dans le public que successivement « avec circonspection, et toujours sous l'autori-« sation des Etats généraux. »
J'ai proposé, de même, de mettre les billets au porteur en circulation, sous la direction et l'autorisation des Etats généraux, je crois même en avoir établi la proportion avec plus de sûreté, en en fixant la balance, d'après la quantité de numéraire qui existerait dans les caisses de la bauque et les fonds dont elle serait chargée de faire le recouvrement; ce doit.être au surplus aux Etats généraux à régler avec sagesse cette proportion.
(N° 13) « Ce serait beaucoup gêner le com-« merce et la circulation, si on ne recevait et ne « payait l'or et l'argent qu'au poids ; il en résulte « de l'embarras dans les Etats où ce mode est éta-« bli ; quelle gêne d'avoir toujours la balance à « la main dans un Etat où le numéraire est si « considérable ; il naîtrait de cet ordre de choses « des discussions continuelles entre le militaire t et le citoyen. »
Je pense, au contraire, que l'or ayant été refondu depuis peu, il ne pourrait naître que de grands avantages de cet établissement, l'argent ne se donne déjà dans toutes les caisses qu'au poids; lui seul serait dans la circulation pour changer les petits billets. Quant au numéraire en or, qui existe dans le royaume, cet établissement le porterait en totalité dans les caisses de la banque, et, en adoptant ce mode, c'est précisément l'objet que je me suis proposé ; ce moyen est suivi en Angleterre, en Hollande, et a produit cet effet.
(N° 14) « Beaucoup d'anciens louis avaient c été altérés dans leurs poids sans qu'il en fût
« résulté aucun inconvénient, parce qu'on les ren « dait comme on les avait reçus. »
C'est pour éviter le retour de ce moyen, aujourd'hui qu'il y a peu de pièces d'or altérées, que je propose celui de ne recevoir qu'au poids les pièces de ce métal qui sont en circulation ; c'est aussi pour éviter des spéculations que je sais avoir eu lieu en Angleterre, de frapper de la monnaie d'or au nouveau coin de France, avec de l'or allié à de l'argent qui diminue sa valeur et son poids.
[N° 15) « Pourvu que celui qui a accepté une « lettre de change soit domicilié et connu pour « être solvable,il n'importe pas de quel pays soit le « tireur, ce serait trop gêner le commerce d'ex-« dure du change national les lettres de change « venant de l'étranger car il est reconnu que la « balance, quoique moins favorable pour la France, « est toujours à son avantage ; on le répète, ce « n'est qu'à la solvabilité de l'accepteur qu'il faut « avoir égard, on ne peut même pas éviter que « les étrangers ne participent au profit qui résul- tera de la facilité de l'escompte, car il leur est « aisé de faire faire leurs opérations par leurs cor-. « réspondants français. »
Malgré la vérité de cette observation, je persiste cependant dans la proposition que je fais par mon mémoire, parce que d'abord elle est une entrave de plus mise contre le banquier ou le négociant étranger, et que, secondement, le moyen que je propose le force à partager une partie du profit qu'il retire de la facilité au change avec le banquier français qui lui prête son nom.
« La balance devient très-désavantageuse pour « la France lorsque les armées, en temps de « guerre, sont sorties du royaume ; il faut bien « alors payer l'excédant du change avec de l'ar-« gent comptant. »
Cette observation est juste, mais n'apporte aucun changement.à la règle que j'établis; il sera temps, lorsque la nécessité amènera l'obligation de payer un solde à l'étranger, de se conformer à cette loi de rigueur; mais, quant à présent, augmenter les profits des banquiers de la nation doit être l'objet du règlement que l'on doit faire pour l'établissement d une banque nationale.
(N° 16) En effet, la caisse d'escompte qui, sous le rapport de faciliter les opérations de l'administrateur des finances qui l'a établie, qui a même régénéré Je crédit public pendant sa première administration des finances, a produit un inconvénient qui doit mettre en garde le directeur de la banque nationale; la caisse d'escompte n'ayant d'autre objet que les intérêts de ses actionnaires, s'est abandonnée avec trop de facilité à l'escompte des lettres de changé venant de l'étranger : qu'en est-il résulté? qu'une partie de la Suisse, de l'Allemagne, qui manquaient de numéraire pour faire un commerce actif de denrées ou de marchandises fabriquées pour lui servir à des échanges, a envoyé en France du papier. Ce papier, endossé par des banquiers français, escompté par la. caisse d'escompte, a fourni au commerce des pays qui nous environnent le numéraire dont ils manquaient totalement ; cette spéculation n'est point imaginaire, elle n'a été que trop réelle ; elle a nui au commerce de plusieurs places du royaume dont ces commerçants étrangers, manquant de fonds avant l'établissement ae la caisse d'escompte, n'étaient que les agents subalternes, tandis que le commerce du royaume, qui avait tout à perdre, qui était sans confiance à l'établissement .de la caisse d'escompte, n'en a tiré que peu d'avantage; cette caisse est cependant diifi-
cile à supprimer, je , le prouverai dans la suite de cette note. Aujourd'hui, l'influence de l'administration sur la caisse d'escompte doit se borner à l'engager à être désormais plus circonspecte dans l'escompte de ses papiers.
(A) Observation faite à cette note :
« Cette note est de la plus graode vérité, mais « l'inconvénient est inévitable, puisque les com-« merçants,pour gagner, trouvent bien des moyens a de masquer leurs opérations. »
Il faut donc les diminuer le plus possible, ces moyens, au moins faire partager le bénéfice qui en résulte aux banquiers et négociants français.
Mais cette faute commise par la caisse d'escompte doit d'autant plus déterminer les directeurs de la Banque nationale à mettre une grande réserve à escompter les lettres de change des banquiers des différentes places du royaume qui sont connus pour faire les opérations dont je viens de parler.
11 sera inutile de se mettre en garde contre un second inconvénient qui a résulté de la facilité avec laquelle la caisse d'escompte s'est livrée à l'escompte des lettres de change venant de l'étranger, le système d'emprunt onéreux qui y adonné naissance ne sera probablement plus celui que l'on adoptera, au moins les intérêts n'en seront-ils pas à un taux aussi haut que celui que l'on était obligé d'accorder dans les instants ou les besoins d'une guerre que l'on faisait n'ayant mis que tardivement des impositions nouvelles, forçait à avoir recours à des formes d'emprunts extrêmement onéreux. Des emprunts, en effet, qui assurent cinq fois le capital aux prêteurs devaient donner naissance aux spéculations auxquelles se sont livrées Genève, Francfort, plusieurs villes d'Allemagne, de Hollande, de Suisse, qui, sans déboursement de fonds, et par un simple commerce de papier, se procuraient la plus grande partie .des sommes quelle plaçaient dans les emprunts.
En effet, toute maison de ces pays ayânt un crédit prenait, par ses correspondants, une partie dans les emprunts des lettres de change tirées sur ces correspondants, acceptées par eux, escomptées à la caisse d'escompte ; fournissait ensuite les fonds des nouvelles lettres de change escomptées de même à l'échéance des premières, et qui servaient à leur payement jusqu'à ce que l'excédant des intérêts de l'emprunt, payé par le gouvernement, ait éteint successivement et par degré le premier fonds payé parles spéculateurs.
Et c'est ce jeu, dont le terme doit faire pencher la balance du solde si fort au désavantage de la France, qui a donné naissance aux fausses opérations faites pour la refonte de nos monnaies ; dans les premières années ce solde, peu considérable, se payait en argent blanc; il fixa cependant l'attention du contrôleur générai, qui en conclut que l'argent étant très-pur en France, il fallait l'altérer : aussi l'argent faoriqué depuis la fin de 1783 ne se prend-il plus en Allemagne. L'effet qu'a produit la refonte de l'or, qui a suivi immédiatement et, pour la même raison, d'empêcher sa sortie qui n'avait cependant lieu que pour payer le solde dû à l'étranger, à l'Angleterre surtout, a produit un effet trop connu pour qu'il soit nécessaire de l'énoncer.
Si l'on supprimait la caisse d'escompte aujourd'hui, il en résulterait que beaucoup de ces maisons qui se sont livrées aux spéculations faites dans les emprunts, n'ayant plus le moyen de faire escompter les lettres de change, seraient forcées à douner leur bilan, ce qui entraînerait la faillite de plusieurs maisons de banque ; le contre-coup
se ferait vivement ressentir en France et à la caisse d'escompte même.
Cet événement produirait au moins une grande baisse dans les fonds publics.
(N° 17) Il est incontestable que rien n'a fait ressentir un contre-coup plus vif aux finances de la France que l'abus qui a été fait après la retraite de l'administrateur des finances, en 1782, du système introduit par lui des lettres de change que tiraient les armées répandues au loin sur la surface du globe, pendant la dernière guerre, pour se procurer les fonds nécessaires à acquitter les dépenses indispensables de ces armées ; plus les lettres de change se sont multipliées dans les différents pays où elles étaient répandues, plus elles se sont avilies :.il en sera toujours de même lorsque sur un marché on y surchargera la même espèce de marchandise ; et nos lettres de change portaient ce caractère, elles devaient y diminuer ae valeur, aussi n'ont-elles pas tardé à arriver à 25, à 30 0/0, quelquefois même à 35 0/0 de perte; j'ai ouï dire que dans l'Inde elles avaient passé 40 0/0 de perte. Non-seulement ces lettres de change étaient avilies, mais l'argent qu'on se procurait par elles, employé à l'acquisition des denrées de consommation, était un numéraire perdu pour la France; mais l'on va voir que l'effet en a été encore plus fâcheux que cette perte même.
Il ne s'agit pas de calculer dans les finances d'un Etat, à livres, sous et deniers, ce que coûteront des convois qui peuvent être pris, le fret des vaisseaux qui les portent, il faut aussi mettre dans la balance l'avantage qui résulte pour l'Etat de l'emploi de ce moyen.
Le numéraire reste, la denrée sort, sa perte même en augmente le prix, et dans ce cas un impôt, facilement payé par l'augmentation du prix de la denrée, produit encore un autre bien, celui d'éviter les emprunts, système de finances dont le poids se fait sentir longtemps après les guerres.
(N° 18) L'Angleterre, épuisée à la fin de 1782, se trouvait sans numéraire dans les caisses de la Banque, il en existait peu en Angleterre; les prises multipliées des Anglais sur les Hollandais n'avaient produit d'autres effets que d'accélérer la ruine de cette même Angleterre. On le comprendra facilement lorsque l'on saura que tous les vaisseaux de ces prises, assurés en Angleterre pour une beaucoup plus grande valeur que leur valeur réelle, espèce de jeux imaginés par les commerçants d'Amsterdam qui, ne doutant pas de l'exécution des menaces hostiles de M. le chevalier Yorck, ambassadeur de cette puissance en Hollande, avaient eu recours à cette spéculation. Pendant que cette déclaration enrichissait Amsterdam, elle ruinait Londres et l'Angleterre par trois moyens : par le payement d'assurances dont les évaluations étaient forcées ; par le bas prix auquel se vendaient le3 marchandises d'une multitude innombrable de prises; par la stagnation que ces ventes multipliées causaient à celles des fabrications des manufactures anglaises dont tous les magasins regorgeaient lors de la signature des préliminaires en 1782.
C'est dans cette situation que milord Landson pénétré de l'impossibilité dans laquelle .était l'Angleterre de continuer la guerre, connaissant la crise dans laquelle étaient les manufactures de son pays, sachant la multitude de lettres de change françaises repandues sur la surface du globe, se décida à faire la paix et « l'aurait faite à toutes conditions » (ces paroles, il les a prononcées): pour faire retirer au commerce d'Angleterre les lettres de change versées avec profusion
par la France tas les diverses partie du globe, et ce sont ces lettres de change qui ont fait passer en Angleterre une partie si considérable du numéraire en or qui existait dans le royaume, et qui aujourd'hui dans la banque d'Angleterre porte les empreintes de cette couronne, et a relevé ses moyens d'une manière, aussi incompréhensible après la guerre désastreuse que cette nation venait de terminer.
« J'ai cru, dit lord Landson, qu'il fallait sacrifier un peu de gloire, qui ne pouvait pour la nation avoir aucune utilité réelle, à l'avantage certain de rélever ses finances épuisées, de lui rendre un numéraire quelle n'avait plus. » Il savait, ce ministre, qu'en signant le traité, sa chute était inévitable; il l'a signé, et pourquoi ? c'est qu'en effet l'intérêt public l'animait, et qu'il tenait peu à une place qui n'a d'attrait que dans un pays où la nation n'est rien et les ministres des hommes absolus.
L'administration en France fit encore à cette époque une faute qui n'a pas peu contribué à' relever les finances de l'Angleterre, de se charger du solde de l'Espagne avec plusieurs nations, en échangeant l'argent qui se fabriquait dans les monnaiés de France, pour faire ce solde contre du papier qui, retiré par l'Angleterre et pour des marchandisses, lui a valu un numéraire considérable, au payement fait en France de ces lettres de change. Si l'on voulait ënumérer toutes les fautes faites par l'administration des finances en France, dix volumes suffiraient à peine pour en faire le tablaeu.
( N° 19) Cette disposition serait le plus sûr moyen de faire tomber l'intérêt des fonds puisqu'ils prendraient infailliblement le taux des fonds publics, que l'on préférerait au prêt avec un gage certain même à taux d'intérêt modique lorsqu il assurerait de recevoir se3. fonds, chaque année.
(N° 20 et 24) « La priorité que l'on propose « en faveur de la banque serait injuste, ainsi que « l'est aujourd'hui, celle qui est établie en faveur « des deniers royaux, car qui pourrait savoir « pour quelle somme la banque pourrait avoir « escompté d'un, individu ? toute' hypothèque « deviendrait Une caution incertaine, pour ne pas « dire nulle. »
Cette priorité on privilège qui existe aujourd'hui en faveur des deniers royaux n'a lieu, en effet, que parce que ces deniers appartiennent à la nation; ceux de la banque appartenant de même à cette nation, doivent avoir le même avantage ; j'ajouterai qu'il est d'autant plus intéressant de le lui conserver, que ce sera le moyen décisif pour engager tous les capitalistes à verser tous leurs fonds dans les caisses de la banque, premier objet que je me suis proposé dans cet établissement de banque.
22) En effet, dans tous les temps le commerçant bien famé pourrait se procurer à quatre pour cent toutes les sommes nécessaires aux spéculations auxquelles il voudrait se livrer.
présidence de m. thouret. Séance du
, l'un des
Adresse de félicitations, remerciements et adhésion des habitants de GuerleSquin en Bretagne et de plusieurs Jparoisses voisines qui 'demandent une justice royale.
Adresse du même genre de la baronnie de Mon-tignac, composée de vingt et une paroisses.
Adresse de la ville de Guiseaux, qui présente à l'Assemblée-nationale le tribut de son hommage, en l'assurant d'une obéissance entière pour l'exécution de tous ses décrets.
Adresse du même genre du comité permanent de la ville de Lavalette en Angoumois. 11 adhère notamment au décret de l'Assemblée nationale concernant la contribution patriotique, et la conjure de hâter ses travaux pour rendre le calme intérieur à tous les citoyens.
Adresse du môme genre de la ville de Darney en Lorraine ; elle demande l'établissement dans son sein d'un district ou chef-lieu d'arrondissement.
Adresse du même genre de la ville de Dôle en Franche-Comté ; elle réclame une cour supérieure de justice, et d'être, à l'avenir, le chef-lieu d'un département.
Adresse du même genre de la commune de Dijon ; elle espère que l'Assemblée fixera dans son sein des établissements nationaux Capables de lui offrir des ressources qui la mettront à l'abri des révolutions politiques.
Adresse du même jour des électeurs du bailliage principal de Dijon; ils réclament avec instance l'exécution pleine et irrévocable des arrêtés du 4 août et jours suivants.
Adresse du même genre de la ville de Pont-de-Veaux en Bresse. Elle expose que s'étant conformée, avec une soumission respectueuse, aux décrets de l'Assemblée nationale, relatifs à la libre circulation des grains, elle est sur le point d'en être entièrement dépourvue, parce qu'elle a fourni presque seulë, depuis la récolte, l'approvisionnement de la ville de Lyon,: qui ne peut recevoir des subsistances de là Bourgogne, par la désobéissance de plusieurs villes riveraines de la Saône qui arrêtent journéllement les bateaux de blé destinés pour cette grande villes; ' elle réclame le pouvoir de l'Assemblée nationale contre ces villes rebelles. Elle fait en outre le don patriotique d'un contrat de rente, sur l'hôtël-de-ville de Paris, de 4 à 500 livres.
Délibération de la ville d'Orthez, l'une des principales villes du Béarn qui, en confirmant Celle du 4 septembre, déjà adressée à l'Assemblée nationale, porte l'adhésion la plus formelle et la plus absolue à tous les décrets pris et à prendre par! l'Assemblée nationale, et la renonciation à tous ses privilèges. Il est également pris des mesures pour fixer et distinguer les secours patriotiques.
, maire de Paris, demande pour la ville l'autorisation d'accepter le don qui vient de lui être fait de la . bibliothèque de l'abbaye de Sainte-Geneviève.
L'offre des Géno-véfains ne peut être acceptée en ce moment; ce serait un exemple dangereux. Sans contredit l'emploi qu'ils font d'une propriété aussi précieuse est très-convenable ; mais n'est-il pas certain que, d'après votre décret, la disposition en appartient à la nation? Je propose l'ajournement de cette question.
Je demande que la bibliothèque reste provisoirement en dépôt dans les mains de MM. de Sainte-Geneviève.
(L'ajournement mis aux voix est prononcé.)
demande à être admis à la barre pour expliquer à l'Assemblée un plan de finances.
Plusieurs membres demandent que M. de Cormeré soit entendu.
Le temps de l'Assemblée est précieux, et tout ce qui est de nature à ralentir ses travaux doit être soigneusement évité. Je demande, en conséquence, que le plan de M. de Cormeré soit imprimé, qu'il soit renvoyé au comité des finances qui l'examinera et en fera rapport.
Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
(Vqir aux annexes de la séance le plan de finances de M. de Cormeré.)
, député d'Avesnes, demande un ;passe-port pour un voyage de quinze jours.
Le passe-port est accordé.
La commuuè de Sisteron se plaint de ne pas recevoir les décrets de l'Assemblée nationale.
Les députés de Nîmes et de Montargis formulent la même plainte au nom de leur province.
dit que dans sa province beaucoup de municipalités n'ont pas encore reçu divers décrets de l'Assemblée, notamment les arrêtés du 4 août, tandis que la loi martiale y a été très-exactement publiée.
Des troubles agitent le pays et des semences de guerre civile sont jetées dans les esprits par les ennemis du bien public. Pour déjouer toutes ces manœuvres, il est indispensable qu'un concert s'établisse entre l'Assemblée et les ministres du Roi.
, Je propose le décret suivant :
« Il sera nommé un comité de quatre membres, chargés de communiquer avec le garde des sceaux etles secrétaires d'Etat ayant le département de3 provinces, pour s'assurer de l'envoi des décrets sanctionnés ou acceptés, prendre connaissance des récépissés qui constatent cet envoi et rendre compte à l'Assemblée. »
Je réclame la question préalable.
La question préalable est mise aux voix et rejetée. La motion de M. Rabaud est ensuite mise aux voix et adoptée.
, député du - Dauphiné, écrit au président et envoie sa démission. Il ajoute qu'il sera prochainement remplacé par un suppléant. — La démission est acceptée.
, organe des députés de Provence, renouvelle sa motion pour la restitution de l'Etat d'Avignon et du Comtat-Venaissin.-^ L'Assemblée autorise i'impreS3ion du mémoire (Voyez ce document annexé à la séance de ce jour)r
Vn membre a observé que le tribunal du Chàtelet, nommé provisoirement pour juger les accusations de crimes de lèse-nation, paraissait
négliger les poursuites dont il était chargé, notamment sur l'affaire du sieur évêque de Tré-guier. L'un des commissaires du comité des recherches a demandé la parole pour deux heures après midi sur les travaux du comité.
annonce l'ordre du jour de la séance du soir ainsi que les nominations à faire dans les bureaux tant pour le président et les secrétaires que pour des membres de plusieurs comités.
annonce que, conformément au décret d'hier, le plus grand nombre des députés a remis ses boucles sur le bureau, que plu-Sieurs religieux qui n'en portent pas ont remplacé cette contribution par une somme équivalente en argent, et que plusieurs personnes qui assissent à la séance dans les galeries publiques viennent de joindre leur offrande à celle de l'Assemblée.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le projet au ministre des finances, tendant à convertir la caisse d'escompte en banque nationale.
Je n'examinerai ni les torts de la caisse d'escompte, ni ses droits à notre reconnaissance. Je dirai seulement que je ne crois pas que la révolution soit sortie de ses bureaux, et qu une banque ne pouvant exister que par la confiance, si l'on a retiré la confiance à la caisse d'escompte, il ne lui reste d'autre ressource que sa liquidation judiciaire; que je ne crois pas non plus qu'il suffise, pour délibérer, de la lecture du plan de M. Necker.
Les inconvénients de ce plan sont faciles à apercevoir; on pourrait en trouver à chercher le crédit dans une caisse qui manque de crédit, à encombrer cette banque de 170,000,000 de res-criptions, quand elle est déjà surchargée d'effets publics; on pourrait en trouver à l'influence de ce projet sur les charges, à cet intérêt de six pour cent que la nation garantirait aux actionnaires.....
Le prémier ministre des finances, sacrifiant l'amour-propre d'auteur, désire que vous cherchiez un autre plan. Quel que soit celui que vous adoptiez, il faudra toujours payer les actionnaires.....Il sera nécessaire, avant que de prendre
un parti, de connaître l'état actuel de la caisse d'escompte ; c'est dans cette vue que je propose les dispositions suivantes :
L'Assemblée nationale charge son président de faire au premier ministre des finances les questions que voici :
1° Les actionnaires de la caisse d'escompte ont-ils consenti au plan proposé par M. NeCker?
2° Quelle est la totalité de ce qui est dû par le Trésor royal à la caisse d'escompte?
3° Quelle est la totalité des sommes dues par les particuliers à la caisse d'escompte?
4° A combien montent les effets royaux qui y sont déposés, et quelles sont les raisons de ce dépôt?
5° Quel est le montant des dettes de cette caisse?
6° Quelle est la masse des billets mis en circulation?
L'Assemblée nationale demande qu'il lui soit fait rapport de tous les plans présentés au comité des finances, afin de les comparer avec celui du ministre.
rend compte d'une délibération par laquelle la caisse d'escompte demande à faire connaître son état au
vrai; il proposé de nommer des commissaires, 4ih, après avoir pris la connaissance la plus complète; des.opérations, des statuts et de l'usage que cette caisse a fait dé ses moyens et de son crédit, mettraient le résultat de leur travail sous les yeux de l'Assemblée; .il demande en même tenips qu'on admette à la barre des députés de la caisse d'escompte, qui s'y présenteront ce matin ou ce soir.
considère le plan de M. Necker comme impossible à exécuter, impolitique et injuste. Il est impossible qu'on trouve à placer 12,500 actions à 4,000 livres, tandis que les actions anciennes, ne valant que 3,700 livres, offriraient des avantages égaux. Il est impolitique de vouloir enfouir 50 millions dans le inoment où un des plus grands maux est la rareté du numéraire. Il serâit injuste fie continuer à payer avec des billets des gens qui ne pourraient en réaliser la valeur qu'avec une perte plus ou moins considérable.
La banque nationale ne présente qu'un impôt déguisé, qui ne peut que favoriser l'esprit d'agiotage et a'égoïsme. Je passe aux avantages. La banque prêtera à la nation à un très-faible intérêt : la nation peut créer un papier-monnaie, et se procurer ainsi des ressources sans intérêt. La caisse fournira des secours au commerce. Je n'entends pas quel avantage le commerce pourra trouver à ce qu'on retire 50 millions delà circulation. J'entends bien qu'il y aura un double bénéfice pour la caisse. Si elle avait suivi son institution, elle aurait été utile au commerce en escomptant à 4 1/2; mais elle a toujours très-peu fait d'escompte, et les négociants, obligés d'escompter sur la place, payaient 1 1/2 par mois. Elle a, dit-on, rendu ae grands services à la nation. Moi, je dis qu'elle a fait avec la nation des opérations qui n ont été utiles qu'à elle, et dont elle a retiré un assez fort intérêt.
Il n'y a donc nulle raison de préférence et de privilège; je ne vois rien qui ne mène à l'agiotage et ne tende à augmenter l'embarras.
11 n'y a donc de ressource que dans un plan général. Ce n'est pas seulement de l'argent qu'il nous faut, mais encore de la confiance, mais un ordre clair dans la perception de l'impôt et dans l'administration de la dette. J'ai présenté un plan d'impositions,dont le comité des finances a adopté beaucoup d'idées, et j'espère qu'il réunira et assurera la confiance.
M. le baron d'Allarde finit, en présentant le tableau des effets heureux d'un ordre sagement établi dans les impositions. Il demande qu'il soit nommé sans délai un comité d'impositions, com-. posé de six membres choisis dans l'Assemblée, et de six autres pris dans les comités de judica-ture, de commerce et d'agriculture.
J'ajouterai seulement, dit-il, quelques observations sur ce qui a été dit hier par un des opinants. M. Dupont a défini une banque en ces termes : « C'est une invention par laquelle on fait semblant de payer quoiqu'on ne paye pas ». Sans doute, une banque n'a pas un numéraire égal à ses billets, sans cela elle ne ferait pas la banque; mais elle a des effets qui équivalent à ses billets et qui ont à courir soixante à soixante-quinze jours; iè payement de ces effets, lorsqu'elle se trouve dans des instants de crise, vient successivement fournir à ses besoins. La banque qu'on vous propose n'aurait que des assignations à une année d'échéance, et si des circonstances menaient une grande quantité de billets à payer,
il faudrait bien lui donner des arrêts de surséance.
(Voy. dans le tome IX des Archives Parlementaires, 1er sériey p. 274, la motion de M. le baron d'Allarde sur un nouveau régime des finances.)
(1). Messieurs, il aurait été d'autant plus à désirer que lé projet proposé par le premier ministre des finances eut été admissible, que s'encadrant alors naturellement dans le plan qui vous a été présenté par votre comité des finànces, vous auriez eu sous le3 yeux un système complet de restauration, qui après avoir fixé toute votre attention, et.avoir été suffisamment discuté dans votre sagesse, n'aurait demandé qu'un petit nombre de décrets pour offrir à l'Europe étonnée le spectacle vraiment surprenant d'un empire que l'on croyait, naguère, écrasé sous le poids d un déficit immense, et d'un milliard environ de dettes exigibles, et qui se relevant de ses propres forces, établit tout à coup, entre la recette et la dépense, l'équilibre le plus parfait, soulage les peuples, forme une caisse considérable d'amortissement, satisfait à tout, paye tout, et, par la plus simple de toutes les opérations, liquide, dés à présent, ou dans des termes très-rapprochés, la totalité dé ces dettes, justement appelées criardes, qui embarrassant toute la machine des finances, arrêtant le mouvement de tous ses ressorts, obstruant tous lés canaux de la circulation, altérant ou détruisant toute confiance, sont l'écueil le plus dangereux de tous moyens régénérateurs, parce qu'elles sont l'obstacle du moment.
Oui, messieurs, tels sont, réduits à leur plus simple expression, les avantages incalculables qui vous ont déjà frappés, à la première lecture de l'organisation nouvelle que vous a présentée, le 18 de ce mois, votre comité des finances; avantages dont vous apprécierez encore plus la valeur, lorsque l'impression aura plus particulièrement soumis à votre examen le travail de vos commissaires.
Je ne reviendrai donc point sur ce plan, qui se divise de lui-même en deux parties, dont la première vous offre un tableau de comparaison qui prouve, sans réplique, qu'en soulageant le peuple de 49 millions par année, les revenus, grâce à vos sages économies, suffiront désormais à toutes les dépenses, et laisseront encore un excédant de 33 millions annuels, destinés à fonder l'amortissement successif de toutes les dettes constituées de l'Etat.
Mais, vous le savez, Messieurs, puisque ces précieux avantages reposent sur la prompte exécution de la seconde partie dé ce proiet, qui consiste à payer, d'ici à peu de temps, 950 millions de dettes sacrées, c'est sur cet article qu'il est indispensable d'arrêter un instant vos regards.
Le payement de cette somme immense est fondé tout entier sur les rentrées suivantes :
Recette de la contribution patriotique- ........................Iflb millions.
Cautionnement des nouveaux fermiers généraux, régisseurs, ètc. 32 —
Vente d'une portion des biens —
du clergé, ou de ceux des do- —
maines........................ 472 —
Prêtfaitparlacaissed'escompte. 170 —
Voilà de quoi se composent les 950 millions que nous avons à payer pour mettre l'Etat à jour
avec tous ses créanciers. Si. l'on obtient réellë-
Or, 1° l'évaluation de la contribution patriotique n'est ni douteuse, ni exagérée. Tous les Français semblent, à l'envi, s'empresser d'offrir à l'Etat lé tribut extraordinaire que ses besoins réclament; ét, dans un royaume où il y a près de 3 milliards de revenus bruts, on ne force rien en estimant le quart du produit net à 275 millions; il rendra même sûrement davantage, si la confiance et lâ circulation se rétablissent : ainsi, je ne pense pas qu'il s'élève d'objections sur ce point ;
2° Le cautionnement des fermiers généraux, des régisseurs, et autres principaux employés, est un objet non moins certain. On frémit, en songeant que le génie fiscal a porté le montant des cautionnements jusqu'à la somme de 250 millions, créance dangereuse qui a toujours empêché l'Etat de se débarrasser des chaînes d'or qui le serrent de toutes parts. Quand un remboursement sagement imaginé les brisera, il ne sera pas difficile de trouver 32 individus, de chacun desquels, pour la sûreté même de la nation, on exigera 1 million; ainsi il ne resté point de doute sur cette recette de 32 millions;
3° La vente d'une portion des biens du clergé, et d'une partie des domaines, jusqu'à la concurrence de 472 millions, est possible en quatre ou cinq ans. Ce capital ne représente qu'un revenu territorial de 14 millions, et il est vraisemblable qu'on pourra disposer, dans cet intervalle, d'un semblable revenu, sans dépouiller même aucun des titulaires actuels. Il suffira de mettre en vente tous les biens ecclésiastiques actuellement aux économats, toutes les abbayes et bénéfices simples, à mesure qu'ils vaqueront, et tous les biens domaniaux qui seront à la convenance des particuliers. Il n'y a qu'une seule objection à faire contre cet expédient : c'est que quelque sûr qu'il paraisse, il ne procurera sûrement pas de l'argent dans les termes prochains, où il nous est si essentiel d'en recevoir; ainsi, il y aura un amendement important à ajouter à cette proposition.
4° Enfin, le secours de 170 millions que le comité des finances n'a fait qu'indiquer, et dont les moyens d'exécution semblaient dépendre entièrement du premier ministre des finances : ce secours, dis-je, que M. Necker a imputé sur un prêt qu'il fait faire à la nation par la caisse d'escompte, est absolument hypothétique, et l'Assemblée nationale ne voudra sûrement pas compromettre le salut de l'Etat, en confiant à une mesure plus qu'incertaine, les bases d'un édifice dont les fondements doivent être à toute épreuve, si l'on veut que sa solidité inspire cette confiance qui peut seule assurer la perfection de toutes les parties.
Ici, Messieurs, j'ai besoin d'être encouragé par votre indulgence. Admirateur, comme vous, de M. Necker et de son génie, quand son expérience a tracé un plan, quand sa modestie le soumet à la critique, quand son patriotisme lui en a fait désirer sincèrement un meilleur, frappé de tant de vertus et de talents, qui de nous oserait descendre dans l'arène, si, pénétrés de nos devoirs, nous ne placions sans cesse sous nos yeux cette vérité : que nos opinions ne sont pas à nous, qu'elles appartiennent à la France entière, et que guidés par des intentions pures, nous devons, sans amour-propre, comme sans modestie, au corps respectable des représentants de la nation,
le tribut de toutes nos pensées, lorsqu'elles ont pout but l'intérêt général.
C'est sous ce rapport seul que je vais essayer de vous démontrer, que le projet présenté par le premier ministre des finances, et qui tend à greffer uhe banque nationale sur l'établissement de la caisse d'escompte, ne pouvant être admis, il est indispensable, si l'on ne veut pas renôncer à l'exécution du superbe plan de votre comité des finances, de substituer un équivalent au contenu du mémoire que M. Necker a déposé, il y a huit jours, sur le bureau.
Je ne répéterai point, Messieurs, ce que plusieurs préopinants ont déjà observé depuis cette époque. Je n'ê ferai point, comme l'un d'eux, le procès de la caisse d'escompte. Nous devons son établissement à M. Necker, et, dans le temps où il l'a créé, il eût été difficile de mieux faire. Depuis qu'elle existe, elle a rendu de grands services, mais elle a éprouvé de grands revers; et si l'on a la justice de ne pas imputer à son organisation les. malheurs qui l'ont affligée, il faut qu'elle rende au gouvernement celle de convenir que, sans sa protection immédiate, elle n'existerait plus depuis six ans.
Je ne dirai pas nôn plus, avéc un autre préopinant, qu'il faut là conserver par reconnaissance.
La reconnaissance est une vertu de particuliers que la raison d'Etat ne saurait admettre ;
Mais la justice qui doit présider à tous les actes d'une grande nation, nous impose la loi ou de rembourser à la caisse d'escompte ce qui. lui est dû, si on la supprime, ou de la conserver aux fonctions qui lui avaient été précédemment assignées, si, en épurant son régime, elle veut continuer de se rendre utile au commerce, et de faciliter les échanges.
Je dirai donc seulement : que le projet par lequel on voudrait associer la nation, déployant un crédit encore vierge, à un établissement purement ministériel que plusieurs suspensions ont défavorisé dans l'esprit des peuples, me semble vicieux sous trois rapports :
1° Parce qu'il est insuffisant;
2° Parce qu'il ne supplée point au numéraire effectif, suivant le vœu de son institution.
3° Parce que, contradictoirement à ce vœu, il en augmente le besoin.
Je vais tâcher de prouver ces trois assertions.
1 Le projet est insuffisant.
En effet, quand même la caisse d'escompte nous prêterait tout à l'heure 170 millions, à bas intérêts, quand même elle les prêterait gratis, ainsi qu'elle se le propose, peut-être pour assurer sa conservation à laquelle elle met une grande importance, il n'en serait pas moins vrai que cette somme nous laisserait en état de banqueroute, si elle ne pouvait pas tout payer : or, il s'en faudrait bien qu'elle pût payer tout.
L'exigible, l'arriéré et le suspendu, se montant à plus de 500 millions, ne pourraient être soldés avec 170. Nous serions* donc à plus de 330 millions du but, et ces 330 millions seraient, par la suite, bien plus difficiles à trouver, quand ; oh aurait eu l'air d'avoir épuisé les plus belles ressources.
Donc il est évident que le prêt proposé par la caisse d'escompte est insuffisant.
2° Il ne supplée point au numéraire effectif.
Pour que les 240 millions de billets de caisse
que l'on propose de mettre en circulation suppléassent efficacement au numéraire, il faudrait nécessairement ou qu'ils fussent payables à volonté, ou que le cours fût forcé dans tout le royaume. „
Or, dans le plan proposé, leur conversion en argent, à bureau ouvert, est impossible, et le cours n'en est forcé que pour Paris.
De cette disposition résultent des inconvénients très-graves et pour les provinces, et pour la capitale: d'abord pour les provinces.
En effet, si elles ne sont pas obligées d'admettre ces billets dans les payements, la circulation des provinces continuera à être entièrement obstruée; car étant constamment créancières de la capitale, soit à cause des objets de consommation qu'elles lui fournissent, soit à cause des remboursements en délégation que l'étranger leur assigne sur Paris, et Paris ne payant plus qu'en billets de la caisse d'escompte, cette manière de payer ne sera d'aucun secours aux provinces, qui seront obligées de convertir à grands frais, et avec beaucoup de peine, en espèces, les billets de la caisse d'escompte qu'on leur aura donnés en payement.
A cet inconvénient, qui mérite la plus sé^-rieuse attention, parce qu'il peut avoir une grande infjuençe sur torçs les genres de rapports qui unissent le capitale aux provinces, et notamment sur les moyens d'approvisionnement et de subsistance, il convient d'ajouter : que le cours des billets de la caisse d'escompte, forcé dans Paris seulement, deviendra également préjudiciable à la capitale, dans ses relations commerciales avec l'étranger, et que l'Etat du change en souffrira un dommage notable.
En effet, sans parler du discrédit qui frappera, dans toutes les places de l'Europe, le papier sur Paris, vu la faculté qu'auront les accepteurs de Paris d'acquitter leurs lettres de change, .non-seulement en argent, mais en billets de j(a caisse d'escompte, on peut calculer aisément les pertes inévitablement attachées au besoiù d'écus, dans lequel se trouvera perpétuellement la caisse d'escompte. Assiégée sans cesse par ses billets, elle sera forcée d'acheter à tous prix de l'étranger des piastres et des lingots, et ces marchés onéreux qui se solderont en écus, aggraveront continuellement le mal.
. Donc l'émission des billets de la caisse d'escompte, dans le mode proposé, ne supplée point du tout au numéraire effectif.
3° Elle en augmente le besoin.
Cette vérité dérive naturellement de la démonstration précédente. Par cela seul que la caisse d'escompte ne payera pas à bureau ouvert, le discrédit de ses billets subsistera, et comme elle ne saurait discontinuer la modiqqe distribution de 300,000 livres par jour en espèces, à laquelle elle s'est bornée, el,le-même depuis sa surséance en favt-ur de ses nombreux créanciers, elle sera d'autant plus assiégée par les porteurs de ses billets, qu elle en aura en circulation deux fois plus qu'il u'eûi a jamais existé.
Or, pour faire face à ce simple service de 100,000 écus par jour, la caisse d escompte sera obligée de se procurer continuellement dé nouvelles espèces.
Les marchands d'argent, français et étrangers, instruits de cet état permanent de besoin d'écus, recèleront et accapareront soigneusement tout le numéraire que leurs richesses et leur crédit pourront leur procurer, bien certains de le ven-
dre à grand prix aux administrateurs de la caisse d'escompte.
A peine leur auront-ils livré ces écus à haut prix, qu'ils les soutireront eux-mêmes de la caisse d'escompte, qui chaque jour, en écoute pour 100,000 écus, sans bénéfice, et dès le lendemain, ils lui revendront ces 300,000 livres, à raison de 8 et 10 0/0 de gain (1).
Telle est la manœuvre lucrative et facile que la cupidité peut répéter tous les jours, au grand détriment de l'Etat.
Encore, si l'émission des 240 millions de billets de la caisse suffisait pour mettre llEtat à jour avec ses créanciers î... Mais, malgré cette émission, la nation reste en banqueroute, puisque avec 240 millions, elle ne peut payer :
Ni l'arriéré des départements ;
Ni les coupons des emprunts en forme de loterie;
Ni les capitaux d'emprunts échus en 1789;
Ni les assignations sur les domaines;
Ni les effets suspendus le 16 août 1788, et dont l'exigibilité est d'autant plus sacrée, que l'échéance en est plus arriérée.
Que serait-ce donc que cette espèce d'emprunt de 240 millions en papier sinon une demi-ressource, un palliatif-insuffisant, un petit moyen de se traîner timidement entre la solvabilité et la banqueroute ; enfin, le secret de rester environnés de mécontents, dont les justes murmures accroissent sans cesse un discrédit malheureusement trop fondé ? et ce discrédit tend toujours à augmenter la méfiance et le resserrement des espèces.
Donc, l'émission de 240 millions de billets d'escompte, mis en circulation, augmentera infailliblement le besoin d'écus.
J'ai démontré précédemment que ces billets ne suppléeraient point le numéraire effectif.
Et j'ai prouvé que quand même ils le suppléeraient, cette ressource serait absolument insuffisante.
Donc, le projet du premier ministre des finances, dont la base est un prêt de 170 millions proposé par la caisse d'escompte, ne saurait être admis.
Et comme ce secours de 170 millions faisait partie intégrante du plan général présenté par
le comité des finances, il sera indispensable d'y suppléer, si l'on ne veut pas renoncer au
système consolateur qu'il nous offre.
Eh bien, Messieurs, toutes les objections tombent, tous les obstacles s'aplanissent, toutes les difficultés disparaissent, en présence d'une idée simple qui nous offre une foule d'avantages incalculables.
C'est une création modérée et strictement proportionnelle à nos besoins, de billets nationaux qui n'auront aucun des caractères effrayants du papier-monnaie, si justement redouté.
Pour démontrer irrésistiblement la préférence que mérite cette opération, je vais en opposer les avantages aux vices du plan que je viens de combattre.
Je dis donc :
1° Si la masse de ces billets nationaux s'élevait à 500 millions, elle suffirait à nos besoins ;
2° Ces billets suppléeront absolument le numéraire effectif;
3° Ils en diminueront le besoin;
4° Les seules objections spécieuses qu'on puisse leur opposer sont bien faciles à détruire ;
5° Enfin, cette opération présente tant d'avantages, que je ne vois aucun inconvénient capable de les contrebalancer.
1° 500 millions de billets nationaux suffiront à nos besoins.
Je conviens, Messieurs, que d'après l'exposé de votre comité de finances les dettes criardes paraissent s'élever à 950 millions ; mais vous n'avez pas oublié que dans celte somme sont compris les remboursements d'un grand nombre de cautionnements. Ces remboursements, purement volontaires, peuvent se retarder, et ce retard ne causera même aucune perte pour l'Etat. A la vérité, la nation restera chargée de l'intérêt annuel de ces cautionnements ; mais quand cette dépense s'élèverait à 15 millions, elle serait amplement compensée par le produit que donneront les 500 millions de billets créés. En effet, puisqu'ils serviront à éteindre des dettes capitales qui coûtent annuellement près de 30 millions d'intérêt, ces 30 millions bonifiés serviront, moitié à continuer le payement de l'intérêt des cautionnements, et moitié à former une masse d'intérêts à 3 0/0, qui seront affectés aux billets nationaux, et payables aux porteurs de ces billets : ainsi, l'intérêt mêmê accordé aux billets ne coûteca rien à l'Etat ; il leur vaudra une juste préférence; ils n'en feront qu'avec plus de faveur le service deB écus.
Donc, les 500 millions de hillets nationaux proposés suffiront à nos besoins.
2° Ils suppléeront le numéraire effectif.
A l'instant où, par le décret de création, les billets nationaux obtiendront un cours forcé par tout le royaume, la confiance publique viendra justifier ce décret, si la nation présente aux porteurs de billets un gage spécial et suffisant de sa garantie. Ce gage spécial sera, d'une part, la recette certaine de la contribution patriotique, et de l'autre, la vente assurée d'une portion suffisante des biens eccésiastiques ou domaniaux. Appuyés sur ces deux bases, les billets,, représentant comme les écus toutes les denrées, commenceront à faire le service de Paris, celui des provinces, celui des particuliers. Bientôt, l'intérêt personnel considérant qu'en les rendant productives d'un intérêt fixe ou éventuel de 3 0/0, on a attaché à leur jouissance un attrait que les billets de la caisse d'escompte n'ont jamais eu, et que les écus eux-mêmes ne présentent pas, on ne tardera guère à sortir des coffres , des espèces jadis' resserrées par la méfiance, désormais inutiles à la cupidité, pour y substituer des effets d'iine solidité inattaquable, parantie par la nation, représentés par des gages spéciaux, et dont la présence ajoute chaque jour une valeur au capital.
Donc, ces billets nationaux. plus recherchés que les espèces, seront le véritable supplément du numéraire effectif.
3° Ils en diminueront le besoin.
Cette proposition est une conséquence immédiate de la démonstration précédente. En effet, on ne recherche les écus que pour deux motifs : ou pour satisfaire aux besoins privés de la vie, ou pour se livrer à des spéculations lucratives. Or, les billets nationaux ayant cours partout, circulant librement partout, étant reçus partout, divisés, comme ils le seront, en somme à la portée de la plupart des besoins, satisfaisant con-séquemment à toutes les nécessités de la vie, plus précieux que les écus par l'intérêt inhérent à leur essence, seront aussi plus recherchés que les écus : alors, plus de ces spéculateurs avides qui accaparaient avec tant de soin les espèces ; l'espoir du lucre une fois évanoui, leur cupidité cherchera un autre objet ; ils n'entasseront plus des trésors dont l'émission combinée ne leur procurerait aucun avantage. Les écus n'étant plus soustraits à la circulation, nous ne serons plus exposés au douloureux sacrifice d'acheter, à une perte énorme, des lingots ou des piastres chez l'étranger, et nous verrons les particuliers et les spéculateurs/satisfaits de l'usage commode et lucratif des billets, ne plus témoigner aucun empressement pour les espèces.
Donc la création bien entendue des billets nationaux diminuera le besoin d'écus.
4° Les seules objections spécieuses qu'on puisse leur opposer sont bien faciles à détruire.
Il y en a deux ; voici la première : Une création de billets nationaux va faire cacher tout l'argent — Voici la réponse :
Existe-t-il aujourd'hui des billets nationaux? et cependant il me semble que l'argent est assez soigneusement caché. Ces billets, continue-t-on, vont faire sortir tout l'argent du royaume. — Voici la réponse :
Éxiste-t-il aujourd'hui des billets nationaux ? et cependant il me semble que l'argent ne cesse de S'écouler avec l'étranger.
Cherchez donc d'autres motifs au resserrement et.à la translation du numéraire. La méfiance en est la-seule cause, et la méfiance ne vient que de ce qu'on ne paye pas. On ne paye pas, faute de moyens. Si l'on avait de quoi payer, si l'on satisfaisait les créanciers de l'Etat, si on mettait les rentes à jour, bientôt de Paris aUx extrémités du royaume, la circulation se rétablirait, la confiance renaîtrait, le resserrement diminuerait, l'émigration cesserait ; et ne vous abusez pas, tout cela ne peut se faire qu'avec une monnaie fictive, à laquelle vous aurez su imprimer le caractère de la réalité.
« Mais, me disait un administrateur de la caisse d'escompte, comment osez-vous proposer de créer pour 500 millions de billets nationaux, tandis que nous osons à peine livrer à la circulation, pour 240 millions des nôtres? » Ma réponse fut très-simple : 240 millions de vos billets sont beaucoup trop ; 500 millions des billets nationaux seront à peine assez, et en voici la preuve : on n'est point obligé de recevoir les vôtres; ils ne rapportent rien; leur quantité eBt insuffisante pour payer tout ; ils vous resteront.
Lé cours des miens est forcé; ils portent intérêt; ils acquitteront l'arriéré, l'exigible, et le suspendu; il ne m'en restera pas un.
Il n'est point de réponse à cet argument-là. C'est ainsi que l'on peut renverser la première objection spécieuse, élevée contre les billets nationaux.
La seconde est plus forte en apparence, c'est celle des changes.
Ici, Messieurs, je réclame un moment toute votre attention. Cet objet est un peu abstrait; il n'a peut-être pas fixé souvent vos regards, et il ne serait pas nouveau devoir des gens intéressés à faire prévaloir une opinion contraire, abuser du peu d'habitude qu'ont sur ces matières les personnes plus éclairées sur tout autre sujet, pour leur opposer des difficultés qui, d'abord, paraissent insolubles, mais qu'une explication claire et méthodique ne tardera pas à dissiper (1).
On objecte à l'établissement des billets nationaux, faisant fonction d'espèces, l'influence
que
1° Que les mandats donnés en payement ne seraient pas parfaitement. équivalents au numé-raire]effectif dont ils remplissent momentanément la fonction ;
2° Que le résultat des rapports de notre commerce avec celui des puissances étrangères Serait en définitive à notre charge, c'est-à-dire que, balance faite des sommes que nous avons à recevoir de l'étranger, en échange des productions de notre sol et de notre industrie, avec les sommes que nous avons à payer à l'étranger, à cause de l'importance en France des denrées et marchandises des autres puissances, il nous resterait une somme quelconque à faire passer hors du royaume pour solder la différence du prix de nos achats à celui de nos ventes.
Je dis qu'il faut que cette double supposition existe : l'une sans l'autre ne suffirait pas pour nous alarmer sur les variations du change; et en effet,
Si notre représentatif est vraiment égal en valeur au numéraire réel, quand même nous serions débiteurs, il importe peu à nos créanciers que leur payement s'opère sous une forme ou sous une autre, pourvu que les deux formes soient également bonnes.
Si, au contraire, la balance est à notre profit, et que nous soyons créanciers, quand même les billets nationaux que nous faisons concourir avec nos écus au service de la circulation, n'auraient pas la même valeur que nos écus, il importe peu à ceux qui nous doivent, et qui, ayant à nous payer, n'ont rien à recevoir de nous, de savoir de quel signe nous faisons usage dans nos payements.
A la vérité, quoique la balance de notre commerce général soit à notre avantage, il est des puissances dont nous nous trouvons débiteurs plutôt que créanciers, soit dans tous les temps, soit dans certaines circonstances, et on pourrait me dire que les payements particuliers que nous nous nous trouvons alors chargés de faire à ces puissances, nous coûteront davantage, si notre manière de payer est moins parfaite que la leur. Mais pour peu qu'on veuille réfléchir sur les compensations qui s'établissent entre eux par les délégations perpétuelles que fait le royaume débiteur, sur ceux dont il se trouve créancier, on verra que les combinaisons et les arbitrages du commerce maintiennent entre les diverses puissances l'équilibre nécessaire pour faire jouir pleinement chacune d'elles de la faveur que sa position lui donne dans le balance générale, et que celles qui ont à recevoir d'une part au moins l'équivalent de ce qu'elles ont à payer de l'autre, sont rarement sujettes à voir exporter leur numéraire : ainsi, pourvu qu'un royaume, dans l'ensemble de ses rapports extérieurs, obtienne un bénéfice quelconque en dernier résultat, la diversité de ces rapports multiplie nécessairement les combinaisons du change, mais elle ne peut jamais altérer que très-faiblement l'état du change à son préjudice.
Au reste, il est démontré que nous ne sommes ni dans l'une ni dans l'autre des deux hypothèses que j'ai feintes pour appuyer l'objection prévue; e't voici comment je le prouve :
1° Les billets nationaux seront équivalents au numéraire effectif dont ils partageront l'office,
et ils auront même un degré de faveur de plus, en ce qu'ils seront productives d'intérêt.
Je dis qu'ils seront équivalents, à dés espèces, si, devant en définitive, et dans un terme très-court, se résoudre en écus, ils forment, dans l'intervalle, comme les écus, le signe de convention par lequel on puisse désigner et se procurer toutes les autres valeurs. Or, il a été démontré
Srécédemmeut qu'il ne pouvait subsister de oute ni sur la réalisation de la somme nécessaire à leur extinction, dans le délai fixé, ni sur l'effet de la sanction nationale qui leur donnera cours.
Donc les billets nationaux, infailliblement convertibles en écus, à une époque certaine et rapprochée, feront, dans l'intervalle, le même service que les écus ; donc ils seront équivalents au numéraire effectif.
2° Le résultat de nos rapports de commerce avec l'étranger, loin d'être à notre charge, nous donne au contraire un grand bénéfice dans la balance universelle, et on n'a pas besoin d'insister sur cette vérité dans un royaume dont le numéraire effectif s'est élevé successivement à près de de 3 milliards, et qui, n'ayant pourtant point de mines dans son sein, ne peut avoir acquis cette énorme somme, que par le bénéfices immense que lui procurent, chaque année, les exportations des denrées indigènes, l'industrie,de ses manufactures, et surtout les riches productions de ses colonies d'Amérique.
Après avoir ainsi constaté la non-existence de la double supposition, nécessaire à admettre
Êour légitimer la crainte de l'influence des illets nationaux sur le change avec l'étranger, j'admets encore pour un moment que, faute de réflexions, nos voisins, alarmés d'abord par l'émission de ces billets, fassent refluer dans le royaume, par des ventes à leur perte, la portion de nos fonds publics qu'ils possèdent aujourd'hui : cette fausse opération de leur part, dont nous serions à portée de profiter par les ressources que nous procurerait un accroissement de 500 millions a nos moyens ordinaires de circulation, ferait ressortir encore à notre profit l'état du change : car si nous sommes aujourd'hui tributaires de quelques puissances étrangères, c'est à cause de l'intérêt qu'elles ont pris dans nos fonds, c'est à cause des arrérages que nous leur payons, et des capitaux que nous leur remboursons sans retranchement, quoiqu'elles les aient acquis au-dessous du pair : or, il serait trop heureux qu'un semblable bénéfice, fait jusqu'à présent par les peuples voisins sur le gouvernement français, fut reversé dans le sein même de l'Etat.
Donc la création des billets nationaux ne peut avoir aucune influence fâcheuse sur les rapports commerciaux de la France avec l'étranger.
5° Enfin, cette opération présente tant d'avanta-ges,que je ne vois aucun inconvénient[capable de • les contrebalancer.
Pour prouver cette assertion, il me serait difficile de continuer à suivre la marche serrée et méthodique que je m'étais prescrite, et que j'ai observée jusqu'à ce moment. Ici les idées se présentent en foule, et il n'existe de difficultés que dans le choix.
La première réflexion qui se présentera à un homme sage avant la lecture d'un projet de finances, est celle-ci : Pour qui ce projet a-t-il été conçu ? — Pour restaurer un grand royaume. — N'est-il pas à craindre qu'il ne soit bien compliqué ? — Oui, sans doute, puisqu'il doit
embrasser toutes les parties. Mais, qui doit juger ce plan ? — Une Assemblée nationale, composée de douze cents députés. — En ce cas, la première qualité de ce système régénérateur, dbit nécessairement être d'une simplicité telle, qu'au même instant elle frappe tous les esprits ; qu'elle fasse la conquête de toutes les opinions ; qu'elle n'exige qu'une décision non complexe ; qu'elle n'entraîne
s oint une foule de décrets qui réclameraient des
iscussions interminables ; qu'un seul acte de la volonté des représentants de la nation puisse ordonner l'exécution du nouveau plan, et que, sous leur surveillance, les détails en puissent être confiés au pouvoir exécutif. Voilà les caractères auxquels, avant tout, je reconnaîtrai le projet qui doit convenir à la restauration de nos finances.
Celui que je viens de vous soumettre, Messieurs , porte-t-il cette empreinte nécessaire ? Combien d'idées présente-il ? deux seulement : l'équilibre établi pour l'avenir, entre la recette et la dépense, et, dès à présent, le payement de toutes les dettes exigibles, en vertu d'une créa^ tion modérée de billets nationaux, fondés sur des gages inaliénables, et revêtus de la garantie de la nation.
Si vous admettez ce plan, quelques décrets vont assurer la restauration que la France entière appelle à grands cris. Vous pouvez, dès ce moment, poser la borne au delà de laquelle il ne sera plus permis au génie malfaisant du'fisc et du despotisme d'assiéger le peuple français, Vous pouvez fixer au commencement de l'année qui va s'ouvrir, l'époque à laquelle les abus consternés iront s'ensevelir dans la nuit des temps, et céderont la place au nouvel ordre de choses qui, pour notre bonheur, va se lever sur nos têtes ; enfin, vous n'avez qu'un mot à dire, et tout sera changé.
Il faut, disait dernièrement un des préopinants, M. Dupont (de Nemours) en défendant le système opposé, il faut que les billets que Vont créera, soient si avantageux qu'on les préféré à l'argent, ou qu'avec eux l'on n'ait besoin que de très-peu d'argent. A qui mieux s'appliquera ce principe, qu'au projet que vous venez d'entendre ?
Dans un royaume où circulent constamment 2 milliards et demi de numéraire ; dans un empire qui verse, chaque année, 700 millions dans le Trésor public, sera-t-on embarrassé un seul instant d'une circulation de 500 millions de papier, qui vont rétablir l'aisance chez les particuliers, rappeler le luxe dont nous avons besoin, et qui nous fuit ; ranimer nos manufactures, si précieuses À l'humanité et aux arts ; conserver l'industrie nationale qui s'échappe ; vivifier le commerce qui languit ; rétablir en notre faveur la balance qui nous était favorable; substituer à ces consolations éphémères, à l'aide desquelles le projet du premier ministre des finances peut endormir .encore quelques moments la capitale, des consolations éternelles et immuables qui embrasseront toutes les provinces, et verseront sur le royaume entier leur influence bénigne ; abolir ce fléau du discrédit qui afflige Bordeaux, Marseille, Lyon, Nantes, au point que le papier à vue sur Paris y coûte 3 à 4 0/0 ; que les espèces, aspirées sans cesse par les besoins des provinces, ne refluent plus vers le centre commun, et y rendent inutiles tous efforts de la caisse d'escompte ; faire cesser ce manège odieux qui fait perdre aujourd'hui 2 0/0 sur un billet de caisse qu'on veut changer contre écus, perte d'autant plus grande que nous ne voyons
as le terme où elle peut s'arrêter ; opposer à 'intérêt de quelques banquiers privilégiés, l'avantage de la nation qui doit garder tous ses bénéfices pour elle-même, et ne plus donner d'autres privilèges exclusifs que ceux d'invention ; empêcher l'établissement d'une nouvelle table de jeu sur la placé, dans un moment où le vœu de la nation est de détruire l'agiotage, et où la place est couverte d'effets royaux; suspendre les émigrations nombreuses qui nous enlèvent des citoyens riches, des manufacturiers, des agriculteurs et des écus ; rappeler les étrangers qui nous apportaient en tribut les trésors des deux mondes ; enfin nous mettre à même d'ouvrir un emprunt perpétuel en billets nationaux, dans lequel la confiance des peuples, viendra nous apporter, à 4 0/0, des sommes avec lesquelles on remboursera des dettes qui en coûtent six et sept ?
Tels sont, Messieurs, quelques-uns des avantages qui appartiennent incontestablement au plan que j'ai eu l'honneur de soumettre à votre examen ; je vous supplie de vous rappeler que toutes les bases en ont été discutées, que tous les résultats en ont été, un a un, rigoureusement démontrés, et qu'il doit m'être permis de conclure :
Qu'aucun inconvénient n'est capable d'en con-tre-balancer l'importance.
J'ai détruit précédemment les seules objections spécieuses qu on pourrait m'opposer.
J'ai prouvé que les billets nationaux diminuaient le besoin des écus.
J'ai prouvé qu'ils suppléaient effectivement au numéraire effectif.
J'ai prouvé qu'une création de 500 millions de ces billets suffisait à tous nos besoins.
Donc j'ai prouvé la possibilité, la nécessité, et la facilité du plan qué j'ai substitué à celui d'un prêt de 7Q millions par la caisse d'escompte, dont l'ai démontré l'impossibilité, l'insuffisance et l'inutilité.
Il ne me reste plus, Messieurs, qu'à réclamer votre indulgence, vous rendre grâces de l'attention flatteuse que vous avez daigné m'accorder, et vous supplier de me permettre de vous proposer le décret suivant :
L'Assemblée nationale, voulant faire goûter à la France les douceurs d'une constitution libre, et procurer aux peuples, dans la restauration générale des finances, un soulagement qui doit affermir à la fois les bases de la constitution.et celles de la félicité publique, a décrété et décrète :
1° L'admission pure et simple du plan présenté par le comité des finances, à l'exception de l'article réservé pour un prêt de 170 millions, lequel n'aura pas lieu;
2° La création des billets nationaux, jusqu'à concurrence de 500 millions, divisés depuis 1,200 livres jusqu'à 50 francs, ayant cours par tout le royaume, portant intérêt au porteur de 3 0/0 par an, remboursables par cinquième, d'année en année, par la voie du sort, à dater de l'année 1791 ;
3° L'affectation spéciale, à la sûreté et au remboursement de ces billets, du produit de la contribution patriotique, du produit de la vente qui sera faite, d'ici à six tins, d'une partie des biens du clergé, actuellement vacants ou qui vaqueront dans cet intervalle, et encore du produit de la vente d'une portion des biens domaniaux ;
4° Enfin, l'établissement d'une caisse particulière, dans laquelle sera versé, à mesure de rentrées, sous la surveillance de la nation, le produit
des objets spécialement affectés pour en assurer la destination.
J'ai l'honneur de déposer ma motion sur le bureau.
Divers membres demandent l'impression du discours de M. de Gouy-d'Arsy.
Cette impression est ordonnée.
présente quelques considérations sur le plan de finances proposé et déclare qu'il fera imprimer son opinion (Voy. cette opinion aux annexes de la séance).
propose de créer des billets de caisse non exigibles, mais remboursables à raison de 10 millions de livres, chaque année par la voie du sort.
D'après cet arrangement, disait-il, la nation paye, par le seul bénéfice et le seul crédit de ses billets, l'intérêt de 100 millions dus à la caisse d'escompte pelle obtient 170 millions par an, à 3 0/0 et, libre au bout de douze ans. envers tous les créanciers étrangers, elle peut établir la banque nationale sur la base qui lui conviendra le mieux.
adopte lé plan d'une banque proposée par les sieurs La Rochette, Delourme, de Lamerlière et Admyrauld 1 aîné. Il expose les avantages que cette banque procurerait iiu Trésor par la création d'un papier-monnaie et lit une partie du décret.
(deSaint-Jean d'Angely), interrompant l'orateur. Avant d'examiner tous les plans qu'on nous propose il faudrait décider d'abord si nous créerons un papier-monnaie et connaître exactement les besoins du Trésor public.
Sur cette observation, l'Assemblée décide que la lecture du plan proposé par M. le vicomte de Macaye ne sera pas continuée, mais que le projet sera imprimé. {Voy. aux annexes de la séance le plan de M. le vicomte de Macaye pour l'établissement d'un trésor et d'une banque nationale.)
J'ose rappeler à l'Assemblée, si elle me permet de faire mention d'un fait individuel, que pour s'opposer à l'enregistrement de l'emprunt de 420 millions proposé par M. de Brienne, emprunt qui devait coûter à l'Etat 9 0/0 d'intérêt viager, plus le remboursement de la moitié entière du capital de cet emprunt, le magistrat qui combattit le plus fort le plan du ministre d'alors (1) s'appuya sur le refus constant des états des finances et il osa représenter au mor narque en personne, combien il répugnait à la majesté de la couronne et à la grandeur de son caractère de paraître surprendre, sur un objet si important pour les peuples, un consentement dénué de tous motifs, ou appuyé sur des bases aussi fragiles, qu'un état gravé le 25 mai 1787,lors de la rupture de la première assemblée des notables, état que nous avons encore et qui, par une exagération coupable, portait le déficit à 90 millions effectifs, non compris les remboursements à époque fixe.
La précision dans ces circonstances délicates, est le premier devoir de ceux qui guident
une
Jamais, j'ose le dire,; rien de si critique dans ses effets, de si délicat dans ses suites prochaines pour la considération de l'Assemblée, d'aussi effrayant dans les conséquences ultérieures pour la nation, n'a été présenté à votre discussion. Après avoir commencé âutant de réformes salutaires pour les peuples des campagnes ; après les avoir élevés (en espérance au moins) jusqu'à la prochaine et entière libération de la gabelle et des aides ; ce n'est pas dans la détresse actuelle du commerce et des manufactures une idée à adopter légèrement que celle qui tend à substituer des feuilles volantes à des écus et qui commence la régénération du fisc, par Une multiplication énorme de valeurs fictives, dont le premier effet serait, de l'aveu de M. Dupont (deNemours) lui-même de faire refluer le numéraire et de retirer le reste des espèces hors du commerce et peut-être même hors du royaume.
Je réclame une liste exacte de tous les créanciers de l'Etat', ainsi qu'un tableau des recettes et et des dépenses.
(Ce discours est accueilli par de vifs applaudissements.)
J'adhère à la motion de M. Fréteau ; mais je demande qu'on en retranche l'article relatif au mémoire que M. Necker a promis, qui n'est pas encore rédigé, et dont les idées, selon ses propres expressions, sont seulement arrêtées.
11 faut encore exiger que tous les objets qui forment le déficit soient communiqués et imprimés, et que les créanciers de l'Etat se fassent connaître, savoir : ceux du royaume, dans le délai d'un mois ; et ceux des étrangers dans celui de deux mois.
propose cet amendement « que le ministre remette aussi l'état de tous les payements et emplois d'argent faits depuis le lep mai. »
Autant la motion de M. Fréteau nous conduit à obtenir les éclaircissements qui doivent assurer et accélérer notre travail, autant cet amendement nous jette dans des écarts qui entraîneraient d'immenses longeurs.
L'amendement de M. Camus est ajourné.
(1). Messieurs, d'après mon opinion particulière et le résultât de l'examen auqUel je me suis livré sur l'embarras momentané des finances, je suis intimement persuadé que l'Assemblée nationale, satis emprunter d'autres secours que celui qui est en sa puissance, peut faire cesser la sollicitude du premier ministre des finances et en même temps celle des créanciers de l'Etat, à la grande satisfaction du ministre et des créanciers.
Je ne crains point d'avancer que, d'après l'examen que j'ai fait de différents plans joints
aux autres ressources de ce genre, il sera extrê-
Cette opération importante dépend absolument des décrets de l'Assemblée,- dont je vais avoir l'honneur de lui donner cbmmunicatiou : ils sont tous analogues à un plan complet sur l'impôt qui puisse présenter au public une recette égale à toutes les dépenses annuelles, lequel impôt doit, selon moi, être établi dès le let janvier-: vous ne devez point le morceler; aussi les décrets que je vous présente en font partie, et viennent au secours des besoins du moemnt.
Décrets nécessaires pour effectuer l'opération que je propose :
1° L'organisation d'une caisse nationale et la nomination de ses administrateurs ;
2® La faculté de rembourser par la suité les renies viagères ;
3° La nomination de six membres de cette Assemblée pour présider au bureau de liquidation;
4° Prescrire à tous les créanciers de l'Etat dont la créance n'est pas constituée, sous quelque dénomination qu'elle puisse être, même pour remboursement des offices supprimés, de se présenter au bureau de liquidation, d'y produire leurs titres de créance, et de recevoir à la place une assignation sur la caisse nationale, portant 5 0/0 d'intérêts sans retenue laquelle assignation sera reçue pour comptant dans le payement des acquisitions des biens du domaine, ou autres biens de la nation ;
5° La caisse d'escompte doit être autorisée à mettre en émission 240 millions de billets, sur lesquels elle complétera les 170 millions pour le trésor royal ; il lui sera donné délégation de240 millions sur les deux derniers tiers de la taxe patriotique et sur le produit de la vente des domaines, laquelle délégation lui sera payée par la caisse nationale à mesure, du recouvrement de la taxe patriotique, ou de la vente des biens du domaine dont les fonds auront été versés à la caisse nationale.
J'observe à l'Assemblée nationale qu'elle pourra annoncer avec vérité que l'intérêt de toutes les assignations qu'elle donne, celui des rentes viagères et constituées, ainsi que les dépenses destinées au pouvoir exécutif sont toutes comprises et remplies par conséquent par le nouveau projet d'impôts, à l'examen duquel je me suis le plus particulièrement livré ; que ce projet comprend en outre, dans sa recette annuelle, une somme de 50 millions, destinée uniquement à l'amortissement des dettes, et versée à cet effet dans la caisse nationale.
Une opération de cette espèce, Messieurs, répond parfaitement à toutes les objections alléguées ces jours passés. Nous pourrons dire à nos commettants que nous avons véritablement consolidé la dette, que nous en connaissons la quotité, puisque par l'opération que je propose, votre comité de liquidation aura vérifié les titres de tous les créanciers non constitués, et sera à portée de vous donner un état du montant exact de cette espèce de dette qui était là seule difficile à connaître, puisque tout le monde sera instruit de ce que coûtent annuellement les rentes viagères, celles constituées, et la dépense du pouvoir exécutif ;
ce qui compose véritablement toutes les dettes de l'Etat. Vous verrez bien vite ressortir l'argent, car les propriétaires de vos assignations, assurés de cette manière, ne s'én déferont qu'à la dernière extrémité. Ces mêmes assignations ne se trouveront pas concentrées dans Paris ; étant propres à toutes acquisitions, elles se diviseront dans toutes les provinces.
Vous remplissez les engagements pris par M. le premier ministre avec la caisse d escompte, et vous remettez la paix et la tranquillité parmi tous les créanciers de l'Etat.
propose, comme addition nécessaire, et conformément à la motion de M. de Gastellane, que le comité des finances soit tenu de rendre compte des projets présentés par des membres de l'Assemblée, ou par d'autres particuliers.
rappelle les diverses propositions et les met successivement aux voix.
La proposition de M. Lecouteulx de Ganteleu ayant pour objet d'entendre' à la barre les députés de l'administration de la caisse d'escompte est adoptée.
La seconde proposition de M. Lecouteulx de Canteleux tendant à nommer six commissaires pour prendre une connaissance exacte de l'état de la caisse d'escompte, de ses opérations, de ses statuts et de l'usage qu'elle fait de son crédit, de ses moyens et de ses fonds est pareillement mise en délibération et adoptée.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer quant à présent sur l'amendement de M. de Montmorency.
La motion de M. Fréteau est décrétée en ces termes :
« L'Assemblée nationale demande communication authentique :
c 1° Des tableaux des engagements pris par le gouvernement avec la- Caisse d'escompte pour le 31 décembre prochain, avec les notes des dates et des conditions de ces avances ;
« 2° De l'aperçu justificatif des dépenses extraordinaires, évaluées à 90 millions pour cette année, et à 80 millions pour l'année prochaine ;
« 3° De toutes-les anticipations subsistantes ;
« 4° De l'état des arrérages, intérêts, pensions ou rentes arriérées ; t
« 5° Des reliquats dus par les départements
« 6° Des effets dont le remboursement est suspendu ;
« Le tout sans préjudice des états au vrai du passif des finances pour la totalité, de la dette publique. »
L ordre du soir a été de nouveau indiqué par M. le président, qui a aussi réitéré l'avis de la nomination à faire, dans les bureaux, du président, de trois secrétaires, des membres du comité des recherches et de six commissaires, pour la vérification de l'état de la caisse d'escompte.
La séance a été levée, et les suivantes ont été indiquées, pour ce soir, à six heures, et pour lundi, à neuf heures du matin.
Séance du
M. le maréchal de Mailly fait le don patriotique d'une paire djg boucles d'or.
L'ordre du jour appelait un rapport du comité des recherches.
, doyen du comité, prend la parole pour dire que le comité s'est constamment occupé, d'après l'esprit de son institution, de tout ce qui peut procurer la sûreté et la liberté publique, de tout ce qui peut faire découvrir les ennemis de la patrie. Il parle avec des réticences qui excitent les plus grands murmures. Sans vouloir entrer dans aucun détail, il passe en revue sommairement toutes les affaires qui sont venues à la connaissance du comité, et d'abord de celle de M. Augeard, fermier général.
Cette affaire, de peu d'importance au premier aspect, dit le rapporteur, a paru au comité des recherches mériter la plus sérieuse attention. Le comité a reçu les documents les plus positifs qui le déterminent à croire que le plan de M. Augeard, combiné pour enlever le Roi à Metz, n'est point le fruit de l'imagination en délire de M. Augeard. Il s'est appuyé sur lés circonstances, sur les temps, sur la confirmation de ce plan répété par tou3 les échos de la capitale, et le comité a pensé que les apparences étaient contre M. Augeard. Il fait mention de M. de Bezenval, des trois individus arrêtés et détenus dans les prisons du Châtelet pour avoir tenu des registres anti-patriotiques, et du prince de Lambesc, contre lequel un décret de prise de corps a été lancé pour s'être porté à des voies de fait dans les Tuileries.
Un particulier de la Brie, dont le nom n'a pas été prononcé, mais aujourd'hui constitué prisonnier, a fait tout son possible pour traverser l'approvisionnement des marchés. Il est essentiel et possible de connaître ses mandats et ses mandants. Ce particulier s'est porté avec audace contre ceux qui voulaient vendre des grains dans son canton. Il a poussé le crime jusqu'à menacer d'incendier ceux qui, se prêtant aux circonstances,vendraient comme à l'ordinaire.
Si nous ne nous sommes pas occupés du mandement de l'évêque de Tréguier, continue le rapporteur, c'est que nous n'en avons pas été chargés par l'Assemblée nationale. Il a fait mention de l'affaire de la "fille de Douai. Cette fille, qui a failli être assassinée, a dénoncé le complot formé contre le Roi et les amis de la Constitution. Le comité des recherches n'a pas encore des preuves complètes de toutes les trames et de tous les complots des ennemis de la patrie ; mais il a le fil qui peut le conduire à une parfaite connaissance. Nous mettrons, ajoute le rapporteur, sous les yeux de l'Assemblée toutes les connaissances, notions, documents qui nous sont parvenus.
propose qu'il soit décrété de continuer dans leurs fonctions les membres du comité des recherches.
appuie la motion sur la nécessité
Vous riez, Messieurs, a dit l'orateur, mais on répond difficilement quand on a peur : Qui maie agit, odit lucem.
Parlez français, cela vaudra mieux.
Un membre a proposé de reprendre la motion faite dans une séance antérieure pour adjoindre quatre commissaires au comité des recherches et les charger de surveiller les poursuites qui doivent se faire au Châtelet.
Je m'oppose à la continuation des pouvoirs du comité. On nous parle sans cesse de conspiration sans nous donner la moindre preuve. Ce mot vague semble n'être qu'un moyen pour maintenir en fonctions ceux qui veulent égarer le peuple. Le rapporteur nous a entretenus de bruits populaires qui ne méritent aucune créance, mais il n'a rien dit d'une descente qu'il a faite dans le couvent deJ'Annonciade de Pans.
Il est bien fâcheux d'être obligé d'emprunter les formes du despotisme pour en anéantir lesltraces.—Après cet exorde, M. Malouet parle de la descente nocturne faite dans le couvent de l'Annonciade par quelques membres du comité. Il ne croit pas que les membres du Corps législatif puissent descendre à ces fonctions su» balternes sans compromettre leur caractère ; il ajoute qu'il aurait mieux valu s'occuper des moyens de porter remède aux émeutes populaires et il demande que le comité soit tenu de rendre compte à l'Assemblée des motifs de la descente dans le couvent, ainsi que des suites qu'elle a eues et des indices qu'elle a fournis.
Vous venez d'entendre un ami généreux de la liberté faire des questions à votre comité. Je dois, comme en étant membre, satisfaire à sa sollicitude. Le comité; de police de Paris a cru devoir ordonner des recherches dans ce couvent, parce qu'on disait qu'un personnage très-connu y était caché ; c'était sans doute une erreur, mais ce qu'il y a de certain c'est que cette descente s'est faite avec toutes les règles de la prudence et de la circonspection. Pour ce qui regarde les émeutes populaires, le comité remettra aux nouveaux commissaires les pièces qui pourront les instruire, et surtout celles de l'affaire du Cambrésis, dont le foyer n'est pas éloigné de la capitale. On voudrait nous forcer à faire connaître les canaux par lesquels certains faits nous sont parvenus, mais ce serait donner aux coupables tes moyens d'arrêter le complément des preuves.
, membre du comité'. Vous connaissez les propos sinistres pour transférer le Roi à Metz. M. Augeard, à la confrontation d'un plan tracé de sa main, s'est justifié en disant que c'était le produit d'une imagination exaltée ; dans la correspondance d'un personnage important il existe une lettre écrite par un généreux ami de la, liberté. Je ne veux inculper personne, mais l'esprit dans lequel cette lettre est écrite et la personne à qui elle est adressée semblent désigner quelque chose : il y est parlé des membres de
l'Assemblée qui sont de mauvais citoyens et qu'on accuse d'être les auteurs des malheurs publics.
(A ces mots, M. Malouet s'élance à la tribune. - Un grand tumulte se fait dans l'Assemblée. — Le désordre est indescriptible. — Pendant ce temps M. Malouet va se placer à la barre pour se justifier ; cette démarche est fort applaudie, mais M. le président lui dit de remonter à la tribune.)
J'offre de me constituer sur-le-champ prisonnier si je suis reconnu coupable; mais je croyais que 30 ans d'une vie sans reproche me mettaient à l'abri de toute espèce d'accusation ; si ce n'est pas par méchanceté, c'est au moins par erreur que M. Glezen a rapproché une de mes lettres de l'affaire de M. Augeard, qui lui est étrangère. On m'accusa de même, il y a vingt ans, sur une lettre interceptée. J'ai été pleinement justifié. J'attends pour la lettre actuelle le même jugement et je réclamé votre justice à raison de la grave inculpation que l'on me fait aujourd'hui.
explique cette inculpation en disant que son récit ne portait aueune accusation contre M. Malouet, mais que sa lettre parlait de scélérats qui veulent répandre le feu dans le royaume, et que son contexte annonçait clairement que l'auteur avait voulu désigner dés membres de l'Assemblée nationale.-
demande acte d'enquis sur le fait articulé contre lui que sa lettre contenait des indices de conspiration.
prétend alors n'avoir dit autre chose, si ce n'est que la lettre avait été remise au comité à la suite des faits de conspiration qu'on prétend découvrir dans l'affaire de M. Augeard.
Plusieurs membres réclament avec instance l'apport de la lettre de M. Malouet.
L'Assemblée décide que la lettre sera produite et lue.
Pendant qu'un des membres du comité va chercher . la lettre, on met aux voix la continuation des pouvoirs du comité des recherches.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette proposition attendu que, dans la séance du matin, l'Assemblée a ordonné le renouvellement du comité et que plusieurs bureaux ont même fait leur élection.
On apporte enfin la lettre de M. Malouet. Elle est écrite de Versailles, le 26 septembre dernier, et adressée à M. le comte d'Estaing.
fait lecture de cette lettre, qui est ainsi conçue :
« Monsieur le comte, j'ai l'honneur de vous prévenir que le sieur Mascelin,marchand parfumeur, a dit hier à mon domestique que le premier usage que les bourgeois de Versailles devaient faire des dix mille fusils qu'ils allaient recevoir était de s'en servir contre les mauvais citoyens qui se trouvaient dans l'Assemblée nationale. M. Maury doit être la première victime/Comme'je suis aussi une des victimes désignées, j'ai cru devoir, monsieur le comte, vous dénoncer ce particulier pour arrêter les suites de cette fermentation, si elle existe... Il n'est que trop vrai qu'il existe purmi nous de mauvais citoyens, et je crains bien qu'ils ne viennent à bout de tout perdre... Votre vigilance et votre patriotisme peuvent nous garantir des attentats d'un complot qui nous préservera de la
banqueroute, de la disette et de la famine. »
(La lecture de cette lettre est suivie de vifs applaudissements.)
a parlé encore pour sa justification en demandant que la lettre fût insérée dans le procès-verbal comme une réparation authentique. ;11 n'y a, dit-il, qu'esclavage et tyrannie où l'honneur n'accompagne pas la liberté.
appuie la demande de M. Ma-louet et fait la motion de supprimer le comité des recherches aussitôt que les affaires actuellement subsistantes seront terminées.
, qui avait parlé de la lettre, a répondu aux inculpations de M. Malouet. Il s'est défendu par la discrétion que le comité a mise dans son premier rapport, par les instances qui lui ont été faites de s'expliquer davantage, par l'opinion que le comité s'en était formée.
L'ajournement a été demandé.
s'y est opposé ; puis il a déclaré consentir que l'affaire* finit là, pourvu que son innocence fût reconnue.
Un membre de VAssemblée a fait la motion de prononcer que, ouï la lecture de la lettre, M. Malouet est honorablement déchargé de toute accusation.
Un autre membre a proposé, par amendement, que le décret portât qu'il n'y a lieu à inculpation. La motion, ainsi amendée, a été mise aux voix ; avant de les recueillir, la question préalable a été demandée.
Un membre, qui l'avait d'abord appuyée, l'a abandonnée ensuite. Les voix ont été prises sur Itfond, et l'Assemblée a porté le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï la lecture de la lettre de M. Malouet, en date du 26 septembre dernier, déclare qu'il n'y a lieu à aucune inculpation. »
L'Assemblée a été levée à près de minuit.
à la séance de VAssemblée nationale du
Mémoire sur les finances et sur le crédit, pa.r M. le baron de Cormeré (imprimé par ordre de l'Assembléè'nationale^ adresse à VAssemblée nationale, ou précis des éléments du plan général.
Messeigneurs, livré depuis plus de vingt ans à l'étude de l'impôt, j'ai obtenu, par un travail pénible et suivi, quelques connaissances sur cette partie essentiellement liée à la prospérité de l'Etat.
J'ai reconnu tous les vices du système de la fiscalité ; j'ai senti combien il était incompatible avec l'ordre social, avec la prospérité de l'agriculture, du commerce, de l'industrie : je me suis persuadé qu'un mode plus simple d'impositions présenterait des ressources beaucoup plus éten-
dues, et procurant un soulagement sur la masse énorme des contributions, ferait cesser les vexa-lions inhérentes à la perception. Dès lors, je me suis imposé l'obligation de travailler à la réforme de ces impôts ; j'ai pensé que c'était le plus sûr moyen d'acquitter la dette d'un vrai citoyen, k
Je ne me suis point dissimulé, Messeigneurs, les longueurs, les difficultés de cette entreprise : son succès était incertain; je ne me suis point découragé*: j'ai toujours espéré qu'il viendrait un temps où le bonheur public fixerait l'attention du ministère ; je n'osais alors me flatter de la convocation d'une Assemblée nationale, je ne pouvais avoir l'idée dés nobles entreprises qu'elle formerait pour la prospérité de ses commettants ; que ces entreprises seraient encouragées par la bonté d'un souverain chéri, empressé de sanctionner les décrets des représentants de la nation.
Il fallait, Messeigneurs, la réunion successive de ces circonstances, pour donner à la France cette nouvelle constitution qui rendra chère à la postérité la plus reculée, la mémoire de l'Assemblée nationale de 1789. Il est bien digne des représentants de la nation de couronner cet ouvrage immortel par la destruction absolue du régime de la fiscalité.
J'avais présenté mes idées à M. Necker dès 1778 : ce ministre gémissait sur le mode de l'impôt]; mais il n'était point investi de l'autorité des représentants de la nation ; il avait à craindre les préventions, les contrariétés des privilèges existants : les maux de la gabelle l'avaient particu*. lièrement frappé ; il conçut l'idée de simplifier cet impôt* de le modérer, en respectant les franchisés qui n'y étaient point assujetties ; ces vues étaient celles d'un administrateur, ami du peuple et de l'humanité. Honoré de sa confiance pour la rédaction de ce plan de bienfaisance, je ne négligeai rien pour y répondre : mais quelque juste, quelque simple que fût ce projet, je ne fus point surpris de son irréussite; je connaissais par l'expérience l'invincible horreur de plusieurs provinces, de la Bretagne surtout, pour tout ce qui pourrait avoir quelque similitude avec l'impôt de la gabelle. Ce fut après la confection du travail sur l'impôt du sel que M. Necker voulut bien me confier celui qui concernait le plan de réforme des traités : ce ministre savait combien cette partie était essentielle sous tous les rapports, inutilement, depuis près de deux siècles, le commerce et l'industrie sollicitaient l'abolition des droits intérieurs, l'uniformité des perceptions sur les relations de la France avec l'étranger, la facilité des exportations : inutilement cette entre-
{irise avait été tentée; M. Trudaine avait échoué; a ferme générale avait perpétué cette foule de perceptions immorales, bizarres, et preuves vivantes du danger qu'il y a de consulter, en fait d'impôt, le génie de la fiscalité:
Ces difficultés ne m'ont point rebuté : soutenu par M. Necker, encouragé par ses successeurs, je m'étais flatté que cette opération importante serait consommée par l'Assemblée des notables de 1787 : les objections étaient résolues; le travail était achevé : s'il n'était point parfait, si le tarif était rédigé dans la vue de ne point compromettre trop essentiellement les produits, j'avais au moins cherché tous les moyens praticables de venir au secours du commerce intérieur : il eût été facile de perfectionner l'opération.
Le traité de commerce avec l'Angleterre la rendait indispensable ; la ferme a trouvé le secret de^la différer, et ce retard, l'inexécution des conditions sous la loi desquelles le traité de com-
merce avait été signé, ont diminué, peut-être de "30 millions, la balance antérieure de notre* cem-merce.
Il vous était réservé, Messeigneurs, de mettre un terme à ces délais pernicieux: votre comité d'agriculture ët de commerce s'occupe essentiellement avec zèle de la révision du travail exécuté : bientôt il vous sera présenté; et la nation ne tardera pas à mettre au rang de vos bienfaits, la promulgation du nouveau tarif, l'abplition de tous les droits intérieurs et de fabrication.
Je n'ai donc point douté, Messeigneurs, que l'impôt de la gabelle et le nouveau régime des traites fixeraient essentiellement votre attention; mais j'ai pensé que les représentants d'une grknde nation étendraient leurs vues sur le système entier des finances qu'ils rechercheraient les causes du désordre ; qu'ils prendraient enfin les mesures les plus efficaces, pour anéantir le déficit et parer aux causes de sa renaissance.
Ces motifs ont déterminé la confection de l'ouvrage, que l'amitié d'un de mes frères a rendu public, peu de temps avant les séances de l'Assemblée nationale (1).
J'y ai développé la situation réelle des finances à cette époque ; j'ai prouvé que la nation était mal à propos alarmée par l'existence d'un déficit, que de- simples opérations pouvaient faire évanouir, sans accroissement d'impôt, en diminuant la masse des contributions : j'ai fait connaître les causes, les principes du désordre; j'ai proposé les moyens de les fairé cesser : 1° par la création d'une caisse nationale dont j'ai démontré les -avantages ; 2° par l'organisation de la dette, par la facilité des reconstitutions volontaires à un intérêt plus modéré; 3° par l'organisation de l'impôt, parla facilité de recouvrement, par l'anéantissement ou la conversion des impôts indirects les plus contraires à la félicité publique; 4° enfin par la fixation d'un fonds d'amortissement applicable, en temps de paix, à la libération, en temps de guerre, aux secours extraordinaires que ces circonstances exigent.
J'ai vu, Messeigneurs, avec une véritable satisfaction, ces. idées adoptées par votre comité des finances ; les rapports qui vous ont été faits par M. le marquis de Montesquiou, au nom de ce comité, vous ont présenté l'utilité, je dirai même la nécessité d'une caisse nationale, dont les recettes seraient distinctes de celles destinées aux dépenses, à la charge du pouvoir exécutif; ils vous ont fait pressentir les ressourcés que la nation trouvera dans des emprunts constamment ouverts par la voie de la reconstitution; ils yous ont enfin exposé les avantages d'un fonds d'amortissement.
Je puis donc, Messeigneurs, me flatter d'avoir conçu des idées heureuses, puisqu'elles vous sont présentées comme le moyen le plus efficace, peut-être le seul, d'éviter à jamais la renaissance du désordre et de la dilapidation. Je ne doute pas que ce ne soit, après un examen très-réfléchi de mes propositions, que votre comité des finances ne les ait accueillies et que M. le marquis de Montesquiou ne les ait soumises à la sagesse de vos délibérations.
Mais depuis la confection de cet ouvrage, j'ai suivi constamment, Messeigneurs, la marche
de vos opérations, et j'ai reconnu qu'un plan rédigé dans un temps où la constitution n'était
encore
Gès motifs, Messeigneurs, ont redoublé mon zèle ; j'ai cru qu'il était permis à un citoyen qui, depuis 20 ans* ne respire que le bien public, de s'associer, pour ainsi dire, à vos travaux, et de vous -présenter les moyens capables d'applanir les difficultés : j'ai exposé mes principes à plusieurs des honorables, membres de l'Assemblée; ils les ont accueillis avec bonté, avec le désir de la réussite. M. le baron d'Allarde a profondément discuté les bases que je lui avais présentées, et c'est d'après sa conviction personnelle, après les avoir, rédigées conjointement avec moi, qu'il a sollicité votre attention pour le développement d'un nouveau régime des finances.
Vous avez pensé, Messeigneurs, que les détails de ce plan général demandaient une attention particulière, une sévère discussion ; vous avez ordonné l'impression de la motion de M. le baron d'Allarde, et des pièces à l'appui.
Cet objet est rempli ; mais depuis cette motion, plusieurs de vos décrets ont .encore apporté un changement à l'état des choses ; celui qui rend à la nation la disposition des biens du clergé, est essentiellement lié avec la suppression des dîmes, des droits féodau*., etc, ; il m'a donc paru nécessaire de s'occuper de la confection d'un plan général, dont l'exécution ne fût contrariée par aucun de vos décrets ; et dès lors je me sttis fait un devoir d'y travailler avec le même zèle, qui m'a guidé depuis 20 ans.
Lorsque ce nouveau travail a été terminé, j'ai pris, Messeigneurs, la liberté de vous en faire nommage : j'ai présumé que vous en permettriez le rapport sommaire ; mais vous avez pensé qu'il convenait préalablement de le faire.examiner. Votre comité des finances a nommé plusieurs de ses membres pour cet examen : M. le baron d'Harambure s'y est particulièrement livré depuis deux mois; il a tout approfondi, tout discuté; et c'est d'après la persuasion qu'il a acquise sur la facilité de l'exécution, qu'il vous en a fait un rapport sommaire ; que depuis il a demandé vos ordres, pour que le mémoire vous fût distribué par la voie de l'impression.
Vous avez bien voulu, Messeigneurs, acquiescer à sa demande ; je me suis empressé de me conformer à vos intentions : je vous prie d'agréer l'hommage de mes efforts ; heureux s'ils remplissent vos vues ! Si vous jugez ce travail digne de votre examen, permettez que je vous en présente les éléments.
Le discrédit est extrême; il a deux causes : 1° la France est débitrice envers l'étranger, de sommes très-considérables pour raison des capitaux qu'il a placés dans nos emprunts, soit viagers, soit à termes fixes. Lorsque le système des emprunts successifs était en usage, l'étranger plaçait dans les nouveaux emprunts et ses intérêts, et les remboursements effectués à son profit sur les emprunts antécédents. Depuis que la situation des finances est connue, la voie des emprunts est fermée ; il faut donc payer les intérêts et les remboursements ; le numéraire est exporté dans la proportion de l'intérêt que l'étranger a dans ces emprunts.
Cet intérêt est Considérable :il exige impérieusement et annuellement Une exportation d'espèces de plus de 60 millions : la balance de notre commerce, fort ailérée : 1® par ï'ineilécutîQiï desses sous la foi desquelles le traité de commercé
avec l'Angleterre a été consenti ; 2° par les achats de grains chez l'étranger ; 3° par les émigrations et la moindre affluence des étrangers en France, ne nous procure pas un accroissement de numéraire proportionnel ; il est conséquemment certain que la somme des espèces en circulation est journellement altérée ; on peut évaluer cette perte à 30 ou 40 millions par année ; le discrédit suit la rareté des espèces; plus elle augmente, plus le discrédit prend de forces, et la ruine de l'Etat serait infaillible, s'il n'y avait des moyens de diminuer la somme des exportations du numéraire; de se ménager un accroissement d'espèces par une balance de commerce plus avantageuse.
2° La dépense est variable, elle est énorme : les recettes sont incertaines ; une grande partie des impôts est marquée du sceau de la réprobation ; leur recouvrement est nul : ainsi les capitalistes gardent soigneusement leurs espèces ; les créanciers de l'Etat sont inquiets, la confiance ne renaîtra qu'avec la fixation de la dépense, lorsqu'une recette positive leur garantira le capital et les intérêts de leurs créances.
Telles sont les bases qui m'ont guidé, Messeigneurs, dans la confection du plan général que je n'hésite pas a soumettre à vos lumières ; je le partage en trois parties :
PREMIÈRE PARTIE.
Des moyens d'obtenir un accroissement annuel de numéraire, supérieur à la masse des intérêts et des remboursements dus à l'étranger.
Ces moyens sont simples ; ils sont justes, ils sont infaillibles.
1° Exécution du nouveau régime des traites et des clauses arrêtées par le traité de commerce avec l'Angleterré. Lorsque l'Assemblée nationale aura décrété la promulgation d'un nouveau tarif, rédigé sur lés principes les plus favorables au commerce ; lorsque les droits impolitiques, vexatoires de la marque des fers, de la marque des cuirs, de la fabrication des huiles, des papiers et carions, des poudres et amidons, de circulation et autres qui énervent l'industrie, n'existeront plus; lorsque la suppression de la gabelle permettra la multiplication des bestiaux, facilitera les salaisons et la fabrication des fromages ; toutes les branches de commerce et d'agriculture seront vivifiées ; les importations de l'étranger s'affaibliront ; nos exportations augmenteront : la balance de notre commerce ne tardera pas à reprendre son ancienne splendeur.
2° L'impôt du tabac nécessite annuellement une exportation de 12 millions au moins, tant par les acnats de la ferme que par les introductions de la contrebande. Permettez, Messeigneurs, la culture des tabacs ; bornez les produits à un droit modéré de fabrication, vous convertirez l'exportation actuelle en un accroissement de numéraire ; car il est avéré que plusieurs provinces de France produiront du tabac de la meilleure qualité : vous diminuerez il est vrai, cette branche des revenus mais vous reconnaîtrez que ce ne sera point un sacrifice, puisqu'il ne demandera pas de compensation .
3° Les rentes viagères dues à Vétranger forment au moins le tiers, peut-être moitié descelles qui subsistent. Si vous décrétez, Messeigneurs, la faculté de leur remboursement, les moyens de l'effectuer ne vous manqueront pas ; vous diminuerez de 20 à 25 millions la masse des intérêts dont
la nation est tributaire envers l'étranger. La seule objection contre cette proposition est facile à résoudre : Le rentier viager peut mourir le lendemain de sa constitution; l'Etat profite de son capital ; il est injuste de le priver de l'intérêt subordonné à la durée de son existence. La réponse est simple: Le rentier viager peut mourir le lendemain de son remboursement, l'Etat perd son capital, et renonce à la chance qui lui était acquise par le payement des intérêts.
Par ces divers moyens, vous substituerez à la déperdition actuelle du numéraire un accroissement annuel de plus de 30 millions : vous ne tarderez pas à recouvrer les extractions d'espèces qui sont effectuées.
SECONDE PARTIE.
De la fixation des dépenses; de Vorganisation de la dette; des ressources qui sont] au pouvoir de la nation, pour opérer les remboursements et compenser les intérêts.
Tranquilles sur la cessation du discrédit, à raison de la déperdition du numéraire, il est essentiel, Messeigneurs, de ramener la confiance par la balance incontestable des revenus et des dépenses, même parla détermination positive d'un fonds d'amortissement qui, présentant des moyens assurés de libération en temps de paix, procure, concurremment avec ses accroissements, des ressources suffisantes en temps de guerre, et préserve conséquemment à jamais de la renaissance d'un déficit alarmant.
Vous y parviendrez aisément par l'adoption des moyens que j'ai l'honneur de vous proposer ; mais je dois vous observer qu'il est préalablement indispensable de former l'établissement de la caisse nationale.
Cet établissement peut seul garantir la permanence de l'ordre : s'il était différé, vous vous flatteriez en vain que les temps de la confusion et des dilapidations seraient passés : je conviens que vous n'auriez point à redouter ce malheur, sous l'administration du premier ministre de finances; mais vous fixerez vos regards sur l'avenir , et vous pouvez avoir la même confiance dans ceux qui lui succéderont. Il est donc essentiel de prémunir le ministre des finances contre les împor-tunités ; et vous y réussirez en ne laissant à la disposition du pouvoir exécutif, qu'une recette correspondante à la somme que vous aurez fixée pour les départements.
La caisse nationale décrétée, il vous sera facile, Messeigneurs, de régler les dépenses à la charge du pouvoir exécutif, de déterminer les dépenses d'administration intérieure.
D'après les économies qui vous sont annoncées par votre comité des finances,il me paraît que les dépenses du pouvoir exécutif n'excéderont pas 165 millions; l'on peut arbitrer à 60 millions celles de l'administration intérieure.
Il est donc évident que s'il n'existait point de dette, la masse générale des contributions ne serait, en temps ae paix, que de 225 millions, et qu'il ne serait question que d'assurer le subside extraordinaire des temps de guerre.
Mais la dette existe, vous l'avez reconnue; votre justice vous a fait contracter l'engagement d'assurer les capitaux, de payer les intérêts, sans retenues: ainsi vous avez, Messeigneurs, à pourvoir aux moyens d'exécuter cet engagement.
La dette constituée en rentes perpétuelles et
les indemnités, montent à...... 62,500,000 liv.
Les rentes viagères forment un objet de 105 millions; mais en décrétant la faculté de leur remboursement, èn laissant subsister les petites parties nécessaires à l'existence des citoyens, au profit desquels elles sont constituées, les intérêts dés capitaux présentement constitués en viager, n'excéderont pas.... 55,000,000
Les intérêts de la dette du clergé concernent la nation,puis- . qu'elle a, d'après vos décrets, la disposition des biens dont le clergé avait ci-devant la jouissance, et ces intérêts peuvent
être estimés à................ 7,000,000
' Vous avez décrété la suppres- * sion des dîmes ecclésiastiques, sauf le remplacement nécessaire pour subvenir à l'entretien du culte public, aux secours des pauvres, à l'entretien, aux réparations des églises et des presbytères, dans le cas où les autres biens du clergé seraient insuffisants pour ces dépenses; vous penserez qu'il est juste de faire participer à la même faveur les propriétaires des héritages sujets aux dîmes inféodées, à la charge
Sar e^x de contribuer à l'impôt e remplacement : dès lors il deviendra nécessaire de fixer l'indemnité des propriétaires de dîmes inféodées, et de leur conserver, jusqu'au remboursement; un revenu égal à leur jouissance actuelle; cet arrangement naturel formera une charge annuelle qui peut être évaluée à........ 8,500,000
Enfin les capitaux de la dette non constituée montent à 2 milliards 280 millions; les propriétaires de ces créances méritent tous la même justice ; et je pense que l'opération la plus équitable, la plus simple, la plus légitime, est deprocéaerà la liquidation de toutes ces créances, et de les convertir en assignations sur la caisse nationale, portant intérêts à 5 0/0, sans retenues : ce moyen rendra une justice complète aux propriétaires de ces diverses créances ; dès lors , la caisse nationale aura à pourvoir aux intérêts, à raison de 5 0/0, sans retenues, soit................. 114,000,000
Total des intérêts de la dette. 247,000,000 liv.
Mais vous pouvez affecter des ressources immenses, positives et nullement incertaines à la caisse nationale.
Ces ressources, dont vous trouverez l'énumération dans le mémoire que j'ai l'honneur de vous présenter, excéderont 1,200 millions; elles réduiront de 56 mil-
lions la masse des- intérêts, conséquemment ces intérêts
n'exigeront qu'une dépense de. 191,000,000 liv.
En résumant, Messeigneurs, tous les articles de la dépense, ils seront, savoir : Dépenses du pouvoir exécutif. 165,000,000 Dépenses d'administration intérieure ...................................60,000,000
Intérêts de la dette, ci..Y.... 191,000,000
Total, ci,...... 416,000,000 liv.
Et c'est à cette somme que la recette devrait être limitée, si votre sagesse et votre prudence n'avaient à statuer sur les moyens d'opérer la liquidation, en temps de paix ; sur les ressources capables d'affranchir, en temps de guerre, des secours onéreux, Usités jusqu'à présent, et dont l'expérience ne démontre que trop les funestes effets.
Cette considération, Messeigneurs, m'a persuadé que vous estimeriez utile de fixer le fonds d'amortissement à 50 millions; je vous observerai que les accroissements, dans la proportion de l'intérêt des capitaux remboursés, seront très-rapides, qu'ils ne tarderont pas à être suffisants pour les dépenses de la guerre; que même il serait juste d'en appliquer une partie au soulagement de l'impôt sur les propriétés.
D'après ces réflexions, il est sensible que vous aurez à pourvoir aux moyens d'assurer une recette de 466 millions : avec ce revenu, votre caisse nationale subviendra à toutes les dépenses et procédera d'une manière très-rapide à la libération de l'Etat.
troisième partie.
De la fixation des objets de recette qui composeront le revenu de 466 millions, qu'exigent les dépenses de l'Etat et le fonds d'amortissement.
Il sera question, Messeigneurs, d'après les bases énoncées à la seconde partie, d'asseoir un revenu positif de 466 millions pour assurer la libération, et subvenir aux dépenses de l'Etat.
Il faut l'obtenir par des moyens qui se concilient avec l'exécution de vos décrets, qui soient à l'abri du reproche de la fiscalité : ceux que j'ai l'honneur de vous proposer me paraissent remplir complètement ce double objet ; ils sont partagés èn onze articles.
Art. 1er. Bénéfices de la caisse nationale dans le cas où ses administrateurs seraient autorisés à l'escompte pour la facilité du
commerce (f)................... 8,000,000 liv.
Art. 2. Produit d'une nouvelle législation sur les hypothèques, utile au débiteur, à son créan-
A reporter.. 8,000,000 liv.
8,000,000 liv.
cier,......................... 2,400,000
Art. 3. Régie des poudres et salpêtres ; prix de la ferme des affinages ; droit de seigneuriage sur la fabrication des monnaies ; intérêts des sommes prêtées.... 3,200,000
Art. 4. Fixation de l'impôt de propriété à la somme de 200 millions , qui sera répartie entre toutes les provinces, proportionnellement à ce qu'elles payent dans l'état présent pour taille, capitation taillable, vingtièmes, et autres impositions de toutes sortes sur les propriétés, dont le recouvrement est confié, soit aux receveurs généraux des finances, soit aux trésoriers des pays d'Etats (1)....................... 200,000,000
Art. 5. Impôt personnel ou de capitation, à titre de remplacement d'une multitude d'impôts indirects, dont la perception générale, dans tout le royaume, s'élève à 76 millions, et dont le remplacement sera seulement
e(2).....................................36,000,000
Art. 6. Impôt de consommation dans les villes, et de licence ou de permission de cabaret dans les campagnes, à titre de remplacement de la gabelle, des aides, et de quelques autres droits perçus localement ; ces perceptions montent à 98 millions : je propose de fixer le remplacement à 40 millions, qui seront répartis à raison des 2/5 de la contribution actuelle de chaque province, dans le produit
de 98 millions (3)............. 40,000,000
Art. 7. Abonnement de la ville de Paris. La municipalité de Paris sera chargée de toutes les dépenses qui la concernent, des frais de sa milice, de ceux de sa police, du pavé, etc. Elle jouira des entrées de Paris, de
A reporter........ 289,600,000 liv.
la capitation, des vingtièmes, des droits de la ferme de Sceaux et de Poissy, moyennant un prix de ferme ou d'abonnement de.. 22,400,000
Art. 8. Impôt de remplacement des dîmes. Les propriétaires des dîmes ecclésiastiques et inféodées les supporteront dans la proportion du tiers de la perception actuelle; ils auront la faculté de s'affranchir, à raison du denier 20 : le produit
de cet impôt sera de......... 40,000,000
Art. 9. Droit de traites à la frontière, droits sur les marchandises des îles, postes et messageries ; droits de péage général par terre, et de navigation sur les rivières ; impôt du tabac réduit à la fabrication, et au prix de 30 sous la livre ; le produit de ces objets sera au moins
de (1)..............................65,000,000
Art. 10. Produit des loteries, jusqu'à ce que la balance de notre commerce en permette
la suppression............... 12,000,000
Art. 11. Droits sur les cartes à jouer; droit de la marque d'or et d'argent; droit de contrôle des exploits ; droit de contrôle des actes ; droit d'insinuation; droit de centième denier sur la vente des immeubles ; débit du papier timbré; vente exclusive des sels à la Savoie, Genève, la Suisse, l'Allemagne; annuel des maîtrises; droit de marc d'or sur les grâces et pensions (2)... 37,000,000
Ces différents objets de recette-•
donneront un produit de...... 466,000,000 liv.
Somme égale à la dépense dans laquelle j'ai compris le fonds d'amortissement de 50 millions, dont l'emploi, concurremment avec ses accroissements,et les emprunts par la voie de la reconstitution, opéreront infailliblement la prompte libération de l'Etat.
Tels sont, Messeigneurs, les moyens qui me paraissent certains pour arrêter là déperdition
du numéraire, pour assurer une balance de commerce avantageuse, pour rendre aux créanciers de
l'Etat la justice la plus complète, pour assurer un fonds d'amortissement sur des bases
immuables. Si vous les adoptez, je suis convaincu que la confiance renaîtra, que les espèces
rentreront dans la circulation, que les recouvrements ne souffriront aucun retard, que
bientôt la dette entière sera volontairement reconstituée, à l'intérêt modéré de 4 0/0.
Cette demande vous paraîtra fondée, si vous considérez que votre comité de constitution doit examiner si ce plan n'est point contrarié par vos décrets ; que votre comité des finances doit s'assurer du rapport exact entre la recette et la dépense; que votre comité d'agriculture et de commerce doit connaître du mode de l'impôt; que celui des domaines et droits féodaux doit être consulté sur les aliénations des bois et domaines et sur les rachats des droits féodaux ; que le comité ecclésiastique doit connaître de 1 impôt de remplacement des dîmes, et de ce qui concerne la disposition des biens du clergé; que celui de judicature enfin doit examiner les règlements sur l'impôt, et qu'il est seul compétent de ce qui concerne la suppression et le remboursement des offices.
Il me paraît donc indispensable de nommer un comité d'impositions, qui se concerte avec tous ceux qui sont établis, même avec les députés de chaque province, afin que le plan soit généralement examiné, et que vous puissiez arrêter une prompte détermination.
En prenant ce parti, Messeigneurs, vous serez très-incessamment en état de décréter un plan général de finances, bien digne de couronner l'ouvrage immortel de la eonstitution.
Je suis avec le dévouement le plus entier, le plus respectueux, Messeigneurs,
de l'Assemblée nationale. Le très-humble et très-obéissant serviteur,
MÀHY DE CORMERÊ.
MÉMOIRE GÉNÉRAL Sur le crédit et sur les finances,
La partie des finances et du crédit mérite une grande attention. Inutilement l'Assemblée nationale aurait édifié la nouvelle constitution ; inutilement elle se serait occupée • du bonheur des peuples, si les vices de l'ancienne administration continuaient d'exister, si l'imprévoyance des ressources pour les temps de guerre forçait de recourir a des accroissements d'impôt, à des emprunts successifs, inconsidérés, qui seraient suivis ae la renaissance d'un déficit alarmant; si enfin la nature des contributions actuelles était maintenue : car alors la liberté serait idéale; elle est incompatible avec le régime de la fiscalité.
Il est donc indispensable d'organiser et la dette et l'impôt ; il faut s'occuper des moyens d'anéantir le déficit, de parer aux causes de sa renaissance ; il faut substituer au régime vicieux de la fiscalité un mode d'impositions d'une perception peu dispendieuse, claire, facile, exempte de l'arbitraire, et proportionnelle aux facultés ; il faut enfin trouver dans la masse des revenus, assez de ressources pour subvenir aux nouvelles dépenses qui seront le résultat des décrets de l'Assemblée nationale.
Tels sont les différents rapports sous lesquels je traiterai du nouveau régime des finances.
Je diviserai ce mémoire en trois parties.
La première traitera des causes de la pénurie
du numéraire; de ses effets; de la nécessité de les faire cesser; des moyens d'y parvenir.
La seconde (après avoir établi la somme des dépenses annuelles à la charge du pouvoir exécutif), présentera des moyens très-simples d'organiser la dette; de diminuer la masse des intérêts; d'assurer la fidélité des engagements : elle fera connaître les accroissements de dépense que nécessitera l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale; enfin elle motivera l'utilité d'un fonds d'amortissement applicable, en temps de paix, à la libération; en temps de guerre, aux dépenses extraordinaires que ces circonstances exigent.
La troisième déterminera la nature et le produit des contributions affectées aux dépenses à la charge du pouvoir exécutif, à celles de l'administration confiée aux assemblées provinciales, de district et de municipalité; aux intérêts de la dette; au remboursement des capitaux. Elle justifiera la modération d'impôts que procurera le nouveau régime, ses avantages pour l'agriculture, le commerce et l'industrie.
PREMIÈRE PARTIE.
Des causes de la pénurie de numéraire ; de ses effets; de la nécessité, des moyens de les faire cesser.
Sans entrer dans des détails inutiles et fatigants, j'observerai que, de temps immémorial, les revenus étant supérieurs aux dépenses fixés de l'administration, la dette n'aurait point été contractée, s'il avait toujours existé un fonds disponible et suffisant, pour subvenir aux dépenses de la guerre.
Cette imprévoyance inexcusable a forcé de recourir, à l'ouverture des hostilités, aux ressources les plus onéreuses, les plus impolitiques. Anticipations, emprunts viagers, services extraordinaires, emprunts à termes fixes, etc., tous les moyens ont été mis en usage : on ne voulait que de l'argent; on s'en est procuré; mais quels ont été les effets d'une pareille administration?
Au retour de la paix, le mal s'est manifesté dans toute son étendue; la balance entre la recette et la dépense s'est trouvée rompue : le génie fiscal a été consulté sur les moyens de la rétablir ;al a prodigué ses inventions : de nouveaux impots ont été successivement créés, sans consulter la politique, les intérêts du commerce, ceux de l'agriculture; et la richesse nationale a diminué proportionnellement à l'accroissement des nouvelles contributions.
Mais il est un terme à Vimpôt : les suites de la guerre de 1756 avaient nécessité de très-fortes extensions, des réductions de rentes et diverses économies; ces moyens avaient à peine rétabli la balance entre la recette et la dépense : il existait encore un déficit en 1777, époque à laquelle M. Necker fut appelé au ministère.
A cette époque, les préparatifs d'une guerre inévitable et dispendieuse nécessitèrent de nouvelles ressources.
Il en fallait d'immenses : le ministre n'avait le choix que de l'emprunt ou de l'impôt.
L'impôt devait répugner à un administrateur éclairé, juste et vertueux : il ne se dissimulait point le vice des contributions; leur inégalité l'avait frappé : en adoptant tm accroissement d'impôt sur les propriétés, le pauvre était surchargé; les classes privilégiées n'y auraient que faiblement contribué; les provinces abonnées n'au-
raient point été taxées dans la commune proportion. Si au contraire il eût adopte', pour bases de nouvelles contributions, des sous additionnels au principal des impôts sur les consommations, il eût augmenté la misère des provinces soumises à ces impôts, tandis que' les autres n'y auraient contribué que dans une proportion insensible ; comme si le malheur d'être grevé d'un fardeau accablant était un titre pour en augmenter la surcharge.
Ces "considérations décidèrent bientôt M. Necker pour la voie de l'emprunt; mais en même temps cet administrateur habile s'occupa des moyens d'économie, d'amélioration, de réductions de dépenses, pour subvenir, au moins en partie, à la fidélité des engagements contractés.
La facilité de ces emprunts tenait principalement à l'estime, à la confiance publique pour la personne de M. Necker. Retiré du ministère, ses successeurs n'ont pas eu les mêmes avantages : un troisième vingtième (en faveur duquel ont été sacrifiées les améliorations que Von devait attendre du régime sage et prudent des vérifications, par le secours desquelles M. Necker avait projeté d'écarter Varbitraire de l'impôt des vingtièmes, de ramener" au moins sur cet article la proportion des contributions avec les facultés), dé nouveaux sous pour livre sur les impôts indirects, perçus;par, les trois, grandes compagnies de finances, accablants pour quelques provinces, nuls pour une grande partie : telles furent les ressources qui furent proposées et consenties, pour servir de gage à de nouveaux emprunts; mais leur produit n'ayant point répondu aux espérances, les.emprunts se sont rapidement succédé; le bénéfice des conditions a augmenté; les engagements inconsidérés ont été multipliés ; ils ont accru les charges' de l'Etat, à tel point* qu'il n'a plus été possible de se faire illusion, sur l'impossibilité de payer les intérêts, de satisfaire les remboursements; alors la situation des finances a cessé d'être un secret; le ministère en a fait l'aveu à l'Assemblée de 1787; dès lors la confiance s'est évanouie; les rentiers, les capitalistes ont eu des inquiétudes; l'arrêt qui a suspendu les remboursements, les a fortifiées; les troubles qui agitent le royaume depuis 18 mois, ont achevé le discrédit: il est extrême; le numéraire disparaît ; une partie passe à l'étranger pour valeur des subsistances qu'il nous a fournies ; pour les intérêts des capitaux qu'il a placés dans nos emprunts; pour l'achat des tabacs ; les émigrations enlèvent une très-grande quantité d'espèces; l'affluence des étrangers est diminuée : enfin, pour comble de malheurs, le traité de commerce avec l'Angleterre facilite la concurrence des marchandises anglaises, restreint le débit, même les exportations de notre industrie; malheur qu'il eût été facile d'éviter si le nouveau régime des traites eût été mis en activité; si les productions du sol et de l'industrie avaient été déchargées de tous droits de fabrication et de circulation ; si leur exportation à l'étranger eût été favorisée;, si les droits convenus dans le traité de commerce avaient été fidèlement acquittés; si enfin le produit de ces droits avait été affecté à des encouragements, à des indemnités en faveur des fabriques et manufactures qui, dans le principe, devaient naturellement souffrir de la concurrence des marchandises anglaises.
Le mal est grand ;on ne peut se le dissimuler; il était utile d'en rechercher la cause, pour garantir de nouvelles imprudences : il est essentiel d'y remédier.
En effet, la déperdition successive du numé-
raire entraîne le discrédit ; les capitalistes gardent leurs espèces et ne consentent à les mettre dans la circulation, qu'à des conditions onéreuses ; elles influent sur le taux de l'intérêt; le propriétaire, le cultivateur, le fabricant, l'artisan, le commerçant sont privés des ressources nécessaires; l'agriculture languit, l'éducation des bestiaux est négligée; les fabriques sont abandonnées ; le commerce diminue; et ces résultats amèneraient infailliblement la ruine de l'Etat, s'il n'y avait des moyens d'y remédier.
Heureusement, il en existe de puissants, de positifs, et je dois les exposer.
La déperdition du numéraire est une conséquence de l'insuffisance de la balance de notre commerce, pour subvenir aux intérêts que la France doit à l'étranger; il est-donc essentiel d'accroître à notre profit la balance du commerce, de diminuer la masse des intérêts dus à l'étranger.
La balance du commerce présentait, avant l'exécution du traité de commerce avec l'Angleterre, un avantage au profit de la France, de plus de 50 millions, déduction faite de la valeur des tabacs achetés chez l'étranger et des bénéfices de la contrebande.
Get accroissement de numéraire n'était point altéré par le payement des intérêts dus à l'étranger : bien loin c}e les exiger, il lès plaçait, concurremment avec de nouveaux capitaux, dans les, emprunts successifs et contractés pqur remplir les intérêts et les remboursements des engagements antécédents.
Depuis plus de deux ans, le traité de commerce avec l'Angleterre a diminué de 30 millions les bénéfices de notre balance de commerce; une disette de grains a nécessité des achats très-considérables chez l'étranger ; le discrédit a forcé de renoncer au système des emprunts ; il a donc été nécessaire de recourir à la suspension des remboursements ; mais il a fallu payer les intérêts des emprunts antécédents; j'ignore pour quelle part l'étranger y est intéressé ; des personnes instruites m'ont assuré qu'il était créancier de plus de 50 millions d'intérêts ; il a donc fallu i consentir l'exportation de 50 millions de numéraire:; et si ces résultats continuaient pendant plusieurs années, il est évident que le numéraire disparaîtriat entièrement; que l'étranger serait forcé de manquer à tous ses engagements.
Divers moyens peuvent obvier à ce mal : ils ne sont point incertains ; ils sont faciles à mettre en exécution :
1° L'Assemblée nationale peut décréter la faculté de rembourser les rentes viagères ; je démontrerai incessamment la facilité d'effectuer ces remboursements ; ils diminueront de 20 à 25 million? la masse des intérêts que nous devons à l'étranger;
2° La conversation des anticipations et autres titres de créances exigibles ou à termes fixes, en assignations sur la caisse antionale, portant intérêt à 5 0/0, fera bénéficier de 8 à 10 millions sur les intérêts ; elle diminuera la masse des remboursements promis par les édits d'emprunts ; l'impossibilité de remplir ces engagements a déterminé leur suspension ; il est juste d'y mettre un terme et d effectuer les remboursements aussitôt que la caisse nationale en aura la faculté; cette opération prolongera l'extraction des espèces, dans la proportion des capitaux que l'étranger a dans .ces emprunts : j'exposerai dans la seconde partie les moyens qui pourront accélérer
ces remboursements, et rassurer sur cet objet les créanciers de l'Etat.
3° La balance de notre commerce est amoindrie, depuis que le traité de commerce avec l'Angleterre est en activité, ceux qui n'ont point approfondi les bases de ce traité , lui imputent la décadence de nos fabriques et manufactures; mais ses effets n'auraient point été funestes, si le nouveau régime des traités avait eu son exécution au même instant; ce traité n'avait été signé que dans cette confiance; tous les travaux étaient achevés, examinés par une commission choisie, approuvés par l'assemblée desnotables; iapromul-gation du nouveau tarif devait avoir lieu immédiatement après la séparation de cette assemblée ; la suppression des, douanes et des droits intérieurs en était la conséquence : dès lors les productions de nos manufactures, de notre industrie, favorisées à l'exportation, affranchies de tous droits à la circulation, à la fabrication, auraient soutenu la concurrence des marchandises anglaises grevées d'un droit de 12 à 15 0/0 ; et si la quotité de ce droit n'avait point été suffisante pour leur obtenir la préférence, ou au moins une concurrence avantageuse, le ministre aurait eu les moyens de soutenir nos fabriques, en appliquant à des encouragements, à des indemnités le produit des droits d'entrée sur les marchandises anglaises.
Telles étaient les vues du mipistèré, lors de la confection, lors: de la signature du traité de commerce avec l'Angleterre; mais elles n'ont point été remplies : Y époque du -1er mai 1787 est arrivée ; il a fallu recevoir les marchandises anglaises • elles devaient acquitter des droits de 12 et 15 0/0, sur des estimations vérifiées par des appréciateurs habiles .et choisis par le commerce. La France a disposé de ces places en faveur du commerce sans aueune connaissance dans la sciencë •du Commerce ; la retenue des marchandises mésestimées était expressément stipulée: le traité-y' avait affecté les capitaux nécessaires : les commis de la ferme n'ont point contesté les estimations ; les droits ont été acquittés sur le taux de 4 à 5 0/0 .; la ferme a négligé la faculté des retenues: elle a refusé de faire les fonds qu'elles exigeaient ; les droits intérieurs devaient être supprimés; la ferme s'y est opposée ; dès lors les manufactures nationales n'ont pu soutenir la concurrence avec celles de l'Angleterre.
Il est temps de mettre un terme aux délais de cette opération utile et nécessaire : le plan général a subi une nouvelle révision; les produits ne sont point compromis ; l'assertion de la ferme, sur un sacrifice de 11 millions, a été démontrée fausse; elle est prouvée telle d'une manière irrésistible : ainsi rien ne peut, rien ne doit arrêter l'exécution de cette opération importante.
Lorsque les droits stipulés par le traité de commerce seront fidèlement acquittés; lorsque des appréciateurs instruits et nommés par les chambres de commerce seront chargés de vérifier les estimations ; lorsque les mésestimations seront punies pâr les retenues ; lorsque le produit des droits d'entrée sur les marchandises anglaises sera spécialement affecté à des encouragements, à des indemnités en faveur de nos fabriques et manufactures, lorsqu'elles ne seront plus rançonnées par les droits impôlitiques, arbitraires, vexatoires, rigoureusement exigés à la fabrication, à la circulation; lorsque les exportations ne seront plus contrariées par des droits exorbitants, lorsque enfin toutes les branches de commerce seront vivifiées, alors la balance de notre com-
merce reprendra son ancienne splendeur, et nous obtiendrons un accroissement de numéraire supérieur aux extractions d'espèces que nécessite le payement des intérêts que nous devons à l'étranger.
4° Si l'Assemblée nationale juge nécessaire de fortifier ces divers moyens de parer à la déperdition du numéraire, il est facile de trouver un supplément très-important dans la suppression du privilège de la vente exclusive dn tabac.
Les approvisionnements en tabac coûtent 8 à 10 millions en temps de paix, beaucoup plus en temps de guerre ; le prix du tabac excite la fraude, et je crois qu'on peut évaluer à 3 ou 4 millions le prix des tabacs que la contrebande introduit dans le royaume. Aussi l'impôt du tabac diminue de 12 millions au moins les profits de la balance de notre commerce ; s'il était anéanti, nous conserverions ce numéraire, nous l'augmenterions même dans la proportion des tabacs qui seraient exportés à l'étranger, et cet article serait important, car il est reconnu que plusieurs provinces du royaume sont en état de produire. le tabac de la meilleure qualité.
Il n'est donc pas douteux que, sous le point de vue de la politique, l'impôt du tabac est immoral, et doit être proscrit.
Mais son produit exigerait un remplacement de 32 millions ; j'ai démontré qu'il serait injuste de l'affecter sur l'universalité des propriétés ; j'ai prouvé qu'on ne pouvait le trouver dans une imposition particulière sur les terres qui seraient ensemencées en tabac ; j'ai fait connaître que l'équité ne permettait pas de le convertir en un impôt sur les consommations (l); il serait donc nécessaire de le supprimer sans un remplacement spécial ; je justifierai, dans la troisième partie, que ce moyen peut être adopté d'autant plus facilement que la compensation de 32 millions serait réduite à 16 millions? si, en permettant la culture du tabac, la fabrication était exclusivement réservée à une régie pour le compte de la nation, et si le prix du tabac fabriqué était réduit à 30 sous la livre.
En me résumant sur cette, partie, je poserai comme certain :.1° que la balance de notre commerce reprendra son ancienne splendeur lorsque le nouveau régime des traites accroîtra notre industrie, la fabrication des huiles, celles des fers; lorsque l'abolition des droits sur les cuirs, sur les papiers, sur les amidons retirera de l'oppression delà fiscalité ces branches de commerce; lorsque la suppression del'infernale gabelle multipliera les bestiaux, permettra les salaisons de chairs et de beurres, favorisera la fabrication des fromages ; dès lors cette balance sera au moins de (2)................. flgI., 50,000,000 liv.
2°. Que si la culture des tabacs est permise, nous serons affranchis du tribut que nous payons à l'étranger et des introductions de la contrebande; que même nous profiterons d'une nouvelle branche d'exportation ; ainsi notre balance de commerce augmentera à notre avantage au moins de 15,000,000
Total..- 65,000,000 liv.
D'où il suit qu'il est facile de substituer à la déperdition effective du numéraire un accroissement annuel de................ 30,000,000 liv.
Le mal est donc facile à réparer ; mais il s'agira : 1° d'examiner si la déperdition effectuée de numéraire depuis trois ans est un motif suffisant pour déterminer la fabrication d'un papier-monnaie ; 2° de rechercher, dans le cas où la création de ce papier-monnaie serait jugée nécessaire, dans quelle proportion cette ressource devrait être employée, dans quelle proportion elle devrait s'éteindre annuellement, à quel emploi:le papier-monnaie devrai t être spécialement arfecté : le mémoire, sous le n° 9 des pièces justificatives de la motion de M. le baron d'Allarde, présente des réflexions propres à déterminer à ce sujet la décision de l'Assemblée nationale.
seconde partie.
De la fixation des revenus dans une proportion suffisante pour subvenir : 1° aux dépenses à la charge du pouvoir exécutif ; 2° à celles des pensions et des frais d'administration intérieure ; 3° aux intérêts de la dette; 4° au fonds d'amortissement pour le remboursement des capitaux, en temps aepaix; pour le supplément à fournir au pouvoir exécutif, en temps de guerre.
La pénurie du numéraire dérive, en partie, de la masse des intérêts et remboursements dus à l'étranger dans une proportion supérieure à l'accroissement de numéraire que procure la balance de notre commerce; cette cause cessera lorsque l'Assemblée nationale aura statué sur les moyens que je yiens d'indiquer.
Mais un autre motif de cette pénurie est le discrédit : il est extrême. I^es rentiers sont alarmés par le retard qu'ils éprouvent sur le payement de leurs intérêts ; les capitalistes sont mécontents de la suspension illimitée des remboursements promis et convenus par les édits d'emprunts ; tous les citoyens sont inquiets, à raison de la difficulté de convertir les billets de caisse en écus ; de là naît un discrédit général : les espèces sont resserrées aveosoin, elles manquent dans la circulation. Cette pénurie prive le commerce, l'industrie, l'agriculture de leur aliment, et si cette détresse continuait la ruine de l'Etat serait infaillible!
Inutilement les décrets de l'Assembjée nationale ont mis ]a dette sous la sauvegarde de l'honneur et de la loyauté française ; la'confiance ne renaîtra, les espèces ne seront remises dans la circulation qu'après l'organisation de la dette, qu'après l'organisation de l'impôt : le créancier ne sera rassuré que par une balance entre la recette et la dépense, dont le résultat présentera un fonds positif d'amortissement propre à opérer graduellement lé'remboursement des capitaux, suffisant pour assurer, en temps de guerre, lès in-
térêts et les remboursements des nouveaux emprunts que ces circonstances pourraient nécessiter.
Il est donc indispensable de s'occuper de cette balance ; mais avant de déterminer l'impôt il faut connaître quelles seront les dépenses : de leur fixation dépend celle des contributions qu'exigeront les besoins de l'Etat. Je diviserai ces dépenses en quatre parties :
1° Dépenses à la charge du pouvoir exécutif ; 2° dépenses d'administration auxquelles doit pourvoir la caisse nationale; 3°intérêt de la dette; 4° fonds d'amortissement destiné pour les remboursements et pour les subsides des temps de guerre.
article 1er.
Dépenses à la charge du pouvoir exécutif.
Ces dépenses comprennent : 1° la maison du Roi et des princes ; 2° les départements des affaires étrangères, de la guerre et de la marine ; 3° les dépenses diverses de l'administration; traitements des ministres, bureaux, etc.; elles seront, y compris les dépenses imprévues, de (1) 165 millions de liyres.
Et c'est à cette recette que doit être borqée celle du Trésor royal, sauf à la caisse
nationale à fournir, en tem ps de guerre, le supplément qu'exige-ront ces circonstances.
Dépenses d'administration à la charge de la caisse nationale.
Elles consisteront : i° dans les frais de recouvrement des impositions, dont l'assiette et l'administration seront confiées aux assemblées provinciales de district et de municipalité ; 2° dans les frais particuliers de ces assemblées; 3° dans les décharges et modérations qu'exigeront des événements imprévus, tels que grêles, inondations, épizooties, etc.; 4° dans les travaux des ponts et chaussées, ateliers de charité, curement cles rivières, haras ; ces diverses dépenses, que les assemblées provinciales retiendront sur le montant de leurs impositions, n'excéderont pas (1).. . . .. ...... .' . 25,000,000 liv.
A reporter.. 25,000,000 liv.
5° Les pensions. Il convient d'en assigner le payement sur la caisse
25,000,000 liv.
A reporter..., 25,000,000liv.
nationale, afin d'éviter les extensions au delà du fonds qui y sera affecté, et qui, d'après les opérations du comité des finances peut
être évalué à (1)....... 18,000,000
6° Les honoraires des magistrats choisis par le vœu public pour la reddition de la justice gratuite, et qui peuvent être estimés au moins à (2), ci..... 12,000,000
7° Les frais annuels de la tenue des assemblées nationales et les dépenses de la caisse nationale que j'arbitrerai à (3). . . 5,000,000
Total de cet article, ci (4) . . 60,000,000 liv.
art. 3.
Intérêt de la dette publique.
' L'Assemblée nationale a mis la dette publique sous la sauvegarde de l'honneur et de la loyauté française; elle a garanti le payement des intérêts sans retenues nouvelles, ainsi que le remboursement des capitaux.
Cet acte de justice était bien digne des représentants de la nation ; les décrets de
l'Assemblée doivent être exécutés; il est donc indispensable de connaître la force et la
nature de l'engagement contracté.
Recherchons quelle est la nature des engagements contractés sous ces divers rapports.
Des rentes perpétuelles.
Les rentes dites perpétuelles proviennent des anciens emprunts effectués à titre de constitutions, et des capitaux de divers emprunts à termes fixes qui ont été convertis en rentes. J'y comprends plusieurs indemnités à différents titres : ces intérêts forment un objet de (1) . . . 62,677,245
Rentes viagères.
Il n'est point d'emprunts plus onéreux que ceux qui sont effectués en viager : il n'est point de ressource plus assurée, lorsque, ne consultant que les besoins du moment, ne considérant point les conséquences, ces sortes d'emprunts sont mis en usage : il est en effet prouvé qu'une rente viagère à 9 0/0 sur deux têtes, ne s'éteignant pas dans la révolution de soixante ans, coûte en intérêts le quadruple de ceux qu'exige un emprunt à termes fixes, remboursable en quatorze années, et produisant l'intérêt à 5 0/0 sans retenue (2).
Ces appâts n'ont point échappé aux spéculateurs : leur empressement à placer dans les
emprunts viagers en est une preuve sans réplique : ces emprunts, depuis douze ans, se sont
multipliés à l'excès ; leurs intérêts forment une surcharge énorme pour le peuple, et leurs
extinctions, n'étant pas du 1/60 par année, ne présentent qu'un moyen très-lent de
libération, fort inférieur à l'intérêt des capitaux qui seraient remboursés
Plus des 3/4 proviennent de constitutions effectuées depuis 1777, c'est-à-dire depuis 12 ans; l'autre quart de celles qui ont eu lieu de 1766 à 1777, à l'exception de 9 millions qui subsistent depuis un temps plus reculé (2). Il est donc constant que ces rentes {qui reposent en général sur des individus bien constitués) ne s'éteindront que dans une proportion très-modérée pendant 30 ou 40 ans, et privent l'Etat des moyens de rembourser des capitaux très-onéreux.
Il suit de cet exposé que l'intérêt de l'Etat ne sollicite pas moins puissamment, que celui de la balance du commerce, un décret qui accorde aux administrateurs de la caisse nationale la faculté de rembourser les renies viagères.
Je présenterai incessamment les moyens de mettre ce décret à profit; mais je dois, avant tout, examiner si le remboursement de rentes viagères ne blesserait point l'équité, s'il peut être autorisé par l'auguste Assemblée des représentants de la nation.
Il est de principe constant et reconnu dans le ressort de plusieurs parlements, qu'entre particuliers le remboursement d'une rente viagère ne ,peut être refusé, lorsque le contrat de constitution ne stipule aucune clause contraire : si la loi subsiste entre particuliers, je ne vois aucun motif qui doive en faire exclure la nation : tout débiteur doit être admis à se libérer, et les spéculateurs étrangers, propriétaires de la majeure partie des rentes viagères, n'auront point à se plaindre lorsqu'ils recevront le remboursement de leurs capitaux, sans aucune imputation de la portion qu'ils en ont touchée par la jouissance des intérêts viagers. La dette est reconnue, la nation a promis de l'acquitter en principaux et intérêts ; mais l'Assemblée nationale ne s'est point interdit la faculté de se rédimer de cette masse d'intérêts viagers, qui nous privent d'une partie de notre numéraire et qui nécessitent une surcharge effrayante de contributions.
On forme contre cette proposition une objection qu'il est facile de résoudre :
« Un particulier place en viager sur le gouvernement ; s'il meurt trois mois après son placement, l'Etat profite de son capital : il est injuste de le priver d'un avantage qu'il n'a acquis que par le risque de son capital. »
réponse. En remboursant le capital d'une rente viagère l'Etat renonce au bénéfice du
capital constitué en viager.Si le rentier remboursé meurt trois mois après son remboursement,
l'Etat perd le
Ainsi les deux chances sont balancées à l'avantage du rentier qui sera remboursé, et auquel il ne sera fait aucune imputation de ce qu'il a reçu sur son capital, par le payement de ses intérêts viagers.
Cependant en décrétant la faculté de remboursement des rentes viagères, faculté qui libérera bientôt la nation de 50 millions sur la masse des intérêts actuels, je crois juste d'avoir égard aux rentiers viagers qui ont profité de ces sortes de constitutions pour se mettre au dessus du besoin: l'Assemblée nationale pourrait autoriser les administrateurs de la caisse nationale à constituer, à leur profit, de nouveaux contrats viagers, après l'examen des mémoires qu'ils présenteront, et qui seront annexés comme pièces justificatives aux registres de ces nouvelles constitutions: cette facilité pourrait même être indéfiniment consentie jusqu'à concurrence d'un fonds de 6 millions de rentes viagères, et sous la condition expresse que les constitutions de ce genre ne seraient accordées que dans la proportion des extinctions.
En partant de ces bases, les administrateurs de la caisse nationale appelleront la totalité des rentiers viagers; ils leur proposeront ou la reconstitution sur la caisse nationale, du capital de leurs rentes viagères, avec jouissance de l'intérêt légal, ou le remboursement sur le taux du denier dix.
Ceux qui accepteront la reconstitution quittanceront leurs contrats, en échange desquels ils recevront des titres nouveaux sur la caisse nationale.
Ceux qui préféreront leurs remboursements continueront de jouir de leurs intérêts viagers, jusqu'au moment où ils seront appelés à remboursement.
Ceux enfin qui seront admis à conserver des rentes viagères remettront leurs anciens contrats, en échange desquels ils en recevront de nouveaux, où seront libellés les motifs qui les auront admis à la jouissance des rentes viagères.
Il n'est pas douteux qu'une grande partie des rentiers viagers profitera avec empressement de la faculté de convertir sa jouissance viagère en capitaux constitués sur la caisse nationale ; il en est de même beaucoup qui, pressés par le besoin, ont aliéné leur jouissance : ils auront la faculté de se libérer par l'abandon d'une partie de leur nouvelle constitution, et jusqu'à concurrence de de la somme qu'ils ont empruntée ; le surplus leur appartiendra (1).
Il est également certain que les rentiers viagers qui recevront leurs remboursements
trouveront difficilement de nouvelles constitutions viagères ; qu'ils seront embarrassés pour
l'emploi solide de leurs capitaux, qu'ils n'en trouveront pas de plus assuré que celui de la
caisse nationale, et que bientôt ils rapporteront leurs fonds; en sorte que, suivant toutes
les vraisemblances, un capital de 100 millions, affecté au remboursement des rentes viagères,
suffira pour opérer l'extinction de toutes celles qui existent, soit par la reconstitution
volontaire, soit par des remboursements effectifs, dont les capitaux seront bientôt rapportés
à la caisse nationale.
Mais j'ai proposé de conserver des rentes viagères jusqu'à concurrence de 6 millions, j'estimerai pour le supplément de 5 0/0 sur ces espèces de rentes...................3,000,000
Gonséquemment cet article de la dette coûtera,.................... 55,000,000
Intérêts des capitaux exigibles, ou remboursables à termes fixes.
La masse de cette dette est énorme : elle émane de titres différents, et qui tous doivent être respectés, puisque la dette est généralement consolidée, puisque l'Assemblée nationale a garanti son payement, a promis d'en payer les intérêts sans aucune retenue, pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce soit ou puisse être.
Mais en contractant cet engagement, l'Assemblée nationale n'a pu certainement entendre et n'a point entendu s'imposer la loi de rembourser, subito, les capitaux dont les remboursements ont été suspendus par l'arrêt du 16 août 1788. Elle n'a point contracté l'obligation de rendre, sur-le-champ, aux fermiers, régisseurs et employés, leurs fonds d'avance ou cautionnements, a ceux pourvus de charges de finances, les sommes qu'ils ont déposées, pour sûreté de leur manutention ; aux magistrats et autres qui possèdent des offices tenant à la judicature, le prix de leur charges.
Toutes ces créances sont exigibles, je le sais ; mais celles qui. étaient dues il y a 18 mois n'ont pu être remboursées du moment où le discrédit a, très-heureusement, fermé l'accès à de nouveaux emprunts. Le souverain a déclaré positivement que ces remboursements seraient suspendus le terme de cette suspension est, par le fait, illimité, puisqu'il ne peut cesser qu au moment où la disposition d'un fonds libre permettra l'amortissement graduel et successif des capitaux qui constituent la dette publique.
La nouvelle constitution de l'Etat, l'abolition du régime affreux de la fiscalité, sont des bienfaits inappréciables, bien dignes de l'Assemblée nationale; mais il faut pourvoir au remboursement des fonds de la finance : il faut assurer celui des offices de judicature; et ces sortes de créances ne méritent pas moins d'égards que celles qui dérivent des emprunt à termes fixés ; if est donc nécessaire de pourvoir également à leurs remboursements.
Ces principes posés, je pense que la totalité de ces créances doit être convertie en
assignations sur la caisse nationale, portant intérêt à 5 0/0, sans retenue, jusqu'à ce que
le retour de la confiance et du crédit permette de les rembourser par la voie de
reconstitutions à 4 0/0 ; je suis persuadé que l'intérêt sera naturellement réduit à ce taux,
lorsque les créanciers de l'Etat auront la preuve démontrée d'un revenu suffisant pour les
Je suis convaincu (et je le dis d'après l'assertion d'un très-grand nombre de personnes
intéressées au sort des créances) que des assignations sur la caisse nationale, fondées sur
un gage spécial et solide, contenteront parfaitement les créanciers de l'Etat. Je ne doute
même pas qu'une grande partie de ceux qui seront appelés à remboursement ne sollicitent la
reconstitution à l'intérêt de 4 0/0, et qu'ainsi l'intérêt de 101,465,490 livres pour un
capital de plus de 2 milliards (1), à 5 0/0 sans retenue, ne soit très-
à 4 0/0, c'est-à-dire à
A reporter.... 1,645,856,000liv.
Ainsi l'Assemblée nationale exécutera ponctuel lement les décrets provoqués par [a justice, en faveur des créanciers de l'Etat, en convertissant tous les titres de créances exigibles et remboursables à époques fixes, en assignations sur la caisse nationaIe portant intérêts à 5 0/0 sans retenue* jusqu'au remboursement, soit en espèces, soit par la voie de la reconstitution volontaire.
Mais pour que ces assignations soient acceptées volontairement, même avec reconnaissance par les créanciers de l'Etat, il faut qu'elles soient assises sur un gage spécial, sur une hypothéqué infaillible ; je prouverai inGessament que cette condition sera solidement et parfaitement remplie ; ainsi j'estimerai les intérêts des capitaux exigibles, ou remboursables à termes fixes, à 114 millions*
Intérêts de îd dette du clergé.
Les biens du clergé sont à la disposition de la nation ; les dîrhès ecclésiastiques sont
suprimées sauf un. remplacement propùttiohhel à l'insuffisance dés propriétés foncières du
clergé, tant pour les frais du cuïté public, qite pour l'entre-
Intérêt de l'indemnité qui sera due aux propriétaires de dîmes inféodées, pour raison de leur abolition, conséquence naturelle de celle des dîmes ecclésiastiques.
.L'Assemblée nationale a justement considéré la dîme sous le point de vue défavorable ce l'impôt : il n'en est point effectivement de plus cruel, puisqu'il prive le décimable d'une forte partie de sa récolte, sans que ledécimateur supporte aucune des dépenses inhérentes à la propriété ; puisque les frais qu'exige la perception de cet impôt sont au moins du cinquième c'est-à-dire 4 sous pour livre du produit qu'en retirent les décimateurs.
Il était bien digne des représentants de la nation de faire cesser une perception, un tribut aussi contraire à l'intérêt de la propriété : mais en même temps l'Assemblée ne s'est point dissimulé que l'impôt des dîmes était entré en considération dans le prix des biens-fonds y assujettis; que la remise dè cet impôt, si elle était gratuite, ferait profiter une classe de propriétaires au préjudice de l'universalité des propriétés, qu'il serait indispensable de grever dans la proportion des dépenses affectées sur le produit des dîmes ; en conséquence, il a été statué que les dîmes ecclésiastiques continueraient d'être acquittées jusqu'au remplacement, et que les dîmes inféodées seraient perçues jusqu'au rachat.
Je traiterai dans la troisième partie du remplacement des dîmes ; mais j'observe que ce remplacement, jusqu'à la concurrence nécessaire pour fournir aux dépenses affectées sur le produit des dîmes, doit être commun tant aux dîmes ecclésiastiques qu'aux dîmes inféodées.
En effet, les décimables vis-à-vis des laïques ont le même droit au soulagement de l'impôt que. les décimables envers l'Eglise ; et si le remplacement des dîmes est dans une proportion inférieure au produit actuel de l'impôt, il est évident que les uns et les autres ont le même droit à la modération.
D'après ces principes, je pense que les dîmes inféodées doivent être supprimées en même temps que les dîmes ecclésiastiques, et que l'impôt de remplacement doit être supporté par toutes les propriétés sujettes à la dîme sans aucune exception.
Mais, dans cette hypothèse, la caisse nationale recevant l'impôt représentatif des dîmes inféodées, il est juste et naturel de stipuler l'indemnité des propriétaires de ces sortes de dîmes ; il faut que cette indemnité soit proportionnelle au produit qu'ils en retirent et qu'ils soient payés de leurs intérêts jusqu'au remboursement du capital. A cet effet, je propose : 1° qu'il soit fait, par
paroisse, un état estimatif du produit net des dîmes inféodées, avec l'indication de ceux au profit desquels la perception a lieu ; 2° que le prix de l'indemnité soit fixé à raison du denier 25 du produit net ; 3° que les propriétaires jouissent jusqu'au remboursement ae l'intérêt de cette indemnité à raison de 5 0/0, sur lequel intérêt il sera fait retenue de trois vingtièmes auxdits propriétaires.
Les motifs de cette retenue sont justes et sensibles : en effet, le propriétaire d'Une dîme inféodée est en quelque sorte copropriétaire de l'héritage sujet à la dîme, et doit conséquemment sa part contributoire à l'impôt de propriété, qui ne peut être évalué au-dessous de trois vingtièmes, ainsi le possesseur d'une dîme inféodée ne sera point grevé par la retenue des trois vingtièmes sur l'intérêt de l'indemnité qui lui sera due pour raison de l'affranchissement des dîmes inféodées (1).
Je n'ai point de base positive pour évaluer le produit des dîmes inféodées ; mais en se rapportant aux Calculs de M. Dupont, calculs qui me paraissent fondés sur des raits assez positifs, on peut les évaluer au dixième des dîmes ecclésiastiques du produit de 100 millions; ainsi celui des dîmes inféodées est de (2).;. „.. 10,000,000- liv.
Déduction.de trois vingtièmes pour la part contributoire à l'impôt de propriété............... 1,500,000
L'intérêt de l'indemnité en faveur des propriétaires de dîmes inféotféëS jusqu'au remboursement sera de.................. 8,500,000
Récapitulation des intérêts de la dette publique.
Rentes perpétuelles et indemnités à différents titres.......... 62,677,000liv.
Intérêts des capitaux de rentes viagères, y compris 6 millions de rentes viagères à conserver. . 55,000,000
Intérêts des capitaux exigibles ou remboursables à époques fixes, etqui seront convertis en assignations sur la caisse nationale (3) . 114,000,000 Intérêts de la dette du clergé.. 7,000,000 Intérêts de l'indemnité due pour la suppression des dîmes inféodées....................... 8,500,000
Total des intérêts de la dette publique..................... 247,177,000 liv.
Je viens de justifier qu'au moyen du remboursement des rentes viagères, opération dictée
par la politique et l'intérêt de la balance de notre commerce, conseillée par celui de la
nation, commandée par l'intérêt social, puisque les rentes viagères atténuent tous les liens
de la société ; qu'au moyen de la conversion de tous les capitaux exigibles ou remboursables
à époques fixes en assignations sur la caisse nationale; je viens,
Mais ce calcul ne serait qu'idéal, s'il n'existait des moyens positifs d'effectuer le remboursement des rentes viagères , si la caisse nationale n'avait un gage spécial à offrir pour sûreté des assignations qui seront livrées en payement des. capitaux exigibles et remboursables à époques fixes:
11 en subsiste de très-puissants, et je dois les exposer :
1° J'ai compté dans l'article des dettes exigibles et qui seront converties en assignations sur la caisse nationale, les avances faites et à faire par la caisse d'escompte, pour subvenir aux besoins extraordinaires de cette année et de l'année 1790.
La taxe ou contribution patriotique estdestinéè pour cette dépense!; mais puisque je la comprends dans la dette, il est sensible quele produit dei cette taxe doit être versé dans la caisse nationale, qui l'emploiera au remboursement de. la caisse d'escompte.
Dès lors, je dois en faire recette; je me contenterait de l'évaluer à 180 millions, afin de ne faire aucune assertion problématique (1).
Les domaines de la couronne sont de trois sortès; les uns existent dans la main du Roi, ou des princes apanagistes; les autres sont engagés ; enfin une grande quantité est possédée à titre d'échange par les particuliers, en faveur desquels ils ont été consentis.
Les domaines qui sont dans la main du Roi ou des princes apanagistes coûtent un entretien énorme, nécessitent des frais dé régie très-dispendieux : leur aliénation à perpétuité est une opération sage, prudente, et qui ne doit point être négligée, sauf à payer aux princes apanagistes pendant la durée de leur jouissance, l'intérêt à 4 0/0 du prix des ventes qui seront faites dans l'étendue de leurs apanages (2).
Il dépend de ces domaines et de ceux possédés à titre d'engagements divers droits féodaux, que les redevables ont la faculté de racheter; il" est nécessaire dé leur en faciliter les moyens.
Les domaines possédés par engagement ne présentent aux détenteurs qu'une jouissance précaire, et dont ils peuvent être dépossédés par l'enchère d'un nouvel engagiste : il est juste de leur assurer une propriété réelle, en les assujettissant au payement de la plus-value de leurs finances d'engagement, par comparaison à la valeur effective dss domaines dont ils jouissent en vertu de ces mêmes finances. .
Les domaines échangés appartiennent incontestablement à ceux qui les possèdent ; mais il en
est beaucoup qui n'ont pas fourni .en contre-échange la valeur de leur propriété : la soulte
due par ces propriétaires porte intérêt à compter de la date des contrats d'échange; il est
naturel de l'exiger : ou les évaluations sont faites, et dans ce cas la soulte est connue ;
ou ces évaluations ne sont point achevées, et dans ce cas il est nécessaire de procéder à
leur confection, afin de connaître la soulte dont ils seront redevables en principal et
intérêts : j'ignore quel sera le pro-
2° Les bois appartenant au Roi et ceux qui sont affectés à l'approvisionnement des salines (1) sont mal aménagés, mal gardés, et détériorés de toutes les manières : leur vente à perpétuité présentera les plus grands avantages. On objecte contre cette aliénation, qu'elle nuirait à la conservation. des futaies; cette objection est facile à résoudre : 1° les assemblées provinciales peuvent être chargées de vérifier la valeur ou le produit annuel des bois de la couronne et de ceux des apanages, par assimilation aux bois des particuliers d'une situation égale ; 2° cette valeur déterminée, les assemblées provinciales fixeront les aménagements dont les bois seront susceptible, eu égard à leur qualité; 3° les ventes et aliénations seront à la charge par lés acquéreurs de se conformer aux aménagements déterminés, et de ne pouvoir faire leurs coupes annuelles que sur les délivrances qui leur seront faites par les assemblées provinciales, de district et de municipalité, à peine contre les contrevenants d'une amende du double delà valeur des bois exploités contre les conditions du contrat de vente, et de la confiscation delà propriété dans le cas delà récidive.
En prenant ces précautions, il est évident que les bois seront aménagés d'une manière convenable, et que les acquéreurs seront tenus de laisser en nature dé bois ceux qui subsistent, sans pouvoir les mettre en terres labourables; qu'ils ne pourront se soustraire à l'obligation de conserver eû futaies ceux qui seront destinés à ce genre d'exploitation.
L'objection détruite, il est certain que la vente des bois ne doit et ne peut souffrir aucune difficulté; elle procurera une ressource immense et qui facilitera les opérations de la caisse nationale.
En effet, il est constant que la vente des domaines et des bois de la couronne-, que les prix de rachat des cens et rentes foncières, et autres droits féodaux ; que le supplément à fournir par les engagistes, pour convertir leur jouissance précaire en propriété incommutable, procureront un capital au moins (2)de. 600,000,000 liv.
On peut évaluer le prix des domaines et bois des apanages, et le montant des soultes qui seront dues par les propriétaires des domaines échangés, tant en principal qu'intérêts, au moins à.... 100,000,000
Total. ............................700,000,000 liv.
Mais comme on ne peut sè flatter de réaliser sur-le-champ un capital aussi considérable, il
conviendra de donner les facilités aux acquéreurs, aux propriétaires qui devront des soultes
d'échange à ceux qui désireront affranchir leurs pro-
Je propose en outre de procéder à ces ventes jsous la condition, en faveur des acquéreurs, de l'affranchissement de tous droits de servitude, et de mutation à perpétuité, et de leur accorder l'exemption des droits de contrôle et de centième denier sur le prix de leurs acquisitions ou de leurs rachats. Ces facilités établiront la concurrence des acquéreurs ; en les adoptant, je ne doute pas que les ventés, les rachats et payements de soulte ne soient effectués en totalité dans le cours d'une année» Il est aisé de sentir quelles ressources ils procureront à la caisse nationale^
3° La disposition des biens du clergé appartient à la nation; je crois qu'il serait impolitique d'aliéner les propriétés susceptibles d'accroissement de revenus ou d'amélioration: en effetf ces propriétés doivent spécialement et constamment être affectées à l'entretien du culte public, sauf à pourvoir à l'insuffisance de ces biens sur l'impôt de remplacement des dîmes, dans le cas où cette insuffisance"serait reconnue.
Mais les propriétés inutiles et stériles pour le produit, telles que les monastères et couvents des villes et leurs enclos; celles qui sont sujettes à dépérissement, à des entretiens, à de fortes réparations, telles que les maisons appartenant aux religieux, aux hôpitaux, aux fabriques, doivent et peuvent être aliénées.
Les monastères et enclos des villes ne sont point compris dans le revenu estimatif des biens du clergé : leurs emplacements, leurs bâtiments sont précieux et d'une aliénation facile les couvents et monastères des campagnes seront suffisants pour les religieux des deux sexes, qui prér féreront à une pension la vie solitaire à laquelle ils se sont consacrés ; ainsi la nation chargée de pourvoir au culte divin sur les propriétés du clergé, peut et doit user de la disposition de ces biens à son plus grand avantage ; la vente d'une grande partie des monastères des villes procurera plus de 100 millions à Paris, et je l'estime, dans l'universalité des villes du royaume, à. . . ............ 160,000,000liv.
Les propriétés des religieux, des hôpitaux .et des fabriques, en maisons de villes, doivent également être aliénées, sauf à payer aux hôpitaux et fabriques l'intérêt à 4 0/0 du prix de ces aliénations, pour les propriétés qui les concerneront, et j'estime que ce prix dé vente s'élèvera au moins à. . . . . 40,000,000
A reporter,,. 200,000,0001iv.
Report. ( î.u. 200,000,0001m
De plus, l'assemblée nâtionàlé a décrété la faculté du rachat des cens, rentes foncières, ter-rages, Châihparts, droits de mutation et autres droits féodatix-de toutes sortes; Cette faculté doit s'étendre aux propriétaires qui s'ont grevés de ces droits, eh faveur des biens du clergé, des hôpitaux et des fabriques ; il est donc juste d'autoriser ces râçhâts, sous condition que lé prix en sera versé dans la caisse nationale, sauf à tenir compte âux hôpitaux et fabriques de l'intérêt à 4 0/0 des rachats qui les concerneront. J'ignore à qaoi pourront s'élëfer ces rachats ; mais je me persuadé qu'ils fourniront un capital au moins de. .......... 40,000,000
Îotal de cet article.
240*000,000 liv,
Il conviendra d'adopter, pour la vente et les rachats qui viennent d'être énoncés, les mêmes facilités que pour les bois et domaines de la couronne.
Les dépôts et consignations retiennent dans les caisses de séquestre des capitaux perdus pour la circulation, qui ne produisent aucun intérêt en faveur du débiteur malheureux et de sori créancier, qui même diminuent àléur préjudice» dans la proportion des attributions allouées aux dépositaires.
Je propose sur la législation des hypothèques et sur les dépôts et consignations, une régie très-utile, très-favorable aux débiteurs, à leurs Créanciers, et qui ne peut manquer d'obtenir le voeu général (1).
Cette régie affranchit les sommes- déposées des attributions qui se prélèvent sur les capitaux ; elle accorde un intérêt de 2 1/2 0/0, en faveur de ceux qui auront droit aux sommes déposées | elle garantit des pertes qui sont, dans l'état ac* tuel, la conséquence de l'inoonduite et de l'insolvabilité des dépositaires, et procure à la caisse nationale le fonds habituel des dépôts et consignations, dont les capitaux, d'après i'as3ertion des personnes instruites dans cette partie, forment un objet de. . .......100*000,000 liv.
Il est évident que la caisse nationale aura constamment la disposition de ce capital, attendu que les paiements des sommes déposées à ceux qui y auront droit seront habituelle* ment remplacés par de nouvelles consignations.
On peut fortifier ces ressources par une nouvelle consignation, qui facilitera l'exécution du décret de l'Assemblée nationale concernant la suppression des droits féodaux de toutes sortes.
Il serait juste de procéder à la liquidation de ceux qui appartiennent à dès seigneurs
particuliers ; la nation leur en payerait l'intérêt jusqu'au remboursement, et recevrait le
prix des rachats qui serait versé dans la caisse nationale. Cette opération serait
très-utiles pour les
En rapprochant ces différents articles, la caisse nationale aura à sa disposition un fonds disponible de i,220,000,000.
Ce capital ne sera point en espèces ; il rentrera dans le cours de dix années ; mais il est évident que la taxe patriotique, les dépôts et consignations, les soultes d'échange, et le quart ou environ des prix d'aliénations et rachats que je viens d'énoncer, procureront au moins, dans le cours de 1790, un capital de 400 millions.
On ne disconviendra pas que ce capital employé au remboursement des rentiers viagers, qui le préféreront à la reconstitution, et que le secours d'emprunts* constamment ouverts par la voie de la reconstitution, opéreront sur-le-champ l'extinction absolue des rentes viagères actuellement existantes ; qu'ainsi la nouvelle forme d'administration ne sera plus grevée du poids de ces rentes immorales, et qui doivent à jamais être proscrites par un bon gouvernement.
11 en sera de même des assignations par lesquelles je propose d'anéantir les titres divers de Créances exigibles ou remboursables à époques fixes i il est sensible que la caisse nationale aura, tant par les capitaux que lui procureront, dans le cours de 10 années, les aliénations et rachats cijdevant énoncés, que par la voie de reconstitution, et par les fonds d'amortissement dont je Vais incessamment parler, les moyens dr procéder à leur prompt remboursement, et que dans le terme de 2 à 3 ans au plus, il ne subsistera d'intérêts qu'aux taui dé 4 0/0.
Il n'est personne qui puisse contester cette vérité ; car il n'est pas douteux qué les capitalistes qui seront appelés à remboursement rap-~ porteront leurs capitaux, au moins en grande paMie, à la. caisse nationale, qui leur offrira plus de sûreté, Ufi emploi plus utile, que celui qu'ils trouveraient cfoefc les autres nations.
J'ai démontré que la masse des intérêts de la dette publique s'élèverait à la somme
de........................... 247,177,000 liv
Je viens d'exposer qde les ressources de la caisse nationale procureront un capital de 1.220 millions qui permetra d'éteindre des capitaux, ou procurera un revenu de.......... 61,000,000
Ainsi la dépense pour la dette —..........;iii —•
publique sera réduite à.... ... 186,177,000 liv.
Mais en peu de temps Tinté-rêt de la dette sera borné à 4 0/0 et diminuera consêquem-ment d'un cinquième le réj
sultat ci-dessus_______________ 37,000,000
Conséquemment l'intérêt de la dette publique n'exigera plus dans le terme de 2 à 3 années
qu'une dépense de............ 146,177,000
Cependant afin d'éviter toutes ..........'1
bases hypothétiques, je porterai
cet article de dépenses à..... 186,000,000 liv.
Ponds d'dmôrtiséèmerit àpplicablé, ËN TEMPS DÈ PAIX, duçè remboursements dès capitaux de la dette; destine', EN TEMPS DË GUERRE, dUx secours extraordinaires que ces circonstances exigent.
.11 résulte de Péxposé de la 1** partie, que le désordre dés finances ne doit son origine qu'à l'imprévoyance continuelle du ministère pour assurer les ressources extraordinaires que la guerre exige.
L'expériencé du passé nous avertit de la nécessité de parer à de pareilles imprudences ; on doit également pourvoir aux moyens d'éteindre graduellement la dette actuelle, et ces considérations me déterminent à comprendre au nombre deg dépenses annuelles une somme fixe dé 50 millions , qui formera le fonds primitif d'amortissement : recherchons quel doit être son emploi, soit en temps de paix. Soit en temps de guerre.
Emploi du fonds d'amortissement en temps de paix.
Ce n'est point à la fixation des dépensés de l'administration, au payement des intérêts de la dette que les représentants de la nation doivent mesurer la somme des tributs que les peuples supporteront.
Il faut, en temps de paix, s'occuper des moyens de libération ; et c'est à cet effet que je propose Un fonds d'amortissement de 50 millions*
Ce fonds permettrait le remboursement de 50 millions de capitaux dès la première année, et se fortifiant annuellement de l'intérêt des capitaux remboursés, il serait, à la révolution de dix années, de plus de 80 millions ; il assurerait la trôB-prOChaitté et parfaite libération de l'Etat ; il préparerait à nos descendants la perspective d'un soulagement énorme sur le poids des contributions, lorsqu'ils n'auraient plus qu'à pourvoir aux dépenses à la charge du pouvoir exécutif et à celles de l'administration.
Mais la justice demande qu'une partie des accroissements qui dériveront du remboursement des capitaux soit appliquée au soulagement actuel des peuples : d'ailleurs il est juste que les impôts, qui seront établis dans la proportion dés charges de l'Etat, décroissent annuellement dans là meffie proportion que ces charges.
D'après ces considérations, je propose d'affecter, sur les accroissements que prendra le fonds d'amortissement dans la proportion de l'intérêt des capitaux remboursés, un soulagement d'un million par année à la réduction de l'impôt sur les propriétés; en sorte qu'il sera diminué d'un million en 1792, de deux en 1793, de trois en 1794, et ainsi de suite jusqu'à ce'que l'impôt de propriété, que je proposerai, dans la troisième partie, de fixer à 2CK) millions, soit réduit à 150 millions; mais sous condition : 1° que la réduction d'un million par année sera appliquée au soulagement des provinces qui, dans le principe, se trouveraient taxées supérieurement aux autres, et ce jusqu'à Ce que la proportion, relative aux facultés, soit parfaitement établie entre toutes les provinces ; 2® que les réductions progressives d'un million par année, sur l'impôt de propriété, n'auront liéti qu'en temps dé paix ; et qu'a l'ouverture des hostilités, l'impôt dé propriété sera maintenu, pendant le cours de la guerre, au taux
où il se trouvera à l'époque des hostilités ; en sorte que, si, par supposition, une guerre se déclare en 1797, l'impôt de propriété, qui né sera diminué que de 5 millions pendant les 5 années précédentes, sera perçu à raison de 195 millions pendant la guerre, et në profitera du bénéfice de la nouvelle réduction qu'au retour de la paix.
Le fonds d'amortissement augmentera donc annuellement de l'intérêt des capitaux remboursés à la déduction de 1 million par année,; applicable à la modération de l'impôt de propriété, et sera conséquemment de 60,000,000 livres, à la révolution de 5 années, de 70,000,000 livres à celle de dix années, et ainsi de suite. • Cette progression est rapide; mais combien ne sëra-t-elle par fortifiée, lorsque le crédit et la confiance faciliteront les remboursements par la voie de la reconstitution à 4 0/0 ? J'ai fait connaître que cette opération diminuera de plus de 30 millions la masse des intérêts : j'ai prouvé qu'elle sera facile, qu'elle n'est point probléma-tique, et que la reconstitution générale de la dette à l'intérêt de 4 0/0, sera vraisemblablement opérée dans le cours de deux à trois années : dès lors il est évident que le fonds d'amortissement ne tardera pas à être de 100 millions, et qu'il s'élèverait à beaucoup plus à la révolution de Î0 années.
Que l'on calcule, s'il est possible, les ressources immenses d'un pareil fonds d'amortissement 1 Mais on ne doit pas oublier que ce fonds cessera d'être employé, pendant la guerre, au remboursement des capitaux de la dette; que, pendant le cour des hostilités, il doit être spécialement' affecté aux dépenses que ces circonstances exigent : considérons-le maintenant sous ce rapport intéressant.
Emploi du fonds d'amortissement en temps de guerre. .
Lorsque la guerre entraîne des dépenses extraordinaires, il est imprudent dé s'occuper de l'amortissement de la dette ; ce serait une conduite trèsrimpolitique que de rembourser dans le temps où la nécessité contraint de recourir soit à l'emprunt, sôit à l'impôt.
l . Ainsi je propose : 1° :de suspendre, en temps de guerre tous les remboursements de capitaux qui seront affectés sur le fonds d'amortissement, et de borner la dépense relative à la dette au payement désintérêts; 2° de suspendre égalément lés réductions sur l'impôt de propriété; 3° de verser le fonds libre de 1 amortissement au Trésor royal, pour subvenir à l'accroissement des dépenses du pouvoir exécutif en temps de guerre ; 4° d'autoriser les administrateurs de la caisse nationale à faire des emprunts dans la proportion de l'insuffisante du fonds libre pour les temps de guerre, avec faculté d'affecter le fonds d'amortissement, tant à l'intérêt qu'au remboursement de ces emprunts, et sous condition que ces administrateurs ne pourront stipuler-les remboursements, que pour le retour de la paix.
Qu'il me soit permis de présenter quelques réflexions sur la marche de cette opération.; v~ 1° Je suppose qu'un secours extraordinaire de 100 millions, en temps de guérre, sera suffisant, lorsque la certitude de ce secours permettra les achats au comptant, n'exposera plus à des Crédits, à des conditions onéreuses, et permettra sur ses dépenses l'économie que le pouvoir exécu-
tif est dans l'intention d'apporter sur celles de divers départements.
2° J'acfmets que la guerre se déclare dans 5 années, époque à laquelle il est vraisemblable que la totalité de la dette sera reconstituée à l'intérêt modéré de 4 0/0. 11 est évident qu'à cette époque le fonds d'amortissement, fortifié deV ses accroissements, sera au moins de 80 millions ; il y aura donc insuffisance de 20 millions, pour subvenir aux dépenses de la guerre.
3° Il est constant que les temps de guerre demanderaient plutôt des soulagements, que des accroissements d'impôts; ainsi la politique, l'humanité veulent également que l'on renonce à des augmentations dé contributions : il sera donc nécessaire de recourir à l'emprunt dans la proportion de l'insuffisance.
4° J'admets que la durée de la guerre soit de huit années ; il sera nécessaire d'emprunter, tant pour l'insuffisance du fonds d'amortissement que pour les intérêts de nouveaux emprunts, environ 200 millions ; et si Fon suppose que l'intérêt de ces nouveaux emprunts soit stipulé au taux de 5 0/0 sans retenue, il est évident que le fonds d'amortissement de 80 millions, subsistant à l'ouverture des hostilités, sera réduit, au retour de la paix, à 70 millions. ~
5° Trois années de paix suffiront et au delà pour le remboursement des 200 millions empruntés pendant la guerre, pour subvenir à l'in suffisance du fonds d'amortissement et si la nouvelle paix dure dix années, il est certain que les accroissements naturels du fonds d'amortissements, dans les proportions de l'intérêt dès capitaux remboursés, le porteront à plus de 100 millions, à l'ouverture de nouvelles hostilités, en sorte qu'une seconde guerre serait soutenue sans qu'il fût nécessaire de recourir à l'emprunt et d'asseoir de nouvelles contributions.
Ces réflexions prouvent Joute l'utilité d'un fonds d'amortissement, qui perdra ce caractère pendant le cours des hostilités, affranchira la nation de la surcharge de nouveaux impôts, conservera toujours la balance entre la recette et, la dépense, et pourvoira aux dépenses de la guerre, sans difficulté, sans désordre, sans confusion; par la simple suspension des remboursements, par de modiques emprunts dans la proportion de l'insuffisance du fonds d'amortissement. ,
En rapprochant toutes les parties de la dépense, elles seront, savoir
Dépenses à la charge du pou-voir éxécutif. . . . ... . . . 165,000,000 liv.
Dépenses d'administration à la charge des assemblées provinciales et de la caisse nationale. 60,000,000
Dépenses de la caisse nationale, pour les intérêts de la dette publique, compensation faite des intérêts qui seront éteints ou remplacés par l'aliénation des domaines et bois de la couronné, et des apanages par la vente des monastères, des villes, etc. . . 186,000,000 Fonds d'amortissement. .. . 50,000,000
Total........ 461,000,000liv.
Il faut y ajouter l'indemnité de 4 0/0 qui sera due aux princes apanagistes, aux hôpitaux
A reporter........ 461,000,000 liv.
et fabriques, pour raison du prix de l'aliénation des domaines et bois de leurs apanages ou de leurs propriétés, ainsi que l'intérêt de 2 1/2 0/0, qui sera payé sur les capitaux provenant des dépôts et consignations........ 5,000,000
En sorte que, pour subvenir à toutes les dépenses, pour asseoir un fonds positif d'amortissement, il est nécessaire d'obtenir un revenu net de................ 466,000,000 liv.
troisième partie.
De l'organisation de l'impôt,' de la qualité des contributions, du mode de leur perception.
J'ai démontré dans la seconde partie, qu'en organisant la dette, en affranchissant la nation du poids énorme des rentes viagères, dont les extinctions seraient très-lentes pendant 20 à 30 années ; en convertissant en assignations , solides sur la caisse nationale les engagements inconsidérés et contractés par le discrédit, la dépense générale serait réduite à une somme fixe de 416 millions ; mais qu'au moyen de cette fixation, il serait pourvu à l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale concernant la justice gratuite et de la suppression de la vénalité des charges, aux frais et dépens des Assemblées nationales, à l'indemnité des propriétaires des dîmes inféodées dont la suppression est une conséquence du décret portant abolition des dîmes ecclésiastiques, sauf aux redevables des dîmes inféodées à contribuer au remplacement dans la proportion qui sera jugée convenable.
J'ai dit en même temps que la prudence demandait impérieusement la détermination positive d'un fonds d'amortissement, applicable, en temps de paicc, au remboursement de la dette, suffisant pour subvenir, en temps de guerre, aux dépenses que ces circonstances exigent, sans le secours de nouvelles contributions.
Au moyen de ces dispositions, la dépense générale est de 466 millions ; il est donc nécessaire d'assurer un revenu égal, et qui ne soit susceptible d'aucune contradiction.
11 faut en même temps que les contributions qui donneront ce produit ne soient point immorales; qu'elles soient d'une perception simple, claire, facile et peu dispendieuse; qu'elles ne contrarient point l'agriculture, le commerce, et l'industrie.
Tels seront les rapports sous lesquels je traiterai de l'impôt.
J'observerai d'abord que le point le plus essentiel dépend de la division absolue de la recette en deux parties : l'une affectée au Trésor royal jusqu'à concurrence des dépenses à la charge du pouvoir exécutif; Vautre destinée aux dépenses d'administration qui concernent le pouvoir législatif, au payement des intérêts, de la dette, à son remboursement : cette partie de la recette doit appartenir à une caisse nationale, dont les administrateurs, choisis par l'Assemblée nationale, ne seront comptables de leur gestion qu'aux représentants de la nation, et seront Spécialement chargés des recouvrements, ventes et aliénations
ci-devant énoncées, ainsi que de la disposition du fonds d'amortissement.
; L'organisation de cette caisse mérite une attention particulière. 11 est essentiel que cet établissement soit promptement décrété. Je ne me suis point fait illusion sur l'importance des fonctions qui seront confiées à ces administrateurs; j'ai pensé qu'il était convenable qu'elle fût tout à la fois caisse et banque nationale; que sous ce dernier rapport, elle procurât à Pagriculturè, au commerce, les plus grandes facilités. Je m'en suis occupé concurremment avec un des honorables membres de l'Assemblée nationale : les détails seraient trop longs; ils sont consignés dans un mémoire particulier : les fonctions de la caisse; f ses relations avec les trésoriers des provinces ; les moyens d'assurer le recouvrement des impositions ; les facilités qu'y trouveront les rentiers, les capitalistes, les propriétaires de terres, les négociants, y sont développés (1)., ; . "
Ainsi je me bornerai à observer que les bénéfices de la caisse comme banque nationale procureront au Soulagement des contributions un produit annuel ou revenu au moins de 8,000,000 liv.
,2° La législation actuelle des hypothèques est préjudiciable aux intérêts du propriétaire et de son créancier ; celle des dépôts et consignations est réellement barbare : j'ai concerté avec la même personne une nouvelle législation sur ces deux parties intéressantes, étrangères à l'impôt. Un mémoire très-détaillé donne, sur ces articles, tous les éclaircissements désirables (2). Ainsi je me contenterai d'observer : 1° que le propriétaire ne sera plus privé des ressources que doit naturellement lui procurer sa propriété ; 2° que le créancier ne sera jamais inquiet sur le sort de son hypothèque; 3° que les dépôts et consignations cesseront d'être un fonds mort, dépérissable entre les mains des séquestres, et souvent perdu pour le débiteur et le créancier; que l'un et l'autre seront sans inquiétude sur le sort des dépôts auxquels ils auront droit, qui porteront même un intérêt modéré.
Le produit de cette régie fera bénéficier la caisse nationale de plus de 5 millions; mais coinme j'ai fait emploi, dans la partie précédente, du capital provenant des dépôts et consignations, je ne puis le porter ici que pourmémoire, puisque autrement ce serait un double emploi ; il ne restera donc que le produit de la régie des hypothèques, qui doit être évalué au moins à 2,400,000 livres.
3° Le régime de la fiscalité doit nécessairement être banni de la perception ; chaque assemblée provinciale doit être chargée de l'assiette du recouvrement de ses impositions. Il est juste d'accorder le même avantage à la commune ou municipalité de Paris. Son abonnement {en lui allouant les reprises convenables pour ses dépenses personnelles, et qui seront à son compte) doit être fixé, d'après les détails qui ont été présentés, à 22,400,000 livres (3). -
4° L'intérêt des sommes prêtées aux Etats et aux princes d'Allemagne sera, y compris les
de (I)............................1,900,000liv.
Le produit des monnaies et affinages.................................600,000
Larégiedes poudres et salpêtres, déduction faite des frais de Contribution, entretien et réparations, au
moins............................700,000
Total de cet article..,. 3,200,000 liv.
fies quatre articles donnent un produit général de 36,700,000 livres; il ne reste donc plus à pourvoir qu'à une dépense de ^30 millions de livres. Trpis moyens d'y subvenir ; 1° l'impôt indirect sur les consommations, sur les conventions, etc. ; 2° l'impôt direct sur les propriétés, sur les personnes et sur le liïxe ; 3° l'impôt de remplacement des dîmes ecclésiastiques et inféodées,
article premier.
De Vimpôt indireet.
J'entends par l'impôt indireet les contributions générales qui dépendent de l'aisance ou des volontés. "
Il faut que cet impôt soit assez bien combiné pour ne point laisser distinguer au consommateur la différence entre la valeur originaire de la denrée et le prix additionnel de l'impôt, car alors la différence provoque la fraude; le consommateur élude partie de l'impôt par le plus bas prix de la contrebande, mais il augmente sa surcharge puisque le fisc* ne pouvant compter que sur le produit effectif, multiplie les contributions dans la proportion du préjudice qu'il reçoit de la concurrence des fraudeurs.
11 faut que la perception de cet impôt soit simple et facile ; qu'elle n'exige aucune inquisition domestique; qu'elle ne contrarie ni l'agriculture, ni l'industrie, ni le commerce, car autrement jfécu que perçoit la fiscalité ruine le fabricant, le cultivateur et le commerçant ; le découragement naît de la gêne; l'ordre social est troublé, tout est dans l'anarchie, dans la confusion.
Sans ces précautions, l'impôt indirect est immoral, contraire à tous les principes de l'humanité, destructeur, de l'agrieulture et de l'industrie; ce sont Ges vices qui frappent d'une proscription éternelle l'infernal impôt de la gabelle, celui des aides, non moins odieux, et cette foule d'impôts indirects sur les cuirs, les fers, les huiles, les papiers et cartons, poudres et amidons, etc., preuves vivantes du danger qu'il y a de consulter, en fait dHmpositions, le génie des financiers.
C'est l'immoralité de l'impôt du tabac, relativement à ses funestes effets pour la balance du commerce, à la contrebande qu'il provoque, à la perte d'une branche de culture intéressante, à la quelle il s'oppose, qui sollicite l'abolition de cet impôt, ou né permet son existence que sous le rapport de la fabrication.
Il est donG nécessaire de n'admettre, en fait d'impôts indirects, que des perceptions à l'abri des reproches qui viennent d'être exposés : celles que je propose se partagent en quinze divisions.
premier objet.
Droits de traites à la frontière et droits sur les marchandises des îles.
Chargé depuis plus de dix ans de reprendre ce travail important sur les bases adoptées par M. Trudaine, j'ai dû répondre à la confiance dont le ministère a bien voulu m'honorer, j'ai dû prendre toutes les précautions Convenables pour démentir toutes les assertions insidieuses de la ferme générale. Cette compagnie a toujours apporté la plus grande résistance à la réforme des traites; ses agents ont fomenté des inquiétudes de la part de quelques provinces ; la ferme a donné des ombrages sur les produits ; elle n'a pas rougi de présenter les résultats de cette opération comme une perte de 10 à 12 millions ; enfin, au moment où l'exécution de cette réforme était cou* venue, décidée, au moment où elle était indispensable, relativement à l'exécution du traité de commerce avec l'Angleterre, de nouvelles instance de cette compagnie y ont apporté un nouveau retard. J'en ai fait connaître les funestes effets dans la première partie de ce mémoire.
Je ne me permettrai point une discussion sur une matière aussi étendue ; on trouvera tous les détails, toute l'exposition dans l'ouvrage que j'avais composé pour le ministère, que l'amitié d'un de mes frères a rendu public (1 ).
J'observerai seulement : l"? que les droits du nouveau tarif sur les relations de la
France" avec l'étranger sont combinés sur les principes les plus favorables aux productions
du sol et de l'industrie ; que ce tarif est exempt des vices de la fiscalité; que les
matières premières sont affranchies de tous droits à l'importation ; que les manufactures,
l'industrie, les productions du sol, ont le . même avantage à l'exportation, ou ne sont
imposées qu'à de modiques droits, qui ne peuvent nuire à leur débouché ; 2° que le commerce
de spéculation, celui de commission, prohibés depuis un siècle par les efforts de la
fiscalité, reparaîtront au moyen des facilités et du transit, qui feront gagner a notre
commerce peut-être plus de 20 millions par année ; 3° que l'ordonnance ou le règlement pour
la perception des droits ont été médités avee le plus grand soin; que je les ai concertés
avec MM. de Mon-tarari, Dupont, Boyetet et Paulze, sous la direct tion de M. de Fourqueux ;
que tout y est prévu pour la sûreté des perceptions, sans fatiguer le commerce par des
formalités inutiles ; 4° que les commerces particuliers des îles, de la traite des noirs, de
l'Inde et de la Chine, du Levant et du Nord, y sont traités avec la plus mûre attention ; que
je me suis appliqué à développer tous les moyens de les vivifier, de créer, pour ainsi dire,
celui du Nord, qui est encore au berceau, et dont la France peut tirer les plus grands
avantages pour la formation des matelots, le débit de nos productions, et les
approvisionnements de la marine ; 5° que tous les droits bizarres, vexatoi-res, impolitiques,
perçus à la fabrication, à la circulation, sont à jamais anéantis; 6° que le nouveau régime
des traites Ue demande néanmoins aucun sacrifice important* ét que la corn-
Ainsi cette partie de l'impôt indirect est protectrice de notre agriculture, de notre commerce et de notre industrie : le comité de commerce et d'agriculture s'en occupe essentiellement ; j'ose espérer que son examen prouvera que j'ai répondu dignement à la confiance dont j'ai été honoré ; que le nouveau régime des traites sera très-inces&amment mis en activité ; que la balance de notre commerce ne tardera pas à reprendre son ancienne splendeur.
Le produit des droits de traites et dépendances, sera, déduction faite des frais de régie de toutes sortes, de Geux de gardes des côtes et de la frontière* y compris le rétablissement du droit d'induit, de 25 millions (1).
second objet.
Impôt du tabac.
J'ai fait connaître, dans la première partie de ce mémoire, la nécessité de fortifier la balance de notre commergp, afin d'en obtenir une qui nous procure un accroissement de numéraire supérieur à l'exportation d'espèces què nécpssi-r tent lés intérêts et les remboursements dès capitaux que nous devons à l'étranger, pour raison de son intérêt dans les emprunts effectués.
J'ai propesé comme moyen infaillible, positif, de noqs affranchir du tribut que nous nous sommes imposé vis-à-vis de l'étranger, pour 1'approvisionnpment 4és tabacs qu'il vend à la ferme générale, pour prix dé ceux que la contrebande introduit; j'ai dit que cet affranchissement était facile, qu'il ne préiudicierait nulle? ment à la consommation, qu il procurerait à plusieurs provinces une nouvelle branche de culture, d'autant plus intéressante, qu'il est généra-ièment avoué, reconnu,, que le tabàç du crû. de quelques pfpvinces serait d'une qualité supérieure à celui dps Etats-Unis, et qu'ainsi nous acquerrions une nouvelle branche d'exportation; j'ai avancé que, par.ces divers moyens, fa balance de notre commercé serait fortifiée de 15 millions a notre avantage, et je ne crains point d'être taxé d'exagération.
" "A. cette cpnsidératioji importante, je puis ajouter : 1° que ïe npuveau régime des
traces ne sera plus suspéptible d'exception' en faveur -de la province d'Alëàpe ; qu'il
ferait nécessaire de laisser pètte province lippe dû côté de l'Espagne, si l'impôt du tabac
continuait d'exister gous le régime actuel, pàrce qn'ir serait barbare, impoli-tique de la
priver d'une culture dont elle tire les plus grands avantages ; 2° qu'il e§t essentiel de
suppripiier les barrjèrps locales qui séparent la Flandre et l'Artois de la Champagne et de
Picardie ; mais que ces province^ étapt pxcep-téesf du privilège de la vppté exclusive dji
tabàP» ayant la libeptp dé cefct^culture, il serait iridis-jrensahié» ou aè laisser subsister
des lignes d'employés spr îès XiÉpitjps de l'Artois et du Gambrésis
En rendant, an contraire, commune à toutes les provinces la culture du tabac, toute's les difficultés disparaissent; le nouveau régime des traites n'a plus besoin d'exception ; la surface entière du royaume est entièrement délivrée de ces légions d'employés , qui nous représentent sans eesse te tableau de la misère, de l'esclavage et de la servitude la plus intolérable.
Tout provoque donc un décret qui, dérogeant aux règlements rendus depuis 1719, autorise généralement la culture du tabac, l'encourage et nous délivre à jamais du tribut honteux que nous nous sommés imposé pour prix d'une matière première que nous avons la faculté de multiplier au gré de nos besoins.
Mais il faut pourvoir au remplacement du produit qne procure la vente exclusive du tabac ; ce produit est dans l'état présent de 30 millions ; un traité plus avantageux pour la fourniture des tabacs, la faculté de la vente du tabac râpé dans les provinces où l'usage en est interdit, porteraient ce produit à 32 millions ; il est est donc utile d'opérer une compensation jusqu'à concurrence de 32 millions.
J'ai prouvé d'une manière irrésistible : 1° que le remplacement, par un accroissement sur l'impôt de propriété, serait injuste, en ce qu'il serait supporté par les propriétés dont le sol ne permettrait pas ce genre de culture ; 2° qu'il serait impossible de l'àffecter sur les terres ensemencées en tabac, parce que, le cultivateur ayant alors à se récupérer de l'impôt, le prix du tabac s'élèverait à un taux qui ne permettrait point l'exportation, qui provoquerait la concurrence de la fraude-, parce que les provinces où la culture en est permise refuseraient de payer cet impôt, quoiqu'il fût juste dp les y assujettir, puisque leurs tabacs passeraient dàns l'universalité du royaupie • que ce remplacement ne pourrait être demândé par addition à l'impôt personnel de la eapitation 5 parce que le tabac étant un impôt volontaire, qui dépend du caprice ou des facilités, il serait injuste de le convertir en une contribution forcée, à laquelle serait assujetti le eitoyen qui ne fait point usage des tabacs , soit par volonté, soit à défaut de facultés (1).
Il faut donc reponcer au remplacement de l'impôt du tabac par les divers moyens que je viens d'indiquer : il fapt en chercher qui seraient exepapts de tous inconvénients.
A cet effet, ie propose : 1° de permettre et d'encourager la culture du tabac en France,
saps que les propriétés qui y seront employées, soient grevées d'un surcroît d'impôt; 2° de
laisser libre tant à l'exportation qu'à la circulation, le commerce du tab^tc en feuilles; 3°
de prohiber l'importation dés tabacs en feuilles aussitôt que la "culture du tabac en France
sera correspondante à notre consommation; 4° de réserver la fabriT cation du tabac en rôles
et carottes, même du tabac râpé, à une régie pour le compte de là nation, a la charge de rie
poqvoir y éînplbyér que des tabacs récoltés en France ou dans nos
En prenant ce parti il est évident : 1° que la culture du tabâc séra promptement en activité, puisque les cultivateurs seront assurés du débit de leurs productions; 2° que la contrebande sera, dans le fait impossible, puisque le prix du faux tabac coûterait au moins 20 sous la livre aux contrebandiers, et que les consommateurs ne trouveraient point un avantage à lui donner la préférence sur du tabac de meilleure qualité; que d'ailleurs les risques de l'introduction ne seraient pas compensés par un bénéfice équivalent ; 3° que la fabrication exclusive ne serait point dans le cas de souffrir des fabrications particulières; parce que les assemblées provinciales de district et de municipalité ne manqueront pas de moyens pour s'opposer à l'établissement de fabriques particulières.
J'ajouterai que les fabriques de tabac peuvent être sous l'inspection immédiate des assemblées provinciales ; que le débit du tabac râpé en rôles, en carottes, n'exigera aucune régie, qu'il doit être libre et commerçable; que tous particuliers qui voudront se livrer a ce genre de commerce pourront le faire, et prendre directement aux fabriques les quantités de tabac qu'ils désireront, au prix de 30 sous la livre, sauf à ceux qui le débiteront à l'augmenter dans la faible proportion de leurs bénéfices naturels et des frais dé transport. J'observerai enfin que les assemblées provinciales veilleront à ce que ies directeurs des manufactures de tabac versent leurs fonds entre les mains des trésoriers généraux, à la déduction de leurs traitements, des frais d'achats et de fabrication.
On pourrait peut-être objecter contre cette proposition que les provinces d'Alsace, de Franche-Comté, de Flandre, Artois, Hainaut et Gambrésis seraient en droit de réclamer contre la vente des tabacs fabriqués au prix de 30 sous la livre; mais cette objection ne serait pas fondée : 1° la culture du tabac dans ces provinces augmentera prodigieusement; et ce sera une compënsation avantageuse de l'impôt; 2° le débit et l'usage du tabac en feuilles seront libres ; ainsi que le tabac à fumer (principale jouissance du pauvre et de l1 habitant/des campagnes) sera franc de tout impôt;. 3° lâ ferme vend actuellement 50 sous la livre le tabac en Franche-Comté, province qui ne fait point partie du privilège exclusif, et cette vente est du tiers au moins de la consommation de la province. En Flandre, en Artois, le prix du tabac fabriqué est de 24 sous la livre, et ce tabac n'est pas de bonne qualité: celui de la régie à 30 sous la livre serait certainement préféré.
11 n'est donc question que de rechercher quel pourrait être le produit du prix de 30 sous la livre de tabac pris dans les fabriques ou manufactures qui seront établies pour le compte de la nation.
La consommation actuelle de la vente exclusive est d'environ 16 millions; l'Alsace, la Franche-Comté, la Flandre, l'Artois., le Hainaut et le Cambrésis ne.sont point sujets à l'impôt du tabac; ces provinces forment à peu près le dixième de la population. Les introductions de la contrebande sont très-considérables; d'ailleurs le haut prix du
tabac s'oppose aux progrès de la consommation : ainsi je ne crains pas d'être taxé d'exagération en évaluant que la consommation en tabac fabriqué s'élèvera à 20 millions de livres lorsque l'impôt sera général et que le prix du tabac sera modéré à 30 sous la livre.
Les prix d'achat (modiques, lorsque le tabac fera partie des productions du sol) et les frais de fabrication, y compris les traitements des employés, n'excéderont pas 10 sous la livre; ainsi une consommation de 20 millions donnera un produit net de................. 20,000,000 liv.
Mais il faut en distraire la garde des côtes et de la frontière, à la charge du tabac, objet.de... 4,000,000
Le produit effectif sera réduit à, 16,000,000 liv.
Il ne sera donc plus nécessaire que d'une compensation de 16 millions; on la trouvera facilement dans l'impôt de remplacement des dîmes, dont je traiterai incessamment; conséquemment, l'impôt du tabac, comme impôt indirect, ne donnera qu'un produit de........... 16,000,000 fr.
troisieme objet.
Droit de péage par terre et de navigation sur les rivières.
Il n'est point de droits plus onéreux que ceux qui, dans l'état présent, sont levés sur le transport des marchandises, sous le nom de péages, et sont perçus au profit du Roi, des engagistes, des communautés, d'abbayes, de bénéfices, et de particuliers : ces droits sont multipliés à l'excès ; il dérivent, sans exception, du régime proscrit de la féodalité ; ils sont possédés sous des conditions qui ne sont point remplies par les propriétaires ; leur perception est obscure, bizarre, arbitraire ; elle est encore plus accablante que celle des droits de circulation dépendant de la régie des traites: c'est beaucoup dire, mais le fait n'est pas moins vrai, on en sera convaincu par la lecture du mémoire que j'ai rédigé sur cette partie (1).
Il en est dè même des droits, de minage : M. Lambert, contrôleur général, m'a remis, sur la perception de ces droits, des détails curieux et qui font connaître le préjudiçè énorme que leur existence cause à l'agriculture, au commerce des grains; je les ai pareillement développés (2). .
De pareils droits sont d'une immoralité, d'une gène, d'une vexation, qui les rend incompatibles avec la liberté, sans laquelle le commerce et l'agriculture n'auront jamais l'activité désirable : il est donc utile, même nécessaire de les supprimer.
Mais ces suppressions exigeront des indemnités, une compensation de produits pour le fisc :
nous ne sommes pas assez riches pour consentir l'abolition de tous les droits onéreux, sans
remplacement ; il serait impolitique de les opérer par un accroissement d'impôt sur les
propriétés : ainsi nul inconvénient de conserver dès impôts indirects, lorsque leur
perception peut s'allier avec la liberté du commerce, lorsqu'elle ne présente aucune
difficulté; lorsque la quotité du droit est
Ces considérations m'ont fait penser que les droits de péage et de minage pouvaient, sans charge pour le commerce, sans entraves pour la circulation, être çommués en un droit uniforme et général de péage par terre, et de navigation sur les rivières.
J'éviterai toute discussion sur cet objet ; je l'ai présenté dans tous ses détails, à la suite du plan ae réforme des traites (1). J'observerai seulement : 1° que la perception du droit n'exigera ni visites, ni retards dans les transports; 2° que sa quotité ne sera point arbitraire, qu'il sera trop modique pour influer sur les prix des voitures ; 3° que le mode de sa perception contribuera au soulagement de la prestation par laquelle les corvées sont heureusement remplacées, ainsi qu'au meilleur entretien des routes ; 4° que son produit, déduction faite des frais de perception et de régie, sera au moins de ............ 1..... 8,000,000 liv.
'quatrième objet.
Ferme des postes et des messageries.
Les postes sont une ferme séparée de celle des messageries; il n'est personne qui ne reconnaisse combien cette division est impolitique.
Depuis que la manie des améliorations sur la régie des messageries s'est emparée des agents du ministère, il en coûte à l'Etat plus de 20 millions en folles dépenses, en pensions, indemnités, gratifications, etc. aux anciens fermiers, aux régisseurs, aux nouveaux fermiers, etc., etc.
Il est temps d'arrêter le cours de cettè mauvaise administration, en réunissant les messageries à la ferme des postes, qui sous-affermera les routes à des particuliers, comme avant 1774.
Le produit de ces deux parties est, déduction faite des reprises sur la ferme des postes, de 12,600,000 livres ; on prétend que cette ferme serait susceptible d'une très-forte augmentation, si le port des gros paquets était diminué ; je le crois aisément, et la chose serait facile si la réunion des messageries aux postes était effectuée.
Mais une amélioration non moins certaine serait la conséquence de la réunion des postes à la régie des traites : ce moyen préviendrait efficacement les fraudes qui sont commises par les courtiers ; cette considération mérite d'autant plus d'égard que la fraude des courtiers n'est pas moins préjudiciable à nos manufacturiers qu'aux produits affectés à la dépense de l'Etat.
Il est d'ailleurs probable que le prix de ferme est susceptible d'accroissement. Ainsi, au moyen des bonifications que ie viens d'indiquer, et de l'augmentation naturelle sur le prix de bail de la ferme des postes, j'estimerai le produit net de cet article à 16 millions.
cinquieme objet.
Loteries.
Cette partie du revenu public ne peut être excusée que par l'importance de son produit, et
Il est donc utile, il est peut-être nécessaire de conserver les loteries, jusqu'à ce que les opérations de la caisse d'amortissement en permette le sacrifice, jusqu'à ce qu'une balance de commerce avantageuse autorise le risque d'une extraction de numéraire dans la proportion des bénéfices que ferait l'étranger sur les mises effectuées à son profit. -
Cet article de produit n'a jamais été évalué au-dessous "de 9,600,000 livres ; mais le premier ministre des finances a amélioré cette branche de revenus, en admettant les mises jusqu'à la veille du tirage : opération au moyen de laquelle les bureaux clandestins ont été privés de leurs spéculations; j'ignore quels sont les bénéfices de cette opération : ils doivent être considérables, puisque M. Necker porte en recette le produit des loteries pour 14 millions ; je me contenterai de l'évaluer, déduction faite des reprises, frais de régie et traitement des régisseurs, à 12 millions.
sixième objet.
Droit sur les cartes à jouer.
Le droit sur les cartes à jouer à été imaginé par le génie fiscal pour former la dotation de l'école royale militaire; on a pensé que cet impôt sur les plaisirs du riche et de l'homme aisé était un moyen très-convenable dé pourvoir à l'institution de la jeunesse élevée pour la défense de l'Etat. . îv
Sous ce point de vue, l'impôt n'est certainement pas immoral ; mais le régime destructeur de la fiscalité a poursuivi, tyrannisé cette branche d'industrie ; elle a tombé de moitié ; nous vendions autrefois une très-grande quantité de cartes à l'étranger ; l'impôt des papiers et cartons a commencé par renchérir la fabrication ; le droit sur les cartes en a porté la valeur à un taux qui ne permettait que faiblement l'exportation ; elle n'existe plus, depuis l'établissement des 10 sous pour livre, en 1771 en 1781.
Conserver le produit de l'impôt sur la consommation nationale, ce sera conserver un impôt juste, qui n'excite ni plaintes ni murmures de la part des consommateurs ; mais il faut affranchir les fabricants de cartes des inquisitions auxquelles la régie les assujettit ; il convient de favoriser l'exportation des cartes fabriquées en France.
A cet effet, je propose : 1° de remplacer la régie actuelle par des abonnements avec les maîtres cartiers ; leur recouvrement sera fait, presque sans frais, par -les préposés à la perception des impositions, dont 1 assiette sera confiée aux assemblées provinciales ; 2° de fixer le prix de ces abonnements conformément au produit actuel du droit sur les cartes, sans déduction des frais de régie, et de leur abandonner, sans compensation le bénéfice de la suppression du droit sur les papiers et cartons ; 3° d'accorder à l'exportation des cartes une prime de sortie proportionnelle à la quotité du droit ; et j'observe que cette prime ne coûtera rien ou très-peu de chose à l'Etat, au moyen de la fixation des abonnements dans la proportion du produit brut, parce que
dès iors le montant des frais de régie actuels fera face aux "primes d'exportation.
En adoptant ce parti, l'Assemblée nationale conserverè un revenu asseg important ; elle vivi? fiera néanmoins cettevbranche d'industrie; elle accroîtra la masse de nos exportations.
Le produit brut du droit sur lés cartes à jôper est de 1,800,000 livres. Les primes d'exportation forceront peut-être un objet de 300,000 livres. Ainsi je me contenterai d'évaluer le produit effectif de cet impôt à 1,500,000 liv.
SEPTIÈME OBJET.
Droit de la marque d'or §t chargent.
Çq droit est Utile pour assurer le titre dès métaux employés par les orfèvres et autres ouvriers en argenterie et bijouterie.
La forme de perfection est odieuse et vexatoire ; mais elle içessera d'avoir ce caractère en prenant le parti d'abonner le droit au corps des prfévres : ils seront intéressés à empêcher lès abus et la fraucje dans le titre des matières employées; et le prix d'abppnemept sera, sans difficulté, souscrit àù taux du produit brut que la régie retire, par ses vexations, du droit de marque d'or et d'argent. \
Ce produit brut est de 800,000 livres ; les orfèvres de Paris offraient, en 1788, d'abonner la perception au prix de 1 million : ils seront traités favorablement, en se contentant d'un aboppenient général pour l'étendue du royaume de 800,00$ liy,
HUITIÈME OBJET.
Vente exclusive des sels à la Savoie, Genève, la Suisse et l'Allemagne.
Des traités nous obligent de fournir à la Suisse une quantité de sels déterminée ; la Savoie, Ge-» nève, une partie de l'Allemagne n'ont do ressource que la France pour l'approvisionnement de cette denrée de première nécessité.
Le commerce du sel n'étant point libre en France, la fourniture du sel aux pays étrangers qui viepnént d'être indiqués faisait partie de la ferme des petites gabelles, et de celle des gabelles locales ou des salines.
Là Savoie, Genève et le Valais reçoivent les sels matins des salins de la Méditerranée : la Suisse et l'Allemagne sont approvisionnées en sels des salines dé Franche-Comté, Lorraine et Trois-fivéchés t le sel de ces salines, par l'emploi des bois affectés à leur entretien, réyient à un taux plus élevé que ne serait le prix des sels de l'Océan ou de la Méditerranée, rendu dans ces provinces, et néanmoins ce sel est d'une qualité fort inférieure à celle du sel marin.
La suppression de la gabelle ne s'oppose point à ce qu'une compagnie d'entreprise pour l'achat et le transport des sels ait Je privilège exclusif de la vente à la Savoie, Genève, le Valais, la Suisse et PÀllemagne. Le prix de cette vente exclusive formera une petite fermé particulière, dont le produit sera au moins de., 800,000 Jiv.
NEUVIÈME OBJET. Contrôle des exploits,
On doit espérer que le nombre des exploits diminuera par la suppression des dîmes, des
droits féodaux et de la fiscalité ; mais d'un autre côté, la renonciation à tous privilèges ne permet plus de conserver l'exemption du droit de conrr trôle aux provinces qui en sont actuellement affranchies ; aipsi le droit de contrôle dés explpitgj sera vraisemblablement d'un produit égal à la perception actuelle, objet de.> , 3>735,000 liv.
J'évalue les frais de régie de toutes portes, et les bénéfices des administrateurs, envirpp. à 2 sous pour livre do ce produit ; dès iors je ^estimerai cet artice qu'à , . . . e 3,400,000 liv,
DIXIÈME OBJET.
Contrôle des actes.
Le tarif qui règle la perception du droit de contrôle, est généralement obscur, souvent arbitraire; le droit est mal combiné pour l'avantage du pauvre, il est modéré pour le riche et le citoyen aisé; il a principalement besoin d'être réformé pour les contrats de mariage et les testaments.
La rédaction d'un nouveau tarif du contrôle est un ouvrage long et difficile, qui demande des connaissances très-étendues, une étude approfondie; un citoyen estimable, instruit, pourvu d'un des emplois les plus distingués dans ceÇte partie, s'en est pcçupé ; sop trayaîl estppmpletj il prouve sans réplique, qu'eq afrrappîiissànt lés conyentiops (lu surcroît d'impôt dés dix sous par livre, les droits seront modérés sur les actes qui intérepsept la plàsae la plus ipdigepte ; et qu'ils seront proportionnels aux facultés, aux conventions du riche et de l'homme aisé, puisque le droit n'excédera pas 1/2 0/0 du prix dps conventions.
Cette réforme dans la fixation des droits de Gontrôjp, est dictée par l'équité ; les conventioqs de 10,000 livres et au-dessous sont taxées à 1/3 0/0 5 mais la finaupe a trouyé le secret de tiercpr le droit par les 10 sous pour livre ; cet accroissement d'impôt n'exigé pas un grand effort de génie ; la fiscalité ep fait l'éloge, et prétend que, vu l'augmentation de la valeur in-r trinsèque de l'argent, les 10 sops pour Ùyre ne ramènent point la perception au taux primitif \ l'assertion pèche par les bases, lorsque le droit est perçu sur les valeurs ? §n effets si le tp&rc d'argept a doublé depuis l'établissement du droit de contrôle, les prix des. propriétés, 4es marchanr dises ont suivi la même progression ; d'où il résulte que le droit acquitté sur les valeurs est tiercé par rétablissement des 10 sous pour livre,
Ce sera donc un très-grand bien que de supprimer entièrement, et sans compensation, les 10 sous pour livre sur les conventions de 10,000 livres et au-dessous, qui intéressent principalement les pauvres è| les habitants des campagnes.
Mais le droit sur les copyentions pif-dessus de 10,000 livres, qui concernent spécialement le riche et l'homme aisé, n'est que du cinquième du droit sur les conventions au-dessous de 10,000 livres ; il est donc juste de les assujettir au même droit que les petites conventions, c'est-à-dire au 1/2 Çl/p de la valeur, affranchi des 10 sous pour livre ; dès lors l'égalité de la perception sera établie, èi la suppression des 10 sous
pour livre sera une compensation suffisante de
accroissement qui résultera de' l'égalité de la perception.
Le tarif du contrôle des actes ramené au point
de simplicité qui ne permettra plus les extêUr sions des travailleurs en finances diminuerait certainement cette partie du revenu public, s'il n'y avait des moyens infaillibles de compensation, en ordonnant la perception, tant à Paris que dans les provinces affranchies du droit, perception qui est la cônséqnence naturelle et légitimé de la renonciation absolue à tous privilèges d'exemption.
D'ailleurs, il est constant qué les conventions se multiplieront lorsque' les droits d'échange n'existeront plus , lorsque l'étranger ne sera plus repoussé par la perception du droit d'aubaine , lorsque enfin toutes les braqches de commerce et d'industrie seront vivifiées.
Ainsi je suis convaincu qué, nonobstant la remise des dix sous pour livre sur les droits du contrôle des actes, le produit actuel de cet article sera non-seulement conservé, mais encore amélioré.
Ce produit est de 12,280,000 livres ; je me contenterai de l'évaluer, au moyen de la perception générale, et déduction faite des frais de régie de toutes sortes, et du traitement des régisseurs à. . . . . . ; . . . . , ... 12?000,0001iv.
ONZIÈME OBJET.
Droif d'insinuation.
Ï1 en sera de même du droit d'insinuation ; sa perception sur le principe d'égalité, avec affranchissement des 10 sous pour livre, maintiendra le.produit actuel, lorsqu'il ne sera plus altéré par l'exemption des provinces présentement exceptées.
Ainsi j'estimerai cet article, objet de 2,409,000 livrés,pour un produit, déduction faite des frais de régie et traitements des régisseurs, de 2,200,000 livres.
DOUZIÈME OBJET.
Centième dernier,
Le droit de centième dénier est perçu sur la valeur des immeubles vendus : il n'a point été oublié pour l'accroissement fiscal des 10 sOtis pour livret en sorte qué le droit actuel est de i et 1/2 O/O de la valeur réelle 'des immeubles qui changent de propriété. ' Il est intéressant d'affranchir la gociété de cette invention bursale, et de modérer lé droit au taux du principal, c'est-à-dire à la proportion de 1 0/o de la valeur : cette modération compensera l'accroissement du droit de contrôle'sur les conventions au-dessus de 10,000 livres, qui acquitteront ce droit à raison de 0/0 de leur valeur réelle.
Il est évident que la remise des 10 sous pour livre diminuera lé produit actuel du centième denier, objet de 9?350,000 livres; mais comme d'un autre côté la perception sera générale, et que les mutations serbnt plus fréquentes après la suppression de toutes les entraves qui s'y opposent dans le régime àchiéï, je Crois pouvoir, sans être taxé d'exagération, évaluer le produit du droit de centième denier, déduction faite des frais de régie de toutes sortes et du traitement des régisseurs, à 8 millions.
TBEIZIÈME OBJET.
Vente du papier timbré.
La perception surmontée des 10 sous pour livre
peut être conservée ; Car le droit étant fixe, et hë portant point sur la valeur intrinsèque et réelle, n'est pas dans la proportion du taux Origl* naire, puisque le prix du marc d'argent a plus que doublé, et que le droit n'est que tiercé par l'accroissement dés 10 sous pour livre.
La diminution des procédures restreindra vraisemblablement le débit du papier timbré ; maig la perception de l'impôt dans les provinces qui en sont actuellement affranchies, formera la compensation : ainsi je pense que lé produit actuel n'éprouvera aucune réduction.
Ce produit est de 6,3a0,000 livres. Sur quoi faisant distraction d'environ 2 sous pour livre pour le traitement des régisseurs et les frais de régie de toutes sortes, cet article peut être estimé à 5,800,000 livres.
QUATOBZIÈME OBJET.
Droit des maîtrises.
Avant 1774, le droit des maîtrises était très-considérable : d'ailleurs lès réceptions étaient sujettes à des formalités exclusives pour beaucoup de particuliers ; au-dessus dés facultés d'un très-grand nombre.
M. Turgot, frappé de ce vice d'administration, règarda comme un très-grand bien la suppression de toutes lès maîtrises et jurandes ; elle fut ordonnée., {
Mais bientôt après les Corporations furent jugées utiles ; leur rétablissement a êti lieu : diverses jurandes ont été réunlés, lés droits de réception ont été diminués ; les formalités ont été simplifiées. 1
Il subsiste cependant encore trop de gènes pour que tous les artisans puissent se livrer aux professions qu'ils sont èn état de remplir.
Il est facile de concilier la liberté du citoyen avec la police qu'il est "convèriàble d'établir dans l'exercice des différentes professions,
Cé moyen consisté à supprimer les drojfis de réception, à les remplacer par un aijpuel rte VW de la rèéeptioh, sans autre pénalité que de né psuvoir faire partie de la corporation, sans~justi-fier, chaque année, dans le mois de décembre, du payement de l'annuel arbitré.
On magistrat très-instruit dans cette partie (M. Albert, ancien lieutenant de police) m'a assuré positivement que cet annuel surpasserait constamment le produit actuel des droits de réception. Je pense que l'Assemblée nationale ne renoncera pas à cet article de produits, qui, par la conversion indiquée, peut être conservé sans aucun inconvénient : je l'estimerai donc au taux actuel, déduction faite de 2 sous pour livre pour les frais et le traitement des régisseurs, c'est-à-dire à 1 million. '
QUINZIÈME OBJET.
Droit de marc d'or,
Qet impôt consiste dans une taxe sur les grâces, pensions, commissions, etc.; son prodqit est, année commune, de 1,875,000 livres, et serait beaucoup plus considérable si, par un abus qui n'a d'autre titre que l'usage, il notait très-souvent fait remise du droit et des 10 sous pour livre, par la délivrance d'ordonnances de comptant, aux personnes accréditées, dans le/ca^ d'acquitter le droit de marc d'or sur les grâces qu'elles obtieii-
nent. Ceux à qui ces faveurs sont accordées remettent, au lieu d'espèces, ces ordonnances de comptant, et reçoivent ainsi leurs quittances du droit de marc d'or, comme s'il l'avaient payé.
Je conviens que les grâces seront moins multipliées ; mais, en réprimant l'abus dont je Viens de parler, en fixant le droit au quart du produit de 1a première année de jouissance, en ordonnant la retenue de cette taxe sur les attributions de cette première année, je crois que l'on peut évaluer le produit net du droit de marc dror à.................., 1,500,000 liv.
Tel seront les impôts indirects, dont la régie peut être confiée aux administrateurs de la
caisse nationale, à la charge d'en verser le produit au Trésor royal, pour subvenir, jusqu'à
due concurrence, aux dépenses qui seront du ressort du pouvoir exécutif. Je dois les résumer
: Art. 1er. Droits des traites... 25,000,000liv.
2. Fabrication exclusive du
tabac................................................16,000,000
3. Droit général des péages.. 8,000,000
4. Postes et messageries..........16,000,000
5. Loteries.......................12,000,000
6. Droit sur les cartes à jouer. 1,500,000
7. Droit de la marque d'or et
d'argent..................... 800,000
8. Vente exclusive du sel à
la Suisse, à l'Allemagne, etc____ 800,000
9. Droit de contrôle des
exploits..................................3,400,000
10. Droit de contrôlé des actes...............................12,000,000
11. Droit d'insinuation._______2,200,000
12. Droit de centième denier 8,000,000
13. Vente du papier timbré. 5,800,000
14. Droit annuel des maîtrises et jurandes............................1,000,000
15. Droit de marc d'or sur les
grâces....................... 1,500,000
Total produit deslmpôts indirects qui peuvent et doivent naturellement subsister....... 114,000,000 liv.
article II.
Impôt de remplacement des dîmes, soit ecclésiastiques, soit inféodées.
L'Assemblée nationale a décrété que les dîmes ecclésiastiques seraiant supprimées, sauf le remplacement nécessaire; en même temps elle a prononcé que les dîmes inféodées seraient abolies par la voie du rachat.
J'ai prouvé que la loi devant être égale en faveur des redevables de dîmes ecclésiastiques et inféodées, la nation devait se charger de l'indemnité des propriétaires de dîmes inféodées ; qu'il convenait de les supprimer, sauf aux propriétaires d'héritages sujets à ces sortes de dîmes, à contribuer au remplacement que demanderont les besoins de l'Etat, les charges du clergé, l'entretien du culte public.
M. l'éveque d'Autun évalue le revenu des dîmes ecclésiastiques à 80 millions. M. Dupont, d'après des approximations qui paraissent fondées, le porte à 100 millions, il estime les dîmes inféodées à 10 millions. Total, 110 millions.
En adoptant une moyenne proportionnelle, on
peut arbitrer à 100 millions le produit net des dîmes de toutes sortes,
Leur perception est dispendieuse; elle coûte au moins 20 0/0 ou 4 sous pour livre : il doit conséquemment demeurer comme constant que la dîme grève les propriétés qui y sont assujetties d'un impôt effectif de 120 millions;
Il est donc juste que les héritages qui en seront affranchies supportent un remplacement proportionnel à la dépense dont l'Etat sera chargé par suite du décret qui transmet à la nation la disposition des biens du clergé.
La dette du clergé devient une charge de l'Etat; la nation doit également pourvoir à l'indemnité des propriétaires de dîmes inféodées ; et ces deux articles forment un objet de 16 à 17 millions : le clergé n'ayant plus de propriétés, sera affranchi de toutes contributions ; il est naturel que ceux qui profiteront de la suppression des dîmes, remplacent, à cet égard, le clergé, et j'estimerai cet objet à 24 millions (1).
Ainsi je crois que le remplacement des dîmes peut être déterminé à 40 millions au profit de la nation; cet impôt, qui doit être à la charge des propriétés sujettes à là dîme, suffira pour compenser la suppression de l'impôt du tabac," pour balancer les intérêts, tant de la dette du clergé, que de l'indemnité des propriétaires de dîmes inféodées.
Il forme le tiers de l'impôt actuel des dîmes ; ainsi les héritages qui en sont grevés profiteront delà remise incontestable des deux tiers de l'impôt; à la charge, néanmoins, de pourvoir au secours des pauvres, aux dépenses qu'exigeront l'entretien, les reconstructions et réparations des églises et des presbytères, et sous condition encore de compléter le fonds destiné pour l'entretien du culte divin, dans le cas où les propriétés du clergé autre que les dimes, seraient d'un produit insuffisant, soit à perpétuité, soit momentanément.
L'impôt de remplacement des dîmes peut donc être considéré sous trois rapports distincts et différents : 1° 40 millions formant le tiers de la perception des dîmes, dont le produit sera versé dans la caisse nationale, pour compenser la perte qu'occasionnera, la culture du tabac et la modération de cet impôt, pour satisfaire aux intérêts de la dette du clergé, à ceux de l'indemnité due aux propriétaires de dîmes inféodés ;
2° Contribution annuelle dans la proportion des secours qui seront arbitrés pour le soulagement et les reconstructions des églises et presbytères. Il est sensible que cette contribution doit exclusivement appartenir aux caisses des municipalités, sous la surveillance des assemblées de cercle, et de district ou Canton ;
3° Contribution momentanée, dans le cas seulement où la jouissance des biens du clergé ne
serait pas suffisante pour le traitement des ministres du culte public, et les pensions des
titulaires de bénéfices, et religieux des deux sexes. Cette contribution doit nécessairement
être versée dans la caisse nationale, et décroître annuellement dans la proportion des décès
des religieux et titulaires. J'observerai qu'en évaluant à 20 millions la contribution
permanente pour le soulagement
A cette remise de. moitié de l'impôt,' on peut ajouter un second avantage très-précieux pour les propriétaires sujets à la dîme : on peut consentir, en leur faveur, le rachat sur le pied du denier 20 seulement, et bientôt il serait entièrement effectué.
A la vérité, la moitié de l'impôt de la dîme qui serait suprimée, aurait à supporter une contribution momentanée, proportionnelle à l'insuffisance des biens du clergé, pour l'entretien des ministres des autels, et des pensions qui seront allouées aux titulaires de bénéfices, aux religieux des deux sexes.
Mais cette contribution passagère ne serait pas* de longue durée, et serait d'ailleurs très-modérée; en effet, M. I'évéque d'Aulun estime à 100 millions les dépenses du culte public, y compris les pensions des bénéficiera et des religieux des deux sexes : il annonce qu'à mesure des décès, cette dépensé sera réduite au plus à 85 millions. D'autres personnes pensent que l'estimation de M. I'évéque d'Autun est susceptible de réduction ; mais, pour éviter toute critique, je la prendrai pour base, et j'estimerai la dépense momentanée du clergé à 100 millions, la dépense fixe à 85 millions.
Les propriétés du clergé, autres que les dîmes, sont évaluées par M. I'évéque d'Autun à 70 millions, non compris les quarts de réserve, dont les prix étaient affectés aux réparations : personne n'ignore que ces biens ne sont point à leur valeur, que des contre-lettres, des pots-de-vin, et les jouissances précaires, subordonnées à l'existence des titulaires de bénéfices, déguisent leur véritable produit, et que les assemblées provinciales, en affermant ces biens, après vérification, et à longues années, pour dix-huit ans, par exemple, augmenteront leur produit peut-être du tiers, mais aux moins d'un quart, en sorte que ce produit sera, dans le principe, au moins de 90 millions, non compris les quarts de réserve.
Je n'estimerai point ce dernier article ; je le compenserai avec le produit du prix des ventes des maisons situées dans les villes, avec celui du rachat des cens, rentes foncières, droits féodaux dépendants des biens du clergé, dont lés prix de vente ou rachat sont compris dans les ressources qui seront à la disposition de la caisse nationale, pour accélérer le remboursement des rentes viagères, et la reconstitution de la dette ; dès lors il peut demeurer pour constant que la disposition des propriétés du clergé procurera un revenu réel de 90 millions.
Il y aura donc une différence momentanée de 10 millions entre la jouissance des biens du clergé et les charges dont cette jouissance sera grevée; mais elle décroîtra chaque année; dès lors il est évident qu'après le décès des titulaires de bénéfices et des religieux des deux sexes, la jouissance des biens du clergé sera supérieure de 5 à 10 millions aux charges permanentes qui seront affectées sur ces mêmes biens.
D'après ces bases, je propose d'ordonner : 1® qu'il sera fait par paroisse, ou par arrondissement, une estimation de la contribution des dîmes de toutes sortes dues par les différentes propriétés ; 2° que le remplacement sera fixé à moitié de l'estimation du produit des dîmes, constaté par les estimations, en accordant aux propriétaires
la faculté de l'acquitter, soit en argent, soit en denrées, ainsi que je l'expliquerai en traitant de l'impôt de propriété ; 3° que sur le remplacement de moitié, deux tiers (qui formeront les 40 millions au profit de la nation) seront versés dans la caisse nationale, et que l'autre tiers restera dans la caisse de la municipalité, pour le soulagement des pauvres, pour l'entretien des églises et des presbytères ; 4° qu'en sus de l'impôt de remplacement, ci-dessus indiqué, les héritages sujets à la dîme seront imposés à la taxe qui sera nécessaire pour le supplément du culte divin ; 5° que les propriétaires qui désireront affranchir leurs propriétés de la partie de l'impôt de remplacement destinée pour la caisse nationale en auront la faculté, en versant dans cette caisse le prix de leur affranchissement à raison du denier 20, et seront admis à donner en payement des quittances de rentes viagères, ou des assignations sur la caisse nationale, en échange desquelles ils recevront leurs quittances d'affranchissement de cette partie de l'impôt de remplacement.
Au moyen de ces dispositions, il est sensible que lé décret sur l'abolition des dîmes, sauf le remplacement, sera parfaitement exécuté ; qu'il rédi-mera d'une servitude onéreuse les héritages sujets à la dîme, et qu'il procurera les plus grands avantages aux propriétaires décima-; bles.
art. III.
Des impositions directes, dont l'assiette et le recouvrement seront conférés aux assemblées provinciales, de district et de municipalité.
Ces impositions seront de deux sortes : 1° l'impôt de propriété ; 2' l'impôt personnel, et l'impôt sur les consommations, ou sur les objets de luxe à l'usage des citoyens riches et aisés.
De l'Impôt de propriété.
La taille, capitation taillable et accessoires, les dons gratuits et autres impositions qui tiennent lieu de la taille dans les pays d'Etats, les vingtièmes et les décimes et autres impositions du clergé,
forment un objet de......... 192,175,000 liv.
Par suite de 1a renonciation à toutes exemptions pécuniaires, de la part des classes ci-devant privilégiées, l'Assemblée nationale a consenti, par décret, un accroissement général sur la
masse de contributions, de____ 15,000,000
Ainsi ces sortes d'impositions montent à.................... 207,175,000
Le Roi accordait annuellement une décharge ou modération de.. 7,123,000
Gonséquemment la somme de l'impôt effectif est de........... 200,055,000 liv.
Je me borne à demander un abonnement de la part de toutes les provinces au profit de la
caisse nationalé, dans la proportion de leurs impositions actuelles, montant à la somme fixe
de 200 millions de livres (1).
On ne peut former aucune objection contre une pareille proposition, puisqu'elle procure une modération d'impôt; J'ajouterai qu'elle est d'autant plus favorable que, sur les accroissements du fonds d'amortissement* il sera fait prélèvement de 1 million chaque année, afin de diminuer graduellement l'impôt de propriété, jusqu'à ce qu'il soit modéré à 150 millions ; au moyen de cette remise, l'impôt Sera bientôt égalisé .dans toutes les provinces* il ne tardera pas à être proportionnel a leurs facultés respectives.
Je dois actuellement présenter le mode de perception et de répartition qui me paraît le plus conforme aux principes de l'équité :
1° Les impositions foncières de toute nature, telles que la taille, la capitation taillable
et acces-
8^3,000 , 575,000
30,000,000
11,550,000
Ainsi l'impôt de propriété serait dé 223,159,000 liv. L'impôt actuel, y Compris l'augmën tation consentie pouf raison de la renonciation aux privilèges d'exemption^
est de...........«....;..........200,055,000
Conséquemment l'accroissement serait dé.-------....----.,........:.. 23,104,000
J'ai prouvé à l'article de la dépensé, que lës sommes allouées par M. de Montesquiou, pour les frais d'administration, et de recensement, seraient insuffisantes, et que les provinces seraient forcées, pour y subvenir, d'augmenter leur contribution territoriale de
D'où il suit que lé plan dé M. le marquis de Montesquiou augmenterait réellement l'impôt de propriété de....
18,000j000
41,104,000 liv.
Au contraire, je boriïé l'itnpât de propriété à 2i00 millions, et les provinces doivent retenir sur cette niasse ttlïe Somme equivalénlë â, leur dépënsë ; conséquemment j e demandé aux propriétés 41 millions de moins que M; le marquis de Montesquiou.
soirés, les dons gratuits, dépenses pour les trou* pes, casernes, logements, vingtièmes; décimes du clergé, etc., perçus par les receveurs des imposi* tions et par les trésoriers des pays d'Etats, eerodt réunies en une seule taxe de 200 millions* sous le nom d'impôt de propriété ; laquelle sera répartie entre toutes les provinces, dans la proportion de oe que chacune paye dans l'état présent pour sa part cohtributoire au produit de 207 millions, à quoi s'élèvent les impositions diverses sur les propriétés et la capitation taillable. • : . y; =
2° Los assemblées prbvinciales suivront les mêmes bases pour la répartition de l'impôt de propriété entre les districts dont elles seront composées, et les districts entre les municipalités.
3° Les assemblées municipales procéderont à la répartition de leur abonnement pour l'impôt de propriété entre tous les héritages du territoire, au marc la livre du produit desdites propriétés, sans aucune acception ni exception.
4° Les redevables seront admis à payer leur impôt de propriété, soit en argent, soit en denrées, en prévenant à cet. égard les assemblées municipales j ils auront la même facilité pour l'impôt en remplacement des dîmes.
5° Les assemblées provinciales détermineront chaque année l'emploi des remises et modéra-tisns qui seront accordées à chaque municipalité* et les assemblées municipales en feront la distribution entre ceux qui y auront droit*
6° L'Assemblée nationale fera la répartition entre lesdites provinces de la modération de 1 million par année, qui sëra allouée sur les accroissements du fonds d'amortissement, dé manière à assurer successivement l'égalité des contributions entre toutes les provinces.
Telles sont en substance les dispositions qui me paraissent pouvoir être adoptées pour la répartition de l'impôt de propriété ; des détails plus étendus seraient inutiles : ils sont développés, quant au recouvrement et autres opérations* dans le mémoire qui forine le nQ 12 des pièces justificatives de la motion de M; le baron d'Allarde; sur l'organisation de la caisse nationale* et ses rapports avec les trésoriers des assemblées pro* vinciales.
Il me suffît ici de justifier que l'impôt de propriété sera réellement au-dessous des impositions actuelles sur les propriétés, et que les provinces auront l'assurance de voir successivement décroître cette imposition, jusqu'à cë qu'elle soit réduite à la taxe modérée de 130 millions.
De l'impôt personnel, de celui de consommation* et de l'impôt sur les objets de luxe*
J'ai prouvé dans la seconde pârtié* qiié la somme des dépenses à laquelle il faudra Satisfaire sëra de 466 millions.
Les contributions et les parties des revenus dont j'ai donné l'éiiunieration, procureront 390 miilidhfeij il reste donc à fournir un com-pléfheht dé 76 Millions, et j'observe que cë com-plémënt remplacera 174 millidns d'impôts indirects qui Cesseront d'ëxister. Je propose d'y subvenir par une contribution dë pareille Somme* qui doit naturellement être répartie ëntrë toutes lës provinces, proportionnellement aux avantages quë chacune trouvera dans l'abolition de ces impôts indirects, dont l'immoralité; l'intérêt dë notre balance de. dOmniérdë* Celui dë l'agricul-tUrë ët dë l'industrie provoquent irrésistiblement la proscription absolue.
11 est donc Indispensable de diviser en deui parties la màsse des impôts indirects dont là suppression est déterminée : l'une sera composée dés impôts dont la perception est générale; l'autre des contributions qui sont locales et particulières.
Impôts indirects supprimés au profit de, toutes les proiiiricés.
1° Partie de Vimpôt du tabdb-. La sUpprësSiôn de la vente exclusive sera avantageuse, même aux provinces qui n'en font partie, puisque leur débit et leur eulturè en profiteront! 1) 22,000,000 h
2° Droits de circulation, droits de la marque des fers, droits de fabrication sUr les huiles nationales, droits sut- les boissons dans la communication des pays d'aides, et dè ceux qui n'y sont pas sujets, droits d'abord et de consommation sur le poisson de mer ' la suppression dé ces divers droits intéresse toutes leë provinces ; leur perception est de (2). 8,500,000
3° Droits d'âubaine, droits d'échange, droits d'usage et nouveaux acquêts, droitd'àfflorlissement, dioit de Mtic-flef (S)....-..:....... ;. ; 3,600,000
4° Droits sur lës procédures, supprimés far le décret de la justice gratuite, savoir petit scel, droits de greffe, droits réservés, droits de mutation et de centième denier dés offices (4)...............i...... 6,350,000
5° Droit de la hiarqùe des cdirs,-une des plus accablantes imaginations du génie fistial (5); . 5,850,000
6° Droite de papiërg et cartons, ét des poudres et àmidohs, Con-
A reporter.46,300,000 1.
traires au progrès de l'industrie,
environ (1)................... S,009,000
7" Droits d'inspecteurs aux boissons ;- droits d'inspecteurs aux boucheries; droits de courtiers-jaugeurs; droits réservés, octrois municipaux ; offices supprimés j sous pour livre des droits. qui n'appartiennent point au Roi, le tout y compris les partiës desdits droits abonnés aux divers pays . d'Etats (2).,.................. 27,700,000
Total, m . 76,000,000 liv Irripôts indiréàts supprimés au profit de quélqués provinôès èeulemeiit.
1° impôt de la gabelle, Paris non compris, mais en y joignant les saisies, amendes et confiscations (3).................,..., 64,000,0(10 liv.
2° Droit de.quart-bouillon dans partie de la Ëàsse-Normandie (4). 760,000
3 Droits sur les sëis dans les provinces franches et rédimëes (5) 3,260,000
4° Droits d'aides ët qUëlquels droits locaux, y compris les aidesdU plat payg (6).........................27,710,000
5° Droits de masphariâng, espèce de droits d'aides en Alsace(7) 120,000
6d Droits ae domaines dU Hài-naut (8)........................900,000
7» Formule ou papier timbrédes droits d'didës (9),..,....,. 330,000
8 Abonnement de divers droits
À reporter, i. 97,080,000 liv.
de la Flandre maritime (i)..... 820,000
9° Droits d'aides et domaines de Glermontois (2)............. 100,000
Total...... 98,000,000 liv.
Il suit de cette division que les impôts indirects, qui doivent être compensés par une contribution de 76 millions, montent au total de 174 millions. Trois septièmes du remplacement de 76 millions doivent être supportés par toutes les provinces, au prorata de leurs contributions à l'impôt de propriété, et 4/7 seulement doivent être à la charge des provinces sujettes à la gabelle, aux aides, et autres droits dont la perception n'était point uniforme et générale, eh ayant égard, pour la répartition de ces 4/7 revenant à 40 millions, à la part contributive de chaque province au produit des 98 millions d'impôts indirects, qui seront supprimés à leur profit.
Ces principes posés, je propose de fixer la répartition des 76 millions additionnels à l'impôt de propriété sur les bases suivantes :
1° Les abonnements de 200 millions pour l'impôt de propriété seront augmentés de 36 millions, a titre de compensation des 76 millions d'impôts indirects, supprimés au prbfit de toutes les provinces dont le royaume est composé, et ledit accroissement de 36 millions sera supporté par chaque province, au marc la livre de son impôt de propriété.
2° Par addition à l'impôt de propriété, et en sus de leur part contributoire, dans les 36 millions addisionnels aux termes de l'article précédent, les provinces sujettes aux gabelles, aux aides, et aux droits particuliers dénommés dans l'article des impôts indirets perçus localement, et montant à 98 millions, seront imposées à une contribution de 40 millions, laquelle sera répartie entre lesdites provinces "dans la proportion qu'elles supportent, à raison de l'existence desdits impôts indirects, dont la perception monte à la somme de 98 millions.
La justice de cette proportion est évidente : toutes les provinces profiteront également de la suppression d'impôts indirects, jusqu'à la concurrence de 76 millions : il est donc naturel qu'elles contribuent également au remplacement de 36 millions, qui doit en faire la compensation, et l'on ne peut adopter de base plus équitable que le marc la livre de l'impôt de propriété.
La suppression de près de 100. millions d'impôts indirects n'intéresse que quelques
provinces ; elle ne les intéresse pas dans la même proportion : cette suppression exige un
remplacement de 40 millions : il est donc naturel que chacune supporte l'impôt de
remplacement dans la proportion de la perception actuelle des contributions qui seront
abolies ; et ce sera se conformer au vœu des provinces puisque celles qui sont sujettes aux
grandes gabelles s'empressent d'offrir, pour compensation de leur affranchissement, le
montant de l'impôt modéré; qu'il en est de même
Mais il ne suffit pas de déterminer les bases de la répartition de l'impôt entre les provinces : il faut examiner comment elle peut être faite entre les contribuables.
A cet égard, je demande qu'il me soit permis de présenter quelques réflexions.
L'abonnement pour l'impôt de propriété de chaque province, doit être fixé à peu près dans la proportion des impositions foncières actuellement subsistantes ; mais les compensations des impôts indirects qui viennent d'être indiquées, augmenteront la somme de ces abonnements.
Les assemblées provinciales pourront former une masse de la totalité de ces abonnements, en répartir, sur les propriétés, la somme d'impôt qu'elles arbitreront pouvoir être supportée par la propriété, sans nuire aux progrès de l'agriculture.
Ce qui ne sera pas affecté à l'impôt de propriété, doit tomber à la charge des habitants des villes, et de ceux de la campagne, non cultivateurs ; mais le journalier, habitant de la campagne, doit être affranchi de tout impôt, puisque autrement la propriété serait doublement taxée.
Jr suppose que sur le prix general ments priété. généràl "sollicite la proscription, et montant à 276 millions, deux tiers seront supportés par les propriétés, un tiers par les citadins, capitalistes, rentiers et particuliers non propriétaires. Il est évident que, dans l'universalité du royaume, il y aura à pourvoir au produit de 92 millions, qui seront étrangers à l'impôt de propriété.
Il me semble que : 1° il serait facile par une faible imposition sur les consommations des cam pagnes, en la bornant à des licences ou permissions de cabaret qui seraient fixées par les assemblées provinciales, eu égard à la population, à la richesse, à la situation des campagnes : cet impôt ne serait supporté que par les particuliers qui déclareraient vouloir tenir auberge ou cabaret ; et la répartition de la permission ou licence de cabaret serait faite entre eux par les assemblées municipales ;
2° On peut adopter une capitation qu'il ne serait pas impossible de proportionner aux facultés du citadin, aux bénéfices du commerçant et du citoyen qui vit dans un état lucratif, en la proportionnant aux prix des loyers et des habitations ;
3° On peut déterminer un impôt de consommation sur les denrées amenées dans les villes pour la consommation de leurs habitants, et régler cet impôt par un tarif clair et précis, dont la, perception serait faite aisément a l'entrée des villes : ce moyen serait très-simple» il atteindrait avec certitude le capitaliste et le rentier, puisque l'im--pôt serait acquitté par chaque habitant dans la proportion de ses consommations, et qu'en général les consommations sont proportionnées aux facultés.
Ces trois moyens me paraissent suffisants pour compléter dans l'universalité du royaume, une contribution modérée de 92 millions : si cependant on jugeait nécessaire de les fortifier, on pourrait aisément y parvenir, soit par un impôt ou timbre, soit par un impôt particulier sur la classe des riches et des citoyens les plus aisés.
L'impôt du timbre pourrait être considéré comme une compensation de la justice gratuite, et des sacrifices qu'elle exige.
11 existe un projet qui m'a paru bien conçu :
le droit est tellement combiné qu'Userait proportionnel aux fortunes ; qu'il serait nul pour le pauvre, doux pour le riche, et peu dispendieux dans sa perception : elle n'exposerait à aucune recherche, vérification, pénalité, et serait néanmoins très-obligatoire.
Ce droit n'est pas d'ailleurs aussi généralisé que le projet de timbre envoyé au Parlement en 1787, et qui a été rejeté, comme tortionnaire* plein d'abus et d'injustices.
Le projet de ce timbre, soumis par l'auteur à des personnes très-éclairées, n'a paru fournir matière à aucune objection fondée; il trouve les moyens d'atteindre les capitalistes, sans les assujettir à des surcharges d'impôt: cependant le produit, déduction faite des frais de perception et des traitements des régisseurs, serait au moins de 25 millions.
Il ne resterait donc plus à remplacer que 51 millions de livres par l'impôt personnel et par celui de consommation dans les villes, et ces remplacements seraient effectués facilement, surtout s'ils étaient en partie compensés par un àmpôt particulier qui n'atteindrait que les besoins et la consommation des riches et des aisés.
Cet impôt, auquel on pourrait donner le nom d'impôt de luxe, consisterait à taxer, à l'entrée des villes, les draps fins, les linons, mousselines, soieries et autres marchandises à l'usage des des citoyens aisés ;*à mettre un impôt : 1° sur les domestiques des deux sexes, au delà de la proportion naturelle et convenable ; 2° sur les chevaux de selle et de voiture : ce projet a été conçu par un des honorables membres de l'Assemblée nationale ; et s'il est jugé nécessaire, le tarif peut en être promptement rédigé, les bases en seraient faciles à déterminer.
Tels seront les différents objets de revenu qui feront face à la dépense de 466 millions, y compris le fonds d'amortissement de 50 million savoir :
Bénéfices de "la Banque nationale.......................... 8,000,000 liv.
Produit de la législation des hypothèques........,..,........ 2,400,000
Intérêts des sommes prêtées, produit de la régie des poudres et salpêtres, des monnaies et affinages........................ 3,300,000
Abonnement de la ville de
Paris....... ..........................22,400,000
Produit net des impôts indirects. ...................................114,000,000
Impôt de remplacement des
dîmes......................... 40,000,000
Impôt de propriété.......... 200,000,000
Impôt personnel et de consommation dans les villes, impôt du timbre, impôt sur les objets de luxe pour le riche et le citoyen aisé.......................... 76,300,000
Revenu total égal à la dépense 466,000,000 liv.
Les détails dans lesquels je viens d'entrer, prouvent que le nouveau régime d'imposition sera d'une exécution facile; bien loin d'aggraver les contributions, elles seront sensiblement diminuées; et pour justifier cette vérité, je terminerai ce mémoire par une comparaison sommaire des contributions actuelles, et de celles qui auront lieu dans lé nouveau système.
Contributions actuelles.
Impôt sur les propriétés, y compris les décimes du clergé, mais déduction faite des vingtièmes de Paris. .............. 207,175,000 liv.
Impôt du tabac, déduction faite du prix des tabacs et des
frais de fabrication............ 36,000,000
Régie dés traites, déduction faite des "droits intérieurs et de
circulation.................... 28,750,000 ;
Droits de péages et de minage. 12,000,000 •
Impôt sur les cartes.......... • 1,800,000
Contribution de Paris, déduction faite des frais................25,400,000
Loteries..........-------.... 14,000,000
Postes et messageries .... . 13,100,000
Marque d'or et d'argent...... 800,000
Vente des sels à la Savoie, Ge*
nève, la Suisse et l'Allemagne.. 800,000
Droits de maîtrises..... %... 1,000,000 1
Marc d'or sur les grâces--------1,875,000
Droits de contrôle, des exploits des actes, insinuation, centième
denier, vente de papier timbré. 34,175,000
Impôts indirects, dont la suppression intéresse toutes les provinces sans exception (non compris le tabac,porté ci-dessus), ci. 54,000,000
Impôts indirects, dont la suppression n'intéresse que les pays d'aides, de gabelles, et de
quelques autres provinces..........98,000,000
Saisies, amendes, confiscations et bénéfices de la contrebande,
au moins...........................20,000,000
Total...... 548,875,0001iv.
Contributions du nouveau régime.
Abonnement de l'impôt de propriété........................ 200,000,0001iv.
Impôts indirects, savoir: tabac réduit à 30 sous la livre ; traites à la frontière; droit sur les cartes ; droit de péage; droit de la marque d'or et d'argent; loteries; marc d'or; vente des sels à la Suisse, à l'Allemagne, etc.; droit de maîtrises; droit de contrôle des exploits, des actes, insinuation , centième denier,
vente du papier timbré..,_____ 130,000,000
Droits abonnés à la municipalité de Paris.................. 25,400,000
Remplacement des impôts indirects qui grèvent toutes les
provinces.................... 36,000,000
Idem, des gabelles* des aides, . et autres droits qui n'affectent que quelques provinces........ 40,000,000
Total........ 431,400,0001iv.
Les contributions actuelles sont de....................... 548,875,000
Les peuples seront conséquen-ment soulagés de.........— 117,475,0001iv.
Indépendamment de cette remise, les proprié-
taires bénéficieront de 60 millions, ou au moins de 50 sur l'impôt de remplacement des dîmes; et la caisse nationale jouira d'un fonds d'amortissement de 50 millions/dont les accroissements accéléreront la libération de la dette, garantiront les subsides des.temps de. guerre.
Puissent ces résultats mériter l'attention des représentants de la nation 1 Je désire, comme citoyen^ que mes propositions soient sévèrement discutées. Heureux si j'ai rempli la tâche que je me suis imposée ! heureux si les travaux auxquels je me livre depuis 20 ans peuvent être uti-. les ! Si les moyens que j'indique peuvent contribuer au bonheur de ma patrie* je jouirai de la plus belle récompense qu'un vrai citoyen puisse ambitionner.
OBSERVATIONS IMPORTANTES.première observation. rentes viagères. Si la faculté de leur remboursement n'est pas décrétée ; comment satisfaire à l'accroissement d'une dépense de 50 millionS ?
Dans l'organisation de la dette, je n'ai compris que 55 millions pour l'intérêt des capitaux actuellement constitués en viager, parce tjué j'ai pefasé que la faculté du remboursenlent des rentes viagères serait agréée par l'Assemblée nationale, comme uhe opération fondée en principes d'équité commandée, pour ainsi dirè, par l'intérêt de la balance de notre commerce, et propre à diminuer de 50 millions la charge annuelle de l'Etat; et qu'en niêmë temps j'ai présumé qUe les recettes extraordinaires à verser dans la caisse nationale subviendraient facilement, et concurremment avec les reconstitutions volontaires, au prompt et parfait remboursement des capitaux constitués en viager.
Peut-être objectera-t-on : 1° qu'il est à craindre, que les recettes extraordinaires ne soient pas d'un recouvrement assez préhipt, ptiùr effectuer, à l'instant, le remboursement des rentes viagères; 2° qu'il est possible que l'Assemblée nationale réfuse de dêfcréter la faculté du remboursement j d'où il résulterait quë la dépense serait de 50 millions au-dessUs de mon estimation, et në laisserait aucun revenu librë pour le fonds d'amortissement : je dois prévenir ou résoudre cette objection :
> 1° Je pense qùë, dans dë cas, i& fâctlltê des reconstitutions volontaires de serait point réprouvée; j'estime qu'elles anéantiraient le tiers deS fentes viagères actuellement existantes, ët dette reconstitution ferait bénéficier l'Ëtàt sur ltt inâsSé des rentes viagères de;. 18*000,000 liv.
2° Le fonds d'ataortissenient de 50 millions doit procurer annuellement une diminUtidn dë 2,500,000 livres stir lës intérêts ; si lës rentes viagères subsistent pour deux tiers, lës extitictidhs seront de 1 million par ahnéë; dès lors il suffira d'un fonds d'amortissement de 30 millions, qui ëtéindl-a 1,500,000 livres d'intérêts par année ; ainsi le capital destiné pour l'amortisSeînent serait rédtlit de.: 20;000,000
Total — w r 38>000$090liv. Il n'y aurait donc. à opérer qu'une compensation de....... 12,000,000
Egalité...... 50,000j000liv.
On pourrait ëmplOVer divers moyens pour se procurer eét excédant de revenu de 12 millions :
1 .Liiiiiiatioh du fofids d'amoHisserhent à 18 millions : il se fortifierait annuellement datis là proportion de l'intérêt des capitaux remboursés, et de l'extinction des rentes Viagères ; il në tarderait pas à être suffisant pour le gage des emprunts qu'une gùerre pourrait nécessiter;
2 Si on estimait que la réduction du fonds primitif d'amortissement à 18 millions Serait impoiitique, on pourrait adopter l'impôt du timbre, ou une augmentation de 12 millions, répartie proportionnellement, tant sur l'impôt de propriété, quë sur l'impôt en remplacement des dîmes, et sur l'impôt personnel ou de capitation ; j'obsërvérai que cet accroissement momentané ne Serait pas fort Onéreux, et qu'il devrait Cessër à l'époque où le fonds d'amortissëfliènt serait; par les abcïoissémetiis, porté à la somme de 30 millions.
Ainsi la faculté du remboursement des rentes VlàgèreS qUë je propOSë ; coMme jiisté , comme ùiile, d'est point une" base élémentaire du plan quë j'ai l'honneur de Soumettre aux lumières des représentants de la nation ; il pourrait être exécuté Sans ce seboûrs, et n'en serait pas moins avantageux;
SECONDÉ OBSERVATION. Réflexions sur le plan ou rapport présente par M. le marquis de Montesquioui
L'Assemblée nationale a décrété là suppression des dîmes, qu'elle a regârdëes comme i'iinpôt lé plus onéreux pour les propriétés.
Elle ne S'est point dissimulé quë dé bienfait tournerait au détriment dès peuples, exigerait un accroissement considérable de contributions, si le produit des dîmes n'était pas compensé par un impôt de remplacement équivalent, tant à l'insuffisance des autres biens du clërgé ; pour subvenir à l'entretien du culte public, quë pour les secours des pauvrès,i l'entretien des presbytères et églises.
Par suite de son premier décret sur la suppression des dîifies, l'Assemblée nationale a pensé qu'il était impossible de conserver aù cierge la disposition dé Ses autres biens ; qu(il était convenable d'en confier l'administration aux asséthblêës provinciales, afin d'en, connaître les véritables valeurs, et d'être en état de déterminer la feoihme de l'impôt dë remplacement, qui devait rester à la charge des décimables, pour Subvenir aux dépenses du culte public, à l'intérêt dë la dette du clergé, au secours dès paùyreé, à l'ëtitrétied et aux réparations des églises et presbytères, et finalement pour compenser la thassë des contri* butions que le clergé aurait acquittées, si ¥Më semblée nationale l'avait confirmé dans la jouissance dës biens, dont il avait ëu jùSqii'albfS la libre et entière disposition.
C'ëst de ces bases dont je suis parti potir la fixation dë l'impôt de propriété} pour cellë dë l'impôt de remboursement des dîmes, et de IStl* defflhité qui sera dite aux propriétaires des dîmes inféodées.
J'ai fixé cét impôt Jë remplacement à 40 millions, parce que les propriétaires des héritages sujets à la dune, doivent naturellement supporter :
1° Les intérêts de l'indemnité qui sera due aux
propriétaires de dîmes inféodées. 8,500,000 liv. 2° Les intérêts de là dette du
....»;.-iu.ù.u.. 7*000,000
3° Le montant des dêditheS. 11,500,000
4° La contribution pérsdhpelle . ^ .'.
qu'aurait supportée le clergé.... 13,000,000
clergé..
Total. ...... 40,000,000 liv.
M. le marquis de Montesquiou me paraît être parti d'une base contraire à l'exécution des décrets de l'Assemblée; il est évident qu'il suppose que le clergé sera maintenu dans la disposition des biens dont il a joui jusqu'à présent} puisqu'il ne prend pour base de l'impôt de propriété qué la masse des contributions actuelles, non compris les décimes du clergé ; puisque, dans la dépense, il ne fait point état de la, dette du clergé; puisqu'il annonce que l'accroissement de 30 millions sur l'impôt de propriété t comprend.la capitation que le clergé devra acquitter et finalement puisqu'il déoharge lé clèrgé de tdute Contribution à l'impôt de propriété ; au moyen d'une somme de 40 millions payable dans le terme de quatre années, aveo les intérêts jusqu'à l'époque du payement*
Si cette proposition étàit adoptée, il ferait nécessaire d'annuler le décret portant suppression des dîmes, sauf l'impôt de remplacement ; il serait indispensable de rendre, par un nouveau décret, àu clergé t la disposition de ses biens.
. Dès lofs, les tenstîiciérs sujets à la dîmé seraient frustrés dé la remise de mditié de l'impôt des dîmes qu'ils trouveront aàns l'exécution du plan que j'ài proposé,
, Ce iie. serait point à cette différence que se bornerait celle du plan de M. le marquis de Montesquiou ; j'ài aperçu des insuffisances de dépen-ses, des estimations de recettes forcées que je ne puis me dispenser de présenter*
Recettes forcées i
l6 M. le in^arquis dé Montesquiou estime i*iqi-pôt de propriété, y compris 30 millions d'accroissement, à la somme de....... 211,609,000 liv.
Mais ces impositions ne montent actuellement; y compris l'accroissement de 15 millions consenti par décret^ qu'à .... ; 195*675,000
Il y àiirait ddnc une nouvelle augmentation d'impôt, au préjudice dès propriétés de._____
2" Il évalue le produit de la ferme générale à. ... s......
Mais ce produit ne pourrait s'élever qu'à 79,800,000 livres j savoir : traites y compris les perceptions au profit de la caisse du commerce, et déduction faite des droits sur le sel, au
15,934,000 liVi
91,440,000 liv.
Report.... .4 s
plus........... 25,000,000
Tabac, au moyen de diverses améliorations... 32,000,000
Entrées de Paris non compris les aides du plat pays et au moyen de la moindre consommation au plus,,.,..,,.,... 22,000,000
Vente des sels à l'étranger, environ.., ........ 8,000,000
m
91,440,000 liv.
79,800,000
Ce qui fait une différence de 11,640,000 liv.
3° Il estime le produit de la régie du Glermontois à..,..
Mais il faut en déduire les droits d'aides dans le Glermontois, objet au moins de
4Ô II estime le produit des droits de la caisse de commerce pour une socrimë de..........
Cet objet est compris dans le produit des droits de traités et serait un double emploi..
_5°. IL porte à. 50 millions le produit de l'administration des domaines .......,«'.'.,y..,.-'.'.'
Ce produit au moyen de la suppression des droits sur leâ procédures, n'excéderait pas 45 millibns.......
Différence........
6° Il évalue les droits casuels
à................m
Mais au moyen de la suppression de la -vénalité des charges, les droits dé mutation d'offices, etc., n'existeront plus et le produit des casuels réduit aux droits des maîtrises et jurandes, n'excédera pas*»..,.,
Différence.
107,000 liv. 60,000 636,000
50,û00,00û iiv.
45,000,000 5,00(),000 liv.
3,000,000 liv.
i,odo*doo
. $.000,000 liv.
A reporter i i ai 91 440*000 liv*
Récapitulation des recettes forcées.
1° Accroissement d'impôt sur les propriétés... : i... i i. ; i ; i
2° Recette forcée sur l'estimation de la ferme géhérale. ;... 3° Rëcéttë forcée sur la régie
du Glermontois..............
4° DoUbie emploi de la recette au profit de la caisse du commerce. ......................
5® Double emploie la recette sur l'administration des ao-
maines...... i....................5,000,000
6° Double emploi de la recette sur les droits casuels......... 2,000,000
15*000,000 liv. 11,640*000 60,000
636,000
A reporter...» 35,270,000 liv.i
Report....... 35,270,000 liv.
Il est vrai que le marquis de MontesquioU omet plusieurs articles de recette, dont il faut faire la compensation, savoir : Droits sur les. \
cartes à jouer... 1,500,000
Droits de la marque d'or et d'argent....... 800,000
Accroissement présumable sur î^n^r^l 1a ferme despos- > v 7,100,000
tes et messageries, si on prend le parti de les réunir à la régié des
traites......... 2,900,000
Intérêtsdes sommes prêtées..... 1,900,000
Conséquemment, on peut évaluer les forcements de recette à 28,170,000 liv.
Insuffisance de dépenses.
1° Sur les dépenses imprévues, que M. le marquis de Montesquiou n'estime qu'à 2,400,000 liv.
Et qu'on peut évaluer au dessous de....................... 5,500,000
Insuffisance.f............... $,100,000 liv.
2° Frais de la justice gratuite, qui ne sont estimés qu'à 6 millions, et qui seront au moins de
12 millions.____________________ 6,000,000
3° Dépenses des assemblées nationales et de la caisse nationale, qui ne sont estimées qu'à l,350j000 livres, et qu'on ne peut évaluer au-dessous de 5
millions..................... 3,650,000
4° Insuffisance de la fixation pour les dépenses à la charge des provinces, et frais de recouvrement qui montent actuellement à plus de 32 millions, que j'estime ne pouvoir être au-dessous de 25 millions de livres, et que M. le marquis de Montesquiou n'estime qu'à 7,389,000
délivrés...,.................. 17,611,000
5° Insuffisance sur la fixation des rentes perpétuelles et indemnités......................... 2,702,000
-6° Omission sur les intérêts de là dette non constituée, y compris ceux qui seront dus aux of- . fices supprimés par le décret portant abolition de la vénalité des charges.................... 27,292,000
Total...... 60,355,000 liv.
Récapitulation.
Recettes forcées............. 28,170,000 liv.
Insuffisance de dépenses .... 60,355,000
A reporter...... 88,525,000 liv.
Report....... 88,525,000 liv.
Il faut y ajouter l'intérêt à 3 0/0 du service de 170 millions en billets de la caisse d'escompte, que M. le marquis de Montesquiou emploie à l'extinction d'une partie des dettes criardes,
ci..................................5,100,000
Plus, l'intérêt d'environ 95 millions, à quoi je pense que l'on peut arbitrer l'estimation forcée que donne M. le marquis de Montesquiou au produit de la taxe patriotique , produit que j'estime ne pouvoir être évalué plus de 180 millions.......... 4,750,000 liv*
On peut donc arbitrer qu'il y aurait, entre la réalité et lès estimations données par M. lé marquis de Montesquiou , une différence de...........%..•...•..„.
98,375,000 liv.
Ces réflexions étaient nécessaires, et je les présente, non comme une critique, mais comme justification de la différence qui peut se trouver entre le plan de M. le marquis de Montesquiou et celui que j'ai l'honneur de soumettre aux lum^res de l'Assemblée nationale.
TROISIÈME OBSERVATION Sur la caisse nationale.
Lorsque, par suite des opérations qui m'ont été confiées par le ministre, relativement à la réforme d'une partie des impôts indirects, j'ai recherché les causes du désordre des finances, j'ai reconnu qu'il était principalement occasionné par la confusion des recettes destinées au service des départements, et de celles qui n'ont d'autres motifs que le payement des intérêts de la dette, et le remboursement des capitaux.
Dès lors, j'ai pensé que les recettes devaient être séparées ; que celles destinées pour le trésor royal devaient naturellement être bornées à la forme correspondante aux dépenses à la chargé du pouvoir exécutif ; que le surplus devait être verse dans une caisse nationale, chargée, sous l'inspection des représentants de la nation, de satisfaire aux intérêts de la dette et de pourvoir au remboursement des capitaux.
Cette proposition a été accueillie par le comité des finances (1) ; elle est développée dans l'ouvrage que j'ai présenté^au mois de mai dernier (2) et j'ai fait sentir tons les avantages de cet établissement.
Je me suis de plus en plus confirmé dans l'opinion que cette opération était nécessairement liée à la prospérité durable de l'Etat; et, conjointement avec M. le baron d'Allardè, je me suis occupé de l'organisation de cette caisse.
Dès lors, j'ai pensé que, les fonctions des administrateurs de la caisse nationale devant leur procurer les relations les plus étendues dans l'universalité du royaume, ils pourraient facilement faire le service d'une banque nationale.
Dans cette confiance, j'ai estimé que la caisse nationale pourrait mettre en émission
jusqu'à la
Peut-être cette proposition ne sera pas accueillie ; peut-être l'Assemblée nationale estimera-t-elle qu'une caisse nationale ne doit point se livrer aux opérations commerciales de la banque ; qu'il convient mieux de les abandonner à des actionnaires, même de faciliter une association de caisse d'escompte entre les principales villes du royaume.
Peut-être encore l'opinion mise en avant par M. de Laborde de Méréville aura-t-elle le suffrage de l'Assemblée nationale ; et, dans ces différents cas, il est évident que le. bénéfice de 8 millions, que j'ai mis au rang des revenus de l'Etat, n'existerait pas, puisqu'il appartiendrait aux actionnaires, soit des différentes caisses d'escomptes, soit de la Banque nationale.
Dans cette supposition, il est sensible qu'il sera nécessaire de fortifier la recette jusqu'à la concurrence de 8 millions, et de recourir à cet effet, soit à l'impôt du timbre, soit à un accroissement modéré sur les impositions directes.
Je ne me permettrai pas de réflexions sur le plan offert par M. de Laborde ; c'est à la sagesse de l'Assemblée nationale à décider s'il serait utile et prudent de confier à une compagnie d'actionnaires la masse totale des revenus de l'Etat ; si cette même compagnie d'actionnaires aurait un caractère suffisant pour déterminer les remboursements par la voie de la reconstitution; si on pourrait lui abandonner les recouvrements de toutes les recottes extraordinaires ; sil ne serait pas au contraire plus avantageux de les confier a des préposés qui seront choisis par les représentants delà nation, et qui seraient tenus de rendre compté de leur gestion à toutes les législatures; enfin si le bien du commerce exige qu'il subsiste une association de plusieurs caisses d'escompte, ou s'il est plus utile de réunir le tout à une Banque nationale et exclusive.
J'ai dû me borner à observer que, dans le cas où l'Assemblée nationale n'estimerait pas à propos de charger les administrateurs de la caisse nationale des fonctions de la banque, il serait indispensable de subvenir à un supplément d'imposition de 8 millions.
quatrieme observation. Décrets qui seront nécessaires pour Vexécution du nouveau régime des finances, s'il est agréé par l'Assemblée nationale.
J'ai suffisamment prouvé qu'il était indispensable: 1° d'établir la balance de notre commerce, afin d'obtenir un accroissement de numéraire supérieur à la masse des intérêts ou remboursements dus à l'étranger ; 2° de déterminer les dépenses des départements et de l'administration ; d'organiser la dette, en rendant une justice complète aux créanciers de l'Etat ; de fixer la somme du fonds d'amortissement, destiné, en temps de paix, à la libération, en temps de guerre, aux secours extraordinaires que ces circonstances exigent ; 3* d'ordonner l'établissement d'une caisse nationale, chargée spécialement des recettes, tant ordinaires qu'extraordinaires du payement des sommes qui seront affectées aux
divers départements, aux intérêts de la dette, et de l'emploi du fonds d'amortissement ; 4° d'organiser les recettes et l'impôt de manière à ne rendre nullement problématiques les revenus nécessaires pour subvenir aux dépenses qui seront fixées et déterminées.
J'ose espérer que l'Assemblée nationale décrétera la formation d'un comité choisi tant dans le sein de l'Assemblée, que par section des comités de constitution, de finances, d'agriculture et de commerce, de juclicature, des domaines et du comité ecclésiastique, afin que ce comité soit en état de prendre une détermination générale sur l'ensemble du plan que j'ai l'honneur de soumettre aux lumières, à la sagesse, à la prudence de l'Assemblée nationale, et que l'exécution de ce plan soit conforme aux décrets que sa sagesse a rendus jusqu'à présent pour la prospérité de l'Etat. J'ai observé qu'il serait essentiel qu'un député par province fût choisi pour recevoir de ce comité la communication de tous les objets qui y seraient traités, afin qu'il pût en conférer avec ses collègues et concerter, par ce moyen, la confection du plan général avec toutes les provinces sans exception.
Je crois essentiel de présenter la marche des opérations dont sera chargé ce comité, et l'analyse des décrets que nécessitera l'exécution du plan général.
1er décret, portant abolition des droits de circulation, de
fabrication des huiles, de la marque des fers, et autres droits intérieurs, et promulgation
du nouveau tarif sur les relations de la France avec l'étranger, fixation des droits sur les
marchandises des îles et colonies françaises; règlement sur le commerce de spéculation et de
commission, sur la traite des noirs, le commerce du Levant, celui du Nord, et celui de l'Inde
et de la Chine.
Le comité d'agriculture et du commerce s'en occupe essentiellement, et ce décret important pourra promptement être rendu; il rétablira bientôt la balance de notre commerce, et remédiera aux effets du traité de commerce avec l'Angleterre.
2e décret, portant révocation des règlements qui ont prohibé la culture du tabac en France; encouragement de cette culture ; fabrication exclusive du tabac en faveur de la nation ; prix de vente dû tabac en carottes, en rôles èt râpé, au prix de 30 sous la livre ; liberté absolue de l'usage du tabac en feuilles et à fumer.
Ce décret, utile pour l'agriculture, commandé par l'intérêt de l'Alsace, de la Franche-Comté, de la Flandre, du Hainaut, de l'Artois et du Gambrésis, fortifiera la balance de notre commerce de plus de 15 millions. .
3e décret, portant suppression absolue de l'impôt de la gabelle, droit de q;uart-bouillon, et généralement de tous les droits perçus sur le sel dans les provinces franches et rédimées. Ce décret doit en mêm temps prescrire les dispositions propres à prévenir tout monopole sur le sel, à le maintenir aux prix d'achat et de transport dans des magasins publics, sans aucun exclusif, avec la simple rétribution nécessaire pour l'entretien des magasiniers; il doit ordonner les précautions convenables pour que les magasiniers ne soient jamais approvisionnés que de sel ayant au moins deux ans de fabrication; disposition essentielle pour la bonté des salaisons.
4« décret, portant établissement de la caisse nationale, du nombre de ses administrateurs, et de ses fonctions. L'utilité, les basés de ce décret sont détaillées dans le n° 12 des pièces justificatives de la motion de M. le baron d'Allarde; je ne m'étendrai point sur cet article.
5® décret, qui accorde aux administrateurs de la caisse nationale, la faculté d'appeler à remboursement les rentiers viagers, sôit par le remboursement effectif, soit par la conversion volontaire des rentes Viagères en assignations sur la caisse nationale, portant intérêt à 50/0 sans retenue ; avec réserve expresse de maintenue dans la jouissance des rentes viagères, en faveur des citoyens auxquels cette ressource est utile et nécessaire.
6e Décret, qui autorise les administrateurs de la caisse nationale à la liquidation de tous les titres de créances non Constituées, et à leur payement en assignations sur la caisse nationale portant intérêt à 5 0/0 Sanâ retenue : j'observe qu'au nombre de ces créances, on doit comprendre les finances des offices de judicature et autres supprimés par le décret portant abolition de la vénalité des charges, les intérêts arriérés^ les sommes dues par les départements, lés anticipations, fonds d'avances, cautionnements, finances de comptables, capitaux des emprunts à termes fixes, et finalement tous les capitaux de la dette non constituée, sans aucune réserve ni exception.
7e décret, d'une nouvelle législation sur lès hypothèques, dont tous les avantages pour le déf )iteur et son créancier sont Complètement démontrés dans le h° 11 des pièces justificatives de la motion dé M. le baron d'Attardé^
8e décret, donnant autorisation aux administrateurs de la caisse nationale, de procéder à la liquidation dès comptes des receveurs de consignations, commissaires aUi saisies réelles, et de tous séquestres, et dépositaires, par autorité de justice; et portant règlement sur les dépôts de toutes sortes, sur les deniers de mineurs et des substitutions, avec attribution d'un intérêt en faveur de ceux qui auront droit aux dits dépôts t lés bases de ce décret sont expliquées dans le eFÎï dès pièces justificatives de la motion de M. le baroû d'Allarde.
9e décret, donnant pouvoir aux administrateurs de la caisse nationale de procéder, de concert avec lès assemblées provinciales, à l'aliénation des domaines et bois de la couronne, sous les conditions énoncées au nQ 10 des pièces justificatives de la motion de M. le baron d'Allarde.
1ÔB décret, donnant pouvoir aux administrateurs de la caisse nationale de procéder à l'aliénation 1° des domaines et bois des apanages: 2® des maisons situées dans les villes appartenant aux fabriques, hôpitaux et communautés, à là charge qUe le prix desdites aliénations Sera versé dans la caisse nationale, qui tiendra coriipte aux princes apaUagistes, aux hôpitaux, fabriques et communautés, de l'intérêt, à 4 0/0, du montant desdites aliénations.
11® décret, donnant pouvoir aux admistrâteurs de la caisse nationale : 1° de précéder à l'aliénation des monastères et enclos dès Villes, qui ne
seront point utiles ; 2e de procéder à la liquidation des droits féodaux dus aux biens ci-devant possédés par le clergé» ensemble de ceux dus aux hôpitaux, fabriques et communautés, avec faculté de recevoir le rachat desdits droits féodaux, sous la condition de payer aux fabriques, hôpitaux et communautés, l'intérêt à 4 0/0 desdits rachats.
12® décret, donnant pouvoir aux administra* teurs de la caisse nationale de procéder, concur* remment avec les assemblées provinciales, à la liquidation, des droits féodaux dus aux divers propriétaires de terres, à la charge : 1° que les--aits propriétaires seront payés sur les caisses des assamblées provinciales au revenu annuel qu'ils retirent desdits droits féodaux ; à la déduction des trois vingtièmes, pour leur part contributoire à l'impôt de propriété; 2° que le capital de leur liquidation sera spécialement affecté sur le fonds d'amortissement de la caisse nationale; 3° que les redevables desdits droits acquitteront leurs redevances à la caisse de leurs municipalités, jusqu'au remboursement qu'ils auront la faculté d'effectuer à leur volonté en une ou plusieurs parties, ainsi qu'ils le jugeront convenable.
13® décret, portant abolition de l'impôt des dîmes soit ecclésiastiques, sôit inféodées, dans l'universalité du royaume, et déterminant l'impôt de remplacement, dans la proportion de moitié du produit brut des dîmes, ou des trois cinquièmes du produit net que retirent les titulaires des biens ecclésiastiques, et les propriétaires des dîmes inféodées; à la charge : 1° qu'il Sera fait, par les assemblées provinciales et municipales, estimation du produit des dîmes supportées par chaque propriété, afin d'asseoir l'impôt de remplacement dans les proportions qui viennent d'être indiquées: 2°' que les deux tiers de Cet impôt de remplacement seront destinés pour la caisse nationale, et acquittés avec l'impôt de propriété, jusqu?à l'époque à laquelle les propriétaires jugeront à propos d'en effectuer le rachat, qu'ils seront autorisés à faire sur le taux du denier vingt; 3° que l'autre tiers de l'impôt de remplacement appartiendra à la caisse de la municipalité, pour former un fonds de réserve, tant pour les secours et soulagements des pauvres que pour l'entretien, les réparations et reôonstructions des églises et des presbytères ; 4* qu'il sera fait état des produits des dîmes inféodées, que le capital de ce produit sera fixé au denier 25, et affecté sur la caisse nationale ; x5° que les propriétaires de dîmes inféodées recevront sur la caissé provinciale de leur ressort, à titre d'indemnité, et jusqu'au remboursement du capital de ladite indemnité, un produit égal à celui qui sera fixé par la liquidation des dîmes perçues à leur profit, à la déduction néanmoins de trois vingtièmes, pour leur part contributoire à l'impôt de propriété.
14® décret, portant fixation du fonds d'amortissement, et détermination de l'emploi qui en sera fait par les administrateurs de la caisse nationale, tant en temps de paix qu'en temps de guerre.
15® décret, portant fixation de la dépense des divers départements, de celles d'administration intérieure, des pehsions et autres articles de dépenses étrangères à la dette ; disposition de ces dépenses par les administrateurs de la caisse
nationale, conformément à l'état qui en sera arrêté par l'Assemblée nationale, sans pouyoir les çxDéder spus quelque cause et quelque prétexte que ce soit ou puisse être.
16* Décret, portant fixation de l'impôtde propriété, à la somme de 200 millions; répartition de cet impôt entre les départements, qui seront arrêtés, au prorata de leurs contributions actuelles , en tailles et accessoires, vingtièmes et autres impôts sur les propriétés ; répartition de l'abonnement de chaque département entre les différentes municipalités dont il sera composé* répartition de l'abonnement de chaque municipalité entre tous les héritages du territoire, sans aucune exception, et proportionnellement à leur produit effectif.
17e décret» portant établissement d'un impôt personnel ou de capitation du produit net de 36 millions pour la caisse nationale, à titre de remplacement : 1? de la modération de l'impôt du tabac; 29, des droits de circulation; 3° des droits d'aubaine, d'échange, amortissements; francs-fiefs, droits sur les procédures et droits casuels dès offices ; 4° du droit de la marque des cuirs ; 5° du droit des papiers ét cartons ; 6° du droit des poudres et amidons; 7® des droits d'inspecteurs aux boissons, inspecteurs aux boucheries, droits réservés, etc.; lequel abonnement de 36 millions sera réparti entre toutes les assemblées provinciales, au marc la livre de leur impôt de propriété : répartition par les assemblées provinciales entre les différentes municipalités ae leur ressort : répartition dudit impôt par les assemblées municipales entre tous les citoyens, dans la proportion de leur aisance et de leurs facultés.
J'observe que les journaliers ne devront point être taxés à l'impôt personnel, non plus que les artisans non propriétaires, à moins qu'ils ne le requièrent, afin d'acquérir la qualité de citoyens actifs.
18 décret portant établissement d'un impôt de 40 millions, en remplacement dé la gabelle ; du droit de quart-bouillon ; des droits sur les sels dans les provinces Tranches et rédiméës ; dès droits d'aides ; des droits de masphaneng en Al-Sàçe ; des droits de dorpaine dq Hainaut ^ de ceux abonnés à la Flandre m||plmfîi ; èt des droits d'aides d^ns le çrerqaQntois ; lequel impôt de remplacément séria réparti entre chaque province, au prorata de la somme d'impôts que chacune supporte, pour raison de la perception des droits énoncés au présent article.
Nota. Chaque assemblée provinciale ou de département hura, Jâ faculté q'étaplir» pbur subvenir à son abonnement des droits de consommation à l'entrée des villes, des licences ou permissions de cabaret dans ies campagnes; à l'instar des Etats de Bretagne pour les devoirs, dès Etats de Langjiedoc pour les équivalents, etc.
Ces impôts, bien combinés, seront un sûr inoyeh d'atteindre les rentiers, les capitalistes, et les citoyens non propriétaires.
19* décret, portant suppression pure et simple des droitB de péage et de minage, perçus dans toute 1-étendûe du royaume, au profit du domaine, des engagistes, du clergé et des communautés ; même suppression, à la charge de l'indemnité desdits droits jtppartepaiit aux différent^ particuliers, et remplacement par un droit uniforme de
péage général par terre, et de navigation sur les rivières ; d'une perception facile, sans visites ni retards, d'une quotité trop faible pour influer sur le prix des transports, et propre à diminuer Pimpôt de remplacement des corvées ; à contribuer au meilleur entretien des routes ; liquidation sur le taux du denier vingt dés droits de péage et de minage appartenant aux particuliers* déduction faite des charges dont ils sont tenus, avec jouissance jusqu'au remboursement de l'intérêt du capital liquidé à raison de 4 0/0, sur lequel intérêt retenue sera faite auxciits propriétaires des trois vingtièmes pour leuF part Contributoire à l'impôt de propriétaire.
20* décret, portant réunion des postes et messageries à la régie chargée de la perception des droits de traites; fixation des administrateurs et de leurs traitements.
Nota. Cette réunion opérera une très-grande économie sur lès frais d'administration, une bonification sur les produits de cette fermé ; elle arrêtera la fraude qui se commet par les courriers et les messageries, fraude non moins préjudiciable aux manufactures nationales qu'aux intérêts du fisc.
21e Décret, portant règlement pour la perception dil droit sur les (cartes à jouer, par abonne* ment avec les fabricants ; et restitution des droits sur les parties exportées à l'étranger.
22e décret, portant règlement sur la perception du droit de la marque d'or et d'argent, par abonnement avec le corps des orfèvres, et restitution du droit sur les ouvrages d'orfèvrerie exportés à l'étranger.
23e décret, portant fixation des droits de contrôle dés exploits, contrôle des actes, droit d'insinuation, centième denier, et Vente du papier timbré dans ^universalité dii royaume i révocation des abonnements d'exemptiop, et modération desdi's droits sur les conventions du pauvre ou du citoyen peu fortuné.
Nota. Ce décret est très^lmportant; il rectifiera l'odieux et leâ extinctions données la perception des droits originaires.
24e décret, portant conversion des droits de réception des jçrpdes et rçmîtripes, en un droit annuel proportionne aux facilites des artisans, et fixation de la r$gi§ dudit droit,
?5epÉÇRET, portant règlement pqpr la perception du drçit de marc d'or sur les grâces, pensions, commissions, etc., et nxatîftn dudit droit,
Tels sqnt en substance les différents décrets donï le conute d'impositions aura à p'ppçqpef pour l'exécution du nouveau régime des finances : leur ensemble présente Un travail très-étendû, mais il sera facile ; et,si l'Assemblée nationale consent à m'admettre aux travaux de ce comité, je m'estimerai peureux de contribuer, autant qu'il dépendra de moi, à la prompte confection dè ses opérations ^"je m'empresserai de témoigner, par mon zèle et mon assiduité, le désir que j ai de repondre à la confiance dont auraient bien voulu m'honorer les augustes représentants de la nation»
De la restitution du comté Venaissin, des ville et Etat d'Avignon ; motion imprimée sous l'autorisation de l'Assemblée nationale, par son décret du 21 novembre 1789; par Charles François Bouche, avocat au parlement, député de la sénéchaussée d'Aix, et membre de l'Assemblée nationale.
Les instructions dont je suis chargé, me font un devoir de solliciter une loi qui rende pour toujours au comté de Provence, et qui, par lui, réunisse à la France, le comté Venaissin, les ville et Etat d'Avignon. Cette loi est digne de la souveraineté que l'Assemblée nationale exerce; et ma motion est d'autant plus digQe de son attention, qu'elle touche tout à la fois aux domaines et aux finances, à la distribution du royaume et à la constitution.
Tels sont les grands points de vue sous lesquels on doit considérer la demande que je vais faire de la restitution du comté Venaissin et de l'Etat d'Avignon.
Ce riant, ce fertile, ce délicieux pays (1) qui vaut lui seul une province, fut enlevé à la Provence, et aux rois de France, successeurs des comtes souverains de cette province, dans un temps où les papes distribuaient les couronnes et les anathèmes, et tenaient la plus grande partie de l'Europe asservie sous le joug de la terreur et de la superstition.
Depuis CharlesVili jusqu'à Louis XV (2) le comté Venaissin et ses dépendances ont été réclamés avec les autres domaines ; ils ont été pris, cédés, repris, et jamais conservés. Des ambassadeurs maladroits, des ministres corrompus, des rois faibles ou mauvais politiques, ont toujours livré à l'astucieuse cupidité de la cour de Rome un domaine dont il n'était pas en leur pouvoir de disposer.
La question que cette aliénation présente touche au droit public ; mais, pour la traiter d'une manière moins aride, je la discuterai par les faits. Je rappellerai ceux qui sont les plus essentiels à connaître, et la question de droit sera ainsi décidée d'elle-même.
chapitre premier. Faits préliminaires.
Vers l'an 1266, Charles Ier, de la maison d'Anjou, frère de
Louis IX et comte de Provence, devint roi de Naples. On sait les moyens qu'il employa pour
avoir cette couronne. Ceux que les papes Urbain IV et Clément IV employèrent pour la lui
procurer sont également connus. On n'en lit les
détails qu'avec des sentiments d'indignation et d'horreur.
Pour s'assurer le royaume de Naples et de Sicile, et l'assurer à ses successeurs, Charles soumit son nouvel Etat à un cens annuel de 40,000 florins envers le Saint-Siège ; il s'en déclara le feudataire, et s'obligea de présenter annuellement au pape une haquenée blanche (1). Il soumit ses successeurs à cette redevance.
Depuis le moment où Charles devint roi de Naples, jusqu'au règne de Robert, l'un de ses successeurs, il se passa près d'un siècle en troubles, en guerres, en combats entre l'Espagne et les princes héritiers deConradin, dernier et véritable maître du trône de Naples et de Sicile, juridiquement assassiné par Charles.
Robert monta sur le trône au milieu du cahos politique du midi de l'Europe. Il n'avait que deux petites filles, Jeanne et Marie. Jeanne fut son héritière du trône de Naples et de Provence. Par son testament, il lui défendit toute espèce d'aliénations; il déclara nulles celles qu'elle pourrait faire, et continua en faveur de Marie la substitution qui était dans sa maison depuis 1309.
A l'âge de neuf ans, Jeanne avait épousé André, à peine âgé de sept ans, et frère de Louis, roi de Hongrie.
Après la mort de Robert, la mésintelligence se mit bientôt entre ces deux époux. Le dégoût, de la part de Jeanne, suivit la mésintelligence, qui fut bientôt remplacée par la haine. André, à peine âgé de 19 ans, fut trouvé étranglé dans sa chambre. Jeanne fut accusée de cet assassinat. Louis, roi de Hongrie, entra dans le royaume de Naples, pour venger la mort de son frère, à la tête d'une armée pénétrée de sa fureur et précédée d'un suaire, qui lui servait d'étendard, sur lequel André était peint étranglé.
Jeanne prit la fuite et vint en Provence, où elle fut enfermée à Cbâteau-Arnoux.
Le grand schisme d'Occident avait occasionné la translation du Saint-Siège à Avignon depuis 1305. Clément VI était alors pape. Ce fut à lui que Jeanne, à peine âgée de 21 ans, eut recours en 1348.
Escortée de gardes nombreuses, elle partit pour
Avignon où Clément VIrésidait. Elle avait besoin d'absolution, si elle était coupable; il lui fallait une attestation qu'elle ne l'était pas. Reine, jeune, belle et infortunée, Jeanne osa espérer tout cela de Clément VI.
chapitre II. Aliénation de la ville et de VEtat d'Avignon.
Jeanne, imprudente, sans expérience et très-peu économe, était restée en arrière du payement de deux années de cens, pour le royaume de Naples. Clément VI profita habilement au caracr tère séductible- et des malheurs de son illustre prisonnière, pour l'amener à ses fins ambitieuses.
Il lui proposa de lui céder la ville et l'Etat d'Avignon pour la somme de 80,000 florins d'or de Florence qu'elle devait au Saint-Siège, pour deux années d'arrérages de la cense du royaume de Naples. A ce prix, il lui promit sa protection, la liberté, l'absolution, et une attestation publique d'innocence. Jeanne y consentit.
Clément VI était d'autant plus coupable dans ses vues intéressées, qu'il connaissait parfaitement le testament du roi Robert, la substitution de 1309, la prohibition d'aliéner que ce testament renfermait ; que lui-même avait publié des bulles pour annuler les aliénations que Jeanne n'avait cessé de faire depuis environ deux ans, et que, pour arrêter les funestes effets de ses dissipations, et rétablir l'ordre dans les affaires du royaume de Naples, il avait forcé la jeune reine de recevoir de ses mains un ministre-conseil.
Que fit-il pour obvier aux reproches que son siècle et la postérité pourraient lui faire sur cette manière de tromper une femme, une jeune rèine dans les fers, une mineure qui ne pouvait pas vendre; ni à cause de son âge, ni à causé du testament de soa aïeul, ni à cause de la substitution dont sa couronne de Naples et de Provence était grevée ?
Il savait bien que la ville et l'Etat d'Avignon ne lui devaient rien pour la ce'nse illégitime du royaume de Naples; il savait bien que dans le système féodal, il ne pouvait recourir que sur les terres du royaume de Naples, Que fat donc le pape Clément? le voici.
Il fit signer, en 1348, à Jeanne, un contrat par lequel il était dit qu'elle lui vendait, pour le prix de 80,000 florins d'or de Florence, les ville et Etat d'Avignon.
Si ce contrat renferme une vente, il est nul; s'il renferme un engagement, il est sujet au droit de rachat; c'est le jugement qu'en ont porté les publicistes judicieux et les bons historiens.
Ainsi, pour 80,000 florins non comptés et représentés aujourd'hui par 126,800 livres à o3,400 livres par an, le pape Clément étendit son domaine du comté Venaissin, enclavé entre le Dauphiné, le Languedoc, la principauté d'Orange, et la Provence.
Comme Jegnne s'était remariée d'abord après la mort d'André, avec Louis de Tarente, prmce d'un grand nom, mais sans fortune, elle fit approuver la vente ou la cession par celui-ci, qui prit le titre de comte de Provence, et qui, cependant, ne l'était pas (1).
Clément VI, sentant que le prix stipulé dans le contrat était de beaucoup inférieur à l'objet cédé, se fit faire donation de la plus-value, par de belles paroles que Jeanne certainement n'avait pas imaginées, qui ne convenaient point à sa situation, et qui respirent le style bul-laire (1).
Pour donner à son acquisition toute l'authenticité possible, ClémèntVI eut recours à un autre moyen.
Comme les empereurs d'Occident se prétendaient seigneurs suzerains de la Provence et de toutes ses dépendances, il s'adressa, dit-on, à Charles IV, alors empereur, qui, flatté de cet hommage, lui céda tous ses droits imaginaires sur la ville d'Avignon et ses annexes. On ne retrouve cependant aucune preuve irréprochable de cette cession mendiée.
Cette vente déplut tellement aux Provençaux, que tous les monuments du temps l'appellent malheureuse et maudite. Les habitants d'Avignon eux-mêmes refusèrent de prêter hommage à Clément VI. On les aliéna sans les consulter; sans les consulter on peut les reprendre.
Jeanne, ayant signé le contrat, fut déclarée innocente, et partit pour la Provence. Elle ne tarda pas à faire de nouvelles aliénations ; Clément VI les déclara nulles, ainsi que toutes celles que cette reine, toujours intéressante, même dans ses égarements, et toujours mal conseillée, avait faites avant et après 1348, de manière que par le propre fait de l'acquéreur, l'aliénation des ville et Etat d'Avignon fut reconnue et déclarée nulle.
chapitre III. Moyens contre cette vente ou cet engagement.
Les moyens contre cette vente ou cet engagement sont en grand nombre :
1° En 1309, Charles II, comte de Provence, substitua les ville et Etat d'Avignon à tous les descendants mâles de ses fils, dont la race ne s'est éteinte qu'en 1414 ;
2° En 1343, Robert, son successeur, et aïeul de Jeanne, fit la même substitution à Marie, sœur de Jeanne, et à ses descendants, à perpétuité;
3° D'après le testament de Robert, auquel elle succéda, toute espèce d'aliénation était défendue à Jeanne;
4° Cette reine était mineure lorsqu'elle fit celle de l'Etat d'Avignon;
5° Elle était dans les fers;
6° Elle était dépendante du pape ;
7° L'acte d'aliénation renferme un simple engagement soumis à la loi perpétuelle du rachat : Charles IX, Louis XIV et Louis XV ne l'ont pas jugé autrement;
8° Les ville et Etat d'Avîgnon n'étaient soumis à rien envers le pape, à cause du royaume de Naples;
9° Clément VI savait que Jeanne ne pouvait pas aliéner;
10° Avant et après 1348, ce pape astucieux annula toutes les aliénations qu'elle fit, sous peine d'excommunication contre les détenteurs des biens vendus et aliénés ;
11° Il est dit dans le contrat, que Jeanne
reçut SO?OOQ flqriDs, et cependant tous les mo-? numênts du temps nous attestent qu'il ne fut fait entre elle et le pape qu'une compensation avec ce qui était dît à celuirci en arrérages de la cense du royaume de Naplés.
CHAPITRE IV. Aliénation du comté Venaissin.
L'aliénation du comté Venaissin eut une autre cause; le contrat de 1348 en fut une extension.
Le comté Venaissin fut un démembrement du comté de Provence. Le premier passa, à temps, dans la maison des comtes de Toulouse ; et après une longue chaîoe d'événements dont le détail serait inutile ici, Louis IX et les papes en disposèrent, au mois d'avril 1228, comme d'un domaine sur lequel ils avaient des droits.
Raymond VI, Oomte de Toulouse, fut accusé d'être le partisan de l'hérésie des Vaudois. Les rois de France et les papes lui déclarèrent la guerre, le dépouillèrent, et lui firent bailler le fouet par les mains du légat Milon, à la porte de l'église de Saint-Gilles, dans le Languedoc.
Cela fait, le pape et Louis IX, alors âgé de quatorze ans, mais dirigé par sa mère, régente du royaume, se partagèrent les terres du malheureux Raymond, dans l'église Notre-Dame de Paris.
Louis IX, comme le plus fort et comme vainqueur, se réserva toutes les terres en deçà du Rhône, lesquelles eurent l'application dont l'hisr toire parle. Le pape eut le comté Venaissin pour , avoir fourni des prédicateurs contre les Vaudois, ce fut là son titre ; il n'en eut pas d'autres, à moins qu'on ne fasse article des excommunications.
* Une partie de ces faits se rapporte à Raymond Vil, fils de Raymond VI,
chapitre V. Moyens contre les papes, au sujet de leur posses-. sion au comté Venaissin.
D'après le rapport de tous les bons historiens, l'accord ou le contrat de 1228, fut une œuvre de violence et d'iniquité. Elle se purifia du côté des rois de France, parce qu'un droit de suzerain, soutenu les armes à la main par le plus fort contre le plus faiblé, et un mariage, leur transmirent le Languedoc ; mais du côté des papes, la possession du comté Venaissin a conservé toute l'impureté de sa source.
1° Raymond VI n'était point libre}
2° En remettant aux papes le comté Venaissin, il donnait irrévocablement ce qu'il n'avait que précairement et sous condition ;
3° Le contrat de 1228 est appelé, par plusieurs écrivains, contrat de donation et de libéralité ; or, Raymond VI et Raymond VII n'étaient pointasses riches, ils n'aimaient pas assez les rois de France et les papes, pour leur faire des libéralités.
4° Ce contrat expoliatif ne fut que l'effet des excommunications; il fut une confiscation arbitraire;
5 Le pape ne reçut le comté Venaissin que comme un dépôt ; car après Honorius III, le fondateur de l'inquisition, et, sous ce titre, l'ennemi du genre humain, les papes Grégoire IX, Céles-tin IV ét Innocent IV furent les seuls à en jouir paisiblement. En 1243 on contesta au Saint-§iége la légitimité de sa possession.
6 En 1233, Louis IX et la reine Blanche sa mère sollicitèrent Monsu l'Apostoloi (i), Grégoire IX, de restituer le comté Venaissin à Raymond VII.
7° Il existe des lettres dans desquelles ce pape répond qu'il ne peut pas restituer encore le comté Venaissin, parce qu'il n'est pas bien assuré de la foi catholique de Raymond ;
8° L'empereur Frédéric II, auquel Raymond eut recours, le releva de sa donation, et l'autorisa à recouvrer sur le pape le comté Venaissin, comme faisant partie de la Provence, dont il se prétendait haut suzerain ;
9° Muni de la bulle de Frédéric, Raimond partit pour Rome, et alla demander au pape la restitution de son comté, représenta que son pèré ne lavait mis qu'en dépôt dans les mains des souverains pontifes ; que le contrat de 1228 n'avait été que l'effet de la contrainte. Le pape Innocent IV, édairé et juste, lui restitua son comté en 1243, déclarant (jue véritablement le comté Venaissin n'avait été remis au Saint-Siège que comme un dépôt qu'il était obligé de rendre h son maître légitime,
10° Après cette déclaration d'innocent IV, Raymond retourna dans le comté Venaissin, et y nt des actes de souveraineté.
11® Enfin, en 1273, Grégoire X eut un chapelain, nommé Guillaume de Mâcon, auditeur général du palais apostolique, intrigant, adroit, qui, faisant parler la religion à son gré, engagea Philippe le Hardi, roi de France, à céder au pape le comté Venaissin. Cette cession fut sans cause, et Philippe ne pouvait pas la faire (2).
12° Depuis 1243 jusqu'en 1273, les papes n'ont fait aucune réclamation.
13° L'histoire nous fournit plusieurs preuves du droit de réversion du comté Venaissin aux comtes de Provence. Je ne citerai que celle-ci ?
Jeanne, comtesse de Toulouse, mourut sans enfants; Charles, comte de Provence, était son héritier légitime ; le comté Venaissin lui revenait de plein droit, et comme héritier,, et comme plus proche parent, et comme comte de Proyence dont le comté Venaissin faisait partie. Mais, pendant son séjour à Naples, le pape vint à bout de se l'approprier? et en dédommagement il envoya à Charles des brefs et des bénédictions.
14° 11 avait été arrêté, en 1125, entre Raymond Berepger, comte de Provence, et Alphonse, comte de Toulouse, que les terres de Provence ne seraient jamais aliénées, et qu'elles retourneraient tbu«! jours aux légitimes néritiers. Quels étaient ces héritiers? Les comtes de Proyence.
Tel est, à peu près, le texte des principales rai* sons que l'on peut alléguer contre la possession où les papes sont du comté Venaissin, et des ville et Etat d'Avignon.
Nulle cause utile, nul prix ; droit public, testaments et contrats violés. Tels sont les moyens qui souillent cette possession.
Je sais bien qu'on opposera le long cours des années qui se sont écoulées depuis 1 aliénation, et qui paraissent l'avoir légitimée. Je vais tâcher de répondre, par les faits suivants, à cette objection, la seule qu'on puisse faire. %
CHAPITRE VI. Réponse à l'objection précédente.
Nous tenons pour maxime en France que les domaines de la couronne sont inaliénables, autrement que par le fait de la nation, et que dans tous les temps, celle-ci peut les réclamer, lorsqu'elle n'a point accédé à leur aliénation.
Nous tenons encore pour maxime qu'une ville, une province, ne peuvent être échangées, vendues ou cédées sans leur consentement.
La nation provençale ne fut point appelée à l'aliénation du comté Venaissin et de l'Etat d'Avignon ; les Comtadins et les Avignonais ne consentirent point à la cession qui fut faite en 1228, 1273 et 1348 de leurs personnes et de leur territoire ; donc cette aliénation et cette cession sont restées nulles et sujettes à la révocation.
Il est de fait que depuis 1233 lès monarques français se sont plaints de l'aliénation des terres que les papes possèdent aujourd'hui entre la Du-rance et le Rhône. Mais toujours mal conseillés par des ministres ignorants ou perfides^ toujours mal servis par des négociateurs peu intelligents ou corrompus, ils n'ont jamais pu parvenir au point de conserver le plus beau, le plus riche pays des contrées méridionales, celui où l'industrie, les arts, le commerce, l'agriculture fleuriraient le plus, si l'empire des célibataires n'était pas dépopulateur, s'il n'énervait pas le physique et lé moral, si l'aristocratie de la noblesse n'y taisait pas sentir, plus qii'aiileurs, la pesanteur des chaînes dont elle avait chargé les peuples et dont enfin ceux de la France viennent de se délivrer; événement célébré pour les annales du monde, consolant pour rhutnanité, et auquel il est juste que le- roi de France, comte de Provence, fasse participer son peuple du comté Venaissin et de l'Etat d'Avignon,
Louis Xlf et Henri IV étaient bien capables de sé faire restituer ces belles coptrées si illégalement aliénées; mais distraits par de longues guerres et de grands malheurs, intéressés même dans des affaires dont la poursuite les obligeait de ménager la cour de Rome, l'un et l'autre perdirent facilement de vue cet objet. La restitution du comté Venaissin et de l'Etat d'Avignon était réservée pour le règne de Louis XIV. Voici ce qui y donna lieu :
Dom Mario, frère du pape, piqué de ce que le duc de Gréqui, ambassadeur extraordinaire à Rome, ne lui rendait pas tous les honneurs qu'il croyait mériter, lé fit insulter par la soldatesque papale; un de ses pages fut tué, un de ses domestiques blessé, plusieurs coups de mousquet furent tirés sur le carrosse dans lequel |1 était; samaison fut assiégée. Ceci se passait en 1662.
Cet attentat irrita avec raison Louis XIV, qui dut s'attendre à une réparation, et qui la demanda. La cour de Rome employa sa ressourcé ordinaire : les refus, les promesses, les lenteurs et les vederemo.
Louis XIV ordonna alors au parlement de Provence de réclamer l'Etat d'Avignon et le comté Venaissin. Le vice-légat fut sommé d'exhiber les titres en vertu desquels le pape possédait ces
'assemblée du Pont-de-Reauvoisin ne put rien terminer ; Rome était toujours orgueilleuse et Louis XIV toujours inflexible. Alors, par ordre du roi, le "parlement fit arrêt et réunit à la Pro-yence l'Etat d'Avignon et le comté Venaissin. Ils
furent rendus bientôt après et il est incontestable que Louis XIV n'avait pas le droit de lès restituer.
Sous le pape Innocent XI, en 1688, le roi s'en saisit encore; il les rendit à Alexandre VIII.
Sous Louis XV, en 1769, une offense d'un autre genre les fit reprendre; les lois françaises y furent promulguées ; des tribunaux judiciaires y furent établis ; Rome se mit à la raison ; le comté Venaissin et l'Etat d'Avignon furent rendus à Clément XIV,
Voilà des faits qui ont interrompu toute prescription et qui prouvent avec évidence les droits de la Provence et des monarques français successeurs des comtes souverains de Provence, sur le comté Venaissin et l'État d'Avignon.
Une remarque qui ne sera pas déplacée, c'est que toutes les fois .que les rois dé France ont rendu le comté Venaissin et l'Etat d'Avignon, les papes leur ont adressé des remercîments.
Mais les rois de France avaient-ils le droit de renoncer à cette possession sans l'aveu de la nation? Le droit public français, les lois sous lesquelles là Provence se donna librement aux monarques français, nous répondent que non, parce que les domaines d'une couronne acquis* ou unis, n'appartiennent point aux souverains, mais à la nation,
D'après une pareille manière de raisonner, pourra-t-on répliquer* il s'ensuivrait que les rois de France seraient autorisés à redemander, par exemple, le comté de Nice, l'île de Majorque, les royaumes dé Jérusalem et de Naples, tant d'autres contrées que leurs prédécesseurs ou ceux qu'ils représentent ont possédées.
Cette objection n'est pointuné juste conséquence de ce qui vient d'être dit. Des traités de paix, des échanges consentis par les peuples, les suites d'une longue guerre, des mariages, des substitutions, ont occasionné l'aliénation des domaines dont on vient de parler; on retrouve dans cette aliénation une cause, du moins, avouée par le droit reçu parmi les nations, lorsqu'elles ne sont pas en forces pour se défendre. Mais l'histoire ne nous fournit nulle part l'exemple d'une aliénation faite sous des prétextes aussi grossiers et par des princes moins fondés en droit de propriété.
CHAPITRE VII. Est-il dû une indemnité au papeen reprenant le comté Venaissin et l'Etat d'Avignont
La seule raison que nous trouvions dans l'histoire, et qui ait fait transmettre aux papes la possession du comté Venaissin, c'est qu'ils demandèrent à être dédommagés des frais qu'ils assurèrent avoir faits, pour envoyer des prédicateurs contre les Vaudois du Languedoc. Il n'y a pas eu d'autre raison ; on seilt ce que vaut celle-ci.
D'ailleurs, les papes ont été assez indemnisés par leur possession, depuis 1228 jusqu'en 1233, pour qu'on soit dispensé d'examiner à fond ce qui pourrait leur être dû pour les frais prétendus occasionnés par leurs missionnaires.
Les papes ont été encore assez indemnisés par leur possession, depuis 1233 jusqu'en 4243, depuis 1273, jusqu'en 1662, depuis 1664 jusqu'en 1688, depuis i689 jusqu'en 1769, depuis 1771 jusqu'en 1789, sans qu'on se croie obligé de lès indemniser de nouveau. En un mot, ,on ne doit rien à quiconque n'a rien déboursé pour
posséder. Lui dût-on quelque chose, on examiné s'il a pu ou non, être indemnisé par la jouissance, et alors on se détermine.
Cependant, si on pense qu'en reprenant le comté Venaissin, il est dû quelque indemnité, on voit, sans peine, qu'elle ne peut pas être considérable, surtout si on compare tout le bien que les comtes de Provence auraient pu faire dans ces délicieuses contrées, avec tous les maux qui s'y sont établis sous la domination des papes.
De ce genre sont l'inquisition, la dépopulation, l'aristocratie insupportable des noblés, la cupidité des gens en place, la difficulté d'obtenir justice, la longueur interminable des procès, les appels et les évocations à Rome, la voracité des gens de plume, l'invention de la chicane et des formes judiciaires, arrivées d'en delà les monts et qui ont infesté les tribunaux français, l'abandon des manufactures, la destruction des édifices antiques, avant-coureurs effrayants de la misère et de la mort sociale.
Quant aux ville et Etat d'Avignon, c'est autre chose.
On peut croire que le pape Clément VI donna 80,000 florins d'or de Florence en 1348, et alors on devrait, à la rigueur, rembourser ces 80,000 florins sur le taux auquel ils sont payés aujourd'hui par le roi de Naples, c'est-à-dire à 63,400 livres par an, ce qui donnerait 126,800 livres pour les deux années. Mais je crois qu'il faut compter d'une autre manière.
Le contrat de 1348 porte que la reine Jeanne reçut de Clément VI 80,000 florins d'or de Florence.
En 1344 et 1364, ces florins avaient cours en Provence au taUx de 16 sols, le sol de 9 deniers, ce qui revient à 12 sols, le sol de 12 deniérs.
D'après ce calcul, les 80,000 florins d'or valaient 48,000 livres en 1348.
En 1316, le florin d'or de Florence valait 9 sols 11 deniers ; le marc d'or était à 45 livres.
En 1343 le florin d'or ne valut plus que 9 sols 6 deniers.
En 1346, il valut 10 sols, parce que le marc d'or était fixé à 44 livres.
En 1355; le florin valut 13 sols 10 deniers, parce que le marc d'or était sur le pied de 60 livres.
Le marc d'or valant 700 livres, il résulterait que les 80,000 • florins prétendus comptés en 1348 par Clément VI seraient remboursés intégralement au pape par une somme de 672,000 livres. I
D'après ce calcul, il est aisé de voir ce qu'on doit ajouter à ces 672,000 livres, à présent que le marc d'or vaut plus de 700 livres.
Telle est la règle de proportion qu'on peut suivre, si on en vient à un remboursement de la somme prétendue comptée en. 1348 (1).
Il serait ensuite question d'examiner la plus-value dont il est fait mention dans le contrat de 1348, la longue jouissance que les papes ont eue, les améliorations dans tous les genres, com-pensables avec les détériorations qu ils ont occasionnées.
11 faudrait examiner les revenus dont ils seront privés par la perte de l'Etat d'Avignon, et sè décider d après ce tableau.
Ce dernier article ne serait pas important, parce que le roi de France y prélève des droits sur le sel et le tabac ; il y a des bureaux de postes aux lettres, de postes aux chevaux, et y fait lever divers impôts indirects connus en France.
Un objet majeur, et qu'on doit prendre en considération, c'est que les habitans du comté Venaissin et de l'Etat d'Avignon, ont toujours joui des privilèges de régnicoles ; ils ont été admis dans les armées, les chapitres et les corps de France ; ils ont été pensionnés par l'Etat ; ils avaient leurs possessions foncières dans les terres du pape, et ils ne payaient aucun impôt, quoique admis à tous les honneurs, à toutes les places, à tous les emplois civils, ecclésiastiques et militaires en France.
Mais comme on ne doit pas taxer les revenus de ces deux souverainetés de la manière qu'on taxerait ceux d'une ferme, comme on ne doit pas agir, dans cette reprise, de la même manière qu'on agirait en reprenant un champ ou une maison, et que cette restitution ne doit être traitée qu'en grand, comme les nations et les rois doivent les traiter, je ne pousserai pas plus loin mes observations à ce sujet.
CHAPITRE VIII. Réflexions qui -pourront être utiles.
Il est d'autant plus essentiel pour le comté de Provence, et pour les rois de France, de rentrer dans la possession du comté Venaissin et de l'Etat d'Avignon, que ces pays enclavés dans les terres provençales et françaises doublent les barrières ; qu'ils inondent 200 lieues de surface en circonférence, de commis, d'employés et de gardes; que ces pays, dans le sein même de la France, sont le réceptacle de tous les banqueroutiers, des débiteurs de mauvaise foi, des usuriers, des hommes repris par la -justice, des malfaiteurs, des contrebandiers, lesquels sortent du comté Venaissin et de l'Etat d'Avignon, comme d'un lieu où ils sont en sûreté, pour faire, suivant la profession à laquelle ils se sont adonnés, ou la cause qui les éloigna de leur patrie, des incursions sur les places de commerce, ou sur les grandes routes, ou qui de là dictent des lois dures à leurs honnêtes créanciers.
Dans le comté Venaissin et l'Etat d'Avignon, le ciel est d'une sérénité presque constante, les vins exquis et abondants, les campagnes arrosables ; on y trouve beaucoup de prairies; les champs labourables y sont d'une grande fertilité , les habitations nombreuses, et les productions variées.
Les Comtadins et lès Avignonais sont naturellement doux, industrieux, économes et patients. Leur pays peut devenir, dans les mains de la France, le centre de très-belles manufactures, et l'entrepôt de ce qui sera porté du midi au nord, et du nord au midi de l'Europe.
Le sang y est d'une grande beauté; les indi^ vidus y sont robustes; l'air y est sain, et on y vit longtemps.
Laure et Pétrarque ont rendu célébré le séjour de l'Isle et de Vaucluse; et Pétrarque ne fait pas difficulté d'avouer que la beauté de ces délicieux climats contribua autant à le fixer dans le comté Venaissin, que son amour pour Laurè.
CHAPITRE IX. Projet de' décret pour la réunion irrévocable et à : jamais stable dû comté Venaissin, des ville el Etat d'Avignon au comté de Provence et par lui à la France.
L'Assemblée nationale, instruite des titres et droits que le comté de Provence a sur le comté Venaissin, sur lés ville ét Etat d'Avignon, et que, par le comté de Provence, les rois de France ont sur ces pays ; tenant pour maxime fondamentale que les domaines de la couronné sont inaliénables, à moins que la nation n'accède ou n'approuve leur aliénation; que les peuples, provinces èt villes no^peuvent être échangés, cédés ou vendus sans leur consentement ; s^étant convaincue que la nation provençale n'a approuvé, dans aucun temps, l'aliénation illégale et faite à non domino du comté Venaissin, des ville et Etat d'Avignon, parties intégrantes de la souveraineté de Provence; voyant" d'ailleurs dans les annales françaises les réclamations que plusieurs monarques ont faites pour êtes remis en possession de ces pavs possédés par les papes, sans titre viable et légitime, a déclaré et arrêté :
1° Que le Roi sera prié par l'Assemblée nationale, représentée par Son président et six de ses membres qpi lui seront députés à cet effet, de donner des ordres à son ambassadeur à Rome, pour réclamer, sur-le-champ, le Comté Venaissin, lés ville et Etat d'Avignon, et en obtenir la restitution, à l'amiable, dans quinze jours, au plus tard, à compter du jour de la réception des ordres de Sa Majesté;
2° Que si Sa Sainteté se refuse à faire cette restitution sous l'offre d-'indemnitô, s'il y a lieu, laquelle ne pourra excéder la somme d'un mil-, lion de livres, monnaie de France, Sa Majesté séra priée de prendre d'abord après l'expiration des susdits quinze jours possession à main armée du comté Venaissin, des ville et Etat d'Avignon, et-d'y établir le régime politique, civil, ecclésiastique et militaire qui va être établi dans tout le reste de la France ;
; ' 3° Qu'au moyen de ce,le comté Venaissin,les ville et Etat d'Avignon, avec tous leurs droits, appartenances et dépendances, seront irrévocablement et resteront à jamais réunis au comté de Provence, et par lui à la France ;
4° Que cependant, et jusqu'à ce que la restitution du comté Venaissin, des ville et Etat d'Avignon, soit accordée et la réunion achevée, tous les privilèges dont les habitants desdits comté et Etat jouissent eh France, toutes les pensions, tous les dons , traitements * gratifications et émoluments, les concernant, de quelque nature qu'ils Soient, toutes les places et dignités, tous les. emplois, grades dont les Gomtadins et les Avigno-nais Sont revêtus dans lès villes, corps, corporations et chapitres de la France, sont suspendus ; les revenus des bénéfices qu'ils possèdent en France seront arrêtés (1) ;
5° L'Assemblée nationale se réserve dé modifier, étendre, ou révoquer les dispositifs contenus dans l'article ci-dessus, s'il y a lieu, et suivant .l'exigence des Cas,
, L'Assemblée national e arrête que .son décret de
ce jour sera publié et affiché dans les provinces de Dauphiné et Languedoc, dans la principauté d'Orange, le comté de Provence, dans tous les ports, villes, bourgs et villages des bords du Rhône et de là Durance, et principalement dans les ports de Villeneuve en Languedoc, et celui voisin de Cabanes et Château-Renard en Provence, dit Bompas, pour être exécuté suivant sa forme et teneur.
CHAPITRE X.
Juifs du comté Venaissin et de l'Etat d'Avignon.
Le sort.des juifs, dont le nombre" est si considérable dans le comté Venaissin et l'Etat d'Avignon, touché de trop près à la matière que je traite; il intéresse trop la politique, l'humanité et la religion, pour que je ne m en occupe pas quelques moments. .
En reprenant le comté Venaissin et la ville d'Avignon, on ne doit pas laisser la nation juive, digne tout, à la fois d'horreur et de pitié, à la merci de la furéur populaire, du mépris public et de sa propre avarice.
Sans élever tout à fait à l'honneur de porterie titre de citoyens, et d'en exercer les droits dans toute leur étendue, les individus qui composent cette nation, toujours étonnante par son existence, ses malheurs et son avilissement; on doit néanmoins, ce semble, leur procurer d'abord les avantages de l'homme et de l'habitant. Leur conduite dans une société où leurs possessions-et? leurs personnes seront respectées, et où ils res-necteront rigoureusement celles des autres et Fordre public, préparera la génération suivante à s'assurer si on peut leur départir de plus grands avantages,
Le judaïsme, a dit Montesquieu, est un vieux tronc qui a produit deux branches, le christianisme et le mahométisme. Il se sert de l'un et de l'autre pour-embrasser le monde; tandis que sa vieillesse vénérable embrasse tous les temps.
Lorsqu'on pense aux horreurs que les juifs ont éprouvées depuis Jésus-Christ, au carnage qui se fit d'eux sous quelques empereurs Romains, à celui qui a été répété tant de fois en France, en Angleterre, en Espagne, en Italie et en Allemagne, on ne peut concevoir que ce peuple subsiste encore, et on est forcé à convenir que ce n'est pas la persécution qui détruit les religions et les sectes. | m "v-^; '
De toutes les religions* le judaïsme est celle qui est le plus rarement abjurée; et une funeste expérience n'a que trop prouvé que, lorsqu'elle l'a été, l'hypocrisie, le besoin, ou des projets funestes ont eu plus de part à cette abjuration, que la persuasion.
Soutenus par la nature et la force de leurs lois, vivant ensemble, autant qu'il leur est possible, dans une même enceinte, ayant horreur de s'allier avec les étrangers, ne se mariant qnenlrç eux, et conservant ainsi leurs goûts et leur penchants) comme les traits presque uniformes de leur visage, les juifs respirent, dans cet état de solitude et dans leur législation, une haine sombre et un mépris profond pour les autres hommes,'et une intolérance invincible pour les autres religions.
D'après» ce qui s'est passé et ce qui existe, on pourrait presque pçé ire ce qui arrivera; c'est que, quelque bien qu'on fasse aux juifs, jamais on ne les humanisera, et toujours ils porter ront l'ingratitude et la méfiance au milieu
des bienfaits dont on les comblera. Cependant ce n'est pas là une raison pour ne pas devenir sages, politiques et bienfaisants à leur égard.
Leurs différentes expulsions delà France donnèrent au commerce, en 1318, la précieuse invention des lettres de change.
Les rois, ne pouvant oii n'osant fouiller dans la bourse de leurs sujets, mirent à la torture les juifs, qu'ils ne regardaient pas comme des citoyens.
Sous le roi Jean, en Angleterre, on leur arracha les dents une à une, pour leur faire déclarer où leur or était recelé. Après les aVoir dépouillés, Jean les vendit à Edouard, son frère, afin, dit Mathieu Paris, que ce prince éventrât ceux que le'roi avait e'corchés.
Il fut un temps, en France où, lorsqu'ils embrassaient le christianisme, on confisquait leurs biens (1). C'était porter l'inconséquence, la cupidité ou la haine, aussi loiu qu'elles pouvaient aller. Cette spoliation était fondée sur la féodalité. lies seigneurs prétendaient qu'un juif converti était une espèce d'épave sur les biens duquel ils avaient des droits.
Après dix-huit siècles de persécution sur toutes les parties du globe, les Souverains de l'Europe ont enfin ouvert les yeux sur les juifs; les peuples ont reconnu qu'il était possible de vivre avec eux, suivant les lumières de la raison et de la justice ; que la politique le leur conseillait ; que la religion leur en faisait un devoir: le commerce même a senti qu'il ne pouvait se passer d'eux.
•La Toscane, la Hollande, l'Angleterre, l'Autriche, la Hongrie, la Prusse leur ont accordé toutes les douceurs possibles sous la protection de leurs lois* Les juifs, à la vérité ont payé chèrement leur retour ou leur entrée dans ces Etats; mais quoiqu'ils n'aient nulle part les droits de citoyens dans tout leur étendue, on y est fi-dèle, à leur égard, au contrat public qu'on a passé avec eux.
En Pologne, pays où ils ont été persécutés, tantôt par cupidité, tantôt par superstition, ils Sont clavaires, agents, procureurs, négociants, banquiers, tabellionnaires ; ils appelaient naguè-res ce pays, leur Palestine.
L'Espagne, qui se peuplera d'hommes et de grands hommes, qui cessera d'être ignorante et superstitieuse, lorsque l'inquisition en sera bannie, l'Espagne maùdit toujours les juifs, et les implore sans cesse.
. Dans le Etats du pape, ils sont distingués, les hommes par un chapeau orangé, et les femmes par un ruban de même couleur qu'elles portent sur leur coiffe ; mais ils y vivent tranquilles. Il est vrai que, comme ils n'ont point payé le privilège du séjour, on les y conserve pour les soumettre à des taxes arbitraires,
Partout, les juifs sont devenus des instruments, par le moyen desquels les nations les plus éloignées peuvent converser et Correspondre ensemble.
On a quelquefois essayé en France de les fixer, de leur donner un état civil, mais borné : plusieurs fois ils l'ont demandé eux-mêmes ; mais, soit qu'ils exigeassent trop d'avantagés, soit que le peuple ne fût point encore assez éclairé, le gouvernement n'a jamais pu ou n'a jamais voulti les créér pour la société.
Sous Louis XIII, ils s'obligeaient auprès du cardinal Richelieu de fixer la Durante dans un lit
-invariable, jusqu'à son confluent avec le Rhône, si on voulait leur délaisser tout le terrain qu'ils prendraient sur cétte rivière, ils demandaient une synagogue, et ils offraient 12 millions.
En 1710, Louis XIV allait recevoir d'eux 60 millions, et leur permettre de rétablir l'ancien port d'Aigues-Mortes dans le Languedoc, et d'y bâtir une ville- Comme dans peu cette habitation nouvelle serait devenue, par leurs soins, très-commerçante ; que la navigation sur l'Océan lui aurait été ouverte par le canaletque la Méditérerranée lui aurait ouvert délie de l'Afrique et du Levant, le commercé français trembla, fit agir auprès de Louis XIV, et leur demande fut rejetée avec leurs offres.
En 1760), ils firent proposer 80 millions à Louis XV, si on leur abandonnait une partie des landes voisiné de Bordeaux, avec la permission d'y bâtir une ville sans remparts. M. le dauphin s'y opposa, et leur projet manqua encore uans le moment du succès,
Ces faits, choisis sur mille que je pourrais faire connaître, sont une preuve des ressources des juifs, et du numéraire immense qui circulé dans leurs mains, ou dont ils peuvent disposer.
Quoi qu'il en soit, les juifs doivent être reçUs dans le royaume, et une fois admis, ils doivent être tolérés à moins qu'ils ne troublent l'ordre public.
L'amour de la religion chrétienne consiste dans la pratique, et cette pratique ne respire que. douceur, humanité, charité et tolérance. C'est pour les avoir proscrites, ces douces et conciliantes vertus, que tant de siècles ont fait, plus ou moins, l'opprobre et le malheur des hommes, , Je suis d'avis qu'on admette les juifs en France, mais sous les règles sages et rigoureusement observées qu'on leur dictera. Par une suite des principes que je viens d'établir, je suis d'avis qu'on les exempte de toute taxe arbitraire, dont une des plus cruelles, sans doute, est la redevance annuelle qu'il payent à des nommes appelés protecteurs, qui ne les protègent point, et qui ne les ont jamais protégés.
Ces titres, ces places de protecteursi furént imaginés en France sous saint Louis. Louis XII fut l'un des rois les plus ardents à les maintenir, Henri II et Henri Ifl les confirqaèrent ; Henri IV n'osa pas les abolir. Richelieu les maintint pour en revêtir les ministres de ses vengeances et les complices des ses passions.
Mais depuis saint Louis, jusqu'à nos jours, ces places de protecteurs des juifs n'ont rien coûté à ceux qui en ont été revêtus; il est de même des familles chez lesquelles elles sont devenues héréditaires. Ainsi on peut et on doit les abolir sans regret.
Le projet de décret que je proposerai à la suite de ces réflexions, ne s'éloigne guère des çondi-= tions qu'on imposait aux juifs en 1760 ; je ne le proposerai donc qu'avec plus de confiance. Les juifs du comté Venaissin, des ville et Etat d'Avignon, pourront profiler ainsi du bénéfice d'une loi générale à laquelle ils auront donné lieu.
Dans leur adresse à l'Assemblée nationale, les juifs établis à Metz, dans les Trois-Evêchés, en Alsace et en Lorraine, ont porté leurs demandes aussi loin qu'il était possible de les porter.
Je crois qu'il serait dangereux de les adopter dans toute leur étendue dès à présent. Lorsque les juifs auront été éprouvés, lorsqu'on pourra, après leur oonduite bien connue, être sûr de celle qu'ils tiendront à l'avenir, les Assemblées nalio-
nales auront toujours le droit et les moyens de faire pour eux quelque chose de plus.
Ea l'état, il est seulement à propos de les attacher à la terre qui les recevra ou dans laquelle ils seront conservés, de ne rien dire ni sur leur culte, ni sur le titre de citoyens qu'ils demandent* et qui comprend beaucoup de choses qu'il n'est pas dans votre intention et de votre sagesse de leur accorder» quant à présent* mais seulement de leur laisser faire librement ce qu'ils ont permission tacite de faire, -sans rien dire deplUs* en prenant néanmoins toutes les précautions que la raison publique ordonne de prendre avec des hommes dont an doit encore se méfier, mais à qui pourtant on veut faire du bien.
chapitre XI,
Projet de décret sur l'état à donner aux juifs en France,
« 1° L'Assemblée nationale déclare qu'elle met sous la protection et la sauvegarde de la nation française et des lois, les personnes des juifs qui ; viendront se domicilier en France* les biens-fonds qu'ils y ont acquis et ceux qu'ils V acquerront.
« 2° Elle supprime toute marque* sur les vêtements, qui servait à distinguer les juifs en France, toutes les taxes arbitraires qu'on levait sur eux, toutes les redevances dites pour protection-j et : toutes les places de protecteurs, et ce» sans indemnité envers- ceux qui sont revêtus de ces titres et places, ou qui prétendraient avoir des droits ; pour s'en faire revêtir.
« 3° L'Assemblée nationale décrète de plus que les juifs qui posséderont en France des biens-fonds ou autrement seront taxés d'une manière juste et proportionnelle comme les Frahçais.
« 4° Elle lëdr ifïtèrdit tout trafic et négoce d'argent au-dessus de l'intérêt qui est ou qui sera autorisé par les lois,- en faveur des Français, à peine d'être poursuivis extraordinairement, et punis sUivaht la rigueur des ordonnances;
« 5° Auctin juif ne pourra Habiter lès terre^ de la domination française* qu'il ti'y ait acquis une propriété foncière* au moins de 10,000 iivres eh Valeur,
« 6° A dater du jour de la publication du présent décret, et dorénavant, tous les papiers ou effets, billets simples* billets à ordre, lettres de change et obligations privées quô les juifs pourraient se former ou acquérir sur des particuliers non négociants, commerçants; marohands ou banquiers, seront déclarés nuls et de nulle valeur.
« 7° L'Àsseniblée nationale excepte du dispositif de l'article précédent tous les papiers ou effets, billets simples, billets à ordre, lettres de change et obligations privées, d'une date antérieure à la publication du présent décret, mais elle leur enjoint de les faire signer et parapher par le juge royal le plus voisin du lieu de leur domicile»
« 8° Elle décrète qu'à l'avenir nul juif ne pourra acquérir ou se former des titres de créances sur des sujets français qui ne seront dans aucun genre de commerce ou de négoce, que par actes publics, signés par trois témoins domiciliés» lesquels déclareront avoir vu compter, lors de l'acte, la somme dont s'agira, ou être parfaitement instruits de la créance ; et cé, sous peine de nullité desdits actes et créances.
«9° Il est défendu à tout juif de quitter le quartier, la carrière ou la ville qu'il habite, avant d'avoir payé, sa portion des dettes communes,
ainsi et de la manière qu'il sera réglé par les chefs de la communauté des juifs desdits quartier, carrière ou ville.
« 10 Nul juif ne sera reçu dans les villes, bourgs et Villages du royàUme, qu'il ne justifie, par-devant les officiers municipaux, du lieu d'où il est venu et du payement des. dettes Communes» »
Opinion de M. Je duc de La Rochefoucauld, sur le plan de finances proposé dans la séance du 18 novembre (1).
Messieurs, vous avez borné la disoussion au plan qui vous a été présenté hier par vos commissaires : je bornerai donc mes observations à ce plan* et je ne vous entretiendrai point de celui qui vous a été developpé par M. de Laborde, et qui réunissait aux avantages et aux inconvénients d'une banque publique une forme de comptabilité simple et facile. Vous pouvez adopter cette forme en la séparant de toute banque, parce que cette liaison n'est point essentielle, et parce que l'économie qu'elle présente est plus apparente que réelle, puisque, ce sont les profits de la banque sur d'autres affaires avec le gouvernement, et les droits qu'elles lui donnent» qui la mettent à portée de faire presque gratuitement le service de comptabilité
Jene vou3 entretiendrai pas non plus d'un autre plan qui vous a été présenté par quelques-uns de vos commissaires, parce qu'il m'a paru contraire à vos principes, et que je lui ai trouvé le vice essentiel de déclarer que le clergé ne sera plus un ordre* vérité déjà connue* et qui n'a pas besoin d'être consacrée par un nouveau décret* et de ressusciter ed même iemps l'ordre du clergé» par ses dispositions sur les biens qui lui resteraient affectés*
Ce n'est pas ici le moment d'examiner l'usage que vous ferez à l'avenir des biens ecclésiastiques. Vous avez déclaré qu'ils étaient à la disposition de la nation; vous pouvez donc prendre sur la conservation, la vente et l'administration de ees biens, les mesures que votre sagesse vous suggérera pour le bien de l'Etat ; et quel que soit le parti qu'elle vous dicte, les individus ecclésiastiques séculiers et réguliers n'auront point à craindre pbur leur sort: vous ferez tout ce que la justice réclame pour les jouissances des uns, et pour l'honnête subsistance des autres, soit qu'ils veuillent rester ensevelis dans les cloîtres, soit qu'ils veuillent rester dans la société, car la justice est un devoir aussi' rigoureux pour les nations que pour les particuliers. Une grande nation qui se régénère les observe avee un scrupule plus religieux, et la politique lui commande encore de traiter favorablement ceux qui peuvent souffrir les lois nouvelles, pour attacher tous les cœurs à la révolution.
Passant maintenant à l'examen du plan soumis à votre délibération* je. n'en discuterai point les principes que vous paraissez avoir adoptés, peut-être d'après l'impérieuse loi de la nécessité* en attendant que des circonstances plus heureuses vous mettent à portée de construire un édifice, nouveau sur des bases plus conformes à là justice et à l'intérêt public; et je commencerai par re-
mercier votre comité, le premier ministre des finances et les administrateurs de la caisse d'escompte, de nous avoir délivrés de la perspective effrayante que présentaient les propositions faites, il y a peu de jours, d'assujettir les affaires de la nation à une banque pendant le cours de 10 ou de 20 années.
J'adopterai donc le plan, mais avec quelques amendements dont voici les motifs :
Premièrement, au lieu de donner aux assignats que l'on vous propose de créer une hypothèque vague et générale sur les biens dp domaine et du clergé dont vous décréterez la vente, je vous proposerai de les appuyer sur des hypothèques spéciales : cette forme sera plus satisfaisante, parce qu'elle mettra les acheteurs des assignats, pour ainsi dire, en possession actuelle du bien désigné; et en effet vous pouvez donner aux porteurs de ces assignats les mêmes droits qu'ont les créanciers hypothécaires sur les biens des particuliers leurs débiteurs, et vous pouvez ne prescrire pour ces ventes que des formalités simples, et qui, rendant leur exécution facile, augmentent, pour cette sorte d'effets, l'attrait que la solidité doit déjà leur donner. Cette idée, qui n'est pas de moi, Messieurs, appartient à un homme célèbre dans les sciences, et zélé citoyen, M. le marquis de Condorcet, et vous la trouverez développée dans un petit ouvrage intitulé : c Plan d'un emprunt « public avec hypothèques spéciales, » qui vous a été distribué ces jours derniers.
Mon second amendement aura pour but de diminuer l'étendue de l'opération sans rien déranger à son procédé, ni aux termes, soit d'emprunts, soit de ventes, soit de remboursement, et je verrai dans cette restriction l'avantage d'en assurer le succès* précisément parce qu'elle sera moins étendue et plus simple* En effet, quoique les assignats que vous avez créés l'emportent de beaucoup sur tous les autres papiers par la solidité de leur hypothèque, ils seront moins courus d'abord, parce qu'ils présenteront moins de ressources pour l'agiotage; il est donc prudent de n'en pas faire répandre sur-le-champ une très-grande quantité: ainsi je bornerai la première émission à 90 ou 100 millions, en faisant porter leurs hypothèques sur des biens dont une commission que vous nommeriez, aurait fait sous peu de jours la désignation ; et dans trois mois, d'après . es connaissances que les assemblées de département vous auraient données, vous en ordonneriez une autre de pareille valeur ; le produit de ces ventes remplirait toutes les conditions qui vous sont proposées pour 1790 et 1791 ; les besoins du moment seraient assurés, et lorsque vos travaux sur toute les branches de la constitution seraient achevés, vous pourriez décréter, avec Une plus mûre réflexion, des opérations plus grandes, et dont la confiance alors bien établie vous assurera le succès.
D'après cet exposé, je vous proposerai d'obtenir ces 200 millions par la vente, 1° des domaines du Roi, ainsi qu'elle vous est proposée, en réservant les forêts, mais en vendant aussi les parties de bois au-dessous de 300 arpents, Vulgairement appelés bocteaux. Gétte mesure, proposée en 1787 à l'Assemblée des notables, me paraît sage, parce que la garde de ces bois est difficile, dispendieuse, le produit presque nul pour le Trésor public et parce que, au contraire, ils seront avantageusement vendus; 2° de partie de biens ecclésiastiques actuellement aux économats, parce que leur vente ne fera tort à personne.
Il me reste maintenant à désirer avec vous, Messieurs, que la caisse d'escompte puisse reprendre le plus tôt possible ses payements à bureau ouvert. La négociation des annuités et des assignats, au moyen desquels vous vous acquitterez avec elle, doit, si elle est heureuse, comme il y a lieu de le croire, hâter ce moment et faire cesser une surséance honteuse dont la nation ne peut tolérer la courte durée que pour éviter de plus grands maux.
Mais, concurremment avec cette opération provisoire, il vous faut donner à la confiance une base solide, et joindre aux gages que vous lui présentez un autre gage plus solide encore, celui de l'ordre et de l'économie ; ce n'est'point par les noms que vous donnerez à vos caisses que vous établirez cet ordre, ce sera en adoptant une bonne méthode de comptabilité, et celle que M. de Laborde vous a proposée me paraît très-propre à remplir vos vues ; il faut y ajouter la publicité de toutes les opérations du Trésor public, il laut classer tous les remboursements que vous avez à faire, afin que chaque créancier, instruit du temps où il devra recevoir, puisse faire ses calculs en conséquence ; il faut enfin consolider votre ouvrage par un bon système d'impositions qui réunisse à l'égalité dans la répartition, des modes de perception simples, clairs, conforme à la justice, et qui ne puissent jamais blesser les droits des citoyens.
Je me résume, et j'ai l'honneur de vous présenter les deux décrets de vos commissaires avec les amendements suivants.
PROJET DE DÉCRETS SUR LES FINANCES
Présenté par le comité des Dix avec amendement de M. de La Rochefoucauld.
PREMIER DÉCRET.
L'Assemblée nationale a décrété et décrète :
1° Les billets de la caisse d'escompte continueront d'être reçus en payement dans toutes les caisses publiques et particulières, jusqu'au 1er juillet 1790, et elle sera tenue d'effectuer ses payements à bureau ouvert à cette époque.
2° La caisse d'escompte fournira au Trésor public, d'ici au 1er juillet prochain, 80 millions en ses billets.
3* Les 70 millions déposés par la caisse d'es-.compte au Trésor royal en 1787 lui seront remboursés en annuités, portant 5 0/0 d'intérêt, et 3 0/0 pour le remboursement du capital en vingt années*
4° Il sera donné à la caisse d'escompte, pour les avances de l'année présente, et des six premiers mois de 1790,170 millions en assignats, « avec hypothèques spéciales », sur les biens-fonds qui seront mis en vente, portant intérêt à 50/0, et payables à raison de 5 millions par mois, depuis le 1er juillet 1790, jusqu'au. 1er juillet 1791, et ensuite à raison de 10 millions par mois.
5° La caisse d'escompte sera autorisée à créer 25,000 actions nouvelles, payables par sixièmes, de mois en mois, à compter du 1er janvier prochain, moitié en argent ou en billets de caisse, et moitié en effets qui seront désignés.
6° Le dividende sera fixé invariablement à 60/0; le surplus des bénéfices restera en caisse, ou
dans la circulation de la caisse, pour former un fonds d'accumulation.
7° Lorsque le fonds d'accumulation sera de 6 0/0 sur le capital de la caisse, il en sera retranché cinq pour être ajoutés au capital existant alors, et le dividende sera payé à 6 0/0 sur ce nouveau capital.
8° La caisse d'escompte sera tenue de rembourser à ses actionnaires 2,000 livres par action en quatre payements de 500 livres chacun, qui seront effectués le 1er janvier 1791, le 1e« juillet de la même année ; le 1er janvier 1792, et le 1er juillet 1792.
deuxième décret. article premier.
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète que la question d'établissement d'une caisse de l'extraordinaire est ajournée à un jour très-pro-chain, auquel le comité des finances devra faire son rapport sur le plan de comptabilité à établir;
« Qu'il sera fait par la voie du sort ou autrement un ordre de remboursement, et que le premier de chaque mois la liste de ceux à exécuter dans le mois sera imprimée. »
art. 2.
Que les domaines de la couronne, à l'exception des forêts et des maisons royales dont Sa Majesté voudra se réserver la jouissance, « et les parties de bois au-dessous de 300 arpents, appelés boc-teaux », seront mis en vente, ainsi que partie des domaines ecclésiastiques « actuellement aux économats, jusqu'à la concurrence de la valeur de 200 millions, dont il sera, dès à présent, par quatre commissaires nommés à cet effet, désignés de concert avec le ministre des finances, pour la valeur de 100 millions, distribués en hypothèques spéciales. La désignation des autres 100 millions sera faite dans le courant de mars 1790, après avoir reçu les renseignements donnés par les assemblées des départements, conformément à son décret du 2 novembre ; l'Assemblée nationale réglera la forme et les conditions desdites ventes par un décret particulier. »
art. 3.
Il sera créé des assignats de 1,000 livres chacun, « avec hypothèques spéciales », portant intérêt à 5 0/0, jusqu'à concurrence de la valeur desdits biens à vendre , lesquels assignats seront admis de préférence dans lâchât desdits biens. Il sera éteint desdits assignats, soit par lesdites ventes, soit par les rentrées de la contribution patriotique, et par toutes les autres recettes extraordinaires qui pourront avoir lieu, 100 millions en 1791 et 100 millions en 179?.
Lesdits assignats pourront être échangés contre toute espèce de titres de créance sur l'Etat en dettes exigibles, arriérées ou suspendues, portant intérêt.
Plan de M. le vicomte de Macaye pour l'établissement d'un Trésor et d'une Banque nationale (1). (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)
Messieurs, votre comité des finances a paru penser qu'il résulterait beaucoup d'ordre, de grandes convenances et des avantages réels pour les finances de l'Etat, en divisant en deux branches l'administration du Trésor royal. La première formerait une Caisse ou Trésor national, sous l'inspection immédiate de la nation, et serait destinée à acquitter les intérêts, et successivement les capitaux de la dette publique, que vous avez mise sous la sauvegarde de la nation ; la seconde conserverait le titre et les fonctions du Trésor royal, et servirait à l'acquit de toutes les dépenses courantes de l'Etat, sous la responsabilité des ministres.
En effet, Messieurs, quelle confiance ne ferez-vous pas renaître dans le royaume et chez tous les étrangers qui se trouvent intéressés au sort de nos finances par les rapports du commerce, si, après avoir mis les créanciers de la nation sous sa puissante sauvegarde, vous indiquez les moyens, les valeurs que vous destinez à les rembourser, et si leur espoir peut se tourner vers les époques, à peu près fixes, auxquelles les remboursements peuvent s'effectuerl
Après avoir mûrement consulté ce qui a été écrit de mieux sur nos finances, et ce qui a paru réunir le plus de suffrages de ces hommes aussi expérimentés que bons citoyens qui désirent voir renaître la tranquillité et le bonheur de la patrie, du sein des troubles où nous ont conduits les dilapidations d'administrateurs infidèles ou ignorants, je vais soumettre à votre sagesse le plan de constitution d'un Trésor national qui, assurant à jamais le sort des créanciers de l'Etat, me conduira à vous proposer le remplacement de la Caisse d'escompte par une Banque nationale ; ce dernier établissement, jouissant de votre protection, favorisera l'agriculture, les manufactures et le commerce de notre patrie, qui languissent véritablement par le défaut de circulation du numéraire. '
Vous savez, Messieurs, qu'il n'appartient nullement à un grand empire de faire la banque par ses caisses, mais qu'il lui appartient de l'encourager , de la protéger, tant que ses agents procurent des facilités au commerce ! Eh 1 des banquiers ou des financiers qui chercheraient à nous écarter de nos principes par des plans de coalition se rendraient coupables du crime de lèse-nation, parce qu'ils n'auraient que le projet d'atténuer la puissance nationale, en jetant sur ses revenus, sur son commerce, les chaînes d'une aristocratie financière.
Vous pouvez, Messieurs, remplacer la Caisse d'escompte par une Banque nationale, én faire une base du bien public et la constituer de manière que les administrateurs qui seront chargés de la diriger, soient protégés par le Trésor national , et ne puissent jamais aspirer à tenir ce Trésor , ni le commerce dans leur dépendance.
Vous ne pouvez pas ignorer, Messieurs, que dans les circonstances où nous nous trouvons, il ne serait pas de votre sagesse de faire une
opération qui suspendît le service de la Caisse d'escompte sans offrir dans son remplacement un établissement qui rassurât les propriétaires des actions et les porteurs de billets de cette Caisse; toute opération contraire à ce principe ne pouvant se faire sans -causer au commerce et au crédit des secousses trés-fâcheuses, les suites pourraient en devenir très-alarmantes, Ou au moins très-embarrassantes.
Le ministre des finances, digne, par ses talents et ses vertus, d'être distingué de cette foule de ministres, auteurs des màUx qui affligent la France, vient dé nous rappeler aafiâ son mémoire que l'Assemblée nationale, de concert avec le Roi, a déterminé deux grandes dispositions pour l'encouragement du crédit : 1° que l'équilibre entre {es revenus et les dépenses fixes^ est assuré, à commencer du 1er janvier prochain ; 2° qu'une contribution patriotique est autorisée, et qu'il est à présumer que le produit pourra être équivalent aux besoins extraordinaires de cëtte année et de l'année prochaine; mais.qu'une immense difficulté reste à vaincre encore; cette contribution patriotique ne devant fournir que dés ressources graduelles, puisque le dernier terme de payement s'étend jusqu'au 1er avril 1792.
Le ministre des finances Vous annonce aussi que lès besoins de cette année, èn acquittant les engagements pris avec la Caisse d'escompte pour le 31 décembre , s'élèvent à 90 millions, et que les dépenses extraordinair res pour l'année prochaine s'élèvent à environ 80 millions; ce qui fait un ensemble de 170 millions.
Enfin, il vous annonce que Je besoin serait plus grand si, à commencer du Ie* janvier prochain, l'équilibre entré les revenus et les dépenses n'était pâs èncore établi en son entier-,
Si le remplacement de la diminution de produit sur la gabelle n'était pas affecté, à commencer pareillement du 1er janvier prochain ;
Si le payement de l'année ordinaire dés drôits et des impositions essuyait des retards i
Si les anticipations sur Tannée 1790, qUoiqùè infiniment réduites, né pouvaient pas être renouvelées complètement;
Que, par toutes ces raisons, dû ne pouvait pas encore, en cet instant, détermiher d'une maniéré positive quel sera le secours extraordinaire et indispensable pour suppléer au déficit extraordinaire et momentané de-l'année. 1790; et que c'est être modéré que de le supposer de 80 millions, puisque personne ne pouvait en répondre avec certitude au moment oii il rédigeait son mémoire.
Et le ministre vous propose, Messieurs, de vous arranger avec les actionnaires et administrateurs de la Caisse d'escomptes de créer pour 240 millions de,billets d'Etat, d'en prendre 170 par forme d'emprunt, aux conditions énoncées dans son plan, sur les détails duquel jè ne m'appesantirai pas, puisque vous l'avez sous les yeux.
Or, le premier ministre, en vous proposant ce plan, ne vous dissimule pas qu'il peut devenir insuffisant. Dès lors il n'est pas propre à faire fe.-- naître le crédit, puisqu'il ne ferait qu'annoncer la probable nécessité de chercher bientôt d'autres ressources, et peut-être celle trop funeste dé nouveaux emprunts : moyen fatal auquelil faut attribuer le désordre actuel des finances, et surtout l'établissement de l'agiotage, devenu le fléau de l'agriculture et du commerce, jeu plus immoral encore qUe tous ceux de hasard que les lois proscrivent avec rigueur*
Mais le ministre des finances» devenu célèbre par son attachement et son dévouement à la nation française, vous témoigne, Messieurs, que, sans tenir à ses combinaisons ni â son plan, il désirerait que vous pussiez adopter un plan plus étendu. Rien n'étant plus aisé mais plus dangereux que la création d'une quantité de billets d'Etat proportionnée à toutes les dépenses auxquelles on voudrait satisfaire, ou à, la masse des dettes publiques que l'on voudrait éteindre, ii sera très-agréable pour le premier ministre que vous adoptiez un plan plus digne des représentants d'une grande et puissante nation, plan qui se fût certainement offert à son imagination si la santé, les sollicitudes et les occupations lui eussent laissé plus de loisir.
Il faut. Messieurs, une régénération : elle dépend de la sagesse de vos dispositions. Les moyens ne manquent nullement à la nation, et il convient que l'édifice qUe vous allez élever soit inébranlable.
Pârmi les plabs dont les bons citoyens Vous ont fait hommage, il en est un qui vous a été présenté par quatre négociants; les sieurs La Ro-chette, Delourme, de la Merlière et AdmiraUlt l'aîné* Ce pian Vous présente les moyens dë remplacer la Caisse d'escompte par une Battdue na-tiottâlé, d'élever le capital de Cette dernière à iâ somme de 300 millions, et de former dans les provinces des bureaux d'escompte qui faciliteraient infiniment l'agrioultUre, les manufactures et le commerce, aujourd'hui languissant par le défaut de numéraire.
L'objet de ce plan est qu'il soit fait à cet établissement, par le Trésor national, un prêt de 600 millions de son papier national, sur lequel la Banque payerait, un intérêt Je i et 4/5e» 0/0, faisant, pour la totalité, une somme de 10,b00,000 livres dont le public jouirait.
Que sur les 300 millions provenant de la vente des 30,000 actions, â 10,000 livres chaque* il sera fait au Trésor royal un prêt de 480 millions à 5 0/0 par an, qui pourrait servir soit à liquider les dettes de l'Etat envers la Caisse d'escompte, Soit à fournir en partie aux payements de la présente année et aux besoins extraordinaires de 1790;
Que la Banque nationale escompterait les lettres de Change, conventions à terme, etc., à raison de 5 0/0.
Ils annonçaient de plus qu'il était juste et raisonnable que le Trésor national fût intéressé pour moitié dans le bénéfice résultant du produit net de leUrs opérations ; et cet objet était évalué à 6 millions, qui, déduits des 9 millions que l'Etat était censé leur deVùir pour l'intérêt à 5 0/0 des 180 millions, réduiraient ce dernier à 3 millions, équivalent à 1 2/3 0/0.
Ce plan, dont ces négociants ont distribué des-Copies à plusieurs des honorables membres de l'Assemblée, a paru si intéressant, que quelques-uns ont jugé Convenable d'en conférer avec eux, et de les engager à rectifier les parties de leur plan qui paraissaient susceptibles d'amélioration pour la chose publique :
1° On leur a fait sentir qu'il n'était, pas vraisemblable que vous permissiez à la Banque nationale de porter l'escompte à 5 0/0, le taux actuel de la Caisse d'escompte étant de 4 1/2 0/0.
2° Que le même taux de 4 1/2 0/0 devait être observé à l'égard du prêt de 180 millions, qui doit être fait au Trésor national.
Ces négociants se sont rendus à ces impor-
tantes observations, et nous ont remis leurs calculs rectifiés.
Il n'est pas naturel de craindre que les actionnaires et les administrateurs de la Caisse d'escompte fassent difficulté d'adopter le plan de ces 4 négociants, parce qu'il est convenable, dans tous les sens, à leurs intérêts particuliers, et à celui des finances publiques ét du comriierce; mais si, contre toute attente, ces administrateurs et actionnaires ne se conformaient pas aux décrets de l'Assemblée, -alors toute autre compagnie se prêterait facilement aux vues de ces auteurs, puisqu'elles amènent un placement très-favorable et très-solide, sur les 30,000 actions destinées à former le capital de la nouvelle Banque nationale.
Avant de soumettre leur plan à la sagesse de vos discussions, Messieurs, je pense qu'il est très-important de procéder à la création d'un Trésor national, qui doit naturellement protéger la Banque nationale et la précéder; en conséquence, j'ai l'honneur, Messieurs, de vous proposer le décret suivant :
l*"L'Assembiée nationale décrète qu'il sera incessamment établi une caisse nationale dans la capitale, soUs l'inspection Immédiate de l'Assemblée, et sous les règles d'administration les plus convenables à la constitution qu'elle se réserve de lui fixer;
2° A compter du 1er janvier prochain, sur tous les fonds rentrant au Trésor royal, ceux destinés à acquitter les capitaux et les intérêts des sommes dues par l'Etat, seront versés dans le Trésor national, qui dirigera tous les payements concernant la dette publiqueJ,
3° Que de plus seront versés au Trésor national tous les dons patriotiques qui Seront faits à l'avenir, tous les produits du bien-fonds du domaine royal et au clergé, dont la vente serait déterminée, et la partie des droits attachés à ces deux propriétés, dont l'aliénation ou le rachat seraient pareillement prescrits, afin de faire annuellement servir ces produits à l'amortissement de la dette nationale, et à la garantie spéciale du papier national à créer;
4° Qu'il sera créé pour 600 millions de papier national, en billets de 1,000, de 500 ét 250 livres.
Cette somme ne sera jamais excédée, et les 600 millions de papier national Seront délivrés à la Banque nationale, aux conditions qui seront prononcées dans les décrets concernant la création de cette Banque nationale.
Je finirai par mettre sous vos yeux, Messieurs, le plan rectifié de la Banque nationale des sieurs La Rdchette, Delourme, de la Merlière, et Admi-rault l'aîné, vous engageant à le prendre en considération dans la persuasion où je suis que, de tous ceux qui vous ont été présentés, ce plan est le plus propre à rétablir la confiance publique, et le seul digne de réunir vos suffrages*
Projet d'une Banque nationale*
Les moyens de prospérité qu'une Banque nationale permet à la chose publique sont très-considérables; mais il s'agit de former cet établissement d'une manière solide, en conciliant les intérêts de l'Etat et ceux des citoyens.
La circulation d'un papier de crédit, son usage général, excité par la conscience, le patriotisme et même l'intérêt : tel est l'objet, telle est la base du projet que nous formons.
Ce papier de crédit méritera à juste titre le
nom de papier national, puisqu'il sera en même temps utile et avantageux au Trésor public, et aux opérations des particuliers. 11 réunira d'ailleurs toutes les sûretés dont une valeur représentative puisse être susceptible : 1® celles des billets d'Etat les mieux constitués, puisqu'ils seraient créés et garantis par la nation, qui donnerait pour hypothèque telle partie que bon lui semblerait de ses riches et immenses possesseurs ; 2° celles des banques les plus accréditées, puisque son émission n'ayant jamais lieu que pour des lettres de change et autres conventions à termes, à l'escompte desquelles il aurait servi, ces effets exigibles eh seraient sans cesse Une représentation libre, disponible et même excédante, indépendamment du capital des actions. Et enfin, S'il remplit les fonctions d'un papier-monnaie, il n'en>ura aucun- des vices qui ont fait proscrire cette'dénomination.
Avant d'exposer le plan de la Banque nationale, nous rappellerons quelques réflexions d'uae vérité qui ont déterminé notre opinion :
Lés valeurs numéraires sont Un moyen prochain d'échange et de jouissance, mais leur possession matérielle est toujours stérile; et ce n'est qu'en les aliénant qu'on en obtient un produit.
Le numéraire réel (lës métaux) aura toujours cet inconvénient.
Le numéraire fictif (les papiers de crédit) peut en être exempt.
Et puisqu'un papier de crédit, tel c(ue les billets de la Caisse d'escompte, est reçu comme ie numéraire réel, quoiqu'il n'ait d'autre avantage que celui de la commodité, ne doit-on pas compter qu'un papier national portant intérêt, sera bien plus favorablement accueilli?
L'argent effectif et les billets de la Caisse d'escompte ne présentent dans les caisses des particuliers que des valeurs oisives, tandis que le papier national leur donnera un produit journalier, èn conservant toutes les facilités du numéraire ie plus courant.
Création de la Banque nationale.
La Caisse d'escompte sera érigée en un établissement plus considérable et plus général, sous le nom de Banque nationale.
Son fonds sera de 300 millions, divisés en 30,-000 actions de 10,000 livres, qui pourront êtré subdivisées en cinquièmes d'actions. — Les actions de la Caisse d'escompte, dans l'hypothèse que la totalité soit due par le Roi, seront reçues pour comptant dans le payement des actions de la Banque nationale.
180 millions de ce fonds seront versés au Trésor public, à titre de prêt ou de dépôt, et à la charge de l'intérêt ji, raison de 4 1/2 0/0 par an.
Les créances actuelles de la Caisse d'escompte sur ie Roi seront reçues pour comptant dans le payement de ces 180* millions.
Les 120 millions restants seront réservés pour le service de la Banque nationale.
Création d'un papier national.
II sera créé, par un décret de l'Assemblée nationale, 600 millions de papier national, en billets de 1,000 livres, de 500 livres et de 250 livres; Cette somme ne sera jamais excédée.
La valeur de chaque billet de 1,000 livres s'accroîtra d'un sol par jour, et les autres en proportion, à compter de leur date.
Ces billets, avec leur accroissement, seront
reçus dans tous les payements publics et particuliers. — Ils seront pareillement acquittés au porteur, en argent comptant par la Banque nationale, au moment de leur présentation.
Ils pourront être renouvelés à l'expiration d'une année, à compter de leur date ; et dans l'échange qui en sera fait, le porteur recevra, avec un nouveau billet, le montant des intérêts échus, en raison de la valeur du billet qu'il remettra.
Emission du papier national.
Le Trésor national remettra à la Banque, à titre de prêt, les 600 millions de papier national, à la charge de tenir compte des 10,800,000 livres, montant de l'intérêt annuel qui y est attribué.
La Banque répandra ces 600millions de papier, en payement des effets qu'elle escomptera. •
Fonctions de la Banque nationale.
La Banque nationale résidera à Paris; mais elle aura des bureaux dans toutes les villes du royaume, où il sera établi des assemblées provinciales, ainsi que dans les principales villes de commerce.
Elle escomptera à raison de 4 1/2 0/0 par an, non-seulement les lettres de change des négociants, les billets des marchands, mais encore les obligations des propriétaires des biens-fonds, comme aussi les quittances de rentes sur le Roi, les villes, les provinces et le clergé.
Il est important d'observer ici que, sur l'ês-comple de 4 1/2 Ô/0 fixé ci-dessus, il ne restera réellement à la Banque nationale qu'environ 3 0/0, puisqu'elle distribuera en payement le papier national, pour lequel elle aura à payer près de 2 0/0 par an. Ainsi, en dernière analyse, le prix de l'escompte de la Banque nationale sera, pour le public, de 2 0/0 plus modéré que'celui de là Caisse d'escompte, et de moitié moindre que l'intérêt du commerce, qui est communément de 6 0/0.
Répartition des fonds de la Banque.
La Banque aura à employer aux opérations de l'escompte les 600 millions de papier national et 30 millions d'argent effectif.
Elle aura en réserve 90 millions d'argent effectif pour être employés, au besoin, à l'échange du papier national.
Ces sommes pourront être réparties de la manière' suivante, en supposant que la France soit divisée en 60 départements, administrés chacun par une assemblée provinciale; savoir:
Paris...............
Neuf autres départements où se trouveraient les villes d'un grand commerce.. Les cinquante autres départements......
POUR L'ESCOMPTE.
En papier de . crédit. En argent effectif. ' Fonds de réserveen argent effectif.
200,000,000 100,000,000 300,000,000 10,000,000 5,000,000 15,000,000 30,000,000 15,000,000 45,000,000
600,000,000 30,000,000 90,000,000
La sous-division des sommes assignées aux 59 départements serait réglée dans une proportion convenable relativement aux localités.
TABLEAU
des produits et dépenses de la Banque nationale.
Les 630 millions que la Banque emploiera à l'escompte, à raison de 4 1/2 0/0 produiront,
ci . ....................28,350,000 liv.
Et l'intérêt de 180 millions versés au Trésor public, aussi-à 4 1/2 0/0. . . . . 11 . . . 8,100,000
36,450,000 liv.
DÉPENSE.
Intérêt fixe des actions â 5 0/0 par an sur le capital, de
300 raillions. 15,000,0Q0 liv.>
Intérêt du papier national. ... . 10,800,000
Frais de régie , pertes,
etc. . . . . g 2,650,000
Bénéfice net.
28,450,000
8,000,000 liv.
Emploi de ce bénéfice.
Il sera raisonnable et juste que le Trésor public participe pour moitié à ce bénéfice. L'autre moitié suffira encore pour procurer aux actionnaires près de 2 0/0 par an, en sus de l'intérêt ordinaire de leur capital.
La Banque pourrait recevoir tous les dépôts particuliers.
Ce revenu de 4 millions, d'autant plus précieux à l'Etat qu'il ne grève aucun citoyen, peut être augmenté en chargeant la Banque nationale de tous les dépôts judiciaires ou volontaires qui conr cément les particuliers.
Dans l'état actuel des choses, les inconvénients, les dommages résultant de l'avidité des détenteurs de deniers, sont incalculables. Combien d'affaires ne sont prolongées, ne deviennent interminables que par cette cause ! Ce serait déjà beaucoup que de la prévenir ; et l'on peut faire mieux encore, en attribuant aux dépôts qui seraient confiés à la Banque un intérêt de 3 0/0 par an, et en les dispensant de tous frais. Par ce moyen, les dépôts qui sont violés si souvent, et de tant de manières, qui payent même des redevances aux dépositaires, au lieu de tant de risques et de charges, n'éprouveraient plus aucun injuste délai dans leurs remboursements, et donneraient un produit assez avantageux pour attendre, presque sans dommage, le terme des affaires les plus compliquées, d'où leur libération peut dépendre,
Constitution de la Banque nationale.
La Banque, qui se trouvera soumise de droit à la surveillance des représentants de la nation, sera présidée soit à Paris, soit dans les provinces,
par des commissaires choisis parmi les membres i des assemblées provinciales.
Elle sera régie par 140 administrateurs, qui ne pourront être pris que dans le nombre des citoyens domiciliés qui se trouveront libres de toutes fonctions d'administration publique, de judicature, de finances, de banque et de commerce ; ils auront des honoraires fixes et modérés, sans aucune autre rétribution.
Les règlements que la Banque aura à suivre seront dressés par les - administrateurs, mais ils ne pourront être mis en exécution qu'après avoir été agréés et sanctionnés par l'Assemblée nationale.
Tout ce qui a rapport à la solidité et à la sûreté des opérations de la Banque sera le principal objet de ce règlement. Après l'avoir rempli, ils auront Jt. pourvoir à ce que tous les citoyens sol-vables soient appelés, sans distinction ni préférence, à la jouissance des facilités que la Banque doit leur procurer.
Les administrateurs seront élus par l'assemblée des actionnaires.
Il y en aura 12 à Paris, et 2 au plus dans chacun des autres départements.
Les caissiers, et autres principaux officiers de la Banque, seront choisis avec toutes les précautions possibles et les mesures convenables pour assurer leur gestion.
Quant aux divers détails, le régime de la Banque sera fixé d'après les règles et les usages que l'expérience-a consacré dans la Caisse d'escompte.
Les bureaux de la Banque nationale devront être placés dans les hôtels de ville ou les maisons royales. Aux raisons de convenances qui indiquent cette disposition, se joignent des motifs d'économie publique,, puisque les sommes qu'elle eût été obligée d'employer à des bâtiments nouveaux ou à des locations coûteuses pourraient être appliquées à la décharge du Trésor de la nation, à l'entretien ou à l'achèvement de ces édifices.
L'accroissement de bénéfice provenant des fonds des dépôts et de la circulation d'une partie de l'argent en réserve, que des. circonstances favorables pourraient permettre, serait employé à cet objet.
Raisons de désirer et d'esperer le succès de la Banque nationale.
Nous croyons pouvoir borner ici les développement de notre plan. Ceux que nous venons de donner, suffisent pour le faire connaître, et pour démontrer qu'il procurerait l'augmentation du numéraire, si essentielle au royaume, des secours considérables, et un revenu important au Trésor public; des moyens infinis pour l'industrie, l'aisance et la sûreté des propriétaires, des facilités nécessaires pour les rentiers, et enfin un placement avantageux pour les capitalistes. Ce sont là des motifs bien puissants pour faire adopter le papier national et en faire désirer le succès. Quant aux raisons de l'espérer, ce succès, elles sont fondées sur la confiance que ce papier ne manquerait pas d'inspirer, puisqu'il réunirait toutes les certitudes de payement que peut offrir la meilleure lettre de change tirée et endossée par des gens solvables, et de plus garantie solidaire-rement par une compagnie puissante et même par la nation. Le papier national donnera d'ailleurs un bénéfice que l'on n'obtient point de
l'argent, et par conséquent chacun sera sollicité, par son propre intérêt, à le garder de préférence.
Rien n'est enfin si évident que l'avantage' national que l'exécution de ce projet procurerait; et si l'amour du bien public n'est pas un être de raison, quel est le citoyen qui ne voudra pas concourir à accréditer le papier national, et à le préserver des atteintes de la méfiance et surtout des abus de l'agiotage?
La réunion de tant de causes de faveur pour le papier national doit faire présumer que la banque aura toujours plus de peine à suffire à l'empressement du public pour en acquérir, qu'à celui de le convertir en argent; ce à quoi elle se ménagerait au surplus tous les moyens de satisfaire.
A Paris, le
Signé: La Rochette, Delourme, Nicolas de la Merlière, Admirault l'aîné. Pour copie, Nicolas de la Merlière.
Les auteurs du projet de Banque nationale, présenté à l'Assemblée nationale le 21 novembre 1789, par M. le vicomte Macaye, après s'être fait un devoir de répondre aux objections des gens sensés, et de repousser avec honnêteté les traits de la satire lancés par l'envie, se contenteront de publier une seule de leurs réponses faite à une critique anonyme qui, se couvrant d'une feinte ignorance, leur a'écrit des injures, à défaut sans doute de raisons valables pour les combattre.
Lorsque nous demandons que la nation veuille bien accorder sa garantie, en donnant pour hypothèque telle partie que bon lui semblerait ae ses riches et immenses possessions, nous n'avons eu d'autre but que de lui fournir un moyen départager les bénéfices de la Banque nationale, etnous avons voulu réaliser le titre de Banque nationale. Nous avons eu aussi égard à la tranquillité du public, en lui fournissant un nouveau garant dont la solidité ne pût être révoquée ensuite. Du reste nous pensons que notre projet, par sa forme et sa consistance, pourrait s'en passer; et pour le prouver un simple aperçu de ses bases suffira. Les fonds de la Banque consisteront;: 1° en 300 millions provenant de la vente des actions, dont 180 millions seront remis au Trésor national, et 120 millions seront réservés pour ses opérations^0 en 600 millions de papier national, qui ne seront livrés au public qu'en échange de lettres de change, conventions à termes, etc. En supposant que dans un espace de quinze mois les 600 millions eussent été répandus, et que la totalité existât sur la place, alors la Banque nationale aurait pour y faire face 720 millions en espèces effectives et en quelques papiers sûrs, et 180 millions qui seraient dus par le Trésor : national. Dès lors ce ne serait plus qu'une garantie d'honneur, et un acte de protection, plus nécessaire que jamais, dans un moment où tout se rapporte à la nation. Croyez-vous qu'avec ces moyens, la Banque nationale pût avoir aucune inquiétude, et que la garantie nationale fût bien nécessaire ? Ah 1 monsieur, rendez plus de justice à.nos sentiments et daignez voir qu'ils émanent de cœurs vraiment animés d'un patriotisme pur et désintéressé.
RÈGLEMENT Proposé par M, le vicomte de IKacaye. article premier.
L'Assemblée nationale décrète qu'il sera formé une Banque nationale sur les bases et les principes établis, mais rectifiés, dans le projet présenté par les sieurs La Rochette, Delourme, de la Merlière et Admirauld l'aîné, citoyens français,
art. 2.
Que, pour faire les fonds de cette Banque, il sera créé trente mille actions de 10,000 livres, formant un capital de 300 millions; que ces actions pourront e^re subdivisées en cinquièmes d'actions.
art. 3.
Que, de ces 300 millions, 180 seront versés au Trésor roval ou national, à titre de prêt et à l'intérêt de "4 1/2 0/0 par an, et les 120 millions restants seront réservés pour le service de la Banque.
art. 4.
Que, de ces 12& millions, il lui sera permis d'employer 30 paillions à l'escompte, et qu'elle aura toujours en réserve les 90 autres millions pour être employés, au besoin, à l'échange du papier national.
art. 5,
Que les actions de la Caisse d'escompte, en tant que la totalité sera due par le Trésbr royal, et toutes ses créances actuelles sur le Roi, seront reçues pour comptant dans le payement des nouvelles actions, jusqu'à la concurrence de 180 millions, ce qui forme les trois cinquièmes de la totalité de ces actions.
art. 8.
Que, pour la sûreté publique et pour calmer les fausses alarmes que des craintes mal fondées pourraient faire naître, du moment que la Banque nationale commencera ses opérations, tous les billets au porteur de la Caisse d'escompte qui se trouveront sur la place seront échangés contre du papier national, et jusqu'à cette époque la Caisse d'escompte aura la liberté de continuer ses fonctions.
art. 7.
Qu'il lui sera remis par le Trésor national 600 nnllions de papier national, en billets de 1,000 livres, de 5QQ livres et de 250 livres : les premières portant intérêt d'un sol par jour ; les seconds 4e 6 deniers, et les troisièmes d© 3 deniers, aussi par jour, et que l'intérêt de ces 600 millions, 4 raison d'un sol par jour sur 1,000 livres, sera à la charge de la Banque nationale.
art. 8.
Que les 600 millions de papier national, en billets de 1,000 livres, de 500 et de 250 livres, seront employés, à raison de 4 1/2 0/0 par an, à
l'escompte des lettres de change des négociants, dès billets des marchands, des obligations à termes des propriétaires de biens-fonds et des quittances des rentes sur le Roi, le clergé, les provinces et les villes.
art. 9.
Que ces billets seront reçus avec leur accroissement dans tous les payements publics et particuliers ; qu'ils seront pareillement acquittés au porteur, en argent comptant, par la Bahque nationale, au moment de leur présentation.
art. 10,
Que les billets de 1,000 livres, de 500 livres et de 250 livres pourront être renouvelés à l'expiration d'une année, à compter de leur date, et dans l'échange qui en sera fait le porteur recevra, avec un nouveau billet, les intérêts qui seront échus en raison de la Valeur du billet qu'il aura présenté.
art, 1l,
Que tous les dépôts judiciaires et volontaires seront vérsés dans la Banque nationale, et qu'elle donnera sur ces dépôts un intérêt de 3 0/0 aux propriétaires, en Jes dispensant de tous frais.
art-12.
Que ja moitié du bénéfice net de la Banque na-Ho haie, déduction faite des intérêts, charges et pertes, sera versée aU Trésor royal du national, tous les six mois ou tous les ans, après avoir reçu les intérêts qui seront dus par le Trésor national sur les 180 millions qui auront été remis, à titre de prêt, par la Banque nationale.
art. 13.
Qu'en rapportant au Trésor national la moitié du bénéfice, la Banque nationale remettra aux administrateurs du Trésor national une copie en forme de son compte définitif, après l'avoir fait viser par les commissaires qui seront chargés par l'Assemblée nationale de la surveiller, et qu'elle produira à ces personnes ci-dessus désignées tous ses livres, comptes, pièces, titres, renseignements et autres papiers concernant son administration, toutes les fois qu'elle en sera requise par ces commissaires nommés par l'Assemblée nationale ou législative ou par les administrateurs du Trésor national.
art. 14,
Que la Banque résidera à Paris, mais qu'elle aura des bureaux dans toutes les villes du royaume qui seront désignées pour être des chefs-lieux de départements, ainsi que dans les principales Villes de commerce, suivant qu'il sera jugé nécessaire par l'Assemblée, nationale,
art. 15.
Que la Banque nationale, qui se trouvera soumise de droit à la surveillance suprême des représentants de la nation, sera présidée, soit à Paris, soit dans les provinces, par des commissaires choisis parmi les membres des assemblées provinciales.
art. 16.
Qu'elle sera régie par le nombre d'administrateurs qui sera jugé nécessaire, d'après le nombre de ses bureaux ; et que ces administrateurs ne pourront être pris que dans le nombre des citoyens domiciliés qui se trouveront libres de toutes fonctions d'administration publique, de judica-ture, de finances, de banque et de commerce,
art. 17.
Que les administrateurs seront élus par l'assemblée des actionnaires.
art. 18.
Qu'il y en aura dopze à Paris, et deux ou plus, dans chacun des autres départements, suivant l'étendue du commerce et des affaire des villes où les bureaux seront établis.
art. 19.
Qu'ils auront des honoraires fixes et modérés, sans aucune autre rétribution,
art. 20,
Que les caissiers et autres principaux officiers de la Banque, seront choisis avec toutes les précautions possibles, et les mesures convenables pour garantir leur gestion.
art. 21,
Que les règlements que la Banque aura à suivre Seront dresses par les administrateurs ; mais qu'ils ne pourront être inis en exécution qu'après avoir été agréés par l'Assemblée nationale et sanctionnés par le Roi.
art. 22.
Que tout ce qui a rapport à la solidité et à la sûreté des opérations de là Banque nationale sera le principal objet de ces règlements ; et qu'après l'avoir rempli, les administrateurs auront à pourvoir à cè que tous les citoyens solvables soient appelés, sans distinction ni préférence, à la jouissance des facilités que la Banque doit leur procurer.
art, 23
Que les bureaux de la Banque nationale devront être placés dans les maisons royales ou les hôtels de ville du lieu de leur résidence ; que les administrateurs emploieront à l'entretien ou à l'achèvement de ces édifices, les sommes qui leur seront désignées pour cet objet.
art. 24.
Que les administrateurs de la Banque nationale ne pourront faire aucun traité avec le ministère, pour lui fournir des fonds, soit en argent ou en papier national, pour quelque somme que ce soit, sans l'ordre exprès de l'Assemblée nationale ou législative,
art. 25.
Que tout abus de confiance de la part des administrateurs, des caissiers et principaux officiers de la Banque nationale, sera puni suivant toute la rigueur des lois, et que tout acte contraire aux
présents décrets, ou aux règlements, après qu'ils auront été décrétés par l'Assemblée nationale et sanctionnés par le Roi, encourra des peines, suivant l'exigence du cas.
art. 26.
Que dans les cas où l'Assemblée nationale ou législative jugerait à propos de dissoudre la Banque, elle suspendra dès l'instant ses .opérations ; et que tous les billets au porteur seront retirés dans l'espace de quatre mois ; et le remboursement des actions devra être effectué dans les deux mois suivants; à l'exception des capitaux qui pourront être dus par la nation,
présidence de m. thquret. Séance du
Un de MM. les secrétaires a fait la lecture des procèB-verbaUx des séances du samedi matin et soir.
On a fait ensuite la lecture des adresses dans l'ordre qui suit :
Adresse des abbés et religieux de l'abbaye de Saint-Winoc à Bergues, qui supplient l'Assemblée d'agréer leur offre de se consacrer entièrement à l'instruction de la jeunesse de la ville de Ber-gues-Saint-Winoc, lui représentant qu'elle trouvera une ressource pour l'Etat dans les biens considérables actuellement destinés à cet objet.
Adressé et mémoire de M. Jourdan, curé de Digne en Provence, par lequel il appuie de toutes ses forces la motion de M. l'évêqUe d'Autun au sujet des biens ecclésiastiques,
Adresses des villes et communautés de Fault, de Navailles, Horsarrieu, Louvigny, Lonçon et Gabidos, de la sénéchaussée de Saint-Sever en Guyenne, dans lesquelles elles adhèrent, avec une respectueuse reconnaissance, aux arrêtés de l'Assemblée nationale des 4 août dernier et jours suivants, notamment à l'article 10, portant l'abandon de tous les privilèges des villes e{ provinces, et à l'article 17, qui proclame Louis XVI notre glorieux monarque, restaurateur de la liberté française.
Adresse du comité permanent et des officiers municipaux de la ville de Moirans en Franche-Comté, contenant félicitations, remerclments, et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à celui concernant la contribution patriotique du quart des revenus de chaque citoyen, dans la confiance que les arrêtés du 4 aoû|, et tous les articles de constitution seront acceptés et sanctionnés purement et simplement. Us offrent en conséquence la somme de 400 livres pour le quart des revenus de la ville, et supplient l'Assemblée de leur permettre de retirer la somme de 2,675 livres des mains du receveur des domaines et bois à Besançon, qui lui reste due en reste de la vente de ses bois.
Adresse des officiers du bailliage de la ville de Troyes, dans laquelle ils offrent à l'Assemblée nationale l'hommage de leur devoir et de leur zèle à faire exécuter ses décrets concernant les nouvelles lois criminelles et le prêt à intérêt.
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion de la ville de Chaumont en Vexin-Français; elle demande d'être érigée en chef-lieu de département ou de district.
Délibération de la ville d'Agen et des habitants de sa banlieue, par laquelle ils ont unanimement adhéré aux décrets de l'Assemblée nationale concernant la contribution patriotique, même avec offre, de la part de ceux qui ne vivent que de leur travail et de leur industrie, de supporterune contribution proportionnée aux fruits qu'ils en retirent; les habitants demandent rétablissement d'une assemblée provinciale et d'un tribunal supérieur dans la province d'Agénois,
Adresse allemandè du bas-baillage de Lauter-bourg en basse Alsace, exprimant l'espérance de ses: habitants, que l'effet salutaire des décrets du 4 août et jours suivants, sera étendu jusque sur eux : ils supplient à cet effet l'Assemblée de nommer des commissaires pour examiner les sommes qui ont été indûment levées sur eux, depuis quelque temps, par les gens d'affaires de M. l'évêque de Spire, leur seigneur, et d'ordonner que les sommes injustement perçues leur seront restituées; et que tous les décrets de l'Assemblée nationale y seront exécutés.
Délibération des officiers de l'élection de Pé-ronne, contenant l'abandon de leurs épices et vacations, et leur adhésion respectueuse aux décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse du comité permanent de la ville de Noyohi contenant félicitations) remercîments, et adhésion à tous les décrets de l'Assemblée nationale ; il demande l'établissement d'une assemblée de département dan s cette ville'.
Délibération du conseil municipal de la ville de Marseille, présidé par M. Dandré, commissaire du Roi en Provence, par laquelle il adhère à tous les décrets de l'Assemblée nationale qui ont été sanctionnés par le Roi, et notamment a ceux qui ordonnent une contribution patriotique, et la perception des impositions royales jusqu'à leur remplacement; ils renoncent à tous les privilèges de la ville, sauf néanmoins la franchise du port, qui n'a été conservée que pour la prospérité et la liberté du commerce et le bien général de l'Etat. A cette délibération est jointe une/liste des personnes qui ont apporté leur vaisselle à la Monnaie, jusqu'au 12 inclusivement, laquelle vaisselle se porte déjà à 2,155 marcs 9 deniers 6 gros.
Adresse des habitants de la communauté du Guer, en Dauphiné, contenant adhésion au décret de l'Assemblée nationale concernant la contribution patriotique; ils la supplient avec, instance de porter une liquidation générale sur les arrérages de rente à un prix modéré, pour qu'ils puissent se libérer malgré leur extrême détresse.
Délibération de la municipalité de la ville de Saint-Rambert en Bugey, par laquelle elle adhère, avec une; soumission sans réserve, aux décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse du même genre de la ville de Charol-les ; elle demande d'être lé siège d'une assemblée provinciale.
Adresse de la ville de Gannat à l'Assemblée nationale, auprès de laquelle elle fait valoir les avantages pour le rang convenable, à lui assigner dans la nouvelle division du royaume. Cette ville demande, surtout, à n'être point distraite dé la province de Bourbonnais, et à rester attachée à son ancienne capitale.
Adresse des citoyens de Haguenau en Alsace, du 18 septembre, par laquelle ils supplient l'As-
semblée nationale, dans les termes les plus touchants:
1° D'agréer l'hommage dé leur admiration et de leur reconnaissance pour tout ce qu'elle a fait pour le salut des Français;
2? D'approuver la nomination qu'ils ont faite de M. Hell, député de la nation pour le bailliage de Haguenau, pour maire juge civil et criminel de leur dite ville, suivant les procès-verbaux d'élection joints à ladite adresse, à charge par ledit maire de rendre la justice gratuitement et conformément aux lois, au moyen du traitement à lui fixé.
Autre adresse et procès-verbal des mêmes bourgeois, du 22 octobre, qui répètent, avec les plus vives instances, Gqu-ii plaise à l'Assemblée leur envoyer leur maire, qui leur avait marqué qu'il ne pouvait pas quitter son poste.
troisième adresse de la municipalité de ladite ville de Haguenau, du 31 dudit mois d'octobre, par laquelle elle répète la même demandé.
déclare qu'il, est absolument aux ordres de l'auguste Assemblée, et qu'il renouvelle son serment solennel de ne s'en séparer que par ses ordres ou par sa mort.
Gomme cependant il a reçu plus de dix lettres par lesquelles il est. très-vivement pressé de se rendre à Haguenau, pour y établir la tranquillité, il supplie l'Assemblée de confirmer ou approuver sa nomination, et de l'autoriser à se rendre, pour dix jours, à Haguenau, et dé lui permettre d'y faire nommer un lieutenant, et de revenir au bout de ces dix jours.
M. Cbaussard, avocat au parlement, et volontaire dans la garde nationale, présente à l'Assemblée un ouvrage intitulé ; « Théorie des lois criminelles, ou discours sur cette question : « si l'extrême sévérité des lois diminue le nombre et l'énormité des crimes », suivi d'un résumé analytique des lois criminelles des différents peuples.
On a annoncé que la ville de Neufchâtel en Suisse a fait don à la France du quart des rentes qu'elle y perçoit;,l'Assemblée applaudit à ce don et charge son président d'écrire à la ville de Neufchâtel pour l'assurer dés sentiments de l'Assemblée,
, nommé suppléant par la province du Dauphiné, préserite ses pouvoirs. Ils, sont vérifiés et il est admis.
, curé de Sommercourt, nommé suppléant par le clergé du bailliage de Bar-le-Duc, se présente pour remplacer M. Golinet; et comme ses pouvoirs sont contenus dans le même procès-verbal qui a nommé M. Golinet, dont les pouvoirs avaient été vérifiés, M. Pellegrin est admis.
Il a été fait lecture d'un mértïoire des ministres du Roi, relativement à l'exécution du décret de l'Assemblée, du 26 septembre dernier, concernant les impositions dans quelques-unes des provinces qui ont eu jusqu'à présent des états provinciaux.
D'après le mémoire, l'exécution de ce décret se fera sans difficulté dans les pays de généralité; elle sera moins aisée dans les pays d'Etats. Mais, comme ces provinces ne font leur répartition qu'au mois d'avril, l'Assemblée aura sans doute alors pris des mesures définitives sur cet objet. La régie des devoirs de Bretagne présente de plus grands embarras; le produit de cette imposition monte à 4 millions, dont une partie est destinée à payer le don gratuit de cette province, les
dépenses de ses chemins, etc., et l'autre sert de gage à ses créanciers.
, député de la province de Champagne, est entendu sur les difficultés qu'éprouve en ce moment la commission intermédiaire de cette province pour la répartition des impositions de 1790. L'Assemblée décide qu'il aura la parole à 2 heures.
rappelle la demande formulée par plusieurs adresses de la municipalité et des bourgeois de la ville ci-devant impériale de Haguenau en Alsace.— M. Hall, maire de cette ville, député du bailliage du même nom, est autorisé à s'y rendre et à s'absenter pour quinze jours.
, suppléant de M. Simon de Maibélle, député de Douai et Orchies, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis.
Plusieurs observations sont faites sur la lecture du procès-verbal de la séance de samedi soir. M. Dubois de Cràncé demande qu'on y consigne le fait certain qu'on a refusé, après que M. Malouet eut présenté sa justification, d'entendre M. Gieizen et M. Goupil de Préfeln.
M. Malouet témoigne le désir qu'il ne reste de cet événement que le souvenir des témoignages touchants et honorables d'estime qu"il a reçus de l'Assemblée.
, président, annonce que sur 680 votants, M. le duc d'Aiguillon a obtenu 166 voix;M. de Boisgehn, archevêque d'Aix, 374, et qu'ainsi ce prélat lui succède.
Le moment où je remets entre les mains de mon Successeur l'auguste fonction dont vous m'aviez honoré m'autorise à vous renouveler l'hommage de mon zèle, de mon dévouement et de ma vive reconnaissance. Ces sentiments que je vous dois, Messieurs, à tant de titres, ont seuls dirigé mes efforts constants pour concilier l'accélération de vos décrets avec la suffisante étendue de la discussion, et la maturité nécessaire de vos délibérations : si je n'ai pas atteint entièrement ce but, j'ai du moins été assez heureux pour que mes efforts aient obtenu votre indulgence.
Vous avez rèmpli le plus ardent de mes vœux, en prononçant par mon organe les nombreux articles de la Constitution, qui illustreront l'époque de ma présidence. Je rentre au milieu de vous comblé des marques de votre bienveillance ; il ne me restera rien à désirer, si vous recevez favorablement mes respectueux remercîments.
, archevêque d'Aix, président. Messieurs, c'est dans les assemblées nationales qu'un citoyen apprend à connaître sa dignité personnelle et sa véritable existence; c'est là que ses sentiments s'élèvent avec ses idées, et que ses plus grands intérêts ne sont point renfermés dans lui-même: il concourt à tous les progrès de la liberté publique; il exerce la puissance de sa nation qui sembfe devenir la sienne, et la Constitution de son pays est son ouvrage : et quand cette auguste Assemblée daigne me choisir pour présider à ses séances, et pour parler en son nom, je dois remplir avec un sentiment digne d'elle les devoirs qu'elle m'impose. J'invoquerai son autorité pour maintenir l'ordre établi par ses règlements; j'exécuterai ses volontés avec
cette confiance et ce respect qu'on ne sent que pour les lois. Mon prédécessëur, distingué par ses talents, nous a fait connaître quelle est cette attention toujours calme et présente qui répond à vos vœux, sans en prévenir et sans en retarder le terme, et qui sait étudier vos sentiments pour fixer les objets de vos délibérations; il n'y a point d'acte de sagesse et de fermeté dont cette place ne noûs rappelle le souvenir; honoré par vos suffrages, je puiserai dans d'illustres exemples les moyens de vous témoigner ma vénération, mon dévouement et ma reconnaissance.
On propose de voter des remercîments à M. Thouret.
La proposition est adoptée à l'unanimité et par acclamation.
, archevêque dAix, président, formulé le décret en ces termes:
« L'Assemblée décerne à M. Thouret les remercîments les plus exprès et les plus signalés pour la manière dont il a rempli les fonctions qui lui avaient été confiées. »
L'ordre du jour appelle la discussion du plan du comité de constitution concernant l'organisatioa des municipalités et assemblées provinciales.
M. Lanjuinais rappelle. qu'il a proposé deux articles qui ont été ajournés, portant :
« 1° Que les parents ou alliés jusqu'au second degré inclusivement, ne pourront être en même temps membres dé l'assemblée d'administration.
« 2* Que chaque assemblée d'électeurs nommera un suppléant à chacun de ses députés aux assemblées administratives ou nationales. »
Il dit que la réunion des parents dans les assemblées administratives n'est ni juste ni Convenable. A Brest, quatre ou cinq familles sont ën possession, par la faveur des ministres, d'occuper des places de municipalité et de judicâturè. C'est cet inconvénient qui lui a donné l'idée de l'un des articles qu'il propose.
Ce raisonnement pouvait être exact autrefois; il cesse de l'être aujourd'hui que le peuple nommera aux divers emplois publics : il n'accordera sans doute sa . confiance, que lorsqu'il n'y aura nul danger pour ses intérêts.
J'observerai, sur le second article, qu'il n'est pas nécessaire d'un nombre de suppléants égal à celui des représentants, et qu'il me paraîtTsuf-fisant d'en nommer dans la proportion d'un quart ou d'un tiers.
rejette le premier article. En administration et en justice, dit-il, tout sera désormais public: on voyait souvent autrefois, dans le même. tribunal, le père ët le fils ; tout était secret alors; une voix(secrétë pouvait avoir la plus grande influence! Nous avons sous les yeux plusieurs preuves du péu de danger de la réunion des parents dans les assemblées publiques, puisque nous voyons ici plusieurs frères dont les sentiments sont également purs et les opinions souvent différentes.
adopte l'article contesté. Il établit son opinion sur son expérience personnelle et sur celle qui a déterminé beaucoup de lois prohibitives conformes à la proposition de M. Lanjuinais.
Autant les
exclusions des parents étaient nécessaires lorsque les places ps frpuvajept à la nomination dun seul» autant la Upertê doit être entière lorsque lé peuple choisit lui-même ses représentants.,,
Vous devea |tre extrêmement parcimonieux sur les excluions, parce quelles atténuent lé droit qui appartient au peuple de donner sa con-» flapce à celui qu'il en croit ie plus digne. Je pense qu'il n'y a pas Ueu à délibérer,
propose un moyen intermédiaire, qui consiste à arrêter nue, lorsqu'un citoyen aura été élu membre d'une assemblée administrative, aucun de ses parents, aux premier et deuxième degrés, ne pourra être élu qu'aux deux tiers de voix, au iieu de ia majorité.
Qp demande ]a question préalable, non-seulement sur la motion, mais encore sur les amen^ dements.
Cette demande mise en délibération, les deux premières épreuves paraissent douteuses à une partie de l'Assemblée; une troisième épreuve a pour objet de s'assurer si le doute existe réellement, Une très-grande majorité décide que le résultat des deux premières épreuves était qu'il n'y avait pas iieu & délibérer» Le décret est ainsi proponcé» Le résultat du scrutin pour la nomination des secrétaires a donné ia pluralité à MM. le vicomte de fjeaubarnais, de Yolnev et Dubois de Grapcé.
Le premier article que l'ordre du jour appelle à la discussion est conçu en ces termes :
« A l'ouverture de chaque session des administrations de département, le conseil de département commencera par entendre, recevoir et arrêter ie compte de la gestion du directoire; ensuite les membres flu directoire prendront séance et voix délibé.rative avec ceu^ du conseil. »
Cet article est adopté unanimement et sans discussion.
L'article suivant est rédigé comme il suit: d Chaque administration de district sera subordonnée a celle de département; elle se divisera aussi en deux sections: l'une destinée, sous le nom de conseil, à préparer les moyens 4e discussion des différents objets, les matières qui devront être soumises ft l'administration de département, et l'examen des comptes ^e la gestion : elle tiendra ses séances pendant quipze jours par chaque année. L'autre section, soûs le nom de directoire, sera chargée continuellement de l'exécution.
propose d'ajouter les mots « au plus » après ceux de « pendant quinze jours >>,
Op demande pour amendement d'ajourner les mots « au plus », et cè qui est relatif à la durée des séances de district; l'ajournement est mis aux voix et rejeté,
Il est proposé pour amendement de borner les assemblées dè district; l'amendement mis aux voix est admis.
On réclame ensuite que le mot « entièrement ». qui avait été d'abord lu, sôit rétabli; l'Assemblée décrète que le mot « entièrement après ceux, « chaquè administration de district », sera réta* bli : l'article ainsi amendé est admis et décrété. On fait ensuite lecture de l'article suivant, en ces termes : « Les assemblées administratives étant instituées dans l'ordre du pouvoir exécutif,
seront, les agents de se pouvoir» dépositaires de
l'autorité du Roi, comme chef de l'administration générale; elles agiront en son nom, sous ses ordres, et lui seront entièrement subordonnées, s
, Le comité avait précédem~ ment ajouté à cet article que les actes des assemblées administratives ne pourraient être exécutoires qu'après avoir obtenu Ja sanction du Roi.
Je me suis dit, en examinant cet article, qu'il était impossible de décréter p|p entièrement et plus constitutionnellemeut la conservation des pouvoirs des commissaires départis, Le Roi ne pourra voir par lui-même toutes les opérations qes assemblées administratives; il faudra donc créer pour cet objet un agent du pouvoir exécutif, qui, quelque nom qu'on lui donne, sera réellement un intendant.
En établissant ces assemblées, vous ave? voulu soustraire les provinces aux bureaux des intendances; votre intention ne peut être de les y replonger constitution Bellement.
Je conviens que les assemblées administratives doivent agir sous les ordres et au nom du Roi i elles seront toujours obligées de se renfermer dans l'attribution qui leur aura été accordée par vos décrets sanctionnés par Je FU)j, et dont Sa ma-r jesté leur aura ordonné l'exécution; si elles pe peuvent rien faire sans un ordre ad hoe du Roi* a qui le demanderont-elles ? par qui le recevront-elles? ne sont-elles pas entièrement subordon-nées à un intendant ?
Je voudrais que le comité nous indiquât d'abord tous les objets dont les assemblées administratives seront chargées; nous verrions alors quelle doit être l'étendue de leurs droits- Je demande l'ajournement de l'article jusqu'à ce qup |e comité jut présenté ce tableau.
L'article qu'on vous propose refuse des pouvoirs que les plus grands excès du despotisme n'avaient pas enlevés aux plus chéti? ves assemblées administratives. Ainsi un ministre voudrait, du fond de sou cabinet, conduire toutes les parties de l'administration de plusieurs provinces : je ie comparerais avec raison au ministre qui, sous Louis XIV, prétendait diriger Turenne du fond de §on boudoir,
L'opinant déyeloppe un grand nombre de cir* constances où la subordination exigée serait, sinon impossible, du moins dangereuse. Il adopte l'ajournement,
Chaque département deviendrait par cet article entièrement subordonné à un bureau du ministre et complètement étranger à l'Assem* biée nationale, qui n'aurait plus de législation générale et particulière à faire, parce que ces fonctions seraient par le fa|| dévolues au conseil. Je rejette cet article'
La disposition qui avait été supprimée % l'article, et que M. Defermon a voulu rétablir pour la combattre, a été rejetôe par le comité, parce qu'il n'a pu entendre que les opérations faites par les assemblées administratives, en exécution de vos décrets, eussent besoin d'une nouvelle sanction, quand elles y seraient conformes,
Il est impossible de eonci* lier cette profession de foi avec l'article qui porte que les assemblées administratives seront sous les ordres dp pouyoir exécutif,
Eu quoi consistent les fonctions des assemblées administratives? dans l'exécution de vos décrets ordonnée par le Roi, Ainsi les agents du pouvoir exécutif» qui sont les assemblées administratives, exécutent la lettre de vos décrets, qui, une fois sanctionnés, doivent devenir la volonté du Roi. Les préopinants paraissent avoir oublié la permanence des assemblées nationales, et les bornes mises au pouvoir exécutif. Le chapitre qui concerne ce pouvoir n'est pas achevé, mais il est assez avancé pour ne laisser subsister aucunes craintes.
Il faut que le Roi transmette l'autorité aux assemblées administratives, d'après les décrets de l'Assemblée nationale, et que ces assemblées soient absolument subordonnées au monarque ; si elles l'étaient à l'Assemblée nationale, celle-ci réunirait le pouvoir exécutif au pouvoir législatif.
Pour dissiper toutes les inquiétudes, je propose d'ajouter à la fin de l'article ces mots : « d'après les règles établies par la constitution et par les législatures ».
Il existe dans les prpvinces des agents, de l'autorité, ennemis de la liberté publique, les intendants ; le souvenir de leqr effrayant pouvoir a causé les inquiétudes qui viennent de se manifester. Les amis de la liberté ont craint que l'administration de l'impôt ne retombât dans les mains, de ces fléaux de nos provinces..... On peut laisser au pouvoir exécutif les opérations relatives aux mouvements des troupes ; ce qui concerne l'impôt doit être pour lui Farche sacrée, et toutes les contestations relatives â cet objet, portées à l'assemblée provincial qui sera comptable à l'Assemblée nationale.
Je demande l'ajournement, dans les mêmes vues et avec les mêmes termes que M, Defer-mon.
, L'article ne contient qu'un principe et ne préjuge rien sur les détails dans lesquels le préopidant vient d'entrer. Ce principe doit être consacré pour laisser entre les mains du pouvoir exécutif une surveillance active qui empêche les assemblées inférieures de s'écarter de vos décrets.
Cependant, afin de dissiper les craintes, il serait possible d'ajouter à l'article ces mots : « pour l'exécution et le maintien de tous les décrets du Corps législatif »,
Ce principe mettrait les provinces dans une dépendance absolue du pouvoir exécutif. Bientôt nous verrions les assemblées administratives sans liberté, sans énergie ; cependant toute administration doit pouvoir agir par elle-même ; et dans le moment ptj vous croiriez avoir établi la liberté, aucun district n'aurait la liberté d'ouvrir un chemin sans l'approbation des agents ministériels que le Roi serait dans la nécessité de créer.
J'adopte l'ajournement tel qu'il est proposé par M. Defermon^
L'ajournementest décrété.
L'article suivant est ainsi rédigé ;
« Les assemblées administratives ne pourront exercer ni le pouvoir législatif, ni le pouvoir judiciaire, octroyer au Roi, ni établir à la charge du département ou du district, aucun impôt pour quelque cause, ni sous quelque dénomination que çe soit ; en répartir aucun au delà de la
somme ou de la quotité accordée, ou du temps fixé par le Corps législatif ; elles ne pourront pareillement faire aucun emprunt direct ou indirect, sans y être expressément autorisées par le Corps législatif. Le pouvoir judiciaire ne pourra, au surplus, les troubler par aucun acte dans fonctions qui Içur sont attribuées- »
L'expression de pouvoir judiciaire s'applique-t-elle aux actes ordinaires du pouvoir judiciaire, ou s'étend-elle aux tribunaux d'attribution? Ces tribunaux doivent être supprimés, et il est intéressant d'examiner si l'on peut donner aux assemblées de département la connaissance des contestations sur les impôts. L'importauce de cette question me détermine à demander l'ajournement de cet article.
L'ajournement mis aux voix et rejeté.
Je demande que les assemblées administratives soient autorisées à pourvoir aux besoins locaux et urgents, tels que des réparations imprévues à faire à des levées, à des ponts, à des écluses, etc.
Je propose, relativement aiix impositions, d'insérer dans l'article une réserve pour les fonctions qui pourraient par la suite être attribuées aux assemblées administratives.
Le Corps législatif pourrait autoriser, selon les localités, à percevoir ou emprunter une modique somme pour les cas urgents.. Le comité, en parlant du pouvoir judiciaire, a donné à ce mot sa véritable acception; des décisions en matière d'imposition ne parais* sent pas être dans l'ordre judiciaire.
Il est impossible de ne pas attribuer aux assemblées administratives la force coactive nécessaire pour l'exécution des décrets ; il est naturel dès lors de leur accorder la connaissance des contestations relatives aux impôts.
Il peut y avoir dans chaque département des sommes destinés aux besoins imprévus ; si elles n'existaient pas, ce ne serait point un impôt qu'il faudrai t autoriser, parce que cette ressource serait lente, et dès lorS inutile. Un emprunt, dont la somme serait déterminée par le règlement, paraîtrait plus convenable,'
L'heure étant avancée, la discussion est in tel rompue et continuée à demain.
lit une lettre de M. le garde des sceaux, qui envoie à l'Assemblée : 1° une copie certifiée de l'arrêt du parlement de Metz, en date du 12 du courant, et les lettres patentes rendues sur le décret ;
fy Une expédition, pour être déposée aux archives , de l'arrêt du conseil, du Roi, qui ordonne l'exécution du décret de cette Assemblée, du 17 de ce mois, concernant le parlement de Metz.;
3° Deux exemplaires des lettres patentes qui ordonnent l'envoi aux tribunaux, municipalités et autres corps administratifs, des décrets acceptés ou sanctionnés par le Roi depuis le 4 août jusques et y compris le £3 de ce mois.
Unedéputation de Ja Caisse'd'escompte demande à être introduite.
, après avoir consulté l'Assemblée, ordonne de l'admettre à la barre.
, portant la parole, dit (1) :
Nosseigneurs, les actionnaires de la Caisse d'escompte, réunis en assemblée générale le 20 novembre, pour prendre connaissance du plan proposé à l'Assemblée nationale par M. le ministre des finances, nous ont confié l'honorable mission de vous porter l'hommage de leurs sen^ iments et de leur profond respect.;
Nous vous supplions en leur nom :
1° De nommer dans le sein de votre Assemblée des commissaires pour prendre la connaissance la plus exacte et la plus étendue dés opérations de leur établissement, de .sa gestion, de ses statuts, et de l'usage qui a étéfaifrde ses moyens et de son crédit;
2° De vouloir bien agréer leur dévouement absolu à tout ce qu'en continuation de leur service vous jugerez à propos d'ordonner, pour l'utilité publique et l'ordre des finances;
3° D'agréer également l'offre qu'ils font à la nation, de concourir de tous leurs moyens, de tout leur crédit, et de leur fonds capital, qui est de 100 millions, à l'établissement d'une Banque» nationale, si vous jugez que cette banque puisse s'aider de leur association.
Enfin, c'est dans ces mêmes dispositions qu'ils se sont occupés de l'examen du plan proposé par M. le ministre des finances* et qu'ils l'ont discuté 1 dans leurs assemblées générales des 17 et 20 de ce mois. Les actionnaires de la Caisse d'escompte en ont approuvé les bases; et s'il est adopté par l'Assemblée nationale, ils se dévoueront à en faciliter l'exécution, par tous les efforts de leur zèle, soit que vous adoptiez ce plan, tel qu'il vous a été présenté, soit avec les modifications et changements de détail dont il pourrait être jugé susceptible.
Tels sont les vœux des actionnaires de la Caisse d'escompte : nous espérons que vous y verrez une nouvelle preuve de patriotisme, dont ils n'ont cessé d'être animés, et de la confiance respectueuse que leur inspirent votre sagesse et votre justice.
Cependant la Caisse d'escompte a été attaquée plusieurs fois, et même devant vous, Nosseigneurs.
Le simple exposé des faits contenus dans le discours prononcé lev17 novembre, à l'assemblée des actionnaires suffirait, sans doute, pour établir notre justification ; mais si vous pensiez que les nouvelles imputations qui nous ont été faites nous imposassent le devoir de nous disculper à vos yeux d'une matière plus détaillée ; nous nous en occuperons, et nous vous supplierons de vouloir bien nous donner l'espérance d'être admis de nouveau, pour vous soumettre, jusqu'aux moindres circonstances de notre conduite. 1
Nous nous bornerons quant à présent, Nosseigneurs, à déclarer, que nous n'ambitionnons aucun titre, et que nous ne réclamons d'autre privilège que celui d'être utiles.
Mais, puisque l'on a cherché à égarer votre justice, puisque l'on a voulu vous persuader que nos billets n'ont aucune valeur ; qu'il nous soit permis de vous rappeler quelles sont les bases de la confiance qui leur est due.
L'Etat nous doit :
Pour dépôt fait au Trésor royal, en 1787, non pas en billets, mais en espèces ou valeurs
réelles
Nous avons à recevoir de ce jour, au 31 décembre prochain, pour le montant de rescriptionset assignations qui nous ont été fournies par le Trésor royal, contre les avances que nous lui avons faites; 29,000,000
Il nous est dû pour autres avances faites sur des billets d'un des administrateurs dû Trésor royal, exigibles le 31 décembre prochain, soutenus d'assignats, sur la ' I contribution patriotique.. 60,000,000
A cette somme de 159 millions due par le gouvernement, il faut ajouter les valeurs que nous avons dans nos caisses en espèces, et dans notre portefeuille en lettres de change et effets de commerce, presque tous payables dans le cours de trois
mois........ 57,000,000 liv. \
Nous pourrions ajouter encore le montant des res-criptions et assignations qui échoient au terme moyen du 1er avril prochain, et qui sont destinés au remboursement des reconnaissances du prêt de 25 millions qui a été fait en janvier dernier par nos actionnaires : cependant, comme c'est individuellement qu'ils 57,000,000
(1) Le Moniteur ne donne qu'une analyse du mémoire des'actionnaires dë la caisse d'escompte.
A reporter.... 216,000,000liv.
Report........ 216,000,000 liv.
ont rendu ce serviceàl'Etat, la Caisse d'escompte ne se permettra pas de considérer cette opération, comme lui étant directe, et elle n'en portera ici le montant que pour
Mémoire
Total.......... 216,000,000 liv.
Ainsi le total de notre actif
est de....................................216,000,000
Le montant des billets que nous avons en circulation, n'est que de 1.14 millions. Si donc sur j les 159 millions que nous doit l'Etat, il ordonnait que nous fussions payés, non pas en totalité, non pas en écus, mais dans nos propres billets d'une somme de.................. 114,000,000
Nous n'aurions plus alors en circulation, un seul de ces billets, qu'on cherche en vain à discréditer, et nous nous trouverions encore créanciers de l'Etat, de... 45,000,000 liv. indépèndam -ment de l'argent réservé dans nos caisses, et de tout l'actif de notre portefeuille, que nous avons porté ci-des-
sus pour.... 57,000,000liv.
Notre Tonds capital excède donc de 102 millions la totalité de nos engagements ; et c'est ceite somme imposante, offerte à la confiance publique, qui a soutenu jusqu'ici le crédit de nos billets, au point que dans les circonstances, même les plus désastreuses, au milieu du discrédit de tous les effets du gouvernenent, ils n'ont rien perdu sur la place. ' La Banque d'Angleterre, cet établissement si digne de toute confiance, n'a pas toujours été aussi heureuse, puisque, dans des temps voisins de son origine, et dans des circonstances moins orageuses, ses billets ont perdu jusqu'à 15 et 20 0/0.
Enfin, pour présenter à l'Assemblée nationale cet objet sous toutes ses faces, sur les 114 millions ae billets, que nous avons, en circulation, 89 ont été avancés pour le service du Trésor royal; il n'en a été accordé que 25:pour l'escompte proprement dit, et pour les besoins de la place et du commerce : nous serions donc fondés a dire à nos détracteurs : « Que le Trésor royal paye les engagements que nous avons contractés pour lui, et dès demain nous serons en état d'ac-
quitter tous ceux qui nous sont personnels ! t>
Il ne serait donc point inexact de dire que ce n'est point la à Caisse d'escompte, que c'est à lui-même que l'Etat a donné des arrêts de suspension.
Veuillez de plus considérer, Nosseigneurs, que la Caisse d'escompte ne s'est pas rigoureusement prévalue de ces arrêts de suspension : ses paye- . ments ont été ralentis, mais elle ne les a poin t interrompus, comme elle y était autorisée ; puisqu'elle a échangé contre billets, depuis le mois d'août 1788, pour plus de 140 millions d'espèces. Si elle n'a pas fait davantage, elle n'a pu remplir toute l'étendue de ses engagements, si elle n'a pu satisfaire complètement à des besoins d'argent que la défiance et l'inquiétude exagéraient, qu'elle en a été l'unique cause ? Les avances quelles a faites à l'Etat. Quel en a été le motif? Son dévouement sans bornes à l'Etat. Quelle est son excuse ? Le salut de l'Etat.
Messieurs, il n'est personne de nous qui ne sente qu'il s'agit d'un des objets les plus importants qui puissent intéresser la destinée publique, et l'Assemblée nationale donnera la plus grande attention aux observations contenues dans le mémoire.
L'Assemblée décrète l'impression du dire des commissaires de la Caisse d'escompte.
Nous remercions l'Assemblée de la nomination qu'elle vient de faire de commissaires pour l'examen de la situation de la Caisse d'escompte. La plupart des personnes qu s'élèvent contre cet établissement n'en parlent, que d'après des préventions injustes.
L'Assemblée autorise MM. Jes commissaires de, la Caisse d'escompte à assister à la séance.
, député de Saint-Flour, demande l'autorisation de s'absenter pour quelques jours. — L'autorisation est accordée.
se présente à la tribune pour entretenir l'Assemblée des affaires de la province de Champagne ainsi que cela a été décrété au début de la séance.
On réclame la priorité pour l'affaire concernant le district des Cordeliers et la commune de Paris.
, au nom du comité des rapports, entre dans de nouveaux développements sur cette affaire et fait lecture d'un projet d'arrêté conçu en ces termes :
L'Assemblée nationale considérant qu'occupée de l'organisation des municipalités du royaume, elle serait détournée de son but par l'examen provisoire du plan de la municipalité de Paris ; que cependant il importe à cette ville que les représentants de chaque district remplissent leurs fonctions jusqu'à l'expiration du temps limité par leur pouvoir particulier, ou jusqu'à ce qu'ils aient donné leur démission volontaire, et qu'ils ne soient tenus d'autre serment que celui de remplir avec honneur la mission qu'ils ont accepr tée;
Considérant enfin que les représentants de la commune, réduits à des fonctions purement administratives, sans aucun droit de juridiction sur les districts, n'ont pu priver celui des Cordeliers de son droit de nommer trois députés pour remplacer ceux dont il avait accepté la démission, l'Assemblée nationale a décrété et décrète ce qu suit :
article premier.
Elle sursoit à statuer sur le contenu aux trois titres du règlement provisoire de la municipalité de Paris, jusqu'à ce qu'elle détermine irrévocablement l'organisation générale des municipalités du royaume.
art. 2.
Les députés de chaque district ne cesseront leurs fonctions à la commune qu'à l'expiration des délais prescrits par leur pouvoir, et ils ne seront tenus à d'autre serment que de remplir fidèlement leur mission.
Art. 3.
Les députés nommés par le district des Cor deliers, sur la démission de ceux qu'il avait précédemment élus, ainsi que les députés qui ont prêté le serment qu'il leur a demandé, seront admis par les représentants de la commune pour y remplir, pendant la durée de leur mandat, les fonctions dont, ils sont chargés.
38. districts ont rejeté l'arrêté des Gordeliers ou ont dit qu'il n'y avait pas lieu à délibérer. J'ose espérer que les 22 autres se réuniront bientôt à là majorité, comme ils sont déjà tous réunis par leur patriotisme et leur respect pour vos décrets. Tel est l'effet de l'ajournement qué vous avez ordonné ; un second ajournement serait peut-être plus heureux encore; un jugement exciterait l'aigreur et la discorde. Je propose en conséquence lé décret suivant :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'elle s'occupe de l'organisation de toutes les municipalités du royaume, et que les citoyens actifs de la capitale seront incessamment appelés à faire une élection nouvelle de leurs représentants, a décrété et décrète que la discussion élevée entre quelques districts et les représentants actuels de la commune est ajournée, toutes choses demeurant dans l'état où elles étaient au 10 de ce mois. »
Ce décret est unanimement adopté.
Le comité ecclésiastique a entendu ce matin la lecture d'un plan de rapport à faire à l'Assemblée nationale. Il y aurait avantage à ce qu'il fût imprimé dans l'intérêt de nos travaux.
L'impression est ordonnée (K. ce document aux annexes de la séance de ce jour).
L'Assemblée se sépare à 3 heures.
Plan du rapport du comité ecclésiastique à faire à . l'Assemblée nationale, par M. Durand de Maillane(1).
Messieurs, l'Assemblée nationale avait décidé d'abord, par ses décrets du mois d'août
:l°que les dîmes ecclésiastiques seraient abolies, et néan-
2° Elle a, en même temps, aboli le casuel des cures de campagne, pour n'être plus payé que jusqu'à l'époque où ces cures seraient suffisamment dotées ;
3e Que toutes rentes foncières, même ecclésiastiques seraient rachetabies ; • : -
4° Qu'il ne serait plus envoyé à Rome non plus qu'à Avignon, aucuns deniers, ni pour annates, ni pour aucune cause que ce soit ; mais que les diocésains s'adresseraient à leurs évêques pour toutes provisions de bénéfices et dispenses, lesquelles seront accordées gratuitement ;
5° Elle a aboli les droits de déport, -çote-morte, dépouilles, vacants, sauf à pourvoir les archidia-conés de l'équivalent, s'ils n'étaient suffisamment dotés ;
6° Elle a enfin aboli la pluralité des bénéfices ou des pensions jusqu'à 3,000 livres de revenu.
L'Assemblée a respecté les dîmes inféodées, ne les soumettant qu'au rachat; et pour le remplacement des autres, ainsi que pour tous les actes et règlements exécutifs et interprétatifs des divers articles rapportés, la même Assemblée a aboli notre comité pour s'en occuper et lui faire le rapport en conséquence de tous ses résultats.
Vous le. savez, Messieurs, le seul résultat qu'il a été possible de présenter à l'Assemblée, c'est la résolution qui fut prise unanimement parmi nous de se procurer les renseignements nécessaires pour s'assurer de la vraie valeur de tous les biens ecclésiastiques du royaume*
Notre comité avait prévu, d'une part, que les décrets nouveaux de l'Assemblée, ou même leur simple annonce, donneraient lieu à-des explications, à des recélés; et il avait reconnu de l'autre, que les remplacements ordonnés ou promis ne pourraient se faire que par le moyen de certaines réunions et suppressions. Or, à cet égard, il avait arrêté qu'il serait pourvu, sans éclat* aux explications, par des inventaires familiers, et au remplacement, par la suspension actuelle de toute nouvelle provision aux bénéfices non sujets à résidence ou à charge d'âmes»
Cela fut demandé à l'Assemblée par M. Treilhard, votre rapporteur, il y a deux mois ; elle ne l'accorda point alors : à peine accorda-t-elle le premier article, concernant les renseignements et les instructions pour la connaissanoe certaine de la valeur des biens ecclésiastiques ; et c'est en conséquence que M* le président d'Ormesson, membre de ce comité, a fait les tableaux exacts, auxquels nous avons applaudi dans les sentiments de notre reconnaissance. Heureusement ce travail n'a pas été perdu, et par l'événement l'Assemblée ayant soumis, par son décret du Ù de ce mois, tous les possédant biens eclésia-stiques à une déclaration exacte, les officiers municipaux, à qui nous avons résolu d'envoyer ces tableaux, et que la chose intéresse, seront lesplus sûrs et les plus habiles contrôleurs des déclarations que 1 intérêt personnel rend toujours suspectes.
On est donc ainsi comme certain que, pour la première fois peut-être, l'on aura-un relevé entier et fidèle de tous les biens ecclésiastiques du royaume : et c'est là ce qu'il y a, dans ce moment, de plus nécessaire ; car quelque parti que prenne l'Assemblée, quelque usage que l'on fasse de ces biens, leur valeur réelle doit toujours servir de régie fondamentale à leur destination ou à leur emploi, soit pour les, remplacements dont il s'agit, soit pour ieur vente au profit de l'Etat ; car
Messieurs, depuis le décret du 2 de ce mois, et par d'autres encore qui s'en sont ensuivie, par le discours aussi du premier ministre des finances dans la séance du 14, et par celui de M. le marquis de Montesquieu dans celle du 18, il n'est plus permis de douter qUe l'intention de l'Assemblée et celle du gouvernement ne soient de disposer, et très-prochaitiement, des biens de l'Eglise, en tout ou en partie, soit par une Voie, soit par une autre, pour l'acquit de la dette nationale, sauf les frais du culte et de l'entretien des ministres qui seront désormais payés, d'un fonds inaltérable* formé soit du prix, soit des biens mêmes en nature de l'église ; ce qui est proprement la mo-tion de M. d'Autun.
La motion ou le plan de ce prélat a précédé le décret du 2 de ce mois, et son exécution la suivra ; c'est de quoi je ne doute point, et sur quoi j'ai dû compter, dans les idées que je me hasarde de proposer à ce comité sur le plan des réformes ou des opérations qui nous Sont imposées.
11 est certain, Messieurs, que personne n'est en droit de nous faire aucun reproche siir ce que notre comité n'a rien dit, ni rien fait jusqu'ici. Il a dit, il a fait tout ce qu'il pouvait, tout ce qu'il devait avant que l'Assemblée lui eût donné, par son décret du 2 novembre, les moyens d'agir. Jusqu'au rapport de M. Treilhard , l'un de nous, dont j'ai parlé, l'Assemblée ne nous avait laissé que là tâche des renseignements pour parvenir à la connaissance des biens ecclésiastiques ; et vous savez, Messieurs, qUe les tableaux étaient sous presse au moment même où l'Assemblée en a consacré tout à la fois la nécessité et l'utilité par ses décrets des 2 et 13 de ce mois* Oes décrets, précédés de celui qui a suspendu l'émission des vœux de religion, ont produit certains effets qui semblent aller jusqu'à la commotion. Il n'est pas d'inquiétude égale à Celle que. les décrets de l'Assemblée, et ceux qui doivent les suivre, touchant les biens et les personnes ecclésiastiques, et séculières et régulières, causent, en ce moment, dans les esprits : aussi rien ne presèe peut-être comme de nxer à cet égard les dernières résolutions de l'Assemblée. Témoin assidu et coopérâtes de ses travaux, j'ai souscrit à tout ce qu'elle a fait à Ce sujet, et je suis bien éloigné de croire que je n'aie pas dû le faire. Mais pour justifier mon avis, et dans le public, et auprès de mes commettants, j'ai fait imprimer mon opinion personnelle avec tous ses motifs sur le décret particulier du 2 de ce mois, Ou sur sa matière, demeurant convaincu qu'en suivant les mêmes principes et dahs les mêmes vues, on ne fera que le bien même de l'Eglise, si on la délivre des abus qu'y causaient ses possessions, et par l'injustice dans l'inégalité de leur distribution, et par leur mauvais emploi*
N'oublions pas, Messieurs, que nous avons été appelés pour la régénération de l'Etat \ que la nation une fols munie du pouvoir législatif et souverain, ce qui fait comme le pivot de la révolution, elle ne saurait composer avec aucune sorte d'abus ; que si les pères du concile de Trente, de ce concile auquel nous devons tant et de si beaux décrets sur le dogme comme sur la discipline, si ces pères firent à leur zèle et à leur vertu le tort de rejeter, pour des considérations que personne n'ignore, les utiles réformes que leur proposèrent nos ambassadeurs, le clergé de France doit aujourd'hui se faire un mérite d'y concourir : ce comité doit du moins s'en faire un devoir ; et puisque la nation est, depuis Gharlemagne, une fois assemblée pour son bonheur, devenue en ce
moment législatrice comme elle l'était alors, il importe à sa gloire et â Son intérêt de ne faire désormais que des lois dignes d'elle. Voici donc dans quels termes je désirerais qu'elle les établît relativement à nos matières.
D'abord, je ne crois pas qué nous ayons rien de plus ni de mieux â faire ici que de nous accommoder aux derniers décrets de l'Assemblée, parce que ceUx-là ne nous iaisSent aucun doute sur les deèsèins qu'il ne serait pas prudent dé contrarier, mais sur lesquels il nous est permis Seulement dé présenter les observations çfui peuvent Servir à en rendre l'exécution plus facile et plus avantageuse. Ainsi, le décret du 2 de ce mois nous autorise à pensér que dans les suppressions ou réunions à faire ou à proposer, nous n'aurons plus à craindre. comme nous Craignions auparavant, la réclamation si respectable de ia propriété de ia part d'aucun bénéficier.
Par le même décret, l'Assemblée s'est chargée, efi prenant les bîefls ecclésiastiques, des frais du culié et de l'entretien des ministres. Mais quels sont ces ministres dont elle a entendu payer i'en-tretien ou l'honnête subsistance? On en juge assez par le décret du 9, qui a ordonné la suspension des provisions de totts bénéfices, autres que des bénéfices à charge d'âmes ; on juge assez par là qu'elle entend réduire le clergé aux seuls ministres essentiels et utiles dans le service divin.
L'Assemblée avait de plus manifesté précédemment, par son décret du 18 octobre dernier, ses désirs ou soft dessein sur le sort des religieux ou de leurs établissements. La suspension de la profession des vœux, quoique simplement provisoire, ne permet pas non plus de penser que les ordres religieux en général seront conservés, quoique l'Assemblée paraisse disposée à accueillir favorablement deux ou trois propositions qui lui ont été faites accidentellement ' l'une, que ceux des religieux qui sont utiles à la société, continuent d'être employés ; la seconde que ceux d'entre lés autres religieux des ordres ou des monastères destinés à ia suppression, puissent également continuer, h leur choix, la viè monastique qu'ils ont. embrassée dans l'association qui leur convient; et la dernière qu'on use de grands ménagements ou qu'on ait les égards convenables pour les monastères de filles, dont presque tous, si l'on excepte ceux où la clôture n'est pas observée, ne sont qu'édifiants, et un grand nombre très-utiles à la société.
Dans cet état des choses, qui est le dernier état où nous ont mis les plus nouveaux décrets de l'Assemblée, il n^est plus possible, Comme j'ai déjà eu l'honneur de Vous le dire, Messieurs, de raisonner ou d'opérer dans le comité, sur les décrets du mois d'août, sans en même temps les rapprocher de ceux qui les ont suivis. C'est même principalement d'après ceux-ci que nous devons tracer nos plans de réforme ou plutôt de régénération, en telle sorte que les rapportant â l'Assemblée nationale qui les attend, et a droit de les attendre, nous soyons plus assurés de mériter son approbation.
Dans cet esprit, Messieurs, je me permets de vous présenter les idées qui m'ont paru le mieux convenir dans les circonstances présentes, et au bien de la religion et à l'intérêt de l'Etat.
biens ecclésiastiques.
Je commence d'abord par distinguer le temporel du spirituel de l'église, et je traiterai avant,
du temporel, contre l'ordre des choses, parce que c'est par le temporel que nous avons été amenés ici au spirituel. C'est par une suite ou une partie des grands effets qu'a produits dans l'Etat le déficit énorme du Trésor royal, que nous avons pris, comme en sous-œuvre, les réformes du clergé, par les changements que la nouvelle disposition et la nouvelle administration de ses biens doivent nécessairement opérer; et en cela, plusieurs, dont je suis du nombre, ont cru reconnaître la divine Providence qui semble avoir voulu tirer le bien du mal, ménager tous ces événements extraordinaires, sans lesquels on n'aurait jamais fait que gémir sur de vieux abus de tout genre, au lieu de les guérir, comme nous faisons, jusque dans leur racine.
En commençant donc par le temporel de l'Eglise, je le répète, il n'est plus permis, après le décret constitutionnel de l'Assemblée, rendu le 2 de ce mois, et dûment accepté par le Roi, de douter que son intention ne soit de disposer de ces biens, de manière à ne laisser dès ce moment à tous les ecclésiastiques séculiers et réguliers qu'un traitement en argent, ou bien une jouissance si peu longue des biens-fonds de leurs bénéfices aux monastères, que nous pouvons, nous devons même tracer tous nos plans, en régler toutes les dimensions, comme s'ils en étaient déjà privés. Nous devons regarder dès aujourd'hui les biens ecclésiastiques comme les biens de la nation même, en les regardant aussi comme chargés du soin de pourvoir au culte divin, à la subsistance des ministres et au soulagement des pauvres, d'après ses propres engagements.
Ce vaste et sage dessein a paru d'abord un peu étrange ; mais ce n'est que parce qu'il est nouveau : car je n'en vois pas de plus sage, je dirai même de plus nécessaire dans les circonstances, s'il ne l'a pas toujours été. Le comité des finances a déjà reconnu la nécessité de prendre au moins 400 millions sur les biens eclésiastiques. Une bonne partie de ces biens a été déjà enlevée par la suppression de la dîme; et de ce retranchement où l'on n'a pas voulu comprendre les dîmes; mais s'ils ne doivent pas échapper à la justice de cette compensation par la voie des impôts, l'on ne peut pas plus recourir pour notre objet à leurs propriétés qu'à celles d'un autre. Les possessions du clergé sont donc les seules qui puissent et doivent venir au secours de son indemnité, et encore une fois, comment s'y prendre, si on leur laisse le tout entre les mains? Je ne vois pas, je l'ai déjà dit, de moyen plus tranchant que celui que le décret du 2 de ce mois nous a comme désigné. En vertu de ce décret, l'Assemblée nationale pourra facilement pourvoir à tout par elle-même, ou par les assemblées provinciales ; elle pourra surtout, ce qui serait peut-être impossible autrement, corriger l'âpreté de sa loi envers les décimables inféodés (parmi lesquels précisément il ne se trouve aucun riche) que le sort a maltraités par elle, sans qu'ils fussent moins dignes que tous les autres, du bienfait de la nation. C'est aussi sur ce seul décret, dans lequel tous les autres vont comme se fondre, que j'ai dressé mon plan, et je fais à ce sujet une autre observation non moins importante.
Sans doute que l'Assemblée nationale, en décrétant que tous les biens ecclésiastiques étaient à la disposition de la nation, n'a pas entendu, ni pu même entendre excepter les biens des bénéfices en patronage laïque, ni ceux de l'ordre de Malte. Je me rappelle aussi que ce fut pour ôter à cet égard toute équivoque, qu'aux biens du clergé,
employés d'abord dans la motion de M. le comte de Mirabeau, on substitua, sur la réclamation de plusieurs, les mots biens ecclésiastiques ; et cela parce que, suivant notre jurisprudence, l'ordre de Malte n'est jamais compris sous la dénomination de clergé de France, du moins relativement aux décimes et aux autres impositions ecclésiastiques. Mais cette équivoque une fois ôtée, ce serait s'abuser volontairement que de prétendre que sous l'expression de biens ecclésiastiques, les biens de l'ordre de Malte ne sont pas compris. Indépendamment de ce que ces biens, dont ceux des Templiers, des Antonins et autres pareils sont une très-grande partie en France, ils sont tous dans leur origine les purs dons des fidèles ; et comme tels ils sont tous, de leur nature, des biens nécessairement ecclésiastiques. Ce sont des religieux qui les possèdent, des religieux qui, quoique militaires, font les vœux solennels de religion, et reconnaissent Je pape pour leur premier supérieur. Au surplus, relativement à notre sujet, les biens de l'ordre de Malte méritent encore moins de faveur que les autres, parce que leurs revenus, ou une très-grande partie, se consomment ou passent hors du royaume. Ajoutez que cet ordre est en ce moment très-éloigné, dans son esprit et dans ses exercices, du premier objet de son institution (1).
Quant aux biens des bénéfices en patronage
Hors ces deux cas, il n'y a nulle différence -à faire entre les bénéfices de patronage laïque, et les bénéfices en patronage ecclésiastique, pour la nature et le sort des biens qui forment la dotation des uns et des autres.
Si donc la nation dispose de tous les biens ecclésiastiques, les patrons en seront pour la privation de leurs droits de présentation, et de quelques chétifs honorifiques. Et quel est celui d'entre eux qui ne consente volontiers à faire le sacrifice d'une aussi légère perte aux besoins et au salut de l'Etat.
De là je conclus que, quoique ce décret, rendu le 9 dé ce mois, n'ait parlé que des bénéfices de collation et patronage ecclésiastiques, en comprenant toutefois dans la suspension des provisions et nominations qu'il ordonne les bénéfices mêmes qui sont à la collation ou à la nomination du Roi, le premier patron laïque de son royaume, il sera facile de la réparer, et nous devons toujours adresser nos tableaux en renseignements pour tous les bénéficiers; comme pour tous les ordres indistinctement, ainsi qu'il est indiqué par les tableaux mêmes.
En attendant ces renseignements, je ne vois pas que nous ayons en ce moment à nous occuper d'autre chose relativement au temporel, si ce n'est pour les divers taux de remplacements ou traitements dont il sera parlé ci-après. Nous avons dû juger, par le discours de M. le marquis de Montesquiou, que cette partie fait à présent même une matière également du ressort du comité des finances ; if nous appartient donc plus particulièrement de présenter à ce comité 1 état des charges attachées aux biens ecclésiastiques, et nous le devons, si, comme je le suppose, ils passent entre les mains de la nation, afin que le même comité des finances, où lé patriotisme domine, soit moins exposé aux erreurs ou à l'illusion dans ses calculs, sur les avantages qu'il se flatte ou désire d'en retirer au profit de la nation; en sorte donc que sans entrer à cet égard moi-même dans aucune combinaison de finan-
ces, ce qui n'entre point dans le plan dont j'ai l'honneur, Messieurs, de vous entretenir, je passerai, suivant ma première division, au spirituel; ce qui m'obligeant dé traiter des choses comme des personnes ecclésiastiques, je commencerai par celles-ci, et j'en parlerai sous la division du clergé séculier et régulier.
CLERGÉ SECULIER.
A l'égard du clergé séculier, je dis qu'en l'état présent des choses, et dans l'esprit des décrets de l'Assemblée, qui annoncent ses intentions, il ne faut plus compter sur les bénéfices sans fonctions, tels que les abbayes et les prieurés en commende, non plus que sur tout ce que l'on appelle dans l'Eglise bénéfices simples. La suspension qui a été ordonnée pour leurs provisions n'est, pour ainsi dire, que l'éclair de la foudre qui doit bientôt les anéantir.
Par cette dernière réforme, la moins susceptible de contradiction raisonnable, on fait cesser la plupart des abus dont on se plaignait, comme les bénéfices sans offices, ce qui est si opposé à l'esprit de l'Eglise, à la nature même de la chose, beneficium propter officium, la pluralité des titres , les courses à Rome, les résignations en faveur, une bonne partie des annates, de ces annates qui, quoique abolies déjà par nos décrets, tiennent cependant toujours par des considérations de justice et de politique au concordat qu'il réste à abolir de même par une forme d'é-lection nouvelle aux archevêchés et évêchés mais dans quels termes ou avec quelles mesures? C'est dé quoi nous aurons bientôt l'occasion de parler; il ne s'agit, en ce moment, que des bénéfices simples, des commendes qui sont proprement dans le caractère de ces unions personnelles et tant odieuses, contre lesquelles s'élèvent toutes les maximes dé rEglise gallicane.
Quant aux autres bénéfices, il en est de deux sortes : les bénéfices à résidence, qui communément ne s'entendent que des canonicats, et les bénéfices à charge d'âmes, qui comprennent les évêchés et les cures.
A l'égard des premiers, l'Assemblée a ordonné, dans son dernier décret, là suspension de leurs provisions, comme de celles des bénéfices simples, et cela préjuge assez évidemment leur destinée. Mais abstraction de ce que l'Assemblée fera à ce sujet, ou a dessein de faire, je suis nettement d'avis, et c'est celui de mes commettants, de leur suppression entière, hors les canonicats des métropoles et cathédrales. Je me détermine à la suppression des chapitres de collégiales * parmi lesquels je dois comprendre tous les chapitres nobles des deux sexes, de fondation royale ou autres, je me détermine, dis-je, à cette suppression demandée ci-devaut aux diverses assemblées du clergé, principalement par cette considération que les chanoines, originairement réguliers, n'étant plus dans leur premier état ; l'Eglise n'a fait que perdre depuis ce changement* dans leur nouvelle vie privée et indépendante; Les chapitres de collégiales sont un hors-d'œuyre dans la hiérarchie. Je ne dirai rien des mœurs de ceux qui les composent, je dirai seulement que n'étant faits que pour édifier, s'ils ne détruisent, ils privent très-certainement, parle grand nombre d'ecclésiastiques dont ils sont remplis, les paroisses, des vicaires dont elles ont besoin. D'autre part les prébendes sont* par le népotisme, comme héréditaires dans certaines familles ; et
c'est aussi pour cette raison que les chapitres qu'on appelle nobles, de l'un et l'autre sexe, parce que leurs canotiicats sont destinés exclusivement à ceux qui font preuve, non de vertus, mais de noblesse, méritent une plus prompte suppression. J'en dis autant de tous les collèges de faveur, dont la même classe de citoyens, la seule qui ait jusqu'ici entouré le trône, avait inspiré l'établissement à cotre souverain. La plupart ne sont dotés que du bien de l'Eglise, et les autres aux dépens de la nation.
Cette suppression ne sera qu'un bien pour l'Eglise et pour l'Etat; ce sera l'une des plus grandes ressources tant pour l'amélioration des jparoisses, que pour les moyens de remplacement ou de traitemen t que nous cherchons. Je ne veux laisser subsister que les chapitres des cathédrales que je regarde comme inséparables de l'épiscopat, parce qu'ils sont aussi anciens que l'Eglise, parce qu'ils représentent cet ancien conseil de ministres expérimentés, conipresbyterium, sans lequel les plus saints évêques de l'antiquité nous ont appris eux-mêmes qu'ils n'osaient entreprendre rien de tant soit peu grave dans leur gouvernement. Mais, par là même, je voudrais qu'aujourd'hui , comme alors, ces chapitres ne fussent composés que de gens en état de fournir aux évêques les meilleurs avis; et c'est ce qui ne sera jamais tant que l'on n'admettra pas dans ces chapitres les curés émérites du diocèse.
A l'égard des évêques, il ne faut que connaître le portrait qu'en a tracé saint Paul, les qualités qu'il exige dans ceux qu'on élève à ce poste éminent dans l'Eglise, pour juger de l'attention avec laquelle on doit procéder à leur élection. J'ai l'honneur et l'avantage de parler ici devant deux prélats (de Clermont et de Luçon) que je pourrais citer pour modèles, et certainement leurs diocèses n'ont que des grâces à rendre à Dieu du choix qu'en a l'ait notre pieux monarque. J'honore infiniment tous les autres prélats placés par le même ; mais obligé par ma mission d'exprimer ici le vœu des peuples que je représente, comme aussi de répondre à la confiance de l'Assemblée dans ies fonctions dont elle m'a chargé dans ce comité, j'oserai proposer franchement qu'à l'avenir ces premiers pasteurs sur qui repose, en quelque sorte, tout l'édifice de la police ecclésiastique, soient nommés par le Roi, comme cela s'est toujours pratiqué dans le royaume, mais dans le choix d'un des trois sujets qui lui seront présentés par les diocèses, ce qui ne sera qu'un soulagement de plus pour Sa Majesté.
Les chapitres qui seront désormais mieux assortis feront l'élection des trois sujets à présenter au Roi, conjointement avec deux évêques les plus voisins du siège vacant, avec ceux des membres qui étant du diocèse, du même siège, se trouveront alors dans le nombre de ceux qui formeront les commissions ou le bureau du département du même ressort : le tout sous la présidence du métropolitain ou de l'évêque par lui délégué ; et à l'élection d'un archevêque, on appellera trois évêques au lieu de deux. Ces trois évêques, pris ou dans la métropole ou au voisinage, seront présidés par le plus ancien suffragant en ordination du défunt prélat, lequel fera la convocation des électeurs, comme elle doit être faite par le métropolitain à l'élection d'un évêque, sur l'avis du chapitre, qui, après avoir fait mettre le scellé au palais épiscopal, nommera tout de suite son vicaire capitulaire. L'élection se fera dans le cours d'un mois : on en enverra le procès-verbal au Roi qui, après avoir nommé l'un des trois sujets présentés,
lui fera expédier son brevet de nomination, d'après lequel le métropolitain confirmera l'élection, comme le plus ancien suffragant confirmera celle d'un archevêque. La consécration aura ensuite lieu dans les trois mois, en la forme usitée, mais après la prise de possession qui sera elle-même précédée du serment dé fidélité au Roi et à la nation.
Et afin que ce serment de fidélité ne retarde rien, ne s'agissant plus de régale, au moyen dés appointements en argent, cette régale d'ailleurs n'ayant jamais occasionné que des frais sans profit pour le Roi, Sa Majesté pourrait déléguer sur les lieux un commissaire pour recevoir le serment de fidélité avant la prise de possession, et il serait envoyé une expédition de cette prestation de serment, et au Roi et aux archives de la nation.
Comme encore dans cette forme le pape, qui donnait ci-devant les bulles, n'ést plus rien, on l'y ferait participer de la manière qui lui est due, et la seule qui convienne, en lui envoyant par le nouveau prélat sa profession de foi dans la consécration; ce qui serait de sa part une marque ou unè preuve de son attachement et de son union avec le Saint-Siège, source de la foi catholique et centre de l'unité sacerdotale.
Quant aux électeurs laïques qu'on voit ici dans l'élection des évêques, ceux qu'on y appellerait d'un bureau de département, favorisés déjà d'un caractère dont l'estime et la Confiance des peuples les ont revêtus, y seront comme leur organe, à l'exemple des anciens usages dans les premiers et les plus beaux siècles de l'Eglise. Quelques-uns ont proposé de limiter Ce choix, ou de ne le faire tomber que sur les curés du aioCèse ; mais le Saint-Esprit souffle où il veut, et de toutes les élections il n'en est point où doive régner une plus grande liberté que là où les vertus et la piété ont le plus de droits à la confiance. Saint Ambroise n'était que laïque et il fut fait évêque de Milan, et tant d'autres exemples pareils.
Sans mettre moins d'intérêt aux fonctions des curés, on peut s'écarter de la rigueur de ces règles dans leur choix. Gomme après celui du premier pasteur, fait avec grand soin, le peuple pourra se reposer sur lui pour la connaissance des meilleurs sujets qui doivent être ses coopérateurs dans la vigne du Seigneur, il convient et il est même sage de lui laisser la pleine et entière collation des cures, ainsi que les anciens et nouveaux canons la lui donnent.
Je ne tiens nullement pour le concours, tel du moins qu'il s'est pratiqué dans certaines provinces. La science est sans contredit nécessaire à un pasteur; on ne saurait être obligé d'éclairer les autres, sans être instruit soi-même ; mais la science égare dans cette carrière, si la piété ne tempère ou n'étouffe l'orgueil qu'elle inspire. Or, l'humilité chrétienne, sans laquelle il n'y eut jamais de solide piété, ne dispute ni de rang ni ae place avec personne, encore moins de prétentions aux bénéfices à charge d'âmes. Le conciie de Trente ne fit son décret du concours que pour exciter f'émulation dans les études, entièrement abandonnées de son temps; mais les séminaires, dont il ordonna aussi l'établissement, en rétablissant le clergé dans les connaissances ecclésiastiques, ont porté nos prélats de l'Eglise gallicane à négliger cette manière de pourvoir aux cures. Une autre raison nouvelle qui doit nous consoler du concours pour les cures, c'est qu'à l'avenir l'état de3 vicaires, jusqu'à présent tant avili par les préjugés injustes et indécents dans l'Eglise sur la faveur ou plutôt sur les droits de
la noblesse à toutes les prélatures, sera tel qu'il doit être, c'est-à-dire le premier essai des vertus et de la science ecclésiastique, auquel on va désormais attacher toutes les considérations et toutes les récompenses; elles lie seront plus données dans l'Eglise à l'intrigue ou à la naissance, mais au mérite, et ce changement, le plus conforme à l'esprit de notre sainte religion, ne peut déplaire qu'a ceux qui ne la connaissent pas, ou qui n'y sont pas attachés. Aussi verra-t-on bientôt les vicairies occupées par les citoyens de tout état et par les meilleurs sujets.
C'est donc parmi ceux-ci que les évêques auront à faire leur choix pour les cures, et l'on doit en faire une loi ; comme on en doit faire une autre, pour n'appliquer à cette charge tant importante de pasteur, que des vicaires expérimentés et mûrs, qui aient au moins cinq ans d'exercice dans les fonctions paroissiales, où on ne les admettra qu'à l'âge de 35 ans accomplis.
Quant au choix des vicaires eux-mêmes, il faut distinguer les qualités requises en eux, et le droit de leur nomination. Depuis longtemps on se plaint, et cette plainte date de l'époque où le service des paroisses a été comme délaissé à des mercenaires ; on se plaint que les vicaires sont envoyés dans les paroisses au sortir d'un séminaire* où, par une hypocrisie passagère et la pénurie des sujets, ils ont reçu tout fraîchement la prêtrise, c'est-à-dire le titre à toutes sortes d'emplois et de missions dans l'Eglise, sans autre épreuve, sans autres connaissances que celles d'un cours d'études dont les évêques connaissent mieux la valeur et les succès que personne : d'où il arrive que ces vicaires, envoyés ainsi prématurément dans les paroisses, y font très-souvent les plus grands ravages; ils y font au moins un très-grand mal, quand ils n'y font pas le bien, et ils ne peuvent souvent le faire dans leur inexpérience ; car, il n'est pas nécessaire de le dire, il n'existe aucune profession qui exige et plus de lumières, et plus de prudence : c'est, comme disent les conciles mêmes, l'art des arts. Sera-ce donc le curé qui les instruira ? Et ils ne sont là que pour l'aider. Fussent-ils du moins assez dociles à ses leçons! Et ici, Messieurs, j'ai à vous parler d'une des plus grandes plaies des paroisses, du triste exemple des divisions qui régnent presque partout entre les curés et les vicaires, et quelquefois entre les vicaires eux-mêmes, c'est-à-dire entre ceux qui nous exhortent tous les jours à cette précieuse paix sans laquelle il ne faut plus compter sur le bonheur qu'ils nous prêchent.
Plusieurs ont cru trouver la cause de ce mal dans le combat qui s'est élevé depuis longtemps entre les évêques et les curés sur le droit de choisir et de renvoyer les vicaires dans les paroisses. Je ne prononcerai pas dans ce moment sur cette grande question presque insoluble de sa nature; mais ayant déjà donné à l'évêque le choix des curés, je ne lui refuserai pas le choix des vicaires; d'autant que ce sera toujours nécessairement des évêques que, tant les curés que les vicaires recevront leur approbation, si l'on veut du moins conserver dans la hiérarchie de l'Eglise l'ordre qui y règne depuis les apôtres, dont les évêques sont les successeurs immédiats. Cependant comme, d'autre part, les curés sont les successeurs des disciples envoyés, comme les apôtres, par Jésus-Christ lui-même, je ne voudrais pas leur contester le droit, sinon de choisir, au moins de donner leurs raisons pour refu-
ser des coopérateurs qui ne leur seraient pas agréables.
Pour trancher cette difficulté, quelques-uns ont propusé de rendre des vicaires inamovibles; mais ce moyen est tout nouveau, et il aurait déjà été employé s'il était bon. On le juge mauvais, parce que ce serait comme élever autel contre autel dans une même église ; ce serait donner aux curés des rivaux plutôt que des aides, et la subordination est nécessaire pour le bon ordre et pour le bien. Quel parti donc prendre? Il s'en est présenté un à mon esprit, qui semble remédier tout à la fois et à ce dernier inconvénient, et au précédent.
Gomme j'ai fixé l'âge des curés à 35 ans, je fixe celui des vicaires à 30 ans. Or, comme depuis 24 ans accomplis, qui est l'âge auquel se donne la prêtrise, jusqu'à 30, il y a un intervalle de temps précieux que l'on ne doit point laisser en proie à l'oisiveté, on enverrait les nouveaux prêtres, ou même les nouveaux diacres, si l'on ne se détermine dans l'église à rapprocher les deux premiers ordres sacrés sans fonctions, du troisième, auquel souvent un évêque ne veut promouvoir le diacre, ce qui, pour celui-ci, après ses engagements irrévocables, est, de toutes les situations, la plus déplorable; on les enverrait, dis-je, en qualité de catéchistes, dans les paroisses, où on les distribuerait avec mesure, selon leur nombre et les besoins des paroisses. Là ils seraient surveillés dans leurs exercices et par les évêques et par les curés; ils feraient les petites écoles, dont les premiers conciles d'Orange et de Vaison avaient fait un devoir très-étroit aux curés mêmes; ils aideraient aux offices de l'église, et prêcheraient même selon leurs talents, mais ils ne confesseraient que quand ils seraient faits vicaires, à l'âge de 30 ans accomplis. Jusqu'alors ils auraient la moitié de la congrue des vicaires, ou 400 livres, et on les inscrirait dans la matricule du diocèse aussi bien que les vicaires, pour être les uns et les autres placés, à leur tour de service et d'ancienneté, aux vicairies et aux cures.
Eh ! qu'on ne dise pas que les pères de famille ne feront plus leurs enfants ecclésiastiques, le nombre en sera certainement plus grand dans cette nouvelle perspective, parce qu'elle offre un établissement assuré, honorable, et le seul digne d'une profession sainte dont on n'a jamais dû faire une spéculation d'intérêt profane, et qui ne sera jamais bien exercée, ou avec fruit, que par ceux que Dieu même y appelle. On n'aura alors que de bons prêtres dans leur petit nombre, et l'on ne dira pas, comme on pourrait dire à présent avec saint Jérôme : multi sacèrdotes, pauci sacerdotes.
Il n'est pas, d'autre part, de fonctions plus importantes dans la religion que celles par où je veux éprouver les nouveaux prêtres, avant qu'ils arrivent aux fonctions pastorales. C'est par les premières instructions que l'on dresse plus facilement les jeunes cœurs à la vertu ; c'est par les catéchismes que se forment dans l'Eglise les bons chrétiens. On peut s'égarer, se laisser entraîner dans le monde à un âge plus avancé, mais on n'oubliera jamais les grandes vérités qui, en faisant aimer les lois de Dieu, rendent plus soumis aux lois de la patrie.
De si grands intérêts attachés à la chose même rie m'ont pas permis d'employer ici d'autre nom que celui de catéchiste. Jusqu'aujourd'hui cette expression n'a présenté à l'esprit que des fonctions comme enfantines, parce qu'elles ne s'exercent qu'envers les plus jeunes enfants, et souvent,
ce qui est pitoyable, par des enfants eux-mêmes; je n'ose dire, ce que je puis certifier, qu'un curé qui avait un vicaire, et deux, faisait faire le catéchisme par sa servante, aux garçons comme aux filles. Et pourquoi cet avilissement? Pourquoi cette indifférence pour une fonction plus difficile encore peut-être qu'elle n'est importante ? Socrate accouchait l'esprit des hommes, et c'était un talent rare ; mais savoir accoucher l'esprit des enfants, s'en emparer le plus tôt possible par de bonnes idées, pour les prémunir contre les mauvaises; leur apprendre ce qu'il faut, et ne leur apprendre que ce qu'il faut selon leur âge et sa portée ; savoir enfin établir de bonne heure dans leurs âmes une vraie conscience, c'est, de tous les exercices, le plus intéressant, le plus sérieux ; et, comme je l'ai dit, le plus difficile, mais aussi le plus honorable pour ceux qui s'en acquittent bien, et certainement ce n'est pas trop que d'y employer de jeunes prêtres, comme ce n'est pas les dégrader que de leur donner un nom que peut-être le plus petit nombre d'entre eux se rendra digne de porter; vous l'ennoblirez, Messieurs, si vous l'adoptez pour l'usage auquel je le destine.
Au surplus, pour ne pas surcharger l'Etat par les nouveaux frais des candidats dont je parle pour les vicairies, car dans les circonstances ces besoins du royaume nous prescrivent l'économie dans les réformes mêmes qu'ils nous commandent, les évêques auraient le soin de n'ordonner des prêtres, suivant la plus ancienne et la meilleure pratique de l'Eglise, qu'à la mesure des places qu'ils peuvent ou doivent occuper dans les diocèses. Je proposerai aussi, dans les mêmes vues d'économie qui quelquefois se concilient avec le bien même et la prudence, je proposerai de faire des cures ou des paroisses une division en deux classes, dont l'une, composée de cures ou de paroisses nombreuses, serait stipendiée comme telle, depuis 1,200 livres et au-dessus, par une gradation réglée sur un plus grand nombre de paroissiens ; et l'autre classe de cures peu étendues, mais qu'on ne pourra absolument réunir à une autre, car on doit d'abord s'attacher à cette réunion, qui est la première et principale économie ; or, comme les localités physiques ne se prêtent pas à volonté aux meilleurs plans de morale ou de politique, il faut alors que la politique ou la morale s'y accommode, et il le faudra bien pour un très-grand nombre de paroisses placées dans de tels écarts, ou de manière, dans les campagnes, qu'ayant eu néanmoins jusqu'ici avec vingt ou trente feux, sous le nom soit de cure, soit d'annexe ou de succursale, un desservant qualifié de curé ou de vicaire, on se trouvera dans le cas de payer 1,200 livres à un pasteur presque sans troupeau, et le nombre des paroisses, on peut le croire, est très-grand dans le royaume.
Il y aurait donc une économie considérable à faire, en ne plaçant dans ces paroisses que des vicaires à qui l'on ne donnerait pas 1,200 livres de congrue; mais comme dans les mêmes paroisses, si petites qu'elles soient, ces vicaires auraient toutes les fonctions curiales à exercer, il me paraîtrait juste de leur donner quelque chose déplus qu'au simple vicaire d'une cure principale. Ainsi l'on pourrait, sans déroger en rien aux décrets de l'Assemblée nationale, donner à ces vicaires desservants 8 à 900 livres, tandis que la portion congrue des autres vicaires étant déjà fixée par l'opinion générale à la moitié de celle des curés, on en ferait un décret particulier dans l'Assemblée, qui réglerait en même temps la portion congrue
des desservants dans les très-petites paroisses de campagne ou dans les hôpitaux, sous le nom de vicaires principaux ou de curés secondaires, le titre et la qualification n'y font rien ; mais s'ils sont indépendants, comme je le suppose, dans leurs fonctions, on doit les distinguer des simples vicaires qui exercent les leurs soit dans les villes, soit dans de simples succursales ou annexes établies en la forme ordinaire dans la dépendance des églises-mères. Dans les termes de ma proposition, une succursale déjà établie comme telle, pour des causes justes qui sont encore les mêmes, ne peut cesser d'être ce qu'elle est, quelque forme qu'il se fasse dans le service des paroisses.
A l'égard des villes, on peut se régler par le nombre des paroissiens, et ce nombre, autant qu'il sera possible, on doit le diminuer là où il est trop considérable, pour le rendre égal entre toutes les paroisses d'une même cité, à quoi se prêteront merveilleusement les églises des monastères qui y seront supprimés. On doit aussi avoir égard aux plus grandes dépenses dans les grandes villes et dans les paroisses qui les avoi-sinent, pour le taux de leur congrue, si on y abolit le casuel.
On aura encore l'attention, dans les arrangements nouveaux et matériels des cures, de n'en souffrir de doubles, c'est-à-dire où il y a deux curés ; ce sont comme deux têtes sur le même corps dont il faut faire disparaître la difformité (1). J'en dirais presque autant des cures établies,dans les chapitres; heureusement ceux des collégiales étant supprimés, on ne verra plus les troubles et les scandales qui causaient les procès presque inévitables entre les chanoines et les curés qui faisaient leurs fonctions pastorales dans l'église même où les chanoines faisaient leurs offices. Il y a de pareilles cures dans certaines églises cathédrales qu'il faut nécessairement transférer; j'en connais une où deux prêtres, à qui on donne le titre de curés, et bien justement parce qu'ils en exercent les honorables et utiles fonctions, sont obligés d'assister aux offices des chanoines, devant qui il faut encore que tous les ans, à certain jour donné, ils viennent rendre compte de leur conduite, ce qui est sans doute un usage bien peu convenable, mais il est tel que l'on introduit les changements survenus dans l'état des chapitres et des chanoines, autrefois religieux et aujourd'hui beaucoup trop séculiers.
Ce sont aussi les chanoines qui ont le plus contribué à l'avilissement des curés et des
vicaires, comme encore les moines rentrés et déci-mateurs qui, dans des siècles d'ignorance,
se sont enrichis de leurs dépouilles. Mais nous voici arrivés au temps le plus favorable pour
corriger toutes ces injustices. Le clergé lui-même a quelquefois tenté cette réforme, mais
toujours vainement, parce qu'il n'était ni aussi libre, ni aussi puissant qu une nation
entière. Cette nation franche et généreuse, attachée depuis Clovis à la foi catholique et
romaine, y persévérera constamment, et l'on doit se défier de ceux qui lui imputent d'en
vouloir à la religion parce qu'elle touche aux possessions ecclésiastiques : ce n'est que
pour le plus grand bien de l'Etat et de la re-
J'en étais a celui des vicaires et à leur, congrue fixée à la moitié de celle des curés. Comme dans les nouveaux arrangements que je propose les vicaires seront assurés de leur sort par lé choix que les évêques seront obligés de faire parmi eux et par tour de service pour les cures, il n'y aplus tant à s'inquiéter d'eux sur le taux de leur congrue; il faut seulement pourvoir à une règle fixe pour leur établissement, car si, comme je le suppose toujours, la nation, dispose des biens ecclésiastiques, mise alors à la place des décimateurs pour la charge des congrues, il ' lui importe de n'en pas laisser lp nômbre à une disposition arbitraire. J'ai déjà proposé que la profession des vicaires soit précédée de celle de catéchistes, et qu'ils ne soient admis à toutes les fonctions paroissiales qu'à l'âge de trente ans accomplis. Il sera dressé dans chaque diocèse un tableau de leur nombre qu'on réglera sur l'état actuel des paroisses, et, en cas de changement dans la population, on l'augmentera ou on* le ^diminuera sur un nombre donné et fixe de paroissiens, comme de cinq cents paroissiens, ou en plus ou en moins.
J'ai déjà parlé des chapitres de cathédrales et de leur conservation, j'y réviens ici pour dire que les prébendes et les places 'doivent y être égales et en nombre et en revenus, avéc une seule dignité pour chef, à laquelle tous les chanoines parviendront par tour de service et d'ancienneté. Moitié de ces places seront affectées aux curés du diocèse et aucun autre n'y pourra être chanoine sans avoir été au moins six ans vicaire de paroisse, le tout à la collation de I'évéque.
Frappé des plaintes générales qui s'élèvent contre les bas-chœurs de ces chapitres, dont les sujets sont aujourd'hui bien loin de recevoir l'éducation religieuse des premiers temps, qui les en rendait comme le soutien et l'ornement, n'y ayant pas alors d'autre route pour arriver aux hautes stalles, je les condamne, dans mon plan, à la suppression, sans en excepter même le corps des musiciens. Dans nos mœurs présentes, la musique sert plus au spectacle et à l'amusement qu'à FéduCation dans la solennité du cuite. Je lui préfère l'harmonie' grave et, majestueuse du cnant grégorien. Il convient aussi que les chanoines s'acquittent de leurs fonctions par eux-mêmes : la principale et la seule peut-être est le chant; qu'ont-ils donc à faire, si d'autres chantent pour eux?
Ce n'est pas sans répugnance que je cède à la sévérité de mon devoir, dans les libertés que je me donne contre tant d'établissements anciens; mais comme en ces matières j'ai eu lieu souvent de reconnaître qu'il n'est pas de plus mauvaise réforme que celle qui ne se fait qu'à demi, on voudra jbien me pardonner si je n'en propose aucune qui ne soit entière. « C'est, dit le sage abbé Fleur y, dans le temps des plus grands relâchements que l'on doit tenir plus rigoureusement pour la règle, ou elle se perd..» Je ne de-cirerais rien tant que la conservation des bas-shœurs de ces chapitres, mais dans leur ancien état, où sans acception de personnes, tous les bénéficiers formant eux-mêmes le corps des chan-
tres et des musiciens, dévenaient chanoines par tour de service. L'a musique, rendue à sa première et pure destination, sert merveilleusement à élever l'âme à Dieu dans les solennités de son culte. Mais les chapitres de cathédrales, envisagés, comme représentant l'ancien presbytère dont j'ai parlé, n'ont pas le chant pour principal objet; et ce ne serait pas les réformer, que de ne pas les composer de prêtres qui, dans le gouvernement des paroisses, ont appris à s'entendre et à s'aider au gouvernement des diocèses.
Et voilà pour ce qui regarde en général la nouvelle discipline à établir dans le clergé séculier, relativement aux décrets et aux vues sages de l'Assemblée nationale. Je passe maintenant au clergé régulier; maisauparavant'je ferai quelques réflexions sur certains objets, pour écarter de mon plan tout ce qui pourrait s'opposer au grand bien que j'entrevois dans son exécution.
D'abord, au sujet de l'élection des évêques, on pourrait opposer ce que le Roi lui-même avait proposé dans sa première réponse sur les arrêtés au mois d'août, savoir : que le concordat, qui avait établi les annates abolies par notre Assemblée, en réglant la l'orme des provisions pour les prélatures, était ou devait être considéré comme un contrat synallagmatique qu'une seule des deux parties ne pouvait dissoudre au préjudice de l'autre.
Cette raison, bonne en thèse générale, ne l'est point à l'égard du concordat. On en doit raisonner à peu près comme des biens ecclésiastiques, qu'il n'est pas permis de comparer aux biens d'un père de famille. Le principe en a été consacré dans la constitution du royaume par le décret du 2 de ce mois, et la nation n'avait fait que, le prévenir, en usant de son droit, lorsque par son décret du 4 août elle a défendu de porter de l'argent pour annates ou autres causes soit à Rome, soit à Avignon. Chacun sait, d'autre part, dans quelles circonstances fut fait le concordat; comment François Ier fut lié par cet acte et comment il voulut après le soutenir. Il y souscrivit dans la faiblesse, et le fit exécuter par la force ; c'est encore un fait certain que les annates ne sont point comprises dans le texte même de concordat-; elles n'en sont qu'une disposition que les jurisconsultes appellent ampliative, parce qu'elle fut ajoutée après le concordat aux articles convenus et arrêtés dans le concordat même. Et en effet, l'origine des annates est assez connue, et elles né pouvaient être pour la première fois mises dans le concordat, comme le prix des bulles que le pape faisait expédier aux nommés par le Roi. Les annates ne sont autre chose qu'une manière de tribut ou même d'impôts que la cour de Rome avait établi sur les principaux bénéfices du royaume bien avant le concordat, dont on a voulu s'autoriser pour en continuer la perception dans une forme légale; mais cela même ne les a pas rendues plus favorables, parce qu'elles n'ont cessé d'avoir l'air d'exactions pécuniaires, par le vice de leur origine. Si pieux qu'en soit l'usage qui s'en fait à Rome, le peuple en pense autrement, et, par cela seul qu'il fait tort à la religion, le décret du 4 août concernant lès annates et les droits des dispenses n'a rien que de sage.
Quant aux provisions du pape en elles-mêmes, on ne voit pas que l'usage en remonte plus haut dans le royaume que du concordat, ou des temps précédents où les papes avaient su s'arrogér tous les droits dans la disposition des bénéfices, à la faveur du nouveau principe qui les faisait ordinaires, d'extraordinaires. Le concordata introduit l'u-
sage de ces bulles dans une forme toute nouvelle; car si auparavant les nouveaux évêques, promus par la voie de ^élection, donnaient au pape quelque marque d'adhésion, ou même de soumission, c'était dans un objet tout spirituel, tel que je l'ai proposé ci-devant dans la formule de consécration, comme une pratique sage qui doit toujours être conservée. Mais cet intérêt majeur une fois mis à couvert, je ne vois pas que la cour de Rome soit fondée à réclamer l'exécution du concordat, comme celle d'un contrat qui ait lié tout à la fois, et d'une manière irrévocable, le roi, le clergé et la nation, qui n'y ont été ni vus, ni entendus. La politique y eut plus de part que le bien de l'Eglise. Rien ne le prouve comme les célèbres remontrances du parlement de Paris à Louis XI, en 1461, et il est digne de l'Assemblée nationale d'en faire valoir aujourd'hui les raisons qu'on allégua vainement alors. Il est digne aussi, j'oserai le dire, du Saiut-Siége de ne point s'opposer à leur succès, quand le bien, les lois mêmes de l'Eglise le réclament. iNotre Assemblée travaille à une régénération qui va nous donner des magistrats, des officiers municipaux, des représentants de la nation, par la voie la plus sévère de l'élection, et cela ne touche qu'à nos intérêts temporels : fau-draitril donc que pour des intérêts bien plus grands, nous fussions privés du choix au moins de nos premiers pasteurs, à l'exemple de nos pères, et avec l'agrément d'un monarque qui ne desire rien tant que de concourir, par tous les moyens, au plus grand bonheur de ses sujets.
On aura peut-être encore sur ses pas, dans les-nouveaux arrangements des paroisses, ce qu'on appelle les communalistes ou agrégés, qui, comme certains fondateurs, se prétendront dans le droit de s'opposer à tout changement; mais à cet égard la question a été jugée par décret même de l'Assemblée, qui met à la disposition de la nation tons les biens ecclésiastiques. Or j'ai prouvé que les biens de toute fondation spiri-tualisée n'en étaient pas exceptés, hors le cas de la clause expresse de retour. Rien d'ailleurs de moins favorable que ces agrégations de prêtres pris exclusivement dans tel ou tel lieu, parce que rien n'est plus contraire et à l'esprit de l'Eglise et au bon ordre, dans l'exercice des fonctions paroissiales. Ce sont des établissements qui, sous couleur de plus grands services à la gloire de Dieu, n'ont pour fondement que l'intérêt personnel et local, ce qui est on ne peut plus opposé à la liberté si nécessaire dans le choix des ministres des autels.
Les prélats les plus respectables et beaucoup de curés objectent que désormais les appointements en argent vont les priver du gage le plus Sûr qu'ils avaient, dans leurs biens-fonds, de la considération publique et de leur subsistance même, parce que, disent-ils, sans possessions, les pasteurs n'auront plus les moyens de s'attacher les peuples par des aumônes; d'autre part, l'Etat, dans ses besoins pressés, les privera même de leurs appointements, ce qui entraînerait, avec l'abandon de leurs services, la ruine prochaine et infaillible de la religion, A cela je réponds que la nation déclarant que la religion catholique sera toujours la religion de l'Etat, et le peuple français y étant généralement très-attaché, il ne saurait manquer à la charge qu'elle lui impose de nourrir ses ministres. Ou il faljt qu'il remplisse cette obligation dans tous les temps, ou il faut qu'il renonce à la foi ; et c'est de quoi la nation est et sera toujours plus loin que certains esprits
pourraient le croire, et d'autres pourraient le désirer (1).
Et à l'égard des aumônes, ce sera plutôt un moyen de faire cesser les plaintes qu'on élève contre eux depuis longtemps dans leurs possessions territoriales. Les premiers pasteurs n'avaient jamais assez donné, et plusieurs peut-être ne donnaient pas assez. On n'aura plus à l'avenir tant de droits à leurs libéralités dans la taxe fixe connue de leurs revenus en argent. Quant aux curés, ils pourront et devront, dans la jouissance de leur nouvelle et meilleure congrue, faire quelques aumônes; mais au moyen des caisses municipales de charité qui vont être établies par une loi ou un règlement général dans toutes les provinces, ils ont toujours l'avantage et même l'agrément de concourir à la distribution des aumônes de la nation, soit pour les ateliers, soit pour les dispensions manuelles, par les attestations et les indications dont les recteurs et administrateurs de ces œuvres feront toujours sagement et nécessairement usage, pour observer plus sûrement la justice dans la répartition de leurs secours aux indigents,
En sorte qu'alors le pasteur, sans y être pour le sien, continuera de mériter ou de s'attirer l'affection de ses paroissiens, par le même appât de l'intérêt que tous, peut-être, ne leur offraient pas ci-devant ou par avarice ou par impuissance.
Je ne m'arrêterai pas à réfuter cette pitoyable objection qu'on a faite contre la forme
même de la fourniture en argent, en la réglant sur la valeur courante de la denrée principale
; on a prétendu qu'on dégraderait par là la dignité épisco-pale ou ecclésiastique ; mais j'ai
prouvé ailleurs, dans mon opinion imprimée sur la propriété des biens eçclésiasstiques, que
la dignité épiscopale ou ecclésiastique ne recevra, dans cette nouvelle forme, au contraire,
que plus d'éclat et d'estime, parce que c'est celle qui est la plus conforme à l'état tout
spirituel des évêques, et aux termes mêmes de l'Evangile qu'on nous permettra de citer,
puisqu'il est le titre sacré et fondamental de
Au surplus, dans les grandes réformes, et à l'époque d'une révolution où nous ne devons agir, pour sa propre conservation, que sur les principes qui l'ortt opérée, c'est peut-être grossir les obstacles que de les prévoir. Après les sacrifices qui ont déjà été faits des intérêts privés au grand intérêt général de la nation, on doit espérer que l'esprit patriotique aplanira toutes les difficultés de lui-même ; je viens donc, à la seconde division de mon discours, au clergé régulier.
CLERGÉ RÉGULIER.
Vous savezj Messieurs, que l'Assemblée nationale, ou plusieurs de ses membres ont déjà témoigné un assez grand désir de supprimer tous les ordres religieux, sans excepter les monastères de filles. Ce n'est point certainement mon avis particulier ; je suis bien éloigné de vouloir tout à coup anéantir un genre d'établissement qui, sans doute, est l'ouvrage de Dieu même, puisqu'il est presque né avec l'Eglise,dont il a fait pendant dix-huit siècles la consolation et la force;mais dans la véracité de mes sentiments contre tous les abus dont la réforme m'a été commise, je ne puis m'empêcher de faire à cet égard une première observation qui, sans tendre directement à la suppression des ordres religieux, pourrait servir à rendre leur état ou leur forme plus analogue aux mœurs présentes.
Cette observation est que, jusqu'au douzième siècle, les vœux solennels de religion n'ont guère été connus dans l'Eglise, pas même la clôture des religieuses, et c'est précisément cet engagement irrévocable qui, privant le religieux de tous ses droits naturels et civils, le rend comme étranger à la société, où cependant il continue de vivre et avec des affections ou des relations avec elle, qui l'exposent, et que ne connaissaient pas les fondateurs et les modèles d'un état aussi sublime et aussi parfait. Nos religieux ne sont plus ceux de l'Egypte ; et ces derniers, les meilleurs de tous, ne faisaient aucun vœu, ni simple ni solennel, ils ne possédaient aueun bien, ils vivaient de leur travail et ils secouraient encore les pauvres de l'excédant de son produit. Saint Benoît, dont la règle a fait tant de saints et tant de progrès dans l'Occident, ne prescrit que des épreuves, sans exiger d'autre engagèment de vie, et la persévérance.
En effet, la règle porte de renvoyer ceux qui ne sont et ne peuvent être absolument fidèles à leurs promesses, qui sont incorrigibles : à Dieu ne plaise que j'improuve rien de ce. qui s'est pratiqué jusqu'ici par les lois de l'Eglise et les décrets même des conciles ; mais une triste expérience semble nous forcer tous de convenir que la pratique des vœux, et surtout des vœux solennels introduits par les fondateurs zélés du douzième siècle, qui y ont ajouté la mendicité, laquelle est une vraie charge pour les peuples et un titre à l'avilissement de l'état si respectable de religieux; il faut, dis-je, convenir que ces
pratiques conviennent moins à notre siècle qu'aux précédents: elles ne tiennent point d'ailleurs aux préceptes delà religion, qui ne blessent la liberté de personne, et qu'on n'observerait pas, ou que très-mal, dans la contrainte.
Cependant comme l'état religieux est un état de sainteté, véritablement digne d'elle, ou il faut cesser d'estimer la vertu ou même d'y croire, ou il faut conserver cet asile à l'innocence; c'est le premier droit et le plus digne usage de la liberté, de cette liberté tant désirée par la nation, si bien, si heureusement défendue par cette Assemblée. Je voudrais donc, en donnant mon avis particulier sur cet objet important de réforme, que, sans supprimer tous les monastères indistinctement, on supprimât l'usage des vœux, au moins des vœux solennels, pour y substituer un engagement tout libre, qu'il serait permis de faire à tout âge, sans jamais être privé des droits naturels et civils de l'homme en société. Je voudrais en conséquence, qu'à l'égard d'abord des religieux qui subsistent à présent, et à qui on ne pourrait pas associer de nouveaux religieux avec d'autres engagements, on leur donnât le choix, comme il a été proposé, ou de rester dans leur état eu se réunissant en plus grand nombre, respectivement dans chaque ordre, et dans celles des communautés que l'on jugerait à cet effet les plus convenables, ou de sortir pour vivre en habit ecclésiastique sous la juridiction de l'ordinaire, avec telle pension qui sera réglée pour les uns et pour les autres.
Mais comme une pareille opération me semble entreprendre sur la nature spirituelle des enga~ gements religieux, je voudrais qu'elle se fît ou de concert, ou avec l'agrément de l'autorité ecclésiastique, Ôn opposera l'exemple récent des Jésuites, dont Louis XV a supprimé la société, de sa seule et propre puissance ; mais cela ne s'est point fait sans des réclamations, et assez bien motivées, qui n'ont cessé que par la bulle de Clément XIV.
Avec cette sage et religieuse mesure, je voudrais qu'on laissât subsister les monastères de pénitence, qui font encore dans ce royaume tant d'honneur à la vie cénobitique, tels que les monastères de la Trappe, de Sept-Fonts, la grande Cliarteuse et quelques autres, où néanmoins après les religieux qui y sont et y ont fait des vœux solennels, ceux qui y seraient désormais appelés par les mouvements d'une grâce particulière, n'en feraient point de pareils, mais seulement la promesse de la stabilité, autant qu'il serait en eux de la remplir ; ce qui laisse toute liberté, et à la communauté pour les renvoyer, et aux religieux eux-mêmes pour se retirer quand ils le voudraient.
J'en dis autant des monastères de Carmélites, de Franciscaines réformées, qui font l'admiration des ennemis mêmes de notre religion ; car il n'est pas de preuve ou de marque plus sensible de l'influence divine sur ces maisons, que les vertus et la force qui éclatent dans la faiblesse même du sexe qui les habite. Mais cette juste admiration serait bien plus grande sans les vœux solennels, avec un simple engagement qu'on pourrait rompre à volonté, sans peine et sans honte, au moyen des nouveaux préjugés qui accompagneraient la nouvelle pratique. Alors seulement cesseront et peuvent cesser les soupçons toujours injurieux, et souvent beaucoup trop fondés, d'une vertu sans mérite, de crainte révé-rentielle, dé vocation sans liberté, enfin de pénitence forcée, et tant de scènes peu édifiantes qu'elles produisent aux yeux du peuple , ne
fût-ce que les réclamations fréquentes et broyantes contre des vœux que la bouche a formés et que le cœur désavoùe.
On trouverait encore- dans ces pieux monastères le moyen d'y transférer une bonne partie dés charges spirituelles, attachées à certaines fondations ; ce qui serait peut-être l'échangé le plus fructueux, et par là même le plus agréable aux familles qui peuvent encore mettre quelque intérêt ou quelque affection à ces services.
Quant aux autres religieux et religieuses, ceux-là doivent être conservés qui sont utiles et même nécessaires soit pour le service des malades, soit pour l'éducation de la jeunesse, mais toujours sans aucun des vœux, et avec le simple engagement libre et à tout âge, dont j'ai parlé. Aussi, dans ce, dessein, je voudrais que l'on conservât les Frères de là Charité, qui desservent les hôpitaux; les sœurs qui exercent les mêmes actes de charité ; les religieuses Ursulines, dont l'institut n'a pas d'autre objet que celui de l'éducation des filles. L'institut de saint François de Sales, qui porte d'admettre dans les couvents de la Visitation toutes les personnes qui voudraient s'y retirer dans un état libre pour leur salut, sans aucun égard ni pour l'âge, ni pour la condition, pas même pour les tempéraments faibles ou robustes, me paraîtrait encore digne de l'exception. Son aimable fondateur, qui vivait au commencement du siècle dernier, ne voulait point d'abord de vœux solennels, dont il ne paraît pas avoir été le partisan, et il a rédigé sa règle, ennemie de toute austérité corporelle, de manière à ne servir que d'aliment et de défense à la plus solide piété. Or, il faut à nos familles de ces couvents où pouvoir mettre nos filles en sûreté. Il nous faudra toujours des lieux où il soit libre à chacun de faire élever ses enfants dans la crainte du Seigneur ; car, quoi qu'on en dise, de toutes les éducations, il n'en est pas de meilleure ni d'aussi heureuse que celle qui a pour base et pour fondement la morale de l'Evangile et la pratique de ses conseils.
La ressource des séminaires qui seront toujours plus favorisés en France, surtout dans la
nouvelle forme dont je vais parler, nous rend aujourd'hui comme superflu le secours des
religieux, pour la science soit théologique, soit morale ; c'est aussi par où je me détermine
non point à demander, mais à ne point m'opposer à la suppression des ordres religieux en
(général, établis en France. Les catéchistes dont j'ai proposé l'établissement, pourraient au
besoin tenir lieu des prédicateurs et remplir pour eux les stations d'à vent et de carême. Us
pourraient aussi être employés à acquitter les fondations, à aider même aux missions, dont il
est très essentiel de conserver l'usage pour relever le zèle abattu ou refroidi des curés et
des vicaires, et pour rappeler aussi les hommes au souvenir des grandes vérités morales qui
les intéressent. La plus funeste politique serait de négliger ce premier lien, ce premier
frein des peuples (1).
ENSEIGNEMENTS ECCLÉSIASTIQUES.
Je n'ai rien à dire ici des enseignements publics en général, je n'en parlerai que relativement à mon sujet. Les universités, telles qu'elles sont en ce moment dans le royaume, n'offrent que des abus à réformer, et c'est une matière dont il faudra que l'Assemblée s'occupe, pour la faire entrer dans le plan même de notre constitution. Cette charge tombe donc sur notre comité même de constitution. Or, il sait mieux que je ne saurais le dire que rien n'intéresse tant la nation comme de former au plus tôt, sur ses propres principes, un esprit général qui, après avoir été adopté par la génération présente, passe et soit comme sucé avec le lait par les générations futures.
Les enseignements ecclésiastiques doivent même y être adoptés ; mais ce qui est peut-être encore plus essentiel, c'est qu'après toutes les réformes proposées, si elles ont lieu, on s'applique à monter les écoles théologiques différemment de ce qu'elles le sont à présent. Ne serait-il pas possible, ce qui est tant à désirer, que l'on s'entendît une bonne fois sur cet objet si important, dans notre célèbre Eglise gallicane ?*Serait-il impossible que l'on se fixât à un seul corps de doctrine? Rien à mes yeux qui fût si beau et si utile à la religion que de voir cette seule et vraie doctrine établie et5 protégée spécialement dans une seule université, telle que celle de Paris où se formeraient les professeurs et même les directeurs des séminaires de provinces. Là ces dignes maîtres l'enseigneraient par tout le royaume, telle qu'ils l'auraient puisée dans la pureté de la source. Les séminaires seraient alors réduits à un seul par métropole, en tel lieu qu'il serait convenable, avec défense à tous les collèges et communautés ecclésiastiques, d'enseigner la théologie, en y enseignant toutes les autres sciences quelconques, jusqu'à la théologie exclusivement; la classe des catéchistes, dont j'ai parlé, tiendrait d'autre part comme lieu des petits séminaires dont l'usage n'a pas jusqu'ici paru d'une grande utilité au plus grand nombre des évêques.
Je laisse à l'écart la question de savoir s'il serait plus avantageux de supprimer les
bourses pour les pauvres étudiants ; je dirai seulement que dans la nouvelle forme que l'on
va donner à tous les établissements ecclésiastiques, soit séculiers, soit réguliers, il vaut
peut-être mieux laisser à la Providence les moyens de fortune nécessaires à un état que
jusqu'ici les sujets pauvres ont embrassé bien moins pour être plus vertueux et plus utiles à
la société ou à la religion que pour devenir riches et plus considérés par une éducation
beaucoup trop chère au public. Ajoutez que dorénavant la carrière étant ennoblie par
l'égalité des droits que tous les citoyens auront de la parcourir, les plus riches d'entre
eux ne dédaigneront pas de s'y distinguer. Au surplus, je ne voudrais priver de rien les
boursiers actuels, quoique je propose de faire à l'avenir un meilleur usage de leurs bourses.
DISCIPLINE ET JURIDICTION ECCLÉSIASTIQUES.
Je n'ai pas cru devoir rien proposer sur les détails de la discipline ecclésiastique, je doute même que l'Assemblée nationale veuille ou doive s'en occuper, si ce n'est pour ordonner le rétablissement des conciles provinciaux de trois en trois ans, et les synodes annuels où cette matière sera réglée par ses véritables juges. Je ne pense pas qu'avec toutes les mesures qui se prennent dans l'Assemblée pour prévenir le retour de tous les abus qu'elle réforme avec tant de sagesse et succès, elle craigne de voir désormais les ecclésiastiques s'assembler pour le meilleur ordre parmi eux, et pour le plus grand bien de la religion. Aucunes des raisons qui avaient suspendu la tenue des conciles provinciaux, ue subsistent déjà plus, et elles subsisteront bien moins, quand le clergé n'aura pas la possession ou l'administration des biens, qui par le décret du 2 de ce mois sont à la disposition de la nation. Rien qui soit d'ailleurs plus conforme à la plus ancienne et à la plus sainte discipline de l'Eglise, que les conciles, et particulièrement les synodes diocésains, où je voudrais que les vicaires mêmes fussent appelés en partie chaque année, et sans voix délibéra tive-; à quoi l'on joindrait un décret pour les visites épiscopa-les, sans frais et sans droit de procuration, du moins à la charge des paroisses.
Quant â la juridiction ecclésiastique, je proposerai tout simplement de supprimer les oracia-lités, parce qug. depuis longtemps on se plaint que cette juridiction conlentieuse entre les mains de prêtres, ne convient pas plus à leur état qu'au bien de la société à laquelle tous ses membres tiennent et doivent toujours tenir par leurs droits et parleur qualité de citoyens. Aussi combien cette seule considération avait-elle fait introduire d'exceptions, source continuelle de contestations et de très-grands frais ?
A l'égard des causes criminelles il y a peut-être encore moins d'inconvénients à la compétence exclusive des juges royaux, sauf à appeler à ces procédures un ecclésiastique, comme on appelle un officier militaire à la procédure criminelle d'un soldat, prise pour les délits civils dans les tribunaux ordinaires, et c'est sur quoi je ne doute point que l'Assemblée nationale ne statue avec sagesse dans la prochaine organisation de l'ordre judiciaire.
Il ne resterait donc aux évêques que les actes de leur juridiction gracieuse, et à cet égard les principes reçus dans notre droit public, les maximes, les libertés de l'Eglise gallicane, seront toujours bons à conserver et à opposer au besoin à toutes les entreprises, soit de la cour de'Rome, soit des évêques.
Ces derniers ayant toujours des ordres à conférer, des curés à choisir, des vicaires à placer, des religieux, des religieuses sous leur juridiction, car il ne sera, je pense, pas plus question de l'exemption des ordres religieux que des ordres mêmes, enfin les évêques ayant et devant toujours avoir le droit et la liberté d'exercer leur
autorité :épiscopale, mais pas une magistrature "en un sens politique sur des individus citoyens et français, sujets du Roi, avant d'être clercs ou diocésains d'un évêque, il importe à la nation dè conserver et de maintenir toutes les pratiques par lesquelles le souverain a maintenu lui-même jusqu'ici son entière indépendance de l'autorité spirituelle. Ainsi tout ce qui est déjà établi sur les entreprises mutuelles des deux puissances indépendantes l'une de l'autre, sur les réclamations et les appels comme d'abus, dont l'usage est et doit être réciproque, le sera encore, et l'on n'aura besoin que d'en faire un décret où l'on pourrait ajouter que les évêques n'auront plus désormais de grands vicaires in partibus ou en vain titre, mais des hommes choisis parmi ceux à qui les devoirs du ministère ne sont point inconnus, et qui résident dans l'exercice le plus assidu de leurs fonctions.
Il n'est pas, je crois, nécessaire de* dire que l'Assemblée ne manquera pas de supprimer les chambres ecclésiastiques et supérieures ei diocésaines, établies pour des objets qui bientôt ne vont plus exister, s'ils existent encore; cet établissement tombe de lui-même avec sa cause.
Enfin il me reste à proposer mes idées sur les coups qui ont été portés aux relations entre la France et la pour de Rome pour les provisions de bénéfices et les dispenses dont l'Assemblée a renvoyé la concession gratuite aux évêques diocésains, comme encore sur le traitement qui est à faire aux religieux déplacés, et aux bénéficiera dont les biens déclarés à la disposition de la nation, seront probablement vendus à son profit.
PROVISIONS DE BÉNÉFICES ET DISPENSES.
D'abord, pour ce qui est des provisions de bénéfices en général, il n'en sera pas beaucoup question à l'avenir, si, comme je l'ai proposé, et pour bonnes causes, on supprime les commendes, les bénéfices simples ou sans fonctions, et les çano-nicats des collégiales, ne laissant subsister que les évêchés, les cures et les places de chanoines daùs les cathédrales, à quoi il. sera pourvu par les voies ou dans la forme dont j'ai parlé, mettant les places dans les cathédrales, comme les cures dans les diocèses, à la pleine disposition des évêques, moyennant qu'ils ne disposent pas de toutes au préjudice des curés, dans l'ordre que j'ai proposé.
Il ne sera pas plus question de bénéfices réguliers ou claustraux, par le moyen des réformes ou suppressions également proposées ; et les grades ou. les nominations des gradués par les universités, qui n'auraient jamais dû porter, dans les bonnes règles, sur les cures, cesseront heureusement avec tous leurs inconvénients et tous leurs procès. Plus d'induits, plûs de breve-taires, si ce n'est péut-être celui de joyeux avér nement; plus de pluralité de bénéfices, d'incompatibilité, de résignation en faveur de date, de visa ; plus enfin de toutes ces impétrations, de ces réquisitions de places ecclésiastiques dont on est en général indigne, quand on les cherche. Les gens de bien n'auront plus à rougir d'entendre dire: Il fera, il a fait, à la cour ou ailleurs, par ses intrigues, par sa naissance, et même par ses talents, fortune dans l'Eglise et du bien des pauvres. On ne verra plus enfin des ëcumeurs de pensions et de bénéfices, comme les appelait Dumoulin ; il était réservé à la nation d'en purger l'Eglise, comme elle a déjà purgé l'Etat de ses déprédateurs et de ses sangsues.
Mais puisque nous avons déjà, comme l'assu -rance de ce grand bien, dans la suspension que l'Assemblée nationale a ordonnée de toutes provisions de bénéfices, autres que' des cures, il est bon de l'aviser iei, qu'après un pareil déeret, il lui reste à pourvoir incessamment à là conservation des biens et revenus de ceux de ces bénéfices dont la vacance est arrivée ou peut arriver tous les jours, depuis l'époque de son décret ou de sa publication, comme elle doit pourvoir aussi à la desserte de toutes les cures, dont les titulaires et les Resservants vont être privés de leur congrue, s'il ne le sont déjà, par le refus comme légitime que les décimateurs ont fait ou feront de les leur payer, n'étant plus payés eux-mêmes de la dîme destinée de droit à celte charge.
Quant aUx .dépenses dont a parlé Te décret du 4 août, c'est d'abord une première question, si, dans l'esprit de ce décret, ces dispenses s'entendent seulement de celles qui regardent iés bénéfices? 11 ne serait pas plus besoin d'en parler, dans ce cas, que de leurs provisions, si le plan que je propose, presque d'après les décrets mêmes de l'Assemblée, est adopté.'
Que si on applique indistinctement le décret du 4 août à toutes, sortes de dispenses, pour raison desquelles il a défendu d'envoyer de l'argent, soit à Rome, soit à Avignon, je ne vois plus alors qu'une voie poiir en continuer la pratique ou l'usage : c'est la voie de la pénltencerie, qui s'emploie et secrètement et gratuitement. Les réformes de la nation ne s'étendent et ne peuvent s'étendreaudelà des formes extérieures ; en sorte que quand elle ordonne de ne point porter d'argent à Rome, pour les dispenses ; quand elle ordonne de s'adresser aux évêques, qui les accorderont gratuitement, elle ne prononce rien sur le mérite même de ces dispenses, non plus que sur le pouvoir de ceux qui les accordent. C'est aux évêques mêmes à régler ces matières, relativement à la discipline ecclésiastique, ou au for intérieur, dans des conciles ou autrement. Ce qui n'empêche pas qu'on ne dise et qu'on ne doive dire que ces dispenses en général ne sont point par elles-mêmes des grâces,'ni ne doivent être considérées comme tellès, mais comme des actes de pure justice, par lesquels on dispense de la loi celui que la loi elle-même aurait dispensé par une disposition particulière, si elle eût prévu ou pu prévoir le cas qui aurait rendu l'exception lécessaire en sa faveur.
Au surplus; chacun sait que l'usage des dispenses en cour de Rome n'a pas d'autre origine que celle des cas réservés au pape, sur qui les évêques eux-mêmes furent bien aise de se décharger, pour ne pas céder sur les lieux aux impor-tunités et au crédit des parties intéressées. Ce n'est donc qu'un usage accidentel et positif que celui des dispenses, et on pourrait tres-èien, si on le voulait, en diminuer le nombre, et les rendre même inutiles en certaines matières. Je citerai pour exemple les dispenses de mariage, pour les-^ quelles il s'envoyait le plus d'argent à Rome.
Il est convenu que le souverain peut établir des empêchements et prohibitifs et dirimants au ma-, riage, considéré comme contrat civil. La nation, qui exerce aujourd'hui le pouvoir souverain de la législation, ne pourrait-elle donc pas, de concert avec l'autorité ecclésiastique/ fixer à cet égard les règles ou les degrés de parenté, de manière qu'il n'y eût jamais lieu à aucune dispense de ce genre pour qui que ce fût? Ce serait peut-être le moyen de prévenir bien des maux qui se font intuitu veniœ. Tout le monde sait encore, je
l'ai déjà observé, qu'il ne se fait à Rome qu'un bon usage de l'argent des dispenses, et les motifs de cette pratique sont et ne peuvent être que très-sages. Malgré cela, c'est une tentation pour les faibles; et une arme pour les impies. Il serait donc, à mon avis, dans ces temps fâcheux, et plus utile et plus prudent, d?en abolir l'usagé par des lois fixes et générales.
TRAITEMENT A FAIRE AUX RELIGIEUX, ET AUX BÉNÉFICIERS QUE L'ON RÉFORME.
Je finis parl'àrticle qui est peut-être de tous le plus délicat ou le plus difficile à bien remplir. C'est celui du traitement des possesseurs actuéls des bénéfices et des religieux des monastères, dont les biens et les emplacements vont passer à la disposition Effective de lanation. Je m'exprime ainsi, Messieurs, parce que j'ai déjà eu l'honneur de vous observer que la vente des biens ecclésiastiques, autorisée par le décret du 2 de Pe mois, est commandée impérieusement par lés besoins extrêmes de l'État. C'est le premier des pauvres à qui ces biens appartiendraient à titre de secours et de charité, quand l'Assemblée n'aurait pas décidé que leur disposition lui appartient à titre de droit et de Justice. J'ai sur cette dernière décision donné mon suffrage pour elle, et je ne puis être d'un autre avis dans ce; moment ; il est vrai que je suis en même temps du nombre de ceux qui inclinent pour les plus grands égards envers les possesseurs actuels, quels qu'ils soient; il n'y a aucune distinction à faire, pour la légitimité du titre entre les titulaires de différents bénéfices, ou entre les possesseurs de différents revenus ecclésiastiques. Tous possèdent ces revenus, de telle nature et de telle somme qu'ils soient, par un titre égal; tous ont ainsi, dans leur jouissance, des droits que la nation doit respecter : c'est l'intention de l'Assemblée, et certainement tous les membres de ce comité n'en ont pas d'autre. Mais, Messieurs, on l'a dit et répété plusieurs fois dans la discussion qui a précédé le décret du 2 de ce mois, tous ees biens, tous ces revenus ont une destination marquée et prescrite par les canons mêmes ; et c'est ici une difficulté qui a bien de quoi gêner la meilleure volonté pour les traitements dont il s'agit.
D'abord tous les ecclésiastiques en général, soit séculiers, soit réguliers, ne possèdent leurs biens qu'avec des charges plus ou moins considérables.
Le clergé en corps a des dettes, et la nation s'engage nécessairement à les acquitter, en prenant ses biens. Cela s'entend ou doit s'entendre, quand on n'en parlerait pas.
Il en est autant de toutes les dettes des corps particuliers des ecclésiastiques séculiers ou réguliers c'ést-à-dire, des diocèses, chapitres, monastères et autres corps et communautés, soit qu'on les supprime, soit qu'on les laisse subsister, en prenant leurs biens tels qu'ils les possèdent actuellement, pour y substituer une sold£ ou des appointements en argent, sur les plus clairs deniers des fonds dont j'ai parlé. Il faut nécessairement acquitter toutes ces dettes. Gela, encore une fois, est de droit.
A l'égard des particuliers dépossédés ou déplacés, je les rangerai en plusieurs classes, et je commencerai par les religieux.
Il y a d'abord à distinguer les religieux dont les corps sont à conserver, dans les termes et pour les raisons déjà expliquées, et ceux dont la suppression aura lieu.
A l'égard des premiers, on peut leur laisser avec leurs monastères toutes les dépendances voisines qui. en font comme partie,, et souvent dans ces dépendances closes ou non, il j a de quoi former un revenu assez considérable: on le déduirait donc sur le taux de la pension qu'il convient de fixer pour l'entretien de chaque religieux.
A l'égard des monastères supprimés, 11 semble d'abord que les religieux qui préféreront de continuer leur vie monastique, méritent plus d'égards ue les autres; ils méritent certainement plus 'estime ; mais comme leur entretien en communauté doit moins coûter pour chacun d'eux, j'aime à eroire qu'aucun de ces bons religieux n'exigera plus que ce qui suffira à leur communauté, pour taire aller dans une certaine aisance et le service divin, et leur table, et leur vestiaire.
Il faudra nécessairement quelque chose de plus à ceux qui, étant déplacés par fait d'autrui, doivent être libres de prendre l'habit ecclésiastique, pour vivre dans leurs familles sous la juridiction des évêques.
Aux premiers peut-être que 500 ou 600 livres suffiront, du moins pour ceux des monastères peu riches ; car pour les religieux bien reniés, il faudra plus. Quant à ceux qui sortiront, il leur faut, dans le temps présent où tout est si cher, au moins de 600 à $00 livres, d'autant que la plupart n'auront point de famille pour retraite,
Les ipoines rentés prétendront à une pension plus forte, sur le fondement que la nation prenant leurs biens, ils y ont des droits particuliers ; ils diront aussi qu'ils n'ont pas accoutumé de vivre dans les mêmes privations .que les religieux mendiants ; mais on leur répondra que, sur les biens qu'ils regrettent et qui n'étaient pas de leur patrimoine , qui appartenaient à ia nation, ils n'avaient que leur subsistance à prendre ; que leur état est le même que celui de tous les autres religieux ; que tous s'étaient dévoués au service de la religion et du public, dans le même.esprit et dans les mêmes formes ; que tous avalent,, par les mêmes vœux, fait les mêmes sacrifices de leurs biens, de leurs droits civils; que ceux-mêmes d'entre eux qui étaient les plus pauvres, étaient les plus utiles par leurs secours spirituels; enfin tous les religieux auront la faculté de ne point rentrer dans le siècle, s'ils ne le veulent. Mais du moment qu'ils y sont, il ne doit plus y avoir de différence entre eux, ni pour leurs biens, ni pour leurs ordres, encore moins pour les places qu'ils y ont occupées. Les plus âgés peuvent seulement réclamer quelque avantage, pour faire augmenter leur pension, et je serais d'avis que l'on donnât dé 600 à 800 livres à ceux qui sont au-dessous de soixante ans, et 1,000 livres à ceux qui ont soixante ans commencés et au delà.
Nous ne devons pas oublier les frères convers ou laïques ; tout semble leur être commun dans ce que nous venons de dire des moines rentés et mendiants, et l'on ne pourra guère donner moins de 500 livres à ceux qui sortiront, et de 400 livres pour ceux qui resteront dans le cloître ; les sexagénaires hors du. cloître auront 600 livres.
pour ce qui est des religieuses dont les monastères seront supprimés, et à qui sera accordé avec encore plus de raison la faculté de vivre et de mourir dans leurs couvents, elles doivent avoir 600 livres chacune ; 150 livres pour vestiaire, et 450 livres pour leur pension alimentaire. Les gexagénaires auront 100 livres de plus.
Cet article des religieuses doit être Jraité avec beaucoup de ménagements, et l'on doit beaucoup de déférence aux avis, à la sage disposition des pre-
lats diocésains, qui permettront la sortie à celles de ces religieuses, dont l'âge et les familles garantiront les vertus et la conduite. Car aucunes d'elles, pas plus qu'aucun religieux, ne doivent oublier l'engagement inviolable de leur voeux, dont la nation nè les déliera, ni ne peut les délier. Mais la suppression des monastères des religieux comme des religieuses autorise les uns ét les autres à ne plus suivre dans d'autres monastères, la règle qu'ils avaient entendue, par-leurs engagements, ne pratiquer que dans celui qu'on supprime, ou auquel on fait perdre, avec ses biens, la thème existence morale et politique.
Les soeurs eonversès des religieuses doivent avoir au moins 400 livres en sortant de leur couvent, et 300 livres en y restant. Les sexagénaire^ auront 60 livrés de plus.
Il s'agit à présent du clergé séculier. Nous ne reviendrons pas ici sur les curés et sur les vicaires, dont la congrue est déjà toute réglée pour l'avenir. Je parlerai bientôt du traitement des curés qui, dans ce moment, ont plus que leur congrue, ou des revenus au-dessus de 1,200 livres ; mais je dois dire pour tous, qu'outre un certain nombre de prébendes ou places affectées dans les chapitres de cathédrales pour les curés du diocèse, il doit aussi être assuré un traitement à Ceux qui ne voudraient pas de ces places, et qui auront de 20 a 25 ans de service, s'il leur plaît de se retirer, ou s'ils ne 'peuvent continuer le service, même avant les 20 OU 25 ans, pour cause réelle d'infirmités; çe qui serait également ordonné dans une juste proportion pour les vicaires qui, après quinze ans de service, ne seraient point encore faits curés, ou à qui les infirmités nè permettraient plus de l'être.
Quant aux archevêques et évêques, comme le nombre doit en être diminué, et les diocèses et métropoles réglés différemment qu'ils ne le sont à présent, je ne me permettrai pas de parler Ici du traitement qui leur sera tait, j'observerai seulement que leurs honoraires doivent être réglés sfUr 1 étendue de Jeurs diocèses, et sur la qualité des villes de leur résidence, qui, au reste, ne doivent plus se, trouver dans des pays d'une domination étrangère, car il faut profiter de cette occasion pour renfermer le gouvernement ecclésiastique dans les limites du royaume, Personne n'ignore que les diocèses étrangers s'étendent sur des pays de France, comme des diocèses de France s'étendent dans des pays étrangers. Cet usage autrefois peut-être sans conséquence, et même utile, devient en ce moment trés-susceptible d'abus, et il faut y pourvoir, Ce serait aussi une raison très-forte à ajouter à toutes les autres pour déterminer au recouvrement ou à l'échange du Gomté Venaissin, d'où les prélats, tous Italiens, ou sujets du pape, exercent leur autorité sur les provinces du Languedoc, de la Provence et du Dauphiné au milieq desquelles ce pays se trouve enclavé; ce qui dans ce moment est encore un obstacle à l'arrondissement ou à la meilleure forme horizontale de nos départements en Provence. Le comté de Gri-gnan, qui en fait partie, en est séparé pour se trouver entre, le comté Venaissin et le Dauphiné,
Je donnerais à tous les évêques une maison de campagne peu éloignée pour qu'ils aillent s'y délasser de leurs fatigues pastorales et y respirer un air plus salubre que celui des villes. Je vou* drais en proposer autant pour les curés, dont les services sont à mes yeux également chers, mais ils ne sont pas si étendus, et ils sont plus instants dans letirs paroisses, où ils né doivent jamais
cesser de paraître à leurs paroissiens n'être occupés que d'eux, ou de la vigne du Seigneur qui leur est confiée. Pour cette même raison, je ne voudrais pas que les curés possédassent, outre leur jardin, d'autres biens-fonds. S'ils ne s'y attachent pas plus qu'il ne faut, ce qui est rare, leur possession excite toujours quelque envie parmi ceux de leurs paroissiens qui n'en ont pas autant , et à qui ils prêchent de se consoler de n'en avoir point. Cette réflexion que je me permets est bonne pour tous les ecclésiastiques à qui, dans ce moment, il fait tant de peine que la nation dispose de leurs biens. En général, le peuple ne les a jamais vus dans leurs mains sans quelque jalousie, et peut-être avec raison, parce que les grandes possessions de ce monde ne conviennent pas à ceux qui nous en annoncent de bien plus solides dans l'autre.
Mais revenons aux traitements; lesévêques et les curés mieux rentés que de 1,200 livres sont dans le cas, comme les autres, de n'être pas absolument privés de tout ce qu'ils possèdent actuellement en revenus des biens ecclésiastiques. Placés et occupés plus utilement que personne dans l'Eglise, ils méritent aussi plus que personne d'être ménagés dans les retranchements.
D'abord, il y a peu d'évêques en France réduits aux seuls revenus de leurs évêchés. Si ces revenus sont remplacés par des honoraires fixes, ils seront tels qu'il convient à cette première dignité; et cela doit être incontestablement sans préjudice du traitement commun qui sera fait aux possesseurs et plularistes actuels de bénéfices simples ou en commende.
A l'égard des curés mieux pourvus en ce moment que de 1,200 livres, il est de toute justice
de leur laisser, sinon l'équivalent, du moins autant sur le surplus des 1,200 livres qu'aux
mêmes bénéficiers dont il s'agit maintenant de fixer le traitement ; et c'est, à mon sens, le
plus embarrassant, parce que si nous devons respecter la légitimité de leurs titres et la
bonne foi de leur jouissance, nous ne pouvons nous dissimuler qu'il n'est pas, dans l'Eglise,
de bénéficiers qui méritent moins de faveur que les bénéliciers sans fonctions, c'est-à-dire,
les possesseurs de bénéfices simples ou en commende. D'autre part, on a dit et on a prouvé
dans la discussion qui a précédé le décret du 2 de ce mois, que dans l'esprit et la
disposition des canons, contre quoi rien ne peut prescrire, tous les biens des bénéfices en
général étaient grevés, dans leur temporel, de trois charges absolument distinctes : la
première pour l'entretien des bénéliciers, la seconde pour les réparations et la dépense du
service, et la troisième pour les pauvres (1).
A l'égard des autres d'entre les mêmes bénéficiers dont le revenu est supérieur à 800 à 1,000 livres, à quelque somme qu'il se monte, il n'y a plus de gradation à suivre, et il ne faut faire pour tous qu'une loi générale, en observant néanmoins que si, jusqu'aujourd'hui, les décima-teurs ont été chargés des congrues, elle n'étaient pas au taux où la nation les a mises au même instant où elle s'est comme chargée elle-meme de les acquitter; et, en effet, outre que le taux de 1,200 livres surpasse de presque la moitié le taux actuel de la congrue des curés et 600 livres celle des vicaires, elle montera plus haut par la gradation qui doit se régler sur un plus grand nombre de paroissiens. Or, voilà une nouvelle charge inconnue à MM. les décimateurs commen-dataires, ou aux autres bénéficiers chargés du payement des congrues, et dont il est absolument juste qu'ils fassent compte ou grâce à la nation pour les retranchements qu'elle ne peut s'empêcher d'ordonner sur leurs revenus, en s'empa-rant de leurs fonds.
Que si la nation prend le parti de vendre ces fonds (ce qu'elle ne peut faire avec avantage
qu'en vendant ou bien tôt ou bien tard ; bien tôt pour profiter de l'alarme des créanciers
dont plusieurs comptaient pour beaucoup leurs assurances ; ou bien tard, dans l'amélioration
des affaires de l'Etat où la condition des capitalistes sera comme elle doit être, la pire),
elle sera déchargée des réparations ; mais il reste "les frais du culte, et ce bénéfice des
réparations ne doit pas faire mal à l'œil de ceux qui n'auraient jamais su en profiter
eux-mêmes ; en sorte que tout bien pesé (non à la balance du sanctuaire, qui donnerait
peut-être moins à ceux des ministres qui n'y
Il s'agit maintenant des chanoines et bénéficiers réformés dans les églises collégiales, et même dans les.cathédrales, où l'état actuel va être remplacé par un autre.
Tout ce qu'on peut dire de plus favorable en faveur de ceux-ci, c'est qu'ils gagnaient, par leurs peines, les revenus dont on les prive malgré eux; car n'ayant désormais plus rien à faire, ce serait comme une justice de les traiter à l'égal des précédents, puisqu'ils vont désormais vivre comme eux d'un pain que saint Paul refusait à ceux qui ne travaillaient point. -
On ne peut d'abord s'empêcher de leur retrancher les honoraires des messes, qui entraient pour la plupart dans la masse commune des distributions des revenus capitulaires. Leur emploi serait double, s'ils continuent d'en jouir comme ils ont la faculté de le faire. Mais comme d'autre part il peut se rencontrer, parmi le nombre de ces chanoines et bénéficiers réformés, plusieurs d'entre eux qui n'aient pas plus de retraite que les religieux à qui j'ai été d'avis de donner de 600 à 1,000 livres, mon avis serait aussi de laisser à ces chanoines et bénéficiers le même revenu qu'ils avaient, hors leurs messes, s'ils n'excédaient pas cette somme. Aucun d'eux n'a certainement pas à se plaindre de percevoir, sans rien faire, le mêmér revenu qu'il ne gagnerait ci-devant que dans l'assujettissement à l'office canonial, quand il ne serait que de 300 livres : ils né peuvent pas mieux dire que les moines rentés, que les biens-fonds de leurs chapitres étaient à eux, puisqu'ils appartenaient à la nation. Après le décret de l'Assemblée nationale sur ce point, nul ecclésiastique n'est en droit de faire, à cet égard, la moindre réclamation, d'élever même le moindre doute.
Quant aux chanoines d'un revenu plus fort que de 800 à 1,000 livres, je les envisage, dans leur nouvel état, comme les bénéficiers commenda-taires, et je leur laisse le tiers franc de cet excédant. Qui a de quoi vivre honnêtement sans rien faire, ne doit pas regretter le surplus. Je parle ici de désœuvrement ou d'inaction, non que je pense que tous ceux à qui l'on fera des pensions alimentaires, restent sans occupations, car je crois que la plupart. de ces religieux, comme de ces chanoines, s'emploieront au ministère, s'ils en ont le talent, la force ou le zèle, ce qui, toutefois ne pourra avoir lieu au préjudice des vicaires actuels, ni de l'ordre nouveau que j'ai proposé dans le service des paroisses à l'avenir, si l'Assemblée trouve bon de l'adopter; non, dis-je, que je pense cela, mais parce qu'il n'est pas dans le caractère des lois, ni même de la dignité de l'Assemblée législatrice, de compter dans les traitements dont il s'agit ici, les profits que les religieux et bénéficiers, ainsi traités par la nation au taux réglé par
elle, peuvent ou ne peuvent pas faire dans un nouveau travail, qui est tout à leur volonté et à leur choix. Ce serait d'ailleurs comme avilir ces nobles et saintes fonctions que de les mettre, pour ainsi dire, à prix, par la déduction économique et mercenaire que je rejette, hors le cas où quelqtfun de ces prêtres déplacés serait pourvu d'une cure ; on pourrait alors réduire sa pension.
J'ai observé ci-devant que, les religieux une fors supprimés, il né devait plus subsister entre eux de traces de leurs ancien état, de leurs supériorités ou infériorités dans le cloître, relativement au taux de la pension dont ils doivent jouir dans le siècle; mais on ne saurait comparer ici à ces supérieurs de religieuxf les -doyens prévôts et autres dignités et offices de chapitres, soit de collégiales, soit de cathédrales, qui avaient les uns le double, les autres, des prébendes et des revenus plus forts que ceux des chanoines. C'était là, pour ces dignités, une possession comme propre et particulière, à laquelle j'estime qu'on doit avoir égard dans le traitement. Ainsi, je voudrais conserver aux doyens le double qu'ils avaient en nature de prébende, de même qu'aux dignités leurs revenus entiers, s'ils n'excédaient pas 1,600 livres, et le tiers franc de l'excédant, si leurs revenus étaient plus forts.
De plus, mon avis est qu'on laisse tant aux chanoines qu'aux doyens, dignités, personnats et offices des chapitres de collégiales'suppriraés, et des chapitres de cathédrales reformés ou réduits, leur logement canonial ou claustral leur vie durant, moyennant qu'ils occupent eux-mêmes avec feu et lieu, sans les louer à d'autres, sans en faire même usage, soit de grenier, soit de cave ou autres destinations quand ils ne l'habiteront pas eux-mêmes, et pour la table et pour le lit. Cette restriction est juste, parce que, après le traitement pour l'entretien, qui comprend le logement, la concession du logement canonial devient alors une simple faveur, et une faveur toute personnelle.
Reste à parler des pensionnaires.il y a dans ce moment plusieurs pensions établies soit par le Roi, sur les bénéfices consjstoriaux soit par voie de résignation ou autrement. Je ne puis pas les soumettre à la même mesure des réductions imposées sur les revenus mêmes du bénéficier grevé de la pension, c'est-à-dire que la pension faisant comme partie de ces revenus, elle doit en subir le sort ; mais si c'est une pension réservée sur des cures grasses, ou même sur des cures à là congrue, qui va augmenter de §00 livres, et plus, par les curés mêmes qui les possédaient, et à qui cette pension est nécessaire pour leur entretien, je suis d'avis de la leur laisser tout entière sur les revenus ou les biens du domaine de la cure, s'il y en a, sinon sur la masse commune des fonds a établir pour les curés et vicaires invalides.
Il y a aussi des pensions établies sur des évê-chés, dont les évêques étant désormais payés en argent, les biens passeront à l'Etat avec toutes leurs charges, et alors le retranchement du tiers de ces pensions soumises aux trois dixièmes de décimes, serait peut-être le plus raisonnable, si on ne trouvait plus juste de les réduire en général-à la moitié, sans toucher à celles qu'on justifierait être absolument nécessaires pour l'entretien des pensionnaires ecclésiastiques, et qui n'excéderaient pas la somme de 30(^à 1,000 livres.
A l'égard des dettes personnelles des bénéficiers, je trouve de la dernière équité que l'Etat, en prenant leurs biens, se charge de payer non-
seulement toutes celles dont un successeur au bénéfice aurait été tenu, mais encore les dettes qui auront l'air de la justice et de la bonne foi, et ne seront point excessives ; car il n'est possible, avec la meilleure volonté, d'admettre ni les dettes dont l'emploi n'a pas tourné au profit du bénéfice, ni celles dont le titre ne repose pas sur un acte public et d'une date authentique; mais ce sera un prélat, un bénéficier nouvellement pourvu par des bulles, ou épuisé par des procès qu'il était obligé de soutenir ou de défendre, et qui lui auront énormément coûté. Il comptait et il avait droit de compter, pour les remboursements, sur la totalité de ses revenus, et on ne lui en laisse que la moitié ou moins ; c'est le cas, en bonne justice, de venir à son aide.
Et voilà, Messieurs, dans l'universalité delà matière, ce que j'ai vu de meilleur à proposer à l'Assemblée nationale, pour répondre à ses vues et pour lui fournir les moyens de prendre sur ces grands objets, les dernières délibérations que toute la nation attend avec la plus grande impatience, de sa justice et de sa sagesse. Il me reste seulement à réduire en articles de règlement, dans la forme d'un projet d'arrêté, les idées capitales de mon discours, dans le même ordre et sous les mêmes divisions du plan que je viens d'avoir l'honneur de vous développer avec tous ses motifs (1).
Séance du
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille. Il est ensuite rendu compte des adresses de différentes villes et communautés, dont la teneur suit :
Délibération des représentants de la commune de Montpellier, contenant adhésion au décret de l'Assemblée nationale qui sursoit à toute convocation de provinces et d'Etats, jusqu'à ce qu'elle ait déterminé le mode de leur convocation, et à tous les autres décrets qui émaneront de sa sagesse, relativement à l'organisation des provinces et à la formation des administrations provinciales et des municipalités.
Procès-verbal du serment prêté en présence des officiers municipaux de la ville de Bomans en Dauphiné, en conformité au décret de l'Assemblée nationale du 10 août dernier, par le régiment de chasseurs royaux de Dauphiné, en garnison dans cette ville, et par la milice nationale.
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion de la commune de Bricquebec; elle demande une justice royale.
Adresse au même genre de la ville de Moulins; elle réclame l'établissement d'un tribunal supérieur.
Adresse du même genre de la ville d'Avallon en Bourgogne.
Adresse du même genre de la ville de Barbe-zieux ; elle demande une justice royale.
Adresse du même genre de la ville de Van-dœuvre ; elle demande l'établissement d'un district dans son sein.
Adresse du même genre de la ville du Luc en Provence.
Adresse du même genre de la ville de Saint-Briey, en Lorraine, pour maintenir l'exécution de tous les décrets de l'Assemblée nationale ; elle réclame un secours de 250 fusils armés de baïonnettes;
Adresse de la communauté de Saint-Georges-Dorival-sur-Seine en Normandie, du même genre; elle annonce que, par les sages précautions de ses officiers municipaux, l'ordre a toujours régné dans son sein, et que la perception des impôts n'a souffert aucune interruption.
Adresse du même genre des communes de Pé-rigueux ; elles se plaignent amèrement de ce que les agents du pouvoir exécutif ne leur ont encore envoyé aucun des décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse des électeurs des communes de la ville de Bordeaux, dans laquelle ils présentent à
l'Assemblée nationale un nouveau témoignage d'un zèle ardent pour la chose publique, et d'un
respect sans bornes pour ses sages décrets. De concert avec le conseil militaire de la milice
bordelaise, ils expriment leur indignation contre l'arrêté séditieux de la chambre des
vacations du parlement de Rouen, et instruisent l'Assem-
Adresse des officiers de la sénéchaussée de Montélimar en Dauphiné* par laquelle ils annoncent avoir reçu directement par le ministre de ia guerre, ayant'îe département de cette province, trois proclamations du Roi pour l'exécution de trois décrets de l'Assemblée nationale \ le premier, concernant les passeports; Je second, portant que nulle convocation ne pourra avoir lieu par ordre; et le troisième, qui sursoit à t^ute convocation de provinces et Etats, jusqu'à ce que le mode en ait été .déterminé* Ces officiers annoncent que tous ces décrets seront exécutés avec empressement dans toute l'étendue de leur ressort, ainsi que tous ceux que l'on voudra bien confier à leurs soins.
Délibération des officiers du bailliage royai de Saint-Pierre-le-Moutier, portant qu'ils ont enregistré, avec reconnaissance et une soumission respectueuse, tous les décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par Sa Majesté ; qu'ils renoncent dès à présent aux émoluments attachés à leurs offices* et s'engagenttie rendre la justice gratuitement. .. ♦
Arrêté des officiers du bailliage et siège prési-dial de Soissons, portant que, dés ce jour, ils rendront la justice gratuitement.
Adresse de deux religieux bénédictins de Saint-Pierre-de-Mortereau, en Bourgogne, dans laquelle ils adhèrent entièrement à l'offre qui a été faite à l'Assemblée nationale, de tous les biens de leurs corps, par leurs confrères de Saint-Martin-des-Champs.
Adresse de trois religieux bénédictins de l'abbaye de Saint-Nicolas-sous-Ribemont, et de deux religieux de la maison de Saint-Gilbert-des-Bois, dans laquelle ils approuvent l'abandon des biens de leur congrégation fait entre les mains de l'Assemblée nationale, sous les conditions d'une pension viagère, à chacun des sujets, de 1*800 livres, et de l'habileté à remplir les bénéfices-cures et les chaires de l'enseignement public, avec la moitié seulement des honoraires attachés auxdites places.
Adresse des députés suppléants, anciens électeurs, et citoyens de la ville de Douai, contenant une parfaite adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à celui concernant la contribution patriotique; ils supplient l'Assemblée d'établir au plus tôt les assemblées provinciales et municipales,' et de conserver dans leur ville un tribunal supérieur.
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion du conseil permanent de la ville de Morlaix; il offre avec empressement tous les secours patriotiques que l'Assemblée a jugé et jugera nécessaires.
Adresse de la ville de Langres, qui réitère l'hommage de sa reconnaissance et de sa soumission aux décrets de l'Assemblée, et la supplie de prendre en considération les circonstances malheureuses où se trouve cette ville. Dans la plupart des campagnes de son arrondissement, les fermiers refusent de livrer aux propriétaires les fermages, et lés vendent à des accapareurs. D'un autre côté, la ville de Langres* par la sage réduction du prix du sel, a perdu un octroi sur cet objet qui formait ies trois quarts de ses revenus, de manière que la ville n'ayant presque plus de deniers patrimoniaux, les citoyens ne recevant pas leurs revenus, la ville ne trouve d'autres ressources, pour s'approvisionner pour le moment,
que de recourir à la protection et à la souveraineté de i'Assembiée, pour la supplier de permettre que sur une somme de 150,000 livrés, formant le prix de l'adjudication des bois du chapitre de Langres, et qui avait été destinée à des embellissements qui n'auront pas lieu, cette ville touche des mains des adjudicataires, et du consentement du chapitre, une somme de 40,000 livres, « qu'elle s'oblige à rembourser dans un an »,. et qu'elle emploiera à l'approvisionnement de la ville et au service des marchés, auxquels il est de la plus urgente nécessité de surveiller, pour éviter les émeutes et la: famine, et pour alimenter une population très-nombreuse»
, député de Lan-grest demande la parole sur la lecture de l'adresse de la municipalité de la ville de Langres, et observe que cette ville ayant perdu par la sage réduction du prix du sel les trois quarts de ses revenus patrimoniaux* il est Urgent d'y suppléer par provision, et en conséquence il demande que le corps municipal soit autorisé à toucher sur les adjudications du prix des bois de réserve du chapitre de cette ville, un somme de 40,000 livres qu'elle sera tenue d'employer à son approvisionnement et au service de ses marchés»
La question est ajournée à la séance du soif.
L'Assemblée reprend la suite de son ordre du jour ûônoernant les municipalités et assemblées provinciales.
annonce que l'article ajourné hier, et celui dont la discussion n'a point été terminée, forment les premiers objets de l'ordre du jour.
Ces articles renferment les attributions à donner aux assemblées administratives» Je pense qu'il serait plus convenable dans l'ordre du travail, et en considération des circonstances, de s'occuper particulièrement des municipalités»
Le comité va réunir dans l'ordre le plus naturel tous les décrets que vous avez rendus sur les assemblées de département et de district, et vous verrez par cette réunion que bientôt ces assemblées seront complètement organisées. Le comité s'occupe sans relâche des articles relatifs aux municipalités; il vous présentera jeudi son travail sur ces deux objets.
Je vais offrir successivement deux articles, dans lesquels le comité a fait les changements que vous lui avez indiqués hier pendant la discussion. Je ferai, avant de les rapporter, une observation générale. 11 faut distinguer trois sortes d'administrations : l'administration nationale, qui consiste dans tout ce qui a rapport aux impôts et aux milices; l'administration royale, qui renferme le gouvernement de tous les objets d'utilité publique ; l'administration municipale, uniquement relative aux propriétés particulières des municipalités. . '
Voici le premier article que propose le comité.
article premier.
Leâ fonctions des administrations de département, et de celles de district, sous l'autorité des premièrès, seront ;
1° De régler, en exécution des décrets de l'Assemblée nationale législative;
La répartition, par les départements entre les l districts, et par les districts entre les communes,
de toutes les contributions directes imposées sur chaque département ;
Tout ce qui concerne la perception et le versement des contributions, et les agents qui en seront chargés ;
Le payement des dépenses et assignations locales;
2° De surveiller sous l'autorité du Roi, toujours d'après les décrets du Corps législatif, tout ce qui concerne:
Le soulagement des pauvres, maisons et ateliers de charité, maisons d'arrêt et de correction, prisons, police des mendiants et vagabonds ;
Les propriétés publiques;
La polfce des eaux et forêts, celle des chemins, rivières, et autres choses communes ;
La confection des routes, chemins, canaux et travaux publics dé toute espèce, relatifs aux besoins particuliers du département;
La salubrité ;
La sûreté et la tranquillité publique ;
L'entretien, réparation et reconstruction des églises, presbytères, et autres objets relatifs au service du culte ;
L'éducation publique et l'enseignement politique et moral ;
Enfin, les milices ou gardes nationales, ainsi qu'il sera exposé dans des articles particuliers.
L'expression travaux publics de toute espèce ne demande-t-elle pas une explication? Comprend-elle les travaux des fortifications, ceux de Cherbourg, etc.?
Il est important de bien spécifier les travaux qui regardent la nation de ceux qui ne regardent que le département.
observe qu'il est des circonstances urgentes qui ne permettent point de recourir à l'Assemblée législative pour ordonner tels ou tels travaux;41 conclut à ce que les assemblées de département soient autorisées à pourvoir aux besoins locaux ; il fait valoir à cet égard un décret déjà porté par l'Assemblée nationale.
, après avoir représenté que les peuples attendent avec impatience un abonnement pour tous les impôts qui pèsent sur eux, pour sortir enfin des mains dévorantes de la finance, dit que, puisque les circonstances veulent encore la prolongation de ces abus désastreux, il faut au moins remettre aux assemblées de dé-' partement la connaissances des affaires relatives à la contribution et à l'impôt.
demande qu'on ajoute à la nomenclature de l'article la juridiction des domaines et des bois.
, évéque de Ciermont, amende l'article du comité concernant l'éducation morale en proposant d'ajouter les mots : sauf les droits essentiels des pasteurs de VEglise.
L'intention du comité n'est pas d'attribuer aux Assemblées nationales la surveillance de l'enseignement, de la morale religieuse. Je passe à une autre observation : il s'agit seulement de savoir, à l'égard de l'article en général, si les fonctions qu'il attribue aux assemblées administratives doivent leur être confiées ; on pourra en ajouter d'autres par la suite. Par exemple, le comité n'y a pas compris les fortifications, parce qu'il a attendu sur cela le travail
du comité militaire; il n'a rien proposé relativement à la demande dé M. Defermon, parce qu'il a pensé qu'on devait renvoyer à la constitution du pouvoir judiciaire la question de savoir si la partie contentieuse des impositions sera attribuée aux assemblées administratives.
, dominant de sa voix extraordinaire le tumulte de l'Assemblée, dit qu'il est épouvanté de la kyrielle d'amendements et de sous-amendements qui se produisent; il propose de décréter que lè comité de constitution sera tenu de donner imprimés, 24 heures à l'avancé, les articles qu'il proposera à l'Assemblée afin qu'elle puisse délibérer en connaissance de cause.
appuie la motion de M. de Foucault tendant à faire imprimer 24 heures d'avance les articles proposés par le comité et il demande en outre que les articles ne soient pas donnés séparément afin qu'on puisse les juger dans leur ensemble. 11 propose ensuite d'ajournef l'article du comité et de le remplacer par neuf articles dont il donne lecture.
Il y a toutes sortes d'avantages à attaquer un comité ; nous en avons fait plusieurs fois l'expérience. Les reproches du préopinant conviennent parfaitement aux articles qu'il vient lui-même de lire, puisqu'ils n'ont été ni imprimés, ni discutés. Nous n'en finirions jamais si chacun proposait une constitution.
Il résulte de l'article du comité que les départements seront dans la plus grande dépendance. Pour réparer une cure, par exemple, pour établir des ateliers publics, il faudrait donc obtenir des décrets et les faire sanctionner? Je pense que les administrations de département doivent non-seulement surveiller, mais encore ordonner. 1
On demande à aller aux voix sur l'article.
L'article a été rédigé en l'absence de quelques membres du comité, et de M. Thouret notamment. Il n'aurait pas été rédigé tel qu'on vous le présente si des hommes accoutumés aux travaux des administrations de provinces avaient concouru à sa rédaction. Si, pour chaque dépense particulière, l'autorisation de l'Assemblée nationale est nécessaire; il sera impossible de gouverner le royaume.
Le Corps législatif autorisera en général les administrations de département à faire les dépenses modiques urgentes ; ainsi il ne sera pas nécessaire de demander des autorisations particulières. On ne peut consacrer ique les principes dans une constitution; et entrer dans de trop grands détails, ce serait faire ce qui est destiné aux législatures. Qu'il me soit permis d'ajouter que vous devez de l'indulgence au comité de constitution; à peine y a-t-il nuit jours que vous en avez arrêté les principes;
, député de Touraine, demande la question préalable sur tous les amendements.
, député de Bigorre, demande que les amendements soient simplement ajournés.
L'Assemblée décide que les amendements sont ajournés et que la discussion est close.
donne une nouvelle lecture de l'article proposé par le comité de constitution.
Il est mis aux voix et décrété.
, secrétaire, rend compte du résultat du scrutin pour la nomination des membres du nouveau comité des recherches.
Le comité est composé ainsi qu'il suit :
MM. le marquis "de Foucault-Lardinalie.
Turpin.
de Talaru de Chalmazel,. évêque de Coutances.
Tailhardat de Maisonneuve.
Tuaut de la Beuverie.
Vernin.
de Chabrol.
Vieillard (de Coutances).
de Longuève.
Yvernault.
Durget.
le marquis de Monspey.
Le dépouillement du scrutin pour la composition du Comité des lettres de cachet a donné pour résultat la majorité des voix à MM. Fréteau, de Castellane, comte de Mirabeau et Salomon de la Saugerie.
M. Salomon ne pouvant, à cause de la continuité des fonctions d'inspecteur des bureaux, se livrer au travail relatif aux lettres de cachet, M. Barrère de Vieuzac qui a réuni le plus de voix après lui, se trouve le 4e commissaire désigné. En conséquence, le comité des lettres de cachet se trouve composé de la manière suivante :
MM. Fréteau de Saint-Just.
le comte de Castellane.
le comte de Mirabeau.
Barrère de Vieuzac.
dit qu'il a reçu de M. le garde des sceaux, une lettre accompagnant un état indiquant la date des envois des décrets sanctionnés ou acceptés par le Roi et des enregistrements ou accusés de réception des dits décrets.
M. le garde des sceaux prie l'Assemblée de ne pas perdre de vue le mémoire concernant la police des grains et marchés, le mémoire concernant les emprunts délibérés par les villes de Besançon et autres, enfin le memoire relatif à la manière de procéder aux impositions ordinaires dans les provinces régies par des Etats provinciaux.
propose de continuer la délibération sur les articles proposés par le comité de constitution et qui ont été rectifiés d'après les observations précédemment faites.
Les 3 articles suivants sont adoptés sans discussion, ainsi qu'il suit :
art. 2.
Les assemblées administratives sont subordonnées au Roi comme chef suprême de la nation et de l'administration générale, et elles^ ne pourront exercer les fonctions qui leur seront confiées que selon les règles prescrites par la constitution et par les décrets des législatures, sanctionnés par le Roi.
art. 3.
Elles ne pourront établir aucun impôt pour
quelque cause ni sous quelque dénomination que ce soit, en répartir aucun au delà des sommes et du temps fixés par le Corps législatif, faire aucun emprunt sans y être autorisées par lui, sauf à pourvoir à l'établissement et au maintien des moyens de leur assurer les fonds nécessaires au payement des dettes, aux dépenses locales, et aux dépenses imprévues ou urgentes.
art. 4.
Elles ne pourront être troublées dans l'exercice de leurs fonctions administratives par aucun acte du pouvoir judiciaire.
, député d'Auvergne, donne sa démission à raison de santé, et il prie l'Assemblée d'agréer à sa place M. Bourdon, son suppléant, présent, et dont les-pouvoirs ont été vérifiés.
L'Assemblée accepte la démission de M. Boyer et admet M. Bourdon.
annonce que les deux commissaires qui manquaient pour compléter le comité des finances ont été élus et que le relevé du scrutin a donné la majorité à
MM. Dupont (de Nemours), le baron d'Allarde.
L'ordre du jour de 2 heures commence par les réclamations faites par la province de Champagne, concernant la répartition des impôts.
(1). Messieurs, le décret du 26 septembre porte que, dans les rôles de toutes les impositions de 1790, les ci-devant privilégiés seront cotisés avec les autres contribuables dans la même proportion et dans la même forme, à raison de toutes leurs propriétés, exploitations et autres facultés.
La proclamation du Roi, en date du 16 octobre dernier, pour la répartition des impositions ordinaires de l'année prochaine, paraît traiter avec égalité tous les citoyens et néanmoins renverser cette égalité en consacrant l'ancien régime abusif dans la répartition.
L'article 18 de cette proclamation porte que la cote personnelle, relative aux facultés
provenantes de la propriété des immeubles des rentes actives, du commerce ou industrie et
autres revenus quelconques, ne pourra être faite qu'au seul lieu du domicile des
contribuables et sera réglée pour chacun d'eux d'après des bases uniformes. Tout propriétaire
ci-devant privilégié ou taillable, domicilié hors de la province, serait donc imposé dans le
lieu de son domicile et pour" des propriétés qui seront entièrement ignorées des répartiteurs
qui régleront son imposition. . Il résulte de là une grande incertitude qui ne peut être
fixée par aucun principe général, ni par les connaissances locales ; d'ailleurs, à l'égard de
ceux qui ont leur domicile dans la capitale ou dans une autre province, leur contribution est
entièrement perdue pour la Champagne et ne peut plus faire partie de la masse générale portée
au brevet des impositions qu'elle doit acquitter. Ces propriétaires seront imposés à leur
domicile ; leur contribution viendra donc
La proclamation du 16 octobre a répandu l'alarme dans la province de Champagne. Le gentilhomme qui n'a d'autre fortune que la métairie qu'il fait valoir, le cultivateur ci^devant tail-lable qui n'a d'autre ressourcé que" son champ, voient avec douleur tous les grands propriétaires non-seulement porter leur fortune hors de la province, mais ëncore ne rien payer des impositions dont elle est accablée*
Les contribuables domiciliés seraient victimes d'une énorme lésion si une partie de la matière imposable était soustraite à l'impôt, si le plus riche propriétaire, adoptant le séjour de la capitale, était par cela même dispensé d'acquitter sa portion des charges de l'Etat.
En conséquence, je propose à l'Assemblée le décret Suivant :
« L'Assemblée persistant dans soh décret concernant les impositions, et expliquant l'article 4 du décret du 2b septembre, décrète que pour 1790 tous les propriétaires seront imposés à raison de leurs revenus sur le rôle de chacune des communautés dans l'enclave desquelles leurs biens se trouveront situés. »
Le projet de décret est juste, aussi je l'appuie à la condition qu'il ne s'applique pas seulement à une réclamation particulière, niais qu'il soit étendu à tout: le royaume.
S.i les choses restaient dans l'état où elles sont, il en résulterait que les citoyens qui ont abandonné leur patrie dans cet instant de crise seraient récompensés de leur désertion eh ne payant pas d'impôts.
Plusieurs observations particulières Sont faites, et l'ajournement demandé.
La Champagne, qui avait toujours été tranquille, est actuellement en désordre ; la commission intermédiaire est me^ nacée... Si vous ajournez cetté affaire, les rôles qui devaient être faits il y a trois mois ne le seront plus... Rendez du moins le décret pour ma province s mais craignez que les autres ne se plaignent, si cette faveur ou cette justice est bornée à la Champagne.
La motion mérite un sérièux examen j elle ne doit pas êtrè décidée à la légère et il y aurait tout avantage à la rënvoyèr au comité dès financés qui en ferait rapport.
Cet avis est fortement appuyé.
L'Assemblée Consultée décide que la motion est renvoyée au comité des finances et ajournée à jeudi.
, député d'Avesnes. Messieurs, c'est du sein des cloîtres que sortent les plus grands exemples de générosité. Ce sont des femmes ayant renoncé aux joies dé la famille qui donnent les plus fortes preuves de patriotisme, et la lettré dont je vais donner lecture à l'Assemblée nationale en est Un nouvel et éclatant exemple :
« Monsieur, le chapitre des dames chanoinesses de Maubeuge, désirant depuis longtemps se-. conder les vues de l'Assemblée nationale en contribuant en quelque chose au bien commun, a
vu avéc regret que le don qu'il avait fait sjous le régne de Louis XV de l'argenterie de son église ne lui permettait plus de contribuer à l'augmentation du numéraire.
> lï n'en a été que plus empressé â porter Sur l'autel de la patrie Unë dffrande qui pût lui êtrë agréable.
« Voulez-vous bien, monsieur le comté, VOtiS charger-dè présenter à l'Assemblée nationale le contrat que nous avons l'honneur de vous adresser, portant constitution au profit de notre chapitre d'une rente sur les domaines de sa Majesté, au capital dé 147,000 livres?
« Nous nous estimerons heureuses si ce sacrifice est reçu avec autant d'indulgence que nous avons de plaisir à le faire.
« Nous avons l'honneur d'être, Monsieur, vos très-humbles et très-obéissantes servantes.
« De Lannoye, abbesse ; de Ghistelle, de Ghis-tellé-Saint-Florin, d'Oultremont, d'Andelot. »
dépose sur le bureau le contrat de rente.
L'Assemblée applaudit à cet acte de patriotisme et autorise M. le président à écrire aux damés chanoinesses de Maubeuge pour leur exprimer sa satisfaction.
lève îa séance en indiquant célle du soir pour six heures.
présidence de M. de bolsgelin, archevêque d'aix.
Séance du
Là séance a été ouverte par la lecture d'une adresse de la ville de Landau, dans laquelle les habitants de cétté ville offrent l'hommage de leur reconnaissance « celui de leur adhésion à tous les décrets de l'Assemblée nationale, l'assurance de verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour les soutenir j enfin la renonciation et l'abandon de tous privilèges quelconques de ville impériale.
, membre de l'ancien comité des rapports, entretient l'Assemblée d'un affaire assez singulière.
La municipalité de Mârvejols, en Gévaudati, a rendu un arrêt contre le sieur Gaymond comme coupable du crime de lèse-nation, pour avoir ouvert une lettre. Voici dans quelles circonstance:
Le sieur Gaymond se rend à la poste pour y recevoir des lettres qui lui étaient adressées. Le directeur de la poste lui en présente une adressée au comité dont il est membre. Ceux qui l'entourent le pressent de l'ouvrir pour apprendre les nouvelles ; il résiste d'abord parce qu'elle ne lui est pas adressée nominativement ; enfin il l'ouvre. Il est dénoncé et la municipalité déclare, par acclamation, que le sieur Gaymond a encouru Vexcommunication civile ; qu'il est incapable d'entrer dam aucune charge civile, sous réserve toutefois de faire sanctionner l'arrêté par l'Assemblée nationale. Le comité des rapports pense que le sieur Gaymond n'est coupable que d'imprudence, qu'il
est excusable puisqu'il est membre du comité auquel la lettre était adressée.
Un membre, en donnant son opinion sur le décret proposé, s'est plaint de la violation du secret des t lettres, a dit qu'il en avait été lui-même la victime, et a demandé que l'Assemblée nationale prît cette plainte en considération, et s'occupât des moyens de porter à cet inconvénient le plus prompt remède.
La question préalable étant demandée sur le décret proposé par le comité des rapports. l'As-semblée a décidé qu'il y avait lieu a délibérer. On va aux voix ét Je décret suivant est rendu ;
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu
« le rapport fait par un des membres de son
« comité des rapports, déclare qu'elle n'approuve
« pas la délibération prise le 15 septembre der-
« nier, par la municipalité de Marvejols en Gé-
« vaudan, contre le sieur Gaymond (des Céven-
« nés).
fait observer qu'un dés décrets de l'Assemblée est violé.par la composition de plusieurs Comités, attendu que certains-membres font à la fois partie de deux et même de trois comités; il réclame l'éxécution du. règlement.
On passe à là suite dé l'ordre du jour.
réclame la priorité pour l'affaire de la province d'Anjou en faisantreinarquer qu'il se fait une irruption considérable de faux-sauniers dans cette province.
objecte que l'affairé de la ville de Langres a été ajournée ce matin à la séance du soir et qu'elle doit être résolue la première.
dit que la question de l'approvisionnement de Saint-Domingue, sur laquelle M. Gillet de la Jacqueminière a fait un rapport, est la première à l'ordre du jour et qu'il est urgent de la discuter.
L'Assemblée consultée donne la priorité à l'affaire du Cambrésis.
Trois projets de décret ont été présentés dans la séance du 19 par MftL Treil-hard, Le Chapelier et Barnave. Pour que l'Assemblée soit bien fixée sur l'état de la question et. sur le point où en est restée la discussion de l'af* faire du Cambrésis, je vais faire donner lecture du procès-verbal de la séance du 19 novembre au soir.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal qui relate les trois motions.
ois motions.
La priorité, après de longs débats, est accordée i projet de M. Barnave.
au
propose de retrancher la première partie qui commence par ces mots :
« Recommande au peuple de persister. >
propose d'ajouter aux qualifications données à l'arrêté duCambrésis, l'épithète: calomnieuse.
propose cet amendement :
« Et en conséquence arrête que la délibération de la commission intermédiaire et du bureau
renforcé des Etats du Cambrésis sera remise au tribunal établi provisoirement pour connaître les crimes de lèse-nation. »
propose de retrancher les mots :
« Considérant que le bureau renforcé né peut représenter la province. »
propose qu'après ces mots : de la tranquillité publique, on ajoute: d'où Varrêté du bureau renforcé tendait à les faire sortir.
Après une discussion très-ConfUse sur tous Ces amendements, la question préalable est demandée et prononcée après deux épreuves douteuses.
réolame la division de la motion.
s'écrié avec 'force : On ne croira jamais en Europe qu'une Assemblée constituante ait demandé la division de cet article. Je demande ce que les peuples penseront de nous, s'il savent qu'une partie de l'Assemblée s'oppose à ce qu'on recommande au Cambrésis l'obéissance et la soumission à nos décrets.
La demande de la division est rejetée.
met la motion aux voix; elle est décrétée ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale déclare que les Etats de Cambrai et Cambrésis ne représentent pasles habitants de cette province, et ne peuvent exprimer leur vœu ; déclare qne la convocation dudit bureau, et la délibération qu'il a prise, le 9 de ce moiSj sont nulles et attentatoires à la souveraineté delà nation,et aux droits des citoyens ; arrête que le Roi sera supplié de donner les ordres nécessaires pour faire rentrer dans le devoir les membres duqit bureau, et faire exécuter les décrets de l'Assemblée nationale dans la province de Cambrésis ; recommande au peuple de cette province ae persister dans le bon ordre et la tranquillité, et dans la confiance qui est due aux décrets de l'Aàsetnblée nationale. »
Il a été rendu compte que par lé dépouillement du scrutin pour la nomination des commissaires chargés dë l'examen de la Caisse d'escompte, cè comité se trouvait composé de :
MM. JDupont de Nemours.
Fréteau de Saint-Just. -le baron d'Allarde.
Laborde de Mérévillei.
le duo Du Chatelet.
de Talleyrand,. évêque d'Autun.
lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin.
présidence de m. dé b0isgel1n, archevêque b'alx.
Séance du
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal des deux séances de la veille.
, secrétaire, lit diverses adresses dont suit la teneur :
Délibérations des communautés de Bournos, de Viven, d'Angais, dé Domy, de Meillon, de Loos et d'Aubin en Béarn, par lesquelles elles adhèrent purement et simplement à tous les ;décrets de l'Assemblée nationale, et donnent des pouvoirs illimités aux députés des communes de leur province. Elles esperent néanmoins que l'Assemblée voudra bien conserver leurs coutumes relativement aux droits successifs.
Délibération du comité permanent de la ville de Cosne-sur-Loire, portant adhésion entière aux .décrets de l'Assemblée nationale, et demande de l'établissement d'un bailliage royal dans cette ville. Autre délibération du même comité, l'une relative à l'exécution de la. contribution patriotique, et l'autre renfermant des mesures pour empêcher le pillage des biens ecclésiastiques dans son voisinage, qui se fait par un abus du décret du 7 de ce mois.
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion du conseil permanent et des habitants de la. ville de Landivisiau, en Bretagne ; ils supplient l'Assemblée d'agréer deux de leurs délibérations, l'une portant que chaque citoyen sera tenu de faire serment qu'il se soumettra aux décrets de l'Assemblée nationale, et les maintiendra au péril de sa vie; et l'autre par laquelle ils ont proclamé M. le marquis de Lafayette général de leur milice nationale.
Délibération de la commune de la ville de Saint-Girons en Gouserans, contenant adhésion aux arrêtés du mois d'août; elle demande l'établissement d'un bailliage royal, et d'être réintégrée dans le droit de nommer ses officiers municipaux.
Délibération de la ville d'Oust en Couserans, à laquelle ont adhéré les communes de la Vallée d'Ustou, de la Vallée de Conflens et Salan, de Vie, de Sentenac, de Soncix, de Royale, d'Auiux, par laquelle elles demandent que la ville d'Oust soit le chef-lieu d'un district et d'une juridiction inférieure.
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion des officiers du bailliage et municipaux, et des citoyens de toutes les classes de la ville de Sainle-Ménéhould; ils réclament avec instance la conservation de leur bailliage.
Lettre des principaux habitants de la communauté de Guisy en Argonne, contenant dénonciation à l'Assemblée nationale d'une coupe considérable de bois, faite par le chapitre de l'église collégiale de Montfaucon.
Adresse des officiers municipaux et habitants de la ville d'Ambert en Auvergne, tendant à obtenir la conservation du couvent des religieuses Ursulines de leur ville, attendu qu'elles ne vivent que de leurs travaux, et. se consacrent à l'éducation de la jeunesse.
Délibération de la ville de Villeneuve-de-Berg en Vivarais, contenant une adhésion absolue aux décrets de l'Assemblée,nationale; elle déclare que tous les citoyens seront toujours prêts à sacrifier leur vie et leur fortune pour la sûreté et la liberté des représentants de la nation et de l'auguste personne de son monarque. Elleexprime en même temps ses regrets de n'avoir pas encore
eu une connaissance légale de divers décrets de l'Assemblée.
Adresse des habitants de Villeneuve-la-Guyard, bailliage de Melun, contenant une adhésion entière aux décrets de l'Assemblée; ils portent plainte d'une coupe de bois faite par les curés et marguilliers de ladite ville.
Délibération de la communauté du Poil-Laval en Dauphiné, par laquelle elle s'engage, par les liens les plus sacrés, de se réunir à tous les bons citoyens, contre tous ceux qui, par des machinations criminelles, tenteraient d'arrêter ou de détruire les sages délibérations de l'Assemblée nationale.
Procès-verbal d*e l'assemblée générale des habitants de la principauté d'Arches et CharFeville, lesquels, par acclamation, ont témoigné leurs regrets de n'être pas représentés à l'Assemblée nationale, pour, par leurs députés, y porter l'assurance de leur respectueuse reconnaissance pour les travaux de l'Assemblée nationale, et déclarer que, sans attendre que les princes auxquels ils appartiennent, renoncent aux dïoits régaliens dont ils jouissent dans cette principauté; ils renoncent à la perception absolue de toutes impositions, et remettent, dès ce ifioment, leurs privilèges personnels et pécuniaires entre les mains de l'Assemblée nationale, s'en rapportant particulièrèmént à Sa justice et persuadés qu'elle daignera l'en dédommager, en"procurant à la ville de Charleville des établissements propres à y favoriser la population et le commerce et surtout une juridiction principale et une assemblée de district, et accorder une députation directe et particulière à cette principauté qui n'est pas représentée.
Un membre déclare que les bois de l'abbaye de Glunv sont en coupe ouverte et il se plaint de ce que les deux décrets relatifs aux biens ecclésiastiques l'un concernant les bois, l'autre relatif à la suspension de nomination aux bénéfices, n'ont pas encore été présentés à la sanction du Roi.
annonce qu'il a fait demander à quelle heure Sa Majesté pourrait 1e recevoir pour lui présenter les décrets de l'Assemblée.
observe que le président de l'Assemblée nationale n'a pas besoin de se faire annoncer ni de demande audience : il a le droit de se présenter chez le Roi sans aucun cérémonial à toute heure du jour.
L'Assemblée passe à son ordre du jour concernant les municipalités.
, membre et organe du comité de constitution, fait lecture de 27 articles imprimés et qui ont été distribués le matin même.
Le premier, conçu en ces termes, est mis à la, discussion.
article premier.
Les municipalités actuellement subsistantes en chaque ville, bourg, paroisse ou communauté, sous lé titre d'hôtel de ville, mairie, échevinat, consulat, et généralement sous quelque titre et qualification que ce soit, sont supprimées et abolies, et cependant les officiers municipaux actuelle-lement en exercice continueront leurs fonctions jusqu'à ce qu'ils aient été remplacés.
En ordonnant la suppression
des offices municipaux, il est nécessaire d'en prononcer par amendement le remboursement.
Leur suppression et leur remboursement forment partie des arrêtés du 4 août.
n'adopte que la dernière partie de l'article commençant par ces mots : et cependant les officiers, etc.
Je suis chargé par la ville de Strasbourg de demander la conservation des municipalités.
Tous les habitants de cette ville ré-clament au contraire la suppression d'un régime vicieux, qui n'était utile qu'aux régiments.
La ville de Colmar m'a spécialement ordonné de demander pour elle la conservation de ce même régime.
Le préopinant a sans doute été trompé : ie lui ai fait passer un mémoire de la municipalité de Colmar, dont les officiers avaient .transigé et cédé leurs droits àla bourgeoisie. Cette municipalité veut revenir sur la transaction ; ce sont des particuliers qui réclament, et non les citoyens en général.
Que du moins l'Assemblée, avant de s'occuper du travail qui lui est présenté, se fasse rendre compte des capitulations des villes et,des proyinces, et qu'elle nomme un comité à cet effet.
Dans la plupart des provinces belgiques, des fonctions judiciaires sont attribuées aux municipalités. Je demande un article, ou du moins une explication sur les juridictions municipales.
Cette demande est prématurée; nous ne nous occupons pas aujourd'hui des fonctions des municipalités...
Les arrêtés du 4 août portent la suppression de la vénalité des offices de municipalité ; ils conservent l'exercice au titulaire jusqu'au remboursement, et l'article aujourd'hui proposé, jusqu'au remplacement. Je demande qu'on m'explique cette contrariété.
On lit dans les arrêtés du 4 août : « jusqu'à ce qu'il soit pourvu aux moyens d'opérer le remboursement ». Le comité des finances s'occupe de ces moyens. Le défaut d'argent ne doit pas nous faire périr par le désordre
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements.
Elle décrète l'article premier.
Les articles 2, 3, 4, 5 et 6 sont décrétés unanimement et sans discussion, comme il suit :
art. 2.
Les officiers et membres des municipalités actuelles seront remplacés par voie d'élection.
art. 3.
Tous les citoyens actifs de chaque ville, bourg, paroisse ou communauté pourront concourir à l'élection des membres du corps municipal.
art". 4.
Le chef de tout corps municipal portera le nom de maire.
art. 5.
Les citoyens actifs se réuniront en une seule assemblée dans les communautés où il y a moins de quatre mille habitants, en deux assemblées dans les communautés de quatre mille à huit mille habitants; en trois, dans celles de huit*mille à . douze mille, et ainsi de.suite.
art. 6.
Les assemblées ne pourront se former par métiers, professions ou corporations, mais par quartiers ou arrondissements.
donne lecture de l'article 7, ainsi conçu :
Les assemblées des citoyens actifs seront convoqués par le maire. La séance sera ouverte en présence d'un citoyen nommé à cet effet par le corps municipal. L'assemblée procédera, avant d'aller au scrutin, à la nomination d'un président. et d'un secrétaire. Pour cette nomination il ne faudra qu'une simple majorité relative de suffrages en un seul scrutin.
demande l'explication des mots : « La séance sera ouverte en présence d'un citoyen nommé à cet effet par le corps municipal ».
Le corps municipal, dans une ville un peu considérable, ne sera pas assez nombreux pour envoyer un de ses membres à chaque élection ; il nommera le citoyen dont il s'agit, et dont les fonctions seront bornées à indiquer l'objet de la convocation. Pour répondre aux vues du préopinant, on peut donner cette explication dans l'article même.
Quelques explications sont échangées entre MM. Lofficial, Lavenue et de Montlosier.
Ne déshonorez pas votre constitution par des détails qui n'appartiennent qu'à des règlements particuliers ; ne l'exposez pas à varier en quelques points par les événements-. De simples instructions doivent renfermer ces détails.
L'article 7, légèrement modifié par le comité de constitution, est ensuite adopté en ces termes :
art. 7.
Les assemblées des citoyéns actifs seront con-, voquées par le corps municipal huit jours à l'avance. La séance sera ouverte en présence d'un citoyen chargé par le corps municipal d'expliquer l'objet de la convocation. L'Assemblée procédera d'abord à la nomination d'un président et d'un secrétaire. Pour cette nomination, il ne faudra qu'une simple pluralité relative de suffrages et un seul scrutin.
On lit l'article 8 :
« Les nominations des membres de l'Assemblée municipale se feront par la voie du scrutin de liste. »
Le scrutin de liste serait favorable à l'intrigue.
Le scrutin de liste est contraire aux intrigants. Les calculateurs ont reconnu, qu'en rédigeant une liste du
double du nombre des personnes à nommer, c'est j un moyen sûr d'appeler toujours à l'élection celui que ses vertus et ses talents ont le plus fait connaître. J'adopte donc le scrutin par liste, mais je demande que cette liste soit double.
il sera impossible dans les campagnes de donner les suffrages par la voie de scrutin, Le plus grand nombre des paysans ne sait ni lire ni écrire; il est obligé de se confier à des gens qui n'abusent que trop souvent de son ignorance. J'en ai fait l'expérience lors de l'élection des membres de cette Assemblée.
Je demande qu'il soit établi dans les campagnes, lors des élections, j des scrutateurs de confiance, qui écriraient les noms.
Toutes les méthodes de scrutin sont nécessairement vicieuses; il faut se contenter d'une perfection relative, et la chercher dans la comparaison des inconvénients et des avantages. Vous êtes condamnés sur cette matière à des moyens imparfaits ; si vous adoptez le scrutin individuel avec la majorité absolue, il arrivera souvent que . vous ne pourrez pas obtenir cette majorité au premier, ni au deuxième scrutin; il faudra bien finir; et au troisième, vous serez forcés de vous contenter de la pluralité simple, Mais-, alors même, il aura fallu se résigner à une lenteur excessive. Le moyen proposé par le comité sera bien plus ex-péditif, il offre de grands avantages. Ajoutez-y la liste double; il ne présente presque plus d'inconvénients. C'est par oubli que nous* ne l'avons pas proposé; nous adoptons avec empressement l'amendement de M. le duc de la Rochefoucauld. Dans la liste double, on trouve place pour rattachement, pour la parenté, pour la prévention, et le tour des lumières et des talents pourra toujours venir.
Je réponds à l'observation relative aux habitants de la campagne, qu'ils sont obligés, pour des affaires auxquelles ils attachent encore plus d'importance, de se confier au Curé ou au notaire du village. C'est par ces personnes de confiance qu'ils feront rédiger leur liste. Au surplus, on pourvoira par des règlements particuliers aux moyens de diminuer cet inconvénient.
L'amendement de M. le duc de la Rochefoucauld est adopté.
M. Defermon proposé le scrutin individuel, et veut faire considérer cette proposition comme un amendement.
se dispose à la mettre aux voix en cette qualité.
Le scrutin individuel est absolument le contraire du scrutin de liste ; et si l'on prétend que c'est un amendement à l'article, il faut prétendre en même temps que oui est l'amendement de non.
En adoptant le scrutin individuel, il serait possible qu'un homme qui réunirait tous les suffrages ne fût pas nommé, à moins que l'on obligeât les votants a numéroter leurs noms.
Si l'on délibère sur le scrutin individuel et qu'il soit admis, que deviendra la motion?...
La priorité est accordée h l'article du comité, sur la motion de M. Defermon.
L'article est décrété en ces termes
art, 8,
Les nominations des membres de l'assemblée municipale se feront par la voie du scrutin de liste double.
Le 9e" et le 10e ont été acceptés sans contradiction, ainsi qu'il suit :
art. 9
Toutes les assemblées particulières des citoyens actifs ne seront regardées que comme des sections de l'assemblée générale de chaque ville ou communauté.
art. 10.
En conséquence, chaque section de l'Assemblée générale des citoyens actifs fera parvenir à la maison commune, ou maison de ville, le recensement de son scrutin particulier, contenant la mention du nombre de suffrages que chaque ci* toven nommé aura réunis en sa faveur; et le ré* sultat général de tous Ces recensements sera formé dans la maison commune.
L'article onzième a été lu; mais l'heure se trouvant avancée, et l'Assemblée le jugeant susceptible de discussion, l'ordre du jour du matin a été fermé, et l'on-a passé aux affaires de deux heures. .
Un de MM. les secrétaires va donner lecture d'un mémoire envoyé par la commune de Metz et de pièces concernant le parlement de cette ville :
A Monsieur le président de l'Assemblée nationale.
Monsieur le président,
Je suis chargé de la part de la chambre des vacations de vous adresser son arrêté de ce jour, qui est l'expression du respect que le parlement de Metz ne cessera d'avoir pour les décrets de l'Assemblée nationale.
Je vous prie de vouloir bien le présenter à l'auguste Assomblée que vous présidez.
Je suis avec respect, monsieur le président, votre très-humble et très-obéissant serviteur,
Signé : de chazellës, conseiller.
A Metz, le
Extrait des registres du parlement de Metz.
Ce jour, la chambre des vacations continuant sa délibération sur l'arrêt du Conseil d'Etat du Roi, du 15 du courant, qui casse l'arrêté du parlement du 12 du même mois, elle aurait reconnu avec douleur qu'une démarche dictée par le zèle le plus pur aurait pu faire soupçonner le parlement de manquer au respect qu'il doit à son Roi, et dont il est également pénétré pour les décrets de l'Assemblée nationale;
Qu'effrayée des bruits fâcheux qui se Sont répandus dans les provinces, son zèle ne lui a pas permis de les apprécier; qu'elle reconnaît avec satisfaction la liberté et l'union qui régnent autour du trône et dans l'Assemblée nationale ;
En conséquence, a arrêté que l'expression de ses sentiments serait mise sous les yeux de Sa
Majesté et de l'Assemblée nationale, et que le présent arrêté serait envoyé à M, le garde des sceaux pour être mis sous les yeux du Roi, et a M. le président de l'Assemblée nationale, pour lui en être fait part.
fait en parlement, à Metz, chambré des vacations, le 21 novembre 1789,
Gollationné, Signé : Guièjet.
A Nosseigneurs de l'Assemblée nationale.
Le comité municipal, à lui joints les députés des corps, compagnies, communautés/ corporations et paroisses représentant la commune de Metz, pénétré du plus profond respect pour les décrets de l'Assemblée nationale, désapprouvant les principes qui ont égaré un moment lé parlement, mais vivement touché de son empressement i à réparer son erreur, a été saisi d'une douleur profonde en apprenant les dispositions rigoureuses de votre décret du 17 envèrs ce tribunal.
Cette cpur donna souvent des preuves de son zèle pour le peuple-, ellq consacra la première les principes de la répartition proportionnée 4es impots, et son courage à les soutenir attira sur ses membres les cdups du despotisme. Elle a rendu la justice avec équité et bonté; elle a resr pecté les droits des citoyens, elle leur a été ch^rê et respectable. Peu avant l'arrêté du parlement du 12 novembre, des bruits alarmants circulaient dans la cité; ils émanaient de la capitale, ils étaient daii§ des écrits publics.
L'erreur du parlement de Metz est d'avoir pu les accréditer, tandis qu'il devait les détruire; mais il n'a point résisté à l'autorité de l'Assemblée nationale et du Roi; sa conduite doiç dissiper le soupçon qu'il ait eu l'intention de préparer l'occasion d'y résister.
L'arrêté du 12 n'a point été envoyé dans les bailliages; il n'a pas été publié ni afnché; il n'a pas été répandu ; ia commune dé Metz n'en a eu des notions précises que par l'arrêt du Conseil qui l'a cassé.
Dès le 17 novembre, la chambre des vacations a enregistré sans réserve tous les décrets sanc-tionnés qui lui ont été adressés: la loi martiale, les lojs touchant la justice criminelle et le rétablissement des impôts; elle les a fait afficher et adresser sur-le-champ au comité municipal; elle a:enregistré de même l'arrêt du Conseil du 15, . qui casse l'arrêté du parlement : son arrêté du 21, et la délibération du parlement de ce jour, dont la copie est ci-jointe, ne laisseront aucun doute sur la soumission de cette Compagnie à l'Assemblée nationale et au Roi.
Le parlement a donc prévenu lés suites fâ-oheuses que pouvait avoir son imprudence : cependant, Nosseigneurs, il est l'objet de votre sévérité; ce transport d'un parlement en corps à quatre-vingts lieues l'exposerait aux insultes, aux huées des peuples, peut-être h de plus grands dangers ; cette humiliation désespérante, comparée à l'antique respect dont jouissait cette compagnie est, comme l'a dit un de ses membres dans votre auguste Assemblée, un arrêt de mort.
Cette mort frapperait des citoyens, dont les uns ont protesté, dont les autres n'ont suspendu leurs protestations contre l'arrêté du 12 que dans la persuasion qu'ils devaient un secret inviolable aux délibérations de leur compagnie.
Gette mort en frapperait plusieurs qui sont membres du comité municipal de Metz, dont le patriotisme a été hautement professé, unis do cœur et de sentiment avec la commune qui garantit leur loyauté.
Les événements postérieurs à l'arrêté écartent les motifs qui ont pu déterminer l'Assemblée nationale à décréter une nouvelle chambre des vacations, la chambre actuelle ayant enregistré toutes les lois sans refus ni retard.
La commune de Metz vous -supplie, Nosseigneurs, d'épargner une peine rigoureuse à un tribunal qui doit conserver de la dignité, ét qui est nécessaire au maintien de l'ordre public, et d'accepter comme une satisfaction de cette compagnie le dévouement absolu que ses députés admis dans l'assemblée de la commune viennent de professer à l'Assemblée nationale, au Roi et la loi,
Fait à Metz, le 23 novembre 1789.
Singé : L'Huillier, etc. Gollationné.
Signé f Fenouil, Secrétaire.
Metz, le
Monsieur le président,
Le comité municipal de la commune de Metz a l'honneur de vous adresser un mémoire en faveur du parlement de Metz, qu'il vous prie de soumettre à la décision de l'Assemblée nationale. Il se permet de vous observer que l'envoi de ce mémoire, ayant été unanimement délibéré le 22, le parlement, qui en a été instruit, â en-voyé le 23 deux députés de l'assemblée générale de la commune; ils y ont déposé dans un discours touchant et convenable aux circonstances, les témoignages les plus marqués de la soumis-' sion du parlement à l'Assemblée nationale, et de sa réunion de cœur et d'opinion à la commùne. Nous joignons à ce mémoire l'arrêté de la chambre des vacations du 21, la délibération en- date du 23 des autres membres du parlement qui ont été présents à l'arrêté du 12. Ces membres se sont expliqués en cette forme, croyant ne devoir pas s'assembler en corps. Nous supplions l'Assemblée nationale d'accepter ces satisfactions. Si l'ordre du jour ne permettait pas l'examen prompt de notre mémoire, nous prions l'Assemblée nationale d'accorder ,une surséance au départ des magistrats, que nous ne verrons pas, sans un vif regret, exposés aux humiliations qui peuvent les menacer.
Nous sommes, avec un profond respect, monsieur le président, vos très-humbles et très-obéissants serviteurs,
Les représentants de la commune du comité municipal de Metz, -
Signé ; Yaultiné, président, Fenouil, secrétaire.
La lecture de ces pièces est accueillie avec satisfaction par l'Assemblée nationale.
propose un arrêté qui est mis aux voix et adopté dans les termes suivants
«L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de l'adresse de la municipalité et des communes de Metz, ensemble le nouvel arrêté pris par la chambre des vacations du parlement de Metz ;
« Décrète que déférant au vœu des citoyens de Metz, elle dispense de se rendre à la barre de l'Assemblée, les membres du parlement de Melz qui avaient pris l'arrêté du 12 novembre ;
«Ordonne que l'adresse de la municipalité et des communes de Metz, et l'arrêté du parlement, seront imprimées à la suite du procès-verbal ;
« Ordonne, en outre, que; le président se retirera par devers Sa Majesté pour lui présenter le présent décret et la prier de lui accorder sa sanction. »
Les opérations de l'Assemblée nationale ont excité la reconnaissance de tous les Français et l'admiration des étrangers ; c'est un hommage étranger que j'ai l'honneur de vous présenter.
La société qui se rassemble à Londres pour célébrer l'anniversaire de la révolution de 1688 a cru devoir offrir à l'Assemblée nationale de France un hommage pur, qu'aucune prévention de nation à nation n'a pu empêcher. Cette société est présidée par lord Stanhope; elle a pour secrétaire le docteur Price ; tous les deux sont célèbres par leurs lumières dans les sciences, et par leur zèle pour les libertés publiques; elle est composée de trois cents membres aussi distingués par leurs talents que par leur naissance.
Cette société, dégagée de toute prévention nationale et se réjouissant de tous les triomphes que la liberté et la justice remportent en France sur le pouvoir arbitraire, présente à l'Assemblée nationale ses félicitations et le plaisir qu'elle ressent en voyant que bientôt les deux premières nations participeront en commun aux bienfaits de la liberté civile èt religieuse. Elle espère, et c'est l'objet de tous ses vœux, que l'influence du glorieux exemple donné par la France aux autres nations concourra puissamment à rendre le Inonde entier heureux et libre.
On avait déjà, selon l'usage, fait circuler plusieurs toasts patriotiques, lorsque le docteur Price, si avantageusement connu par des écrits aussi lumineux que pleins d'énergie en faveur de l'indépendance de l'Amérique, proposa une motion qui fut adoptée à l'unanimité.
Il a été résolu unanimement que copie de ladite résolution serait signée par le président au nom de la sociétés et envoyée à l'Assemblée nationale de France.
Copie d'une lettre de lord Stanhope à M. le duc de la Rochefoucauld.
Du
C'est avec une grande satisfaction que j'ai l'honneur de vous -envoyer deux résolutions unanimes d'une assemblée très-nombreuse et très-respectable, de la société établie en Angleterre, pour célébrer la fameuse révolution de 1688. Ces motions ont été reçues avèc l'approbation la plus marquée, et des acclamations réitérées. Oserai-je vous prier, de la part de l'assemblée, de présenter ces résolutions à l'Assemblée nationale de France ? Je vous prie de me croire avec le plus grand respect et sincère attachement,
Monsieur le duc,
Votre très-humble, etc.
Signé : Stanhope.
Extrait d'un billet du docteur Price à M. le
duc de la Rochefoucauld.
Stackent, près Londres, le
L'adresse de félicitations à l'Assemblée nationale de France qui se trouve ci-jointe, ayant été proposée par le docteur Price, il espère que le auc de la Rochefoucauld ne trouvera pas mauvais qu'il l'accompagne de quelques lignes, pour l'informer qu'elle a été adoptée, avec une ardeur que l'on peut difficilement exprimer, par une assemblée composée du comte de Stanbope, du lord-maire de Londres, de plusieurs membres du parlement d'Angleterre, et ae plus de 300 personnes de distinction réunies, à l'occasion de l'anniversaire de la révolution anglaise, pour célébrer cet événement. Si les expressions de leur admiration, si les souhaits de prospérité qu'ils prient le duc de la Rochefoucauld de présenter pouvaient paraître une témérité de leur part, ils espèrent que l'Assemblée nationale de France voudra bien excuser cette démarche, comme l'effet d'une effusion de zèle dans la cause générale de la liberté publique, qu'aucunes considérations d'inconvenance n'ont pu retenir. Les représentants de la France travaillent 'pour le monde autant que pour eux, et le monde entier • est intéressé à leur succès.
~To the national Assembly of France.
The Society for commemorating the révolution in Great Britain, disdaining national partialities, and rejoicing in every triumph of liberty and justice over arbitrary power, offer to the national Assembly of France their congratulations on the révolution-in that country, and on the prospect it gives, to the two first kingdoms in the world, of a common participation in the blessings of civil and religious liberty. They cannot help adding their ardent wishes for an happy seulement of so important a révolution, and at the same time expressing the particular satisfaction with which they reflect on the tendency of the glo-rious example given in France, to encourage other nations to assert the unalienable rights of man-kind, and thereby tô introduce a général reformation in the governments of Europe, and to make the world free and happy.
Resolved that the said resolution be signed by the chairman in the name of this meeting, and that it be by fiim transmitted to tbe national Assembly in France.
The two foregoing resolutions passed unani-mously. By order of the meeting.
Signed : SâNTHOPE, chairman of the meeting.
London,
Traduction de la lettre de lord Stanhope, écrite, au nom d'une société de Londres, à l As-semblée nationale.
La société réunie pour célébrer la révolution de la Grande-Bretagne, dédaignant toutes les préventions nationales, et se réjouissant de tous les triomphes que la liberté et la justice remportent sur le pouvoir arbitraire, présente, à l'Assemblée nationale de France ses félicitations sur la révo-
lution opérée dans ce royaume, et sur la perspective qu'elle ouvre aux deux premiers empires du monde, de participer en commun aux bienfaits de la liberté civile et religieuse. La société ne peut s'empêcher d'unir ses vœux ardents pour l'heureux et complet succès d'une révolution si importante, et en même temps d'exprimer la satisfaction qu'elle éprouve en réfléchissant sur l'influence au glorieux exemple donné en France pour encourager les autres nations à assurer les droits inaliénables de l'humanité, à amener une réforme générale dans les gouvernements de l'Europe, et à rendre le monde entier heureui et libre.
Arrête que la présente déclaration sera signée par le président, au nom de la société, et adressée par lui à l'Assemblée nationale de France.
Les deux résolutions ci-dessus ont passé à l'unanimité.
Par ordre de l'assemblée.
Signé : STANHOPE, président.
Londres,
La lecture de cette adresse produit dans l'Assemblée une grande sensation, qui se manifeste par des applaudissements reitérés.
Sur la motion de M. le duc de Liancourt, il est unanimement décidé que M. le président écrira à lord Stanhope, pour lui témoigner la vive et profonde sensibilité de l'Assemblée à la démarche que fait près d'elle la Société de la révolution.
propose la motion qui suit : « L'Assemblée nationale charge son comité de constitution de lui présenter le projet d'une loi qui définisse avec une scrupuleuse attention tout ce qui sera réputé crime de lèse-nation;
« De déclarer que les écrits, que les paroles ne pourront être la matière d'un crime de lèse-nation à moins qu'ils ne soient liés à une action, qu'ils ne l'aient préparée* accompagnée ou suivie;
« De déclarer enfin que nul crime autre que ceux expressément nommés par la loi ne pourra être qualifié du crime de lèse-nation. »
Le comité est déjà chargé de cette "mission.il vous aurait présenté son travail depuis quelque temps, si des objets du moment ne l'avaient empêché de le terminer. Je demande, d'après cette observation, que la motion du préopinant soit ajournée.
L'ajournement est ordonné.
J'eus l'honneur de vous exposer, le 5 du courant, que votre décret sur les nouvelles formes de l'instruction criminelle n'était" point encore en vigueur dans Marseille, et qu'une foule de citoyens pouvaient devenir à chaque instant les victimes d'une procédure suspecte sous mille rapports.
Je vous dénonçais que le 27 octobre, temps auquel votre décret aurait dû être exécuté, le prévôt de Marseille avait rendu un jugement suivant les anciennes formes que vous avez proscrites.
Vous ordonnâtes, Messieurs, qu'il serait provisoirement sursis à l'exécution de tout jugement en dernier ressort, rendu dans la forme ancienne postérieurement à l'époque où votre décret aurait dû être exécuté, et que tout tribunal qui dans trois jours ne l'aurait pas Inscrit sur ses registres, qui
dans la huitaine ne l'aurait pas fait publier, serait poursuivi comme coupable de forfaiture.
Le décret ne décidait pas un objet très-important pour les accusés : il annonçait implicitement què le jugement rendu le 27 octobre était nul ; mais il ne prononçait pas cette nullité d'une manière expresse ; il n'ordonnait pas de faire'juger une seconde fois la même question par d'autres juges, et, comme il s'agissait de la récusation du procureur du Roi et de l'assesseur dû prévôt, le sort des accusés restait évidemment compromis.
J'ai gardé quelque temps le silence, parce que j'attendais que le comité des rapports, qui a reçu une infinité de mémoires sur cet objet, vous les fît connaître ; mais cette affaire a entièrement changé de face par deux nouvelles circonstances, dont l'une m'était inconnue le 5 du courant, et dont l'autre était impossible à prévoir.
La première, c'est que le prévôt de Marseille, loin de traiter les accusés avec cette humanité que sollicitent vos nouvelles lois, les a fait enfermer dans une prison d'Etat ; ils avaient été resserrés jusqu'ici dans une citadelle ; ils ne sont plus aujourd'hui sous la sauvegarde de la loi, mais dans les anciens cachots du despotisme,
La seconde, c'est que bien loin d'exécuter vos décrets, le prévôt a écrit à MM. les députés de la ville de Marseille qu'il était impossible de rendre la procédure publique. S'il faut l'en croire, des témoins qui n ont déposé que sous la foi du serment ne consentiront pas que leurs dépositions soient connues. Si la procédure devient publique dans le fort; le peuple s'en emparera ; si le prévôt se reDd dans le palais de la sénéchaussée, il aura des dangers à courir, même pour sa vie.
J'ai ouï dire que le prévôt avait exposé les mêmes motifs dans un mémoire qu'il a adressé à l'Assemblée nationale ; je ne sais si, ce mémoire/existe, mais je puis assurer que la lettre à MM. les députés de Marseille est certaine.
Si le mémoire dont je parle a été envoyé, je demande qu'il soit stir-le-champ communiqué à l'Assemblée, parce qu'une affaire aussi grave ne peut souffrir aucun délai.
La lettre suffit pour m'autoriser à vous demander s'il èst possible de laisser une procédure entre les mains d'un juge qui ne croit point à la sagesse de votre décret, qui refuse de l'exécuter, qui allègue pour s'en défendre les plus frivoles prétextes,qui craint de ne pouvoir soustraire les prisonniers aux réclamations d'une ville entière s'il ne les précipite dans des prisons d'Etat, qui ne peut exercer ses fonctions que dans un fort, qui craint encore que ce fort ne soit enlevé, qui a admis des témoins tellement suspects qu'il n'ose , espérer qu'il veuillent rendre leurs dépositions publiques, qui a choisi deux juges tellement odieux qu'il ne peut répondre même de leur vier si la procédure se fait dans le palais de justice.
Ne croyez pas, Messieurs, que je veuille inculper directement le prévôt. C'est un militaire digne de l'estime de ses concitoyens ; mais il èst excusable d'ignorer les formes de l'instruction criminelle, et il les ignore. Forcé de choisir un assesseur et un procureur du Roi, forcé de confier à d'autres qu'à lui-même les fils tortueux d'une procédure compliquée, le choix qu'il a fait a rendu ses bonnes intentions inutiles, et sa probité personnelle ne peut plus rassurer contre les plus coupables erreurs. „ ' , ; 'jVfcj
Quel parti reste-t-il donc à prendre ? Un seul, Messieurs, et vous concilierez l'exécution rigoureuse des lois avec ce que vous devez à la tranquillité publique. C'est de confier à un autre tri-
bunal une procédure que le procureur du Roi et l'assesseur du prévôt ont convertie en instrument d'oppression, et qui n'est dans leur mains qu'un moyen de servir des haines secrètes,de favoriser le rétablissement des anoiens abus, et de punir les bons citoyens qui ont osé les dénoncer avec courage-
Ce que je dis ici, Messieurs, n'est qu'un aveu que le prévôt a fait lui-même dans sa. lettre à MM. les députés de Marseille : il a trouvé, dit-il, en arrivant dans cette ville, toutes les autorités compromises,il a voulu les rétablir; était-ce là. la mission qu'il devait exercer ? II avait à poursuivre des assassins,des incendiaires; mais devait-il êlre le vengeur d'un intendant que la ville de Marseille,que toutes les corporations,que son conseil municipal n'ont cessé de dénoncer? Pouvait-il décréter comme coupables les citoyens vertueux qui, dans les assemblées primaires t se sont élevés contre ce même intendant? Voilà, Messieurs, ce qu'il a fait, ou plutôt voilà ce qu'on a fait en son nom ; c'est ainsi qu'un juge honnête a cessé d'être l'organe impassible de la loi.et que sa procédure est devenue un attentat à la liberté publique.
Cette nouvelle dénonciation est renvoyée au comité des rapports.
La séance est levée à trois heures.
présidence de m. de bolsgelin, archevêque d'aix.
Séance du
La séance a été ouverte par la lecture du procès-verbal de la veille, ainsi que des adresses dont la tenéur-suit :
Délibération des villes de Forcalquier, Colmars, Annot et Moustier en Provence, et dé cinquante-quatre communautés, contenant adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale des 4 août et jours suivants. Toutes cêS villes et communautés ratifient en conséquence, de la manière la plus expresse, l'abandon fait par les députés de la province, de tous ses privilèges particuliers, et vote en même temps une assemblée générale du comté de Provence, immédiatement après que la constitution du royaume, celle des provinces et des tribunaux de justice auront été décrétées par l'Assemblée nationale.
Délibération des officiers municipaux et habitants de la ville de Chàtillon-sur-Loing, pâr laquelle ils adhèrent, avec une respectueuse reconnaissance, aux décrets dé l'Assemblée nationale, et notamment à ceux par lesquels elle s'est déclarée inséparable de la personne sacrée du Roi pendant ia préseute session, et a invité la nation à faire un don patriotique du quart de son revenu.
Adresse des officiers municipaux de 1a ville de Vitry-ie-Français, dans laquelle ils expriment la ferme résolution d'exécuter et faire exécuter tous les décrets de l'Assemblée nationale ; ils la supplient de fixer leur incertitude sur la nature et l'étendue des pouvoirs qui leur ont été confiés par la loi martiale.
Arrêté des officiers du bailliage de la même ville, de rendre la justice gratuitement.
Adresse des officiers de la sénéchaussée dé la ville de Saint-Maixent en Poitou, à l'effet d'obtenir rétablissement d'une assemblée de département ou de district, et d'une justice royale dans cette ville.,
Délibération de l'assemblée municipale de la ville de Luçon, contenant la prestation de serment faite par sa milice nationale et sa brigade de maréchaussée, conforme au décret de l'Assemblée nationale.
Délibération des officiers municipaux et habitants de la ville de Monchamps en Poitou,,par laquelle ils ont arrêté qu'il sera pris sur les de-niers en réserve de la fabrique une somme de 601) livres* savoir 400 livres pour être employées à secourir les infirmes et indigents de la paroisse, dont ce temps de disette a augmenté le nombre, et aggravé les maux, et 200 livres destinées à la contribution patriotique, comme un hommage des citoyens les moins aisés de la paroisse, afin qu'aucun habitant ne se trouve en arrière pour le bieu public; ils prient l'Assemblée nationale d'agréer cette délibération comme une preuve de leur parfaite adhésion à ses sages décrets.
Adresse de l'Assemblée municipale de la communauté de Brus en Poitou, contenant une adhésion soumise et respectueuse aux décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à ceux concernant la contribution patriotique et la disposition des biens ecclésiastiques.
Adresse des officiers municipaux et habitants de la ville de Donnemarie-en-Montois,- dans laquelle ils expriment d'une manière énergique les sentiments de respect, de reconnaissance et de dévouement, dont ils sont pénétrés pour l'Assemblée nationale. Par une délibération unanime* ils se sont soumis à payer fidèlement tous les impôts mis et à mettre, à empêcher toutes fraudes et contrebandes, et à acquitter exactement la contribution patriotique; ils félicitent spécialement l'Assemblée sur 1 union intjme qui règne entre elle et le monarque, la supplient ae leur envoyer directement tous ses décrets dès qu'ils seront sanctionnés* attendu qu'ils ne leur parviennent qu'avec lenteur, et de leur accorder une justice royale.
Adresse des représentants de la commune du commerce de Nantes, par laquelle ils supplient l'Assemblée nationale de rejeter toute motion qui tendrait à l'abolition de la traite des noirs» comme ayant des conséquences pernicieuses pour le commerce et la prospérité de tout le royaume.
Adresse de la communauté des religieuses de l'abbaye du Trésor, qui demandent la conservation de leur maison et qui représentent que, leur abbaye ayant de 11? à 18,000 livres de rente, elles entretiennent 64 personnes dans le clos abbatial, sans compter 8 à 10 ouvriers ; que leur maison est composée de 16 dames religieuses, dont plusieurs sont âgées de 75 ans jusqu'à 85, et qui, se trouvant réduites au plus strict nécessaire, rendent néanmoins plusieurs services aux habitants des environs ; qu'il leur serait dur d'être transférées dans une autre maison, et que pour elles et les habitants, il est convenable qu'en cas de réduction leur maison soit conservée.
Adresse de la ville de Cbaumont-en-Vexin, portant acte d'adhésion et de remerciaient à l'Assemblée nationale, et la demande d'être chéf-lieu de département, ou au moins de district
Adresse de la communauté de Gloisson en has
Languedoc, qui adhère à la délibération de la ville de Nîmes, par laquelle celle-ci se soumet à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et-pro-met de s'opposer à toute assemblée de province.
Acte de la même commune, par lequel elle a maintenu les décrets de l'Assemblée nationale, concernant la continuation du payement de la dîme jusqu'à son remplacement.
Il a été fait lecture d'une lettre d'une Bociété de jeunes personnes de l'un et de l'autre sexe, de la ville de Lyon, par laquelle elles offrent à l'Assemblée, pour être jointe aux dons patriotiques, une cassette contenant quelque bijoux et effets d'or et d'argent. Cette offre a été accuëillie àvec applaudissement par l'Assemblée*
de Saint-Jean d'Angély. Je propose de renvoyer aux séances du soir toutes les affaires étrangères à l'organisation des munici-
Êalités, de ne pas interrompre la séance à deux eures pour s'occuper de questions particulières et d'avancer de la sorte le travail de la constitution nationale.
Les questions particulières sont souvent d'une très-grande importance et réclament des solutions immédiates; avant de passer à leur examen, l'Assemblée ne s'occupe que dé la lecture du procès-verbal, des adresses et de l'acceptation des dons patriotiques, dans son Ordre du jour du matin, le travail de la constitution occupe donc presque toute la durée ae la séance.
combat la motion de M. Regnaud et demande la question préalable.
Consulte l'Assemblée qui décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion.
L'ordre du jour est repris sur le projet d'organisation des municipalités.
L'Assemblée adopte l'article suivant s
art. 11.
Ceux qui dès le premier scrutin réuniront la pluralité absolue, c'est-à-dire la moitié des suffrages, et un en sus, seront définitivement élus ; si au premier tour du scrutin il n'y a pas un nombre suffisant de citoyens élus à la pluralité absolue des voix, on procédera au deuxième scrutin et ceux qui réuniront la pluralité absolue seront membres du corps municipal ; enfin si le nombre nécessaire n'est pas rempli par les deux premiers scrutins, on en fera un troisième et dernier, et à celui-ci, il suffira, pour être élu, d'obtenir la pluralité relative des suffrages.
L'article 12 du rapport du comité a ensuite été lu, mis aux voix et décrété dans la forme qui suit :
arî. 12.
Les maires ne seront jamais élus qu'à la plu-ralité absolue des voix; si le premier scrutin ne donne pas cette pluralité, il sera procédé à un second; si celui-ci ne la donne point encore, il sera procédé à un troisième, dans lequel le Choix ne pourra plus se faire qu'entre les deUx citoyens qui auront réuni le plus de voix âu scrutin précédent; en cas "d'égalité de suffrages entre eux, le plus âgé sera préféré.
, au nom du comité, propose en-
suite d'introduire un nouvel article qui prendrait le n° 13 et qui éloignerait d'un numéro les autres articles du projet imprimé.
art. 13.
Chaque assemblée nommera, à la pluralité relative des suffrages, trois scrutateurs, qui seront chargés d'ouvrir lés scrutins, de les dépouiller, de compter les voix ét de proclamer les résultats. Les trois scrutateurs seront nommés par un seul scrutin recueilli et dépouillé par les trois plus anciens d'âge.
Je propose par amendement quë les trois scrutateurs ne pourront ouvrir le scrutin qu'en présence du Secrétaire.
L'amendement est rejeté et l'article 13 adopté,
art. 14.
Chaque section particulière de l'assemblée générale ; de la ville pourra envoyer à la maison commune, un commissaire pour assister au recensement des scrutins.
art. 15.
Toutes les assemblées particulières seront indiquées pour le même jour et à la même heure.
art. 16.'
Les citoyens qui, par l'événement du scrutin, seront "nommés membres de l'administration municipale, seront proclamés par les officiers municipaux en exercice.
Le comité de constitution présente l'article 17 en ces termes :
« Les conditions d'éligibilité pour les administrations municipales sont les mêmes que pour les administrations de département ou dé district. »
Dans là discussion relative aux départements et aux districts, j'ai présenté un amendement pour que plusieurs membres de la même famille ne pussent faire partie des conseils; cet amendement a été rejeté, mais je crois qué les raisons qui ont déterminé l'Assemblée ne sont pas les mêmes en ce qui conserve les municipalités ët je propose de dire :
« Cependant le père et le fils, le beau-père et lé gendre, les frères et beaux-frères ne pourront se trouver, en même temps, membres d'une assemblée municipale. »
J'appuie l'amendement comme étant de nature à éviter que certaines famillés nè s'emparent exclusivement des administrations municipales.
Je propose d'ajouter à la prohibition l'oncle et le neveu, ainsi que les cousins germains.
J'observe qu'il y a de très-petites municipalités où, si les prohibitions proposées étaient appliquées, il serait fort difficile, même presque impossible, de trouver des sujets pour entrer aux assemblées municipales.
met auxj voix les amende-
ments qui sont admis sauf le sous-amendement concernant la prohibition de l'oncle et du neveu. En conséquence, l'article est décrété, sauf rédaction, dans la forme suivante :
art. 17.
Les conditions d'éligibilité pour les administrations municipales seront les mêmes que pour les administrations de département et de district; et néanmoins, le père et le fils, le beau-père et le gendre, les frères et beaux-frères, l'oncle et le neveu, par le sang ou l'alliance, ne pourront être, en même temps, membres du même corps municipales.
La rédaction du comité pour l'article 18 porte :
« Les membres des corps municipaux des villes, bourgs, paroisses ou communautés, seront au nombre de trois y compris le maire, lorsque la population sera au-dessous de 1,000 habitants;
« De 6, y compris le maire, de 1,000 à 3,000 habitants;
« De 12, de 10,000 à 25,000;
« De 15, de 25,000 à 50,0001
« De 18, de 50,000 à 100,000;
« De 21, au-dessus de 100,000 ;
« A l'exception de la ville de Paris, qui, à cause de son immense population, sera gouvernée par un règlement particulier. »
Un grand nombre de membres font l'observation générale que le nombre des officiers municipaux n'est pas assez considérable en proportion de la population ; qu'il peut être utile de borner l'agence de chaque administration à un petit nombre.de membres, pour accélérer l'exécution; mais qu'il n'en doit pas être ainsi du conseil, dont la surveillance sur toutes les opérations de l'agence doit être confiée au plus grand nombre possible de véritables intéressés.
dit que puisque le comité, dans les articles postérieurs, divise la municipalité en un conseil et en un bureau, il en résulte que l'un et l'autre seront trop peu nombreux dans les municipalités composées de trois membres seulement.
propose, pour finir toute discussion, de doubler tous les nombres indiqués dans l'article du comité.
observe qu'il n'existait aucune ancienne municipalité qui ne fût composée de plus de trois membres; qu'il serait infiniment dangereux d'adopter le plan du comité, parce que les habitants des campagnes surtout ne pourraient voir qu'avéc peine leurs intérêts concentrés dans un cercle d'administration plus étroit qu'il ne l'est aujourd'hui. Il demande qu'on forme les municipalités de 6 membres sur 500 habitants, 9 sur 1,000, 12 sur 2,000, etc., ainsi de suite jusqu'à 100,000, et qu'on ajoute 3 membres par chaque 50,000 au-dessus de ce nombre de 100,000.
met sous les yeux de l'Assemblée les formes de municipalités existant dans sa province. (Languedoc); il demande que l'on conserve le régime des consuls, et il présente un projet de proportion dans les principes de ce régime.
, député de Dra-guignan, représente que si l'on réunit sur le maire et ses deux adjoints les fonctions municipales de tout un village, c'est absolument créer une aristocratie municipale; il ajoute qu'il faut distinguer les municipalités des directoires ; qu'il faut établir des directoires dans toutes les communautés, et les composer d'un nombre de membres proportionné à la population, et régler que rien ne se ferà sans l'approbation de ce conseil.
se récrie sur l'exception proposée pour la ville de Paris : Elle est, dit-il, ou ae faveur ou de nécessité. Si elle est de nécessité, son immense population ne peut pas lui donner des droits à une exception : car, en se soumettant à la proportion générale, elle obtiendra, sous ce rapport, tout Ce qui lui est dû. La municipalité de Paris n'aura rien de plus à faire que les municipalités de Lyon et de-Bordeaux ; d'où il suit qu'elle doit être établie sur les mêmes bases que toute autre.
observent qu'il n'était point dans l'intention du comité de constitution de soustraire la ville de Paris à l'application des principes généraux d'administration municipale; qu'il nes¥agit point de privilèges, de prérogatives, ni de favedr; mais que l'étendue de cette ville et la police qu'elle a à exercer sur 800,000 habitants nécessitent un règlement particulier. M. Target dit que la ville de Lyon, qui a une population de 170,000 habitants, n a cependant que 18 officiers municipaux ; que, ce nombre étant depuis de longues années reconnu lui suffire, cette raison a porté le comité à ne faire aucune exception pour les autres villes.
Je crois devoir expliquer les motifs de la proportion que le comité a aaoptée : il a réduit à 3 les membres des municipalités dont les habitants sont au dessous de 1,000, afin d'avoir un nombre dont le tiers se fît sans fraction : son intention avait été d'abord de le porter à 6, mais il a considéré que ces municipalités auraient peu d'affaires, et que les officiers municipaux ne recevant pas d'émoluments, il se trouverait dans les villages peu de personnes en état de sacrifier leur temps aux devoirs de ces places. Le comité a projeté de vous proposer de subordonner les municipalités aux assemblées des districts, lesquelles vérifieraient les comptes qui seraient imprimés pour les villes au-dessus de 4,000 habitants ; au-dessous de ce nombre, les comptes seraient déposés au greffe de la municipalité, où tous les habitants pourraient en prendre communication sans se déplacer.
Je finis par représenter à M. de Montlosierique le revenu de la ville de Paris, qui est de 4 à 5 millions, consiste en octrois pour la majeure partie : qu'elle a à régir des établissements publics, et une police immense à exercer ; qu'il-lui faut de nécessité un règlement particulier, mais ordonné par l'Assemblée, et d'après les principes qu'elle a consacrés.
et quelques autres membres demandent que le nombre des membres de l'administration municipale ne soit pas réduit au-dessous de 6, et que, dans les cas extraordinaires, la commune soit convoquée en assemblée générale..
Après tous ces débats, il est décidé, conformé-, ment au changement proposé par le comité de constitution : 1® qu'au lieu de 3 membres,
lorsque la population serait au-dessous de 1,000 âmes, cette fixation aura lieu pour une population au-dessous de. 5Q0; 2° que ce nombre Sera de 6 toujours y compris le maire, depuis 500 jusqu'à 3,000 âmes. Le reste de l'article n'éprouve que l'addition relative, à la ville de Paris.
Voici le texte de l'article adopté :
art. 18.
Les membres des corps municipaux des villes, bourgs, paroisses ou communautés, seront au nombre de 3, y compris le maire, lorsque la population sera au-dessous de 500 âmes ;
De s 6, y compris le maire, depuis 500 jusqu'à 3,000;
De fe9, depuis 3,000 jusqu'à 10,000; de 12, depuis» 10,000 jusqu'à 25,000; de 15, depuis 25,000 jusqu'à 50,000; de 18, depuis 50,000 iusqu'à 100,000; de 21, au-dessus de 100,000,
Quant à la ville de Paris, attendu son immense population, elle sera gouvernée par un règlement particulier, qui sera donné par l'Assemblée nationale, sur les mêmes bases et d'après les mêmes principes que le règlement général de toutes les. municipalités du royaume.
Les articles suivants sont lus, mis aux voix et adoptés sans discussion.
art. 19.
Chaque corps municipal composé de plus de 3 membres sera divisé en conseil et en bureau: Le bureau chargé de tous les soins de l'exécution et borné à la*simple régie, sera formé du tiers des officiers municipaux, y compris le maire qui en fera toujours partie.
Mais dans les municipalités réduites à trois membres, l'exécutiou sera confiée au maire seul.
art. 20.
Les membres du bureau seront choisis par le corps municipal, tous les ans, et pourront être réélus pour une seconde année.
art. 21.
Il y aura, dans chaque municipalité, un procureur de la commune, sans voix délibérative ; il sera chargé de défendre les intérêts, et de poursuivre les affaires de la communauté.
art. 22.
; Le procureur de la commune sera nommé par les citoyens actifs, au scrutin et à la majorité absolue des suffrages, dans la forme et selon les règles énoncées en l'article qui détermine les élections des maires.
art. 23.
Dans les villes au-dessus de 10,000 âmes, il sera nommé, de la même-manière, un substitut du procureur de la commune, lequel, à défaut de celui-ci, exercera ses fonctions.
L'article 24, qui est le vingt-troisième du projet imprimé, portant que les membres du conseil municipal régleront les travaux et les dépenses, inspecteront l'exécution, recevront les comptes, et prendrout toutes délibérations sur les objets
qui excédent les bornes d'une simple régie, a été ajourné.
L'ordre du jour de deux heures ramène maintenant la discussion sur le impositions de la Champagne.
Je demande que la discussion sur l'organisation des municipalités, continue. Cette proposition est adoptée sans contestation. L'Assemblée décrète les articles suivants :
art. 25.
Le, conseil municipal s'assemblera au moins une fois par mois;; il commencera par arrêter les comptes du bureau, et cette opération faite, les membres du bureau auront séance et voix délibérative au conseil. K-
art. 26.
Dans les villes au-dessus de 25,000 âmes, l'administration municipale pourra se diviser en sections, à raison de la diversité des matières.
art. 27.
Avant d'entrer en exercice, le maire et les autres membres du corps municipal, le procureur de la communie et son substitut, s'il y en a, prêteront, à la prochaine élection, devant la commune, et devant le corps municipal, aux élections suivantes, le serment de bien remplir leurs fonctions.
art. 28.
Les membres de l'administration municipale seront deux ans en exercice : la moitié en sera renouvelée par élection tous les ans ; quand, le nombre sera impair, il sortira alternativement un membre de plus ou un membre de moins chaque année. La première fois, le sort déterminera ceux qui sortiront. Le maire restera en fonctions pendant deux ans ; il pourra être réélu pour deux autres années ; mais ensuite il ne sera permis de l'élire de nouveau qu'après un intervalle de deux ans.
Le procureur de la commune et son substitut conserveront leur place pendant deux ans ; ils pourront également être réélus pour deux autres années.
Néanmoins, à la suite de la première élection, le substitut du procureur de la commune, n'exercera ses fonctions qu'une année, et dans toutes les élections suivantes, le procureur de la commune et le Substitut seront .remplacés ou réélus alternativement chaque année.
Un membre propose, par amendement, que le maire ne soit nommé que pour un an et que cependant le procureur de la commune soit susceptible de réélection pendant trois ans.
répond qu'il ne faut pas faire sortir le maire de sa place au moment où il aura appris à la bien remplir.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement et adopte l'article 28.
Je propose une motion qui serait ainsi conçue :
« Le maire sera obligé de convoquer le conseil lorsqu'il en aura été requis par six citoyens
actifs, lesquels néanmoins seront obligés de lui donner les motifs 24 heures à l'avance. »
Je demande que la motion soit renvoyée au comité de constitution pour y être examinée.
(Le renvoi est ordonné.)
, ancien, conseiller au parlement de Metz, actuellement conseiller au parlement de Paris, fils de M. l'intendant de Metz, et député exprès de la commune de Metz, ayant fait demander la permission d'être entendu à la barre, l'Assemblée décrète son admission. II y paraît accompagné de tous les députés de Metz à l'Assemblée nationale, et prononce le discours suivant :
Mêsseigneurs, lorsque j'ai osé solliciter la grâce d'être entendu au nom de la commune de Metz, je ne me flattais pas qu'après l'avoir obtenue, je n'aurais plus que des remercîments à vous présenter de sa part.
Chargé de réclamer votre indulgence en .faveur de mes anciens confrères, je me fusse acquitté de ce devoir en homme sensible aux bontés qu'ils m'ont marquées, mais en citoyen qui se fait gloire de désavouer de faux et dangereux principes.
Votre sagesse, Messeigneurs, devait s'armer d'une juste sévérité pour prévenir les suites d'un écart qu'on pouvait croire réfléchi ; dès que vous avez connu que les magistrats du parlement de Metz n'avaient été qu'égarés, qu'ils s'étaient empressés d'abjurer leur erreur, qu'elle n'avait aucune influence sur l'opinion publique, qu'elle ne pouvait suspendre les heureux effets d'une révolution à laquelle tout Français rougira bientôt d'avoir voulu opposer quelques vains obstacles, alors, Messeigneurs, vous n'avez plus écouté que votre clémence.
Les décrets que vous avez rendus dans cette affaire honoreront, dans toute l'Europe, votre justice et votre modération.
Qu'il me soit permis d'ajouter qu'en cédant aux vœux de citoyens recommandantes par leur patriotisme et par leur courage, vous assurez imperturbablement la tranquillité d'une ville importante, au sort de laquelle est lié celui de la frontière, et peut-être du royaume entier. Cette ville reconnaissante sera désormais plus glorieuse. de l'intérêt qu'elle a eù le bonheur de vous inspirer, que de tous les monuments et les sou-jvenirs'de son antique splendeur.
Depuis plusieurs mois,, Messeigneurs. vous avez fait naître dans nos cœurs des sentiments nouveaux, qu'il, nous est impossible d'exprimer ; permettez qu'ils se manifestent par notre profond respect pour cette auguste Assemblée, notre soumission à ses décrets, et notre zèle pour en. procurer l'entière et parfaite exécution.
répond :
L'Assemblée nationale a ressenti la satisfaction d'accorder aux demandes des communes dé Metz, fondées sur les principes inaltérables de leur confiance et de leur soumission pour ses décrets, une grâce qui doit contribuer au maintien de la concordé et de la tranquillité publique.
Il ajoute que l'Assemblée approuve que M. de Pont assiste èi sa séance.
Il est fait lecture d'une lettre du prince de i Salm-Kirbourg, qui se plaint d'être compris dans l'état, imprimé des pensions pour une somme dé : .20,000 livres dont M. .le prince de Salm justifie avoir fait abandon le 18 septembre 1787, par
une lettre par lui écrite à Sa Majesté, et par la réponse de M. l'archevêque de Toulouse, en date du 12 décembre de cette année.
réclame aussi contre l'état4es pensions, dans lequel il est compris pour 27,104 livres, quoiqu'il ne jouisse réellement que de celle de 20,000 livres, réduite à 18,000 livres, qui lui a été donnée pour sa retraite du ministère ; parce qu'il a remis celle de 7,104 livres, dont il jouissait précédemment, lorsqu'il a été pourvu du gouvernement de Flandre.
, membre du comité des finances, répond que les brevets de pensions, fournis par M. Dufresne, ont été dépouillés avec la plus grande exactitude; que l'état en avat été mis sous les yeux de M. Dufresne, qui l'avait déclaré conforme à la vérité.
L'ordre du soir, annoncé par M. le président, désigne les impositions de la Champagne, les gabelles d'Anjou et l'affaire de l'approvisionnement des colonies.
La séance est levée et remise à ce soir 6 heures.
présioence de m. de boisgelin, archevêque d'aix.
Séance du
propose de rendre un décret concernant les gardes nationales du bailliage de Caen.
demande que cette affaire soit renvoyée au comité des rapports pour y être examinée et être discutée le lendemain à deux heures.
Cette proposition n'est pas adoptée et l'Assemblée décrète :
« Qu'occupée à1 donner incessamment une organisation uniforme à toutes les gardes nationales du royaume, elle maintient provisoirement celle du bailliage de Caen, et défend la levée d'aucune autre troupe municipale, sous quelque dénomi-mination que ce soit, si ce n'est un certain nombre de cavaliers qui, faisant corps avec les gardes nationales, sous la discipline des mêmes états-majors, n'auront ni étenaard, ni aucune marque distinctive. »
demande à être entendu sur les subsistances des colonies, avant que, suivant l'ordre du jour, ou traite l'affaire des impositions de la Champagne,
réclame la^priorité pour l'affaire des gabelles d'Anjou. La priorité est accordée,
propose un décret combiné entre les députés de la province et le comité des finances,
La province d'Anjou payait, avant le 26 septembre dernier, par le produit dé cet impôt,
2,171,000 livres ; il n'entrait au Trésor royal, déduction faite des frais de perception, que
1,825,474
La province d'Anjou, à la réserve des petites villes de Saumur et de la Flèche, et de cent huit paroisses, offre de se rédimer de cet impôt odieux, en payant un remplacement, non à raison de 6 sotis, mais sur le pied de 12 sous la livre, et elle fixe ce remplacement à 800,000 livres, paya-blés par six mois, en argent, sans exiger pour ce aucune délivrance de sej.
Le comité a accueilli ces offres, et a présenté le projet d'un décret en huit articles, à l'effet de déterminer ce remplacement, la manière de 11m-poser sur les contribuables, etc. Le comité n'a pas dissimulé que la province dû Maine, limi-trophe de celle d'Anjou, n'avait porté ses offres de remplacement que sur le pied de 30 livres le minot, prix fixé par le décret du 26 septembre ; cette inégalité d'offres présentait des embarras, et l'inconvénient surtout de rapprocher ies barrières et de changer toute la localité de cette administration.
Voici les articles du décret :
1° Le pouvoir exécutif sera autorisé & accepter les propositions faites par la plupart des comttiu-nautés d'Anjou, de donner un remplacement de 160,000 livres pour la gabelle, à raison de 60 livres le minot, sans déiïvrâiiÇfe dé sel.
2"» Cette prestation ou représentation de l'impôt de fa gabelle ne pourra être àU-dessous de 160,000 livres.
3° Ladite prestation sera répartie par l'administration, sans distinction de paroisses, à raison des facultés.
¥ Cette contribution sera payée par môis.
Les autres articles sont relatifs a l'imposition et au recouvrement dé l'impôt.
Je suis surpris que la province. d'Anjou vienne ici nous proposer des lois au lieu d'attendre avec sou mission les lois de l'Assemblée nationale. Il resterait, en tout cas, à examiner si la somme offerte compense le versement que doit faire la province pour l'impôt du sel.
appuie le projet proposé et insiste sur l'extrême désir des peuples d'être délibérer d'un impôt injuste, immoral, vexatoire, comme celui de la gabelle.
Je doute que la province d'Anjou ait le droit d'offrir un remplacement à raison de 60 livres le minot, lorsqu'un décret a fixé lé prix de cette denrée à 6 sols. 'Je crois que dans lçs circonstances actuelles il serait plus avantageux d'autoriser le premier ministre des finances à traiter avec les provinces d'un abonnement qui n'irait qu'au 1er juillet prochain, parce qu'à cette époque l'Assemblée aura fixé un nouveau mode de perception-
L'Assemblée ne; peut adopter le projet de décret sans compromettre l'intérêt générai ; il faut opérer une. conversion totale de l'impôt, parce que vicieux de sa nature
i il ne peut être modifié ; il faut, en outre, trouver .dans le produit de cet impôt de quoi continuer les modiques pensions des agents subalternes de la ferme, puisqu'ils ont consacré une partie de leur vie à ce métier! Vous ne voulez pas les laisser mourir de faim.
La province d'Anjou deviendrait un véritable entrepôt de contrebande qui fournirait du sel aux autres; provinces non ré-* dimées et ce calcul pourrait bien être le motif de la générosité de ses offres.
L'Anjou ne deviendrait pas plus l'entrepôt de la contrebande ppur les autres provinces, que la Bretagne ne l'est actuellement pouf l'Anjou.
insiste sur la suppression géné-raie de la gabelle et son remplacement par un impôt accessoire à la capitation.
On demande la clôture de la discussion, elle est prononcée.
L'Assemblée décrète l'ajournement de cette affaire, et le renvoi au comité des finances qui devra s'occuper incessamment de la suppression totale de la gabelle et des moyens de remplacer cet impôt.
, député de la Guadeloupe, au nom des colonies réunies, fait une motion pour l'éta- blissement dxun Comité destiné à régler la consiti* tution des colonies. Il s'exprime en ces termes ;
Messieurs, les ministres du Roi' vous ont demandé, le 27 octobre dernier, des éclaircissements sur ce qui concerne les colonies, en vous exposant qu'elles diffèrent ën tout de la métropole ; que cés différences tiennent à la nature mêmeet à l'essence des choses : ils vous ont rappelé la nécessité de donner à vos lies à sucre un régime particulier, et des lois qui s'accordent parfaitement avec leur position physique, ils ont enfin interrogé votre vœu sur les décrets que vous avez déjà rendus/ et qu'ils regardent comme impraticables dans vos possessions éloignées.
Vous avez pris en considération ce mémoire d'autant plus intéressant, qu'il- n'est fondé que sur des principes reconnus et respectés par toutes les nations de l'Europe qui ont des colonies dans l'archipel américain. Le comité de commerce a été chargé par vous de l'examiner pour vous en faire le rapport.
C'est dans cet 'état de choses, Messieurs, que les députés des colonies se sont concertés pour approfondir des vérités que les ministres du Roi vous ont indiquées. Elles forment un des plus grands intérêts que vous ayez à régler pour la prospérité de la nation.
Jusqu'à ce moment, Messieurs, respectant les grands travaux dont vous vous êtes successivement occupés, les députés des colonies ont cru devoir garder le silence le plus absolu, etattendre que l'Assemblée nationale fixât son attention sur lès possessions éloignées. Aujourd'hui leur silence deviendrait aussi dangereux qu'impoli tiqué. Les ministres ont parléils attendent votre réponse; mais rien dé ce qui intéresse les colonies n'a encore été légalement discuté. Lès grandes questions qu'elles présentent n'ont été Soumises à aucun examen préparatoire ; et s'il vous fallait prononcer, vous n'auriez en général que des bases très-incertaiiies pour fixer votre jugement.
Cependant, Messieurs, les grandes ressources de la nation sont tellement dépendantes du sort
des colonies, que la moindre erreur dans le système qui doit les régir, causerait un mal irrépa-. rable. Dans les révolutions qui changent la face des empires, on peut autour de soi dépasser le but, sans crainte absolue d'une dissolution inévitable. Témoin de la secousse , le mouvement rétrograde est, pour ainsi dire, sous la main du législateur. Mais à deux mille lieues de tous les pouvoirs, de tous les moyens, la publication seule d'une mauvaise loi serait infailliblement suivie des résultats les plus funestes.
Sans doute, Messieurs, les colonies n'ont point à craindre de pareils malheurs, parce qu'il est dans vos principes de faire préparer les matières importantes sur lesquelles vous avez à délibérer. C'est ainsi que vous avez formé des comités pour tous les objets soumis aux règles du calcul, ou qui, tenant à beaucoup de rapports, exigent les connaissances les plus étendues et des méditations profondes.
Mais ces comités ne peuvent embrasser que l'intérieur du royaume ; et si vous voulez organiser vos colonies d'une manière qui vous assure à jamais les avantages de ces précieuses contrées vous devez former un comité qui s'occupe sans délai d'en perfectionner les moyens.
Telle est, Messieurs, la demande que je suis autorisé à vous faire au nom des colonies réunies. Il s'est élevé, depuis quelques années, tant de questions captieuses sur leur régime, tant d'objections oratoires sur leur importance, tant de doutes ridicules sur la nésessité de les conserver, qu'il est temps de forcer au silence et les orateurs ae mauvaise foi, et les apôtres des déclamations académiques, et les spéculatifs qui veulent juger par comparaison, des contrées absolument dissemblables.
Je vous propose donc, Messieurs, de former un comité des colonies, composé de vingt membres pris dans cette honorable Assemblée ; vous penserez sans doute qu'il doit être mi-partie de colons, et mi-partie de négociants : parce que les colonies étant destinées a opérer la consommation du superflu du royaume, et à accroître la richesse nationale par le moyen des changes, les négociants et les colons sont entre eux les seuls légitimes contradicteurs. Je dirai plus, Messieurs : eux seuls sont en état d'instruire votre religion et de vous présenter les meilleures vues sur toutes les parties de ce grand ensemble.
Ce comité ainsi composé, Messieurs, produirait d'abord le bien inappréciable de rapprocher le commerce et les colonies sur leurs réclamations respectives : oubliant les uns et les autres leurs intérêts particuliers pour ne s'occuper que de l'intérêt de l'Etat, ils Axeraient, à force de franchise et de loyauté, le terme où doit s'arrêter le commerce prohibitif. Ils détermineraient de la manière la moins susceptible d'abus tous les moyens qui peuvent empêcher que la contrebande n'enlève au royaume aucun des avantagesdont.il doit profiter.
Passant ensuite aux lois qui peuvent le plus influer sur la propriété du commerce et de l'agriculture, ils vous indiqueraient la manière de les simplifier : car, Messieurs, tout ce qui n'est point actif, tout ce qui ne donne point un mouvement rapide aux transactions des colonies, y doit être absolument proscrit, comme destructif de l'industrie nationale.
Ils rechercheraient encore jusqu'à quel point il convient de confier aux délégués du pouvoir exécutif le droit de faire des règlements pro-
visoires sur des événements que la prudence humaine ne \ peut prévoir ni empêcher ; événements auxquels il serait du plus grand danger de ne pas obvier sur les lieux, et sans aucune remise.
Enfin, Messieurs, comme dans les colonies il n'existe ni dîmes à supprimer, ni féodalité à détruire, ni privilèges à combattre, ni traitants à dépouiller, ni impôts odieux à proscrire; comme il n'y a aucun système de finance à purifier, et que l'assiette des impôts' une fois déterminée par les assemblées coloniales, il ne s'agit plus que de surveiller, avec quelque attention, les deux chapitres de recettes et de dépenses ; ce qui est très-facile dans les pays où la grande communication ne laisse de secret sur rien, et pour personne; comme les tribunaux n'ont besoin que d'un petit nombre de lois pour assurer la propriété de chacun ; le comité que j'ai l'honneur de vous proposer pourrait, en très-peu de temps, vous présenter un plan-général de constitution, d'administration et de jurisprudence, aussi politique dans son but que simple dans ses.moyens, et qui, en assurant le bonheur de tous, autant que l'intérêt de l'Etat peut le permettre, rendrait les colonies florissantes pour le plus grand avantage de la nation.
C'est au nom sacré de la patrie, Messieurs, que je vous invite à accueillir la motion que j'ai l'honneur de vous faire: car, je dois vous le dire, et surtout vous le prouver: si les colons nelcon-sultaient que leurs intérêts personnels ; si leur dévouement à la chose publique pouvait laisser dans leur âme quelque accès aux séductions d'une plus grande fortune; s'ils ne mettaient pas leur gloire à se sacrifier à l'héroïsme de l'amour du nom français; enfin, Messieurs, si les colons ne voulaient pas, à tout prix, rester citoyens d'une grande nation à laquelle il ne manquait qu'une constitution sage, pour être la première du monde; au lieu de vous demander des lois et un régime qui les unissent à jamais, qui les assujéttissent même à votre bonheur, ils eussent propagé ce principe impolitique et destructif de vos plus grandes ressources, que le3 colonies sont plus nuisibles qu'utiles. Alors, Messieurs, si, abandonnées à elles-mêmes, elles eussent ouvert leurs ports aux puissances commerçantes de l'Europe et de l'Amérique, un bénéfice énorme se présentait à elles dans la concurrence des échanges. Et en effet, dans un tel état de choses, elles achèteraient au rabais tous les objets qu'elles consomment, et vendraient à l'enchère toutes leurs productions; de manière qu'en dernier résultat, la diminution sur le prix de leurs consommations, et l'accroissement de la valeur de leurs denrées, auraient augmenté de plus du tiers la balance de leurs échanges.
Voulez-vous, Messieurs, vous convaincre d'une manière irrésistible, des sacrifices que vous recevez journellement des colonies? Opposez aux avantages qu'elles trouveraient dans un commercé libre, les bénéfices que la France retire d'un commerce exclusif auquel elles veulent se soumettre. Je pourrais, sans doute à cet égard, fournir des détails qui me paraissaient invraisemblables avant de les avoir approfondis moi-même. J'aime mieux vous présenter les calculs d'un négociant de Bordeaux qui, après avoir parcouru nos îles en homme d'Etat, a publié à son retour d'excellentes réflexions sur ces matières.
Il suppose, Messieurs, 10 millions de denrées coloniales, payées en denrées de votre sol, et de
l'industrie de vos manufactures. Voici comme il divise les bénéfices:
Au commerce national 20 0/0; 10 au sol et aux manufactures. Même somme pour le fret des vaisseaux employés à cette navigation. Enfin encore 10 0/0 pour les droits, les commissions, les salaires des ouvriers et journaliers employés aux armements.
Il résulte de ce calcul, qui ne peut être soupçonné d'exagération, qu'en ne considérant ces transactions que sous le rapport de l'industrie intérieure du royaume, vous partagez par moitié ce revenu des colonies.
Mais si vous considérez, Messieurs, ces possessions sous les grands rapports politiques, si vous calculez Jes ressources que vous tirez de leurs richesses territoriales, si vous pesez l'influence qu'elles vous donnent sur toutes les nations commerçantes, vous sentirez plus que jamais la nécessité de les conserver et de les accroître. Car, Messieurs, il n'est plus possible de le dissimuler: vos manufactures n'ont presque plus de débouchés que dans les colonies, à l'exception de quelque modes et de quelques bijoux ; l'Europe ne vous demande en échange que vos sucres, vos cafés, vos cotons, votre indigo; et quand elle vous demanderait vos blés, il n'est que trop prouvé que la libre exportation des grains peut quelquefois réduire le royaume à la plus fâcheuse extrémité.
Vous devez observer encore que sans les colonies vous n'auriez que peu ou point de commerce maritime, conséquemment point de marine; ce qui laisserait vos côtes exposées aux insultes de la première puissance maritime qui voudrait prendre la peine de les attaquer.
Que les colonies occupent 800 grands navires marchands destinés aux voyages de long cours, et 6 à 700 petits destinés au cabotage ; et qu'en donnant une occupation directe à plus de 5 millions d'hommes, un grand mouvement à vos manufactures, elles doublent la valeur des terres, par ce nombre prodigieux de consommateurs qu'elles emploient.
Ce n'est pas tout, Messieurs ; vous avez mis la dette de l'Etat sous la sauvegarde de la loyauté française : dans mon opinion, les richesses seules des colonies peuvent garantir l'exécution de ce décret honorable. En effet, sur 243 millions de denrées que vous en recevez annuellement, .vous en consommez à peu près 80 millions, qui se décuplent par la circulation intérieure. Le reste passe à l'étranger ; et comme les objets qu'ils vous donnent en échange ne s'élèvent tout au plus qu'à 88 millions, il vous reste un solde de 75 millions, qui-diminue d'autant l'exportation de numéraire à laquelle vous seriez forcés, pour faire honneur aux Intérêts énormes de la dette que vous avez déclarée nationale.
Je termine ici des réflexions qui exigeraient plus de développement, s'il s'agissait de prononcer sur le sort des colonies. Il ne s'agit aujourd'hui que de choisir les meilleurs moyens de travailler à leur organisation. Si j'ai pu vous convaincre que je ne les sollicite qu'au nom de l'intérêt de l'Etat, vous ne balancerez pas à adopter une motion qui m'a paru toute de patriotisme. ; Vous êtes la première nation de l'univers qui ait admis ses colonies à l'honneur d'être membre du Corps législatif. Nous avons senti vivement le prix d'un acte de justice dont l'éloge commence à vous. Mais n'est-ce pas vous prouver notre gratitude d'une manière qui se rapproche de vos principes, que de vous dévoiler les ressources
que vous deviez tirer de nos richesses, et de nous soumettre plus que jamais à vous les conserver par des sacrifices ? Cependant, pour que cet état de choses subsiste, il nous faut une législation particulière qui ne contrarie en rien nos mœurs, nos usages, nos propriétés ; il faut, surtout, qu'elle nous assure la tranquillité sur nos foyers, pendant que nous travaillerons à vous procurer cette espèce de bonheur qui dépend de toutes les commodités de la vie. Laissez donc aux colons réunis, aux négociants, le soin de vous éclairer sur leurs besoins; ordonnez qu'ils travaillent eux-mêmes au code qu'ils penseront convenir le mieux à leur situation. Lorsque ce travail important, et qui exige les plus grandes connaissances locales, aura été exécuté avec la maturité nécessaire, vous l'examinerez dans votre sagesse, et vous ne le décréterez que lorsqu'il ne vous restera aucun doute sur son utilité et sur sa perfection.
Alors, Messieurs, vous pourrez vous reposer plus que jamais sur la foi, sur l'attachement créoles. Vous aurez à deux mille lieues de vous des concitoyens dont vous aurez décrété le bonheur, et qui, toujours fidèles aux intérêts communs, vous enrichiront en temps de paix des fruits de leurs sueurs, et verseront en temps de guerre jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour repousser de leurs foyers tous les ennemis de la France.
Je conclus, au nom des colonies réunies, au décret suivan t :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera nommé, sans délai, un comité des colonies, composé de 20 membres, mi-partie de députés des villes maritimes de commerce et de manufacture, et mi-partie de députés des colonies, pour préparer toutes les matières qui peuvent être relatives à ces possessions importantes. »
(L'Assemblée ordonne, l'impression du mémoire de M. de Curt et ajourne la question à samedi prochain.)
monte à la tribune et lit une adresse de colons propriétaires de Saint-Domingue, où il est dit.: '
1° Les colons qui sont en France ne sont pas représentés.
Ils avaient le droit de donner leurs suffrages; ils ne l'ont pas fait, ils n'ont pu ni dû le faire ; la conséquence nécessaire est qu'ils ne sont pas représentés. Leurs compatriotes, qui ont eu l'honneur d'être admis parmi vous, n'ont ni leurs pouvoirs ni leurs instructions; donc ils ne peuvent ni parler, ni agir, ni consentir pour la majeure partie, pour la plus forte portion des propriétaires planteurs. Ce qui serait fait pour la colonie ne pourrait être obligatoire pour cette majeure partie, pour cetle plus grande portion, faute de consentement hi réel, ni supposable. Rien cependant de ce qui serait fait ne pourrait être divisible; donc enfin, rien dans cet état ne peut être réglé pour la colonie.
2° La colonie elle-même n'a pas une véritable représentation.
Nous nous arrêterons uniquement, mais avec force, sur ce grand principe auquel il n'est point d'exception: « Le vœu du plus grand nombre des intéressés â. une chose commune est lé véritable, le seul vœu. » Le défaut de ce vœu du plus grand nombre rend nuU anéantit entièrement, celui qu'aurait pu former le moindre nombre : cette vérité est sans réplique.
A l'application, nous avons l'honneur de vous assurer, Nosseigneurs, que le plus grand nombre
de ceux des colons qui habitent Saint-Domingue même n'a point voté pour la députâtion, ni pour le choix dés députés ; que beaucoup ont manifesté un vœu Contraire, par une requête adressée aux administrateurs de la colonie à là fin de Tannée dernière. L'tïe de Saint-Domingue est peuplée d'environ 25,000 habitants blancs, nous estimons qu'en mettant às l'écart les femmes et lés non-majeurs, environ 12,000 planteurs et autres avaient le droit de voter en cette circonstance. De ce nombre 4,000 seulement paraissent avoir désiré une représentation et de manière ou d'autre fait le choix des députés. Les vices de forme étant couverts, nos compatriotes ne représenteraient donc tout au plus qu'un tiers des habitants qui sont sur lé lieu même ; ils n'ont donc ni le vœu général, ni le vœu prépondérant en nombre: la colonie n'est donc pas véritablement représentée.
Cette adresse est signée de plus de 300 colons.
conclut en demandant à l'Assemblée de décréter que la discussion de toutes motions qui pourraient être proposées relativement à la colonie de Saint-Domingue, ou tout au moins à son régime intérieur, seront suspendue jusqu'à ce qu'en, nouvelle connaissance de cause elle ait formé'des vœux positifs, certains, et fourni des lumières locales, également avantageuses pour elle et pour la mère patrie.
(1). Messieurs, Saint-Domingue, connu jusqu'aujourd'hui sous la fausse dénomination, de colonie, n'en est pas une. C'est une contrée qui s'est toujours régie en pays d'Etats par les lois qui lui sont propres.
La dénomination de colonie n'est consacrée que par l'usage et non par le droit, seul imprescriptible.
Dans le droit et dans le fait, une éblouie est une émigration d'une partie de la population d'un Etat, envoyée dans une contrée déserte ou conquise par Cet Etat, pour habiter et défricher cette contrée au plus grand avantage de cet Etat.
Or, Saint-Domingue, dans son principe, était une province insulaire de l'Amérique, habitée par les naturels du pays, conquise d'abord par les Espagnols, et reconquise ensuite sur eux par une troupe de guerriers, composée de diverses nations, qui y formèrent des habitations, les cultivèrent et en offrirent le produit aux Hollandais en échange des marchandises qu'ils leur apportèrent, ce qui établit alors un commerce libre parmi eux,
C'est dans cette position que Saint-Domingue se donna à Louis XIV, aux conditions de maintenir ses privilèges et franchises.
Donc Saint-Domingue n'a pas été formé par une émigration envoyée de la France pour l'établir, à son plus grand avantage ; donc Saint-Domingue n'est pas une colonie de la France.
Mais si Saint-Domingue n'est pas Une colonie française, elle est encore bien moins une province française.
Une province française est une partie constituante et intégrante de la France, soumise à la même constitution ou susceptible de l'être sous tous les rapports.
Or/ Saint-Domingue par sa position ne peut
En effét, la France ne peut et hè doit être habitée que par un peuple libre ; son nom en porte l'expression et la nécessité ; son régime, ses mœurs, son climat, ses cultures, ses manufactures, sa constitution, en un mot, annoncent et demandent un peuple libre.
Saint-Domingue, au contraire, èst habité par des peuples de diverses couléUrs et de différentes origines. Les uns, nés dans le sein de la liberté, Français, Espagnols, Anglais, Hollandais de naissance, habitent cette1 contrée éloignée ; les autres, arrachés du climat brûlant de l'Afrique, par des négociants des ports de mer et soustraits par eux au plus dur des esclavages, qui fait la base et la constitution indestructible de ce peuple barbare, ont été transportés sur les rives fortunées de Saint-Domingue, habitées par une nation libre, hospitalière, qui s'empresse toujours d'obtenir à prix d'argent des négociants français la possession de leurs captifs détenus dans leurs navires. Ils perdent bientôt, en descendant de ces espèces d.e prisons, le souvenir de leurs malheurs ; et les chaînons les plus pesants de leurs fers se brisent en entrant sur les habitations de leurs nouveaux conquérants, qui mêlent sans cesse leurs sueurs avec les leurs, partagent leurs peines, leur prodiguent des soins dictés par l'humanité, l'intérêt et la loi. La sagesse de cette loi 'même a fixé les limites dé leur servitude qui ne s'étend guère plus loin que Celle de la discipline sévère ODservée dans les corps militaires.
Le concours, le mélangé de ces peuples divers qui habitent l'île de Saint-Domingue, la différence au climat de cette contrée, de ses cultures, de ses manufactures, des mœura de ses habitants, l'opposition de leur état même exigent donc une constitution autre que celle de la France : Saint-Domingue ne peut donc pas être partie intégrante et constituante de la France, puisque son régime nécessité n'est susceptible que d'une partie de sa constitution : Saint-Domingue ne peut donc pas être regardé précisément comme une province française.
Saint-Domingue ne peut çonséquemment être considéré que comme unè province mixte, et la séule dénomination qui lui convienne, est celle de province franco-ùmericaine.
 ce titre, elle doit donc avoir une constitution mixte composée de la constitution de là France à qui elle appartient par droit de donation, et d'une constitution particulière et nécessaire à sa position, qui ne peut être réglée et déterminée que par les seuls habitants résidant à Saint-Domingue, qui offriront, à cet effet, par leurs députés à l'Assemblée nationale, le plan d'une nouvelle formation d'assemblée en Etats particuliers et provinciaux : d'où il résultera l'exercice du droit acquis à l'Assemblée nationale, d'examiner cette constitution mixte, mais nécessaire, d'en développer les rapports, d'en discuter les avantages ou lés désavantages pour la France, de les peser en dernière analyse, de sanctionner enfin, de renoncer même à la donation de Saint-Domingue, si elle est onéreuse à la France, ou de la conserver, si elle est utile à ses intérêts, mais toujours aux conditions premières de la donation ; de façon que si, après le plus mûr examen, les charges pour la France sont plus fortes que les raisons d'utilité, l'Assemblée nationale pourra prononcer l'abandon de Saint-Domingue, sans pouvoir cependant ren-
verser là constitution propre et nécessaire à son existence^ encore moins aliéner l'objet de la donation, parce que les habitants de Saint-Domingue, en se donnant à la France, n'ont pas pu, n'ont pas dû sacrifier leurs intérêts les plus chers au prix de la protection accordée ; au contraire ils ont dû croire améliorer leur sort, et non le détériorer; c'est un principe du droit naturel adopté par l'Assemblée nationale et que réclameront auprès d'elle les députés de Saint-Domingue, au nom de leurs commettants dont l'amour pour la France, plutôt que leur intérêt, sera toujours le plus sûr garant de leur fidélité.
Les députés de Saint-Domingue solliciteront de l'Assemblée nationale, la décision de la question des lois prohibitives, exercées par les négociants des ports de mer, toujours préjudiciables à leur subsistance, à l'amélioration du sort des noirs si justement désirée, au progrès de leurs cultures dont elles empoisonnent le germe.
Ils demanderont au nom de leurs commettants la liberté de tous les nègres résidant en France, tant qu'ils y resteront.
Ils consentiront encore à l'abolition de la traite des noirs, faite par les négociants français, si c'est le vœu de rAssemblée nationale.
lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour 9 heures du matin.
Séance du
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal des deux séances de la veille, et des adresses suivantes :
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion de la ville du Mesle-sur-Sarthe en Normandie ; elle demande à être autorisée à substituer un receveur à la place du collecteur d'usage, pour la recette des deniers royaux.
Adresse du même genre du comité permanent de la ville dé Luxeuil en Franche-Comté; il supplie l'Assemblée d'agréer l'élection qu'il a faite, avec la commune, de ses magistrats.
Adresse du même genre de la ville d'Uzès en Languedoc; dans une délibération qui y est jointe, le comité permanent s'élève avec force contre l'imprimé ayant pour titre, « Déclaration de l'ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse, » et enjoint aux officiers de la garde nationale de Veiller : 1° à ce qu'il ne se forme, aucune assemblée de prétendus ordres, corps ou corporations, sou3 prétexte d'y délibérer séparément et par ordre sur les affaires de l'Etat en général, et de laprovinee en particulier, et 2° de les disperser en se conformant aux dispositions de-la loi martiale.
Adresse du même genre des communes de The-non en Périgord; elles demandent l'établissement d'une municipalité, et d'une justice royale :
Délibération du comité permanent de la ville de Guerlesquin en Bretagne, dans laquelle il
ex-
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion des officiers municipaux et représentants de la commune de Poligny en Franche-Comté.
Adresse du même genre des officiers munici* paux et représentants de la commune de Beau-jeu ; ils demandent que le Beaujolais soit séparé de la province du Lyonnais, et applaudissent au plan ue division du royaume en départements, proposé par le comité de constitution.
Adresse du même genre de la ville de Manosque en Provence; elle demande à être le chef-lieu d'un département, et Je siège d'un tribunal supérieur;
Adresse du même genre de la ville d'Apt en Provence; elle demande que l'avantage d'être chef-lieu du district lui soit conservé;
Adresse du même genre du conseil municipal et comité permanent de la ville d'Anduze en Languedoc; il exprime son indignation contre la déclaration séditieuse et perfide de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse ; il attend comme le plus grand bienfait une nouvelle organisation des municipalités et des assemblées administratives, ainsi que l'établissement de nouveaux tribunaux.
Adressé du même genre de la ville d'Amboise ; elle demande une justice royale.
Adresse des habitants de Lille, en Flandre, par laquelle ils offrent à l'Assemblée nationale l'hommage de leur respect et de leur reconnaissance pour les bienfaits que la nation recevra des nobles travaux de cette auguste Assemblée.
, membre de la députation de Paris, a observé que les officiers du Châtelet avaient été instruits qu'on leur reprochait une négligence marquée dans l'instruction des affaires relatives aux personnes prévenues et accusées du crime de lèse-nation.
Il a ajouté que, pour prouver l'injustice du reproche, le procureur du Roi lui avait remis un état exact de ces mêmes affaires,
L'Assemblée a entendu avec satisfaction la lecture de cet état; elle a ordonné qu'il serait inséré dans le procès-verbal de la séance, ainsi qu'il suit :
Etat des différentes affaires qui s'instruisent au
Châtelet contre lès personnes prévenues et accusées du crime de lèse-nation,
Le 30 octobre, le procureur-syndic de la commune a dénoncé M. ie prince Lambesc.
Le 3 novembre, lendemain des fêtes, le procureur du Roi a rendu plainte et demandé qu'il fût informé.
L'information a été commencée ce soir même, et décrétée le 10 ; depuis on a fait une addition d'information de 35 témoins ; et le 24, ce décret qui avait été décerné contre un quidam, a été nominativement appliqué à M. le prince Lambesc (1).
Une seconde dénonciation a été faite par le procureur-syndic de la commune, le même jour 30 octobre, contre le sieur Âugeard ; la plainte du
(l) Voy. aux annexes de la séance, le procès du prince de Lambesc. ,
procureur du Roi a été aussitôt commencée ; elle n'est pas terminée, parce qu'il a été nécessaire de faire assigner les témoins indiqués, demeurant à plus de 80 lieues de Paris : ces témoins sont sur le point d'arriver. Il a été d'ailleurs annoncé que la commune ferait déposer au greffe du Châtelet des pièces importantes, mais le dépôt n'est point encore effectué.
Le 6 novembre, le procureur-syndic a dénoncé l'affaire des sieurs comte d'Astorg, du Reynier, Douglas, de Rubat, de Livron, et demoiselle de Bissy.
Le 10, plainte rendue, ensuite information faite, laquelle est terminée et "va être décrétée.
Le 19, dénonciation du procureur-syndic contre MM. de Barentin, de Broglie, de Puységur, de Bezenval, et d'Autichamp.
Le lendemain, plainte du procureur du Roi, et le 21 interrogatoire de M. de Bezenval.
La commune a fait déposer, le 24, plus de 400 pièces relatives à cette affaire.
Des motions faites au district de Saint-Martin-des-Ghaihps contre la loi martiale et la garde nationale ont donné lieu à une plainte, et à une information qui vient d'être terminée, et sera décrétée ces jours-ci.
Un sieur Delcros a été prévenu de faire des en-rôlèments pour l'Espagne; d'après l'information, il a été décrété de prise de corps cejourd'hui 24.
Il n'a été remis au Ghâtelet aucune pièce relativement au mandement de M. l'évêque de Tréguier.
Certifié véritable, ce
Signé : BëRMESEAC.
Puisque l'Assemblée avait attribué la connaissance de l'affaire de l'évêque de Tréguier au Ghâtelet, il doit faire remettre à son greffe toutes lès pièces relatives à ce procès.
Je demande que l'Assemblée use envers l'évêque de Tréguier de la même clémence qu'elle a eue pour les parlements de Rouen et de Metz; ce prélat a, comme les parlements, rendu dans un mandement ultérieur, relatif au décret sur l'argenterie des églises, hommage aux décrets de l'Assemblée nationale, et particulièrement rétracté son premier mandement, en ce qu'il avait donné lieu a des interprétations contre la pureté des sentiments dont il est pénétré envers l'Assemblée.
M. l'évêque de Tréguier n'a point rétracté son mandement.
J'offre d'en fournir la preuve.
L'Assemblée ne prend aucune décision.
, député du Perche, demande une permission pour s'absenter pendant quinze jours ou trois semaines.
La permission est accordée.
L'ordre du jour appelle un rapport du comité des finances sur les plans et projets qui ont été renvoyés à ce comité.
(1). Messieurs, chargé personnellement de l'examen des plans et projets, c'est en mon nom
seul que je viens vous en parler. Je vous supplie d'avance de me pardonner, si, pour
Le comité des finances n'avait pas cru devoir encore offrir à l'Assemblée le résultat des plans et des projets qu'elle a soumis à son examen-
Il avait osé, il ose toujours se flatter qu'elle lui accorde assez de confiance, pour lui laisser,, et le choix des projets, et le choix du moment où il sera utile de placer sous ses yeux ceux qui lui auront paru dignes de fixer son attention.
Mais la juste impatience, que quelques honorables membres ont témoignée de vérifier ses travaux et de jouir des trésors qu'annoncent à la nation les nombreux auteurs de ces projets, me force de rompre le silence et de révéler les ressources qui nous sont offertes.
Je ne vous parlerai point, Messieurs, de ces hommes timides qui se traînent dans les sentiers de la routine, qui ne présentent que les améliorations triviales de l'ordre et de l'économie.
Il y en a très-peu de ce genre ; et les bons esprits qui se sont bornés à ces obscures découvertes n'ont, la plupart, sur les différentes parties de l'administration que des connnaissances incomplètes ou des idées exagérées.
Des génies plus hardis vous enrichissent d'un trait de plume.
L'un supprime tous les impôts et vous donne une contribution volontaire de 600 à 700 millions.
D'autres substituent à ces droits compliqués, à ces perceptions confuses, qui pèsent sur les personnes et sur les choses, une taxe personnelle, bien juste, bien graduée, qu'ils assoient sur vingt-cinq millions «rindividus, sur. douze, sur huit, sur quatre, sur deux, et qui vous rendra 2 milliards, 1,200 millions, et à tout le moins 800.
De menues ressources, par exemple un impôt sur les chiens, sur les cheminées, les rubans civiques, des ordres patriotiques, vous feront des revenus innocents et intarissables.
Voulez-vous entreprendre tous les souliers du royaume ? on vous garantira sur cette affaire unique un produit égal à toutes vos dépenses.
On vous garantira, quand il vous plaira, une paix universelle: sur mer et sur terre; plus de militaires, plus de marine, et de là un revenu de 130 millions, qui fonde une caisse d'amortissement.
Vous pouvez encore payer graduellement votre dette sans qu'il vous en coûte rien.
Créez 300 ou 400 millions de billets, ordonnez qu'ils passeront par cent mains, avant que de se présenter au Trésor public, et qu'à chaque mutation ils décroîtront de 1 0/0.
Si vous appelez cela une manière de banqueroute, ordonnez qu'ils circulent pendant vingt ans sans intérêts, et à la vingtième année vous les rembourserez avec le montant de ces intérêts que vous n'aurez pas payés.
Voici un profond calculateur qui ne prend rien sur les capitaux et sur les intérêts de vos créanciers, mais qui les rembourse en trente années, en appliquant seulement une partie de l'intérêt à l'extinction du capital.
Créez 5 milliards de billets, et vous aurez une banque nationale. Ces billets circuleront dans toutes les caisses, tout le monde s'empressera de les recevoir.
Vous les prêterez à des propriétaires de fonds qui vous mettront à la place de leurs créanciers privilégiés. Ils vous paieront 4,0/0 par an, et de ces 4 0/0 vous éteindrez vos billets et la dette de l'emprunteur.
Voulez-vous des effets plus solides encore?
Morcelez les contrats de vos emprunteurs, faites-en des coupons de 1,000 livres, de 600 livres, etc. Imprimez sut chacun de ces coupons le timbre national. Vous aurez un signe représentatif des valeurs réelles, un signe immédiat, ou plutôt les valeurs elles-mêmes. 1j'emprunteur paiera 4. 0/0 d'intérêt pour ces coupons que vous lui livrerez, et avec ce produit-là, vous liquiderez encore vos billets et la dette de l'emprunteur. Mais il faut trouver 300 millions d'argent comptant pour pouvoir payer ces effets à bureau ouvert, fe
La difficulté, sans doute, est grande, mais elle n'est pas invincible ; avec vos boîtes, vos bijoux, votre vaisselle, et l'argenterie des églises, on vous fournira juste 400 millions comptant, et dans quelques mois votre banque sera en activité.
Dans la séance de samedi dernier, on vous présenta un autre projet de banque qui ne nous était pas inconnu.
On trouvait 300 millions d'argent, vous livriez 600 millions de billets d'Etat, auxquels vous attachez 1/2 0/0 d'intérêt par an. La banque les négociait,.les payait à vue, et puis les rendait à la circulation.
Elle recevait pour vous, payait pour vous dans toutes les provinces, comptait avec vous de l'intérêt de toutes les sommes qui séjournaient dans les caisses, et partageait encore avec vous les bénéfices.
Je ne vous parlerai pas de quelques projets plus modestes, dont les auteurs ont adopté les bases simples et communes sur lesquelles s'est appuyé Je premier ministre des finances.
Je ne vous parlerai point de quelques projets de réforme et d'amélioration qui, peut-être, méritent d'être discutés, mais qui ne peuvent l'être que quand vous aurez déterminé et la forme et le mode des impositions.
J'ai cru, Messieurs, ne devoir vous offrir qu'un tableau rapide de toutes vos richesses spéculatives; quiconque a un peu contracté l'habitude des affaires est avare de son temps et doit ménager le vôtre.
Vous avez encore été justement impatients de connaître le véritable état des finances, les détails et la forme de la dette.
Votre comité, Messieurs, vous avait présenté ce tableau par l'organe de M. le marquis de Montesquiou, et la plupart des états que vous avez demandés sont annexés à son rapport.
Des détails plus étendus vous seront offerts à mesure que nous vous présenterons les comptes élémentaires dont se compose la dépense générale.
Nous avions pensé, Messieurs, qu'il était inutile d'anticiper ces objets ; nous avions pensé surtout qu'ils n'avaient pas un rapport essentiel avec cette Banque nationale dont le premier ministre des finances vous a développé le projet.
Peut-être avions-nous trop compté sur votre indulgence et sur nos motifs; mais qu'il me soit permis de vous observer que sans votre confiance vos comités seraient bientôt découragés, qu'elle est surtout nécessaire pour soutenir ceux qui, voués aux, détails obscurs de la finance, ne recueillent souvent de leurs travaux que des dégoûts et des .censures.
Je passe à un objet plus important.
Le comité s'occupait des désordres qui se renouvellent au 1er janvier, dans diverses administrations, lorsqu'il a appris que M. Necker, ayant eu le même soin, avait défendu les dons d'étren-nesdans les différentes parties de: son départe-
ment. Le comité a cru que cette sage disposition devait être générale, il vous propose, en conséquence, un projet de décret qui défend le don des étrennes payées par le gouvernement et les différentes administrations.
Je propose à l'Assemblée que, sans s'arrêter à aucun des plans de finances dont on lui a présenté le détail, elle s'occupe uniquement de la motion qui termine le rapport qu'elle vient d'entendre.
(Ce mode de procéder est adopté.)
Je demande que la défense de recevoir à l'avenir quelque présent que ce soit, à titre d'étrennes, ne soit pas bornée aux agents de l'administration, mais qu'elle soit étendue aux juges, et qu'ils ne puissent recevoir, notamment, le présent de cire et de bougies.
(de Bigorré) s'écrie : Vous êtes professeur de droit canon, pourquoi ne pas y ajouter les professeurs?
(On rit beaucoup.)
, éoêque d'Agen, présente un amendement relatif à la peine de concussion.
Je propose d'exprimer dans le décret que la défense s'étend, non-seulement aux agents de l'administration, mais encore à tous ceux qui, en chef ou en sous-ordre, exercent quelque fonction publique.
M. le ministre des finances m'a déclaré que le Roi allait donner des ordres pour faire cesser, au 1er janvier, toutes les étrennes, et notamment celles que les commandants, intendants et autres agents du pouvoir exécutif reçoivent des corps, villes et provinces.
La question préalable est réclamée sur tous les amendements et prononcée, sauf sur celui de M. Target.
La motion contenue à la suite du rapport de M. Lebrun est lue une seconde fois, l'amendement de M. Target y est inséré et le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, considérant que toute fonction publique est un devoir ; que tous les agents de l'administration, salariés par la nation, doivent à la chose publique leurs travaux et leurs soins ; que, ministres nécessaires, ils n'ont ni faveur, ni préférence à accorder, par conséquent aucun droit à une reconnaissance particulière ; considérant encore qu'il importe à la régénération des mœurs, autant qu'a l'économie des finances et des revenus particuliers des provinces, villes, communautés et corporations, d'anéantir le trafic de corruption et de vénalité qui se faisait autrefois sous le nom d'étrennes, vins-de-ville, gratifications, etc., a décrété et décrète qu'à compter du 1er décembre prochain, il ne sera permis à aucun agent de l'administration, ni à aucun de ceux qui, en chef ou en sous-ordre, exercent quelque fonction publique, de rien recevoir à titre d'étrennes, gratifications, vins-de-ville ou sous quelque autre dénomination que ce soit, des compagnies, administrations de provinces, villes, communautés, corporations ou particuliers, sous peine de concussion.; qu'aucune dépense de cette nature ne pourra être allouée dans le compte desdites compagnies, administrations, villes, corporations.
« Et sera, Sa Majesté, suppliée de sanctionner incessamment le présent décret et d'en ordonner la plus prompte exécution. »
J'ai reçu du ministre des finances une lettre dont je donne lecture :
« Paris, le
« Monsieur, M. le marquis de Rouillé, commandant à Metz, ayant appris qu'on avait cherché à répandre dans l'Assemblée nationale qu'il S'exportait des graiDS par les frontières de la province des Trois-Évéchés, a cru devoir m'adresser les différentes attestations qu'il a reçues des municipalités de toutes les villes, bourgs et villages répandus sur la frontière où il a placé, depuis longtemps, un cordon de troupes destiné à surveiller l'exportation des grains, et il m'a prié d'avoir l'honneur de vous les communiquer. Je le fais d'autant plus volontiers qu'elles vous mettront à portée de juger que le service dés détachements qui composent ce cordon paraît se faire avec toute l'exactitude désirable.
« Je suis avec respect, monsieur» votre très-humble et très-obéissant serviteur*
« Signé : necker. »
«Vous voudrez bien, monsieur, mettre aussi sous les yeux^ de l'Assemblée nationale les renseignements ci-joints, qui m'ont paru devoir également tranquilliser siir les exportations qu'on avait dit avoir lieu par Dunkerque et par les frontières de la Flandre. »
Des citoyens ont fait, au bureau des finances, des déclarations à raison des sommes qu'ils disent leur être dues par le gouvernement, et qui pour la plupart ont été examinées par lé ministre et par des commissaires du conseil. Ils s'adressent à l'Assemblée pour éviter toute décision ministérielle, et ils demandent à être jugés par elle, ou qu'il leur soit assigné un tribunal ad hoc.
Le comité n'entre pas dans l'examen du mérite de ces réclamations; il se rappelle que vous avez reconnu la compétence du conseil des dépêches, qui est ordinairement chargé de juger ces réclamations, et il en propose le renvoi au pouvoir exécutif.
Vous auriez en vain rétabli l'ordre dans les finances» s'il restait toujours une masse de dettes inconnues, consistant dans des réclamations qu'il est impossible de prévoir. Je propose, en conséquence, que dans le délai d'un an pour ceux qui habitent en Europe, et de deux ans pour ceux qui demeurent hors d'Europe, toutes les personnes qui ont des réclamations à faire seront tenues de rapporter les titres sur lesquels elles seront fondées, sans quoi elles en seront déchues.
Le préopinant propose une manière très-sûre de multiplier les réclamations, tandis que sans cette invitation il y en aurait beaucoup qui ne seraient jamais faites. Je pense qu'il serait dangereux de délibérer sur cette motion.
Il ne Convient pas à une nation noble et généreuse de payer ses dettes par
des fins de non-recevoir. J'appuie la question préalable.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à déli* bérer sur la motion de M. Duport.
La proposition dû comité des finances doit être ajournée et renvoyée au comité que vous avez chargé d'examiner la juridiction du conseil.
Cet ajournement doit être attendu jusqu'au moment où le comité des finances aura fini son travail et présenté des plans, dans lesquels entreront nécessairement des dispositions relatives aux réclamations en finances*
consulte l'Assemblée qui prononce l'ajournement de la motion.
a proposé de faire imprimer les listes des divers comités avec l'indication du lieu de la séance de chacun d'eux, Cette proposition est adoptée .
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet présenté par le premier ministre des finances, pour convertir la Caisse d'escompte en Banque nationale.
(1). Messieurs, je sens combien il est difficile de lutter contre l'opinion d'un ministre porté et rappelé à la direction des finances par la confiance publique ; d'un ministre conservé dans ce poste difficile» et pendant des temps orageux, par cette même confiance; d'un ministre que l'estime des citoyens consolé dans ses revers, que leurs regrets suivent dans ses retraites, et dont la joie annonce le retour à l'administration.
Aussi vous avouerai*je que, sije n'étais convaincu que les plans les plus simples sont les meilleurs, que souvent ils échappent à ceux qui les cherchent avec le plus d'ardeur et de moyens, je ne me permettrais pas d'attaquer celui présenté, ni d'en proposer un, et que si je ne regardais pas celui que je soumets à votre considération comme propre à remplir le but que s'est proposé le ministre, j'embrasserais le sien, en regrettant de ne pouvoir l'adopter sans avoir à craindre de très-graves inconvénients; je dis très-graves, parce que ses lumières et son expérience, du moins je le pense, ne pourront trouver de sûrs moyens pour arrêter leurs progrès, et en prévenir les suites.
Si ces inconvénients, après avoir été bien démontrés, sont écartés du plan que je vous offre, et que cependant je parvienne aux mêmes résultats» j'aurai rempli mon devoir, votre but, celui du ministre et le mien.
Celui du ministre des financés est de trouver au plus tôt les fonds nécessaires pour faire face aux dépenses extraordinaires de l'année 1789 et de la suivante, sans anticiper sur les revenus des années postérieures.
Je tends aussi à ce but, et je désire mémè qu'il soit tellement réalisé, que dans peu de temps les revenus publics de l'année courante puissent être affectés aux dépenses de l'année suivante.
Le ministre a besoin, pour venir à bout de ce qu'il propose, d'un crédit qui lui produise *.
1° 90 millions pour les besoins de cette année;
3° 70 millions pour d'autres objets qu'il détaille en gro3 (page 8 de son mémoire) sans les spécifier d'une manière exacte;
Total, 240,000 millions à trouver.
Je pense que la nation a besoin d'un crédit plus ample, puisque je propose de payer à terme fixe tous les objets arriérés, tels que les rentes, gages, pensions, et particulièrement les effets exigibles, ou qui ont un terme fixe.
Je porte donc cette somme à 300,000 millions; l'augmentation de recette entre des mains aussi pures ne peut servir qu'à diminuer la dépense, et bâter la libération.
Le moyen du ministre pour parvenir à trouver la somme de 240 millions est de la créer, d'après son vœu, en papier de banque, d'après ses expressions en papier-monnaie, manière très-simpledit-il, de se tirer de toute espèce d'embar-ras, et que plusieurs personnes proposent (Id., page 8).
Et pour trouver ces 300 millions, je propose une manière encore plus simple, celle de l'emprunter au meilleur marché possible.
Mais, pour emprunter, il faut du crédit, et le crédit n'étant accordé qu'à ceux qui inspirent de la confiance, il faut donc la ranimer : la circulation rendue aux espèces en sera l'agent et la preuve ; et pour faire renaître cette circulation, il ne faut que savoir combiner l'intérêt du prêteur avec celui de l'emprunteur ; ils se réunissent l'un et l'autre pour écarter tout papier-monnaie.
Mon travail, d'après ce que je viens de dire, se trouve donc naturellement divisé en deux parties : la première contiendra la réfutation du plan du ministre, la seconde présentera l'établissement du mien»
PREMIÈRE PARTIE Réfutation du plan du ministre.
Le ministre établit la création de la somme dont il a besoin, au moyen de deux actes qui ae réduisent en un, mais que je séparerai pour plus (Je commodité; ils consistent :
1° A donner a,ux opérations de la Caisse d'escompte plus d'extension, et à son papier le cautionnement de la nation;
2° A convertir la Caisse d'escompte en Banque nationale qui payera en papier-monnaie.
Sur la première opération, je suis d'avis, au contraire, que la nation ne doit se rendre jamais caution du papier de la Caisse d'escompte, qu'elle doit la réduire aux bornes privées que lui près* crirait son titre d'établissement, et la forcer de satisfaire à ses engagements, à mesure que l'Etat remplira ceux qu'il a pris avec elle.
1° Je ne connais pas de moyens plus petits * et, quoiqu'on en dise, plus ruineux, pour trouver de l'argent, que d'obliger les particuliers à recevoir en payement dans Paris, ou même dans toute l'étendue du royaume, le papier de la Caisse d'escompte, parce que c'est établir du papier-monnaie ; et je démontrerai dans l'instant les inconvénients du papier-monnaie.
2? Je soutiens qu'il est dû de la reconnaissance aux actionnaires de cette caisse pour la confiance avec laquelle ils se sont prêtés aux désirs du ministère; mais qu'il faut les blâmer de s'y être prêtés sans mesurer les bornes de leur crédit, à moins qu'on ne suppose qu'ils ont calculé sur de
gros bénéfices ; et, en le supposant, ne seraient-ils pas encore blâmables de ravoir fait pour leur propre avantage, sans s'être rappelé leurs engagements envers les particuliers?
3? Je soutiens enfin que les prêts d'argent ou de crédit que les actionnaires ont pu raire au Trésor royal n'ont pu lier l'existence de cette caisse à celle du Trésor public : car lé propre du Trésor royal est de recevoir des derniers pour tout vivifier en les répandant sagement, et celui de la Caisse d'escompte, est, en dispersant son frêle papier, d'appauvrir, au moyen de l'escompte, ceux qui ont besoin d'un crédit étranger, et de compter sur les accidents pour bénéficier du tout sur quelques-uns des porteurs.
Je n'entends pas dire que la Caisse d'escompté est inutile, ni qu'elle soit dangereuse par elle-même; mais qu'on juge d'après l'expérience, et personne ne niera que la Caisse d'escompté, utile aux banquierSset aux capitalistes de Paris, pour transporter commodément une plus grande quantité de richesses de l'un des faubourgs de cette ville dans un autre, dès qu'elle est devenue l'esclave du ministère, a cessé d'être utile et est même devenue dangereuse.
Son utilité n'était fondée que sur la confiance, et cette dernière ne l'était que sur la certitude de réaliser au besoin; la confiance détruite par des faits n'a pas été ranimée par l'arrêt du mois de septembre 1788, qui n'eût été propre qu'à l'anéantir, si elle eût pu survivre au dénûment de fonds.
Elle est devenue dangereuse :
Parce que, ne pouvant livrer de l'argent, elle n'a prêté qu'un crédit factice fondé sur ses billets ; qu'en les multipliant outre mesure, elle a fait craindre avec quelque apparence de raison qu'elle n'excédât ses forces, ce qui a détruit une partie de la confiance ; que cette multitude de billets répandus dans le commerce a fait resserrer l'or et l'argent monnayés; car leur propriétaire, assuré que les métaux auraient toujours une valeur réçlle, a choisi le gage certain de la Valeur des choses, et l'a préféré à une représentation suspecte dé ce gage : il garde donc précieusement l'Or et l'argent, et profite de la fatalité des circonstances pour n'offrir en payement que des billets qu'il n'est plus sûr de réaliser ; qu'il est, au contraire, devenu certain de ne pas réaliser à son gré, au moyen des arrêts de surséance qui ne garantissent sa propriété, ni du feu, ni des autres cas fortuits.
Les profits des actionnaires doublant et triplant à proportion de l'intérêt qu'on payait à leur crédit, ils ne firent pas attention, en se féli-citant de leur bénéfice, que lorsque la première ardeur qui avait fait rechercher leurs actions serait amortie, il en résulterait pour eux-mêmes une perte sur leurs capitaux, parce que la con^ fiance diminuerait à mesure, mais ceux qui ont cru devoir depuis se défaire de leurs actions, en ont fait une cruelle expérience»
Je n'ajouterai pas qu'étant de principe que les emprunts au nom de l'Etat sont des impôts réels sur Je peuple, la Caisse, bien loin de servir la nation, lui fit tort, en donnant à des ministres déprédateurs un moyen d'augmenter la dette na-> tionale, ce qu'ils n'auraient pu faire sans elle, parce que la confiance se refusait à remplir les emprunts qu'ils proposaient et que les cours n'obtempéraient pas à leur désir d'augmenter les impôts»
Mais j'observerai que dans tous les cas l'Etat risque infiniment, s'il se rend caution d'un éta-
blissement dont le papier peut se multiplier à l'infini et sans proportion, soit parle désir naturel à tout établissement pareil d'augmenter ses bénéfices, soit par une satisfaction étrangère à son administration, soit enfin par l'abus qu'on peut faire de ses ressources.
Tel fut en France le sort de toutes les banques; celle de Law fut utile tant qu'elle ne fut que la sienne ; elle devint dangereuse dès qu'elle fut Banque royale, et aux malheurs dont l'association dé la Caisse d'escompté au Trésor royal nous menace, elle joignit ceux qui seraient encore en France la s.uite du papier-monnaie, et dont nous allons nous occuper dans l'article suivant. Séparons donc, pour sa propre sûreté, les intérêts de la Caisse d'escompte de ceux de la caisse nationale; soyons justes envers elle, rendons-lui le crédit qu'elle n'eût pas dû perdre, si elle eût été moins confiante; remettons-lui les fonds dont elle nous a prêté la valeur ; mais veillons à ce qu'ils soient employés à retirer les effets, qui ne seraient plus chimériques, si leurs fonds avaient été divertis à d'autres objets. "
SECONDE OPÉRATION.
L'établissement d'une Banque nationale qui payera en papier-monnaie, nous est présenté par le ministre des finances comme un moyen propre à résoudre dans un moment toutes les difficultés de finances.
Je conviens de cela pour la première fois où l'on paye ; mais si l'on réfléchit qu'il faudra payer une seconde fois, en remboursant un jour les billets en papier-monnaie, et qu'il est possible que la ressource proposée en diminue la possibilité, on conviendra qu'il vaut mieux ne créer, ni Banque nationale, ni papier-monnaie ; leur établissement est inutile, leur succès est plus qu'incertain, le3 inconvénients qui peuvent les suivre sont incalculables, les avantages qu'ils présentent sont illusoires, et les maux qu'ils produiraient n'ont besoin que d'être annoncés, pour être sentis et jugés inévitables.
Laxonfiance èt le crédit ne se ranimeront en France que lorsque les signes de la valeur des choses, reconnus pour tels dans tout le monde commerçant, c'est-à-dire les métaux, seront donnés en échange des denrées ou des produits de l'industrie.
Or, si non-seulement à raison de la commodité pour le possesseur, mais de sa défiance pour les effets qu'il offre; si, dis-je, des signes ae convention particulière, si des billets de la Caisse d'escompte de 200, 300 livres, et même de 1,000 livres présentés à échanger, pour payer les moindres objets, sont changés difficilement; si on les change même avec perte, je demande .si l'on croit qu'il sera plus facile de faire ressortir le numéraire, lorsque des papiers-monnaie d'une plus petite valeur seront présentés en payement : je le pense d'autant moins, que si le capitaliste garde maintenant l'or, l'artisan et l'agriculteur garderont avec autant et plus de soin les pièces d'argent.
Les habitants des provinces, les villageois, surtout, se défont très-difficilement do leurs préjugés; or on en aura d'immenses à vaincre; ceux qu'ils ont contre le papier-monnaie sont nourris dès leur enfance, et ils leur sont rappelés à chaque instant par les restes des billets du système, suspendus à la poutre de plusieurs de leurs chaumières, comme une leçon contre le trop de confiance.
Mais je suppose leurs préjugés vaincus, et cette supposition est bien gratuite de ma part; pourra-t-on parvenir à dominer assez leur intérêt pour les disposer à recevoir le papier-monnaie , et parer à leur juste inquiétude.
Laisseront-ils sans frayeur, dans des maisons rarement exemptes des incursions des animaux et insectes malfaisants, presque périodiquement sujettes au feu, quelquefois aux- inondations, des valeurs fictives aussi peu solides, ou porteront-ils avec eux toute leur fortune, au hasard de la voir détériorée par la pluie et par le frottement ? ces hommes robustes qui s'exposent, pour le plus petit bénéfice, à l'inclémence de l'air et des saisons, y exposeront-ils toutes leurs richesses, ne craindront-ils pas plutôt de la perdre en entier, ou de la rendre tellement méconnaissable, que leurs voisins, qui souvent refusent des pièces de 2 sols encore marquées, ne veuillent pas prendre en payement du papier qui ne le sera plus?
A ces défaveurs il s'en joint une autre incalculable dans ses détails ; quoiqu'on connaisse facilement par le son encore plus qu'à la vue si un écu est d'argent ou non, souvent la crainte de prendre une monnaie décriée, élève des difficultés entre l'acheteur qui veut payer, et le Vendeur qui veut être sûr de l'avoir réellement été : il est peu de marchés considérables, peu de foires où de pareilles difficultés né surviennent.
L'officier qui veille à la police fait arrêter l'acheteur et tranquillise le vendeur ; mais ces craintes, entretenues par la vue des fausses pièces attachées au comptoir des marchands, sont réveillées par le moindre avis vrai ou faux qu'il en a été répandu quelques-unes. De quelle crainte ne sera donc pas saisie la paysanne qui entendra dire qu'on a tenté, qu'on est parvenu à imiter assez bien, même parfaitement les billets de caisse de 1,000 lives, lorsqu'on lui présentera une monnaie quelconque en papier ! ne sera-t-elle pas toujours tentée de la suspecter? et quel est l'officier public qui pourra la rassurer, et au témoignage des yeux duquel elle croira devoir s'en rapporter lorsqu'elle hésitait encore à le croire pour l'écu d'argent, sur le triple témoignage de sa vue, de l'ouïe et de la main qui en consultait le poids?
Des changeurs seront établis, me dira-t-on; d'ailleurs les papiers seront reçus dans toutes les caisse royales ; je demanderai si cela pare à tous les inconvénients présupposés, et si cela ne donne pas lieu à de nouveaux abus. Le changeur fëra-t-il le change pour rien? non certainement, donc surcroît de dépense. Le changeur et le receveur des impositions prendront-ils des billets suspects, plutôt que d'en faire perdre le montant aux particuliers qui les auront reçus de bonne foi? Je ne le pense pas; les réponses contraires présentent trop d'inconvénients pour m'être faites ; et alors je réponds qu'il suffit que l'un n'ait pas d'espèces métalliques pour changer, et que l'autre n'en ait point pour rendre ; qu'il suffit d'un seùl soupçon indiscret de l'un ou de l'autre pour arrêter la circulation du papier-monnaie, et établir en un instant et dans tout le royaume, un agiotage équivalent pour le particulier, à l'effet d'une banqueroute.
Or, la banqueroute, même partielle, a été décrétée infâme; que direz-vous d'un projet plus terrible encore, puisque chaque contribuable eût au moins été soulagé par le premier moyen, tandis que le bénéfice provenant de cet agiotage resterait entre les mains de ceux qui l'auraient amené, en resserrant les espèces; que la perte serait
en entier pour des malheureux pères de famille, sans qu'ils fussent déchargés de ia moindre con-tribution, à moins qu'on ne revînt à la banqueroute, à cette opération infâme, à laquelle nous mènera tôt ou tard l'usage du papier-monnaie, dès que sa circulation sera même momentanément suspendue pour quelque cause que cé soit?
Ajoutez, à ce que j'ai dit, la possibilité de pouvoir faire des billets faux et de les jeter dans le commerce : on fera des réponses spécieuses sur la difficulté de les rendre absolument semblables aux véritables, mais elles sont détruites, si, malgré cela, b.n a fait des billets faux; s'ils ont imité assez bien ceux qui représentaient une valeur; pour être pris pour eux dans une ville où l'Usage habituel d'en recevoir devait les faire reconnaître plus facilement. Et certes, plusieurs billets de cette espèce auront déjà couru la. province, auront déjà augmenté le discrédit du numéraire en papier, avant qu'on ait pu y remédier; c'est sans doute déjà un très-grand inconvénient.
Mais permettez que je mette sous vos yeux un nconvénient encore plus grand. La Caisse d'escompte, pour soutenir son crédit, a supporté les pertes de cette nature ; si ses billets ont été parfaitement imités, elle les a payés, parce que la justice ne pouvant les distinguer des autres, élle est censée a ses veux les avoir faits ^ si . le faussaire a moins parfaitement réussi, elle les a payés, et par son honneur et par intérêt; l'un et l'autre sont attachés à la confiance qu'èlle prétend mériter, et qu'elle s'efforce de soutenir; tout banquier particulier, qui veut maintenir son crédit, agit de même et dans les mêmes vues.
La Caisse d'escompte jouit à la vérité pour cela d'un bénéfice résultant des billets perdus ou adirés.
| Ët qu'on ne me dise pas que ce sera un profit peu considérable, en supposant le projet adopté, puisque c'est là presque le seul bénéfice de la Banque d'Angleterre.
La Banque nationale, établie sous le cautionnement de la nation; je dis plus, pour tous ceux qui ont lu avec attention le mémoirè du ministre, la Banque nationale, agehte de la nation, supportera-t-elle ces pertes, Ou se croira-t-elle dispensée de le faire,-parce que son honneur sera remplacé et que son intérêt -sera à couvert par la force de la loi?
Si on,me répond qu'elle payera, je tremblerai pour la caution qu'on a même proposé de faire associer au bénéfice, èn démontrant qu'un intérêt de 7 0/0 des fonds fournis ou crédités n'est pas exorbitant ; article sur lequel je ne serai pas d'accord avec le ministre.
Ôr, comme associée elle payera, parce que tel est le devoir d'un associée Comme caution elle payera encore, si le débiteur devient insolvable, ce qui ne manquera pas d'arriver, soit par les falsifications de billets, soit par une multiplication frauduleuse qu'il sera difficile d'éviter, même au moyen du timbre proposé.
Si elle ne paye pas, nous arrivons à la non-circulation d'effets suspects, et ils le seront tous ; de là à l'agiotage général, de là enfin à la banqueroute, et du principal débiteur, et de la caution.
Elle aura, répondra-t-on, le bénéfice dès billets perdus ou adirés, et c'est indemnité si elle paye les billets trop bien imités, ou gain entier, si elle ne les paye pas. Je demanderai à la nation assemblée si elle est
d'avis de payer pour des faussaires ou des agents infidèles, des sommes qui peuvent doubler des engagements qu'elle compte prendre, ou si elle aime mieux faire pèrdre des gens de bonne foi trompés par eux, et couvrir par une immoralité une injustice qui n'est pas de son fait.
Je dis couvrir par une immoralité, et c'est trop peu ; car comment qualifierai-je un bénéfice fait en entier aux dépens de ceux qui auront perdu leur titre de créance? Quoi ! yne nation généreuse, qui regarde la foi due aux engagements comme sacrée, cette nation qui a proscrit le mot fatal que j'ai prononcé, croirai t-elle pouvoir amener de loin l'occasion d'un pareil bénéfice, et compter autant sur les circonstances pour en profiter, que sur son. pouvoir pour faire accepter dans le commerce un titre dont la matière frêle et légère serait employée comme la plus propre, à opérer, et la perte de ce titre, et la libération du débiteur?
L'homme juste et honnête qui vous a proposé* ce plan n'a sans doute pas remarqué cet inconvénient, puisqu'il l?a présenté, lui qui, d'après sa probité reconnue, aurait en horreur un débiteur que les malheurs les plus grands feraient 'recourir à de pareils moyens pour se libérer.
Mais il existe en outre une considération politique qui n'a pas dû échapper à l'homme d'Etat ; le numéraire représente les choses par une convention générale, donc la puissance qui a le plus de numéraire a le plus de facilité pour se procurer les choses en lés payant, jusqu'à ce que l'équilibré soit établi partout entre la valeur dë l'or et des productions.
Cette vérité constante est justifiée par un exemple : la découverte" des mines de 'l'Ara é^' rique fit de l'Espagne la plus riche nation de l'Europe ; mais pour se procurer ce qui lui manquait, et beaucoup dé chosès lui manquaient, elle les paya : bientôt la richesse se partagea entre les nations qui fournirent à ses besoins, l'Espagne alors devint aussi peu riche qu'elle était avant la découverte des mines, dès que son or fut répandu, et l'augmentation d'or n'a été qu'une surcharge pour le commerce, dès qu'il a fallu en porter cinq onces au lieu d'une pour acquérir les mêmes choses.
L'augmentation de la monnaie, au moyen du papier, sera pour la France ce qu'on a fait pour l'Europe en y multipliant l'or. Elle augmentera le prix dés productions, et par conséquent celui et des matières premières, et des objets d'industrie.
Mais comme cette augmentation n'aura lieu que pour la France, elle donnera lieu à deux inconvénients nouveaux.
L'un sera d'y faire renchérir le prix des denrées et de l'industrie. Or, la matière première et la nourriture de l'ouvrier augmentant en proportion de l'accroissement des richesses' réelles ou fictives, les objets de commerce portés soit dans l'Allemagne, la Suisse et les Etats du nord, soit dans l'Italie, l'Espagne et les échelles du Levant; ne pourront soutenir la concurrence à prix égal avec ceux des autres nations ; d'où il résultera une perte évidente pour le commerce, français.
Le second inconvénient est la suite d'un aveu fait par le ministre, que notre traité de commercé avec l'Angleterre nous rend débiteurs envers ce royaume d'une somme de marchandises manufacturées que nos propres fabriques fournissaient autrefois.
La balance entre ces deux Etats nous est donc '
maintenant défavorable? si nous sommes d^bi* teurs annueUement envers l'Angleterre ; le prix des iparpbaiidises qu'elle nous fournit croîtra à raison de ce que les nôtres- le renchériront; la perte sera dope plu? considérable, pt le 4eyien* dra:encore plus çjjàque année, puisqu'ayant été obligé de payer ce supplément en espèces, le papier combiné ayec notre monnaie aptpelle se trouvera augmenté annuellement à proportion de ce que l'argent et l'or "diminueront.
Le plan proposé est dçnc destructif du commerce extérieur avec les autres puissances commerçantes, et singulièrement avec i'Angleterre.
Je ne puig, d'après Ces réflexions, que persifler ^ penser que le plan pontepu dans |e mémoire du ministre serait inutilement employé, et qu'il est insuffisant pour remplir, -i'dpjet quil spst prpr-posé, qu'il doit être rejeté, tant a raison de l'immoralité et des inconvénients qui y sont attachés, que comme absolument contraire à l'intérêt d| notre commerce extérieur avec toutes les puissances en général, ét en particulier avec celles dont la supériorité dans le commerce nous est déjfr désavantageuse.
Mais, Messieurs, ïï serait douloureux pour you§ et pour moi 4e n'avoir à vous annoncer que l'impossibilité d'adoptèr un plan que j'envisage comme désastreux, Si je yquê5 laissai? tirer de ce que j'ai diua fatale çpqséquencp qu'il ne reste donc plus Je ressources, puisqu'il faut rejeter le projet qqe vous présente un ministre qui piérite notre çpqfiqnce, QQVîWie une fhçinièrç très? simple de se tirer ^'embarfq^, et dp pésovdrç eft Étë rnoment toutes les diffici^ltés de finances,
Il voUs paraîtra sans dout^ ^tORPaPt ÇU^ je P.rO-pose de recourir à des emprunts» que je veuille vous démontrer hue dans ces monterais d'qflarrnes et de discrédit il es,t possible que pette vojp VOUS fournisse les ressources nécessaires à un intérêt très-modéré, tandis qu'il a paru, à un ministre consommé dans les affaires que l'on essaierait en vain d'y réussir» même en se soumettant a, un intérêt usuraire ;
Daigne? sqspen^re votre jugement» et que l'indulgence dont vous m'aye^ bonpré jusffuici se prolonge encore r.la matière je rpiéritp. §1 votre amour pour le bien public m'en répond,"
SECONDE PARTIES, Établissement du plan à, y substituer.
Pour venir au but proposé, permettez-njoi 4e poser quelques principes :
ta cpnfiance prppùreiç inédit, et Je crédit procure l'argent.
Ainsi, tout établissement, comme tout particulier qui a besoin 4'argëp.|;, et qui veut | optènir au moyen du crédit, 4oit commencer Par établir la confiance.
La circulation active des espèces est la preuve certaine 4e/cette confiance, comme Je défaut absolu de la circulation du sang est la preuve fa moins équiyoque de la mort-
Effectivement» il faut que te possesseur d'objets» qui, comme le numéraire, ne rapportent riep par eiix-mêmes, ait une grande défiance, pour qu'il nè tente pas d'augmenter sa fortune en les plaçant d'une manière utile-
Nous spmjnës arrivés â ce point. La circulation est arrêtée : il faut donc la rétablir; et le papier de quelque teinte qu'on le colore, quelque nom qu'on lui donne, n'étaqt pas propre à 1§ rétablir,
il faut adopter un remède» sinon plus aise, du moins aussi prompt et plus efficace.
Ce remède est la diminution raisonnable des billets 4e là Caisse; et feur reippiapemept par un numéraire quelconque, fút-it méme de billon, pier-mnnaie, ni méme ceux des billets de banque.
Je propose donc, pour parvenir à pe but :
1° pe remetiré la Caisse 4%efcpmpte au même et semblable état où elle jetait avaut 1787, Ptpar cpiisèquent 4è loi rembourser les 78 mUlipn? qui hù sont dus;
2° t)e mettre pn cjrcqlatifin, en faveur des pauvres, pour 30 millions 4c monnaie qe biiipn» diyisôe en pièces 4 e 3 ?o}s et de 0 sols ;
3? D'établir en l'ayejir dû commerce extérieur Une monnaie d'pr, dont chaque pièce pesant i et 8loui?,géra préflitééjenaant 10 ans au moins pour agpïup POM et remboursable
à cette (jpoqqp;
4° De diminuer les sommes anPUel}ement 4ues pour les depênses, lés rentes et intérêts, et de convertir en contrats Ufie portion de§ effets, suspendus» au moyen d^une ppération simple? volon? taire* et aussi favprable au créancier qu'à l'Btat;
5° De détruireles abusde l'agiotage au moyen de l'établissement d'une caisse d'amortissement;
'6-° De mettre le décret du 6 août» relatif au rachat 4es droits seigneuriaux» 4ans le cas d'être facilement exécuté,, sans ruiner ië seigneur, et sans gêner je propriétaire ;
7? ^nflu de réunir leji caisses des consignations ej des 4ép^ts judiciaires sqUs l'inspection d'un receveur gênerai.
Nous allons examiner chacune 4e ces opérations» en prouver là possibilité, démontrer qu'au-cunè d'elfe n'a les mêmes inconvénients que pelle, proposée par le ministre, et que leUr résultat, est lp pif me; or la différence qui peut sp trouver enfre l'intérêt 'qu'il prpppse de donner à la Banque, et celui auquel chacune de gès opérations peut se faire, "ne nuirait pas . à la bonté 4U plan? quand elle ne serait pas couverte par une écpnpmie annuèlip de à 30 millions, que je me réserve d'expliquer Ci-après,
Effectiyement, le ministre propose de donppr à la ganque, pour l'intérêt ' d'un simple crédit '4è millions, § a 1> 0/q dont plus de jnpitié s°nt payés par l'Etat.
Je propose le moyen de trouver la somnie effective de 300 millions à § 0/Q èt de réduire à 4 P/P une infinité de créance^ plu? coûteuses; i llptérêt n'est 4ônc pas iisurairp, et les moyens de rétablir la circulation Vont vous en faire voir la possibilité.
PREMIÈRE PROPOSITION.
Rédutij-p la, Caisse fl'esçqmptp a,u même et semblable état pù plïp étqil civanf 1787:
Cet établissement paraissant utile 41a capitale, je propose dp le conserver. Il chancelle, parce qu'ayant déposé au Trésor royal une somme 4g 70 mjiijpns qu'on a ^tè dans ilmpo^ibilité lui rendre? cette caisse n'a pins été en état 4e satisfaire' a ses engagements.
Il est dpnc évidemment juste 4® Ijii remettre cette somme* et 4e l'obliger de retirer du pom-mprce pour une pareille soin me ftP ses billet^.
Ce qui subsistera au delà servira à la pommor djté 4e la circulation» et comme on sej?§ libre 4e
les prendre ou de les refuser, d'en exiger Je remboursement ou de les garder, tous les abus disparaîtront, la confiance sera promptement rétablie; ce sera une grande maison de commerce, état dans lequel elle serait restée, si les actionnaires eussent été sages.
Rappelons-nous qu'il existait déjà en 1783 pour 43 millions de billets dp Caisse d'esconipte répandus dans }e commerce, c'est-à-dire, avant que le gouvernement forçât cette paisse à manquera son exactitude; relisons en entier les réflexions sages contenues dans le chapitre XXVI de l'administration des finances de France, et appliquons les remarques faites sur le fonds et le nom même du système, au fonds et au titre pompeux de Banque nationale ; nous ne craindrons pas de nous égarer, puisque nous aurons pour guide un administrateur sage, dont l'esprit n'était pas entraîné au delà, du vrai par l'empire des circonstances,
seconde proposition.
Mettre en circulation, en faveur des pauvres habitants de la campagne, une somme considérable de monnaie de billon,
Je propose de faire frapper avec une monnaie de billon une certaine quantité de pièces de trois et de six sols.
L'argent qui doit être allié à la matière principale se trouvera facilement par les sacrifices qu'on fait journellement, et nous ne croyons pas, que dès qu'on le saura utile, les habitants des différentes paroisses et les monastères nous refusent un pareil sacrifice du superflu de leurs cloches.
Cette monnaie sera aussi commode et très-utile pour les pauvres et pour les provinces où elle manque absolument, que les billets de caisse le sont à Paris pour les gens de banque et de commerce, et vous voyez, Messieurs, qu'elle peut être facilement fournie et frappée ; car ma proposition est moins encore de compter sur les dons de cette nature, que sur l'argent et le crédit pour acheter la matière.
troisième proposition.
Etablir en faveur du commerce intérieur une monnaie d'or dont les pièces, composées d'un poids égal à celui de quatre ou huit Iquis, seront accréditées d'un cinquième ou de deux sixièmes au delà.
Dans la première supposition, la pièce du poids de quatre louis vaudrait cinq louis, et celle du poids de huit louis en vaudrait dix.
Dar\s la seconde, la pièce du poids de quatre louis vaudrait six louis, et celle du poids de huit louis en vaudrait douze.
Je remplace donc une partie des billets de banque par des pièces équivalentes, mais quelle différence 1
1° Je profite des observations de tous les monétaires, et singulièrement de M. Necker, pour ne pas proposer d'augmenter le titre de l?or. Des louis simples et doubles resteront avec leur valeur actuelle, ce qui ne changera rien avec le commerce étranger, et ce qui ne donnera à l'or monnayé ni plus ni moins de valeur.
2° Le particulier qui recevra une pièce du poids de quatre louis, en valant six dans le commerce
parce qu'elle sera créditée pour deux, aura donc les deux tiers effectifs de sa créance, et il aura le titre de l'autre tiers d'une manière bien plus solide que si la reconnaissance était faite | sur un papier sujet à mille inconvénients,
3° La falsification de ces pièces est bien moins à craindre, puisqu'avec quatre louis un faussaire | adroit peut se procurer tout ce qui lui est né-I cessaire pour fabriquer des billets pour une somme très-considérable, tandis qu'il lui faut | d'abord la valeur de quatre louis pour avoir l'es-j sence" de la moindre pièce, et que les outils nécessaires pour la fabrication sont infiniment plus chers, infiniment plus difficiles à faire ou à faire faire, et infiniment plus aisés, à découvrir. Si les pièces sont fausses, il est aussi facile de le voir que pour un louis ; la perte est moins considérable, et la fourberie bien plus tôt découverte .
4° Il est vrai que ces pièces peuvent être imitées, et qu'en Angleterre on se permet souvent de fabriquer des monnaies étrangères quand on trouve un bénéfice à le faire ; mais il est facile de parer à cet inconvénient en joignant à la pièce d'oi un papier qui fera corps avec elle. Ce moyen unirait § jta difficulté d'imiter les pièces d'or, toutes les difficultés qu'on suppose dans l'imitation du papier qu'on nous propose (1).
Mais où se procurer l'or nécessaire, me dira-t-on? Je réponds, au moyen d'un emprunt où l'or seul, iant monnayé que non nj°nnîiyé, sera reçu jusqu'à coqcprrence de 200 millions.
Quelles en spront les conditions avantageuses pour le prêteur sans être uspraires pour l'Etat?
L'or sera évalué suivant le tarif des monnaies; le capital qui en représentera la valeur sera repir boursable dans dix ans, et portera un intérêt de 7 1/2 0/0.
Il est avantageux au prêteur qui, l'or fourni, est dégagé de tous soins, puisqu'il surpasse de 1/2 0/0 celui que le ministre accordait aux actionnaires de la Caisse, non-seulement pour le crédit et les fonds, mais encore pour les soins, la surveillance et le travail que nécessitaient les opérations majeures dont il proposait de charger la Banque nationale.
L'intérêt n'est point psuraire, pas même onéreux pour l'Etat, puisqu'au moyen du crédit
accordé aux pièces nationales, il ne lui reviendra qu'à 6 0/0 si lè crédit est d'un
cinquième, et qu'à 5 0/0 si le crédit est porté à un tiers de leur valeur. Le premier
augmente l'in-
Mais la trop grande diminution du nombre des louis et des doubles louis fondus pour être transformés en pièces nationales n'aura-t-elle pas d'inconvénients? dira quelqu'un.
A cela je réponds que non : 1° parce que qui pourra donner de l'or non monnayé ne donnera pas de louis ni doubles louis, puisqu'il gagnerait moins au marché ; 2° que, sur les 2 milliards circulant dans le royaume, on sait à peu près de combien de pièces d'or est composé le numéraire français, puisque l'auteur de l'administration des finances dit qu'en 1780 il en existait pour 957 millions ; que d'après cela et les registres de la refonte, il sera bien facile, si on veut, de n'en fondre que moitié, un tiers, un quart ou un cinquième, de s'arrêter à peu près à ce taux et de ne plus recevoir alors que des piastres,lingots, etc.: or, moitié produirait au delà de la somme demandée par le ministre, et un cinquième seulement, la somme nécessaire; 3° que le nombre des pièces étant fixé au montant, on n'aura pas même l'incouvénient de la refonte, puisque, soit en enlevant le billet que je propose d'y joindre, soit en les marquant d'un poinçon et payant le surplus, il est possible de les laisser dans le commerce pour leur véritable valeur.
Le ministre ne dira pas sans doute que cela n'attirera pas l'or des étrangers, puisque plaçant dans nos fonds publics, l'espèce de métal qu'ils doivent fournir leur serait à peu près indifférente, si toutes étaient reçues dans un emprunt qu'ils jugeraient favorable.
J'ajoule que, comme on ne rembourse que l'or que l'on a reçu, la hausse momentanée qu'il pourrait obtenir ne pourrait pas faire un tort très-grand à nos manufactures d'or filé ni à nos orfèvres.
On m'objectera peut-être enfin que cette monnaie fera resserrer l'or, ou le fera passer chez l'étranger : elle me paraît produire l'effet contraire d'après ce que j'ai déjà dit; on en sera plus persuadé si on fait attention, d'une part que les pièces créditées ne sortiront pas du royaume, à moins que quelques étrangers n'en gardent par curiosité, et alors nous gagnerons 24 ou 48 livres; et d'un autre côté, que nos louis et doubles louis restant à leur valeur actuelle, cela suffit pour y attacher, tandis que nous rappelant la balance réelle de notre monnaie effective d'or avec la monnaie étrangère de pareille nature, cette circonstance pare à l'inconvénient qui résulterait de faire créditer tout l'or du royaume.
Je m'arrête ici pour faire observer que la difficulté que trouverait le ministre de payer la Caisse
d'escompte disparaît au milieu de cet emprunt, et que c'était principalement une des raisons qui faisaient pencher la balance en sa faveur par la crainte qu'on paraissait avoir, si l'on ne la servait pas, de lui faire souffrir une injustice qui eût pu entraîner sa ruine, sentiment bien précieux sans doute dans un ministre, et qui à vos yeux et aux miens rachèterait bien plus d'erreurs encore que je n'ai cru en trouver dans son système.
Mais en admettant que la réunion de l'or et du papier donnât encore lieu à des abus, je me permettrai de répondre :
Quoi ! deux difficultés opposées aux faussaires vous arrêtent, et vous croyez que dans votre plan une difficulté est insurmontable; alors convenez donc de bonne foi que votre plan est vicieux, parce que les métaux ne peuvent être remplacés par une monnaie de convention dont la loi fait seule le crédit. Eh! empruntez les ZOO millions en effectif, soit en or, soit en argent, soit même en effets exigibles. Vous me répondez que deux emprunts ont été ouverts et n'ont pas été remplis; mais remontez aux causes. Evitez les écueils que vous avez touchés, et la somme nécessaire pour le moment présent vous sera bientôt offerte à 5 0/0, si vous accordez à cet emprunt les avantages détaillés dans la proposition suivante.
quatrième proposition.
Diminuer les sommes annuellement dues pour la rente et intérêts, et convertir en contrats négociables une portion des effets suspendus au moyen d'une opération simple, volontaire et aussi favorable au créancier qu'à l'Etat.
Ce moyen fait disparaître encore bien des objets embarrassants, puisqu'il peut servir à mettre au pair toutes les rentes et intérêts arriérés, et une partie des effets suspendus, et produire une bonification de 25 à 30 millions dans les revenus, ce que j'offre de démontrer d'après le compte rendu sous le ministère de M. l'archevêque de Sens.
Je propose d'ouvrir un emprunt illimité, quant à la somme, dont l'intérêt au denier vingt-cinq sera payable au prêteur à la caisse du district dans lequel il demeure, ou dans telle autre caisse du royaume qu'il indiquera et qu'il pourra varier d'une époque de payement à l'autre, s'il change son domicile, ou si l'intérêt de ses affaires l'exige, condition dont la nouvelle division du royaume assure l'exécution.
On ne recevra dans cet emprunt aucun argent, les fonds seront fournis en papiers et effets royaux, tels que contrats sur toutes les parties dont les rentes ou intérêts se payent au Trésor royal, à l'hôtel de ville, ainsi que ceux sur le clergé et les pays d'Etats, sauf à la nation à répéter à ces derniers un remboursement ou indemnité , jusqu'à ce qu'elle se soit, chargée de leurs dettes.
Lesdits effets, à quelque denier qu'en aient été faits les placements, ne seront reçus dans cet emprunt que pour autant qu'ils produiront de net, après avoir été liquidés sur ce pied, toute déduction faite, même de la partie des capitaux représentant les vingtièmes et sols pour livres.
11 sera expédié, par le garde du Trésor royal, un certificat portant reconnaissance des sommes liquidées pour être employées dans ledit emprunt.
A la date du jour de ce certificat, les rentes anciennes seront rayées de l'état où elles étaient employées, et les nouvelles commenceront à courir.
Chaque partie de l'emprunt sera divisée en contrats de 1,000, portant 40 livres de rentes, exempte de toute retenue.
Pourvu que tout le capital liquidé soit employé dans l'emprunt, les rentes dues jusqu'au jour de la date du certificat, et dont sera fait mention sur icelui, seront payées sur-le-champ, à moins que le propriétaire ne désire lés employer à augmenter ses capitaux, cas où elles seront également prises au comptant.
Les appoints nécessaires pour compléter chaque contrat, seront fournis en argent, si les rentes et arrérages fournis ne suffisent pas pour cet objet; et si les arrérages excèdent, le surplus sera également payé en argent.
Ceux qui fourniront, au lieu du contrat, la totalité de la somme nécessaire, en effets publics ayant une époque fixe pour le remboursement, pourront exiger que leurs contrats portent la clause d'être remboursés auxdites époques pour les effets dont ils étaient porteurs; et dans le cas où les effets ne porteraient pas tous la même époque, le premier contrat de 1,000 livres de capital sera payable à l'époque du payement fixé pour le dernier effet qui complétera ladite somme, et ainsi de suite.
Les contrats seront expédiés èn papier en la forme qui sera fixée, signés par les commissaires auxquels on en aura donné pouvoir, et porteront chacun un numéro.
Les habitants du royaume qui résideront dans les divers districts pourront transporter lesdits contrats, sans autre acte qu'une déclaration faite sans frais, en présence de l'assemblée du district, au moyen de laquelle l'ancien contrat sera déposé, et une nouvelle reconnaissance délivrée à l'instant sans frais. Elle portera le même numéro, et sera enregistrée sur le livre destiné à cet effet La déclaration , si les parties le préfèrent, pourra être remplacée par un acte devant notaire.
Si le propriétaire perd, soit le titre d'original, soit la reconnaissance qui lui en tiendra lieu, il pourra en demander une nouvelle expédition.
La preuve de tous actes translatifs de cette propriété sera admise comme pour toute autre, notamment pour ceux qui, ayant succédé en vertu d'un testament ou ab intestat, pourront,en prouvant leur propriété en la forme légale, se faire expédier gra-tuitementune nouvelle reconnaissance en la forme ci-dessus dite.
Le payement des arrérages se fera exactement de six mois en six mois, à dater du jour où les fonds auront été fournis par le receveur particulier du district, conformément à l'état arrêté au conseil pour chacun d'iceux, duquel état l'extrait arrêté pour -chaque mois sera adressé dans le cours du mois précédent aux assemblées de chaque district.
Deux membres de l'assemblée des districts seront présents au payement qui sera fait, signeront le registre du receveur, et conlre-signeront les quittances qui seront fournies, lesquels contre-seings, avec la mention que le propriétaire desdites rentes a déclaré ne savoir signer, vaudront décharge, comme si la quittance eût été passée devant notaire.
Un emprunt fait de cette manière aura bien des avantages :
1° Il fera une espèce de papier-monnaie solide, absolument exempt des inconvénients de celui proposé en faveur de la banque.
2° Il épargnerait 1 0/0 et au delà à l'Etat.
3° Le particulier cependant y gagnera, tant par la possibilité de s'en défaire facilement, que parce qu'il sera exempté des soins et peines qu'il était obligé de prendre pour être payé en l'hôtel de ville; des inquiétudes que semblaient lui donner à plaisir ceux chargés de demander les actes qui à chaque mutation prouvaient la propriété, les désagréments d'éprouver les retards, et de la part du payeur des rentes, et de la part de son receveur; enfin les inquiétudes que lui causaient l'état de la fortune de ce dernier, les gages qu'il était obligé de lui payer, les ports de lettres, etc.
4° C'est là le véritable moyen de lier avec utilité l'habitant de la province à la dette publique; jusqu'ici les désagrémenls que nous venons de détailler, l'empêchaient de placer sur le Roi ; il est fatigué lorsqu'il aplacésur ses voisins, même avec un privilège, par les peines que lui causent à la moindre vente, toutes les formalités prescrites par l'édit de 1771. Jusqu'ici il a toujours payé les intérêts d'une dette immense, cet argent était perdu pour le pays. Chaque écu qui sort de nos provinces éloignées enlève à la circulation une valeur estimée par les "calculateurs à un crédit de 72 livres. Avec un de ces contrats l'habitant des campagnes ne se verra pas forcé de vendre à perte une partie de ses denrées pour payer la taille dans de mauvaises années; et dans les bonnes cet argent lui procurera la facilité d'acheter des engrais, de réparer sa chaumière, etc.
5° Le capitaliste de Paris même, dont l'argent ne sera pas dans une continuelle activité, préférera souvent ces contrats aux billets de la Caisse d'escompte, puisqu'ils ne pourront pas lui être volés, qu'il pourra les réaliser en peu de temps, et que pendant leur repos ils lui procureront un honnête intérêt.
Rien n'est donc plus possible et plus à propos que cet emprunt, surtout si on y joint l'établissement de la caisse d'amortissement dont je parlerai tout à l'heure.
CINQUIÈME PROPOSITION.
Diminuer Vagiotage au moyen d'une caisse d'amortissement (1).
Non content de vous avoir proposé d'augmenter le numéraire et de diminuer l'intérêt de
l'argent, j'y joins un nouveau moyen d'accélérer la circulation. L'agiotage est poussé à un
tel point que, devenu nuisible pour l'Etat, dangereux pour les mœurs et fatal pour les
créanciers de bonne foi, un sage gouvernement ne peut différer de s'en occuper. L'abus
détruit, l'agiotage se trans-
Et bbmthë là naiurè place les reihèdëë à côté des plantes qui, biëh quë salutairës, pehvërii cependant produire dU thaï, je placë cëttë feaisâë près - dë là BbUrse et de la Caisse d'escompte.
Dép.ëndàdte entièrement du Trésor royal qtii fournira les prëmlërs fonds, oli totalement séparée de lui si on en forme une compâgnie ctiii fournisse les fonds réels pour cet objet, la caisse serait alimentée par la rentrée des deniers dëvànt servir à, l'acquittement des dettes; distraction préalablement faite de Ceux nécessaires pour payer les effets à terme, à mestirë qu'ils écherront.
En supposânt qu'on en forme une çompâghië particuliérë, ceiii dës capitalistes sUr l'argent desquels le ministre des finances comptait poW acheter de noUVëiles actions y placeront Sûrement leurs fonds.
L'emploi eh sera d'âutant plus honnête que ces fonds Serviront à sauver lës créanciers de l'Etat, dés efforts que foht lës accapareurs d'effets pour les obtenirs d'ëui à bon marché, ët pâr CoUsé-queht àu détriment dés possesseurs légitimes.
Je m'expiiqUe: un certain nombre d'actions payables en argënt effectif formera lé premiet* forids de la caisse montànt à 50 millions, desquels l'intérêt sera payé à 4 Q/0 par la nation. | Le Trésor royal y fera verser exactement le dërhiër jour de chaque rtibis 2 millions,, à compter du dernier décembre de la présëttte année, qUând mênie les fonds .destinés aux amortisse-^ ments hë les auraient pas produits, sâUf à les reprëndre sUr les premiers deniers. :
11 y féra verser en Outre, comme nous venon& de. le dire, tous les fonds de la caissë dii Receveur d'ëxtraqrdihàite, dëfalcatipn faitë dèë ëomnies nëcessairës pour acquitter les ë.ffëts à tërme fixë; ces fonds seront emplqyés'aitisi qu'il suit :
Tous les jours cette caisse sera ouvërte, et âprèé que le cours des effets royaux aura été arrêté à la Bourse en présence de deux commissaires nommés par les actionnaires, elle recevra le lendemain les effets royaux au moins à 1 0/Q de bénéfice, au profit des propriétaires, et les leur payera argent comptant.
Il lui sera libre de les prendre à un denier encore plus favorable, jusqu'à, ce qu'ils soient réduits au taux naturel de l'intérêt légal.
Elle ne pourra prendre et escompter aucUns autres effets, à moins que ce ne SOit des effets publics; mais alors cet article sera fait sur ses propres fonds ou sur ceux des compagnies qui eh auront donné la commission pour soutenir leurs effets au pair.
La caution de la compagnie sera la remise des effets royaux acquittés, montant à là somme équivalente à ses actions:
Les effët royaux ainsi liquidés seront repris par le Trésor royal au prix poùr léquel ils auraient dû être pâyés à leur échéance, ët à l'instant adirés. Le bénéfice que le çoUfs ordinaire dës effets aura produit, sera partagé entre le Trésor royal et les actionnaires* qui prendront sur leur portion tous frais de bureau, logement, dépensé^ caisse, etc.
PoUr indemnité, là tb'talitë defc bénéfices lëUr sera accordée, lorsquejlë porteur dé§ ëffëts h'aura
ëssuyé d autre bertë quë celle dë 4 0/D stit es arrérages ét intérêts, ët 1 0/0 sur les Cajntaui.
Il leur Sera payé ën dutfe un intérêt de 5 Ô/0j tant pour l'argent qu'ils auront fourni au delà de celbi dëstiné à ce par l'Assemblée Mtionale, jusqu'à cë qu'ils aient ëtë rërhboUrsés sof celui qiië le receveur de. l'extraordinaire aura pli fdUhiir, quë ribur 3 millions dë Billets pàVàblës â lèfine fixe dâhs deUx bu trois ihdis, dont ils sërdnt àu^ tdiisés à së servir dans le cas où cët àtrâiigëiîtènt cbnyiëndçàit à céhx qui présenteraient dës ènëté à ânioftir..
11 suffit d'indiquer lé plan en grand pOut5 fàif'è sentir combien il est avantagëùx ët cothbieti il ë^t plùs utilë dè répondre atiî âCtibfittàirëS de l'intérêt dë 7 0/Gi,, qu'il ne l'eût été de prendre un pdreil engagement aVëc ceui de lâ Bâhquë nàtib-: nale pi,0pd&ée.
SIXIÈME PROPOSITION.
Rachats des droits seigneuriaux;
Je ne dirai qu'Un mot sur cet article : poUr sdii exécution iedëctet hë VeUt pas sains doute ruiner les SèMëurs èii les forçant dé recevoir joUroél-lemeht Une portiofi ihinutiëUse dë leurs câpitàUx^
Mais Comme il serait impossiblé cependant dë prétëild^e qdë leâ particuliers doivëtit tdiife s'entendre polir faire lë remboursement en Un seul jOUr, et par Un ihêmé, mais de tblitës les bdrtiôns de ces. capitaux qui forment pour ChafeUn d'eUx un ^rihcipàf séparé; il fàUt dbtic trouvëi*un plan cjui hë nUisë ni à l'un ni à l'aUtrë; boUr cëlâ je propose que les droits éeigiiëuriaUX dont.lë rachat a été brdonné, soient ëstiitiëà poui1 chaqiië particulier dans châtjUe terre.
Chacun dës redevables sera inscrit sur un rôlë : deux cbionnes lë partâgerdht : l'iihe indiquera le capital, l'autre la somme dUë polir la rente;
Le collecteur ferà lâ levée dë la rëhte ; mais lës particuliers qui Voudront së libéfér dU bàpit&l dë ladite rente porteront le montant d'icelui à là caisse du receveur tiës ithpbsitions, qUi lë féra passer à la recette dë l'extraôrdiiiâire.
Dâné le câs cèpertdaht où lëfe prdjit'iétàii'ëg në se seraient pas libérés et vendraient les immeubles répondant au capital, lës acquërëurs seront tenus de payer, dans lëâtroiâ mois, intérêts ët câjjitâUx ; ét il ne poUrra lëUr être expédié dë lëttreë de rëb-tificatibn, si la qUittâricë du rëceVèuf n'ëst attachée sdus lë tohtre-sëël, ou qUë mention ti'ëh âit été fâite dans dë précédentes lettrék.
Les deniers provenant du payement des ïëbtës et CapitàliX SérOUt Verséë àu TrésOr royal, chaque seigneur sërâ payé anhuéllëtiient dë la t-ente â liii due, satOii':les âëigtieurs ëcclësiàstiquës ad dénier 25 seulement* ët les seignëUrs lat^Ues àU denier 20, jusqu'au rertibotirseniënt effëctif. La différencë ad ttétiier viënt dë ce qUë dës gëriè de mainmbrtë né pëUvëht placer que datiè des fonds publics, et que le Trésor royal n'ëihpruUtërà §àns doUte pas a un plus gros intérêt. Les ^ei^hëllrs lâïqUes àU cohtraire pouvant placer lëUrs fottds çomhie bon leUr seinblë; il e§t jlistë de leur acCordër Ce qh'ilè trottvëi^aiébt légalement ailleurs.
Ces fbhds pourront être utilement ëmployés pour lé payement des dettes dë l'Etat dàiis lâ câissë d'amortissemënt;
Si vous croyez de votre sagesse, après avoir supprimé des biens ecclésiastiques; et sâtts aucùn rachat la dîme qui en faisait pârtië; d'impoêëï
l'équivalent sur toutes les espècës de Biens et possessions, vous petiseriez jîeiit-ètré alors que les possesseurs de fonds, Ci-devant sujets à la dirae, qui ont acheté avec cette charge, doivent une indétnnité quelconque àUx propriétaires dés bois, prés, marais, etc., qui ont au Contraire payé la totalité dé ce qu'ils ptissèdë.ht, parce que leur propriété n'était pas sujette à id dîme; et Certes, si cet avis prévalait parmi vous, Mëssiëurs, pour que cette indemnité fût payée sans inconvénients, il ne serait sans doute pas dë theiHeut* tBoyen que celui que je viens dë vous proposer pohr le rachat des droite sëigneuriàUx, et il n'existerait entre eux aucune différence parce quë l'écpii-valent des dîmes étant remplàCé sii^ 1 Universalité des biens, les capitaux représentant cette inaëihnité, et servant à acquitter..les dettës de l'Etat, ils déchargeraient, au profit de tous les contribuables, la caisse nationale des intérêts dus aux débiteurs qui seraient à Ce moyen remboursés.
SEPTIEME PROPOSITION.
La réunion des recettes de consignations éfi ùnè 'seule main à la chargé de payer l'intérêt à 3O/0 sur le pied proposé par le ministre des finances est une trop belle opération pour que je ne répète pas ici qu'elle doit être adoptée;
Je ne crois pas qu'il y ait de doute qu'en faisant cette réunion , le Trésor royal ne doive être préféré à u.ue compagnie de banque, surtout si en ordonnant que ces deniers, seront versés dans la caisse d'amortissement, l'Etat en retire un avantages
Je proposerai d'ajouter un article à ce plan: ce serait d'autoriser tout tuteur à verser à la recette des consignations les deniers appartenant à leurs pupilles à la charge de les rendre lors de la majorité ; et de leur en payer, jusqu'à ce, un intérêt de 4 0/0.
Tous ces moyens réunis et combinés me paraissent propres à nous tirer de l'embarras où nous sommes.
Le point nécessaire est de rétablir une circulation active qu'un trop grand nombre d'effets en papiers a dû nécessairement ralentir ; il a pu sortir du numéraire de la France, il a pu en être moins apporté par les étrangers ; mais tout cela est d'une petite- considération en comparaison de celui qui est resserré par la défiance, et par conséquent enlevé au commerce et aux finances.
On peut faire fondre, si on veut, toute VaYgenteriê du royaume, te moyen Violent ne rétablirait pas la circulation ; dès qu'on augmentera la 'masse déjà trop considérable dû papier, M en résultera seulement que le métal transformé en écus ira grouper de quelques sacs de plus le trésor que le capitaliste enserré etquésa Iràhs formation rie sera pas plus utile à l'Etat, que ne l'est la forme bien dessinée qui fait l'ornement d'un buffet.
Puissé-je avoir rempli lë bbt ; mais quëlle qUe soit votre opinion sur les moyens que je propose, j'aurai beaucoup fait,si après vous avoir démontre combien le plan de banque serait nuisible,j'ai pu vous rassurer sur les craintes exagérées que lë désir d'opérer plus prompteirient le bien avait inspirées au ministre. Cependant en emploVàht tous ces moyëhs jjtiur rétablir la circulation, il rie faut pas négliger d'irisjjirër d'Une autre manière la Confiance des prêteurs : car on prêté rarement à céux qui ne justifient jpaS qu'ils Soiiteti état de payer.
Sûretés à d'onriér aux préteurs.
Après la première faute faite Idrs de l'ouverture dë l'emprunt de 30 millions qu'oit n'a pif remplir à 4 0/0 on s'est vu forcé non-seulement d'en âCëbi'dër 5 poiir l'emprunt dë 80 millions , mais inêmé de recevoir moitié en effets royaux, ce qui a porté l'intérêt à 7 1/- à en jùgër par le coùrs ; etcëpendaiit cetettipruiit n'éStpâà à rrioltié rempli.
On, ëiit fait lés conditions moins faVoràblës si on eût pu n'exiger quë du papier ; mais ëh exigeant de l'argent la circulation n'étant pas rétablie, on doit n'ètrëpàs étoiiiiê dù pëh de réussite.
il n'y aVait qu'un seùl inoyen : c'était, après avoir pris l'engagement dë mettre au hiveàû les recettes ët les dépenses, de donner unë hypothèque certaifië qui repohdît des capitaux ët dés intérêts.
Tel sera toUjburs lé pahi qu'il faudra prendre lorsqu'on sera obligé dë faire des emprunts, et si là Caisse d'escompte ne demandait pas l'assurance dë Cette hypothèque, c'est qu elle comptait bien, ainsi que ie ministre vous l'à àrinoncé, sur la vente dës différents immeubles, qui, en diminuant les autrës dëttës de J'ÊtàL assiirerait la leur ; quë d'un autre côté elle était d'autant moins jalouse de son remboursement, qu'elle désirait pouvoir continUër et augmenter sës bénéfices pendant trente ans, ët même peut-être obtenir ensuite une prolongation de privilège.
Ces motifs ne peuvent animer ceux qui vods prêteront l'or remboursable dans dix ans, ou les sommes qui en tiendront lieu. Ainsi je proposé dë leur assurer urie hypothèque spéciale : je fie renoncé Certainement pas à l'aliénation d'unë portion des domaines, et niême dès biens ecclé-siàsticjUës ; mkis l^j'en distrais les forêts qui,-suivant moi,ne peuvent'sàns inconvénients cesser d'être à la disposition et sous la surveillance de la nation,, pour que cette denrée, presque aussi nécessaire â là vie que lë sel, ne soit sujette à aucun monopole êj à aucun accaparement ; 2b j'obsër-vërai qUe, lés fonds dbS domaines étant déjà hypothéqués aU payement de toutes lés dëttës contractées, on ne peut donner d'hypothèque spéciale sur Ces biëhS, ni Su.r Cfeux du Clergé, affectés au pîiyëtnetii de ses dettës particulières, aux dépenses du culte et au sôulagëmént dës pauvres, saris diminuer d'autant J'hypothèquegénérale,accordée aux anciens Créanciers.
Je propose donC.de déblarer qU'eh rahhèéi799, aù mois de mai, il sera procédé à lâ Vente des biens dû domaine autres que les forêts, et, s'il est nécessaire, à lâ , Venté de la portiôn des biens ecclésiastiques désignée par les provinces, jusqu'à concurrëhce de 300 millions nécessaires ah remboursement de l'emprunt de 300 millions, proposé; ët pour que les ahCiehs Créanciers de l'Etat ne puissent pas Se plaindre qu'oii ait dimindé lë gàge de leUr créance, je proposé de déclarer affectée à l'hypothèque dës contrats non remboursables dont la Valeur a été fournie eh papier, la portion de toUs lës fonds du royaume, représentative de l'impôt du vingtièthë, ët d'assigner spécialement le produit de cet impôt pour lé payement des rentes de Ceux renouvelés en la forme de Ceux quë nous avons indiquée.
Cértaifaement, ni le clergé, ni les provinces qùi pourraient avoir un avis Contraire à celui du ministre qui Semble vous avoir conseillé cette venté, en ne paraissant se permettre que de nous présenter un projet, në pourront trouver mauvais un arrangement qui ne rend nécessaire cette
vente, que dans le cas où, après avoir pris l'avis des provinces, on n'aurait pu parer au remboursement des 300 millions, que de cette manière ; et ils regarderaient sans doute alors ce sacrifice pour la libération dé l'Etat, comme leurs pères ont regardé ceux de pareille nature, qui ont eu lieu sous les règnes des rois Jean et François Ier.
Les créanciers actuels de l'Etat, ceux du clergé et des provinces y consentiraient volontiers, puisque dè quelque manière que s'opérât la libération ils seraient plus assurés et du sort du principal, et du payement des arrérages de leurs créances.
Enfin, une spécification plus particulière d'une hypothèque spéciale sur la portion des fonds pour le payement des contrats, remboursables à volonté, ne sera certainement pas repoussée par les possesseurs de fonds qui,- devant payer la totalité de ces arrérages, et le remboursement des capitaux, de quelque manière que ce soit, doivent sentir que la totalité de leurs possessions est réellement affectée au payement des dettes dè l'Etat, puisque les créanciers ne peuvent compter, pour leur remboursement, que sur les impôts dont ces fonds sont chargés.
Cette promesse d'une hypothèque spéciale ne dérange rien à l'ordre naturel des possessions, puisque chaque, possesseur ne sera tenu que de ce dont il JPéût été sans la mention de cette hypothèque de subrogation, et l'acquéreur* ne sera pas plus grevé alors qu'il l'est maintenant; tandis que tous les créanciers de l'Etat, assurés du payement de leurs arrérages, s'efforceront d'y contribuer par le léger sacrifice, dont ils seront payés et au delà par la certitude de loucher exactement leurs arrérages, de les toucher sans frais, et de n& voir détruire leurs titrés, ni en tout, ni en partie, par aucun accident.
(Ce discours a été interrompu fréquemment par des témoignages d'impatiencô.)
Si nous voulons nous livrer à une discussion utile, il faut que nous adoptions un ordre constant de travail. La connaissance de nos besoins doit nous occuper avant la recherche de nos ressources. Pourquoi songer à une banque, à un papier-monnaie, sans savoir s'il sera nécessaire d'en établir ? Je propose d'examiner le travail du comité, non comme plan, mais commè détail sur notre situation.
Je reconnais là justesse de l'observation qui vient d'être faite et comme j'avais à proposer un plan de libération générale des finances, je demande à être autorisé à l'envoyer au comité. —L'Assemblée ordonne l'impression et le renvoi au comité des finances. (Voy. ce document aux annexes de la séance.)
J'appuie l'observation de M. Duport et j'ajoute que par un décret du 21 vous avez ordonné la nomination de 6 commissaires pour examiner l'état de la Caisse d'escompte. Us ont commencé leur travail hier, ils espèrent à peine le terminér demain dans la journée. Nous avons vu, par des titres bien en règle, que le Trésor royal devait en. ce moment à la Caisse 80 millions, qui dans peu se trouveront portée à 100. Nous avons examiné la correspondance avec les ministres et avec le Roi lui-même au sujet de ces opérations.
La masse des 114 millions de billets doit être rendue certaine à nos veux, et nous ferons une inspection très-scrupuleuse pour nous assurer que le nombre n'en a pas été accru arbitrairement.
Dans cette situation il vous manque un des élé-: ments nécessaires de votre délibération.
Il résulte des conversations particulières que nous avons eues avec les actionnaires/que le plan du ministre ne peut prendre de consistance qu'après l'établissement de la balance entre la recette et la dépense. La dépense des départements est la première base de cet équilibre. Pour employer utilement le temps, il serait important que l'Assemblée examinât séparément cet objet, soit sur les pensions, soit sur la guerre, soit sur la marine. Je crois aussi qu'il est nécessaire de faire exécuter le décret par lequel vous avez ordonné que beaucoup d'états authentiques vous fussent communiqués.
propose de décréter : que chacun des ministres et ordonnateurs des dépenses publiques sera tenu de présenter dans quinzaine un état de dépenses de son département, réglé avec la plus sévère économie et montant aux sommes arbitrées par le comité des finances : lequel état servira de règlement provisoire pour l'année 1790, sans préjudice des autres réductions que le travail du comité mettra en état de faire.
Nous avons examiné les moyens avant les besoins. Cet ordre n'est pas très-régulier5 il serait cependant facile d'en proposer un qui répandit une grande lumière. Voici la route que, en cherchant à étudier la. matière qui nous ocCupe, j'ai cru reconnaître comme la plus sûre et la plus courte. Je pense d'abord qu'il faut donner trois jours aux finances au lieu de deux : nous approchons du 1er de janvier, époque bien importante à laquelle nous devrions arriver avec un travail qui ne sera peut-être pas terminé en y consacrant trois séances.
Chacune de ces séances commencerait par un rapport : le premier jour sur la dette foncière de l'Etat; un autre jour sur les rentes viagères; ensuite sur les anticipations, sur l'arriéré des départements ; enfin sur toutes les parties de la dette, quelles que soient leurs dénominations. Alors nous nous occuperons successivement et séparément des dépenses de chaque département, et nous ferons marcher d'une manière parallèle les dépenses et les économies. Nos besoins se trouvant ainsi connus, vous vous occuperez des moyens d'y subvenir... Nous ne pourrons simplifier* le travail qu'en le particularisant.
s'oppose à ce qu'on ôte un jour de travail de la Constitution : il demande que le comité des finances présente un ordre de travail, et qu'il soit obligé de faire le mardi de chaque semaine l'énoncé des matières dont la discussson commencera le vendredi suivant.
Dans le plan qui vous a été proposé par l'un des préopinants pour la distribution de vos travaux, rien n'a été oublié, si ce n'est le cas urgent : il n'a parlé que des besoins perpétuels et journaliers, et non de la crise où. nous sommes.
La question est de savoir comment vous allez subvenir aux besoins du moment, indépendamment des impôts; c'est en janvier qu'est l'époque d'un redoutable payement, c'est sur ce payement qu'on vous a demandé des mesures promptes; c'est méconnaître l'urgence du cas, ou bien c'est vous condamner à l'alternative malheureuse, ou de la méconnaître vous-mêmes, ou de mettre de la précipitation dans les impôts; et quand il s'agit
de faire que les moyens de recettes soient plus honnêtes et moins oppresseurs, quand il
s'agit de porter le dernier coup à ces compagnies de finances qui ne peuvent pas exister avec
notre régénération, il faut en parler plus d'un jour; mais avant tout, il faut se souvenir
que c'est pour le 1er de janvier qu'on voiis demande des secours
considérables et nécessaires.
Je demande qu'on ajourne à demain cette première question préalable, mais essentielle, non de l'ordre proposé par le préopinant, mais des moyens de sortir de l'inextricable labyrinthe où la discussion se perd. G'est perdre un jour pour en gagner cent.
Je demanderai aussi que'le comité de constitution prépare votre détermination sur la question de savoir si une banque peut être mise sous la garantie suprême de la nation ; si son établissement serait constitutionnel et se concilierait avec les principes fondamentaux dè toute grande société.
: Le dernier préopinant a perdu de vue ce qui a été décrété, en vous proposant de décider si une banque nationale est constitutionnelle.
Il vous a dit qu'il fallait s'occuper des besoins du moment ; mais, pour trouver les moyens d'y subvenir, il faut, obtenir la confiance, et la confiance ne naîtra que quand votre état de situation sera connu ; pour accélérer votre opération, vous risqueriez de la manquer. La première chose est donc de présenter cet état, celui du comité des finances est insuffisant.
On vous a proposé un plan de travail très-sage; si vous n'adoptez pas un ordre certain, les projets sè croiseront et vous marcherez lentement et péniblement.
Le préopinant n'a pas parfaitement répondu à M. Rœderer, il n'a peut-être pas bien entendu sa conclusion. Il faut d'abord relever une erreur de fait ; il n'jf a point de décret sur cet objet : M. Fréteau a seulement proposé un arrêté qui a un rapport fort indirect avec la question. Je maintiens que M. Rœderer a lancé parmi vous une grande vérité qui mérite toute votre attention. Il faut voir si une banque tout à la fois commerciale et politique. est bonne ; il ne serait plus temps d'examiner le priheipe, quand vous l'auriez violé. Je maintiens enfin que M. Rœderer a dit une chose infiniment raisonnable, et qu'il a fait ce qu'il faut toujours faire, commencer par le commencement.
Quand au plan iumineux d'un préopinant, il conviendrait à un lycée ; il pourra nous convenir quand nous nous occuperons sde la régénération particulière et générale des finances; il ne convient pas au provisoire, et c'est du provisoire que nous sommes étouffés dans ce moment. Je demande que la motion de M. Rœderer soit décrétée.
Il s'élève plusieurs discussions sur l'ordre à donner à. la délibération des différentes motions proposées.
représentent que le comité peut ofl'rir.à l'instant à l'Assemblée un état détaillé sur les besoins urgents d'ici au 1er dé janvier ; if faut délibérer demain sur la manière de trouver les 91) millions qu'il est indispensable de se procurer. Si nous ne pouvons les avoir avant la fin de l'année, il est inutile de faire une constitution.
La question se réduit à ceci :
Voulez-vous demain vous occuper du plan général, ou du besoin urgent et de la manière d'y subvenir ?
L'Assemblée délibère, et décrète qu'elle s'oc-' cupera demain des dépenses à acquitter jusqu'à la fin de l'année, et des moyens d'y pourvoir.
lève la séance à trois heures et demie après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin.
Plan de libération générale des finances proposé par M. le baron de Cernon (1). (Imprimé par ordre de l'Assemblée.)
- Messieurs, il est si pressant de faire usage des ressources qui restentà la France ; il est si important de ne pas se tromper dans le choix des moyens, les conséquences d'une erreur peuvent devenir si funestes, si irrémédiables, les résultats d'une opération mûrement réfléchie, sagement combinée et fidèlement exécutée, paraissent au contraire si avantageux, si nombreux, si prochains, si évidents, que.j'ose espérer quelque indulgence et quelque attention pour le travail que je viens soumettre à vos lumières.
Je ne perdrai pas le temps à vous démontrer la nécessité d'agir, et d'agir sur-le-champ. L'état actuel de la France, et surtout celui de la capitale, parle trop haut et trop clairement.
J'entre en matière, sans vous offrir le tableau des biens immenses dont la France serait privée si nous adoptions une marche fausse, ét que nous pouvons lui procurer très-promptement, en réalisant une idée fort simple et que je crois vraie.
On a toujours dit qu'il fallait vendre les biens du domaine et du clergé pour payer les dettes de l'Etat. Je crois, au contraire, qu'il faut et que nou3 pouvons payer les dettes de l'Etat pour vendre les biens de la couronne et du clergé, ou plutôt pour n'être pas même dans la nécessité de les vendre.
L'erreur opposée à la vérité que je veux établir a sa source dans la vieille opinion de l'importance des métaux précieux monnayés ; on croit ne pouvoir jamais se passer d'eux. On les regarde comme la réalité dont ils ne sont que le signe.. On rabattrait beaucoup de l'importance qu'on leur attache, ' si l'on voulait bien observer qu'ils ne commencent jamais à être utiles qu'au moment où on ne les a plus. Mettez une pierre à la place, elle vous vaudra tout autant, disait le bon La Fontaine à l'homme au trésor.
L'argent-monnaie n'est donc autre chose qu'un signe. Mais on peut le remplacer par d'autres signes, et par d'autres signes qui lui soient constamment préférables. Ces signes lui sont réellement préférables, lorsqu'à l'avantage d'un moindre volume, d'un moindre poids qui les rend plus propres au commerce, plus faciles à transporter, à mèttre à l'abri des accidents, ils joignent celui de représenter des valeurs réelles plus solides
encore, impbsëiblë§ à énlëvét, tbiljbii^s crôi^safîtes lorsque lèâ monhàiës né fbttt qtië dimifthèh de prix par l'accroissement même de, leur thàësë, et coiitbè iefequelïes oti pedt à fblônté échanger. Ces signés* préifêranlëîfiëiit aux înbîiîlàiëà iï'or et d'argent.
Il est possible, il e.st quelquefois utiip de sub-stituër aê cës sigiiës â l'àrgètit thêftië. L'Angleterre en ëst.iiii ëkëhiple : qiidic(uë le crédit dè s'à banque ne repose que sur un secrët, et quê cê sëcrët ne soit en définitive rien, ce crédit prouve seulement que l'ordre et la sagesse valent souvent autant et quelquefois plus qu'une richesse réelle.
Ces signes, peuvent être préférés à l'or et à l'argent quand ils sont impossibles à contrefaire,, en mêifie tëmps qu'ils he font du'Indiquer Une réalité quelconque contre laquelle on peut les échanger à chaque instant; aussi l'argent de banque d'Amsterdam vaut-il couramment plus quë là tnbhflàië:
Mais i'argënt Uë Bahdhë d'ÂriiStërdâm hé jiéut avoir cours que dand l'ërifcéititë de la ville, jjàrce que sa réalité est entassée tout entière dans lës cavés dU sëUl. hôtel de villë d'Aibsterdàm.
NoUS sërait-il donc ifhjjossible û'étâbjif ërl France des signes dë valeurs réelles, préférables aux billets de bàtiqUe d'Aiiglëtërrë, et ndêfnë â l'argent dë banque d'Ânisteraatil, ëh fcë qUë leur Circulation n'éprbiiveràit àUéUiie difficulté dàné lë roydiiitië ? Non, sans dtiutë, cela n est pas iiiijlbè-siblë; PbUi* lë dèmontrër avec là dernière évidëtiëe, il siifflt dë sàybir si là iiàtiëd possédé des Valeurs réelles biëh sûres, bietl libres, Biën fràhëheë; toujours croissantes, à pëU $rès é§âlemëîit réparties sur tout ébh tëi'Htdire, ét dont les pbhëUrs de signes représentatifs puissent së mettre sUr-lë1 champ eh pbfesëssion par de simulés àctës dë volonté.
Or, la natioil pôSède bieii eVidemthëtif bdur plusiëurS milliards dë valeurs dë fcëttë efepêcë dafië les biënâ jâdis affectés ail dblhàlné ët a l'entretien i'drt surabondant de âôti clergé. Gës Vàlëurs sont biëri frahëhës et librës de tbtitë hypothèqiië; dès tiUë. la hàtiod se cliiirgë de pourvoir ëile-inême â là splëndëhr du troné, àUfc appointements dès ministres dti btilte, à la dette dU clergé et aux dettes dës ecclésiastiques éoritraëtées aVant la destruction des ordres, à l'ëntrëtiëti dës teiiï-plës ët dëë presbytère^ àux fràis de Instruction publique et au soulagement des vrais pàhvrës. Donc la Hàtidtt pëut aês à pfédëht* ët éatiâ l'ën-tremisë d'adcUn àgeht étranger, mettre eti circh-latioii effective une itiàsëë.de signes égalé à cë§ valëiirs ou à là portioh de Cës Valeurs qU'ëllë croira dëvoif fàire entrer danà le cdfflthërce:
La nation le peut ; j'ai établi plUs haut qUë bette opération ëst aU§Si ihdispensàblë que présente, il he s'agit donc quë de^ ihoyëhs de l'ëf-féctUëh CeS moyens soiit aussi simples qUe l'idée doht ils dérivent. Voici cêux qUe je propose , ilâ se réduisent à trois qui doivent se correspëhdre et S'employer ën même tëhips :
1® Conriàltrê la véritable valeur des bieM dont la nation pëut disposer ;
2b Liquider la dette nationale ;
36 Enfin créèr ûne somme d'assignats SÀNS iStÉ-RÊTS, égale, sans plus, à la valeur des bièiih quë l'Assemblée nationale jugera à propos de mettH dans le commerce; 'céSser de ftiire fonds pdur unë sùniiiië de tentés égals à céllë que produit lie capital de cette valeur^ et rembourser ce capital en assignats, lesquels feront fonction de monnaie, en bènëùfrënëë atoet l'or et vargent) ët saM auchne différence que celles qui seront détaillées éi-aptè's,
et qui seront toutès à l'avantagé des assignais.
Si là s'ôiiimë dëS vàleUrS rêëliës rië ëuftit Jîàs pour payer tdùte la dettë, il paràit iridispeiisablë d'ObkerVër alors rdrai-ë qîii suit :
Payer d'abdm tbiite là dëttë ëriàrdè ët ëxi-gible; , ... . . .
Ensuite lë capital des rentes viagères, parce que,, c'est au secours dii morhëiit actuel fcjh'il ith-poHe lë çiluè dè tehir; et pàrcë que là §d.rilihe de cës >ebteë étant spéciàlemeht destinée a fonder lës hôliorâiPeg ët retraites du clergé, Se trodVefa ëitljjlbyée pour la triâjeUrë piaHië ëh dëpëiiéëë de inêriie nature ;
Puis les finances de toutes.les chargés, ftiài-trise§, privilèges et àutres aliënatiotts de droits ComhiUns à tousiëé ëitoyëbs, lefe Cautionnëmëiils, fonds de firiàncëS, ëtc. ;
Puis les ba pi taux dë fentës foncièrèë , suivant la nature des intérêts qu'elles proauiseht ; puis, ëhlin, les capitaux des emprUhts négociés directement avec l'étranger, s'il veut accepter nos assignats. , r | ; Poùr connaître la juste valeur des ronds sur lesquels doivent portër les assignats ,, et mettre l'acquisition de ces ronds à portée des fprtUnës les plus médiocres, il paraît nécessaire d'ordonner que dans tdus les départements il soit procédé sans délai, aussitôt après la formation des districts,, à l'état détaillé des biens nationaux ren-fermés dans leur arrondissement et a l'estimation contradictoire de ces biens.. .
Ces états devraient être faits dë manière qu.ë chaque héritage isolé, quelque peu étendu qu'il fût, formât un article à part. ' Le§ seuls héritages contigus, ou sëuleinent séparés j?ar des haies, chemins vicinaux et. fossés creusés de main d'homme, seraient compris dans un même article.
• Mais il est indispensable d'ordonner quet quàhd ies héritages contigus. formeront des objets trop considérables, ils soient divisés en articles de 10,000 livres et au-dessous.
Pour parvenir à l'estimation contradictoire de chaque article, la seule qui puisse jamais .désigner la valeur réelle» il suffit d'opposer l'intérêt particulier de chaque municipalité à l'intérêt général du département ou du district.
Les départements et districts auront intérêt à faire porter les estimations du plus haut prix; parce que la somme des contributions de toute la France, diminuera eh raison des rentes que l'on éteindra avëc la valeur dë& biens, nationaux;
On donnera aux municipalités un intérêt local et opposé en décrétant qUe le quart, ou telle autre portion de ce que les Ventes produiront par-delà le prix d'estimation* leur sera remis pour leurs besoins particuliers. Ainsi* tandis que les départements et districts chercheront à enfler l'estimation pbur faire, diminuer là masse des contributions publiquës^ les municipalités chercheront à la faire diminuer pour augmenter d'autant là part qui leur reviendra à la vente.
Le juste milieu se trouvera nécessairement etH tre les deux extrêmes. De plus, les municipalités auront Un intérêt dirëét à la bdhiië àdmlhis-tràtiort dé cës biehà eh attendant la veiite, parce qUe ce sera encore un moyën et d'attirer les acquéreurs, et dë faire monter le prix. Ainsi, l'intérêt des municipalités sera qUë les biens soient estimés fort peu* et vendus fort cher.
Pour constater parfaitement i'étertdue des propriétés nationales et assurer à jamais le gage des assignats, il est absolument^nécessaire de faite lever géoinétHqueiiient lë pian Ûë là dfrcôn-
fëïêh'ck clé chàtfbë article, ët d'en fàirë tirer quatre cbpieS. L uné restera déposée ail biireau de la tiilinibipalité ; la àëcoridè àii directoire du district;,là Irbiiièiiié a fteiiii dû dëparteihëiit et la cjùàtrièmé à la caisse de l'eltraordiriâirë. Sans dotite te trâyail dcbasibnnërâ iidë beriainë dé-pénêië, mais ilii éëtilpêut répondit de là cbiisër-vatioh dës biens natiohaiix ; ët quand on travaille pour la durée, on, ne doit jamais regretter urië dépensé d'un mdtâënt. L'âvànêe ëfi ôëfà fàite par cnàqUë munibipalit$, ëtrëmbburséë su^.ia première rëiitrêë des liilirôfâ que là caisse de réxtrà-ordinàire reril^lâcërà par dés àsSigilàtS. Ohpdtlrra régler' cëttë dépensé à une somme fixé par arpent, les plus torts articles. corbpeiiSaht les faibles, ëiï f ajoutait virigt-dnâtré livres par municipalité pour le trànspbrt de l'drperiteUr.
Mâis, quelque importante due soit cette tipër ràtiori, elle he doit pas retarder là confection fii là remise des états eétiinHtifs. Il suffira dë décréter, que les commuiiautés né cbmfhënberoni à jouir dé la diminution des impôts, que dû joiir auquel ëiies alitant fait remettre les bopies des plâns de tdli§ lës atticiës coinbris dans leur arrondissement, à là baisse dë l'extraordinaire.
Les , départements feraient imprimër ensëiilblë tdiltâ lés étàts estimatifs dë leurs districts. Cette opération ne devrait psts être pHus lp.fagtië |)bur totite la Fhîtibë qUe pour ie plds étendd des districts. Et aûs§iiot qù'eiië sérail; terminée, l'ÀS-Sëmbléë Uatibtiâle ferait imprimer et publiëf dri extrait où table dés états estimatifs des quattës-vittgt trois dépâhefàents ; cet extrait ne contiendrait que chàqUë âftibië, et son phx eri renvoyant à la page de l'état détaillé du département.
En brdbnriâiii;, ée traVail l'Assemblée adraii^ décrété .ën tiïêiiië ténias, diîé dâhs les ueiix mois, à comptët dll jbiii1 de ia sàiictibn, les créanciers publics rapporteraient iëdrs titres de créàiiees à la caisse dé rëxtrâbMinàire, pour f être vérifiés ëi liquidés sous l'inspection de commissaires, membres de l'Assemblée, et nommés par elles. Il est inutile de s'étendre sûr les formes de cette liquidation ; il suffit d'ObserVer qUë Sa durée dépendra uniqUemetit du rionibre dë commis qu'on y eiki-ploierà; et qu'ëllé peut ôtrë âbhëyéë eh moitié dë temps qu'il n'en laiidra .pour faire l'état estimatif des biens* si. l'on force les créanciers à s'approcher^ en déclarant déchus tous ceux qui n'auront pas remis leurs titres dans les deux mois après les publications nécessaires, à moins qu'il ne justifient dë lfeur àbséhce hors dU royâunië. . Gomihe il faudra fabriquer lin très-grand hpm-bfe d assignats, car je proposé, pour otër tout attrait à là fraude, et faciliter la circulation, de les faire seulement de 25, 50 ët 100 livres ; il est indispensable de commencer à les faire, en même temps qu'on travaillera à l'estimation des biens, et à la liquidation de lâ dette.
Il n'est pas impossible dë rendre la fràiidë bresquë physiquement impraticable, ën offrant des prix, considérables aux artistes, tant nationaux qu'étrangers, qui présenteraient les plus sûrs moyens d'y obvier, et en multipliant un peu les signatures de la caisse de l'extraordinaire.
il he serait fabriqué' d'dSsignats que pour là é&Uiê pHbiie à tdguell'è s'élétièiïait l'ëstirhàtioh îles biëtis, si elle d'ègalë; pâs bëllë dë toutes lës dèttës publiques, et seuiëjnent pour la somme des dettes, si l'estimation dës biens les égale ou les surpasse; en sorte qu'il ri y eût pas un seul assignat dont Id valeïtï cotïvspondunte en biens-fondsj n'existât bien bohriUe d'ans ùri point qûeltori-que du royaume.
Je. prbposërai qu'avant de déterminer la massé des biens nàtionaili, dëstitiéë à servir dë contrë-Valeur aux â$sîgtiats. dû boinniëjïçât b&r distraire une portibn destinée âii sbtilagement. de| pauvres djiné bhâqiie département oii district : ët cëttë portion Serait adiriinistrée à part, pour être employée', àb'it ëh revënii, soit en capital, suivatit les réglés cjtil sèralënt prescrites par i'Aàsemblée nationale.
Ce serait donc à l'instant où la dërijièrë de çës trois opéràtiohs Serait termiiiëe, qiie l'Assemblée décréterait qu'il he serait pilus fait dë forifls pour les rentes correspondantes au capital qu'ëiië Serait ëfi état de faire reihbbùrsër; et que i on commënbërâit à délivrer les assignats âux parties preiiântës:
Les fonds.nécessaire^ àùx bbhorâiré§ ët fetrài-tës de idiit le clërgé. seraient formés pàr lâ suppression de 100 et quëlquës ihilliôtis de rentës viagères lesquels ii'âUraient cdùté à là nàtidii qu'un milliard en assignats : b'ëSt à pëu près lâ valeur des fonds cfui né produisent rien aujourd'hui; c'ëst-à-dirë, dës maisotis d'Habitation éûp-* priniéë^ dans les villé's. La nation profiterait donë shr-lë^charilp, sùns àùciin fafhplacktriërit, dë toUs lës àiiti'ës biëhs pdrtànt rëvenus, ët ëlle jouirait, à son seul profit, des revenus de tous cës Biëhs, jusqu'à 6ë que lës porteurs d'assignats eussent jUgé à pfdpos de lës acquérir i of-, c'ëst cé qui n'aiiràlt pas liëii dë lbngteihps, au nioiris pour là mâjëurë partie, comrnë il ést aisé dë s'en convaincre. .
Au poidt où sdiit desséchés tous les canaux de là circulation pâr lë resserrëniëilt du nùhiérdirë; il est clair que là totalité, bu la riiajeùré jiartië des assignats faisant absolument fbtictidn dë moniiaie, sëràit absorbée par lës besoins et autres emplois utiles, et ne rëviëhdràit ëntre ies màiris dé ceux qui vobdraiënè lës bohvertir en biehs-fohds qu'apf-èà âvolr parbdùrû ët vivifié comme unë sëvë bienfaisante toutes les différentes ramifications de ràgricultùrë, des manufactures et du commerce, et qu'elles ii'ën sortiraient poUr dévenir moyen u'aëhât de fonds, que quand lës acttuisitibtië foiibiêrësgéraient éViuéhiment le mëilleur emploi qu'on ërt* pût faire. Or, on peut crbirë que itdfas d'en sérions pâs de si tôt a cë riëb plus iillrà de la prtispérltë.
Ainsi là nation âuHiit bieh pàyé ibdtes feëS dettes, ëh Valeurs préférables a l ârgeiit comptant ; et Cë{ieiidant elle jbuirait ëncbrë lohgtemps du rëvénu des biens dëstinéë à iéâiisër ces và-leurs.
C'est Ici que Se retrouve ën entier le double avantage de ùë point attacher d'ifcttôrêt aux assignats : premièrement, l'ébbhbmië d'Uhë dépensé non ihoiiiS considérable qu'ihtitile, Ou plutôt nuisible ; secondement, la rapidité de la circulation, objet peut-être plus ësSentiei encore que le pavement de là dëtte publiqdë:
En effet* comme tibus i'àvohs établi ën principe, jàliis haut, l'argent hé circule qhë parcé que, dans lé coUrs ordinaire des chbsës, 11 né rapporte rien tant qu'on lë garde, et qix'il faut ne l'avoir plus pour ën jouir. Ce serait donc suivre Uiië riiarciië absoldmeilt coiitràifë à sori but; que d'attribuer des intérêts à des valeurs destinées ^spécialement, pour l'intérêt direct iilî corjjs ét. des individus dë là hàtion, à pàrcoilrir la citculàtion le plus rapidement et à l'àhimër le plus longtemps pbsSible.
Si l'argent reste aujourd'hui resserré par l'effet de ià braintë, dë l'espérâtice, de là cupidité où de la ihébhancëté, parce qii'il porté avec lui sa
valeur intrinsèque quoiqu'il ne produise rien étant gardé, tous ces motifs détermineraient bien plus évidemment à resserrer des assignats, qui outre une valeur relative, égale et même supérieure à celle de l'argent, comme nous allons le démontrer, auraient encore l'avantage de rapporter un intérêt quelconque à leurs possesseurs.
On ne doit pas craindre que cette masse énorme d'assignats occasionne un-renchérissement extraordinaire dans les denrées; tout ce qui ne pourrait pas entrer utilement dans la circulation viendrait à chaque instant s'anéantir par les achats de biens nationaux.
On ne doit pas craindre non plus que leur circulation fasse disparaître ou resserrer davantage le numéraire monnayé. En effet, quand deux valeurs sont en même temps dans la circulation, la plus précieuse des deux force l'autre à se montrer, parce qu'on se défait toujours par préférence de la valeur à laquelle on attache le moins de prix. Or, il est évident qu'on préférerait les assignats à l'argent, d'abord à cause des avantages ordinaires d'un papier solide_sur la monnaie, et encore à cause des avantages particuliers que les assignats auraient sur tous les autres signes d'échange, avantages que nous allons établir et démontrer.
L'opération n'aurait plus aucune base certaine, s'il pouvait arriver que les assignats ne fussent pas anéantis à mesure qu'ils seraient réalisés par l'acquisition des fonds affectés à leur sûreté :
1° La destruction des assignats serait le seul moyen d'empêcher que leur surabondance pût amais être nuisible au commerce, en élevant le prix des denrées au-dessus de son taux naturel, taux qui doit toujours être, pour ainsi dire, la moyenne proportionnelle entre le besoin de vendre et le besoin d'acheter.
Quand les moyens d'acheter ne sont pas en équilibre avec ces deux besoins, comme il arrive lorsque le numéraire ou réel ou fictif est trop commun ou trop rare, la proportion naturelle des prix est dérangée, au grand désavantage de l'acheteur ou du vendeur. Il est donc extrêmement important qu'il existe toujours un moyen de destruction effective pour les signes d'échange, lorsqu'ils engorgent la circulation par leur surabondance, tant pour éviter le renchérissement subit des denrées, que pour empêcher l'avilissement des signes d'échange. Voilà ce qu'on ne peut pas faire avec la monnaie qui existe toujours, quelque emploi qu'on en fasse dans la circulation : voilà, au contraire, ce qui soutiendrait toujours les assignats puisqu'ils s'anéantiraient pas les achats de fonds, dès que leur inutilité se manifesterait dans le commerce par la moindre dépréciation de leur valeur comme moyen d'échange.
2° L'anéantissement des assignats, au moment même où ils seraient réalisés par des achats de fonds, répondrait au public de l'exacte proportion qui existerait toujours entre leur masse et celle des biens qui leur serviraient de base, de gage, et de dernier terme d'échange.
Ainsi, au lieu de s'avilir, ils croîtraient en valeur à mesure que la prospérité publique augmenterait celle des fonds sur lesquels ils reposeraient.
Or, pour assurer l'anéantissement des assignats au moment des ventes de leur gages, il est indispensable que le prix de ces ventes se paye toujours en assignats; c'est le moyen le plus sûr et le plus simple, ou plutôt c'est le seul moyen d'arriver à ce but car si l'on recevait le prix
des domaines nationaux en monnaie, il arriverait souvent qu'on ne trouverait pas à acheter des assignats pour les détruire, et il serait injuste de forcer un individu plutôt qu'un autre à échanger ses assignats contre de l'argent comptant, si tous préféraient leur papier à l'argent, comme cela arriverait infailliblement, par l'accroissement de valeur des terres dont ils seraient la représentation.
Je propose donc de décréter que les assignats seuls puissent, exclusivement àl'argent comptant, être reçus en payement des biens nationaux ;
Que les seuls porteurs d'assignats soient en droit de forcer la vente de ces biens dans la forme suivante (1) :
Le porteur se présenterait au directoire d'un district, y déposerait en assignats la valeur d'estimation de l'article dont il voudrait forcer la vente, et recevrait un récépissé en vertu duquel il serait en droit de poursuivre la vente de l'article, après un mois révolu.
Le district en donnerait avis au département et à la municipalité, et concurremment, comme ayant alors le même intérêt, ils feraient toutes les diligences nécessaires pour faire approcher les enchérisseurs.
Après le mois révolu, il serait procédé aux trois enchères, à huit jours d'intervalle.
Les fruits ou revenus de l'article adjugé courraient au profit du porteur de récépissé, à compter de sa date, si l'adjudication avait lieu à son profit ; mais il serait le maître de retirer ses assignats, en tout état de cause, avant l'ouverture du procès-verbal d'adjudication définitive, et le bien ne serait pas vendu.
Si le porteur de récépissé se rendait adjudicataire, les assignats seraient sur-le-champ bâton-nés en présence du public, et tout serait fini.
Si un autre porteur d'assignats se rendait adjudicataire, le porteur de récépissé retirerait les
siens, et ceux de l'acquéreur seraient bâtonnés sur-le-champ, mais il n'entrerait en jouissance que du jour de l'adjudication.
Si l'adjudication était faite argent comptant, le porteur de récépissé toucherait sur-le-champ le montant de ses assignats, ils seraient bâtonnés au même instant,et l'acquéreur entrerait en jouissance des fruits ou revenus dès le même jour.
La portion qui reviendrait à la municipalité dans le prix de la vente, par-delà le prix d'estimation, lui serait payée sans intérêts, dans le cours d'une année, en argent ou en assignats.
Mais ce qui reviendrait à la nation né pourrait être payé qu'en assignats dans le même délai, aussi sans intérêts. Les assignats seraient pareillement bâtonnés sur-le-champ.
Tous les autres assignats bâtonnés seraient déposés au directoire du département, et par lui en-, voyés à la caisse de l'extraordinaire pour y être brûlés publiquement à la fin de chaque année, et le procès-verbal de combustion ferait mention du numérote chaque assignat brûlé et. de la somme qui en resterait en circulation, et serait imprimé et affiché.
Il est donc évident que les assignats auraient sur l'argent comptant des avantages assez réels pour 1 urètre préférés dans tous les cas. Le plus considérable serait, sans contredit, celui de forcer la vente des biens nationaux. En effet, le possesseur d'argent, à quelque somme que montent ses capitaux, ne peut jamais les convertir en biënS-fondSj s'il ne-trouve en même temps, dans les propriétaires, la volonté dé les lui vendre. II faut souvent faire les plus grands sacrifices pour déterminer seulement cette volonté. Combien plus précieux que l'argent seront donc des assignats qui porteront avec eux la faculté de faire effectuer les ventes à la volonté du porteur i cet avantage augmente encore, si l'on considère la nature des biens-fonds dont les assignats auraient le pouvoir de transmettre à volonté la propriété.
Que l'on, achète un bien de famille, on redoute les privilèges, les hypothèques, les douaires, les substitutions, lés retraits, les rachats. Si l'on a fait un très-bon marché, on est quelquefois dix ans sans oser bâtir, planter, améliorer, en un mot, sans jouir avantageusement. Au contraire, si c'est un bien national qu'on acquiert, on possède dès le jour même de l'adjudication aussi pleinement, aussi sûrement qu'on pourrait le faire après 30ans.
L'avantage des assignats augmente encore par l'accroissement de valeurs dans l'objet dont seuls ils peuvent mettre en possession. 11 arrivera, dans mille circonstances, qu'un porteur d'assignats se fera adjuger une portion correspondante de biens nationaux, pour le prix ou pour un prix très-approchant de l'estimation primitive, tandis que cette portion de biens aura quelquefois doublé de valeur vénale.
Cet avantage augmentera encore par la recherche des assignats, pour payer la portion du prix d'adjudication qui excédera le taux de l'estimation primitive.
Et rappelons-nous que tous ces avantages se réaliseront toujours plus ordinairement pour les porteurs de petites sommes d'assignats que pour les riches qui voudraient en réunir de fortes sommes.
Ges.principès posés, jetons un coup d'œil sur -les heureuses conséquences qui en résultent infailliblement.
Nous aurons payé tout, ou la plus grande partie, ou la partie la plus lourde de nos dettes publiques, en valeurs préférables au numéraire effectif,
puisqu'on pourra faire avec ces valeurs tout ce qu'on ferait avec l'or et l'argent, tandis, qu'on ne pourra pas faire avec l'or èt l'argent tout ce qu'on pourra faire avec ces valeurs.
L'Assemblée nationale aura environ 200 millions dè moins à imposer, pour 1791, qu'elle n'aurait à imposer si elle ne suivait pas le plan proposé, ou tel autre semblable.
En effet, si les biens nationaux s'élèvent, comme je n'en saurais douter, à la sommé de 5 milliards, les honoraires du clergé se trouvant fondés par l'emploi d'un seul milliard affecté au remboursement des rentes viagères, il est clair que les 4 milliards restants éteindront pour à peu près 200 millions de rentes ou intérêts. Donc, là contribution publique, pour l'année prochaine, s'élèvera à 200 millions de moins, d'où resuite évidemment qu'on pourra supprimer, sans aucun remplacement, les impôts les plus désas treux.
Nous aurons anéanti pour jamais l'agiotage et tout autre genre d'influence des capitalistes sur la fortune publique. Et dans le fait, les papiers agiotâbles seront supprimés et remplacés par un numéraire aussi réel que l'or et l'argent, et qui, n'étant susceptible ni de hausse ni de baisse, ne ..saurait donner lieu à aucune spéculation. Cet heureux effet serait manqué, si l'on attribuait un intérêt quelconque aux assignats-monnaie-
En effet, les papiers agiotables ne peuvent être mieux comparés qu'à un amas de roches inégalés entre elles, de matière plus ou moins friable, de forme bizarre, anguleuse ét variée, qu'on ne peut rouler les unes sur les autres sans des efforts immenses, sans obstruer à chaque instant tous les passages qui, par la multiplicité dés mouvements forcés et des chocs irréguliers qu'elles éprouvent dans leur marche, se dissolvent plus ou moins rapidement en une poussière que les vents emportent jusqu'à ce qu'il n'en reste
glus rien. Je vous propose de leur substituer un
uide bienfaisant, propre par la ténuité, l'homogénéité et la rondeur de ses éléments, à s'insinuer partout, à pénétrer tout, et à chercher toujours son niveau. Si au lieu de ce fluide vous me donnez un sable immobile et visqueux, Comme seraient des assignats non. forcés ou portant intérêt, il ne pourra circuler qu'à l'aide d'un autre fluide ; et dans son cours, il s'amoncellera, il formera des bancs, des engorgements; le cours supérieur de vos canaux sera souvent inondé quand leurs parties basses seront à peine humectées par une filtration lente et insuffisante*.
Votre numéraire monnayé est maintenant une eau stagnante contenue dans des réservoirs élevés: leurs possesseurs profitent de la sécheresse' pour vous en vendre fort cher quelques misérables pouces, qu'ils ont l'art de repomper avant qu'elle ait pu imbiber la terre. Qu'une pluie abondante vienne former des torrents, les digues des réservoirs seront emportées, ces eaux réunies,iront enfler vos ruisseaux et vos fleuves, qui après avoir, vi vifié dans leurs cours vos plaines et vos coteaux, rouleront paisiblement vers l'Océan, et leur superflu, et le vôtre. Telle serait, Messieurs, l'influence^ du plan que je vous proposé sur les coffres-forts des capitalistes. Ils cesseraient donc d'en avoir aucune sur la marche des affaires publiques. Cet or qu'ils resserrent aujourd'hui dans l'espoir d'être avantageusement dédommagés, en un seul instant, de la non-jouissanCe de plusieurs années, ils s'empresseront de vous l'offrir au plus modique intérêt, dès que vous n'en aurez plus besoin.
|ls vpus fppt aujourd'hui la loi la plus dure: le public leur fera la loi à son tour,
iYpws aurons sur-lerchamp rétabli la circula? tion, rouvert les sqwces de toutes les dépenses et procuré dçs travyy>çç abondants à des millions de bras qui en manquent auj § proposition n'est
que la conséquence nécessaire des précédentes; mais s'il fallait la prouver, je vops observerais que l'arpentage et l'estimation çles biens, que la liquidation de là dettèV que la fabrication même des assignats, offriront, dès les premiers moments, une occppatiqn utile à un très-grand nombre de citoyens de tantes classes ; qu'il convient même aux intérêts publics et particuliers d'y employer ie plus de personnes qu'il sera possible parce que, plus tôt nous aurons terminé, pf^fgt nous serpns délivrés du poids écr^sâpt de notre dette ppblique, et enfin, parce que reiuboprsement devant ptrè iU^illibjemeht suivi d'un très-grand nombre de nouvelles acquisitions de fonds, et tout acquêt reur étant tçujoprs très-empressé dp bâtir, de planter, en uu mot, d'améliorer de tputés les manières, il arriverait plutôt que les ouvriers manqueraient fe trayaux que lès travaux aux oùyriers. Ajp'utez à ce)a J'p,isapce générale dont la réaction sur les dernières cjàsses de la société est et sers toujours incalculable.
Vou$ pouvez venir dès à présent au secours de Paris, eh faisant cesseras rej,qfiom trop désavantageuses du TrésQx pV/We avec la Caisse d'escompte, si yous foulez ordonner pppr le département de Paris seulement, et y faire exécuter à l'instant même ï'ppératipn que je propose popr le j'este de la France, Blte pept y être terminée en moins d'un mois, poiume l'opération générale peut l'être en trpis ou quatre, pourvu qu'on la suive fivec qMp
3ue activité et que cette activité séit simultanée ^s toutes }es mumpîpalités à |a fois. Il és| cer-^ tain, au m9ins,que|è département de Paris seul, offre,ep fpnds nationaux, dé qppi asgepir lepotU-brë 4'assignats suffisant poqr payer [a paisse d'psr cèmpte," et iipUS donner lie temps de respirer^
Je vous dois à cpt égard? Messieurs, une pbser-vation importante ; c'est qpp là venté effçctiye et actuelle des biens nationaux n'étant point une partie èssèntielle de ce plan, on ' peut, on d§|f içêmè, 4es à présent, cpmpreïldre dans l'estimation," ,avec les fonds présentement libres, peux qui ne lè seront que plus tard, comme les maisons 4'ijàbitofiQK reseryéës aù* religieux des deux sexes. Ça'r les assignats mon payés dpiyent trPUyer assez longtemps "Baille autres emplois plus utiles daps la circulation. Jl leur rèsterâ pilleurs une masse assez considérable de biens nationaux à acquérir 4ès à présent, à volonté, pour répondre qu'ils ne yièn^ropt pas tops en même temps forcer la vente'qe la totalité de |eUFs gages.
Il est d pilleurs tréèrimport^nt, à tous égards, 4'exêcùjer je pl^n entier, ett en même temps sur tops les Mens n^jpnan?: quelconques.
Vofts filtrez çissuré honoraire $ de votre clergé. et le patrmme mjmM pauvres. Sur la première partie, vpus ayez yp,Messieurs,que j^ai assuré cette dépepsè par {'empTol jijes'fonds qui acquittent à présent yps fentes viagères. Je vous ai montré la facilité de libérer y os rentes viagères avec un milliard de fonds qui pè produisent rien aujourd'hui. Il eh résulte donc que votre clergé ne vous coûtera rée}lemept rie#.
J'ai epcore assure le p^trimpipe jies vrqis pauvres," pn yous proposant de réserver dqjis chaque djsjrict qes fopds spécialement affectés à ce respectable e^plpi. ppnen4aidt, Messieurs, il ne serait point avantageux à la nation de réserver ces
fonds en nature, si la gomme d'assignats, que pror duiraiënt les autres biens natippaux, était insuffir santé pour acquitter toutes nos dettes publiques-Il vaudrait bien mieux ajors affecter même la part des pauvres a la création d'une plus forte somme d'assignat^ ét fonder le revpnii de^ hôpitaux sur la portion 4e rentes qiie vous auriez acquise à la nation p&r le payement d'un capital plus ppnsidérabléf
L'avantage serait évident, eu ce que la nation ne payerait pas plus 4'une manière que de l'autre, et que cependant elle continuerait à Per cer voir, au profit delà paisse de l'extraordinaire, les revenus de ces bieps, jqsqu'ft l'extinction dès gfs signats, c'est-à-dire jusqu'à la vente.
Outre l'allégement de la contribution publique qui résulterait du payement de la dette nous conserverons à la nation pendant encore une lo.ngue suite ^'années, tout o.u partie du revenu des biens qui quraifint serv\ à les. acquitter. Çette proppsition p'gjt. encore démontrée par la certitude que les assi? gnats pe se présenteront pour forcer la veqtp des biens nationaux, qu'autant qu'ils ne trouve* ront*pas d'emploi plus utile dans la circulatiou î ef par l'évidence du besoin que la circulation aurait des assignats, jusqu'à ce que ïâ prospérité de. la frappe fut parvenue à spq dernier péripde : ce qui demande encpré "près d'un siècle»
Yqus u effectueriez fa vente de§ biens nationquç^ yu à mesure que l'QpiriiQp, publique se serait formée sur cppointj Dr l'opinion publique IsJ toujppfsle résultat des intérêts évidepts de fous les individus qui CQmppseU11$ société.
Cette proposition va 4onc être portée au plus haut degré d'évidence." par lft seule exposjfion de la suivante : "
Enchaîner pour jamais à, la Constitution, par les liens indissolubles de l'intérçt perçonfie),, tant sps plus dangereux ennemis que ses plus zélés partisans.
Si, 4ai}S le problème uue je me suis donné à résoudre, il est upe partie ep apparence ipsolubje, c'ept sans contredit ppfltë proposition. Èh |)ient Messieurs,j'ose crqire que'g^f aussi celle qui vous paraîtra le plus évidemment résolue. Je vops 4e-mapde des Assignats sans)ntèrêts, subdivisés ^peu près comme pps pièces iJ'or, et faisant fijîsolu? nient fpnctjpu de mQUÙaie,' eu concurrepcp avep l'or et l'argent. Sivousm'accprflez ces trois poiqts, il e.St évident que la masseurs assignats se subr diviser^, à l'iqnni, pt qu'il S fU trouver^ oiéntôt 4aus toutes les ppcnès. Oc, yos ^ssigpâts ftûrpUl line yaleUr réelle égalp ^u moins fr ppl|e d^s jpè" taux précieux. Mais suppose? la Constitution renversée, la distinction q§S ord/es rétablie, le clergé foMnant pn prdrè pnop^foiré',' les dçn m^ihes de la cpurppne fëuus eppqpe' une inaliénables, la spuyeraipè^ de la nation méconnue, le pouvoir arbitraire ressuscité bouleversant yqtre ouvrage, ef sutjstituanf les abus? Je gaspillage, [e 4iésordre, pt la mauvaise foi au bon praire, à la régularité, à l?ex^cte "porrespqndauce que vous aurez établie ént'ré la dépense e(; la recette, il est évident que les assignats devienpeutàlin-stant des feuilles de c^ne.
Vps' p,ssign^fs serqp't dppc le cimept indestructible qui liera eqsefnble toutes Ips.parties du sp-perbe édifice que vous' aûrez construit et qui le transmettra à la postérité la plus reculée, cpmme l'ouvrage, à l(a fpis le pliis litjjë gileï)iiis4ur^ole qui soit jamais sorti dé la main des lipmmes. Comment, en effet, supposer que la Constitution puisse être rehyers^e, lorsque plusieurs milliards en assignats, répartis sur la surface du royaume,
donneront à tous les citoyens un égal intérêt à la maintenir et à la défendre ?
Saqs doute le patriotisme et toutes les autres vertus des peuples hëureux peuvent beaucoup pour le maintien d'une bonne Constitution ; mais le législateur ne dofj; fonder ses espérances que sur l'intérêt évident de chaque citoyen. 11 a tout fa|t, ettout fait pour jamais, quau4 il .a tropvé 1g moyen de rattacher à l'intérêt public, tous les intérêts pariippliprs.
Eptin, Messieurs , vous ferez participer à l'açr quisition des biens nationauçc les fapuilles les moinp aisées, dans y>ne proportion, plus jQfte encore que Içs riches. Cette proportion se trouve solidement établie subdivision de eps biens pu Articles d'un prix, très-modéré et en même temps trèsr varié , pt par l'impossibilité de faire réunir sieurs articles dans up gi^rpe proGès-verbal d'ep» chères.
J'ai démontré que l'ç,pératiqn proposée, loin pie nuire à la vente des biens-fonds pair^q^iqy/X, aur rqft l'effet nécessaire pf en qçççîlçrfirèt d'en arfiëlîQfër le débit.
Je dois à présent rassurer ceux qui, peu aq pou-rant des opération^ du çopgiperçe extérieur,' ppur-r^jépt craindre qqe les assignats-mppnpe ne nuisissent à nos relations avgç les étrangers. Je pourrais abréger, -ep opposant sjnipfemënt l'ex? emple des pays voisins qui tiennent en circulation pour plusieqfs milliards de numéraire fictif, mér^e sans contre-valeur, qui ne prohibent poiflt la sortie dp numéraire effectif, et qui n'en ont pas iflQifls eu jusqu'ici' pn avantage marqué dans leur çpm? merce avec nous qui Obvions point de numéraire fictif, et qui poussons jusqu'à la rigueur les défenses d'exporter notre numéraire ; pourquoi ? Pc(,rce qqe l'intervention du numéraire fictif maintient, dans ces pays, les capitaux | un intérêt frèfliucpup plus bas qu'il n*a jamais pu être chez nops.
Mais j'observerai à ces personnes timides, qpe je ne fais disparaître" aucune partie de nôtre numéraire effectif, qu'il reste tout entier dans le royaume, et que même je le force à reparaître dans la circulation, en faisant cesser Jes motifs de crainte ou d'espérance qui détermineraient à le resserrer; qu'à moins d'émigrations très-con-sidérables et Nullement compensées, ce qui n'est pas du tout à présumer, le numéraire ne peqt sortir de Fraricé sans y laisser un équivalent : et que, comme les étrangers né mangent pas plus ror et l'argent que nous, il faudrait bien qu'ils nous rapportassent nos métaux pour avoir pos denrées ; que les perles que nous éprouvons, sur le change n'ont d'autre causé que l'erreur qui .nous a fait jusqu'ici défendre la sortie du numéraire, comme celles dont nous nous plaignons dans le commerce en généràl, ont leur spurpè dans l'élévation des intérêts de nos capitaux et dans la non-valeur de nos matières premières; que cette non-valeur a souvent été telle, que nous étions obligés délivrer deux mesures de nos denrées pour Une mesure des denrées étrangères qup là liberté d'exportation élevait au niveau du marché général de l'Europe, tandis que les nôtres restaient fort au-dessous ; qu'ainsi, en donnant plus de latitude à nos entreprises par le bon marché des capitaux, en laissant monter nos denrées à ieur véritable prix, par là liberté des centes à l'extérieur, et en bornant le cours des changes par léli|)re transport des monnaies, nous n'éprouverons jamais aucpn désavantage dans nos relations avec l'étranger, que notre pionnaie ne sortira jamais que pour rentrer aussitôt, ou plutôt
que notre conjipefcei deviendra u^yrai commerce d'échange, 4ans lequel Vargept q'ipteryiepdra quë pour quelques instants et dans des circpnstances très-rares?
. Ne cherchons pas, avec une précision aussi pénible qu'inutile, des objectifs qui pe se présenteront peut-être pas, pu qui sont réfutés d'avance par le plan lui-mêipe. Je np ferai qu'une observation : vous avez un thermomètre sûr pour jpger ce pian, pi les capitalistes, Ie§ financiers et les agioteurs le trouvaient bon, à coup sûr il serait très-mauvais ; ayant pour principal objet de déjouer leurs menées, il sera d'aptant meilleur qu'il leur déplaira davantage.
Le plàn qiie je vous propose est renfermé dans des borpps précises ; il pe pept expé4er celles de la valeur des biens nationaux, ou la somme des dettés pubiiqijes. Il n'éxigp point une administration partlPPlière permanente, qqj ferait dépendre spp succès de l'exactitude' de chefs ou de sous-ordres répandus par toptp la France, par conséquent difficiles à surveiller, ét dont les malversations, trop possibles, mettraient en défaut la prudence du législateur ; par là, il économise une dépense perpétuelle fort considérable. Tout est absolument terminé paF la simple émission des assignats, et le premier mouvement, une fois imprimé, se perpétue"'de lui-même ppr 1-actipn journalière dp l'intérêt général combiné avec tous les intérêts particuliers, comme l'pau sortie d'une source s'écoule vers là1 mer en dépit de tous les obstacles, par sa seule tendance vers le piveau commun.
Les revenus de tout ou partie des biens nationaux assurent à la eais'se de l'extraordinaire des fonds annuels fort considérables, qui ne peuvent décroître que par l'accroissement de la prospérité publique : car la vente de ces biens s'opérera plus ou moins rapidement en raison de ce que les assignats seront plus ou moins utiles dans la circulation. Or, l'inutilité du numéraire ne se fait jamais sentir que quand la prospérité d'un Etat est devenue stationhaire; tant qu'elle suit uhe marche ascepdante, l'argent trouve toujours des emplois plus utiles que les acquisitions foncières. Il ne faut cependant adapter cette proposition qu'à un Etat d'ordre, et Von pas à un gouvernement dans lequel lés particuliers s'étudieraient à former des capitaux avec des revenus,, à mesure que le Trésor public se forcerait des revenus avec des capitaux, £ quoi se réduit, en dernière analyse, l'art tant vanté du crédit, qui n'a jamais été moins nuisible aux Etats qu'aux enfants de famille.
La caisse de Vextraordinaire pourrait done acquitter pendant très-longtemps, et sans surcharger ta nation, les indemnités, retraites, pensions ou autres dédommagements que l'Assemblée nationale jugera nécessaire, éouitable et prudent d'accorder au grand nombre d'employés de tout rang qy,e le retour à l'ordre laissera sans travail et sans ressources.
Elfe pourra encore subvenir, s'il le faut, à }'in -sufhsanèë des cént et quelques millions dé reptes autrefois viagèfes, pour acquitter les pensions des religieux et religieuses les plus âgés. Ces charges, toujours décroissantes par leuf pâture, s'accorderaient très-bien avec des revenus qu'on doit's'attendre à voir dimipuér gradueljeipent par le§ achats de quelques portions dp biens nationaux, et le surplus des ronds de cette caisse s'appliquerait ordinairement aux grandes entreprises publiques, comme ports, canaux, ponts, fortifications et autres objets çlont les travaux
peuvent sans inconvénient être suspendus pour un temps, lorsque des accidents.imprévus exigeraient impérieusement l'emploi des sommes qui seraient destinées aux grandes améliorations publiques.
Enfin il résulterait de l'exécution de ce plan, que l'Assemblée nationale aurait trouvé la France payant peut-être 1 milliard, tant en revenus qu'en frais connus ou cachés, et ne suffisant pas à ses dépenses avec cette énorme perception, et qu'elle la laisserait ne. payant probablement pas plus de 300 à 350 millions, et jouissant, en outre, de revenus extraordinaires, dont la diminution graduelle serait le sûr4 thermomètre de sa prospérité.
Sans doute, aucune conception humaine n'est exempte d'erreur; mais les immenses avantages que l'opération proposée nous assurerait, valent au moins la peine d'être mis en balance avec les inconvénients qu'une recherche scrupuleuse parviendrait à y découvrir.
PROJET DE DÉCRET.
Estimation.
Article 1er. Aussitôt après la formation des districts, il sera
procédé en même temps, dans chaque municipalité, à l'état détaillé de tous les biens
nationaux quelconques, situés dans son arrondissement.
Art. 2. Chaque héritage isolé formera un article à part; et lorsque les héritages seront contigus, il sera formé, autant que les circonstances et les localités le permettront, des articles d'environ 10,000 livres, plutôt au-dessous qu'au-dessus.
Art. 3. Le plan de la circonscription de chaque article, sera levé géométriquement, et contradic-toirement avec les propriétaires voisins, ou eux dûment appelés.
Art. 4. Une cbpie de chaque plan, ainsi levé ^en gros, sera déposée au bureau de la municipalité, une au district, une au département, et une à la caisse de l'extraordinaire.
Art. 5. Chaque article sera estimé à part et contradictoirement entre les districts et les municipalités.
Art. 6. Chaque département fera imprimer l'état détaillé et estimatif des biens nationaux, compris dans son arrondissement.
Art. 7, La caisse de l'extraordinaire fera imprimer l'extrait ou table des 83 états détaillés des départements.
Art. 8. Les états et estimations seront faits sans frais par les municipalités.
Art. 9. L'arpentage et les copies des plans seront payés par les municipalités, à raison de 1 livre par arpent et 24 livres pour le déplacement de l'arpenteur, lorsqu'il ne demeurera pas sur les lieux. Ces sommes seront prélevées sur les impositions de chaque municipalité.
Art. 10. Les états estimatifs devront être remis au département avant le Ie* de septembre. Et si quelques municipalités ne peuvent pas y joindre en même temps les copies des plans, celles qui ne les auront pas remises avant le Ier de janvier 1791, ne jouiront d'aucune diminution d impôt, pour le temps qui s'écoulera depuis le 1er de janvier, jusqu'à la remise des plans.
Art. 11. Tous les biens vacants seront affermés au plus offrant, par-devant chaque district; et les fermages, après les réparations prélevées, seront versés dans les caisses des districts à la disposition de celle de l'extraordinaire.
" Art. 12. Lorsqu'un fermier prendra plusieurs articles par un même bail» il sera fait mention expresse du prix de ferme de chaque article en particulier.
Liquidation.
Art. 1er. Dans lès deux mois, à compter de la publication du
présent, décret, tous les créanciers de l'Etat, ceux du clergé et des ecclésiastiques seront
tenus de rapporter à la caisse de l'extraordinaire, les titres de tout ce qui peut leur être
dû, excepté, les arrérages courants depuis le mois de janvier dernier.
Art. 2. Tous ceux qui n'auront pas remis leurs titres dans lë délai prescrit seront déchus de leurs prétentions, à moins qu'ils ne justifient de leur absence hors du royaume. •
Art. 3. Ne seront compris dans la présente exception que ceux qui sont absents par congé en-bonne forme.
AH. 4. Les créanciers non régnicoles auront un mois de plus pour rapporter leurs titres de créances.
Art. 5. Les créanciers non régnicoles , intéressés dans les emprunts négociés directement avec l'étranger, seront admis à faire liquider leurs titres de créances dans le délai prescrit, s'ils le jugent à propos ; mais ils n'encourront aucune déchéance, s'ils ne se présentent pas.
Art. 6. Il sera procédé, sans délai, à la liquiv dation de la dette publique, sous l'inspection de commissaires de l'Assemblée, nommés par elle.
Remboursement.
Art. 1er. il sera procédé, aussi sans délai, à la fabrication
d'une somme d'assignats égale à l'estimation des biens nationaux, ou seulement à la dette
publique, si l'estimation l'égale ou l'excède.
Art. 2. Ces assignats seront de'25, de 50 et de 100 livres seulement ; ils ne porteront aucun intérêt et ils seront reçus, en toutes circonstances, comme les autres monnaies du royaume.
Art. 3. Il est défendu à toute personne de stipuler, soit par acte public, soit par écriture privée, soit verbalement, qu'une somme quelconque sera payée soit en assignats, soit en monnaie d'or ou d'argent, et à tout juge d'ordonner l'exé- ' cution d'une pareille convention, à peine d'une amende égale à la somme offerte ou demandée en conséquence; laquelle amende sera payée par parties égales, par les juges et les notaires, et par chacune des parties lorsque la convention sera écrite; mais le défenseur ne pourra être condamné à l'amende, lorsqu'il s'agira d'une convention verbale.
Art. 4. Toute personne qui refusera un payement en monnaie d'or ou d'argent ayant cours, du en assignats, lorsque l'appoint, s'il y a lieu, lui sera offert en même temps en monnaie courante, sera punie selon la rigueur des lois portées et à porter contre ceux qui refusent'les monnaies non décriées'.
Art. 5. Il sera payé une somme de 24,000 livres à l'artiste ou aux artistes qui , au jugement de l'Académie de peinture et de sculpture, à laquelle se réuniront douze écrivains jurés, indiqueront, dans un mois, la meilleure méthode de fabriquer les assignats pour en prévenir la contrefaçon à la charge par eux de mettre le procédé couronné à exécution. Si l'Académie juge devoir réunir les procédés indiqués séparément par plusieurs articles, le prix sera partagé éntre eux, et
augmenté, s'il y a lieu, de manière que chacun d'eux ait 12,000 livres.
Art 6. Aussitôt que la somme à rembourser sera connue et que les assignats seront fabriqués, et au plus tard dès le 1er octobre prochain, il ne sera plus fait de fonds pour une somme de reDtes viagères et perpétuelles ou d'intérêts, égaie à Celle que produira le capital dont l'Assemblée ordonnera le remboursement.
Art. 7. Dès le même jour, tous les créanciers, dont les créances auront été liquidées, pourront se présenter à la caisse de l'extraordinaire, où ils seront remboursés de tout ce qui leur sera dû, soit en assignats soit en espèces d'or et d'argent indifféremment, et sans qu'ils puissent être tenus, de parfaire les appoints s'il y a lieu. |
Art. 8. Dés le Ier janvier 17Ô1, la masse générale des impositions du royaume sera diminuée de toute la somme de rentes constituées ou intérêts, qui sera anéantie par le remboursement des capitaux.
Vente de biens.
Art. Ier. Tous les assignats sont hypothéqués spécialement et
par privilège sur tous les biens nationaux généralement quelconque qui seront compris dans
les états estimatifs des 8o départements.
Art. 2. Dès le jour où la caisse aura commencé à délivrer des assignats, la vente des biens nationaux sera ouverte.
Art. 3. Toute personne, tant étrangère que re-gnicole, aura droit de forcer la vente des biens nationaux, en déposant à la caisse du district où sera situé l'article ou les articles qu'elle, voudra faire vendre, le montant de l'estimation, en assignats, et jamais en aucune autre valeur.
Art. 4. Pour éviter les accaparements et ménager aux citoyens les moids aisés, les moyens d'acquérir des biens nationaux; il ne sera jamais permis de réunir plusieurs articles des biens nationaux dans un même procès-verbal d'enchère, mais il sera fait toujours autant de ventes séparées qu'on voudra faire vendre d'articles.
Art. 5. A l'instant où les assignats seront déposés dans la caisse du district, il ^sera délivré au porteur autant de .récépissés particuliers qu'il voudra faire vendre d'articles ; et en vertu de ces récépissés, il aura droit de faire procéder, après un mois révolu, aux trois adjudications à huit jours d'intervalle.
Art. 6. Pendant ce temps, le département, le district et la municipalité feront les diligences nécessaires pour faire approcher les enchérisseurs.
Art. 7. Ayant l'ouverture du procès-verbal d'adjudication définitive ou plus tôt, le porteur de récépissé sera libre, de retirer ses assignats, et la vente n'aura plus lieu, mais la vente sera forcée dès l'ouverture du procès-verbal d'adjudication définitive.
Art. 8. Les adjudications se feront en public, par-devant le directoire du district.
Art. 9. Il ne sera payé par l'adjudicataire aucune somme par-delà le prix de l'adjudication, ni pour frais de vente, ni pour droits de mutation, ni pour droits fiscaux; et le titre de propriété lui sera délivré gratis par le directoire de district.
Art. 10. Si le porteur de récépissé se rend adjudicataire, les fruits ou revenus de l'article adjugé courront à son profit, à compter de la date du récépissé ; et les assignats déposés seront bâtonnés sur-le-champ en présence du public.
Art. 11. Si un autre porteur d'assignats se rend adjudicataire, ceux du porteur de récépissé lui seront remis, ceux de l'adjudicataire seront bâtonnés sur-le-champ, et il entrera en jouissance des revenus dès le jour de l'adjudication.
Art. 12. Le prix de l'adjudication ne pourra jamais être payé partie en assignats et partie en monnaie d'or et d'argent, sans le consentement exprès du porteur dé récépissé, et les.enchérisseurs seront tenus de lui demander son consentement avant de faire admettre leur enchère.
Art. 13. Si le porteur de récépissé consent à ne recevoir qu'une partie de ses assignats en monnaie d'or ou d'argent, l'enchèrë sera admise et payée de la manière convenue d'avance entre lui et l'enchérisseur, et le procès-verbal fera mention sur-le-champ de son consentement; et si.l'adjudication a lieu au profit de celui qui offrira de payer partie en assignats, et partie en espèces, le porteur de récépissé retirera la portion d'assignats et la portion d'espèces convenue, lesquelles l'adjudicataire sera toujours tenu de payer sur-le-champ, jusqu'à concurrence du prix d'estimation.
Art. 14. Si l'enchérisseur a intention de payer en espèces la totalité du prix d'estimation, il ne sera point tenu d'en convenir avec le porteur de récépissé. Mais au moment même de l'adjudication, quand elle aura lieu au profit du porteur d'espèces, le porteur de récépissé retirera les espèces, et les assignats déposés seront bâtonnés sur-le-champ.
Art. 15. Dans tous les cas, le prix d'estimation sera toujours payé comptant, à peine de nullité de la vente, soit en assignats, soit en espèces, et l'adjudicataire, autre que le porteur de récépissé, n'entrera en jouissance que du jour de l'adjudication.
Art. 16. Gomme il doit toujours être bâtonné sur-le-champ une somme d'assignats égale au prix d'estimation, le porteur de récépissé ne pourra jamais payer en espèces pour retirer ses assignats.
Art. 17. Si l'article est vendu au-dessus du prix de l'estimation primitive, le quart de cet excédant sera payé à la municipalité en assignats, ou espèces, dans l'espace d'un an, sansnntérêts, et la somme, provenant de ce quart, sera, par elle, employée aux besoins de la communauté.
Art. 18. Les trois autres quarts de cet excédant ne pourront jamais être payés qu'en assignats. L'acquéreur aura.de même le terme d'un an, sans intérêts, pour présenter ses assignats au directoire du district, qui les bâtonnera sur-le-champ et lui en donnera quittance.
Art. 19. L'acquéreur ne pourra ôter au fermier la jouissance de son bail, qu'en s'arrangeant avec lui de gré à gré.
Art. 20. Aussitôt après l'année expirée, si l'acquéreur n'a pas payé l'excédant du prix de son acquisition, tant au district qu'à la municipalité, celle-ci percevra les revenus à son profit, depuis le jour de l'échéance jusqu'au jour du parfait payement.
Art. 21. Le directoire de district remettra au département les assignats bâtonnés, dàns la huitaine au plus tard, et en recevra la décharge .
Art. 22. Tous les mois, le directoire du département fera tenir les assignats bâtonnés, avec la note des articles vendus, à la caisse de l'extraordinaire, qui lui enverra aussi sa. décharge.
Art. 23. A la fin de. chaque année , le caissier de l'extraordinaire fera brûler publiquement tous
les assignats bâtonnés, et le procès-verbal de combustion contenant la note des articles vendus dans l'année, les numéros des assignats brûlés, et la somme de ceux qui resteront en circulation sera imprimé et affiché.
Honoraires et pensions du. clergé
Art. 1er. Du jour où il ne sera plus fait de fonds pour payer
les rentes viagères, tous les membres du clergé , tant séculier que régulier* de l'un et de
l'autre sexecesseront de percevoir les revenus des biens dont ils jouissaient, et ils
entreront sur-le-champ en jouissance des sommes annuelles qui leur auront été attribuées par
les décrets de l'Assemblée, à quelque titre que ce soit. .
Art. 2* Il est décrété Comme article constitutionnel, que chaque ecclésiastique touchera, quartier par quartier et d'avance, le revenu qui lui aura été accordé, à quelque titre que ce soit, des premiers deniers qui seront entre les mains du receveur des impositions de la municipalité, dans l'enceinte de laquelle il sera domicilié ; que jamais ce receveur ne pourra , pour quelque cause que ce puisse être, se dessaisir d'aucuns deniers avant due les ecclésiastiques domiciliés aient touché leur quartier ; et que leurs quittances seront envoyées pour comptant à la caisse du district.
Art. 3. Tout ecclésiastique qui changera de domicile sera tenu d'en prévenir les département, district et municipalité qu'il voudra quitter, et le département, district et municipalité, dans l'enceinte desquels il aura élu son nouveau domicile, afin d'être compris dans l'état de sa nouvelle municipalité avant le 1er de janvier ; sinon il ne pourra toucher ses revenus que des mains du receveur de la municipalité qu'il, aura quittée.
Art. 4. Au moment où ce nouvel ordre de choses commencera, tous les ecclésiastiques toucheront leurs revenus des mains du receveur de la municipalité de leur domicile actuel Jusqu'à ce qu'ils en aient élu un autre dans la forme prescrite par l'article 3»
Art. 5. La même règle de payement sera suivie pour les revenus attribués aux hôpitaux, si leurs biens sont compris dans l'état estimatif des biens qui serviront de gage aUx assignats.
Art. 6. Quand les impositions d'une municipalité ne suffiront pas pour acquitter les revenus des ecclésiastiques ou hôpitaux compris dans son arrondissement* il y sera suppléé parle receveur de la municipalité la plus voisine, sur l'ordre du district, visé par le département.
Caisse de l'extraordinaire.
Art. ler. Les revenus de tous les biens nationaux qui ne seront
pas vendus, seront versés par les caisses de district dans celle de l'extraordinaire) ou
distribués sur les mandats du caissier de l'extraordinaire.
Art. 2. Aucune partie de ces revenus ne pourra être employée aux dépenses comprises dans l'état des dépenses ordinaires.
Art. 3. 11 ne pourra être attribué, sur Cette caisse, aucun revenu fixe, si Ce n'est les traitements viagers qui ne sont pas de nature à être renouvelés à la mort des titulaires.
Art. 4. Tout le surplus sera employé aux défenses imprévues, autres que celles qui ont été jusqu'ici comprises sous le même titre, dans l'état des dépenses ordinaires, et pour lesquelles il
continuera à être fait fonds sur le produit des impositions, comme par le passé ; et aux dé-, penses extrordinaires et libres, après toutefois que ces dépenses auront été ordonnées par l'Assemblée nationale* sur l'aperçu des rentrées certaines, qui sera mis sous ses yeux par le caissier de l'extraordinaire.
Art. 5. Cet aperçu sera présenté tous les trois mois, ainsi que l'état des dépenses soldées d'après lës ordres de l'Assemblée, depuis le précédent quartier.
Art. 6. Jamais il ne sera ordonné de dépense qui puisse absorber la totalité 4es rentrées comprises dans l'aperçu d'un quartier.
Art. 7. L'article premier de chaque aperçu sera toujours formé du reste net du quartier précédent.
Art. 8. Tous officiers municipaux seront per* sonnellement responsables envers la Caisse de l'extraordinaire, du revenu des biens nationaux , et envers les acquéreurs, de la quantité des fonds de même nature, compris dans les procès-verbaux d'arpentage, lorsqu'ils auront été envahis par les propriétaires limitrophes oU autrement. Et si les officiers municipaux ne peuvent pas répondre des pertes en revenus ou capitaux* la communauté entière en répondra.
- Besoins du moment
Art. 1er. La même opération qui vient d'être ordonnée pour les
biens nationaux de toute la France, sera exécutée en particulier poUr ceux du département de
Paris, dans Un mois pour tout délai.
Art. 2. La somme d'assignats qui pourra être assise sur la valeur de ces mens, sera employée à acquitter entièrement la nation envers la Caisse d'escompte, et le surplus à faire face aux besoins les plus urgents.
Art. 3. Dès l'instant où lâ Caisse d'escompte sera remboursée de ce qui lui est dû par l'Etat, elle recommencera ses payements à bureau ouvert, soit en assignats, soit en espèces.
Opinion dé M. de Laborde de Méréville (1) sur le plan proposé par le comité chargé de Vexamen dés plans de finances (2).
Messieurs, s'il était question de défendre le plan que j'avais eu l'honneur de mettre sous vos yeux, je me flatterais de résoudre les objections qui lui ont été opposéès. Je crois que je pourrais établir, d'une manière incontestable les avantages que la nation en aurait retiré dans l'avenir, et la réalité des ressources qu'il aurait offertes: aux embarras du moment. Le rétablissement du crédit
et de la circulation des espèces était le principal objet qui m'avait occupé ; je voyais l'espérance la mieux fondée d'y parvenir dans un court espace de temps, et l'introduction graduelle d'une nouvelle circulation libre devait adoucir les inconvénients de la circulation forcée. Les difficultés et les doutes qui m'ont été présentés sur cet objet n'ont nullement changé mon opinion, et je suis encore fermement persuadé qu'on eût trouyé des moyens puissants dans la reprise des opérations multipliées que nous avons vues successivement s'interrompre. Mais votre comité, réuni sur ce point à M. le ministre des finances, n'a pas été aussi convaincu que moi de la certitude et de l'étendue de ces ressources. Ils ont paru penser que le moment n'était pas propre à rétablissement d'une banque. Ils ont cru qu'une opération de cette importance exigeait, de leur part et de la vôtre* une discussion que l'état présent des affaires ne permettait pas, et ils se sont bornés à des mesures provisoires auxquelles j'ai cru qu'il était de mon devoir de m'empresser de concourir.
Mon sentiment avait été, Messieurs, efr il ne changera jamais, qu'en finances, comme en toute autre science, il est des principes consacrés par l'expérience et par une saine^héorie dont on ne saurait se départir sans courir les plus grands dangers. J'ai vu avec plaisir votre comité professer la même doctrine ; et j'ai eu moins de peine à renoncer pour le moment aux moyens que je vous avais présentés, lorsque j'ai été certain que dans ceux qu'il adopterait votre comité ménagerait autant que les circonstances pourraient le lui permettre, ces principes sacrés auxquels la prospérité d'un État et le succès de toute opération financière sont intimement liés. Indépendamment, Messieurs, de l'état du crédit et des finances qui a fait penser à votre comité qu'il était indispensable d'adopter dés mesures, extraordinaires, il est dans les personnes une sorte de convenance at d'autorité qui n'est pas moins à; consulter que celle des choses. Le succès d'une opération de ce genre ne dépend pas moins jlu zèle sincère de ceux qui doivent concourir à son exécution, que de la bonté même du plan. Dans la position où nous sommes, l'adhésion du ministre des finances, celle même dës administrateurs de la Caisse d'escompte, nous était absolument indispensable. Votre , comité a donc dû les faire entrer dans la combinaison des motifs qui l'ont conduit au parti qu'il vous propose.
Si vous daignez, Messieurs, considérer attentivement l'ensemble de ces difficultés, peut-être, loin d'adopter les critiques exagérées de quelques-uns des préopinants, seriez-vous satisfaits, qu'obligé de répondre à une multitude de circonstances si difficiles à concilier, votre comité soit parvenu à remplir tout ce que vos besoins présents exigent, sinon de la manière la plus parfaite et la plus désirable, du moins eti évitant une partie des inconvénients de ceux qui vous ont été présentés par M. le ministre aes finances et quelques membres de cette Assemblée.
En effet, Messieurs, loin d'engager la nation par un privilège pour dix, vingt ou trente années, "Comme on l'avait désiré d'abord, votre opération se réduit aujourd'hui à une simple convention, à un contrat accidentel avec la Caisse d'escompte qui, dans six mois, et peut-être avant, n'aura plus aucune liaison directe avec les affaires du gouvernement.
Loin de vous faire coûsolider pour un terme
indéfini un papier forcé, portant la garantie nationale, loin de vous proposer d'en créer un autre sous une forme différente, pour une somme de 400 millions remboursables à des époques éloignées, et sans. : hypothèques satisfaisantes, votre comité vous offre les moyens de vous débarrasser, dans un espace de temps assez rapproché, des inconvénients qui peuvent être attachés à celui que vous choisissez.
Votre comité vous indique des mesures efficaces pour donner à ce papier une valeur plus réelle, eh lui assignant une hypothèque spéciale sur des bieçs-fonds déterminés.
La Caisse d'escompte, en s'obligeant de payer à „ bureau ouvert au 1er juillet, no prend point un engagement téméraire. Elle diminuera, par tous les moyens possibles, la masse de ses billets, et fera, sans peine, les plus grands sacrifices pour les soutenir. Vous concourrez aussi, Messieurs, par un travail assidu sur les finances, au soutien ae ces billets, et il ne tient qu'à vous de diminuer encore, par l'affermissement du crédit qui commence à reparaître, les dangers inévitables de tout moyen provisoire.
Car je dois vous observer à cette occasion, Messieurs, que,: bien que le service des six premiers mots de i'année prochaine vous paraisse assuré par cet arrangement, il ne le serait cependant pas si vous négligiez de vous occuper essen-tiellenjgnt de finances, si lè calme momentané que vous allez éprouver après cette détermination vous portait à croire que votre sollicitude est moins fondée, La chose publique est en danger toutes les fois que l'ordre naturel des choses est interrompu par le dérangement des rapports ordinaires qUi la conservent. La chose publique est en danger, lorsque à l'abri d'un palliatif on néglige d'attaquer le mal dans toutes ses parties.
J'insiste donc, Messieurs, pour que vous déterminiez aujourd'hui que trois jours de la semaine seront employés dorénavant a régler les dépenses de l'annéé prochaine. Vous devez sentir combien un plus long délai sur cet objet serait préjudiciable aux intérêts qui vous sont confiés. Le déficit existe encore, et si le travail de la constitution vous avait permis de fàire l'état des dépenses de l'année prochaine, vous ne seriez peut-être pas aujourd'hui dans l'embarras qui vous afflige. Combien, ce retard est funeste- pour les peuples qui attendent devons de justes soulagements ! Combien d'objets dans les dépenses publiques dont -vous méditez la suppression ou la réduction, et que Cependant vous payez tous les jours, pour n'avoir pas eu le temps de dire que vous ne vouliez plus les payer! A combien de sacrifices ne vous oblige pas la méfiance causée par ce désordre que vous n'avez pu éviter! Hâtez-vous donc de donner promptement de nouveaux ressorts à cette machine immense dont les mouvements se sont ralentis par mille causes différentes. Ou vous l'a déjà dit, et je dois vous le répéter", c'est désormais par les finances et le crédit que vous devez rendre la constitution inattaquable. Si, malgré l'heureuse union .que la communauté d'intérêts doit établir dans toutes les parties de l'empire, on osait encore essayer de les diviser, vos ennemis attentifs pourraient trouver dans une crise violente des moyens puissants d'y pàrvenir.
Il me reste, Messieurs, à vous parler d'un amendement essentiel qui a été proposé hier par M. le duc de La Rochefoucauld : il consiste à donner, sur les biens-fonds que vous voudrez aliéner, des hypothèques spéciales : et pour rendre la vente de | ces biens plus profitable, d'en réduire la somme,
quanta présent, à celle que vous devez à la Caisse d'escompte. La vente des domaines qu'on estime à 50 millions, et celle de 120 millions de biens ecclésiastiques dont la majeure partie pourrait être prise dana le ressort du Châtelet de Paris, suffirait aux besoins du moment, et vous aurez le loisir d'apprécier, par l'expérience, l'efficacité de cette ressource.
Lors donc, Messieurs, que vous aurez décrété la vente de ces biens, et qu'un comité nommé par vous en aura fait l'état, il conviendrait que vous laissiez à la Caisse d'escompte la faculté de délivrer les billets d'achat, avec hypothèque spéciale sur tel ou tel fonds, à la demande des acheteurs ou prêteurs. Cette facilité peut rendre la négociation de ces billets infiniment rapide, et rapprocher, par conséquent, l'époque de la reprise des payements de la Caisse d'escompte.
Je ne m'étendrai pas plus longtemps,Messieurs, sur le plan que vous a présenté votre comité ; quelques objections qu'on puisse lui faire, vous devez le préférer, puisqu'il obtient l'adhésion d'un plus grand nombre de citoyens. Dans ces moments d'agitation et de. troubles, au milieu de ces combats d'intérêts et d'opinions, aucun projet, aucune mesure ne peut réussir que par une grande réunion de zèle et de volontés. Tout sentiment déplacé d'amour-propre, toute espèce de vanité attachée à une opinion particulière, doit céder au désir du succès des projets adoptés, de quelque part qu'ils viennent. C'est dans cet esprit et avec le même intérêt que j'aurais porté à la réussite du plan que j'avais eu l'honneur de vous proposer, que je me suis réuni au plan de votre comité, sur lequel je vous engage à ne pas différer votre détermination.
Opinion de M. Poignot (1), député de la ville de Paris, sur le rétablissement provisoire des finances (2).
Messieurs, quelles que soient les bases du rapport sur lequel vous aurez incessamment à prononcer, je pense qu'il sera d'autant plus digne de toute votre attention que, du plan que vous adopterez, que du plus ou moins de célérité de vos délibérations, peut dépendre ou le salut ou la perte de l'Etat.
S'il était nécessaire de remettre sous vos yeux les motifs trop réels de cette assertion, je vous dirais que votre commerce, que toutes vos manufactures sont aujourd'hui dans la plus affreuse inertie; que dans les provinces comme dans la capitale, le discrédit est porté partout à tel point que le numéraire effectif est enfoui ou tout au moins que, par des inquiétudes, sans doute exagérées, il manque absolument à la circulation; je vous dirais que par la presque cessation des
payements de la Caisse d'escompte à bureau ouvert, les effets publics sont tombés dans une sorte d'avilissement; que par la même cause toutes les villes de commerce ne trouvent plus à négocier le papier sur Paris qu'à un prix excessif; que l'étranger partageant cette défiance-, la défaveur actuelle des changes, ou suspend nos opérations, ou nous force à des sacrifices énormes qui doubleraient encore, j'ose l'attester, si vous n'y apportez le plus prompt et le plus utile secours; je vous^dirais enfin que bientôt la Caisse d'escompte pourrait n'être plus en état de convertir en écus un seul de ses effets ; et ce n'est là qu'une faible esquisse de notre position.
Je conviens avec vous, Messieurs, que quelque effrayante que soit cette position, il ne faut qu'un instant pour dissiper toutes vos inquiétudes. Je sais que celte heureuse métamorphose ne tient absolument qu'au choix du mode le plus propre à ranimer provisoirement la confiance.
Déjà vous avez tous juré de consolider la dette : on ne peut donc douter de votre volonté; des ressources immenses sont sous vos mains : vous en avez donc la possibilité, et cependant la confiance vous fuit encore... Ne vous en étonnez point, Messieurs; le peuple à peine échappé aux rigueurs de l'esclavage sous lequel il gémissait depuis si longtemps, ce peuple porté à l'égoïsme par un gouvernement toujours mobile, et trop souvent pervers; ce peuple, dis-je, justement timide et vacillant, doit hésiter à se livrer. Il faut donc lui faire connaître complètement et la grandeur de ses ressources, et la hauteur de ses destinées; mais, pour l'amener plus sûrement à cet état de conviction que vous avez droit d'attendre, ne vous y trompez pas, Messieurs, vous n'y parviendrez que par degrés. Vous en êtes réduits, permettez l'expression, à composer en quelque sorte avec lui.
C'est d'après ces réflexions, que je vais examiner si les divers moyens qu'on vous a soumis pour rappeler la confiance, sont bien propres à remplir ce but important; le devoir m'impose de le faire avec autant de courage que de franchise, et je serai fidèle à cette double obligation.
On vous a d'abord proposé, Messieurs, de faire un relevé du montant total de l'arriéré, en y comprenant même les avances de la Caisse d'escompte, pour le capital et les intérêts à 5 0/0 être remboursés par la voie du sort, dans l'espace de 20 années. Je conçois que l'auteur de cette proposition, qui d'ailleurs vous a donné tant de preuves de son zèle et de son patriotisme, a pu, porté par état à toutes les espèces de sacrifices, céder d'autant plus aisément à une erreur passagère; mais je lui demande comment il a pu se permettre d'englober dans son plan, je ne dirai pas la créance des actionnaires de la Caisse d'escompte, mais le gage sacré de leurs billets en circulation; comment il n'a pas reconnu qu'une telle disposition entraînerait bientôt les plus funestes conséquences; comment il n'a pas prévu qu'indépendamment des autres considérations, notre seul intérêt politique, nos seuls rapports avec l'étranger, s'opposeraient formellement à ce décret. Les murmures qui se sont élevés dans votre Assemblée ont trop clairement manifesté vos intentions, pour que je doive insister.
Mais ce que je ne puis passer sous le silence, c'est l'hommage non suspect, quoique tacite, rendu, dans cette occasion, et au monarque et à vos décrets. Je ne serai ici, Messieurs, que l'écho de la capitale.
Il n'est personne, tant soit peu versé dans le
cours des effets publics, qui ne soit convaincu que si l'atermoiement de 20 années eût pu obtenir quelque crédit, tel effet qui perd aujourd'hui 10 0/0 sur la place en eût perdu 25 le lendemain. Eh bienl Messieurs, si vous jetez les yeux sur le cours des effets, à l'époque de cette proposition, vous n'y trouverez pas la moindre " variation, et pourquoi ? c'est que la capitale n'a point oublié que le Roi, ce Roi qu'à si juste titre vous avez qualifié d'honnête homme et de bon citoyen, a solennellement déclaré à son avènement au trône que,f quelque énorme que fût la dette, il entendait qu'elle fût intégralement payée ; qu'à .ce prix il consentait à toutes les économies, à toutes les privations. Plusieurs de vos décrets ont ratifié cet engagement à jamais mémorable; la capitale a dû s'y confier : sa conduite dans ces moments de crise vous est, ce me semble, la preuve la plus complète qu'elle ne saura jamais s'écarter des sentiments de zèle et de respect qu'elle vous doit.
Je passe aux diverses propositions qui vous ont été faites de billets d'Etat, de billets nationaux, de papier-monnaie, et je commence par déclarer hautement que quelque dénomination que vous donniez à ces billets, quelque garantie que vous y attachiez, quelque hypothèque que vous fournissiez, lorsque vous ne les offrirez qu'en masse ; en un mot, que quels que soient vos efforts pour les accréditer, ils me paraîtront toujours insuffisants ; et si, comme je n'en doute pas, ils étaient infiniment dangereux, s'ils ne devaient qu'accroître le discrédit qui déjà nous mine sourdement par une exportation continuelle de notre numéraire à l'étranger, quels reproches n'auriez-vous pas à vous faire ? J'irai plus loin, Messieurs : je n'excepte de ia liste de ces billets, ni ceux de la banque de M. de Laborde, ni le papier forcé du premier ministre des finances, si, comme il le propose, il était porté à 240 millions. Mais, pour mettre de l'ordre dans cette discussion, je m'occuperai d'abord du plan de M. de Laborde ; et désirant ne point abuser de vos moments, je ne me permettrai que de l'effleurer.
Gomme vous, Messieurs, j'ai été frappé, lors de la lecture de ce plan, d'une foule d'idées lumineuses, de moyens économiques et sages ; et tout effrayé que j'étais intérieurement d'une création de billets de banque, je n'en ai pas moins partagé l'enthousiasme de cette Assemblée. Mais quelle a été la cause essentielle de ce premier mouvement? Un seul rayon d'espoir (nous le savons tous) reste peut-être aux ennemis du bien public : c'est celui de voir notre crédit s'anéantir. Le nouveau plan a paru propre à dissiper ce fol espoir. A l'instant les applaudissements se sont fait entendre de toutes les parties de la salle ; un vœu unanime s'est manifesté, et ce vœu était l'effet bien naturel de votre patriotisme.
Après avoir rendu un juste hommage et à la pureté des intentions de M. de Laborde, et à la grande utilité de diverses parties de son plan, j'avouerai que quelques autres ne me paraissent par exemptes de reproches.
J'y remarque d'abord qu'indépendamment de l'intérêt annuel de 6 0/0, il serait formé, par l'excédant des bénéfices, un fonds d'accumulation qui porterait l'action de 4,000 à 4,200 livres, puis à 4,400 livres, et successivement à un taux beaucoup plus considérable : d'où je conclus que le nouveau plan deviendrait bientôt l'aliment perfide, la source la plus féconde de ce désordre trop fameux, connu sous le nom d'agiotage, et qu'à tant de titres vous avez résolu de proscrire.
Mon avis est donc, dans le cas où ce plan vous paraîtrait dans la suite susceptible d'adoption, qu'il conviendrait de fixer l'intérêt annuel des actionnaires à 6 0/0, sauf à appliquer l'excédant des bénéfices à l'accroissement des fonds destinés pour votre caisse d'amortissement.
Comptable de toutes mes pensées, je dois ici, Messieurs, vous faire part d'une considération que j'ai crue de la plus haute importance. Qui vous dira que malgré vos précautions, la nouvelle banque ne deviendrait pas avec le temps le centre de toutes les espèces de crédit et de richesses ? Qui peut prévoir les dangers qu'aurait à courir la liberté publique sous une telle dictature? Qui vous garantira que les efforts mêmes d'une nouvelle convention nationale ne viendraient pas se briser contre une masse aussi imposante? J'en appellerai donc à la motion de ce citoyen aussi distingué par ses talents que par son patriotisme, M. ftœderer, et en l'appuyant, je demande formellement qu'il soit examiné si une telle banque peut convenir à notre constitution.
En admettant que cette banque, circonscrite dans tous ses rapports, ne pût acquérir l'extension que je suppose, il n'en demeure pas moins constant, selon moi, qu'une émission quelconque de ses billets, dans un moment de défiance presque universelle, ne pourrait que tendre à la chute totale du crédit, et, par une suite nécessaire, à celle de toutes vos espérances.
Un temps viendra sans doute, et ce temps n'est pas éloigné, où vous serez certains que quelles que soient vos tentatives en finances le plus entier succès devra les couronner. Mais, avant de vous livrer à une opération qui en embrassant tous vos vœux doit combler toutes les espérances, il est, ce me semble, digne de votre sagesse que vous ayez déterminé d'une manière précise la forme de l'impôt, que vous ayez établi le plus parfait équilibre entre la recette et la dépense, que vous ayez même réglé ce qui sera légitimement applicable à votre caisse d'amortissement. 11 convient encore que vous ayez organisé le pouvoir judiciaire dans toutes ses branches ; que vos assemblées municipales et provinciales, achevant de rétablir partout l'ordre et la paix, aient imprimé au peuple le respect profond qu'il doit à la loi et au Roi ; il faut, en un mot, que cette constitution que chaque jour voit s'élever et se consolider soit arrivée à cet état de perfection si justement attendu de vos soins et de vos travaux.
C'est alors, Messieurs, que l'intérêt de l'Etat et des particuliers n'étant plus qu'un seul et même intérêt, le crédit devancera nécessairement toutes les demandes que vous auriez à lui faire. C'est alors que l'opulence financière, que jamais l'impôt n'atteignit que faiblement, sera tout au moins forcée de féconder le commerce et l'agriculture; c'est alors que la nation française s'élevant, superbe de sa nouvelle splendeur, rendra les autres nations ses tributaires : eh 1 qui pourrait calculer sous combien de rapports? C'est alors enfin, et ce sera votre plus douce jouissance, c'est alors, dis-je, que fixant plus particulièrement vos regards sur la classe indigente, sur cette classe si utile et tout à la fois si nombreuse, vous pourrez lui indiquer même le moment où, versant sur elle le bonheur, vous n'aurez plus à vous occuper de sa juste reconnaissance.
Je vous l'observais tout à l'heure, Messieurs, ce moment n'est pas éloigné, mais il s'agit d'y atteindre ; et l'espace qui vous y conduit est en-
vironné d'une multitude d'écuéils. Vous jugez d'avance que, respectant les vues de ce ministre vertueux qui, à tant d'autres titres, a su fixer et mériter l'opinion publique, j'ai dû le prendre pour guide dans celles que je viens soumettre à vos lumières ; ce sera donc son plan que j'adopterai, sauf les amendements dont je vais vous rendre compte :
1° Je ne crois pas que vous deviéz convertir la Caisse d'escompte en banque nationale, bien moins encore avec un privilège de 10, 20 ou 30 années. Le temps seul peut éclairer votre décision à cet égard.
2° L'émission proposée de 240 millions dè billets de caisse, qui né seraient autre chose qu'un papier-monnaie, me paraît infiniment dan-geureuse dans ses conséquences, si l'on considère surtout que la presque cessation du payement de ces billets est une des principales causes du discrédit actuel.
36 En supposant que la Caisse fût autorisée à faire en ses billets une avance de 170 millions, je ne vois pas comment |1 serait convenable de lui payer 3 0/0 d'intérêt pour un papier dont la .. nation fournirait elle-même le gage et sè rendrait caution.
4° Dans un moment où l'Assemblée nationale a conçu l'espoir de réduire souS peu d'années l'intérêt de l'argent à 4 0/0, je suis loin de penser qu'elle pût se décider à garantir aux actions delà banque un intérêt de 6 0/0 de leur capital, sous cette faible considération que la moitié des bénéfices excédant 7 0/0 appartiendrait à l'Etat.
5°.Malgcé la proposition qui vous a été faite par i'honorable membre, % X>e Couteulx, d'inviter les municipalités des principales villes du royaume à prendre un certain nombre de nouvelles actions, dont .la création doit s'élever à 12,500, j'ai peine à mè persuader qu'on parvienne à les placer au prix de 4,000 livres, les anciennes y étant, y compris le prochain dividende, à plus de 250 livres au-dessus. Une preuve que le ministre dés finances en a lui-même fortement douté, c'est qu'il a cru devoir vous exposer les divers moyens qui peut-être décideraient les acquéreurs; mais en telle occurrence, il me semble qu'on ne peut s'abandonner à une aussi cruelle incertitude.
6° Enfin parmi les inconvénients du plan proposé, le plus grave à mes yeux , c'est qu'on ne peut même déterminer (le premier ministre en convient) l'époque à laquelle on payerait les billets à bureau ouvert. C'est aussi cet inconvénient, dont les effets m'ont paru incalculables, que je me suis surtout occupé de lever, et, si. j'en crois les assurances qui m'ont été données par quelques personnes des plus expérimentées en matière de crédit, le mode que je vais indiquer doit nécessairement y conduire. Je le proposerai donc comme un amendement essentiel au plan du ministre, et je ferai en sorte d'unir la clarté à la simplicité.
Je demanderais : 1° que l'Assemblée nationale, de concert avec le Roi, autorisât par un décret formel la Caisse d'escompte à ouvrir un emprunt de 200 millions, payables moitié en effets royaux, les mêmes que ceux indiqués pour l'emprunt de 80 millions,où, si on.croyait utile de donner plus de latitude à cette disposition, en tous autres effets sur le Roi.
2° Il serait délivré en échange par la Caisse d'escompte, et jusqu'à concurrence de ces. 200 millions, des reconnaissances motivées, remboursables par voie dû sort, au terme moyen dè 2 ans,
c'est-à-diçe dans les six derniers mois de 1791, ét lés six premiers mois de 1792, à raison d'un douzième pciitfr chaque mois, et par le fait la Caisse deviendrait- particulièrement caution de ce remboursement.
3° Chaque reconnaissance serait garnie de deux coupons, représentant chacun l'intérêt d'une année et ces coupons seraient payables,savoir : le premier au 31 décembre 1790, par ordre de numéros, de telle sorte qu'ils fussent tou3 acquittés dans le courant de janvier suivant ; le second, dans la même forme, au 31 décembre 1791, ou, si vous le jugiez plus convenable, à la même époque qu'arriverait le remboursement de la reconnaissance à laquelle il appartiendrait. Ces intérêts seraient stipulés à raison de 5 0/0 du capital; ce qui est parfaitement conforme à vos principes.-
4° Au moyen de la rentrée prochaine des 100 millions en billets de caisse ou espèces, là Caisse d'escompte'se remplirait de 90 millions qui lui sont dus au 31 décembre et qui, vous le savez, Messieurs, sont le gage sacré de la plupart de ses billets en circulation. Les 10 millions d'excédant seraient versés au Trésor national pour ses besoins les plus urgents, sauf par la Caissè d'escompte, à les répéter pour le payement des intérêts, dont il a été question ci-dessus. A l'égard de 100 millions d'effets sur le Roi, ôu ils seraient aussitôt la rentrée Complète, brûlés publiquement, ou ils demeureraient en dépôt à la Caisse d'escompte, sous son cachet, et celui de l'Assemblée nàtionale, pour n'être brûlés qu'après l'entier payement des 200 millions de reconnaissances. Vous jugez que dans les deux cas le Trésor public devrait, aux époques désignées, faire compte à la Caisse de 10 millions représentant l'intérêt des deux années des 100 millions d'effets royaux, puisqu'il en serait dégagé d'autré part, et le serait alors définitivement.
Ces dispositions,pourrait-on objecter, seraient-elles sUfnsantes pour déterminer lës prêteurs,lorsque ^l'emprunt de 80 millions, qui offrait à peu près les mêmes avantages, n'a pas réussi ?
Ici, Messieurs, en convenant avec vous que le plus grand de tous les malheurs serait d'écnouer dans ce moment, que par cette raison aucune tentative ne doit paraître indigne de votre prévoyance, je n'hésiterai pas à vous déclarer que, si vous voulez attirer graduellement la confiance, il n'est plus qu'un seul moyen: c'est de fournir des gages spéciaux, d'entasser gages sur gages, et alors il devient impossible que vous n'en soyez bientôt investis,
Je proposerais donc qu'indépendamment et du cautionnement de la Caisse d'escompte, et du dépôt des 100 millions d'effets sur le Roi, votre décret contint la délégation spéciale et la plus formelle, en faveur dës porteurs des nouvelles reconnaissances, d'une somme de 200 millions à prendre sur les fonds de ia contribution patriotique, après toutefois lë prélèvement de cëllë de 75 millions, -qui'"seraient destinés aux besoins extraordinaires de 1790.
Mais, diront encore les prêteurs, qui nous répondra que cette contribution supposée, d'après le rapport dû comité des finances, devoir être de 275 millions, et que Vous prenez pour base, s'élèvera même à 200 millions? Le temps des illusions n'est plus ; il convient de répondre net à ces prêteurs. Je voudrais donc que, pour garantie la plus constante de leurs remboursements aux époques déterminées, le même décret portât encore l'aliénation de certaines portions des biens ddmaniaux ou ecclésiastiques, tels,
par exemple, pour cette dernière partie, que les emplacements des maisons religieuses suppri-» mées, ou de tous autres immeubles non productifs; et dans le cas où suivant les déclarations qui seront incessamment faites pour la contribution patrioque, elle n'offrirait point un gage suffisant, le décret qui y aurait pourvu, autoriserait la vente de ces biens jusqu'à due concurrence, le tout au plus offrant et dernier enchérisseur, et sous la surveillance de douze membres de l'Assemblée nationale.
Je le demande maintenant, quel est le porteur d'effets suspendus qui, ne pouvant se défaire qu'à 15 ou 20 0/0 de perte, ne ferait pas les derniers efforts pour se procurer une somme équivalente et échanger le tout au pair contre les titres immeubles qui lui seraient offerts? Quel est le capitaliste qui, osant se parer du titre de citoyen, voulût que son nom ne se trouvât pas inscrit dans la nombreuse liste des amis de la patrie, je veux dire dans la liste des prêteurs, que j'estimerais devoir être rendue publique? Quel est enfin l'individu aisé, quelque défiant qu'on le suppose (car on sait que les ressources ne manquent point), qui pourrait ne pas se décider à placer dans cet emprunt, lorsqu'il aurait pour gages, et les 100 millions de l'actif réel de la Caisse d'escompte, et les 100 d'effets royaux qui y seraient déposés, et les produits de la contribution patriotique, excédant les 75 millions nécessaires pour le service de l'année prochaine, lorsqu'en un mot il aurait privilège spécial sur tels ou tels immeubles, dont la vente serait décrétée ?
Si l'on doutait encore de l'efficacité de ces moyens, j'avoue qu'une émission modérée des billets de la Caisse d'escompte qui, comme l'observe le premier ministre, jouissent déjà d'un crédit d'habitude, serait peut-être notre seule ressource, en l'appuyant sur une création de nouvelles actions ; et dans ce cas, prorogation nécessaire de l'arrêt de suspension au moins pour quelques mois.
Il me reste à examiner l'emprunt proposé, soit dans-ses rapports avec la Caisse d'escompte, soit dans'ses résultats pour la chose publique; et c'est à quoi je vais procéder.
Au 31 de ce mois, la nation devra aux actionnaires de la Caisse d'escompte 90 millions. Au lieu de les leur rembourser, ce qui ne pourrait s'effectuer, au moins pour le moment, qu'en papier-monnaie quelconque, la nation attendrait encore du zèle de ces mêmes actionnaires qu'Us consentissent à ouvrir pour son compte un emprunt de 200 millions, dont ils se rendraient subsidiairement caution.
A Dieu ne plaise, Messieurs, que je prétende élever ici le plus léger doute sur le dévouement total que vous ont manifesté si hautement les actionnaires de la Caisse d'escompte, dans leur adresse du 20 novembre dernier ! Mais je soutiens qu'à part ce dévouement, leur intérêt seul, et, j'ose le dire, leur intérêt le plus pressant, les porterait nécessairement à voter pour cette opération.
Que pourraient, en effet, se dire à eux-mêmes les actionnaires de la Caisse d'escompte? Il nous est dû 90 millions, qui peut-être nous seraient rentrés bien difficilement; et voilà que, par les mesures les plus douces, nous devenons certains de les recevoir dans un court délai, soit en espèces, soit en nos propres billets. Dans l'un et dans l'autre cas, à peine les premiers versements se seront faits dans notre caisse, à peine on ju-
gera de la possibilité du payement de nos billets à bureau ouvert, que nous serons les maîtres d'y satisfaire. (Et qui ne connaît à cet égard l'empire de l'opinion?) Dès lors notre établissement reprend son ancienne vigueur ; dès lors, et c'est l'objet de tous nos vœux, cesse cet arrêt de suspension, qui nous a occasionné tant de sollicitude.
Il est vrai, pourraien t se dire encore les actionnaires de la Caisse d'escompte, que nous serions caution de 200 millions de reconnaissances par nous délivrées ; mais le décret qui nous y auto-, riserait nous offrirait l'hypothèque la plus inviolable; le dépôt en nos mains des 100 millions d'effets royaux nous en serait, au besoin, le supplément; et, de plus, ces 100 millions étant rendus à la circulation par le placement si facile de nos reconnaissances, le cours des effets publics et ceux des changes reprenant la faveur qui leur est due, le numéraire étant forcé de reparaître, la confiance enfin se rétablissant par degrés, jusqu'où ne s'élèverait pas alors la contribution patriotique !
Qu'il me soit permis, Messieurs, de vous soumettre une dernière considération : il n'est, ce me semble, aucun obstacle, l'Assemblée nationale étant permanente, à ce que la Caisse d'escompte devienne, sous votre surveillance, ou le receveur particulier que vous indique M. Necker, ou le caissier général qui vous est proposé par M. de Laborde. Je ne vois pas plus d'inconvénient à ce que les dépôts judiciaires y soient incontinent versés (1) ; et si, comme je le pense, la réunion de ces diverses ressources mettait incessamment à jour le payement des rentes de l'Hôtel de Ville, de combien d'avantages ne serait pas suivie cette nouvelle disposition !
Je n'en ai jamais douté, Messieurs, sous un Roi juste et bienfaisant, sous un ministre sage, toutes les espèces de biens vous seront possibles. Heureux mille fois si j'ai pu vous offrir quelques moyens d'y concourir !
La plupart des articles du décret que j'aurais à vous proposer se trouvant développés dans le cours de mon opinion, il m'a paru inutile de vous les rappeler ici; j'ajouterai seulement avec M. l'évêque d'Autun que toute question sur l'établissement d'une banque me paraît devoir être ajournée ; avec M. Anson, qu'en cas d'admission d'un papier quelconque, les billets de la Caisse d'escompte me paraissent préférables à tous autres; enfin, avec M. d'Eymar, que, quel que soit le parti à prendre sur les finances, vos délibérations doivent être suivies sans interruption, et malgré l'ordre du jour.
Nota. — Le procès du prince de Lambesc, l'un des premiers qu'instruisit le Châtelet, en
1789, attira vivement rattentionpublique. Nous croyons devoir à ce titre, lui donner place
dans les Archives parlementaires, en reproduisant les articles de l'instruction jusqu'au
PROCÈS DU PRINCE DE LAMBESC.
PREMIÈRE PIÈCE.
assemblée des représentants de la commune de paris.
àrrêtè de l'assemblée des réprésentants de la Com-mune de Paris concernant la dénonciation de M. le prince de Lambesc et autres, accusés du crime de lèse-nation.
Du- mercredi
L'assemblée, convaincue que dans un gouvernement libre il n'est personne qui puisse se soustraire à l'empire de la loi ; que si ce. principe est vrai pour les actions privées des citoyens, il l'est encore davantage pour tout ce qui* concerne l'ordre public ; que, par la même raison que la loi protège tous les individus, quelque rang qu'ils occupent dans la société, elle doit également, s'ils deviennent coupables, les punir, sans égard pour leur naissance, leurs dignités, leurs richesses ; qu'autant les citoyens généreux, qui ont concouru à briser nos fers sont dignes d'éloges et méritent une reconnaissance sans bornes, autant les hommes pervers qui, par leurs conseils, leurs projets, leurs actions se sont opposés ou s'opposent encore à la régénération ae la France, doivent être dévoués à l'indignation publique et livrés au glaive vengeur dé la justice.
Considérant que si ces hommes, coupables du plus grand des crimes, celui de lèse-nation, n'ont été ni poursuivis juridiquement, ni punis légalement, c'est que la nature de leur crime exigeait la création d'un tribunal qui n'existait point parmi nous ; que le tribunal que les représentants de la Commune.sollicitent depuis si longtemps et avec tant d'empressement est enfin accordé à leurs vœux et a ceux de toute la nation ; que déjà l'assemblée des représentants de la Commune a autorisé le commandant général de la garde nationale parisienne à prendre les mesures nécessaires pour que le sieur de Bésenval soit incessamment soumis à ce tribunal; mais qu'elle ne doit pas borner à ce prisonnier sa sollicitude, son zèle et son activité ; qu'il en est encore d'autres qui sont ou détenus ou fugitifs; que la nécessité des circonstances n'ayant que trop fait différer la punition de ceux qui sont coupables ët la justification de ceux qui sont innocents, et j que ces circonstances ayant cessé, il n'y a pas un instant à perdre pour procéder à une instruction qui produira le double effet et de venger, par la loi, la nation trahie, et de rassurer la France en faisant connaître les projets formés contre sa liberté, leurs auteurs, fauteurs, complices et adhérents;
Par toutes ces considérations, l'assemblée a unanimement arrêté que le procureur-syndic de ia Commune et ses adjoints seront spécialement chargés de dénoncer au tribunal nommé par l'Assemblée nationale , pour juger les prévenus de crime de lèse-nation, tous ceux qui, selon la notoriété publique, sont accusés de ce crime, ainsi que leurs complices, fauteurs ou adhérents, et d'y dénoncer notamment le prince de Lambesc, accusé d'être entré violemment, à la tête d'une troupe armée, dans les jardins des Tuiléries, le 12 juillet dernier, et de s'y être rendu coupable d'un assassinat sur la personne d'un citoyen qui s'y promenait paisiblement et sans armes ;
En conséquence, enjoint au procureur-syndic de la Commune et à ses adjoints de développer à cet égard toute l'étendue de leur ministère, tant par rapport aux fugitifs qu'à ceux qui sont actuellement détenus, ou le seront par la suite, à raison du crime de lèse-nation ou de tous autres délits publics ; leur enjoint aussi de se faire délivrer par les greffiers, concierges des différentes prisons les écrous des prévenus de ces crimes ou délits pour en accélérer le jugement ;
Ët sera le présent arrêté envoyé aux soixante districts, publié et affiché.
Signé
Railly,
Rlondel,
De la Vigne,
Marchais,
Bertolio,
vlgée.
Maire.
Présidents.
Secrétaires.
SECONDE PIÈCE.
A M. le prévôt de Paris, M. le lieutenant civil, M. le lieutenant criminel, MM. les lieutenants particuliers, et MM. tenant le Châtelet et siège présidial de Paris.
Vous remontre le procureur du Roi, que par les lettres patentes de Sa Majesté données à Paris le 25 octobre dernier, portant sanction du décret de l'Assemblée nationale, du 21 du même mois, lesdites lettres patentes dûment enregistrées au greffe de la compagnie, vous êtes autorisés, Messieurs, conformément audit décret, à juger en dernier ressort les prévenus et accusés ae crime de lèse-nation : Que l'assemblée des représentants de la Commune de Paris, suivant son procès-verbal du 27 duditmois d'octobre, dont un extrait, signé : Bertolioj secrétaire, a été communiqué audit procureur du Roi, a unanimement arrêté que le procureur-syndic de la Commune et ses adjoints seront spécialement chargés de vous dénoncer, Messieurs, tous ceux qui, selon la notoriété publique, sont accusés deà crimes de lèse-nation, ainsi que leurs complices, fauteurs ou adhérents, et de vous dénoncer notamment le prince de Lambesc, accusé d'être entré violemment, à la tête d'une troupe armée, dans le Jardins des Tuileries, le 12 juillet dernier, et de s'y être rendu coupable d'un assassinat sur la personne d'un citoyen qui s'y promenait paisiblement et sans armes. Qu'en exécution de l'arrêté de la Commune de Paris, ci-dessus énoncé, le procureur-syndic de ladite Commune est comparu par devant ledit procureur du Roi, en son cabinet au Châtelet de Paris, le 30 dudit mois dernier, suivant le procès-verbal du même jour, joint au présent réquisitoire, et a dénoncé auditprocureur
du Roi, et à Messieurs, ceux qui, selon la notoriété publique, sont accusés du crime de lèse-nation, leurs complices, fauteurs et adhérents, les auteurs, machinateurs, et fauteurs de tous complots contre la liberté de la nation, laquelle dénonciation, s'étend tant sur ceux qui sont fugitifs, que sur ceux qui sont actuellement détenus ou qui seront arrêtés par la suite, et a, ledit sieur procureur syndic, dénoncé notamment le prince de Lambesc, accusé d'être entré violemment, à la tête d'une tpoupe armée dans le jardin des Tuileries, le 12 juillet dernier, et de s'y être rendu coupable d'un assassinat sur la personne d'un citoyen qui s'y promenait paisiblement et sans armes.
Dans ces circonstances, ledit procureur du Roi estime qu'il est de son devoir et de son ministère de se pourvoir aux tins ci-après. A ces causes, requiert lui être donné acte de la plainte qu'il rend des faits imputés au prince de Lambesc, mentionnés tant à l'arrêté des représentants de la Commune de Paris, du 27 octobre dernier, et en la dénonciation du procureur-syndic de la Commune, du 30 du même mois, qu'au présent réquisitoire; en conséquence, être ordonné qu'il en sera informé, circonstances et dépendances, par devers celui de MM. qui sera nommé à cet effet par la compagnie, en présence de deux adjoints, conformément aux lettres patentes du Roi, du mois d'octobre dernier, portant sanction des décrets de l'Assemblée nationale des 8 et 9 du même mois, lequel commissaire par vous nommé sera autorisé à se transporter avec lesdits adjoints, si besoin est, en la demeure, d'aucuns témoins qui seraient retenus chez eux pour cause de maladie ou blessures, à l'effet de recevoir leurs dépositions, comme aussi requiert les particuliers blessés dans le jardin des Tuileries, le 12 juillet dernier, soit par le prince de Lambesc personnellement, soit par les gens armés qui l'accompagnaient, et leurs chevaux, être vus et visités par les médecins et chirurgiens du Ghâtelet, à l'effet de constater la cause et l'état actuel de leurs blessures, pour le tout fait et communiqué audit procureur du Roi, être par lui requis, et par vous, Messieurs, ordonné ce qu'il appartiendra ; et vous ferez justice.
Signé : De Flandre de Brunvjlle.
Au bas est l'ordonnance qui donne acte au procureur du Roi de la plainte, permet d'informer, et nomme M. Millon, conseiller au Ghâtelet, pour rapporteur.
Cette ordonnance est signée de M. Talon, et des adjoints, le 3 novembre 1789.
TROISIÈME PIÈCE.
information.
Procès-verbal d'information, faite au Ghâtelet de Paris, par M. Millon, conseilier ;
A la requête du procureur du Roi, demandeur et accusateur;
En présence des sieurs de Sage et Gabult, adjoints;
Contre M. le prince de Lambesc, au sujet des faits à lui imputés, énoncés au réquisitoire du dit procureur du Roi;
En exécution du jugement du 3 novembre 1789.
Dudit jour
En la maison du sieur Tricot, chez lequel on
s'est transporté, attendu son état de maladie.
Premier témoin.
Le sieur Tricot'(I) (le juge s'y est transporté),
Dépose que le dimanche, 12 juillet dernier, étant au Palais-Royal, sur les 6 n. 1/2 -7 heures du soir, il suivit une multitude de gens qui se rendaient aux Champs-Elysées, où l'on disait qu'il y avait des troupes; qu'ayant traversé avec plusieurs autres personnes les Tuileries, et parvenu au pont tournant, il avait aperçu une troupe de hussards et de dragons, qui étaient en ordre de bataille, mais tranquilles, ne faisant aucune menace, ni maltraitant personne; que sur les 8 h. 1/4 un particulier, qu'il ne connaît pas, mais que tout le monde a dit être M. le prince de Lambesc, est entré à cheval dans les Tuileries, par le pont tournant, le sabre à la main ; après qu'il a été fait une décharge de mousqueterie par la troupe qui le suivait, lui déposant a vu ledit particulier, qu'on lui a assuré être le prince de Lambesc, porter un coup de sabre sur la tête d'un particulier, vêtu de bleu ou de brun, autant que la distance à laquelle il était et l'obscurité lui ont permis de distinguer, lequel est tombé par terre sur le coup; et comme lui déposant se trouvait dans la ligne de la course du cheval de M. le prince de Lambesc, dont il était peu éloigné, soit pour éviter d'être foulé aux pieds des chevaux, soit pour ne pas être sabré comme le particulier qu'il avait vu tomber sur le coup à lui porté par M. le prince de Lambesc, il voulut se ranger dans des pierres qui étaient dans la place Louis XV, et à cet effet il voulut franchir une barrière, et par l'événement, il tomba et se démit la cuisse; en conséquence, il resta sur la place, et fut relevé par la garde de Paris, qui le ramena chez lui sur une civière; qu'avant été assez malheureux pour que sa cuisse fût mal remise, il n'a pu se relever de son lit, et qu'il est condamné à rester estropié le reste de ses jours ; que lors de sa chute il a été blessé à l'estomac, ce qui le fait souffrir des douleurs.
Le
Deuxième témoin.
Le sieur Jean-Louis Desmottes (2), aide de camp de M. de La Fayette, âgé de 31 ans, demeurant rue de Bourbon, hôtel de La Fayette,
A déposé que le dimanche 12 juillet dernier, sur les 5 heures, 1/2 6 heures du soir, étant sur la terrasse, des Tuileries, faisant face à la place de Louis XV, il a vu arriver, sur ladite place, un détachement de hussards, un détachement de Royal-Cravate, un autre de chasseurs à cheval, chaque détachement composé d'environ cent maîtres; qu'une demi-heure après, lui déposant est descendu de la terrasse pour se rendre aux Champs-Elysées parla place LouisXV, qu'étant à l'entrée des Champs-Elysées, il a entendu une décharge de mousqueterie; que revenant sur ses pas pour s'assurer de ce que c'était, il a entendu dire de toutes parts qu'un détachement de Royal-Allemand était entré dans les Tuileries avec M. le prince de Lambesc; que ce même détachement avait tiré des coups de feu, qu'il venait d'entendre, et on disait aussi qu'il y avait eu plusieurs coups de sabre donnés.
Troisième témoin.
David-Etienne Rouillé de l'Etang (1), secrétaire du Roi, âgé de 59 ans, demeurant place de Louis XV.
A déposé que sur les 8 heures du soir, du 12 juillet dernier, autant qu'il peut se rappeler, étant à la fenêtre d'une maison de la rue Royale,
11 a vu passer des corps de troupes à cheval dans la rue, se portant à la plaee Louis XV: que s'étant rendu aux Tuileries sur la terrasse, du côté de la Renommée, il a vu et entendu tirer des coups de pistolet, qui lui ont paru tirés en l'air, ainsi que des pierres lancées en l'air par la multitude, et les cavaliers courant au galop"; qu'il a également vu apporter auprès du bassin un soldat aux gardes, que l'on a d'abord dit tué d'un coup de feu, et ensuite blessé d'un coup de pied de cheval ; qu'il ignore si M. le prince de Lambesc était du nombre des cavaliers qu'il a vus courir, ne le connaissant pas; qu'étant retourné à la même croisée de la rue Royale, il a vu une troupe de cavalerie rangée près du pont tournant,- qu'un moment après il avait cru voir, autant que la distance pouvait le lui permettre, cette même troupe entrer dans les Tuileries et en ressortir quelque temps après.
Quatrième témoin.
Raphaël Carle (2), commandant de bataillon du district des Barnabites, demeurant place Dauphine,
A déposé qu'étant allé au Palais le dimanche
12 juillet dernier, il avait entendu dire qu'il y avait de la cavalerie dans la place de Louis XV; il s'y est porté pour s'assurer du fait; qu'arrivé au pont tournant, il a vu des cavaliers courant bride abattue, entrer dans le jardin des Tuileries,
les uns le sabre à la main, les autres tirant des coups de pistolet sur les personnes qui rentraient de la promenade des Champs-Elysées par les Tuileries; qu'il ne peut dire si ces pistolets étaient chargés à balle, n'ayant vu personne de blessé; mais qu'il a vu distinctement l'un des cavaliers, qu'à raison de la distinction de son uniforme, il a appris être M. le prince de Lambesc, porter un coup de sabre sur la tête d'un particulier qui ne faisait aucun mouvement, qui avait le visage tourné du côté du fossé et les mains appuyées sur la rampe, a l'un des angles du pont tournant à droite, et que d'ailleurs il a vu le dit prince de Lambesc courir de côté et d'autre, ainsi que ses cavaliers, sur le monde, tirant des coups de pistolets et sabrant de toutes parts, et que lui déposant regarde comme un miracle d'être échappé au danger qu'il a couru, ayant été environ pendant quinze minutes environné de cinquante cavaliers, tant venant du côté de la place que de l'intérieur des Tuileries.
Cinquième témoin.
Jean-Louis Chauvel (lh maître ès arts, demeurant passage des Chartreux,
Lequel a déposé que, revenant de se promener du bois de Boulogne, le 12 juillet dernier, il a traversé la place de Louis XV, où il n'a vu personne ni aucun mouvement ; que, parvenu au pont tournant, il a traversé seul, au moment où il a aperçu une troupe de cavaliers qui revenaient au grand galop ; qu'alors, et pour n'être pas écrasé et renversé par les chevaux, il s'est rangé sur la gauche du pont tournant en entrant, et que c'est dans ce moment que l'un de ces cavaliers lui a porté un coup de sabre sur la tête, qui a percé son chapeau, qu'il a représenté et sur lequel il a été observé une coupure de 23 lignes de longueur, et l'a blessé sur le sommet de la tête, ainsi qu'il est apparu de la cicatrice en résultant qu'il a fait voir, qui est de 21 lignes de longueur; qu'il n'a pu voir ni distinguer le cavalier qui lui a porté ce coup, attendu que le sang qui lui coulait de sa plaie sur les yeux et sur le visage ne le lui permettait pas, et qu'il ne peut rendre compte de ce qui s'est passé de surplus, s'étant reposé sur la banquette de l'un des enfoncements de la terrasse; qu'il s'est attroupé près de lui plusieurs personnes, qui l'ont d'abord Conduit au Palais-Royal, et de là chez lui, où il s'est fait panser par son chirurgien, et a été rétabli au bout d'environ quinze jours.
Du
Sixième témoin.
Antoine Boivin, maréchal des logis du régiment de Bourbon,demeurant marché Saint-Jean, hôtel de Chelles,
Dépose quei se promenant au Palais-Royal, le dimanche 12 juillet, y ayant entendu dire qu'il y avait du tumulte et des troupes qui se portaient sur le monde dans la place de Louis XV, et même dans les Tuileries, il a suivi une multitude de personnes qui se sont portées audit jardin des Tuileries, pour s'assurer de ce qui se passait ; qu'arrivé au pont tournant, et s'étant retiré dans l'une des èmbrasures de la terrasse, à gauche en sortant, i! a vu arriver le corps commandé par
M. le prince de Lambesc, formé par trois, entrer dans les Tuileries par le pont tournant au trot, et ensuite se former par escadron, dans l'esplanade qui précède le grand bassin, et se répandre dans le fer à cheval qui environne le grand bassin ; qu'il a vu les cavaliers tirer des coups de pistolet en l'air; qu'il ne peut douter qu'ils ne fussent chargés à balle, attendu le sifflement qu'il a entendu dans les feuilles ; que quelque temps après, les mêmes cavaliers revenant au galop, pour ressortir des Tuileries par le pont tournant, il a vu l'un des deux officiers qui commandaient la troupe et à la droite, au coin du pont tournant, porter un coup de sabre sur la tête d'un homme qui cherchait à s'échapper, dont le chapeau est tombé par terre ; l'homme est disparu à ses yeux, et il l'a cru tombé dans le fossé; qu'il était alors 8 à 9 heures du soir ; qu'il s'est retiré, étant très-effrayé, et qu'il a entendu dire sur la terrasse que c'était le prince de Lambesc qui avait porté ce coup de sabre audit particulier.
Septième témoin.
SieUr Jean Devaine, receveur général des finances, demeurant rue Royale, place de Louis XV, A déposé ne pouvoir rendre compte du fait dont il s'agit, attendu que le dimanche 12 juillet dernier, il est sorti de Paris sur les 5 heures 1/2 du soir , pour se rendre à Neuilly , d'où il n'est revenu qu'à minuit ; qu'en traversant l'allée des Champs-Elysées, il a vu des troupes de suisses rangées en ordre de bataille ; qu'à son retour chez lui, il lui a été dit que M. le prince de Lambesc, à la tête de sa troupe, était entré dans les Tuileries et avait tué un homme.
Huitième témoin.
Claude Héroquelle, valet de chambre de M. l'abbé d'Espagnac, demeurant rue d'Anjou, faubourg Saint-Honoré,
A déposé que le dimanche, 12 juillet, sur les 8 heures 1/4 du soir, ayant été se promener avec sa filleule au Champ-de-Mars, il s'aperçut que les suisses prenaient leurs armes; il passa la rivière au bac, en face des Invalides, et traversant la place de Louis XV, dans laquelle il vit des cavaliers de Royal-Cravate, Royal-Allemand, de hussards et dragons qui arrivaient du côté de la rue Royale, armés, et le sabre à la main; qu'arrivé avec la jeune personne qu'il accompagnait à quinze pas du pont tournant, il a aperçu des cavaliers de Royal-Allemand, venant par derrière lui au galop, à la tête desquels était un commandant, qu'on lui a dit être le prince de Lambesc ; qu'il s'écarta sur la droite le plus promptemeut possible, s'échappa à travers les pierres avec ladite personne; qu'il entendit une décharge de mous-queterie à l'entrée du jardin des Tuileries, et que lui se détermina à rentrer le plus tôt possible, et qu'il ne peut dire si c'est M. le prince de Lambesc, qui commandait cette troupe, ne le connaissant pas.
Neuvième témoin.
Pierre-Jérôme Brayond, suisse de M. le duc de Rohan-Chabot, demeurant en son hôtel,
A déposé qu'étant venu aux Tuileries sur les 8 heures 1/4, le 12 juillet dernier, il les a traversées et s'est rendu par le pont tournant à la place de Louis XV, où il a vu des escadrons
de Royal-Cravate et des hussards, dont les officiers, causaient avec le peuple qui les approchait et l'exhortaient à se retirer; que dans l'intention de passer l'eau pour aller au faubourg Saint-Germain, il; avait pris le parapet qui règne le long des fossés des Tuileries ; qu'il avait Fait environ cinq ou six pas sur ce parapet, que le bruit d'une troupe à cheval: de Royal-Allemand en entrant au galop par le pont tournant dans les Tuileries le fit se retourner ; qu'il aperçut un officier qui la commandait, qu'on lui avait dit être M. le prince de Lambesc, et qu'il a entendu une décharge d'artillerie, dont il a vu le feu, et qui lui a paru tirée en l'air; qu'elle fit quelque évolution qu'il n'a pu voir distinctement; que, très-peu après, la même troupe revenant pour sortir des Tuileries par le pont tournant, ilj a vu bien distinctement le cavalier qui paraissait la commander, piquer son cheval et se détacher de sa troupe; lequel, en rencontrant au coin du pont tournant un petit homme, il lui porta un coup de sabre; la longueur d'environ cent pas dont il était de cette scène ne lui a pas permis d'en savoir davantage, joint à l'obscurité qui commençait.
Dixième témoin.
Pierre Contât, portier des Tuileries au pont tournant du côté de la Renommée,
A déposé, que le dimanche, 12 juillet, sur les 8 heures du soir, il y avait dans la place de Louis XV des cavaliers de Royal-Cravate, hussards et dragons en ordre de bataille, auxquels il a vu jeter quelques pierres par des particuliers, auxquels ces cavaliers ont répondu par quelques coups de feu; qu'à cet instant, craignant pour lui-même, sa famille et ses garçons, ils sont tous rentrés dans son logement, dont il a fermé les portes; il est vrai que par une des fenêtres de son logement, il a vu un escadron de Royal-Allemand entrer au galop dans le jardin des Tuileries par le pont tournant; qu'il a entendu une décharge de mousqueterie; qu'il ne peut dire si l'officier qui commandait cet escadron était M. le prince de Lambesc, n'ayant pu le distinguer, et qu'il n'a pu voir ce qui s'est passé à l'entrée du pont.
Onzième témoin.
Jean-Baptiste Haudebourg, marchand de vin aux Tuileries, au passage du pont tournant, à droite du côté de Mercure,
A déposé, que sur les 8 heures du soir, le dimanche 12 juillet dernier, effrayé par les divers mouvements des troupes en ordre de bataille dans la place de Louis XV, il a cru sage de se retirer, lui et tout son mônde, dans l'intérieur de son logement, dont il a fermé les portes; que d'une fenêtre de son logement il a vu arriver un escadron de Royal-Allemand, entrant au galop dans les Tuileries par le pont tournant; que, quoiqu'il connaisse parfaitement M. le prince de Lambesc, il ne peut assurer cependant si c'était lui qui était à la tête de sa troupe, la rapidité de cette course ne lui ayant pas permis de le distinguer; qu'au moment de l'entrée de cet escadron, qui s'est répandu dans l'étendue du fer à cheval, il a entendu diverses décharges de mousqueterie; que peu de têmps après, le même escadron revenant J sur ses pas pour sortir du jardin par le pont tournant, il a vu l'un des cavaliers, qu'il n'a pas pu pareillement distinguer, porter un coup de sabre sur la tête d'un particulier sans armes, qui était
entre V angle du pont et le logement de lui déposant; que, n'étant pas sorti de chez lui, et ce particulier ne s'y étant pas présenté, il ne sait rien de ce qui s'est passé dès ce moment.
Douzième témoin.
Jean-Denis Bertrand, coiffeur de femmes, et soldat de la garde nationale, district des Feuillants, demeurant rue du Doyenné, n° 24 , % (
A déposé qu'étant entré aux Tuileries, «par la porte du côté du manège, pour aller chercher sa femme et ses enfants, vers les 8 heures du soir, le 12 juillet dernier, il a aperçu une foule de peuple à l'entrée de la terrasse des Feuillants, qui environnait un particulier qu'il apprit de tout le monde avoir été, blessé d'un coup de.' sabr$ à lui porté par M. le prince de Lambesc ; que ce particulier, que deux personnes soutenaient sous les bras, sortit des Tuileries par la porte du manège, fut pansé, qu'il s'approcha de ce particulier assez .près pour voir la plaie considérable qu'il avait à son visage tout couvert de sang ; qu'effrayé de ce spectacle, il se retira chez, lui, et n'a rien su de ce qui s'était passé, qu'il à trpuvé sa femme qui était sortie des Tuileries avant cet événement.
Du
Treizième témoin.
Antoine - Denis Chabanel, ancien agent de changé, demeurant rue Sainte-AnUé,
A déposé qu'il n'a aucune connaissance des faits contenus en la plainte, attendu qu'ayant été se promener aux Tuileries, il en est sorti avant six heures, et qu'il n'y a pas vu M. le prince de Lambesc, qu'il connaît de figure.
Quatorzième témoin.
Pierre-Joseph Godeaux, portier des Tuileries, à la porte du manège, A déposé que le 12 juillet dernier, entre
8 heures 1/2 et 9 heures du soir, est arrivé à la porte des Tuileries, dont la garde lui est confiée, et qu'il a vu, de l'intérieur du jardin, un particulier qu'accompagnait un grand nombre de personnes, et qu'on soutenait sous les bras, lequel avait le visage ensanglanté, et a déclaré, à lui déposant, avoir été blessé à la tête d'un coup de sabre, par M. le prince de Lambesc; que lui, déposant, a fourni du linge et de l'eau-de-vie pour panser ledit particulier.
Quinzième témoin.
Pierre-Antoine Vaillant, médecin, demeurant rue Dauphine,
A déposé que le dimanche 12 juillet dernier, étant à la place de Louis XV, entre la statue et le pont tournant, entre 8 heures 1/2 et
9 heures du soir, il, a vu et entendu une décharge de mousqueterie que, par la direction du feu, il croit avoir été Urée en l'air; qu'il a vu sortir des Tuileries une troupe de cavaliers, à la tête desquels était un commandant qu'on lui a dit être M. le prince de Lambesc ; que n'apercevant plus de tumulte, il est entré dans le jardin, et qu'arrivé à la porte du manège il a vu un particulier blessé à la tète, lequel lui a dit avoir été blessé par M. le prince de Lambesc ; qu'il a examiné la blessure de ce particulier, dont le cha-
peau était coupé; qu'à l'égard de la blessure, elle lui a parù légère,, n'offensant que légèrement l'os et ayant très-peu de profondeur ; qu'après avoir conseillé d'appliquer sur la plaie une simple compresse d'eau-dervie, qui lui a paru suffisante, il s'est retiré.
Seizième témoin.
François Pépin, colporteur de petites merceries, demeurant rue des Gravilliers,
A déposé que le dimanche 12 juillet dernier, étant au Palais-Royal, au moment que la retraite de M. Necker y est parvenue, il s'est chargé du buste de M. le duc d'Orléans, appartenant au sieur Gurtius, lequel| avec celui de M. Necker, a été porté en triomphe depuis le Palais-Royal jusqu'à la plaee de ' Louis XV, par les rues'Neuve-des-Petits-Ghamps, place de Vendôme, rue Saint-Honoré, rue Royale, etjusqu'à la place de LouisXV; que lui,'déposant, était environné d'une multitude de monde ; qu'arrivé à la place de Louis XV, il y a vu des troupes de cavalerie en-, ordre de bataille; qu'ignorant leur^destination et entraîné par la foule, il arriva à la statue : il reçut dans la poitrine un coup de pointe, ne sait si c'est d'épée, de sabre du ae baïonnette; que comme cette blessure était fort légère, il né s'en est aperçu que par la chaléur du sang qui en sortait, et que, toujours entraîné par la foule, il s'avançait du côté du pont tournant pour passer dans les Tuileries, sans cesser de porter le buste de M, le duc d'OrléanS|dlorsqu'il reçut à la cheville intérieure de la jambe gauche un coup de balle morte, qui lui fit une blessure dont il n'est pas encore guéri ; en conséquence, il remit ledit buste-à un des garçons du sieur Curtius, il sortit par la porte des Feuillants, avec une partie de la foule qui l'avait accompagné, et qui le conduisit au Palais-Royal, où il fut pansé par un chirurgien qui se trouva là ; qu'il a ouï dire que M. le prince de Lambesc était venu depuis ce moment aux Tuileries et y avait blessé un particulier, mais qu'il n'a rien vu ; ajoute qu'avant d'être blessé, il a vu une troupe de cavalerie, qu'il n'a pu désigner autrement que les uns habillés de bleu, de vert, et les autres ayant des bonnets noirs, porter des coups de sabre à un soldat aux gardes qui n'a-vaitd'autres armés que Son épée, lequel est tombé à terre sous ces différents coups, et que peu d'instants après, il a vu cette même troupe, qui avait été jusque j vers le garde-meuble ; en revenir au galop ventre à terre et passer sur le corps dudit garde-française, ët qu'il a ouï dire que ce soldat aux gardes est mort de ses blessures.
réquisitoire.
Vu l'information, je requiers pour le Roi icelle être continuée, et un quidam en uniforme qu'on dit être M. le prince de Lambesc, être pris au corps, ce 10 novembre 1789. Signé : de Flandre de Brunvillè.
décret.
. Par délibération du conseil et jugement en dernier ressort, la compagnie ^semblée, soit fait ainsi qu'il est requis , ce 10 novembre 1789.
Signé : Millon, Talon, de La Salle , d'Argis, Destoùches, Bouron, Quatremère.
Du
continuation d'information.
1. Jean Dabjac, logé hôtel du Parc-Royal, rue du Colombier,
Dépose que le dimanche 12 juillet dernier étant aux Tuileries, depuis environ 6 heures du soir, il s'est trouvé sur la terrasse du fer à cheval, sur la droite en sortant; que vers les 7 à 8 heures, à ce qu'il croit il a vu un détachement de Royal-Allemand entrer dans les Tuileries par le pont tournant, qui s'est porté jusqu'au bassin; qu'il n'est point a sa connaissance qu'il a été fait une décharge d'artillerie, ni commis aucune violence par ce détachement, jusqu'au moment ou quelqu'un ayant crié : Fermez le pont, il a vu l'un des commandants de ce détachement se détacher de sa troupe au galop et porter un coup de sabre à un homme qu'il .droit avoir vu faire des efforts pour fermer le pont; qu'au surplus, il n'a pas vu le coup porté sur l'homme, mais le sabre levé et le mouvement de quelqu'un qui veut le porter ; que, quoiqu'il connaisse parfaitement M. le prince de Lambesc, il ne peut dire S'il était le commandant dont il vient de parler, attendu que sa position ne lui a pas permis de le distinguer ; qu'après ce fait, s'étant retiré du côté des Feuillants, il a entendu tirer une décharge d'artillerie, mais ne sait si c'est en dedans ou en dehors.
Lotis Samny, bas officier invalide, sergent-major de la garde nationale non soldée du district de Saint-Jean-en-Grève,
Dépose que le 12 juillet dernier, étant de poste au pont tournant de 7 à 10 heures du soir, a vu arriver des troupes dans la place de» Louis XV ; que quelque temps après, une multitude de personnes qui accompagnaient un buste, qu'on disait être celui de M. Necker, est arrivée sur cetté place et s'acheminant du côté du pont tournant, ainsi que la foule des personnes qui se promenaient dans les Champs-Elysées, qui avait l'air de fuir et de vouloir se réfugier dans les Tuileries ; que peu de moments après il a vu arriver M. le prince de Lambesc qu'il connaît et qu'il a parfaitement distingué, à la tête , d'un escadron de Royal-Allemand, le sabre à la main, lequel est entré au galop dans les Tuileries près le pont tournant ; qu'au moment, ayant manqué d'être blessé par les chevaux, ^est retiré dans le logement du sieur Contât, portier du côté de la Renommée, où il est resté enfermé, et n'a pu voir ce qui s'était passé dans le jardin, a seulement entendu des déchargés de mousqueterie, presque ressemblantes à un feti de file ; qu'il a également entendu crier par différentes personnes : Fermez le pont, et qu'il croit avoir entendu nombre de ces voix et distingué celle de M. le prince de Lambesc.
3. La dame veuve Baudin, femme de charge, chez M. le comte d'Esparbès, demeurant rue de Vaugirard, n° 40,
Dépose qu'ayant été avec une de ses amies se promener aux Tuileries le dimanche 12 juillet dernier depuis 6;heures de soir jusqu'à8 heures 1/2, momènt où elle se trouva sur la terrasse du côté de l'eau et presque au bout du pont tournant, une foule du peuple S'est portée dans les Tuileries, dont plusieurs lançaient des pierres, et qu'elle a aperçu des chevaux , et des cavaliers
qui entraient dans ledit jardin, et que l'on dit que c'était M. le prince de Lambesc : que sort ' amie et elles se sont sauvées des Tuileries, et qu'elle ne sait rien de plus.
4L. La femme Sauvage, marchande d'estampes, demeurant rue de Beau ne,
Dépose qu'ayant été le dimanche 12 juillet dernier se promener aux Tuileries avec une de ses amies, sur les 8 heures du soir, elles se sont trouvées sur la portion de la terrasse du côté de l'eau qui fait face à la place de Louis XV ; que là elle a vu une troupe de cavaliers qui venaient du côté du pont tournant ; qu'elle a entendu dire par toutes les personnes qui les environnaient, que c'était M. le prince de Lambesc à la tête de son régiment ; qu'elle et son amie effrayées se sont sauvées et n'ont rien vu ; mais que dans leur fuite elles ont entendu tirer beaucoup de coups de fusil ou de pistolet.
5. Le sieur Le Bel (1), marchand tapissier,
membre du comité militaire de l'Hôtel-de-VilIe, demeurant rue de la Verrerie,
Dépose que le dimanche 12 juillet dernier, ayant été avec sa femme et ses enfants et ses garçons de commerce, se promener aux Champs-Elysées, il a vu des troupes de gardes suisses en ordre de bataille clans l'avenue de Neuilly, avec des canons et des caissons et leurs sapeurs qui bordaient la haie près la place de Louis XV, il a pris le parti avec sa compagnie de revenir aux Tuileries, en recommandant à toute sa famille de ne point s'effrayer ni avoir l'air de fuir, mais d'aller bon pas ; qu'après avoir passé la statue du côté de l'eau, il a vu l'escadron de Royal-Allemand commandé par M. le prince de Lambesc ; qu'il a vu et entendu donner des ordres en allemand ; qu'ils ont continué leur chemin et qu'entré aux Tuileries par le pont tournant, et ayant pris par le côté gauche, et arrivé près la statue a'Annibal, il a vu et entendu tirer une décharge d'artillerie tant à gauche qu'à droite par la troupe du prince de Lambesc qui s'était divisée de droite et de gauche et dont les coups étaient dirigés sur le haut des deux terrasses; que comme il continuait son chemin avec sa famille, et parvenu près de la statue d'Annibal, il a fait asseoir sa femme et ses enfants sur un banc près de la statue ; que de là il a vu jeter des chaises et autres choses sur la troupe, ce qui a occasionné une seconde décharge ; que le prince de Lambesc, le sabre à lamain, a poursuivi une portion du peuple amassé prèB la statue du fleuve du Nil, accompagné de quelques-uns de ses cavaliers, par lesquels il a été tiré plusieurs coups de feu; que cependant il n'a pas ouï dire que personne en ait été blessé; que de suite et
très-peu d'instants après il a vu venir de son côté un jeune homme d'environ vingt ans qui fuyait du côté de lui déposant; lequel était poursuivi par le prince de Lambesc le sabre à la main, auquel il porta un coup de sabre sur la corne de son chapeau, que s'apercevant qu'tl ne l'avait pas blessé laissant tomber son sabre attaché à son poignet par sa dragonne, il tira l'un des pistolets de ses fontes, qu'il déchargea sur ledit jeune homme; qu'il a vu le feu dudit pistolet sans cependant avoir entendu dire que le jeune homme en ait été blessé; que ledit prince de Lambesc passa auprès de lui déposant et de sa compagnie tenant toujours son pistolet et son sabre toujours pendant à son poignet courant ventre à terre; il fit le tour du bas-sin et rallia sa troupe; que lui il profita de ce moment pour s'en aller; qu'il a parfaitement reconnu le prince de Lambesc, l'ayant connu à Rome dans le temps qu'il était, lui déposant, attaché au service de M. le maréchal d'Aubeterre.
Louis-Charles Garnier, maître charron, demeurant rue du Bac, n° 131,
Dépose que le 12 juillet dernier, ayant été, suivant son usage, faire une partie de paume aux Champs-Elysées, les suisses y étant arrivés en ordre de bataille par l'avenue de Neuilly, le public a crié de cesser le jeu ; qu'en conséquence, après s'être habillé, il est revenu par la place de Louis XV où il a vu une multitude prodigieuse de peupleet de cavaliers qui étaient en ordre de bataille sur la place, et notamment un détachement de Royal-Allemand qui arrivait dans la susdite place par la rue Royale; qu'il est entré une première fois aux Tuileries, et en est sorti peu de moments après, pour voir ce qui se passait dans la place où il avait entendu tirer trois coups de fusil, que c'est pendant cet intervalle que le régiment de Royal-Allemand est entré dans les Tuileries, et étant sur le pont tournant, il a vu le prince de Lambesc, qu'il connaît pour l'avoir vu chez lui, déposant, différentes fois, porter un coup de sabre, qu'il avait à la main, sur la tête d'un homme âgé qui lui a paru habillé de gris, qui paraissait fort tranquille, et qui était sur sa gauche au bout du pont; qu'ensuite le prince de Lambesc, suivi de sa troupe, est sorti des Tuileries par le pont tournant, et qu'il a vu les troupes qui étaient dans la place venir se joindre à lui, et qu'alors lui déposant a continué son chemin, est sorti des Tuileries par la porte du Pont-Royal et s'en est retourné chez lui.
Du
7. La dame Le Bel (1), marchande tapissière, rue de la Verrerie,
A déposé que, le 12 juillet dernier, venant de se promener aux Champs-Elysées avec son mari et toute sa famille, elle a remarqué un grand nombre de troupes de différents corps qui se rangaient en ordre dans la place Louis XV, la majeure partie du côté de la rivière ; que, continuant son chemin et étant parvenue aux Tuileries, près du bassin sur le côté gauche, elle a entendu le bruit du pas des chevaux qui entraient dans les Tui-
leries par le pont, tournant ; que comme elle veillait à la sûreté de sa fille, âgée de quatre ans, elle elle n'a pu donner une attention décidée aux différents mouvements de ce corps ; qu'elle a entendu une décharge de mousqueterie qui lui a paru dirigée du côté de la rivière ; que dans ce moment il y avait très-peu de monde ou presque personne dans le terrain contigu au pont tournant, mais que les balustrades des deux terrasses étaient garnies de beaucoup de monde ; que s'étant reposée, parce que les jambes lui manquaient, sur un banc proche la statue qui fait le coin de la grande allée à gauche en entrant par le pont tournant, elle a vu le prince de Lambesc poursuivre un jeune homme qui fuyait à toutes jambes, auquel il paraissait vouloir porter un coup du sabre qu'il portait à la main ; mais que n'ayant pu le frapper, il a laissé tomber son sabre qu'il tenait à son poignet et s'est armé d'un pistolet dont il a tiré le coup sur ce même jeune homme, dont elle déposante ne croit pas qu'il ait été blessé, parce qu'il a continué de se sauver ; que ledit prince de Lambesc étant passé devant elle et sa compagnie au galop, sans leur rien dire, il a fait le tour du bassin, au moment où elle déposante et toute sa compagnie s'est retirée le plus promp-tement qu'il leur a été possible par la grande allée; a ajouté néanmoins qu'elle ne connaît pas personnellement le prince ae Lambesc, mais elle croit que c'est lui, d'après l'attestation de son mari qui l'a nommé dans l'instant.
8. La dame Prudent, fille majeure, demeurant au couvent de Ja Providence,
A déposé que le 12 juillet derniersur les 8 heures J/2 du soir, revenant de se promener avec sa sœur et son beau-frère et toute leur famille aux Champs-Elysées, elle a aperçu beaucoup de troupes et de peuple en mouvement dans la place Louis XV, ce qui l'a fort effrayée et l'a fait presser d'entrer aux Tuileries le plus tôt qu'il lui a été possible, où étant arrivée ayant dépassé à peu près le grand bassin du côté gauche, elle a entendu un bruit de chevaux entrant dans le jardin des Tuileries près le pont tournant; que très-peu d'instants après elle a vu la troupe qu'elle a entendu dire avoir à sa tête M. le prince de Lambesc, lequel a tiré sur un jeune homme un coup de pistolet dont il était armé ayant son sabre pendant à son poignet ; qu'elle ignore si ce jeune homme a été blessé, mais qu'elle l'a vu continuer de se sauver (1).
9. Le sieur Bourgeois, garçon tapissier chez le sieur Le Bel,
Dépose que le dimanche 12 juillet dernier, sur la fin du jour, revenant de se promener au Ghamp-de-Mars, où il avait été seul, et où il avait rencontré M. Le Bel et sa famille, avec laquelle il a passé le bac, il a vu un corps de cavaliers de Royal-Allemand, qu'on lui a dit être commandé par M. le prince de Lambesc, qui allait du côté ae la place Louis XV, par l'allée du cours de la Reine ; qu'ayant poursuivi leur chemin , il a vu des troupes et du peuple dans la place ; qu'ils ont gagné les Tuileries, où ils sont entrés par le pont tournant, où, étant arrivés vers le milieu du grand bassin du côté gauche, il a vu le déta-
chement de Royal-Allemand entrer dans les Tuileries par le pont tournant, se séparer de droite et de gauche dos à dos, et décharger leurs pistolets sur le haut des terrasses, où il y avait une quantité de monde; que les dames' avéc lesquelles il était s'étant assises près la statue, il a vu un jeune homme courant très-vite et venant de leur côté, lequel était poursuivi par un cavalier, qu'il a entendu dire être le prince de Lambesc , qui a tiré le coup de pistolet sur le jeune homme, lequel n'a cependant pas été blessé, l'ayant vu continuer à se sauver, après quoi, lui déposant, s'est retiré avec M. Le Bel et sa famille (1).
fiO. Le sieur Antheaume, garçon tapissier chez M. Lebel,
Oépose que le dimanche 12 juillet, en venant de se promener avec M. Le Bel et sa famille, du Champ-de-Mars, ils ont regagné la place de Louis XV par les Champs-Elysées ; qu'arrivé à l'extrémité de la grande allée, par le côté gauche du bassin, il a vu un détachement de Royal-Allemand entrer dans les Tuileries par le pont tournant, se séparer de droite et de gauche, décharger leurs pistolets sur le haut de la terrasse, où il y avait quantité de monde ; que les dames s'étant assises sur le banc près de la statue, il a vu le commandant de Royal-Allemand, qui était à droite du bassin, se détacher de sa troupe et poursuivre un particulier sans armes ni bâton , qui se sauvait ae leur côté , auquel ce commandant, qu'il a entendu dire (2), à différentes personnes être le prince de Lambesc, tira un coup de pistolet au moment où il l'a vu entrer dans les arbres, et qu'alors son sabre pendait à son poignet ; que M. Le Bel s'étant retiré, il n'a rien vu de plus.
Du
11. M. Poursin de Grandchamp, ancien avocat au parlement, et secrétaire du Roi, demeurant rue Saint-Joseph,
Dépose que le, dimanche 12 juillet dernier, il a été se promener aux Tuileries, ne se rappelle pas l'heure, qu'il y est entré par le pont du château, et a été se promener sur la terrasse du côté de l'eau ; qu'il en est sorti vers la nuit tombante , qu'il a seulement vu un particulier en uniforme de garde française, autour de la tête duquel on ceignait un mo'uchoir, ce qui lui a fait présumer qu'il était blessé ; que de surplus, il n'a aperçu aucun mouvement quelconque, n'a entendu aucune décharge dans les Tuileries ni dans la place de Louis XV, et qu'étant sorti des Tuileries par le pont tournant, comme il disait assez haut aux personnes qui l'accompagnaient : Il paraît que tout est bien tranquille, trois jeunes gens dirent : Il y a quelque temps que la même tranquillité ne régnait pas, car on a jeté beaucoup de pierres (3).
M. Erhart, médecin et ancien sénateur de la ville de Strasbourg, demeurant rue Neuve-Saint-Roch,
Dépose que le dimanche 12 juillet dernier, re-
venant de se promener sur les hauteurs de Ghail-lot, vers les 6 heures 1/2 à 7 heures du soir, et parvenu à la place Louis XV, il a aperçu beaucoup de peuple et de tumulte, il a entendu quelques coups de pistolet ou de-fusil dans la place ; qu'il a vu le peuple jeter quelques pierres, qu'il a entendu dire des injures, et qu'il n a été témoin d'aucune autre chose, si ce n'est qu'il a vu un piquet de Royal-Allemand.
13. Le sieur Binet, marchand mercier, demeurant passage du Saumon,
Déposé que, le dimanche 12 juillet dernier, dans l'après-midi, s'étant rendu au Palais-Royal, on y promenait le buste de M. le duc d'Orléans et de M. Necker; que, peu de moments après, voyant des jeunes gens, les uns portant des sabres, les autres des bonnets qu'ils disaient avoir arrachés à des troupes â la place Louis XV, où il y avait beaucoup de tumulte et où le peuple se battait avec des soldats qui y étaient, lui déposant avec beaucoup d'autres personnes se sont transportés aux Tuileries, où il est entré par la porte du manège ; que parvenu au pout tournant, il est entré dans la place Louis XV, et en ayant parcouru une portion, il a vu un escadron de Royal-Allemand arriver dans la place du côté de la rue Royale et de suite entrer dans les Tuileries par le pont tournant ; qu'alors lui déposant, avec plusieurs autres auxquels la même idée était venue, s'est efforcé de fermer le pont tournant, mais qu'ignorant la manière dé s'y prendre, ils n'y ont pas réussi ; que pendant cé temps il n'a pas pu donner son attention à ce qui se passait dans les Tuileries, mais seulement qu'il a vu ce corps de troupe en ordre de bataille contre le grand bassin, lequel, après avoir reçu l'ordre de son Commandant; s'avançait comme pour ressortir des Tuileries, Il a vu ce même commandant, que tout le monde disait être le prince de Lambesc, se détacher de sa troupe, venir le sabre à la main, en porter un coup .sur la tête d'un homme qui était à l'angle du pont tournant du côté de la rue Saint-Honoré, et qui avait une canne sous son bras ; qu'alors lui, déposant, s'est lancé dans le fossé et n'a rien vu de plus.
14L. Le sieur Brillet, maître tailleur, rue du Bout-du-Monde,
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, se promenant avec sa femme sur les boulevards, près de l'Opéra, il a été témoin que le peuple en a fait fermer le théâtre ; que quelques moments après, ayant vu passer au galop des soldats du régiment de Royal-Cravate, que l'on disait aller au secours du tiers état à la place Louià XV, où le prince de Lambesc faisait un grand carnage, il est rentré chez lui avec sa femme, et qu il pouvait être alors 6 à 7 heures du soir.
15. Le sieur Ancelin, marchand tapissier, demeurant rue des Quatre-Vents,
Dépose que,Te dimanche 12 juillet dernier, sorti de chez lui sur les 3à 4heures, il est allé au Champ-de-Mars, où il est resté environ deux heures sans s'apercevoir d'aucun mouvement extraordinaire des troupes qui y étaient campées ; qu'après ce temps il se transporta aux Champs-Elysées en passant le bac des Invalides, où étant arrivé, il entendit tirer deux coups de fusil formant pa-roli ; que pour s'informer du sujet, il se rendit à l'avenue de Neuilly, où il trouva un détachement de Royal-dragons, rangé sur trois hommes de hauteur, le visage tourné du côté de la rivière,
et de l'autre côté de la même avenue, le corps des suisses, regardant les Tuileries, avec des canons, des canonniers et des sapeurs rangés aussi en ordre de bataille, la face tournée du côté des Tuileries; que s'étant adressé à un dragon pour savoir la cause du coup de feu qu'il avait entendu, il lui fut dit que ce n'était rien, que c'était une querelle entre un dragon et un soldat aux gardes françaises ; qu'il resta pendant quelque temps se promenant dans la place, pendant environ cinq quarts d'heure, après quoi il rentra dans les Tuileries par ie pont tournant, où à peine avait-il fait vingt à trente pas, qu'un bruit de chevaux sur le pont tournant lui fit tourner la tête, et qu'alors il aperçut un détachement deRoyal-Allemand, commandé par un officier, h visage basané, marqué de petite vérole, les épau les très-fortes et le col enfoncé, qu'il croit être h prince de Lambesc, l'ayant parfaitement connu ci-devant, mais la chute du jour et la rapidité des mouvements ne lui ont pas permis de le distinguer et de pouvoir affirmer que c'est le prince de Lambesc; qu'après quelques mouvements, il a vu ce détachement faire une décharge; qu'il ne croit pas que les armes fussent chargées à balle, n'ayant point entendu le sifflement des balles, qu'il aurait dû entendre vu sa proximité ; que ce même détachement en marche au grand galop pour sortir, il a vu l'officier par lui susdésigné, qui avait le sabre à la main, prêt à entrer sur le pont tournant, porter un coup de sabre sur un particulier qu'il n'a pu distinguer, qui était à droite du pont en sortant (1).
16. Le sieur Paris, huissier à verge, rue de La Harpe,
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, revenant de se promener aux Champs-Elysées, et après avoir traversé la place Louis XV, où, il y avait beaucoup de troupes, sur les 8 fleures 1/2 du soir, un bruit de cavalerie qui venait derrière lui, et qui en était très-procne, a forcé lui déposant de se retirer et de se placer derrière un petit bâtiment à gauche ; qu'il a vu entrer un détachement de Royal-Allemand, commandé par un officier que tout le monde a dit être le prince de Lambesc ; qu'il a vu faire des décharges de mousqueterie, après avoir entendu l'ordre de faire feu ; que la frayeur occasionnée par cette décharge a engagé plusieurs particuliers à sauter dans le fossé; que comme le public criait de fermer le pont tournant, il a vu le même détachement revenir sur ses pas pour sortir des Tuileries ; il a vu rofficier commandant, que tout le monde autour de lui disait être le prince de Lambesc, porter un cotip de sabre sur la tête du particulier qui était à l'angle du pont tournant, du côté de la rue Saint-Honoré, lequel a paru à lui déposant tomber sur le coup.
17. M. Vandeniver, négociant, rueVivienne (2),
Dépose que 1e dimanche 12 juillet dernier, ses intérêts personnels, en qualité d'un des admi-
nistrateurs de la Caisse d'escompte, le déterminèrent de se rendre à Versailles, accompagné de M. Boscary, l'un de ses confrères dans la même administration ; que, comme ils revenaient le soir sur les 8 à 9 heures, ils furent obligés de rebrousser chemin, et de retourner à Versailles, parce qu'il leur fut dit, avant d'arriver à Sèvres, qu'ils ne pourraient pas passer au pont ; qu'en conséquence ils retournèrent avec l'intention d'en repartir le lendemain de grand matin, ce qu'ils firent ; qu'arrivés à Sèvres le lundi 13 sur les 6 heures au matin, pendant le relai des chevaux de poste, un cavalier enveloppé d'un manteau sur lequel était une applique de l'ordre du Saint-Esprit, s'adres-sant à eux, leur demanda s'ils arrivaient de Versailles, et ce qu'il y avait de nouveau ; que sur leur déclaration, qu' il n'y avait rien et que tout était tranquille, et en réponse à la question qu'ils lui firent s'il en était de même à Paris, il leur répondit qu'il n'en était pas de même à beaucoup près, qu'on avait osé l'insulter, maltraiter un de ses gens et tué un de ses chevaux, et qu'il avait tué deux hommes de sa main ; mais autant que lui, déposant, peut se souvenir de ce que ce cavalier lui a dit, qu'au moment où ledit cavalier venait de le quitter, un officier suisse s'approcha de leur voiture et leur fit les mêmes questions : que ledit cavalier, auquel ils répondirent de la même manière, et demandèrent à leur tour s'ils connaissaient le cavalier qui venait de leur parler, leur dit que c'était M. le prince de Lambesc, lequel était la cause de tout le désordre arrivé dans Paris.
18. M. Millet, ancien entrepreneur de bâtiments,
Dépose que, revenant de la ville le dimanche 12 juillet dernier, sur les 8 heures du soir, il passa par les Tuileries, qu'il y fit un tour de jardin, et qu'ayant aperçu que les troupes qui étaient dans la place Louis XV étaient assez tranquilles, il prit le parti d'en sortir par le pont tournant : à peine avait-il dépassé le pont qu'il vit arriver un détachement de Royal-Allemand, commandé par un officier, qu'il a entendu dire à tout le monde être le prince de Lambesc, entrer dans les Tuileries par le pont tournant : qu'il a été témoin d'une décharge de mousqueterie faite par ce détachement entre les deux terrasses, dont les coups étaient dirigés en l'air ; qu'après quelque mouvement très-rapide autour du grand bassin, ce détachement est revenu pour sortir, toujours ie sabre à la main, et que c'est dans ce moment qu'il a vu l'officier qui commandait, dont il vient de parler, porter un coup de sabre sur la tête d'un particulier d'un certain âge, et qui lui a paru n'avoir ni verge, ni bâton, qui était à l'extrémité du pont du côté de la rue Saint-Honoré.
ld. M. Boscary, négociant et administrateur de la Caisse d'escompte,
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, lui et M. Vandeniver partirent en poste pour aller à Versailles conférer avec le ministre de Paris, relativement à la Caisse d'escompte |: que le soir, lorsqu'ils en revenaient, et qu'ils étaient passé
Vlroîlay, il fut dit à leur postillon, ainsi qu'à eux, par le public, qu'ils feraient bien de s'en retourner, parce qu'ils ne pourraient pas passer au pont de Sèvres, cë qui les détermina à rebrousser chemin et aller passer la nuit à Versailles, èt à demander des chevaux de poste pour le lendemain de grand màtin ; qu'en conséquence le lendemain 13, environ sur les 5 à, 6 heures du matin, arrivés à Sèvres, tandis qu'on ieS changeait de chevaux, un officier enveloppé dans son manteau, eôiffé d'un bonnet de grenadier de Royal-Allemand, s'approcha de leur Voiture et leur demanda s'ils venaient de Versailles, et s'ils n'avaient point aperçu un aide de camp montant un cheval blanc sur leur route, parti depuis plus de deux henres; à quoi ils répondirent qu'ils venaient de Versailles, et qu'ils n'avaient pas vu le cavalier dont il leur parlait : il leur demanda ensuite si tout était tranquille à Versailles, ils lui répondirent qu'ils n'avaient rien vu d'extraordinaire : ils lui demandèrent à leur tour s'il en était de même à Paris : à quoi il répondit qu'il n'en était par de même, qu'il y avait quelque tumulte, et que le peuplé, auquel dés gardes françaises s'étaient joints, avaient 'chargé la veillé le régiment Royal-Allemand, dont les cavaliers en avaient tué quatre ou cinq, et que lui en avait renversé deux, en faisant le geste d'un homme qui porte un coup dë sabre t que lui, déposant, lui ayant encore demandé s'ils pourraient rentrer à Paris avec sûreté, il leur répondit qu'il le pensait, quoique cependant on se fusillait dans les rUes, et qûe peut-etre y avait-il quelques maisons en feu; que ce fut dans le tours de cette conversation que lui, déposant, s'aperçut que cet officier avait une applique de l'ordre du Saint-Esprit sur son manteau, et qu'au moment où il les quitta, ùn officier suisse s'approcha d'eux, fournit a lui, déposant, l'occasion de, lui demander quel était l'officier qui venait de leur parler, qu'il leur répondit que c'était le prince de Lambesc.
£0. Le sieur Lançon, marchand de vin, rue Saint-Roch,
Dépose que, le dimanche 12 juillet îàernier, se promenant seul à son ordinaire sur le boulevard, il est arrivé à la place Louis XV par la rue Royale; où il a vu beaucoup de peuple, du tumulte, et a entendu tirer des coups de fusil, et que la multitude l'ayant empêché d'entrer dans les Tuileries, il s'est sauvé par le quai, et qu'il a entendu dire par tout le monde que le prince de Lambesc massacrait tout le monde à la place Louis XV.
Le sieur Lefèvre compagnon arquebusier , demeurant rue Gnérin-coisseau, chez le sieur Vilon,
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, sortant du Palais-Royal avec plusieurs autres jeunes gens qui étaient, dans l'intention d'aller à Versailles, ils vinrent à la place Louis XV, où ils proposèrent à des dragons, rangés en ordre de bataille, de les accompagner,; lesquels leur répondirent qu'ils ne pouvaient quitter leur poste sans ordre; qu'il vit le peuple jeter des pierres à un hicssttra qui traversait au galop la place Louis XVjl que les dragons firent un mouvement pour aller le secourir, "alors on léur lança des pierres , et qu'ils tirèrent quelques coups de fusil, à ce qu'il croit; que vers la fin du jour il vit arriver un détachement de Royal-Allemand, à la tête duquel était lé prince de lambesc, ainsi qu'il a entendu dire à toutes les personnes qui l'environnaient, lequel est entré au galop dans
les Tuileries, lequel détachement fit des décharges de mousqueterre dans les Tuileries; que lui, déposant, avec plusieurs autres particuliers, ont fait des efforts pour fermer le pont tournant, et qu'ils n'en ont pas pu venir à bout; que de la place où il était dudit pont tournant, il a vu celui qu'on lui a dit être le prince de Lambesc revenir à la tête de sa troupe au galop pour sortir par ledit pont, et qu'en passant, il l'a vu porter un coup de sabre sur la tête d'un homme qui était au coin intérieur dudit pont du côté de la rue Saint-flonoré.
Du
Lë sieur BU Barcide, lieutenant-colonel d'infanterie, demeurant au Gros-Caillou,
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, lui déposant, commandant le détachement ordinaire de trente hommes pour la police des Tuileries, ayant vu Sûr les 8 heures du soir une multitude qui se sauvait avec le caractère, de la frayeur, après avoir donné ordre à son détachement de prendre les" armes et de se tenir sur ses gardes, il s'ëst transporté jusqu'à l'extrémité dë la grande allée du côté du pont tournant, à l'effet de s'assurer des causes du tumulte dont il avait été témoin ; qu'y étant arrivé, il a entendu tirer des coups de feu dans la place Louis XV; qu'il a même vu apporter du côté du bassin un garde-française qui avait été blessé et foulé aux pieds des chevaux, et qui est mort peu de temps après; qu'après peu d'instants, il a vu arriver, par le pont tournant, un détachement de Royal-Allemand de 40 à 50 hommes, commandé par un officier qu'il n'a pu distinguer, à raison de la rapidité de la course et de ses mouvements, le sabre à la main, entrer dans le jardin dés Tuileries, lui ordonner en allemand; que ce détachement a tiré des coups de pistolet dirigés sur le haut des terrasses où il y avait du monde; que portion de ce même détachement, précédé de son commandant, a fait le tour du grand bassin et passé devant lui, déposant, et qu'il a entendu distinctement le sifflement des balles, des coups de feu qui ont été tirés, qu'il estime avoir été de 150 coups ; qu'ensuite il a Vu le même commandant reformer sa troupe, et lui déposant, s'est retiré du côté du château pour aller rendre compte à M. de Champcenets de cé qu'il a vu ; que quoiqu'il ait entendu dire que l'officier qu'il avait vu était M. le prince de Lambesc et qu'il le connaissait personnellement, il n'a pu réellement le distinguer assez pour assurer que c'est lui.
23. M. Hogguer, négociant, rue d'Artois,
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, revenant de la campagne, il a rencontré au bout du boulevard de la Madeleine un détachement suisse, dont le commandant etle major, sans uniforme, marchaient à côté; que connaissant parfaitement l'un et l'autre il a demandé au major où ils allaient, lequel a dit qu'ils se portaient à la place Louis XV, qu'il pouvait être 8 heures du soir, qu'il les aocompagna jusque dans cette place; qu'il a vu un corps de cavalerie, dont il ne peut désigner le nom, qui était rangé en ordre de bataille du côté de la rivière, dans la place Louis XV ; que s'étant placé sur le pont tournant, à l'effet de voir le détachement de Royal-Allemand, commandé par M. le prince de Lambesc, qu'il avait vu, quelques instants auparavant, au carrefour de la rue Saint-Honoré, causer la valeur de deux à trois minu-
tes, avec les officiers commandant le corps des suisses, venir se ranger dans la même place, à la gauche du pont tournant, comme il le présumait; il fut surpris par le mouvement que fit faire M. le prince de Lambesc à sa troupe pour la faire entrer, par le pont tournant, dans le jardin des Tuileries, au grand galop, le sabre élevé, comme dans un moment de charge; que |lui, déposant, s'échappa du pont le plus tôt possible sur la gauche du côté de la rue Saint-Honoré jusque près d'un petit escalier qui conduit au fossé ; que dans cette position, un cavalier sortit du rang en criant et le menaçant de son sabre, tant lui déposant que quelques personnes qui étaient contre le mur; qu'après que cette troupe fut parvenue à quelque distance du grand bassin, un cri du peuple : Ferme % le pont, détermina lui déposant à recommander au peuple de ne point fermer le pont, dans la crainte d'être sabré dans les Tuileries, et de se retirer par-dessus le même pont dans la place Louis XV, dont il vit la même troupe revenir du côté audit pont, se reformer entre les deux terrasses, faire une décharge de mousqueterie, dont il a vu les balles passer dans les arbres, et qu'alors, lui déposant, S'en est allé et n'a riën vu ae plus.
24. Le sieur Borel, demeurant rue Royale, place de Louis XV,
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, sortant de chez lui, et attiré dans la place Louis XV, . vers les 8 heures du soir, par la multitude et les troupes qui y étaient et les mouvements qui en résultaient, il a vu M. le prince de Lambesc à la tête d'un détachement de son régiment Royal-Allemand, arriver dans la place par la rue Royale; qu'il s'en est approché assez près pour s'assurer que c'était M. le prince de Lambesc, et qu'il connaît parfaitement; qu'il a suivi des yeux le détachement qu'il a vu. entrer dans les Tuileries par lo pont tournant au grand galop, et que lui, déposant, s'est rétiré et n'a rien vu de plus.
25. Le sieur Delavigne, demeurant rue Saint-Nicaise,
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, ayant entendu dire qu'il y avait des mouvements de troupes dans les Champs-Elysées, dans la persuasion où. il était que cette disposition n'avait d'autre objet que le maintien du non ordre et de la tranquillité publique, il céda au mouvement de curiosité qui l'engageait à aller voir ce qui se passait ; qu'arrivé à la place Louis XV, sur les 7 à 8 heures, il vit effectivement des corps de troupe de différents uniformes, se former en corps de bataille, tant du côté de la rivière qu'en retour de la colonnade en tête du pont tournant ; que, toujours persuadé que ces troupes n'avaient nul mauvais dessein, il tourna derrière les chevaux, passa sur le pont et entra dans les Tuileries, où il se promena jusqu'à la terrasse du château; qu'arrivé à peu près jusqu'à l'extrémité! de cette terrasse, il entendit quelques décharges de mousqueterie qui lui parurent venir de la place, et qu'il rencontra une foule de personnes qui se sauvaient; qu'il ne partagea pas leur frayeur; il continua d'avancer jusques auprès de l'escalier latéral qui descend dans le jardin ; que de là il aperçut des cavaliers de Royal-Allemand, allant au grand trot, qui tournaient autour du bassin le sabre à la main, et que trois personnes qui se sauvaient lui dirent que M. le prince de Lambesc venait de sabrer un homme, et qu'un
autre avait été tué d'un coup de feu; qu'alors il se retira chez lui (1).
26. Le sieur Daranchères, épicier, rue Neuve-des-Petits-Ghamps,
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, étant au Palais-Royal et ayant entendu dire qu'on se battait à la place Louis XV, il en est parti, ainsi que d'autres personnes, pour s'y rendre par les Tuileries, pour voir ce qui s'y passait; qu'arrivé à l'extrémité de la grande allée, il a vu un détachement de Royal-Allemand entrer au galop dans les Tuileries par ledit pont tournant, courir de côté et d'autre dans la demi-lune, le sabre à la main, et paraissant chercher à effrayer et dissiper les personnes qui se promenaient, et qu'il a vu et entendu le détachement faire des décharges de mousqueterie et coups de pistolet qu'ils ont paru tirer en l'air; que lui s'était fait place derrière le treillage au bout de la grande allée du côté des Feuillants ; qu'il n'a pu distinguer l'officier qui commandait cette troupe, qu'il voyait faire beaucoup de mouvement avec son sabre à cause de la rapidité de sa course, ce qui ne lui permet pas d'assurer si c'est M. le prince dé Lambesc, qu'il avait vu trois jours avant au Ghamp-de-Mars, mais que cet officier avait le même uniforme et montait le même cheval gris (2).
27. Le sieur Golombet, concierge de l'académie d'architecture,
Dépose que, le 12 juillet dernier, étant allé a Chaillot, il a vu M. le prince de Lambes, qu'il connaît très-parfaitement; qu'il parlait a son état-major, qu'alors il avait l'uniforme conlplôtde son régiment; qu'environ trois heures après, revenu à Paris par l'allée de Neuilly, et arrivé à la place Louis XV, il a vu un détachement de Royal-Allemand entrer dans ladite place par la "rue Royale, faire un quart de conversion à la hauteur de la statue et se porter au pont tournant ; qu'au moment où il était sur le parapet du côté de la rivière, d'où il a vu ce même détachement commandé par un officier qui était en veste galonnée en argent sur toutes les coutures, avec une croix de Saint-Louis et un bonnet uniforme de ce régiment, qui montait un cheval gris, entrer par le pont tournant dans les Tuileries, ventre à tërre jusques au grand bassin, d'où étant revenu se ranger en bataille près du pont tournant, et faire une décharge de mousqueterie ; que, peu d'instants après, il aperçut l'officier qui commandait, porter un coup de sabre à un particulier qui était dans l'angle du pont tournant du côté de larue Saint-Honoré, et de là sortit par le pont tournant, s'en retourna par la rue Royale, et c'est alors que lui déposant s'est retiré; ajoute qu'il ne peut affirmer que cet officier soit M. le prince de Lambesc, quoiqu'il lui ait paru en avoir l'air et la • taille, attendu qu'il n'a pu distinguer sa physionomie et autres divers mouvements qu'il lui a Vu faire.
28 M. Robert, secrétaire du Roi, rue du Bouloy,
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier,
Du
Le sieur Garnon-Destournelles, principal clerc de M. Seron, procureur au Parlement,
Dépose que, le dimanche 12 juillet, sorti de chez son procureur vers 4 heures 1/2 de relevée, il est allé au Champ-de-Mars; qu'après s'y êtrepro-menéquelque temps et avoir traversé larivière par le bac, il est allé aux Champs-Elysées, où il a regardé jouer à la longue paume, jusqu'au moment où un cri public a ordonné de cesser le jeu, attendu qu'on était prêt à se massacrer à Paris ; que comme lui déposant était avec un jeune homme de 14 ans 1/2, fils de son procureur, de la garde duquel il était chargé, il s'est empressé de sortir des Champs-Elysées, a traversé la place Louis XV, et vit arriver un détachement de cavalerie, qu'il croit être dragons, par la rue Royale, a traversé les Tuileries, dont il est sorti par la porte du manège, et s'en est retourné chez son procureur.
30. Le sieur Seron fils, mineur,
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, accompagnant le sieur Garnon, maître clerc des études de son père, ils sont allés ensemble au Champ-de-Mars, de là sont passés aux Champs-Elysées par le bac, qu'ils ont resté quelque temps à voir jouer à la grande paume ; qu'il a remarqué des cavaliers, qu'il croit des dragons, arriver par la rue de Neuilly; qu'après des particuliers sont venus dire qu'il fallait fermer les jeux et se sauver du côté du Palais-Royal; qu'en conséquence le sieur Garnon'et lui se sont retirés et ont traversé la place de Louis XV, où il a vu arriver une troupe de dragons par la rue Royale, qu'ils ont continué leur chemin par les Tuileries, où ils sont entrés par le pont tournant et en sont sortis par la porte du manège, et sont retournés chez le père du déposant.
31. Le sieur Mainant, négociant, rue des Capucines,
Dépose qu'il n'a aucune connaissance des faits.
32. M. Rocfort, bourgeois de Paris, y demeurant rue de la Lune,
Dépose que, le dimanche 12 juilllet dernier, étant dans la place Louis XV, vers les 8 heures du soir, il a vu entrer dans les Tuileries un détachement de Royal-Allemand parle pont tournant, le sabre à la main, à ce qu'il croit, lequel détachement sortit quelques moments, après avoir tiré quelques coups de pistolet, sans pouvoir dire ae quel côté ils étaient dirigés, étant alors dans la place Louis XV, sur le côté droit; qu'il a ouï dire dans ladite place qu'il y avait un homme blessé, mais qu'il n'en a aucune connaissance personnelle, s'étant retiré, dans la crainte d'être blessé.
réquisitoire.
Vu la continuation d'information, je requiers pour le Roi, icelle être jointe et continuée, et cependant le décret de prise de corps décerné le 10 novembre, contre un quidam en uniforme, qu'on a dit être M. le prince de Lambesc, être exécuté contre ledit prince de Lambesc, et ledit prince de Lambesc être pris et appréhendé au corps. Fait ce 23 novembre 1789. Signé : De Flandre de Brunville.
ordonnance.
Soit fait ainsi qu'il est requis par délibération du conseil et jugement en dernier ressort. Ce 24 novembre 1789. Signé : Talon, etc.
addition d'information.
Du
1. Marie-Claudine Lemaire, veuve d'André Riel, cordonnier, elle portière, rue du Bout-du-Monde, n° 20.
Dépose que par elle-même, elle n'a aucune connaissance des faits dont elle va nous rendre compte; qu'elle n'en a connaissance que par ce qui lui en a été dit, et attesté par les témoins du fait, qui est que le 12 juillet dernier, sur les trois heures après midi, son mari l'a quittée pour aller se promener au Champ-de-Mars, avec le parrain de son enfant, qui se nomme Rose, maître cordonnier, rue Trainée, passage des Chartreux, par lequel elle a su que le tumulte qui existait au Champ-de-Mars les a déterminés à passer l'eau et à aller se promener à la barrière Blanche, où il s'est trouvé encore «ne grande multitude de peuple; que M. le prince de Lambesc, y étant survenu avec un détachement de son régiment, lui a ordonné de faire feu sur le peuple, ce qui a été exécuté, et que son mari a reçu deux balles dans le bas-ventre, et qu'il a été rapporté chez elle, où il est expiré en arrivant; que le sieur Bourloy, marchand de vin, et un limonadier du quartier sont ceux qui ont secouru ledit Riel et l'ont ramené chez lui dans une voiture avec ledit Rose, et que tout ce qu'a dit son mari en arrivant est : Ce sont mes pays qui m'ont tué! son mari étant natif de Strasbourg (1).
2. Le sieur Jean-David Boullanger, demeurant rue Saint-Honoré, vis-à-vis les petites
écuries du Roi,
3. Pierre Boucher, marchand tripier, demeurant rue des Prêtres-Saint-Germain-l'Auxer-rois,
Déposé que, le dimanche 12 juillet dernier, ayant entendu dire qu'il y avait à la place Louis XV des troupes qui voulaient assassiner tout le monde, il s'est rendu sur ladite place, vers les 6 à 7 heures du soir, pour s'assurer du fait par lui-même, et qu'effectivement il y a trouvé un grand nombre de troupes, et surtout en uniformes verts, qui tous avaient l'air menaçant et le sabre à ia main ; que cependant il s'est promené dans ladite place, et même au milieu de ces troupes, sans qu'il lui ai été rien dit ni rien fait, jusqu'au moment uù il a vu M. le prince de Lambesc, ainsi qu'il l'a eptendu nommer par tout le monde; entrer en furieux avec une troupe de cavaliers par le pont tournant, ventre à terre; qu'il a enténdu et vu plusieurs décharges de mousc[ueterie aux environs du grand bassin; çtie lui déposant a crié et répété à plusieurs fois qu'il fallait fermer le pont tournant, ce qui ri a pu être fait; qu'après un espace de temps qu'il ne peut déterminer» mais qui a été court,* il a vu le même détachement revenir sur ses pas, pour sortir des Tuileries par le même pont tournant, et que lé cavalier qui était à la tête a porté un coup de son sabre sur un particulier qui entrait aux Tuileries par le pont tournant, qui était sans armes, ni verge,, ni bâton.
4. antoine Paillet, marchand de vin à Paris, rue Saint-Germain l'Auxerrois,
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, après avoir entendu les vêpres aux Feuillants; il a été au Palais-Royal, où peu d'instants après son
arrivée, il s'est élevé une émeute considérable, tout le monde criant aux armes, attendu que M. le prince de Lambesc massacrait tout à la place Louis XV ; qu'il a fait quelques pas pour aller aux Tuileries, mais que la foule l a déterminé à retourner sur ses pas, et à revenir chez lui.
5. Nicolas Perrin, maître tailleur d'habits, demeurant à Paris, rue des Ecrivans,
Dépose que, le 12 juillet dernier, ayant été se promener du côté de la barrière de Sèvres, étant revenu par le Palais-Bourbon, pour remonter au pont Royal, il a entendu tirer quelques coups de fusil, qu'il a supposé être tirés par des chasseurs ; en conséquence,il à continué son chemin jusqu'au pont royal, à l'extrémité duquel étant parvenu il a vu une foulé de personnes qui sortaient des Tuileries eh gémissant et disant : Hélas! mon Dieu, qu'allons-nous devenir? que cela a piqué sa curiosité ; qu'en conséquence, après quelques efforts pour percer cette foule, il est entré dans les Tuileries^ qu'il est monté sur la terrasse, du côté de la rivière, d'où il a vu un corps de troupes qu'il croit être un escadron de dragons, et deux de hussards, l'un de Berchiny et l'àutre de Rou-grave, à ce qu'il croit, qui ont détourné du côté de la place Louis XV; qu'il les a suivis sur la terrasse ; qu'arrivé à l'extrémité de, ladite terrasse, et près de la rampe de la Renommée; il les à vus se ranger en ordre de bataille dans ladite place Louis XV ; que peu dé moments après, il a vu un détachement de Royal-Allemand, commandé par le prince de Lambesc, qu'il connaît person-, nellement, et qu'il a reconnu, éni;rer dans ladite place, se former en bataille près de l'enceinte de la statue, et peu de moments après, venir à la tête du pont tournant et entrer dans le jardin des Tuileries ventre à terre, par ledit pont tournant; qu'à ce moment, lui déposant, qui était descendu de la terrasse pour aller dans la place, s'est sauvé le plus promptement qu'il était possible dans les pierres qui sont sur ladite place, d'où il a vu ce détachement fairé un feu de file dans les Tuileries entre les deux terrasses, et qu'il a vu le même détachement ressortir des Tuileries, toujours commandé par M. le prince de Lambesc, se réunir aux autres troupes qui étaient dans la place, et qu'alors lui déposant s'est retiré, et n'a pu rien voir davantage, attendu l'éloignement où il était.
6. Remi Dubuisson, bourgeois de Paris, demeurant rue du Petit-Carreau,
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, il a été avec son épouse et son enfant se promener aux Champs-Elysées; ils y ont vu arriver les suisses, qui se sont rangés et arrêtés à l'entrée de l'avenue de Neuilly, du çôté de la place Louis XV; que peu de moments après, ayant entendu tirer quelques coups de teu dans ladite place, il crut prudent de se retirer chez lui; que, la foule ne leur ayant pas permis d'entrer dans les Tuileries, ils ont continué leur chemin par le quai des.Tuileries.
7. Pierre-Toussaint Duclos, marchand boucher à Paris, rue du Petit-Carreau,
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, ayant été avec son épouse et quatre ou cinq de leurs parents se promener au Champ-de-Mars, ils passèrent la rivière par le bac des Invalides, , dans l'intention de prendre les Tuileries pour venir chez lui ; qu'ils avaient entendu dire, lors de leur passage au bac, qu'il y avait du train dans la place, etqu'ony avait tiré quelques coups
de feu, et que, arrivés à la place Louis XV, ils y virent quatre pelotons de cavaliers qui étaient hussards et dragons rangés en face des Tuileries, et qui lui parurent fort tranquilles; qu'en conséquence ils continuèrent leur chemin pour gagner le pont tournant; que lui déposant, qni donnait à son épouse le bras, étant prêt d'entrer sur ledit pont, vit arriver le prince de Lambesc à la tête d'un détachement de son régiment, qui le força lui et sâ compagnie à se rejeter dans les pjerres, du côté de fa rue Saint-flonoré, d'où il vit le prince de Lambesc, que lui déposant connaît et a parfaitement reconnu, entrer dans ledit jardin des Tuileries, au grand galop, suivi dp son détachement; qu'il a entendu tirer par ce détachement dans Je jardin des Tuileries un grand nombre de coups de feu, dont il a senti personnellement ia répercussion sur le dos, et qu'ils se sont tous retirés.
8, Jean-Baptiste Dallemagne, fruitier-oranger à Paris, demeurant rue Saint-Lazare,
Dépose que; le dimanche 12 juillet dernier, sur les 2 heures, un détachement d'au moins 100 hommes de Royal-Allemand est venu s'établir en ordre de bataille a l'entrée de la barrière Blanche ; qu'un homme âgé ayant voulu traverser cette troupe, en ayant été maltraité, et par suite étant tombé sur la terre, ce fait a donné lieu à une clameur qui a été suivie de quelques pierres qui ont été jetées à ce? cavaliers par le public, lesquels ont alors fait feu dp leurs pistolets, et qu'entre autres un particulier inconnu à lui déposant est tombé à la porte dù déposant, blessé au bas-ventre d'une balle, dont la blessure paraissait avoir un pouce de diamètre, lequel particulier a été ramassé par lui déposant, remis chez le limonadier, son voisin, où on lui a donné les premiers secours ; qu'on a envoyé chercher un carrosse de place, dans lequel ce particulier a été conduit à sa demeure, rue du Bout'du-Monde, où il avait dit qu'il avait Son domicile, et où il a appris qu'il était mort en arrivant.
9. Thomas-Dieudonné Dalifard , marchand limonadier» rue Saint-Lazare,
Dépose qu'il n'a aucune connaissance des faits, mais que, dans la nuit du samedi il juillet au dimanche 12, des brigands s'étant emparés de la barrière Blanche et ayant mis le feu dans tout le courant de la journée du lendemain dimanche, des détachements des gardes françaises et de Royal-Allemand sp sont présentés à ladite barrière, soit pour aider à éteindre le feu, soit pour maintenir le bon ordre et la tranquillité, et qu'il y aVait une multitude de peuple considérable ; que lui déposant ignore ce qui a pu déterminer Je détachement Roy al-Allemand qui était de poste à 8 heures du soir, à faire Une première décharge, et qu'il sait seulement qu'un particu lier qu'il a depuis appris être cordonnier et demeurant rue au Bout-avr Monde avait été blessé d'un coup de feu dans le bas-ventre; que lui déposant avec autres personnes de ses voisins l'a ramassé sur le pavé, l'a apporté dans sa boutique, lui a donné les secours qu'il pouvait; qu'il était. ble?.sé dans le bas-ventre, à l'aine droite, de la largeur d'environ un pouce; que lui déposant a. envoyé chercher un carrosse de place dans lequel ce particulier a été transporté chez lui, accompagné d'un commissionnaire, que lui déposant a chargé de le conduire à son domicile, çt lequel commissionnaire en revenant chez lui déposant pour y recevoir tant
le prix de sa commission que celui de la voiture, à dit à lui déposant qu'il avait laissé ce particulier prêt à expirer.
10. Le sieur Nicolas Hion, agent des troupes du Roi, demeurant rue Saint - Honoré, n° 238.
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, ayant appris au Palais-Royal qu'il y avait des troupes et quelque tumulte à la place Louis XV, lui déposant alors Vit électeurs qui se disposaient à aller à l'Hôte^de-Ville, crut de son devoir de s'assurer p$r lui-même de ce qui se passait à la place, à 1 effet d'en rendre compte à l'assemblée des électeurs ; qu'en conséquence lui déposant monta chez lui, prit son épee et s'arma d'un pistolet de poche; qu'il pouvait être alors 7 à 8 heures du soir ; qu'au moment où il y arriva,
11 n'y avait pas grande multitude dans la place ; qu'il se rendit à l'avenue de Neuilly dans les Champs-Elysées, où il aperçut quelques pièces d'artillerie à la tête d'un corps de suisses; qu'il aperçut également dans ladite place des détachements de Royal-Cravate et de Royal-Allemand; qu'il rencontra différentes personnes de sa connaissance; qu'il n'aperçut de la part des troupes aucuns mouvements qui pussent l'inquiéter; au moyen de'quoi il entra dans les Tuileries par le pont tournant à l'effet d'être mieux à portée de voir ce qui se passait, et qu'à peine y était-il parvenu que lui déposant vit un détachement de Royal-Allemand commandé par le prince de Lambesc, qu'il a l'honneur de connaître personnelle-^ ment et parfaitement, entrer dans ledit jardin des Tuileries au galop par le pont tournant; que le peu de monde qui était alors dans cette portion de jardin se sauva à toutes jambes; qu'après divers mouvements et après des décharges de mousqueterie, comme le peuple criait ; Fermez le pont, et que plusieurs particuliers jetaient des chaises et des tabourets pour empêcher le passage, lui déposant a vu ledit prince de Lambesc revenant du côté du pont au galop, et rencontrant à l'angle d'iceiui du côté de Mercure un vieillard qui se pressait pour éviter d'être écrasé par son cheval, porter un coup de sabre sur la tête de ce particulier; qu'après ce, le prince de Lam t)£sq étant sorti des Tuileries, lui déposant s'est rètiré pour aller à l'Hôtel-de-Ville.
11, François-Philippe Dauthereau, marchand de vin, rue saint-Lazare,
Dépose qu'il n'a aucune connaissance desdits faits; mais sait seulement que, le dimanche
12 juillet dernier, il y a eu dans la place qui est devant la porte de sa maison des
détachements de cavalerie de Roy al-Allemand à l'occasion du feu qui, la veille au soir,
avait été mis par des brigands à la barrière Blanche; que, le tumulte occasionné par cet
événement ayant obligé lui déposant de fermer ses portes et de se tenir enfermé chez lui, il
ne peut nous donner de détails sur tout ce qui s'est passé jusque vers les 8 heures du soir
dudit jour-12.(1],- moment où il a entendu une décharge d'artillerie, et qu'ayant mis la
tête à la fenêtre de son premier étage, il a vu un particulier étendu sur le pavé près de la
boutique d'un limonadier son voisin, lequel avait été blessé d'un coup de pistolet par un
trompette de Royal-Allemand.
Dépose qu'il n'a aucune connaissance desdits faits; si ce n'est qu'il sait seulement que pendant toute la journée du dimanche 12 juillet dernier, à l'occasion du feu qui avait été mis à la barrière Blanche, il a vu des troupes aller et venir dans la place sur laquelle donne sa maison ; que sur les 7 à 8 heures du soir, la multitude s'augmentant, il crut devoir fermer sa boutique, et que peu d'instants après il entendit une décharge de plusieurs coups de feu, et que de la fenêtre de sa boutique, il vit un homme qui avait été blessé, qu'on soutenait sous les bras et que l'on entra dans la boutique du limonadier, d'où quelques instants après ce particulier fut mis dans un fiacre et reconduit dans sa demeure, et lui déposant a appris le jour même que cet homme était mort en arrivant chez lui. Ajoute, lui déposant, que c'était un détachement de Royal-Allemand-cavalerie qui était sur ladite place, et qui sans doute a fait la décharge de mousqueterie dont il vient de nous parler; au surplus qu'il ignore qui commandait ce détachement, et n'a point l'honneur de connaître le prince de Lambesc.
13. Jean-Jacques-Augustin de Carboire, officier des gardes du corps au service d'Espagne, demeurant rue Croix-des-Petits-Ghamps,
Dépose que, le 12 juillet dernier sur le soir, lui, déposant, étant aux Tuileries sous la statue de Mercure, il a vu entrer un détachement de Royal-Allemand qui se mit en bataille en faisant face à la rivière ; M. le prince de Lambesc, monté sur un cheval gris, selle grise sans fontes ni pistolets. A peine entré, une douzaine de personnes sautèrent aux crins et à la bride de son cheval et firent tous leurs efforts pour le démonter; un petit homme vêtu de gris lui tira même de très-près un coup de pistolet, qui emporta même son gant de la main droite qu'il tenait à la gauche; que le prince fit tous ses efforts pour se dégager, et il y parvint en faisant caracoler son cheval et espadonnant avec son sabre, sans néanmoins dans ce moment avoir blessé personne ; que lui, déposant, lui vit donner un coup de plat de sabre sur la tête d'un homme qui s'efforçait de fermer le pont tournant, et qui, par ce moyen, aurait coupé la retraite à sa troupe; qu'il ne fit que chercher à écarter la foule qui se jetait sur elle, tandis que, du haut des terrasses, on l'assaillait à coups de pierre et même d'armes à feu. Le prince ne dépassa pas le grand bassin, étant constamment resté dans l'espace entre cette pièce d'eau et le pont tournant ; sa troupe tira quelques coups de pistolet en l'air et se retira ensuite dans la place Louis XV, où il la joignit; observe que le prince n'était pas à la tête de sa troupe au moment du feu.
14. Louis Bourbon, marchand de vin à Paris, à la Pologne (1),
15. Louis-René Jarrier, compagnon cordier, demeurant à Bïcêtre, comme bon pauvre,
Dépose que, revenant des ateliers de charité du côté de Clichy, le dimanche 12 juillet dernier, sur les 7 heures du soir, il entra dans la place Louis XV, où il vit beaucoup de personnes courir sur le boulevard, où l'on disait que l'on allait chercher des armes dans une maisën blanche, à l'entrée du boulevard ; qu'il y courut comme les autres ; qu'il y rencontra un corps de troupes ayant des bonnets de poil sur la tête, qui tirèrent des coups de fusil dont il a eu le malheur de recevoir une balle qui lui a percé le haut de l'os de l'épaule, dont le trou n'est pas encoretout à fait guéri, et qui a pénétré dans l'intérieur de l'estomac; qu'il a été secouru pac les personnes qui étaient là, qui l'ont porté sur un brancard à l'Hô-tel-Dieu, d'où il a été passé à Bicêtre, comme bon pauvre, sur la recommandation de M. de Lafayette.
16. Etienne Rue, marchand de vin à Paris, à la barrière Blanche,
Dépose qu'il n'a aucune connaissance desdits faits, si ce n'est que le feu qui avait été mis aux barrières avait attiré le dimanche, 12 juillet dernier, plusieurs détachements de troupes à la barrière Blanche, et spécialement de Royal-A llemand, qui s'y était comportés assez paisiblement jusque vers les 7 heures du soir; qu'un tumulte ayant obligé lui, déposant, de se mettre en devoir de fermer sa boutique, il vit un détachement dudit Royal-Allemand, venant du côté de la rue Blanche, qui tira quelques coups de feu, les uns en l'air, les autres dans les fenêtres, et les autres sur le peuple qui était dans ladite place, et qu'entre autres lui, déposant, aida un particulier qui avait été blessé dans l'aine droite d'un coup de balle, à le transporter jusqu'à l'entrée de la boutique du limonadier qui est vis-à-vis de lui, déposant, où l'ayant laissé entre les mains des personnes qui cherchaient à le soulager, il entra chez lui, ferma sa boutique et n'a rien vu depuis.
17. M. Pierre Collet, marchand de galons, rue Saint-Denis, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, ayant entendu dire au Palais-Royal, où il était, qu'il y avait beaucoup de tapage à la place Louis XV, il s'y est transporté; qu'il y trouva différents corps de troupes qui y étaient en ordre de bataille ; qu'il alla jusqu'à l'entrée des Champs-Elysées, dans l'avenue de Neuillv, où il vit des canons environnés de Suisses;" que sur les 7 heures 1/2 8 heures il aperçut un détachement de Royal-Allemand qui venait par la place dans la rue Royale, lequel entra dans lé jardin des Tuileries par le pont tournant ; que, comme lui déposant n'avait aucune mauvaise intention, il s'approcha dudit pont tournant, et qu'au moment même où il était prêt à mettre le pied sur ledit pont, il vit le prince de Lambesc, qu'il connaît et qu'il reconnut parfaitement, qui venait au galop pour sortir des Tuileries par ledit pont, au moment où un particulier qui était à l'autre extrémité dudit pont de la rue Saint-Ho- noré, lequel particulier avait son chapeau sur la tête, une perruque ronde, un parapluie sous le
bras et petite canne à sa main, tenant d'une main la rampe dudit pont et cherchant à s'échapper, sur laquelle le prince de Lambesc, qui galopait, lui déchargea en passant un coup de sabre; qu'alors lui, déposant, s'échappa par les trottoirs du côté de la colonnade, regagna par l'escalier de l'Orangerie la terrasse des Feuillants et se retira chez lui. Ajoute, lui déposant, qu'il a vu et entendu le détachement commandé par le prince de Lambesc tirer un grand nombre de coups de feu dans le jardin des Tuileries pendant le peu de temps qu'il y est resté.
18. Joseph-Martin Courtet, dit Chambéry, domestique de madame Dufaillant, y demeurant rue Clos-Georgeot, Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, étant allé se promener aux Tuileries à 7 ou 8 heures, et se trouvant sur la terrasse du côté des Feuillants et voyant sur le pont tournant, il a vu M. le prince de Lambesc monté sur un cheval qu'il croit gris ou alezan, à la tête d'un détachement de son régiment, entrer le sabre à la main par le pont tournant dans le jardin des Tuileries, et qu'alors la frayeur qu'il partageait avec tous ceux qui se trouvaient sur ladite terrasse l'a fait enfuir, et que dans sa fuite 11 a entendu plusieurs coups de feu qui l'ont fait sauver plus vite encore; déclare qu'il connaît personnellement le prince de Lambesc, et qu'il est bien sûr que c'est lui qu'il a vu entrer au grand galop dans les Tuileries, le sabre à la main.
19. Omer-Gratien-Zéphirin Le François de Rosuel, âgé de 37 ans, écuyer, demeurant à Paris, rue et hôtel Taranne, Dépose que, s'étant rendu aux Tuileries le 12 juillet dernier, dn 7 à 8 heures du soir, se promenant sur la terrasse des Feuillants, et étant arrivé à l'extrémité de ladite terrasse, il a vu M. Je prince de Lambesc, qu'il a l'honneur de connaître, et qu'il a parfaitement reconnu, entrer au grand trot dans le jardin des Tuileries par le pont tournant, suivi d'un détachement de son régiment; lequel détachement il a vu se porter jusqu'au grand bassin de part et d'autre ; ce que lui déposant a jugé avoir pour objet de dissiper la multitude du peuple qui se trouvait du côté de ce jardin ; qu'après ce, le prince de Lambesc a reformé sa troupe, est sorti des Tuileries par le même pont tournant pour se rendre par la place Louis XV, et que peu de temps après, lui déposant a vu ledit prince de Lambesc revenir et rentrer aux Tuileries au grand galop par le pont tournant et suivi du même détachement, ayant tous le sabre à la main, se porter jusqu'au grand bassin, s'y partager de droite et de gauche après avoir fait une décharge en l'air, et lui déposant a vu ledit prince de Lambesc se porter aux deux tiers du rempart conduisant à la terrasse des Feuillants où était lui déposant, et quelques cavaliers de Royal-Allemand en faire autant de l'autre côté ; que lui déposant a encore vu le peuple jeter des pierres sur le détachement de Royal-Allemand, qui était formé en ordre à la tête du pont tournant, à la place Louis XV, dans l'intervalle du temps qui s'est écoulé entre les deux entrées dans le jardin des Tuileries; qu'à la seconde fois que le prince de Lambesc est sorti dudit jardin, lui déposant l'a vu se détacher de sa troupe et se porter sur un homme qui était appuyé et au coin de la rampe du pont tournant, qui "paraissait à lui déposant vouloir
faire ses efforts pour fermer ledit pont, auquel lui répondant' a Vu ppHèr un (îqup de sabre, et cé du côté de la colonne de Mercure,
M. le b4h0n de resenval Dépose qu'il ne peut que répéter ce qu'il a djt dans ses interrogatoires? lors de son procès, à quelques circonstances très-peu importantes qu'il ne s'était pas rappelées : dans ce temps le déposant avait chargé spécialement M- de Lambesc dé Surveiller avec son régiment de Royal-Allemand, alors campé dans lé jardin de la Muette, un atelier de 3 à 4,000 ouvriers employés à construire un chemin à Montmartre, qui demandait la plus grande surveillance par les désordres continuels auxquels ils s'abandonnaient, cp qui nécessitait M. de Lambesc à y avoi^ continuellement des * détachements de son régiment, et à S'y porter souvent en personne.
Le juillet dernier le déposant, [ayant rassemblé dans la place Louis XV les" différents détachements de cavalerie postés dans tout le pourtour 4é Paris, à l'effet de continuer à y maintenir le bon ordre, et qui auraient pu être compromis, étant isolés dans leurs différents postes, était dans une grande inquiétude de voir l'humeur qui régnait parmi }es troupes de la façon dont elles avaient été traitées par le peuple, qui les avait reçues à coups de pierre et a coups dè fpsil, de manière qu'il y eqt plusieurs dragons tués, blessés, ainsi que. des chevaux, et de voir pareillement que le peuple était pêle-mêle ayec les troupes, ce qui pouvait d'un moment à l'autre occasionner un carnage.
Le déposant aurait eu bipn envie de faire repousser par une charge tout ce peuple dans les Tuileries, et prévenir par là les événements que lui dér posant craignait ; mais pour faire cesser cette manœuvre il aurait fallu déposter une ou plusieurs troupes qui étalent en bataille, ce qui aurait eu l'air d'une véritable attaque, et aurait pu engager l'événement que le déposant voulait prévenir : dans cette position.M. le prince de Lambesc envoya son aide de camp au déposant, pour lui dire qu il était à la place Vendôme avec un détachexpient de son. régiment d'environ 50 chevaux,et qu'il lui faisait demander ses ordres : le déposant lui fit dire de le venir joindre sur-le-champ avec sa troupe, voulant en profiter, pour fairè l'opération qu'il désirait : aussitôt qu'il fut arrivé, il lui ordonna de charger tout le peuple qui était dans les pierres et avant le pont tournant nopr je contraindre à rentrer daUs les Tuileries. M. deLacobesc demanda au déposant si lui-même.y entrerait, à quoi il lui répondit d'abord que uoii ; mais faisant réflexion que c'était manquer son Objet s'il n'enfonçait pas daus lès Tuileries'le peuple qui aurait pu repasser le pont tournant, il réitéra son ordre à M. de Lambesc, et lui dit de dépasser avec sa troupe le pont tournant, et de. s'arrêter à six pas du pont dan s l'intérieur du jardin. M. de Lambesc. exécuta ponctuellement son mouvement, et s'arrêta à la hauteur des Renommées, autant que le déposant a pu en juger de la balustrade de la statue de Louis XV où il était ; il fut fort étonné devoir partir plusieurs coups de pistolet en l'air, du détachement des Royal-Allemand, et de voir M. le prince de Lambesc faire un' mouvement rétrograde très-prompt et repasser le pont avec sa troupe ; le déposant alla au-devant dp lui et lui demanda raison de cette conduite et ce qui lui était arrivé. M. de Lambesc lui dit qu'à l'instant qu'il s'était ébranlé, le peuple s'était retiré précipitamment de devant lui, et avait passé le pont tournant, mais qu'au lieu
de s'enfoncer dans les Tuileries, il avait gagné à toute course les rampes, çt s'était accumulé sur les plate-formes de droite et de gauche,ll'où il avait accablé le détachement dé chaises, de pierres et de tout ce qu'il avait trouvé sous sa main, tandis que plusieurs particuliers, s'étant glissés derrière les chevaux, commençaient déjà à tourner le pont, ce qui l'avait contraint de se retirer avec la plus grande vitesse; sur quoi le déposant lui ordonna de se mettre en bataille avec sa troupe sur un terrain qu'il lui indiqua dans la place Louis XV, où U resta jusqu'à ce que lui déposant fit retirer toutes les troupes, pour rentrer dans leuss quartiers.
deuxième addition.
Du
1. Fçiançois-Henri-Charles, comte de Rey-naCk, capitaine au régiment de Royal-Aallemand,
Dëppse'; £e 12 juillet dernier, à midi, je , fus commandé de piquet ; à 1 heure 1/4 arriva un commis des barrières, à ce que je crois, chez M. le prince de Lambesc, au château de la Muette, qui demanda des secours pour se transporter à la barrière Blanche où l'on menaçait de brûler la bar-, Hère ; il me fut ordonné de monter à cheval avec un piquet de 50 hommes, en toute diligence, ce que je fis : étant sorti et passant devant lé château de la guette, jp trouvai ce. commis, qui était à cheval, qui, me dit qu'il me précéderait d'une quarantaine'de pas, pour ne pas avoir l'air de chercher main-forté ; je partis au trot et me rendis sur une place qui se trouve près la barrière Blanche, où je me mis en bataille , j'y trouvai trois piquets de gardes françaises, un de grenadiers .et un de fusiliers, ainsi qu'un détachement du guet à cheval, qui me dit qu'il était là pour me con-r duire où ma présence serait nécessaire, Les piquets des gardes françaises quittèrent le poste ; je rès-> tai là jusqu'à environ 6 heures; pendant cet intervalle le piquet du guet à cheval s'en alla par deux, trois et quatre hommes, en sorte qu'il ne m'en resta que deux ou trois. Voyant les derniers de cp piquet parti, j'accostai l'un d'eux qui avait un galon sur ie bras, et. dont j'ignore le grade, et le priai de rester là pour me conduire où ma présence Serait, nécessaire, ne connaissant point du tout Paris';'j'eus toutes les peines du mohde à maintenir ma troupe dans l'ordre que la loi m'a jusqU à présent donné, par la grande quantité de monde qui m'entourait; j'y fus même invectivé ainsi que ma troupe; on proposait à ma troupe à boire différents vins et liqueurs, ainsi que de l'argent ; j'eus beaucoup de peine à la maintenir et à empêcher qu'on ne dérangeât son ordre de ba-taille, par la quantité de gens de tout état qui cherchaient à entrer dans les rangs, quoique ma troupe fût placée suivant les règles de notre état; il se présenta même un vendeur de tisane, ayant dans sa fontaine du vin, qui èn fit boire à un de la troupe, lequel dit à un de ses camarades qu'il croyait boire de l'eau sucrée- Je restai dans cette position jusque sur les 6 heures. M. le prince, de Lambesc passant à mon poste, je lui demandai d'être relevé, étant harassé par l'ardeur du soleil qui me plongeait ainsi que ma troupe, Ce qu'il me promit et ne tarda pas de faire ; ayant été en effet relevé vers les 6 heures 1/2, je fus envoyé au manège des Tuileries pour m'y rafraîchir, où je restai environ une demi-heure ou trois quarts d'heure, et fis donner une demi-bouteille de vin par homme, et quelques bottes
de foin pour les chevaux du détachement Vers les 6 heures 3/4 ou 7 heures, je reçus ordre d'en sortir précipitamment pour me- transporter à la place Vendôme, parce que l'aide de camp qui me donna l'ordre me dit qu'il s'y rassemblait beaucoup de monde; je fis brider à la hâte pour me rendre sur cette place Vendôme, où je me mis en bataille près de la statue, ayant une avant-garde sur ma droite, et une arriére-garde sur. ma gauche; je n'y restai guère qu'une demi-heure. Je reçus ordre d'un aiae de camp de me rendre à la place Louis XV. M. le prince de Lambesc me joignit sur ladite place Vendôme, et me conduisit à la place Louis XV; je reçus un autre ordre de M. le prince de Lambesc d'entrer dans les Tuileries : j'y marchai militairement.
Arrivé au pont tournant au grand trot, une femme d'environ trente à trente-quatre ans, vraisemblablement effrayée par le bruit de la troupe, tomba sur le pont tournant; ma première section, qui marchait à environ trente pas du corps de la troupe, arrêta positivement à l'entrée du pont pour laisser relever cette femme et son enfant ; la troupe entra dans les Tuileries, après avoir franchi une haie de chaises; je fis mon commandement pour que la troupe se mît à droite en bataille; pendant ce temps-là je fus moi-même à gauche, où il y avait beaucoup de monde sous un hangar ou tente qui pouvait renfermer environ deux cents personnes de tout état; je leur dis de se retirer, que nous n'étions pas ici pour leur faire de mal, mais qu'on ne voulait pas souffrir d'attroupement; on répondit à mon honnêteté avec pierres, bouteilles, chaises et toutes sortes de choses qu'on me jeta après ; je reçus deux contusions, l'une au coté, l'autre aux reins ; dans ce même temps, on tira dessus la troupe de dessus les terrasses, et on lui criait des sottises ; voyant le feu que l'on faisait sur eux, je commandai à ma troupe de se disperser et de tirer quelques coups de mousqueterie en l'air, de prendre garde à ce qu'ils feraient, tel que l'ordre leur avait été donné chemin faisant, tant aux soldats en général qu'aux officiers particulièrement qui étaient sous mes ordres. Pendant ce temps-là, je vis un cavalier, près du bassin, démonté : je lus à lui pour le faire rentrer au corps de la troupe ; voyant que le cheval ne pouvait pas se relever, n'ayant que la partie de derrière qui traînât à terre , je donnai un coup de plat de sabre au cheval, sur les fesses, pour le faire relever ; le cheval se releva, le cavalier monta dessus et rentra dans son rang. Moi, de ma personne, je me reportai à gauche pour voir ce qui se passait; j'y fus invectivé par un jeune homme d'environ 18 ans qui avait un bâton de chaise gros comme le poignet, d'environ un pied et demi, lequel me le lança ; je le reçus au bras gauche, il me fit une si grande douleur que je fus obligé de quitter la bride de mon cheval, croyant avoir le bras cassé', mon cheval se cabra et fit beaucoup de difficultés ; ayant rattrapé ma bride, je poursuivis ce jeune homme jusqu'à la première allée ; passant devant un banc où il pouvait y avoir une trentaine de personnes de tout sexe, qui ne me dirent rien, je lâchai après ce jeune homme un coup de pistolet à poudre ; je revins à ma troupe pour la remettre en bataille et la faire ressortir du jardin, [j'entendis crier dans ce moment de toutes parts, de fermer le pont ; j'ignorais que ce pont se fermât; y étant arrivé, je vis M. le prince de Lambesc qui en était près, et plusieurs personnes, dont l'une avait le bras en l'air; je fis sortir ma troupe, la mis en bataille vis-à-vis un détachement de Royal-Gravate-cavalerie ; je me
rapprochai du pont tournant, je n'y vis plus personne. Je restai, avec ma troupe dans cette position fort tard: je vis arriver une division l'infanterie suisse, avec deux pièces de canon qu'ils mirent en batterie au pied de la statue; ne pouvant rester là en cas qu'elle jouât, je m'adressai à M. de Besenval pour avoir ses ordres : il me mena lui-même au-devant d'une rue qui est au milieu de la place Louis XV, où je restai jusqu'à ce que j'eus reçu un billet dè M, du Ghâtelet, colonel des gardes françaises, qui me prévenait que les gardes françaises venaient contre les troupes à cheval, et qu'il me priait de me retirer derrière les suisses, ce que j'ai fait pour éviter tout combat, n'ayant pas l'ordre de combattre. Je cherchai un officier général pour prendre ses ordres, je n'en trouvai point ; dans ce moment je fus rejoint par le détachement qui m'avait relevé; je me retirai derrière les suisses jusqu'à ce que je reçus ordre de me retirer dans le camp, où je fis déposer les cartouches que je pouvais avoir, suivant l'usage admis, soit dans l'infanterie, soit dans la cavalerie. Ajoute le déposant que l'usage du service est que les officiers n'ont point de cartouches ni de gibernes; que leurs pistolets ne sont point de calibre.
Du
2. Jacques Buguet, commis aux carrières sous Paris, demeurant rue des Nonaindières,
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, venant de se promener aux Champs-Elysées avec sa fille et un jeune homme, arrivé à la tête du pont tournant, vers les 8 heures du soir, où il s'était amassé beaucoup de monde, il vit une foule de peuple, hommes, femmes et enfants de tout âge, se porter avec précipitation dans les Tuileries; que s'étant rangé au bout du pont tournant, du côté du trottoir et de la rivière, il a vu un détachement de Royal-Allemand, commandé par le prince de Lambesc, ainsi qu'il a été dit par le public, qu'il n'a pu distinguer quoiqu'il le connaisse d'ailleurs, entrer au galop sur trois ou quatre de front dans les Tuileries par le pont tournant, se porter jusqu'au grand bassin, revenir sur ses pas entre les deux terrasses, se porter jusqu'au grand bassin, revenir de droite et de gauche, y faire un feu roulant de pistolet, autant que lui déposant a pu l'apercevoir et le remarquer de l'endroit où il était placé du pont tournant; que quelques instants après il a vu un petit homme qui traversait le pont assez tranquillement, pour entrer dans les Tuileries ; qu'alors il aperçut le commandant du détachement de Royal-Allemand, montant un cheval blanc ou gris, se détacher de sa troupe et venir au galop sur ledit particulier, Je sabre à la main, auquel lui, déposant, croit avoir vu porter un coup de sabre sur le col,-et que le moment d'après il a vu revenir le même cavalier sur ledit homme et lui porter un coup de sabre sur la/tête; qu'avant ce fait il avait entendu le peuple crier : Fermez le pont! mais que comme il n'y avait personne qui sût comment s'y prendre, cela n'avait pas pu se réaliser ; qu'après ce, lui déposant et sa compagnie se sont retirés par le trottoir.
3. Marie-Françoise Buguet , marchande de bas à Paris, demeurant chez son père, rue des Nonaindières,
Dépose que, revenant avec son père des Champs-Elysées, où ils avaient été se promener le
8 heures du soir, elle a vu arriver un détachement de cavalerie, portant des bonnets de grenadier, que tout le monde a dit être commandé par M. le prince de Lambesc, entrer au galop par le pont tournant, dans le jardin des Tuileries, et se porter jusqu'auprès du grand bassin, où elle a entendu plutôt que vu tirer plusieurs coups de feu, attendu que la frayeur dont elle était saisie, ne lui a pas permis de faire l'attention nécessaire pour pouvoir détailler les différents mouvements de ce corps de cavalerie; que cependant elle se rappelle très-distinctement avoir vu un des cavaliers qui était à la tête, au moment où il allait ressortir des Tuileries par le pont tournant, porter un coup de sabre sur un homme qui était au bout dudit pont tournant dans l'intérieur de la rue Saint-Honoré ; qu'elle a entendu dire au public, dont elle faisait partie, de jeter les chaises dans J'eau, lequel cavalier dans ce moment était monté avec son cheval sur le parapet où elle, déposante, était, lequel poursuivait le monde qui y était ; que la frayeur a fait fuir elle déposante, et qu'elle n'a rien vu ni entendu de plus.
4L Jean-Louis-Deschamps , tailleur d'habits, demeurant à Paris, rue de l'Arbre-Sec,
Dépose que, le 12 juillet de l'année dernière, ayant été se promener avec M. Buguet et mademoiselle sa fille, en revenant sur les 8 heures du soir, ils eurent quelque peine à parvenir au pont tournant, à cause de la multitude de peuple et de troupe qui se trouvaient alors dans la place Louis XV, et qu'ils n'arrivèrent audit pont tournant qu'au moment où un détachement de cavalerie, portant des galons d'argent sur un uniforme bleu, à ce qu'il croit, avec des bonnets de grenadier, entrait au galop dans le jardin des Tuileries par le pont tournant ; que lui déposant quitta le bras de la demoiselle Buguet et entra dans le jardin des Tuileries à la suite dudit détachement, se retira sur la droite dudit pont, d'où il vit ce détachement faire différents mouvements, et tirer des coups de feu de pistolet ou de fusil; que peu de temps après il vit le même détachement revenir sur ses pas, pour ressortir des Tuileries, et qu'il vit bien distinctement un cavalier de cette troupe qu'il ne peut pas désigner lequel était en avant, lequel porta un coup de sabre sur un homme de petite taille qui était au coin dudit pont tournant, du côté de la colonnade; et qu'après que ledit détachement a été sorti des Tuileries, il a rejoint le sieur et la demoiselle Buguet, et qu'ils ont été poursuivis par un cavalier sur le trottoir du côté de la rivière, par lequel ils s'en retournaient.
5. Nicolas Pjot, marchand orfèvre à Paris, demeurant place de Grève,
Dépose que, le 12 juillet de l'année dernière, lui déposant, accompagné de M. Franquelin, officier, de madame Bimont, demeurant rue de Po-pincourt, a été d'abord au Palais-Boyal, ensuite aux Tuileries où ils se sont promenés sur la terrasse des Feuillants ; qu'arrivés à son extrémité, près le pont tournant, ils se sont amusés à examiner les troupes qui étaient dans la place Louis XV; que vers les 8 heures du soir, ayant aperçu un groupe de monde près le grand bassin, ils sont descendus par le rempart et se sont rapprochés dudit groupe, à l'effet d'entendre ce qui s'y disait; que peu de temps après qu'ils y furent arrivés, lui déposant ainsi que le sieur Franquelin virent arriver dans le jardin des Tuileries, par le pont tournant, un détachement de
Royal-Allemand, commandé par M. le prince de Lambesc, que lui déposant connaît parfaitement, pour avoir eu l'hoùneur de le voir plus de 30 fois chez le père de lui déposant, avec lequel ce prince a fait de très-grosses affaires, et qu'il l'a parfaitement reconnu dans le moment dont il parle; qu'a ce moment lui déposant et le sieur Franquelin, se tenant sous le nras, se retirèrent du côté de la rivière, par la grande allée ; qu'ils entendirent plusieurs coups de feu, et notamment un bruit entre leurs oreilles, qu'il ne peut rendre autrement que par le mot pst, qu'ils estimèrent être le bruit au passage d'une balle, ce qui les engagea à redoubler le pas et se retirer le plus vite possible.
Du
G. Le sieur André du Tronquay, président-trésorier de France, demeurant à Paris (1),
Dépose que, le 12 juillet dernier, l'après-midi, il a parfaitement vu tout ce qui s'est passé aux Champs-Elysées, à la place Louis XV et aux Tuileries; qu'aux Champs-Elysées, vers les 5 ou 6 heures du soir, il a vu arriver un corps des gardes-suisses d'environ 600 hommes, emmenant avec lui son train d'artillerie, consistant en 4 pièces de canon et deux chariots de munitions, chacun desquels était attelé de deux chevaux; qu'arrivé aux Champs-Elysées, ce détachement a fait halte à la contre-allée près l'avenue; que lui déposant a traversé la place Louis XV, sur laquelle il a trouvé, à l'encoignure près la statue, un détachement de dragons d'environ 30 ou 40, lesquels dragons étaient rangés en muraille-ligne, prolongée depuis la statué jusqu'à la rue Royale; que ce détachement était entouré de citoyens causant familièrement avec les dragons, touchant les rênes des chevaux et les faisant badiner avec leurs mors ;
Que lui déposant a continué sa route et est entré au jardin des Tuileries, où étant et
dans l'enceinte du fer-à-cheval, il a entendu un bruit extraordinaire sur la place de Louis
XV ; que sa curiosité l'a engagé à monter sur la terrasse, où étant il a aperçu beaucoup de
monde portant quelque chose en triomphe au bout de deux piques, qu'on lui a dit être les
bustes de MM. le duc d'Orléans et Necker^ en cire, pris chez Cur-tius ; que lui déposant ne
sait ce que sont devenus ces bustes, la statue équestre l'ayant empêché d'en voir davantage
; mais que dans l'instant il a vu un hussard à cheval, qu'il croit être d'Esterhazy, aller
de la rivière à la rue Royale; qu'il a vu jeter quelques pierres sur ledit hussard, qui, à
cette attaque, a pris le galop bride abattue et mis le sabre à la main ; qu'alors il s'est
fait un mouvement de la part du détachement de dragons, et il est parti; l'instant d'après,
il est arrivé un détachement de dragons même uniforme que le précédent, au nombre d'à peu
près 300, qui ont traversé au galop, depuis la rue Royale jusqu'à la statue équestre, auprès
de laquelle ils se sont rangés en bataille, où ils
ou cinquante coups, ce qui a duré environ une demi-minute; que lui déposant, après l'avoir examiné, n'a vu ni tué ni blessé, mais que, sa prudence l'emportant sur sa curiosité, il avait cru devoir se retirer; se rappelle le déposant qu'avant l'arrivée de Royal-Cravate sur la place Louis XV, il a vu revenir du bassin des Tuileries un soldat couvert de l'uniforme des gardes françaises, qui, disait-on, avait été blessé à la tempe droite par le hussard qui avait traversé la place, qu'on venait de laver sa blessure, et que lui déposant ne sait ce qu'est devenu le soldat.
Au récolement.
Le sieur du Tronquay ajoute qu'il a oublié de dire qu'il était arrivé 40U petits suisses, qu'on nommait Samades, qui s'étaient rangés en ligne parallèle à la ligne des gardes suisses, dans les Champs-Elysées ; ajouta encore que Royal-Allemand sortant des Tuileries, le prince de Lambesc à sa tête, il avait à ses côtés un ou deux officiers de son détachement, et qu'il a vu plusieurs pierres lancées sur ce détachement, lorsqu'il se retirait.
7. Le sieur Pierre-Charles Cosson, professeur émérite en l'Université,
Dépose que, le 12 juillet dernier, le déposant se trouvait à Chaillot, dans une maison sise grande rue dudit lieu ; qu'entre 4 et 5 heures après midi ledit jour, il a vu passer M. le prince de Lambesc accompagné de quelques officiers de son régiment; qu'il le connaît très-bien, l'ayant vu autrefois au collège et depuis en diverses autres rencontres; qu'au moment de ce passage, il croit qu'il était monté non sur son cheval d'escadron, mais sur un cheval de course, ce qui n'annonçait aucun mouvement hostile ; qu'entre 7 et 8 heures il a revu le môme prinCe, sortant des Tuileries et rendant compte au baron de BeSenval, avec assez de calme et de tranquillité, des ordres qu'il avait exécutés : que le déposant écoutait le résultat de cette conférence, lorsqu'il entendit, l'officier qui commandait les Royal-Cravate, et qui était posté en face de Royal-Allemand, leur ordonner de charger les armes ; qu'alors le déposant crut qu'il était prudent pour lui de passer le pont tournant et d'entrer dans les Tuileries; qu'il s'y informa à différents particuliers de ce qui venait de s'y passer, qu'on lui répondit que le prince de Lambesc avait poursuivi un jeune homme Iè pistolet à la main fort avant dans la grande allée ; qu'ayant fait diverses questions à ce particulier, il en a conclu qu'il ne connaissait pas le prince même de vue et qu'il avait pris pour le colonel un officier du même corps, décoré de la plaque d'un ordre étranger,qu'il a cru être l'ordre du Saint-Esprit dont le prince est revêtu ; que le lendemain lundi 13 en se rendant au district de l'Abbaye Saint-Germain-des-Prés, dont le tocsin sonnait alors vers les 9 heures du matin, il a vu un particulier qui affichait à la pointe du carrefour de Bussy un placard manuscrit portant invitation, entre autres choses, aux citoyens de Paris,de se saisir du prince de Lambesc et de l'écarteler sur-le-champ ; d'où il résulte que ce n'est pas sans raison que ce prince est contumax et a pris la fuite.
Au récolement.
Le sieur Cosson ajoute que la méprise du particulier qu'il a questionné, à l'occasion de M. le prince de Lambesc, d'où lui témoin, conclut que
cë particulier ne cotiùais&âit pas hiêtiièiç prioéfe de vuë, et les bruits qui s'ensuivirent dans le public lui paraissent avoir produit un tel effet, que tifela a pu déterminer l'affiche faite le lendemain du placard dont il parlé dans Ba déposition,observant que lés termes dont il se sert daiis sa déposition sont les mêmes que ceux dudit placard.
8. François LapLancëë,bourgeois de PaHs, demeurant cloître Notre-Dame,
Dépose que, le 12 juillet dernier, lui déposant ayant été avec Sa femmé ét sà Allé se promener aux Invalides, vers les 6 à .7 heures du soir, passèrent l'eau, etJ Vibrent âdxChamps-Elysées, d'où ils gagnèrent la place de Louis XV, dans laquelle ltii déposant aperçût un fort grand nombre ae troupes qu'U ne peut désigner, eu une iniilti-tude dë mondé qui Së portait en foule du Côté du jardin des Tuileries, Cé qUi effraya son épouse, ainsi que sa fille, desquelles 11 se trouva séparé ; qu'en conséquence, lëscroyantëntrêës aux Tui-leriës, il y était entré par le poïit tournant, dans l'espoir, ae lès y retrouver J thàiS q.Uë très-peu d'instants après il aperçut ùït corps dë Cavaliers de Royal-Allemand, d'environ 40 à SÔ fifthimës, ayant à leur tète le , prince de Lambesq, entrer au galop dans le jardin des Tuileries, par le pont tournant; que lui déposant s'étant rangé à îa droite du pont, du çôtê de la Retibmniée, ila vu jeter des dnaisés, des tabourets, fâémô "des pïérrês sut cé détachement ; qû'éri. feôhséqùénéë, lui déposant a vu ët eniéndu duel^ues coups de feu tirés par ce détachement en l'air, à ce qli'il a pu ëh juger par la lumière et par la frimeë ; qu'après quelques moments il a entendu crlet î Fermez le pont, à différentes reprisés ; qu'alors lë prihÇS de Lambe'sc ayant forme la troUpe, s*ë$t mis fcû état de sortir du jardin des Tuiler|èS, ët,'que , èè. trouvant près du pontj il l'a Vu porter ùh ôbup .de plat de sabre, à ce qu'il croit, sut ùtl particulier que lui déposant à Cru dpèfcêvoir faire ses Vf forts pour fermer lê pont; que ce partibulier était tiq petit homme, portant une perruque ronde, avec une canne, et qu'il lui a paru qu'au moment où ce particulier a été frappé par lé prince dë Lambesc, il avait saisi d'ûrle VnavrîlaÙHde du cheQa,ldfyprince et de Vautre ténâit la rampe du pont ; qUe J'étant ensuite rendu au PaïafsrRpyâl. vers les y heures, il y a vu le fùêmë particuuër, que plusieurs personnes disaient avoir été blessé par le prince de Lambesc, et que lui déposant a vu la blessure ët qu'ellé lui a paru fort légère.
9. François-Denis Drouin, directeur dëa mines du Cotentin, demeurant à Paris, rue Page-vin,
Dépbse: Le dimanche juillet dernier, éiant allé aux Champs-Elysées me promênér af èc ma femme et ma^-fmë, je vis descendre, par lé chemin dés ÇhaitipS-Étysées, un bataillon dé gardes suisses, eh Ordré de bataillé aVec de l'artulerie ; je m'en, approchai et causai avec Un officier de la dernière compagnie, qui se trouva de ma connaissance ; un bruit d'armes % feu, sur la place, fit I changer leS suisses de formation, ce .qui m'engagea à rester derrière lê bataillon : peu de. moments après arriva au galop un escadron de dragons, que dëS particuliers îile' dirëût s'être i battus sur la place ; pour ne pas mettre ma femme et ma fille dans la roule, je restai dans ! les Champs-Elysées jusques vers 8 heures du soir ; jè me rendis aux IWlenôfc éll.passant le long des bâtiments appelés ôolonnade; en traversant le pavé, j'aperçus sur la place, et près
de la statue, un peloton de cavalerie que je reconnus pour être: dè Koyal-Alléïnând. La tranquillité étant rétablie, je proposai à ma femme de monter sur la terrasse pour voir ce régiment qui était en grande tenue. Arrivés au bout de la terrasse près le pont tournant Oh hbtis fit place : nous nous appuyâmes sur la rampe de fer, nous découvrîmes un autre peloton du même régiment près de la statue, maïs du côté la rivière ; pendant que nous examinions cette troupe, le peloton à Côté de là statue de la placé, du côté de la colonnade, quitta son posté et vint aù trot ati pont tournant, le passa, entra dans le jardin, s'y développa et poussa au galop jusqu'au bassin qui est entre la grande allée et le pont tournant, chassant devaiit lUi la multitude qui couvrait le terrain dans les Tuileries ; arrivée au bassin, et le monde étant dispersé, îa troupe se forma en rétrogradant pour repasser le pont. Une voix, sur la terrasse ou j'étais, cria : Fermez le pont ! L'officier qui était en avant du peloton partit au galop et gagna le pont, seul. En arrivant sur le pont, il donna un coup de sabre à un homme qui rentrait dâuàles Tuileries : le coup porta sur la corne du chapeau, qui le fit tomber, et. ensuite sur lë bras de 1 homme, sans que j'aie pu distinguer s'il était grièvement blessé ou non. Aussitôt ae la même terrasse furent lancées plusieurs chaises qui tombèrent en avant du peloton qui était bOur lùrs arrêté. L'officier qui était à la tête fit . raire un mouvement à droite tt sa troupe et tirer plusieurs coups de pistolet en face de là terrasse : tout lé monde se sauva, j'arrêtai ma femme et tt)a fille et.Jetir fis Vùir que l'dntyraiten tair. Le même peloton se mit en mouveinient pour monter la rampe en fer à cheval du côté des Feuillants, te cpi'il fit jUâqueS à peu prèS moitié : ce ttiôuve.ïneat effraya de nouveau ma femme et ma fille, qui voulurent Sê sauver, mais je lës conduisis malgré elles par la même rampe au-devant de la troupe, dont le' conducteur, à son départ, nous, salua de SOU Babre et sortit des Tuileries avec sa troupe.
Du
iO. M. le Marquis de ChatéaUNEUF, après un détail mutilé,
Dit : Du Châmprde-MârS, j'ai dirigé ma marche du côté dé la place Louis XV ; arrivé sur l'aile droite dé là statue, j'ai éûtendu Un tumulte et des cris affreux ; il ne m'a pas été possible de parvenir au pont tournant- pour éviter les dangers qui mé menaçaient, rai. été obligé dé me placer dans ùh des angles du parapet ; j ai vu revenir un escadron composé 4è cavaliers de Royal-Allemand, près duquel étaient réunis un beloton de cavalerie du régiment dë Royal-Cravate, M. le prince de Lambesc à la tète, en grand uniforme, monté sur un cheval gris pommelé ; les cris du peuple ont recommencé avec Une nouvelle fureur; une grêlede pierres, âe chaises et de morceaux de bois ont ëie lancés contre les troupes de ligne ; derrière la statue et derrière plusieurs pierres étaient des soldats des ci-devâùt gardes françaises , l'escadron a perdu ses distances, et U est survenu sur le pont tournant une inéiéë occasionnée par un homme d'unè moyenne taille, habit de drap couleur foncée, en perruque, qui à saisi Vune des rênes du cheval de M, le prince de Lambesc, et par suite à cherché ù ébranler te pont. M. le prince de Lambeéc a détaché un coup de sabré ; une partie de l'escadron «'est réunie; M. le prince.de Lambesc a rallié et est parti ventre à terre ; j'ai
continué ma route pour me rendre âU Palais-Royal par la rué Sâiht-Hônorê ; arrivé dansleiàrdiû du Palais-Royal, j'ai vu un groupe dë mônae qui était placé SOUS la tente viS-à-vis le café (lu Caveau. Sur un fauteuil était assis ce quidam qui venait de recevoir au pont tournant le coup de sabré : je mé spis approché très-près de lui, j'ai examiné sa blessure ; j'ai jugé que ce n'était gu'un coup de plat de sahre au côté du dos, qui formait ^meurtrissure ; beaucoup de Citoyens lui ont offert leurs services et plusieurs ont fait porter du Vespétro.
; Du
i 1. Marguerite de Dol, femme Poussin, bourgeoise de Paris,
Dépose, que, le 12 juillet de Tannée dernière, étant allée se promener avec son mari du côté des Champs-Elysées, ils se sont occupés à regarder tes travaux du pont dè Louis XVI, et que sur les 7 à 8 heures du soir, ayant eniendu tirer quelques coups de mousqueterie vers l'angle de la Colonnade du côté des Champs-Elysées, il sont revenus au pont tournant pour entrer dans .les Tuileries, dans la persuasion qu'ils n'auraient rien à craindre, et que peu detemps après y être entré, ayant entendu les coups de fusil èt de pistolet se multiplier, elle s est retirée, avec son mari, le plus promptement possible, le long de la terrasse des Feuillants, à l'effet de se réndre chez elle, rue CIos-Georgeot ou elle demeurait alors, et qu'elle déposante-, n'a rien vu de plus particulier dont elle puisse rendre compte à justice.
1$. Jean Poussin^ bourgeois de Paris,
Dépose que, le 12 juillet 1789,.ayant été avec son épouse se promener vers les 6 heures du soir âux Champs-Elysées du côté de la rivière, ayant vil. le monde se porter en foule dans la place du côté ae la statue, ils y sont,revenus et ont vu les bustes de M. le duc d'Orléans et de M. Neckër que l'on y promenait : qu'ils ont entendu quelques coups de feu qui ont effrayé sa femme au point de lui faire craindre qu'elle ne se trouvât toiit à fait mal : qu'en conséquence il s'est déterminé à la conduire dans les Tuileries par le pont tournant ; qu'après y être arrivés et montés" par l'escalier a gauche sur la terrasse du côté des,Feuillants, ils ont entendu un feu roulant; de mousqueterie, ët que lui déposant a entendu dire que c'était M. le prince de Lambesc qui.était entré avec son régiment dans ce jardin ; que l'état de frayeur où était sa femme ne lui permit pas de satisfaire sa curiosité, et qu'il continua avec elle son chemin pour .s'en retourner chez lui.
ï 3. Niqolas-Samson SauguieRéemployé à l'administration royale des eaux de Paris,
Dépose que, le dimanche 12 juillet (le l'année dernière, étant au bureau de l'administration royale des eaux, place Vendôme,. Jl vit une multitude de monde qui , accompagnait les porteurs des bustes de M. le duc d'Orléans et de M. Necker, qu'il s'y joignit et qu'ils arrivèrent à la place de Louis XV ; qu'ils y trouvèrent un détachement de dragons auquel il fut, proposé de saluer ces bustes, lequel répondit a cette Invitation par "une décharge de coups de pistolet et par une charge àu galop de lai rue Royale à la statue ; que cependant il n'y a eu personne de blessé*excepté un tambour des soldats aux gardes qui était dans les pièrres et sans armes; que peu de temps après, vers les 8 heures du soir, lui déposant a vu arriver M. le
prince de Lambesc à la tête de 40 à 50 hommes de son régiment, qhi se sont portés de la rue Royale à la balustrade delà statue* et delà jusqu'au poht tournant; que lui- déposant crôlt se rappeler leur avoir vu faire un mouvement rétrograde, Comme s'ils étaient ^titrés dans les Tuileries et en ressortir; et qu'alors il était lui-même dans le jardin des Tuileries où il a vil le même détachement dë Royal-Allemand entrer àu galop ventre à terre pat ledit pont tournant ayant à sa tête le prince de Lambesc, ët après quelques mouvements dûns le terrain dudit jardin entre le p ont tournant et le bassin, [[ a vu le même détachement én ressortir, ët l'un des cavaliers d'icélui, qti'il tie peut désigner, porter M tpup de sabre sur la lete d'un petit hoiïimé vêttt d'Utt batet de drap blanchâtre,de cinquante à soixaiité ans, qui était à l'extrémité intérieure dudit pont du Côté de la terrasse dës Feuillants; et qu'après la Sortie dudit détachement, lui déposant est allé au secours dudit particulier blessé, .et lui a donné le bras pour le conduire d'abord à là porte du suiSse de là porte du manège et dé là au PalaiS^Royal, Où il a été pànsé de là Blessure qu'il avait sur le sommet de la tête, Obséryé lui déposant (Jue, quoiqu'il connaisse personnellement M. le prince ^ de Lambesc ët qu'il l'ait parfaitement reconnu lorsqu'il ëst entré dans la place ët dans les Tuileries par le pont tournant, il né peut néanmoins assurer dans Son âme et conscience si c'est M. le prince de Lambesc ou tout âutre cavalier de sa troupe qui a porté ie coup de sabre sur la tête du particulier dont il vient de nous parler.
14. Le sieur François de LAGénnetière, bourgeois de Paris, ,
Dépose que, le 12 juillet dernier, se promenant sUr le boulevard du Temple, vers les 4 heures après midi, ayant remarqué que lë public v faisait fërmer tous les jeux et Se portait du côté du Palais-Royal il s'y, est rendu; que quelque temps après y être arrivé, il y a .entendu faire une motion tendant à cè que tout lë monde se rendît aux Champs-Elysées, y arborât la cocarde Vérte et se rendît de suite à Versailles ; en conséquence de quoi lui déposant, ainsi que plusieurs autres personnes, s'y est rendu pàr le jardin des Tuileries où il s'est arrêté quelque tem^s, et de là s'est porté aux Champs-Elysées où il à remarqué des sùissës et des hussards en ordre de bataille avec des càbons ; qu'après un intervalle de temps et Vers lés 7 à 8 heures du soir il est k Sorti des Ghamps-ËlysééS et est rentré dâtis le jardin dés Tuileries, d'où environ un demi-quart d'heure après il est ressorti et a Vu un détachement de Royal-Allemand, commandé par un officier qu'il ne connaît pas, mais que depuis pp lui a dit être le prince de Lambêsc, auquel il à éntendu dire : Qu on fasse f... le camp à tout ce monde-là c entrer au galop dans le jardin dës Tuileries par le pont tournant, y faire différents mouvements qu'il ne peut détailler, attendu que la frayeur l!a déterminé à se ranger surle trottoir du côte de la colonnade, où fort peu de temps après il a vu l'officier commandant porter un coup de sabre à un particulier, près du pont dans l'intérieur des Tui leries, du côté du pont tournant, et qu'ayant continué son chemin par la rue, Saint-Florentin, il a entendu dire par Un groupe de mondé que l'officier qui commandait était le prince de Lambesc, et que dans la même rue Saint-Florentin il a entendu des décharges de mousqueterie.
Du
i 5. Jules François Paré, avocat au parlement, cour du Commerce,
Dépose que, le dimanche 12 juillet dernier, il est allé au Palais-Royal sur les 6 heures du soir, accompagné d'un de ses amis ; que là il a aperçu une grande fermentation dans le peuple; qu'ayant appris qu'un grand nombre de personnes qui étaient parties pour Versailles avaient été arrêtées sur la place Louis XV par les troupes, il s'y est rendu avec son ami, pour voir ce qui s'y passait; que, chemin faisant, il vit un grand nombre de personnes qui se sauvaient des Tuileries, disant que l'on tirait des coups de fusil au pont tournant ; qu'ayant continué de marcher' il est arrivé sur le haut de la terrasse des Feuillants qui domine sur la place Louis XV ; que de là il aperçut les troupes rangées sur ladite place, et aperçut aussi un garde-française qui paraissait blessé à la tête et à une jambe ; que voyant le pont tournant dégagé, n'y ayant alors tout au plus que 30 personnes, il est descendu et s'est rendu dans le milieu de la place Louis XV vers la statue ; qu'après avoir parlé à plusieurs officiers commandant dés détachements qui étaient alors sur la place, il a pris sa direction vers la rue Royale, pour gagner la rue Saint-Honoré ; qu'alors il vit arriver une scadrori, marchant au grand trot, qui paraissait venir des boulevards ; qu'alors il s'est rangé dans les pierres pour le voir, passer ; qu'ayant suivi des yeux cet escadron jusque vers la statue, il le vit du même pas tourner vers Je pont tournant, et entrer toujours au grand trot dans les Tuileries ; qu'il ne peut dire que cet escadron fût commandé par le prince de Lambesc, ne le connaissant pas; qu'il a entendu ensuite ti-rerun grand nombre decoups de fusil,et craignant qu'il n'y ait du danger, il s'en est allé par la rue Saint-Honoré;
Ajoute qu'à l'instant où l'escadron est entré dans les Tuileries, il n'y avait que très-peu de personnes dans l'intérieur du jardin dans les environs du pont tournant.
Nota. Eugène de Lorraine, duc d'Elbeuf, prince de Lambesc, colonel-propriétaire du régiment Royal-Allemand, fut acquitté par le Ghâtelet de Paris. — Louis XV11I le nomma pair de France, par ordonnance royale du 4 juin 1814; mais le prince de Lambesc mourut en Bohême, en 1825, sans,avoir pris séance à la Chambre des pairs.
Séance du
, secrétaire} donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille.
, citoyen de la ville de Dieppe et député de Normandie, présente, au nom du comité de
Dieppe, et de plusieurs de ses conci-
L'Assemblée reçoit avec satisfaction cette offrande.
, secrétaire, donne lecture des adresses dont la teneur suit :
Délibérations des communautés d'Argelès et d'Ausiaq, de celles d"Usin,de Caubios, de Gelos, et des habitants de la ville de Sauveterre en Béarn, par lesquelles ils adhèrent purement et simplement à tous les décrets de l'Assemblée nationale ; ils ratifient en conséquence l'abandon fait par les députés de la province de tous ses privilèges particuliers, et leur donnent des pouvoirs illimités.
Adresse du comité municipal de la ville de Crépy-en-Valois, dans laquelle il renouvelle ses sentiments d'adhésion aux décrets et l'Assemblée nationale ; il se plaint dè n'avoir encore reçu aucuns décrets, même ceux sur les grains de la loi martiale ; il la supplie de faire en sorte qu'il reçoive la collection complète de tous ses décrets le plus promptement possible.
Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la commune de La Ferté-sur-Aube en Champagne; elle fait le don patriotique d'un Ostensoir, d'un ciboire et de burettes d'argent.
Adresse du même genre de la ville de Sancoins en Berry; elle demande un bailliage royal et une municipalité.
Adresse des religieux Bénédictins du collège de Pau, qui, en cas de suppression, réclament une pension de 1,800 livres, et l'habileté à posséder les bénéfices-cures et [à remplir les chaires de l'enseignement public," avec la moitié des honoraires attachées auxdites places.
Adresse de la milice nationale de la ville de Toulouse, contenant l'expression du plus parfait dévouement pour l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale; elle s'élève avec la plus grande force ,contre les écrits ayant pour titre, l'un : « Déclaration de l'ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse », l'autre : « Déclaration du clergé de la ville de Toulouse », et le dernier : « Droit des pasteurs sur les dîmes, en forme de remontrances à la nation et au Roi, par les curés du clergé de ladite sénéchaussée. » Cette milice, dénonce ces écrits comme séditieux, attentatoires à l'autorité de l'Assemblée nationale, et injurieux à la personne du Roi.
Adresse de félicitations, remerciements et adhésion des communes de Surgères en Aunis; elles déclarent lâches et infâmes tous ceux qui refuseraient de se soumettre aux décrets de l'Assemblée nationale, et demandent une justice royale.
Adresse de la municipalité de Béziers en Languedoc, contenant l'assurance de son respect et de sa soumission aux décrets de l'Assemblée nationale. Cette municipalité "s'élève avec force contre la déclaration faite par la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse.
Adresse du même genre de la ville de Lodève en Languedoc : elle assure que la contribution patriotique du quart de ses revenus sera exactement payée ; elle demande d'être le chef-lieu d'un département ou d'un district, le siège d'une justice royale, ainsi que d'une juridiction consulaire.
Adressé des officiers municipaux de la ville de Donjon en Bourbonnais, contenant félicitations, remerciements et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, notamment à celui concernant la contribution patriotique.
Adresse du même genre des représentants de la commune d'Aubigny-eh-Berry ; elle demande d'être le chef-lieu d'un département.
Adresse des officiers de la sénéchaussée de Lauzerte en Quercy, dans laquelle ils expriment leur admiration respectueuse pour l'Assemblée nationale, et leur parfaite soumission à ses décrets ; ils la supplient avec instance d'ordonner que tous ceùx sanctionnés ou acceptés par le Roi leurs soient envoyés pour les enregistrer et faire exécuter, attendu qu'ils n'en ont encore reçu aucun, même celui concernant la justice criminelle.
Adresse de la ville de Nérac, qui demande un décret qui autorise les municipalités à saisir et arrêter entre les mains des fermiers des décima-teurs, le produit des baux à ferme, et poursuivre par devant les jugesdes lieux la main-levée du quart des pauvres, qui, préalablement à tout autre payement, sera versé dans la caisse d'un bureau de charité, qui sera établi à cet effet; elle observe que, le payement du prix des baux à ferme des décimateurs se faisant ordinairement aux fêtes de Noël, le décret qu'elle sollicite devrait ! parvenir dans les provinces avant cette époque.
Adresse de félicitations et de remerciements de la ville de Lorris, qui demande un district dans , le département d'Orléans.
Lettre du chapitre de Grignan, par laquelle il expose à l'Assemblée nationale, que la commune de Golvrizelles refusant de payer des dîmes en nature, qui composent la majeure partie des revenus dudit cKapitre, il se trouve exposé à manquer du plus étroit nécessaire, et il réclame d'une manière urgente la protection de l'Assemblée et un exprès commandement.
Délibération et adresse du comité permanent de la ville de Saint-Jean de Gardonnenque en Languedoc, portant acte de reconnaissance, de respect et de parfaite soumission aux décrets de l'Assemblée nationale.
Elle se réjouit de ce que les limites des provinces vont être effacées, leurs rivalités anéanties, les affections de leurs habitants confondues, et le titre de Français devenir le plus beau dont on puisse s'honorer.
Elle se plaint de ce que la plupart des municipalités n'ont point encore reçu officièllement les décrets de l'Assemblée nationale, notamment ceux du mois d'août, et demande qu'ils soient envoyés à toutes les municipalités du royaume.
Délibération de la ville de Troyes, contenant l'expression d'une adhésion parfaite à tous les décrets de l'Assemblée nationale. Pour manifester leur patriotisme, les officiers municipaux et représentants de la commune déposent leurs boucles d'argent entre les mains du secrétaire-greffier et arrêtent que tous les citoyens seront invités à faire la même offrande à la caisse nationale.
, député de Nérac. Messieurs, vous venez d'entendre la lecture d'iine adresse par laquelle la ville de Nérac demande que lé quart du revenu des dîmes soit saisi entre les mains des fermiers des décimateurs, pour être appliqué à la subsistance des pauvres. Les pauvres sont dans une grande détresse, il est instant de s'occuper de cette question et je prie l'Assemblée nationale de la prendre en sérieuse considération.
J'appuie la motion de M. Brunet de Latuque et je propose d'en renvoyer la délibération à l'une des prochaines séances du soir. Nous pourrons en attendant
lire le mémoire de M. Du Tremblay de Rubelle qui vient de nous être distribué, et qui a pour objet la destruction de la mendicité. (Voy. ce mé- , moire, annexé à la séance de ce jour.)
Dès le mois de septembre dernier, j'ai présenté un projet d'établissement pour la classe indigente qui répond parfaitement aux nécessités signalées par l'adresse de la ville de Nérac. Je demande qu'il ait là priorité.
Avant que ce plan soit examiné et mis à exécution, des malheureux périront faute de subsistance. La décision que l'Assemblée portera sur la demande de la ville de Nérac sera nécessairement commune à tout le royaume ; elle ne peut pas faire la matière d'une séance du soir.
L'Assemblée décide que cette affaire sera placée lundi à l'ordre de deux heures.
Un membre demande que le décret qui donne aux députés extraordinaires des villes, des places dans la tribune, soit exécuté; il représente que la tribune réservée aux membres de la Commune de Paris n'est pas suffisante et qu'il en est de même pour l'état-major. — Cette affaire est renvoyée aux commissaires chargés de la disposition de la salle.
annonce que les pouvoirs de M. Regnard, député de Moulins, ont été vérifiés et trouvés en règle. —"En conséquence, M. Regnard est admis à prendre séance en remplacement de M. le comte de Douzon, démissionnaire.
dit que l'ordre du jour appelle la délibération de l'Assemblée sur les finances.
, au nom du comité des finances, fait un rapport renfermant l'état général des dépenses nécessaires dans les mois de novembre et décembre avec la recette probable pendant le même temps.
état des dépenses.
Dépenses générales, 130,800,000 livres. Engagements du Trésor royal, 1,100,000 livres pour novembre.
Engagements du Trésor royal. 1,700,000 livres pour décembre. Guerre, 8 millions pour novembre. Guecre, 7 millions pour décembre. Marine, 5 millions pour novembre. Marine, 6 millions pour décembre. Affaires étrangères, 700,000 livres pour novembre.
Affaires étrangères, 800,000 livres pour décembre.
Maison du Roi, 2,700,000 livres pour novembre. Maison du Roi, 2,700,000 livres pour décembre. Pensions, 1,700,000 livres pour novembre. Pensions, 1,700,000 livres pour décembre. Ponts et chaussées, 800,000 livres pour novembre.
Ponts et chaussées, 800,000 livres pourHé-cembre.
Mendicité, 150,000 livres pour chaque mois. Travaux de charité, 230,000 livres pour chaque mois.
Approvisionnement des grains en Hollande, 6 millions en novembre.
Approvisionnement des grains en Hollande, 5 millions en décembre.
Autres traites pour les grains, 2 raillions pour les deux mois.
Primes, encouragements, 200,000 livres pour chaque mois.
Emprunt de 10 millions fait en Hollande pour les Américains ; échéance, 200,000 livres. A Géne3, 110,000 livres. Port de Cherbourg, 400,000 livres. Pour rentes viagères du comte d'Artois, le Roi s'est chargé de 220,000 livres pour les deux mois. kl
Appointements pour l'administration des finances, pour tous les bureaux, 1 million pour décembre.
Ferme générale, 3 millions.en novembre. Ferme générale, 4 millions en décembre. Rescriptions sur les receveurs généraux, 1,200,000 livres.
Faiseurs de service (personnes qui prêtent leur crédit à l'Etat, eh mettant sur la place des. billets à ordre) 150,000 livres.
Indemnité des députés, 650,000 livres pour chaque mois.
Clôture de Paris, 400,000 livres pour novembre et décembre.
Garde, nationale de Paris, 450,000 livres pour chaque mois.
Gardes françaises, 500,000 livres pour chaque mois.
Dépenses pour-les électeurs de Paris, 83,000 livres.
Assemblée de la prévôté de Paris, extra muros, 110,000 livres.
Département des mines, 19,000 livres pour les deux mois. Gages du conseil, 50,000 livres. Officiers du point d'honneur, 35,000 livres. Haras, 60,000 livres.
Ancienne compagnie des Indes, 270,000 livres. Jardin royal, 60,000 livres. Maréchaux de France, 70,000 livres. Lanternes et boues de Paris, 300,000 livres. Ecoles vétérinaires, 23,000 livres. Hôpitaux, 221,000 livres. Provinces, travaux, 67,000 livres. Académies, 37,000 livres. Imprimerie royale, 20,000 livres. Secours aux religieuses, 30,000 livres. Travaux de la salle de l'Assemblée nationale à Versailles et à Paris, 150,000 livres. Hollandais réfugiés en France, 120,000 livres. Rentes de 20 livres et au-dessous pour leur remboursement, 40,000 livres. Loterie et Trésor royal, 40,000 livres. Dépenses des prisonniers, 70,000 livres. Indemnité des loteries des paroisses réunies à la loterie royale, 130,000 livres. Opéra, 130,000 livres.
Travaux de la plafce du cimetière des Innocents, 130,000 livres. Gages des maîtres des postes, 24,000 livres. Communautés d'arts et métiers supprimées; le Trésor public s'est emparé de leur caisse, 90,000 livres.
Caisse d'escompte. — Dans l'adresse de la compagnie on voit qu'outre 70 millions, elle est créancière de 90 millions. — Ces deux objets ont été allégés par divers arrangements, mais il faut payer pour le 31 décembre, 60 millions de livres.
Objets imprévus, 500,000 livres pour chaque mois,
état des recettes.
Les recettes tant sûres que probables jusqu'au mois de janvier sont évaluées à 44 millions de
livres. Elles proviennent principalement des fermes, des domaines, dès loteries, etc.
ajoute quelques explications à l'état des dépenses. M. Necker n'avait pas joint cet état -à son discours du 14 novembre, mais il s'est empressé de l'envoyer au comité dès qu'il en a été requis, et lajiiscussion a eu lieu en présence de M. Dufresne, directeur du Trésor royal.
Le chapitre des pensions ne présente qu'un arriéré de trois ou quatre mois.
C'est le Trésor royal qui paye les dépenses de la mendicité, et le receveur général les acquitte. — Il en rapporte les mandats ; mais depuis trois mois ils ne sont pas payés.
La dépense faite en Hollande pour l'approvisionnement des grains est considérable et le froment a été payé plus'de 56 livres,le setier.
M. Ânsoh conclut par ce dilemme : ou l'Assemblée va chercher les moyens de rembourser à la caisse d'escompté les 130 millions qui lui sont dus, savoir : 70 millions dépensés en 1787, et 60 millions avancés en divers temps, suivant qu'il résulte du mémoire de cette compagnie, lu à l'Assemblée par M. Lavoisier, le 23 novembre ; ou bien elle va convertir cette caisse en banque nationale, auquel cas elle donnera 6 millions par semaine et ce ne sera qu'à elle que l'Etat devra les sommes qui pourvoiront aux dépenses urgentes.
La lecture de plusieurs articles de dépenses excite un grand mécontentement dans l'Assemblée.
Toutes les sommes destinées pour Paris, et pendant les deux mois de novembre et décembre seulement, font impression sur les députés des provinces, qui représentent qu'il est de souveraine injustice de faire contribuer l'habitant des provinces et campagnes à des dépenses dont l'objet unique est l'agrément et la commodité des Parisiens. Paris, disent-ils, est un gouffre, un abîmé sans fond.
La crise devient plus violente encore, quand M. Anson cite une somme de 220,000 livres à payer à la fin de décembre aux créanciers de M. le comte d'Artois. On représente que c'est se jouer des peuples que de leur imposer le devoir d'acquitter de semblables dettes ; que les princes ont des apanages déjà trop considérables ; qu'ils doivent se contenter du revenu qu'ils en tirent sans être encore à charge à l'Etat.
Je demande que l'état dont M. Anson vient de donner lecture soit imprimé, afin que nous puissions nous rendre un compte exact de notre situation.
J'avais proposé dans une des précédentes séances, et l'Assemblée a décrété que ce sêrait par des états authentiques que nous connaîtrions les besoins du Trésor royal et l'étendue des secours qu'il attend de nous. L'état qu'on vient de nous présenter n'est point authentique. Il est signé par M. Dufresne, qui n'a pas les pouvoirs de l'administration ; il devrait l'être par quelqu'un qui pût répondre à la nation. Je demande que cet état soit signé du ministre avant que d'être livré à l'impression.
La nation veut payer ses dettes, et elle les pâyera; mais il est important que des dépenses semblables à celles dont on nous a présenté la liste puissent paraître véritables et légitimes à tout le royaume.
J'insiste sur la proposition déjà faite dans cette Assemblée, de demander l'état des dépenses de-
puis le mois de mai, et l'emploi de fonds considérables dont l'énormité sera prouvée.
U y a dans l'état qu'on nous a présenté des inexactitudes apparentes qui consistent, soit dans des exagérations, soit dans des oublis. C'est une » esquisse imparfaite ét douteuse de ce qui nous reste à payer,
Certainement il n'y a pas un des articles qui ne doive être justifié ; mais M. Necker a demandé depuis longtemps que vous vous occupiez des finances ; on a sans doute remis à votre comité toutes 4es pièces nécessaires; il aurait dû tout vérifier, et aujourd'hui le ministre ne serait pas inculpé. L'état qui vous est remis ne peut être vérifié que par le comité ; il est physiquement impossible qu'il le soit par l'Assemblée.
Dans un nouvel ordre de choses, toutes les dépenses absurdes et injustes seront supprimées ; mais elles existaient, le ministre n'a pas pu ne pas les payer; il signera ce détail, s'il est exact, et dans tous les cas il ne doit être exposé à aur cun reproche.
Le ministre n'est inculpé par personne. Eh I qui parle d'un homme? qui s'intéresse à un homme? et qui veut troquer le despotisme pour de l'idolâtrie ? Parlez des choses et non de l'homme.
Je dois faire observer â M. Malouet que M. Necker n'a été inculpé en aucune manière.
Je crois en effet que l'Assemblée nationale rend justice à un ministre cher à la nadon, 11 n'est pas possible que depuis trois mois votre comité n'ait vérifié toutes les. pièces. Tous lui avez accordé votre confiance : il a donc dû s'occuper dans le plus grand détail de calculs que l'on ne peut faire dans les séances publiques ; il a dû rejeter des pièces défectueuses et le ministre fournir aux dépenses nécessitées par les circonstances actuelles. Tous ces objets ont été payés parce qu'il fallait les payer ; c est à vous de séparer les dépenses inutiles.» Prononcez ; le ministre des finances se portera avec plaisir à ces réformes. Je demande comme un moyen de satisfaire aux vues de l'Assemblée qu'il soit adjoint quatre commissaires su comité des finances pour examiner les différents états et pièces justificatives, et réformer les abus en finances.
M.. Malouet a confondu l'état du moment avec les états généraux et particuliers de l'année. Ces derniers nous ont été remis signés par M. Neeker et par M. Dufrësne, sous l'autorisation du ministre.
La motion doit être divisée : il n'y a nulle difficulté sur l'impression; mais on peut observer, sur la. signature demandée, que cet état est un bordeieau de dépenses, qui n'a pas besoin d'être signé par le directeur du Trésor royal.
J'insiste sur ma motion et sur ce point particulier qu'avant d'imprimer le rapport actuel du comité, l'état qu'il a présenté sera signé par le ministre des finances.
appuie vivement la motion.
la met aux voix et elle est décrétée ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale décrète que l'état envoyé au comité des finances, et communiqué ce jour à l'Assemblée, soit signé par le ministre et imprimé. »
Je fais la motion formelle de demander au ministre des finances une communication authentique des états de dépenses depuis le mois de mai.
Je propose eh amendement que ces états, et les pièces justificatives au soutien, soient remis au comité des finances, pour que tous les membres de l'Assemblée puissent en prendre communication,
Il est important d'examiner tous les objets de dépense dans le plus grand détail. On vient de publier un état des pensions, dont l'exactitude semble justement contestée.
Il y a beaucoup de pensions par mois sans brevets, et autres. Votre cpmité a demandé le détail des pensions et des brevets, et, comme on est très-littéral dans l'administration des finances, on ne lui a remis que les brevets des pensions. On sait qu'il existe au Trésor royal un livre rouge qui fait mention de tous ces objets. Dans l'état dont on vient de vous faire lecture, il a été question d'une somme dè 220,000 livres poUr deux mois de payement des dettes de M. le comte d'Artois. Je ne cherche pas à examiner l'exactitude de ce décret énoncé, qui a queîquëfois varié ; mais j'observe qu'il faut Voir à quel titre ces dettes ont été créées, à quel titre le gouvernement s'en est chargé ; il faut voir si les 130,000 livres que l'Opéra coûte dans deux mois doivent être comprises dans la dette nationale,
Nous éclairerons l'administration en faisant cet examen*. Dans le même état ou porte à 83,000 liv. les dépenses faites aux districts et à l'archevêché; pour les élections de la ville de Paris : d'abord les provinces doivent-elles concourir au payement de cette somme, qui paraît d'ailleurs très-enflée? Il n'en a rien coûté au gouvernement pour les assemblées de district, nous en avons nous-mêmes fait tous les frais. Les électeurs ont été assemblés pendant trente jours à l'archevêché y et si les 83,000 livres avaient été employées, -il en résulterait "que chaque jour on aurait payé 1,000 écus pour les bougies nécessaires et pour le loyer des effets tirés du garde-meuble.
Il y a des abus de toutes parts; chaque objet est secrètement grevé de traitements ou depensions.Ondemande 67,0001iv. pour deux mois de travail dans les carrières ; il faut savoir si ce travail n'est pas aussi obscur que le lieu où il se fait. On demande une somme énorme pour l'Opéra ; je sais qu'on a refusé les ouvertures d'une compagnie qui se chargeait de cette administrationr non-seulement sans exiger de rétribution, mais en offrant encore de grands avantages au gouvernement. On a refusé cès avantages, et l'on fait payer aux provinces un Opéra qui ne joue pas pour elles. Les boues et lanternes coûtent 150,000 livres par mois, parce qu'il y a des pensions sur les boues et sur le clair de la lune.
L'assertion de M. Camus sur le livre rouge est très-exacte. M. Necker m'en fournit la preuve dans un mémoire en réponse à M. de Calonne, format in-4°, page 218. Il parle d'une augmentation de 40 ou 50 millions sur un emprunt fait par M. Terray,-et dit que cette somme a été employée en capitaux don-
nés par faveur à des gens qui n'avaient pas compté un sou à l'Etat. C'est dans ce monument de l'intégrité du ministre, à la loyauté et à la pureté duquel je me fais honneur de rendre hommage, quoiqu'un préopinant se soit permis de supposer que je l'aie inculpé, que résident la dénonciation et la preuve d'un abus' énorme et sans doute renouvelé. J'ajoute à ma motion que les registres qui constatent ces opérations et la conversion des pensions en dons sur le Trésor royal soient aussi remis au comité.
Il existe des livres rouges dans tous les départements ; cette assertion a été faite devant le Roi et les princes de son sang, dans les assemblées dont j'étais membre, et n'a jamais été contestée.
J'ai une dénonciation de la même espèce à vous faire. Dans la réponse de M. Necker à M. de Galonné, à l'assemblée des notables, il est question de 30 à 40 millions d'amortissement, sur lesquels on a reproduit la dette en créant une somme égale de contrats délivrés en pur don.
Je demande un état détaillé de la dette avec toutes les pièces justificatives, et les lois qui en
ont autorisé les différentes parties..... Voilà le
seul moyen d'éviter les doubles emplois, les erreurs et les surprises.
Je demande qu'il soit ajouté quatre commissaires au comité des finances pour examiner cet objet.
Il ne faut pas discourir quand il s'agit de secourir : la responsabilité nous répondra des abus.
met successivement aux voix la motion de M. Fréteau de Saint-Just et las amendements de M. Camus et de M. Malo uet ; il en résulte les deux décrets suivants :
1er décret. i
« L'Assemblée nationale décrète que les étals authentiques demandés par l'arrêté précédent, ainsi que les pièces justificatives, notamment les registres qui constatent la conversion des pensions en i)ons pour être fournis au Trésor public dans des emprunts, ou de toute autre manière, soient remis au comité des finances pour y être communiqués à chacun des membres ; auquel effet un commis s'y trouvera tous les jours pour donner cette communication : elle décrète, en outre, que communication lui soit donnée des états signés des dépenses, depuis le 1er mai dernier. »
2e décret.
« L'Assemblée nationale ordonne l'impression de tous les états demandés par les décrets précédents et qu'une section du comité des finances soit occupée à la recherche de tous les abus en finances, pour en rendre compte à l'Assemblée. »
L'ordre du jour appelle la discussion sur les moyens de pourvoir aux besoins de l'Etat d'ici au mois de janvier 1790, et sur la proposition du ministre des finances, de convertir la caisse d'escompte en banque nationale.
monte à la tribune et lit un long discours qui n'est que la reproduction de l'opinion imprimée qnil a déjà fait distribuer à l'Assemblée nationale. (Voy. plus haut, page 145, les Réffexions du comte de Custine sur la proposition du ministre des
finances de sanctionner, comme caisse nationale, la caisse d'escompte appartenant à des capitalistes) (1).
reproduit ses précédentes observations (Voy. la séance du 21 novembre, page 167) et propose de nouveau :*
1° D'organiser une caisse nationale;
2° De prouver la facilité des remboursements des capitaux perpétuels et des rentes viagères ;
3° De nommer dix membres de cette Assemblée pour présider au bureau de liquidation ;
4° De prescrire à tous les créanciers de l'Etat, propriétaires de créances constituées, de se présenter pour recevoir une assignation sur la caisse nationale, hypothéquée sur les biens ecclésiastiques;
5° D'autoriser la caisse d'escompte à faire une émission de 240 millions de billets qui seraient hypothéqués sur les deux derniers tiers de .la contribution patriotique et sur les domaines. ,
Je proposerais aussi, dit l'orateur, pour accélérer cette contribution, d'autoriser chaque contribuable à remettre une obligation de la totalité de son impôt, payable à époque fixe. Le receveur enverrait ces obligations au Trésor national : elles seraient données en payement. pour-différentes dépenses publiques.
•Par cèS"moyetis'vous subviendriez aux besoins présents, sans vous livrer à des impositions partielles : vous devez avoir un système général sur les impôts. Je me suis occupé à en rédiger un, et je le ferai connaître quand l'Assemblée le jugera nécessaire.
présente des considérations sur le danger de prendre des déterminations générales, qui ne seraient nées que de l'urgence du moment. Ces dispositions influeraient d'une manière directe sur le bonheur des peuples, qui ne doit être que le résultat de la réflexion et de la sagesse.
Il n'adopté pas le projet de M. Necker. Payer, dit-il, les dettes de l'Etat au moyen d'une banque, c'est faire une banqueroute partielle : cette opération ressemble à celle de ces administrateurs qui doublaient le prix du marc d'argent, et payaient la totalité de ce qu'ils avaient reçu avec la moitié de ce qu'on leur avait donné.
L'opinant entre ensuite dans le détail des éléments du crédit public.
Aucun de "ces éléments ne se trouve dans la création proposée par le ministre ; ainsi cette banque serait une entreprise chimérique et nuisible à la chose commune.
Pour subvenir aux besoins pressants, je propose de créer pour 600 millions de billets d'Etat portant intérêt et payables à des termes fixes qui correspondraient a l'époque de l'échéance de la contribution patriotique : 250 millions seraient fournis par cet objet, 50 par la vente d'une partie des biens du domaine. Le clergé se chargerait sans doute de payer 300 millions, en vendant ceux de ces fonds qu'il voudrait ne pas conserver ; ainsi il assurerait sa propriété en en sacrifiant une petite partie.
Le résultat de cette opération est d'obtenir un délai des créanciers de l'Etat, en leur assurant dés intérêts pour ce délai, et le payement exact de leur créance hypothéquée sur un gage certain.
Ce plan n'est ni profond, ni ingénieux; il est conforme à la marche de la franchise et de
la
Une députation du bataillon de Saint-Roch, ayant a sa tête M. Harron, commandant, est admise à la barre pour présenter un don patriotique.
dit :
Nosseigneurs, depuis la révolution glorieuse, à jamais mémorable, qui a préparé la régénération de cet empiré, chacun de nous a vu doubler ses engagements envers la patrie. En effet, Nosseigneurs, si, comme soldats, nous avons toujours juré de verser notre sang pour le salut de notre pays, pour l'exécution des décrets de cette auguste Assemblée, et pour la gloire du monarque ; comme citoyens, aussi, nous avons une obligation sacrée à remplir, celle de concourir au soulagement des malheurs publics ; c'est dans cet espoir que le bataillon de Saint-Roch, dont j'ai l'honneur d'être en ce moment l'organe auprès de vous, vient déposer sur l'autel de la patrie le tribut d'offrandes qu'elle a i droit d'attendre de chacun de ses enfants. Daignez, Nosseigneurs, voir d'un œil de satisfaction et d'indulgence notre démarche, et permettez-nous de saisir cette occasion solennelle et précieuse, pour renouveler en votre présence le serment que nous avons déjà fait de ne nous écarter jamais de ce double devoir dont le sentiment nous a conduits devant vous.
répond :
L'Assemblée nationale reconnaît avec satisfaction dans les offres généreuses du bataillon de Saint-Roch, le zèle et le patriotisme qui ont animé la garde nationale, et qui ont réuni les sentiments des défenseurs de la nation à tous les sentiments des bons citoyens.
L'Assemblée permet à la députation d'assister à la séance.
, au nom de la communauté des maîtres chandeliers de Paris, offre un don patriotique de 5,935 livres.
Le 9 octobre dernier, j'ai fait-une motion concernant les suppliciés, l'égalité des peines et le préjugé d'infamie qu'elles emportent. Je demande que la discussion soit fixée à là séance du soir de mardi prochain.
Cette proposition est adoptée.
La séance est levée et celle du soir indiquée pour six heures.
Séance du
annonce à six heures que la séance est ouverte.
Messieurs, le comité militaire a demandé et a obtenu d'être
L'Assemblée décidé que le comité militaire sera entendu mercredi prochain à deux heures.
, secrétaire, annonce que M. Cormier, ancien magistrat, a remis aux archives un exemplaire d'un ouvrage intitulé : « Essai sur'la mendicité, iret que l'auteur, s'étant occupé de beaucoup de détails sur la population, offrait à l'Assemblée les renseignements qu'elle pourrait désirer.
, député du Dauphiné, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis à prendre séance dans l'Assemblée à la place de M. le comte de Morge, démissionnaire.
, députés de Saint-Domingue, dont les pouvoirs ont été vérifiés, sont admis en qualité de suppléants comme les autres députés de la colonie qui n'ont pas voix délibérative, conformément aux décrets, de l'Assemblée concernant ces derniers.
On a repris ensuite la continuatipn de la lecture de la liste des dons patriotiques. L'Assemblée a ordonné qu'il fût fait, dans le procès-verbal, une mention particulière de la générosité des divers étrangers, Suisses, Génevois, Anglais et autres qui ont désiré contribuer de leurs sacrifices à des dons qui devaient cimenter la restauration de la libérté dans cet empire.
L'ordre du jour appelle la discussion de l'affaire des impositions de la Champagne et celle de la réclamation des colonies réunies.
La question des colonies réunies est tellement urgente què je demande qu'elle obtienne* la priorité. Les citoyens libres de couleur vous ont adressé leur réclamation et j'ai moi-même des observations à vous présenter sur la demande des mulâtres. {Voy. ces pièces annexées à la séance.)
L'Assemblée a déjà accordé la priorité à la question des impositions de la province de Champagne. Je demande que sa décision soit maintenue.
consulte l'Assemblée, qui décide qu'elle s'occupera des impositions de a province de Champagne.
, au nom du comité des finances, propose de rendre un décret commun à la province ae Champagne et à la capitale qu'il faut soumettre, dit-il, à l'unité des principes de l'Assemblée nationale, d'autant plus que les communes de Paris y consentent. En effet, à Paris, il y a rôle de parlement, rôle de bourgeoisie, rôle de la cour des aides, rôle des communautés, rôle des bâtiments, etc., etc.
Je demande que M. Anson soit ramené à l'ordre du jour ; il s'agit des impositions de la Champagne et non de la ville de Paris.
Vous ne pouvez juger l'affaire de la Champagne sans abolir le privilège des bourgeois de Paris ; à la vérité, j'ai l'honneur de représenter cette ville, mais ce titre ne me fait pas oublier non plus que je suis député de la nation.
M. Anson lit un décret qui n'est relalif qu'à la ville de Paris.
Le comité des finances ne nous parle que de Paris lorsque la question qui est a l'ordre du jour ne concerne que la Champagne. Je demande formellement que le rapporteur s'explique et qu'il nous donne son opinion ; l'Assemblée ne peut se mettre dans la dépendance d'un comité.
Le comité des finances persiste à vous demander de voter d'abord le décret de Paris et ensuite celui de la Champagne, comme ayant entre eux une liaison intime.
prend le vœu de l'Assemblée, qui se prononce pour le décret concernant la Champagne.
dit qu'une difficulté s'est élevée en Champagne sur l'interprétation et l'exécution du décret du 25 septembre 1789, quant à la confection des rôles de l'imposition de 1790, à raison de la taxe personnelle, relative au revenu des pro^ priétaires qui n'exploitent point leur propriété par eux-mêmes, et qui ont un autre domicile que celui du lieu dans lequel est située cette propriété. La question est de savoir si les ci-devant privilégiés doivent être imposées dans le lieu de leur domicile ou dans celui où leurs biens sont situés.
Le comité des finances propose de résoudre les difficultés par le décret suivant :
«L'Assemblée nationale, considérant qu'il s'est élevé dans quelques pays de taille personnelle des difficultés pour l'exécution de son décret du 25 septembre 1789 sur la confection des rôles de l'imposition ordinaire, à raison de la taxe personnelle, relative aux revenus des propriétaires qui n'ont pas éncore été imposés,qui n'exploitent pas par eux-mêmes et ont un autre domicile que celui du lieu de leur propriété;
« Considérant en outre qu'en 1790 les impositions ordinaires et celles des vingtièmes seront réunies en un seul impôt, dont le mode de répartition reposera sur des principes plus justes, qu'il y aurait des inconvénients à changer les rôles pour une seule année ;
« Décrète:
« Que les propriétaires ci-devant privilégiés "seront imposés pour les six derniers mois de 1789 et pour l'année 1790, comme l'ont été pour l'année 1789 les propriétaires non privilégiés à raison de la taxe personnelle, relativement aux revenus de ces propriétaires qui n'exploitent pas par eux-mêmes, et qui ont un autre domicile que celui du lieu dans lequel est située cette propriété. »
(Ça lecture de ce décret est suivie de marques non équivoques de désapprobation.)
Si un pareil projet de décret pouvait être adopté.il y aurait plus de 2 millions de matière imposable qui échapperaient à l'impôt supporté par la Champagne, et cela au profit exclusif de la ville de Paris.
explique la différence qui existe entre la taille réelle et la taille personnelle ; la province du Forez, qu'il représente, formule les mêmes réclamations que la Champagne. Il s'ensevelit dans la nuit des temps et donne des preuves d'une érudition qui fatigue l'Assemblée.
rappelle l'orateur à la ques-
tion en lui faisant remarquer qu'il s'agit simplement de décider si les ci-devant privilégiés seront imposés au lieu de leur domicile ou au lieu où est située la "propriété.
critique le projet du comité ui a proposé que les plaintes sur taxe au-dessus; e 25 livres seront vérifiées par lé comité des finances de l'Hôtel-de-Ville et les plaintes au-dessous de 25 livres par le maire seul. 11 trouve que le maire seul n'est pas une garantie suffisante.
fait valoir ie décret du 25 septembre dernier où il est dit que le peuple doit être soulagé et que les ci-devant privilégiés ne doivent payer qu'à sa décharge. Il fait la motion expresse de décréter qu'on payera au lieu de la propriété et non pas au domicile du propriétaire.
Je demande qu'il soit fait deux rôles, l'un pour les privilégiés, l'autre pour les non-privilégiés de façon à ce que les sommes portées sur le premier soient en déduction des sommes du dernier.
a attaqué avec force le projet de décret proposé par le comité dés finances. Il a fait sentir que ce serait écraser les provinces, que les peuples ne seraient pas soulagés, que l'exécution serait presque impraticable et qu'il soulèverait une réprobation générale.
Les députés des Trois-Evêche's et du Lyonnais demandent que le décret concernant la Champagne leur soit commun.
Un grand nombre de membres objectent que le décret doit être général.
La discussion est fermée.
rappelle les diverses motions. L'Assemblée consultée rend un premier décret ainsi conçu :
« L'Assemblée décrète que la question n'intéresse pas la Champagne seulement, mais qu'elle devient générale pour tout le royaume. »
député de Met», propose une motion qui paraît réunir l'assentiment général.
propose d'ajouter à la motion les mots et tous contribuables, car sans cela, ce serait rendre les non-privilégiés privilégiés.
(de Bigorre) a proposé d'ajouter la taille d'industrie afin que le commerce ne se trouvât pas déchargé.
prend le vœu de l'Assemblée, qui donne la priorité à la motion de M. Emmery après avoir décidé qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements.
La motion mise aux voix est adoptée en ces. termes :
« L'Assemblée nationale décrète que l'article, 2 de son décret du 25 septembre dernier sera exécuté selon sa forme et teneur; qu'en conséquence tous les ci-devant privilégiés seront imposés à raison de leurs biens, pour les six derniers mois de 1789 et pour 1790, non'dans le lieu de leur domicile, mais dans celui où lesdits biens sont situés ; et sera le présent décret présenté incessamment à la sanction du Roi, et envoyé, sans
aucun délai, aux municipalités et autres corps administratifs. »
lève la séance après avoir indiqué celle de lundi pour neuf heures du matin.
Mémoire sur la destruction de la mendicité (1),
par M. Du Tremblay de Rubelle (2), maître des comptes.
De tous les projets utiles qui peuvent s'exécuter dans ce moment de régénération générale, il n'en est pas sans doute qui soit fait pour plaire davantage aux âmes honnêtes et sensibles, que la destruction de la mendicité ; mais les personnes qui joignent aux sentiments de bienfaisance les grandes vues de l'administration sentiront encore davantage combien la destruction de la mendicité serait essentielle à l'ordre public ; et leur humanité en acquerra un nouveau degré d'énergie.
Tout le monde convient de la nécessité ae secourir l'indigence. Quand le sentiment de la bienveillance que la nature a mis dans notre âme n'agirait que faiblement, l'intérêt personnel, ce mobile puissant et universel, nous en ferait la loi. Le soin des propriétés, la sûreté publique, ne permettent pas d'abandonner le malheureux au désespoir; et le spectacle d'un être souffrant, qui serre le cœur du riche au milieu même de ses jouissances, est fait pour exciter sa sensibilité. L'inconvénient de la mendicité s'est si constamment fait sentir, qu'on a tenté plusieurs fois d'y remédier. Une foule d'ordonnances à ce sujet, notamment celles de 1614, 1656,1662, 1686, 1724 et 1750, ont eu cet objet; mais ces ordonnances, en ouvrant un asile aux pauvres dans les hôpitaux, n'ont été peut-être qu'un degré d'encouragement pour la fainéantise qui, assurée de ne pas manquer de subsistance dans ces asiles, n'a pas hésité à se soustraire à la charge générale imposée à tous les membres de la société, de se rendre utiles au bien général.
En 1777, l'académie de Châlons, frappée de ces réflexions, fit de ce projet un sujet de prix qui a trouvé de dignes émules. Nous croyons du devoir d'un bon patriote de renouveler ces idées bienfaisantes dans un moment où l'esprit d'ordre, de bien général, de justice et de confraternité en rendent l'exécution plus facile.
Le premier soin à prendre pour parvenir à éteindre la mendicité, c'est de bien connaître le nombre des mendiants; et l'ordre actuel facilite infiniment cette connaissance. Les districts étant presque tous bornés dans l'étendue de leurs paroisses, il est aisé aux citoyens du district de connaître les besoins de leurs concitoyens du
même district, et d'apprécier même l'étendue de ces besoins ; car il est juste qu'ils soient proportionnés à l'âge, aux charges des individus, et au plus ou moins de possibilité de se procurer des ressources. Ce premier lien de correspondance entre les indigents et ceux qui peuvent leur porter des secours est déjà précieux sous plusieurs rapports; il mettra une douce consolation dans le sein de l'infortuné, fondée sur l'espérance d'un meilleur être, et sur la satisfaction de voir qu'on s'occupe de son infortune; et il rappellera au travail des fainéants qui ne demandent du pain que parce qu'ils ne veulent pas le gagner. On peut se rappeler à ce sujet qu'en 1778 il y avait à Amiens un nombre considérable de pauvres; on y forma le projet de détruire la mendicité; on fit une quête dans fa ville, et l'on en annonça la distribution : le jour même que les magistrats publièrentla défense de mendier dans les rues(l), les mendiants disparurent; et dans la crainte d'être arrêtés, retournèrent à leurs travaux. Le pauvre valide ne manque le plus souvent de subsistance que parce qu'il se refuse au travail, ou qu'il ne peut pas s'en procurer : un peu de surveillance peut empêcher l'un et l'autre; c'est donc de l'ordre qu'il faut en cette partie, et non de l'argent. Mais pour ôter toute ressource aux gens de mauvaise volonté de continuer à vivre dans leur dangereuse oisiveté, il faudrait que, les mesures prises pour soulager l'indigence, non-seulement on défendît dans le même moment la mendicité dans tout le royaume, mais qu'on obligeât toute personne à se faire inscrire dans son district, et à ne pouvoir aller s'établir ailleurs sans un certificat de son district qui, dans le cas de l'indigence, lui assurerait en même temps les secours dont il jouissait dans le district qu'il a quitté. Ce certificat pourvoirait à la subsistance de l'indigent, et la société s'assurerait de l'individu qui n'aurait plus la faculté de vagabonder sous prétexte de mendier, puisque la subsistance serait assurée. On ne saurait apprécier l'avantage que retirera la police publique de l'obligation où seront les pauvres de renoncer à être vagabonds. On a observé avec raison que les grands criminels le sont rarement chez eux; un reste de pudeur les contraint de se soustraire aux regards de leurs compatriotes, ils ne pourraient les soutenir. L'ordre général y gagnerait donc infiniment, mais d'un autre côté, il serait juste que la société, qui en retirerait un aussi grand bien que celui de la sûreté publique, l'achetât par quelques sacrifices : ce sacrifice ne paraîtrait pas considérable, si l'on considère tout le bien qu'un grand nombre d'hommes réunis en société peuvent faire en se rénissant pour l'opérer (2). Pour y parvenir avec une sorte d'égalité proportionnelle à la fortune et aux moyens, je proposerais une imposition par feu dans les villes, et par arpent dans les campagnes, parce que cette imposition me paraît la plus juste et ne tombe que sur celui qui possède; par cette raison, je serais d'avis que ceux qui ne possèdent qu'un seul feu ou un seul arpent ne fussent point taxés; d'un autre côté, il serait convenable que le luxe pa^ât davantage : ainsi les feux inutiles, tels que ceux
des escaliers, seraient taxés au double, et les feux de poêle, au contraire, ne payeraient que demi-taxe ; il en pourrait résulter une économie sur le bois, qui, dans les circonstances présentes, serait un bien.
La perception de cette taxe (1), après avoir eu la sanction de l'autorité législative, serait confiée aux districts, et la distribution en serait faite sur des mandats expédiés par des commissaires, conformément à un état général des besoins et secours accordés, arrêté et consenti par l'assemblée générale. De cette corrélation entre les riches et les indigents naîtrait l'avantage de l'un et l'autre; le pauvre y trouverait des secours, et le riche assurerait sa tranquillité et sa propriété même, par la connaissance et le soulagement de tous les individus que le désespoir et la faim pourraient porter à Je troubler dans ses jouissances. Cette connaissance intime des individus est peut-être la seule manière de suppléer à cet espionnage, qu'une extension odieuse et despotique fait proscrire, mais qui, sous l'ancien régime, pouvait être nécessaire jusqu'à un certain point pour l'administration d'une grande ville. Il faudrait que le compte de cette perception, contenant la totalité de la recette et son emploi, fût rendu tous les ans, et toujours ouvert à tous les citoyens du district: car il est juste que celui qui paye voie l'emploi de ses deniers ; et les administrateurs se doivent à eux-mêmes d'éclairer leur conduite.
C'est un nouvel impôt, me dira-t-on. Mais, je le demande, cet impôt n'est-il pas toujours perçu d'une manière ou d'une autre? Laissera-t-on mourir de faim des malheureux? ne faut-il pas que le gouvernement vienne à leur secours? et comment y vient-il si ce n'est avec les deniers publics? Ce n'est donc qu'un mode nouveau d'administration, par lequel on met dans la main de ceux qui payent l'emploi de leurs fonds, pour empêcher qu'on n'en détourne la source, et que d'un autre côté, ceux à qui ils sont destinés n en réclament au delà de leurs besoins : c'est pour empêcher une répartition trop inégale qu'entraîne nécessairement une distribution aveugle : c'est pour obvier à la dépravation des mœurs et à la corruption des principes, en étouffant le goût du travail par la facilité de se procurer de l'aisance dans une vie fainéante et débauchée. Mettra-t-on en balance avec ces grands avantages une petite surcharge pécuniaire qui se réduira à presque rien, surtout pour ceux qui n'ont pas assez peu d'humanité pour refuser tous secours à leurs semblables? car il sera nécessaire et indispensable de faire contre l'aumône particulière des lois presque aussi rigoureuses que contre la mendicité, puisque cette charité mal entendue tendrait à nourrir un des désordres les plus pernicieux à la société? Si l'on avait le malheur de n'être pas touché des motifs d'humanité, que l'on considère combien l'ordre public réclame la subsistance pour l'indigent ! A quels excès ne peut
pas porter le désespoir et la faim? De quels vices ne se rendent par coupables des gens adonnés à l'oisiveté et qui ont bravé jusqu'à la honte? Aussi, fléaux des villes et des campagnes, on les a vus, surtout dans ces derniers temps, fomenter ces troubles qui ont menacé le royaume d'un renversement total. On les voit souvent mettre les laboureurs à contribution; et, par l'habitude de voler,ils se forment à devenir assassins, comme cela n'est que trop consigné dans les greffes des juridictions criminelles. Il s'ensuit que si la société est obligée de faire un sacrifice, ce sacrifice n'est pas purement gratuit, puisqu'il tend à la conservation des propriétés et à la plus grande sûreté des individus. On peut ajouter à ces ré-fléxions que ce genre d'établissement a déjà la sanction de l'expérience. Il existe en Hollande, en Allemagne, et dans une partie de la Suisse. Chaque paroisse y a soin de ses pauvres, et l'on y est parvenu à faire disparaître les] mendiants. En Angleterre, il existe une taxe sur les aisés, et personne ne s'en plaint, quoiqu'elle soit très-rorte. On conçoit qu'il faudrait perfectionner l'administration des bureaux et des ateliers de charité (l). Gela sera de la plus grande facilité, dès que tous les habitants d'un district y prendront un intérêt direct. La société philanthropique, qui s'est propagée pour le bonheur de l'humanité, fournira des administrateurs éclairés et pleins de zèle (2).
Il faut prévenir une objection juste que l'on va nous faire sur l'inégalité de la taxe proposée, qui sera manifestement insuffisante dans certaines paroisses où la recette sera peu abondante et la dépense considérable. Nous avons senti cette difficulté, et c'est pour la résoudre que nous proposons l'établissement d'une caisse générale de bienfaisance, dans laquelle seraient versés tous les fonds que nous allons ci-après désigner et qui fourniront aux paroisses nécessiteuses ceux dont elles peuvent avoir besoin.
Nous avons pensé qu'un des premiers moyens de détruire la mendicité était de défendre l'aumône particulière, qui nourrit et encourage la fainéantise. Cette bienfaisance aveugle de la société entraîne une sorte d'injustice par l'inégalité indispensable de la répartition. L'aumône, dans l'état actuel des choses, ressemble à un champ appartenant à plusieurs laboureurs, qu'ils sèmeraient tous sans se prévenir de l'endroit où ils porteraient leurs semences; une partie s'en trou-
verait surchargée, tandis que l'autre serait trop peu semée. Mais en détruisant l'aumône particulière, nous n'avons pas entendu priver les âmes bienfaisantes de la satisfaction de faire du bien ; nous avons dit qu'il fallait établir une caisse générale de bienfaisance*; cette caisse, sous la protection particulière du Roi et des représentants de la nation, surveillée par des administrateurs par eux nommés, serait dépositaire dès ?charités de ceux qui, bienfaiteurs de l'humanité, mettraient leur juste satisfaction à soulager l'indigence. On pourrait joindre à ces fonds ceux des maisons religeuses éteintes, ou portions des revenus des religieux, qui, n'ayant point assez de sujets pour consommer leurs revenus (1), seraient astreints à porter dans la caisse les fonds excédant leurs besoins. Ces biens, fondés pour la prière et l'aumône, ne pourraient être justement appliquées qu'à de pareilles destinations. Le surplus des fonds des hôtels-Dieu, dont la • charge serait diminuée par un plus grand soin du pauvre; le surplus dë ceux dé l'hôpital'général, qui né* recevrait plus que des impotents, ce qui ferait une grande amélioration dans son régime et dans le sort dë ceux qui s'y retirent ; le produit des aubaines, des régales, des déshérences, des confiscations ; l'excédant des fonds de la police publique pourraient être versés dans ladite caisse. Tous ces fonds, distribués en grande connaissance de cause entre les paroisses nécessiteuses, établiraient un juste équilibre entre les besoins et les secours, sans de grands sacrifices, le .pauvre serait secouru et la propriété du riche serait assurée, et cette heureuse harmonie entre la richesse et l'indigence serait plus que jamais le lien de cette douce confraternité, si digne d'un siècle éclairé et bienfaisant.
Je pense en conséquence que, pour opérer ce bien inappréciable, il y a lieu d ordonner premièrement à toute personne de se faire inscrire dans le district où elle habite;
Secondement, d'établir une imposition ou par feu ou à raison de la capitation ou vingtième, en faveur des indigents du district ;
Troisièmement, de créer une caisse générale de bienfaisance, pour fournir aux districts nécessiteux les fonds nécessaires pour établir un juste équilibre entre les secours et leurs besoins.
Ces moyens simples sont d'une exécution facile, et les avantages, que la société et l'humanité ea retireront sont au-dessus de toute expression.
réclamations
Des nègres libres, colons américains, adressées à l'Assemblée nationale (2).
un composé du noir et du blanc, c'est une espèce abâtardie.
D'après cette vérité, il est aussi évident que le nègre est au-dessus du mulâtre qu'il est évident que for pur est au-dessus de l'or mélangé.
D'après ce principe, le nègre libre dans l'ordre social doit être classé avant le mulâtre ou homme de couleur; donc les nègres libres doivent au moins espérer, comme les gens de couleur, une représentation à l'Assemblée nationale, si ces derniers obtiennent cette faveur qu'ils viennent solliciter : les nègres libres se reposent à cet effet sur la haute sagesse des représentants de la nation; ils réclament d'ailleurs les bons offices des députés de Saint-Domingue, leurs patrons et leurs protecteurs naturels, qui ne souffriront point une exclusion injurieuse à la pureté de leur origine ; ils ne doutent pas que les députés de Saint-Domingue ne dévoilent, avec toute l'énergie dont ils sont capables, l'ingratitude des gens de couleur, qui semblent dédaigner les auteurs de leur être, qui les ont oubliés volontairement dans la demande qu'ils viennent de former au tribunal de la nation, en lui faisant une offre patriotique de 6 millions, sans daigner les y comprendre.
Mais les nègres libres, colons américains, plus généreux que leurs enfants, se proposent de venir incessamment offrir eux-mêmes à l'Assemblée nationale un don patriotique de 12 millions ; ils ont lieu de croire qu'il sera reçu avec le même enthousiasme, et qu'il leur méritera les mêmes bontés ; étant en beaucoup plus grand nombre que les gens de couleur, non moins fondés en droits et en pouvoirs, ils ne seront pas plus embarrassés qu'eux à réaliser ce faible don patriotique.
Lettre des citoyens de couleur des îles et colonies françaises adressée à MM. les membres du comité de vérification de l'Assemblée nationale (1).
Messieurs, l'Assemblée nationale vous a renvoyé l'adresse, les mémoires, les pièces et les demandes des citoyens de couleur, des îles et colonies françaises. Vous devez incessamment en faire l'examen et le rapport. Quelque confiance que nous ayons dans vos lumières, et surtout dans votre justice et votre humanité, nous croyons devoir vous soumettre encore quelques réflexions, non pas sur le fond de l'affaire, elle n'en est pas susceptible; mais sur la forme de la réunion des citoyens de couleur, ainsi que sur l'élection et la présentation de leurs députés.
Nous disons, Messieurs, que le fond de l'affaire, l'objet le plus important pour les citoyens de couleur, n'est plus susceptible de réflexions; car, indépendamment du principe qui réside dans tous les cœurs, excepté peut-être dans celui des colons blancs, la question est jugée; et il ne s'agit plus que de faire l'application de la loi.
L'Assemblée nationale a décrété, et le Roi a solennellement reconnu :
1° Que tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits;
2° Que la loi est l'expression de la volonté générale, et que tous les citoyens ont le droit de con-courir, personnellement ou par leurs représentants, à sa formation;
3° Enfin, que chaque citoyen a le droit, par lui ou par ses représentants, de constater la nécessité de la contribution publique et de la consentir librement.
Avant ces trois décrets, les citoyens de couleur auraient invoqué les droits imprescriptibles de la nature, ceux de la raison et de l'humanité. Aujourd'hui, Messieurs, ils attestent votre justice; ils réclament l'exécution de vos décrets.
Français, libres et citoyens, ils sont, quoi qu'en disent leurs adversaires, les égaux de ceux qui, jusqu'à ce moment, n'ont cessé de les opprimer.
Français et justiciables, ils ont, comme le reste des citoyens, le droit de concourir à la formation de la loi qui doit les régir; de cette loi dont ils seront incontestablement les soutiens, l'objet et les organes.
Enfin, citoyens et contribuables, ils ont, comme tous les membres de l'empire, le droit inhérent à cette qualité, de constater la nécessité de la contribution publique et de la consentir librement.
Ces principes, puisés dans la loi constitutionnelle de l'Etat, serviront de base au jugement que vous allez préparer. Il est impossible que l'Assemblée nationale s'en écarte. Ses décrets sont précis; ils doivent être exécutés. La couleur, non plus que le préjugé, ne peuvent en altérer, en modifier les conséquences. Les droits de l'homme, les droits du citoyen, s'élèvent toujours au-dessus des vaines considérations dont le règne a cessé; et nous sommes encore à concevoir comment il peut se trouver des esprits assez pervers, des citoyens assez malintentionnés pour chercher à les faire revivre.
Les citoyens de couleur ne craignent donc pas les efforts impuissants des ennemis, que l'amour-propre et la cupidité pourraient leur susciter. La loi constitutionnelle de l'Etat leur est un garant assuré du succès qu'ils doivent obtenir. L'Assemblée des législateurs français ne peutpoint hésiter; elle ne saurait varier dans ses principes.
Cependant, Messieurs, on fait aux citoyens de couleur deux objections qui méritent d'être examinées.
première objection.
On prétend que les colonies, ayant presque toutes des députés à l'Assemblée nationale, sont suffisamment représentées. On observe que, dans les contrées, surtout comme Saint-Domingue, la Martinique, la Guadeloupe, où l'on n'a jamais connu la distinction d'ordres qui régnait eu France; où, comme le disaient les prétendus commissaires de Saint-Domingue (lorsqu'ils disposaient à leur gré de cette importante colonie, lorsqu'ils avaient le courage de hasarder, à cet égard, toutes les allégations qui paraissaient les plus favorables à leur cause), « les habitants sont tous propriétaires, tous égaux, tous soldats, tous officiers, tous nobles, » il importe peu dans quelle classe les députés aient été choisis (1).
Vous connaissez, Messieurs, celte première objection, et vous y avez répondu d'avance.
Sans doute la distinction d'ordres n'existait pas dans nos colonies; et, sous ce point de vue, les prétendus commissaires de Saint-Domingue pouvaient avoir raison, lorsqu'il s*agissait uniquement d'élire, comme ils l'ont fait, les députés des colons blancs.
Mais, s'il n'existait pas de distinction d'ordres, il y avait,et il existe encore, à la honte de l'humanité, une distinction de classes
D'abord, on ne rougissait pas de mettre à l'écart et d'abaisser au nombre des bêtes de somme ces milliers d'individus qui sont condamnés à gémir sous le poids honteux de l'esclavage.
Ensuite, on faisait une grande différence entre les citoyens de couleur affranchis et leurs descendants, à quelque degré que ce fût, et les colons blancs.
Ceux-ci, coupables encore de l'esclavage qu'ils ont introduit, qu'ils alimentent, qu'ils perpétuent, et dont ils ont cependant la barbarie de faire un crime irrémissible aux citoyens de couleur, ceux-ci, disons-nous, étaient seuls dignes de l'attention du Corps législatif; aussi, vous avez vu, Messieurs, qu'ils n'ontagi, qu'ils ne se sont présentés que pour les blancs. lis vous ont donné un aperçu de leur origine,'de leur population, de leurs services, de leurs droits, nous dirions presque de leur excellence; mais, dans aucun cas, dans aucune circonstance, ils ne vous ont parlé des citoyens de couleur, ils leur en ont constamment refusé la qualité; jamais ils ne les ont considérés comme ayant des droits à la représentation; on n'a pas même pensé qu'il fût possible de les y appeler. Les infortunés! ils n'étaient ni ducs, ni comtes, ni marquis, ni chevaliers (1) ; ils n'avaient pas même de prétention à la noblesse. Ils sont hommes, c'est leur unique titre: et les blancs qui se faisaient auprès de l'Assemblée nationale un mérite de l'égalité, qu'ils supposaient encore existante dans la colonie, n'avaient garde de descendre jusqu'à eux.
Cette circonstance n'a pas échappé à l'Assemblée nationale, et vous vous rappellerez, Messieurs, que, lorsque les députés de Saint-Domingue furent admis, on parla de cette classe, au nom de laquelle nous nous présentons aujourd'hui; qu'il y eut en sa faveur une réclamation et des observations qui prouvèrent que l'Assemblée lui réservait une place, et que, lorsque les citoyens de couleur se présenteraient, on* ne pourrait pas leur opposer l'admission des colons blancs.
Nous en trouvons encore la preuve dàns le rapport du comité de vérification, en faveur de l'île de Saint-Domingue.
Parmi les raisons que donnaient ceux des membres du comité qui pensaient qu'il fallait accorder 12 députés à cette colonie, on voit «-quïls s'appuyaient spécialement sur ce qu'il n'y avait que 40,000 habitants dans l'île, et que les esclaves et gens de couleur ne pouvaient pas être comptés, puisque les uns n'avaient rien à défendre,
et que les autres n'avaient. pas été appelés a la nomination des députés. »
Ce que nous disons par rapport à Saint Domin-• gue, s'applique avec la même force à celles des colonies qui ont obtenu l'honneur d'une représentation. Les députés de la Guadeloupe et de la Martinique ne sont, comme ceux de Saint-Domingue que les députés des blancs. les blancs seuls les ont nommés. Nous lisons encore, dans le rapport de la Guadeloupe, page 39, « que les gens de couleur n'ont pas été appelés à la nomination des représentants, et qu'ils ne doivent pas entrer en ligne de compte. »
Nous sommes donc, Messieurs, recevables et fondés à nous présenter. L'objection résultant de l'admission des blancs, ne peut donc pas nous être opposée; et ce serait vainement qu'on chercherait à s'en faire contre les citoyens de couleur un titre qui tournerait entièrement à leur avantage. Il ne serait pas juste, en effet, que les députés des blancs, qui sont les oppresseurs, et, nous ne pouvons pas vous le dissimuler, les ennemis naturels des citoyens de couleur, fussent encore chargés de les représenter, de stipuler, de défendre leurs intérêts. Ce n'est pas sur eux que nous devons nous reposer du soin de déterminer les bases de la constitution qui fixera désormais les rangs, les droits et les prérogatives de la classe la plus nombreuse, la plus infortunée, et cependant la plus utile des colonies.
seconde objection.
Vaincus sur cette première partie de leur système, réduits au silence, forcés de convenir que les citoyens de couleur doivent être représentés, les députés des colons blancs se retrancheront dans leur seconde objection: à défaut de moyens, ils auront recours à la forme; ils critiqueront notre Assemblée, le mode dé nos élections; ils soutiendront que nous ne sommes pas les représentants des colonies; que, n'étant pas valablement élus, nous ne pouvons pas être admis, et qu'il faut nous renvoyer à une assemblée coloniale...
Voilà, sans doute, Messieurs, l'objection la plus spécieuse que nos adversaires puissent nous opposer; mais cette objection disparaîtra devant les observations que nous allons vous proposer.
D'abord, il faut bien considérer qu'il n'en est pas de la position de la colonie, ainsi que l'ont très-bien observé les prétendus commissaires (le Saint-Domingue dans les différentes brochures qu'ils ont publiées, comme de la métropole.
En France, les communications sont toutes promptes et faciles : elles sont, au contraire, lentes et difficiles avec les colonies ; et tandis qu'on emploierait un temps précieux à demander, à solliciter des ordres, à les donner, à les faire exécuter, à provoquer des assemblées, à préparer les objets de demande, à les discuter, à les rédiger, à nommer des députés, à les envoyer en France, la première session de l'Assemblée nationale tendrait à sa fin; la constitution serait achevée, et les citoyens de couleur recevraient des lois auxquelles ils n'aurajpnl pas concouru; ils supporteraient des impôts dont ils n'auraient pas constaté la nécessité, dont ils n'auraient pas consenti la répartition.
Ces moyens présentés, avec succès, d'abord par les colons blaucs de Saint-Domingue, avant même que l'Assemblée nationale fût constituée, et tout récemment par les colons de la Martinique et de la Guadeloupe, ne seront pas inutilement
invoqués par les citoyens de couleur. S'il pouvait y avoir une exception, elle devrait être à leur avantage, puisqu'ils se sont présentés beaucoup plus tard, et qu'ils arrivent au moment où l'Assemblée va s'occuper de leur constitution.
L'intention manifestée des représentants de la nation a toujours été de voir, d'entendre toutes les parties intéressées, de les rapprocher les unes des autres, de conserver les droits de tous les citoyens, de les admettre tous, à la représentation qui leur est due.
En second lieu, comment pourrait-on blâmer les citoyens de couleur de ne s'être pas réunis dans les colonies; de n'avoir pas formé ces assemblées primaires, auxquelles tous les citoyens sont admis, et dans lesquelles on peut recevoir et donner tous les pouvoirs nécessaires pour constituer un représentant légal?
Vous n'ignorez pas, Messieurs, que les lettres de convocation pour la formation des Etats généraux, n'avaient pas été adressées dans les colonies; que, non-seulement on n'y avait point indiqué qu'il ne s'y était pas formé d'assemblées primaires, mais que, par les lois anciennes, par les lois encore existantes, il était défendu, sous les peines les plus sévères, de les provoquer.
Vous savez que cette défense générale dans toutes les colonies, universelle pour tous les habitants, était encore plus expresse pour les citoyens dé couleur; que toute assemblée, toute espèce de réunion de leur part étaient et sont encore réputées et punies comme un attroupement. Mais ce que vous ignorez peut-être, ce dont .votre justice ne pourra qu'être indignée, c'est que, peu contents de livrer à la rigueur des lois les citoyens de couleur qui sont accusés, ou même qui paraissent suspects, de les soumettre à la justice des tribunaux, qui ne sont et gui ne peuvent être composés que de leurs pareils, le? blancs s'érigent en vengeurs des délits qu'il leur plaît de supposer; les voies de fait leur sont permises, et les citoyens de couleur, victimes de leur zèle et de leur dévouement pour la chose publique, auraient été, dans cette circonstance, exposés à périr sous les coups que leurs cruels oppresseurs auraient jugé à propos de leur porter (1).
Il a donc fallu renoncer, jusqu'à ce qu'il se fût introduit un nouvel ordre de choses, à toutes assemblées, à toutes réunions partielles dans les différentes colonies; il a fallu céder à la nécessité.
Mais était-il juste de renoncer également aux réclamations légitimes, que les citoyens de couleur sont dans le cas de former, et plus encore au succès qu'elles doivent avoir?
Il y aurait de la barbarie à le supposer; et ces préjugés affreux, dont les citoyens de couleur se plaignent avec tant d'amertume, seraient peut-être moins affligeants que le refus désespérant d'une admission à laquelle ils ont autant de droits que leurs concitoyens.
Au surplus, à défaut de ces assemblées primaires et locales, à défaut d'une réunion coloniale qu'il ne leur a pas été possible de provoquer, les citoyens de couleur nouvellement arrivés et
résidant actuellement en France se sont rapprochés, pour s'occuper de leurs intérêts ; il se sont réunis dans le cabinet, sous la présidence d'un citoyen revêtu d'un caractère public ; ils étaient et sont encore assez nombreux. Ils ont délibéré, ils ont rédigé des cahiers, ils ont offert une partie île leur fortune, et ils réaliseront incessament leurs offres; ils ont élu des députés, et ils les présentent à l'Assemblée nationale.
Cependant les calomnies de leurs ennemis sont parvenues jusqu'à eux; ils ont publié que « l'assemblée des citoyens de couleur était tout au plus composée de douze personnes, que les autres signatures étaient ou surprises ou supposées. »
Pour écarter, pour dissiper ces bruits injurieux, les citoyens de couleur ont appelé dans leur assemblée un notaire du Ghâtelet, et ils ont réitéré en sa présence, dans un acte authentique, tous les articles de leurs délibérations. Nous vous prions de vouloir bien l'examiner
Vous y trouverez tout ce que les citoyens de couleur avaient consigné dans leurs premiers procès-verbaux; vous y remarquerez l'unanimité des sentiments et des opinions, l'offre généreuse et volontaire du don patriotique du 1/5 de leurs revenus, évalué à 6 millions, et de la 50e partie de leurs propriétés ; vous y trouverez la confirmation, et une nouvelle élection de leurs députés; enfin, et c'est ici la preuve la plus formelle de la calomnie que nous avons été forcés de repousser vous y verrez, qu'au lieu de douze personnes dont on a prétendu que les assemblées étaient composées, il s'en est trouvé quatre-vingts, qui ont toutes concouru à la ratification des arrêtés qui avaient été pris dans les précédentes assemblées.
Voilà, Messieurs, et vous pouvez en jugerpar l'expédition des actes qui vous ont été remis, voilà les citoyens qu'on calomnie et que l'on poursuit avec autant d'acharnement. Ce sont ces mêmes citoyens qu'on voudrait vouer à la honte, au mépris, à l'oubli; qu'on voudrait éloigner du milieu des représentants de la nation; auxquels on voudrait interdire le droit acquis de concourir à la formation de la loi et de consentir la répartition de l'impôt.
Votre justice/ne se laissera pas séduire par les allégations de nos ennemis; elle ne se laissera pas éblouir par leurs promesses; elle ne sera pas ébranlée par les craintes chimériques, qu'ils ont cependant le courage de présenter comme des moyens (1).
Non, Messieurs, la justice est inaccessible à toutes les considérations : elle mettra dans sa balance l'homme à côté de l'homme, l'homme libre à côté de l'homme libre, le citoyen sur la même ligne que le citoyen.
Elle prononcera en faveur des citoyens de couleur comme elle a prononcé en faveur des colons
blancs; les moyens, les raisons sont absolument les mêmes.
Les députés de Saint-Domingue ont été élus à Paris. .,
Les députés de la Martinique ont été élus à Paris.
Les députés de la Guadeloupe ont été élus à Paris.
Pourquoi donc les citoyens de couleur ne pourraient-ils pas avoir été élus à Paris ?
Les prétendus commissaires de Saint-Domingue ont fait, dans leurs écrits multipliés, un pompeux étalage de leurs prétendus pouvoirs. Ils se sont fortement appuyés de cette prétendue inspiration qui, suivant eux, a mis leurs commettants dans le cas d'effectuer, à 2,000 lieues, ce qui se projetait, ce qui même n'était pas encore arrête dans la capitale ; et ils ont reussi.
Les colons de la Martinique ont été plus modestes; et ils ont réussi.
Les colons de la Guadeloupe ont été beaucoup plus vrais; et ils ont également réussi.
Ils ont dit naturellement « qu'ils n'avaient reçu aucUn pouvoir de leur colonie; qu'ils ne s'étaient déterminés à faire des démarches que parce que Saint-Domingue avait réussi.
Pour éviter les lenteurs, que nous avons le même intérêt à prévoir, ils ont fait à Paris une assemblée composée de 36 personnes, qui ne sont pas toutes résidantes à la Guadeloupe et dont plusieurs n'y ont point de propriétés. Ils ont imprimé quelques discours. Ils ont arrêté des députations. Ils ont écrit au Roi, au ministre de la marine, au premier ministre des finances ; ils ont reçu, le 8 août 1789, une lettre du ministre de la marine, qui leur annonce que, les députés de Saint-Domingue ayant été admis dans l'Assemblée nationale, il est très-juste qu'ils s'y adressent pour obtenir d'y être représentés (1). »
Enfin, iis ont remis une adresse à l'Assemblée nationale, et ils sont parvenus à faire admettre deux députés.
r- Ce serait, Messieurs, abuser de vos moments, que d'insister sur l'identité, sur l'analogie de toutes ces démarches, avec celles des citoyens de couleur, et plus encore sur les conséquences d'un pareil jugement :
1° Saint-Domingue ayant été admise, il était très-juste que les autres colonies fussent également représentées; le ministre delà marine l'avait annonce.
Mais si cela était très-juste par rapport aux blancs, il l'est au moins autant pour les citoyens de couleur : ils doivent obtenir une représentation quelconque. Ils y ont d'autant plus de droits, que leurs adversaires ont été reçus ; et, qu'abstraction faite du principe qui les appelle à la jouissance des mêmes avantages, à l'exercice des mêmes droits, il est de toute justice qu'ils se trouvent continuellement en mesure de les attaquer, de les combattre ; de donner sur la constitution, qui les intéresse, les éclaircissements qu'on ne peut attendre que des naturels du pays.
2° Si l'Assemblée nationale a pensé que quelques citoyens de Saint-Domingue et de la Martinique avaient pu élire leurs députés à Paris;
Si elle a jugé tout récemment, sur le rapport de M. Rarrère de Vieuzac, c que 36 personnes qui ont déclaré être originaires ou propriétairés de la Guadeloupe avaient pu élire à Paris et faire admettre 2 députés à l'Assemblée nationale » ;
A plus forte raison doit-elle décider que les citoyens de couleur, qui sont 3 fois plus nombreux ; qui ne pouvaient ni se rapprocher dans les colonies, ni se réunir, sans s'exposer aux peines les plus sévères, ont pu se rapprocher, s'assembler et nommer, a Paris, les représentants qui demandent aujourd'hui leur admission.
Indépendamment de leur litre primitif, de leur droit au fond, de l'infaillibilité des décrets, dont ils ne cesseront de s'étayer, les citoyens de couleur ont encore l'avantage d'avoir rempli toutes les formalités que l'on pouvait exiger d'eux.
Leurs assemblées ont été précédées de l'avis qu'ils en ont fait donner aux chefs de la commune (1); leurs délibérations n'ont été décidément commencées que lorsque les blancs ont refusé de s'unir à eux ; les ministres du Roi ont été prévenus; l'Assemblée nationale les a déjà reçus, elle a décrété en leur faveur la liberté d'assister à la séance, dans laquelle ils ont été admis ; Leurs Majestés ont bien voulu recevoir, agréer leurs hommages; le 22 octobre 1789, les citoyens de couleur ont eu l'honneur de leur être ^ présentés; Monsieur a également consenti à les recevoir; en un mot, ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir : i's ont fait autant et plus que les commissaires, les députés des colons blancs ; ils se présentent avec les mêmes titres, les mêmes droits, le même zèle, et certainement avec plus d'intérêt et de nécessité. Pourquoi donc y aurait-il dans la décision une différence qui ne se trouve ni dans les principes, ni dans les faits?
Recevez, Messieurs, l'hommage respectueux que nous devons à vos lumières, et surtout au patriotisme qui vous soutient au milieu des fonctions honorables et pénibles que nous ambitionnons de partager.
Nous sommes avec la plus profonde vénération, Messieurs,
Vos très-humbles et très-obéissant serviteurs.
De Joly; raimond aîné; OgÉ jeune; du souchet de SAïNT-RÉAL; honoré de Saint-Albert, habitant de la Martinique; Fleury,
Commissaires et députés des citoyens de couleur des îles et colonies françaises.
Paris, ce
Observation de M. de Cocherel, député de Saint-Domingue à VAssemblée nationale sur la demande des mulâtres (2).
Messieurs, lorsque les députés de Saint-Domingue sont venus solliciter leur admission à l'Assemblée nationale, ils vous ont annoncé qu'ils étaient les représentants des communes de leur pays ; ils vous ont déclaré qu'ils n'y connaissaient point la distinction des ordres; ils vous ont dit
qu'ils n'en connaissaient qu'un, celui d'hommes libres; ils vous en ont présenté l'état de population qu'ils ont fait monter à environ 40,000 nommes ; vous avez fixé le nombre de leurs députés en raison de cette population seulement, sans vouloir avoir égard à l'importance, à la richesse de la province qu'ils représentent et à l'étendue de son territoire, principe que vous venez cependant de consacrer depuis cette époque, par un de vos décrets. . Vous avez donc jugé l'île de Saint-Domingue suffisamment représentée.
Cependant aujourd'hui une réunion de quelques individus isolés à Paris, connus dans les colonies sous le nom de mulâtres, et dénommés à Paris gens de couleur, vient réclamer contre une représentation que vous avez jugée légale.
Mais permettez-moi, Messieurs, de faire quelques questions d'abord à M. le rapporteur du comité de vérification, avant de répondre à cette réclamation : il serait intéressant qu'il nous apprît de combien de membres était composé le comité, lorsqu'il a donné son avis. On m'a assuré qu'il ne s'y était trouvé que neuf commissaires, que leurs opinions avaient été très-partagèes, que quatre ou cinq membres, au plus, avaient été de l'avis du rapport arrêté dans le comité (!);
Cependant, Messieurs, l'importance de la question dont il s'agit, d'où dépend, dans ce moment, le sort des colonies, méritait toute l'attention du comité; nous espérons que vous voudrez bien y suppléer, en ordonnant que toutes les pièces soient déposées préalablement sur le bureau, afin que l'Assemblée en prenne elle-même communication, ou bien qu'elle ordonne qu'elles soient remises aux députés des colonies, pour y répondre.
Je demanderai ensuite comment est formée et composée cette espèce de corporation.
Est-ce des colons? ces colons sont-ils affranchis ? de laquelle des quatorze colonies françaises sont ces colons? ces colons sont-ils propriétaires dans les colonies? ces colons ont-ils des pou-
voirs? en quel nombre sont ces pouvoirs ? sont-ils donnés par des propriétaires libres résidant dans les colonies? Ces pouvoirs sont-ils légaux? les procurations qui énoncent ces pouvoirs sont-jelles passées par devant notaires? sont-elles légalisées dans les formes prescrites par les juges des lieux? quel est l'état de ces soi-disant colons? n'est-ce pas, peut-être, celui de la bâtardise, celui de la domesticité?
Je demanderai encore si ces hommes, quoique gens de couleur, ne peuvent pas être nés en France, sans avoir pour cela aucuns rapports, aucunes propriétés à Saint-Domingue? Ces gens de couleur ne peuvent-ils pas être nés dans les colonies étrangères? Voilà ce qu'avait à examiner, Messieurs, votre comité de vérification ; c'est à quoi se borne son institution, toute autre question lui est étrangère et appartient à votre comité de constitution. Votre comité de vérification ne pourrait pas même vous proposer, dans cet état de cause, un mode de convocation pour nos assemblées, sans sortir des bornes qui lui sont prescrites par votre règlement.
Au reste, en supposant à quelquesTuns de ces hommes de couleur toutes les qualités requises pour appuyer leurs réclamations, je leur demanderai s'ils veulent former une classe particulière, s'ils prétendent à une distinction d'ordre, si leur projet est de se séparer des communes des colonies composées d'hommes libres, en sollicitant cette représentation qui détruirait tous les principes de f Assemblée nationale? Je demanderai t laquelle des 14 colonies françaises on voudrait attacher les deux députés privilégiés, proposés par le comité de vérification? Je demanderai quel sera le bailliage de ces 14 colonies, que ces deux députés auraient la prétention de représenter ? Je demanderai, enfin, si l'Assemblée nationale peut enlever, aux provinces le droit de nommer plie-mêmes leurs députés, en permettant à des individus isolés de s'assembler à cet effet, hors de leur patrie, et d'en Mre eux-mêmes le choix le plus irrégulier ?
D'après toutes cette considérations, je me résume et je dis que s'il est prouvé que les gens de couleur sont propriétaires libres des colonies, il est prouvé par ià même qu'ils composent les communes des colonies, dont la représentation à été calculée et fixée, par un décret de l'Assemblée nationale,en raison de la population des communes des colonies; cette population n'a pas augmenté depuis ce décret, qui a consacré les droits et l'admission des députés 4 l'Assemblée nationale. Les réclamations des gens de couleur ne pourraient donc être accueillies sans détruire votre premier décret ; et dans cette hypothèse, la députation des colonies deviendrait tout au plus nulle ; leurs députés cesseraient, en conséquence, de s'asseoir parmi vous, Messieurs, mais ce ne serait point assurément une raison pour y faire admettre les gens de couleur.
En deux mots, ou la nomination des députés des colonies est légale, ou elle ne l'est pas. Si elle ést légale, les gens dë couleur sont repré-tés parce qu'ils composent les communes ; si elle ne l'est pas, les députés des colonies doivent se retirer. Voilà à quoi se réduit uniquement la question qui vous est soumise ; et vous ne pouvez prononcer, sous àucun rapport, en faveur des gens de couleur, sans attaquer et annuler votre premier décret d'admission des députés de Saint-Domingue à l'Assemblée nationale. Mais comme vous 1 avez déclaré vous-mêmes irrévocable, je
demande que l'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Et je suis d'autant plus fondé, Messieurs, dans mon opinion, qu'elle n'est que le résultat de la vôtre.
En effet, Messieurs, rappelez-vous qu'une corporation des plus grand propriétaires des colonies, résidant actuellement en France, a cru devoir également faire des réclamations à votre tribunal, contre la nomination des députés de Saint-Domingue, qu'ils ont jugée illégale par le défaut de convocation de tous les habitants libres, qui composent la colonie de Saint-Domin-' gue : vous avez rejeté leurs réclamations.
Mais ne seraient-ils pas fondés à se présenter de nouveau aujourdhui à votre tribunal, si vous légitimiez la corporation des gens de couleur, assemblés à Paris ? Ne seraient-ils pas également autorisés à s'assembler dans le royaume, pour protester contre l'admission illégale de leurs députés, et n'auraient-ils pas le droit de les rappeler, par la raison qu'ils auraient été nommés sans convocation et sans leur participation?
Cet exemple ne serait-il pas dangereux pour d'autres provinces, dont quelques habitants également isolés, et peut»être mécontents, se croiraient fondés à s'assembler partout où ils se trouveraient, même hors de leurs provinces et, à rappeler leurs députés, s'ils le jugeaient nécessaire à leurs intérêts particuliers ? Que deviendrait alors votre décret, qui enlève ce droit à nos propres et véritables commettants?
J'abandonne ces réflexions, Messieurs, à votre sagesse ; mais permettez-moi seulement de vous observer que l'Assemblée nationale, ayant rejeté le comité national demandé par les députés des colonies, a manifesté l'intention où elle est -de ne rien préjuger, de ne rien arrêter sur les questions relatives à la constitution des colonies, qui lui seraient présentées : celle qui vient d'être soumise à vôtre examen est sans doute de ce nombre, puisqu'elle tient essentiellement à la constitution des colonies ; je demande donc qu'il ne soit rien statué à cet égard par l'Assemblée nationale^ que préalablement elle n'ait reçu du sein des colonies mêmes leurs ycbux légalement manifestés dans un plan de constitution propre à leur régime, qui sera présenté à l'examen de l'Assemblée nationale.
Je vais vous proposer, en conséquence,, un décret, dicté en ce moment par la prudence ; croyez , Messieurs , qu'il vous conservera à jamais vos colonies^ dont la perte occasionnerait à la métropole des maux incalculables. Rien ne périclite, rien ne vous presse de prononcer isolément sur la question prématurée qui vient de vous être présentée ; elle ne pourra dans aucun temps échapper à votre examen ; elle jie sera point oubliée dans le plan de constitution qui vous sera proposé par les colonies légalement assemblées, lorsque vous l'ordonnerez, et que vous pourrez vous en occuper *, votre sagesse, d'ailleurs, doit rassurer les gens d.e couleur et dissiper leurs craintes. Les nègres libres, qui ont le même droit que les gens de couleur, seront également appelés ; plus sages que les gens de couleur, plus reconnaissants que leurs enfants, ils se tiennent à l'écart dans ce moment* mais leur confiance en nous est pour nous un nouveau titre de défendre leurs intérêts comme les nôtres, ils nous seront toujours aussi chers ; nous en contractons avec eux un nouvel engagement dans le sanctuaire même des représentants de la nation.
Nous serons fidèles à notre' serment. Voici donc le décret que je propose : L'Assemblée nationale, considérant la différence absolue du régime de la France à celui de ses colonies, déclarant par cette raison que plusieurs de ses décrets, notamment celui des droits de l'homme, ne peuvent convenir à leur constitution, a décrété et décrète que toute motion relative à la constitution des colonies, serait suspendue et renvoyée à l'époque où elle recevra du sein même de ses colonies leurs vœux légalement manifestés dans un plan de constitution qui sera soumis à un sérieux examen de l'Assemblée nationale, avant d'être décrété.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, fait la lecture du procès verbal des deux séances du 28.
fait une observation relative au décret sur l'imposition des biens privilégiés, et demande qu'on y ajoute que la capitation noble et privilégiée des six derniers mois de 1789 et de 1790 ne sera point imposée ou perçue, et qu'elle sera remboursée à ceux qui l'auraient acquittée, en jus-. tifiant par les uns ou les autres de l'acquit d une ou plusieurs cotes de taille personnelle réunie, excédant ladite capitation.: ,„. r"«
La discussion de cette demande est ajournée.
On a fait lecture des adresses dans l'ordre qui suit :
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion de la ville de Mâcon en Bourgogne ; elle demande à être le chef-lien d'un département.
Adresse du même genre des habitants du bourg des Gardes en Aniou ; ils attendent avec la plus vive impatience 1 organisation des assemblées provinciales et municipales, et demandent l'établissement d'une paroisse dans leur bourg.
Adresse du même genre des représentants de la commune de Chàteau-du-Loir: 11s réclament avec instanee la conservation de la sénéchaussée de cette ville, et présentent un nouveau plan d'arrondissement.
Adresse du même genre de la ville de Châ-teau-Renard en Gâtinais; elle demande à être le siège d'une assemblée de département.
Adresse des habitants des Riceys, qui forment trois bourgs et trois paroisses, dans laquelle ils conjurent l'Assemblée de conserver l'aDbaye de Molesuce, dont les religieux ne passent point de jour sans donner des preuves sensibles de leurs vertus et de leur bienfaisance-, cependant, remplis de confiance dans les lumières de l'Assemblée nationale, ils adhèrent d'avance avec une soumission respectueuse â tous les décrets qu'il lui plaira de porter.
Délibération de la compagnie présldiale de la ville de Moulins, par laquelle elle a arrêté
de rendre la justice gratuitement.
Adresse des officiera municipaux et habitants de la communauté des Essarts en Bas-Poitou, contenant l'expression d'une adhésion absolue à tous les arrêtés et décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale.
Adresse de la municipalité de la ville d'Antibes en Provence, par laquelle elle adhère avec une respectueuse reconnaissance à tous les décrets rendus par l'Assemblée nationale, et notamment à ceux des 26 septembre, 8 et 9 octobre, 2 et 5 novembre.
Adresse de la communauté du Gua en Dau-phiné, contenant adhésion au décret concernant la contribution patriotique ; elle supplie l'Assemblée de porter une liquidation générale sur les arrérages de rente à un taux modéré, afin qu'elle puisse se libérer malgré son extrême détresse.
Adresse des officiers de la maîtrise des eaux et forêts de là.ville de Vendôme, contenant une ordonnance de ces officiers, portant défense à tous particuliers de s'introduire dans les bois de Monsieur et autres bois ecclésiastiques situés aux environs de cette ville, et en même temps réquisition aux officiers de la milice bourgeoise, à ceux du régiment Royal-Cravate en garnison audit Vendôme, et à celui de la maréchaussée, de veiller de tout leur pouvoir à la conservation de ces bois, livrés au plus affreux pillage depuis le décret de l'Assemblée nationale sur la disposition des biens ecclésiastiques, parce quedes gens malintentionnés ont fait entendre à quantité de vignerons journaliers et autres qu'il avaient droit à ces nois, comme appartenants à la nation. Les officiers de la maîtrise annoncent que leur ordonnance a eu tout l'effet qu'ils en espéraient.
Adresse des marchands taneisrs réunis à la foire d'Angers, qui supplient avec instance l'Assemblée nationale de supprimer les droits de régie, et de rendre à la fabrication des cuirs, la liberté et les facultés nécessaires à son développement.
Il a été demandé ensuite à l'Asssemblée d'accorder un passe-port au sieur Tavernier de la Junquières, chargé des dessins relatifs a l'ouvrage connu sous le nom de Voyage pittoresque de là France, et qui craint d'être inquiété dans ses travaux. Le passe-port a été accordé.
On a fait lecture ensuite d'une règle de police relative aux billets de tribune.
La ville de Josselin en Bretagne a fait un don patriotique de la somme de 4,125 livres,
l'un des secrétaires, fait lecture d'une lettre écrite par les membres de la commune de Bastia, dans l'île de Corse, par laquelle ils exposent à leurs députés les événements survenus dans l'île et l'adhésion du peuple corse à la constitution française. La Yoici :
« Messieurs, l'orage vient enfin d'éclater*, voici le récit très-précis du fait tragique arrivé entre les bourgeois de Bastia et le régiment du Maine.
« Le 5 du courant, après en avoir amplement prévenu M. le vicomte de Bassin, commandant de Corse, toute la ville s'est assemblée dans l'église paroissiale de Saint-Jean, afin de procéder à l'enregistrement de la garde nationale. Le commandant lui-même a bien voulu venir parmi les
citoyens dans l'église. Dans le temps que les bourgeois étaient paisiblement entrés dans la salle, on entend battre la générale et aussitôt on vient pour avertir que M. de Rouilles, colonel du régiment du Maine, à la tête de sa compagnie de grenadiers, marchait à droite, et M. de Tissonet, capitaine, à la tête des chasseurs à gauche, pour s'emparer de notre salle, et pqur nous en chasser. 25 à 30 de nos braves bourgeois, avec quelques fusils, se sont présentés pour nous défendre; mais à peine les chasseurs commandés par M. de Tissonet les ont-ils aperçus qu'ils, ont fait feu sur eux. Nos citoyens, en défendant leur vie, lâchèrent à leur tour- des coups sur la troupe et par ce moyen les obligèrent à rétrograder.
« Il y a eu du sang répandu; savoir : deux soldats tués, deux blessés ; et M. de Tissonet ci-présent est lui-même blessé. Parmi les citoyens, il n'y a eu de tués que deux petits enfants, qui ont été massacrés dans les rues à coups de baïonnette. Cette action barbare de la part des soldats a tellement révolté le peuple, qu'elle l'a porté à s'emparer de la citadelle, des magasins à poudre, des armes et de tous les forts de la ville, sans que cependant (grâce à Dieu) il s'en soit suivi d'autres accidents funestes.
« Après quoi la garde nationale fut enregistrée et tout le peuple a prêté un nouveau serment de fidélité à la loi, au Roi et à l'Assemblée nationale, dans les mains de la municipalité. Le procès-verbal contenant tous les faits va vous arriver par le premier courrier. Mais nous avons cru qu'il n'y avait pas un instant à perdre pour vous prévenir que dans toute l'île, il y a une fermentation terrible, dont la cause est l'incertitude dans laquelle nous nous trouvons-sur notre sort. L'on nous dit, tantôt que l'on veut nous garder sous le régime militaire actuel; tantôt que l'on va nous céder à la république de Gênes, et notre inquiétude est d'autant plus fondée, que jusqu'à présent, de tous les décrets de l'Assemblée, il n'y a eu d'enregistré et publié que la loi martiale.
« Vous êtes, Messieurs, chargés par vos cahiers de demander quel'îlede Corse soit déclarée partie intégrante de la,monarchie et nous ne pouvons vous cacher que nous sommes très-étonnés de voir que vous ne présentez jamais cette demande à l'Assemblée, nationale.
« Vous avez beau nous dire que votre admission comme députés nous déclare par le fait province de France, cela ne suffît pas. Le ministère nous a conquis par la force, et d'après un traité passé avec la République de Gênes, qui n'avait nullement le droit de nous céder. Pour notre sûreté et pour que nous soyons Français à jamais, ce qui est notre unique vœu, il nous faut un décret de la nation sur une demande faite par vous, Messieurs, qui êtes nos représentants librement et légalement élus.
« Nous attendons votre réponse avec le plus grand empressement et soyez sûrs qu'elle décidera de la tranquillité du pays.
« A présent tout va bien, la milice nationale monte la garde à la porte du général, au port, à la citadelle, et partout où il y a besoin de sentinelles. Veuillez bien, en attendant le procès-verbal, représenter à l'auguste Assemblée nationale que nous avons pris les armes pour faire exécuter ses décrets, et que nous ne les quitterons point qu'ils n'aient été exécutés.
« Signé: Galearini, Guasco, Morati, membres de la commune de Bastia. »
La lecture de cette lettre est suivie de celle d'une adresse d'un grand nombre de citoyens de la ville d'Ajaccio, en date du 31 octobre, par laquelle ces citoyens se plaignent que la commission intermédiaire, de concert avec le régime militaire sous lequel l'île gémit, s'est opposée jusqu'à ce jour à toute assemblée patriotique et formation de milice nationale. Us représentent d'une manière très-énergique les droits et le désir qu'ils ont de participer à la régénération de l'empire français, lis réclament contre les vexations de toute espèce dont ils sont accablés. Ils protestent contre les calomnies dont on noircit les prétentions du peuple corse. Ils assurent que son vœu général, exprimé librement dans ses cahiers, est d'être réuni à là nation française devenue libre, et que toute sa crainte est d'être remis sous le joug des Génois, ou de continuer d'être gouverné militairement, comme il l'a été jusqu'à ce jour. Ils désavouent toute expression des sentiments de la Corse qui émanerait de la commission des douze et s'en réfèrent exclusivement à leurs députés dans l'Assemblée nationale. Enfin ils supplient l'Assemblée d'une manière pathétique de prendre en considération l'état dangereux et déplorable de l'île de Corse.
le demande qu'il, soit rendu sur-le-champ un décret par lequel il sera déclaré que la Corse fait partie de l'empire français ; que ses habitants doivent être régis par la même constitution que les autres Français, et que dès à présent le Roi sera supplié d'y faire parvenir et exécuter tous les décrets de l'Assemblée nationale.
Je propose de dire que le décret est rendu sur la demande et le libre consentement des habitants de la Corse.
fait remarquer, à propos de l'envoi des décrets de l'Assemblée nationale en Corse, qu'il faut dire que le pouvoir exécutif sera requis et non pas sera chargé d'envoyer les décrets.
C'est honorer la nationque de rendre hommage à son chef, etjepro-pose de dire, comme par le passé, que le Roi sera supplié d'envoyer les décrets.
prend le vœu de l'Assemblée et le décret suivant ést rendu :
« L'île de Corse est déclarée partie de l'empire français; ses habitants seront régis par 1a même constitution que les autres Français, et dès ce moment le Roi est supplié d'y faire parvenir et publier tous les décrets de l'Assemblée nationale. »
Nous n;avons que trop d'exemples de démembrements de la monarchie, et la Louisiane, un de nos plus beaux établissements, a été cédée aux Espagnols sans le consentement de la nation. Je fais donc la proposition de décréter que, dans aucun cas, le pouvoir exécutif ne pourra céder aucun pays ou partie de pays attaché à l'empire français, ou y appartenant, sans avoir consulté la nation.
Messieurs, après avoir rendu le décret qui déclare la Corse partie de l'empire français, il s'en présente un autre qui en est la suite nécessaire et que je propose en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète que ceux des
Corsés qui, après avoir combattu pour la liberté, se sont expatriés, par l'effet et la suite de la conquête de leur île, et qui cependant ne sont coupables d'aucuns délits légaux, auront dès ce moment la faculté de rentrer dans leur pays pour y exercer tous les droits de citoyens français, ét que le Roi sera supplié de donner, sans délai, tous les ordres nécessaires pour cet objet. »
Ce projet de décret est vivement applaudi par lâ grande majorité de l'Assemblée.
Si ce décret était rendu, il pourrait occasionner une révolte dans l'île, et ses anciens habitants, coupables envers la Francè, rapporteraient dans leur patrie le sou-venir de léur défaite, et seraient bientôt tentés d'abuser de l'indulgence de la nation. Je propose de consulter le pouvoir exécutif avant de prendre un' parti.
C'est la province de Corse elle-même qui réclame ceux de ses anciens habitants qui ne sont pas chargés des crimes que la justice des lois doit punir; c'est elle qui redemande pour la Frarfce des citoyens français.
Je demande la suppression des mots délits légaux comme étant une expression obscure et incohérente.
Toute objection est levée par Ces mots : qui ne sont coupables d'aucuns délits légaux; car je ne pense pas que personne ici puisse regarder comme coupables envers la nation des citoyens dont lé crime unique serait d'avoir défendu leurs foyers et leur liberté. J'ai dit des délits légaux, parce qu'il n'y a que les actes contraires aux lois protectrices de l'homme qui méritent d'être punis. Je ne conçois pas comment la liberté, quand elle est innocente de tous délits de ce genre, pourrait n'être pas soiis votre sauvegarde.
J'avoue, Messieurs, que ma première jeunesse a été souillée par une participation à la conquête de la Corse; mais je ne m'en crois que plus étroitement obligé à réparer envers ce peuple généreux vce que ma raison me représente comme une injustice. IJne proclamation a prononcé la peine de mort contre les Corses qui ont défendu leurs foyers, et que l'amour de la liberté a fait fuir. Je vous le demande, serait-il de votre justice et de la bonté du Roi que cette proclamation les éloignât encore de leur pays, et punît de mort leur retour dans leur patrie? '
Vous prétendez que l'expression de délits légauxest parfaitement claire : ce qui prouve qu'elle est obscure, c'est que vous êtes obligé d'en donner l'explication.
Je demande la suppression de cette phrase : qùi} après avoir combattu pour la défense de leur liberté, comme injurieuse à la nation et à la mémoire du feu Roi.
Je ferai remarquer à l'Assemblée que la motion de M. le comte de Mirabeau répond à un article exprès du cahier de l'île de Corse.
11 faut se .hâter de décréter une motion aussi honorable que celle I qui est proposée; il faut que Paoli lui-même apprenne à devenir Français ; un tel défenseur de
la liberté dé son pays est digne d'une nation qui a secoué si courageusement ses fers.
(L'Assemblée devient très-tumultueuse, une partie de la salle réclame l'ajournement, la majeure partie veut passer au vote.)
(de Bigorre). Je demande que certains membres soient nommés dans le procès-verbal comme perturbateurs des délibérations de l'Assemblée.
On dirait, Messieurs, que le mot de liberté fait ici sur quelques hommes la même impression que l'eau sur les
hydrophobes.....Je persiste à demander que mon
projet de décret soit mis aux voix ; et, pour lever les scrupules de quelques personnes, je substitue à ces mots : délits légaux, ceux-ci : délits déterminés par la loi.
Si l'on adopte la motion, il faut en même temps ordonner la retraite des troupes qui sont en Corse, à moins qu'on ne veuille qu'elles soient massacrées. Je demande l'ajournement.
veut mettre la motion aux voix ; plusieurs membres s'y opposent. Une grande partie de l'Assemblée se lève pour exprimer Un vœu^contraire à cette opposition.
Les voix prises, il est décidé qu'on délibérera sur-le-champ.
L'ajournement proposé est rei été.
Plusieurs membres prétendent n'avoir pas entendu poser la question de l'ajournement.
Le président conjure l'Assemblée de laisser recommencer l'épreuve, par amour pour la paix.
Cette seconde épreuve donne le même résultat.
Je demande que les Corses qui rentreront dans l'île soient tenus de prêter serment de fidélité.
Leur retour seul prouvera leur* fidélité et le nom de Français que vous leur avez donné, suffira pour l'assurer.
La question préalable est demandée sur les amendements.
Il est décidé qu'il n'y a pas lieu à délibérer à leur égard.
Je demande qu'il me soit au moins permis de présenter un amendement relatif au général Paoli; j'ai sur cet objet de grandes instructions.
On délibère sur la motion principale, et elle est adoptée à une grande majorité en ces termes :
c L'Assemblée nationale décrète que les Corses qui, après avoir combattu pour la défense de leur liberté, se sont expatriés par l'effet et les suites de la conquête aé l'île ae Corse, et qui cependant ne sont coupables d'aucuns délits déterminés par la loi, ne puissent être troublés dans Ja faculté de rentrer dans leur pays, pour y exercer tous leurs droits de citoyens français, et que M. le président soit chargé de supplier Sa Majesté de donner, sans délai, tous les ordres convenables à- ce sujet. »
donne lecture de deux lettres du garde des sceaux. La première, relative. aux décrets de l'Assemblée nationale, annonce que Sa Majesté a sanctionné le décret relatif aux grains, celui aux bénéfices, 'celui qui met les biens ecclé-
, siastiques sous la sauvegarde des lois et enfin celui des bibliothèques des monastères. La .seconde lettre porte que le Roi a donné sa sanction aux décrets qui accordent grâce au parlement de Metz. Sa Majesté a donné dès ordres aux dépositaires de son autorité pour faire exécuter les décrets de l'Assemblée en particulier dans le diocèse de Tré-guier et la provipce du Gambrésis. Le décret concernant les vacances des cours a été enregistré pUremént et simplement par Jes parlements d'Aix, Bordeaux, Besançon, Douai, Grenoble, Metz, Nancy, Paris, Rouen, Toulouse et les conseils souverains de Calmar etde Perpignan. La chambre des vacations du parlement de Pau a procédé le 19 à l'enregistrement du décret des vacances, des décrets du prêt à intérêt, des vœux religieux et de la procédure criminelle. Le parlement de Dijon n'est rentré que le 26 novembre et on n'a pas de détails sur ses actes. Des lettres de jussion ont été en voyées au parlement de Rennes, qui n'a point procédé à l'enregistrement du décret des vacances.
Je viens de recevoir un mémoire très pressé de la municipalité et du comité permanent dè la ville de Réthel qui démontre que, malgré les promesses réitérées des agents du pouvoir exécutif d'établir un cordon de troupes sur les frontières, ce cordon n'existe pas dans les endroits les plus exposés à la sortie des grains. Il existe des marchés très-importants dans des villages partie français et partie impériaux; l'exportation se fait avec une effrayante activité ; le pays est déjà dévasté et la Champagne n'aura bientôt pour exister d'autre ressource que de refluer sur l'île de France et sur la Brie. Je demande que le comité des recherches soit tenu de prendre cette affaire en considération et d'en faire demain le rapport à l'Assemblée en indiquant les mesures nouvelles qu'il aura concertées avec le ministère.
L'affaire est renvoyée au comité des rapports.
M. le comte de Saint-Priest est venu me faire part de la nécessité où se trouve Sa Majesté d'enployer les moyens du pouvoir exécutif pour obliger les villes de Vannes, de Ruis et d'Auray à l'exécution du décret de l'Assemblée nationale concernant la libre circulation des grains dans l'intérieur du royaume.
11 est bien temps de commencer l'ordre du jour et de nous occuper de l'organisation des municipalités, car ce sont elles qui doivent parer à tous ces maux qu'on vient de nous signaler.
M. le garde des sceaux me transmet une lettre adressée au Roi par le grand maître de l'ordre de Malte, en me priant d'en donner connaissance à l'Assemblée.
Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre^ qui est ainsi conçue ;
« Sire, si jamais un ordre a répondu avec confiance à la protection dont Votre Majesté l'a constamment honoré, Cest dans ce moment où j'apprends que l'Assemblée nationale, en interprétant, le 11 août, le 36 article de ses'arrêtés d.e la nuit du 4 au 5, vient de porter le coup le plus funeste à notre existence, par la suppression de nos dîmes, qui forment dans le royaume la plus grande partie des revenus de nos commanderies.
« le dois, Sire, à mon ordre, à toutes les nations
qui le composent, je me dois à moi-même de réclamer contre cet arrêté.
« C'est en effet, Sire, le premier exemple peut-être d'une décision prononcée, je ne dis pas contre un ordre dont la souveraineté est reconnue dans toute l'Europe, mais contre le plus simple particulier, sans l'avoir entendu.
« L'Assemblée nationale n'a pu s'écarter de cette justice rigoureuse qu'en nous confondant .avec le clergé, sans considérer que, par l'objet de notre institution et par la nature de nos services, nous ne pouvions lui être assimilés sous aucun rapport,
« C'est une vérité, Sire, dont il eût été facile de fournir la preuve à cette Assemblée, si elle eût témoigné le moindre désir de l'approfondir avant de prononcer sur notre sort.
« Elle aurait appris en même temps que mon ordre, dévoué par état au service de toute la chrétienté, mais bien plus particulièrement à Votre Majesté et à nation, n'avait jamais laissé échapper aucune occasion de manifester son zèle, et qu'il avait été assez heureux dans plusieurs circonstances que Votre Majesté n'ignore point, et même dans Ce moment-ci, pour rendre au commerce et à la navigation du royaume les services les plus essentiels.
« Je ne dois pas, Sire, abuser des bontés et des moments précieux de Votre Majesté; mais je la supplie de permettre que mon ambassadeur lui remettant ma lettre prenne un instant favorable pour mettre sous ses yeux toutes les conséquences fâcheuses qui résulteraient pour mon ordre de l'arrêté de l'Assemblée nationale, s'il pouvait subsister.
« 11 aura l'honneur de vous exposer, Sire, la profonde douleur dans laquelle l'exécution dé cet arrêté nous plongerait, par l'impossibilité absolue où iLnous mettrait non-seulement de continuer nos services reconnus utiles et nécessaires au royaume, mais de nous maintenir même dans une île qui, par sa position et les dépenses prodigieuses que nous y avons faites, doit être considérée comme une frontière de la France, un asile assuré en tout temps à tous les navigateurs, et dont les avantages qu'elle lui procure sont bien supérieurs à celui que l'Assemblée nationale a pu entrevoir dans ce qu'elle nous enlevait.
« Ce sont, Sire, ces puissants motifs qui me font espérer que Votre Majesté, ayant égard aux justes représentations que j'ai l'honneur dp lui faire, au nom de tout mon ordre, et à tout ce que mon ambassadeur aura celui de lui exposer, daignera interposer sa puissante protection pour qne l'arrêté dont je me plains n'ait aucune suite.
« Je suis, etc. »
La réponse à cette lettre est simple. . Je demande, dès à présent, la suppression de tous lés établissements de l'ordre de Malte en France et l'ajournement de la question.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur l'organisation des muni' cipalités.
, au nom du comité de constitution, donne lecture des articles proposés par le comité.
Plusieurs amendements sont proposés ; la question préalable est invoquée et admise sur ceux gui portent sur le fond. Quelques autres, relatifs à la rédaction, sont adoptés. L'article 41, qui a pour objet les fonctions propres au pouvoir municipal, donne lieu à une plus longue discussion.
MM. Le Pelletier de Saint-Fargeau, Dupont de Nemours, Dillon, de Viefville des Essarts, de Kys-poter et Ghenon de Beaumont proposent diverses additions à l'énumération de ces fonctions.
représentent que le comité n'a pas eu intention de faire cette énu-mération complète. Les détails nécessaires se trouveront naturellement dans la suite de la constitution, ou feront la matière de règlements particuliers. On oublie un peu trop que nous ne faisons pas un règlement, mais une constitution; tous ces détails ne sont pas dignes d'elle.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer/quant à présent, sur ces additions.
Voici les articles tels qu'ils sont décrétés successivement:
« Art. 29. Le conseil général de la commune, composé tant des membres du corps municipal que des adjoints notables fera choix d'un secrétaire-greffier, qui prêtera serment de remplir ses fonctions avec fidélité, et qui pourra être changé lorsque le conseil général, dûment convoqué à cet effet, le jugera convenable à la majorité des voix.
« Art. 30. Le conseil général de la commune pourra aussi, suivant les circonstances, nommer un trésorier, en prenant les précautions nécessaires pour la sûreté des fonds de la communauté. Le trésorier pourra être changé comme le secrétaire.
« Art. 31. Les citoyens actifs de chaque communauté nommeront, par un seul scrutin de liste, et à la pluralité relative des suffrages, un nombre de notables double de celui des membres du corps municipal.
« Art. 32. Ces notables seront choisis pour deux ans, et renouvelés par moitié chaque année. Le sort déterminera ceux qui devront sortir à l'époque de l'élection qui suivra la première,
« Art. 33. Ils formeront, avec les membres du corps municipal, le conseil général de la commune, et ne seront appelésvque pour les affaires importantes, ainsi qu'il sera dit ci-après.
? Art. 34, Les membres du corps municipal, ainsi que les notables, ne pourront être nommés que parmi les citoyens éligibles de la commune.
« Art. 35. Les assemblées annuelles d'élection se tiendront, dans tout le royaume, le dimanche d'après la Saint-Martin, sur la convocation des officiers municipaux.
,« Art. 36. Si 1a place de maire ou de procureur de la commune, ou de son substitut, devient vacante par m ort, démission ou autrement, il sera con-voqué une assemblée extraordinaire des citoyens actifs, pour procéder à une nouvelle élection.
« Art. 37. Dans les villes où l'assemblée générale des citoyens actifs sera divisée en plusieurs sections, les scrutins seront recensés à la maison commune, le plus promptement qu'il sera possible; en sorte que les scrutins ultérieurs, s'ils se trouvent nécessaires, puissent se faire dès le jour même, et au plus tard au lendemain.
a Art. 38. Lorsqu'un membre du conseil municipal viendra à mourir ou donnera sa démission, ou sera destitué ou suspendu de sa place, ou passera dans le bureau municipal, il sera remplacé de droit, pour le temps qui lui restait à remplir, par celui des notables qui aura réuni le plus de suffrages.
« Art. 39. La présence des deux tiers au moins des membres du conseil municipal sera né.ces-prire pour recevoir les comptes du bureau ; et la saésencede moitié plus un des membres du corps
municipal sera nécessaire pour prendre des délibérations.
« Art. 40. Les corps municipaux auront deux espèces de fonctions à remplir, les unes propres au pouvoir municipal, les autres propres à l'administration générale de l'Etat, et déléguées par elle aux municipalités.
« Art. 41. Les fonctions propres au pouvoir municipal, sous la surveillance et l'inspection des assemblées administratives, sont :
« De régir les biens et revenus communs des villes, bourgs, paroisses ou communautés;
« De régler et d'acquitter çelles des dépenses locales qui doivent être payées des deniers communs;
« De diriger etfaire exécuter les travaux publics qui sont à la charge de la communauté;
« D'administrer les établissements qui appartiennent à la commune, qui sont entretenus de ses deniers, ou qui sont particulièrement destinés à l'usage des citoyens dont elle est composée;
« De faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics. »
La séance est levée à trois heures et demie.
Compte rendu à l'assemblée générale des représentants de la Commune de Paris, au nom de son comité des recherches (1), par M. Agter (2) (Imprimé par ordre des représentants de la commune de Paris. Distribué aux membres de l'Assemblée nationale).
Messieurs, arrivés à un point remarquable de la carrière que nous avons à parcourir, nous
croyons devoir à l'Assemblée un compte succinct de nos travaux; et il est satisfaisant pour nous que ce compte, rendu dans votre première séance publique, apprenne d'abord à nos concitoyens ce que vous avez fait, ce que vous ne cessez de faire pour remplir une de vos principales obligations.
Chargé par vous de la fonction honorable, mais délicate, de rechercher les trames formées contre cette ville et contre l'Etat, votre comité a pensé qu'il était de son devoir indispensable de les scruter,de les démasquer toutes, sans distinction ni réserve, quels qu'en pussent être les auteurs.
Et, en suivant cette conduite, il a cru apercevoir clairement trois natures différentes de complots :
L'une, qu'il faut attribuer à un parti aristocrate ; et dans cette classe on doit ranger, soit le rassemblement de l'armée autour de Paris et de Versailles, qui a déterminé l'heureuse insurrection du mois de juillet, soit le projet qui paraît avoir été formé depuis, de conduire ou d'emmener le Roi à Metz, en levant, pour cet effet, un corps de troupes considérable, sous le nom de gardes du Roi surnuméraires, que l'on prétendait opposer à la garde nationale.
La seconde espèce de complots appartient à un autre parti; et, jusqu'à ce qu'une information juridique les ait pleinement dévoilés, il convient de tirer le rideau sur les attentats qui devaient en être le terme; vous pouvez seulement en juger par les abominables excès commis au château de Versailles, dans la matinée du 6 octobre, et que le comité de recherches s'est cru obligé de dénoncer.
La troisième espèce de complots paraît appartenir à tous les partis à la fois, et elle comprend tous les genres de manœuvres successivement employées pour émouvoir ou inquiéter le peuple, tels que le marquage des maisons, les faux bruits, les écrits séditieux, les motions incendiaires, et surtout les trames relatives à nos subsistances, tant à Paris qu'au dehors.
Tels sont les divers complots qui ont dû fixer l'attention de votre comité; et puissent ses efforts avoir répondu à votre attente !, -
Nous avons été secondés dans nos travaux par les membres de cette Assemblée, par tous les bons citoyens, par les comités et officiers de plusieurs districts; les renseignements nous sont venus, pour ainsi dire, de toutes mains ; mais, au milieu de cette espèce d'abondance, nous avons été obligés, plus d'une fois, de reconnaître que nos moyens étaient insuffisants, particulièrement en deux points :
L'un, est le manque d'observateurs, espèce d'armée qui était aux ordres de l'ancienne police et dont elle faisait un si grand usage. Si tous les districts étaient bien organisés, si leurs comités étaient bien choisis et peu nombreux, nous n'aurions vraisemblablement aucun sujet de regretter la privation d'une ressource odieuse, que nos oppresseurs ont si longtemps employée contre nous. Mais il s'en faut de beaucoup que les districts et: leurs comités soient parvenus à cet état d'une organisation parfaite; et, en rendant sur cet objet à plusieurs la justice qui leur est due, nous sommes fâchés de ne pouvoir pas étendre ce témoignage à un plus grand nombre.
Le second obstacle que nous avons5rencontré dans nos travaux .vient de cette mauvaise délicatesse, reste de nos anciennes mœurs, qui fait qu'on rougit de déclarer ce que l'on sait, même
lorsqu'il est question du salut de la patrie; et cette fausse pudeur (pourquoi faut-il que je l'avoue?) nous l'avons trouvée jusque dans des hommes respectables, que leurs fonctions semblent dévouer plus particulièrement au bien public.
Qu'il soit permis de le dire, Messieurs ; il est temps de déposer ces préjugés qui ne convienr nent qu'à des esclaves, et sont indignes d'un peuple libre. Autrefois on abhorrait le personnage de délateur, et l'on avait raison; car à quoi aboutissaient les délations? A faire connaître des actions souvent très-innocentes, quelquefois même vertueuses, et à livrer le prétendu, coupable, ou au pouvoir arbitraire, ou à une justice presque aussi redoutable aux gens de bien, partiale dans son instruction, cruelle danà ses moyens, secrète et impénétrable dans sa marche. Aujourd'hui tout est changé. Ce ne sont plus des actes de vertu ou des démarches indifférentes qu'il sagit de dénoncer, mais des complots funestes à la patrie; et le but des dénonciations, quel est-il? ce n'est point de perdre obscurément la personne dénoncée, ou de compromettre son existence, mais de l'amener devant ses pairs, pour y être examinée sur-le-champ ; renvoyée, si élle se trouve innocente, ou, dans le cas contraire, livrée à la justice; mais à une justice humaine, publique, impartiale, qui ne peut être terrible qu'aux malfaiteurs. Cessons donc d'appliquer, par une fatale prévention, au temps actuel ce qui n'appartenait qu'à l'ancien régime, et ne déshonorons pas le règne de la liberté, par les flétrissures de l'esclavage. Le silence, en matière de délation, est vertu sous le despotisme; c'est un crime, oui, c'en est un, sous l'empire de la liberté.
Ces obstacles ont nécessairement ralenti les opérations de votre comité de recherchés : mais il en a triomphé par sa persévérance ; et, malgré son défaut de moyens, il croit, en ce moment, tenir les principaux fils des conspirations tramées contre la tranquillité publique.
Voici l'état de tous les procès actuellement soumis au tribunal national (1) et dénoncés par M. le procureur-syndic, au nom de la Commune :
Le 1er est celui du prince de Lambesc, dénoncé par ordre exprès de l'Assemblée.
Vous avez su la mauvaise direction que prenait d'abord cette affaire. 15 témoins oculaires avaient été entendus, qui tous déposaient de l'assassinat commis dans les Tuileries, par le prince de Lambesc; mais aucun ne disait le. connaître personnellement, et tous se bornaient à déclarer qu'on leur avait dit que le particulier, auteur du crime, était le prince de Lambesc. De là, le 1er décret décerné, il y a 3 semaines, contre un quidam qu'on dit être le prince de LambesK. Votre comité a été informé de cette indétermination, et de sa cause ; il a craint que le public ne fut privé d'un exemple utile. Aussitôt il a multiplié les recherches; et, grâce au zèle des citoyens, il est parvenu à eu découvrir un fort grand nombre qui, connaissant antérieurement le prince de Lambesc, lui avaient vu commettre le délit dont il est accusé. 25 de ces nouveaux témoins ont déjà été entendus; et, sur leurs dépositions, il a été rendu, il y a 8 jours, un décret de prise de corps, décerné nominativement contre le prince de Lambesc. 25 autres témoins sont encore à entendre : on nous en indique
tous les jours ; et nous n'en négligeons aucun, pour rassembler dans cette affaire, toute la masse ae preuve dont elle est susceptible. Ou a sursis, pour le moment, à l'audition de ces derniers témoins, afin de ne pas retarder le cours de la procédure; lorsque la contumace sera instruite, ces témoins seront entendus dans une addition d'information.
Nous devons, à ce sujet, observer que nos recherches nous ont fait voir le prince de Lambesc plus coupable qu'on ne le croyait. La voix publique n'avait désigné qu'un particulier assassiné dans les Tuileries, par le prince de Lafiibesc (le sieur Chauvel, maître de pension, âgé de 64 ans, demeurant rue Montmartre, passage du Saumon). Mais ce citoyen n'est pas le seul qui ait ressenti les effets de la férocité du prince de Lambesc; il en a sabré également plusieurs autres; il a déchargé sur d'autres ses pistolets; ses cavaliers, en sa présence et par ses ordres, se sont livrés à des excès semblables.
Il y a plus, et nous avons appris que le prince de Lambesc,en fuyant avec sa troupe, après la prise de la Bastille, a commis, dans une ville voisine, un autre acte de barbarie, qui suffirait seul pour fonder une plainte en assassinat. Nous avons envoyé sur les lieux, pour vérifier le fait; nous attendons incessamment le résultat de cette recherche.
Par cet exposé, Messieurs, vous voyez qu'il est difficile que le coupable échappe à la vengeance des lois.
Le second procès poursuivi devant le tribunal national, sur la dénonciation de la Commune, est celui du baron de Bésenval.
Quoique l'Assemblée eût manifesté, depuis longtemps, le vœu que le baron de Bésenval fût conduit à Paris, il y a été amené, pour ainsi dire, à l'improviste, et sans que le comité en ifût prévenu. Il a fallu préparer à la hâte les matériaux de l'instruction, et rien n'a été omis pour les rassembler. Vous nous avez autorisés à compulser les papiers recueillis en grand nombre par les électeurs, et nous y avons trouvé beaucoup de renseignements utiles. En même temps nous nous sommes adressés au ministre de la guerre, pour avoir communication des ordres donnés par son prédécesseur, et nous l'avons obtenue au moins en partie. Nous nous sommes fait délivrer des expéditions des deux lettres originales de M. de Bésenval, interceptées par le district de Saint-Gervais. Nous avons cherché à tirer un résultat de tous ces documents.
Mais, en les combinant, il nous a semblé qu'on envisageait l'affaire d'une manière bien imparfaite, si l'on ne voulait y voir que le baron de Bésenval, et ses deux lettres relatives à la Bastille. Nous y avons aperçu la preuve générale d'un complot formé contre Paris et contre l'Assemblée nationale, dont le rassemblement des troupes et les différents ordres donnés n'étaient que l'exécution; et c'est sous ce point de vue, plus éteadu, que nous avons présenté l'affaire.
En l'envisageant ainsi, nous avons été conduits à dénoncer, non-seulement le baron de Bésenval, mais M. Barentin, ci-devant garde des sceaux; le comte de Puységur, ci-devant secrétaire d'Etat au département de la guerre; le maréchal de Broglie, commandant général „ et le marquis d'Autichamp, major général de l'armée, tous comme ayant eu une part, plus ou moins directe, à la conspiration dont nous avons failli être les victimes.
Au sujet du comte de Puységur, nous devons
dire quelque chose à l'Assemblée, d'une lettre de cet ex-ministre, qu'elle nous a renvoyée pour lui en rendre compte.
M. de Puységur n'est probablement pas le plus coupable, entre les cinq personnes qui ont été dénoncées. Non-seulement il n'était pas ce qu'on appelle proprement ministre, c'est-à-dire qu'il n'entrait pas au Conseil d'État; mais, quelles qu'aient été ses vues, il paraît ne s'être prêté qu'avec une sorte de répugnance à l'exécution des dernières résolutions qui ont été prises ; ce qui avait déterminé sa retraite, dès l'époque du 11 juillet. Sur la nouvelle qu'il était dénoncé, il a quitté aussitôt son gouvernement, quoique malade, et s'est empressé de venir à Paris, pour y rendre compte de sa conduite; il a informé M. le maire de son arrivée : ce procédé franc et loyal est propre, sans doute, à lui concilier l'esprit de ses juges, et même de ses dénonciateurs. Il reste contre le comte de Puységur le fait constant des ordres par lui signés, en sa qualité de secrétaire d'Etat, potif le rassemblement des troupes ; et c'est au Châtelet de décider jusqu'à quel point ces signatures l'ont rendu ré-préhensible.
En deux mots, vous voyez à quoi cette affaire se réduit; elle présente un point de fait et un point de droit :
Le point de fait est notoire. On a tenté, dans la séance du 3 juin, de renverser tous les droits de la nation ; et, pour assurer l'effet de cette violence, on a rassemblé une armée autour de Versailles et de Paris, afin d'en imposer tout à la fois et aux représentants de la nation et aux habitants de la capitale. On s'est servi de cette armée contré l'Assemblée nationale, en la tenant captive dans le lieu de ses séances, dont on lui avait ôté jusqu'à la police, afin d'en -interdire l'utile publicité, et d'empêcher la réunion des trois ordres ; on s'est servi de cette armée contre Paris, témoin l'irruption violente dans les Tuileries et le siège meurtrier de la Bastille. Voilà des faits qui ne peuvent pas être déniés, et assurément ils sont condamnables.
Mais peut-on en faire un crime aux agents du pouvoir, lorsque le décret qui les déclare responsables n'a été rendu que le 13 juillet et n'a pas même été publié dans la forme légale? Voilà le point de droit.
Nous croyons que. malgré la date du décret, et le manque de solennité dans sa publication, les agents du pouvoir n'en sont pas moins coupables d'avoir exécuté les ordres rigoureux qu'ils avaient reçus ; que la responsabilité n'a été que déclarée et non pas établie par le décret du 13 juillet; Tju'elle a son fondement dans des lois antérieures et dérive de la nature même du contrat social. Les ordres de la cour n'excusaient pas les assassins qui ont commis le massacre de la Saint-Barthélemy ; ils n'ont pas excusé l'avocat général Guérin, auteur des sanglantes exécution de Gabrièreset de Mérindol, qui, malgré des lettres patentes du roi François Ier, qu'il croyait lui servir d'égide, a porté sa tête sur l'échafaud. Pourquoi donc, dans l'affaire du mois de juillet, les agents civils et militaires de l'autorité se mettraient-ils à couvert de la poursuite des lois en, prétextant les ordres qu'ils ont reçus?
Voilà nos principes ; voilà notre thèse. C'est au tribunal de la nation à prononcer.
Un troisième procès actuellement pendant au tribunal national, sur la poursuite de la Commune, est celui du sieur Augeard, auteur d'un projet pour conduire le Roi à Metz,
Un mémoire dicté par le sieur Augeard, et Corrigé de sa main, forme la base de cette accusation.
Le sieur Augeard prétend que ce mémoire est sa pensée etni petit pas conséquemment servir de matière à un procès. Il- aurait raison si le fait était vrai *, nemo cogitationis pœnam patitur. Mais peut-on dire que le mémoire du sieur Augeard n'ait été que sa pensée, lorsque ce mémoire même annonce qu'il avait communiqué son projet à une personne de considération, en lui re>-mettant par écrit l'itinéraire qu'il prétendait faire suivre à Sa Majesté?
Quoique ce mémoire eût pu paraître suffisait pour opérer la condamnation du sieur Augeard, on n'a pas cru devoir négliger le secours de l'information. On a fait assigner divers témoins ; ils sont éloignés ; et cette seule circonstance empêche que la procédure ne soit plus avancée.
Un quatrième procès dénoncé, sous le nom de la Commune, au tribunal national, est celui des enrôlements, dans lequel se trouvent impliqués l'abbé Douglas,' le sieur du Reynier et plusieurs autres.
Il n'est que trop constant que, pour favoriser la fuite du Roi à Metz, on avait entrepris dè lever un corps de troupes, sous le nom de gardes du Roi surnuméraires, probablement ainsi appelés par opposition à nos gardes nationales* L'abbé Douglas et compagnie étaient les recruteurs de cette armée; le oomte d'Astorg, officier aux gardes du corps, recevait les déclarations des enrôlements. Il est en fuite, et là Be rompt le fil de cette conspiration.
L'abbé Douglas, le chevalier du Revoie? et deux autres ont été décrétés de prise de corps, par le Ghâtelet, vendredi dernier : il ést à présumer que leurs interrogatoires indiqueront d'autres coupables.
Le cinquième procès pendant au tribunal national, et dénoncé sous le nom delà Commune, est Cèlui du chevalier de Rutlidge, qui, en annonçant une mission du gouvernement* qu'il n'â-vait pas, faisait venir les boulangers, recevait leurs soumissions, et leur promettait un prêt de 2 à 3 millions pour acheter des; grains; prêt bien plus avantageux, disait-il, que celui offert aux mêmes boulangers par la Commune, sous caution, suivant lui, et à gros intérêt.
Le chevalier de Rutlidge est encore auteur ou coopérateur de différents mémoires* imprifhés sous le nom de la communauté des boulangeas, qui ont causé le plus grand scandale; il a été question de lui plus d'une fois dans cette Assemblée.
Son procès avait d'abord été porté devant le juge ordinaire, qui est le lieutenant Criminel du Ghàtelet; mais il a parti tenir au crime de lèse-nation ; et, en conséquence, il vient d'être renvoyé devant le tribunal national, c'est-à-dire le Ghàtelet même* tous les services assemblés, et présidé par le lieutenant civil.
Un sixième procès, également pendant à ce trlbunàl, sur ta dénonciation d' la Commune, est dèlui du nommé Deschamps ^ prévenu d'être allé Chez les fermiers pour les engager à ne pas battre leurs grains et à ne point les porter au marché.
Ce délit avait encore été déféré au tribunal Ordinaire ; mais il vient d'être renvoyé, comme le précédent, ati tribunal national.
Le dernier procès pendant au tribunal national, sur la poursuite de la Commune, est celui relatif atix attentats commis dans le château de Versailles, le 6 octobre. La dénonciation vient d'èi être formée ; vous avez entre les mains l'avis dù
comité qui en déterminé l'objet ët, quant àux détails, il h'est pas encore temps dé les dévoiler ati. public.
Je me contenterai de dire que, si les autres délits portaient atteinte à notre sûrèté, celtli-ci a compromis un autre intérêt qui hods est plus précieux encore, celui de notre honneur, l'honneur de cette capitale, Indignement caldthtiiêe dans les prbVihCes, et jusque dàhs les hâtions étrangères.
Il importe qu'On sache à qui l'oti doit impjitër les attentats commis à Versailles dans la maiittèe du 6 octôbrë, quel en était lé but, et principalement coiûbiëii ils sont étrangers àtlx bons habitants d'Une Ville renommée dans tout l'tinivers par sort respëct pour ses rois et qtii, après avoir mattifesté be sentimertt dàrts tôtis les âges de la monarchie, n'aurait garde de l'affaiblir souâ le règhë d'Un prince si dighe de sa soumission, de sa reôohnaissânce et dë Son amour.
Tels sont, Messieurs, les Objets dont nous àVidiis à VOUS entretenirI
Aprèë avoir préparé par nos recherchëi l'iti-strtiction des procès ScUmis au tribunal hâtibnàl, nous nous proposons de suivre dette instrUctidii. On doit hous donner des copiës de touS les interrogatoire^ de toutes les informations qui ont été faites, ët dë CëlleS qui sont à faire-, hduS assisterons, autant qu'il nous sera possible* à tùtitës les séances publiques de la procédure ; eti Un tnot nods ne négligerons aucun moyen pôUr tâchër d'opérer la conviction des coupables, et procurer à la justice tin triomphe éclatant. HeUreux si, par nos travaux, nous pouvons contribuer à rétablir l'ordre public, et à assurer le repos dë flds concitoyens 1
Nous n'ignorons pas que nos fonctions, désà-gréables pour nous-mêmes, ne sont pas vties de bon œil par ceux qui peuveht les redouter ; hotis sâVons qu'elles hous exposent à des hairies et à des inimitiés puissantes, doht l'obscurité d'une vie privée semblait devoir nous garantir.
Mais à Dieu ne plaisë qu'Une pareille Crainte nous fasse jftmais oublier ndS devoirs! Vous noUs avez confié vos plus chers intérêts, votre sûreté, l'honneUr dë Cette capitale, le salut de la patrië, voilà les grands objets qUi flotis occupent ; et, quoi qu'il pUisèe ftrrivêr, ce serdnt toujours les sëUls que nous appréhëhdiodS de compromettre.
Séance du er décembre
1789
, l'un des' MM. les secrétaires, donne lecture des adresses de diverses villes et communautés dont suit la teneur :
Adresse des habitants de la ville de Mortemart en Limousin ; ils expriment leurs respects pour l'Assemblée nationale, et leur adhésion à tous Ses décrets ; ils demandent la conservation du collège et de l'hôpital établis dans le lieu, et administrés par des Augustins et des Carmes.
Adresses des communautés de Gaujac, Goep-penne, Morrin, Gastaudet, la Mainsans, Glaussun,
Adresse des représentants de la cofnmûne de Montpellier, qui se plaignent de n'avoir reçu directement, de méffie que lés officiers municipaux, aucun des décrété de l'Assemblée nationale sanctionnés par le Roi ; ils la supplient de pourvoir à Cé défaut d'envoi, attendu les incon^ vénients très-graves qui en résultent pour la Chose pnBliqitë.
Adresse» du conseil permanent réuni eh conseil polifiqUë de la Ville de Saint-Hippolyte en Languedoc, contenant l'expression de sa soumission parfaite à totîs les dééfets de l'Assemblée nationale.
Adresse dû tnêrâè genre des officiers municipaux et cotnmunéS de la ville de trontignan en Languedoc
Adresse du même geore deà citoyens 4 dé la ville de Yierzon en Berry : pleins d admiration pour les travaux de l'Assemblée nationale: ils adhérent notamment au décret concernant la contribution patriotique, et sont disposes à faire tous les sacrifices dui pourront concourir à la gloire èt a la prospérité de l'empiré français.
« Délibération dti peuple deë hautes et basses Cevenneé, composant les villes de ia. Salle de Saint-Pierre, GaUge, Sumêne, Avalieranguë, Duvigan, Barre, Saint-Jean de GârdonnengUe, An-dUtfè, et de difc-Sept cpmmuuaUtés, qui ont formé ùne confédération dirigée particulièrement contre les perturbâtétirs de l'ordre public, et parcon-séquent contre tous céiixqui refuseraient de payer les impôts, ou qui dbercheraieiit à soulever les peuples par des prôpOà séditieux, et tendant à anéantir les lois actuellement existantes; et jiiS-qù'â çë c(Ue l'Assemblée hatiphalë ën ait établi de noUvëlles, les nabitânts, protestants pour le plUs grand rtombfe, supplient l'Assëmblêë de leur accorder- la liberté du, culte public.
Adresse des thUnidpâlitës dë ia juridiction de Metz, dans laquelle elles adhérent avec unë res-
Fectueuse reconnaissance à tous les décrets de Assembiéé nationale ; elles réclament avec instance que l'impôsitiôn dëâ Ci-devant privilégiés pour les dërniers six ihdis de cette année soit mite dans le lieu où leurs biens Sont Situés, et non dans Celui de Ieui* résidënée.
Adresse du même genre du Comité permanent de là ville dë Pamifers ; il demande des armes pour sa gardé nationale, décidée à verser jusqu'à la dernière goutte de son sang pour faire exécu-tër les décrets de l'Assemblée.
Adrèsse du même genre deS officiefs municipaux de la ville de Sarreguemines en Lorrainé; ils demandent l'augmentation, de l'arrondisse- ment des tribunaux due là villé renferme dans sbh sein, cottimë cher-lieu de la Lorraine allemande.
Adresse du même gènre des officiers municipaux de la ville de Lavardens en Guyenne ; ils demandent dés armes et des habits pour Une partie de leUr garde nationale.
Délibération du même genre de la communauté dé Riduer en Quercy ; elle demande l'abo-
lition^ des trois différentes dîmes dont elle est surchargée.
Adresse du même genre des officiers municipaux et habitants de là ville de Cahors ; ils conjurent l'Assemblée 'nationale de poursuivre ses glorieux travaux, intimement persuadés qu'elle ne Së séparera point avant d'avoir achevé le grand œuvre de la régénération et de la prospérité publique ; ils demandent que la ville de Cahors. ancienne capitale du Querci, devienne un Chel-lieu de département.
Délibération du même genre de la communauté de Gan en Béârn, et de celle dé BizaUos : elle ratifie en conséquence l'abandon fait par les dèpùtés de la province de ses privilèges particuliers, et leur donne des pouvoirs illimités.
Délibération des officiers du sénéchal et prési-dialae Libourne, portant qu'il rendront désormais la Justice gratuitement ; ifs présentent cette délibération comme un témoignage de leur profond respect et de leur dévouement pour l'observation des décrets de l'Assemblée nationale.
, député du bailliage de Caux, demande la permission de s'absenter pour affaires pendant une quinzaine de jours'. L'Assemblée la lui accorde.
curé de Saint-Chély, député du bailliage de Mende en Gévaudan, donne sa démission. — Cette démission est acceptée, et M. l'abbé de Bruges, son suppléant, dont les pouvoirs ont été Vérifiés, ëSt admis à prendre séance,
, secrétaire, éhârgé de la rédaction du procès-verbal dé la Veillé, paraît à la tribune.
Quelques membres font remarquer qu'il arrive en retard.
répond que lés législateurs ne sont pas absolument à l'heure et quils peuvent être parfois retenus hors de la salle,
Lê procès-Verbal est lu ét adopté après une réclamation de M. Camus, demandant qu'il soit fait mention éxpresse dè sa motion relative à l'ordre de Malte.
, évéque de Lyddd, lit une délibération des membres du clergé du diocèse de Besançon et 4U- ressort bailliager de Belfort et HuhingUe en Haulé-Àlsace, par laquelle ils désavouent et désapprouvent la participation que la èftambre ecclésiastique de ia Haute-Alsace, séant à Colmar, s'est permis dé donner à son acted'ad-hésjon à la protestation du clergé de la Basse-Alsacè contre les arrêtés de l'Assemblée nationale, du 4 août et des jours suivants, chargent leurs dé-pUtég à 1 Àsàëmblée nationale de rendre publics leurs désaveu et déclaration, et, en même temps, dë demander la suppression de ladite chambre ecclésiastique de Colmar, comme désormais onéreuse et sans utilité.
L'Assemblée passe maintenant à son ordre du jour Concernant la suite de la, discussion surt l'organisation des municipalités. La délibération doit porter sur l'article 41, devenu le 42e, de la Série proposée par le, comité de constitution.
pro-
pose d'ajouter à la fin de cet article, qui doit contenir l'exposé des fonctions déléguées aux municipalités, les dispositions suivantes :
« Le soin d'employer à des travaux utiles les membres de la commune en état de gagner leur vie , et de pourvoir à la subsistance de ceux crue leur âge ou leurs infirmités rendent incapables d'aucun travail. »
Cet objet est celui d'un règlement particulier, que la prudence senle empêcherait de faire paraître en ce moment. Les mendiants fondraient sur les administrateurs, dans la persuasion où ils seraient que tous les moyens de secours auraient été déposés dans les mains des officiers municipaux.
Il ne s'agit pas de faire un règlement, mais de consacrer dans la constitution un des devoirs de la société. Il est impossible de différer plus longtemps. L'indigent se croit privé des secours qu'il obtenait du clergé. Il faut porter la consolation dans le cœur de ceux dont le désespoir pourrait être dangereux.
L'amendement n'est pas à sa place dans le décret que nous discutons et je demande qu'il soit ajourné.
, au nom du comité de constitution, appuie l'ajournement, qui est prononcé.
L'article 42, ainsi que les articles suivants du comité sont adoptés ainsi qu'il suit :
« Art. 42. Les fonctions propres à l'administration générale, qui peuvent être déléguées aux corps municipaux, pour l'exercer, sous l'autorité des assemblées administratives, sont :
a La répartition des contributions directes entre les citoyens dont la communauté est composée, et sur les propriétés foncières comprises dans l'étendue de son territoire;
« La perception de ces contributions ; -
« Le versement de ces contributions dans les caisses du district ou du département ;
« La direction immédiate des travaux publics, dans le ressort de la municipalité ;
« La régie immédiate des établissements publics, destinés a l'utilité générale ;
« La surveillance et agence nécessaires à la conservation des propriétés publiques ;
« L'inspection directe des travaux de réparation ou de reconstruction des églises, presbytères , et autres objets relatifs au service du culte. »
Les articles suivants sont adoptés presque sans discussion et à l'unanimité :
« Art. 43. Pour l'exercice des fonctions propres ou déléguées aux corps municipaux, ils auront droit de requérir le secours nécessaire des gardes nationales ou autre force publique, ainsi qu'il sera plus amplement expliqué.
« Art. 44. Toutes les délibérations nécessaires à l'exercice des fonctions attribuées aux corps municipaux seront prises dans l'assemblée réunie des membres du conseil et du bureau municipal , à l'exception des délibérations relatives à l'arrêté des comptes, qui seront prises par le conseil seul.
« Art. 45. Le conseil général de la commune, composé tant des membres du corps municipal que des adjoints notables, sera convoqué toutes les fois que l'administration municipale le jugera convenable. Elle ne pourra
se dispenser de le convoquer lorsqu'il s'agira de délibérer :
« Sur des acquisitions ou aliénations d'immeubles ;
« Sur des impositions extraordinaires pour dépenses locales ;
« Sur des emprunts ;
« Sur des travaux à entreprendre ;
« Sur l'emploi du prix des ventes, des remboursements ou des recouvrements ;
« Sur les procès à intenter ;
« Même sur les procès à soutenir dans les cas où le fond du droit sera contesté.
« Art. 46. Dans toutes les villes au-dessous de quatre mille âmes, les comptes d'administration, en recette et dépenses, seront imprimés chaque annéè.
« Art. 47. Dans toutes les communautés,,sans distinction, les citoyens actifs pourront prendre au greffe, sans les déplacer ét sans frais, communication des comptes, des pièces justificatives et des délibérations du corps municipal, toutes les fois qu'ils le requerront.
« Art. 48. Les corps municicipaux, en ce qui regarde les fonctions qu'ils auront à exercer par délégation de l'administration générale seront en tièrement subordonnés aux administrations de district et de département.
« Art. 49. Quant à l'exercice des fonctions propres au pouvoir municipal, toutes les délibérations pour lesquelles la convocation du conseil général de la commune est' nécessaire, suivant l'article ci-dessus, ne pourront être exécutés qu'avec l'approbation de l'administration ou du directoire de département, qui sera donnée, s'il y a lieu, sur l'avis de l'assemblée de district ; et tous les comptes de la régie des bureaux municipaux, par le conseil municipal, seront vérifiés par les administrations ou directoires de district, et arrêtés définitivement, après avoir pris leur avis, par les administrations ou directoires du département.
« Art. 50. Si un citoyen croit être fondé à se plaindre personnellement de quelques actes du corps municipal, il exposera ses griefs à l'administration ou au directoire du département, qui y fera droit après avoir entendu l'avis de l'assemblée de district, qui sera chargée de vérifier les faits. »
L'article 51, qui suit, donne lieu à de forts longs débats ; il est ainsi conçu :
« Art. 51. Si les citoyens croient avoir lieu d'accuser les officiers municipaux d'infidélité dans le maniement des deniers communs, d'avoir trafiqué des droits et intérêts de la commune, ou exercé des violences arbitraires, ils signeront un mémoire de dénonciation, au nombre de cent citoyens actifs au moins, et le feront présenter à l'administration du département, qui, après l'avoir fait vérifier par celle du district, renverra la poursuite devant les juges qui en doivent connaître, et, par provision, pourra, selon la gravité des cas, suspendre de leurs fonctions les officiers prévenus. »
Je propose de faire, signer le mémoire, non par cent citoyens actifs, mais par un nombre double de celui des officiers et des adjoints qui composent la municipalité.
L'article n'établit autre chose que l'action populaire qui appartient à tous les Citoyens. Le comité ajoute des précautions qui anéantiraient l'effet de cette action, eu laissant
au corps municipal le temps d'éloigner ou de faire disparaître les preuves qui pourraient exister contre lui.
Cette action est entièrement consacrée par l'article précédent.
Le comité a distingué les abus individuels des abus généraux et relatifs à la^ commune ; il est uniquement question de ceux-ci dans l'article 51.
propose cette rédaction nouvelle : « Les plaintes de tout citoyèn actif sur les délits d'administration, commis par les officiers municipaux, dans l'exercice de leurs fonctions, seront signées ; elles seront préalablement portées au directoire du département, qui les renverra, s'il y a lieu, aux juges qui doivent en connaître, après avoir pris l'avis du directoire du district. »
MM. Dufraisse-Duchez et de Lachèze adoptent cette rédaction.
L'article du comité est absolument côntraire à la liberté : il doit être rejeté purement et simplement.
L'article 50 s'applique à toutes les plaintes personnelles qu'un citoyen pourra porter. L'article 51 n'a rapport qu'à la conduite habituelle des officiers municipaux. Des vexations générales ne donneront pas lieu aux plaintes d'un seul individu; et si la-commune entière ne réclame pas, il y aura sûrement encore un assez grand nombre de citoyens qui voudront faire entendre leurs réclamations.
Il est possible que les signatures de cent citoyens paraissent trop considérables ; mais faut-il se réduire à en exiger une seule ? n'y aurait-il pas du danger à exposer les municipalités à des tracasseries continuelles et les livrer à toutes les vexations d'un seul homme ? Quand il s'agit d'un reproche de vexations habituelles et générales, si un seul citoyen rend plainte, les officiers municipaux sont justifiés.
Si l'Assemblée le croyait convenable, on pourrait réduire à dix le nombre de cent. Sur le reste, j'adopte la rédaction de M. Pison du Galand.
L'article du comité indique de véritables délits qui devraient être dénoncés par tous les citoyens, et dans l'ordre actuel des choses par le ministère public; ce serait un véritable vice constitutionnel que d'exiger la réunion d'un nombre déterminé de citoyens actifs pour faire cette dénonciation ; cette condition serait pour les officiers municipaux une sauvegarde certaine et un brevet d'impunité.
Le comité de constitution nous parle de grands délits, et, pour défendre son article, il nous menace de tracasseries... Il faut convenir du principe :. que la dénonciation d'un délit n'a pas besoin d'intermédiaire , et ajourner ensuite la rédaction.
Je demande au préopinant si, en matière d'administration, il serait à propos d'envoyer directement la dénonciation aux cours de justice.
Je vous demande à mon tour si vous appelez délits d'administration une chose reconnue mauvaise par laloi, sitôt qu'elle est faite par un administrateur.
J'observe qu'il s'agit uniquement de porter au département une dénonciation préalable, qui y sera examinée, et que le jugement, s'il doit avoir lieu, sera rendu par les tribunaux.
Tout citoyen a droit de dénoncer un crime public. Voilà le principe que toutes les puissances de la terre n'anéantiraient pas. Nous ne pouvons empêcher d'exercer ce droit, je dirai même ce devoir.
Cette discussion se terminera en délibérant sur deux questions très-simples :
1° Où la dénonciation sera-t-elle d'abord portée?
2° Par quel nombre de citoyens devra-t-elle être faite?
L'Assemblée délibère, et décrète successivement les principes suivants :
« 1° La dénonciation des délits d'administration sera portée par-devant le directoire du département, avant que de l'être par-devant les tribunaux.
« 2° Un seul citoyen actif pourra dénoncer un délit d'administration. »
Le comité est chargé de rédiger un nouvel article d'après ces principes.
Le comité propose deux autres articles pour être ajoutés et mis à leur rang, si l'Assemblée les décrète :
« Les citoyens actifs, après les élections faites, ne pourront ni rester assemblés ni s'assembler de nouveau en corps de commune, sans une convocation expresse, ordonnée par le conseil général de la commune, et autorisée par l'administration du département. Pourront néanmoins les citoyens se former paisiblement, jusqu'au nombre de trente, en assemblées particulières, pour rédiger et faire parvenir des adresses et pétitions, soit au corps municipal, soit aux administrations de département ou de district, soit au Corps législatif, soit au Roi.
« Les citoyens chargés de la perception des impôts indirects, tant que ces impositions subsisteront, et ceux qui occupent des places de judica-ture, ne pourront être élus membres des corps municipaux. »
Si le premier de ces articles était adopté, le droit de pétition serait refusé de fait aux citoyens. On ne peut défendre les assemblées, même nombreuses, si elles ne sont pas séditieuses ; si elles,le sont, n'avez-vous pas la loi martiale?
Il est beaucoup de circonstances urgentes où les habitants d'une communauté doivent s'assembler sans délai : l'article exige cependant l'autorisation du département, qui se trouvera souvent éloigné de quinze ou vingt lieues.
Les hommes non armés ont droit de se réunir en tel nombre qu'ils veulent pour communiquer leurs lumières, leurs vœux, leurs titres ; et les en empêcher, c'est attaquer les droits de l'homme ; tout ce que peut la loi, c'est de restreindre le nombre de ceux qui seront chargés de porter la pétition.
L'article est non-seulement contraire à la liberté, mais encore à vos décrets : vous avez, par la loi martiale même, reconnu aux citoyens la faculté de s'assembler. Il présente
aussi urië question distincte : urië assemblée générale pèUt-ellè êtfe convoquée sur la demande des citoyens 1 et par quel nombre fcette demande doit-élle être faite ?
Il me paraît impossible de ne pas diviser et he pas changer cet article : j'en demande l'ajournement.
consulte l'Assemblée, qui prônônce l'ajourneinent et renvoie à deihaih la suite de la discussion.
On passe à l'ordre du jour de deux heures.
présente le projet d'Unë nouvelle division de l'Assemfblêe en comités qui auraient tous Uh dépàrtemènÉ déterminé.
Il Croit vdir dâtis éèt ârfâflgémërit là Certitude d'accélérer les opérations.
Les burèadx géraient ëûtièréttiênt détruit^, et tous les Comité^ refondus. Gftâque membre se ferait inscrire sur la lîtetê dé c'élui auqdël il se croirait le plus propre; si ces listes se trouVàient trop nombreuses, ori fêtait, au scrutin, un choix parmi les candidats qui se seraient présentés.
demande si lâ mbtion est appuyft'èi
AUëUti membre tië ?é^ondântî là ttiôtiôn ri'ëèt pas mise aux voix.
L'ordre dtl jour appelle ïà disettsàiôri dë la motion présentée le Sf ociàbtè, par M. GuillbtiH, SUf les supjpliciék. (VÔV. Arbhivéè pàtleinetitairëSi tOtiië IX, pàfë 893.)
lit tin tfâVâil sur lë Gode pénâl. Il établit en principe qiié là loi dtiit être égalé, quand ëlle punit comme quand ëlle protège : Chàqùe développemënt dë ce prihcipë amène Un article que M. Gtiillotin propbse à la délibération.
Ce discours ëst fréquemftiënt interrompu par des applaudissements.
Une partie de l'ASSeniblée, vivement éinue, demande à délibérer sUNle-champ. Une aUtre partie paraît vouloir s'y Opposer.
observe qu'un grand nombre de citoyens est prêt à subir des .arrêts de mort ; qu'il ëst dè§ lofs IHdiSpetiSàblë Se né pas différer d'un jdUr, puisqu'un idfetattt de retard iiëUt les livrer à la barbafië dës supplices que l'humanité prëëSë d'abolir ; puisqu'un instant peut livrer beaucoup de fâmilles âu dëshdtineùr dont un préjugé absurde flétrirait lës pàrents dës coupablesr et qu'une loi sage et juste doit flétrir à gôn tdtir.
L'article ié*; ihlë èn délibération, est décrété à l'iinanimité, ën cës terifteS :
« Lès délits dU mêmë geftfë setont pUnis par lë même gëtirë dë pëitië, quèls q[uë soiefat le rang et l'état du coupable. »
La discussion sur les autres articles est ajournée à demain.
donné ëônnaissâticë du résultat du scrutin pbUr la nomination des quatre commissaires adjoints âU cotrfitë de constitution. Les èuffrâges Se sont portés sur MM. Dupont de Nemours; BureàUx de Puzv; Aubry-Dubochët; Go'ssJP^Après eux, les membres qui ont réuni le plus dë Voix sont : MM. Frétèàu de Sàint-Just, Pisoti dd Galand et Mâlouët.
Lâ séance est levéë à quatrë hëUbës ët celle du Soir indiquée pour Six heures dë relevée;
Séance du èr décembre
1789
, Vun de MM. les secrétaires, donne lecture d'Une lettre du sieur Be^élet; Citoyen de Paris, dans laquelle il fait hommage à la nation d'Un ouvrage contenant le recueil de tout son travail, avant, pendant et après la négociation du traité de commerce avec l'Angleterre.
, l'un "des députés de la ville de Strasbourg, écrit qu'il a donné sa démission à la commune le ^ novembre dernier par rapport au mauvais état de sa santés
, député de la sénéchaussée de Moulins, écrit pour donner sa démission et présenter son suppléant.
, député de bailliage du Quesnoy en Hainaut, se démet également et déclare avoir écrit à M de Nédonehelie son suppléant.
L'Assemblée consent à ces diverses démissions.
On lit également une lettre de M. Dufresney directeur du Trésor royal* portant que c'est effectivement par erreur que la liste des pensions en attribue, comme encore subsistante, une de 20,000 livres au prince de Salm-Kirbourg. Le fait est quë le prince ëh.a fait l'abandon, et â cessé d ën jouir au 1er janvier" 1788 mais qu'il en a obtenu Uîië réversion dë 6,000 livrés pour le prince Màuricé son frère.
On â éncore lu aéux lettrés : l'Une de MM. le Campiôn frèrès, et Guyot, par laquelle ils annoncent l'offre à l'Assêmoleé nationale d'Un tableau, dédié à la nation, représentant la liberté du braconnier ;
La secondé lëltfë éSt de M. de Lubersac, ancien vicaire gétiéràl dë Nârbohfië ; il rappelle l'offre agrëéé purement ët Simplement pàr l'Assemblée nationale, d'une somme de 10,000 livret, devant prOVënîf d'Une fioUpê dë bois et réserve qu'il ëst autorisé à Vendre. Il dëmâhde que, pour éviter tous lés retards et entraves que pourraient fflëttrë lës receveurs des bois et do-mâines, l'Assemblée VeUille bien décréter l'offre patriotique qu'il lui à faite, parce que, djdute-t-il, sàtiS cette forttlàlité, il së trouverait dans l'impossibilité dë réaliser soh bffre.
donne lecture dë lâ lettré sUiVahte i
Lettre de m. mérigot jeunes libraire,
A l'Assemblée nationale, en lui adressant un exemplaire de l'Histoire universelle, et&i.
Nosseigneurs,
Permettez au citoyen le plus pénétré de respect pour vos décrets, de présenter aux
législateurs de la nation ; et aux restaurateurs de la prospérité
La tenue de vos âssembléeS sera l'époque la plus mémorable il Ont les bdntitlUatëurS de cet ouvrage puissent faîrë un jOhr mention; et vous servirez dë rhodéies à tous lëfe peuples des mo-. narbhies qui voudront fonder la liberté civile stir dès bâSes inébranlables.
Je suis avëc la plus profonde Vénération, Nosseigneurs,
Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
Signé : Mérigot jeune, libraire
Paris,
. L'Assemblée applaudit à te don ; elle Ordontte l'impression de la lètti'é et përmet à M. Mërigot d'assister à la séânOê.
lit Ufië.tëttrè dé M. NëCker par laquelle il déélârë aVoir Sigdé l'état financier présenté dernièrement à l'Assemblée pàr M. Àrtsofi, rapporteur, pour lès beSdinS de l'Etat jusqu'au 31 décembre.
L'ordre du jour appelle la diséussion de ta mà-tion de M. de Curt, au ridm uës càlàtiiës rëùhiës ftoUr là nominatîoii d'Un èorhité dê$ âblëhies.
, êêc¥êiàîH, donne d'abord lecture d'une adrëssë de SaiHt-Dortiirtgue. Cette adresse témoigne des craintes dé cette colonie, dë voir se propager dans stlh sein, lës SCètiës satinantes dont la Martinidtie ëSt ën te moment le théâtre. Les signataires disent : a Nous Sommes Vos frères et vos concitoyens, ët ndùs sommes sur ie point d'être égorgés, si salnt-Domingue est soulevé, si les ndirs se fflettërit ëh insurrection, votre Coinrnërcë est anéanti ét Vos manufactures seront abandonnées
prërtd la parole et sans nommer $Ui quë cë sOit il dénonce une compagnie compatissante (1), qui dans l'othbre fait jouer les ressorts de la séduction pour briser le joug dé la subordination il conclut en demandant :
4° Que M. le président se retire par-devërs le Roi; pour lui exposer l'état de Saint-Domittgue;
Que l'Assemblée nomme huit députés tjjiii aviseront aux moyens de ramener le calme §
3e Quë les assemblées coloniales restent en activité jusqu'à la fin des troubles.
lit ensuite Une lettre des députés du commerce qui après un exposé affligeant dë l'état du Commerce supplient l'Assemblée nationale d'autoriser le pouvoir exécutif à déployer toutes ses forces pour sauver lés établissements coloniaux qui nous restent.
"Les députés du commerce s'expriment ainsi:
« Nosseigneurs, nous venons déposer notre douleur et- nos alarmes dans le sein de l'Assemblée nationale; nous venons Confirmer les sinistres nouvelles du soulèvement de la Martinique dont Vous avez déjà connaissance; effrayés des avis relatifs à la Guadeloupe, nous craignons le même sort pour Saint-Domingue et nous n'envisagerons qu'avec désespoir les suites funestes de l'incendie qui bientôt .embrasera toutes vos colonies.
« Représentants de la nation, notre cause ëst la
« Députés des provinces maritimes, le sort de vos provinces est lié au sort des colonies; si vos frères sont égorgés, si Ja France perd ses colonies, votre ruine ëst inévitable;: que devienne ht alors les classes si nombreuses de citoyens utiles que nourrissait l'activité de Vos fabriques et de votre commerce?
« Nosseigneurs, nous ne nous permettons au-cUhe autre réflexion, nous nous reprocherions de retarder un moment vos délibérations sur un sujet aussi grave.
tIl s'agit de préserver vos colonies d'une dissolution prochaine; de sauver la vie de oënt mille Français..:, il en est peut-être temps encore..t.. mais le ihoindrë délai peut être fatal à vos concitoyens. Us se mettent sous, la sauvegarde tte l'Assemblée nationale. Ils n'invoqueront pas en vàin lé zèle, l'humanité et l'active sollicitude des représentants de la plus généreuse nation de l'Univers. «
àppuie la formation d'un comité des colonies et conclut :
1° A supplier le Roi de pourvoir à la sûreté? à à la défense et à I'af!ministration des colonies, d'après les lois anciennes jusqu'à ce que les assemblées Coloniales aient produit leur représentations et les différentes réformes et améliorations dans le régime et la police dont ces établissements sont susceptibles;
2a A former un comité des colonies composé par tiers de députés coloniaux, de députés commerçants, de députés non-commerçants ; lequel tiomité sera chargé de préparer la discussion de toutes les affaires coloniales et de leurs relations avec la métropole, ainsi qpiëftu rapport de toutes les adresses et questions incidentes sur lesquelles l'Assemblée ne prendrait dë résolution définitive. qU'après avoir reçu tous les renseignements et informations exigibles des assemblées coloniales.
, député de la Martinique| lit le discours suivant (1) :
Messieurs, des doutes raisonnables ont donné lieu à une questioti, contenue dans le mémoire des ministres du 27 octobre dernier : ces doutes Ont pour principe les différences frappantes que la nature a mises entre le physique des différentes parties du globe, et la dissemblance qui se trouve entre le climat et lës productions des colonies et ceux de la France. Cette dissemblance, qui n'est pas? moins évidente lorsqu'on observe les objets moraux, tels que les lois, lës moeurs, lës opinions, amène naturellement la question que les ministres ont cru indispensable de vous soumettre.
Jë crois qu'on peut avancer, sans témérité, que l'Assemblée nationale* en rendant les décrets destinés à assurer la prospérité de cë Vaste empire-et lè bonheur de seShabitants, n'a pas eu l'intention directe et précisé d'y soumettre les Français ' qui peuplent les diverses colonies.
La preuve s'en tire du silence même qu'elle a gardé à leur égard ; elle së fortifié par ce fait, que l'Assemblée nationale n'a jamais prescrit au ministre qhi aies colonies dans sort département, d'y faire parvenir ses décrets, et dë leur assurer l'exécution qh'ils ont dans l'intérieur du royaume.
A cette preuve ou peut ajouter que l'Assemblée
Ce n'est pas seulement, à cause que les règles qui s'appliquent avec succès aux différentes parties intérieures du royaume manquent plus ou moins d'analogie étant rapportées aux colonies, qu'il est indispensable de traiter séparément ce qui concerne ces dernières; mais encore parce qu'entre les colonies elles-mêmes il existe des différences tellement essentielles, que ce qui serait avantageux à l'une pourrait devenir funeste à une autre. Leur situation relative, le genre de leurs productions, celui de leurs manufactures et de leur commerce, tout établit et forme des convenances, ou des dissemblances plus ou moins sensibles ; et si cette vérité, que les lois, destinées à régir un pays doivent lui être appropriées, est évidente, c'est, il n'en faut pas douter, pour une Assemblée législatrice qui fait qu'une mauvaise loi est un égarement de la raison publique.
Qu'il nous soit même permis de le faire remarquer, c'est parce que les colonies ont eu constamment à souffrir de l'ignorance où l'on était du véritable régime qui peut leur convenir ; c'est parce qu'elles ont été trop longtemps le jouet de I'inscience et d'un despotisme dont le premier défaut et de croire que tout se plie à sa volonté, que ces contrées, dignes d'un meilleur sort, ont saisi l'espoir que leur donnait 1a formation des Etats généraux. C'est pour faire cesser les maux sous lesquels .elles gémissent, et pour paraître enfin sous leur véritable aspect, que plusieurs d'entre elles ont envoyé des députés qui se sont assis au milieu de vous, Messieurs, afin de vous éclairer sur leurs vrais intérêts.
Pour connaître une partie des maux enfantés par le peu de connaissance qu'on avait de ce qui leur était propre, pour vous convaincre du danger de ne pas étudier à l'avenir ce qui leur est particulier, daignez, Messieurs, me permettre quelques observations.
Les colonies ont dû leurs premiers établissements à des hommes que leur audace rendra longtemps l'objet de l'étonnement et de l'admiration de l'univers. A peine s'y réunissaient-ils en peuplades, que des compagnies formées dans la métropole s'occupèrent de soumettre ces hommes précieux à leurs spéculations mercantiles, et de rendre une terre fertile, esclave des rigueurs du privilège exclusif.
Ce fut du sein des villes du royaume, et presque toujours de la capitale, que les règles de leur administration furent dictées, et l'on vit dans l'origine presque autant d'agents fiscaux occupés de vexer sans relâche les cultivateurs, que de cultivateurs mêmes.
Les compagnies, hères des traités qu'elles avaient faits avec le Roi, et qui les rendirent en quelque sorte souveraines, signalèrent leur domination par les actes les plus tyranniques. Elles permirent et défendirent tour à tour certaines cultures; tantôt elles fixèrent le prix de la vente qu'on ne pouvait faire qu'à elles, de certaines productions; tantôt elles enjoignirent, sous la peine de la confiscation, de détruire une partie de ces mêmes productions], pour en empêcher, disait-on, le discrédit; en un mot, si le puis m'exprimer ainsi, une main, dirigée tout à la fois par une aveugle avidité et par l'instinct fiscal, ne cessa de tout comprimer, au risque de tout détruire.
Des seigneurs particuliers prirent un instant la place des compagnies; mais les mêmes vues produisirent les mêmes effets, et enfin le gouvernement, cédant aux cris aigus des colons, se détermina à les affranchir du joug féodal qui les accablait.
Ce nouveau changement n'en produisit malheureusement aucun dans un point essentiel c'était le défaut de. connaissance des lieux qu'on avait à régir. L'histoire nous en a laissé une preuve assez honteuse : c'est que les colonies furent, pendant près de 50 ans, attachées au département des affaires étrangères. On vit donc se prolonger la plus grande partie des maux dont les colons avaient eu à gémir, et l'on crut à Versailles tout ce qu'on avait pensé à Paris. Les compagnies avaient disparu; mais ceux qui en avaient été les chefs devinrent les conseillers des ministres, de manière qu'on continua à faire les mêmes choses sous des noms différents. g
Des réclamations plus ou moins rapprochées, des résistances plus ou moins marquées, des soulèvements plus ou moins fréquents, n'avaient cependant pas cessé de prouver, depuis l'origine, que les colons étaient mécontents. Chaque habitant étant soldat, il était assez naturel que ceux qui se réunissaient pour se plaindre remarquassent qu'ils étaient armés, et qu'ils crussent que leurs armes pouvaient appuyer leurs justes demandes ; mais des sacrifices momentanés, des promesses faites aux uns, des menaces adressées à d'autres, des punitions même, ramenaient à l'obéissance ; et cet état d'inquiétude de la part des colons servit à les dénoncer auprès du gouvernement comme des hommes que la force et la sévérité pouvaient seules contenir.
Il fut facile de faire adopter ce principe aux chefs que l'on donna aux colonies. La faveur qui a été longtemps la dispensatrice de tout, a eu presque constamment jusqu'ici la nomination des administrateurs des colonies. De grands noms ou d'utiles protections, voilà ce qu'il a fallu; et si nous aimons à avouer que les talents et les vertus les ont accompagnés quelquefois, nos fastes diront assez que ce n'est point à eux qu'on a toujours eu l'intention d'accorder les honneurs du choix.
L'influence individuelle des chefs fut donc énorme dans les colonies.[La faveur, qui les faisait nommer, était encore leur égide et les garantissait de tous les traits qu'on lançait contre leurs injustices. Ils s'accoutumèrent a regarder leur place comme leur patrimoine; et si un crédit plus puissant ou des intrigues plus heureuses ne leur avaient pas donné des successeurs, l'espoir d'un meilleur sort, toujours renaissant à chaque mutation, n'aurait pas même été permis aux colons.
Pour enchaîner, du moins en apparence, le
despotisme des administrateurs des colonies, on , avait cependant imaginé de fixer leurs pouvoirs ! et leur résidence à 3 ans. Mais cette mesure elle- I même prouvait une profonde ignorance en admi- j nistration; car, si un chef régit mal, sises j principes sont mauvais, pourquoi le conserver | durant 3 mortelles années? Si sa conduite et ses vues le rendent précieux et cher à ceux qu'il gouverne, pourquoi prescrire à son administration une autre durée que celle de ses vertus? Mais les sollicitations, toujours renaissantes, commandaient aux ministres eux-mêmes; et pendant longtemps leur grand talent pour se maintenir dans leur place a été de prodiguer celles qui étaient à leur nomination.
J'ai dit que l'influence des chefs a été énorme, et j'en citerai un exemple qui prouvera et cette vérité, et le peu d'instructions que l'on avait en France sur les colonies :
Un intendant du Canada avait un secrétaire intime qu'il chargea de venir rendre compte au ministre des détails de son administration. Le ministre remarqua le talent du secrétaire, et le récompensa en lui donnant l'intendance générale des îles de l'Amérique,.
Egaré par l'amour-propre, qui n'est pas toujours étranger aux hommes de mérite, le nouvel intendant crut qu'il devait faire beaucoup de règlements, et provoquer des lois auprès du ministre. Comme il aurait été difficile qu'il pût, presque en débarquant aux îles, juger de ce qui leur convenait, il imagina de prendre l'administration du Canada pour règle; et comme il parlait à Colbert qui, quoique d'une haute réputation, connaissait mal les détails intérieurs des colonies, il lui fut facile de faire dire, comme il le jugeait lui-même, que les lois du Canada convenaient aux Antilles. C'est à ce trait bizarre, mais vrai, que nous sommes redevables de plusieurs déterminations qui prouvent combien les établissements placés loin du lieu où on exerce le pouvoir législatif sur eux, sont exposés à être maltraités, par cela même qu'ils sont mal connus. C'est ainsi qu'on a décide, dès les premiers temps, que la coutume de Paris serait celle des colonies, moins parce qu'elle pouvait leur convenir, que parce que cela était ainsi réglé par les intéressés à la compagnie des îles, assemblés à Paris. A Rouen, on aurait préféré la coutume de Normandie; à Rennes, celle de Bretagne; ailleurs le droit écrit; et nulle part on n'aurait examiné si on donnait des fondements solides à ces établissements lointains.
Avec de telles mesures, il eût été impossible que l'administration des colonies n'eût pas des principes versatiles, et quelquefois destructeurs. Dans des moments difficiles, sous des chefs vertueux, on recourut à un moyen qui n'aurait jamais dû être négligé, celui de consulter les habitants eux-mêmes sur leurs intérêts. Mais cette mesure dépendit toujours de ceux qui l'employaient, et ils craignirent trop de laisser aux colons ainsi rassemblés la faculté de s'exprimer librement. On leur montrait comme une grâce qu'on aurait été maître de refuser, ce qu'il fallait leur offrir au nom de la justice. On se permit quelquefois de chercher à corrompre les opinions, ou l'on voûlut influer par des moyens plus ou moins coupables, sur les résultats. On feignait, par exemple, de demander un octroi, tandis qu'on avait un ordre pour exiger ce qui ne serait pas volontairement accordé. A peine reste-t-il même dans les colonies des traces de ces assemblées, dont le mode actuel a été ingénieusement I
combiné, de manière que le despotisme soit moins hideux, sans être moins absolu.
Pourrait-on s'étonner après cela, en apprenant qu'il n'est, pour ainsi dire, point de culture actuellement en usage dans les colonies qui n'y ait été interdite, sous des peines plus ou moins sévères? Celle de la canne à sucre y a été successivement recommandée et proscrite. Un gouverneur général donna des ordres pour arracher tous les caféiers qui existaient chez les habitants, au delà du petit nombre qu'on pourrait permettre comme un objet de pure curiosité; et ailleurs on voulut que le rocou fît place au café. Ici, l'on fit arracher tout le tabac, et là on contraignit à le préférer à l'indigo. Enfin, pour réunir les extravagances de plus d'un genre, il fut enjoint, dans une colonie, de tuer les chevaux, parce que leur usage efféminait les habitants.
Tels ont été, et même au XVIIIe siècle, les caractères d'une administration confiée, d'un côté, par ceux qui ne la connaissaient pas, et exercée, de l'autre, par ceux qui la connaissaient mal. Il en est encore un qui n'est pas moins affligeant : c'est la multiplicité des lois et des règlements faits pour les colonies. Un intervalle de 150 ans en a fourni de quoi former plus de 20 épais volumes in-4°. Il ne faudrait que ce recueil pour convaincre des maux sans nombre que l'ignorance à l'égard des lieux qu'on dirige, et la fréquente mutation des administrateurs peuvent engendrer. C'est là qu'on voit des contradictions de toutes les espèces, des injustices de tous les genres, des principes pour chaque jour, des désordres continuels, et partout un système oppressif et destructeur de toute émulation, presque de toutes les vertus.
Je ne puis résister, Messieurs, au désir de vous citer un exemple de cette dernière classe. Une ordonnance, qui porte le nom du souverain, a défendu d'admettre, dans deux colonies, les créoles au nombre des défenseurs de leur patrie. Et dans quel instant cette exclusion déshonorante était-elle portée? Presque au moment où d'infortunés habitants de la Louisianne venaient d'être conduits à l'échafaud pour avoir préféré à une domination étrangère celle sous laquelle ils avaient eu le bonheur de naître; peu après que les nombreux habitants de l'Acadie, livrés d'abord aux horreurs de la guerre, et ensuite à tout ce que peut inventer la persécution d'un vainqueur contre ceux qu'il a conquis, mais qu'il n'a pu soumettre, étaient abandonnés à la pitié au gouvernement français, qui les faisait transporter dans des lieux où ils trouvaient bientôt la misère et la mort. Ne semblerait-il pas que le gouvernement eût arrêté que les créoles seraient supposés sans patriotisme, ou qu'il voulût les punir pour en avoir montré ?
Il faudrait un volume entier, Messieurs, pour vous donner le récit abrégé de tout ce qu'on nous a fait éprouver, parce qu'on n'a pas cru nécessaire de nous connaître. Les emplois des colonies ont presque toujours été préférablement donnés à des Européens, qui n'ont cessé de se succéder avec l'invariable désir d'amasser des richesses. En vain les côlons ont-ils réclamé du moins la concurrence; lorsqu'on s'est aperçu qu'ils venaient aussi au pays de la faveur pour la solliciter, on a décidé, seulement pour eux, qu'on ne pouvait rien obtenir sans l'attache des administrateurs, et lorsqu'on était hors de ses foyers. Avec ces combinaisons adroites, la majeure partie des places des colonies sont devenues la pâture des agents directs ou indirects du gouvernement,
ou de leurs parents, de leurs amis, de leurs protégés. Celles qu'on n'a pu envahir, on les a grevées de pensions ; et j'ose dénoncer, en quelque sorte, à l'indignation publique, que même des places de magistrature sont assujetties à des taxes de ce genre : taxes faites en faveur d'individus au nombre desquels il en est, peut-être, qui connaîtraient enfin la honte, s'ils étaient obligés d'avouer comment ils les ont obtenues.
A tant d'abus, à tant de maux, il ne manquait plus qu'un trait qui couronnât la tyrannie; c'était de prononcer l'infaillibilité des administrateurs, et nous avions atteint ce terme, le vrai triomphe du despotisme. Lors même qu'on ne dédaignait pas de croire qu'une plainte pouvait être juste au fond, il était, naguère encore, de la politique de refuser de l'entendre ; on menaçait de punir ceux à qui l'oppression l'arrachait, et l'on'avait fini par se retrancher derrière cette maxime à laquelle je ne chercherai pas de nom ; que le prince ne souffrirait jamais qu'on se permît le plus léger examen à l'égard de ceux qu'il avait honorés de sa confiance et revêtus de son autorité; tant les idées du juste et de l'injuste étaient dénaturées, tant la coalition était intime entre tous ceux à qui elle était également nécessaire !
Ce tableau rapide mais exact vous, donnera, Messieurs, une juste idée de ce qu'a pu produire le défaut de connaissance des colonies. I) ne sera pas difficile de vous persuader que les choses les plus nuisibles pour elles ont pu en être la suite, si vous considérez qu'il est arrivé, sûrement plus d'une fois, que de tous les individus mis en œuvre à Versailles par les affaires coloniales, pas un seul n'avait vu une colonie quelconque; si vous observez qu'ils recevaient quelquefois des lumières et des détails d'administrateurs qui, pour faire briller leur perspicacité, choisissaient les premiers moments de leur arrivée pour envoyer leurs vues et leurs plans sur des lieux qu'une longue étude peut seule apprendre à juger. Enfin, Messieurs, suivre une routine aveugle, ou se mettre à la merci de quelques intrigants qui venaient avec des projets, ou enfin varier avec le caractère des administrateurs, telles étaient les ressources ordinaires. Pour vous peindre d'un mot le vrai genre de cette routine, c'est qu'au moment actuel, on copie encore servilement pour les administrateurs des colonies le protocole des commissions qu'on délivrait à l'époque où l'on en commençait l'établissement; c'est qu'on y lit ce qu'on disait pour les premiers chefs donnés à la Nouvelle France ; c'est enfin, et il faut bien qu'on le croie, car le fait est notoire, que ces commissions contiennent des pouvoirs dont ceux qui en sont revêtus n'osent pas faire usage.
"Voilà, Messieurs, la situation déplorable des choses au moment où j'ai l'honneur de vous entretenir : situation que des troubles intérieurs et une révolte aggravent encore à l'égard de ma trop malheureuse patrie. Voilà, Messieurs, les écueils que votre sagesse doit et saura éviter. Ne vous fiant point à une prétendue analogie trop souvent trompeuse, vous trouverez digne de vous de considérer sous leur véritable aspect des objets importants. Vous ne voudrez pas qu'en se plaçant sous votre tutelle salutaire, les colonies continuent à paraître dirigées par le hasard. Ces colonies, en recevant pour plus de 150 millions d'importations nationales, en fournissant à leur tour pour plus de 240 millions de productions, donnent en définitive un résultat avantageux à la France, dans la balance du commerce, et mettent dans la circulation une somme énorme. Les colo-
nies donnent le mouvement à un grand nombre de vos manufactures, et à des millions de bras; elles soudoient et font vivre une foule immense d'artisans, d'ouvriers, de journaliers; elles sont une des sources les plus fécondés des richesses de la France, et dans un siècle où il est reconnu que la prépondérance des Etats se règle sur leur commerce; les colonies ont droit d'attendre qu'elles seront appréciées à leur juste valeur.
An surplus, quand il serait supppsable, contre l'évidence, qu'on pût penser qu'elles n'ont pas toute l'importance qui leur appartient, ce serait même une raison pour soumettre ce qui les concerne à un examen particulier; mais ce seul point avoué qu'elles ne ressemblent point à leur métropole, qu'elles ne se ressemblent point entre -elles, il est juste, il est nécessaire de les traiter à part. L'Assemblée nationale doit à leur confiance et à sa propre dignité, de leur donner le comité particulier qu'elles réclament, et où les matières seront soumises à un examen scrupuleux, pour venir ensuite se placer sous l'œil de sa sagesse, et solliciter comme d'elles-mêmes ce qui doit être préalablement accordé à l'éloignement des colonies et à leurs localités, pour que vous puissiez prononcer, Messieurs, en pleine connaissance de cause. C'est lorsque tous ces préliminaires indispensables seront remplis, que, voyant les objets tels qu'ils sont, et non pas dans le lointain qui les obscurcit, l'Assemblée nationale portera des décrets qui feront l'admiration du nouveau monde comme de l'ancien.
Plusieurs membres demandent que le discours de M. Moreau de Saint-Méry spit imprimé.
L'Assemblée autorise cette impression.
On demande à aller aux voix.
Si les colonies demandent une constitution, il y a un comité établi pour cet objet; s'il s'agit du commerce et de l'agriculture il y a encore un comité de ce genre ; je ne vois donc pas l'utilité qu'il peut y avoir à créer un comité spécial.
On demande de nouveau à aller aux voix.
Je demande très-instamment d'être entendu; non-seulement la question n'est pas éclaircie, mais elle n'est même pas entamée.
La parole est accordée.
(1). Messieurs, la demande de l'établissement d'un comité semble si peu importante en elle-même, qu'au premier instant on peut être taxé d'indiscrétion en s'élevant pour la combattre. Cependant, si vous considérez que, jusqu'à ce jour, on a très-peu étudié la théorie coloniale ; si vous sentez, comme je crois, que nous-mêmes n'avons pas été exempts d'erreur dang le premier acte que nous avons fait par rapport aux colonies, j'espère, qu'avant de vous engager davantage dans une carrière inconnue, vous daignerez m'accorder quelques instants d'attention, et peser avec toute la réflexion qu'elles demandent les observations que je vais avoir l'honneur de vous soumettre.
MM. les députés des colonies exposent premièrement que la constitution qui convient à leur
pays doit être différente de la nôtre, et calculée
Je crois, Messieurs, que vous ne ferez aucune difficulté d'accorder les deux points auxquels je ramène la question. Il serait certainement superflu de chercher à vous en démontrer la nécessité. Pour moi, j'avoue que je les regarde d'une évidence si palpable que, quand même MM. les députés des colonies n'auraient pas songé à les établir, je croirais devoir absolument, pour leur intérêt, aussi bien que pour Je nôtre, ne pas omettre de les exposer dans le plus grand jour. Ainsi, il faut à nos colonies une constitution différente de la nôtre, et nous n'avons point les connaissances requises pour la leur donner.
Cela posé, la question qui s'offre naturellement la première à résoudre est celle-ci : Est-ce à l'Assemblée nationale de France de faire la constitution de ses colonies américaines; et ensuite, s'il n'appartient pas à l'Assemblée nationale de France de faire cette constitution, à qui le droit en est-il réservé, suivant les règles inflexibles de la justice?
Si nous sommes jaloux de ne pas nous écarter de nos principes ; si même il se joint au
sentiment de la justice celui que réclament les preuves de patriotisme et de zèle pour la
cause publique, données par MM, lès députés des colonies dans les temps les plus orageux de
la Révolution, nous ne devons pas balancer un moment de convenir que ce serait de notre part
une usurpation de pouvoir, ^ue de prétendre au droit de donner une constitution aux planteurs
de nos îles ? En effet, Messieurs, il n'y a de libre que le gouvernement où le peuple fait
ses lois lui-même, ou donne le pouvoir de le faire à des représentants élus par lui librement
et en nombre suffisant (1), Or, dès qu'il est reconnu que la constitution coloniale doit être
différente de la nôtre ; dès que les habitants de ces contrées situées sous un autre
hémisphère ne nous ont point choisis, n'ont pu même nous" choisir pour ses représentants ;
dès qu'enfin ils ont à la liberté politique un droit aussi imprescriptible que le nôtre, il
est évidemment prouvé que nous ne pouvons ni les représenter, ni, par conséquent, stipuler
pour eux en aucune manière (2). Je dis plus ; si l'insuffisance des lumières nécessaires nous
avait précédemment portés à le penser, il faudrait promptement abjurer une erreur
incompatible avec les prin-
Veuillez bien cependant, Messieurs, considérer que ce que je viens de dire, ne touche qu'à la constitution, qu'au régime intérieur, qu'à l'administration, pour ainsi dire, domestique des colonies. C'est sur ces sortes d'objets que l'autorité des législateurs de France ne peut s'étendre. A cet égard, la nature a placé elle-même les bornes de nos pouvons. Au delà de nos frontières, nous n'avons pius de puissance, de droit sur les autres nations que ceux des traités que nous avons faits. Par rapport à nos colonies, les mers qui nous séparent ont posé des limites à peu près pareilles ; il n'y a que la puissance exécutrice qui ait le droit de franchir l'immense étendue de l'Océan, pour, réunir sous la même protection, sous la même influence paternelle, des enfants, des frères que différentes mères élèvent dans leur sein. Il n'en est pas ainsi des rapports commerciaux entre les colonies et la métropole. Mais, comme 1*examen de ces rapports tfentre point dans la question que nous discutons maintenant, je ne m'arrêterai pas à les approfondir ; il me suffit d'avoir indiqué la différence que l'on en doit faire, c'est de vous avoir montre que je ne confondais pas des matières très-distinctes les unes des autres.
Ces simples réflexions servent, je crois, assez abondamment à démontrer qu'il ne nous appartient pas de faire la constitution de nos colonies. Nous convenons d'ailleurs (et cet artiele n'a
pas besoin de preuves), que nous manquons des connaissances élémentaires et locales qu'il faudrait avoir pour nous livrer à traiter avec confiance un sujet infiniment délicat en lui-même, un sujet pour lequel, comme le disent MM. les députés des colonies eux-mêmes, la moindre erreur serait de la plus fatale et de la plus dangereuse conséquence. Examinons maintenant à qui est réservé le droit de faire la constitution coloniale.
Je ne parlerai point de toutes les objections que l'on pourrait faire contre la représentation imparfaite des colonies, contre la validité des pouvoirs de leurs représentants. Il est inutile, quand on examine la question sous ses vrais rapports, et qu'on la soumet à l'épreuve des principes rigoureux de la justice, d'avoir recours à [ces moyens subsidiaires ; et je prie MM. les députés des colonies d'être bien persuadés qui'ci je ne dis rien qui puisse leur être personnel ; qu'au contraire, si j'avais à m'adresser à eux, je n'aurais qu'à leur payer le juste tribut d'éloges qui leur est dû, ainsi qu'aux planteurs qui les ont nommés, pour avoir poussé le désintéressement, au point d'oublier les droits qui leur étaient particuliers, et se réunir à une cause aussi étrangère à quelques-uns de leurs intérêts, qu'elle était alors malheureusement propre à leur faire partager les dangers dont ils pourraient se tenir éloignés. Je ne parlerai donc point de ces différents objections. J'accorde à MM les députés des colonies l'accomplissement le plus exact de toutes les formes de leur élection (1), mais je n'en soutiens pas moins affirmativement qu'ils n'ont aucun droit réel à faire la constitution de leurs commettants ; que même ils ne peuvent tirer avantage des pouvoirs qui leur ont été donnés, quand on suppose-sait que tous ceux qui avaient droit à leur nomination, y ont concouru, ce qui n'est pas.
En effet, Messieurs, n'oubliez pas, je vous prie, ce que j'ai dit jusqu'à présent et vous verrez que s'il est prouvé que l'Assemblée nationale de France, convoquée pour faire la constitution du royaume, n'a pas le droit de faire celle des colonies, il est, par la même prouvé que les pouvoirs de MM. les députés des colonies, envoyés à une telle Assemblée, sont sans but comme sans objet, et qu'ainsi ils doivent être réputés irrévocablement nuls. La volonté même de leurs commettants, dans les circonstances où elle s'est fait connaître, quand elle serait explicite à l'égard de la constitution, ne les investirait pas davantage de la faculté légale de la faire. Lorsque leurs pouvoirs leur ont été confiés, leurs commettants ne les ont accordés que pour concourir à la formation d'une constitution, et non pour travailler seuls à sa confection. Je pourrais même assurer, sans crainte, que les colons n'ont pas imaginé que la fonction de leurs députés irait jusque-là. Mais quand bien même ils auraient envoyé leurs députés à l'Assemblée nationale de France, dans le dessein de les faire concourir à l'établissement de la constitution coloniale ; comme
ils auraient, en même temps, prononcé le vœu
Je ne sais, Messieurs, si j'ai eu le bonheur de m'expliquer de manière à être parfaitement entendu de vous sur un sujet dont la discussion est tout à fait neuve ; mais il me semble que les observations que j'ai indiquées plutôt qu'approfondies conduisent naturellement à conclure que c'est aux habitants de nos colonies, convoqués à cet effet, et dans la colonie même, de s'assembler pour élire un corps de représentants qui travaillera en vertu de ses pouvoirs, et sans sortir de son territoire, à fonder sa constitution, c'est-à-dire la forme dû régime intérieur et de l'administration locale, qui conviennent le mieux aux colons pour assurer leur bonheur civil, régler la levée et l'emploi de leurs deniers publics, etc. J'ai dit qu'à certains égards les colonies pourraient être regardées comme des provinces d'Etats. On pourrait également les comparer à l'Irlande, qui a sa législature particulière, et où un gouverneur, sous le nom de vice-roi, représente le chef du pouvoir exécutif, quoique l'Irlande obéisse au même roi que l'Angleterre et l'Ecosse. Cette comparaison dévoloppée jetterait un grand jour sur l'idée que nous devons nous former des rapports des colonies avec la métropole ; mais je craindrais d'abuser de votre indulgence, et de m'éloigner trop longtemps de la motion de M. de Curt pour la formation d'un comité colonial, motion à laquelle j'applique ce que je viens de dire.
D'après les principes que j'ai établis, principes que je prie de réfuter directement, au lieu de s'attacherà des suppositions ou à des considérations fort étrangères à la question actuelle, quelque rapport qu'elles aient d'ailleurs avec les colonies ; d'après ces principes, dis-je, il me paraît plus évident que le jour que ce que le comité demande serait de la plus grande inutilité ; car à quoi bon occuper des membres de l'Assemblée à préparer un travail qui ne doit point être soumis à notre jugement, et que les colonies assemblées réjetteront peut-être ? Mais comme son inutilité ne serait peut-être pas au yeux de bien du monde une raison suffisante pour ne pas le voter, je me hâte d'ajouter qu'un pareil comité serait dangereux, funeste même, et capable de produire un effet diamétralement opposé à celui qu'en attendent MM. les députés des colonies. Je les prie de bien peser cette considération. Car lorsque la nation, lorsque les colonies, lorsque le commerce, enfin verront que vous avez nommé un comité colonial, on pensera naturellement que vous avez soumis à votre juridiction une multitude d'objets dont il est de votre sagesse d'écarter soigneusement la discussion, d'autant mieux qu'elle entraînerait nécessairement vers des questions qui demandent à être traitées dans des temps plus tranquilles, dans des dispositions moins agitées des esprits. J'ose croire qu'ici MM. les députés des colonies s'accorderont à penser comme moi, et plût à Dieu qu'ils eussent des dangers qu'ils nous font courir par leur demande la même idée que je m'en fais ! Car enfin, Messieurs, on doit le dire hardiment, c'est en partant d'un faux principe que vous avez admis MM. les députés des colonies dans
l'Assemblée nationale de France . Or quelles sont, je vous prie, quelles peuvent être les suites d'un faux principe, si ce ne sont de fausses conséquences ? Dans l'affaire qui nous occupe, les fausses conséquences sont beaucoup plus formidables, qu'on ne le croirait peut-être. Le tableau des malheurs qu'elles entraîneraient est effrayant ; et noufe sommes appelés pour ramener l'ordre et la paix dans ce royaume dont nous sommes les représentants. Je n'exagère rien, Messieurs, vous ne tarderiez pas à reconnaître la vérité que je voudrais vous faire sentir maintenant. Bientôt on soumettrait à votre décision des questions qui vôus feraient apercevoir, mais trop tard, que quand une fois on a pris une mauvaise route, on finit par s'égarer de plus en plus, et courir vers le précipice que l'on voulait éviter. Je vous conjure donc, pour l'intérêt de nos colonies, pour l'intérêt de la France, qui est intimement lié au leur, de ne pas calculer dans ce moment ce que vous allez décider sur ce que vous avez déjà fait, mais sur. ce que vous deviez faire. Déclarez qu'il n'y a lieu à délibérer sur la proposition de M. de Curte ; déclarez en outre, et cest du plus grand , du plus pressant intérêt, déclarez que l'Assemblée nationale ne doit s'occuper d'aucune matière relative à la constitution et au régime intérieur des colonies. Je crois avoir prouvé que l'Assemblée nationale ne peut, d'après les vrais principes , s'arroger un pareil droit ; j'ajouterai qu'elle ne le saurait faire sans renouveler l'exemple d'une prétention qui a eh partie causé à l'Angleterre la perte de ses colonies ; et comme j'ai eu l'honneur de vous le dire dans une autre occasion, l'affaire des colonies anglo-américaines est une source féconde d'utiles leçons que nous ne devons jamais perdre de vue. Je sais que l'on m'objectera que les Anglais ont proposé d'admettre les colons dans leur parlement ; mais cette objection n'est d'aucun poids contre moi : car quelle était la raison principale, la raison avouée par ceux qui soutenaient ce système en Angleterre? l'espoir avide d'opprimer les colons par des taxes directes, tandis que l'on savait très-bien que les colonies, par la nature de leur institution, et pour l'intérêt même de la métropole, ne lui doivent aucune taxe.
Au reste, si MM. les députés des colonies craignaient que le ministère se refusât à convoquer les planteurs dans la forme la plus propre à faire connaître leur vœu libre et complet, alors, Messieurs, l'Assemblée nationale s'empresserait de les seconder dans une demande dont elle aurait reconnu la justice et l'utilité. Elle décréterait que la colonie serait convoquée.
Quant aux affaires qui concernent les approvisionnements de nos colonies, vous avez votre comité de commerce et d'agriculture dont un rapport, récemment publié dans une affaire de ce genre, vous prouve tout à la fois l'activité, le zèle, les lumières, l'intégrité de ceux qui le composent et le danger au nouveau comité que l'on vous demande. Il vous offre aussi un exemple remarquable de la manière dont les objets qui intéressent les colonies et le commerce, dans leurs rapports respectifs, doivent être toujours présentés au Corps législatif de la métropole.
J'opine pour que l'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition d'un comité colonial et pour qu'elle déclare qu'elle n'entend s'occuper d'aucune matière relative à la constitution et au régime intérieur des colonies.
, député de
Saint-Domingue, défend la formation d'un comité colonial et, pour en faire sentir la nécessité, il fait le tableau des malheurs de la colonie. Il soutient qu'il serait impolitique de renvoyer la décision de tant d'intérêts précieux au pouvoir exécutif, dans le moment où le département de la marine est dirigé par un ministre exécré qui a fait le malheur de la colonie et qui cherche à consommer sa ruine.
Plusieurs membres interrompent l'orateur et lui crient de fournir des preuves.
Je suis formellement chargé par mes commettants de dénoncer le ministre de la marine.
, député de la Guadeloupe. Je suis convaincu que chaque représentant a le droit de dénoncer un ministre coupable et que c'est un devoir quand les preuves sont acquise ; pour moi, je déclare que la Guadeloupe n'a eu, jusqu'à ce moment qu'à se louer du ministre de la marine actuel, M. de la Luzerne. J'ajoute que la plainte de M. de Gouy d'Arsy est tout à fait étrangère à la formation d'un comité colonial, seule question qui soit à l'ordre du jour.
Je propose, attendu l'heure avancée, d'ajourner à un outre jour la suite de cette discussion.
Cette motion est adoptée,
lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin.
Séance du
, Vun de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal des deux séances de la veille et rend compte des adresses suivantes :
Adresse des religieux bénédictins de l'abbaye de Saint-Pé de Generets, diocèse de Tarbes, qui consentent à l'abandon des biens de la congrégation de Saint-Maur, fait entre les mains de l'Assemblée nationale, sous les conditions d'une pension viagère de 1,800 livres , de l'habileté à posséder les bénéfices-cures et à remplir fes chaires de l'enseignement public avec la moitié des honoraires attachés auxdites charges.
Adresse du même genre des religieux de l'ab-bâye de Saint-Sever-de-Rustau ; ils recommandent à l'Assemblée un vieillard accablé d'jnfir-mités, qui est lié à la congrégation par un contrat civil, et qu'elle s'est engagée à entretenir pendant sa vie.
Adresse de la ville d'Espalion en Auvergne, contenant félicitations, remerciements et
l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale ; elle attend, avec la plus
vive impa-
Adresse des habitants de là ville de Saint-Jean-d'Attgely, dans laquelle ils réitèrent l'adhésion qu'ils ont déjà donnée à tous les décrets de l'Assemblée ; lié demandent que l'abbave royale établie dans leur ville, soit rerflplafcéé par tin collège. * ,
Adresse du même genre de la ville de Vienne en Dauphiné : elle demande qti'il âdit formé daifs son sein un chef-lieu de département ; que les municipalités et les tributiâtit soient promptement organisés ; enfin, qti'ii Soit pris incès$amttîënt, par la sagesse de l'Assemblée, les mestireS les plus efficaces pour faire rentrer dans le royaume les différents émigrants,
Adresse des officiers, municipaux et des commandants de la milice nationale du bourg dë Vouziers en Cbampagnë , dans laquelle ils expriment l'adhésion la plUs formelle à tous les décrets dë l'Assemblée nationale, et la plus ferme résolution d'en maintenir et assurer la plus parfaite exécution ; ils exposent les difficultés sans nombre qu'éprouve la librè circulation des grains, les abus que les gens malintentionnés font de cette liberté ; ils supplient l'Assemblée de les préserver du malheur affreux de totirher letirs ârmes contré leurs concitoyens.
Adresse du conseil permanent de la ville de Nîmes, contenant un arrêté fait potir exciter l'attention des citoyens et leur patriotisme, relativement à la contributidn dii quart du revenu.
Adresse du lieutenant général de la ville dë Civray, dans laquelle il exprime, au nom de sa compagnie, la soumission respectueuse de tous les membres de la sénéchaussée aux décrets de l'Assemblée, et notamment à celui concernant la contribution patriotique.
Adresse de M. Martinet de Montferrat, avocat du Roi honoraire âu présidïal de Soissons, qui offre de rendre la justice gratuité dans la ville où il a fixé .son domicile.
Adresse de félicitations, remerclments et adhésion de ia communauté de Saint-Clar en Lo-magne; elle déclare infâmes et traîtres à la patrie tous ceux qui chercheraient à troubler l'union intime qui règne entre le Roi et ses sujets.
Adresse du même genre de la ville de Saint-Haon-le-Ghâtel en Forez ; elle offre à la nation l'argenterie de son église, le prix qui proviendra de la vente de ses communaux, et le montant de l'imposition qui doit être supportée pour les six derniers mois de cette année par les ci-devant privilégiés.
Adresse du même genre de la ville de Saint-Chamond en Lyonnais, elle demande d'être auto-torisée à former une nouvelle municipalité»
Adresse du même genre de la ville de Ghâlus en Limousin; elle adhère notamment au décret concernant la contribution patriotique, et fait plusieurs demandes relatives aux impositions et droits féodaux.
Adresse du même genre de la ville de Cailus en Quercy; elle adhère notamment au décret delà loi martiale.
Adresse du même genre de là ville de Mirabel en Quercy.
Adresse du même genre de la ville de Châtillon-sur-Marne en Champagne; elle réclame avec instance la conservation de son bailliage.
Adresse du même genre de la commune d'Argil-lières èh Bourgogne; elle demande d'êtrë autorisée à former une milice nationale pour sè défendre contre lés ennemis dë la patrie.
-Adresse des officiers municipaux de la ville de Chérbourg, contenant le procès-verbal delà proclamation de la loi martiale faite dans l'appareil le plus imposant.
Adresse des religieuses Bétiëdictihës du monastère de Rabervill.ers eh Lorraine, qui supplient l'Assemblée de leur conserver un état qui leur eSt plus cher que la vie, et la permissiôn d'admettre à la profession deux novices qui sdnt dans l'attente, offrant de fournir, tant pour les besoins dë l'Etat que pour l'assistance des pauvres, tout ce qui ne sera pas de leur strict nécessaire : cette demandé est appuyée par le curé, les officiers municipaux et les notables de la ville, qui attestent que ces religieuses sont chéries et révérées par leur vie exemplaire* les charités abondantes qu'elles répandehtmalgré leur peu de fortune, et par rexcellenteédticatioh qu'elles donnent à la jeunesse.
Adresse des habitants de la ville de Sainte-Suzanne, contenant félicitations, remercîments et adhésion à tous les décrets de l'Assemblée nationale; ils demandent la conservation de leur bailliage et un district d'administration.
Adresse des religieux de l'Ecole royale militaire de Rebais en Brie, qui supplient l'Assemblée nationale de recevoir leur,parfaite soumission et adhésion à ses décrëts ; quoiqu'ils ne doutent pas qu'aucun des membres ae leur congrégation n'y souscrive comme eux, ils croient que l'éducation de la doctrine qu'ils doivent aux enfants qui leUr sont confiés exige qu'ils y adhèrent d'une manière plus expresse.
, député suppléant de la sénéchaussée de Moulins, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis à prendre séance, en remplacement de M. le baron de Breuil de Goifôer, qui a donné sa démission dans la précédente séance.
, j'tm de MM. les secrétaires, donne lecture d'une lettre des habitants de ,1a ville de Saint-Quentin, portant que le temps des élections des officiers municipaux étant arrivé et ceux qui étaient en exercice à Saint-Quentin ne voulant pa& continuer leurs fonctions, le Roi avait accepté leur démission. La; ville demande que,, pour éviter l'anarchie, le comité militaire chargé de l'organisation de la miiicè soldée soit chargé provisoirement de remplacer lés officiers municipaux.
Après cet exposé, le décret suivant est rendu :
DÉCRET.
« L'Assemblé nâtibnalë décrète que, vu la démission des officiers municipaux de la ville de Saint-Quentin, elle autorise le comité qui a été établi, pour l'organisation de la garde soldée de cette, ville à exercer provisoirement toutes les fonctions dont ladite municipalité était chargée. »
expose la situation dans laquelle se trouvent plusieurs autres villes du royaume, particulièrement la ville de Lyon, qui veulent ce mois-ci nommer, par corporations, les officiers municipaux ; ils demandent qu'il soit rendu un décret général à tout le royaume et il en présente le projet.
présente quelques observations à ee sujet. Le décret est ensuitë rendu en ces termes :
décret.
« L'Assemblée nationale décrète que, par provision, les officiers municipaux actuellement en exercice dans toutes leé villes et communautés du royaume, et même les corps* bureaux ou comités qui ont été établis par les communes où municipalités pour administrer seules j ou conjointement avec les officiers municipaux, coiMi-nueront d'exercer les fonctions dont ils sont en possession* et qu'il ne sera* nonobstant tout usage ou règlement contraire, procédé à aucune élection nouvelle, jusqu'à l'établissement qui va se faire incessamment des municipalités, dont l'Organisation est presque achevée. »
représente que M. Mounier est parti sans avoir signé plusieurs des procès-verbaux de sa présidence. L'Assemblée décide que ces procès-Verbaux, demeurés jusqu'à présent avec la seule signature des secrétaires, seront signés par M. de Glermont-Tonherre, qui avait précédé M. Mounier dans les fonctions de président.
dit que l'ordre du joUr ap-
le la suite de la discussion sur Vorganisation des municipalités.
Dans la séance d'hier^ l'Assemblée à rehvbyé au comité de constitution l'article 51 et uii article nouveau afin d'en modifier la rédaction.
, organe du comité, donné lecture des articles ainsi qu'il suit :
« Art. 1er. Tout citoyen actif dé la communauté peut signer et présenter Contre les
officiers municipaux la dénonciation des délits d'administration dont il prétendra qu'ils se
sont rendus coupables; mais avant de pcftter cëtte dénonciation dans les tribunaux, il sera
tenu de la soumettre à l'administration ou au directoire du département, qui, après en avoir
pris l'avis de l'administration ou directoire de district,' renverra, s'il y a lieu, la
dénonciation devant les juges qui en doivent connaître. , « Art. 2. Après les élections, leS
citoyens actifs de la commnnauté ne pourront ni rester assemblés, ni s'assembler da nouveau
en corps de commune, sans une convocation expresse, Ordonnée par le conseil général de la
commune, qui ne pourra la refuser, si elle est requise par le sixième des citoyens actifs
dans les communautés au-dessous de 4,000 âmes, et par 150 citoyens actifs dans toutes les
autres communautés.
« Art. 3, Les citoyens actifs ont droit de se réunir paisiblement, et sans armes, en. assemblées particulières, pour rédiger des adresses et pétitions, soit au corps municipal, soit aux administrations dé département et de district, soit ati Corps législatif, soit au Roi, sous la condition de donner avis aux officiers municipaux dû temps et du lieu de ces assemblées et de ne pouvoir députer que dix citoyens pOUr apporter et présenter ces adresses et pétitions.
« Art. 4. Les citoyens chargés de la perception des impôts indirects, tant que ces impositions subsisteront; et ceux qUi occupent des places de judicature, ne pourront être élus membres des corps municipaux. »
L'Assemblée décrête les trois premiers articles ci-dessus rapportés.
L'article 4 entraîne une longue discussion.
, député dû Pôttôu et avocat dti Roi à FoUtenây-le-Gomte, défend avëc forée la cause des magistrats:
Vous ne pouvez prononcer, dit-il, une exclusion qui porterait atteinte â la bonsidération de la magistrature. D'ailleurs voUs he devez plus voir* en faisant la Constitution, les magistrats dans l'ancien ordre de choses; là Révolution Vâ les rendre électifs ; ils n'auront auctin vice aristocratique'; Comment pourrait-on gêner et limiter là confiance des peuples lorsqu'ils voudront leur conférer des places muhicipales? iliy a plus, c'est qti'à l'avenir les fonctions des jUges seront beaucoup moins surchargées de travail, ils pourront réunir les fonctions municipales à celles de magistrature. En un mot, coihme ils sont citoyens, ils doivent en supporter toutes les charges et en exercer tous les droits.
, député de CftatanceÈ. J'àddptë l'article proposé par le comité et je më fonde sur là déclaration des droits qtii dit qu'il n'y a point dt. bonne constitution sans une division exacte des pouvoirs. Je proposé, en outre, dë compléter l'article en y ajoutant la disposition qui suit :
« Les citoyens employés dans le militaire et dans les milices nationales doivent être exclus; de même que les magistrats, et les percepteurs des impôts. »
J'adopte l'article du cbhiitë, mais je pense que si les magistrats peuvent être exclus des municipalités, ils doivent être admis dahS les assemblées de district et de département*
Jë he vois aucun motif d'ëxclUre les magistrats dès places auxquelles peuvent prétendre tous leS Citoyens. Si votis prononcez une exclusion fcontre lës juges, il n'y â pas dë raison pour n'en pas faire contre d'autres professions.
, député de Moulins. J'ai de grands préjugés à combattre en parlant en favetir des magistrats, mais la force de la vérité m'entraîné à attaquer l'àrticle. Les officiers des tribunaux inférieurs, vous le savez tous, n'ont jamais cessé de défendre la cause du peuple et ont toujours été aptes aux places municipales, sUrtout dans les petites villes. Comment veut-on priver le peuplé des lumières des magistrats, qui, plus accoutumés aux affaires ët aux formes de la justice, peuvënt administrer avec plus de soin les revenus et la police des municipalités?
Tous ceux qui ont une portion libre où forcée du pouvoir exécutif doivent être soigneusement exclus des municipalités. Je demande à mes contradicteurs s'ils pensent que l'élection serait vraiment libre si des juges étaient au nombre des candidats.
Quoique Chef d'Un tribunal, je pense que ce serait réunir trop d'autorité q[Ue d'être à la fois officier municipal et juge ; mais je demande qu'on mette aussi dans l'exclusion les receveurs àes impôts directs et ceux qui sont comptables aux communautés.
II ti'ëst pas nécessaire de parler du mérite et des connaissances de la mah gistrature, que personne ne conteste, mais il ësl
bon de dire que la réunion du pouvoir municipal et des fonctions de juge ne saurait présenter aucun danger. L'autorité municipale n'est pas une autorité politique, c'est une autorité de famille et de cité que le peuple confère librement et pour un temps ; d'ailleurs les formes du scrutin sont un grand bouclier contre l'influence dont on menace les électeurs. Enfin, exclure les magistrats ce serait les flétrir et altérer la confiance dont ils ont besoin.
Les mêmes motifs s'appliquent aux percepteurs des diverses sortes d'impôts, soit directs, soit indirects, quelle différence y a-t-il entre les collecteurs des uns et des autres ? qu'y a-t-il d'infamant dans les fonctions de celui qui perçoit l'impôt? Je demande que la constitution n'exclue personne ; que les municipalités nomment qui elles voudront pour leurs officiers et que l'on donne à tou3 les citoyens actifs la plus grande latitude de pouvoir.
En présence des divergences qui se produisent au sujet de l'article qui est en discussion, je demande l'ajournement jusqu'à ce que nous ayons statué sur les impôts et sur l'organisation des tribunaux judiciaires.
Je vois avec peine que l'on veut présenter cet article comme une exclusion odieuse, tandis qu'il ne constate que l'incompatibilité naturelle qui ne peut affliger ni dégrader personne. Autant je suis éloigné d'adopter le principe du comité pour les districts et les départements, autant je m'empresse d'y souscrire pour les municipalités. L'admission des juges aux fonctions municipales serait la confusion de deux espèces de pouvoir judiciaire dans les mêmes mains ; le magistrat municipal est mi-ipartie d'administration, de police et de justice; le magistrat ordinaire est également revêtu du droit de juger.
L'incompatibilité de ces doubles fonctions est encore plus sensible, si l'on pense que celles des municipalités sont toutes en commandement, et celles des tribunaux toutes en délibérations.
D'ailleurs les tribunaux judiciaires doivent connaître des délits commis par le magistrat municipal. Comment tolérer que l'officier accusé soit en même temps membre du tribunal qui doit juger l'accusation?
L'influence des juges sur la fortune, l'honneur ét la vie des citoyens, n'est-elle pas assez grande dans la société, pour qu'on ne l'augmente pas encore par un autre genre d'autorité? Il importe à la liberté civile que le citoyen ne retrouve pas le même individu dans tous les tribunaux de la ville qu'il habite; enfin par cette division des fonctions publiques, il y aura plus de citoyens en activité, plus de liberté dans les administrations municipales et moins de despotisme dans les mains des hommes revêtus du pouvoir.
rend compte des motifs qui ont décidé le comité à proposer l'article.
Il a fondé l'exclusion des magistrats :
1° Sur le danger qu'un juge soit à vingt ans officier municipal ;
2° Sur l'influence qu'il a sur les électeurs de son ressort;
3° Sur l'assiduité qu'exigent les fonctions des juges;
4° Sur le respect et l'autorité dont ils doivent jouir, et qu'ils perdraient bientôt, si d'autres citoyens leur étaient préférés dans d'autres élections.
Le comité a pensé que, pour honorer la magistrature, il fallait ne pas l'exposer à l'humiliation de n'être pas choisie pour les places municipales.
M. Démeunier ajoute : Quant aux militaires, je ne vois aucun danger à les admettre. Dans le nouvel ordre de choses, les citoyens n'auront rien à craindre ni à espérer des militaires et il vaut mieux qu'ils viennent se mêler parmi les citoyens et prendre l'esprit de patriotisme et d'administration dans les municipalités.
Il n'y a point de parité entre les collecteurs des impôts directs et indirects : les premiers sont nommés par le fisc et les autres le sont par le peuple ; quant à ceux-là, il n'y a aucun inconvénient à les admettre dans les municipalités.
Je propose de modifier l'article et de dire: les officiers de justice pendant le temps qu'ils seront revêtus de leurs offices.
On demande de toute part à aller aux voix.
Je consulte d'abord l'Assemblée sur la clôture de la discussion. La discussion est fermée.
Je demande la division de l'article.
L'Assemblée décide que l'article ne sera pas divisé.
donne lecture des amendements.
Plusieurs membres demandent la question préalable: elle est mise aux voix et adoptée.
rappelle qu'il a demandé l'ajournement de l'article.
Cette motion est mise aux voix et rejetée.
met aux voix l'article 4 tel qu'il est proposé par le comité de constitution.
L'article est adopté sans modification.
, député de Rouen, fait de la part de la"communauté des cuisiniers, cabaretiers et aubergistes de cette ville l'offre d'un don patriotique de 10,000 livres, en une lettre de change, à l'ordre de M. le président.
, l'un de MM. les secrétaires, lit une lettre de M. de la Luzerne, ministre de la marine, dont voici la teneur :
« Paris, ce
« Monsieur le, président, plusieurs de MM. les membres de l'Assemblée nationale ont daigné me donner hier au soir une marque d'intérêt : ils m'ont fait savoir que, sur la motion d'établir un comité relatif au régime des colonies, M. le marquis de Gouy d'Arsy avait parlé; qu'il avait dirigé contre moi des reproches d'une nature grave et réellement injurieux, quoique vagues par leur objet et étrangers même à la question agitée.
« Dans les circonstances présentes, quiconque a besoin de rendre favorable, ou l'opinion qu'il soutient, ou la cause qu'il défend, cherche à placer, de quelque manière que ce soit, des plaintes contré les ministres du Roi. Je pense que l'administrateur pur et vertueux né peut, ne doit en général opposer à cet artifice ët à la calomnie
qui le poursuit, que sa conduite, sa fermeté et son silence.
« Ce serait néanmoins manquer gravement à soi-même, et attester une négligence coupable de sa réputation, que de ne point s'efforcer de dévoiler la vérité aux représentants mêmes de la nation, quand il leur a été prononcé un discours qui a pu faire impression sur les esprits.
« Je désire, ou que l'on m'entende (je l'ai fait demander dans, une autre occasion, je suis et serai toujours prêt à donner les éclaircissements les plus détaillés), ou, si l'on diffère, que M. le marquis de Gouy d'Arsy soit tenu d'articuler des faits, de produire et de: communiquer les pièces au soutien; et quoique je rie sache pas encore précisément ce . qui a été ou sera avancé contre mon administration, me reposant sur ma seule conscience, j'ose assurer que la réfutation en sera complète.
« L'Assemblée nationale, lorsqu'elle m'a compris, au moi de juillet, dans le nombre des ministres qu'elle invitait le Roi a rappeler près de sa personne, a daigné me donner un témoignage de son estime qui me sera toujours cher et précieux ; je m'engage à le justifier, et à prouver qu'elle n'a honoré de son suffrage qu'un administrateur incapable de trahir son devoir.
« Oserais-je vous prier d'être auprès d'elle l'interprète des sentiments de mon respect et de mon vœu ?
« Je suis avec respect, monsieur le président, votre, etc.
« Signé : La Luzerne. »
demande que, dans sa réponse, M. le président témoigne à M. de la Luzerne que l'Assemblée nationale n'approuve pas les imputations faites sans preuves contre les ministres du Roi.
Je propose d'exiger que celui qui fait la dénonciation soit tenu de déposer sur le bureau l'énoncé des faits avec les preuves à l'appui. Voici ma motion :
« L'Assemblée nationale décrète :
« Que tout député qui fera une dénonciation sera obligé de remettre sur le bureau les preuves signées de ce qu'il avance, et que, dans le cas où il sera convaincu d'être un calomniateur, il sera exclu de l'Assemblée. »
Je vous confirme tout ce que i'ai eu l'honneur de vous dire hier contre M. de la Luzerne. Il s'est trouvé dans mes expressions une dénonciation ou une injure. S'il y avait une injure, l'Assemblée seule aurait pu me rappeler à l'ordre et ce ne serait pas au ministre à lui indiquer la conduite qu'elle doit me faire tenir. S'il n'y a eu qu'une dénonciation, je n'ai pas besoin de l'autorisation ministérielle pour prouver que je n'ai rien avancé dont je n'aie reçu une mission expresse de mes commettants et dont je ne sois en état d'administrer les preuves.
Préjuger par un décret que les députés de la nation peuvent être calomniateurs; leur ôter le pouvoir d'exprimer les vœux, les sentiments de leurs commettants ; décider que l'Assemblée a le droit de prononcer l'exclusion d'un de ses membres, de le flétrir aux yeux de la nation qui lui a donné sa confiance, c'est porter un décret avilissant pour
l'Assemblée, attentoireà sa liberté et contraire aux droits de la nation, qui seule est juge en dernier ressort de la conduite de ses représentants. »
Sans doute un député calomniateur serait plus coupable qu'un autre homme, puisqu'ayant des fonctions plus saintes, puisque étant revêtu d'une inviolabilité sacrée, il aurait abusé de tous les genres de confiance. Mais un de nos décrets commencerait par ces termes : Si un député est calomr niateur, il sera exclu. Voilà certes un étrange si à faire juger par l'Assemblée.,..
Je n'ai jamais entendu parler du ministre de la marine que d'une manière favorable à sa morale' et à son caractère ; mais je déclare q.ue sa sensibilité l'a emporté trop loin, et qu'il parle d'une manière irrespectueuse pour l'Assemblée, lorsqu'il nous représente comme prêts à accueillir toutes les plaintes toutes les imputations contre les ministres. Plus ce sentiment serait condamnable en nous, dont le premier devoir est d'être justes, moins il est permis de nous l'attribuer. Le ministère, considéré, comme un pouvoir abstrait, a trop fait de mal à la France pour que nos défiances soient sitôt guéries, mais les ministres actuels ont plutôt éprouvé une partialité honorable à leur caractère.
Quant à la motion qu'on nous propose, je demande la question préalable; toute formule qui blesserait notre liberté doit être repoussée; à plus forte raison devons-nous rejeter avec horreur le dogme que l'on voudrait établir, de l'inviolabilité des ministres fit de la responsabilité des députés.
, Elevé dans les camps depuis l'âge de douze ans, je n'ai point appris à raire des phrases; mais je sais faire autre chose. L'honneur me dit et m'ordonne de soutenir qu'une dénonciation sans preuves est une injure dont ne doit jamais se servir un député.
Je ne puis ni approuver, ni improuver M. le marquis de Gouy d'Arsy, mais je dois faire observer à l'Assemblée que la lettre du ministre est irrespectueuse.
M. Bouche observe que la question a été jugée relativement à M. Pétion de Villeneuve contre qui une semblable motion avait été faite. Il fut décidé qu'il n'y avait lieu à délibérer.
M. le Président met aux voix la question préalable dans la manière accoutumée. L'épreuve faite deux fois est deux fois douteuse.
On demande l'appel nominal.
D'autres membres demandent .que la séance soit levée attendu l'heure avancée.
M. le Président, du consentement de l'Assemblée, lève la séance à quatre heures.]
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures du matin.
, l'un de
Adresse du corps municipal de la ville deBolbec, présentée par le sieur Gayelier, avocat, l'un de ses membres, député à cet effet, contenant l'expression d'une parfaite adhésion à tous les décrets ae l'Assemblée nationale, la demande d'une Justice royale, et d'une autorisation par un décret de l'usage des mécaniques pour l'encouragement et la prospérité du ebmmerce.
Adresse des principaux habitants et officiers de la garde citoyenne de la ville de Rambervillers en Lorraine, par laquelle ils adhèrent, avec une soumission respectueuse, à tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale, et notamment à celui delà loi martiale; ils demandent les armes nécessaires ^ leur milice, et une Justice royale.
Adresse des officiers municipaux de la ville d'Etampes, dans laquelle ils renouvellent les sentiments de reconnaissance et de dévouement envers l'Assemblée nationale.
Adresse de la commune de la ville de Montau-ban en Bretagne, du même genre; elle demande un chef-lieu ae district et une cour royale,
Adressedu conseil permanent de la ville d'Agde, contenant une adhésion parfaite à tous les décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le Roi, et notamment à celui concernant la contribution patriotique; à l'exemple de plusieurs municipalités de la province de Languedoc, elle improuve la déclaration de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse, et celle du clergé de la même ville.
Adresse de la communauté de Châteauneuf-Mazène en Dauphiné, par laquelle elle adhère, avec une respectueuse reconnaissance, à tous les décrets rendus par l'Assemblée nationale, sanctionnés par le Roi. Elle déclare qu'elle emploiera toutes les forces qui sont en son pouvoir pour les maintenir avec vigueur.
Adresse des citoyens de la ville d'Usspn en Auvergne, du même genre; ils demandent la destruction ae tous les poteaux à carcan, établis par le régime féodal, et en même temps la conservation du Siège royal.
Adresse du même genre de la yille dp Mon treuil-SUr-rMer ; elle annonce qu'elle a reçu tous les décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le Roi, et qu'elle s'est empressée de Jeur donner toute la publicité possible.
Adresse du même genre de la ville de Blois ; elle présente un plan pour l'arrondissement du département dont elle doit être chef-lieu.
Délibération de la communauté de Bizanos en Béarn, par laquelle elle adhère aux arrêtés de l'Assemblée nationale, renonce à ses privilèges, et remercie MM. les députés de Béarn de leur zèle pour la chose publique.
Délibération dé là Communauté d'Artiguelouve en Béarn, par laquelle elle adhère aux décrets de l'Assemblée nationale, et réclame contre les injustices qu'elle prétend avoir reçues au parlement de Pau dans les affaires qu'elle a eu à soutenir contre son seigneur, conseiller dans ce tribunal.
Deux délibérations de la ville de Nay en Béarn, par lesquelles les habitants de cette ville, quoique divisés en deux partis, se réunissent néanmoins pour adhérer aux arrêtés de l'Assemblée nationale.
Adresse de la communauté de la Sablonnière en Brie, contenant Fexpression des sentiments de reconnaissance et de dévouement dont elle est pénétrée envers l'Assemblée nationale; elle fait
un don patriotique de la contribution qui doit être supportée les six derniers mois de cette année, par les ci-devant privilégiés.
Adresse du comité civil et militaire de Ghalais en Saintonge, contenant l'expression de son dévouement respectueux, et son entière adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale; il demande l'établissement d'une Justice royale, et annonce que les habitants de son district ont déjà fait leurs déclarations, relativement à la contribution, et en ont réalisé une partie.
, député de Strasbourg, a annoncé à l'Assemblée que la ville de Strasbourg a arrêté qu'il serait fait une nouvelle avance de 300,000 livres sur les impositions de 1790, dont 100,000 livres payables en décembre, 100,000 livres en janvier, et 100,000 livres en février.
Il ajoute que tous les décrets de l'Assemblée ont été enregistrés, purement et simplement, par le magistrat municipal ; que {a garde nationale Strasbourgeoise a prêté, sous les armes, le serment de fidélité à la nation, à la loi et au Roi, et que toutes les dispositions sont faites pour le recouvrement de la contribution du quart du revenu.
L'Assemblée exprime unanimement sa satisfaction..
, député d Aixen Provence, demande que l'Assemblée ne témoigne pas moins de reconnaissance envers la'communauté de la Sal}|oq-nière. C'est uh petit bourg, peuplé de bonnes gens, d'hommes simples ipéritant toute la considération' de 'la rèpréséiîtàtion nationale. Le don patriotique fait par cette communauté peut devenir trèsrutile, si l'exemple est suivi et se propage. '
L'Assemblée accède à la demande de M. Bouche. M. le président écrira à la ville de Strasbourg et à la communauté de la Sablonnière.
, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis à prendre séance, en remplacement de M. Dourthe, député de Sedan, démissionnaire.
L'ordre du jour appelle la discussion de quelques articles qui ont été omis sur les assemblees tant administratives que nationales et sur les élections.
, au nom du comité de constitution, propose dg décréter les articles suivants :
« Art. 1er. Les assemblées primaires ét les assemblées d'électeurs ne pourront, après lés
élections, faites, ni continuer leur séances, ni les reprendre, jusqu'à l'époque des
élections suivantes.
« Art. 2. L'acte d'élection sera le seul titre des fonctions dés représentante de la nation, la liberté de leurs suffrages ne pouvant être gênée par aucun mandat particulier. Le§ assemblées primaires et celles des électeurs adresseront directement au Corps législatif lés pétitions et instructions qu'elles voudront lui faire parvenir.
« Art. 3. Le nombre des députés à l'Assemblée nationale sera égal au nombre des départements du royaume, multipliés par neuf.
Ces trois articles sont décrétés sans discussion.
Art. 4. Les assemblées des électeurs pourront, s'ils le jugent à propos, nommer des suppléants pour remplacer, en cas de mort ou de démission, les députés à l'Assemblée nationale; ces suppléants pourront être choisis par scrutin de liste.
demande qu'au lieu de pourront ou paette le iftOt devront, afin que les assemblées de département aient toutes une marche uniforme et qu'elles ne soient pas forcées de s'assembler uqe seconde fois.
répond que cette modification aurait pour conséquence qu'on nommerait autant de suppléants que de députés.
(de Saint-Jean-d'4ngely) dit qu'il y a un remède fort simple à cet inconvénient : c'est de décider, dès à presept, que le chiffre des suppléants sera fixé au tiers du nombre des députés.
combat cet avis et pense que chaque député doit avoir son suppléant spécial.
consulte l'Assemblée qui adopte l'amendement dë M. Regnaud et décrète l'article en cés termes :
« Art. 4. Les assemblées des électeurs nommeront dës suppléants pour remplacer, en cas de mort ou de démission, les députés à l'Assemblée nationale. Ces suppléants dont le nombre sera égal au tiers de celui des députés, seront choisis par scrutin de liste double, à la pluralité relative des suffrages. »
donne lecture de l'article 5.
c Art. 5. Les délibérations des assemblées administratives de département sùr des entreprises nouvelles, sur des travaux extraordinaires et sur tous les objets qui intéressent le régime de l'administration générale du royaume, ne pourront être exécutées qu'après avoir reçu l'approbation du Roi. Quant à l'expédition de toutes fies affaires particulières, et de tout cè qui s'exépute en vertu dès délibérations déjà approuvées, cette autorisation pe sera pas nécessaire. »
fait remarquer que l'on a déjà blâmé spr ce point le premjer [-apport du comité ; que les assemblées de département sont soumises au Roi et aux décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le Roi: que des délibérations sur dés entreprises nouvelles portent essentiellement sur des emprunts, sur des impôts, puisque sans emprunts, Sans impôts l'on ne peut faire des entréprises nouvelles. Il demande donc qu'il soit décrété que les délibérations des départements ne seront exécutées qu'en vertu dës décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par ie Roi.
dit qu'il faut distinguer les entreprises nouvelles de celles qui sont relatives au régime du dépàrteméni. Pour les dépérises locales, il ne faut pas l'autorisation du Roi ; mais si l'Assemblée décrète un nouveau chemin, ce décret, une fois sanctionné par le chef de l'Etat, doit être exécuté ; mais c'est au Roi à prononcer sur son exécution. C'est pour cela que le comité propose de décréter que toutes les délibérations pour les entreprises nouvelles atiront besoin de l'autorisation du Roi.
met aux voix l'amendement de M. Rewbell ; il est rejeté.
L'article 5 est adopté dans les termes proposés par le comité de constitution.
donne lecture de l'article 6 ainsi conçu :
« Art. 6. La condition d'éligibilité relative à là contribution dirècte, déclariée nécessaire pour être citoyen actif, électeur ou éligiblé, sera censée remplie par tout citoyen qui, pendant deux ans consécutifs, àurà payé volontairement un tribut civique, égal à la valeur de cette contribution, et qui aura pris rengagement de le continuer. »
Vous avez eu l'intention d'appeler les propriétaires à 1 Assemblée riatiopale ; tous vos décrets sur les conditions ^'éligibilité le prouvent assez. L'article qu'on vous proposé est absolument contraire à cet esprit. ,
Les gens riches payeront pendant deux ans la contribution de quelques malheureux, dont ils achèteront les suffrages.
L'article est évidemment contraire à vos d.éeFets; siçQn, U a grand besoin d'un commentaire.
L'article n'a de rapport qu'à la condition d éligibilité qui consisté dans là contribution djrecte (l'un pn^pc d'argent, il n'attaque pas d'autres décrets ; mais il est absolument inutile : car, l'imposition ne s'établissant que sur la déclaration qu contribuable,celui qu|croira pouvoir payer le marc d'argent exigé, et Qui y trouvera quelque intérêt, fera sa déclaration en conséquence. Je pepse .donc qu'il n'y § pas lieu à délibérer sur cet article. "
L'article est bon : la question préalable n'est pas proposablé. Vous avez préjugé l'article en statuant, au sujet de la contribution patriotique, qqe ceux dont lé revenu né s'élèverait pas à une sommé que vous avez déterminée seraient libres d'y concourir, s'ils le jugeaient convenable. En consultant l'esprit même du dé-crét Aont cet article présente une espèce de modification, bn trouve une forte raison de se déterminer en fayepr de la nouvelle propQsitjon du conjitè. Votre intention/ en exigeant Une contribution d'un marc d'àrgent, a été que les citoyens auxquels les intérêts de l'Etat seraient confiés eussent un revenu suffisant pour être à l'abri du besoin et de la séduction ; assurément, celui qui, sans être propriétaire, pourra payer la somme exigée, sera dans cette position/
Si l'article était admis, il arriverait pour l'Assemblée natipnale ce qui arriva à Toulouse aU sujet du capitoulat. Pour parvenir à cette place, il faut $voir payé pendant cinq ans une imposition personnelle j des étrangers riches se font inscrire sur le rôle des contribuables etvien-pent ensuite occuper des places que les Tpulou-sains seuls devraient remplir.
Vous avez voulu exclure les intrigants, et l'on vous propose aujourd'hui de les appeler. Qui d'ailleurs sera caution de l'engagement de pàyer toujours le tribut civique? L'article qu'on vous présenté est imaginé par votre comité pour donner la facilité d'éluder vos décrets.
Cet article n'a pas pour objet de favoriser les intrigants ; il est établi sur de fortes raisons. C'est par erreur que le cpipité a rendu à
la faculté d'être électeur l'effet qui résulterait du payement d'un tribut civique ; son intention a été de le restreindre à l'avantage d'être éligible. 11 n'a pas prétendu que ce tribut dispenserait des autres conditions exigées par vos décrets ; il a seulement voulu mettre dans la même classe le citoyen qui aurait payé sur le rôle la contribution directe d'un marc d'argent et celui qui aurait fourni un tribut civique équivalent. Serait-il conforme à l'intention que vous avez de régénérer l'esprit public?... (Beaucoup de clameurs s'étaient fait entendre depuis le moment où M. Target avait commencé de parler; elles augmentent au point qu'il ne peut achever d'exposer les raisons du comité.)
On prie M. le président de rappeler à l'ordre et au silence la partie'de l'Assemblée qui se trouve à sa droite.
monte à la tribune ; on refuse de l'écouter.
ne peut parvenir à faire entendre que ces mots : Il serait plus simple et plus juste de supprimer tous les articles qui gênent la liberté des électeurs.
demande la suppression totale du nouvel article.
On presse M., le président de mettre aux voix si le comité sera entendu et pourra faire connaître ses motifs.
Il est inconcevable qu'une partie de l'Assemblée refuse de s'instruire lorsqu'il s'agit de délibérer sur une question aussi importante.
Si vous aviez eu la bonté de m'en-tendre jusqu'à la fin, j'aurais eu l'honneur de présenter un amendement qui détruirait toutes les craintes ; il consiste à dire : « Tout citoyen qui, réunissaiït d'ailleurs dans sa personne toutes les autres conditions d'éligibilité, aura, pendant deux ans consécutifs, etc. »
M. Target est encore interrompu. , On demande vivement la question préalable.
propose de décider s'il y a lieu à délibérer.
On ne peut pas mettre cela en question quand il s'agit d un article proposé prr un comité que l'Assemblée a chargé ae présenter un travail.
Les clameurs qui s'élèvent ne peuvent être considérées comme une réponse ; l'article ayant été discuté, il s'agit de le rejeter ou de l'admettre. Il s'agit, si vous voulez donner de la dignité à votre constitution et prévenir la cabale, l'intrigue et l'erreur, d'accueillir un article qui augmentera le patriotisme.,,.. (Murmures.) Je demande si l'interruption que j'éprouve au mot de patriotisme veut dire qu'il ne faut pas que la constitution l'inspire? Je demande s'il ne doit pas être permis à un citoyen de se soumettre à un tribut civique ? S'il le paye, il aurait pu le payer s'il y avait été imposé, vous réparez donc une erreur ; vous faites sentir à un homme qu'il est assez riche pour être bon citoyen; vous ennoblissez cette éligibilité... Vous auriez peut-être raison s'il ne fallait payer ce tribut qu'une fois ; mais l'article exige qu'il l'ait été deux ans avant l'élection, et qu'ensuite il le soit toujours. C'est d'une part recevoir la
soumission d'un citoyen de fournir un marc d'argent aux dépenses communes de la société ; c'est d'Un autre côté prévenir un abus bien facile et bien odieux. Un collecteur pourrait, par des motifs de haine ou de vengeance, n'imposer qu'à 53 livres un homme dans le cas de supporter une contribution plus considérable, afin de l'exclure ainsi du droit le plus cher à tout bon citoyen.
Ces considérations ne sont-elles donc pas assez puissantes? On objecte l'intérêt des propriétaires; mais ils conserveront tous les avantages que vous leur avez accordés ; mais le citoyen qui payera un tribut civique, étant soumis à toutes les autres conditions d'éligibilité, sera toujours obligé de posséder une propriété.
La question préalable est d'autant mieux placée, qu'aux termes du règlement, l'article sur lequel elle est demandée n'aurait pas même dû être présenté : il attaque vos décrets. Quant aux raisons offertes par le préopinant, elles ont déjà été dites dans la salle de l'archevêché ; elles ont alors cédé aux motifs sages qui vous ont déterminé à exiger la contribution du marc d'argent.
Si nous devons nous prémunir contre les intrigants, nous devons aussi des égards aux fils de famille ; je demande que l'article proposé soit adopté à leur égard.
Il est incroyable que les décisions les plus importantes soient étouffées par des murmures, ou enlevées par des questions préalables.On a jusqu'à présent envisagé le tribut civique sous le rapport de la corruption et non sous celui du patriotisme.
(L'opinant est interrompu ; on demande à grands cris la question préalable. M. le chevalier de Lameth presse M. le président d'employer l'autorité qui lui est confiée pour ramener à l'ordre une partie de l'Assemblée.)
continue. J'observe d'abord que la question préalable a été primitive^ ment demandée sur l'article tel qùe le comité l'avait présenté, et que, cet article étant amendé et changé, la même demande ne peut le concerner. J'ajoute ensuite que, quand une matière est importante, on ne peut jamais dire qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
M. Cazalès a fait une observation inexacte : l'article proposé ne détruit aucun de vos décréts ; il est conforme à celui du marc d'argent, puisque dans l'un et dans l'autre vous exigez la même contribution ; ici elle est volontaire, là elle est forcée ; je demande si le citoyen qui, réunissant toutes les autres qualités d'éligibilité, vient volontairement. au secours de l'Etat, n'a pas un droit égal à celui qui contribue forcément : voilà le point unique de la question.
Je suis du même avis que le préopinant sur la question préalable; mais je dis que i'article est contraire à vos décrets, qu'on n'a pas besoin d'encouragement pour subvenir aux besoins de l'Etat, et que si le patriotisme d'un homme a un objet intentionnel, nous devons nous défier de sa personne et de son tribut civique.
le jeune. Une contribution directe n'est pas une contribution territoriale ; elle n'est pas même une contribution forcée. Un citoyen actif doit concourir aux dépenses de la société ;
qu'il y concourre par le moyen de ses revenus fonciers ou parle produit de son industrie, il n'en est pas moins utile à la chose publique. Les propriétaires n'ont donc nul avantage sur le citoyen qui remplit les mêmes devoirs qu'eux. Si l'article qu'on vous propose n'est pas décrété, les trois quarts des Français que nous représentons sont expressément privés des avantages les plus précieux de la société. La nation elle-même n'a pas le droit d'exclure un citoyen...
(L'opinant est interrompu et ne peut achever son discours. Après de longues rumeurs, M. le comte de Mirabeau monte à la tribune; il est longtemps sans pouvoir se faire entendre ; à la tin sa voix s'élève au-dessus des clameurs.)
On n'a pas attaqué l'article dans le sens le plus favorable à l'opinion de ceux qui veulent le voir rejeter. La grande objection qui se présente au premier coup d'œil est que vous donneriez à la richesse la plus grande influence en facilitant la corruption. Cette objection doit se considérer sous trois rapports :
1° Je demande s'il est vrai que l'on puisse corrompre pour tel fait deux ans d'avance. Celui qui corrompt fait une mauvaise action ; celui qui est corrompu se rend coupable d'une trahison dont le prix ne se livrera pas deux ans d'avance.
2° On ne serait pas très-avancé d'avoir corrompu pour être éligible.
3° Enfin, si quelqu'un avait la manie de corrompre pour être éligible, vous ne pourriez pas empêcher l'effet de cette manie, car il lui suffirait de faire une fausse déclaration de son bien.
Messieurs, il y a ici beaucoup de personnes trompées sur leurs propres sentiments; ii faut dire aux gentilshommes : Ce sont vos enfants que l'article appelle; aux prêtres : C'est un moyen de servir la patrie que l'article vous réserve...
L'article, depuis qu'il est amendé, n'est en contradiction avec aucun des articles précédents, comme on vous l'a prouvé irrévocablement. Il est utile sans être dangereux : soit dans son influence politique, puisqu'il n'est question que de son éligibilité; soit dans son influence morale, puisqu'il lie présente qu'un moyen pur de porter au patriotisme*; soit dans l'espèce d'influence qui se rapporte à vous-mêmes, puisqu'il intéresse et vous et les vôtres.
Je ne puis concevoir la défaveur de cet article, et je la concevrais, que je ne pourrais concevoir encore comment les délibérations peuvent impunément devenir si tumultueuses.
On relit l'article amendé, corrigé et conçu en ces termes :
« La condition d'éligibilité, relative à la contribution directe, déclarée nécessaire pour être éligible, sera censée remplie par tout citoyen qui, réunissant d'ailleurs toutes les autres conditions exigées, aura, pendant deux ans consécutifs, payé volontairement un tribut civique égal à la valeur de cette contribution, et qui aura pris l'engagement de le continuer.
propose pour amendement de mettre 5 ans au lieu de 2 ans.
(de Bigorre) demande qu'on ajoute à la fin de l'article « fourni caution ».
demande si l'Assemblée, après avoir supprimé les offices de judicature, veut vendre l'éligibilité?
Ne craindriez-
vous pas, en adoptant l'article, que les étrangers n'y trouvassent le moyen d'influer dans notre gouvernement? J'appuie cette considération sur des faits; je cite l'exemple de cette diète de Suède, qui était divisée en deux partis appelés les chapeaux et les bonnets, la France payait les uns et la Russie les autres, etc.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements.
L'article est mis au voix.
prononce que la majorité est pour qu'il soit rejeté. ,
Une grande partie de l'Assemblée prétend qu'il y a du doute.
Cette question est une des plus importantes qui puissent se présenter dans l'établissement d'une constitution qui triomphera sans doute des obstacles qu'on y apporte. Je demande l'appel nominal.
le propose : une partie de l'Assemblée s'y refuse.
Quelques membres sont déjà sortis ; ce n'est plus le moment de faire l'appel nominal. Pourquoi n'a-t-on pas réclamé contre le décret avant qu'il fût prononcé? Quand nous nous opposons à un article dangereux, on ne peut nous accuser de porter obstacle à la constitution, puisque nous remplissons le devoir qui nous est imposé par nos commettants.
Une partie de l'Assemblée s'oppose fortement à l'appel nominal.
invoque le règlement ; il est interrrompu par de nouvelles clameurs.
dit que ceux-là seuls peuvent refuser l'appel nominal qui s'opposent à la constitution, à la liberté d.es séances, et qui veulent la dissolution de l'Assemblée.
L'Assemblée se fatigue depuis une heure pour décider une question qui ne peut rester indécise : le doute porte sur un fait, et ne peut être reconnu que par un fait : on pourrait donc poser ainsi la question : Y a-t-il, n'y a-t-il pas de doute?
Il n'y a pas de manière plus sûre poui* lever le doute que l'appel nominal ; il n'est pas un de nous qui ne fût désespéré si un des décrets de l'Assemblée pouvait paraître illégal ; toute autre proposition que l'appel nominal est insidieuse.
convient que l'appel nominal est, de toutes les manières d'éclaircir le doute, la plus naturelle.
Après de longues et tumultueuses oppositions, on y procède enfin.
Un de M. les secrétaires annonce que l'article est rejeté, à la majorité de 439 voix contre 428.
lève la séance et indique celle du soir pour 7 heures.
Séance du
, nommés le 3 novembre pour inspecter le travail des commis, font un rapport sur la réforme $es bureaux. Ils présentent l'état des appointements par eux faits pour le mois de novembre et les mois suivants tant pour les commis que pour les huissiers et garçons de bureau. Ils demandent qu'on les autorisé àfairê arrêter cet état par M? le président. La dépense s'élève à 7,730 francs par mois.
L'Assemblée adopte ces propositions.
L'ordre du jour appelle là strâte de la discussion de la motion de M. de Curt tendant à la formation d'un comité des colonies.
Un d,e MM. les secrétaires donne lecture d'une requête dè 77 habitants èt propriétaires dans les colonies dii Vent ét SoUs-le-5 Vent,' résidant à Bordeaux. Ils supplient l'Assemblée dé reiidre un décret portant qu'ëllé ne s'est poinl; oc'cupëe du régime des eéclàvès aux cbloniés et qu'elle entend que les lois qui les concerfiep't continuent à recevoir leur, pleine et entière exécUtién. ' ' Cette adresse excite! de viVës iréCiamations.
, député de la Martinique, fait remarquer que l'adresse n'est signée que par un seul colon (Je cette île. Il ajoute cfuq |es dé-sbrdres qui se sont produits à là Martinique ont été très-exagérés.
3e demande que l'orateur atteste par écrit ce qu'il Vient de laisser enténdre. Les nouvelles de la Martinique présentent au contraire les faits comme ayant une extrême gravité.
Plusieurs membres demandent qUe la requête soit renvoyée au comité des rapports. !
L'Assemblée consultée prononcé le renvoi.
On lit urië secôildè lettré de M. le comte de là Luzerne, ministre de la màrinè, à M. lé président de l'Assemblée natioqale:
« Paris, ce
«Monsieur le président, j'ajappris ayeç le regret le plus vrai que plusieurs de MM. les mémbfeS dé l'Assemblée nationale avaient témoigne quelqUe mécontentement d'une phrase de la lettre que j ai eu i'hopneqr 4é vous adresser hier. J
« Mon intention à été puke. Il ne me paraît pas même que le seu§ de ipeç expressifiRs puisse être douteux ; peut-être n a-t-il pap-Mp jsaisi à une lecture rapide.
« J'ai exposé que 4anS les circonstances présentes beaucoUp dé particuliers, qui né
tiennent nullement à l'Assemblée nationale, pour se concilier l'intérêt public, dissehunérit
chaque jour contre les ministres du Roi des Inculpations même absolument étrangères à
l'affaire discutée dans leurs mémoires. J'ai ajouté que les administra-
« J'ai distingué soigneusement, au contraire, et mis en opposition les reprçcnes faits aux qii-nistres dans 1 Assemblée nationale par l'un ,de MM. les députés. l'ai dit qu'il était du devoir des administrateurs de se lever aussitôt, et de ne pas perdre un moment à offrir toutes les explications tous les éclaircissepàénts, toptes les preuves,
« Ma conduite atteste ce que j'ai pensé, et je suis d'ailleurs persuadé, Monsieur Je président, que vous-même, en relisant ma lettre, et pesant les teripes, n'aure? à cet égard aucun doute- }i n'est pas possible de présupaer que j'ai voulu manquer à la déférence, au respect dus à l'Assembleé na-tiqualq.
" « Mais j'ai osé, j'ose encore jpvoquer sa justice sur les reproches mérfies qui m'ont été faits, demander à être entendu, requérir qqe des faits Certains soient allégués, que des pièces probantes soient déposées au moment même de la dénonciation ; tout citoyen obtiendra ce que je désire. Il est aussi équitable, et beaucoup plus important, que la réputation d'un painistrepe soft ifojpt ter? pie, que la çqnliance publique ne lui soit point enlevée à dessein par des imputations solennelles mais tellement vagues qu'on pe peut ni les combattre ni même soupçonner quel foqdeqient elles ont.
« Dajgn^ §oumettre à l'Assemblée nationale les considérations que je vous présente, lorsqu'elle s'occupera de cette affaire.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : La LUZERNE. »
renouvelle la motion faite p^r lui dans la séance d'hier.
Un grand nombre dç membres : L'ordre du jour!
consulte l'Assemblée et la
discussion relative au comité co\on,ial est reprise.
prend la parole au milieu des cris et du tumulte. Pour forcer ses adversaires politiques à l'entendre, il s'écrie :
Il n'y a qije les personne? intéressées à ne pas entepdre la cause des geqs de couleur qui excitent ce trouble ; mais l'acharnement qpe l'on y met est un argument invincible de la bonté de ma cause. S'il est dans les colonies des citoyens qui ont des griefs à redresser, des observations» à faire, une constitution à demander; si ces citoyens ont toutes les qualités que vous exigez pp^r être citoyen actif, et que cependant ils ne soient pas représentés, a coup sur ils ont droit d'attendre de votre justice qu ils soient admis à la représentation. Or, Messieurs, les citoyens dp coqleur sont dans ce cas-là : vqus rie pouvez donc pas former un Comité colonial sans avoir préalablement décidé l'affaire des gens de couleur. Je conclus qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur la formation d'un comité colonial, jusqu'à ce qu'on ait procédé à l'affaire des gens de cou-léUr. En attendant, je me contente de gémir sur leur sort.
répond àû préppfna!nt qtiè,lé but d'un comité colonial étant de préparer les matériaux qui doivent servir % former une cpqsjitutioq, il
n'y a que de l'avantage et nul inconvénient | le créer ; que l'on a assez de connaissances pur Je commerce et les forces dès colonies, pour tracer un premir aperçu des iois qui pourront leur |B propres, etc.
milite encore contre la formation d'un comité et demande que l'Assemblée pe décide rien relativement à la constitution des colonies, tant que ces colonies n'auront pas exprimé légalement leurs vœux et leurs doléances
, député de Renfles, ne veut point d'un comité distinct pour les colonies. Il propose d'attribuer la connaissance dps affaires coloniales au comité d'agriculture et du commerce en y admettant cinq coloris.
Messieurs, on nous appelle aujourd'hui à npus occuper d,es colonies, mais on ne nous parle qpp dés Antilles : ou ne dit rien ni de Sainte-Lucie, ni 4e Tabagq, places importantes par leur position, ni de nps possessions dans leg Indes. Notre sollicitude doit s'étendre sur tous'les peuples qui appartiennent à l'empire français, mais quelle doit être la constitution de nos colonies? Elle ne doit pas être la même Que celle de la métropole.
Connaissez-vous le régime de ces climats éloignés de deux mille lieues et sur ia situation politique desquels vpus n'ayez que des rapports contradictoires ? Est-cp quand les cplonjps sont dans la plus grande fermentation, que vpus pouvez vous occuper de leurs lois ? yons voudrez sans doute établir' une constitution unifornie pour tontes lp,s colonies d'un même Climat ; mais vous n'avez ici que les députés de Saint-Domingue, de la Martinique et delà Guadeloupe, Tabàgo, Sainte-Lucie! et vos autres ||ps n'ont pas dé représentants." Vos établissements de l'île Bourbon et de l'Ile de France savpnt à peine que' yous formez une constitution ; d'ailleurs une grande partie des habitants propriétaires n'a pas concouru à la représentation. Si vos décrets ont accueilli les députations des villps, c'est parcp que les oppositions étaient informes pt illégales.
J'ai dit que la constitution des colppies pe pouvait pas être la même que celle de là métro--pole. Tous les peuples df l'Europe, tant ancipns que modernes, ont suivi constamment pé principe. Il suffit d'ouvrir les apnales des Grecs et des Romains pour s'en convaincre.
Quoiqu'il en puisse être de l'insurrectipn 4e la Martinique, qu'elle soit exagérée de trois quarts, soit : mais ce quart suffit pour nous déterminer à employer tous les moyens que la sagesse nous suggerera pour donner l'prdre et la tranquillité à ce pays éloigné. À cptje considération générale se joint la probabilité. Qui de nous peut calculer, à 1,500 jieues du pays, les progrès que l'erreur peut y faire et si une étincelle n'y a pas produit un incendie ? Je conclus sur ce rapport à ce que lè président se retire par-devers lé Roi pour Je prier de concerter avec l'assemblée coloniale, aux fins de maintenir dans la colonie la paix et la tranquillité.
La source du mal vient de ce que nos ministres ont voulu diriger le commerce colonial au lieu de l'encourager.
Quelles seraient dpnp» Messieurs, les fonctions du comité colonial dont on vous demande la création? Il ne pourrait être qu'un comité d'in-. struction ou de législation. Sous Te premier rapport, ce comité est inutile puisque vous avez
déjà des comités propres (t recevoir les lumières (jU On leur donnera et pour l'agriculture et pour le commerce. Sous le second rapport toUt est à faire et ce comité n'a pas Igs renseignements nécessaires ipOUr prprionifer avec connaissance de causer
Des nommes sopt esclayes dans les lle^j la terre même y est frappée d'esclavage, elle est condamnée à ne produire que tel ou tël fruit, au gré des agents du pouvoir exécutif; la volonté des ministres y supplée souvent les lois ; nous devons réparer leurs erreurs au lieu d'y pn ajouter de nouvelles.
On vous a présenté le tableau effrayant des abus que le génie de Colbert ne put parvenir à réformer ; ils existent depuis cé grand homme ; ils se sont propagés jusqu'à ce siècle de lumière. Croyez-vous donc en un .moment pouvoir anéantir ces abus?
Quelque urgente qu'en soit la réforme, les biens de la cqnsfitutipn ne peuvent être balancés par la précipitation dé la réformé elle-même. Tous les objets sur lesquels vous aurez à statuer sont de la dernière importance et demandent la plus mûre réflexion. VoUs aurez à régler les limites de Saint-Domingue, à statuer sur l'impôt, et à pèsér cè qui peut Convenir de notre constitution à celle de nos colonies. Tous ces objets demandent que nos cojppips légalement assemblées, comice l'est probablement en ce moment l'Ile de ^aint-Domingue, aient exprimé par dés cahiers leurs vœux pt leurs doléances-
|e Conclus donc qu'il n'y a pas lieu dp délibérer, quant à présent, spr la formation d'un cpmité colonial.
Je pense qu'il y a lipU de décider l'organisation du comité colonial qu'on nous propose, J'ajoute qu'il n'est pas juste de s'écarj;er vis-à-vis des gpns de couleur des principes de liberté innés pnez tous les hommes ; je pensé» néanmoins? qu'il n'est pas possible de faire jouir brusquempm les esclaves de nos îles des bienfaits de la cpnstitution française ; il faqt attendre et mûrir cette révolution, sans quoi U s'ensuivrait les plus grands maux et pour les colonies ét par contre-coup pouç la France*
M. l'abbé Maury vient dé nous dire que tout le génie de Colbert avait sqccombé dans la rôfprmation des abus; l'expérience a déjà prouvé que l'Assemblée nationale pouvait entreprendre pt mener à bien des entreprises daps lesquelles Un seul homme avait succombé. Je conclus, en conséquence, à la formation du comité cpjonial.
On demande la clôture dé la discussion,
ka clôture est mise aux, voix pt prononcée. .
Plusieurs membres réclament la question préalable sur les amendements proposés^
dit qu'avant de mettre aux voix les amendements qq; portent sur la composition dn comité, il convient dp décider d'abord s'ily pu aura un. Il propose dp poser la question en ces termes :
Y aura-t-il utt comité, oui ou non ?
propose d'ajouter ; quant à présent.
Cette addition est admise.
consulte l'Assemblée, qui
décide que le comité • colonial ne sera pas établi quant à présent.
donne connaissance du recensement du scrutin pour la nomination des commissaires chargés de surveiller l'envoi des décrets de l'Assemblée nationale.
Ont été élus :
MM. Fréteau de Saint-Just. Le Chapelier. Malouet.
Alexandre de Lameth.
lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour 9 heures du matin.
Séance du
donne des procès-verbaux des séances d'hier et des adresses suivantes.
Adresse de la commune de la ville de Saint-Sever en Gascogne, contenant félicitations, remercîments, et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, notamment à celui concernant la disposition des Biens ecclésiastiques ; elle exprime ses regrets de n'avoir pas encore reçu, comme lois constitutionnelles et irrévocables, les arrêtés du 4 août. Elle joint à son adresse un procès-verbal des officiers municipaux, qui ont arrêté une vente de bois très-considérable faite par les religieux bénédictins de la même ville, au mépris des décrets de l'Assemblée : ils ont mis sous bonne et sûre garde les arbres déjà coupés, et qui n'avaient point été enlevés.
Adresse du même genre des représentants des communes de la ville d'Audierne en Bretagne, et des paroisses d'Esquibien, Gléden, Primelin, Goulien et Plogoff, réunis en comité; ils demandent l'établissement d'uu collège de marine, et d'un corps politique et administratif, sous le titre de municipalité, dans ladite ville d'Audierne.
Adresse du même genre de la communé de la ville de Reims; elle jure une attachement respectueux et inviolable au Roi et à l'Assemblée nationale.
Adresse du même genre de la ville de Bagnères, sénéchaussée deBigorre; elle se plaint de n'avoir pas reçu tous les décrets de l'Assemblée sanctionnés par le Roi.
Adresse des religieuses de Charmes, 4ui réclament avec instance leur conservation.
Adresse de la ville d'Ambérieu en Bugey, qui exprime les sentiments de reconnaissance et de dévouement dont elle est pénétrée pour l'Assemblée nationale ; elle demande d'être un chef-lieu de district.
Adresse de félicitations et remercîments de la ville de Libourne.
Adresse du comité permanent de la ville de
Délibération de la commune du Bosdarros en Béarn, contenant une adhésion formelle à tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale, la renonciation à tous ses privilèges particuliers, et la demande de l'établissement d'une assemblée provinciale et d'une Cour suprême dans la ville de Pau.
Adresse du même genre des habitants delà ville de Nontron en Périgord; elle demande à être le chef-lieu d'un district, et le siège d'une Justice royale.
Adresse du même genre de la ville de Carentan en Normandie ; elle demande une Cour suprême.
Adresse des électeurs de la Viguerie d'Anduze en Languedoc, qui réitèrent à l'Assemblée nationale les témoignages de leur entier dévouement pour l'exécution de ses décrets ; ils s'élèvent avec force contre la déclaration de la noblesse de Toulouse.
Adresse du même genre de la commune de Dijon ; elle fait une peinture frappante de son extrême détresse, et supplie d'Assemblée de solliciter auprès de Sa Majesté le payement de ses rentes échues.
Adresse du même genre des officiers municipaux de la côte Saint-André en Dauphiné ; ils supplient l'Assemblée de fixer un délai pendant lequel tous les fugitifs français seront tenus de rentrer dans le royaume et d'accorder à leur ville une assemblée de district et une Justice royale.
Adresse de M. Collmel de Coubt, capitaine commandant au régiment Royal-Liégeois,j.qui offre le travail en manuscrit de son aïeul paternel sur les domaines de la Lorraine.
Adresse du sieur Hubault, marchand confiseur à Paris, qui fait l'offre du buste du docteur Quemay, et de plus, offre à MM. les députés une diminution du quart du prix courant des marchandises de sa fabrique pour le temps de la nouvelle année.
, député suppléant d'An-nonay, est admis en remplacement de M. Dodde, curé de Saint-Péray, ses pouvoirs ayant été vérifiés.
On fait lecture de la lettre suivante de M. le garde des sceaux, qui annonce la sanction donnée par le Roi aux clécrets de l'Assemblée, dont l'état suit.
M. le garde des sceaux s'empresse d'informer M. le président de l'Assemblée que le Roi a donné sa sanction :
1° Au décret du 16 novembre, présenté le 30 à Sa Majesté, concernant les provisions d'offices de judlcature ; r'
2° Au décret du 27 novèmbre, présenté au Roi le 30, et dont l'objet est de prohiber les étrennes, gratifications, vins de ville, etc., à tous les agents de l'administration, et à tous ceux qui, en chef ou en sous-ordre, exercent quelque fonction publique ; - ' . .
3° Au décret du 28 novembre, présenté au Roi le 30 du même mois, et qui règle'la manière d'imposer les biens des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de 1789, et pour l'année 1790;
4° Au décret du 30 novembre, présenté au
Roi le premier décembre, et qui, entre autres dispositions, rappelle dans l'île de Corse tous ceux qui s'étaient expatriés sans être coupables d'aucun délit déterminé par la loi.
M. le président est prié de vouloir bien informer l'Assemblée que les décrets sanctionnés par le Roi, et tous ceux dont Sa Majesté a ordonné la publication,ont été envoyés en Corse aussi exactement qu'en aucune autre province du Royaume.
La preuve de cette vérité se trouve dans l'état ci-joint, que M. le président est prié de vouloir bien communiquer à l'Assemblée.
Signé : CHAMPION DE GlCÉ, archevêque de Bordeaux.
Il a de même été rendu compte des décrets qui ont été envoyés en Corse par le ministre de ce département, savoir :
Déclaration du Roi du 27 septembre, sur les décrets de l'Assemblée nationale, qui ordonnent la libre circulation dès grains, envoyée le 4 octobre, enregistrée le 26.
Loi portant réformation de quelques points de la jurisprudence criminelle, envoyée le 21 octobre, enregistrée le 13 novembre.
Loi sur le prêt à intérêt, envoyée le 21 octobre, enregistrée le 13 novembre.
Loi martiale, envoyée le 28 octobre, enregistrée le 12 novembre.
Nouvelle loi prononçant les peines qu'encourront ceux qui s'opposent à la libre circulation des grains, envoyée le 28 octobre,- enregistrée le 14 novembre. _
État des lois envoyées au Conseil supérieur de
Corse dans le cours de novembre, et dont les
accusés de réception et d'enregistrement n'ont
pas encore pu parvenir en France.
Lettres patentes concernant la vacance des parlements, envoyées le 3 novembre.
Loi portant que l'émission des vœux sera suspendue, envoyée le 6 novembre.
Loi concernant l'enregistrement et publication des lois par les tribunaux, les municipalités et corps administratifs, envoyée le 13 novembre.
Loi qui porte que les suppléants seront nommés dans une assemblée générale, sans aucune distinction d'ordres, envoyée Je 13 novembre.
Lettres patentes contenant la réunion des décrets de l'Assemblée antérieure au 4 novembre, envoyées le 15 novembre.
Loi concernant la déclaration à faire par les bénéficiers, des revenus et charges de leurs bénéfices, envoyée le 22 novembre.
Loi sur la saisie et confiscation des grains, en cas de contravention aux formes établies, envoyée le 1er décembre.
Loi portant qu'il sera sursis à la nomination à tous les bénéfices ecclésiastiques non cures, en-vovée le 1er décembre.
Envoi des différents décrets de VAssemblée à l'intendant, au commandant.
Proclamation des décrets du 4 août et des jours suivants, envoyée le 22 septembre à l'intendant, qui a accusé la réception le .même jour au comte de Barrin, qui n'a pas répondu.
Arrêt qui sanctionne les décrets de l'Assemblée
sur la libre circulation des grains, envoyé le 25 septembre à l'intendant et au commandant, qui ont accusé réception.
Décret concernant l'argenterie des églises, envoyé le 4 octobre aux évêqueS de Corse, qui ont accusé réception.
Loi sur la réforme de la procédure criminelle, envoyée le 1er novembre à l'intendant, pour la faire parvenir aux municipalités. Il a accusé réception.
Proclamation sur un décret du 15 octobre relatif à la nomination des suppléants, envoyée le 1er novembre aux sièges royaux, qui n'ont pas répondu ;
Le même jour à l'intendant, pour faire parvenir aux municipalités.
Proclamation sur un décret qui porte que nulle convocation d'assemblée par ordres n'aura ilieu ï dans le royaume, envoyée le 10P novembre aux sièges royaux : pas de réponse ;
A l'intendant, pour faire parvenir aux municipalités.
Proclamation sur un décret qui surseoit à toute convocation de provinces et Etats, envoyée le 1er novembre aux sièges royaux : pas de ré-^ ponse;
A l'intendant, pour faire remettre aux municipalités.
Lettres-patentes qui suspendent l'émission des vœux, envoyées le 7 novembre à l'intendant.
Le même jour, à la commission intermédiaire des Etats : elle n'a pas répondu.
Loi martiale envoyée le 12 novembre à l'intendant. .
Le 13, au commandant.-
Nouveau décret sur la libre circulation des grains, envoyé le 12 novembre à l'intendant ;
Le 14, à la commission intermédiaire.
Lettres-patentes sur l'enregistrement et publication des lois par les tribunaux et corps administratifs, envoyées le 13 novembre à l'intendant;
Le même jour, à la commission intermédiaire.
Décret sur la nomination des suppléants, envoyé le 13 novembre à l'intendant;
Le même jour, à la commission intermédiaire.
Lettres patentes contenant la réunion des décrets de l'Assemblée, jusqu'au 4 novembre, envoyées le 15 novembre à l'intendant ;
Le même jour, à la commission intermédiaire ;
Le 17 novembre au commandant.
Décret qui ordonne que les bénéficiers donneront déclaration de leurs revenus, envoyé le 22 à l'intendant ;
Le même jour, à la commission intermédiaire.
Décret qui ordonne qu'il sera sursis à la nomination des bénéfices non cures, envoyé le premier décembre à l'intendant ;
Le même jour, à la commission intermédiaire.
Décret sur la confiscation des grains et farines, envoyé le premier décembre à l'intendant et à la commission intermédiaire.
Signé : CHAMPION DE ClGÉ, archevêque de Bordeaux.
demande la permission de s'absenter momentanément. Cette permission est accordée.
, au nom du comité des rapports, demande à entretenir un instant l'Assemblée de la question des grains. Il fait une peinture touchante des misères qui régnent à Lyon, place si intéressante par sa population et ses manufactures. Des
cqmjjfDis faMà ët afïfëux gfctrt bliKlis pâtir IbtëF— cëptër lég grain^ qtt'elië icftëiè ; éllë éSt exposée à chaque instant à mantfttêï4 dejSub&iàfànCe. Sedan, Rétuel-Mazàriii, Reims, §e trdUvëhtë^pdèés cLttk tHêtttes M meurt'; îës uiis Së plâifhërtt tiëg accapareurs. intérieurs ; les ail 1res tii^etlt qu'au P^ f'i^eâlblëë riàUèrtàlè bn cdritintie tbUfcrptà d'eipbftér les grains ae Frâtfce. tëiîë ëst la iaéîlitë àttatméë à Vos détrëb; dît-il, que ceux qui devraient les soutenir son^ L^ Premiers % M ëplïèiridf'é ; la Ibi .i^aHiàlè ë'gfc cdn-fîëe âtti inaiîié iië tëiix ïfti'éîfè,défait ïrajb^ëh Le ëBmité propoW dë fô&éfiiël' rti ihaf par l'adoption des articles suivants ;
Irr. Ier. Quicërfrquèf £ërâ prié ttU di-
sant exporter des grains ppë$ l'étràtigér, séh purli dë mort.
Art. Qtiicbtiqiié éëra cBflvairidti d'âVoir Étfrêté où fait afrëtëf' lës gfâinèi èt ëmjjèèhë la circlilà-tipn dans l'intérieur dîi tôtattme. sera puîii dë peihes affiictivës plUS du ffioiné graiidés', Sûivânt les circonstances. .
Art. Il sërâ fait dêfëfisë â tôUtëS municipalités cOmitél de preridrë aucuné dëlibératidtt, faire âucùn arrêté sûr là ëîrculàtidlï dti eibor-tation des grains, contraires aux décrets de l'Assemblée, soùë pémè, cdntf-e les nwlfiBreS qùi les auront signés, d'interdiction perpétuelle de tdUteS fodctléliiS pubîiàues du SOUS plus grâfidë jbeine, si leijrs arrêtés avâiëfit été Suivis d'exécution.
Art. 4. One lë TO Sdit aussitôt porté à la sançtion, et de sUité_ envoyé à toutes lès municipalités et bourgs du royaume, pour f être lu. publié, enregistré, et exécuté suivant sa forme ët teneur..
L'AsseMbléê rehiroie la discussion dU décret à l'heutë dë dëiik hëtihéS.
, dépité d'Àlsacè, rend cdttipte d'Une délibératidtt dès COttiitiUnàtiiéS réunies* de Bëlld-Magtiy, Hëckën, Slembërg, Fulkvilu, ËroChbmdUt, Bréttëïi, Hdmbaçh-lë-Hàul, HambaCn-Ie^Bâs, Sai-venatë ët Ètëimbes, qui àdhèfëftt âUx débl-ëtà de l'Assemblée natidflàfè, offrent Un doii patriotique dé; 560 livret argent cdtttjitàrlt, et proposent, ijidé-pendamment dé leur contribution dti quart de leUf rëvenu, qu'ils regardent cdtiiWg légère ën comparaison që ce que leur, aUrâit; éoûté fâH-ciefitiê administration, dé fâirë, pëiidânt irdis âns, la moitié du ti$v£il dé$ dô'rViës ën fiaturë, gratuitement, sans diminution du prix qu'elles ont cbu-tÛme de potir fcet impôt ën àrgëtft. Toiitës les expressions de la^éUbgrajion çj,e ces ëotnmii-nautés ne rê.st)ii*ânt qtië lë plus pur patt*idtls|tïe.
L'AssçmBîéô charge M: le priéidettf dë îèiir écrire et fie leur témoigner sa satisfaction.
, d'Abbe'éô'urt, dëWâftde
à présenter un plâti éifêrHprUàt viager, soUs la rëspôrièàbïin'é aés bîébê é'ëçlèsifàHqitèê.
L'Assemblée y consent, én àttëndafit ï[iië res commissaires chargés d'examiner les opérations de la Caisse d'escompte soient prêts à faire leur rapport.
, député de Paris- abbé d'Ab-becùUrt (1). Messieurs* lorsque vous avez décrété que la
disposition des biens du clergé appartenu à la nation,! vous n'avez eu en vue que de vous
mëttrè a jfQrtëë dé corriger lës âbtis introduits dâûé l'administration de ces biens, de leur
Yous n'atêz encore que déterminé le principe qui, sagement dirigé, peut devenir fécond en heureux résultats. Permettez-moi de voUs en présenter quelques développements dans un plan* incomplet, il est vrai, à bien des égards, mais (}Ui, perfectionné pâr vos lumièrëé, pourra voUs faire atteindre lë but qUë vous vous êtes proposé, S
Les ftritidlpàles caUsëé qui s'opposaient à pe que le clëfgé, àvec les biëns qu'il possédait, ne fût aussi utile à l'Etat qu'il pouvait l'être, étaient sans, doute ;
L'espèce d'isôiêniëni ai| fêste^dë là ftatipn. dâns lé sein de laquelle il rdrmàit iiû ordré aistincf et privilégié ;
Jjeèjpéb^Iâifèl' dont li.jb'dilsâit ; La distribution inégale dë Ses revenus parmi ses propres mëmbtës, dont unë pahiè des plus utiles gémissait dans l'indigence j .
L'inutilité, dp certains benéficës qui, comblant dë richesses les titulaire^ he leur imposaient cependant aucune obligation effective j
Enfin, fiëâûcdiip aë inàisbns réiigiëùâes qui, avec de riches domain^, fié présëntài^it d'âpirê utilité qUé dë fiourrlr dës individus mii. àiiràiënt pu concourir efficacement ^.U piph^punlic, et seu-îàgër leurs concitoyens d'unè pàrtië du fameau qui les accablait. Vous âféz déjà réformé èërïâihs dë cési âbus. Le clergé ne fait plus un ordre à part. Ses membres n'ont plus de privilèges pécuniaires;
Leur contribution est égale à celle de leurs concitoyens* La pluralité des bénéfices est défendue* , Pour achever de rétablir l'ordre parmi le clergé, il ne s'agit plus que d'abolir les bénéfices sans objet, de retrancher le superflu de ceux qui sont utiles, de porter dans les maisons religieuses unë réforme telle, que leur existence devienne plus utile à l'Etat que leur destruction* et que ceS nouvelles mesures procurent à la fois, et les fonds nécessaires pour doter convenablement les curés à portion eongruë, un versement annuel dans ,1e Trésor i national, un secours actuel en argent,- proportionné aux besoins de l'Etat, un soulagement pour les pèrës de famille indigents, enfin plus de zèle, plus d'activité pour les défrichements et l'agriculture.
Tels sont. Messieurs, les avantages que le plan dont je vais avoir l'honneur de vous soumettre une partie.seulement me paraît présenter.
D'abord,pour doter la classe des ecclésiastiques la plus utile et la plus intéressante, il est de toute justice de lui attribuer, dans une juste proportion* une partie de», revenus de ceile qui n'offre aucune espèce d'utilité, et d'abolir en conséquence les titres d'abbés.
Les revenus de toutes les abbayes ont trois différentes destinations : un tierslappartient à l'abbé commehdàtaire ; un tiers, appelé tiers loi; est destiné aUx frais du culte, aux aumônes, aux réparations des églises et des bâtiments, à satisfaire, en un mot, à toutes les Charges de l'abbaye ; l'autre tiers est réservé à là subsistance et à l'entretien des religieux.
Le tiers-lot n'appartenant ni aux abbés, ni aux religieux, peut être dès à présent, sans injustice,
attribué aUx congruistës, à qui l'dti donnerait des assignations sur les abbayes, jusqu'à concurrence du complément des sommes que vous avez fixées pour leurs revenus.
, Le tiers, appartenant aux abbés, serait versé dans une caisse d'amortissement, après la mort des titulaires actuels; et de leur vivant, serait grevé, comme les revenus des bénéfices de tous .les diocèses, d'une quote-part de répartition proportionnelle à leurs revenus, destihêe à fàiré fâce aux intérêts de l'emprunt dont je vais avoir l'honneur de vdus paner.
Le tiers des religieux leur resterait toujours dévolu, mais grève de nouvelles charges qui, absorbant tout le superflu, les forceraient à la vie la plus active, et en feraient des citoyens utiles et Vertueux;
Ces charges nouvelles seraient ;
Les réparations des abbayes, auxquelles le tiers-lot était autrefois destiné ;
L'établissement de maisons d'éducation dans lesquelles seraient élevés, nourris et entretenus les enfants des pauvres pères de famille; dont le nombre, à la charge de chaque abbaye, serait fixé par les assemblées provinciales, proportionnellement aux revenus dont elles se trouveraient jouir;
Enfin le payement des impôts auxquels leur tiers serait assujetti, comme les possessions des autres citoyëns.
Pour subvenir à cès différentes charges, et se procurer encore lès aisances de la vie, ils seraient forcés de ihettre tous leurs biens dans la plus grande valeur, de marilère qu'aigUillonnés par leur intérêt personnel, ils feraient en même temps le bien général de là nation.
Que Ion veude les biefis du clergé, l'Etat perd une ressource fécondé, intarissable et toujours nouvelle; les capitaux Se dissiperont,et les chargés dont ils sont grevés pèseront sans cesse sur la nation.
Qu'on les fasse régir, des frais éridrmes, des abus inévitables absorberont le plus pur du devenu, et l'oU tombera dans l'inconvénient d'un double emploi très-onéreux à l'Etat, puisqu'il faudra payer à lâ fois et lès gages des régisseurs, et les pensions des religieux supprimés, qui en auraient bien mieux rempli les fonctions.
Ajoutez à ces considérations que les religieux; devenus comme les administrateurs-fêrmier$ dé l'Etat, consommeront tous lèurs revenus stir les lieux qui les ont produits, et entretiendront ainsi dans les campagnes une féconde circulation que d'autres propriétaires ne manqueraient pas de porter et de concentrer dans l'enceinte des grandes villes, dont le Iule ne se soutient jamâis qu'aux dépens des cultivateurs qu'il épuise.
Ainsi donc cette ciasse d'hdinmës, jusque-là considérée comme étrangère datis l'Etat, ët sous quelques rapports en opposition avec sa prospérité, deviendrait, sous un nouveau régimë, Urte nouvelle source abondante de richesses et de bonheur pour la patrie.
Quand il sera question des communautés religieuses, j'ai l'honneur de vous soumettre des vues détaillées sur tous ces objets. J'osfe eroire qu'elles seront conformes à l'amour du bien et à l'esprit dë justice qui vous animent. Maintenant il s'agit de secourir l'Etat, dans lë péril pressant qu'il éprouve, Pour le faire sortir de eette situation critique, il vous à été lu différents projets qui toqs ont des ïncodvéniëhts et des avantages. Celui que je vais avoir l'honneur dë vous proposer, simple dans sa marche, présentant une
hypothèque évidemment solide , pourra déterminer plus efficacement la confiance publique.
Pour réaliser ce projeta il faudrait que l'Assemblée nationale fît ouvrir un emprunt viager de 502,200,000 livres, y compris la dette du clergé, dont tous les biens seraient la garantie et l'hypothèque.
Ce capital, d'après le plan que je vâis développer produirait 28,290,600 livres d'intérêts viagers, qui seraient supportés par les différëhts diocèses, proportionnellement à leurs revenus; versés annuellement dans une caisse nationale.
Cet emprunt, et les rentes viagères qu'il ferait naître, subiraient les règle» d'une banque patriotique par forme de tontine, dont voici le plan.
La banque patriotique serait divisée en cinq banques, de chacune 100,440,000 livres, formant un total de 502,200,000 livres de capital* dont lés intérêts; quoique viagers, ne seraient en moyenne proportion qu'entre 5 et 6 0/0, ët présenteraient néanmoins aux actionnaires un très-grand avantage, par la certitude des accroissements graduels que produiraient les extinctions des actionnaires au profit des survivants, et qui, avec le temps; deviendraient fort considérables.
Chaque bâflqiié serait composée de/15 classes dë différents âges, depuis i an jusqu'à 70, divisées de 5 ans en 5 ans.
Chaque classe sera, en total, de 6,696 personnes, et sera divisée en 124 numéros, depuis 1 jusqu'à 124.
. Chaque numéro comprendra 54 personnes, et il sëi-a subdivisé par six personnes, sous différentes lettres alphabétiques.
Par exemple,
Sous la lettre À ...
— B....
ç....
— fi..,. .. f....
P....
— G....
— H.... & I.....
6 personnes.
6 -Mil
6 mm 6 — 6 — a -Â 6 — 6 —
Total $ lettres, 54 personnes
Ce nombre de 54 personnes, multiplié par 124, donne 6,696 personnes, qui formeront chaque classe d'une banque.
Les actions seront de 1,000 livres chacune^ et il sera libre de les acquérir moitié en argent, moitié en effets, évaluées suivant le taux de l'intérêt au moment de l'établissement de la banque.
La première classe serait composée d'enfants depuis 1 an jusqu'à 5. La seconde^ depuis 5 ans jusqu'à 10 : L'intérêt de ces deux classes sera de 4 0/0. La troisième, depuis 10 ans jusqu'à 15;-La quatrième, depuis 15 an® jusqu'à 20 : L'intérêt de ces deux claSSes sera de 4 1/2 0/0. Lâ cinquième, depuis 20 ans jusqu'à 25 ; La sixième, depuis 25 ans jusqu'à 30 : L'intérêt dé ces deux. Classes sera de 5 0/0. La Septième, depuis 30 ans jusqu'à 35; La buitrènïe, depuis 35 jusqu'à 40 : L'itftérêt de ces deux classés sera de 5 1/2 0/0. La neuvième, depuis 40 ans jusqu'à 45; La dixième, depuis 45 ans jusqu'à 50 * , L'intérêt de ces deux classes sera de 6 0/0. Là onzième, depuis 50 ans jusqu'à 55 ;
368 [Assemblée nationale j ARCHIVES PAR
La douzième, depuis 55 ans jusqu'à 60 :
L'intérêt de ces deux classes sera de 61/2 0/Q. -
La treizième, depuis 60 ans jusqu'à 65 ;- :
La quatorzième, depuis 65 ans jusqu'à 70 ;
L'intérêt de ces deux classes sera de 7 0/0,.
La quinzième et dernière classe sera de 70 ans :
L'intérêt de cette classe sera de 8 0/0.
Le total des cinq banques sera de cinq centdeux millions deux cent mille livres,, ci 502,200,000 liv.
Et lé total des intérêts sera de vingt-huit millions quatre cent quatre-vingt-dix mille six cents liv., ci.................... 28,490,600 liv.
EXPLICATION DE LA BANQUE.
Une personne de celles qui se trouvent réunies g'ous la lettre A, au nombre de six , venant à mourir, si elle,jouissait de 65.livres de rente, la banque héritera de 21 livres 13 sols 4 deniers, c'est-à-dire, du tiérs ; et les deux autres tiers, qui sont de 43 livres 6 sols 8 deniers, seront également partagés entre les 5 actionnaires restants sur ladite lettre A, et ainsi de suite pour toutes les autres lettres indiquées.
Après le décès des six personnes qui étaient sous la lettre A, et qui avaient joui successivement des accroissements dont elles avaient hérité les unes des autres, la banque n',héritera toujours, par chaque- actionnaire, que du premier tiers de 21 livres 13 sols 4 deniers, et les deux autres tiers qui ; appartenaient, avant leur décès, aux personnes comprises sous la lettre A, tourneront au profit de ceux qui seront compris sous lés lettres B, C, D, E, F, G, H, I, qui, avec la lettre A, formaient, dans l'origine les 54 personnes d'un des numéros.
Lorsque les 54 personnes, formant un des numéros, seront toutes mortes, les accroissements considérables dont elles avaient successivement joui, tourneront, dans une proportion égale, au profit des numéros à la classe desquels appartenait le numéro éteint par le décès de tous ses actionnaires ; et ainsi de suite.
On voit par cet exemple, qu'à toutes les extinctions, les actionnaires, indépendamment des intérêts, ont deux tiers de bénéfice sur la banque.
On sera libre de prendre, dans les classes de son âge, sous les numéros et lettres alphabétiques qui les composent, plusieurs actions sur sa tête.
Cette combinaison présente la possibilité d'une chance de bonheur bien séduisante; car quelqu'un qui prendrait une action dans chacune des cinq banques, et dans les classes de son âge, pourrait, pour les 5,000 livres qu'elles lui auraient coûté, jouir un jour, s'il survivait aux coac-tionnaires des classes de son âge, de 1,087,000 livres de rente. Celui qui ne prendrait qu'une action aurait proportionnellement la même perspective dans la banque et dans la classe dont il ferait partie, et après avoir joui d'un intérêt annuel raisonnable et des accroissements progressifs, par le décès de ses coactionnaires,il aurait encore l'espoir, s'il survivait à tous, d'avoir la jouissance du revenu immense de 374,000 livres ; car dans chaque classe se trouve nécessairement un heureux. Chaque banque renfermant quinze classes, présente conséquemment quinze heureux : jles cinq banques feront donc, en total, soixante-quinze personnes qui nécessairement auront la perspective assurée de jouir de 374,000 livres pour cent pis-toles une fois payées.
Je pèse un peu sur ces considérations, parce que c'est par elles que la plupart des hommes se déterminent, et que faire voir combien est at-
trayante la banque que j'ai l'honneur de vous proposer, c'est vous assurer d'avance que les actions qui la composent seront avidement recherchées, et par conséquent le secours d'argent dont l'Etat éprouve le pressant besoin, infailliblement procuré.
MOYENS.
Pour parvenir à exécuter le plan que j'ai l'honneur de vous soumettre, sans fournir au clergé aucun prétexte de s'assembler, il serait décrété, que : 1° tous les archevêques, évêques, chapitres, abbayes, communautés séculières et régulières,' seraient obligés d'envoyer à un comité que l'Assemblée nationale formerait dans, son sein, un état des noms des titulaires de bénéfices, et tous les autres renseignements qu'ils pourraient procurer;
2° Tous lesbénéficiers, chapitres, communautés séculières et régulières, seraient tenus d'envoyer un double état des revenus et charges des bénéfices à chaque municipalité dans le ressort de laquelle ils seront situés, pour la mettre à portée des vérifier si les déclarations sont exactes, et alors les municipalités adresseraient à l'Assemblée nationale l'un de ces états visés et reconnus exacts ;
3° L'Assemblée nationale chargerait son comité de répartir sur chaque diocèse, dans une égale proportion, et d'après les états vérifiés, la masse totale de contribution, dont la perception serait confiée aux administrations provinciales.
Pour que les intéressés à la banque puissent facilement connaître les différents accroissements qui se feront successivement, il sera, tous les ans, publié une liste des noms, surnoms, qualités et demeures des actionnaires, combinée de manière que la série des noms présente à la fois, en divisions marquées par des accolades, l'ordre continu : 1» Des cinq banques ; 2° Des quinze classes de chaque banque; 3° Des 124 numéros de chaque classe ; 4° Des neuf lettres alphabétiques composant chaque numéro.
La mort des actionnaires serait consignée dans les affiches et papiers publics de la capitale et des provinces, de manière qu'en les rapprochant de la liste [des actionnaires, il sera facile à chaque intéressé de connaître la véritable situation de la banque, et-les variations survenues dans ses rapports particuliers avec elle.
Voilà, Messieurs, dans tout son développement, le plan relatif à la banque que j'avais à soumettre à vos lumières. Il écarte le dangereux expédient d'un papier-monnaie, dont le moindre inconvénient est d'épouvanter les imaginations grossières trop attachées à la réalité, offre aux prêteurs une hypothèque évidemment solide, leur donnëlasécurité de livrer leur argent; et la perspective de l'accroissement progressif de leurs revenus achève de les déterminer.
Les opérations préalables à la pleine activité de la banque exigeront, sans doute, un peu de temps, dont les pressants besoins de l'Etat ne semblent pas permettre le sacrifice. Cet inconvénient n'est qu apparent, et disparaîtra du moment que l'Assemblée nationale aura décrété l'emprunt que je propose, dont les intérêts seraient affectés sur les revenus du clergé. La répartition de ces intérêts, à payer par chaque diocèse, serait faite avant leur échéance, de manière que les fonds seraient prêts lorsqu'ils seraient devenus exigibles.
Par cette marche, la célérité des secours pécuniaires ne sera pas retardée ; enfin renaîtra l'abondance. Les moyens qui la procureront seront pris dans vos propres réssources; ils agiront sans convulsion ; et, en rétablissant le déplorable état des finances, ils auront l'avantage, bien important, de conserver à la nation une propriété ira-mobiliaire de 2 milliards 100 millions, que vous aurez forcée, dans mon système, de vous produire hâtivement 502,200,000 livres, sans rien ôter à sa valeur intrinsèque, ni l'avoir frappée de stérilité.
OBSERVATIONS.
L'abolition que fit M. l'abbé Terray des tontines établies avant lui pourrait inspirer à quelques-uns de la défiance sur la solidité de celles que je propose : mais elles n'ont que le nom de commun avec les premières.
1° Les tontines abolies ne pouvaient qu'être à charge à l'Etat : il ne gagnait jamais rien par les extinctions, qui tournaient entièrement au bénéfice des actionnaires.
2° Elles n'avaient d'autre garantie que la probité des ministres.
Celles dont je propose l'établissement versent dans le Trésor public un tiers des bénéfices produits par les extinctions, et présentent, à la fois, aux actionnaires et la garantie inviolable de la nation, et une hypothèque directe sur les revenus des biens ecclésiastiques qui supportent seuls le fardeau de l'emprunt.
Le capital de l'emprunt, quoique très-considérable, se remplira cependant avec beaucoup de facilité, puisque la moitié peut être fournie en effets ; et l'autre moitié, fournie en argent, surpasse les besoins de 1789 et 1790, présentée dans le plan de M. le ministre des finances.
Les 6,696 personnes qui d oivent composer chaque classe d'une banque resteront toujours associées, à quelque âge qu elles parviennent, et n'hériteront jamais que les unes des autres, parles extinctions survenues dans leur classe, qui n'aura rien de commun avec les autres classes.
Celui qui prendrait une action de 1,000 livres dans la classe d'un an jusqu'à cinq, s'il était le survivant de cette classe, aurait 178,560 livres de rente ; et la tontine aurait, en bénéfices, 89,280 livres.
Celui qui, dans la classe de 40 à 45 ans, prendrait une action de 1,000 livres, s'il était le dernier survivant delà classe, jouirait de 267,840 livres de rente, et la banque aurait en bénéfice 133,920 livres.
Celui qui, dans la classe de 70 ans, prendrait une action de 1,000 livres, s'il était le dernier survivant, jouirait de 334,800 livres, et la banque aurait en bénéfice 167,400 livres.
Ces trois exemples pris dans la première classe, dans la moyenne et dans ta dernière, offrent les avantages déterminés, tant en faveur des actionnaires que de la tontine. Il eût été trop long et fastidieux pour le lecteur de présenter le tableau détaillé des bénéfices de chaque classe.
Quand, dans le développement de mon plan, il a été annoncé que l'actionnaire heureux qui, pour une mise de 5,000 livres réparties dans les cinq banques, et toujours dans les classes de son âge, à raison d'une action de 1,000 livres dans chaque banque, s'il était le dernier survivant, jouirait de 1,087,000 livres de rente, je n'ai présenté que l'aperçu du terme moyen ; puisqu'il est vrai que celui qui, dans chacune des trois
classes ci-dessus désignées, aurait pris 5 actions, une dans chaque banque, ce qui ferait 5,000 livres, aurait, toute déduction faite du bénéfice de la tontine :
Dans la classe de l an à 5,892,800 livres de rente ;
Dans la classe de 40 à 45 ans, 1,339,200 livres de rente;
Et dans la classe de 70 ans, il jouirait de 1,674,000 livres de rente.
Il est impossible de juger des chiffres et le plan de M. l'abbé d'Abbecourt sur une audition incomplète. Je demande l'impression.
L'impression est ordonnée.
L'ordre du jour appelle un rapport des commissaires chargés de vérifier l'état de la Caisse d'escompte.
(1). Vous nous avez chargés, Messieurs, de prendre une connaissance exacte de l'état de la Caisse d'escompte, de ses opérations, de ses statuts, et de l'usage qu'elle a fait de son crédit, de ses moyens et de ses fonds. C'est l'objet du compte que nous allons vous rendre. Nous citerons littéralement les pièces qui nous paraîtront devoir être citées, et nous joindrons à la fin celles que nous n'aurons fait qu'indiquer et qui nous semblent de nature à être annexées à ce rapport.
La Caisse d'escompte a été créée en 1776, sous le ministère de M. Turgot, par un simple arrêt du conseil et sans aucun privilège exclusif, à l'effet d'escompter les lettres ae change ou autres effets commerciables à un taux modéré, et avec laper-mission de faire le commerce des matières d'or et d'argent, enfin, de recevoir les dépôts qui lui seraient volontairement confiés.
Les fonds de cette société, qui devaient, selon le premier plan, être de 15 millions, dont tO déposés au Trésor royal, furent, au bout de quelque mois, bornés à 12 millions, qui durent être formés en commandite par 4,000 actions de 3,0001i-vres chacune, et uniquement consacrés aux -opérations de son commerce. Les conditions imposées aux actionnaires furent de ne jamais élever leurs ejeomptes au-delà de 4 0/0 par année, de s'interdire tout autre commerce, de ne faire aucun emprunt portant intérêt, de ne contracter aucun engagement qui ne fût à vue et au porteur, et que la Caisse d'escompte serait réputée être la caisse personnelle et domestique de chaque particulier qui y tiendrait son argent, et serait comptable envers lesdits particuliers de la même manière que le seraient leurs caissiers ■ domestiques.
Sept administrateurs durent être élus par les actionnaires pour la direction de leurs affaires.
Un pareil établissement ne pouvait espérer, dans son principe, que de faibles progrès, dans
un royaume où le souvenir d'une banque qui, au commencement du même siècle, avait causé tant
de désastres n'était point encore effacé; et il choquait trop d'intérêts particuliers pour ne
pas éprouver de grandes contrariétés : aus3i dans les deux premières années gui suivirent sa
création, c'est-à-dire jusqu'à la fin de 1778, il y eut aussi peu d'empressement pour
acquérir les actions que
A cette époque, plusieurs des premières maisons de banque de la capitale se réunirent pour prendre des intérêts dans cette société, et y faire par elle une partie dë leurs négociations.
Le nombre des administrateurs fut porté à 13, dont 4;Sont renouvelés tous les ans, et la société obtint la permission d'augmenter le taux de Ses escomptes de 1/2 0/0 en temps de guerre.
Ses autres statuts furent confirmés.
La, Caisse d'escompte alors prit Un crédit que jusque-là elle n'avait point obtenu : les fonds delà société furent complétésj et ses billets reçus de préférence, à cause de leur extrême commodité, dans presque tous les payements considérables, acquirent un degré de confiance et de faveur qui ne s'est altéré que dans quelques moments de crise.
La première eut lieu au mois de septembre 1783 ; elle avait plusieurs causes :
La Caisse avait prêté au gouvernement 6 millions qu'il ne pouvait lui rendre.
Les administrateurs avaient, de plus, eu l'imprudence, pour augmenter leurs escomptes,, et par conséquent leurs profits, de donner trop d'extension à l'émission de leurs billets dans le public, et de laisser tomber leur numéraire jusqu'à la somme presque nulle de 138,000 livres;
Cependant il leur restait des piastres avec lesquelles ils auraient pu payer encore quelque temps, attendre les rentrées de leur portefeuille, et le payement de ce que le Trésor royal devait à la Caisse,.
Mais le ministère n'osa autoriser des payements en monnaie étrangère ; il préféra donner un arrêt de surséance, et nommer des commissaires pour examiner l'état des affaires de la caisse d'escompte et le rendrê public.
Cet événement ne fut pas aussi funeste qu'il aurait pu l'être à la Caisse d'escompte* L'inventaire a démontré que son actif surpassait son passif déplus 14 millions ; et cette vérité constatée calma les alarmes du public. Bientôt elle obtint le remboursement des avances qu'elle avait faite au gouvernement, et cette somme de 6 millions, jointe à la rentrée d'une partie des effets de son portefeuille, enfin la création de 1,000 actions nouvelles et une augmentation de 500 livres sur le capital des anciennes la mirent en état de reprendre ses payements à bureaux ouverts, avant l'expiration du terme fixé par l'arrêt de surséance qu'elle avait obtenu.
Sur ladémonstration de cette possibilité, un nouvel arrêt du Conseil révoqua l'arrêt de surséance, et enjoignit aux administrateurs de la Caisse d'escompte de payer à vue dès le 10 décembre. Cet arrêt établissait de nouveaux statuts pour ses opérations et de nouvelles règles pour son régime intérieur, afin de prévenir le retour des circonstances fâcheuses qu'elle venait de surmonter. h Ces statuts et ces règlements, du 14 novembre 1783, forment encore la base de sa constitution et de son régime, et ils n'ont éprouvé depuis que de; légères altérations.
Par l'article 2, les actionnaires s'obligèrent . à conserver toujours un fonds d'environ 2,500,000 livres en réserve, pour subvenir aux pertes imprévues » ; et ils n'ont été affranchis de cette obligation qu'en 1787, lorsqu'ils ont déposé au Trésor royai une somme dè 70 millions à titre dé cautionnement envers le public.
11 est stipulé dans l'article 3 que, « pour assurer que la Caisse puisse être constamment en état
de satisfaire à l'obligation étroite de payer les billets à présentation, les actionnaires s'engagent de garder constamment un fonds suffisant d'eépè-ces, dans une quotité qui sera déterminée par le règlement du régime intérieur, dans une proportion qui ne pourra jamais être moindre, que du tiers au quart de la somme des billets en circulation; » L'article 6 du règlement pôUr le régime intérieur, expliquant les règle,? dont les administrateurs ne doivent pas s'écarter pour l'exécution de l'article 3 des statuts, « |leur prescrit, dë restreindre sensiblement les escomptes dès qu'ils s'apercevront quelle numéraire effectif est baissé au-dessous du tiers, ét dé lëï cesser entièrement dès que la proportion du numéraire ne sera plus que du quart de la somme des billets eh circulation; »
Le terme des escomptes fût fixé par l'articlè 5 à 9Q jours, et leur taux à 4 0/0, pour un mois et a 4 1/2 pour un.plus long terme.
Enfin, par divers articles .du régime intérieur, il est recommandé aux administrateurs de n'accepter à l'escompte aucun effet commerçablë qui n'ait au moins 15 jours d'échéance, qui ne soit revêtu de 2 bonnes signatures et qui ne soit présenté par le dernier endosseur ; enfin de distri-tribuer les escomptes sans acception depersonnes et de ne donner de préférence qu'à celles qui tiennent leurs Gomptes ouverts à la caisse.
Il leur fut, en outre, prescrit de ne . conserver jamais en réserve pour plus de 10 millions en billets au dèlà de la quantité réellement en circulation dans le public.
Une délibération des actionnaires a depuis étendu cette faculté jusqu'à la somme de 20 millions.
i Le capital de la Caisse d'escompté fut donç de 20 millions à cette époque, tant par la création de 1,000 actions nouvelles que par l'appel qui avait été fait sur les anciennes.
Vous nous pardonnerez sans doute. Messieurs, de ne pas vous entretenir des détails, qui n'ont rapport qu'au régime intérieur de l'administration * tels que ceux qui fixent le>pouvoir et les fonctions des administrateurs, des directeurs et autres employés : l'ordre le plus parfait nous, a paru régner dans toutes les branches de cette immense comptabilité; les différentes parties se contrôlent mutuellement ; chaque livre est tenu à jour et rapporté sur un bilan général ; eh sorte que tous les soirs les administrateurs sont en état de comparer et de constater l'état au vrai de chaque partie, et que rien np; pourrait échapper à ia vigilance la moins attentive et la moins exercée. Cette clarté a beaucoup contribué à rendre l'inspection de la Caisse d'escompte facile pour les commissaires.
Le mois de février 1787 devint Une cinquième époque de son existence-.
20,000 actions "nouvelles furent çréèes sur le pied- de 4,000 .livres-, et te capital fde la Caisse porté ainsi à 100 millions, dont 30, c'est-à-dire 10 millions de plus, seraient destinés aux opérations de son commerce, « et 70 seraient déposés au Trésor royal, par forme et à titre de cautionnement de ses engagements, envers le ,publiQ.; », . Conformément « l'arrêt du Conseiljdu 1§ février 1787, dont nous tirons ces expressions, le dépôt en a été fait en actions; dont le Trésor royal, a touché les fonds, et il a,été expédié, en conséquence aux actionnaires .de la Caisse d'escompte « une quittance de finance, portant promesse d'en payer les intérêts sur le pied de 5 0/0, sans retenue, de 6 mois en 6 mois, jusqu'au rembour-
Sement qui s'effectuera en totalité, et en espèces, lors dé là beèsâtibri du privilège qiii devait leur être accordé. »
Cé privilège, aux termes dë l'article 10, devait leur être exclusif, et durer 30 années, « à compter du jour de i'ebregistrëmentdes lettres patentes qùi interviendraient sur l'arrêt » ; mais ces lettres patentes n'ont pâs été enregistrées, elles n'ont pas même été expédiées; ainsi le privilège exclusif n'existe pas; et des dispositions de l'arrêt du 18 féVKef 1787, ii n'y à ae réel qué le dépôt de lu millions, là quittance de finance, l'augmentation du fonds de coniiilërce à 30, millions, et la liberté donnée par l'article 8, d'escompter des effets qui auraient jusqu'à 180 jours dé terme, à 4 ët 5 0/0, selon leur échéance à 4 et à 6 mois.
Sous cé nouveau régime îa,Caisse d'escompte a continué de prospérer pendant 14 ftibis, et de présenter à sës créanciers et âii public l'aspect d'une grànde solidité.
Au mois.de. février 1788, ëlle avaitpour 113 raillions de billets eri circulation, et plus de 50 millions en espèces.,, Au mois de mars sëâ billets montaient à 120 millions 1/2, et son numéraire à 32.. Au mois d'avril les . engagements étaient de 120 millions 200 etquëiqiiëg mille livres, ët lës espèces en caisse formaient un capital dë 51 millions enfin, dâhs les premiers jours du mois de mal, ihalgré l'inquiétude que les opérations du goi^verbëtnent commençaient à répandre, plus de 49 millions 1 /2 ëii argent dans ses coffres formaient .encore environ ièé cinq douzièmest des 120 milliohs de billets au portëur qu'ellë avait en émission.
Les règlements prescrivaient aux administrateurs de diinirtUer lég escomptés dès que le numéraire en caisse faiblissait âu-dessous du tiers des billets répandus dans le public. Il paraît par leurs iivres qu'ils n'ont pas attendu cette époque, et que, quoiqu'ils fussent encore bien éloignés de cette proportion, le seul aspect des affaires publiques lés détërifiilifel à ralentir Considérablement leurs escomptes : la somme dé lëurs billets circulants diminua ëh fcônséduencë, biais la diminution des ëèpèces suivit une progression plus rapide : elles s'affaiblirent sensiblement dans le courant au mbis d'août, et le 16 elles se trouvaient au terme au-dessous duquel tout escompte devait cesser.
Les administrateurs crurent devoir se contenter de continuer à les réduire ; et elles furent en effet, réduites successivement de 6,300,000 livres, du 16 août au 1er septembre. Les deniers en caisse à cette époque remontèrent au-dessus de la proportion du quart de la somme des billets en circulation dans le public ; et cette proportion qui s'est quelquefois élevée et qui ne s'est jamais affaiblie, pendant les neuf mois suivants, n'a cessé d'être constamment soutenue que le 1er juillet de cette année.
Vos commissaires reviendront à l'examen de ce qui s'est passé dans ces temps postérieurs. Ils doivent seulement remarquer ici que les administrateurs de la Caisse* en se bornant à diminuer l'escompte qu'ils devaient suspendre j ne se sont pas conformées à la lettre de leurs règlements.
Les administrateurs allèguent pour se justifier que la différence du quart était très-légère; qu'ils avaient l'espoir fondé, et qui s'est réalisé dans l'espace de douze jours, de voir leurs fonds se relever au-dessus de cette proportion; que le règlemént n'aurait pu être exécuté à la rigueur sans un grand danger ; que si l'escompte avait été
Supprimé tout à coup, la plupart des maisons de banque et de commerce auraient été. exposées à riiaiiquer, à se renverser lesuneè sur lés autres, à écraser àihsi les principaux débiteurs de la Caisse, et par conséquent à ruiner les actionnaires, ët à rendre là propriété des portëiirs aë billets moins assurée.
C'est ici le moment de Vous rendre Compte des événements qui depuis 0ht jeté la Caisse d'escompte ehcbrë plus loin de l'exéciitidh du règlement, ët du devoir constitutif d'Une banque qui a pris l'engagement de payer à vuë. Ces événements, qui forment la sixième et la septième épo-qUes de l'histoire de là Caisse d'escompte, et qui l'orit conduite jusqu'à ce jour, méritent toute votre attention.
Le premier est l'arrêt de surséance. donftê le 18 août de l'année dernière, qui dispense la Caisse d'esebmpte de payer les billets à vuë, l'autorise à lës solder en bonnes lettres de change , et ordonne dë recevoir ces mêmes billets dans tous les payements, ét dans toutes lës caisses publiques et privées, et qui constitue ainsi les billets de la Caisse d'escompte, pour la secondé fois, papier-monnaie.
Les administrateurs de" ta Caisse d'escompte affirment n'avoir pas sollicité^ n'avoir pas même prévu cet arrêt. Ils ont plusieurs fois déclaré à lèurs actionnaires, qu'ils n'en avaient ëu connaissance duë le 19 août, au jQQatin, par i'af-fiche mise à la prii-te de leur établissement. Ils prétendent qu'ils n'én avaient pas,besoin, et que c'est le discrédit, qui a été Une suite de la publication de cet arrêt, ét lës conjonctures qui ont suivi, qui ies ont forcés d'en faire Usage pour réduire leurs payements. Ils observent, à l'appUi de cette assërtion, que dans les onze jours qui ont suivi sâ publicàtion dëpuis le 19 août jusqu'au l"r septembre, ils ont soldé, acquitté ou retiré pour 10 millions de leurs billets, sur le pied d'ehvirdn 4 million par jour; qUe léur masse én circulation était réduite de 74 millions à 64 ; tjhe leurs fonds en caisse n'étaient cependant baissés que d'environ 960,000 livres pendant Ces onze jours ; que dès le 30 août, ils excédaient de 500,000 francs la popportion du quart des billets; que le ^septembre ils l'excédaient de 1 million; que depuis l'arrêt de surséance, l'état de leur caisse s'étant amélioré, quoiqu'ils eussent payé "dans Une proportion plus forte qu'ils ne l'avaient fait le jour précèdent ; sans le secours qu'ils ont été entraînés à donner au gouvernement, ils auraient pu, suivant toute apparence* en continuant la même marche, reprendre très-promp-tement leurs payements à bureaux entièrement ouverts.
Voilà ce qu'ils allèguent
Mais, si vos commissaires doivent vous exposer leurs observations, ils ne peuvent, en même temps, se dispenser de vous faire remarquer les infractions qui ont été faites aux règlements de la Caisse d'escompte.
II paraît, en effet, que si dans les derniers jours d'août et les premiers de septembre les administrateurs avaient soutenu leurs payements dans une très-forte proportion, ils n'avaient pas repoussé l'arrêt de surséance, et que peu après ils l'ont fait entrer dans les considérations qui les ont engagés à se rendre plus faciles sur le premier secours que le ministre des finances leur a demandé \ et qu'ils ont profité de ces dis . positions en rendant la forme des payements encore*plus lente, non-seulement en ne les effectuant pas à toute quotité de sommes, mais en
ne payant à présentation que 1,000 livres à chaque porteur.
Or, il est certain qu'une banque dont tous les engagements sont au porteur, et doivent être payés à présentation, est en faillite dès qu'elle ne" paye qu'en partie, et non pas à toute quotité de sommes.
Nous voici maintenant arrivés au récit des torts les plus sérieux de la Caisse d'escompte, comme aussi des services les plus importants qu'elle ait rendus au gouvernement. Ces torts et ces services utiles datent du mois de septembre 1788.
C'est alors que les administrateurs de la Caisse d'escompte se sontle plus sensiblement écartés de la constitution de leur société, et de la teneur des règlements.
Jusqu'à cette époque, elle n'avait pris encore aucun engagement avec le gouvernement : c'était le moment où M., l'archevêque de Sens venait de laisser le ministère à M. Necker, et l'on sait quelle était alors la situation des affaires publiques.
M. Necker s'adressa particulièrement aux administrateurs de la Caisse d'escompte, pour en obtenir des secours, qui seraient peut-être devenus impossibles, si la demande en avait été publique. Il n'avait que des valeurs éloignées à leur offrir. Il connaissait la sévérité des règlement auxquels ils étaient soumis ; il les convoqua; il les pressa avec réserve, mais avec force, d'oser les transgresser, sans l'aveu même des actionnaires , pour venir plus sûrement et plus promptement au secours de la chose publique.
Les administrateurs ne se dissimulèrent pas qu'en se prêtant au désir du ministre, ils manquaient à leurs statuts et aux statuts fondamentaux de toute banque constituée comme la leur, et dans sa situation ; mais les sollicitations de M. Necker et les circonstances étaient si pressantes, qu'ils cédèrent et prirent ia délibération suivante. Nous croyons devoir vous mettre en entier sous les yeux ces pièces principales:
DÉLIBÉRATION
des administrateurs de la Caisse d'escompte
Du
M. le directeur général, ayant convoqué l'administration de la Caisse d'escompte, lui a témoigné le désir d'être aidé par elle dans ces circonstances où il est intéressant d'opérer le retour entier de la confiance ; que le secours qu'il lui demandait consistait à lui avancer : 6 millions dans ce mois, 6 millions en octobre, 3 millions en novembre contre 15 millions de rescriptions, à un an de terme ;
Que, connaissant les bases et les statuts de la Caisse d'escompte, qu'aucun ministre n'a plus respectés que lui, il laissait à l'administration pleine et entière liberté de refuser ou d'admettre sa proposition ; qu il ne demandait pas même qu'on lui fît une réponse sur-le-champ, mais qu'il lui en fût fait une dans l'après-midi, après qu'il en aurait été délibéré en administration ;
Qu'il espérait que toutes choses allaient prendre une tournure favorable, qu'il mettrait sous
les yeux du Roi le service essentiel que rendrait la Caisse d'escompte si elle Consentait à sa proposition, et lui demanderait son bon pour garantir, dans tous les cas, le payement des rescriptions.
Sur quoi, ayant été délibéré, il a été décidé à l'unanimité que la proposition nécessitée par les circonstances, l'utilité publique et la confiance méritée dont jouit le chef de l'administration des finances, devait être acceptée.
On a passé ensuite à la discussion des moyens et des formes à employer pour concilier le désir et l'empressement de l'administration de la Caisse à réaliser cette opération.
Il est résulté du débat des opinions, que le prêt fait au gouvernement était contre les statuts, et plusieurs, désirant accorder l'utilité publique avec l'observation exacte des règlements, ont proposé de le faire sur des engagements particuliers et personnels de tous les administrateurs ou de partie d'entre eux, appuyés des rescriptions qui seraient déposées au coffre avec le bon de Sa Majesté.
Sur quoi, ayant été délibéré, il a été décidé que les billets n'étaient pas nécessaires, et tous convaincus que la nécessité de concourir dans ce moment au bien public, en accordant ce qui était demandé, on a arrêté, à l'unanimité, d'escompter à 5 0/0 l'an les rescriptions proposées à un au de terme par M. le directeur général, et de lui demander d'obtenir de Sa Majesté son bon, qui sera pour l'administration de la Caisse d'escompte un point de tranquillité vis-à-vis des actionnaires, et pour eux la certitude du remboursement.
Délibéré en assemblée d'administration, à Paris, le
Signé : Les administrateurs de la Caisse d'escompte.
Au bas de cette délibération fut écrit de la main du Roi :
Approuvé la présente délibération, et M. Necker en témoignera ma satisfaction aux administrateurs
Signé: LOUIS.
Telle fut l'origine et la nature du premier engagement que les administrateurs de la Caisse d'escompte prirent avec le gouvernement.
Si on les considère comme des citoyens, comme des Français émus par l'exposition du danger de l'Etat, ils"paraissent dignes d'éloges.
Si on ne les envisage que comme des associés en commandite, qui disposaient des intérêts de leurs actionnaires, et des fonds exigibles et suspendus de leurs créanciers, on les trouvera sans doute très-repréhensibles ; et l'on doit remarquer de plus que, quant à la durée de l'échéance, ils sont encore sortis de la loi qui leur était imposée ; mais ils sont couverts, à ce dernier égard, vis-à-vis de leurs actionnaires, par l'approbation subséquente qu'il en ont reçue.
Quant aux porteurs de billets, il est constant que l'opération faite avec le gouvernement paraît avoir visiblement reculé le terme où ils auraient pu être payés à toute quotité de somme, et à présentation, et qu'il est au moins injuste de prêter l'argent d'autrui lorsqu'on ne veut pas ou qu'on ne peut pas le payer conformément au titre de sa créance ; mais il est presque aussi [ certain que, si le gouvernement avait cessé ses
payements, le sort des porteurs de billets aurait été bien plus fâcheux, et que tous les faiseurs de service, tous les fournisseurs, et, par contrecoup, la plupart des maisons de banque et de commerce, et la Caisse d'escompte elle-même, auraient été dans le cas de manquer.
Le secours que M. Necker avait demandé et obtenu de la Caisse d'escompte, au moment même de son arrivée, et avant d'avoir pu connaître l'étendue des besoins, n'avait été qu'un moyen de pourvoir à ceux qui lui avaient paru les plus pressants. Il reconnut bientôt leur insuffisance ; les six semaines étaient à peine écoulées, qu'il se trouva forcé de recourir aux administrateurs et de leur proposer dé lui accorder un nouveau secours égal au premier. Il en fit la demande au, no m du Roi et la présenta comme un moyen indispensable pour seconder les dispositions que faisait le gouvernement pour convoquer les Etats généraux.
Il leur eût été difficile de refuser ce second sacrifice après avoir fait le premier ; cependant leur délibération fait voir que, si leur zèle ne s'est pas refroidi, leur inquiétude sur les intérêts de leurs actionnaires et de leurs créanciers était, augmentée.
Voici la teneur de cette délibération :
2e DÉLIBÉRATION
Des administrateurs de la Caisse d'escompte
Du
L'administration de la Caisse d'escompte ayant à délibérer sur la demande qui lui a été faite, au nom du Roi, par M. le directeur général des finances, d'une nouvelle avance de-15 millions pour un an, en trois payements de 5 millions, au 15 octobre, 15 novembre et 15 décembre,
Elle a considéré qu'à la veille de l'assemblée des notables, à l'approche de celle des états généraux qui doivent établir la confiance sur des fondements solides, tous les bons citoyens doivent seconder de tout leur pouvoir les efforts du gouvernement et ceux du ministre des finances, pour concourir au bien générai :
Que la Caisse d'escompte est tenue, à cet égard, à des obligations encore plus étendues d'après l'influence des opérations du gouvernement sur les siennes, et la connexion qui existe entre la prospérité des établissements et celle des finances de l'Etat;
Que la rareté des espèces et l'augmentation du taux de l'intérêt ayant mis plusieurs des particuliers accoutumés à faire des services au Trésor royal, dans l'impossibilité de les continuer, il en a résulté une diminution considérable dans les anticipations, et une augmentation de besoins auxquels il est important de suppléer afin de relever par la rareté le crédit des assignations et rescriptions du Trésor royal, détruit par la suspension ordonnée sur une portion des effets du même genre;
Que ce but à remplir est important, non-seulement pour le gouvernement, mais encore pour tous les gens d'affaire, dont les négociations particulières sont obstruées par les intérêts élevés offerts sur les effets publics;
Que dans une circonstance qui ne peut être comparée à aucune autre, on ne peut être conduit par les principes ordinaires, ni suivre les manières accoutumées; que l'arrêt du 18 août,
quoique obtenu sans la participation de l'administration de la Caisse, ne lui fournit pas moins un point de tranquillité qui lui permet de donner un peu plus d'extension à ses opérations;
Que cet arrêt, en diminuant ses risques, paraît suspendre en quelque façon les dispositions dés règlements qui n'ont eu d'autre objet que de les prévenir.
Enfin, l'administration se-trouvant, dans cette occasion importante, dans l'impossibilité de consulter le vœu des actionnaires,| sans compromettre leurs intérêts par une publicité dangereuse, est réduite à ne prendre conseil que d'elle-même.
Elle a réfléchi que la somme de 15 millions qui lui était demandée, jointe aux 15 millions précédemment accordés par sa délibération particulière du 4 septembre dernier, n'outrepassait pas la somme de 30 millions faisant, avec les 70 millions déjà entre les mains du Roi, le montant total du capital de ses actions, et que par conséquent le gagé entier des porteurs de ses billets restant intact dans les caisses, ou dans son portefeuille, aux termes de ses statuts, il pouvait être convenable aux intérêts de ses actionnaires, de contribuer dans ce moment à l'aisance publique par la totalité de leurs fonds. En conséquence, elle a cru pouvoir s'abandonner à son zèle, et a arrêté d'accéder à la demande qui lui a été faite par M. le directeur général des finances, en le suppliant de vouloir bien porter aux pieds du Roi cette nouvelle preuve de dévouement et de zèle pour son service.
D'après quoi il sera versé au Trésor royal, par la Caisse d'escompte, 5 millions dansle cours du présent mois, 5 millions en novembre, et 5 millions en décembre contre rescriptions et assignations sur les postes, ainsi que M. le„ directeur général voudra bien en prendre l'engagement, appuyé d'un bon du Roi, au bas de la présente délibération, qu'il approuvera et ratifiera en son entier.
Délibéré en assemblée d'administration, le 16 octobre 1788.
Signé : Les administrateurs de la Caisse d'escompte.
Au-dessous est écrit de la main du Roi : Approuvé.
Signé : LOUIS.
Plus les administrateurs avaient pris d'engagements pour le soutien des opérations du gouvernement, plus il leur était devenu difficile de se refuser â aucunes demandes motivées sur des besoins indispensables. La loterie royale avait éprouvé des perles considérables et imprévues, et le ministre leur proposa encore, le 11 décembre, d'escompter pour 3,600,000 livres de billets solidaires des administrateurs de cette loterie ; de ces3,600,000, livres, 600,000 livres seulement ont été acquittées ; 3 millions sont encore dus à la Caisse d'escompte, qui a mieux aimé garder ces effets comme un objet constamment exigible que de les renouveler.
La justice nous oblige de dire que pendant, que les administrateurs de la Caisse d'escompte agissaient ainsi pour le gouvernement, contre la lettre de leurs statuts, avec très-grand risque de se compromettre, ils ne négligeaient pas ce-1 pendant les mesures nécessaires pour se remet tre
en état de reprendre le cours des payements de la Caisse à bureau ouvert.
Ils s'étaient procuré des espèces, et au dernier décembre ils avaient en caisse 31,284,000 livres, et c'était presqpe le tiers de la somme déT02milliqris cle bolets qui étaient pour lors e^ cirçulationV
Ces 31' millions en espèces, et une certaine quotité de piastres qu'ils avaient achetées, leur donnaient Tfjspoïr fop^é de reprendre incessâm-ment leurs payements; niais le ministre, qui, dans l'impossibilité çVéinprunler d'une manière légale, et dans |i difttci^lté presque insurmontable qe renouveler les antidipationë, rie voyait de re'is-sqp^ce assurée que dans Jes efforts [dé la Caisse d'escompté, crut nécessaire de prolonger encore l'arrêt de surséanpe.
Àu copimenceinënt de janvier de cette année, M. Boscary proposa aux actionnaires, dans une assemblée générale, dé prêter individuellement au gouvernement une somme de 25 millions, et cette proposition fut agréée.
Cette opération ne peut pas être comptée au nombre des torts de la Caisse d'escompte ; mais elle a pu cependant être accusée de les avoir'aggravés, en ce qu'on a appliqué, en augmentation d'intérêts cje/ cet emprpnt, une portion du divï-' de'pde que les actionnaires n'étaient pas dans le cas dè se partager ; puisque nul ne peut avoir le droit de retirer les profits d'une entreprise avâpt que d'en avoir acquitté les dettes, et en Ce que la Caisse çjvaqça a plusieurs actionnaires leur contribution pour l'emprunt du gouvernenaent, sur le dépôt de leurs actions.
^es açjrnjnistrateurs avaient dans ce même temps été obligés de recevoir pour 2 millions d'assignations sur les ferines générales, en payement de ce api était dû à' la Caisse par le Trésor royal pôur le semestre de juillet, des intérêts de son cautionnement de 70 millions, quoique, d'après un arrêt du Conseil, dq 1$ août précédent, elle eût droit de s'atlendré à ce que ces iritêfêts lui seraient payés en espèces qui augmèntèràient son numéraire; mais comment aurait-elfe pu exiger dé l'argent du Trésor royal, lorsqu'elle était obligée de lui en fournir ?
Geyide et le prêt fait aux actionnaires firent retomber le numéraire de la Caisse à 27.600,000 livres, les billets se montant à près de 105 millions, c'était pourtant encore 1,380,000 livres au-dessus du quart.
Dans cette situation, d'après les règlements, la continuation des escomptes ne lui était point interdite; mais, en justice rigoureuse, elles auraient dû cesser depuis longtemps: car il ne peut être permis de faire valoir à son profit l'argent de ses créanciers au lieù de les payer, et l'intérêt dés porteurs de billets à la continuation des opérations de la Càisse pour le soutien de son crédit, et par conséquent de son papier en circulation, peut seul servir d'excuse légitime à Cette infraction aux règles les plus connues de la stricte équité.
Les administrateurs ont renouvelé à la vérité leurs efforts pour se procurer "une augmentation d'espèces, ét ils y étaient parvenus au dernier de mars, au point d'avoir 34,816,000 livres en écus Contre 102,876,000 livres en billets. C'était plus de 500,000 livres au-dessus du tiers, ët cette somme iïïdiqUë l'intention sincère qu'avaient les administrateurs de reprendre promptement leurs payëments à toute quotité de somme; Car l'ârgent, dans l'état où les achats de grains à l'étranger avaient mis notre change, était devenu une riïar-
chandise fort chère, et l'on ne peut raisonnablement présumer qu'ils se fussent volontairement exposés à supporter des frais Considérables et à perdre de gros intérêts, - s'ils n'avaient' eu réellement le désir et le dessein de reprendre promp-temeht leurs payements à bureaux ouverts'. v Les administrateurs avaient, par une délibération portée sur leur registre, fait un fonds'" particulier des intérêts qui leur étaient dûs pour les 30 millions prêtés éri septembre et Octobre dë. l'apnée dernière au gouvernement, afin de faire face aux frais de Ces achats et transports extraor^ dihaiï'és d'argent.' Cet pbjèt est ébnsidë|,abléj et ils ont rendîl Compte aux ÇpmmiSsâifës de iëurë actionnaires et apx vôtrès M ' m
Le 6 avril, leurs combinaisons furent encore dérangées par de nouvelles 'demandés du ïninis-trë; elles se montèrent à 10'millions ; c'était lè momept bù l'on se flattait que lés Etats généraux 'allaient tout arrangée Lés administrateurs y acquiescèrent encore, ét la Caisse reçut en échange de ses billets pour 10 millions de rescriptions soutenues d'âvals deM.du RÛcy, administrateur du' Trëscfr royal.'
tes Etats s'ouvrirent;; les contestations qui s'élevèrerit entré les ordres, 'àlors séparés,' indiquèrent assez que les finances ne pouvàientîipas être promptemënt secourues.
Dès le 15 mai, M. Necker avait proposé aux administrateurs de lui donner ijn nouveau secours ; il leur indiqua des conditions, ils en de- „ mandaient d'autres ; Te ministre, afin de s'en rapprocher, leùr écrivit une " lettre quë' notis devons aussi vous faire, connaître ; elle est consignée dans la délibération que nous allons vous lire:
DÉLIBÉRATION EXTRAORDINAIRE.
Dn
L'administration de la Caisse d'escompte extraor-dinairerhént assemblée, au sujet gùnè lettre reçue de M. le'directeur' général', il a été fait lec-tqre de ladite lettre, laquelle ' transcrite est comme suit :
« Jé Comptais, Messieurs, aller à Paris cette aprè^-midf,' p6ur vous recevoir ; màis les ordres duRoi m'obligent à rester ici, pour assister à une conférence de conciliation aVéc les commissaires dès trois ordres ; et comme je présume qu'il y aura une seconde conférence demain, et que la plupart d'entre vous, Messieurs, vous absenterez pèhdant ces fêtes, je prends le part} de vopfs écrire, et c'est à regret cependant que je riîé trouve dans l'impossibilité d'aller vous entretenir moi-même ; car jamais la finance n'a éu d'objet plus pressant à traiter; mais le Roi pense lui-même que vous rie refuseriez pas une proposition qui approche de si près de votre offre, ét qui, relativement au moment actuel, est cependant d'une importance majéure pour le Trésor royal.
« Vous offrez, Messieurs, d'avance, dans les mois de juin et de juillet, 12 millions contre les sûretés que je vous ai proposées ; mais vous voudriez donner en payement les effets de plus prochaine échéance, que vous avez reçus ci-devant du Trésor royal ; un tel arrangément laisserait notre service des mois de juin et de juillet dans l'incertitude, et je ne saurais tenir à cette inquiétude.
« Je vous prie donc, Messieurs, de nous faire remettre les 12 millions, à raison de 2 millions tous les dix jours, au moyen de la liberté que
je vous laisse de négocier à mesure de vos convenances^ et'à commencer dès à présent, les valeurs qui vous Ont été données, et tjue Vous voudriez-rendre: ces valeurs n'ont plus, je crois, que quatre OU cinq mois à courir, et je ne vous demande que des payements graduels pendant les deux mois de juin et de juillet.
t 11 est impossible, Messieurs, qu'au moyen de la liberté que je vous laisse!' vous vous réfusiez à un arrangement qui est devenu indispensable pour lé Trésor royal. Vous êtes trop bons serviteurs du Roi, trop bons citoyens, et trop attachés aux intérêts dont vous avez lâ direction, pourvois refuser à une1 proposition qui diffère si peu de l'offre que vous m'avez faite.
« Làsecohdeconditiônquevousavezmiseàcette offre est plus difficile à arrangèr ; ear je ne voudrais à aucun prix vous donner ni une promesse' incertaine, ni une fausse ëspêrance. Vous voudriez que lp Roi s'engageât à destiner les premiers fonds extraordinaires qui lui viendront, à retirér les autres effets que voùs: avez reçus du Trésor royal. C'est Sur cette expression : les premiers, que reposé la difficulté ; car la mesure du Crédit peut seule décider si lès premiers fonds extraordinaires que lè Roi recevra, surpasseront ses Besoins imiispènsabléS. Je crois'doné, Messieurs, que vous devez vous contenter de la promesse que je vous fais fé la part-du Roi, de vous 'faire connaître nos difficultés, et de concourir ensemble'au succès des'emprunts qui seront nécessaires p'dur sufipléér aux besoins extraordinaires de la finance, et pour 'rétirer les effets que vous voudriez nous rendre.1 Tout deviendra facile, je l'espère, au moment OÙ les Etats-généraux seront en activité.; car la volonté des trois ordres, pour venir ausecOurs du Roi et dé sès finances, n'èst aucunement douteuse. Pourquoi nie vous ' occu-periêz-vôùs pas, en attendant. Messieurs, d'un plan qui pût remplir vos vuès ét les: convenances du Roi? 11 y a plus que jamais une liaison intime entre les intérêtâ de la caisse d'escompte, "et ceux du Trésor royal , et j'espère que vous û'êtèS pas indifférents à mes embarras particuliers; Voyez, Messieurs, la crise des finances, Celle des grains, celle des Etats généraux, et sortêz-mOi d'inquiétude pour la partie qui dépend de vous. Je vous demande, de la part du Roi, à qui je vais communiquer ma lettré, dè vous aSsemblér sur-le-champ, et de prendre une délibération qui puisse ' tranquilliser Sa Majesté et son ministre. Le Roi vous tiendra compte de votre empressement et vous le témoïgnèra. J'attends votre réponse par un courrier extraordinaire ; car j'ai besoin de tranquillité.
« Je suis avec le plus sincère et parfait attachement, Messieurs, votre très-humblé et obéissant serviteur.
Signé : NECKER.
c Ce vendredi. »
Et après avoir délibéré,
L'administration a décidé de mettre sous les yeux de Sa Majesté les observations suivantes* : 1° Par les statuts dé" là Caisse' d'escompte, homologués par le Roi, l'administration est obligée de conserver la proportion entré ses espèces en caisse et l'émission de ses billets sur la place de manière que la proportion du numéraire soit toujours du tiers au quart des billets. En outre elle doit ne placer ces fonds libres qu'en effets solidaires d'une rentrée certaine et ayant au plus six mois d'échéance,
2° En septembre et octobre de l'année passée, les administrateurs de la Caisse d'escompte ont consenti à donner au Trésor royal un secours de 30 millions contre des assignations et rescriptions payables dans les derniers mois de cette année, et ils ne s'y sont déterminés que par la considération que cette somme n'excédait pas la portion qui restait libre Sur le fonds des actions.
3° En avril dernier, ils se sont déterminés à une nouvelle avance de 10 millions, et Cette opération pouvait encore être, jusqu'à Un certain point, justifiée par la situation de la Caisse, ét par les formes qui ont été prises pour concilier ce que les circonstances et les besoins de l'Etat exigeaient, avec les statuts dé rétablissement.
4° Dans la position adtuelle, les fonds en caisse ne montent qu'à 29,500,000 livres, et! les billets dans le publie s'élèvent à 119,200,000 livres ; ce qui établit, à peu de chose près, la position relative du quart;- en outre, les effets proposés en nantissément par M. le directeur général, ne présentent point une rentrée fixe, et sont, par leur nature, formellement proscrits par les règlements ; de manière qu'aux termes dés statuts, l'administration paraîtrait ne point devoir sé prêter à cette nouvelle demande..
D'un autre côté,
L'administration a considéré la nécessité et l'indispênsabilité du Service qui lui était demandé, l'importance où il était de pourvoir aux besoins actuels, jusqu'au moment ou les états généraux constitués se feraient Une loi de venir au secours du Roi, et de reûiplir ses engagements.
Elle a pensé que les actionnaires et les porteurs de billets eux-mêmes, s'ils pouvaient être Convoqués, se feraient une loi de remplir ce devoir. Elle est pénétrée du désir de donner au Roi les preuvés les plus sincères de son entier dévouement, et de seconder Ses vues bienfaisantes.
Dans cette perplexité, l'administration a cru ne pouvoir rien faire de mieux que de s'en rapporter à Sa Majésté elle-m^pie, et en mettant sous Ses yeux l'exposé fidèle de ses devoirs et de ses désirs, la supplier, dans le cas oû elle jugerait le secours de 12 millions indispensablement nécessaire, de vouloir bien, pàr une lettre de sa main, adressée aux administrateurs de la. Caisse d'escompte, fixer d'une manière certaine les remboursements, et les garantir de tous reproches et de tous événemènts, le vœu personnel de Sa Majesté leur paraissant une sauvegarde pour les déterminer à uhe résolution qu'ils considèrent hors de leur pouvoir, mais dont ils reconnaissent la sagesse'et la nécessité.
Délibéré en assemblée extraordinaire d'administration, tenue le 29 mai 1789.
Signé :
Les administrateurs de la Caisse d'escompte.
Au bas est écrit de la main du Roi :
« La conduite des administrateurs de la Caisse d'escompte me paraît fort sage, et je les remercie de la confiance qu'ils me témoignent. Je crois que les circohstancés actuelles rendent convenable, sous tous les rapports, lé nouveau service qui lbùr a été demandé par lè'directeur général de riieé'" finances, et je ferai en sorte que leur avance n'e^çèdé pas six niois.
« Signé : LOUIS. »
Le résultat de cette délibération fut donc de prêter encore 11,940 000 livres sur les billets des trésoriers, soutenus d'assignations sur les emprunts des pays d'Etats.
A la (in du même mois, il fallut encore rece voir du Trésor royal, au lieu de l'argent qu'il devait pour les intérêts du cautionnement, 1,750,000 livres en assignations sur la ferme générale.
Malgré toutes les facilités que vous venez de Voir que la Caisse d'escompte n'avait cessé de donner au gouvernement, le 25 septembre le Trésor royal était encore aux abois. Les deux emprunts avaient manqué; le ministre venait de proposer la contribution patriotique. Bille n'était pas décrétée, mais on y comptait. M. Necker demanda 12 millions avec les dernières instances, sur des billets de l'administrateur du Trésor royal, appuyés de bordereaux de pareille somme sur le dernier emprunt.
Les administrateurs de la Caisse d'escompte, qui s'étaient obligés de secourir l'Etat sur lu seule demande du Roi, tant que la nation n'avait pas d'autres représentants connus, ne crurent plus le pouvoir depuis que l'Assemblée nationale s'était constituée; ils demandèrent â y être autorisés par Je consentement des membres du comité des finances, chargés de travailler avec le ministre ; et cette approbation ne leur fut pas refusée; ces 12 millions ont été compris depuis dans les nouvelles avances que la Caisse d'escompte a faites sur la contribution patriotique, et les effets de l'emprunt ont été retirés.
Il parait qu'un payement de 6 millions, fait le 5 octobre, a été négocié d'avance et délibéré le 2, avant que voire décret fût rendu, et que depuis que, par ce même décret, le premier ministre des finances a été autorisé à traiter avec la Caisse d'escompte, ou toute autre compagnie de finances, pourse procurer, sur la contribution patriotique, les sommes qui seraient indispensables au rer-vice courant ; la Caisse d'escompte a pris l'engagement de fournir au Trésor public 6 millions par semaine, et qu'elle les y a versés, quoique les commissaires que vous deviez nommer pour la suite de celte opération n'aient pas encore été nommés.
Au 25 novembre, la totalité des avances faites par la Caisse d'escompte au gouvernement se montait à 119,090,000 livres, sur quoi elle avait touché 30,491,000 livres, et il lui restait dû par le Trésor royal 88,799,000 livres.
Elle doit continuer de payer jusqu'à la fin de l'année ces 6 millions par chaque semaine, et elle a dû effectuer le payement de lundi dernier. Mais elle a en même temps à recevoir pour 28,799,000 livres d'effets exigibles du gouvernement, de sorte que, compensation faite, il ne lui sera dû le dernier décembre que 90 millions.
Maintenant, pour apprécier l'effet que les avances que la Caisse d'escompte a faites au gouvernement ont produit sur ses opérations, sur la somme de ses escomptes et sur rémission de ses billets dans le public, il faut se reporter à la fin d'août 1788, et par conséquent à l'époque où elle n'avait fait encore aucune avance au gouvernement, et se rappeler que ses escomptes montaient, pour le 1er septembre, à 83,344,000 livres, ses billets en circulation à 64 millions, et son numéraire effectif à 17 millions. La vérification de toutes ses opérations de mois en mois, depuis cette époque, prouve que, malgré la diminution de ses escomptes pour le commerce, qui ne montaient au 25 novembre dernier qu'à la somme de 41 millions,
celle de ses billets en circulation s'est soutenue depuis 73 millions jusqu'à 115 au plus; quesesengagements en billets montaient encore, au 25 novembre, à 112 millions ; que la valeur des effets de toute nature qu'elle a eus en portefeuille a varié de mois en mois, et que ces effets ne se sont considérablement accrus dans certain temps que d'après les avances qu'elle avait faites successivement au gouvernement; qu'elle a payé 160 millions effectifs en seize mois, malgré l'arrêt de surséance qui l'en dispensait ; enfin que ce n'est que depuis l'époque du mois de juillet dernier que son numéraire a souffert une diminution sensible, qui, aux termes des statuts, devait imposer aux administrateurs l'obligation de suspendre les escomptes ; qu'ils se sont cependant crus forcés de les continuer, par la crainte, en détruisant leur propre établissement, d'altérer le gage même de leurs créanciers et d'opérer la ruine d'une multitude de fortunes que la suppression de l'escompte aurait anéanties, et particulièrement par le danger de rendre illusoires, dans ces temps de crises et d'embarras, les secours qu'ils avaient prêtés à la finance.
Il ne nous reste qu'à vous mettre sous les yeux le tableau de la situation de la Caisse d'escompte au 22 novembre dernier. Sa créance sur le Trésor royal se montait à 88,790,000 livres, et quand nous avons arrêté ses comptes à cette même époque, cette somme formait la majeure partie
de son avoir, ci....... 88,799,000 liv.
A quoi il faut ajouter, tant en argent qu'en effets de commerce, dont nous avons, fait la vérification sur ses livres et dans ses
caisses, une somme de..... 53,220,083
2° Pour prêts qu'elle a faits
sur différents dépôts...... 8,300,000
3* Pour une avance qu'elle a faite également sur dépôt à une partie de ses actionnaires qui ont prêté individuellement 25 millions au gouvernement..... 4,000,000
4° En récépissé des hôtels des monnaies, pour des matières appartenant à la Gaisse qui sont en fabrication, et qu'elle doit recevoir incessamment...... 1,875,888
Total...... 156,194,976 liv.
Sur quoi elle devait au 25 novembre dernier : pour billets en circulation. . . 112,882,8801.
En comptes courants à différentes maisons de banque ou 3 particuliers.. . 8,199,708
D'autres petits objets, trop longs à détailler forment pour le
passif un objet -
de....... 4,340,980 h
Et pour l'actif ' de même. . . . 1,206,308
Balance de cet objet .....
3,134,6721.
124,417,260
Reste de la balance générale en faveur de l'actif, la somme de........... . . .
31,777,716 liv.
Gette somme de 31,777,716 livres forme, avec le capital de 70 millions déposés au Trésor public, les 100 millions de fonds appartenant aux actionnaires, avec un accroissement de près de 2 millions, ce qui constitue l'actif de la Caisse d'escompte, ou son avoir, de près de 102 millions supérieur à son passif.
Le résultat de ce rapport se réduit, Messieurs, à quelques points très-simples.
Depuis 1783 et 1787 que la Caisse d'escompte a reçu sa constitution actuelle, jusqu'au 18 août 1788, elle a payé à vue et à bureaux ouverts.
Le 14 août 1788, elle avait près de 20 millions d'espèces contre 76 millions 1/2 de billets.
Le 18 août 1788, jour de l'arrêt de surséance, il ne s'en fallait que de 100,000 écus pour que son numéraire égalât le quart de ses billets.
Au lep septembre, et malgré l'arrêt de surséance, elle avait acquitté, en dix jours de payement, 9,890,000 livres, et son numéraire, qui n'était baissé que de 975,000 livres, excédait de plus de 1 million le quart de ses billets.
Au commencement de septembre elle a cédé aux instances du ministre et du Roi pour donner des secours au gouvernement, et elle s'est écartée des dispositions de son règlement, comme de l'esprit de son institution, en prenant des valeurs à long termes et en prêtant ainsi à l'Etat la propriété des créanciers envers lesquels elle était en-
gagée, et quoiqu'elle ne payât ses billets qu'avec lenteur, sur le pied de 8 à 10 millions par mois.
Jusqu'au mois de juillet de cette année, son numéraire a été au-dessus de la proportion hors de laquelle son règlement lui défend d'escompter.
Depuis ce mois, elle s'est crue obligée, quoi-qu'en restreignant de plus en plus l'escompte, de le continuer encore en partie pour prévenir les secousses dont la place et le commerce auraient été menacés par une suspension totale. Elle s'est encore en ce point écartée de ses statuts.
Du reste, ses comptes sont en règle, clairs et dans un très-bel ordre, et son actif, y compris les 70 millions qu'elle a déposés au Trésor royal, excède son passif d'environ 102 millions : l'Etat lui en devra 90 à la fin de l'année sans son cautionnement.
D'après ces faits, Messieurs, vous connaissez cet établissement, sa conduite et sa position.
C'est à vous de décider si le jugement que vous en porterez doit être fondé sur la sévérité des principes obligatoires, dont elle s'est manifestement écartée, ou sur la considération de la nécessité impérieuse des circonstances et des services signalés qu'elle a rendus, et qu'elle rend encore, par ses avances, à la chose publique.
N° I.
SITUATION DE LA CAISSE D'ESCOMPTE
PENDANT LE MOIS D'AOUT 1788.
EFFETS ESPÈCES BILLETS
en en en
portefeuille. caisse, circulation.
liv. d. s. liv. d. s.
1788 Août l«r............................. 98, Ml, 678 13 5 25,527,303 6 2 87,967,280
2................................. 99,302,173 1 2 23,902,482 8 11 86,432,680
4............................... 98,178,841 2 9 23,238,413 9 7 85,280,180
98,584,602 4 3 22,480,273 12 11 84,565,580
6............................... 97,333,057 8 4 21,886,642 13 5 84,032,580
98,453,438 18 9 20,990,139 19 -8 83,588,980
8............................... 97,143,331 14 1 20,814,977 8 3 82,534,080
9................................ 95,759,593 1 10 20,347,463 15 8 80,433,980
11............................... 94,209,683 13 7 19,705,755 11 5 79,297,080
12............................... 96,032,788 19 19,147,584 17 7 79,232,580
13............................... 92,373,187 17 2 19,031,403 9 1 78,029,280
14............................... 89,662,053 11 19,738,728 8 2 76,511,180
16............................... 89,662,053 11 18,876,996 3 76,214,880
18............................... 88,532,200 15 6 17,974,191 5 7 73,931,080
89,976,961 13 1 15,516,663 4 71,786,280
20............................... 88,185,252 11 11 15,344,526 15 5 70,547,480
21............................... 88,877,772 2 11 15,493,033 1 3 70,590,880
22.............................. 88,080,509 13 7 15,494,718 6 6 70,410,080
23............................... 85,641,527 4 10 14,609,935 16 1 68,035,880
26............................... 85,074,722 5 6 15,324,722 4 11 67,375,380
27 ................................ 84,244,661 15,429,186 12 11 67,101,480
86,816,472 4 16,209,318 11 4 68,631,480
29............................... 86,106,944 5 4 16,344,905 16 2 68,727,380
30............................... 85,996,135 17 11 16,914,204 5 5 66,919,380
83,344,525 3 10 17,008,583 5 64,040,380
N° II.
du
ÉPOQUES auxquelles ont été faites les avances. VALEURS SUR LESQUELLES les AVANCES ONT ÉTÉ FAITES. MONTAPjf des AVANCES primitives. RENTRÉES. RESTE à RENTRER.
1788 Septembre.. 4 Octobre.....16 Décembre... 11 1789 Janvier.....19 Avril....... 6 Juin... .... 4 27 | Septembre.. 25 Octobre.... S 12 | 19 1 36 | 30 ! Novembre... i) 16 Escompté directement au Trésor royal, sur les rescriptions et assignations................. i Billets solidaires des administrateurs de la Jote- • rie royale de France....................... Assignations sUr les fermes générales, en payement des intérêts du dernier semestre 1788, des 70 millions en dépôt au Trésor royal... Rescriptions soutenues d'avals de M. Durwey. Billets de trésoriers, soutenus d'assignations sur emprunts de pays d'Etats............... Assignations sur les fermes générales en payement des intérêts du premier semestre 1789, fles 70 millions déposés au Trésor royal..... 1 Billets d'un des administrateurs du Trésor royal,| soutenus de bordereaux de délégation sur la contribution patriotique.................... Nota. Les billets à trois mois ont été négociés à 41/2, et ceux'à denx mois à 4 0/0........ 1 18,000,000 15,000,000 | 3,600,000 2,000,0fl0 10,000,000 11,940,000 1,750,000 12,000,000 6,000,000 6,000,000 1 6,000,000 6,000,000 6,000,000 6,000,000 12,000,000 16,691,000 600,000 2,000,000 6,000,000 3,450,000 1,750,000 13,309,000 3,000,000 4,000,000 8,490,000 60,000,000
119,290,000 30,491,000 88,799,000
N° III.
ÉTAT PAR MOIS
Des sommes payées en espèces, ççntre billets de caisse seulement, depuis le mois d'août 1788 jusqu'au
25 novembre 1789.
Savoir :
1788 Août.....
Septembre Octobre.. ; Novembre, Décembre.
1789 Janvier... Février...
Mars.....
Avril..... Mai......
Juin......
Juillet...., Août.. ii. Septembre Octobre..
Jusqu'au 25 Novembre
18,145,100 livres. 11,655,500 10,622,900 8,465,000 9,898,200 13,058,900 6,601,300 9,572,300 11,381,600 11,363,700 12,035,900 10,547,300 6,599,600 7,696,000 6,343,500 5.958,400
Total
159,515,000 livres.
Extrait du registre des délibérqtiqm de riistratiûk de là Caisse j^e^co^pte,
Du
L'administration extraordinairement assemble, présents MM. les commissaires.
D'après une lettre de Mi Necker, ministre des finances^ en date du 17 septembre, à l'effet d'engager l'administration à se présentër auprès de lui, 3 de ses membres y ont été, pour entertdre l'objet de ses demandes.
' II" leur a exprimé que les besoins du Trésor royal étaient tellement impérieux-dans la' cifr Constance actuelle, qu'il ne pouvait se passer :
1° D'une somme de 200,000 livres, en écus, contre des billets de caisse, pour suffire au payement de la solde des troupes;
2° D^une'autre somme de 12 millions en billets, contre des valeurs du Trésor royal qui se rapprocheraient le plus du régime de la Caisse d'escompte.
Sur quoi il a été arrêté que, considérant le péril dont était menacée la'Caisse d'éscompte s'il arrivait une suspension de payement au Trésor royal, on fournirait les 200,000 livres en écus contre billets dé caisse, et qu'on ferait en outre le prêt demandé dé millions, sur les billets de M. Darney, à 3 mois, appuyés de pareille somme de bordereaux de l'emprunt national de 80 millions, sous les termes et conditions 'ex*-primés dans la délibération envoyée à cet effet au premièr ministre des finances, dont lai teneur fera copiée ci-appès littéralement, ainsi (tue la lettre d'envoi à ce ministre.
Délibéré et arrêté en ladite assemblée.
Copie de la lettrç de M, Pfepker à, rqdministrqfâo'y.
« Je vous prie, Messieurs, de vouloir bien prendre la peine de venir à Versailles, pour tous entretenir avec moi d'Un'objet important." Je serai libre deriiain toute la matinée. Je sulsbieh fâché de vo*us: causer de l'embarras, mais 'nous ne pourrons nous passer de votre secourir ëii cés moments difficiles.
« J'ai l'honneur d'être, avec un parfait attachement, etc.
« Signé : Necker. »
Copie de la délibération envoyée au ministre des finances.
L'administration de la Caisse d'escompte extra-ordinairement assemblée cejourd^hui, présents MM. les commissaires des actionnaires, 3 administrateurs ont dit qu'ils se sont rendus ce matin à Versailles, sur une lettre du ministre des finances, qui, en leur annonçant l'espérance prochaine de la restauration des âffaires; leur a exposé les besoins urgents du Trésor royal et leur a fait la demande d'un prêt de 12 millions.
Considérant que, d'après les détails dans lesquels est entré lef ministre des finances, la Chose publique est en danger, et que, sans les secours qu'il réclame, il ne resterait aucune ressource pour éviter la suspension des payements;
Considérant d'un autre côté, qu'aux termes de l'arrêt du Conseil du mois de juin dernier, la Caisse sera obligée de reprendre le 1er janvier prochain ses payements à bureau ouvert, et qu'elle ne peut, en conséquence, contracter aucun engagements dont le terme excède l'époque du dernier décembre ;
Enfin, voulant concilier autant qu'il est en elle fïes formes prescrites par ses statuts avec son dévouement absolu aux intérêts de la nation, son attachement pour la personne du Roi et* le désir qu'elle a de seconder les efforts du ministre des; finances, '
Elle a arrêté de prêter ladite somme de 12 millions, pur billets de M. Darney, garde du Trésor royal, payables à S mois, appuyés de bordereaux, espèces del'emprunt national. Mais les circonstances fâcheuses dans lesquelles se trouve la Caisse d'escompte ne permettant pas à son administration de faire une émission de billets aussi considérable, les administrateurs de la Caisse ne sauraient trop représenter au ministre des finances qu'il leur est indispensable d'être autorisés à cette opération par le comité des;finances dé l'Assemblée nationale.
Fait et arrêté à Paris, le
Copie de la lettre de Vadministra,tion à M. Necker.
« Monseigneur,
« M. Vandenyver, Doazan et Boscarv nous ont fait part des demandes que vous leur avez faites. Toujours dévoués à la chose publique, ét persuadés, Monseigneur, que: le Trésor! royal n'Usera du numéraire de la Caisse d'escompte; qu'avec le plus grand ménagement, malgré les besoins que nous avons de nos écus pour satisfaire aux demandes continues du public, noUs'h'avons pas hésité un seul instant à adopter les mesures que vous avez coqcprtéPS ayep pos députés pour cpie la Càisàé a'eècbmpté verse àj^ frégor royal, ! contre billets de caisse, les écufF qui" poarraient lui être nécessaires pour le payement des troupes et autres objets indispensables. Vous pouvez en conséquence, Monseigneur, compter sur. cette exécution.
« Quant à la demande de 12 millions,dontvous avez annoncé le plus pressant besoin, nous avohs l'honneur de vous remettre ci-joint la délibération que nous avons arrêtée â ce sujet.
«Nous espérons qu'en cherchant à concilier nos devoirs avec notre empressement d'être utiles à la nation, nous remplirons vos vues.
« Nous sommes, avec respect, etc.
Signé : Les administrateurs de la Caisse d'escompte.
Copie de la lettre du comité, des douze.
, « le mwstre des (inancps a rendu compte aux i2 membres du comité dés finan-r cés1 chargés par l'Assemblée nationale de cor-respopdrp avec îpi sur les affaires 4e finances, de la disposition où sqnt MM. les administrateurs de là caisse d'escompte déverser au îrèsqr royal, sur sa pressante'sollicitation, une somme de 12 millions en billets dp caisse, pour lesquels il ïpljr sera fourni ûnë pareille somme de billpts de M. Darney, à 3'mois dp'dà|;e, et, à leur appui un pareil capital dft dérnier Emprunt nationâi. M. Nècker LaJ, en même temps, informé MM. les députés de la nécessité absolue de ce secours pour satisfaire aux pesoins indispensables du moment, qui ns permettent pas le moindre retardement; et, sur cet exposé, MM. les dépu-I tés, à la demande de M. le ministre des fi-I naaces, ont approuvé l'opération proposée, et
applaudi aux sentiments de zèle et de patriotisme qui l'ont inspirée.
« A Versailles, le
« Signé de Messieurs du comité des douze. »
Extrait du registre des délibérations de l'administration de la Caisse d'escompte.
A la suite de l'escompte de ce iour, M. Darney étant venu porteur d'une lettre ae M. Dufresne, directeur général du Trésor royal, écrite d'ordre du ministre des finances, et adressée à l'administration, MM. les administrateurs soussignés en ont pris connaissance, ainsi que de l'approbation qu'elle contenait de MM. ies députés de l'Assemblée nationale, composant le comité des douze, à la demande faite par le ministre des finances, détaillée dans la précédente délibération. D'après cette approbation, et conformément à ce qUi a été précédemment arrêté ,| et sur la demande de M. Dufresne, MM. les administrateurs présents ont délivré à M. Darney 12 millions en billets de caisse, contre la remise que leur a fait ledit sieur Durucy de son billet de même somme, au 31 décembre nxe, soutenu d'un bordereau de comptant du dernier emprunt national, également de 12 millions; et il a été arrêté d'en rendre compte à l'assemblée de l'administration de jeudi prochain, et qu'il sera copié ci-après la lettre de M. Dufresne, et l'approbation de MM. les députés de l'Assemblée Nationale.
Signé : Les administrateurs de la Caisse d'escompte.
La lecture du rapport de M. le duc du Châtelet a été écoutée avec une attention soutenue.
Je demande à MM. les commissaires s'ils regardent les 90 millions dus par le gouvernement à la Caisse d'escompte, comme délégués sur la contribution patriotique.
L'Assemblée, par son décret du 5 octobre, a autorisé le Roi et son ministre à faire à ce suiet tel arrangement qui conviendrait au bien de l'Etat.
Je demande qu'il nous soit donné lecture du décret sur la contribution patriotique.
fait donner lecture du procès-verbal de la séance du 5 octobre qui contient ce décret.
La discussion est reprise sur le projet du ministre des finances, concernant la conversion de la Caisse d'escompte en banque nationale.
, évéque d'Autun (1). Comme membre du comité dont vous venez d'entendre le rapport, j'ai cru
pouvoir vous demander la parole, soit pour vous soumettre quelques idées particulières sur la
Caisse d'escompte, soit surtout pour rappeler et rattacher à ce sujet des questions
importantes qui en sont inséparables, et qui tiennent essentiellement aux
L'idée de l'établissement d'une banque nationale en France vient de frapper tous les esprits et a acquis beaucoup de faveur dans l'opinion.
Parmi ceux qui ont des notions saines du crédit, plusieurs regardent cet établissements comme indispensable, et ceux-là même qui sont v le plus étrangers à cette matière, qui savent à peine ce que c'est qu'une banque, et nullement quelle est l'organisation qui conviendrait à une banque nationale, paraissent rassurés sur le discrédit actuel, pour avoir entendu dire que l'Assemblée nationale décréterait l'établissement d'une banque nationale. On dirait que le mot banque suffit seul pour tout réparer ; et pourtant il faut bien se persuader que ce n'est qu'une banque bien constituée qu'il pourrait être utile d'établir, et non une banque nationale, quelconque. Les banques ne sont point des institutions simples; leur but est à la vérité partout le même; c'est de favoriser la circulation, les échanges, et de faire baisser l'intérêt de l'argent; mais les moyens qu'elles emploient doivent extrêmement varier. Les banques sont des instruments d'une trempe forte qu'il faut employer avec précaution et intelligence, parce qu'il peut en résulter ou un grand bien ou un grand mal. Ici surtout il faut se défendre contre tous les systèmes que l'avidité, la légèreté et les demi-connaissances si communes et si dangereuses se hâteront, bu peut-être sè sont hâtées de vous offrir. Il ne peut donc être inutile de rappeler, en les réfutant, les diverses idées qui ont été répandues sur la création d'une banque en France, d'autant que plusieurs d'entre èlles n'ont été ni combattues ni discutées, et sont de nature à pouvoir peut-être égarer de bons esprits. Parcourons-les rapidement.
On a parlé de créer une banque nationale. Je pense qu'une banque bien constituée ne doit pas être Une banque nationale, soit qu'on attache à ce mot l'idée seule de la responsabilité de la nation, soit qu'on veuille que la nation fasse faire la banque pour son propre compte.
L'on est porté à croire que, parce que la nation va se rendre garant de la dette publique, elle pourrait aussi répondre des fonds d'une banque; mais il est bien essentiel de ne pas confondre.
La nation doit répondre de la dette publique, sans doute, puisque les sommes qui composent cette dette ont été prêtées à la nation, employées pour la nation. confiées au seul représentant con nu de la nation. Il faut même observer que c'est improprement que l'on a dit que la nation sera caution de cette dette. La nation n'en sera pas caution, elle en est débitrice; et il faut bien être , garant du payement des sommes dont on est débiteur.
Le cautionnement que la nation accorderait à la banque sera d'une nature toute différente.
Loin que ce cautionnement de la nation donnât du crédit à une banque, cette combinaison devrait au contraire ôter tout crédit à la nation qui serait capable de l'adopter. Comment en effet se confier à une nation qui serait assez imprudente pour livrer à un petit nombre de particuliers la gestion d'une banque dont les opérations doivent être illimitées, et par laquelle toutes les propriétés nationales se trouveraient hypothéquées?
L'on suppose bien que toutes les précautions seront prises pour que les administrateurs de la banque ne commettent point d'infidélités : mais enfin, ce qui sera toujours possible, s'il arrivait un malheur à la banque, il faudrait que l'on gré-
vât lès propriétés de contributions énormes, ou que la nation fît banqueroute. Une nation sage peut-elle consentir à courir une seule chance qui puisse la réduire à une pareille alternative? Une nation loyale peut elle acccorder une responsabilité qui pourrait devenir illusoire?
La nation ne peut donc pas, ne doit donc pas se rendre caution pour la banque.
La nation doit encore moins faire la banque pour son propre compte; car à tous les inconvénients résultants de la responsabilité qui auraient également lieu, s'en joindraient nécessairement beaucoup d'autres. La nation ne pourrait en effet que de aeux choses l'une: ou faire administrer la banque par des employés gagés, ou la confier à des régisseurs intéressés. Dans le premier «as, il serait trop à craindre que la banque ne fût pas dirigée avec le soin qu'elle exige; dans le second, il serait également à craindre que les administrateurs ne se livrassent à la poursuite de bénéfices immodérés, sous le prétexte de l'intérêt de la nation avec laquelle ils seraient associés. Dans les deux cas, s'il arrivait quelque malheur à la banque, les représentants de la nation prononceraient avec bien moins de liberté sur des événements où l'intérêt de la nation entière serait compromis, que lorsqu'ils n'auront à traiter qu'avec des administrateurs particuliers, ou plutôt, qu'à juger leur conduite. Dans les deux cas enfin, les frais annuels de la gestion seraient augmentés, et la portion de bénéfices, que la nation pourrait s'attribuer directement sur les opérations de la banque, ne la dédommagerait sûrement pas de la perte incalculable qui résulterait pour elle d'une moindre diminution du taux de l'argent dans le royaume.
11 ne faut donc, ni que la nation se rende caution de la banque, ni que la banque soit faite pour le compte ae la nation.
L'on a proposé d'établir des caisses d'escompte dans lès différentes ville du royaume ; ce projet a quelque chose de séduisant : car il semble d'abord que si les caisses d'escompte sont utiles, on ne saurait trop les multiplier; que si elles favorisent le commerce, il faudrait en établir surtout dans les villes de commerce.
Mais il est aisé d'observer qu'une seule caisse d'escompte, ou banque de secours, placée dans la capitale, au centre des circulations, ne vivifie pas seulement le commerce du lieu où elle est établie, et que son influence s'étend nécessairement dans tout le royaume.
Or, plusieurs caisses d'escompte, ou banques de secours, ne procureraient pas même ces avantages : loin d'accroître réciproquement leur crédit, elles se nuiraient infailliblement.
Car d'abord, la multiplicité de ces banques mettrait chaque particulier dans la nécessité d'examiner tous les papiers de banque qui lui seraient présentés, tandis qu'une grande partie de la confiance accordée à ces effets provient de ce qu'ils n'ont besoin d'aucun, examen, de ce qu'ils se reconnaissent à la première inspection, presque aussi facilement que les pièces ae monnaie.
Cette observation est plus importante peut-être qu'elle ne le paraît: il est certain que l'on accordera aux billets d'une banque unique pour tout le royaume une opinion de crédit que n'obtiendraient jamais des billets de plusieurs banques ou caisses d'escompte, réparties dans les provinces , puisque ces diverses banques étant inégalement accréditées, chacun de leurs billets exigerait un examen préalable, avant d'être admis dans un payement quelconque.
Mais, indépendamment de cette considération, il y aurait un inconvénient bien grave : c'est que les fautes de l'une de ces banques iraient frapper inévitablement sur le crédit des autres, par la correspondance qui existerait entre elles. Multiplier les lieux où ces fautes pourraient se commettre, c'est en multiplier la probabilité : et il importe, sans doute, de ne pas augmenter les chances qui peuvent compromettre le commerce et la circulation du royaume. Il est presque impossible que, s'il existait 30 ou 40 banques de secours, il n'arrivât jamais d'accident à aucune d'entre elles; et il n'est pas moins certain que l'époque où l'une de ces banques pourrait être en faillite, donnerait lieu à une multitude de fraudes de la part de gens qui auraient été instruits plutôt que d'autres, et quelquefois à l'avance, d'un événement de ce genre : de là aussi des contestations sans nombre, même entre personnes de bonne foi, qui auraient donné ou reçu eu payement des billets de cette caisse, par la raison que ces sortes de billets étant de nature à être négociés sans endossement, il n'y aurait lieu à aucun recours.
Enfin il est presque nécessaire que les caisses nationales admettent les billets de la banque en payement; et qui ne voit pourtant qu'il serait impossible que la nation autorisât les receveurs des deniers publics à, prendre indistinctement les billets de toutes les banques qui pourraient être établies dans le royaume?
Tout ce qui vient d'être dit sur ces différentes caisses de secours n'empêche pas que des négociants, ou des capitalistes, puissent se réunir dans différentes villes pour escompter des lettres. Ces institutions particulières, séparées, n'existant que par la confiance, et surveillées par leur propre rivalité, ne peuvent qu'être extrêmement utiles.
Il a été proposé un moyen de suppléer à la multiplicité de ces banques, en ne laissant subsister qu'une banque générale, qui aurait, dans la plupart des villes du royaume, des bureaux de correspondance, où l'on rembourserait les billets de la banque à présentation. Cette idée est la plus impraticable de toutes; elle réunit aux inconvénients de la précédente un inconvénient bien plus grand ^encore : car on voit qu'il faudrait que la banque, au lieu d'avoir seule-men t dans sa caisse principale, telle portion de son capital que la prudence fera juger nécessaire, eût en même temps cette même portion dans chacun des bureaux qui seraient établis, puisque, sans parler des gens mal intentionnés, qui pourraient porter une partie considérable de billets dans telle ville où serait un bureau de la banque, le hasard seul ou quelque circonstance impossible à prévoir pourraient diriger une grande quantité de billets à la fois vers tel ou tel bureau qui ne serait pas en état de les acquitter ; et s'il y avait seulement 50 bureaux répartis dans différentes villes du royaume, il est probable que la banque ferait, presque tous les jours de l'année, banqueroute dans plusieurs endroits, quoique la somme qu'elle aurait en espèces effectives, réparties dans ses différentes caisses, fût très-supérieure à la totalité des demandes d'espèces qui lui seraient faites.
L'on a donné aussi le plan d'une banque dont les billets porteraient intérêt. Cette idée me paraît absolument contraire à la nature des billets de banque.
Dans les moments où une banque a du crédit, l'appât d'un intérêt modique attaché à ses billets
n'est iillll'ëtlibiit nêçéMjfé Hoûl- di'tbrHjipér â les prëridlè ; ét dâni Jêfehibtherlts. Oti jl y adrait, de ridttillétùdé èiir la Miiitùe, cet intérêt moaiàùe àèrait Mtenien tfiHs capable de lai.rb ijrenqre des billets, d'aUtàttt. iju'il Jetait itilbDëçible de ^bpôftibiinB? lé taiik ne.liuiéi'êt a la. gradation trOissimté oii 3écfoissH|itfe aê.la.cbdn.âilcé,' ,
L'oii dit qii'.il a étf .qilestiM a établir Uhé banque àvëc dès fpridâ tres-çbusidérâbles, api là riaêt-trâiëiii ëii biésuj'ë afe prétër sur le& bièi' îbds. Jë iie botindlè pâs lës détails,de,.ce plan;.Mis il ttie pâràît êViaéht qiië. lës plàëèments sut les biëns-ronds iië ^bumiefiï avoir lieu i}rie. polir le capital, ôîéi.f dç là bàriqidë, (Bt dp, de càpifài âera tohjbiirs tjiacê j^.luâ fcohvëBibîëiri&jl sut là dation lâtit Qil'it iè^iîifcèra titi e dette Biibliquë, d^bord patcé qiie bélà tpul'nèrà àU.profit dé la BàtidHl et eâàdite ; j&fcçf qti'uiië fcBân&ê 'jll .la, na^pn serait tôbjolirs plus sustëptiblë d'être négdc^ëe et vendue, lorsque qàéltjtiè ëvetiëffi.è.iit mettrait la bàiiquë «Ms la idëbesëlié d'a^oiï1 ^hoùts à cette portion dë fcoh capital pour fairé râëë a ses erigâ-gfements.
Quant aux. fonds, destinas à yivinëj? la cir.cùlâ-tibii il Blè feettibië tôUi ausâl inconVestàblè qu'on iie petit prudemment lëé placer éhr des'bièhs-fonds, parbb quë tOut le monde sait quë.idë genre de placém'ëiit, qiii, bëut-êtrë, ,'é^t celpi. dont le cà|)ftâj. est lb plus assuré ën définitive, est certài-nëmëfit ëèlul dont la rëtitrèe, â, é'podue fixé e,st la moins certaine et donhe lieu à plus de difficultés,
tin tël ëtopioi dés ronds te la banqué rie serait sûrement, pas dé .haturè â, trâliquillisei' .les por-tëur^dë biiletÔbr l'kcquittenàent ae cëé billets, âb ihbmëtït dë là prpên,tàtidn.
ÎJrié jbâfldUé.nê pourra eihployélyuhe partie ,de seà fOirns Êrctire dé feèttë manière que lbrsduel'Ofdre et la confiance, seront tellement rétablis qùe les plàcëtnêmH riiânqùferbht àl'ârgent, ét que l'on préférera des placements pâr privilégë à dë.rar-gëttt coîriptattt, pârce que, dans Un tel ordre de chosëè, labanqué trouverait facileméht a irâpSpôf-tër des créances, par privilège : encorë faudrait-if UU'albrl Inêmè là. banque në se livrât à ce, genre de placëtitent i^U'avec inïiniiiient de ràservè; c|r lé crédit êst extferiiëmént ttiobilëi ët.lç moindre chânêëihèiit dans lëg cirçonstâncës .pourrait d'Un ihonieht à l'atitrë rëproduiré la diffibhlté de négocier . de Sèifablable^ blàçëthentà, ét rejeter la banque dànà l'impoksimlite de s'acquitter avec le public-
Ouànt âÙ plan dë bânq^lè qui vous, a été proposé pâr le mimfctH ; des linànOes, .et qui, a ce titre, a mëjitéla plus prcfohdé attèntion de voire part, j'ajouterai peu dë phpâè aux observations qui lUl bnt été opposées.. Jè m^ borne a une,séUle remarqué ttiff me semblé, il.eët vrai, décisive. Ce j)lan fest roridé feur la création d'un papier non c'onmrsïbU h votôfàe, èfi àrgènt, par conséquent sur la créktioh d'Un pàpier-ihonnâie : br, il ^'existe pâs, du moins à mop avis, deux idées qui se re-poùssèht davantage qiië cëlle d'un papier-monnaie et belle d'une bànqûë, puisquè l'un porte le caractère uela forcé et l^emprèinte dé l'aUloritè absolue, taMis qUë j^Utre âU contraire ne peut vivre '4ùe par la connànce la plus libre et là plus illimitée.
Après âVoîr inbnlfé, ou du moins indiqué les-ïncontenignts de la plupart des systèmes de banque qui bilt été proposés, il n'entre point dans mon projet de vous soumettre u^i plan particu-liëi4 ne baqqUë.. J'ajoutëfcàl pourtant quelques tèflèxiohs qUi appartiennent aux questiorià qui
tbuâ ^b.c^ent et qui/serviront peut-être à éclair-cir dès principes qui rie me semblent pâs suffi-sapimeiit, connus.
La loi fondameritâîe d'une banque quelconque est d'acc[uittër ses engagements, à l'époque fixée. Je n'en copnàiS point d'autre> Si sa nature particulière là met dâns. le cas de prendre désengagements à vue ét payables à toute heure^ il faut que l.e régime de cette banque soit tel, qu'elle soij; .en effjet prètç. a pâye^ top jours. Ses engage-mënts à présentations Telle est ia règle dictée par le simple bon sens.
On sjest persdadé que t'opjët direct d'une banque était dé verser des- billets, dans la circulation. Sans doute la faculté de verser des billets eét une conséqùeriôe immédiate du crédit d'une banque; mâisil n'çst pas permit de.coofondre cette conséquence, avec le but réel ae l'institution d'une pânque desecburs. Quand on veut bien connaître ie prinpipé, il faut nécessairement le dégager de ses conséquences mêmë les plus prochaines et les plus directes»
Le but a'Udè banque; composée d'associés en cbinmahditë» comme ia Caisse d'escompte, est de fournir des secours aU commerce en réunissant des fonds considérables» toujours destinés à eécQinpjér cle bons effets à un intérêt modéré. 0ràquë l'on présente à cette banque des effets jugés dé nature à être pris à l'escompte, et que l'administration dq la panque consent à les escompter, les admipistratéars remettent un, bon ppur toucher l'argent ^ leur caisse.^ On va cher-cner cet argent à là caisse et en l'emporte.. Voilà la marche naturelle qui a.été suivie, dans les commencements; mais, après avoir faitescomp-ter du papier plusieurs fois, et avoir éprouvé que ce. bon sur la .caisse était. payé sur-le-ehamp à présentation, ron s'est aperçu bientôt que ce bon ferait également payé le lendemain comme le jour même, et q,u il était quelquefois plus com-mdde de remporter, chez soi, sauf à en envoyer chercher le montant lorsqu'on en aurait besoin. On l'a donné en payement à quelqu'un qui^ ayant aussi connaissance.de cette exactitude, ne s'est pas pressé de le faire acquitter ; et cette connais-nanqe de l'exactitude ,des bons fournis par les administrateurs de la banque sur leur caisse a fait;à la longue,que chacun a regardé comme indifférent d'avoir ce billet^ ou d'avoir les espèces qu'ilreprésentait.
Il est résulté de là que les intéressés dans l'établissement, voyant que beaucoup de personnes preaâient le parti 4e ne pas envoyer chercher le montant des billets payables à vue à la.caisse, ont cru pouvoir, lorsqu'on leur apportait de bons papiers dont les rentrées n'étaient pas trop ; éloignées, employer à les escompter une partie de Fargent destiné à acquitter leurs billets ; mais il est clair qu'ils n'ont dû employer de cet argent que ia portion qui ne pouvait pas naturellement leur être demandée avant l'époque de la rentrée du montant des effets quils venaient d'escompter!
Tant que les administrateurs se conforment à cet égard aux règles de la prudence) leurs billets acquièrent,un tel degré de confiance^ à raison de incommodité de leur maniement et de leur circu-iationv que souvent même on apporte de l'argent ppur obtenir des billets de caisse ; mais, si les administrateurs/abusant de cette confiance et voulant étendre leurs affaires et leurs bénéfices, se permel-tentdans quelques moments d'aliéner une portion des fonds qu'ils ont dans leur caisse, assez considérable pour courir le risque qu'on leur vienne
demander un jour plus d'argent qu'ils n'eu ont, toute confiance cesse : dès lors, on ne voit plus dans leurs billets qu'un papier doiit le pavement est incertain ; et comme les relations de la banque de secours lient les administrateurs à tous les banquiers de la capitale et à presque toutes les branches de la circulation du royaume,, il le répand une grande défiance dans l'intérieur et une plus grande encore ad dehors, qui fait tourner, très-promptement le. Ghange à, nôtre désavantage et produit le resserrement des espèces et tous les maux ;qui en sont la sui\e. ,
Quelle doit done être la conduite des administrateurs d'un pareil établissement dans les mo-* ments où la confiance est altérée ? Elle est bien simple. Ils doivent savoir que, dans ces moments, on peut venir leur demander , le payement d'une partie de leurs billets* et peut-etre .de tous. 1,1s doivent par conséquent, n'user.que,|'une légère partie, et même ne poinj; user .des tonds qu'ils ont dans leur caisse et qui sont destinés à acquitter leurs billets.
vÇe serait donc mal à propos que les admipis-trateurs d'une banque de secours prétendraient n'avoir aucun tort, lorsqu'il ont eu soin d'ayoir dans ieur. caisse là somme en espèces équivalente au tiers ou au quart du montant de leurs billets en circulation ? Il n'y a point à .cet égard de proportion absolue. La prévoyance .des administrateurs d'une banque doit se régler de manière à avoir, non pas le, 1/4, ou le.1/3, mais la 1/2, les 1(4, mais la totalité des fonds représentatifs des billets dans les moments où il peut arriver qu'on vienne demander à la caisse là 1/2, les 3/4, ou la totalité du montant de ces. billets qui sont payables à vue et à présentation»
Mais, dira-t-on^ alors la banque ne gagnera pas;
Je réponds que là protection que le gouvernement ou la nation peuvent accorder à une banque de secours n'a pas pour objet principal que les intéressés de cette banque fassent, dans toutes les circonstances possibles, des gains considérables et .jamais interrompus» Certainement la nation doit désirer que la banque gagne, parce que le gain est le seul moyen de décider les intéressés à soutenir un établissement de ce genre, et que l'existence d'un établissement de sce genre est utile dans un Etat ; mais je dis que, la nation n'est intéressée qu'à ce que les actionnaires gagnent précisément ce qu'il faut pour déterminer à soutenir la banque. ,
Ii y a plus ; et je ne craindrai pas d'étoiïner les bons esprits, quand je dirai que la banque, en se conformant aux règles que je viens d'indiquer, gagnerait bien davantage, quoique ses gains fussent plus susceptibles de variations dans les résultats d'une année comparée à l'autre» c
D'abord on voit que, dans les temps du plus grand resserrement des opérations* dans le moment où la condition des intéressés serait la plus mauvaise* ils retireraient toujours dé la totalité de leurs fonds l'intérêt résultant du : taux de l'escompte , c'est-à-dire environ 4 ÏM Q/@*, et même, si l'on Croyait, que la banque se conduisît avec cette rigide prudence* il doit paraître incontestable qu'il n'y aurait aucun moment qù ;elle fût réduite à n'opérer que sur ses propres fonds ; du moins est-il certain que, dans les temps d'abondance et de confiance* la banque, pourrait tirer l'intérêt de fonds excédant de beaucoup la valeur de tout son capital actif, r
Dans les temps où la confiance s'affaiblit* il est nécessaire qu'une banque publique réduise ses
opérations. Les adriilnistratétirs d'un pareil établissement seraient bien imprudents, du même bien coupables, si, né voulant pas se résigner à prendre leur part..des.malneurk ConiiiiUrië, ët déterminés uniqiiëihéût à gagner beaucoup dans tous les temps, ns s'obgtiriàienl à dbhner toujoUrs, Contre.la nature des éboâès.un ekâl ëssô.^ â lèûrs opérations, au risque dè réèÔUrir ëns'ditë à des arrêts de sUrséance..
. La. Caisse d'ésèôtnptë.paraît être tombée dans une partie, 4è Cëâ ihponvêniènt^. ët fvpir ftéCbnnù lë prinçipë rôndâ^eùtâi dë fimtbji feë banqUës, qui consiste a d'ë JM;M( iuaniiiiy? à leé engagements. lë ne p^nsë p^ qu'il floUs. çdnvientië dé, .coqsacrër aujourd'hui Cet, établissement jili tout autre par urië adoptiën. nâtiôîialej et, dans tous les Cas,..je crois qùé.iôrsqtie vous vous ..déterminerez à accorder vôxré boiifiaUce, soit à la Caisse descoiûpte,;SQit a.une autré bahduë.de secours. qiM vpUS serait jjrbposéë,. il èbUvibUdrâ quë cette résolution soit la sUité d'Un eiàinen approfondi des, avantages de l'établi.sbemôdt qûè yous adopterez, ët lion l'effet du sëul uésir de sàii§ifaire à utf bë^Oin du.moment.,
tiâ Caisse (J'^Cojnpté S'ë^ ëQârtee bièh Certainement fâéij(rêgie| qui liii ^âiéfit prescrites; ët pourlanl, petlt^||ïe eët-ij., perrâiy aie iië pâsMser sa, conduite, dàns unet bàlânêlB Gfdiûàifë. Elle à fourni 4e .1 argêUt qUë, sans douté,. jfelîe ii avait pa£; ledroit de ifturnir,( pÙis|ii'iliië ltii. apprenait pasj maisrëllë. à dbhné^ iëcburs dans Utie crise qui a trompé toulé_ frrëftqyàucé niimàihe, et pârt déïérencê nouf. un ministre en qui la hation â si justement placé sa confiance» Il né . faut pas que l'Assemblée, tasse dëJà.Ca.iSsë d'escompte Une banque nâtiônaiê ; ûiâiâil ïaUt iUcoUtestâDiemënt qu'elle tienne compte à cette Caisse de Ses avance^ a C)!
,.pé que M.- Nèckçr, â propose Sji Cet égard né m'a pgjntparu?/jë Pàv&$të, attëiiidrë àCëbift Jëne puis von; un .vér|tame pâyemên| dan| du pàpîér-îiion-naie; -qu,ySi jc^n.ëst Uii, jëv.ois pne, pt|p*ënce accordée à la Caisse, d!êâcompfên qlii Mut paraître une injustice aux àûiijés aseanfeieï'JB de l'Etat : Car, alors,, pourquoi gréef: Uù.^pief-ïnonnaiè Spécialement en faveur .aé lk Caisse .iesÇiynptë, et laisser en souffrance a'âutrë^ çuoyenS imi, certes, ont des créances tout'âiissl sacrées sdrTa nàtibU? Car il ne faut pas perdre, çle.vue que pë . n'est pas par les seules ayânqès.dé l'a GàMé, d'ësCbn^pte.'gue le gouvernement .a ê$ê selpoUrù.&ètté alinée, ftiais aussi par la suspèhâion dés aésignàtidus et des billets de domaine, ainsi que pat le retard, des rentes et 4e& rembouj^ménis. ,. - La créance dé là Caisëé ji'ëâC&niptë, h'eSt pas moins sacrée que les âiitreé, j'e lë Sâisj jnafâ àhssi elle ne l'est pas davantàgë. Je n^ toUs. proposerai donc pas de fàirei du papier-monnaie poiir les autres créanciers comme pour èilé,| mâis jë vous conjure qe n'en ïàire poijr personùé.
L effet inévitable de tout pâpiér-iftôhnaie, yous le Savez, Messieurs, est la prompte disparition dëg espèces. Ce riumërairë j3.cjtir .cnàssé le numéraire réel, et parce qu'il lë remplace, ët parce, qu'il l'effraye ; et, comme p nè peut jamais (en être, ^a représentation parfaitement çxacte, il arrivé imll en çfiasse beaucoup plus qû'il n'ën remplacé. Dès lors, ce papier ne.se soutient plus a l'égalité deliargent; il tombe aii-deSsOUS du pair, et dé là les plus ïunestes, conséquences. Tous léà iéî'èan-•ciers (que l'on rembourse eU billpts perdent la différence ; tou§ les ^ébitëurS à qui l'où avait prêté,jen argent la gagnen^ ; pàr Con^'è(iUent, renversement dans les propriétés, infidélité Uni-
verselle dans les payements, et infidélité d'autant plus odieuse qu'elle se trouve légale. Ce n'est pas tout : les anciens engagements entre particuliers une fois soldés, il faut bien, à moins d'une mort absolue de toute espèce de commerce, qu'il s'en forme d'autres; et ici recommence, en sens contraire, une opération non moins cruelle, non moins convulsive, par laquelle à leur tour les créanciers vont écraser les débiteurs : car, dans la crainte d'être remboursés en billets, et combinant d'avance la perte actuelle de ces billets et la perte plus grande qu'ils supposent pouvoir exister un jour, ils en grossissent outre mesure leur créance, et par là ils assurent la ruine des débiteurs pour l'époque où les billets n'existeront plus, ou pour celle à laquelle la confiance les rapprochera du pair de l'argent. 11 est évident que ce n'est pas ici une réparation de la première injustice, mais bien une injustice nouvelle, puisque ce ne sera plus alors ni la même proportion, ni les mêmes contractants, ni les mêmes engagements.
Il faut donc rejeter tout papier-monnaie, et pourtant il faut prendre un parti prompt sur toutes les dettes arriérées ; ce parti est naturellement lié au plan d'ordre général qui sera adopté ; les principes, sur cette matière, m'ont paru renfermés dans un très-petit nombre de réflexions simples qui naissent de notre position actuelle.
On l'a déjà dit, Messieurs, il est passé ce temps où des complications d'idées fiscales, des combinaisons savantes, habilement artificieuses, pré-sentaientdes ressources passagères qui retardaient l'instant de la crise pour la rendre plus périlleuse : tous ces moyens de l'esprit et de l'art sont épuisés : désormaisx'est la simplicité qui tiendra lieu de génie.
A côté de l'évidence de nos maux il faut mettre l'évidence du remède ; il faut tout réduire à la simplicité d'un livre de compte, dressé par le bon sens et gardé par la bonne foi. Les affaires sont en quelque sorte mises en liberté, ainsi que les hommes. Il faut appeler les esprits les plus vulgaires à cette sorte de confiance qui naît de la conviction, lorsque, étonnés d'avoir nettement conçu, ils disent : N'est-ce que cela ? Non, ce n'est que cela ; mais c'est tout, si, en voyant à la fois le mal et le remède, vous assurez votre guérison.
Le désordre dans les finances a produit les maux sous lesquels la France a été près de succomber;, c'est dans l'ordre qu'il faut en attendre la réparation ; c'est de l'ordre, et ce n'est que là que réside toute la puissance d'opinion qui constitue ce crédit dont on parle tant, et qu'il importera toujours essentiellement de cultiver. Mais en quoi consiste cet ordre? En très-peu de chose : c'est toujours là son caractère. Que l'on mette au grand jour les moyens que l'on a de payer; que l'on en manifeste en même temps l'intention bien décidée : puissance et volonté ; voilà les grandes bases de toute confiance : on ne saurait trop les montrer au public : on ne peut trop lui dire que les véritables principes, ceux de la bonne foi et de l'exactitude, sont enfin invariablement adoptés, et que toutes les forces de la natioh vont être employées à les maintenir et à les perfectionner. Ce langage sera entendu de tout le monde. Quelles que soient les prétentions de ces hommes péniblement instruits de ce qu'il faut enfin oublier, tout ce qui est vrai en administration doit être sensible à tous; et, dans un moment surtout où les plus hautes conceptions de l'esprit humain sur l'organisation des sociétés et sur les droits de
l'homme deviennent familières et usuelles, il serait bien étonnant que des opérations financières conservassent encore le droit d'être au-dessus de la portée ordinaire des hommes.
Plus on médite les principes véritables du crédit, plus on est convaincu qu'il n'existe à cet égard aucune différence entre une nation et un particulier. Une nation, comme un particulier, n'a de crédit que lorsqu'on lui connaît la volonté et la faculté ae payer ; une nation, comme un particulier, ne peut rien faire de mieux vis-à-vis ae ses créanciers que de les payer comptant aux échéances ; et si, par des circonstances malheureuses, les moyens de payer comptant manquent, la meilleure, la seule conduite que puisse tenir alors une nation comme un particulier, c'est de ne proposer à ses créanciers que des arrangements dont l'exécution soit assurée : car rien ne détruit la confiance comme des promesses exagérées.
Dans ce cas, des opérations partielles et isolées ne suffisent pas. Jusqu'à ce jour, l'Assemblée nationale s'est vue distraite à chaque instant par la nécessité de s'occuper précipitamment, et sans aucun ensemble, du payement de quelqueS-unes des parties de ces dettes que votre comité des finances a si justement qualifiées du nom de dettes criardes. Ce n'est pas ainsi que doit procéder la nation qui passe pour avoir le plus de ressources, qui est convaincue de l'existence de ces ressources, et qui les possède en effet.
La constitution est maintenant bien assurée; et la seule chose qui pourrait désormais la compromettre, ce serait le manque d'argent : car, comme l'a si pien observé M.Jle marquis de Montesquieu dans son rapport : Ainsi que le désordre a fait -périr le despotisme, il ferait bientôt périr la liberté.
Le moment est donc arrivé où nous pouvons d'après le vœu de nos commettants, où nous devons, d'après le danger qu'il v aurait à différer encore, nous occuper d'établir un ordre général des finances.
La dette arriérée est l'objet embarrassant pour le moment. Il me semble pourtant que la masse de cet arriéré n'est pas aussi effrayante qu'elle vous a été présentée par votre comité des finances, et parce qu'il y a compris des remboursements de charges dont vous n'avez pas encore décrété la suppression,et, surtout, parce que la suppression de plusieurs charges de finances mêmes, lorsqu'elle sera décrétée, vous donnera encore trois années pour en opérer le remboursement, conformément aux règles de la comptabilité : de sorte qu'il faudra faire peser ces remboursements sur la dépense des années dans le cours desquelles ils devront avoir lieu ; mais quel que soit le montant exact de cet arriéré, vous croyez bien, Messieurs, que l'imagination la plus exaltée par l'espérance n'osera pas vous promettre des moyens ae rembourser sur-le-champ cette somme immense en espèces effectives.
Trop longtemps on a substitué les apparences à la réalité ; trop longtemps on a vécu d'illusions. Si le grand art de l'administration a été de les prolonger jusqu'à nos jours, ce serait une grande erreur de les croire encore nécessaires.
Ou vous a proposé du papier-monnaie, des billets d'Etat, et autres moyens de œ genre.
Peut-être n'examinerait-on pas avec tant de soin, ne débattrait-on pas avec tant de vivacité, s'il est bien ou mal fait de faire des billets d'Etat ou du papier-monnaie, si l'on voulait bien véritablement se pénétrer de l'état des choses : car alors on reconnaîtrait bientôt, qu'indépendamment de ce que créer de pareils effets, c'est mal
aire moralement, c'est aussi ne rien faire du tout pour le but qu'on se propose.
En effet, des papiers-monnaie, ou des billets, ne seront autre chose que des fractions de créances échues : ainsi, il est très-vrai de dire que remplacer ces titres de créance par du papier-monnaie, c'est ne faire que donner cours de monnaie à tous les billets du domaine, à toutes les assignations, en un mot, à tous les titres de rentes ou de remboursements échus; et il faut convenir que, si, d'un côté, il y a de avantage et commodité dans la division de ces divers titres de créance en plus petites parties, d'une autre part, la confiance doit bien probablement en être altérée : d'abord, parce qu'il y aurait novation de titres; ensuite parce que des titres aussi mobiles, toutes les fois que cenesont pas deseffets payables à vue, présentent toujours l'idée d'une moins grande solidité, que des. titres de créance de sommes plus considérables. Mais, en supposant que la confiance fût la même, du moins est-il très-sûr qu'elle ne pourrait s'accroître par une semblable opération; et l'on sait combien, en ce moment, est faible la confiance du public dans ces divers titres de créance, puisqu'ils perdent 15 ou 20 0/0 sur la place. Or, par cela même, il en résulterait une extrême injustice; car donner à ces divers titres de créance, ou à des billets qui en seraient la représentation, une valeur de monnaie, ce serait forcer à recevoir au pair, des effets qui ne valenf pas le pair.
Que si l'on veut donner aux effets échus, tels qu'ils existent, ou au papier-monnaie qui serait créé pour les remplacer, une hypothèque sur la contribution patriotique, sur les domaines, sur la portion des biens du clergé que la nation se déterminerait à vendre, ou sur tel autre objet particulier, ce sera encore une injustice, puisqu'il en résultera une préférence pour telle portion de la dette, qui sera nécessaire au détriment des autres portions qui ne participeront pas à cette faveur.
Mais de plus, cette injustice serait bien gratuite; comment en effe^se persuader qu'une hypothèque suffira seule pour mettre ces effets au pair, lorsqu'on voit que les titres de créance dont ces billets seraient des fractions, ont déjà des hypothéqués et n'en perdent pas moins, comme nous venons de le dire, L5 ou 20 0/0 sur la place.
L'hypothèque la plus spéciale serait ici absolument illusoire, par la raison qu'il n'en résultera jamais pour un particulier une action réelle contre le gouvernement ou la nation. La véritable, la s^ûle hypothèque que puisse offrir une nation, c'est l'inébranlable volonté de payer, appuyée sur des moyens réels et bien démontrés.
La dette entière de l'Etat a été reconnue, la dette de l'Etat doit "être payée. L'engagement est indivisible : il est sacré dans son entier : il ne peut donc y avoir de différence dans l'obligation d'en acquitter les diverses parties que celle qui résulte du taux différent de l'intérêt de chacune d'elles et des diverses époques de remboursement.
Mais je l'ai déjà dit : ce serait vouloir étrangement vous abuser que de vous proposer de payer en écus et sur-le-champ, tous les objets arriérés; on doit se rappeler que le premier jour où l'Assemblée nationale s'est réunie, vous avez trouvé le crédit anéanti et les payements en état de suspension. Cette suspension ne peut donc pas *vous être imputée; elle appartient à l'ancien désordre du gouvernement arbitraire. Vous ne pouvez la faire cesser à l'instant; mais votre devoir est de l'abréger le plus possible. Il faut
donc prendre avec vos créanciers des arrange meuts tels que la possibilité de leur exécution en garantisse la certitude. Il faut donc répartir sur plusieurs années un remboursement qu'il est impossible de se promettre de faire dans le cours d'une seule; les créanciers de l'Etat verront dans cette disposition l'assurance de leur payement; et les peuples, le grand avantage de ne supporter qu'une charge modérée.
Je sais qu'on ne manquera pas d'objecter qu'un arrangement de ce genre est un emprunt forcé; mais, si l'on veut y réfléchir, l'on verra qu'au contraire l'arrangement que j'indique est un remboursement réel, et le remboursement lè plus prochain que l'on puisse espérer : car, si après avoir attribué un taux d'intérêt con venable aux effets aujourd'hui suspendus, après avoir fixé les époques de leur remboursement, la nation prend de telles mesures que le payement entier dès intérêts, et le remboursement exact des capitaux aux échéances déterminées Soient assurés, je suis entièrement convaincu qu'il s'écoulera fort peu de temps avant que le crédit de la France ne reprenne le rang qu'il doit occuper dans la confiance des nations, et que les effets remonteront au pair : or, d$s que les effets seront au pair, comme il ne tiendra qu'à ceux de vos créanciers qui en seront possesseurs de lés vendre à ce taux, ils auront effectivement la faculté de toucher le montant de leur dette.
Croyez que. tous moyens physiques de faire reparaître des espèces, tels que la fonte dp la vaisselle, tels que l'achat des matières à grands frais, tous ces expédients de vingt-quatre heures peuvent bien procurer un secours apparent, màis qu'il n'y a rien de réel ni de durable dans de semblables moyens : car, dès que l'opinion porte à receler ou exporter les espèces, celles que vous fabriquerez seront bientôt, comme les anciennes, hors de la circulation. Ce n'est qu'en commandant l'opinion, en donnant des motifs déterminants de confiance, que l'on assure le crédit; et si l'on craint que, même après le rétablissement de l'ordre, le nûméraire qui semble s'être évanoui au milieu de nous ne reparaisse pas, on se trompe. L'or et l'argent se portent nécessairement, comme les autres marchandises, partout où l'on a volonté et faculté de les payer; ils s'y portent même bien plus aisément, à raison de la facilité de leur transport. Pourvu que la nation ait dès excédants à donner, elle se procurera toujours l'or et l'argent dont elle aura besoin : car il ne faut pas oublier que si l'or et l'argent sont le prix de toutes choses, toutes choses sont également le prix de ces métaux. Pour une nation qui n'a rien à donner, il n'y a rien à acquérir; mais pour celle quia des excédants immenses, elle ae peut manquer de rien de ce qui s'achète, et elle manquerait d'or et d'argent moins que de toute autre chose.
Puisque la position de vos finances vous force à être débiteurs des autres nations, rendez-vous les meilleurs débiteurs possibles : vous en avez les moyens ; montrez que vous savez les mettre en œuvre, et vous verrez bientôt abonder chez vous des capitaux immenses de l'étranger", qui n'attend que ce moment pour venir les échanger contre vos effets; vous verrez sortir de dessous terre des sommes considérables qui ne rapportent rien, et auxquelles on préférera bientôt des effetr productifs d'intérêts annuels, lorsque le payement de ces intérêts sera certain et que le capital ne sera pas compromis. - Au moment,
Au reste, votre dettev embarrassante pour le înt, est vis-à-vis de la Caisse d'escompte ;
ëllë s'élèvera à 90 millions au 31 décembre, moyennant 30 millions quë la Caisse d'escompte doit fournir d'ici à cette époque.
j'avais cru devoir comprendre Cette dette dans l'arriéré. La rigueur du principe d'égalité pour tous les créanciers de l'Etat l'exigeait en effet. La nation ne peut accorder de préférence à personne. Ce n'est que dans des fonds étrangers au Trésor public que la Caisse d'escompte peut trouver des avantages pour sa créance particulière. L'idée qui a été soumise à l'Assembiée par M. de Laborde, le 5 décembre, de remplacer la Caisse d'escompte par une banque qui se chargerait de la rembourser, n'ést pas nouvelle pour moi : feu M. Panchaud, inventeur de ia Baisse d'escompte, et digne dë la plus grande Confiance sur ces matières, avait conçu lin projet semblable, et l'a développé avec les principaux détails dans plusieurs mémoires. Si donc, on se détermine à adopter Une banque, et que surtout l'on ne craigne point que, dans lâ circonstance, elle ne se rende trop nécessaire, Cèlle qui vous a été proposéq se présente avec un. titre imposant. Je n'avais pas cru, il est vrai, que ce fût le moment de faire une banque nouvelle : les fonds mêmes qui me semblaient indispensables pour un établissement de ce genre, me paraissaient difficiles à rassembler ; mais M. de Laborde s'est sans doute assuré des moyens d'exécution, et ses rapports avec les capitalistes le mettent à portée de juger mieux qu'un autre de la réalité de ces moyens. Cette manière d'opérer ia liquidation ae la Caisse d'escompte pourra produire des avantages pour la circulation, ét surtout, ce qui me paraît essentiel à remarquer, ce remboursement , étant alors fait par les seuls actionnaires du nouvel établissement, aucun des créanciers de l'Etat ne pourra dire que c'est nous qui accordons une préférence à lâ Caisse d'escompte. Le principe, qui me semble incontestable, de la parité de droit entre toutes les créances, sera conservé, et l'exécution des autres articles que je propose, et devient plu? facile.
Le parti que je conseille ne présente aucun appât, aucune chance qui puisse attirer les joueurs; il aura de la défaveur auprès d'eux : ce n'est point un plan de finance, c'est plutôt une suite d'idées qui m'ont paru pouvoir vous diriger dans le Choix des plans qui vous seront présentés; et les motifs que j'ai exposés me paraissent si conséquents aux aécrëts que vous avez rendus précédemment sur la dette publique, que je vous propose d'arrêter les articles suivants ;
Art. 1er. La question de~ l'établissement d'une banque, par l'Assemblée nationale,
ajournée» En attendant, la Caisse d'escompte subsistera, et sera rappelée par degrés à son
institution.
Art. 2. La division des dëiix caisses qui vous a été proposée par le comité des finances, adoptée.
Art. 3. L'établissement d'une Caisse d'amortissement, dont le plan et l'organisation vous seront présentés par le comité des finances, décrété.
Art. 4. Les avances de la Caisse d'escompte comprises dans l'état général des dettes arriérées.
Cet article, d'une stricte justice, d'après le principe de. l'égalité de droit entre le3 créanciers dë fEtat, a pu paraître, et m'avait paru à moi-même bien sévère dans la circonstance. Je suis trës-aise que l'approbation qu'a reçue, dans l'Assemblée, la proposition de M. de La-bordë, m'autorise à le retirer. Art. 5. Le relevé complet du montant total de
l'arriéré une fois déterminé, il sera fait un fonds chaque année de 8 Ô/0 dé ce capital pour acquitter les intérêts § 0/0 et opérer avec le surplus lé remboursement du capital dans l'espace d'environ virigt années. ?
Là mâsse de l'àrriéré étant diminuée de toute la créance de la Caisse d'escompte, on pourrait employer à l'annuité proposée 10 0/0 du capital au lieu dë 8, ce qui éteindrait cet objet à peu près en 14 ans (1).
Art. 6. Le montant total de l'arriéré sera divisé ën billets de 1,000 livres, et la portion qui devra être remboursée chaque année, Sera déterminée par la voie du sort, d'où il résultera que lé mode de cet emprunt sera une annuité pour le gouvernement qui la payera , mais non: pour ceux qui la recevront, c'est-à-dire, qu'au lieu de rembourser quelque chose à tous chaque année, comme cela se pratique en Angleterre, l'on remboursera chaque année tout à quelques-uns, comme il a été réglé à l'égard de l'emprunt de 126 millions. ' ""
Art. 7. AU commencement des sessions de chaque législature, seront arrêtés les moyens de pourvoir au payement des intérêts de 1a totalité dë la dette nationale, et aux remboursements stipulés pour les diverses dettes de la nation, pendant le coUrs çle l'année suivante.
ArtB. Le.comité des finances présentera, le plus tôt possible, à l'Assemblée nationale, un état exact du montant des intérêts à payer, et des remboursements qui doivent écheoir dans le cours dë l'année 1790, en y comprenant la portion de la dette arriérée, qui doit être acquittée dans le cours de ladite année.
Art. 9. Les ressources extraordinaires, telles que la contribution patriotique, la vente des domaines et de quelques portions des biens du clergé, seront employées d'abord au remboursement fixé pour la detté arriérée, et le surplus sera versé dans la caisse d'amortissement.
, secrétaire du comité de& finances (2). Messieurs, dans la situation périlleuse où se trouvent les finances de là France, obligés de prendre enfin une détermination à laquelle est attaché le sort dë l'Etat, et le succès de, nos travaux, nous ne devons plus nous livrer à de longs et dangereux débats : le temps presse. L'éloquence, et l'amour-propre qui est toujours à sa suite, doivent se taire au milieu des embarras qui nous assiègent : la justice et la raison peuvent seules répondre dignement à la voix de la patrie, qui lés appelle à son secours.
Puisque nous discutons nos ressources, huile d'entre elles, sans douté, ne doit rester sans
une définition précise; et en supposant que quelques-unes dussent être absolument écartées,
encore faut-il les écarter en connaissance de cause : il faut savoir ce que l'on rejette. Je
ne vous offrirai point ici des calculs arides et des millions entassés sur des millions :
tous més efforts tendent à vous épargner de semblables détails ; trop heu-
Au milieu des projets de tout genre qui vous sont présentés, il m'a semblé que c'était à trois espèces d'opérations, de nature différente, qu'ils pouvaient se rapporter. Cette division m'a paru devoir contribuer à accélérer votre délibération.
L'immensité des dettes exigibles d'un côté, et de l'autre la rareté du numéraire réel, conduisent naturel lemeùt à s'occuper d'Un numéraire fictif ; et, il: faut en convenir, Messieurs, puisqu'un emprunt, même remboursable, ne peut plus être mis en usage, un papier quelconque devient nécessaire : il est donc utile dJapprofondir lequel de tous est le plus approprié à notre situation présente.
Je réduis ces différents numéraires à trois : billets à vue, tels que ceux de la Caisse d'escompte dans sdn principe ; billets d'Etat, qu'on Vous a déjà proposés plus d'une fois ; et le papier-monnaie, qui, selon moi, diffère beaucoup des billets d'Etat.
C'est surtout du dérnier, sans y donner cependant aucune préférence, que je m'appliquerai à fixer les vrais caractères; parce qu'on a négligé, ce me semble, jusqu'à présent cet objet essentiel: c'est d'ailleurs une espèce d'obligation que je remplis aujourd'hui;
Dans l'une de nos séances de Versailles, au moment où nous délibérions sur un article de la constitution relatif aux impôts et aux emprunts, un membrè éloquent de cette Assemblée proposa d'y insérer qu'aucun papier-monnaie ne pourrait être mis en circulation sans un décret exprès des représentants de (a nation, Je demandai alors la division de l'article, ét même l'ajournement de la question qui me parut prématurée.
Le projet du ministre des finances, sur lequel nous délibérons aujourd'hui, m'a rappelé cet ajournement : j'avais avancé que le papier-monnaie ri était ni un impôt ni un emprunt : on me répliqua que c'était un emprunt le sabre à la main.
11 me semble, Messieurs, que si cette définition était juste, il eût été bien étrange qu'un pareil objet fût la matière d'une de nos délibérations, et que la constitution française eût à s'expliquer sur un emprunt à faire le sabre à la main. Quant à moi, je ne proposerai certainement pàs à ma nation une pareille manière d'emprunter.
Je vois souvent confondre le papier-monnaie avec les billets d'Etat; je ne crois pas pourtant qu'ils soient de la même nature. M. Necker parle en passant, dans son dernier mémoire, de billets d'Etat en forme de papier-monnaie ; il ne faut pas en induire que le papier-monnaie ne soit qu'une forme et non une valeur.
Les papiers de banque, dont il serait inutile de Vous entretenir longtemps, ne sont, selon moi, qu'une manière d'emprunter à un modique intérêt.
Les billets d'Etat, portant intérêt, tiennent de bien près à l'impôt.
Et cè que j'appelle, dans mon sens, le pçipier-monnaie, n'est ni un emprunt ni Un impôt': je le prouverai dans un instant, après avoir exposé rapidement mes idées sur la banque et sur les billets d'Etat.
Le ministre des finances yous a exposé, avec la plus grande étendue, lé but et la nature de l'établissement appelé banque nationale. Vous avez sans doute médité sur ses méditations mêmes; ainsi je ne dois point m'arrêter longtemps
sur ce genre de ressource, surtout depuis que plusieurs préopinants vous ont exposé avec beaur coup de clarté les inconvénients et les avantages des banques.
Je ne dissimulerai pas même que, dans mon opinion personnelle, j'ai redouté longtemps pour la France un établissement de cette nature ; je croyais que les spéculations et les ressources d'un Etat agricole devaient être d'un genre très-supérieur et que ma patrie était appelée à de plus hautes e t de plus sûres destinées. Quoi qu'il en soit, pour ne point sortir des notions générales que je me suis proposé de vous présenter, je dirai seulement qu'un billet de banque est un véritable emprunt sur gage, et le malheur est que le gage-est imparfait. De cette imperfection même naît le bénéfice du banquier : il n'aurait point de bénéfice si le numéraire réel était égal aU numéraire fictif. Il est vrai que les autres fonds de la banque, soit effets de commerce, soit actions, soit créances d'autre nature, sont un nantissement de plus, et je dois à cette occasion rendre hommage a la solidité des billets de la Caisse d'escompte, dottt vos commissaires vous ont fait si bien connaître la situation ; mais enfin tout cela repose sur des valeurs de convention qui, dans un temps prospère, sont généralement bonnes, mais qui peuvent s'évanouir avec la paix et la tranquillité. La Caisse d'escompte elle-même repose sur notre loyauté, sur notre crédit, et le crédit est un en-Chanteur, très-séduisant dans les jours de la gloire, mais bien cruel dans ceux de la détresse.
Cependant, Messieurs, je nqe défie tellement de mes lumières, qu'en vous présentant ces dangers je ne prétends point vous détourner entièrement d'une route que vous trace un ministre dont l'expérience est imposante à mes yeux; mais j'ai dû définir cette espèce de ressource; je désire qu'en l'adoptant on la connaisse, et, sans la proscrire, j'avoue que je ne voudrais pas me reposer habituellemen t sur elle. Après vous avoir annoncé aussi positivement mes principes, lorsque je m'expliquerai par la suite et sur la paisse d'escompte et sur le plan du premier ministre des finances, j'espère que vous m'écouterez avec la confiance qui est due à l'impartialité.
Les véritables billets d'Etat portent intérêts; ils sont assurément une source d impôts; car l'intérêt qui accroît la dette, amène une surcharge, et cette surcharge appelle tôt ou tard la contribution. Quand ces billets ne sont pas à longs termes, quand l'époque de leur payement peut être indiquée de manière à fixer la confiance, ils offrent un plan plus ou moins fécond de libération suc-céSsive. Mais d'abord leur circulation est nécessairement moins active que celle de tout autre papiér, et d'ailleurs c'est une véritable suspension générale de tous payements. Oui, Messieurs, c'est une espèce de faillite momentanée, et l'administrateur le plus ordinaire peut imaginer ce genre de ressource, dont l'Amérique n'a pas eu lieu de se féliciter. Au reste, je laisse à d'autres membres de l'Assemblée le soin d'insister sur ce qui vous a déjà été proposé pour quelque opération de cette nature, et je me borne à remplir ici la tâche que je me suis imposée plus particulièrement sur le papier-monnaie. J'ajouterai seulement que si les billets d'Etat étaient sans intérêt, on leur donnerait vainement le nom de papier-monnaie. Ce nom n'ajouterait rien à leur prétendue valeur : je les appelle, moi, de la fausse monnaie. Ce sont eux qui méritent le nom infamant qu'on leur a donné, en les proscrivant sous celui qui ne leur appartient pas. Ce sont eux en-
fin qui, n'ayant aucune valeur intrinsèque, n'offrant que des promesses au lieu de gages, ou tout au plus des hypothèques générales quand il faut des valeurs spéciales, seront probablement rayés à jamais de la liste des opérations nationales,
Avant de décrire le véritable papier-monnaie, je me hâte d'annoncer que ce n'est point un projet que je propose, c'est une définition que je développe par une hypothèse, pour mieux me faire entendre.
Je répète avec confiance que le papier-monnaie n'est ni un emprunt, ni un impôt. Il n'est point un impôt, car il ne pèse, ni pour le présent, ni pour l'avenir, par aucun payement d'intérêts, sur les contribuables. Il n'est point un emprunt, car il est le contraire : c'est un prêt ; c'est un signe nouveau demandé à un souverain par un emprunteur que ce prêt soulage, encourage, enrichit. C'est une véritable monnaie nouvelle, frappée au nom du souverain, qui serait de la fausse monnaie si elle n'avait pas tous les attributs de la monnaie-métal, mais qui devient une monnaie véritable quand elle acquiert ces trois caractères, c'est-à-dire le signe qui constate son titre, la facilité de la circulation et la valeur intrinsèque.
Les deux premiers caractères se conçoivent facilement ; c'est sur le dernier seulement que j'ai à offrir quelque explication; un exemple me fera mieux entendre : Un propriétaire de terre veut emprunter une somme quelconque jusqu'à concurrence d'une partie de sa propriété, que je suppose libre. 11 offre un privilège au préteur : le prêteur est obligé de lui donner de la monnaie-métal pour acquérir le privilège offert par l'emprunteur, etcela parce que celui qui prête, n'étant point un souverain, ne peut pas battre monnaie; mais aussi il a donné sa monnaie-métal pour un simple papier appelé contrat ou obligation. Pourquoi ce prêteur est-il tranquille avec son papier? C'est qu'il est représentatif d'une valeur très-réelle en fonds de terre. Que manque-t-il à cette valeur en papier appelée contrat ou obligation pour être une monnaie, si ce n'est le signe du souverain sur ce contrat, pour lui imprimer le mouvement de la circulation ? Avec ce signe, et 1a valeur que je viens d'indiquer, elle a donc tous les caractères d'une véritable monnaie, surtout si à cette valeur se joint la certitude de la vente prochaine du fonds de terre, dont le prix éteindra le papier-monnaie dans la main du dernier possesseur, qui recevra le prix de la terre en échange.
Agrandissons maintenant l'hypothèse, et voyons comment un royaume obéré peut se liquider en prêtant : c'est un problème à résoudre, je l'entreprends.
Et, pour rendre l'hypothèse plus sensible, je prends la France pour exemple, en vous répétant que ceci n'est point précisément un projet, mais un moyen d'éclaircir définitivement la nature des différents numéraires fictifs, trop longtemps défigurée, et qui, je l'espère, ne le sera plus à l'avenir parmi nous.
Pourquoi la France est-elle momentanément embarrassée, au milieu de grandes richesses très-supérieures à sa dette ? C'est que, couverte des débris d'un gouvernement vicieux, elle a enseveli son ancien crédit sous ses décombres. Ne regrettons pas celui-là, Messieurs; bientôt, lorsque l'édifice. que vous élevez sera couvert, avant même qu'il soit revêtu de tous ses ornements, une confiance préférable au crédit lui-même viendra couronner vos travaux. Tous vos créanciers voient un territoire immense dont la cul-
ture doit aller en croissant. Cette puissance agricole soutient leurs espérance ; mais en n'offrant qu'une masse indéfinie de territoire pour liquider des créanciers, on n'offre point une véritable liquidation : il faut spécifier, déterminer les valeurs, et c'est ce que la France pourra faire avec le temps. Elle pourra déléguer des fonds à ses créanciers, et de là naîtront les sources de sa libération.
Vous avez décidé que les biens du clergé sont à la disposition de la nation ; si donc elle abandonnait par la suite une portion de ces biens-fonds, spécifiée, connue, déterminée, à ceux de ces créanciers dont la créance lui paraît la plus onéreuse, et qu'ils l'acceptassent, tout serait consommé, et alors le numéraire fictif serait inutile ; si elle ne faisait que déléguer ces fonds pour le payement des intérêts et pour le remboursement des capitaux, et que la délégation fût acceptée et consommée, suivant, tous les principes de la plus sévère jurisprudence, la nation ne devrait plus cette portion de créances, du payement de laquelle se chargerait une caisse quelconque, destinée à l'acquitter avec le prix qu'elle recevrait des fonds mis en vente successivement.
C'est ici que je dois rappeler une idée heureuse que présente le mémoire du premier ministre des finances : je veux parler de l'établissement qu'il propose d'un receveur des deniers extraordinaires, dans les mains duquel seraient versées les sommes provenant des ventes de biens-fonds et autres, sur lesquelles, dans son plan, il fait tirer des assignations. Cet établissement me paraît conforme aux meilleurs principes d'administration; et de même que dans la constitution générale du royaume vous avez soigneusement marqué les bornes des différents pouvoirs, je crois qu'en formant la constitution d'une finance nouvelle, il est très-important de distinguer attentivement les opérations des caisses ; de là naîtront l'ordre, la confiance et l'économie même.
Je donne place dans mon hypothèse à la caisse des recettes extraordinaires.
Pardonnez, Messieurs, mes fréquentes suppressions, mais elles sont analogues à la défiance que j'ai véritablement de mes lumières, et je ne cherche qu'à me faire entendre, sans prétendre davantage.
Je suppose que cette caisse fût dirigée par des administrateurs que vous auriez désignés : je les îegarde dès lors comme les seuls débiteurs des objets dont ils sont chargés ; occupés des moyens de payer leurs dettes, ils observeront avec raison que la vente sera longue, qu'il faut même qu'elle le soit pour être faite avec succès.
Ils invoqueront le secours du souverain pour emprunter de lui une somme équivalente et successive, afin de se liquider plus promptement; ils offriront un privilège, celui des terres qu'ils ont à vendre ; ils demanderont à payer progressivement, en une monnaie fictive mais bien assurée, parce qu'elle serait bornée et représentée par des fonds disponibles. Si le souverain faisait alors fabriquer un signe que j'appelle papier-monnaie, parce qu'il a tous les caractères d'une monnaie véritable, voilà un numéraire de plus dans la circulation. Ce nouveau numéraire, reçu d'abord dans les différentes caisses du royaume, et successivement dans tous les marchés, en en subdivisant les signés, offre le moyen de rembourser les anticipations qui nous gênent, les arriérés qui nous discréditent, fait tomber par là le déficit qui nous écrase, et bientôt nous marchons avec une recette égale à la dépense, avec
des impositions simples substituées à des droits onéreux.
Ne vous lassez point, Messieurs, de mes hypothèses; je vous demande même une indulgence particulière pour la dernière.
En supposant pour un mo ment réalisées celles que je- viens d'établir, une grande objection se présente. Gomment, me dira-t-on, ces biens-fonds du clergé, que l'on charge de tant de choses, pourront-ils y suffire? entretien du culte, dettes anciennes du clergé, dettes de la nation, indemnités des anciens titulaires usufruitiers. Est-ce donc une mine inépuisable qu'un fonds de terre, parce qu'il a appartenu au clergé? Il en est une autre, Messieurs, il est une mine plus féconde, dont il faut bien que vous me pardonniez encore de vous proposer hypothétiquement de continuer l'exploitation : c'est celle de la dîme ecclésiastique. Votre décret, en abolissant la dîme dans l'avenir, n'a pas fixé le terme précis de l'abolition. Il en a ordonné la perception provisoire ; si elle pouvait subsister pendant le temps suffisant pour arriver à la vente d'une partie des biens ecclésiastiques, pendant le temps nécessaire pour organiser successivement la nouvelle hiérarchie, alors on prendrait plus de courage encore, et mon hypothèse pourrait par la suite devenir une réalité.
Si vous rejetez cette idée, Messieurs, vos espérances futures de libération avec une vente de biens-fonds ecclésiastiques, sont totalement illusoires.
£ J'ai rempli mon premier but si, parle développement de ces principes et par quelques suppositions qui ne sont pas inadmissibles, je suis parvenu à me faire entendre.
Je crois avoir démontré que les numéraires fictifs, quels qu'ils soient, ne peuvent offrir des ressources,et ne sont même proposables qu'autant que leur valeur porte sur un privilège spécial, sur tel ou tel fonds de terre bien connu, bien déterminé, et promptement disponible, mais non sur des fonds en général, dont la valeur et la nature sont inconnues.
Un véritable papier-monnaie ne mérite donc point d'être diffamé. Mais c'est dans des temps plus prospères qu'il pourrait sur4e-champ offrir a l'Etat aes moyens de se liquider et, dans l'avenir, des ressources aux propriétaires de terres pour se libérer ou pour faire des entreprises utiles; je dois maintenant vous parler un langage plus rapproché de notre situation présente.
Si je n'ai pas cru devoir dissimuler les dangers d'une banque proprement dite, dois-je vous dissimuler davantage les innombrables obstacles que pourrait éprouver en ce moment dans son exécution tout plan appuyé sur un papier différent de celui de la Caisse d'escompte?
Premièrement, les ventes des biens-fonds ecclésiastiques dont on nous parle continuellement, je les admets pour un moment ; ce sont elles seules, ainsi que celles des biens-fonds du domaine, qui peuvent présenter une perspective à cet égard. Mais elles seront sujettes à de grands embarras dans leur exécution : elles se prolongeront pendant bien des années; et d'ailleurs sommes-nous d'accord sur cette vente ? les provinces y consentiront-elles? ne serons-nous pas arrêtés "par l'ancienne préférence due sur les premières ventes aux créanciers actuels duclergê? Nous n'avons encore rien de décrété à cet égard: et nous croirions pouvoir reposer sur cet objet notre imagination effrayée par 90 millions payables dans 3 semaines?
En second lieu, combien dans le courant dé 1790 les difficultés inséparables d'une organisation nouvelle dans toutes ses parties peuvent présager d'incertitude dans les recouvrements ! Ce déficit de 1790, qui pourrait çfès à présent s'évanouir eh partie à nos yeux, si le plan de votre comité des finances eût pu être adopté et exécuté dans toute son intégrité, ce déficit va se reproduire et se multiplier par toute sorte de causes. La nouvelle division du royaume, les essais des nouvelles assemblées provinciales, la conversion des droits en impositions directes, dont les combinaisons seront hérissées de tant de* contradictions par la diversité des contributions des provinces; tous cès changements ne peuvent s'opérer sUr-le-champ; il faut prévoir avec certitude qu'en 1790 il y aura de grandes diminutions dans les recettes ; les receveurs des anciennes généralités ou élections, qui voient la prochaine distribution en 80.départements, peuvent-ils vous offrir des soumissions aussi précises qu'auparavant? Est-il juste même de l'exiger, ou prudent d'y compter? et tant d'autres incidents aprévoirl Voilà sans doute ce qui a déterminé le ministre des finances à traiter l'année 1790 comme une année incomplète, à vous proposer en conséquence d'en assurer le service par des moyens extraordinaires, surtout dans l'incertitude où l'on est encore du produit du tiers de la contribution patriotique; voilà aussi pourquoi, je l'avoue, je m'éloignerais avec peine du plan qu'il vous a.proposé, tout insuffisant qu'il peut être dans l'avenir. M. Necker vous propose 170 millions à 2 1/2 0/0 ou enviroh, v compris la réduction sur l'intérêt des 70 millions déposés il y a 5 ans au Trésor public; il ne vous parle que d'un numéraire fictif déjà existant, inférieur par lui-même en valetir intrinsèque "à celùi que je vous présentais hypothétiquement tout à l'heure, mais enfin auquel on est accoutumé; qui, malgré toutes les révolutions, ne perd point sur la place. Et d'ailleurs, qui empêcherait que ce numéraire pût acquérir, avec le temps, le même avantage, en en appuyant l'émission sur des fonds de terre?
Préférerez-vous la création d'un nouveau papier, qu'il serait si dangereux d'essayer dans notre position actuelle? Ne nous aveuglons pas, Messieurs, sur notre crédit i autant il sera grand dans un an, dans six mois peut-être, autant il faut nous en délier aujourd'hui.
Qu'on ne nous parle plus de ces prétendus égarements des administrateurs de la Caisse d'escompte : est-ce donc s'égarer que de se dévouer au salut de l'Etat, de lui épargner Une faillite? Est-ce profiter réellement d'un arrêt de sursèance que de payer 10 millions par mois?
Les actionnaires de la Caisse d'escompte sont juges et garants de leurs administrateurs; ils applaudissent à leur conduite ; ils ne vous demandent pas précisément le titre de banque nationale ; on le leur a offert; mais probablement ils n'insisteront point à cet égard, si, comme cela est très-possible, on prouve que, de part et d'autre, ce titre n'est nullement nécessaire- Ils' réclament, pour satisfaire à leurs engagements, les sommes qui leurs sont dues; mais ils les réclament, vous le savez, avec autant de noblesse que de ménagements; s'ils sont remboursés d'ici au 31 décembre prochain, ils reprennent leurs payements à bureau ouvert, parce que leur numéraire sera en proportion avec leurs billets. Le ministre des finances leur a proposé une manière de les rembourser, à laquelle ils se
soumettent, si vous l'agréez. Je ne vois dans tout cela rien qui puisse exciter tant de reproches; je ne vois point sur le papier de cette caisse la flétrissure et le mépris. Je vois, au contraire, qu'on en redouterait beaucoup l'anéantissement; qu'il en résulterait des catastrophes dont les contre-coups sont incalculables; qu'avec tout autre numéraire fictif, le change serait cie plus en plus à notre désavantage, et que le haussement du prix des denrées serait un nouveau malheur de plus.
Je sens combien il sera pénible de commencer l'année 1790 avec un papier, garanti par la France, qui ne s'échangera pas sur-le-champ, contre un numéraire effectif. Voilà, je l'avoue, la plus grande objection qu'on puisse faire, selon moi, au plan du ministre des finances ; il se l'est faite le premier; il convient qu'il faut choisir entre les inconvénients; mais, Messieurs, un nouveau papier en présente de bien plus grands. Irez-vous, par des billets d'Etat, renouveler aux yeux de la France étonnée l'humiliante et désastreuse opération de l'archevêque de Sens : ou la suspension des anticipations, qui fut la ressource de l'abbé Terray ? Soit qu'on substitue totalement un nouveau papier à celui de la Caisse d'escompte, soit qu'on risque de le mettre en concurrence avec lui, on s'expose aux plus grands malheurs; et, au milieu des incertitudes qui nous agitent maintenant sur la vérification des états de recettes et de dépenses, sur l'examen des contrats originaires, vous ne pouvez pas encore établir une caisse nationale ; vous compromettriez un établissement qui peut devenir si utile.
L'Europe, qui nous contemple, n'exige pas de nous l'impossible : elle apprécie nos efforts ; elle sait qu'on ne peut conquérir la liberté qu'au milieu des résistances, que d'elles naissent et le discrédit et le resserrement du numéraire et qu'au milieu d'une foule de dangers il serait imprudent de trop ou trop tôt entreprendre. Sera-t-il plus défavorable à ses yeux de-débuter par le papier de la Caisse d'escompte, languissant pendant quelques mois, mais qui bientôt reprendra toute son activité, que de répandre sur-le-champ une grande masse de billets d'Etat, ou de papier-monnaie sans valeur spéciale, qui perdront sur la place dès leur naissance? C'est entre ces différents inconvénients qu'il faut opter; et le choix, selon moi, n'est pas difficile.
Quand je me ferais illusion, en pensant qu'on pourrait par la suite, avec les billets actuels de la Caisse d'escompte, se procurer le signe dont nous avons besoin pour, avec l'hypothèque des biens du clergé, rembourser successivement les dettes les plus instantes, qui gênent notre marche, il n'en serait par moins vrai que la Caisse d'escompte, dont l'établissement est monté avec un ordre si recommandabie, dont l'organisation est si heureusement combinée, dont les 100 millions de capitaux sont si bien connus, est maintenant la seule force active dans l'Etat sur laquelle nous puissions raisonnablement fonder nos espérances.
Considérez combien peut influer sur l'opin.ion le nom d'un ministre justement estimé, combien les efforts réunis de tant d'actionnaires, combien leur intérêt même peut vous offrir de ressources; et osez vous en priver dans un moment aussi critique I
§|Je ne sais par quelle fatalité les hommes, en s'occupant de l'administration, sont aisément séduits par les projets brillants qui tendent à une
destruction : je me suis toujours refusé au premier mouvement, qui souvent m'entraînait moi-même dans cette route; plus je médite à cet égard, plus je crois qu'il est raisonnable de perfectionner, au lieu de détruire.
Je suis bien éloigné de vous détourner des grandes vues que vous a offertes votre comité des finances; mais, si vous êtes obligés, comme cela est vraisemblable, de différer les réformes qu'il vous propose, pensez sérieusement, Messieurs, au déficit de 1790; songez qu'une caisse nationale, chargée de payer l'intérêt de la dette reconnue, ne peut marcher étant vide; qu'elle le sera en 1790, parce que la plus grande partie des revenus de cette année est dévorée d'avance par les anticipations; que si vous suspendiez le pavement de ces anticipations, ce serait une faillite réelle vis-à*vis des possesseurs de bonne foi, de ce genre d'effets, dont le remboursement n'est point de nature à, être différé; que des suspensions de ce genre sont aussi désastreuses qu'humiliantes ; que vous n'avez point de valeurs actuelles et spéciales, et disponibles, pour fonder un papier-monnaie, et que cette ressource, dont le nom effraye d'avance, ne peut être employée dans les circonstances présentes.
Je conclus donc à ce qu'il soit décrété : 1° que le papier de la Caisse d'escompte sera préféré à tout autre; 2° que le plan du premier ministre sera adopté, sauf quelques amendements.
Mes amendements sont : 1°, que la Caisse d'escompte ne soit point dénommée banque nationale; 2° qu'elle n'aura point un privilège exclusif.
(22 orateurs ayant encore demandé la parole, la discussion est ajournée à demain.)
demande la permission de s'absenter pour f5 jours, à cause du mauvais étal de sa santé; l'Assemblée y consent.
L'heure de 2 heures devait amener la délibération sur le décret proposé par le comité des rapports, au sujet des subsistances et de la sortie des grains; mais la discussion des différents projets de finances ayant été prolongée jusqu'à 3 h. i/2, M. le président lève la séance, et indique celle de demain à 9 heures du matin.
Séance du
. Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre, par laquelle M. le marquis deVillelte, président du club national, offre les boucles d'argent des membres de cette Société.
Un commissaire, chargé de présenter ce don patriotique est autorisé à assister à la séance.
, Vun de MM. les secrétaires, dounelecturedu procès-verbal.
pensequelesopinionsysont un peu tropdétaillees.
observe, d'autre part, que d'après
explique le seps des paroles prononcées hier par M. le duc du Châ-telet.
pense qu'il suffit de modifier la phrase pour qu on ne puisse pas reprocher à l'Assemblée de rendre 80 millions pour en avoir 20. comptants.
Le procès-verbal est adopté.
, député de Paris, offre, au nom de M. Lalande, un projet pour la création d'un papier-monnaie qui peut, dit-il, présenter quelques vues utiles. (Voy. ce projet annexé a la séance de ce jour.)
, curé de Grosse, dit que les raisons de santé qui lui avaient obtenu la permission de s'absenter ayant cessée il s'empresse de reprendre son poste dans l'Assemblée pour concourir avec elle au bien de Pempire.
donne lecture des adresses dont la teneur suit :
Adresse de la ville de Saint-Malo en Bretagne, qui, toujours pénétrée de vénération pour les décrets de l'Assemblée nationale et pleine de confiance en sa justice, la supplie avec instance de donner à la Bretagne sept départements.
Délibération de la ville d'Embrun en ûaupbiné, contenant l'expression d'une parfaite adhésion à tops les décrets de l'Assemblée nationale; elle déclare qu'elle s'oppose formellement à toute tentative qui pourrait y porter atteinte directement ou indirectement.
Adresse du comité permanent de la ville de Soissons, dans laquelle il renouvelle les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement dont il est pénétré pour l'Assemblée nationale; il annonce que, dans une assemblée du 22 novembre, les habitants ont arrêté unanimement de faire l'abandon à la nation de tout objet de luxe, et autres bijoux en or et argent.
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion des villes et pays de Neuvy-Roy en Tou-raine. A cette adresse est joint un mémoire tendant à l'établissement à Neuvy d'une justice royale, d'une maréchaussée et d'un centre de district,
Adresse de la ville de Lorgues en Provence, chef de viguerie, contenant un renouvellement d'adhésion à tous les décrets de l'Assemblée na- tionale, notamment à celui portant abandon des privilèges de la province, et la demande d'une assemblée de district dans la nouvelle division des provinces.
Adresse des habitants de la paroisse de Saint-André en Koussillon, contenant félicitations, remercîments et adhésion à tous les décrets de l'Assemblée nationale, notamment à celui concernant la contribution patriotique.
Adresse du même genre de la ville de Cette en Languedoc.
Adresse du même genre du bourg de Couches en Bourgogne; il demande d'être un chef-lieu de canton.
Adresse de la milice nationale de Cherhourg, dans laquelle elle manifeste les .sentiments de
confiance, de reconnaissance, d'admiration et de dévouement que' l'Assemblée nationale lui a inspirés.
Procès-verbal de prestation de serment de la milice nationale de la yille du Palais à Belle-Isle-en-^Mer, conformément aux décrets de l'Assemblée du 10 août dernier.
Adresse des officiers du bailliage de Clermont-en-Beauvoisis, qui présentent l'hommage de leur adhésion profonde à tous les décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le Roi. Us ont arrêté de rendre la justice gratuitement.
Adresse et arrêté du même genre dps officiers du bailliage comté-pairie de Vertus en Bourgogne.
Adresse des officiers du bailliage de Rumigny en Champagne, contenant adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale; ils demandent la conservation de leur juridiction.
Adresse du comité permanent de la ville d'An-nonay, qui a arrêté que tpus les habitants de cette vjlle seront invités à faire a la nation le don de leurs bqucles d'argent.
Adresse du corps municipal et conseil permanent de la ville de Tournon; ils renouvellent à l'Assemblée nationale l'expression des sentiments des citoyens de cette ville, et adhèrent^ avec une pleine et entière confiance,, à tous les décrets de l'Assemblée, qu'ils protestent de soutenir avec fermeté, et de faire respecter au péril de leurs-biens et de leur vie.
Extrait de la délibération du lieu de Saint-Maimeen Provence, contenant des remercîments, et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse des citoyens de la ville de Montluçon, portant remercîmentet adhésion; ils demandent un chef lieu de justice, et déclarent qu'ils ont arrêté de veiller à la perception des impôts actuellement existants, et qu'ils ont pris les précautions nécessaires pour arriver à cette fin. "
fait lecture d'une lettre dp consistoire de la confession d'Ausbourg à Strasbourg, qui annonce un don patriotique se portant à la somme de i ,8Q0 livres.
L'Assemblée passe à son ordre du jour, et reprend la suite de ta discussion sur le plan de finances de M. Necker tendant à convertir la Caisse d'escompte en banque nationale.
(de Saint-Jean-d' Ange'ly). Nous ne pouvons sans danger retarder d'un instant la délibération sur les secours qu'exigent les finances : sans cette impérieuse activité, l'édifice que nous élevons croulerait avant d'être achevé. Plusieurs objets se présentent d'abord : les moyens de rembourser les offices qui sont supprimés; ceux qu'il faut employer pour assurer d'une manière invariable la balance entre la recette et la dépense ; mais, quelle que soit leur importance, ils doivent être écartés, et les besoins de cette année et de l'année prochaine doivent-seuls nous occuper en ce moment.
Le plan de M. Necker est fondé sur la vente de 13,500 actions. Vous n'avez ni crédit, ni confiance, et vous ne pourrez parvenir à les placer; cette impossibilité anéantit l'opération proposée par le ministre.
M. I'évéque d'Autun a présenté des bases infiniment justes ; mais il paraît s'en être écarté, puisque la partie principale de son projet consiste à retarder le payement des dettes échues; alors, il n'est, plus question de volonté, avec la faculté de payer, mais de bonne volonté, et les créanciers ne s'en contentent pas. Une faculté et une volonté
dans l'avenir sont une faculté et une volonté éventuelles.
Offrir de payer dans vingt ans, c'est vouloir faire un contrat d'atermoiement. Si le consentement d'une des parties manque à ce contrat, il est nul, et l'atermoiement est une banqueroute. Or, la Caisse d'escompte, les porteurs de billets, ceUx des assignations à terme fixe, les employés supprimés dont il faut payer le cautionnement, les fournisseurs de la marine et de la guerre, ne pourront y consentir : ils ont contracté des engagements; il faut qu'ils soient payés pour qu'ils paient; ils n'ont pas pu compter sur un retard de vingt années. Ce consentement est donc impossible; vous ne pouvez donc exiger un atermoiement sans faire une violence, sans commettre une souveraine injustice. Je n'adopte du plan de M. l'évêque d'Autun que les articles 2 et 3.
Je propose de vendre des valeurs mortes dans les biens du clergé et du domaine, c'est-à-dire les châteaux, les bâtiments des monastères que vous supprimerez; des billets nationaux seront mis en circulation pour une somme égale au produit de cette vente ; on ne recevra des acquéreurs que ces billets nationaux; et quand ces fonds seront vendus, il ne restera pas un seul de ces billets en circulation.
(de Saint-Jean-d' Angély) déclare, en quittant la tribune; que le plan de finances qu'il vient de soumettre à l'Assemblée n'est pas de lui et qu'il en fera connaître l'auteur, si le plan est accueilli.
examine les diverses objections fait contre le plan de M. Necker, justifie la Caisse d'escompte par le salut de l'Etat, et demande qu'il soit nommé huit commissaires, pris dans l'Assemblée, qui, réunis à quatre membres du comité des finances, concerteront avec le ministre et les administrateurs de la Caisse d'escompte les changements et les modifications qu'il conviendra de faire au plan du ministre, pour le tout être ensuite rapporté sous trois jours à l'Assemblée, et être par elle ordonné ce qu'elle avisera.
,après avoir examiné quelle est l'utilité d'une banque, et reconnu que ces sortes, d'établissements sont utiles aux nations riches comme aux nations pauvres, de môme que les capitaux et les rentes, établit que l'attache nationale mise à une banque est contraire à la dignité de la nation, à l'intérêt delà nation, à celui du commerce et à la banque elle-même.
M. Necker, dit-il, substitue à une banque qui paye mal une banque qui ne payera pas du tout : son opération est impraticable par l'impossibilité de placer les actions. Il faut donc renoncer à un plan défectueux dans ses détails et dans ses principes, et pernicieux dans ses conséquences.
L'opinant prétend ensuite que le comité des finances a fait, dans son rapport, une grande erreur :.il a considéré les 49 millions que produisent, les aides et la gabelle, qui seront détruites, comme une remise faite au peuple ; mais cette remise ne peut être générale, puisqu'elle ne concernera que quelques provinces : les 49 millions auxquels montent ces impôts doivent donc être ajoutés aux 33 millions d'excédant de recette trouvés par le comité.
L'opinant adopte la division des finances en deux caisses : l'une destinée à la dépense ordinaire de l'année, l'autre à la dette; il propose ;
1° de créer tous les ans une quantité de billets d'Etat égale à la somme des intérêts à payer. Ces billets seraient acquittés à vue par la caisse de la dette, dont les administrateurs pourraient être contraints même par corps; 2° de créer pour 90 millions de semblables billets, avec assignation sur la contribution patriotique; 3° une autre somme de 80 millions également en billets, serait payée par le produit de la vente d'une partie des fonds du domaine, et des biens ecclésiastiques. Le surplus de cette vente formerait une caisse d'amortissement.
(1). Messieurs, la connaissance complète que vos commissaires viennent de vous donner de la Caisse d'escompte doit avoir dissipé les nuages dont on a voulu la couvrir et fixé yos idées sur cet établissement.
Permettez, Messieurs, à un négociant de discuter actuellement l'objet important qui vous occupe, par les raisonnements simples qui sont toujours employés dans son état, en affaires d'intérêt et de convenance/
Vous ne pouvez, Messieurs, vous dispenser de faire usage d'un "moyen de crédit quelconque: le Trésor public a besoin d'une recette extraordinaire de 170 millions, pour couvrir la dépense Courante de 1789 et 1790.
11 faut pourvoir à une bien plus forte somme, si vous voulez éteindre toutes les dettes arriérées, reprendre le payement des objets suspendus et faire des remboursements de convenance.
Je crois pouvoir fixer la question en divisant ces besoins: les uns sont pour les dépenses courantes, exigibles par leur nature en monnaie courante ; les autres peuvent être remplis à des époques successives, mais déterminées.
Dans tous les cas, vous ne pouvez vous dispenser de vous procurer des avances sur les ressources dont vous avez le droit de faire usage, parce que vous ne pouvez utilement en réaliser les effets qu'avec le temps et de prudentes dispositions.
Dans le fait, il s'agit de faire un arrangement entre un débiteur et des créanciers d'une même famille, qui ont tous intérêt à conserver l'honneur du nom et à ne pas laisser dépérir une propriété utile à tous.
Je compare l'Etat à une grande manufacture, à une entreprise qu'il faut soutenir : si elle est contrariée par les circonstances, une exploitation suivie en rendra les produits assurés. Il faut donc commencer par lui donner ies moyens de satisfaire au courant de ses dépenses; de payér ses ouvriers et ses travaux indispensables. Ces dispositions se lieront nécessairement à celles qu'on adoptera en même temps pour la restauration générale de l'entreprise.
L'Etat s'est servi de la Caisse d'escompte comme une grande maison de commerce ou une grande entreprise se sert de son banquier.
Il est très-fréquent, dans les liaisons de cette nature, que le prêteur soit entraîné au point de ne pouvoir refuser toutes les avances qui deviennent successivement nécessaires pour le soutien de son emprunteur.
Réciproquement, celui-ci ne peut plus se passer du crédit additionnel que lui donne la signature de son prêteur; il ne peut plus faire de négociations sans l'acceptation de son banquier.
Mais, dans la question que nous traitons, l'em-
Le banquier en a fait un usage prudent et honnête, il a continué partiellement ses payements, et a assez conservé la confiance du public pour jouir encore d'un bon crédit.
Aujourd'hui le souverain (et vous sentez, Messieurs, le sens que je donne à ce mot dans notre constitution actuelle), quoique très-embarrassé dans ses affaires et hors d'état de payer ses engagements à échéance, est plus conliant dans les ressources; il croit qu'il peut enfin faire usage de son crédit personnel et se soustraire à ce crédit additionnel qu'il empruntait de son banquier; il fait plus il improuve les arrêts de surséance dont ce dernier jouit.
Que fait-il donc qui réponde à cette généreuse disposition, et quels sont ses moyens? S'il fait usage de ceux auxquels les préopinants ont donné la préférence, il créera des billets d'Etat, des assignats à terme; il en forcera le cours: il fera enfin du papier-monnaie ; et le premier emploi auquel il le destine, c'est de le donner à son banquier en payement de ce qu'il lui doit, c'est-à-dire de s'acquitter ainsi avec la Caisse d'escompte.
Mais, Messieurs, cette Caisse d'escompte a de son côté des créanciers à payer, et elle ne peut se dissimuler que si elle acquitte ses engagements avec un papier de nouvelle création, dont le cours sera forcé; le caractère que ces billets ont conservé, parce qu'elle n'a profité qu'avec modération de la suppression dont elle jouit, sera altéré ou perdu sans remède.
Alors elle observera au souverain, qui sous les seuls rapports de sa dette immense doit être juste et circonspect, que l'inconvénient d'un papier d'un cours forcé, appliqué aux dépenses courantes, est bien plus grave lorsque lui-môme en applique la loi à ses propres billets, assignations ou reconnaissances; et que si ce nouveau papier, cette nouvelle monnaie n'obtient pas un libre cours et subit quelque discrédit, les billets de la Caisse d'escompte en seront également frappés; parles opérations même purement commerciales de cette caisse, ils sont liés au sort de cette nouvelle monnaie, qu'elle ne peut refuser : il en résultera donc inévitablement le discrédit de l'un et de l'autre papier, et l'anéantissement de toute monnaie fictive.
C'est sous ce point de vue que j'envisagerai le plan du premier ministre des finances, et je me renfermerai toujours dans les idées qui me sont familières.
L'expérience des affaires apprend qu'en matière de crédit et de ressources (car c'est ce dont il est encore question dans la situation où nous sommes) tous les principes et toutes les convenances sont les mêmes lorsqu'il faut mettre en mouvement un ou plusieurs millions.
C'est dans les principes sages et simples d'une bonne économie que M. Necker vous propose, Messieurs, pour votre propre intérêt, de bien distinguer d'abord la nature des dépenses auxquelles vous voulez pourvoir; de considérer s'il ne serait pas plus convenable aux circonstances de faire encore un bon usage de la force additionnelle de votre banquier, c'est-à-dire de la Caisse d'escompte, pour les dépenses qui auront lieu jusqu'à ce que vous ayez donné une assiette positive à vos opérations ; s'il n'y aurait pas quelque risque de changer pendant cet intervalle la nature et l'habitude de vos payements ; habitude
qui, enfin, s'est maintenue et vous a été utile dans la crise la plus violente.
Observez bien, Messieurs, que cela ne s'oppose en aucune manière aux dispositions que vous voudriez adopter pour l'acquit de tous les objets que vous voulez liquider, et aux remboursements de convenance que vous voulez faire,
Cette seconde classe de dépenses auxquelles il faut pourvoir est celle qui se prête à cet arrangement de famille dont je vous ai déjà parlé, si. facile et si naturel lorsqu'il existe un intérêt commun entre Je débiteur et le créancier, particulièrement lorsque ce dernier voit que le provisoire est assuré et affermi.
On n'a pas sans doute réussi, Messieurs, à vous persuader que M. Necker eût méconnu les principes et les bases d'une banque publique : la principale base de son plan est un accroissement de fonds combiné sur l'étendue des avances dont vous avez besoin, et sur la quotité des billets en émission. Aussi c'est en n'en faisant pas mention, ou en mettant en doute la possibilité de la nouvelle mise de 50 millions qu'il demande, qu'on a censuré son projet.
Mais Messieurs, on n'a pas évalué ni calculé la réunion- de volontés et d'intérêts qui peuvent concourir à cet accroissement de fonds :
1° Il faut avoir confiance dans la volonté des actionnaires eux-mêmes, et dans leur intérêt commun avec la nation, de ne pas courir les chances d'un nouveau papier, quelque dénomination que vous lui donniez, dont le discrédit éventuel entraînerait celui de ses billets, et bouleverserait même ses opérations commerciales ;
2° Il faut avoir confiance dans la volonté des créanciers de l'Etat et de tous ceux qui tiennent aux affaires publiques, qui ont un si grand intérêt à maintenir dans toute leur valeur les 114 millions de billets de caisse actuellement en émission, et à écarter le discrédit dont ils seraient frappés parla substitution ou l'échange d'un nouveau papier dont le sort est incertain;
3° Il faut avoir confiance dans la volonté de toutes les grandes villes de commerce, de tous les négociants du royaume, qui ont un si grand intérêt à préférer a toute création d'un papier d'un cours forcé l'émission de celui de la Caisse d'escompte, d'après le plan de M. Necker, parce qu'il présente les plus grandes probabilités d'un, payement à présentation, et que la quotité en est fixée sous votre surveillance.
Pouvez-vous croire, Messieurs, que toutes ces volontés et tous ces intérêts réunis ne concourront pas efficacement à faire lever les nouvelles actions de la Caisse d'escompte? Joignez-y, Messieurs, le concours de ceux qui, dans toutes les classes de citoyens, sont dans l'activité des échanges et des transactions de toute espèce.
Est-ce lorsque toute la nation voit ses représentants réunis dans la capitale, et toutes les villes de commerce leurs députés ; lorsque toutes les villes en raison de l'intérêt que leur présente la division du royaume en départements, ont envoyé ici des députés extraordinaires, que nous pourrions clouter de la possibilité de réunir 50 millions dans un placement solide, avantageux, utile à l'Etat, à nos travaux et si salutaire dans la périlleuse nécessité où nous pourrions être de recourir à des ressources dangereuses et nuisibles?
D'ailleurs, Messieurs, cette mise de fonds si importante par ses effets pour l'utilité générale, comme pour l'utilité particulière, mériterait bien de votre part une invitation à toutes les villes de
commerce, pareille à celle que Colbert mit en usage pour placer les actions de la compagnie des Indes, lorsqu'il la créa.
C'est ainsi que je réponds, Messieurs, à ceux qui ont combattu le plan du ministre des finances, en écartant la base sur laquelle il est appuyé, ou en niant absolument la possibilité de pouvoir l'élever.
Je terminai mon opinion en répondant à l'objection qui m'a paru être de nature à faire le plus d'impression dans cette Assemblée, vu le zèle qu'eue a pour une bonne constitution.
On vous a dit, Messieurs, que l'institution d'une banque nationale n'était pas un acte constitutionnel, parce qu'on îivait lieu de craindre que, si l'Assemblée nationale elle-même pouvait avoir sous sa main un grand crédit dans une latitude assez indéterminée pour la porter à faire éventuellement un usage exagéré de ses forces, cela serait dangereux pour la nation.
Je ne crois pas cette objection bien fondée dans notre situation politique, économique et commerçante.
En général, nous avons plus d'activité et d'industrie que d'argent, plus de sol et de terrain à cultiver que de crédit, plus de volonté .que de moyens : dans mon opinion, aucune nation n'a plus besoin que nous d'une banque publique, établissement reconnu, par l'expérience, comme le lêvier le plus puissant, la force additionnelle la plus efficace qu'on puisse employer pour mettre en mouvement et en action toutes les forces de production individuelle.
Représentant d'une province qui, parle produit de son commerce, de ses manufactures et de son industrie, a toujours eu une riche part dans la balance du commerce, j'ai vu avec douleur qu'on ail voulu, à cet égard, écarter votre sollicitude en faisant résulter des opérations de la Caisse d'escompte le désavantage de la situation actuelle de la France dans ses rapports de commerce et dans ceux de sa balance avec les autres nations.
On n'a donc pas calculé le préjudice irrémédiable que nous cause la concurrence de l'industrie anglaise, dirigée avec intelligence vers tous les objets qui, par leur bon marché et par leur peu de valeur, peuvent être consommés par le plus grand nombre et satisfaire avec tant de convenance, à nos premiers besoins, que le patriotisme le plus sévère n'en ose pas exiger le sacrifice ?
On n'a donc pas calculé les effets sensibles dans nos ports de mer et dans nos manufactures, de 1 invasion des étrangers sur le commerce de nos colonies, qui détruit visiblement cette préférence nationale, que les colous donnaient ci-devant aux productions de notre sol et de notre industrie.
On n'a donc pas calculé les effets du dépérissement de la navigation française, cette branche decommercela plus intéressante par son influence sur toutes les autres, et qui entretient une fabrication si étendue, qui est elle-même un atelier immense. Les exportations des denrées coloniales ne sont plus réservées pour nos navires, et c'est le plus souvent sur leur lest qne nos vaisseaux caboteurs sorteut de nos ports pour l'Espagne et le Portugal.
Parcourons les différents marchés de l'Europe et de l'Amérique nous y avons été successivement supplantés par nos rivaux, toujours par suite de nos erreurs politiques, et de notre amour aveugle pour ces systèmes dont ils bercent adroitement notre inexpérience , même notre humanité,
lorsqu'il est de leur intérêt de nous les faire adopter.
Cependant, Messieurs, en laissant ainsi échapper par millions les bénéfices qui soldaient si utilement la balance de notre commerce avec les puissances de l'Europe, nous anéantissons une aes prospérités du peuple français, celle que lui donnent son industrie etson travail; et lorsqu'on voit les Anglais, qui ci-devant ne faisaient pas pour plus de 5 millions d'étoffes de coton par an, en faire aujourd'hui, année commune, pour plus de 180 millions, a-t-on bien calculé quel est pour un royaume la richesse du travail du peuple? quelle est notre misère aujourd'hui que ce travail est presque nul dans la plus grande partie de la France? et alors, Messieurs, n'est-il pas pour vous d'un danger extrême de prendre le change sur les véritables causes de nos maux, et de les attribuer à la Caisse d'escompte ?
Je ne vous présente point un pareil établissement comme le salut de toutes vos affaires, mais je le présente, avec assurance, comme un bon auxiliaire dans les grandes opérations que vous entreprendrez, un moyen de puissance, ou au moins un appui nécessaire dans ce moment où vous établissez une organisation nouvelle dans toutes les parties de l'administration du royaume. Il ne peut par lui-même produire, mais il peut, il doit animer votre industrie, aider, faciliter vos avances, accélérer plus ou moins le débit de vos productions, lorsque vous aurez repris vos débouchés qui vous ont été enlevés, et que vous serez moins faciles à subir le joug de l'industrie étrangère.
Mais, Messieurs, je ne vois dans le plan de M. Necker que le mot, la seule dénomination qui ait pu alarmer ceux qui craignent l'institution d'une banque nationale.
1° Le ministre vous propose de fixer et de limiter l'émission des billets à 24U millions.
2° Cette émission est principalement fondée sur les 170 millions dont ia banque nationale vous fera les avances et si, dans vos dispositions ultérieures, vous pouvez vous affranchir de toute espèce d'anticipations et d'avances, ainsi que votre comité de finances vous l'a proposé, la banque nationale n'ayant plus un emploi utile des 170 millions que vous lui aurez remboursés, l'émission de ces billets sera réduite et ses capitaux remboursés aux actionnaires en proportion , pour se restreindre aux opérations de commerce , à moins que les circonstances et une nouvelle législature n'en disposent autrement.
3° M. Necker vous propose enfin, Messieurs, de limiter la durée du privilège de cet établissement et de le mettre sous votre surveillance. Le nombre des commissaires que vous nommerez à cet effet, et la réunion des personnes hors de .la classe de celles qui sont dans les affaires de commerce et des finances, qui seront appelées à cette administration, suivant la proposition de M* Necker, auront le double avantage de contenir cette banque dans les limites que vous prescrirez, et de multiplier, de répandre dans les différentes classes des citoyens, les connaissances utiles des grands intérêts le commerce et de crédit, et leurs différents rapports.
Je dois, Messieurs, avant de conclure, professer ici hautement que, si avant de connaître personnellement M. Je ministre des finances, simple négociant dans ma province, j'ai toujours eu une grande confiance dans ses talents comme dans ses vertus, c'est parce que, depuis sa
première élévation au ministère, dans des temps heureux comme dans nos moments désespérés, il 3'est toujours présenté avec des idées simples, celles d'un bon économe, dont tout le secret pour relever les affaires délabrées d'une grande maison est d'en diminuer la dépense, d'en améliorer les recettes et d'en conserver le crédit.
C'est ainsi qu'en se mettant à la portée de tout le monde, ce ministre a obtenu une grande confiance; ses idées sur l'administration des finances n'ont rien de compliqué; il parle à tous les individus de la nation comme Sully parlait à son maître. Chacun prend la plume et, sans se fatiguer l'esprit par de grandes combinaisons, peut, dans les distractions d'une vie agitée comme dans le calme de la retraite, connaître promptement l'état des affaires publiques, apprécier avec convenance la justesse des mesures que le ministre propose, et se décider promptement à donner, par le concours de sa volonté, cette impulsion toujours si heureuse et si efficace lorsqu'elle part d'un sentiment de confiance.
Tous ceux qui, sans expérience et peut-être sans étude, ont voulu paraître tout à coup, dans les circonstances actueJles, investis de la science de l'administration, ont trop suivi l'essor de leur imagination pour bien apprécier celui qui, docile aux lois de la nature, ne veut rien obtenir par de pénibles efforts ni par des moyens extraordinaires, mais seulement aider, par une culture suivie, l'amélioration et la reproduction des richesses de l'Etat.
C'est donc avec une dextérité et une sagesse à laquelle l'Europe a justement applaudi, que M. Necker a constamment assujetti son génie et ses talents à une marche simple et à des dispositions qui n'ont jamais exigé, de la part des agents de l'adminietration, comme de celle de tous les citoyens, que de la bonne volonté et un bon esprit.
Pourquoi je conclus, Messieurs :
1° A admettre le plan de M. le ministre des finances ;
!1° A ce qu'il soit nommé des commissaires pour en concerter l'exécution avec ce ministre, et y faire les modifications et les améliorations qui seront jugées nécessaires, parce que les commissaires seront autorisés à conférer à cet effet avec les commissaires et administrateurs de la Caisse d'escompte et les députés des principales villes du royaume ;
3° A ce qu'il soit écrit, au nom de l'Assemblée nationale, à toutes les grandes municipalités pour leur faire convoquer une assemblée de tous ces négociants, marchands, et de tous les citoyens dans les affaires, ou intéressés directement aux différentes transactions du commerce, dans laquelle ils seront'invités à se charger d'un certain nombre d'actions nouvelles dans la Banque nationale, en leur faisant connaître, d'après ce que je viens de vous exposer assez imparfaitement, les raisons qui doivent les y déterminer, et l'importance, pour le salut de la chose publique, du concours et de la bonne volonté de tous les citoyens.
, député de Forcalquier (1). Messieurs, lorsque les plus imminents dangers menacent la chose
publique, je croirais trahir, si je gardais le silence, les grands intérêts qui m'ont été
conliés.
Ainsi donc s'évanouiraient toutes nos espérances! ainsi nous perdrions le dédommagement de taut d'inquiétude, et la récompense de tant de travaux! Après avoir creusé les fondements, et même posé les bases sur lesquelles devait s'élever, le monument de la liberté et de la félicité publique, serions-nous forcés de laisser à des mains plus heureuses le soin d'achever notre ouvrage, et de leur abandonner la gloire à laquelle peut-être les régénérateurs de la France auraient eu quelque droit si, après avoir renversé les obstacles sans nombre qui s'opposaient à la révolution, ils fussent parvenus à rendre la France heureuse et libre? J'oublierai, si l'on veut, cette considération qui nous est personnelle; mais qui peut songer sans frémir à la situation critique dans laquelle nous aurions laissé la patrie? Qui peut envisager sans effroi l'état d'anarchie dans lequel nous l'aurions plongée plus que jamais? Je n'arrêterai point vos regards sur un tableau aussi affligeant; je me contenterai de vous demander si dans la supposition, je ne dis pas d'une banqueroute absolue, elle est impossible, mais seulement d'une suspension déclarée de pavement, vous avez bien pesé cette considération, que même adorés avoir été les témoins des troubles particuliers qui ont agité le royaume, il est impossible de calculer les nouveaux malheurs qu'un événement si funeste pourrait entraîner. Je vous demanderai si vous avez suffisamment considéré que la cité immense au milieu de laquelle vous délibérez éprouverait une commotion générale, dont le contre-coup se ferait ressentir dans toutes les provinces, et que des huit cent mille habitants qui fourmillent dans le sein delà capitale, la plus nombreuse partie peut-être, se croyant réduite à la misère, serait plongée dans Je plus affreux désespoir.
A Dieu ne plaise que je fasse aux représentants de la nation l'injure de penser qu'ils puissent être déterminés par aucun motif d'inquiétude personnelle ! Leur conduite jusqu'à ce jour atteste assez quels sont leurs sentiments ; mais la patrie déchirant son propre sein dans les émeutes populaires ; mais les citoyens nécessairement armés contre les citoyens; mais le peuple égaré, confondant l'objet de ses injustes soupçons avec le vrai coupable, et, dans sa fureur aveugle, trempant ses mains dans le sang de l'innocent! voilà les événements dont vous avez été les témoins, voilà les malheurs que vous avez encore à craindre. Quelque affligeant qu'il ait été pour moi de rappeler ces douloureux souvenirs, j'ai cru devoir vous les retracer lorsqu'il s'agissait d'empêcher qu'une nouvelle insurrection ne fît de nouvelles victimes.
Quel est, Messieurs, le seul moyen de prévenir ces malheurs, de calmer toutes les inquiétudes, d'assurer votre constitution et de déconcerter peut-être les dernières espérances des ennemis de la liberté? C'est de fixer sans délai l'objet précis de votre délibération, c'est de faire un choix entre les différents plans qui vous ont été proposés, de soumettre dès aujourd'hui à une; discussion non interrompue celui de tous ces plans qui aura obtenu la majorité de vos suffrages.
Messieurs, je rends hommage aux lumières, aux talents, aux intentions de ceux qui vous ont offert, sur les finances, le fruit de leur travail et le résultat de leurs réflexions ; mais nos provinces, moins instruites que nous à cet égard, auront-elles les mêmes raisons de leur accorder la même confiance? Dans l'impossibilité où elles sont d'approfondir des plans que vous-mêmes vous n'avez plus le temps d'examiner, ne chercheront-elles pas du moins quels sont les titres avoués de ceux qui se mettent sur les rangs pour disputer au ministre qui a dirigé les finances dans les temps les plus difficiles [l'honneur de sauver du naufrage le vaisseau de l'Etat? Ne vous demanderaient-elles pas compte de la préférence que vous leur auriez donnée? Ne vous rendraient-elles pas responsables de l'événement, si le succès ne répondait pas à vos espérances? Ah! qu'il me soit permis de vous le demander : quel est celui qui a consacré ses veilles et consumé sa vie dans l'étude et la pratique de l'administration des finances d'un grand empire? Quel est celui qui a eu le dangereux honneur, dans les circonstances critiques d'une révolution, au milieu des mystères dont nous étions environnés, dans des temps de trouble et d'anarchie, d'être placé sur le plus grand théâtre de l'Univers, pour y donner le spectacle de la probité la plus intacte et de la vertu la plus pure, luttant seule et sans relâche contre les intrigues et contre ses détracteurs acharnés?
Lorsque le meilleur des rois, trompé par les ennemis du bien public, écouta Je funeste conseil qu'on osait lui donner d'éloigner M. Necker de son conseil et de sa personne, la consternation générale fut le sentiment qu'on vous vit d'abord partager. Bientôt vous déclarâtes dans un décret solennel qu'il avait emporté vos regrets et ceux de la France entière ; et' lorsqu'à cette nouvelle l'opinion publique fit entendre des cris douloureux et menaçants, vous joignîtes votre voix à la voix des 24 millions d'hommes qui demandaient son retour. Nos espérances ne furent point trompées ; son amour pour la France, son dévouement à vos intérêts, l'arrachèrent de sa retraite et le rendirent à nos vœux. Avec quels
applaudissements, avec quels transports ne l'ac-cueillîtes-vous pas lorsque, après avoir été attendu avec tant d'impatience, il reparut au milieu de vous !
Qu'on nous demande maintenant quels sont les motifs de notre confiance, et nous répondrons : Ce sont tous ces souvenirs. Nous les puisons dans l'histoire fidèle des faits qui semblent encore se passer sous nos yeux, dans les jugements que vous avez portés vous-mêmes, dans les sentiments que vous avez manifestés. Est-ce donc là le même homme dont vous écoutez aujourd'hui les conseils, dont vous recevez les propositions avec tant d'indifférence, pour ne rien dire de plus? Quels nuages se sont donc élevés entre vous et lui depuis l'époque fatale de l'anéantissement de notre crédit, dont il est] inutile sans doute de vous retracer îles circonstances? Oh! les hommes se laissent préoccuper par l'idée qu'ils se font d'une perfection imaginaire : une faute légère, et qui échappe au plus habile, est un monstre à leurs yeux prévenus ou jaloux. Ils modifient leurs jugements sur les opinions, les préjugés, les discours souvent intéressés de ceux qui les environnent. Ainsi, dans tous les temps et chez toutes les nations, les hommes ont été injustes envers leurs contemporains ; mais il appartient à la France de donner de grands exemples au monde, et de grandes leçons à toutes les nations. Que cette gloire lui soit encore réservée, d'avoir la première devancé les siècles dans la justice qu'elle rend à son Roi, prononcé le jugement de la postérité sur son ministre, et rendu, du vivant de l'un et de l'autre, tous les hommages qui sont dus à la vertu.
Je pense, Messieurs, avoir appuyé sur des raisons décisives la nécessité d'admettre sans délai, et comme le seul praticable dans ce moment, le plan provisoire proposé par le premier ministre des finances. Loin de nous le projet de créer pour 600 millions de billets d'Etat; il ferait sortir du royaume tout le numéraire effectif. Cette vérité est tellement évidente, que je ne m'arrêterai pas à lui donner plus de développement. Un inconvénient non moins sensible d'un pareil système est qu'une somme aussi énorme que celle de 600 millions, ajoutée à la masse de l'argent en circulation, ferait monter à un taux extraordinaire le prix des denrées et de toutes les marchandises; qu'elle dessécherait toutes les sources de la prospérité de l'empire, après avoir ruiné son commerce. Nous avons juré que nous ne prononcerions jamais le nom infâme de banqueroute. La création de 600 millions de billets d'Etat la rendrait inévitable, ou plutôt cette opération serait la banqueroute elle-même. Et qu'on ne dise pas que les 170 millions réalisés en billets de la Caisse d'escompte seraient des billets d'Etat. D'après le plan proposé par le ministre des finances, ils pourront toujours être réalisés en argent; les fonds qu'ils représentent en garantissent et au delà le payement.
Enfin, Messieurs, je ne dis plus qu'un mot, et ce mot est décisif; c'est qu'il faut céder à la nécessité. La nécessité! connaissez-vous une plus grande puissance? Nos besoins sont urgents, les circonstances sont impérieuses, le temps nous presse. Une ressource extraordinaire de 170 millions est absolument nécessaire. Le plan du ministre qui vous la procure est imparfait, soit : il vous l'a dit lui-même; mais vous en a-t-on offert un meilleur? Qu'importe qu'il soit imparfait, pourvu qu'il sauve l'Etat de la crise dans laquelle il se trouve ; et il le sauvera, s'il pré-
vient de nouveaux troubles, s'il vous donne du temps pour achever la constitution ; par elle vous détruirez ou vous perfectionnerez ce qui lui serait contraire ou ne lui serait pas assez utile. Songez que nos ennemis veillent; et que le plus grand de tous, peut-être, est la constante sécurité que vous inspire le bonheur inouï qui a secondé la naissance de votre liberté.
3e proposerais donc : premièrement, que l'Assemblée nationale accordât la priorité au plan proposé par le premier ministre des finances;
Secondement, que la discussion fût fermée pour tout autre plan, jusqu'à ce que l'Assemblée eût décidé qu'elle accepte ou qu'elle refuse celui de M. Necker;
Et troisièmement enfin, que la délibération fût suivie sans interruption, et malgré l'ordre du jour.
(1). Messieurs, je ne prendrais pas la parole si je n'étais fermement persuadé qu'il existe, pour remplir les besoins de la nation, plusieurs moyens qui n'ont pas les inconvénients que vous avez sentis dans le projet de M. le ministre des finances.
Il vous propose de créer un papier dont la circulation sera forcée, et qui ne sera pas conversi-ble en argent à volonté.
Je n'entrerai point ici, Messieurs, dans l'énu-mération des effets inévitables du papier-monnaie. Vous les connaissez tous, et vous commencez à- en avoir l'expérience, puisque la disparition absolue du numéraire et l'avilissement du change de Taris dans l'étranger résulte en grande partie de la nouvelle monnaie que les arrêts du conseil ont établie dans cette ville.
La preuve en est simple : celui qui a une somme en argent, et qui ne veut pas dénaturer cet argent, ne peut le placer d'aucune manière qui lui laisse l'espérance de le revoir. S'il achète des effets, lorsqu'il aura besoin d'argent et qu'il voudra les vendre, on ne lui rendra que des billets de caisse. S'il prend des lettres ae change à l'escompte pour ne pas perdre d'intérêts, il est payé en billets de caisse. Que fait-il ? il garde son argent, et peu à peu, de cette manière, le numéraire se retire et ne reparaît plus.
J'ai dit que les effets du papier-monnaie sont inévitables : car, Messieurs, lorsque la nature a établi certains rapports entre les choses, et que les conventions humaines ont reconnu et fortifié l'existence de ces rapports par un assentiment universel, il n'appartient plus aux hommes en général, et bien moins encore à ceux d'un seul pays, d'essayer de les détruire, même pour un court espace de temps.
Mais dans cette entreprise hardie, le plus grand obstacle, vous le trouveriez dans le cœur même de l'homme ; vous le trouveriez dans ces opinions irréfléchies, créées par l'habitude, et sur lesquelles le raisonnement, et même le patriotisme, ont si peu d'empire.
La rigueur de vos lois et de vos décrets agirait vainement sur ces ressorts cachés qui maîtrisent le cœur humain : l'inquiétude et la méfiance qui président aux calculs de l'intérêt personnel vous obligeraient donc à d'immenses sacrifices, qui diminueraient encore cette ressource idéale qu'on vous propose.
M. Necker a si bien senti cette vérité, qu'il
Vous ne pouvez pas douter, Messieurs, qu'il y ait un individu, une classe de citoyens, un seul de vos commettants, qui nè soit destiné à spuffrir plus ou moins dans ce renversement général de l'ordre habituel, si ce n'est par ses relations' sociales, au moins par la surcharge de l'augmentation nécessaire des impositions.
Mais encore, Messieurs, si dans une banqueroute partielle la nation trouvait à alléger le fardeau de ses engagements, si les pertes individuelles pouvaient tourner à son profit, on chercherait à appeler quelques idées de consolation, pour s'étourdir dans l'oubli des principes. Mais comme il est nécessaire, en faisant du papier-monnaie, d'en promettre le remboursement plus ou moins éloigné, on ne peut éviter de finir un jour par l'acquitter en espèces ; et il en résuie que c'est à la fois l'impôt le plus onéreux, l'emprunt le plus cher, et la banqueroute la plus inutile.
Vous avec décrété, Messieurs, que vous ne feriez point de réduction sur l'intérêt de la dette publique ; mais si une disposition contraire pouvait seule vous exempter d'une circulation forcée d'un papier quelconque, vous devriez sans doute l'adopter de préférence, puisqu'au moins là perte qu'essuieraient les créanciers de l'Etat diminuerait d'autant les engagements de la nation.
On vous dira peut-être qu'en adoptant le projet du premier ministre, vous ne feriez pas de papier-monnaie , et cependant il l'avoue lui-même dans deux endroits de sou discours. On tombe dans une grande erreur en confondant ce papier avec celui que les banques mettent dans la circulation, mais il est très-vrai de dire qu'ils n'ont pas la moindre ressemblance.' Le papier-monnaie circule forcément et n'est pas conversible en argent ; il est de recette obligée pour tous les citoyens, par une loi du souverain. L'essence des billets de banque est, au contraire, de circuler librement, d'être sans cesse réalisables en argent, et de ne pouvoir être reçus que de gré à gré. Lorsque la lpi détruit ces deux qualités essentielles des, billets de Jbanque ou ae confiance, ils prennent à l'instant le caractère du papier-monnaie. Ceci vous paraîtra plus sensible si vous me permettez d'entrer dans quelques détails très-courts sur ces établissements, qui ont été dénaturés par quelques opinants.
Une banque de secours est une association d'individus qui se réunissent pour prêter à d'autres.
A cet effet, ils forment d'abord, par portions égales, un capital destiné à y être employé.
La somme que chacun d'eux a déposée est représentée dans sa main par un récépissé qui s'appelle une action. Lorsqu'un actionnaire veut sortir de l'association, et se désintéresser des opérations de la banque, il n'est pas en droit de retirer les fonds qu'il a mis dans la caisse, ce qui ferait dépendre l'activité de l'établissement du caprice des actionnaires ; mais il vend son action, qui, à cet effet, ne porte point le nom du propriétaire, et est censée appartenir au porteur.
Les actionnaires se servent ensuite de divers moyens pour augmenter les secours que leur association les met dans le cas de répandre dans le public.
Parmi ces moyens, il en existe deux principaux :
Le premier est celui de donner en payement de leurs prêts , des billets payables à vue, ou de créditer les emprunteurs, de la somme qui leur est prêtée, avec faculté d'en disposer à volonté, cë qui revient au même);
Le seeond èst de se rendre caissier du public, en recevant son argent contre de pareils billets, ou des crédits en banque.
En donnant en payement leurs billets payables à vue, beaucoup plus commodes que les espèces, il en résulte naturellement què la banque commence par rester dépositaire des espèces, et que par conséquent elle a, pour ainsi dire, placé son capital sans qu'il soit sorti de ses-coffresv 11 est vrai qu'elle a contracté aussi ^obligation de rendre le numéraire à ses créanciers au mbpaént même où il serait réclamé, et on en1 concluerait, au premier aspect,1 que les opérations de la bancjUe ne devraient pas excéder la valeur de son Capital. Il n'y a pas de doute effectivement que cela dût être si le public lui-même, par sa confiante dans la probité des actionnaires, ne lui fournissait pas de plus grands moyens. Mais bientôt il trouve, après une très-courte expérience, que ces billets Sont pour lui aUssi bons que l'espèce, puisqu'à tout instant il peut les échanger à la banque con tre de l'argent . Jl: trouve ensuite qu'il sont préférables, surtout pour les usages du commerce, parce qu'ils tiennent moins de place, sont d'un transport plus aisé, et mettent beaucoup de facilité et de rapidité dans les spéculations et les échanges.
Dès lors il ne va plus à la banque reprendre les espèces réelles; ces billets en acquièrent la valeur et en font l'office dans la circulation.
Dès lors la banque, dont les billets jouissent d'un crédit égal à celui du numéraire, et qui s'aperçoit de cette extension de son crédit par la quantité dé ses billets qui restent dans la circulation, commence à entrer en jouissance du premier moyen que j'ai indiqué.
Par une suite du Crédit des billets de la banque et de leur commodité, il arrive que beaucoup de particuliers trouvent avantageux d'y porter leurs espèces, et de prendre en échange des billets, ou, ce qui revient au même, de s'y faire ouvrir des comptes courauts, où ils sont crédités, et par là le second moyen que j'ai indiqué augmente les ressources de la banque.
Car, s'aperce van t, comme je viens de le dire, de la confiance qui lui est accordée, elle n'est plus obligée de borner la somme de ses billets dans le public à la somme précise de numéraire qu'elle a dans ses coffres ; elle évalue, par une observation journalière, la mesure de cette confiance sur la quantité de demandés qui lui sont faites. Elle estime le rapport qui s'établit entre son numéraire et la somme de ses billets circulants, et elle augmente graduellement leur émission en raison de ces différences, afin de mettre à profit, par de nouveaux placements, une partie des fonds dont son crédit lui donne la jouissance.
Mais, pour le faire sans rien compromettre, elle doit employer ses fonds de manière à pouvoir y rentrer le plus tôt possible ; le cas arrivant qu'elle fût obligée de les représenter à leurs véritables propriétaires, elle doit diriger ses placements de telle sorte qu'ils soient à la fois solides, de courte durée, et d'une rentrée certaine ; elle doit éviter de leur donner trop d'étendue, et conserver toujours une somme plus que suffisante pour parer
à une augmentation toujours possible et toujours à craindre dans les demandes de remboursement dé ses billets ; elle doit enfin, comme je 1-âi dit, être guidée par l'observation constante fië la mesure du crédit qui lui est accordé, et qui, sans doute, peut éprouver des vacillations par mille causes différentes.
Voilà pourquoi l'escompte des meilleures lettre^ de-change aux plus courts termes possible a toujours été recherché de préférence, par toutes les banques de secours, pour l'emploi de leurs fonds.
Vous sentirez facilement, Messieurs, que cette marche suivie avec la circonspection et la prudence convenables né met la banque dans aucune espèce de danger, et que son existence n'est nullement précaire lorsqu'elle ne s'en écarte pas.
Son secret consiste à placer l'excédant de ses billets de manière à pouvoir .faire ses rentrées dans l'espace de temps physiquement nécessaire pour acquitter tops ses billets, si on venait à en exiger le payement jusqu'au dernier.
Il faut do ne commencer par estimer la somme que la banque paye en un jour, lorsqu'il y a une demande non interrompue de ses billets, et combiner les rentrées de manière à n'être jamais forcé, par disette de numéraire, à en suspendre les remboursements.
On peut donc dire avec vérité que, bien loin qu'un calculalgébrique ait jamais pu détermi ner la proportion des billets en circulation avec le numéraire en caisse, la pratique même des banques démontre invinciblement que cette proportion dépend:
1° De la mesure du crédit accordé par le public à la banque;
2° De la quantité d'argent qu'elle peut physiquement payer en un jour^
3° Dës moyens qu'elle trouve à sa portée pour faire valoir l'excédant de ses billets par delà les fonds; p
4° Enfin, du rapport qui se trouve entre son fonds d'espèces, et les échéances des effets de son portefeuille.
Cette proportion variera donc journellement, puisque les deux plus importantes de ces quatre données sont soumises à des changements continuels ; et on sera obligé de revenir au seul guide qui n'égarera jamais, "1 obserfation constante des circonstances,' ia prévoyance et la prudence des directeurs.
Ainsi, Messieurs, et je vous supplie d'y faire attention, on se trompe gravement lorsqu'on vous dit que le tiers ou le quart en argent suffit pour conserver une banque dans ses opérations. Souvent le tiers ne serait pas assez, et d'autres fois le sixième laisserait eneoré du superflu. '
On se trompe encore quand on se persuade que la confiance du public dans les billets de banque vient de la croyance que le montant de^ tous les billets circulants existe à la banque en espèces, nu que la banque en possède la valeur en effets solides.
La base de cette confiance est la persuasion que les fonds de la banque sont tellement employés et disposés, qu'elle pourra toujours les réaliser de manière à faire face aux demandes qui lui seraient faites.
S'il suffiBaft en effet, pour accréditer des billets de banque, de la certitude que leur valeur entière se trouve déposée à la banque et [qu'il n'y aura rien à perdre pour les porteurs de billets, à la liquidation, on en pourrait conclure que
l'argent des hilletS a été prêté par les porteurs à là banque, ce qui est absolument faux : il lui a seulement été confié sous la promesse d'être restitué sans délai, sur la demande des porteurs.
Ce qui, prouve cette vérité, C'est l'article 18 dés statuts de la Caisse d'eBcompte, qui s'exprime ainsi :
« Ladite Cai?se d'escompte sera réputée et censée être là caisse personnelle et domestique de chaque particulier qui y tiendra son argent, et elle sera comptable envers lesdits particuliers, de la même manière que le seraient leurs caissiers* domestiques. »
Il est donc clair, Messieurs, qUe puisque le crédit d'Une banque consiste à ne jamais cesser ses payements, elle doit tout y sacrifier, considérations particulières, dépenses; faux'frais, opération forcées. Elle doit enfin payer jusqu'à sa liquidation entière, plutôt que-ae se soustraire, par quelque moyen que ée soit, à ce" devoir impérieux de l'honneur et de la justice.
Et c'est une grande erreur de Croire Une banque ruinée ou détruite quand elle s'est liquidée par la restitution des fonds à ses créanciers. A moins qu'il n'existe un vice inhérent à Sa constitution* jamais la confiance ne sera mdihS éloignée d'elle qu'au moment où elle aura achevé de se liquider : cet événement, loin de lui avoir fait aucun tort, ne sera peut-être que le fondement d'un nouveau crédit, supérieur à celui dont elle'aura pu jouir auparavant. Tous ses anciens créanciers, après cette épreuve, s'empresseront de le devenir encore, et il lui accorderont une nouvelle confiance proportionnée à sa fidélité, à sa probité et à la pdreté des principes qu'elle aura manifestés.
Pour sentir combien cela est exact, il suffit de comparer la banque à Uh particulier, et d'exami-ner*si pour faire avec quelques Succès des entreprises financières ou commerciales, il est possible de se conduire autrement.
Car, Messieurs, le crédit est un pour tout le monde, pour les sociétés comme pour les individus; il ne peut faire acception de personnes^ ni de lieux : ponctualité rigoureuse a remplir ses engagements, voilà son essence ; modération et sagesse dans les opérations, pour que cette exactitude ne soit jamais interrompue, voilà sa théorie, il n'est au pouvoir d'aucun individu, d'aucune société, d'aucune nation, de déroger à ces principes, ,sans renoncer pour jamais à toute espèce de confiance et de considération.
Mais, Messieurs, si je m'abusais dans les développements que je viens de vous faire, si vous pouviez admettre une morale différente podr les individus et pour les corporations, il faudrait malheureusement en conclure la proscription des banques.Sahs doute, je ne balancerai pas à le dire, il serait préférable de renoncer à ces utiles établissements, si on croyait ne pouvoir les soutenir que par la banqueroute et la mauvaise foi. Il faudrait, sans hésiter, les proscrire d'un pays où les ministres, les législateurs auraient la faiblesse de sacrifier le crédit et les richesses nationales à la conservation momentanée d'une banque, par la transformation de ses billets en papier-monnaie.
On voit clairement dans cet exposé, dont je crois les principes difficiles à attaquer, que les banques ne sont pas des associations qui font semblant de payer, pendant qu'elles ne payent pas. Cette idée peut être applicable au papier-monnaie, mais elle ne le sera jamais aux banques.
En général, je ne sais pas ce qu'on entend par faire semblant de payer. Il me semble qu'on paye
ou qu'on ne paye pas. Si on ne paye pas ce qu'on a promis de payer, on fait faillite; mais si on ajoute à cette infidélité celle de faire valoir à son profit l'argent de ses créanciers, on fait une faillite beaucoup plus répréhensible. Si cela n'est pas exact, il faut renoncer à toute espèce de commerce entre les hommes.
Or* a dit que la banque dé Londres avait suspendu ses payements (i). Cela est vrai, mais à quelle époque ? Pendant la refonte des monnaies, C'est-à-dire, lorsque toutes ses espèces n'étaient plus que des lingots d'or et d'argent, non receva-bles dans les payements. Et cependant, Messieurs, cette interruption momentanée, et impossible à éviter, fit une telle impression, dans un pays où les principes dé la foi publique et particulière étaient déjà bien cohnus, que les billets de la banque perdirent 20 0/0.
Mais que devinrent-ils alors, ces billets? Des effets semblables aux lettres de change, aux billets des simples particuliers. Leur acceptation était volontaire. La banque n'implora point le secours de l'autorité publique pour soutenir le «cours de Bes billets. Aucun citoyen ne fut forcé par un autre de les accepter, lies tribunaux étaient ouverts pour recevoir les poursuites des créanciers de la Banque vis-à-vis d'elle, ou dés citoyens dont les créanciers auraient exigé un pareil sacrifice.
Il y a cent ans, Messieurs, que cette époque est écoulée, et nous sommes encore divisée d'opinion sur cette matière. Ne croirait-on pas plutôt que nous l'avons précédéé du même espace de temps?
C'est1 Mi Messieurs* qu'il faut vous faire observer le point de vue sous lequel les malheurs de la Caisse d'escompte ont véritablement troublé l'ordre public, ce qui n'est jamais arrivé à la banque d'Angleterre. Ce n'est point en cessant ses payements, ni en les prolongeant, car il importe peu sans doute à l'ordre public qu'une sociétéj ou, autrement dit, plusieurs individus réunis fassent bien ou mal leurs affaires, qu'ils Soient fidèles ou non à leurs engagements ; mais c'ést en substituant, par une loi despotique, de nouveaux moyens d'échange aux espèces courantes ; «'est en forçant tous les citoyens de recevoir: ces billets de leurs créanciers, au lieu d'espèces ; c'est en rompant toutes les conventions commerciales avec les provinces du royaume, et nvec l'étranger ; c'est, en un mot, en convertissant des billets de confiance en papier-monnaie.
Et c'est une grande injustice de dire que ies créanciers d'utte banque de secours en
faillite ne «ouffreht pas, parce qu'ils ont dans leurs mains des effets dont ils peuvent se
servir comme de l'argent ; nous voyons tous les jours le contraire. Un particulier qui a pour
100,000 francs de billets de la Caisse d'escompte, s'il a besoin de faire passer cette somme
a Bordeaux, ne pouvant pas la réaliser en espèces, est obligé de prendre du papier et de
perdre, sur cette opération, la différence du change entre ces deux places, différence qui se
monte aujourd'hui à 2 0/0 de perte à vue, par la circulation forcée de ces mêmes billets dans
la ville deParis ; et pendant qu'il essuie cette perte, la circulation annuelle de ces
100,000 francs rapporte 4 0/0 de bénéfice à la Caisse d'escompte : c'est donc 2 0/0 de pris
dans la poche du créancier pour en faire passer 4 dans celle du débiteur.
Mais pourrait-on en conclure que la Caisse d'escompte ne mériterait plus notre intérêt, et qu'après nous avoir fourni les 90 millions nécessaires pour remplir les besoins de cette année, il fût seulement proposable de l'abandonner dans cette triste position? Non sans doute, et je dé' clare, au contraire, que tout projet, toute mesure, qui, en rétablissant la circulation des espèces, n'aurait pas pour objet principal, dans ce moment, de sauver à la fois les actionnaires et les créanciers de la Caisse d'escompte, devrait, par cela seul, être rejeté.
Nous croyons devoir aux actionnaires une sorte de reconnaissance ; mais certainement nous en devons beaucoup à leurs créanciers, dont l'argent a été prêté au Trésor public. .
Car ici, Messieurs, nous avons deux devoirs à remplir : celui de législateurs sévères, obligés de maintenir les droits des hommes, et les principes de la foi publique ; celui d'hommes d'Etat, qui nous prescrit l'observation et la prévoyance des effets de nos lois.
Nos décrets ne peuvent jamais être souillés par des maximes contraires à la justice et au bon ordre ; mais ils ne doivent pas non plus, par une précipitation imprudente, suspendre ou déranger les ressorts qui font mouvoir les rouages de la société.
M. l'évêque d'Autun nous a proposé hier de rembourser en annuités les 90 millions que nous devons à la Caisse d'escompte, et cette proposition me paraît inadmissible.
J'aime à croire que cet honorable membre n'a pas réfléchi sur les suites funestes de cette opération ; il aurait frémi lui-même de les apercevoir; et il se serait abstenu de vous la présenter.
Les billets de la Caisse d'escompte composent Une grande partie de la circulation. Elle se monte à plus de 110 millions; elle s'est emparée d'une somme considérable des échanges dont elle conserve l'activité. Imaginez-vous donc, Messieurs, tous ces billets frappés à l'instant de paralysie, et réduits à l'inaction la plus absolue ; toute espèce d'échange et, par conséquent, de commerce suspendu; tous les payements interrompus, appelant en vain le numéraire, qui, prompt à se cacher, est-toujours lent à reparaître, et vous n'aurez qu'une légère idée du désordre qui vous attend au 1er janvier, si vous consentez à ce remboursement.
Je ne m'abuse point, vous allez le voir.
L'arrêt de surséauce de la Caisse d'escompte finit au 1er janvier; la loi ne mettant plus d'obstacle à l'ouverture de ses payements, elle sera forcée de les reprendre.
Vous l'aurez remboursée avec des effets dont elle ne pourra faire aucun usage, de manière qu'en cessant tout à fait ses escomptes, et supposé encore qu'elle fasse heureusement toutes Ses rentrées, il lui restera juste 60 millions pour faire face à 120 millions de billets qui ne pourront plus circuler, et qui tomberont sur elle tout à la fois.
Je dis qu'elle ne pourra faire aucun usage des effets que vous lui aurez donnés; car elle se trouvera en concurrence, pour s'en défaire à perte, avec les 4 pu L500 autres milions qui auront opéré d'autres remboursements, suivant le pro-
jet de M. l'évêque d'Autun; cette nécessité prévue, d'une vente considérable, les aura déjà avilis : et vous vous trouverez vous-mêmes, Messieurs, avoir fait banqueroute à vos créanciers peut-être de 50 0/0.
Mais ce qui vous affligera le plus, Messieurs, c'est de penser que ceux qui souffriront davantage de cette injustice, seront ces mêmes porteurs ae billets noirs dont l'argent vous a été prêté depuis dix-huit mois.
M. l'évêque d'Autun s'apptiie d'un raisonnement qui n'est pas juste : il prétend que l'avance de 90 millions de la Caisse d'escompte doit être mise au rang des anticipations ; la position n'est pas du tout la même: car, lorsqu'un faiseur de services reçoit des valeurs du Trésor royal, il y verse de l'argent qu'il a emprunté pour un an, et il a toujours de la marge sur les échéances de ses billets ; mais la Caisse d'escompte qui vous remet ses billets noirs en doit la valeur à présentation, de manière que le jour où son arrêt de surséance finit, toutes ses échéances arrivent à la fois, et l'infidélité que vous auriez commise vis-à-vis d'elle, serait infiniment plus grande.
J'ai cru nécessaire, Messieurs, de combattre la partie de la motion de M. l'évêque d'Autun qui concerne le remboursement dû à la Caisse d'escompte : car si cette idée se propageait, elle pourrait avoir de très-graves conséquences. Il faut rétablir l'ordre sans doute; mais, autant qu'on peut, en évitant le désordre. Il faut proscrire les arrêts de surséance, sans contredit; et à cet égard, je ne suis pas suspect, mais ce doit être par des mesures douces et sans moyens convulsifs.
Essayerons-nous de le faire par l'établissement d'une banque nationale ? Je ne le crois pas convenable, et je pense au contraire qu'une banque vraiment nationale, c'est-à-dire, dont la nation ferait les fonds, dont elle dirigerait les opérations, dont elle serait garante, serait peu utile et que la nation n'en retirerait pas les mêmes avantages que d'une banque de secours, fondée et dirigée par des.actionnaires.
Proposera-t-on d'établir une banque nationale, dont les fonds seront fournis par des actionnaires? Mais à qui seront les bénéfices? A la nation? vous ne trouverez pas d'actionnaires. Aux actionnaires ? la banque ne sera plus nationale, car je n'imagine pas que la nation se soumette à une garantie gratuite.
La banque appartiendra-t-elle à lavcollection de citoyens qui forment la nation, et qui n'auront rien déboursé ? cela ne serait pas juste.
Le corps social se rendra-t-il caution d'un petit nombre de ses membres qui feront, pour leur compte, des opérations immenses, sur lesquelles il peut y avoir des pertes? cela n'est pas proposable.
Ce petit nombre de citoyens aura-t-il formé un capital pour en abandonner les produitsàlanation, en jouissant seulement deda portion qui leur reviendra individuellement, comme membres du corps social? ils serait évidemment lésés.
Mais enfin, supposons la banque nationale établie avec des fonds nationaux ; quel avantage en résulte-t-il pour la nation? aucun.
Car puisqu'on ne se prête pas àsoi-même, la banque nationale ne pourra jamais secourir la nation dans ses besoins d'argent. L'idée de faire faire, par cette banque, des avances à la nation, soit à titre d'anticipation de revenus, soit à titre de secours, est entièrement illusoire. La nation aurait fait les fonds de la banque, et en lui remettant des assignations ,sur sas revenus contre
ses propres billets, elle ne ferait qu'un échange de papier, sans donner un nouveau gage; la nation donnerait à la banque des assignations qui ne seraient autre chose qu'une promesse nationale de payer dans un an. La banque lui remettrait des billets qui ne seraient, à leur tour, que la promesse nationale de payer tout de suite. Que représenteraient ces billets ? une promesse nationale. Qui aurait fait ces billets? la nation. Qui est-ce qui devrait ces billets? la nation, sous le nom de sa banque. A qui devrait-elle ces billets ? à elle-même.
Je finirai par une seule observation : c'est que la nation ne pourrait pas mêmé jouir, pour ses besoins, de l'extension que le crédit-permet de donner à une émission de billets, sur une somme quelconque de numéraire.
Examinez, en effet, comment elle ferait l'emploi des billets de sa banque, et ce qu'ils seront dans la circulation.
Sortant des mains de la banque pour entrer dans les coffres du Trésor public, ils ne tardent pas à être donnés à des individus, en échange de services rendus à l'Etat, de travaux faits pour son compte, ou de fournitures en denrées dont il a besoin. Mais bientôt ces services sont passés, ces travaux sont achevés, ces fournitures sont consommées, et la nation reste débitrice des billets à ceux qui les ont acquis. Ces billets ne représentent. donc rien dans la circulation qui -doive y arriver prochainement, rien même dont ils aient pris la place, et qu'on puisse regarder comme des valeurs.
L'opération de la banque d'actionnaires est ap-solument différente : lorsqu'elle met une somme de billets supérieure à son numéraire, ce n'est point pour acquitter ses propres dépenses, ni celles des actionnaires c'est seulement pour faire des avances à de solides maisons de commerce, contre leurs engagements de les rembourser à très-courts termes ; car l'escompte des lettres de change n'est pas autre chose. Ces engagements restent déposés à la banque, pour servi? dégagés aux billets qui ont pour hypothèque la totalité des propriétés réelles des maisons de commerce qui ont signé ces lettres de change. Ces lettres représentent des propriétés, des valeurs réelles. Il n'y a pas de représentation supposée et idéale, de double emploi dans la représentation. Enfin les fonds avancés par la banque lui rentrent successivement aux échéances ; et il ne faut que de la prudence pour la mettre à portée de soutenir le payement journalier de ses billets. De manière qu en dernière analyse, la banque d'actionnaires, .en mettant dehors ses billets, peut être considérée prêteur sur gagés, et la banque nationale débitrice à découvert.
Cette analyse suffit pour détromper les partisans d'une banque purement nationale, et je regarde comme superflu d'entrer dans l'énumération de tous les embarras, de toitoes les contrariétés, de tous les dangers qu'on trouverait dans le détail de son administration.
La nomination des administrateurs, la surveillance de Uur conduite, leur responsabilité, leur choix, leur influence sur les individus, sur la prospérité de la banque, sur le crédit attaché à leur existence personnelle ; leur dictature forcée dans l'intervalle des législatures, dans des temps de discrédit momentané, etc., etc., toutes ces questions sont d'une grande importance dans le pareils établissements.
C'est donc, Messieurs, sur les principes,-c'est sur la théorie que j'ai développée d'abord, que je
: désirerais voir s'établir aujourd'hui sous vos aus" pices une nouvelle banque, à peu près semblable à celle d'Angleterre, pour remplacer l'établissement de la Caisse d'escompte, dont la restauration me paraît impossible. Si vous ne connaissiez pas les services prodigieux que ces établissements en général ont rendus à tous les pays qui les ont protégés, il serait facile de vous le faire sentir.
Pour prétendre en effet que les banques n'ont pas été utiles dans les pays où elles sont établies, il faudrait pouvoir avancer, avec certitude, qu'il existe un royaume où les particuliers ne trouvent point à placer leur argent à un intérêt qaeiconque; et si un tel pays n'existe pas, certainement une banque sera avantageuse partout, puisqu'elle pourra donner de plus grands secours, à bien meilleur marché ; puisqu'on même temps les particuliers prêteurs, en se réunissant dans une banque, augmenteront leurs bénéfices.
Mais outre le bienfait inappréciable de la baisse de l'intérêt de l'argent, les banques rendent à l'Etat celui de faire valoir au profit de l'industrie en tout genre la portion du numéraire qui par sa circulation ne produit rien, et de donner, à l'Etat, par ses opérations, des bénéfices qui ne seraient pas faits sans elle.
Vous le concevrez très-aisément, si vous voulez remarquer qu'il n'est personne qui ne conserve dans sa poche, ou dans son coffre une petite somme d'argent nécessaire à ses besoins journaliers : cet argent peut, en quelque sorte, être considéré comme mort pour l'industrie active; mais si une grande partie de cet argent divisé se réunit à la banque, et qu'il soit remplacé dans les poches ou dans les coffres particuliers par des billets, la circulation d'échange reste la même ; l'argent déposé à la banque est prêté par elle à bas prix, il tourne à l'activité du commerce, au perfectionnement de l'agriculture, et à l'extension des manufactures. Je ne porterai cependant, Messieurs, les avantages de cette circulation que jusqu'au moment où les terres d'un pays auraient acquis le plus haut degré de culture, car je ne veux pas préjuger la question de l'utilité du commerce extérieur à cette époque.
Ces vérités sont palpables, et confirmées par l'expérience, On dit que le commerce de Glascow a doublé dans l'espace de quinze années, depuis la première érection des banques dans cette ville, et que le commerce d'Ecosse a plus que quadruplé depuis l'établissement à Edimbourg de deux caisses publiques. Cet accroissement rapide est attribué en grande partie à leurs secours.
De quel avantage une banque considérable ne serait-elle donc pas pour la France, dans.ce moment, où toutes les branches de l'industrie agricole, commerciale et manufacturière ont besoin d'encouragement, dans ce moment où la circulation des espèces, pour ainsi dire anéantie, demande à être rétablie sans délai ; dans ce moment où le crédit convalescent nécessite de grands moyens I Et si l'adoption de ce projet donnait les facilités nécessaires pour trouver les 90 millions dontvous avez besoin pour finir cette année ; s'il donnait l'espoir de soulager les dépenses de Tannée prochaine, d'un objet assez considérable, ne trouveriez-vous pas juste djencouragèr cette entreprise par quelques concessions qui ne seraient cependant pour vous que de véritables économies?
Je dois vous prévenir, Messieurs, que les actionnaires de la nouvelle, banque déposaient entre vos mains la somme de 150 millions pour gage de leur responsabilité, et je vais commencer par
Vous demander pour elle deux dispositions qui peuvent contribuer à son succès, et où la nation trouvera elle-même de grands avantages*
La première est la fabrication des espèces et l'usage. des hôtels des monnaies, sans lesquels une banque ne peut convertir en numéraire les métaux qu'elle se procure des pays étrangers. Il n'y aurait p. ut-être rien à changer aux règlements déjà ren lus à ce sujet. La banque serait mise au lieu et place du Roi, dans tous les hôtels de monnaies du royaume* et on lui abandonnerait les droits de seigneuriage sur les fabrications, pour soutenir la valeur du numéraire. C'est un très-petit revenu que la nation peut bien sacrifier à l'utilité qu'elle retirera d'un pareil établissement, et il sera d'une grande importance pour la banque.
La seconde, et la plus importance* sans doiite, serait d'accepter la banque pour caissier de ia nar tion, en y faisant verser les revenus nécessaires pour acquitter Ja portion des dépenses nationales qui, par sa nature, ne peut pas l'être dans les provinces.
Cet arrangement vous donnera la faculté : 1° de supprimer au 1er janvier, toutes les caisses publiques, et de n'en conserver qu'une.dans chacun des nouveaux départements, sous ia direction des assemblées administratives ;
'2° De détruire, à commencer de la même époque, l'ancienne comptabilité, si obscure et si inutile, en la remplaçant par une nouvelle, qui serait simple, claire et connue de tout le monde ;
3° De supprimer, par la suite, toutes les chambres des comptes, en donnant aux administrations provinciales la surveillance de ceux de leurs trésoriers, et en soumettant la comptabilité de la banque à la législature ;
4° D'établir la responsabilité du ministre des finances de la manière la plus positive, en soumettant la banque à la distribution annuelle des dépenses, qui serait faite par la législature, en la déterminant de manière à ce que le ministre des finances ne pût jamais l'enfreindre sans la participation de la banque, et en s'assurant de la fidélité de la banque, par la suppression immédiate de ses fonctions, si elle y manquait;
5°. Enfin, de faire acquitter dans chaque département, par son trésorier, non-seulement les dépenses locales, mais encore celle que les circonstances pourront y amener suivant leur nature : par exemple, celle des régiments, des fournitures faites pour la marine ou ia guerre, des ol'lices dy judicature, etc., etc. : de manière qu'en faisant garnir, par une correspondance journalière, chaque caisse, suivant les besoins, parcelles qui l'a-voisinent, les dépenses seules qui l'exigent par leur nature seront acquittées à Paris et par la Jmnque.
Il rrôfètj)ersonne de vous, Messieurs, qui n'ait souvent réfléchi sur tous les vices de l'ancien régime de la fiscalité. Celui que je propose de détruire est un des plus révoltant par les abus multipliés qu'il a fait naître ; et ils subsisteront si vous ne saisissez le moyen efficace que je vous propose. L'usage de faire acquitter dans lacapitale presque la totalité des dépenses de l'Etat, y attire à grands frais tout le numéraire des provinces, qui ne peut y refluer qu'avec peine ; il est arrêté dans la division des canaux qu'il est obligé de parcourir; il est diminué par les bénéfices qui restent dans les mains par où il passe. 11 est perdu pour la circulation ordinaire, en formant une circulation inutile; il alimente des caisses, au lieu de vivifier l'agriculture et le commerce.
La comptabilité actuelle vous offre des réformes
aussi.importantes, ou plutôt.il est nécessaire d'en établir une enfin qui s'accorde avec les principes sévères île. l'ordre et de l'économie. Vous savez tous, Messieurs,, que les comptes de la plupart des trésoriers, sont dans ce moment arriérés de plusieurs années ; quelques-uns le sont de huit ou dix ; ceux du Trésor royal, lorsque j'en ai été chargé, l'étaient de quinze ; en moins de trois ans je les ai rapprochés de douze, mais j'ai eu beaucoup de peine à y parvenir, et la corespondance de mes comptes avec ceux des trésoriers des autres cuisses m'a souvent occasionné beaucoup de difficultés.
Vous ne laisserez sûrement pas subsister cet abus;vousallez former de nouveaux départements; vous établir une caisse dans chacun deux, et vous les mettrez en correspondance avec la caisse générale et centrale, qui ne recevra réellement, que la portion nécessaire des revenus du royaume.
Vous voudrez connaître, à tous les instants de l'année l'état des finances, le montantdes recettes et celui des dépenses acquittées. Vous voudrez savoir exactement ce qui a été reçu et dépensé dans chaque année. Vous voudrez assurer l'exécution de vos décrets sur chaque partie des dépenses que vous consentirez à faire, et vous chercherez une comptabilité qui remplisse toutes ces vues. La banque pourra vous l'offrir de la manière laplus satisfaisante, et vous y trouverez une grande économie.
Car si. les administrations provinciales se chargent de l'inspection de leurs receveurs et trésoriers ; si ces trésoriers remettent à la banque comme comptant, avec leurs pièces justificatives, les ordonnances qu'ils auront acquittées, il ne restera plus à faire vérifier pour la nation, que les comptes ci-devant appelés du Trésor royal.
Les comptes de la banque seront de la plus grande simplicité, et les personnes qui connaissent la manière de tenir les livres de banque, le sentiront aisément. Ils contiendront, d'une part, Ja totalité des revenus, d'après les remiseslaites par lës trésoriers de provinces à la banque, soit réellement, soit fictivement, depuis le 1er janvier jusqu'au 31 décembre; de l'autre, la totalité des dépenses acquittées par la banque ou les trésoriers dans les mêmes époques. Un seul bureau des comptes serait établi à Paris, pour l'apurement du compte général de l'Etat ; et les livres delà banque présenteraient à chaque instant aux ministres et à la législature le bilan de la nation, et l'état de situation de toutes les parties. Vous commenceriez, le 1er janvier, un nouveau régime fondé sur les principes économiques, sur une administration éclairée, connue de tou3 les citoyens? Vous n'auriez qu'un caissier général, et ce caissier serait ia banque qui aurait déposé dans vos mains un cautionnement de 150 millions. Vous auriez intéressé à la fidélité de sa gestion tous les actionnaires de cette banque, dont les bénéfices dépendront de la confiance que vous leur auriez donnée.
Votre comité des finances vous a proposé de diviser vos revenus en deux caisses. Cette disposition a pour objet d'ôter aux ministres la faculté de toucher à la partie des revenus qui est destinée aux créanciers de l'Etat. Mais vous verrez, Messieurs, qu'elle ne sera dans les mains de la banque, qu'à titre de dépôt, et je ne doute pas que ies créanciers del'Etat ue préfèrentcet arrangement qui leur donne l'espoir, d'ici à peu de temps, d'être payés à bureau ouvert tous les six mois, comme en Angleterre. Vous pourrez d'ailleurs confier la direction de cette partie à une administration parti-
culière, et laisser seulement au ministre des finances celle des autres. 11 ne s'agit ici que de la caisse et nullement des bureaux, ni des ordonnateurs. Je vous observerai cependant que le système des deux caisses est un peu prématuré, attendu les incertitudes, les retards qu'éprouvent encore les recouvrements. Il pourrait arriver que les époques des recouvrements d'une caisse ne s'accordassent pas avec celles des payements qu'elle aurait à faire, et vous sentez qu'elles seraient dans l'impossibilité de s'aider mutuellement. Laisserait-on manquer la solde des troupes pendant que la caisse nationale aurait des fonds libres? ferait-on attendre les créanciers de l'Etat, avec des moyens superflus dans la caisse royale?
Vous craindriez peut-être, Messieurs, d'ordonner que les fonds nationaux fussent versés dans une caisse qui serait dirigée par des actionnaires, mais permettez-moi de vous observer, au contraire, que vous ne pourrez jamais établir de caisse, dont la responsabilité approche de celle de la banque, et que surtout la division actuelle des deniers dans un nombre considérable de caisses ne peut lui être comparée.
L'administrateur du Trésor royal, par les mains de qui passent tous les revenus de l'Etat, n'a donné que 1,200,000 livres de cautionnement, et celui de la banqueserait de 150 millions. Cette fonction est remplie par un seul individu, dont la conduite n'intéresse souvent que lui seul ; elle le serait par les administrateurs de la banque, dont les démarches auraient pour surveillants le corps entier des actionnaires.
Vous savez, Messieurs, que la banque d'Angleterre reçoit, depuis très-longtemps, plus des deux tiers des revenus de l'Etat. Il n'en est résulté aucun inconvénient, et vous frémiriez si on vous mettait sous ies yeux la masse des pertes que l'infidélité des comptables particuliers a occasionnées à la France. Mais ce qui vous garantirait encore plus la fidélité de la banque, ce serait la crainte qu'elle aurait de trouver le terme de son existence, dans la perte de votre confiance, si elle manquait à vos décrets.
Vous pourriez d'ailleurs, Messieurs, donner à la banque un comité de surveillance, qui la maintiendrait dans l'observance rigoureuse des statuts que vous auriez sanctionnés. Et je vous prierai encore de remarquer que la recette des revenus étant divisée à peu près sur tous les mois de l'année, et la dépense marchant souvent aussi vite que la recette, la quantité de fonds qui se trouverait à la banque, pour l'acquit des dépenses des départements, serait toujours dans une très-petite proportion avec son cautionnement.
Mais le rapport sous lequel cette disposition vous intéresse essentiellement , c'est celui de l'économie ; car quelle que fût la commission que vous jugeriez à prupos d'accorder à la banque, elle ne serait jamais la dixième partie dé ce que vous coûte aujourd'hui la chambre des comptes, | les payeurs de rentes, et la quantité innombrable de caisses dont le royaume est couvert.
Je passe à la responsabilité du ministre des finances. Vous savez sans doute qu'elle n'existe plus en France depuis un siècle. Le successeur de M. Fouquet, effrayé de l'exemple de son prédécesseur, eut l'adresse de refuser le titre de surintendant des finances, se contenta de celui de contrôleur général,' et la charge fut supprimée. Le surintendant avait la disposition absolue des revenus publics et de tous les agents du fisc; il signait les ordonnances sur le Trésor royal, et ré-
pondait personnellement de l'emploi des fonds. Lors de la suppression de l'office* le Roi s'en chargea, et le contrôleur général se réserva seu^ lement d'appliquer les recettes aux dépenses, de faire les distributions de fondsj et de diriger les opérations financières. Par cet arrangement, le contrôleur général, en prenant la signature du Roi, s'est trouvé déchargé de toute responsabilité directe. Pour rétablir d'une manière satisfaisante cette responsabilité, il conviendrait, je pense, de l'assurer par celle de la banque. La législature rendrait tous les ans un décret qui fixerait d'une manière invariable l'état des dépenses de l'année suivante. Elles seraient divisées en autant de parties qu'il y aurait d'objets bien distincts par leur nature, c'est-à-dire en vingt ou trente articles ; et les administrateurs de la banque viendraient eux-mêmes recevoir cette loi, tous les ans, dans l'Assemblée de la législature, où on leur en ferait la lecture. On ferait ensuite celle du premier article de leur chartre, où il leur serait enjoint de se conformer à cette loi, sous peine de perdre ia recette et la dépense des revenus nationaux. Le ministre des finances viendrait de même recevoir cette loi dans l'Assemblée,après la sanction royale. Chaque ministre signerait les ordonnances de détail de son département, jusqu'à la concurrence de la somme fixée par la législature. La banque connaissant la fixation de chaqu; partie n'acquitterait les ordonnances que dans cette proportion, et la nation aurait deux cautions pour une de l'observation de son décret. L'excédaut des recettes sur les dépenses serait toujours connu, et à la disposition dé la législature, excepté cependant les parties arriérées de la dette publique, qui devraient rester entre les mains de la banque, comme un dépôt sacré, à la disposition des créanciers de l'Etat.
La correspondance journalière pour l'acquit des dépenses et pour la fourniture des caisses, appartiendrait au ministre des finances, mais la banque cependant en aurait une immédiate avec les trésoriers des provinces, pour l'envoi qui lui serait fait de tous les revenus nationaux non employés sur les lieux, et pour la remise de toutes les ordonnances ministérielles acquittées dans les provinces pour le compte de chaque département; de sorte que, soit en espèces, soit en ordonnances acquittées, soit réellement, soit fictivement, la totalité des revenus nationaux serait perçue par la banque, et la totalité des dépenses acquittée par elle.
Les trésoriers provinciaux recevraient les ordonnances qu'ils auraient à payer, et leurs opérations seraient dirigées par un comité des assemblées administratives. Cela n'empêcherait pas qu'ils.ne. donnassent au ministre des finances, à sa volonté, un compte exact, et tous les renseignements nécessaires. Ils seraient en outre obligés, en faisant leurs r&mises à la banque, de distinguer les fonds provenant des différentes contributions, et la nature des dépenses qu'ils auraient acquittées.
Voici maintenant, Messieurs, les combinaisons sur lesquelles j'ai établi la formation de la banque, et le passage de la Caisse d'escompte dans ce nouvel établissement.
Il n'est pas exactement vrai de dire qu'une somme quelconque de numéraire soit nécessaire pour établir une banque. C'est bien le moyen que tous les fondateurs se sont donné pour être plus tôt en activité, et pour attirer le public, en lui présentant un gage de solidité. Mais ce n'est pas une donnée indispensable, surtout pour un
établissement dont la principale fonction est de se rendre caissier de la nation et du public. Si donc la situation des affaires et la circûlation du papier-monnaie nous obligent aujourd'hui de renoncer à ce moyen, nous devons en chercher d'autres, et il s'en présente deux non moins efficaces : c'est d'abord de détruire la circulation forcée, par le retrait et l'anéantissement des billets qui y sont employés, ensuite de donner naissance à une circulation, fondée sur la confiance bénévole, et sur les vrais principes du crédit.
Plusieurs raisons m'ont déterminé à fixer le capital de la banque à 300 millions, mais la principale est tirée de l'état actuel de la Caisse d'escompte, et de la nécessité de retirer ses billets de la circulation.
Il faut établir sa position :
Son capital...
ftflP^S
compte. ''alion
Comptes irants.....
cou-
100,000,000 liv.
112,000,000 8,000,000
220,000,000 liv.
Actif dé la Caisse d'es-comple.
Prêt fait au Koi en 1787, et représenté par une quittance dé finance .........
Délégation sur la contribution patriotique . 1....-.'.
Lettres de changes ou dépôts— Espèces en caisse—...........
Espèces en fabrication ........
70,000,000 liv.
90,000,000 44,000,000 10,000,000 6,000,000
220,000,000 liv.
En fixant donc le capital de la nouvelle banque à 300 millions, il conviendrait d'admettre :
1° Les 25,000 actions de la Caisse d'escompte à 4,000 liv.. 100,000,000 liv.
2° Effets royaux qui seront détaillés ci-dessous........... 100,000,000
3° Argent ou billets de la 1 Caisse d'escompte............ 100,000,000
300,000,000 liv
Cette somme ne doit point effrayer, il n'y a que 100 millions de nouveaux placements..
Les actions de la banque seraient au nombre de 75,000 et de 4,000 livres chacune. Les demi-actions de 2,000 livres.
Pour lever une action de la banque, il faudrait donner une action de la Caisse d'escompte, ou 2,000 livres en effets désignés, et 2,000 livres en argent ou Juillets de caisse.
Les effets teçu s avec, somme égale en argent seront ceux-ci : :
[".Les anticipations de quelque nature qu'elles sôient,. billets des fermes, rescriptions, assigna-
tions sur les postes, etc., à quelque échéance qu'elles se trouvent ;
2° Les assignations suspendues par l'arrêt du conseil du 16 août 1788 ;
3° Les effets échus en remboursement, et suspendus par le même arrêt, de quelque nature qu'ils soient;
4° Les reconnaissances de la Caisse d'escompte sur lesquelles a été fait le prêt de 25 millions au mois de mars de cette année;
,5° Les coupons d'intérêts des emprunts qui échoient dans les 6 premiers mois de l'année prochaine ;
6° Les effets qui échoient naturellement en remboursement dans les 6 premiers mois de l'année prochaine;
7° Les effets qui sortiront en remboursement, dans les 6 premiers mois de l'année prochaine, dans les tirages qui doivent être faits suivant les êdits de création des emprunts ;
8° Les quittances d'arrérages des renies échues au 1er janvier prochain, c'est-à-dire, non-seulement ceux échus dans l'ordre actuel des payements à cette époque, mais même la totalité de l'année 1789, qui est réellement due au 1er janvier.
La banque conservera 50 millions de son capital dans ses mains, et elle prêtera à la nation 250 millions, dont 150 millions à 5 0/0, remboursables à l'expiration de la charte, et 100 millions à 5 0/0 remboursables à raison de 8 millions par an, à compter du 1er janvier 1790.
La banque remboursera successivement, et par la voie du sort; 25,000 de ses actions pour réduire son capital à 200 millions.
Pour cet effet, les actions seront divisées en 75 séries de 1,000 actions chacune, et il sera fait un tirage tous les semestres, à compter du 1er janvier 1791, après la répartition du dividende; de manière qu'au bout de 13 ans les 50,000 actions restantes se trouveront sêules propriétaires de la banque.
Les remboursements s'opéreront au moyen de ceux du capital remboursable, qui se feront aux mêmes époques, c'est-à-dire le 30 juin et le 31 décembre de*chaque année.
Le dividende de la banque sera fixé à 6 0/0. L'excédant des bénéfices restera en caisse, ou dans la circulation de la banque, et formera un fonds d'accumulation. Lorsque ce fonds sera de 6 0/0 sur le capital de la banque, il en sera prélevé 5, pour être ajouté au capital, c'est-à-dire qu'alors les actions vaudront 4,200 livres, et le dividende sera de 126 livres par semestre.
Lis souscripteurs pour 40 actions, et au-dessus, auront la faculté de ne réaliser que 1/2 au Ier janvier, 1/4 au 1er février, 1/4 au 1er de mars.
Pour donner le temps nécessaire pour opérer la liquidation des engagements de la Caisse d'escompte, et éviter les secousses que pourraient occasionner la cessation immédiate de la circulation de ses billets, il sera ordonné qu'ils continueront d'être reçus comme comptant dans toutes les caisses publiques et particulières de Paris, comme à présent, jusqu'au l«r avril prochain, époque à laquelle tous les billets alors en circulation seront payables à la caisse de la banque.
Il est à présumer que les espèces qu'elle a aujourd'hui lui permettront de payer partiellement de la même manière, et alors elle pourra continuer à escompter pour la valeur de ses rentrées, mais seulement du papier qui^ sous aucun prétexte, ne passera 90 jours .
De son côté, la banque retirera de la circulation
les billets de la Caisse à mesure qu'elle recevra des espèces en payement de son capital.
La banque commencera le 1er janvier ses opérations. Elle se chargera des deniers des individus et des maisons de commerce qui voudront s'y faire ouvrir des comptes courants. Elle recevra la caisse du Trésor royal (L ), des fermes, des postes, des domaines, des payeurs de rentes, etc., etc., en un mot, toutes les caisses des deniers, publics à Paris, et celles des trésoriers des pays d'Etats, en attendant l'établissement des trésoriers provinciaux. Elle donnera même de ses billets contre argent, mais avec beaucoup de réserve ; et pour les premiers mois, la banque ne fera aucun usage, à son profit, des espèces qui lui seront confiées.
Le bilan de la Caisse d'escompte sera fait lo 1er janvier, et le dividende réparti à ses actionnaires, suivant les statuts; mais à compter de cette époque, les bénéfices appartiendront à la banque, qui nommera, parmi ses actionnaires, un comité de surveillance pour diriger les opérations de la Caisse jusqu'au Ier avril.
Il est clair que la Caisse d'escompte devra à la banque 200 millions pour valeur de ses actions et des 100 millions de billets qu'elle aura retirés de la circulation.
La Caisse lui remettrait en payement, le 1er avril.
1° La quittance de finance du prêt fait au Roi................ 70,000,000 liv.
2° Les assignations sur la contributions patriotique.......... 90,000,000
3° En lettres de change de son portefeuille................... 40,000,000
200,000,000 liv.
Je ne porte ici le portefeuille que pour 40 millions, par ceque la Caisse d'escompte aura retiré, avec son argent, le reste des billets, et qu'elle n'aura renouvelé les escomptes que pour la valeur de cette portion de ces rentrées, qui n'aura pas été nécessaire à l'acquit des billets; mais si, à cette époque, il en restait encore dans le public, la Caisse d'escompte garderait de quoi les payer, ou plutôt elle en remettrait la valeur à la banque, qui se chargerait de les acquitter. Les bénéfices résultant de l'escompte du trimestre seraient aussi remis à la banque; en un mot, tout l'actif lui serait dû.
La banque se trouvera donc, à cette époque, avec 300 millions.
Savoir :
1° La quittance de finance du prêt de la Caisse d'escompte... 70,000,000 liv.
2° Les assignations sur la contribution patriotique..............90,000,000
3° Les effets royaux reçus en payement du capital..,...........100,000,000]
4° En lettres de change..........40,000,000
300,000,000 liv.
1° La quittance de finance ... 70,000,000 liv.
2° Les assignations sur la contribution patriotique........... 90,000,000
3° Sur les effets reçus en payement.............*.........'.. 90,000,000
250,000,000 liv.
La nation lui donnera en échange un contrat national, portant intérêt à. 5 0/0, payable par
semestre, et remboursable à l'expiration de la chartre de 150 millions, et 25 contrats à 5
0/0, remboursables desemestre en semestre, à compter du 1er
janvier 1791, et de 4 millions chacun.
La nation payera à la banque , pendant les 5 premières années, 1/2 0/0 sur la recette des revenus nationaux, et 1/4 0/0 pendant les 5 premières années suivantes. A cette époque, la banque ne recevra plus aucune rétribution.
• D'après ces dispositions, et en supposant que d'ici au 1er avril la banque ait réalisé son capital, il est évident que sans compter sur un denier provenant de la circulation de ses billets, elle pourra continuer à escompter pour la valeur de ses rentrées, c'est-à-dire pour 50 millions. Elle n'aura aucune espèce d'engagement qu'elle no puisse remplir ; il n'existera plus un seul billet de caisse dans le public; la circulation des espèces sera parfaitement rétablie. La banque, faisant ses rentrées en écus et ses escomptes en billets, ne tardera pas à acquérir utie somme considérable de numéraire.
Il m'est impossible, Messieurs, de mettre sous vos yeux les développements et les observations qui peuvent fixer votre opinion sur ces combinaisons ; je me suis attaché à y réunir tout ce que les circonstances présentes nous font désirer ; j'ai désiré d'y concilier tous les intérêts particuliers avec l'intérêt national ; je me suis attaché à des moyens doux^ et sans danger. Le nouvel établissement s'élèvera pendant le décroissement de l'autre, et l'aura remplacé sans suspendre aucune opération.
Une nouvelle circulation libre commencera à rappeler le numéraire ; il trouvera enfin un dépôt sacré, et la comparaison de cette circulation avec l'autre contribuera beaucoup à diminuer celle qui nous ruine; les changes étrangers en sentiront l'influence, et les pertes du commerce ne seront plus si fortes. La fixation du jour où il n'existera plus de papier-monnaie fera admettre la distinction des payements avant ou après ce jour ; nos opérations commerciales reprendront leur vigueur, vous serez assurés des besoins de cette année, et vous serez rentrés dans la disposition de la contribution patriotique.
Quant au succès, Messieurs, il est infaillible, si vous voulez y concourir; les 4 mois accordés pour remplir le capital de la banque seront plus que suffisants. Avant l'expiration de ce terme, vous aurez rétabli l'ordre et l'équilibre dans les recettes et les dépenses de l'Etat ; il est impossible que ce grand ouvrage ne soit oas bien avancé vers le commencement de mars,'et vous jouirez alors d'un crédit dont vous serez étonnés.
Telles sont, Messieurs, les bases générales sur lesquelles vous pouvez commencer dès aujourd'hui le rétablissement des finances. Elles seront
inébranlables ces bases, parce qu'elles reposent elles-mêmes sur les principes les plus purs du crédit et de la foi publique : elles le seront, parce qu'elles auront pour appui tous les ressorts d'une constitution libre; car, Messieurs, vous ne devez pas être effrayés par l'exemple des malheurs de la Caisse d'escompte ; elle était bonne dans son origine, mais elle n'a pu résister à l'influence d'un gouvernement arbitraire.
Les actionnaires de la Caisse d'escompte, qui doivent concourir à cette opération, qui formeront le tiers du capital en y portant leurs actions, y trouveront la conservation de leurs intérêts, et l'accroissement de leurs bénéfices ; ils se reprocheraient sans doute de n'avoir pas épuisé toutes les combinaisons possibles, avant d'adopter des moyens qui prolongeraient notre embarras sans le diminuer.
Mais, vous, Messieurs, vous qui avez bravé tous les dangers pour acquérir la liberté, vous laisserez-vous entraîner, par l'embarras d'un moment, à sanctionner précipitamment des mesures qui perdraient votre commerce, et qui terniraient votre gloire aux yeux de toutes les nations voisines, en choisissant un moyen qu'elles ont réprouvé, quel abus ne serait-ce pas faire de notre inexpérience que de nous porter à engager la foi publique pendant dix, vingt ou trente années à uu établissement pour un secours passager I
L'Angleterre, votre ancienne rivale, a soutenu avec courage les secousses les plus fortes ; elle s'est chargée de taxes plutôt que de recourir à cet expédieut perlide, dans les circonstances les plus désespérées, où ses campagnes de guerre lui coûtaient, tous les ans, près de 200 millions d'extraordinaire.
Elle épuisait ses ressources, et vous en êtes environnés.
Peu de personnes parmi vous ont été à portée de diriger leurs études vers ce genre de travail ; mais avec le bon esprit, la sagesse et la droiture qui ont caractérisé toutes vos délibérations, on ne fait point d'importantes erreurs en aucun genre, et si dans le choix de vos moyens il vous arrivait de commettre quelques méprises passagères, vous ne tarderiez pas à les réparer ; et tous ceux qui pensent que le salut de la France est attaché au maintien de la considération que mérite l'Assemblée nationale réuniraient leurs efforts pour vous justifier.
Vous n'avez pas dû, jusqu'à présent, vous occuper essentiellement de finances ; environnés d'écueils et de pièges, il ne vous était pas permis de suspendre le travail d'une constitution qui devait sauver le royaume, en ralliant autour d'elle tous les esprits,si quelque événement funeste vous eût séparés. Vous avez dû vous attacher sans relâche à rétablir dans le royaume la paix et la tranquillité que des révolutions trop violentes, causées par vos ennemis, avaient troublées.
Aujourd'hui que l'organisation des municipalités va être achevée, aujourd'hui que plusieurs millions de citoyens sont prêts à défendre les principes de la déclaration des droits et de la constitution, vous trouverez sans doute convenable de partager votre temps entre la suite de la constitution et les finances, en commençant par fixer les dépenses de l'année prochaine, préliminaire indispensable à toute combinaison sur la recette et sur l'arriéré.
Vous verrez alors disparaître rapidement l'embarras momentané qui n'est résulté que d'une
injuste inquiétude; vous ferez taire toutes ces frayeurs si ridicules, qui pour une obstruction passagère se plaisent, et je ne sais par quels motifs, à présager une ruine totale.
J'entends dire de toutes parts que le crédit est perdu, et que nous ne devons pas prendre plus de temps pour décréter du papier-monnaie, qu'on n'en ferait, pour ainsi dire, à le fabriquer. Ah I méfiez-vous de ces alarmes insidieuses; examinez votre position, appréciez-en les avantages, et vos inquiétudes seront calmées.
Mais ce qui doit révolter le plus dans ces temps d'agitation, c'est de voir qu'on affecte surtout d'attribuer le mal qu'on suppose, à la révolution qui s'est opérée dans notre constitution politique, et qu'on cherche à jeter l'effet inévitable d'une crisè violente, sur la conduite que vous avez tenue. L'inquiétude seule des esprits a pu donner quelque consistance à des idées contraires à toutes les notions du bon sens, repoussées par la saine théorie, démenties par l'expérience des na^ tions. Mais cette erreur et cette malveillance ne peuvent pas être de longue durée, et tous les peuples reconnaîtront bientôt que les mêmes opérations qui fixent la constitution d'un pays, qui éloignent l'arbitraire de son gouvernement, qui fondent l'autorité publique sur l'intérêt de tous, sont aussi celles qui ouvrent dans son sein des sources inépuisables de prospérité, qui dégagent son industrie de toute espèce d'entraves, et qui donnent au crédit les véritableset les seulesbases qu'il puisse avoir.
NOTE ESSENTIELLE.
J'ai proposé de recevoir seulement, dans le capital de la banque, pour un tiers d'effets désignés (p.404|, et de mettre 250 millions entre les mains de la nation; mais si on trouvait cet objet trop considérable, Qn pourrait ne donner à la nation que les 150 millions qu'elle doit recevoir comme gage de responsabilité de la banque, et alors la banque garderait les 100 millions d'effets royaux pour en faire un dépôt particulier dont les intérêts et autres bénéfices augmenteraient les profits de la banque. Par exemple, oq joindrait à la liste des effets désignés (p.404), tous les emprunts sur le Roi, les contrats de rentes viagères sur les trente têtes de Genève, etc., etc. Cette opération serait très-avantageuse pour la banque, dont le fonds d'accumulation croîtrait alors avec plus de rapidité.
On pourrait encore, si on regardait comme indispensable de trouver dans la formation de cet établissement les 170 millions demandés par M. Necker, porter le capiial de la banque à 350 ou 400 millions, à proportion des avantages que la nation procurerait à cet établissement, de manière à rendre son dividende de 6 à 7 0/0.
Je ne me suis attaché, dans mes combinaisons, qu'à rembourser la Caisse d'escompte des 90 millions qui lui sont dus par la nation, mais le principal objet a été le rétablissement de la circulation des espèces.
On peut varier les combinaisons en conservant ces deux points comme Je but nécessaire à atteindre.
Je n'ai pas pensé d'ailleurs devoir m'occuper des besoins extraordinaires de l'année prochaine avant que l'Assemblée nationale eût consenti aux j dépenses qui doivent y donner lieu.
Le plan de M. Laborde ! paraît tellement important, il offre des détails si I considérables, qu'il est impossible de l'avoir
saisi. Je demande qu'il soit imprimé, communiqué au premier ministre, et que l'Assemblée nomme dix commissaires peur l'examiner ? et en rendre cpmpte mercredi prochain^ *
Il faut décréter en même temps que les commissaires conféreront aussi avec les pdminlstraïëur^ dé liai'Caisse d'escompte, et qu'ils compareront lé plan dé M. Laborde avec celui de M. Ïfec&er:'
demande qu'un projet envoyé par M. l'abbé (TBspagnac au comité des finances entre aussi dans l'examen et dans la comparaison.
La motion de M. de Gazalès et l'amendement de M. Target sont décrétés.
La séance est levée à trois Jjeprps pt dQtnie.
L'Assemblée se féupit immédiatement dans ses bureaux pour procéder à la nomination d'un président, en remplacement de M. de Boisgelin, archevêque d'Aix, arrivé au terme de ses fonc-et de. trpis sperétaires.
La séance au soir est indiquée popr si£ hep^.
Séance du
Un (le MM. Iqs secrétaires donne lecturp d'iine adressé aë la yiïlê de Langres qui représenté que ia réduction du prix du sel a réduit, par contrecoup, des trois quarts le prdfluit des octrois patrimoniaux; que cependant elle est 'ex posée à de grands besoins; que les habitai) js des campagnes Refusent dé payer fp prix des baux; que le chapitre Lapgres faitadffiger la epupé de ses bpis^doht |epr|x se 'porle'aSOiQWéciisfqué les deux premiers payéments'doivent échoir à Noël et à Pâques prochain; que la yille demande qu'il lui sôit perndis'dV prepdre en conséquence sur ces bapx livres pour pourvoir âpx besoins de
sps tiabr^ants, s'engagéani "â* ' rendre cette somme dans iin an.
L'Assemblée ne prononce rien à cet égard.
représente alors que plusieurs villes, entré autres celle-de Ghâlôns-sur-Marné, S'étaiént adressées à M. le garde des sceaux pour obtenir qu'il leur fût permis de faire des emprunts pour pourvoir à la subsistance des habitants-, que ces demandes avaient été renvoyées au comité des fitiancesy et il insiste pour que le comité soit tenu d'en faire incessamment rapport à l'Assemblée.
met la proposition aux voix ; il est arrêté que le comité des finances fera son rapport à ce sujet jeudi prochain.
Le comité des recherches demande à faire un rapport urgent qui est relatif à la liberté de (jeux citoyens).
objecte que l'Assemblée a mis à son ordre du jour de la séance de ce soir la question de
l'approvisioUne-
consulte l'Assemblép, qui dppne parole au comité qes recherches.
, rapporteur. ' Au mois d'Octobre dernier; M. de Sehnempnt, abbé de Bliniéres, fut dénoncé au commandant de la garde nationale d'Àngoulême, par lè comité de Blansac. tomme porteur de t ttres Suspèetes. M. de Bellegarde commandant, lé fit arrêter sur la route d'Angoûlême à Par is, et on le trouva chargé" de quatorze lettres décachetées, excepté une, adressée par M. le marquis de Baraùdin,chefd'çscadre, à M. lemargqis dg Saint-Sjmcin, pièmbre de ÎAssembiéé''nâtipna'}e, Cette RI renfermait ènîre" autres expressions de doujeur (sur les îou^hées du 5 et'du 6 octobre), cette phrase.: lé crqtqre' âu yolcan est dans l'Assemblée; te me réjqùis de Ici fyite (lu duc d'O...... ; il
né'resté pfus a désirer que la chute de Mirabeau. M. "de Bar'audîh est conyenp que ces expressions étaient échappées às$ sensibilité ; qu'au surplus, Il avait donné des preuves de son patriotisme, etc. Il offrit i{ prêJa gn effet sçrmèïlt de iideÛté à
la natiQp au Rpj et a la Ipi-
Parmi les papiers saisis 8ur M. l'abbé de Bli-qjpfes, il y avait" un paquet dé lettres écrites par M. le vipqmte de pifll^iRiSi i "madame son épouse ; et fie Paquet, après examen, avait été scellé pt apposé à l'hôtel de yil|e d'APgQUl^me.
Le comité jugea devoir rendre la liberté à M, l'abbé de Bliqières» qui se retira à Angoulême avec M. le marquis de Raraudin; mais tpùs deux, craignant de U être pas en sûreté, ont demandé une sauvegarde â l'Assemblée nationale.
Le rapporteur, après gon exppsé, prflpp^e à VÀ§$erpbl.4p UB prpjet d'arrêt^
Oui, Messieurs, j'ai écrit à mes frères les événements des 5 et 6 octobre, j'ai versé ma doulépr dan's le sein dé leur ainîtie,*'mais1 peut-on douter' de mon amour pour la liberté? J'ai été longtemps à la tête d'un' détachement de 3,000 hommes contre lord Cornwallis qui en avait 20',000 et je crois avoir bien mérité de la patrie en défendant les Américains. Les lettres que j'ai écrites et celles qui m'étaient destinées np Sont point l'ouvrage dé' mauvais citoyens.' Le Comité devrait respecter le secret' des lettrés, comme il est chargé dé le faire respecter par tous; cependant j'aî appris que ma lèttre avait été décachetée, quoique sous le contre-seing de l'Assemblée nationale- je voudrais qué l'Assemblée témoignât aux deux comités de BlanzaC et d'Atlgôulême son étonnement sur leur conduite; je pourrais demander contre Ces deux comités des condamnations plus sévère, eependahr j'adopte éntièremerit l'âvis"jiu Comité des recherches. "
Je suis indigné de la conduite du comité d'Angoulême. Il est affreux de voir les chefs de la cité et les gardiens des lois, remplir les viles fonctions de ministres du despotisme; il faut employer contre ces agents subalternes la maxime!dë1'la responsabilité. Il n'est pas un seul ami de la'liberté qui ose défendre un procédé aussi illégal.A la lecture des pièces j'ai cru que c'était Un registre de l'inquisition ou un livre de là Bastille. Je conclus a ce que le commandant de la gat;de nationale et tous ceux qui ont participé àv 'cétte violation dë la
liberté soient déclarés incapables de posséder aucun emploi public pendant vingt ans.
a fait remarquer que la conduite du comité de Blànzac était moins répré-hensible que celle du comité d'Angouléme, que même en &e qui concerne ce dernier il fallait tenir compte des circonstances actuelles. Le peuple, a-t-il dit, est agité de soupçons ; celui d'Angouléme s'était attroupé-, le comité n'a pu se dispenser de faire arrêter le sieur abbé de Bliniéres et d'instruire la procédure en public. Dans ces moments qui ne sont pas dans l'ordre naturel des choses, il n'est pas étonnant qu'on soit forcé de sortir des règles ordinaires de la justice.
Le comité d'Angouléme a été entraîné, par la présence du peuple, à faire une procédure illégale, mais excusée par les circonstances. Le secret de la poste peut quelquefois être violé pour le salut du peuple qui est la loi suprême. Le comité d'Angouléme n'a pas brisé le cachet; il faut en cette circonstance, comme cela a eu lieu pour le comité de Mâcon, prononcer qu'il n'y a lieu à délibérer.
Je ne puis m'associer à la demande de M. de Beaumetz concernant les membres du comité d'Angouléme, en les déclarant incapables de remplir aucune fonction publique. Ceci n'est pas de la compétence de l'Assemblée. Je blâme énergiquement la violation du secret des lettres, l'abus que le comité a fait delà force, j'adopte le projet d'arrêté proposé par le comité des recherches avec cette réserve « que l'Assemblée conserve le droit à chaque citoyens offensé de se pourvoir devant qui de droit. »
rapporteur. Cette réserve est inutile; le droit existe incontestablement et l'introduire dans un article, ce serait insiuuer qu'il n'existait pas auparavant.
rappelle les amendements proposés. — Ils sont écartés par la question préalable.
L'arrêté proposé par le comité des recherches est ensuite mis aux voix et adopté ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture du procès-verbal dressé par le comité d'Angouléme contre les sieurs abbé de Bliniéres et marquis de Baraudin, et des lettres y transcrites, déclare que les sieurs de Bliniéres et Baraudin sont, comme tous les citoyens, sous la sauvegarde de la loi;
« Que n'étant accusés d'aucun délit, ils n'auraient pas dû être arrêtés, ni le secret de leur correspondance violé ;
« Que le paquet de lettres portant pour souscription: « correspondance du vicomte de Saint-Simon avec sa femme », déposé au greffe de l'hôtel de ville d'Angouléme, n'a pas dû y être retenu, et qu'il doit être rendu sous le sceau qui y a été apposé ; déclare au surplus que conformément aux principes adoptés par l'Assemblée, le secret des lettres doit être constamment respecté. »
fait donner lecture du résultat du scrutin pour la nomination du président et de trois secrétaires.
M. Fréteau de Saint-Just a réuni la majorité absolue des suffrages pour la présidence. MM. le baron de Menou, Chasset et Charles de Lameth ont été élus secrétaires. — Après eux, MM. Du-
fraisse-Ducbaye, l'abbé Coster et le marquis de Bouthillier ont eu le plus de voix.
fait également donner lecture du résulta du scrutin pour la nomination des dix commissaires nommés pour conférer avec le ministre des finances et les administrateurs de la Caisse d'escompte et pour examiner les divers plans proposés sur la Banque nationale et la Caisse d'escompte. Les commissaires élus sont:
MM. Lecouteulx de Canteleu, Anson, Dupont,
Laborde de Méréville,
D'Ailly,
De Cazalès,
L'abbé Maury,
Le marquis de Montesquiou,
De Talleyrand, Périgord-évêque d'Autun,
Le baron d'Allarde. -
Les membres qui ont ensuite réuni le plus de suffrages sont:
MM. Le duc du Cbàtelet, Le comte de Mirabeau, Rœderer.
Un de MM. les trésoriers chargé de recevoir les dons patriotiques annonce , à l'Assemblée qu'ils ont entre les mains la somme de...... recueillie dans les bureaux en faveur du vieillard de Franche-Comté qui a été admis un jour à la séance. Il représente que ce vieillard étant pressé de partir, les trésoriers demandent l'autorisation de lui remettre la somme dont il est question.
Cette demande est accordée.
, évêque de Limoges, écrit à M. le président une lettre, en date du 5 décembre, par laquelle il le prie de demander à l'Assemblée un congé et un passe-port, afin de pouvoir s'absenter pendant trois semaines, pour aller dans son diocèse vaquer à des affaires qui demandent sa présence, et dont il a prévenu l'Assemblée à sa dernière séance, tenue à Versailles le 15 du mois d'octobre; sa demande lui a été accordée.
accorde pour lundi, à deux heures, la parole pour le don patriotique de la Faculté de médecine, qui doit être présenté par le doyen de la Faculté.
lève la séance et l'indique pour lundi prochain, à l'heure accoutumée.
Réflexions d'un citoyen soumises à l'examen et aux lumières de l'auguste Assemblée des représentants de lanation française, par Lalande (1).
Projet d'un papier-monnaie, portant 3 0/0 d'in-
térêt au profit du porteur, pour faire le remboursement pressant d'Une portion de la dette nationale. Il pense que l'on doit par préférence commencer par rembourser les effets les plus à charge à l'Etat, et ce dèS'le Ier janvier 1790 : leseroprùnts faits -depuis 10 ans; c'est-à-dire :
1° Les primes provenant des billets de 1,200 livres
2° L?emprunt de 1782 ;
3° Les billets de 600 livres et de 400 livres en forme de loteries, faits en 1783;
4° L'emprunt de 125 millions fait en 1784;
5° Celui de 80 millions fait en 1785.
Pour lever la difficulté de ce dernier, on pourrait évaluer la quittance de 1,000 livres à 950 livres en raison des intérêts de 50 livres qui sont échus au premier janvier 1790; et le bulletin qui en dépend, à 100 livres, comme étant séparé de la quittance de finance.
Il n'y a pas de propriétaire qui ne reçoive avec plaisir son remboursement, d'autant plus que ces effets perdent en ce moment, 15, 20 et jusqu'à 25 0/0 sur la place.
Il serait bien sage de faire ces remboursements de la manière qui suit, observant que la forme du papier que l'on propose, serait sûrement sortir l'argent des mains des capitalistes et spéculateurs, qui trouveraient un grand bénéfice dans la propriété de ces billets, au lieu de leurs numéraire eu espèces qui ne leur rapportent rien.
L'on pourrait fabriquer autant de papier-monnaie qu'il en faudrait pour faire le remboursement de la dette nationale, dite criarde, et remboursable au plus tard dans trois ans de la manière suivante :
Ce papier peut se faire par cinquième en partie égales de 100 millions chacune, en supposant que 500 millions suffisent pour la totalité de ces remboursements.
Les premiers 100 millions, en morceaux de 10,000 livres, à raison de 4 0/0.
Les seconds, également de 100 millions, par morceaux de 4, de 5, ou de 6,000 livres, à raison de 3 1/20/0;
Les troisièmes, également de 100 millions, par morceaux de 1,000livres à raison de 3 0/0 (1)
Les quatrièmes également de 100 millions, par billets de 100 livres, à raison de 2/1 0/0.
Les cinquièmes, également aussi de 100 millions, par billets de 50 et de 25 livres, à 2 pour 0/0, ce qui porterait la totalité de l'emprunt à 30/0 à la somme de 45 millions d'intérêts.
Le remboursement de ces billets en papier-monnaie pourrait s'effectuer de la manière suivante, à commencer au plus tard au Ier avril 1790, avec le produit des rentrées des finances, qui se feront du 1er janvier prochain à cette époque, suivant l'aperçu provenant tant du don patriotique que des impositions, ainsi que de la refonte de l'argenterie qui est en activité à la monnaie, de même que l'espoir des grandes rentrées d'une portion des bien s du clergé et des domaines du Roi, qui viendront successivement à l'appui l'un de l'autre, à mesure gue les besoins naîtront, soit par la vente ou l'aliénation de ces biens.
On doit encore observer que cet intérêt ne se porterait jamais à 45 millions, il peut même très-bien ne se porter qu'à 20 millions en raison de la
marche des remboursements annoncés ci-dessus.
Les premiers remboursements commençant au 1er avril 1790
n'auraient que trois mois d'intérêts à payer, ainsi que les autres qui se succéderont par
gradation jusqu'à parfait remboursement.
Si ces billets-monnaie pouvaient être dignes du suffrage de Nosseigneurs les représentants de la nation, et qu'ils méritassent la peine d'être décrétés avec amendement ou sans amendement, ces billets pourraient porter le titre suivant :
Billet national, décrété par VAssemblée générale des représentants de la nation française, et sanctionné par le Roi.
L'on suppose un billet de 1,000 livres (1).
Je payerai à vue, au porteur, la somme de mille livres, avec l'accroissement des intérêts, à trois pour cent et remboursable au plus tard au premier janvier 1793.
Paris, ce er janvier 1790
Nota : Ce papier-monnaie aurait cours dans toute l'étendue au royaume. 11 aurait bientôt acquis le crédit qui lui serait nécessaire, étant protégé et cautionné par la nation et la loyauté française. Les capitalistes et spéculateurs y mettraient bientôt leur confiance, connaissant la sagesse et la bonté du Roi, la justice de cette grande et honorable Assemblée, et l'équité du ministre des finances.
L'auteur se flatte que si le lecteur prudent, sage et éclairé, examine avec attention le plan proposé, il le trouvera le plus propre à remédier prompte-ment et avec certitude à l'extinction de la dette nationale.
Séance du
, archevêque d'Aix, près de quitter la présidence, ouvre la séance par le discours suivant :
Messieurs, il m'est permis encore un moment d'offrir à cette augute Assemblée l'hommage de
mon respect et de ma reconnaissance. Si j'ai pu remplir avec exactitude la tâche honorable
qui m'était imposée, votre bienveillance seule pouvait en aplanir toutes les difficultés.
J'ai pensé que mon premier devoir était de consulter vos désirs, et j'ai fait mon unique
étude d'en observer et d'en suivre tous les mouvements. J'ai vu l'amour de la patrie, digne
et convenable passion des esprits raisonnables, éclater avec transport dans vos intéressantes
discussions. J'ai vu vos décrets émanés du sein de cette utile effervescence des sentiments
vertueux et des idées justes ; j'ai vu se former en un si court espace de temps ces
administrations et ces municipalités qui doivent donner la durée à votre constitution; j ai
vu prête à se terminer la grande question dont dépend le destin de l'Etat; et bientôt la
nation entière achevant votre ouvrage, exercera sous l'empire des
Je rémets à mon successeur, honoré par deux fois de vos suffrages, une place qui semble devenir la sienne par ses talents, comme par votre choix; il semble qu'il ne lui reste plus qu'à surmonter ja prospérités avec le même courage qui l'a rendu supérieur à toutes les disgrâces. Ses premiers sqpçès sont le gage de ceux qui lui sont encore réservés, et cette flatteuse épreuve de ses propres forces doit lui donner, au milieu de ses travaux, l'activité, la confiance et le repos.
, nouveau président, a pris place au siège, et après avoir annoncé que le port de Toulon était en'danger et qu'il fallait se hâter d'y envoyer une force nationale il a dit:
Messieurs, je voudrais vous entretenir de ma viye reconnaissance; mais comment vous faire connaître par des paroles des émotions aussi vives et aussi profondes que celles qu; j'éprouve? Il est des sentiments qu'aucune expression ne saurait dépeindre, comme il est dés témoignages de bienveillance, de confiance etd'eslime, qu'une vie entière de travaux, de services et de zèle ne saurait payer.
Telle fut, Messieurs, cette scène touchante du 24 octobre, qui sera, dans tous les instants de mon existence, présente à ma mémoire, ou plutôt à mon cœur, où vous daignâtes, avec un empressement si unanime, m'offrir la prorogation de ma séance dans le poste Jionoràble auquel vos boptés m'élèvent une seconde fois.
Tel est encore le choix inattendu qui m'au-torjse à vous présenter en ce moment mes remer-cîments et mes vœux.
Coux-ci seront comblés, Messieurs, si fidèjes, comme vous voulez toujours l'être, à ces règles si sages que votre prudence a tracées, vous en respectez l'utile sévérité dans tous les instants de vos délibérations.
Il en est, je le sais, où l'aridité inévitable des matières, la longueur pénible des discussions, l'embarras et la délicatesse des avis proposés, conduisent l'Assemblée à des positions difficiles, et semblent placer sa prudence entre des écueils à travers lesquels elle poursuit longtemps des résultats qui semblent la fuir.
Oaignez, Messieurs, daignez alors vous laisser uniquement guider par l'amour de ja paix, par l'esprit d'union et de concorde, par |e respect pour la liberté si désirable dès opinions, par le pouyenjr enfin cje ce que vous vous devez q vous-mêmes milieu du grand et honorable spectacle que vous donnez au mpnde.
Oaigqçz penser qu'il est impossible d'obtenir tous les jours ces séances? touchante^ et consolantes, 0$ jes fruits du travail et du zèle, du talent et de l'étude vous sont qfferts avec des développements qui saisissent l'admiration, et qui surprendraient en un moment l'unanimité de vos suffrages, si lâ multitude et la variété même des vues que le génie vous présente ne suspendaient votre choix.
Vous retracerai-je, entre autres, le souvenir de l'une de ces séances, de celle de samedi, où vos qpipions semblèrent autant d'oracles destinés à revivifier dans |e coeur des assistants tous les sentiments honnêtes et à épurer la morale cje l'empire lui-même ; où leurs "résultats préparèrent d'une manière spéciale le triomphe de la vertu dé cette première vertu nationale, là droiture, la loyauté, le respect pour la foi publique.
Poursuivez, Messieurs, au milieu de tels succès
vos brillantes destinées, et préparez pour le plus juste des hommes et le plus respectable des rois le jour mémorable où, secondé de vos efforts, recueillant le fruit de vos communs travaux, il fera entrer, .après tant d'orages, le vaisseau de l'Etat au port de la justice, de là paix et d'une liberté durable, et où la plus belle et la plus légitime des couronnes, celle de ses vertus, en ornera la poupe, après une si périlleuse navigation.
(Puis s'adressant à M. l'archevêque d'Àix, M. Fréteau ajouta :)
Après avoir exprimé ma reconnaissance à l'Assemblée, vous me permettrez, Monsieur, de vous témoigner ma sensibilité pour les choses trop flatteuses dont il vous a plu m'ho-norer; vos rares talents, exercés sur tant d'objets, et qui sont devenus si précieux pour nous, le zèle qui a doublé vos forces, cet amour inaltérable de ce qui est juste, et ce tact sûr et délicat, qui vous le fait discerner d'une manière si prompte à tous pes dons heureux, ajoutés par le travail ; une extrême facilité; tels sont les avantages que vous venez de consacrer au bien de |a patrie et à la gloire de 1 Assemblée, qu'il paraît bien difficile de servir dignement après vous,
Ces deux discours reçoivent de fréquents applaudissements.
L'Assemblée vote des remercîments à M. l'archevêque d'Aix pour la manière dont ij a géré la présidence.
Un membre a ensuite proposé d'envoyer une députation à la reine, pour faire à Sa Majesté des compliments de condoléance, à l'occasion de la mort de sa sœur ; à quoi l'on a procédé sur-le-champ.
La lecture du procès-verbal a suivi; et sur ce qu'il s'est élevé une difficulté, pour savoir s'il contiendrait le précis de chacun des plans de finances,;.qui avaient occupé la précédente séance, ^Assemblée a décrété que l'extrait seul du plan qu'elle avait soumis à l'examen des t'O commissaires y serait inséré.
L'on a lu les adresses de diverses villes et communautés dont suit la teneur :
Adresse du comité électif de la ville de Bernay en Normandie, qui demande pour sa yilleun corps administratif et un siégé de justice royale; il présente à rAssemblée.naiionale sa soumission à ses décrets-
Délibération du comité municipal de la ville de Lagnieu en Bugey, contenant une nouvelle adhésion à tons les décrets rendus et à rendre par l'Assemblé nationale ,et notamment à celui portant contribution du quart des revenus. Pour présenter cetfe délibération, et demander que la ville de Lagnieu soit érigée en chef-lieu de district, la communauté générale adépulé M. P'upuy, maire de la ville.
Adresse de félicitations, remerçjmens et adhésion du corps municipal et de la garde nationale de Bar-lerDuc. Ils promettent solennellement d'employer tous les moyens qui sont en leur pouvoir pqur assurer l'exécutipn des décrets de l'Assemblée. .
Délibération du même genre de la communauté de Labacourt eri Barrols. Elle offre pour sa contribution un don patriotique d'une somme de 1,000 éçus à prendre sur les deniers provenant delà vente de ses bois communaux, qui sont actuellement dans la caisse dii receveur des bois de la province. Ils sg soumette!}! en outre à fpurnir gratuitement et annuellement le servjce'gq bojs présenté à Sa Majesté le jour du jeudi-saint, pour ie repas de la Gène,
Adresse d'adhésion et de félicitations de la par roisse de Saint-Malo ; elle demande une munie!* cipalité, une juridiction royale, un hureau de poste aux lettres, la division ae la paroisse en deux parties, et une école gratuite.
Adresse du même genre des officiers de la sénéchaussée et des principaux habitants de la ville de Lesueven ; ilsréclanientavec instance la oonser-vation de cette sénéchaussée.
Délibération des officiers du bailljage de Mont? richard, par laquelle ils déclarent qu'ils rendront à l'avenir la justice gratuitement, ainsi qu'ils l'ont fait depuis le 4 août dernier.
Adresse des citoyens de la ville d'Ainay-Ie-Château en Bourbonnais, portant respect, reconnaissance et adhésion à tous les décrets de l'As? semblée nationale ; elle demapde la conservation et l'extension de sa justice, et manifeste son dé? sir de rester unie à la capitale de sa prbr vince.
Adresse des citoyens de Saintes, qui représentent à l'Assemblée nationale que cette capitale de 1$ Saintonge, doit par toutes les convenances locales, et d'après les'principes de l'Assemblée, être clièf-lieu de département.
Adresse des citoyens de la ville de Bont-l'É-vêque en Normandie, contenant leur soumission, leur attachement et leur dévouement absolu aux décrets de l'Assemblée, ainsi que leur amour constant, inviolable et immqable pour la personne sacrée du Roi.
Acte d'adhésion des religieux Augustins de Lille à l'adresse de MM. les oqrés des villes et ohâtellenie composant le bailliage de Lillp en Flandre, à L'Assemblée nationale.
Adresse de la ville de Saint^Quentin, qui offre son. hommage, son admiration à l'Assemblée, et une entière adhésion à ses décrets
Adresse de la viguerie de Siateron, çomposôe de soixante-quatre communautés, par laquelle elle adhère à tous les décrets de l'Assemblée, et elle ratifie expressément la renonciation faite par les députés de Provence à tous les privilèges, exemptions et usages de sa province,
Adresse de la ville de Soissons, qui applaudit aux décrets de L'Assemblée nationale concernant la nouvelle division du royaume, et présente les raisons qu'elle croit avoir pour être chef-lieu dè département.
Mémoire de la ville de Thouars en Poitou, pour obtenir une justice royale dans son sein.
Adresse de ia ville de Bourbonue-les-Bains, porr tant adhésion aux décrets de l'Assemblée, et en particulier à ceux du 4 août et jours suivants ; elle offre à la nation une partie du produit du recepage du quart en réserve de la commune, destinant l'autre à l'achat des grains nécessaires pour le soulagement des pauvres, et demandé à l'Assemblée nationale la permission de faire rece-per le dit quart en réserve ;" elle représente que 1a ville n'a reçu qu'une partie des décrets de l'Assemblée nationale" demande fë'Mhgémehfdil ré-gime de la mâftrisé',dfes' ea.ui ét; forêts} et d'être nqqîmée pjiéf-iiéU d^rl'a"'n'puyeïlq flitf|gion j'qvapipp.
Adresse de la ville de Mcsle en Poitou, portant acte de soumission aux décrets de l'Assemblée nationale, ut la demande d'une justice royale à Mesle et d'une côur souveraine à Poitiers.
Extrait des délibéràtions de la municipalité, du cphsei| permanent, (l'^s électeurs el de plusieurs citoyens rèqriïs'qe la yillg (Ie$î{fles en Langpecjpc, qui applaudissent à 'îa nquyelle divigiqn $u royaume, décrétée par l'Assemblée natiqàale, et
demandent que leur ville soit le siège d'un tribunal, et chef-lieu de département.
MM. les directeurs et professeurs du lycée annoncent à MM. les députés que le. cours de droit public est ouvert pour eux sans aucune souscription, et ils les invitent à y venir quand cela leur sera agréable.
L'on a aussi lu le projet de réponse dont l'Assemblée avait chargé M. L'archèvêque d'Aix pour lord Stanhope, président de ia Société de la révolution en Angleterre ; ce projet est oonçu en termes :
« 11 est dighe, Milord, d'une Société célèbre, et d'un peuple libre, de s'intéresser à tous les progrès du bonheur et de la liberté publique. Depuis longtemps la nation française exerçait l'empire de ses connaissances et de ses arts. Elle dirigeait son gouvernement par ses opinions, quand elle ne se gouvernait pas encore elle-même par ses lois 5 elle poursuivait avec ardeur des 'vérités utiles; ét, chaque jour étendant la lumière sur toutes les parties de son administration, elle semblait entraînée, eomme par un mouvement universel, aux changements qui lui donnent sa consistance et sa force. Un roi que nous pouvons appeler le meilleur des hommes et le premier des citoyens, encopragait par ses vertus les espérances de sa nation 5 et maintenant un concours unanime éta*-blit une Constitution durable sur les droits imprescriptibles des hommes et des çitoyens.
« L'Assemblée nationale a reçu, Milord, avec la plus vive et profonde sensibilité, l'adresse de la Société de la révolution d'Angleterre, elle a con? signé dans une délibération solennelle, qu'elle me charge de vous communiquer, l'impression que lui a fait éprouver une déclaration qui respire les sentiments d'humanité et de bienveillance universelle qui doivent lier dans tous ies pays du monde les vrais amis de ia liberté et du bonheur des nations. »
observe qp'il manque à cette lettre l'idée importante du désir qu'a l'Assemblée de voir s'éteindre toute fàcheqse rivalité entre les deux nations, pour faire place à des sentiments de concorde et de fraternité, si véritablement convenables à leur gloire et à leurs intérêts Pécir-proques. L'Assemblée prie M. l'archevêque d'Aix de l'y ajouter.
M. de Harambure, élève en pharmacie à l'Hôtel-Dieu, offre à titre de don patriotique, deux médailles d'or qu'il a reçues pour prix de pharmacie, et l'Assemblée lui accorde séance à la barre.
, évêque de Langres, donne sa démission de député et est remplacé par M. Guyardin, son suppléant, dont les pouvoirs ont été vérifiés.
Un de MM. les secrétaires fait l'annonce d'une adresse de remerctments à l'occasion du décret de l'Assemblée nationale qui déclare IHle de èorse. province française. Voici le texte'de cette adresse (I) :
Messeigneurs, vous venez -de décréter que l'île de Curse fait partie de l'empire français, et que dès ce moment le Roi sera supplié d'y faire parvenir et publier tops les décrets de l'Assemblée nationale.
« Ce décret, sanctionné par le Rai, désiré depuis longtemps, J&bifit des yœux les plus
arâsnts
« En attendant le tribut de reconnaissance dë ma nation entière, daignez agréer, Messeigneurs, le faible et respectueux hommage d'un de ses concitoyens; sans doute elle me pardonnera d'avoir devancé l'expression de ses sentiments : mon excuse est dans mon cœur; et sûrs que j'ai pleinement satisfait leur gratitude et leur amour, les Corses s'empresseront d'approuver mon zèle, en même temps qu'il vous offriront Je gage sincère de leur patriotisme et de leur fidélité.
« Depuis l'époque de sa réunion à la France, la Corse n'avait éprouvé que des malheurs. Echappée à l'administration oppressive et barbare des Génois, elle était retombée sous l'administration insouciante ou tyrannique des militaires français. Ses plaintes, si elles parvinrent jusqu'au pied du Trône, ne furent portées que par des organes impurs, qui les représentèrent au souverain, non pas comme les doléances de sujets perpétuellement vexés, mais comme les demandes d'un peuple inquiet et toujours plus enclin à la révolte qu'à l'obéissance.
« Si le despotisme militaire (1) s'est signalé moins par d'illustres que par de nombreuses proscriptions, il n'en faut trouver le cause que dans ce préjugé funest.e, imprimé par nos ennemis aux chefs chargés de nous commander. Accoutumés à croire qu'il fallait conquérir plutôt que gouverner, ils ont cru qu'en cherchant à nous instruire, nous cherchions à nous soulever, et ils ont taxé-notre fierté d'insubordination, notre courage de férocité.
« Mais cette influence dangereuse d'une prévention que ie caractère de ma nation eût détruit facilement s'il eût été plus approfondi, c'est surtout dans l'administration de la justice qu'elle a fait plus de victimes.îNotrehonneur, notre existence, nos propriétés ont presque toujours été sacrifiées par l'intérêt, la partialité, l'ignorance et la mauvaise foi. 11 est cependant des commandants et des magistrats qui furent également dignes de notre admiration, de notre reconnaissance; et la Corse ne se rappellera jamais sans attendrissement la mémoire des Chauvelin et des du Tressan, tandis qu'elle ne citera qu'avec horreur à la postérité les noms d'un de Vaux, d'un Chardon et d'un Boucheporn.
t D'après ce tableau fidèle de nos malheurs, on s'étonnera peut-être de notre patience et de notre fidélité :1a réponse est dans notre caractère. Ici l'on pourra m'accuser d'enthousiasme ; mais j'assure du moins que je ne m'attirerai aucun reproche sur ma véracité. Que le caractère de ma nation, toujours malheureuse, longtemps calomniée, jamais connue, va se trouver différent de celui qu'on s'était généralement formé 1 C'est surtout à vous, Messeigneurs, que je dois de le faire connaître dans toute son étendue.
« Les Corses sont bons, confiants, généreux et fiers, attachés cordialement à ceux qui les
gouvernent avec douceur, humanité, justice; soumis seulement à ceux qui les oppriment au nom
de l'autorité. L'équité la plus stricte est le premier de tous leurs principes et dirige
toutes leurs actions. Leur confiance n'a point de bornes, lorsque l'homme en place auquel ils
l'accordent
« Si là Corse n'a pas tenté de se soulever contre la France, c'est moins par reconnaissance pour l'administration, que par sa fidélité inviolable pour son Roi. Pendant près de 20 années, une progression effrayante de maux lui avait laissé peu d'espérance- pendant près de 20 années, elle a vu s'accroître le terrible colosse du despotisme militaire; pendant près de 20 années, elle a vu s'accumuler les abus d'autorité, les vexations ministérielles, les rapines judiciaires ; et cependant elle a souffert avec patience, avec fermeté. Certaine que son prince était juste, mais trompé, elle a trouvé dans son amour pour lui de nouvelles forces pour supporter la tyrannie, pour se dévouer à l'oppression" Qu'il lui eût été facile. Messeigneurs, de se soustraire à un joug si désespérant, de tromper la surveillance de ses chefs uniquement occupés de leur avancement ou dç leurs intérêts, de jouer l'obéissance ou la crainte, la satisfaction ou la sécurité 1 Mais ce caractère d'hypocrisie a toujours répugné à la franchise de ma nation ; nous ne pensons pas à trahir ; nous n'avons jamais pensé à feindre.
c Qu'il me soit permis, Messeigneurs, de citer comme une preuve de la générosité des Corses
leur conduite modérée dans l'événement fatal arrivé dernièrement à Rastia et qui a hâté
l'épo-, que de notre bonheur. Lorsque les soldats du régiment du Maine ont eu la lâcheté de
massacrer, à coups de baïonnette, ces deux enfants qu'ils rencontrèrent dans les rues de
Bastia, peu s'en fallut que toutes les troupes en garnison dans cette ville, ne devinssent
victimes de la trop juste vengeance des habitants (1). Cependant, au moindre ordre qu'ils ont
reçu, tout est rentrée dans le calme ; aucune hostilité, aucune démarche vindicative n'a eu
lieu ; et depuis qu'ils se sont emparés des arsenaux, des magasins de munitions, ils n'en ont
point fait usage pour expulser cette soldatesque coupable d'avoir obéi à des ordres aussi
contraires aux intérêts de son Roi qu'à la raison et à l'humanité. Si la Corse eût voulu
alors se séparer de la France, qu'elle occasion plus favorable 1 Une coalition secrète et
sûre
« Puisse-t-il s'effectuer maintenan t, ce vœu de tous nos concitoyens expatriés pour avoir courageusement défendu notre liberté 1 Puissions-nous les recevoir un jour au milieu de nous, y distinguer ce général (1) malheureux, victime d'une politique absurde, d'une basse jalousie^ et dans l'ivresse de nos embrassements, leur apprendre, avec transport, qu'ils doivent leur rappel dans leur patrie à cet homme énergique et profond, dont l'éloquence mâle et vigoureuse a su déconcerter les projets de nos ennemis; qui, toujours actif, veille sans cesse pour la tranquillité, publique, la sûreté de ses collègues et le salut de la France! Alors, les vives émotions delà sensibilité se mêleront aux élans de l'admiration ; et la Corse, dans son bonheur, se glorifiera d'avoir donné le jour à ses ancêtres.
« En réunissant la Corse à la nation française, vous lui avez imposé, Messeigneurs, la loi
d'une éternelle fidélité. Attachée déjà, par inclination, au sort de cet empire par son amour
et sa vénération pour son Roi, qu'il lui sera doux d'ajouter à des sentiments si précieux
celui de la plus entière reconnaissance! Gouvernée par les mêmes lois, participant aux mêmes
bienfaits, son zèle pur, son dévouement sans bornes, ne connaîtront plus désormais aucun
sacrifice; et si, sous une administration désastreuse , elle a coûté des sommes immenses, ç'a
été moins par ses besoins réels que par la manipulation infidèle des agents du ministère
français ; mais, rappelée à une existence plus heureuse, elle n'oubliera jamais que c'est à
un roi-citoyen qu'elle a dû les premiers moments de sa liberté ; que ce sont les
représentants d'une nation généreuse qui l'ont entièrement dérobée aux attentats soutenus du
despotisme et de l'aristocratie; et que ce décret in-
« Je suis, avec le plus profond respect, de Messeigneurs,
« Le très-humble et très-obéissant serviteur,
« Constantini, négociant corse.
« Paris, le 5 décembre 1789. »
L'heure s'étant avancée pendant tous ces détails, on réclame vivement l'ordre du jour.
Plusieurs membres demandent qu'on s'occupe immédiatement de l'affaire de Toulon annoncée dans le discours de M. le président.
D'autres membres proposent d'ajourner cette affaire à l'ordre du jour de deux heures.
consulte l'Assemblée qui, après deux épreuves, décide que l'ordre du jour sera observé et qu'elle reprendra la suite de la discussion sur Vorganisation des municipalités.
rappelle que l'article 6 a été rejeté.
, au nom du comité de Constitution, donne lecture de l'article suivant :
Art. 7. « 11 sera dressé tous les ans, indépendamment de l'inscription civique à l'âge de 21 ans, dans chaque municipalité, un tableau des citoyens actifs, avec désignation des éligibles. Ce tableau ne comprendra que les citoyens qui réuniront les conditions prescrites, qui rapporteront l'acte de leur inscription civique, et qui, après l'âge de vingt-cinq ans, auront prêté publiquement à l'administration du district, entre les mains de celui qui présidera, le serment de maintenir de tout leur pouvoir la constitution du royaume, d'être fidèles à la nation, à la loi et au Roi, et de remplir avec zèle et courage les fonctions civiles et politiques qui leur seront confiées. »
Je demande que le serment soit prêté dans les municipalités et non dans les districts.
Je propose, afin d'éviter les déplacements, de le faire prêter devant des commissaires.
Je demande la question-préalable sur tous ces amendements. L'institution du serment doit être aussi solennelle que possible. -
Les amendements sont écartés par la questiou préalable, et l'article est ensuite adopté.
(de Saint-Jean-d'Angély). Le comité de constitution ne s'est point expliqué nettement sur la question de savoir s'il faut que la contribution nécessaire pour être éligible soit assise dans le ressort du département, ou s'il suffit qu'elle le soit dans un lieu quelconque du royaume.
Par cela même que la restriction n'a pas été exprimée', il est entendu que > le droit existe au sens le plus large et qu'il surfit
de présenter une quittancé d'un lieu quelconque du. royaume*
Cette explication reçoit l'assentiment de l'As-semblée.
Tait remarquer que demain est un jour de fête; il demande s'il y aura séaace et à quelle heure elle se tiendra.
consulte l'Assemblée, qui décide qu'il y aura demain une seule séance, à dix heures du matin, èt qué, pour avancer les travaux, la séance qui devait avoir lieu le soir sera transportée à aujourd'hui même.
donne lecture de l'article suivant :
« Ârt. 8. ToUs lès citoyens ^ui auront rempli la condition de l'inscription civique et du serment patriotique, seront dispensés des autres conditions de l'éligibilité, pour l'Assemblée nationale, si, dans le premier scrutin* ils réunissent les trois quarts des suffrages des électeurs. »
Cet article doit.être modifié; je ne l'attaque patt comme contraire à vos précédents décrets ; j'ai entendu taire ce raisonnement que la saine.logique réprouve, et la logique est la loi des lois.
Il est impossible, dans quelques circonstances que ce soit, de renoncer à la condition de domicile et de la majorité (Je yingt:cioç ans i G'gst sous ce rapport que je modifierai l'article» Il faut, en restreignant l'étendue de la contribution du marc d'argent, adopter une,exception juste à un décret1 rigoureux, qui a attiré des réclamations et des reproches, à un décret qui exclut les cinq sixièmes des Français et les trois quarts des citoyens actifs.
Je propose donc, en amendement, qu'on,insère dans l'article cette disposition s « Seront dispensés de la condition d'éligihilité relative à la contribution .directe, déclarée nécessaire pour être membre de l'Assemblée nationale. »
pense qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article, il établit son opinion sur les principes de la représentation.
Le député élu par une ville de l'extrémité de la province devant, dit-il, arriver à l'Assemblée nationale et regrésenter la ville de Dunkerque, il faut établir des lois générales et sans exception, pour que les intérêts de tel ou tel canton ne soient pas compromis.
La France est surtout agricole : elle doit donner aux propriétaires une grande influence : l'Angleterre, dont le commerce fait la principale richesse, a cru devoir n'admettre parmi ses représentants que des propriétaires. Toute autre disposition serait funeste à la nation et aux provinces, et seulement utile aux capitalistes, qui, conservant leur fortune en portefeuille, savent se soustraire au devoir dé concourir aux charges communes. On les prive, dira-t-on, du droit le plus précieux ; mais ils peuvent en jouir en devenant propriétaires.
Les représentants de la nation doivent être attachés à la terre qui fait notre richesse ; ils doivent être indépendants de leur existence, pour qu'ils le soient de leurs opinions; ils doivent donc être au-dessus du besoin, pour qu'ils soient au-dessus de la séduction. Les précédents décrets remplissent toutes ces vues. U n'y à donc pas lieu à délibérer sur l'article qu'on vous présente.
De tous lés droits qui émanent des peuples, l'élection de leurs repré* sentants est le seul droit dont ils puissent conserver l'usage* Il ne faut donc y apporter des modifications que pour régler^ que pour épurer cet usager La oûndition de réunir les trois quarts des suffrages doit faire disparaître les scrupules de ceux qui chdndràentles effets de cet article. L'opinion publique paraît' avoir déjà demandé une raoifioation à l'un de vos décrets ; il faut écouter sa voix; il faut être juste ; il est donc indispensable d'adopter l'artide.
présenté dès considérations tirées des exemples offerts par l'àiitiquitç.èt par quelques peuples iûoderhëà. 11 rejette 1 article.
Messieurs, il Së-rait à dèèirër que hUllë distinction humiliante nê subsistât édtre les Citoyens; tjue tous, enfants de là patrièj ils éUSsënt également droit à la servit et qtte là pàUvi'etè SUt-tOUt hé devînt à l'égard dë pèrstibiie un signé de réprobation. Aristide était pauvre et S'en glorifiait. Le Trésor public fut Obligé de doter SeS filles et dé pourvoir aux fl'ëW de ses funérailles. Pour être citoyen actif, pour mériter de s'assëôif pârffii les législàtéUrS d'un empiré; que faut 11 Si ce n'est de grands talents èt de grandes VtrtuS?
Après cet ëfcotdë> l'orateur arrive à l'article du cômité: Il rëgafdë l'exception proposée comme nécëSsàirë pbur maintenir la liberté politique et ne pas divisé!* leë Français en deux classes, à l'une desquelles appartiendraient exclusivement les fonctions législatives. Il termine en disant:
L'exception proposée ne peut ni favoriser l'intrigue^ ni ouvrir là porte à là cofruption. Comment corrompre à la fois les trois quarts des électeurs? Comment intriguer qUand bs voix se forment au Scrutin ? Il Sera aussi utile que beau de voir la vertu recherchée dans l'obscurité, et les talents plus appréciés qué les richesses ; et si l'on jouit une fois seulement dans chaque siècle du spectacle d'un homme obscUr élevé par son seul mérite àu titre de représentant de la nation, c'en sera assez pour consoler ceux de sa classé et pour les empêcher de se croire Tlontëusement exclus du plus beau des titres.
Vous ne devez pas espérer qu'on développe de nouvelles idées sur un article qu'on vous a déjà présenté sept fois, ét queseptfois VOUS avez réjété; vous auriez pu épargner un temps que vous reconnaissez pour être précieux. Je sUis encore obligé de vous parler ici de mon malheureux cahier : il exprime qu'on doit chercher à envoyer des députés qui pUisseht répondre de la dette de l'Etat, et qui, par conséquent, possèdent des richesses ostensibles ët saisissables.
Il me semble qu'une très-grande partie des appréhensions qui se sont élevées disparaîtraient si elles étaient soumises à l'analyse. Je crois gue, dans une assemblée d'hdmrnes, on ne devrait pas concevoir tant dë Craintes et de défiances contre dës hommes.
D'àbord il y a erreur de lait dans les reproches parjèsquèls on attaqué; l'article du comité. On suppose qu'il établit qu'avec les deux tiers des voix Un jeune homme de 21 ans peut être élu i un seul coUp d'œii sur l'article précédëht mê dispense de m'occupër davantage de cette erreur. Et quand cet article aurait le sens qu'on lui attribue , quand il s'agirait d'agiter la question de
droit, il serait aifeê dè prouver que l'article ne devrait pas être rejeté ; je crois même qu'un bon esprit pourrait proposer d'y lusérér, par amen?» dément* ce qu'en craignait d'y voir, et ce que j'ai démontré qui ne s'y trouvait pas.
A Vltlgt et Un ans; sans doute, on Connaît; peu les hodîmeâ; On à peu d'expérience ; mais à cet âgé àussi on â urt grand avantage : c'est un cœur pur. Un ctieur pur est le plus heureux iuspirateur; c'est un cœur pur qui fait les grands hommes ; vcuâ eh voyez en Angleterre dans l'âge où l'on eBt à peihe homme; VdUs en V0yé£ dans les gouvernements pOpdlaire^ où i'on apprend à lire dans le code de la liberté. Il faut aimer, il faut rechercher dans les jeunes gens l'ignorance désintérêts qui corrompent là volonté des autres hommes.
Ce fait expliqué, il reste le marc d'argent. Cette condition exclut des citoyens qui n'ont pas de fortuhe, mais qui odt des talents et des vertus ; elle eXcilut les pères, de la vérité-, de là justice, de la liberté... Rousseau, S'il existait encore, ne pourrait jamais s'asseoir parmi VoUs; elle exclut des pasteurs respectables qui intiment à toutes les consciences des volontés pUreë ; elle exclut des propriétaires, je he dis pas des capitalistes, ces êtres parasites qui ne vivent qu'aux dépens de l'existence publique...
Je Veux parler d'une propriété plus grande, d'une propriété Sacrée : des artisans, propriétaires de capitaux, tjUi vous hourriéseilt, qui subVieû-nent â tOUs Vos besoins, soit.'réels, soit de convention, qui entretiennent uhe honnête famille avëë Un pain acheté par la sueur de tous les jours; ïtës artisans tiennent plus à leur pays que ces grands propriétaires que vous dites attachés à là terre qu'ils possèdent. Mais ces propriétaires, quand voient-ils leurs terres? Ils vivent loin d'elles,; ils Consomment dans les délices des villéS lé produit d'Une terre fécondée par d'autres maitlâ, ëtdbht la CUltUre est encouragée par d'att-tres regards. Le lieu qui renferme Ces possessions n'eét pas toujours pour eux la patrie. Leur patrie eét partout : ils vendent ces terres, ils en emportent le capital; partout ils peuvent en acquérir d'autres.
L'artisan, dont le talent est accommodé au goût d'un certain canton, ne peut transporter ce capital d'industrie; il reste, non-seulement datts sa ville, mâis datts son quartier, mais dans la maison entourée pàr ceux qui recourent à lui dans leurs besoins et qui fournissent à sa laborieuse activité; il a Vraiment une patrie; il y tient par dès rapports plus chers que les hommes d'une classe Où vOUs trouvez tant d'émigrants, tant de gens qui sont cependant, dites-vous, attachés à la terre..,.
Votre décret repoUsse les artisans, Cette éspèce d'hommes si utilës, si respectables, et vous tte voudriez pas accepter un article modérateur qui vous fournit encore de quof satisfaire la déliânce qu'ott montre à dès citoyens si dignes de tous les égards ! S'il était susceptible d'un amendement, ce serait dans Un sens opposé à celui qu'oh a présenté...
Ce discours, interrompu pàr quelques murmures, est applaudi par une grande partie de l'Assemblée.
Il est décidé qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Lanjuinais.
L'article est mis aux voix. L'épreuve par assis et debout paraît douteuse : on demande l'appel nominal.
Il résulte de cet appel que l'article est rejeté par 453 voix contre 443.
L'heure se tronvant avancée, l'affaire de ^bu-ton est remise à ce soir.
Le doyen de la Faculté de médecine de Parti vient présenter, à la tête d'une, députât,ion» une offre .patdoiique.de cette .compagnie, dont chaqiie membre, a, donné un louis et des boucles d'argent.
La séance est levée à quatre heures.
Séance du
On lit une adresse de la ville d'Essonjies, près de Château-Thierry, qui offre en don patriotique la eontribution des ci-devant privilégiés pour | es six derdiefs mois de l'année courante, montant à 1,337 livrés 18 sols 9 deniers.
L'Assemblée a volé des remeroîments à la ville d'Essonnes et a chargé M. le président de lui témoigner, par écrit sa satisfaction. -
M. Desessarts a offert un exemplaire de son ouvrage sur la police, et l'Assemblée lui a accordé séance à la barre,,
M. Legard, capitaine au bataillon du district des . Gapucitts-Saint'Honoré,, a réclamé contre l'oubli d'un don patriotique offert par son district dès la semaine dernière, et dont le procès-verbal navait point fait mention; cepOnconsiste en argenterie, bijoux, billets de la Caisse d'escompte, coupons de la compagnie des Indes, le tout évalué àtla somme de 10,161 livres. L'Assemblée, remerciant le district des Capucins-Saittt-Honoré, donne séance à M. Legard et ordonne que désormais on donnera chaque semaine régulièrement une lecture des dons patriotiques ; que la vente en sera faite par le sieur Guil lot, huissier del'âssemblée, seul, selon le décret du 6 octobre; que le procès-verbal de vente sera sur papier libre de timbre et de contrôle, et que l'emploi desdits dons sera imprimé.
On lit une lettre de M. Rieul de la Coste, procureur, du Roi de ia ville deDamazan en Condomois, par laquelle il,offre en don patriotique la financé de sa charge» avec offre de l'exercçr gratuitement comme il l'a fait jusqu'à ce jour, jusqu'à cë qu'il ait été définitivement statué sur cet objet, l'Assemblée a donné de grands applaudissements à la générosité de ce citoyen.
Un membre propose, de la part de 70 communautés d'Alèace, qu'il leur soit permis par décret de fàli*è Une coupe de bols de communes pour une valeur de 150,000 livres, dont elles se proposent de faire un don patriotique. L'Assemblée, sensiblé à l'intention des communautés, en témoigne sa satisfaction; mais elle juge convenable d'ajourner tette demande.
demande qu'on hâté l'impression du plan de finances présenté le 21 novembre par M. le baron de Cormeré, connu avantageusement par ses travaux.
L'Assemblée, désiraDt prouver le cas qu'elle fait de tous les citoyens zélés pour la chose
L ordre du jour appelle la discussion sur l'affaire de Toulon.
fait donner lecture d'une lettre du ministre de la marine qui prévient l'Assemblée qu'une insurrection est arrivée à Toulon, le 1er décembre. Il expose que par suite, le commandant du port, M. le comte d'Albert de Rioms et quatre officiers se trouvent détenus par la milice nationale. Il insiste sur la nécessité de rétablir promptement l'ordre dans cette place importante et pour le surplus des détails, il joint deux lettres à lui adressées par un officier résidant sur les lieux.
Copie de la lettre de M. le comte de la Luzerne, ministre de la marine, à M. le garde des sceaux, en date du 6 décembre.
Monseigneur, j'ai l'honneur de vous envoyer copie de la dépêche que m'a adressée M. le marquis de la Roque-Dourdan, capitaine de vaisseau, commandant maintenant la marine royale à Toulon, sur l'emprisonnement qui a eu lieu le 1er de ce mois, de M. le comte d'Albert de Rioms, l'un des officiers généraux les plus propres à commander nos armées navales dans une guerre future ; de M. le marquis deCastelet, chef d'escadre distingué et neveu ae feu M. le bailli de Suffren; ainsi que de deux autres capitaines de vaisseau, chefs ae division.
Les faits exposés par M. de la Roque-Dourdan parlent d'eux-mêmes, et je m'abstiens de toute réflexion.
Je me bornerai à vous rappeler qu'en ce moment vingt vaisseaux de ligne, plus du quart de nos forces, de nos munitions navales, et de nos approvisionnements en tout genre se trouvent rassemblés dans le port, dans l'arsenal; dans les magasins de Toulon. Il est aisâ de sentir quelles alarmes peut inspirer ce dépôt précieux à la France, et combien il est urgent de faire renaître dans la place de guerre qui le renferme le respect des lois, celui des chefs, l'ordre, la concorde et la tranquillité publique.
C'est par ces considérations, et par l'intérêt qu'ont les officiers de la marine royale à faire connaître la vérité, que je vous prie de vouloir bien adresser à l'Assemblée nationale, avant la séance de demain matin (ainsi qu'il a été arrêté au conseil d'Etat), la copie des dépêches de M. de la Roque-Dourdan, que je vous transmets. Je suis avec respect, etc.
Corne de la lettre de M. de la Roque-Dourdan à M. le comte de la Luzerne, en date du
Monseigneur, c'est avec le cœur navré et plein d'amertume, que j'ai l'honneur de vous rendre compte, de la part de M. le comte d'Albert,, de la sédition la plus cruelle qui soit jamais arrivée, et qui met dans la désolation tout le corps de la marine.
Le 30 au soir, le général sé, décida à renvoyer de l'arsenal deux maîtres d'équipage non-en tre-tenus, ayant depuis longtemps a se ^plaindre de leur conduite. Le 1er décembre, craignant quèl-ques mouvements dans le peuple, il avait donné l'ordre de tenir toutes les troupes de la marine armées, prêtes à marcher. A 7 h. 1/2 du ma-
tin, il entra dans l'arsenal. A 7 h. 3/4 il ordonna qu'il n'y eût plus que 50 hommes prêts à marcher; à 8 h. 1/2, il rentra dans 1'arsenaL A9 heures, on lui annonça qu'il y avait une députation du conseil permanent à la porte de l'arsenal. Il envoya M. Paquier, lieutenant de port, pour les engager d'entrer. Le peuple s'y opposa. Cet officier vint en rendre compte au général. En même temps M. de Martignan, lieutenant de vaisseau, eut ordre d'aller dans la caserne de la marine, pour que.les troupes ordonnées fussent prêtes à marcher, et il envoya dire à ces messieurs qu'il allait se rendre à son hôtel, pour y recevoir la députation.;
Sur-le-champ les officiers de la marine et des directions, qui étaient dans le port, l'accompagnèrent, et trouvèrent à la porte MM. les députés, entourés d'un peuple étonnant, qui les suivit avec des huées et des menaces. Heureusement alors que M. Roubaud, consul, ayant 'déjà aperçu cette effervescence, précipita le pas pour joindre le général, et un officier de la milice nationale fit sonner la trompette pojir annoncer M. le consul, ce qui fit diversion et*donna le moyen de se rendre,a l'hôtel. Dès qu'il v furent rendus, ces messieurs réclamèrent la grâce des deux maîtres renvoyés du port, promettant qu'à cette condition tout rentrerait dans la tranquillité.
Le général lit observer le danger d'une pareille grâce, et, ne se rendant pas tout de suite, M. Bar-ihélemi, membre du conseil permanent, prit M. le consul par le bras et lui dit : « Monsieur, retirons-nous, allonè sauver la ville qui est en danger; dans ce moment-ci je change de caractère. » Mais M. Roubaud préféra d'insister, et obtint la grâce de ces hommes, qu'il fit publier aussitôt dans la ville. En même temps le général -donna ordre de faire rentrer cinquante cano-niers sous les armes au champ de bataille.
M. de Broves, major de vaisseau, qui*les commandait, avait été insulté. On avait mis la main sur son épée, mais il s'en était rendu maître. Il avait ordonné au même moment à sa troupe de porter les armes. Le premier rang les porta ; mais ' une grande partie des autres se posa sur ses armes. Dès lors il fut accusé par le peuple d'avoir fait le commandement de faire feu, ce qui n'était pas ; mais mal accueilli par la populace, il rentra avec peine dans l'hôtel du commandant.
M. de Vilaron, sous-aide major de la sixième escadre, reçut ordre du général de se rendre à l'hôtel de ville, pour réclamer la loi martiale. M. le consul répondit qu'il ne le pouvait pas, et il envoya en même temps et successivement des compagnies de la milice nationale, qui entourèrent l'hôtel; cé qui n'empêcha pas M. de Bonne-val de recevoir un coup de sabre à la tête et à la main, et plusieurs officiers d'être blessés par la quantité de pierres qu'on leur jetait.
Au refus de la loi martiale, le général avait fait venir, pour la sûreté de l'hôtel, un piquet de cinquante nommes du régiment de Barrois. Le major de la milice nationale lui observa que c'était inutile et même dangereux ; qu'il répondait dë'sa sûreté.
Le général se décida à les renvoyer. M. de Saint-Julien, major de vaisseau, porteur d'un ordre du général, fut attaqué et eut son épée câssée dans le fourreau. Il fut chercher une autre arme, et voulant se rendre à l'hôtel-du commandant, il fut attaqué de nouveau, et n'eut que le temps de se rallier aux soldats de la marine assemblés pour -la garde du port, en leur disant : J'espère que vous ne laisserez pas assassiner un officier à voire tête.
Ils l'assurèrent qu'il n'avait rien à craindre, et néanmoins dans le même moment il fut assailli par la populace, sans que cette troupe fît aucun mouvement pour le secourir, et il allait être assassiné sans le secours de MM. Donde et Va-quier, officiers de la milice nationale, qui l'ont traîné à l'hôtel dans l'état le plus déplorable. Dans ce temps eritique, M. le comte d'Albert était sorti, accompagné d'une trentaine d'officiers, pour le secourir, et ils rentrèrent tout de suite. Le cri du peuplé contre cet officier est de l'accuser d'avoir blessé à la main un garde national avec son épée. Il donne sa parole d'honneur qu'il ne s'en est pas servi. Depuis ce moment jusqu'à 2 heures après-midi, il y eut assez de tranquillité pour permettre à quelques officiers de la marine de sortir de l'hôtel pour quelques instants. Dès qu'ils se présentèrent pour rentrer, la garde nationale leur refusa la porte, et il n'y en eut qu'un petit nombre qui put rentrer. Vers les trois heures, M. de Broves fut demandé par le major de la milice nationale, pour le conduire au palais, avec promesse de n'être pas maltraité. Cet officier, qui était sûr de n'avoir pas fait le commandement qu'on lui imputait, se livra généreusement. Alors arriva une dêputation du conseil permanent, accompagnée de M. de Garpillet, commandant la garnison, qui annonça que le peuple était satis fait, qu'on allait faire rentrer les troupes nationales, à la réserve d'une garde de cinquante hommes que le général accepta, en demandant qu'il y fût joint un détachement de pareil nombre du second bataillon de Barrois à ses ordres. Alors ces messieurs dirent qu'ils avaient besoin du conseil permanent, et qu'ils se flattaient de l'obtenir; mais la milice nationale s'y opposa. Le major fit battre un ban devant chaque compagnie, pour engager les troupes à prendre l'hôtel et les officiers qui s'y trouvaient sous leur sauvegarde. On n'en obtint que des murmures, l'anarchie fut complète, et l'hôtel fut forcé par la milice nationale, qui, entrant en foule, se saisit successivement de M. le comte d'Albert, de M. le marquis de Caste-let, de MM. de Bonueval et de Villages, qu'ils conduisirent au Palais, où chacun de ces messieurs fut mis séparément dans un cachot; mais le consul les en fit sortir dès qu'il fut instruit, et les fit passer ensemble dans une chambre. On chercha longtemps M. Gauthier dans l'hôtel, pour le conduire également dans les prisons du Palais, et les recherches furent vaines. Il eut le bonheur d'échapper à'leur projet.
Il me [serait impossible, Monseigneur, de vous rendre la situation actuelle du corps de la marine; j'entreprendrais vainement de vous en faire le tableau; cependant l'ordre est rétabli dans l'arsenal. Nous sommes au moment de recevoir la réponse de M. le comte de Garaman, à qui un courrier a été expédié. Nous nous flattons tous que vous daignerez prendre les mesures les plus efficaces pour rendre la liberté à nos malheureux généraux, à MM. de Bonneval, de Villages et de Broves.
Je suis, etc. Signé : La Roque-Dourdan.
Je demande qu'il soit fait droit à cette plainte sans aucun délai.
, membre du comité des rapports, observe' qu'il est arrivé depuis quelques jours une dêputation de la commune de Toulon ; que les membres qui composent cette députalion, étant partis de cette ville sur la fin de novembre, ne sont pas instruits des faits mentionnés dans la
lettre de M. le garde des sceaux et dans les pièces qui y sont jointes ; que l'objet de leur mission est relatif à des objets qui paraissent avoir une grande connexïté avec la dernière insurrection de Toulon et qui semblent en être la source.
Mais comme les députés de Toulon n'ont remis leurs pièces que dans le jour, il a été impossible au comité d'en prendre connaissance; en conséquence, il demande que les pièces jointes à la lettre de M. le garde des sceaux relative à l'insurrection du 1er décembre, soient remises au comité des rapports, qui les comparera avec celles dont la dêputation est chargée relativement aux faits antérieurs qui se sont passés dans la même ville, les 17 et 18 novembre, afin qu'il puisse rapprocher les circonstances, juger de la corrélation des faits, et en rendre compte à l'Assemblée, qui, sans ce rapprochement, ne peut être mise dans le cas de prendre un parti.
Les deux affaires sont très-distinctes et l'une ne peut être la suite de l'autre ainsi que tendrait à le faire supposer le comité des rapports. La dernière n'a pris sa source que dans le renvoi de deux ouvriers de l'arsenal par M. d'Albert; ces ouvriers ont ameuté le peuple, c'est l'insubordination qui est la cause de la détention de ces messieurs. Si vous voulez qu'il y ait des lois, que la liberté éxiste, qu'il y ait un gouvernement, il faut porter un prompt remède a la chose. J'assure qu'il n'y a point de tort de la part du commandant de Toulon ; c'est un officier qui a toujours bien mérité de la patrie, qui a fait.ses preuves de patriotisme et d'amour de la liberté, en aidant les Américains à la -conquérir.
Je commence par rendre justice au mérite militaire de M. d'Albert, mais je dois en même temps faire remarquer à l'Assemblée que cette question mérite examen et doit être ajournée parce qu'avant de prononcer lës deux parties doivent être entendues.
Plusieurs membres réclament la lecture des pièces.
, au nom du comité des rapports, rend compte des pièces apportées par les députés de la commune de Toulon.
Il résulte de la teneur de ces pièces, les faits principaux qui suivent:
M. d'Orville, officier au régiment de Dauphiné-infanterie, s'étant présenté à la porte de la ville de Toulon vêtu en chasseur et ayant à son chapeau une cocarde noire d'une grandeur remarquable, et au milieu de laquelle était une très-petite cocarde de ruban bleu et rouge, la sentinelle de la garde nationale de Toulon l'arrêta, et lui demanda par quelle raison il semblait éclipser le signe national à l'ombre d'une extrêmement grande cocarde d'une couleur qu'il savait être en horreur à la nation, surtout après les nouveaux événements de Versailles.
L'officier répondit en couchant en joue la sentinelle ; les autres soldats nationaux, étant sortis du corps de garde, allèrent à la rencontre de l'officier, qui, se remettant dans la même attitude, leur cria de loin : *t N'approchez pas ou sinon... » La phrase ne fut pas achevée.
Ayant été-rendu compte de ce fait au commandant de la garde nationale et du régiment du Dauphiné, M. d'Orville fut mis au fort de la Mal-gue : ir y est resté peu de temps, sa grâce lui
ayant été accordée à la sollicitation de la garde nationale elle-même.
Quelques jours après, les baskofficiers de quelques divisions du corps de la marine portèrent au consul de Toulon une déclaration par laquelle, après avoir protesté de leur attachement et de leur soumission à la Iqi, à la nation et au Roi, ils jurent de s'opposer à toutes les insultes qui pourraient être faites à leurs chefs de terre ou de mer.
Le consul lit part de cette démarche à M, d'Albert de Rioms, commandant pour le Roi de la marine de Toulon, qui y répondit en annonçant des vues de conciliation, qu il désirait voir régner la paix entre les troupes de terre et celles de mer. Il ajoute que le signe national ne doit pas brouiller les citoyens entre eux ; qu'il ne paraît pas que l'on doive dans ce moment y ajouter une si grande importance; que dans la chaleur de la révolution il n'eût pas été prudent d'empêcher les citoyens de le porter ; mais que, le calœe renaissant, cela paraît fort indifférent,
M. le consul pense qu'il était prudent de ne pas rendre compte à la garde nationale de la déclaration des bas-officiers de la marine, non plus que de sa correspondance avec M. d'Albert-
Mais la garde nationale» ayant su d'ailleurs le contenu de la déclaration des bas-officiers de la marine, en conféra avec M, le consul, qui se détermina à leur communiquer sa correspondance avec M. d'Albert,
Il fut alors arrêté que le consul se rendrait en dêputation, avec un grand nombre de volontaires de la garde nationale, auprès de M, d'Albert de Rioms.
Cette dêputation s'y étant rendue, M. d'Albert témoigna à M. le consul son étonnement de voir à sa suite des gens qu'il dit être de la lie du peuple. Le consul répondit que ces volontaires étaient des citoyens estimables, et qu'ils étaient honorés de la qualité de députés dans cette circonstance.
L'objet de la dêputation était d'engager M. d'Albert à faire rendre satisfaction à la garde nationale de ce que la déclaration des bas-officiers de la marine avait d'injurieux, ou que du moins le sens en fût clairement expliqué.
Les choses n'ayant pu se concilier, il fut arrêté le 9 novembre, par la garde nationale, par le comité permanent et par la municipalité de Toulon, qu'il serait envoyé a l'Assemblée nationale une dêputation de trois personnes chargées d'exposer leurs griefs contre M. d'Albert,
Ils se plaignent entre autres faits de ce que M. d'Albert a vpulu empêcher les travailleurs du port de Toulon de porter la cocarde nationale, de ce qu'il a autorisé les bas-officiers à manquer à la garde nationale, et de ce qu'enfin il lui a manqué lui-même en traitant les volontaires de la garde nationale de gens de la lie du peuple.
conclut en persistant à demander l'ajournement qu'il a d'abord proposé.
J'ai servi sous les ordres de M. d'Albert de Rioms et je puis attester hautement et sa valeur et sa prudence. La détention arbitraire de braves militaires qui n'ont fait que leur devoir est une atrocité que vous ne pouvez tolérer un seul instant, aussi je conclus à ce que le président se retire par devers le Roi pour le prier d'informer contre les auteurs d'un acte aussi coupable afin qu'ils soient punis suivant la rigueur des lois.
, député de Toulon. Il n'est ni de la justice, ni de la sagesse de l'Assemblée de prononcer sur des faits sur lesquels ni les officiers détenus, ni le conseil municipal, ni le comité permanent, ni la garde nationale, ni le peuple, ne se sont fait entendre. Je demande l'ajournement jusqu'à l'arrivée du procès-verbal de la municipalité,
Comme frère de l'un des officiers détenus, je viens vous demander de faire prompte justice et de rendre sans retard à la liberté des militaires contre lesquels on n'a produit aucune charge, Je demande, afin d'éviter le retour d'aetes aussi coupables, que, par un décret, vous improuviez la conduite de la munici-r palité et de. la garde nationale de Toulon.
, Le rapport du mi-» nistre ne dit pas les faits antérieurs à la détention des officiers et qui cependant doivent avoir une liaison essentielle. Ce sont des circonstances bien singulières que les'disputes sur la cocarde nationale soient les mêmes et à la même époque* à Paris, à Versailles, à Marseille, à Toulon et dans d'autres villes frontières, Le projet d'arbor rer la cocarde noire était donc concerté et annonçait de tous côtés (une contre-révolution. Une cocarde est sans doute peu de chose en elle-r même ; mais elle devient un ornement respectable, dès qu'il est adopté comme le signai de la liberté, Je pense qu'il est nécessaire d'attendre de nouveaux écclaircissements et qu'il faut se défie? des ennemis du bien publia qui ne sont pas encore terrassés, Sans entendre juger prématurément M, d'Albert, dont j'honore le courage et les services, je pense qu'il ne faut pas condamner les; citoyens de Toulon sans les entendre*
(IV, Messieurs, après les détails que vous venez d entendre, nous sommes tous fondés à nous demander ce qu'est devenu le gouvernement, l'autorité des lois, et sur quels foq?-dements repose la liberté publique; qui cgtpr mande enfin dans cet empire.
Certes, il est temps que l'on sache à qui l'on * doit obéir, et qui est-ce qui a le droit d'ordonner, quelle est l'autorité qui nous protège, quels sont ses moyens, quelles sont les forces qui nous défendent, quelles sont celles qui nous menacent.
Deux officiers généraux, commandants à Toulon, les principaux officiers de ce département sont traînés dans des cachots par des citoyens armés, en présence d'une nombreuse garnison,.. Quelle peut être l'issue de cette subversion de toutes les lois, de tous les droits, de tous les principes ? Quel est donc? le crime du comte d'Albert et de l'état-?major de la marine? Comment se fait-cil qu'un homme qui a vieilli glorieusement dans les armes, qui n'est inférieur à aucun citoyen par son patriotisme, par l'éiévation et la générosité de son caractère mais qui a sur beaucoup d'autres l'avantage et l'éclat de ses longs services ; eomçaent se fait-il qu'un tel homme et les officiers distingués qui sont sous ses ordres, soient traînés dans un cachot?
Quelles sont les mains criminelles qui ont osé se porter sur le représentant du Roi, sur
les honorables défenseurs de la patrie? Quelle violence de leur part, quel crime public a pu
motiver cet
Les motifs de cette insurrection, Messieurs, les voici. Le commandant chasse de l'argenal des maîtres d'équipage insubordonnés; il veut main" tenir une police exacte parmi les ouvriers ; il veut préserver de toute atteinte le dépôt des forces navales qui lui est confié; et les ennemis, les coupables ennemis de la nation, persuadent aux ouvriers que c'est à eux à faire la loi ; que tout acte d'autorité est désormais une injustice ; que toute discipline est une insulte aux droits du peuple; que tout homme constitué en dignité ne peut avoir n; autorité ni dignité ; que la liberté, enfin, est le droit de tout oser : et voilà le peuple, si facile à séduite, à tromper, qui ignore que toupies désordres, tous les maux de l'anarchie finissent par retomber sur sa tête ; qu'il ne peut être un instant tyran, sans devenir bientôt esclave; voilà le peuple en fureur, et le commandant traîné au cachot. Eh t Messieurs, j'y serais dans cet instant avec lui, si j'étais à Toulon, ou les coupables seraient déjà punis. M. d'Albert n'a pas plus mérité que moi ces indignes traitements; et comme lui j'aurais Ghassé de l'arsenal ceux qui pouvaient en compromettre la sûreté.
Mais je suppose qàe le commandant, le directeur général, le major général, le chevalier de Villages, je comte de Proves, que je connais tous pour des hommes pleins d'honneur et de zèle pour la patrie ; je suppose que ce que je n'ai jamais vude leur part fût arrivé à Toulon ; qu'une injPStice atroce, une violence criminelle eût été commise envers des citoyens f ehàbien ! Messieurs, ce serait encore un attentat inouï, un outrage aux lqis. à la paix, à la liberté publique» que d'avoir douté de votre justice, d'avoir puni sans mission, sans tribunal, là violence par la violence, d'avoir ému lg peuplé, et de l'avoir constitué juge de ses chefs.
Peuple sensible et bon, combien de ppirçeurs, de calomnies, de bruits faux et alarmants sont employés pour l'égarer, pour altérer son caractère 1
Je suppose que les ouvriers de l'arsenal aient de justes griefs contre les officiers de la marine.
N'êtes-vous pas effrayés, Messieurs, de ces actes, de ces principes de dissolution de toute soçiété? Quoi 1 parce qu'un homme et plusieurs sont offensés, ils pourraient s'assembler, s'arme? et se venger I Les corporations et les milices viendraient impunément, malgré leurs officiers, malgré leurs magistrats, viendraient fondre dans la inaison d'un commandant, l'attaquer, l'insulter, l'arracher ^ ses foyers, lg traîner en prison, Eh qpi youdrait être JPge, administrateur, chef d'une telle société? Elle ne trouverait que des tyrans, elle se précipiterait elle^péme dans les bras des tyrans, et le fer et le feu deviendraient les seules relations des différentes classes de citoyens. Et vous-mêmes, Messieurs, vous, les représentants de la nation, quel sort vous attend, si partout où les factieux peuvent pénétrer, leurs attentats sont impunis; si les injures particulières acquièrent toute l'énergie, toute la puissance des intérêts publics; si la liberté des actions des
écrits, des paroles, ne consiste que dans la fureur; si les promoteurs de séditions, les audacieux libellistes, qui outragent autant l'Assemblée par leurs éloges que par leurs calomnies, sont plus longtemps tolérés? Si cette coupable cohorte des ennemis publics n'est bientôt réprimée, craignez, Messieurs, que les violences faites à l'administration ne se répètent Sur la législation, craignez que tant d'atteintes portées à l'ordre public n'en détruisent les éléments, ou plutôt, Messieurs, bannissons toute crainte, et que le courage de l'honneur, de la yertii du patriotisme, qui s'est manifesté tant de fois dans cette Assemblée, devienne enfin redoutable aux méchants ! Que l'ordre et la paix se rétablissent dans cet empire par la toute puissance des lois ! Qu'elles frappent enfin sur les têtes coupables ) Que le peuple, tranquille dans ses foyers, ne sépare plus la liberté de la justice ; qu'il apprenne à respecter les chefs, à obéir à leurs commandements, et à se reposer sur ses représentants du soin de la chose publique. Que toute audace se taise ou soit punie) Que les mouvements populaires se calment, ou qu'ils soient réprimés ! Que le pouvoir exécutif reprenne son action et sa vigueur 1 Qu'il existé par vos soins une autorité protectrice de la liberté et de la sûreté de tous 1
Croyez, Messieurs, qu'il n'y a ni administrateur, ni officier public qui puissent remplir leurs devoirs et se mêler dé gouvernement, tant crue les faux principes auront plus d'autorité que les saines maximes de la raison et de la justice, tant que chaque partie du peuple se croira la nation, et autorisée comme elle à exercer la souveraineté, qu'elle ne peut exercer elle-même que par représentants; et cette liberté qui nous est si chère n'existera que lorsqu'il y aura un gou* vernement: car la liberté des outrages et des violences de toute espèce est une affreuse servi-? tude qui avilit, qui corrompt tout ce que nous voulons régénérer.
Eh ! quelle erreur, quelle ivresse pourrait nous empêcher aujourd'hui d'avoir un gouvernement respecté? Qu'attendons«noug pour rendre au Roi le pouvoir qui lui appartient? Quel siècle, quel pays nous présente un monarque plus ami de la justice, de l'ordre et de la liberté! Quels ministres voulez-vous plus dociles que ceux-ci à la direction du Corps législatif, et quelle autre précaution désirez-vous contre les abus du pouvoir, que celle de la nation armée qontre tous les abus? Arrêtons*nous donc enfin à un terme raisonnable ; que l'expérience de tous les siècles, que l'exemple de tant d'empires renversés par l'anarchië, ne nous donnent pas de leçons inutiles : la législation est maintenant entre vps mains armée de toute sa puissance. Que le trône reprenne aussi sa véritable splendeur.
Que le roi des Français soit véritablement un grand monarque digne de (oui notre apapur; qu'il soit respecté et obéi pour notre sûreté; que la confiance renaisse parmi nous quand la force est au milieu de nous ; que les municipalités fléchissent avec respect sous le pouvoir législatif et sous l'autorité royale. Si uqus ue R°U§ bâtons, Messieurs, de prendre ces mesures, nous n'aurons embrassés que l'ombre de la liberté ; noUs aurons tous les malheurs, tous les désordres de la licence; et la postérité nous reprochera les siens et ceux de la génération présente.
Je conclus à ce que le Roi soit supplié de procurer au comte d Albert et aux ofhciers de la marine arrêtés la plus prompte justice des outrages qu'ils ont reçue; et, pour lè maintien de
l'ordre public et de la sûreté de l'administration; je propose le décret suivant :
PROJET DE DÉCRET
I
Le pouvoir exécutif suprême étant, par la constitution, déposé entre les mains du Roi, ceuxaux-quels Sa Majesté confie son autorité, n'en sont responsables qu'au Corps législatif et au monarque.
II
Il est défendu à toutes les municipalités, et aux différents corps de citoyens armés, d'intervenir dans aucun cas, autrement que par une requête o» pétition au Roi et au Corps législatif, dans les actes de l'administration royale qu'ils ne peuvent ni suspendre, ni troubler, sous peine, contre les infracteurs, d'être punis comme perturbateurs du repos public.
III
Toute insurrection à main armée contre les officiers, commandants ou administrateurs préposés par le Roi, sera punie suivant la rigueur des ordonnances.
IV
Il est enjoint auxdits commandants et administrateurs, de maintenir, de la part de leurs subordonnés, l'obéissance qui leur est due, et de faire exécuter les ordonnances militaires et règlements d'administration concernant la disci-|iine et la police des corps et des individus soumis à leur autorité.
On vous a dit qu'il y avait à Toulon une insurrection véritable. Il s'agit de savoir quel en est le caractère et s'il ne s'agit pas d'une résistance légitime à l'oppression. J'appuie donc l'ajournement qui vous a été proposé.
Je pense que toutes les opinions peuvent être conciliées et que l'Assemblée peut prononcer l'ajournement en ordonnant l'élargissement provisoire.
Si l'Assemblée adopte cette motion, je demande que le mot provisoire en soit supprimé et qu'après le mot détenus, on ajoute celui d'illégalement.
La motion de M. Malouet doit avoir la priorité et je demande à l'appuyer. (Voy. annexée à la séance, Vopinion de M. le vicomte de Mirabeau.)
Plusieurs voix : L'heure est avancée, aux Voix, aux voix !
consulte l'Assemblée qui ferme la discussion.
Les amendements sont successivement mis aux voix et écartés par la question préalable.
Plusieurs membres veulent encore parler, mais l'Assemblée demande à aller aux voix avec tant
d'instance et de vivacité que toute difficulté cesse et le projet suivant est ratifié.
« L'Assemblée nationale charge le comité des rapports de prendre les instructions les plus précises sur tous les événements qui ont eu lieu dans la ville de Toulon et ajourne la délibération jusqu'au moment où les instructions seront acquises ; et cependant son président se retirera vers le Roi pour demander à Sa Majesté qu'elle donne les ordres nécessaires pour que les officiers détenus soient mis en liberté sous la sauvegarde de la loi ».
lève la séance, et l'ajourne à demain matin neuf heures.
(1). J'ai dit, Messieurs, que je regardais, non-seulement les auteurs et les instigateurs de l'émeute populaire qui a eu lieu à Toulon le 30 novembre, mais encore ceux qui, pouvant s'y opposer, ne l'ont pas fait, comme perturbateurs de l'ordre public et criminel à la fois, de lèse-nation et de lèse-majesté ; j'ai offert d'en administrer les preuves, et je les tirerai du procès-verbal même qu'ils ont rédigé et dont on nous a fait la lecture ; j'ai dit que le mémoire fait par les trois députés de Toulon, qui sert de commentaire aux pièces justificatives, et qu'on vient de vous présenter, était un libelle, e il suffit, pour s'en convaincre, de le comparer avec les lettres et procès-verbaux, la manière dont il altère et dénature les faits qui paraissent aux auteurs contraires à leur objet ; les qualifications qu'il donne aux expressions simples et mesurées des lettres de M. d'Albert, le rapprochement de deux événements absolument distincts et étrangers l'un à l'autre, l'espèce de diatribe indécente qu'on s'y est permis contre l'honneur et l'esprit militaire ; tout a dû vous convaincre de la justesse de la qualification que je donne à cette étrange production.
Je n'ajouterai rien à ce que les préopinants ont dit des services éclatants, des vertus et
du mérite
On vous a dit, Messieurs que le siècle était passé où les belles actions tenaient lieu des bonnes. M. d'Albert n'est assurément pas dans ce cas : il a fait de belles et bonnes actions (et en grand nombre), mais il n'en a jamais fait une mauvaise, je détie son plus acharné détracteur d'en articuler une seule ; et j'avoue qu'un rapprochement bien cruel s'est fait dans mon imagination au moment où j'ai reçu l'affligeante nouvelle de sa détention : Eh quoi ! me suis-je dit, dans la même province où on lapidait, il y a un an, un prélat septuagénaire, frère du héros de nos jours qui fait le plus d'honneur à sa patrie, du valeureux bailli de Suffren, on jette dans un cachot aujourd'hui, son ami, son compagnon d'armes, son émule en vertus et en exploits ! Cette réflexion, cruelle pour tout bon citoyen, doit l'être davantage pour un de leurs compatriotes; les regrets de ce peuple trompé expieront bientôt ses erreurs, mais effacera-t-on de nos annales ces traits qui sont des matériaux trop nécessaires' pour l'histoire du siècle et pour celle des hommes de tous les temps ?
Revenons à l'-objetde notre discussion; veuillez, Messieurs, vous rappeler tous les faits dont on a mis successivement le narré sous vos yeux :1e premier est un événement absolument étranger a M. d'Albert, à la marine et à la dernière émeute ; un officier d'infanterie se présente à une porte, sans uniforme, armé d'un fusil de chasse; il porte une cocarde noire, sur les dimensions de laquelle en a fort insisté, en oubliant toutefois de faire mention d'une petite qui y était jointe et qui était nuancée des couleurs que la nation a paru adopter ; c'est un fait constaté par le procès-verbal. Un volontaire qui n'avait, qui ne pouvait avoir la consigne de vérifier si chaque passant était porteur d'une cocarde, l'arrête, le menace : l'officier, jeune et vif, a le tort, peut-être bien pardonnable, d'oublier que la qualité de sentinelle est Ja sauvegarde de celui qui l'insulte; il repousse la menace par la même arme; son camarade, qui est à deux pas, intervient; il demande et obtient la liberté du jeune chasseur, qui cependant est mis en prison a la suite de cette affaire, par ordre du commandant de la province. Cette aventure, bien simple, et qui s'est terminée même d'une manière fort honorable pour la milice nationale de Toulon (car la grâce de l'officier a été demandée par elle), a été liée dans le libelle qui vous a été présenté avec la dernière affaire. On vousaditque M. d'Albert dé Riom avait tenu des propos injurieux à cette cocarde à laquelle on -a attaché l'idée de liberté qui a opéré la révolution actuelle; aucune partie des procès-verbaux ne constate ces propos. On trouve dans une des lettres de M. d'Albert des réflexions infiniment sages sur cet objet. On s'est plu à les changer, à les interpréter et à les dénaturer. Veuillez vous les rappeler : « Ce signe (la cocarde), dit M. d*'Albert, n'appartenait autrefois qu'aux seuls militaires ; un moment d'effervescence l'a fait-adopter indistinctement par tous les citoyens ; mais ce moment passé, il me semble, ajoute-t-il , qu'il est inutile et peut-être dangereux d'établir à cet égard une inquisition gênante.» Je
ne vois dans cette opinion que celle d'un ami de la paix, de l'ordre et de la liberté ; et on a beau vouloir établir une connexité entre la cocarde portée par un officier d'infanterie à Toulon, et celle qu'on a proscrite à Paris et à Versailles, chercher à alarmer les esprits inquiets sur une combinaison dont personne n'a les données, sur le fil d'une conspiration dont on nous effraye sans cesse, sans preuve et même sans probabilité; nous répéter sans cesse les mots d'aristocrate et d'aristocratie sans les entendre (1) ; je ne verrai dans la conduite de M. d'Albert que celle d'un homme irréprochable et digne de notre estime ; dans sa lettre, que. les expressions honnêtes et mesurées d'un homme en place, qui désire maîtriser les événements par sa prudence. Sa conduite, relative à la demande faite aux consuls par les canonniers matelots de deux divisions de la marine, est marquée au même coin, celui de la prudence et de la sagesse ; il s'assure de l'approbation des consuls avant de donner la sienne, et ce n'est que sur la lettre de M* Roubaud, qui leur donne des éloges, qu'il se permet d'approuver leur démarche ; mais dès ce moment il ne veut, ni ne doit revenir sur ce qu'il a fait.
Poursuivons : je me surprends trop souvent à m'interrompre pour rendre la justice due à
l'innocence opprimée. Deux maîtres d'équipage sont renvoyés de l'arsenal, justement sans
doute, puisque ceux mêmes qui se sont adressés au général n'ont imploré que sa clémence et
non sa justice. Une députation se rend à l'arsenal, accompagnée d'un peuple nombreux et
ameuté. M. d'Albert, qu'on avait averti de cette effervescence, qui malheureusement est
presque toujours calculée et prévue, avait donné ordre que les troupes de la marine fussent
prêtes à marcher. C'était encore un acte de prudence, et comme il devait prévoir qu'il
serait requis par les officiers municipaux de déployer la force militaire pour arrêter le
désordre, plus dangereux dans une ville de guerre et aux portes d'un arsenal que partout
ailleurs, la précaution de maintenir ses troupes dans leur caserne était celle d'un homme
sage ; dès qu'il crut ce tumulte apaisé, il changea ses premiers ordres, et cinquante hommes
seulement restèrent sous les armes. Ce sont ceux qui, commandés par M. de Broves insulté,
portèrent les armes sur son commandement; on vous a dit, Messieurs, relativement à cet
épisode particulier, mais que l'on a cousu à l'événement général, parce qu'il fallait
charger les circonstances et aggraver' celles qui paraissaient à la charge des officiers ;
on vous a dit que lorsqu'on commandait à une troupe de porter ses armes et que cè n'était
pas pour rendre un honneur, ce ne pouvait être qu'avec une intention hostile ; s'il est
permis à quelqu'un qui sert depuis 20 ans dans l'infanterie de contredire une pareille
assertion, avancée par un militaire, je lui dirai que, quelque mouvement qu'on veuille faire
faire à une troupe, il faut préalablement lui faire porter les armes quand elle est reposée
dessus, et que si l'on veut jeter les yeux sur le procès-verbal, on verra que M. de Broves
voulait se transporter à l'hôtel de la marine avec sa
« L'Assemblée nationale, considérant que, si la liberté affermit les empires, la licence les détruit, principe qu'elle a déjà consacré dans le préambule de la loi martiale ; ouï le rapport de l'événement affreux qui a eu lieu à Toulon le 30 novembre ; désapprouvant la conduite tenue par les officiers municipaux et de la garde nationale de cette ville; déclarant l'emprisonnement des officiers généraux et supérieurs de la marine illégal, leur détention injuste; ordonne l'élargissement desdits officiers; leur réserve toute action contre les officiers municipaux et de la milice bourgeoise, qui resteront suspendus de leurs fonctions; et pour conserver ses principes a décrété et décrété, etc. »
Les dispositions de mon projet de décret étaient conformes à peu près à celle de M. de Malouet ; mais je m'en suis référé aux siennes, ayant beaucoup plus de confiance dans les lumières de cet excellent citoyen, dont f estime la probité et respecte les talents, que dans mon inexpérience et mon peu d'habitude à traiter de pareilles matières.
Nota. Un courrier, arrivé aujourd'hui de Toulon, nous a appris entre autres suites des précédentes horreurs, que le père de M. d'Albert, âgé de 83 ans, s'étant présenté aux geôliers de son fils pour obtenir la permission de le voir, ils lui répondirent : « Vieillard, vous êtes bien âgé ; mais votre fils est plus vieux que vous; » Gon-naissez-vous, Messieurs, un pareil raffinement de barbarie ?
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal des
Aucun des procès-Verbauft antérieurs ne nous fournit pareille indication! j'en demande le retranchement parce qu'elle est une injure au Corps législatif dont la majorité plus ou moins grande doit toujours faire loi»
il est de l'intérêt dë la nàtioûët dés législatures suivantes de connaître lë "point fixé de la valeur d'un décret ; il y a donc avantagé â consigner au procès-verbal lé chiffré dës voix qui se prononcent dans un sens ou dàns un àulré.
ôdhSUlte l'Assemblée qui décidé qu'il n'y a pas lieu â délibérer sur là question soulevée par M. de Volney et prononcé la suppression de la partie du procès-verbal attaquée par M» Martinëau.
, Vun de MM. les Mcrétaiteè du comité des finances, demande que le Comité g dit autorisé à faire imprimer deux rapports concernant : 1° les dépenses du département de la maHnë; 2° les dépenses des coloniest ( Voyez ces deux documents annexés à la séance.)
L'Assemblée décide que les rapports seront imprimés*
Un membre critique la manière employée jus*-qu'à ce jour pour recueillir les voix à l'appel nominal \ après avoir fait apercevoir lesinçonvé* nients de cette méthode) il fait la motibn suivante :
« Attendu que, dans la manière usitée de recueillir les voix à l'appel nominal, il existe des différences inévitables entre les résultats des secrétaires, d'où suit poUr les résultats une Sorte d'incertitude qui pourrait, en certains cas, rendre un appel indécis et nul, à demandé :
« Qu'il soit dorénavant procédé à l'appel par liste de nems des membres, dont chaque secré* taire aura un exemplaire sur lequel il notera le oui ou le non, de manière que par la confrontation de ces listes, l'on puisse reconnaître où se trouvent les différences* et, par là, obtenir le moyen de les redresser. »
Gette motion est ajournée.
On lit ensuite plusieurs adresses de différentes villes ou provinces du royaume^ exprimant leur adhésion aux décrets de l'Assemblée et dont la teneur suit i
Adresse de félicitations, remercîments et ad1-hésion dë la ville, de 4Vatan en Berry, et de quinze communautés voisines j elles demandent l'établisemenf d'un siège royal dans ladite ville.
Adresse du même genre de la ville d'Yvetot en Normandie; elle déclare renqncër expressément à fbùs les privilèges dont jouissait, de temps immémorial, Sa pfiiicipaUté. Elle demande la création d'un bailliage royal en remplàcement de sa justice seigneuriale.
Délibération du mômë genrë de ville de Cannes eh Languedoc • elle ciemahdé unë justice royale.
AdrëSSe aU même gënrë dU comité permanent dè là Ville de LUzë j, ilt formé aes voeux pour qU'ellé devienne le chef-liëU d'uh district et le siegè d'un bailliàgë royal; il annonce,qu'il a pris leS mesures lés plUs activés pour arrêter les dévastations inappréciables, qui sè commettaient datts lès bois du chapitre dë Cettë Ville.
Adresse du memë genre de là ville de Galvinet en Auvergne ; elle demande la conservation de son siège rôyàl.
Adresse du même genre de la ville, de Castres en Languedoc ; elle àahère notamment au décret concernant la contribution patriôtique, et demande d'être le cfief-lleu d'un département.
Adressé du même genre de la municipalité ët comité de la Villé tlë Sâiht-'Màixent en Poitou; ils demandent la conservâtion de deux monastères de religieux Bénédictins et Bénédictines établis dans cette ville, qui sont de là plus grande utilité.
Adresse dU mêrnè genre de là villë d'Albi en Languedoc ; elle déclare qu'elle improuve, toute délibération prise ou à prendre, tendante à affai" blir lë respect dû au* décrets de l'Assemblée nationale, ou à en éluder rexécution«
Adressé du même genre de la villé de QUimper ëû Bretagne ; elle se glorifie à jUsté titre d'être la première ville du royaume qui le 13 novembre 1t88i ait offert à l'Etat un don patriotique, et qui, le 2 octobre dèrnier; ait donné l'exemple de faire hommage à là hation de ses bouclés, et de ses bijou* én or et argent ; elle Se flatte encore d'avoir vu dans son sein lës premiers gentilshommes bretons joindre leurs Offres patriotiques à celles de là commune, ët se déclarer ouvertement pour les décrété de l'Assemblée nâtlonale ; elle espère qu'elle VoUdFa bien lui témoigner son approbation-.
Adresse du mêrnè genrë de la villë de Falaise efi Normandie.
Adresse de la garde nationale de Strasbourg, qui S'empresse dé détruire les soupçons qu'on a voulu jeter dans un libellé sur son patriotisme et son dévouement absolu pour l'exédUtidh des décrets de l'Assemblée nationale.
AdreSSe dès Officiers du bataillon de chasseurs royaui de Dauphitté, en garnison à Romans, qui, considërattf t|Ue d'après le mémoire sur la constitution militaire il pourrait être supposé que l'officier aurait sollicité une augmentation de traitement, assurént à l'Aèsemblée, qu'en dési-rant que lë soft dë leurs bràVës soldats Soit amélioré, ils n'ont rien sollicité pour lë leur* et qu'ils se font gloire d'être toujours guidés par le mèmê désintéressement dônt s'honoraiènt les officiers français sur les remparts de Prague et dans les plaines dë l'Allemagne.
Adresse dë la fille d'Eauze, sénéchaussée de Lêctoure, qui adhère avec une respectueuse reconnaissance à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et demande une justice royale.
Délibération de la communauté de GhâteaU'-neuf d'Isère en Dauphiné, qui jure d'être invio-lablement attachée à la constitution française, et adhère à tous les décrets de l'Assemblée nationale, notamment à celui de la contribution patriotique, quoique la rigueur du dernier hiver ait causé la mortalité des arbres dans son arrondissement ; ellè désapprouve formellement toute assemblée de la province qui ne serait pas légalement convoquée, ët proteste contre ce qui pourrait y être fait dë contraire feu désir du KOi et dë l'Assemblée nationale.
Adresse des Officiers municipaux dé la villé dé NangiSj tendant à obtenir Une assemblée de district, placée dans le départèmèdt de Provins, et que Provins soit le chef-lieu du département.
Adresse du défi niteur général de l'ordre de la Trinité, et de deux religieux, qui offrent à l'As* semblée nationale tons lès biens du monastère de Montpellier, qu'ils évaluent à 100,000 livres, s'en rapportant à la justice de l'Assemblée nationale pour pourvoir à leur subsistance.
Adresse dé 35 curés du diocèse de Mácon, qui
adhèrent avec reconnaissance aux décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à celui concernant la disposition des biens ecclésiastiques; ils assurent que leur empressement sera toujours sans bornes lorsqu'il s'agira d'inspirer à leurs paroissiens la plus entière confiance, le plus pariait dévouement et la plus grande vénération pour la sagesse des lois qui émanent de l'Assemblée.
Délibération des habitants de la ville et banlieue de Carcassonne en Lan'guedoc, assemblés en conseil général, contenant leur renouvellement d'adhésion à tous les décrets de l'Assemblée nationale, leur engagement à les faire exécuter, et leur déclaration qu'ils regardent comme ennemis du bien public, traîtres au Roi et à la nation, tous ceux qui s'élèvent contre la validité de ses décrets.
Adresse de la ville de Montréal, du diocèse de Carcassonne en Languedoc, du même genre; elle demande d'être autorisée à mettre à exécution une ordonnance de l'intendant de la province, pour procurer des armes à sa garde nationale.
Délibération prise par le district de la place aux Clercs et Saunière de la ville de Valence, lequel, pénétré du plus profond respect et du plus inviolable attachement à la personne du Roi et à l'Assemblée nationale, a fait célébrer, le 22 du mois dernier, une messe solennelle pour demander à Dieu la conservation des jours précieux de Sa Majesté, celle des députés et la prospérité de l'Etat, et a arrêté qu'il serait célébré une pareille messe tous les dimanches et fêtes pendant la session actuelle.
Adresse de la ville et municipalité du Mur-de-Barrez en Rouergue, portant adhésion à tous décrets pris et à prendre par l'Assemblée, et dénonciation des corps religieux et bénéficiers qui dévastent les bois de leurs bénéfices et maisons, et jusqu'aux arbres fruitiers ; demandent que leur municipalité et toutes celles des environs soient autorisées à faire arrêter les arbres coupés, planches et mairrain.
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture d'une adresse de la ville de Nantes qui est ainsi conçue :
« C'est avec autant de surprise que d'indignation, que la ville de Nantes a appris que la Chambre des vacations du parlement de Bretagne a poussé la témérité jusqu'au point de méconnaître l'autorité de l'Assemblée nationale et celle du Roi, en refusant d'enregistrer le décret sanctionné par Sa Majesté, qui ordonne à cette cour de prolonger ses vacances.
« Des magistrats, qui par état sont établis pour faire respecter les lois, en seront donc les premiers transgresseurs ? Ils donneront donc aux peuples qu'ils devraient guider l'exemple d'une désobéissance aussi étrange que dangereuse ? N'auraient-elles donc, ces cours de judicature, réclamé les anciens Etats généraux que dans la coupable espérance que cette Assemblée consacrerait d'anciens privilèges, extorqués dans des siècles où l'on insultait à la dignité de l'homme? auraient-elles formé la prétention inouïe d'élever au sein de la nation, un tribunal supérieur à la nation même ? Non, non, cette nation aussi brave qu'éclairée s'est ressaisie de ses antiques droits ; et son contrat social, depuis si longtemps égaré, vient de se retrouver sous les débris de l'édifice féodal.
« C'est à l'Assemblée nationale que nous devons le plus précieux de tous les biens, la liberté. C'est
à ses pénihles travaux, c'est à ses lumières bienfaisantes, c'est à son courage inébranlable, c'est enfin à son union avec le meilleur des rois, que l'empire français est redevable de son salut.
« Que tout bon Français s'empresse de se rallier à cette auguste Assemblée ; qu'il repousse avec cette énergie naturelle aux nommes libres les nouveaux efforts du despotisme aristocratique; que les ennemis publics sachent donc que, s'il est malheureusement trop facile de prolonger l'esclavage d'un peuple, il est impossible de Penchaîner de nouveau lorsqu'une fois il a brisé ses fers et qu'il s'est placé courageusement au rang des nations libres. L'homme qui s'est élevé à la hauteur de la liberté périra plutôt que d'en descendre.
« Ils ne sont plus, ces temps désastreux d'un régime oppresseur pour les Bretons ; nous ne verrons plus cette classe privilégiée tirer une ligne de démarcation humiliante entre elle et la nation. Non, nous ne verrons plus un homme enorgueilli du hasard de sa naissance se présenter hardiment pour être juge et, sans autre privilège que ses titres et sa fortune, prétendre avoir le droit exclusif de posséder les premières places de magistrature de la province, tandis que le mérite modeste et plébéien frappait inutilement à la porte du sanctuaire des lois. Vos vrais tuteurs, ô Bretons, ne seront plus ceux que leur noblesse et leur or ont placés sur les fleurs de lys, mais ceux que vous choisirez librement dans vos assemblées, sans distinction d'ordres et de classes : alors on verra l'homme, dans quelque état qu'il soit né, recevoir de vos mains impartiales la récompense de ses vertus et le prix de ses talents. Alors, alors seulement vous aurez vraiment une patrie, et vous pourrez être fiers d'être Français.
Si, contre tout espoir, le parlement de Bretagne Persistait dans son insubordination, la ville de antes se croirait obligée de ne plus le reconnaître et demanderait à l'Assemblée nationale, et au Roi provisoirement, le droit de juger en dernier ressort pour tous les tribunaux royaux de la province.
« La ville de Nantes se hâte d'offrir un nouvel hommage de sa reconnaissance aux représentants de la nation, et une nouvelle protestation de sa soumission à ses décrets. Elle désavoue hautement la démarche incendiaire du parlement de Bretagne, et fait le serment d'employer tout ce que ses généreux habitants ont de fortune et de courage, pour maintenir les décrets de l'Assemblée nationale.
« Fait et arrêté en l'hôtel de ville de Nantes, le
« Signé ; de kervegan, maire ; J. legris aîné, échevin ; F. Rorier, échevin; Var-savaux de cheulée, député suppléant, échevin; dubern, échevin; comet, échevin; Duval ; Drouin de Parçay; J. Chameau-lin; Bridon; F. Pineau ;* Foullois; Four-my père; duperrier de La rivaudière ; Th. Lambert ; Guillot ; Coustard de Massy ; J. Guesdon ; J. le Cadre ; Carreau ; Delahaye ; bellier jeune; Guy-vois ; Fruchard; Delcataud; Roche; Cantin; Fellonneau; Laennec, D. M. ; Clavier; Julien Le Roux; G. Callon père ; gédoin ; Le Bas, chevalier de Saint-Louis, lieutenant de maréchaussée ; VAU-dez ; P.-F. Delaville ; Pussui. »
On demande l'impression de cette adresse et son insertion à la suite du procès-verbal. L'impression est ordonnée.
(de Saint-Jean-d'Angely) observe qu'il serait important de savoir si ce parlement, postérieurement à cette adresse, a transcrit sur ses registres Je décret dont il s'agit : il propose de charger le président de s'en informer et d'en rendre compte à l'Assemblée. , Cette proposition est accueillie et l'Assemblée décrète :
« Que M. le président se retirera par devers le Roi pour s'informer si le parlement de Rennes a transcrit sur ses registres le décret de l'Assemblée nationale, concernant la prorogation des vacances de tous les parlements de France. »
Il est donné lecture d'une adresse et don patriotique des officiers de la garde nationale de Strasbourg qui offrent à la patrie le sacrifice de leurs boucles d'argent.
L'Assemblée nationale prend relativement à cet offre le décret suivant :
« L'Assemblée nationale reçoit avec satisfaction les témoignages de patriotisme des officiers de la garde nationale stras bourgeoise consignés dans leur arrêté du 29 novembre dernier, et les autorise, suivant leur demande, à porter à la Monnaie de Strasbourg les boucles d'argent dont ils font l'offrande, à la charge de remettre le produit de la fonte dans la caisse de la contribution patriotique, et d'en envoyer l'état aux trésoriers de l'Assemblée. »
fait donner lecture de deux lettres de. M. le garde des sceaux.
La première annonce qu'on a scellé les lettres patentes du Roi, relatives aux décrets de l'Assemblée nationale, en date du 2 de ce mois, sur l'existence provisoire des différentes municipalités en exercice, jusqu'à ce que la nouvelle et future organisation soit définitivement décrétée. Une expédition scellée des lettres patentes est jointe à la lettre pour être déposé dans les archives dë l'Assemblée.
La seconde lettre concerne les réclamations que le duc régnant des Deux-Ponts a fait parvenir au ministre des affaires étrangères sur ses droits seigneuriaux supprimés par les arrêtés des 4 août et jours suivants.
L'Assemblée renvoie cette affaire au comité féodal.
L'ordre du jour appèlle la suite de la discussion sur les nouveaux articles proposés par le comité de constitution concernant les élections et l'organisation des municipalités.
, membre du comité, donne lecture des articles suivants :
« Art. 9. Ceux qui seront employés à la levée des impositions indirectes, tant qu'elles subsisteront, ne pourront être en même temps membres des administrations de département ou de district. »
Cet article est adopté sans discussion. « Art. 10. Ceux qui occupent un office de judicature ne pourront être en même temps membres des directoires de département ou de district. »
Une pareille disposition ne peut être proposée; vous ne pouvez dire aux électeurs : Vous ne choisirez pas un administrateur parmi tels et tels individus. Ce serait violer la liberté des citoyens.
On confond toujours les magistrats des cours souveraines avec les magistrats des cours inférieures : ceux-ci ont à peine par semaine trois séances et trois rapports ;.il leur restera un tèmps assez considérable a donner aux fonctions dont ils seront chargés. D'ailleurs, soutenus par leur zèle pour la chose publique, ils trouveraient toujours assez de force pour remplir à la fois ces différentes fonctions. Présenter cette étrange objection, c'est mettre en parallèle l'homme de génie qui sait vaincre les difficultés, et l'homme ordinaire qu'elles rebutent. Il faudrait, pour être conséquent, exclure également les pasteurs de l'Eglise, les notaires, les greffiers, etc.
On a prétendu que l'exclusion des magistrats avait pour objet de les honorer, en ne les exposant pas au hasard des élections ; mais est-ce un honneur que d'être privé de la confiance de ses concitoyens?-... L'avilissement amène la nécessité des grandes récompenses.
Je demande que l'exclusion soit rejetée, ou du moins bornée aux magistrats des cours supérieures. .
M. Lanjuinais combat cette opinion. Il établit que la raison, l'intérêt particulier et l'intérêt public rendent les places des municipalités et les offices de judicature d'une incompatibilité insurmontable.
L'article 10 est adopté à une très-grande majorité.
propose l'article suivant :
« Art. II. Les maires et autres membres des corps municipaux, ainsi que les procureurs delà commune et leurs substituts, ne pourront exercer en même temps les fonctions municipales et celles de la garde nationale. »
Je propose d'exclure de la garde nationale les officiers de judicature.
Cet amendement est ajourné jusqu'à la loi d'organisation des milices nationales.
Quelques membres demandent que le comité explique la portée de l'article en discussion.
Le titre de soldat citoyen deviendra bientôt le plus beau titre de la société. Les officiers municipaux ayant le droit de requérir les milices nationales, ne peuvent tout à la fois ordonner et obéir ; il faut donc qu'ils soient exclus de fonctions aussi incompatibles de leur nature, jusqu'à ce qu'ils rentrent dans la foule des citoyens actifs.
L'article 11 est décrété.
« Art. 12. Les électeurs seront choisis par les assemblées primaires, à la pluralité relative des suffrages en un sëul scrutin de liste, double du nombre des électeurs qu'il faudra nommer. »
expose les inconvénients du scrutin de liste double ; il profère le scrutin individuel, et appuie cette opinion sur des calculs, desquels il conclut qu'il est impossible qu'une élection exprime le vœu de là pluralité si un électeur ne nomme pas un nombre égal à celui des personnes à élire.
Il propose les articles suivants :
1° La nomination des membres des assemblées municipales est administratives se fera par la voie du. scrutin et par listes, sur lesquelles on inscrira autant d'éligibles qu'il y aura ae places à remplir;
2° Ceux qui auront réuni la pluralité absolue,
tfèSt-à-dire Uïi nombre supérieur à la moitié de la totalité des électeurs, seront élus ;
3° «Si, par une première opération, l'élection, n'est pas complété, on dressera des listes des noms dè ceux qui auront le plus approché de la pluralité : Ces listes seront én nombre double, et ceux, qiii auront réuni le plus de suffrages seront éluS;
4b Toute liste qui n'aura pas le nombre égal sera nulle ;
5° En cas d'égalité de suffrages, la préférence sera accordée à célui qui sera, bu aura été marié, ou à êelui qui aura lé plus d'ènfants. Si les concurrents réunissent également ces deux conditions, le plus ancien d'âge sera préféré*
En général on pétlt regarder comme impossible une bofine méthode d'élection; il faudrait trouver un moyen de déterminer le nombre des éligibles ; alors lé câcul donnerait une bonne méthode d'élection. Il y a uh moyen déjà connu et publié, c'est le scrutin préparatoire, par lequel ceux qui, au premier toùr dë scrutin, n'auraient pas cinq ou six suffrages, seraient exclus ; il est naturel de pènsér que Celui qui èttr quatre-vingts suffrages n'en réunit pas Six fi'a pas un grand mérite» Cette première élimination restreindrait les éligibles à un si petit nombre, qu'un autre tour de scrutin remplirait la condition par la pluralité absolue.
Je persiste à croire que le scrutin de liste double doit subsister et qu'à l'égard du procédé des êlèctibûs Oh pedt adopter les observations de M. le Comte de Mirabeau.
Le scrutin de liste double déjoue mieux que les autres les tfiânœuvreé et les intrigues. Je pense, comme M. le comte de Mirabeau, qu'il est impossible avec la liste double d'avoir la pluralité absolue, mais je ae la crois nécessaire dâns àucuh cas. Je croià à la Vérité que la méthode de M. de Mirabeau dégagerait le scrutin d'une foule déligibles qui n'auront que cinq ou six Voix, mais qu'elle ne donnerait pas mieux que les autres la majorité intentionnelle des électeurs.
Je persiste à croire que le scrutin ordinaire et individuel et le plus simple comme le plus propre à obtenir le vœu véritable des électeurs.
Le scrutin individuel à été adopté pour les places de maires et autres places essentielles; mais comme pour les autres» il était indispensable de mettre un terme à la durée des scrutins, On a rédigé l'article qui est actuellement soumis à la discussion*
Plusieurs membres réclament la question préalable sur les articles proposé par M. de Mirabeau. — Elle'est mise aux voix et adoptée.
L'article 12 du comité est décrété.
« Art. 13. Les membres des administrations de département et de district seront choisis par les électeurs, par trois scrutins de liste pareillement double ; à chaque scrutin ceux qui auront la pluralité absolue Beront défitinivement élus» et le nombre de ceux qui resteront à nommer au troisième scrutin Sera rempli à la pluralité relative. »
L'article 13 eBt adopté sans discussion. ;
(de Saint - Jean- d'Angely ). Je
propose d'ajouter à cet article les deux conditions de préférence indiquées par M. le comte de Mirabeau et qui sont ainsi conçues :
« En cas d'égalité de suffrages entre concurrents, là préférence sera donnée à l'homme qui est ou qui â élé marié* sur celui qui ne le serait pas; entre les hommes mariés, à celui qui a ou qui à eu le plus grand nombre d'enfants, ou un nombre égal d'enfants, au plus âgé. »
, tout en approuvant les motifs qui ont dicté la proposition, déclare qu'elle est mesquine, qu'elle entre dans des détails trop minutieux èt il conclut à la question préalable.
La demande de la question préalable est inconcevable ; elle ne doit être réclamée ni suf Un point de constitution, ni sur une loi morale. L'âge est une-considération intéressante, mais il faut convenir que le père de famille mérite une distinction dans la sociétét Je réclame l'adoption d'une mesure dont les Romains, dans le bel âge, nous ont donné l'exemple*
On aurait pu accuser de mesquinerie l'édit de Louis XIV^ qui h'avait que le défaut d'être appliqué dans des cas très-rares et de n'accorder qu'uné mince pension; mais le droit d'administrer son pays est assefc précieux pour faire l'objet d'un décl-et.
Il serait peu honorable pour cette Assemblée d'écarter une si belle motion par là qUeStioti pl-éalablëi ott objecte qu'elle a trop peu d'importance dans soh application et qu'elle est trt>p minutieuse pour la constitution; il est inccfdéeVablé d'appeler minutieuse la prérogative d'administrer Sa pàlfie. CoxisaCrez le principe, il devièndra fécond èn l'appliquant aux magistratures, aux municipalités, aux assemblées nationales. dette préférence des pères de famille sera d'un emploi trèS-htllê dans la régénération publique.
jë Propose de compléter l'article par i'amehdeméût QUi suit i
ii Lorsque l'homme mâiïé Sera séparé juridiquement de Son époUSe, lë célibataire sera préféré. »
Cet amendétnent a d'abdhl excité les applaudissements de toute l'Assemblée, tant à cause de sa singularité, que parce qu'il touchait directement quelques membres.
Il ést daUS iëS principes dë l'As-* semblée dë réhdre lês fâUtéS pêrsbhfieiles. 11 peut arriver que le caractère d'une,femme ou sa mauvaise conduite force un-mari à se séparer d'elle : à coup sûr, l'intention de l'Assemblée n'est pas de punir un homme d'avoir une mauvaise femme.
Divers membres parlent pour et contre l'amen dement. L'Assemblée devient tumultueuse. .
On réclame la question préalable. Elle est mise aux Voix et adoptée, j
On revient à l'article de M» le comte de Mirabeau t
La question préalable est mise aux voix et repoussée»
Plusieurs membres réclament l'ajournement* u
met l'ajournement auk voix.
L'ajournement est adopté*
, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis en remplacement de M. Dutil-let, êvêquë d'Orange* démissionnaire»
L'Assemblée passe à son ordre du jour de deux heures qui appelle la discussion d'une affaire pressante relative à la ville de Marseille dans laquelle la vie et la liberté de plusieurs citoyens sont intéresséesi
, organe du comité dès rapports. Messieurs, il s'agit du sort de plusieurs Citoyens détenus depuis plusieurs mois dans les prisons et qui sont aujourd'hui sous le glaive du grand prévôt. Il s'agit aussi de faire renaître le calme et la paix dans Marseille, qui gémit dans l'anarohie et a été plusieurs fois ensanglantée. Il paraît que l'oppression est la source de tout le mal. Les hommes qui voient échapper de leurs mains l'autorité croient devoir tout entreprendre pour la retenir.
La mésintelligence, commença )o 15 mars et prit naissance du droit que s'arrogea la municipalité de conférer dans un conseil privé le grade d'officier de la milice bourgeoise à des hommes de son choix sans la participation des citoyens. Cette nouvelle troupe avait été substituée à l'ancienne, dont les citoyens étaient contents. Cette conduite aigrit lés esprits, il se forma des partis qui se fortifiant ( dé plus en plus, amenèrent ie 19 août une scène sanglante. Sous prétexte d'une assemblée du peuple, le garde bourgeoise prit les armes, et fit feu siir. des citoyens sans défense ; trois furent blessés, l'un d eux même resta sur le carreau. A cette époqhe intervint le grand prévôt, qui prit pour assesseurs deux officiers dé lâ garde bourgeoise.
Dés listes dè proscriptions parurent : d'hohhe*-tës citoyens furent appréhendés et emprisonnés. Lè grand prévôt pour informer contrééuX, ne se Croyâtit point èû sûreté, à Marâèillë a Jugé â propos de les faire transférer au château d'If poUr lès priver dë toute commuhicatioti éfc dë tout COrt-seil. Lès prisonniers ne bhërchênt poiiif à élUaer un jngémënt* mais ils së plâigneht de cë que l'affairé a été instruite dahs un fort. Le jour même de la publication dé votrè décret |j|r la Procédure criminelle qUi se fit enfin à Marseille lé 20 novembre, le procureur du Roi et le prévôt débbîitérênt les prisonnièrS de leur demande én communication des pièces dh procès.
Trois objetâ' sont à CônsidéreMails lë parti que vôus àvez â prendre :
i° Le sort des aécusés renfermés dans un fort, entourés de 6,000 baïonnettes, et poursuivis d'Une manière aussi inquiétante qu'irrégulière ;
2° La tranquillité de la,ville de Marseille;
3° L'exécution de vos décrets.
Je crois* dans mon Opinion particulière* qu'il faut examiner si un juge qui refuse de se soumettre aux lois peut continuer d'eh être l'organe.
Le Comité propose de renvoyer au pouvoir exécutif, pour faire exécuter lesdédreté* et transférer les accusés aux prisons royales de la ville dë Marsêiïië;
Messieurs, lorsque, dans la séance du 25 novembre", je vous demandai de faire renvoyer la procédure de Marseille à un autre prévôt, dont les assesseurs seraient pris parmi ies tnembreB de la sénéchaussée de cette ville, je me fondai sUr des cir-
constances qui se sont depuis lors bien aggravées»
Je vous disais : Ce n'est pas une procédure prè-vôtale qu'instruit le prévôt; il a voulu rétablir tous lës genres d'autorité que l'opinion publique a renversés depuis six mois », mais ce qu'il appelle autorité, je l'appelle des abus»
Je vous disais : Le prévôt trompé n'a fait que suivre l'impulsion du parti qui croit que le peu1-ple n'est rien et que les richesses sont tout AU lieu d'être l'organe impassible de la loi, il ne s'est montré que le vengeur des anciens officiers municipaux, du parlement et de l'intendant ; et une procédure uniquement dirigée vers ce but peut causer à chaque instant une commotion dangereuse.
Je vous disais : Cette procédure a paru si odièusë* qu'en vain ce prévôt aurait voulu choisir des juges honnêtes pour l'assister; tous auraient redouté de remplir un ministère qui n'était plus celui de la loi. Il a nommé pour procureur du Roi et pour assesseur deux membres de la milice bourgeoise. Les déorétés les regardent comme -leurs ennemis, et non pas comme des juges,
Je vous disais : La conduite du prévôt est tellement opposée à l'opinion pUbliqiie, qu'il a cru dfevoir faire sa procédure dans une citadelle. C'est là qu'il a tenu longtemps ses prisonniers resserrés. Gette précaution ne lui suffisait même pas; il a craint encore, OU plutôt il a affecté de craindre qu'ils në fusBefit. pas assez en sûreté. Il les a fait renfermer dans le château d'If, il les a plongés dans les anciens cachots du despotisme, et c'est ainsi que, malgré le nouvel ordre de choses quë vous avez établi, des accusés sont séparés, par un bras de mer* de leur conseil, des témoins, des juges et du public» -
Je Voub disais enGorë: Lës accusés delà procédure prévôtâle Ont été déboutés* le 27 octobre, d'une requête en récusation* dont la justiôe était évidente* et que les meilleurs jurisconsultes du parlement de Provence avaient conseillée» C'est dans leS anciennes formés que ce jugement a été rendu. Il est postérieur de huit jours au temps où la nouvelle loi aurait dû être exécutée. Il est donc attentatoire à votre décret, il est donc hul, et cependant cette nullité n'a pas été prononcée par votre décret du 5 novembre* quoique la procédure de Marseille ën ait été le principal oojet.
Enfin* Messieurs* je vous disais : Le prévôt n'exécute pas la loi* et ne veut pas l'exécuter. Je prouvais qu'il në l'exécute pas, parce que depuis la publication qui en a été faite, et qu'il a fallu ordonner par un décret particulier, aucUn acte nouveau d'instruction n'a paru dans cette procédure, auparavant si menaçante et si rapidè. Je
Îtrouvais qu'il ne Veut pas l'exécuter, par Une ettre qu'il a écrite à la députation de Marseille. Il n'est aUcun frivole prétexte qu'il n'allègue pour S'en dispenser; il Ose réclamer une exception pour cette même procédure, qui- seule aurait montré la nécessité de la loi* si déjà tant dé malheureuses victimes des erreurs judiciaires ne l'avaient pas sollicitée*
Mais aujourd'hui tout a changé de face ; ce n'est plus sur des bases incertaines que Vous avez à prononcer; une pièce légale, une pièce expédiée dans une forme authentique, et légalisée par lë lieutenant de Marseille, constate le refus du prévôt d'exécuter vos décrets. Les malheureux accusés; demandent la communication de ia procédure; votre loi leur en donne le droit; ils sont prisonniers ; ils ont été interrogés, leur
conseil De peut les défendre s'il ne connaît pas les charges. Eh bien ! Messieurs, ils ont été déboutés de cette demande par le sieur de Bour-nissac, prévôt. Le jugement n'a été rendu que par lui; il est daté du fort de Saint-Jean. N a été préparé par les conclusions du sieur jLaget, procureur du Roi, lieutenant de la milice bourgeoise, que les prisonniers ont récusé, et qui n'a F as craint de rester juge de ceux-là mêmes qui accusent de prévarications, et qu'il accuse à son tour de calomnie. La requête des accusés, pour demander la communication de la procédure, est du 20 novembre. C'est le 25 que le sieur de Bour-nissac les déboute de cette demande." Il est assez singulier qu'il ait eu besoin de cinq jours d'examen pour commettre cette injustice.
Quel parti maintenant convient-il de prendre?
11 faut considérer ici l'intérêt des accusés, l'intérêt public et l'intérêt de la ville de Marseille.
L'intérêt des accusés serait suffisamment rempli par la publicité' de la procédure. Eux-mêmes ne demandent rien de plus; qu'ils aient des juges suspects, prévaricateurs, ennemis, peu leur importe. La publicité dé la procédure est le seul moyen de défense qu'ils réclament. Ils seraient déjà élargis s'ils avaient voulu y consentir ; une amnistie aurait été demandée, la procédure peut-être n'existerait plus. Mais aucun de ces partis ne convenait à leur innocence. Il est juste, d'accusés qu'ils sont, qu'ils deviennent accusateurs ; et l'on ne redouble d'efforts pour empêcher la procédure, que parce qu'on sait bien que les rôles vont changer.
Mais si la publicité de la procédure remplit l'intérêt des accusés, ce moyen, suffit-il à l'intérêt public et àla dignité de l'Assemblée nationale? Est-ce après que vos décrets ont été si ouverte-ments violés que vous vous bornerez à en ordonner l'exécutioD ? Que ferez-vous donc de plus que ce que vous avez déjà fait ? Est-ce que le prévôt ne sait pas que vos décrets sont des lois? Est-il besoin de le lui apprendre' encore ? Peut-il ignorer que votre décret du 5 novembre, quoique général pour tout le royaume, a été spécialement rendu pour la ville de Marseille et pour lui?
Quoi 1 Messieurs, vous avez déclaré coupable de forfaiture tout tribunal, tout juge qui n'enregistrerait pas votre loi, qui ne l'exécuterait pas, et vous laisseriez impunie la violation formelle de cette loi! et vous laisseriez pour juge à de malheureux accusés celui qui leur dénie justice, celui contre lequel vos propres décrets ne peuvent les garantir, ce procureur du Roi déjà récusé, bientôt pris à partie, qui ne s'abstient pas, et qui vient de conclure lui-même à ce que la communication delà procédure soit refusée!
Non, Messieurs, si la modération est une vertu, l'exécution des lois est une dette et une justice. Si voUs autorisez une seul infraction formelle à vos décrets, cette prévarication trouvera bientôt des imitateurs; et lorsque vos lois seront successivement violées, vous bornerez-vous à en ordonner successivement l'exécution?
Il n'est plus temps d'user de modération envers le prévôt. Je m'étais borné à vous dire, dans la séance du 25 novembre, qu'il était trompé par les juges qu'il avait choisis, et qu'on abusait de son ignorance dans les formes judiciaiares. Mais aujourd'hui quel moyen me resterait-il pour le défendre si j'en avais le dessein? Qu'importe une réputation d'honnêteté privée dans celui qui vient de se montrer l'ennemi de la nation, et qui viole ouvertement vos décrets, lorsqu'il devrait don-
ner l'exemple de l'obéissance ? La forfaiture du prévôt est évidente, la preuve en est acquise. Je ne suis pas son dénonciateur, vos propres décrets le dénoncent pour vous ; ils le renvoient au Châtelet, et, à moins que vous ne' vouliez revenir sans cesse sur vos pas et faire des exceptions pour tous vos décrets, le prévôt de Marseille ne doit pas seulement être dépouillé delà procédure, il doit être jugé lui-même.
Dans quelles mains passera donc cette procédure ? J avais demandé qu'elle fût remise à un autre prévôt ; mais ne serait-il pas plus convenable de la renvoyer à la sénéchaussée ade Marseille ? Vous le devez en quelque sorte, "parceque la procédure a céssé d'être prévôtale ; vous le pouvez, parce que les prévôtés ne sont que des tribunaux d'exception, qu'il sera bien difficile de conserver dans le nouvel-ordre judiciaire.
Est-ce à des hommes élevés dans les camps, uniquement instruits du métier de la guerre, étrangers à l'étude des lois, accoutumés à l'utile sévérité de la discipline militaire, que vous pourrez confier les formes douces, humaines, éclairées, compatissantes, qu'exige l'instruction de ces procès où l'on pèse la vie des hommes, où l'on juge leur honneur, où le triomphe de l'innocent est celui de la loi, et la punition d'un coupable un malheur public ?
Non, Messieurs, vous supprimerez un jour les prévôtés, puisque vous avez anéanti ces formes rapides, ou plutôt arbitraires, qu'on employait dans ces tribunaux, également redoutables au crime et à l'innocence. Si le despotisme a pu les employer avec succès, la liberté naissante doit les abolir. Mais je ne veux pas anticiper sur vos travaux.
Je n'ai plus qu'une seul considération à vous présenter. Vous venez d'entendre, Messieurs, votre comité des rapports ; vous venez d'apprendre la fermentation que la procédure prévôtale excite à Marseille, par les principes qui l'ont dirigée, par l'oppression qui en a été la suite. Certainement après les instructions que votre comité vous a présentées, il était difficile de s'attendre aux conclusions qu'il a prises. Ferez-vous assez pour la tranquillité de cette ville, si, Vous bornant à ordonner la publicité de la procédure, vous la laissez encore entre les mains des juges qui en ont fait un instrument de vengeance? Vos décrets, ne seront-ils pas éludés? De nouveaux troubles ne seront-ils pas habilement fomentés pour justifier cette même procédure, qui tient peut-être plus qu'on ne pense à ces menées obscures que les ennemis du bien public ne cessent de pratiquer pour bouleverser le royaume?
J'ai l'honneur, Messieurs, de vous proposer le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète : 1° que son président se retirera devers le Roi, pourlesupplier de faire renvoyer par-devant les officiers de la sénéchaussée de Marseille lés procès criminels instruits, depuis le 19 août dernier, par le prévôt général de Provence, contre les sieurs Rebecqui, Granet, Paschal, et autres ; d'ordonner que ceux des accusés qui sont détenus ensuite des décrets de prise de corps lancés par le prévôt seront transférés dans les prisons royales de Marseille, pour y être jugés en dernier ressort ;
c 2°Que la copie des requêtes présentées par trois des accusés, au prévôt général de Provence, au bas desquelles sont les conclusions du procureur du Roi et (es ordonnances des 20 et 25 novembre dernier, sera renvoyée au procureur du
Roi du Ghâtelet de Paris, pour y être donné les suites convenables. »
, évêque de Nancy, lit une lettre qui lui a été écrite par M. de Garaman, et qui contient l'assurance de là tranquillité de la ville de Marseille.
appuie le décret proposé par M. de Mirabeau.
, archevêque d'Aix* demande l'ajournement.
demande la priorité pour le décret du comité.
propose que le sénéchal de Marseille ne juge qu'à charge d'appel.
Gel amendement est rejeté.
propose de mander à la barre le grand prévôt pour rendre compte de sa conduite.
Cet amendement n'a pas de suite.
demande la division du projet d'arrêté.
L Assemblée consultée décrète les deux articles présentés par M. le comte de Mirabeau.
La séance est levée à 4 heures 1/2
Rapport des dépenses du département de la marine, fait à l'Assemblée nationale par le comité des finances.
Messieurs, chargés par vous de vous rendre compte des dépenses du département de la marine, nous avons cherché à en approfondir tous les détails. Le ministre et les personnes à ses ordres nous ont fourni, à cet égard, tous les renseignements qu'ils avaient à leur disposition.
Le compte que nous avons à vous rendre se divise naturellement en deux parties: 1° la marine militaire, et 2° les colonies.
Quant à ia marine militaire, sa dépense se divise en quatres chapitres : 1° Les forces militaires ; 2° L'administration: • Ces deux* premiers chapitres sont composés d'objets de dépenses fixes ;
3° Les constructions, réparations ét entretien des vaisseaux;
4° Les armements pour les stations diverses qu'il est nécessaire d'entretenir.
Ces deux derniers, chapitres sont composés des dépenses connues sous le nom de dépenses variables, parce que leur somme dépend du plus ou moins d'objets entrepris à la fois; mais comme il est impossible de les répéter, annuellement sur le même pied, il est. possible aussi de rendre à peu près fixe cette seconde partie de. la dépense maritime.
Lorsque nous Vous présenterons la situation
des finances de ce département, nous ferons l'examen de ses recettes et de ses dépenses, à partir du 1er janvier 1784, et nous le conduirons jusqu's i ,iornent présent. Nous avons cru entrer dans les vues du comité en faisant remonter nos recherches à une époque un peu reculée, afin d'écarter l'objection des circonstances particulières à telle ou telle année que nous aurions choisie. Nous avons donc pris pour base de nos calculs la dépense entière de la marine depuis la paix dernière, c'est-à-dire depuis le 1er janvier 1784, époque où une liquidation générale des dettes de la guerre a enveloppé toutes les dépenses antérieures ; ainsi, nous sommes sûrs, malgré la confusion qui règne dans quelques parties de la comptabilité que nous avons à jvous présenter, nous sommes sûrs, dis-je, qu'uncan-née commune, composée de ces six années, vous présentera l'état fidèle de l'administration que vous voulez connaître ; mais dans ce moment-ci, nous ne mettons sous vos yeux que le tableau détaillé des dépenses annuelles du département, tel qu'il nous a été remis, et tel qu'il faut vous le faire connaître, pour que vous puissiez comparer ensuite les projets et la nécessité des dépenses, avec les véritables résultats.
PREMIERE PARTIE.
CHAPITRE PREMIER.
État militaire.
Le premier article de l'état militaire de la marine comprend le corps des officiers, depuis le gradé de vice-amiral jusqu'à celui d'élève de la marine : ils sont au nombre de 1,975 et coûtent, en temps de paix, 2,900,879 livres. Ce nombre d'officiers n'est pas exorbitant dans la proportion de ce qu'il paraît nécessaire d'en employer sur les vaisseaux et frégates en temps de guerre. Une seule escadre de neuf vaisseaux en occupe 194, sans compter le général, de l'armée et les chefs de division; et le pied d'après lequel l'ordonnance de 1786 a fixé nos forces de mer suppose l'entretien de neuf escadres.
La somme de 2,900,879 livres n'est pas exorbitante non plus, si l'on considère que les plus forts appointements, ceux des vice-amiraux, ne sont que de 24,000 livres ; que ceux des lieutenants généraux ne sont que de 12,000livres; ceux des chefs d'escadre, de 6,000 livres, et qu'enfin, ceux des derniers sous-lieutenants ne sont que de 840 livres.
On. doit observer que l'ordonnance porte à 800 le nombre des sous-lieutenants ; que des raisons d'économie l'ont réduit à 400 pendant la paix, et qu'ils ne sont en effet que400 : s'ils étaient com-, plets, le nombre total d'officiers, au lieu d'être de 1975, serait de 2,375 et la dépense serait plus forte de 368,000 livres. ; ' ?
Art. 2. Le premier article des dépenses fixes que vous venez de voir ne comprend que ceux qui commandent sur les vaisseaux, et ceux qui font exécuter les ordres dés chefs; et 2,900,879 liv. de dépense ne donnent pas encore un soldat ni un matelot.
Le premier corps militaire, le seul même qui soit entretenu pendant la paix pour le service effectif des vaisseaux, est celui des canonniers-matelots. Il est composé, dans l'esprit de l'ordonnance qui fixe nos forces navales à neuf escadres de neuf vaisseaux chacune, ou à quatre-vingt-un
vaisseaux i en conséquence, l'état-major de ce oorps est formé par le nombre neuf, et le corps consiste en 81 compagnies de 68 hommes chacune, dont le total donne 162 officiers et 5,511 hommes, auxquels il faut ajouter quatre compagnies d'apprentis, montant à, 1,024 hommes. Le nombre total est par conséquent de 6,535 canon -mers-matelots et 162 officiers, auxquels il faut ajouter 40 maîtres canonniers entretenus dans les ports. La dépense totale de eet établissement est dé 1,883,246 livres. Il n'y a aucun traitement exagéré \ et s'ily a quelque ehose à regretter, c'est que cette partie des forces navales ne soit pas plus nombreuse. Ces deux premiers artiejes réunis donnent une dépense fixe de 4,784,125 liv.
Le troisième article comprend les officiers et maîtres de tout genre d'ouvrages, chargés de la diFeetion des ports, de celle des travaux de l'artillerie et de celle des constructions. Les affieiers de la première direction spnt au nombre de 64 ; les maîtres sont au nombre de 70. Les officiers coûtent 60,724 livres. Le total de cette première direction est de 215,704 livres.
La direction de l'artillerie occupe trois directeurs, payés 6,600 livres chaqun trois sous-directeurs payés 3,600 livres, et 17 sous-lieutenants de vaisseau. 11 n'y a de payés, que les directeurs et les sous-directeurs. Ils ont à eux six 30,600 livres.
Soixante-huit maîtres sont attachés à la direction del'artilleriç, Ils Goûtent à eux tous 42,682 liv.
La direction des constructions occupe trois directeurs à 6,600 livfejB; quatre sous-directeurs, dont trois à 4,800 livres, et un à 4,000 livres ; seize ingénieurs ordinaires, dont huit à 3,000 liv. et huit à 2,400 livres; vingNdeux sous-ingénieurs, dont onze à 1,500 livres, et onze à 1,200 livres; et neuf élèves ingénieurs à 900 livres. Total, cinquante-quatre officiers; et tant en appointements qu'en suppléments, 122,800 livres.
Quatreryingts maîtres sont attachés à la direction des constructions, et coûtent 73,820 livres,
Ainsi la direction des ports ooùte.. 215,704 liv.
La direction de l'artillerie........ 73,282
La direction des constructions.... 196,620
Ët le total de cet article monte à.. 485,606 liv.
Le quatrième article concerne les classes. Tout le monde sait qu'en vertu de lois fort anciennes, difficiles peut-être à allier avec les principes de liberté individuelle que toute la nation réclame aujourd'hui, il est établi, dans toutes les provinces maritimes du royaume, et même dans des provinces de l'intérieur, au bord des rivières navigables, des règlements qui soumettent à un classement tous les pécheurs et tous ceux qui se livrentaux travaux de la navigation ; que ce classement assujettit ceux qui y sont compris à servir sur les vaisseauxdu Roi quand on le leur commande ; qu'ils ne sont payés que pendant le temps qu'ils sont employés ; qu'ils reçoivent des récompenses, eux et leurs familles, en raison de leurs services, de leurs blessures, et même des accidents qu'ils éprouvent. Peut-être serait-il impossible, sans cette exception aux premiers droits de l'homme, de soutenir la guerre par mer, d'avoir des colonies, d'entretenir un commerce de quelque importance. La presse des matelots, en Angleterre, paraît une violation encore plus grande des premières lois de la société: mais ce n'est pas id le lieu d'un traité de morale politique; il ne s'agit que d'un fait. Il résulte de rétablissement des
classes un détail fort considérable et qui exige des arrondissements fixes et toujours surveillés. Ceux du dernier ordre sont présidés par cent vingt«huit syndics. Ceux-là répondent à soixante-huit commissaires, et ces derniers ont auedessus d'eux trenterun officiers d'arrondissement, vingt neuf chefs des classes, quatre inspecteurs partir culiers et un inspecteur général. Les soixante-cinq officiers coûtent, en appointements, 120,300livres.; les soixante-huit commissaires coûtent 200,101 livres, et enfin, les cent vingt-huit syndics, payés depuis 1,500 livrer, jusqu'à 50 livres, suivant l'importance plus ou moins grande de leur travail, coûtent d6,942 livres. Le total de cet objet de dépense, qui ne tient effectivement qu'à un objet de surveillance et d'administration, monte à 357,343 livres.
Le cinquième article a pour objet l'éducation des jeunes officiers de la marine, dont la dépense personnelle est comprise dans le premier état de dépense que nous avons eu l'honneur de mettre sous vos yeux- Nous avons omis de vous dire qu'ils étaient au nombre de six cents, dont cinq cents élèves dans les ports de la marine, et coûtant chacun 500 livres pour nourriture et habillement, et cent pensionnés dans des collèges, sur le pied de 100 livres chacun. Il s'agit ici des dépenses nécessaires à leur furveillance et à leur instruction,
Quatre officiers président 4 cet établissement, savoir trois directeurs pour chacune des trois -: écoles, et un examinateur pour toutes les trois. Ces quatres officiers coûtent 28,400livres.
Yingt-quatre maîtres, relatifs aux différentes connaissances de l'art nautique et de la tactique, et cinq domestiques, coûtent annuellement 43,060 livres; enfin, quinze professeurs, dessinateurs directeur de î'qhpervaioire, bibliothécaire, garde des archives, ingénieur pour les instruments ae mathématiques, et trois interprètes de différentes langues, eoûtent 15,920 livres, et la totalité de ce cinquième article se monte à 87,380 livres.
L'artiole 6 comprend l'entretien de cent soixante*trois officiers mariniers attachés aux escadres; savoir: quarante-huil maîtres d'équipage, cinquante-deux pilotes, neuf voiliers, vingt-sept charpentiers et vingt-sept calfats. Leur dépense né monte qu'à 105,040 livres. Le nombre de ces officiers ne paraît pas trop considérable; leur traitement paraît modéré.
L'article 7 comprend la dépense de trois compagnies d'ouvriers, composées chacune de soixante-quinze hommes et commandées par deux capitaines et deux lieutenants. Cet établissement, dont l'étendue est bornée, paraît indispensable, et monte, en dépense, à 83,541 livres.
Ces cinq derniers articles réunis montent à la somme de 1,118,910 livres; et en lesréunissantaux deux premières, ils portent cette premiers partie de dépense purement militaire à 5,903,035 livres.
Nous allons passer à la .partie de l'administra* tion, et la suivre dans l'ordre dans lequel elle nous a été présentée.
Récapitulation des hymnes du premier chapitre.
Art. 1er., .............. r...... 2,900,879 liv.
2......................... 1,883,246
3.......................... 485,606
4.......................... 357,343
5.......................... 87,380
6...............:........... 105,040
7.......................... 83,541
Total................... 5,903,035 liv.
CHAPITRE SECOND.
Administration.
L'àrtiçle premier comprend la dépense de trois intendants, de;huit commissaires généraux, de vingt;-sept çommissaires ordinaires et sept surnuméraires; de sept contrôleurs, de dix gardes-magasins et un sous-garde-magasins, et de onze élèves. Total, soixante-dix-huit personnes.
Les appointements des intendants sont de 24,000 livres pour chacun, et celui de Brest a 6,000 livres de plus. Les commissaires généraux ont 6,000 livres d'appointements ; quatre d'entre eiix ont des suppléments égaux ou supérieurs à leurs appointements, et un cinquième a un supplément de 4,000 livres.
Les vingt-sept commissaires ordinaires ont 3,000 livres d'appointements, et vingt-cinq d'entre eux ontdes suppléments variés depuis 4,000 liv, jusqu'à 500 livres, La dépense réunie de ces soixante-dix-huit personnes monte à la somme de 340,460 livres.
Indépendamment de ces appointements, il leur est accordé, sous le titre de frais de secrétaires, de, bureaux et de ports de lèttres, une somme annuelle de 2?,820 livres, qui ne doit pas être séparée de la première, et qui m, porte à 369,280 livres.
Outre ces différents officiers d'administration, uatre cent treize commis sont répartis dans les ifférents ports, et ont des appointements depuis 2,000 livres jusqu'à 400 livres, Le plus grand nombre est à 1,200" livres, à 1,000 livres' et à 800 liyrési Cette masse de quatre cent treize commis coûté 420,640 livres.
Enfin, quelques concierges des vivres, préposés à des travaux et à des magasins, au nombre de on?e, coûtent 8,920 livres.
La totalité de ce premier article est de 798,840 livres.
Lé second article comprend les officiers employés à l'entretien des bâtiments civils. Ils consistent en cinq ingénieurs en chef, huit ingénieurs ordinaires, sept sous-ingénieurs, deux élèves, un régisseur, un piqueur et deux charpentiers : total, yingt-six personnes. Ce nombre réparti sur tous les pqrts en laisse peu dans chaque établissement- Les traitements ne paraissent pas excessifs. Cet article monte à 48,430 livres.
Le troisième article comprend la dépense des aumôniers. Ils sont au nombre de vingt-neuf, et payés depuis 1,800 livres jusqu'à 200livres. Cet article est de 21,00Q livres.
Le quatrième article comprend les officiers de santé, Ils sont au nombre de deux cent soixante-quatre, y compris trente d'entre eux qui ne seront pas remplacés, mais qui sont payés jusqu'à leur mort, où à leur retraite, et y compris aussi trente sœurs de la Charité de l'hôpital de Rocbefort, qui, à elles trente, ne coûtent que 1,080 livres.
Le reste consisté en neuf médecins, payés depuis 5,000 livres jusqu'à 200 livres; en cent quatre-vingt-sept chirurgiens, payés depuis 3.000 livres Jusqu'à 240 livres : en deux apothicaires, payés z,000livres et 1,§Q0 Jjvres; un jardinier botaniste, à 1,200 livres ; ét iip contrôleur de l'hôpital, à 2,000 livres, pe qui, joint à 600 livrés pour l'entretien dû jardin botanique de Toulon et de l'école d'anatomie de Rophefort, donne uq total de dépense de 228,5Ç0 livres, sur quoi l'extinction de trente médecins et chirurgiens qui ne doivent pas être remplacés apportera une réduc-' tion de 23,800 livres.
Le pinquième article çppperpe la prévôté 4e la marine. Elle consiste en trois prevpts à 4,Q0O liv: quatre lieutenants; quinze assesseurs; quatre procureurs du Roi; fiinq greffters; ciqq exempts ; cinq prigadiers, et quatre-vingts archers', quisont payés chacun 600 livrés, JOfàl» fiépt vingt-upe personnes, dont la dépense'W de 9^,300 livres^
Le sixième article comprend la paye des gardiens, portiers et rqndiers, tant des vaisseaux que des magasins, des canotiers et .des gabariers. Cet article ést considérable, il se monte à 429,808 liv.
Le septième article est un composé de plusieurs objets de natures trèsTdifférentes, et que nous allons séparer pour vous en rendre un compte plus clair :
1° La dépense des chiourmes, dans laquelle on Comprend Tentretien et solde des pertuisaniers, les appointements des bas-officiers des galères, et de tous les objets relatifs aux forçats, 1,650,000 livres. Nous ne pouvons vous présenter aucun détail sur cette dépense : elle est énorme et affligeante.. La suppression du régime fiscal doit v faire espérer une diminution sensible.
2° l'exploitation des bois des Pyrénées est évaluée 50,000 livres.
3° Les journées des malades dans les hôpitaux, non compris celles du corps royal des canon niers-matelots, dont nous vous avons déjà rendu compte, et non compris celles des chiourmes et des armements", coûtent 500,000 livres. Cette dépense, en estimant le prix des places de l'hôpital à 20 sols, suppose un entretien journalier de 1,370 malades, pe qui parait bien considérable.
4° L'entretien ordinaire des bâtiments civils est estimé 375,000 livres.
5* Un autre article, intitulé : Ouvrage indispensable à exécuter en 1789, et qui, sans doute, n'est pas une dépense annuelle, quoiqu'il s'y trouvé compris, monte à 480,000 livres.
6° La dépense des consuls entretenus pour les intérêts du commerce dans les différents ports étrangers, monte à 537,980 livres. L'état en est joint à la fin de ce rapport. L'Amérique seule en emploie pour 112,000 livres.
7° L'entretien du phare d'Ouessan, du phare de Saint-Mathieu, des lanternes et illuminations des quais et cales, coûte ^0,65Q livres,
8° Les frais de réglé des vivres de la marine montent, en appointements des régisseurs, directeurs et commis, à 234,500 livres, et les frais généraux de régie, à 390,000 livres : total, 624,500 livres.
9° ûn retient, ou plutôt on ajoute (puisqu'on en fait yp article de dépense) à la dépénse des vivres, 4 deniers pour livre au profit des invalides de la marine, ce qui monte à 80,000 livres, et suppose une dépense en vivres de 4,800,000 livres.
10° Enfin, les appointements du ministre et de §ê§ bureaux, ceux de divers bureaux, officiers et autres employés à Paris et à Versailles, ceux de différentes personnes chargées de travaux particuliers, d'autres frais de bureaux à la cour et dans le§ pprts; des loyers de maisons et emplacements occupés pour le service de la marine, et enfin des gratifications extraordinaires, des fràis de conduites, de vacations,de ports de lettres, etc., coûtent ensemble, 1,624,055 livres.
Nous ne vous parlerons pas ici d'une dette de 1,200,000 livres pour lés fonds d'avance fournis par- les régisseurs, et dont on paye annuellement 60,000 livres d'intérêts, non plus que d'une autre dette de 1.600,000 livres empruntées en 1779 et 1780 par M. de Sartine, dont on paye 8,000 livres
d'intérêts .Ces deux articles seront comptés parmi les dettes du département.
Nous allons finir par une récapitulation de tous les articles de la dépense d'administration, et les classer d'une manière différente pour vous en faciliter le rapprochement.
I. Chiourmes et hôpitaux.
1° La dépense des chiourmes.. 1,650,000 liv.
2° Les journées d'hôpitaux.... 500,000
3* Les officiers de santé...... 228,560
Total.. 2,378,560 liv.
II. Bâtiments civils.
1° Ingénieurs et officiers pour les
bâtiments civils................................48,430 liv.
2° Entretien ordinaire desdits
bâtiments.......................375,000
3° Ouvrage indispensable en 1789, 480,000 livres ci, pour mémoire.
Total.... 423,430 liv.
III. Articles divers.
1° Prévôté de la marine.......
2° Gardiens, portiers, rondiers,
canotiers et gabariers...........
3» Entretien des phares et lanternes.........................
4° Exploitation des Pyrénées.. 5° Aumôniers.................
94,300 liv.
429,000
30,650 50,000 21,000
Total____ 625,750 liv.
IV. Administration.
1° Les consulsdans les différents
ports étrangers..........................537,980 liv.
2° Intendants, commissaires contrôleurs et commis dans les
ports, etc....................................798,840
3° Le ministre et les bureaux de
Paris et Versailles............................1,624,055
4° La régie des vivres..................624,500
5° 4 deniers pour livre au profit
des invalides de la marine — .. 80,000
Total.. 3,665,375 liv.
La somme de tous les articles ci-
dessus est de.....................7,093,115
lesquels joints à ceux de l'état
militaire, ci................... 5,903,035
donnent une dépense fixe de... 12,996,150 liv.
Et en y ajoutant pour cette année les ouvrages indispensables
en bâtiments civils en 1789.... 480,000
Total des dépenses fixes.. 13,476,150 liv.
Récapitulation des sommes ci-dessus du second chapitre.
Art. 1er............................................2,378,560
liv
2 ...................... 423,430
3....................... 625,750
4..........v......................3,665,735
Total.... 7,093,115liv.
CHAPITRE TROISIÈME.
dépenses variables.
Constructions.
La seconde partie des dépenses ordinaires de la marine a pour titre : Dépenses variables ; et ce titre seul est une espèce de tort en administration. Nous chercherons à l'effacer, autant que la nature- des objets.qu'il renferme nous le permettra, en y appliquant des règles et des principes qui ne soient pas variables.
Ce chapitre concerne les constructions et les entretiens des vaisseaux, frégates et bâtiments de tout genre qui appartiennent à la marine royale.
Des calculs, dont il ne nous est pas aisé d'apprécier la justesse, mais qui réunissent en leur faveur des témoignages imposants fournis par des hommes des différents états qui rassortissent à ce département, témoignages qui, se trouvant conformes à des époques différentes, servent de bases aux opérations du ministre dans cette partie. Ces calculs établissent ce que coûte exactement chaque vaisseau de chaque échantillon; et des états détaillés à l'infini exposent, d'une manière satisfaisante, les éléments de ces calculs. Il en résulte qu'un vaisseau de 110 à 118 canons
coûte......................... 1,362,704 liv.
Un vaisseau de 80............ 1,053,350
Un vaisseau de 74............ 906,531
Une frégaté de 36............ 449,433
Une frégate de 32 ............ 399,800
Une corvette de 20 ........... 241,091
Une corvette de 12. . ......... 219,074
Un aviso........ ............. 80,000
Une flûte de 700 tonneaux et
30 canons..............•...... 230,000
Id. de 600 tonneaux et 24 canons.......................... 205,000
Id. de 500 tonneaux et 20 canons.......................... 175,000
Une gabare, prix commun..... 106,000
Les radoubs ordinaires des vaisseaux dans les ports sont de même soumis à une appréciation à peu près déterminée. On estime qu'un radoub à faire à un vaisseau, une frégate et une corvette, coûte 250,000 livres.
L'entretien journalier des bâtiments qui restent désarmés dans les ports, et qui n'ont pas besoin de radoub, est estimé, pour 183 bâtiments de toute espèce qui existent, à 962,000 livres, ce qui fait, pour chaque bâtiment, l'un portant l'autre, une dépense de 5,257 livres.
Il y a, dans les différents ports, environ 1,400 bâtiments employés pour les détails du service intérieur. Leur entretien est estimé, par an, à 600,000 livres.
Le dépérissement de la mâture, des agrès et apparaux des vaisseaux non armés dans les ports
est fixé de même, par un aperçu résultant de l'expérience, à 400,000 livres.
On évalue de même l'approvisionnement annuel de l'artillerie, en supposant complet l'armement des vaisseaux et frégates, etc., existants, à 300,000 livres, ce qui suppose l'achat annuel d'environ 300 canons (1). o
Il s'en faut bien qu'on ait atteint encore l'approvisionnement complet en canons, et c'est le motif d'une demande qui se trouvera parmi les dépenses extraordinaires de ce compte.
Il résulte de l'état ci-dessus, qu'indépendamment des constructions, des refontes et des radoubs dont il nous reste à vous offrir le détail, les quatre articles qui viennent d'être rapportés, et qui sont estimés à une somme déterminée par le ministre de la marine, établissent pour l'entretien des vaisseaux qui restent désarmés dans les ports, pour celui de 1,400 bâtiments nécessaires au service des ports, pour réparer le dépérissement des mâts et agrès, et enfin, pour renouveler l'artillerie, une dépense annuelle de 2,262,000 livres.
Nous allons vous rendre compte à présent de l'objet intéressant ; celui des constructions et des radoubs.
11 est aisé, d'après les états ci-dessus, de savoir ce que doivent coûter les différentes constructions et les radoubs que l'on entreprend; mais il faut établir quelle est la quantité que l'on en doit entreprendre, et pour cela, il faut déterminer d'abord à quel nombre on veut fixer les forces navales, et à quel dépérissement elles sont assujetties.
La dernière ordonnance de la marine établit pour base de nos forces navales, l'entretien de trois armées composées chacune de trois escadres, et chaque escadre de neuf vaisseaux et neuf frégates ; c'est-à-dire qu'elle fixe le nombre des vaisseaux à 81, et les frégates au même nombre. Cet état est celui de guerre ou le complément de nos forces navales. •
A la paix de 1783, nous n'étions pas à ce nombre; il ne nous restait que 68 vaisseaux et 51 frégates; et sur ce nombre, il y a eu de condamnés 28 vaisseaux et 12 frégates.
On a pris le parti de réduire l'armée navale à un pied de paix, en ne portant chaque escadre qu'au nombre de 7, ou en n'ayant que 7 escadres de 9 vaisseaux, ce qui est la même chose ; ainsi le nombre fixe actuel est de 63 vaisseaux, 63 frégates, etc.
Une longue expérience a appris que les vaisseaux, l'un portant l'autre, ne durent que 10 ans, et les frégates, 12; ainsi, on ne peut espérer d'avoir une armée navale toujours prête à servir, sans construire, tous les ans, la dixième partie de ses vaisseaux, et la douzième partie de ses frégates.
Nous sentons combien cette action du temps est funeste, et combien il est douloureux ae penser que dans 20 ans de paix il faut, sous peine d'être sans puissance maritime, renouveler deux fois l'énorme dépense d'une marine entière; mais si telle est la loi de la nature, que peut-être on pourrait combattre avec plus de succès ; si telle est la nécessité, il faut bien s'y soumettre, ou renoncer à un commerce protégé, et à des colonies.
Le dixième de 63 vaisseaux est à peu près 6 ;
le douzième de 63 frégates est [5; il faudrait donc calculer sur la construction annuelle de 6 vaisseaux et de 5 frégates, c'est-à-dire, sur une depense, année commune, de 7 à 8 millions pour ce seul objet (1).
Dans la même proportion observée pour les radoubs, il faut, tous les ans, y comprendre le même nombre [de 6, et cette nécessité impose une dépense annuelle de 1,500,000 livres.
Suivant les calculs ci-dessus, les constructions depuis le premier janvier 1783, devraient, y compris l'année courante, se monter à 42 vaisseaux et 35 frégates; elles ne montent effectivement qu'à 35 vaisseaux et 28 frégates, y compris ceux qui sont à présent sur les chantiers; ainsi, elles sont inférieures à l'évaluation commune de 7 vaisseaux et 7 frégates; et c'est en effet ce qui manque au bon état complet de notre pied de paix actuel.
Il résulte de ce qui vient d'être dit, que la dépense annnelle de conservation et de renouvellement des vaisseaux et frégates, prise à la rigueur des calculs précédents, entraînerait une dépense annuelle d'environ 9 millions.
Celle qui est calculée pour l'année courante, monte, pour les constructions, à 7,887,567 livres, et pour les radoubs, ainsi qu'il a été dit ci-devant, à 1,500,000 livres; ce qui donne un total, pour ces deux objets, de 9,387,567 livres.
D'après les calculs ci-dessus, en réunissant les premiers objets d'entretien dont nous vous avons déjàjrendu compte,etquimontentà2,262,000 livres, à la dernière somme des constructions et des radoubs, on trouve un total de 11,649,567 livres.
Il a, de plus, été construit, depuis le premier janvier 1783, 7 corvettes, 17 avisos et 8 flûtes ou gabares, dont la dépense| monte, pour les 7 corvettes, à 1,533,508livres; pour les 17 avisos, à 1,360,000 livres, et pour les 8 flûtes ou gabares, en en comptant 4 de chaque espèce, à 1,237,332 livres ; et pour le tout, 4,130,840 livres, ce qui, formant une année commune des sept, donne une dépense annuelle de 600,000 livres qu'il conviendra de joindre aux autres dépenses, quoiqu'elle n'y soit pas calculée dans les états qui nous été remis.
Récapitulation des sommes du troisième chapitre.
Art. 1er.......... 962,000liv. )
2........... 600,000liv. 9 9fi9 nnn 1iv
3........... 400,000 liv. I A^>000 Wf
4........... 300,000 liv. )
Constructions....... 7,887,567 liv.
Radoubs..'......... 1,500,000 liv.
Total.......... 11,649,567 liv.
Six vaisseaux de 74, à 906,531 livres. 5,439,186 livras. Trois frégates portant du 18, à
449,433 livres......................1,348,299
Deux frégates portant du 12, à 399,800 livres..................... 799,800
1 I l 7,587,085 livres.
Radoubs annuels................................1,500,000
Total............................9,087,085 livres.
CHAPltRÉ QUATRIEME.
, Armements.
Nous allons à présent vous rendre compte de la dépense ordinaire des armements qui ont lieu tous les ans pour les différentes stations; c'est le dernier article des dépenses variables de la marine.
La station la plus éloignée est celle des mers d'Asie. Dans ce moment-ci elle consiste en 17 bâtiments armés en guerre ; mais le parti qui a été pris sur le régime de nos possessions dans l'Inde réduira, à l'avenir, ce nombre à 4 frégates, 1 corvette et 1 flûte; ainsi, 11 de ces bâtiments stationnaires ne doivent être compris dans Ce compte que pour la dépense de cetté année ; et 1a base de nos calculs, pour l'avenir, doit porter sur le nombre dé 6 bâtiments armés en guerre.
La seconde station est Celle des îles du Vent. Elle consiste en un vaisseau de 74 canons, 2 frégates et 1 corvette, et 3 avisos armés en paix. Total, 7 bâtiments.
La troisième station est celle de Saint-Domingue. Elle consiste dans le même nombre de bâtiments de la même espèce, et armés dé même en paix : ci, 7 bâtiments.
La quatrième 3tation est celle des côtes d'Afrique. Elle consiste en 1 frégate, 1 corvette et 1 aviso armés en paix. Total, 3 bâtiments.
La cinquième station est celle de la Méditerranée. Elle consiste en 1 frégate, 2 corvettes et 1 aviso armés en paix. Total, 4 bâtiments.
La circonstance de la guerre actuelle entre les Turcs et les Russes à obligé d'entretenir dans la Méditerranée* pour la sûreté du commerce, 14 bâtiments de plus.
Indépendamment de ces cinq stations, il est d'usage d'armer, pour l'instruction des élèves de la marine, une escadre d'évolution de 3 corvettes.
Outre cela, il est nécessaire d'entretenir, pour le cabotage, en raison du transport des effets, des munitions et des vivres, 2 flûtes et 4 gabares. Total, 6 bâtiments.
Le total de ces bâtiments est de :
2 vaisseaux de 74 canons.
10 frégates.
9 corvettes.
3 flûtes.
4 gabares.
8 avisos.
Total... 36 bâtiments.
La dépense de l'armement de chaque bâtiment est calculée-, et nous allons vous la présenter d'après les états qui nous ont été communiqués, et qui sont accompagnés des plus grands détails. Ces états contiennent ce que coûtent, par an, les bâtiments de toute espèce, armés et entretenus à la mer ; et il résulte du tableau détaillé que nous pouvons mettre sous vos yeux.
Qu'un vaisseau de 74, armé en guerre, en paix,
coule par an..........542,110 liv. 448,510 liv.
Une frégate portant du 18. 276,729 234,012
— portant du 12. 237,320 199,758
— portant du 8.. 20o,000 166,000
Une corvette.......................100,000 83,000
Une flûte..................................100,245 Id.
Une gabare............... 50,110 là.
Un aviso-. ;.....;......... 70,000 Id.
Tableau de la même dépense par mois.
Un vaisseau de
74, armé.... en guerre, en paix,
coûte par
mois...... 45,175 1. 10 s. 37,376 1.
Une frégate poiv
tant du 18.. 23,060 15 19,501
Une frégate por-
tant du 12.. 19,776 13 4 d. 16,646 1. 10 s.
Une frégate por-
tant du 8... 16,666 13 4 13,833 6
Une corvette... 8,333 6 8 6,916 3
Uue flûte..... m 8,353 5
Une gabare.... Id. 4,175 15
Un aviso...... Id. 5,833 6
8 d.
Cela posé, il ne s'agit plus que de supputer combien de temps les bâtiments attachés à chacune de ces stations restent hors des ports; il va être fait en conséquence un "calcul particulier pour chaque station.
La station de l'Inde, ainsi que nous avons eu l'honneur de vous le dire, est composée de 4 frégates portant du 18, d'une corvette et d'une flûte armées en guerre; Les bâtiments, employés à toutes les autres stations, sont armés en paix. Cette station dure trois ans. Elle n'est jamais vacante, ainsi il faut la calculer pour toute l'année.
Une frégate portant du 18 coûte, par an, 276,729 livres.
Ainsi* 4 frégates coûtent.... 1,106,916 liv.
Une corvette coûte par an. . . 100,000
Une flûte est estimée, pour les mers d'Asie, pendant un an. . . 120,000
Ainsi la station de l'Inde coûte par an.................1,326,916 liv.
La station de Saint-Domingue et celle des îles du Vent sont pareilles. Elles emploient chacune un vaisseau de 74, 2 frégates portant du douze, 1 corvette et 3 avisos armés en paix. Ces stations durent deux ans. Elles ne sont jamais vacantes, ainsi il faut les calculer pour toute l'année.
Un vaisseau de 74 coûte, par an. 448,510 liv.
Deux frégates portant du 12, à 199,758 liv. ......... 399,516
Une corvette............83,000
Trois avisos, à 70,000 liv.. . . 210,000
Ainsi la station de Saint-Domingue coûte, par an........ 1,141,026 liv.
La station des îles du Vent coûte la même somme de. ...... 1,141,026 liv.
La statioh dé la côte d'Afrique emploie une frégate portant du 12, une corvette et un aviso. Elle occupe ces trois bâtiments pendant huit mois. Une frégate portant du 12, coûte,
poUr huit mois......... 134,000 liv.
Une corvette, idem...... 55,333
Un aviso, idem........ 48,000
Ainsi la station de la côte d'Afrique coûte........... 237,333 liv.
La station de la Méditerranée emploie une fré-
gâte portant du 18, 2 corvettes et 1 aviso. Elle dure deux ans, et n'est jamais vacante; ainsi il faut la calculer pour toute l'année.
Une frégate portant du 18, armée en paix, coûté par an. . . . 234,012 liv. Deux corvettes, à 83,000 liv. . 166,000 Un aviso. ... . . . . : . ; 70,000
Ainsi la station de la Méditerranée èoùte par an. ...... 470,012 liv-
Pour rendre le calcul de la dépense des stations plus juste qu'il rie l'est dans les.états du département de la marine, on aurait dû ajouter, à chaque station, un nombre de mois pour le temps employé à les relever.
Ainsi la station de l'Inde, t qui duré trois ans, doit être prolongée de six mois. Il en résulte par chaque année deux mois de dépense, qui montent à............. 217,860 liv.
La station de Saint-Domingue doit être augmentée de même de quatre mois ; il en résulte par chaque année deux mois de dépense, qui montent à*. .... . . .* . 190,173
Idem, pour la station des îles du Vent. . . > ........ . 190,173
La . station de la Méditerranée devant être augmentée de même de deux mois, il en. résulte par chaque année un mois de dépense, qui monte à. .........39,167
Total...........637,337 liv.
Nous allons récapituler la dépensé de ces différentes stations poUr vous en présenter l'ensemble.
1° La station dé l'Inde coûte.. 1,326,916 liv.
2° Là statioh de St-Domingue.. 1,141,026
3° La station des îles du Vent. 1,141,026
4° Là station de là côte d'Afrique 237,333
5° La station de là Méditerranée 470,012
Total des cinq stations....4,316,313 liv.
' L'escadre d'évolution pour l'instruction des élèves de la marine consiste en 3 corvettes, dont l'armement dure six mois, et dont là dépense monte, pour ces six mois à la somme de. . ............. 124,500 liv.
Le càbotage emploie 2 flûtes et 4 gabares pendant toute l'année.
2 flûtes coûtent pendant un an. 200,490 liv.
4 gabares, idem........ . 200,440
Total de la dépense du cabotage. 400,930 liv.
récapitulation générale de tous les armements annuels.
Les citiq stations..............4,316,313 liv.
L'escadre d'instruction. ... 124,500
Le cabotage. . .............400,930
Total de la dépense des armements.....................4,841,743 liv.
Il n'est pas inutile d'observer que, dans les états qui nous ont été remis, cettè même dépense est portée à. . . * . . . . . * 4,873,776 liv.; cé qui la rend supérieure au calcul ci-dessus de 32*033 livres ; mais c'est une erreur de calcul, et elle est trop légère pour que nous ne laissions pas subsister dans ce rapport les calculs qui ont Servi de base aux projets de dépenses que nous aurons à discuter.
Enfin, enréunissant tous les chapitres de dépense détaillés dans le présent ^rapport, vous aurez le total de la dépense ordinaire de la marine sans y comprendre les colonies.
récapitulation générale.
5,903,035 liv. 7,093,115
1er chàpitre. Etat militaire 2e chapitre, administration.
Nota. A ce chapitre est ajouté un article de bâtiments civils, indispensable à exécuterén 1 7 89, qui [honte à 480,000 livres, ci pour Mémoire......
3? chapitré. Constructions. 11,649,567
4° chapitre. Armements... 4,873,776
29,999,493 liv.
Total.... 29,519,493 liv.
480,000
Auxquels il faut joindre, pour cette année, la somme rapportée ci-dessus pour mémoire.....
Total de la
dépense ordi--——-
paire de 1789. 29,999,493 liv.
Mais en ayànt égard à la somme que nous avons estimée d'après les calculs qui servent dé base aux états Ci-dessUs, pour le double emploi des armements qui vont rèlever les stations, et de ceux qui les quittent, il conviendrait d'ajouter à cette somme celle àë......... 637,373 liv.
Il conviendrait aussi d'ajouter la somme omise pour la construction annuelle des petits bàtimehts comme flûtes, gàbarës, avisos, etc., que nbùs avons évalués à 600,000
1,237,373 liv.
Total des sommes à ajouter... l,237,3731iv.
Et en réunissant cette somme à celles qui composent les dépenses du département j il en résultera une année commune de
31,236,866 liv.
DÉPENSES EXTRAORDINAIRES.
Indépendamment des dépenses ci-dessus, le département de la marine a demandé, pour cette année, des fonds extraordinaires pour les objets .suivants. /
La dépense de la station de l'Inde coûtait, sur . l'ancien pied qui ne cessera qu'à la rentrée des bâtiments qui la composaient, 3;004,024 livres ; elle est réduite à une dépense de 1,212,096 livres(l), et n'est employée que pour cette somme dans les états de l'année ; ainsi il faut pour 1789 un excédant de 1,791,928 livres.
La station de la Méditerranée, en raison de la guerre des Turcs et des Russes, a exigé dés bâtiments armés en guerre, et en plus grand nombre. Il en résulte un surcroît de dépense de 658,548 livres.
Il est essentiel de compléter l'approvisionnement de l'artillerie. Il en manque encore 1,038 pièces, ce qui exige un supplément de fonds de 700,000 livres.
On a jugé indispensable de faire approvisionnement de précaution en munitions navales, et on a demandé pour cet objet, sans le définir exactement, une somme de 1,600,000 livres.
Les canonniers-matelots ne sont portés dans les états de dépenses, que sur le pied de leur dernière réduction, qui en fixe la dépense à 1,883,246 livres; mais comme cette économie n'est qu'éventuelle et successive par la suppression des recrues, il en coûtera encore de plus cette année, 430,096 livres.
Enfin, les deux sommes dont nous avons parlé, qui sont dues tant aux régisseurs des vivres, pour leurs fonds d'avances, qu'à ceux qui ont prêté au département de la marine 1,600,000 livres en 1779 et 1780, portent 140,000 livres d'intérêts qu'il faut acquitter ; ainsi, il faut faire fonds de cette somme d'intérêts.
Ces six articles réunis donnent un total de dépense extraordinaire, pour 1789, de 5,320,572 livres.
Récapitulation des dépenses extraordinaires.
Art. 1er ...................... 1,791,928 liv.
2.........'....'....-....:. 658,548
3............ ........ .. 700,000
4....................................1,600,000
5.............................430,096
6............................140,000
Total......... 5,320,572 liv.
ÊTÀ T général des dépenses des Consulats.
Madrid.
espagne.
Au chargé des] affaires de laI marine et du> 24,400 liv. commerce de\
France... ......1
Nota. On rembourse au chargé d'affaires, environ 6,000 livres pour les présents annuels.
A reporter........ 24,400 liv.
Cadix......
Séville et San-
Lucar........
Malaga.........
Carthagène....,
Alicante.......;
Gyon....... ..
La Corogne....,
Rarcelonne
Santander......
Oran..........
Mayorque......
Iles Canaries... Palamos.......
Lisbonne.
Madère.
Nice...........
Cagliari........
Charles-Fort.... Gênes..........
Savonne .......
Livourne.......
Porto-Ferrajo...
Rome..........
Civita-Yecchia..
Naples.
Messine........
Palerme........
Venise... .....
Iles Vénitiennes Raguse ......
Report..............24,400liv.
Au consul.......
Au chancelier .. 1,000
Au vice-consul.. 1,000
Vice-consul..........1,000
Consul................6,000
Consul....................6,000
Consul.......7,200
Vice-consul..........600
Consul...............3,500
Consul...............6,000
Consul....................6,000
Consul....................5,000
Consul................3,000
Consul.............4,000
Consul....................5,000
Vice-consul..........400
portugal.
Consul général... 16,000
Vice-consul..........1,800
Juge conservateur de la nation 1,800 Vice-consul interprête ..................600
Hôpital de marine 600
Consul....................1,500
italie.
Consul................7,000
Consul....................3,000
Vice-consul..........300
Consul....................11,000
Vice-consul..........400
Consul............8,000
Vice-consul..... 800
Consul.......... 3,000
Consul...............3,000
Consul général.. 15,000 Avocat de la marine ....................500
Vice-consul..........1,500
Vice-consul...... 4,500
Vice-consul..-.: 1,500
Consul honoraire 1,500
Vice-consul..........300
Consul général... 5,000
Consul général... 2,000
pays de la domination de l'empereur.
Amsterdam.....
Trieste......... Consul....................6,000
Ostende........ Consul....................5,000
nord.
I Commissre du Roi pour la marine et le commerce
( de France.... 15,200
Chancelier............600
Rotterdam...... Vice-commissaire 2,500
Hambourg._____ Consul général.. 8,500
Rostock........ Vice-consul..........3,000
ûantzick....... Consul général.. 2,400
Stockolm....... Consul..........8,000
Rerghem....... Consul.............4,000
C hristiansand... Vice-consul..... 2,000
Elseneur........ Consul...............9,000
A reporter....... 236,900 liv.
Report......... 236,900 liv.
Drontheim..... Consul....................4,000
Saint-Pétersbourg........ Consul général.. 17,000
Kronstadt...... Consul..........5,000
Moscow ........ Agent....................600
amerique septentrionale.
Boston......
Philadelphie. Portsmouth.. Baltimore... Richemond. Charleston.
Wilmington
New-York...
Maroc.........
Constantinople.
Smyrne......
Bassora .......
Bagdad .......
A Paris.
Consul..............20,000
Vice-consul............8,000
Vice-consul..........8,000
Consul....................20,000
Vice-consul...... 12,000
Chargé des affaires
du consulat... 12,000 Chargé des affaires
du vice-consulat 4,000
Consul......................20,000
Au chargé des affaires du con- 7,Ooo sulat général auprès du congrès ....................12,000
Consul général.. 19,000
1 Chancelier............1,200
Interprète..............1,800
Hôpital de la marine ....................500
Hôpital de la marine....................500
Consul....................14,000
Vice-consul..........6,000
Trois secrétaires interprètes en langues orientales ............15,000
Un surnuméraire 1,000 Dépenses des élèves en langues orientales 12,000 Conduite desdits élèves sortant desdites écoles 2,000
angleterre.
Londres........ Agent général... 20,000
Bristol......... Agent particulier 9,000
Liverpool...... Agent particulier 8,000
Dublin......... Agent général ,.. 16,000
Cork........... Agent particulier. 8,000
Edimbourg..... Agent particulier. 9,000
On n'a pas porté les dépenses ca-suelles des consulats, comme ports de lettres, remboursements de dépenses de diverses natures, pour jle service, indemnités dues pour perte causées par des accidents extraordinaires, frais de voyages pour le service, présents annuels et d'usage dans les principales villes des pays étrangers (cet article seul se porte environ à 6,000 livres pour Madrid)
et autres dépenses qu'on n'a aucun ; moyen d'évaluer avec précision. On
porte cet objet, par aperçu, à________25,000
Total..............547,500 liv.
Nota. On ne comprendra pas dans cet état les dépenses extraordinaires et souvent très-considérables, que la politique exige pour le maintien de nos liaisons avec les puissances de Barbarie ; elles tiennent à des événements qu'il n'est pas possible de prévoir. Le rapport en est fait au Conseil d'Etat de Sa Majesté, et sur sa décision, il y a toujours été pourvu par des fonds extraordinaires, pris au trésor royal.
La chambre de commerce de Marseille paye tous les traiteménts des consuls et autres officiers du Roi au Levant et en Barbarie, à l'exception de ceux de Maroc et du Pacnalik de Bagdad, où elle ne perçoit aucun droit.
Rapport de la dépense des colonies fait à VAssemblée nationale par le comité des finances.
Messieurs, les colonies que la France possède à Saint-Domingue et aux îles du Vent, sont d'une importance si reconnue pour la balance du commerce, qu'il paraît superflu de vous en détailler les avantages. C'est pour conserver cette source de richesses nationales que l'état est obligé à d'immenses sacrifices. On ne peut se dissimuler que nos colonies ont souvent occasionné des guerres ruineuses, et que c'est principalement pour elles qu'il faut entretenir des forces navales et de grands établissements maritimes. Nous avons eu l'honneur de mettre sous vos yeux les dépenses que ces forces et ces établissements entraînent en France. Il nous reste à vous exposer celles qui concernent particulièrement nos colonies.
CHAPITRE PREMIER.
Colonies d'Amérique.
Nous avons cru nécessaire de vous présenter sous différents points de vue la dépense relative à nos colonies. Nous les considérerons d'abord comme des provinces du royaume, ayant, comme toutes les autres, des besoins et des dépenses d'administration auxquels il faut pourvoir avant tout. Ainsi, les objets d'administration intérieure seront les premiers que nous aurons l'honneur de vous soumettre.
Nous vous présenterons ensuite les dépenses consacrées à les défendre contre l'ennemi.
Enfin nous vous donnerons l'état des dépenses relatives aux secours que nos escadres ou notre commerce doivent y trouver. A cet égard, nous ne.pouvons cacher le regret de voir que tant de millions, dépensés jusqu'ici pour la marine, nous aient laissé aussi en arrière de ce qu'il serait si nécessaire d'avoir dans nos colonies, sinon pour y construire et armer des vaisseaux, au moins pour les réparer, après un combat ou après des malheurs.
Les colonies d'Amérique consistent :
1° Dans la partie française de l'île de Saint-Domingue.
2° Aux îles du Vent, la Martinique, la Guade» loupe, Sainte-Lucie et Tabago.
3° Dans l'Amérique méridionale, Cavenne et la Guyane.
4° Au Banc de Terre-Neuve, pour la pêche de la morue, les îles de Saint-Pierre et Miquelon.
Art. 1er.
saint-domingue.
A dminis tration.
Les principaux officiers de cette administration consistent dans un intendant payé 80,000 livres, un commissaire-ordonnateur payé 16,000 livres, neuf commissaires qui coûtent 58,000 livres, un contrôleur payé 8,000 livres, dix écrivains principaux payés 34,000 livres, et enfin treize écrivains orainairés payés 37,886 livres.-Total, trente-cinq personnes, coûtant ensemble 233,866 livres.
Le conseil supérieur est composé d'un président payé 15,000 livres, d'un procureur général payé aussi 15,000 livres, de dix-huit Conseillers, qui coûtent 162,000 livres, et de trois substituts payés 8,000 livres. Total, vingt-trois magistrats payés 200,000 livres.
Les sénéchaussées sont composées de trente conseillers ayant chacun 3,000 livres d'appointements. Total, 90^000 livres.
Aussi, la dépense des officiers de justice est de 290,000 livres.
Les garde-magasins, au nombre de quatorze, tant gardes principaux que commis, coûtent 22,58o livres. Il y en a deux de ce nombre pour l'artillerie.
Quinze receveurs du domaine et trois commis coûtent 27,134 livres.
Des commis de bureau pour les différents détails de la colonie coûtent 180,344 livres.
Des officiers de santé, au nombre de onze, coûtent 15,668 livres.
Dix-huit aumôniers ou missionnaires'coûtent 12,533 livres.
Un article, énoncé sous le titre de divers entretenus, et qui consiste en sept piqueurs, concierges et gardiens, un botaniste payé 3,000 livres, un aumônier, deux tonneliers, deux charpentiers, deux maçons, un maître forgeron, douze autres, et huit maîtres canonniers, comprend trente-six personnes, et monte, en dépensé, à 47,695 livres.
Un article, intitulé indemnités, tenant à des marchés faits par le Roi, contient six articles» dont le principal regarde les héritièrs de madame la duchesse de Brancas, pour cession au Roi du droit de passage sur ta rivière du haut du cap, et monte à 24,000 livres. Le total de ces indemnités se moqte à 40,334 livres.
Le Roi entretient, pour son propre compte., un atelier composé dé trois cpnt cipquante-sept nègres, et dirigé par un inspecteur» deux éçonqmes et trois piqueurs. Cet établissement coûte 112,080 livres,
Un établissemepl; apx Gonaïvçs exige ['entretien d'un bateau et d'un acou popr le transport des nègres, des vivres §{ dp pois. Il emploie UU maître et deux matelots, un inspecteur des travaux, et cqûte en total 19,000 livres.
Enfin un dernier article, sous le titre de dépenses diverses, comprend l'entretien des édifices ét bâtiments du Roi, qui coûtent jpar an 240,000 livres; les loyers de maisons et logement de l'inspecteur général de milices, 50,000 livres ; les fournitures, dans lès magasips, évaluées 18,000 livrer ; le fret et transport, dans les quartiers des colonies, 20,000 livres ; les voyages des cabrpusts ft des acou, 6,00Q livres ^ les journées d'ouvriers, 6,000 livres : le luminaire des corps de garde, et rondes 10,000 livres ; les indemnités, pour dépla-
cements, estimées 10,000 livres ; les frais de captures des matelots déserteurs 50,000 livres ; le? frais d impression 39,OOD livres ; l'évaluation des dépenses imprévues 40,000 livres; et enfin dés travaux pour la communication entre la partie du nord et celle de l'ouest, le nettoiement des rues du Port-au-Prince, et là construction d'un palais de justice, d'un auditoire, d'une salle d'audience, et des nouvelles prisons, dont la somme monte à 868,000 livres. Tous ies articles réunis sous ce titre composent une somme d.e. 1,857,000. livres.
Nous allons récapituler ces différents articles. 1° Ôffipiers d'administration.... 233,866 îiy.
2° Tribunaux dp Justice........ 290,000
3° Lps gardés-magàftn.,...... 22;586 '
4° Les receveurs du domaine..|. 27,134
5° Les commis des différents bureaux. ........... ........ 1.80,344
6° Lës 'officiers de santé.. ;..... 15,668
7° Les aumôniers.......12,533
8° Les divers entretenus....... 47,695
9° Les indemnités—......... 40,334
,10° Les ateliers de nègres du Roi 112,080 ll'oL'établissement des Gonaïves 19,000 129 Les dépenses diverses..... 1,357,000
Total des dépenses d'administration .................... 2,358,240 liv.
État militaire.
L'état-major de la colonie tient, en grande partie, à l'administration ; mais il est plus essentiellement lié^ la défense de la colonie, et paraît devoir être compris dans la dépense militaire.
Cet état-major consisté en un gouverneur payé" 100,000 livres, un maréchal des logis payé 5,400 livres, un sous-aide maréchal des logis payé 4,20Q iiypes,deux pqmmandanls particuliers payés 21,333 livres, cinq aides-majors payés 21,900 livres, quatre commandan|s en second payés 85,0^0 livres, dix majors payés 70,999 livres ; et sous le titre d'indemnités, à divers officiers de l'état-major, pour ports de lettres, une somme de 2,200 livres. Total, vingt-quatre personnes, et une dépense de 311,032 livres.
Les garnisons de l'île sont composées des deux régiments du Port-au-Prince et du Cap. Ils sont formés sur le pied des régiments de l'infanterie française, et sont chacun de soixante-six officiers, et de mille cent quarante-huit soldats. Total, 132 officiers, et 2,296 soldats.
La dépense d'appointements et de solde de chacun de ces régiments est à peu près, comme en France, de 307,356 livres, y compris la masse ; mais le logement des officiers coûte au Port-au-Prince 61,887 livres, et au Gap 12,267 livres. Les engagements et rengagements sont estimés, au Port-au-Prince, 22,000 livres, et au Cap 20,000 livres : ils sont en sus de la masse. La subsistance est en sus de la solde et est portée de France. Elle coûte, pour chaque régiment,-252,860 livres; les journées d'hôpitaux sont évaluées, pour chaque régiment,'120,000 livres ; le bois de chauffage fourni à chacun d'eux monte à 16,000 livres : ils entrètiennent chacun un détachement au môle, et il est fourni à chaque détachement nn supplément de riz estimé au Port-au-Prince 1,502 livres et au Cap 1,521 livres, avec une augmentation aùf^ofÏÏfciers des détachements, de 700 livres. Enfin on évalue les dépenses extraordinaires de
ces deux régiments à 80,000 livres. Il résulte de tous ces détails que le régiment du Port-au-Prince coûte 797,305 livres, et celui du Cap 745,705 livres : ainsi la dépense dè ces deux régiments s'élève à 1,543,010 livres, ce qui fait monter la paye de chaque pomme, l'up portant l'autre, environ à 635 livres 10 sols.
L'artiUpfie est comppsée de 4 compagnies de 88 hommes, chacune, et le total consiste en 20 officiers et '352 soldats. L'état-ipajpr de ce corps coûte 15,900 livrés : la solde, la masse et les appqiptement's coûtent 120,172 livres; le logef$£pt des officiers, 10,8QQ livres; la subsis-tanqe, " T0,853 livrés \ le sùpplément de riz au détachement du môle, 960 livrés ; ïa gratification aux papiers de qe détachement, 500 JjYfps; la confection du pain, 4,640 livres;'les journées d'hôpitaux, 19,390 livres; 1e bois, luminaire, lits, etc., 5,460; et enfin les dépenses extraordinaires, 33,860 livres, Toutes ces sommes réunies donnent un total de 282,535 livres.
Le corps du géhie consiste en un directeur de fortifications' pà^ér 16,000 livres; trois ingénieurs eh chef payés 20,000 livres ; un ingénieur de la colonie payé 4,800 livres;' deux dessinateurs, 4,667 livres; deux ingénieurs ordinaires, 8,900 livres; un ingénieur géographe, 3,000 livres; un commis, 2,000 livres; un inspecteur général des fortifications payé 14,667 livres; ce qui, joint à une somme de 3,133 livres; accordée pour voyages et vacations des officiers, porte la dépense entière dp. géniç à 77,167 livres.
Un article dë pensions accordées ' à différents officiers militaires S'éièye à 48,586 livres.
récapitulation
1° Etat-major................................311,032 liv.
2° Dépense de deux régiments.. 1,543,010
3° Artillerie.;;.....*................282,535
4° Génie, i. g|1 SI :...... 77,167
5° Pensions.............................48,586
Total de la dépense militaire 2,262,330 liy.
Marine.
Lps officier^ de port çqnsistent dans douze capitaines et'(jeux lieutenants de ppri;, dont trois Capitaines et les deux lieUtèpâhts sans appointements!'Les dix capitâm^^ payés çptftént 7,933 livres; deux maîtres de port Coûtent 3,800 livres; deux jfëtrbn^ de canots, 2,800 livrés ; tin patron d'é'chalpqp'e, 1,400 libres; trois charpentiers, 5,733 livres ; deux calfâts, 3,467 livres ; et Vingt mâtélqts, 14J267 livres. Total quarante-quatre përsorines, et en dépense 39,400 livres.
Les entrepôts emploient seize sujets, des matelots, un entretien aé cahots, des frais de régie et de bureau. Ils çpûtent annuellement 64,261 livres; mais 1a majeure partie de cette dépense est payée par le droit de 1 0/0 que les marchandises V payent. Il né resté à la chafgë de la marine que 25,000 livres.
On estime que la station des bâtiments du floi occasionne que dépense, à ' Saint-Domingue, de 250,000 livres.
récapitulation.
Les Qfficiers de port,...............39,400 liv.
2« Les entrepôts.................25,000
3° La station des bâtiments du
Roi........ y;.......,..... 25Q,ooo
Ïotal de la dépense de la
marine.........314,400 liv.
récapitulation generale.
Les dépenses d'administration. 2,358,240 liv. Le§ dépensés militaires ...... ^T26.^,330
Lès dépenses dé la marine..... 314,400
Total de toute la dépense de--
Saint-Domingue-.. ts........ 4,934,970 liv.
Les reyepus dp la qqlonie sont environ de 5 millions
Art. ii
la martinique
Administration.
L'administratioq de la Martinique a pour chef qu intepdaqt payé 6Q,Q0P livres; uq commissaire généra), payé 12,Û00 livres ; qqatre commissaires ordinaires, dont 3 à 6,00Q livrés ; et un à 7,000 livres; deu£ contrôleurs, dont un à 1,500 livres, ej; l'antreà 6P01ivres; quatre écrivains principaux à 3000 livres, et six écrivains prqiqaires à 2,4()Q liyfpg. Total dix-hqit personnes, dont les appointements montent ensemble à 125,500 livres.
Divers entretenus ? dont six gardes- magasin content 10,500 livres ; des commis, do différents détails courent, avec les frais et les garçons de bureau, 66,333 livrés ; un arpenteur payé !(,6QQlivres; deu$ maîtres tonneliers payés 800 livres chacun j et deux concierges composent un article de dépense de 82,793 livres.
Lqs receveurs du dpmame, au nombre de seize, tant receveurs que d^ecteqrs pt commi§, coûtent 42,9_26 ljvrps.
Vingt-cinq autreg commis coûtent 12,6QQ livres.
Qës indemnités a six établissements de chanté coûtent 48^73 livres-
Lès qfficiers de santé, au nopibre de sept, coûtent' 10,300 livres.'
Quarante et un ecclésiastiques goûtent 28,193 livrés.
La polipe qui emploie un sergent; ef dix-neuf archers, coûte 19,368 livres.
La dépense du bagne, y compris up sergpnt, un caporal, sept pertijisaniers eÇ un PPftier, monte a 17,294 livres.
' Enfin, UU article de dépenses diverses comprend (les îqyers de maisons poqr 52,tK)0 livrés ; les dépenses (lu fort royal» estimées i$,ooo livrés; le Purement du port,' l^.OQp livres; des fournitures de bqreaui et frais d'imPression, évaluées
18,000 livres; des transports dans Jps déférents quartiers 4e la colonie, 15,OOQ livres; des journées d'quvriers dans les magasins» 12,000 livres ; lès journées d'hôpitaux, jiutrps que pqqr les typupes, 8,PQQ livres j les frais'dejusfjçe g| subsistance des prisppniers, 44,000 livres ; ét enqu des
dépenses jmprévqps, évaluées 3Q,OQ0 livres. Tous
ces articles réunis donnent une somme totale de 209,000 livres. Nous allons récapituler ces différents articles.
r71° Officiers d'administration..........125,500 liv.
" 2° Divers entretenus...................82,793
3° Receveurs du domaine et commis...........................................42,926
4° Vingt-cinq autres commis.... 12,600 .
5? Indemnités........................48,578
6° Officiers de santé........................10,300
7° Ecclésiastiques............................28,193
8° Police............................................19,368
9° Bagne............................................17,294
10° Dépenses diverses......................209,000
Total des dépenses d'administration.................... 596,552 liv.
Etat, militaire.
L'état-major [de la colonie est composé d'un gouverneur général payé 80,000 livres; d'un commandant en second payé 20,000 livres; de deux majors payés 6,000 livres chacun, et de deux aides-majors payés 3,600 livres chacun. Total, six personnes, dont la dépense en appointements monte à 119,200 livres.
La garnison de l'île est composée de deux bataillons d'infanterie de 300 hommes de troupes noires, et de 276 soldats d'artillerie.
Les deux premiers bataillons du régiment de la Martinique, en garnison dans cette île, sont ' comme ceux de Saint-Domingue, de 1148 soldats et 66 officiers. La masse, les appointements et solde de ces deux bataillons, y compris la partie de la masse qui se paye en France, montent à 307,356 livres. Le logement des officiers qui coûte 10,000 livres; la cuisson du pain, 18,000 livres; la fourniture des hamacs, 13,776 livres; le bois, lumière et fournitures des casernes, 15,000 livres; les engagements et rengagements, 12,000 livres ; et enfin les journées d'hôpitaux, estimées 130,000 livres ; portent la dépense de ces 2 bataillons, sans compter l'envoi des subsistances de France, à 506,132 livres.
L'artillèrie est composée de 3 compagnies de 88 hommes chacune, et d'un détachement de 12. Total 276 hommes, et 19 officiers.
L'état-major de ce corps coûte 15,900 livres ; la solde, la masse et les appointements coûtent 95,739 livres.; les logements, 4,000 livres ; le bois, les hamacs, la lumière et les fournitures, 4,000 livres; la cuisson du pain, 4,000 livres; les engagements et rengagements, 1000 livres; et les journées d'hôpitaux 25,000 livres. Le total de cet article est de 149,639 livres.
Les 300 hommes de troupes noires coûtent en tout 10,000 livres.
Les envois de France consistent en vivres, dont l'achat et le fret pour 1,834 rationnaires montent à 416,157 livres; et les effets et ustensiles pour les troupes, les bâtiments civiles et militaires, les fortifications et l'artillerie, qui montent à 60,000 livres. Il faut y joindre la levée de 240 hommes de recrue, leur entretien au dépôt pendant 3 mois, les menues fournitures jusqu'à leur embarquement, et enfin leur transport. Le tout est estimé 63,600 livres : ainsi les envois de France, tant en vivres qu'en effets et ustensiles et en recrues, montent à la somme de 260,421 livres.
Le corps du génie consiste en un directeur payé 12,000 livres; un ingénieur en chef, 5,000 livres; deux ingénieurs ordinaires, 6,900 livres et un
ingénieur géographe, 3,000 livres. Total 26,900 livres.
Un article de pensions à des officiers militaires ou autres, s'élève à 18,327 livres.
récapitulation.
1° État-major........ .........119,200 liv.
2° Dépenses de 2 bataillons... 506,132
3® Artillerie........................149,639
4° Troupes noires........................10,000
5° Envois de France....................560,421
6° Corps du génie.......................26,900
7° Pensions..................................18,327
Total des dépenses militaires. 1,390,619 liv.
Marine.
Les officiers de port consistent dans deux capitaines 'de port, dont un à 3,000 livres, et un à 2,000 livres, et un lieutenant de port à 2,000 livres. Total, 7,000 livres.
recapitulation generale.
Les dépenses d'administration. 596,552 liv.
Les dépenses militaires...... 1,390,619
Les dépenses de la marine... 7,000
Total de la dépense de la
Martinique....................1,994,171 liv.
Les revenus de la colonie montent à..................................................666,666 liv.
Art. iii.
la guadeloupe.
Administration.
L'administration de cette colonie est confiée à un intendant dont le traitement est de 40,000 livres* 3 commissaires ordinaires, dont un est payé 8,0004ivres, et les deux autres 6,000 livres chacun; un commissaire contrôleur payé 7,500 livres ; trois écrivains principaux, dont un est payé 4,000 livres, et les deux autres 3,000 livres, chacun, et six écrivains ordinaires à 2,400 livres d'appointements chacun, à quoi ajoutant 2,000 livres pour frais et fournitures de bureau, on trouve quatorze personnes employées, et une dépense de 93,900 livres.
Les recettes du domaine empldient un directeur général, un receveur général trésorier, trois directeurs particuliers, un receveur particulier,un commis principal, douze visiteurs et receveurs particuliers, un huissier, environ trente commis aux expéditions; total,.cinquante personnes, qui, avec les frais et les fournitures de bureau, coûtent 70,933 livres.
Les officiers de santé, au nombre de six, coûtent 10,800 livres.
On paye aux dominicains, aux carmes et aux capucins, pour les fonctions ecclésiastiques, 12,277 livres.
Un article d'indemnités, payé à la maison de charité de la Basse-Terre, pour droits supprimés, monte à 3,333 livres.
Un article ayant pour titre, divers entretenus, et qui consiste en trois gardes-magasin principaux, deux gardes-magasin d'artillerie, deux arpenteurs, un maître tonnelier, quatre gardiens de ma-
gasin et de bureaux, les concierge^ du gouvernement et de l'intendance, et un abonnement de 5,200 livres, pour fournitures de bureau, emploie quatorze personnes, et coûte 24,760 livres. Le même article comprend une dépense en commis chargés de différents détails, qui monte à 40,000 livres, et le total de l'article est de 64,760 livres.
La police emploie six commis, un sergent, un caporal, onze archers; total, dix-neuf personnes, dont la dépense monte à 10,373 livres, mais peut être supportée par la ferme des cabarets, et n'être pas comprise au rang des charges de l'administration.
Le bagne emploie deux sergents, six pertuisa-niers et un portier, qui coûtent 7,320 livres ; les forçats, les malades et l'entretien du bagne sont estimés 4,000 livres, et l'article entier 11,320 livres.
Un article intitulé, diverses dépenses, consiste en loyers de maisons et logement en argent, qui montent à 50,000 livres ; les frais d'impression 6,000 livres ; les transports dans les différents quartiers de la colonie, 8,000 livres; les journées dans les magasins du Roi, 6,000 livres; les frais de justice et subsistance des prisonniers, 25,000 livres, et enfin l'évaluation des dépenses imprévues à 30,000 livres. Tous ces articles réunis montent à 125,000 livres.
Nous allons récapituler ces différents articles.
1» Officiers d'administration..... 93,900 liv.
2- Domaine.................... 70,933
3° Officiers de santé, i.......... 10,800
4° Ecclésiastiques.............. 12,277
5° Indemnités............. ... 3,333
6° Divers entretenus et commis.. 64,760 7° La police. Pour mémoire.,...
8° Le bagne................... 11,320
9° Diverses dépenses........... 125,000
Total des dépenses d'administra-tion........................ 392,323 liv.
Etat militaire.
L'état-major de la colonie consiste dans un gouverneur payé 60,000 livres, un commandant en second payé 20,000 livres, un commandant particulier de Marie-Galande, 9,000 livres : un major de la Basse-Terre, 6,000 livres ; cinq aiaes-majors, 18,000 livres : total, neuf personnes, dont la dépense, y compris 4,600 livres pour frais de bureau, monte à 117,600 livres.
La garnison de l'île consiste en deux bataillons d'infanterie, une compagnie d'artillerie de 88 hommes, et 300 hommes de troupes noires.
La dépense des deux bataillons d'infanterie, de 1,148 hommes et 66 officiers, consiste dans les appointements : la solde et la masse montent, y compris la portion de la masse qui se paye en France, a 307,356 livres ; des loyers ae maisons et logements en argent, 25,000 livres; le bois, les lits, lumières et autres fournitures, 230,000 livres; la cuisson du pain, 18,000 livres, les journées d'hôpitaux, 130,000 livres. La totalité de cet article est de 510,356 livres.
L'artillerie, qui consiste en 88 hommes et 5 officiers, coûte, en appoinlements, solde et masse, 301,243 livres!; en fournitures de bois, lits, lumières, etc, 3,000 livres ; en cuisson de pain, 2,000 livres; et enfin en journées d'hôpitaux, 9,000 livres ; total, 44,243 livres.
Le» 300 hommes de troupes noires coûtent en tout 15,000 livres.
Les envois de France consistent en vivres dont l'achat et le fret, pour 1,448 rationnaires, monte à 337,684 livres ; en effets et ustensiles ou marchandises pour les troupes : les fortifications, l'artillerie, les bâtiments civils et militaires, qui montent à 50,000 livres ; il faut y joindre la levée de 200 hommes de recrue, leur entretien au dépôt pendant 3 mois, leurs menues fournitures jusqu'à leur embarquement, et enfin leur transport, à 100 livres, par homme; le tout'monte à 53,000 livres» et la totalité des envois de France, tant en vivres qu'en ustensiles , effets et recrues, monte à la somme de 440,684 livres.
Le corps du génie consiste en un ingénieur en chef payé 5,000 livres, et un ingénieur ordinaire, 3,450 livres. Total, 3,450 livres.
Un article de pensions à divers officiers réformés monte à 9,500 livres.
récapitulation.
1° Etat-major..................................117,600 liv.
2° Dépense de 2 bataillons..........510,356
3° Artillerie....................................44,243
4° Troupes noires........................15,000
5° Envois de France...................440,684
6° Corps du génie........................8,450
7° Pensions..................................9,500
Total des dépenses militaires. 1,145,833 liv.
Marine.
Les officiers de port consistent dans 2 capitaines de port, à 2,000 livres chacun; un piloté de port, à 1,600 livres, et un patron de pirogue, à 1,200 livres : total, 6,800 livres.
récapitulation générale.
Les dépenses d'administration. 392,323 liv.
Les dépenses militaires....... 1,145,833
Les dépenses de la marine.... 6,800
Total de la dépense de la-Guadeloupe.............. 1,544,956 liv.
Les revenus de la colonie montent à..........................666,667 liv.
Art. IV.
sainte-lucie.
Administration.
Les officiers de l'administration de cette colonie sont, un commissaire ordonnateur, payé 12,000 livres; deux contrôleurs,.payés, l'un,,1,000 livres, et l'autre 600 livres ; trois écrivains principaux à3,000 livres, et trois écrivains'ordinaires à2,400 livres, chacun: total,neuf personnes,et une dépense de 27,400 livres.
Divers entretenus : savoir, un garde-magasin à 2,500 livres, un garde-magasin de l'artillerie à 720 livres. Les commis de différents détails, payés 16,800 livres ; un arpenteur voyer général,
I,600 livres, et enfin, quatre gardiens de bureau et de magasin, payés 2,300 livres, comppsent une dépense de ?3,Ç)20 livres.
Les pfficiers de santé, au nombre de deux, coûtent 3,900 livres.
La recette du domaine est composée d'un (Jireçteur, $ayé 4,000 livres; d'un trésorier receveur dé la colonie, payé 2,900 livres; de cinq visiteurs, dont tleux à 2,400 livres, et trois à 2,000 livres, et des commis aux écritures, payés 1,(50Q liyres : total, 19,300 livres. Onze ecclésiastiques forment une dépense de II,217 livres.
La police emploie un commis, un brigadier de maréchaussée et quatre arphers : iepr dépéq?e mopte à 4,693 livres.
Le bagne, o.ù il n'est compta we la paye d'up per'tùisanier et lë traitement des forçat^ paa|^e§, coû^e 2,3QQ livres-
Diverses dépenses : savoir, les loyers de maisons et logements en argent, pour' 12,000 livres ; les dépenses du port, fournitures de tout genre, et frais d'impressiop, qui montent à 24,000 livres; les transports dans les différents quartier de l'île, évalués 800 livres ; les journées d'ouvriers, 5,360 liyres; les frais 4e justice, et subsistance des prisonniers, calculés à 5,000 livres, et enfin une équation dè dépenses imprévues, à 20,0QQ livres, composent up total de 6,Z, 160livres.
Des dépenses extraordinaires pouf ^igner la rivièpe qui comblé lé port, pour le ppmblement de (a place, poùr le'dessèchement des marais, rétablissement d'un guM, niontênt à 4Q,00p liyj'es.
Nous allons faire la récapitulation de ces différents articles. 1° Officiers d'administration — 27,400 liv.
2° Divers entretenus,..,,.._____ 23,920
3° Officiers de sanfè,.,......... 3,900
4° Domaine.................... 19,300
5° Ecclésiastiques....... ...... 11,217
6» Police....................... 4,693
1° Le bagne.,... V..........., 2,3ïjti
8° Diverses dépenses.67,160 9° Dépenses extraordinaires. .... 40,000
Total des dépenses d'administration...........i..... 199,890 liv.
Etat militaire.
L'étakmajûr de la colonie consiste dans un gouverneur particulier » un cpmmandant et un aide-m^.jor. Le premier est payé 24,000 livres; le second^ 9,000 livres ; et le'troisième', 3,ê00 li 4 vres : total, 36,600 livres.
La garnison de l'île est composée d'un bataillon d'infanterie du régiment de la Martinique : il consiste en 573 goldats pt 3| officiers.
Les appointements, la soldé et la masse de ce bataillon, y compris la partie de cette masse qui se paye en France, montent à 140,297 livres. La cuisson du pain coûte 9,000 livres; le's fournitures et hamacs, 6,876 livres : total, 228,673 livres.
Les envois de France consistent en vivres, dont l'achat èf le fret, pour 630 rationhaires, montent à 143,050 livres, à quoi il faut joindre là levée de 100 hommes de recrue, leur entretien au dépôt pendant trois mois, leurs ménues fournitures jusqu'à leur embarquement, et enfin leur transport, à 100 livres par homme : le tout monte â 26,500 livres; et la totalité des envois dé France,
tant eu vivrez qu'en recrues, monte à la somme de 169j550 livres.
Un ingénieur ordinaire a, 4'appoinlepiepts, 3,450 livres, ,
Des pensions accordées à 2 officiers réforjpés moptepta 2,200 liyres.
récapitulation.
1° Etat-major.............. ... 36,600 liv.
2° On bataillon d'infanterie...... 228,673 '
3° Envois de France.................169,550
4° Ingénieur.....____.......... 3,450
5° Pensions............. ....... 2,200
Total de la dépense militaire. 440,473 liv.
Marine.
Les officiers de port consistent dans un lieutenant; un aide de port, un patron de canot, et qûatre canotiers : ces sept personnes coûtent 5,500 livres.
répapirulation générale.
Les dépenses d'administratipn... 199,89P liv. Les dépenses militaires....\t... 440,473 ' Les dépenses de la marine»'.t : ? 5,500
Total de la dépense de Sainte Lucie............................645,863 liv.
Les revenus de l'île, consistant en droits d'entrée et de sortie, montent à.... ' 2Q,Q0Q liv.
Art. V.
tabago.
Administration.
Les officiers de l'administration de cette colonie, sont, un commissaire ordonnateur à 12,000 livres, un contrôleur à 1,000, trdis écriyains principaux à 3,000 livres, et deux écrivains ordinaires à 2,400 livres : total, sètft personnes. dette dépense est de 26,800 livres.
L'article, intitulé divers entretenus, comprend un garde magasin principal à 3,000 livres, et un d'artillerie à 1,500 livres. Des commis aux différents détails, payés 14,400 livres; un arpenteur général et gDand-voyer, à 2,800 lisres ; un tonnelier à 800 livres ; un gardien à 400 livres ; trois nègres employés aUx distributions, qui coûtent 2,783 livres, et trois garçons de bureau à 4Q0 livres chacun. Le total de cet article est de 26,§33 livres.
Le domaine emploie un directeur chargé en même temps des classes, à 3,667 liyres; un receveur trésôrier de la colonie, à 2,500 livres ; deux commis, dont un à 2,000 livres, et un à 1,600 livres; deux visiteurs payés dé ipêmé; un directeur particulier à 3,000 livres; et un gardien de bureau à 400. Les huit personnes coûtent 16,767 livres.
Les officiers de santé consistent en un seul chi-rurgien-rinajor, payé 2,566 'livres.
L'église est desservie par deux missionnaires, dont la dépensé est de 2,000 livres.
Une commission est établie pour liquider les dettes de l'Etat ; elle emploie un procureur du Roi, payé 6,^67 livres, et trois commissaires payés 4,00Q livres : total, 18,667 livres. Si les dettes ne sont pas considérables» cet établissement est cber. Si, comme on le présume, ces dettes Ont trait à la guerre, la dprée de cet établissement paraît se prolonger outre mesure.
La police emploie sept personnes payées par la caisse municipale- Un seul archer pst, à la charge du. gouvernement, et. coûte 80Q livres.
Les dépenses diverses consistent ep loyers de maisons et logement en argent, pour 39,330 livres; dans le transport par terre et par mer dans les différents quartiers de la colonie, qui coûtent 12,000 livres; l'entretien du canot du Rprt, 600 livres; divers achats et fournitures de bureau, 6,000 livres; les frais. d'imprespion, 4,000 livres, et enfin, les dépenses imprévues, évadées 18,000 livres. La totalité de cet article monte à 79,930 livres.
Les dépenses extraordinaires Ont pour objet la construction d'un pavillon pour loger 10 officiers, et celle d'un corps de garde, et'd'uhe prison militaire. Cet article est de 28,000 livres.
récapitulation.
Les officiers d'administration. 26,800 liv.
Divers entretenus........................26,833
Le domaine.. .....;......... 16,767
Les officiers de santé...... .. -2,566
Les ecclésiastiques.'................ 2,000
La commission pour liquider
les dettes de l'Etat............18,667
La police.............800
Les dépenses diverses...,... 79,930
LeS dépenses extraordinaires. 28,000
Total des dépenses d'administration ........................202,363 li v.
État militaire.
L'état-major de la colonie consiste dans un gpùverneur, un commandant et un aidë-m^jor. Lës appointements du premier soht de 24,000 livres; ceux du second, de 9,000 livrés, et ceux du troisième, de 3,600 livres : total, 36,600 livres.
La garnison consiste 4îms un bataillon de 572 hommes et 31 officiers. Les appointements, la solde et la masse, y çompris la pqrtipn qui s)en paye eq Fradcé, montent a 140,2^7 livrer. î& 0qisson dp pain coûte 9,Q0Ô ljyfes; le logeaient des officiers, 6,100 livres ; les" fourpitures qe bois, hamacs, lumière, 14,176 livres/et les journées d'hôpitaux, 100,000 livres : total 269,573 livres.
Les envois de France consistent en vivres pour six cent cinquante rationnaires, et en fret pour leur transport, 147,500 livres, Il faut y ajouter la levée de 1ÔQ hommes de recrue, leur entretien àu dépôt pendant trois mois, leurs menues fournitures avant leur embarquement, et leur transporta 100 livres par homme : total, 26,500 livres. La totalité des envois de' France, tant en vivres qu'en recrues, monté à 174,003 livres.
Le géniç p'emploie qu'un seul ingénieur, ayant, d appointements, 3,450 livres.
recapitulation.
1° Etat-major..........................36,600 liv.
2° tfp bataillon d'infanterie............269,573
3° Envois de France............ 174,003
4° Génie........... . . .......... 3,450
Total de la dépense militaire. 483,626 liv.
Marine.
Les officiers du port sont, un lieutenant, payë"2,îÛÏÏ Tivres ; un pilote, 800 livres, et quatre matelots à 720 livres chacun : total 6,080 livres.
récapitulât}^ générale.
Les dépenses d'administration... 202,363 liv.
Les dépenses militaires......... 483,626
LeS dépehses de la marine...... 6,080
Total deladépepse deTabago. 692,069 liv.
Les revenus de la colonie consistent,
1« Dans l'imposition coloniale... 133,333 liv.
2 Dans une rentrée de débets, fixée i 26,667 livres par an, pendant neuf ans, à compter de 1787, ci... 26,667
Total...................... 160,000 liv.
Dépense commune à toutes les Iles, du Vent.
Pour les fortifications et bâtiments civils.......................... . 356,000 liv.
Travaux d'artillerie............ 143,650 liv.
Total...................... 499,650 liv.
récapitulation générale des différentes dépenses des îles de Saint-Domiqué, la Martinique, la Guadeloupe, Sainte-Lucie et Tabago.
Saint-Domingue...
La Martinique! -....
Là Guadeloupe..,.
SainteALuçié '-......
Tâbàsfô ...........
A quoi il faut ajouter une dépense commune à toutes les îles du Vent;
Poiir fortifications.
Pour travaux d'ar-
' tillerie..........
Total général des dépensés.
DÉPENSES d'administration. s DÉPENSES : militaires.. DÉPENSES de -marine. : Total.
liv. liv. liv, liv.
2,888,240 2,262,1330 314,400 4,934,970
«96,85? 1,390,619 7,000 1,984,171
392,3-23 1,145,833 é,8pp 1,544,956
109,890 440,473 5,500 645,863
202,363 483,626 6,080 692,080
356,000 1
143.6Kfn 499,630
---}--
3,749,368 6,222,531 339,000 10,311,679
Les revenus de ces différentes îles consistent, savoir :
Saint-Domingue, environ..........5,000,000 liv.
La Martinique..............................666,666
La Guadeloupe...........;.. 666,667
Sainte-Lucie.........................20,000.
Tabago.............................160,000
Total................. 6,513,333 liv.
Leur dépense totale est de... 10,311,679 liv.
Ainsi elles doivent coûter au département de la marine...... 3,798,346 liv.
Art VI.
cayenne.
A dminis tration.
Les chefs de l'admistration de cette colonie, sont : un commissaire général à. 12,000 livres, et 2,000 livres de suplément; un commissaire ordinaire à6,000 livres; un contrôleur à 4,500 livres; un écrivain principal à 3,000 livres, et deux écrivains ordinaires à 4,800 livres : total, six personnes, dont la dépense est de 32,300 livres.
Vingt-trois ecclésiastiques : savoir, un préfet apostolique à 2,400 livres; un vice-préfet à 2,000 livres ; dix-neuf missionnaires à 2,000 livres; et pour l'instruction de leurs élèves, un professeur de mathématiques à 2,000 livres ; un maître d'école à 600 livres, à quoi il faut ajouter un supplément de 5,800 livres accordé aux missionnaires, pour leur tenir lieu de nègres, chevaux et canots, et un autre supplément dé 1,020 livres pour les achats, façons, blanchissage de linge, ornements d'église, ustensiles, etc., forment une dépense totale de 51,820 livres.
La justice est exercée par un conseil supérieur etyune juridiction royale.
Le conseil supérieur est composé d'un doyen payé 2,400 livres; d'un procureur général à 2,400 livres ; cinq conseillers, dont les deux plus anciens sont payés 2,000 livres, et les trois autres 1,800 livres; un greffier, 4,000 livres, et un huissier audiencier payé 300 livres : total, sept magistrats payés 14,900 livres.
La juridiction royale est également composée d'un juge payé 2,200 livres; d'un procureur du Roi, payé 1,800 livres; d'un substitut payé 400 livres, et d'un greffier pavé 400 livres. Ces quatre magistrats coûtent 4,800 livres ; ainsi l'administration entière de la justice occasionne une dépense totale de 19,700 livres.
La recette du domaine emploie un directeur payé 3,000 livres ; quatre receveurs, quatre gardiens, les fournitures de bureau, ainsi que les commis employés aux différents bureaux, coûtent 26,090 livres ; un garde-magasin payé 3,000 livres, et deux iuterprètes en langues anglaise et indienne, payés, l'un, 600 livres, et l'autre, 500 livres, composent, avec les articles ci-dessus, un total de 33,190 livres.
Des officiers de santé, au nombre de dix-sept, coûtent 15,880 livres..
L'exploitation des mines de fer emploie deux ingénieurs, dont un payé 6,000 livres, et l'autre, 1,200 livres. La dépense de cet établissement et celle des constructions, coûtent 12,000 livres. Le total de cet article est de 19,200 livres
La police, qui emploie un exempt payé 720 livres, deux huissiers à 600 livres chacun, six archers à 360 livres aussi chacun, un geôlier payé 600 livres, le gîte et geôlage des prisonniers, estimés 1,200 livres, et un exécuteur payé 180 livres, coûte 6,780 livres.
Divers entretenus, dont un maître charron, trois maîtres charpentiers, un maître forgeron, un maître armurier avec un second pour les travaux de l'artillerie; un maître calfat, deux maîtres gardiens du jardin du Roi et de celui de l'hôpital; un artiste vétérinaire, quatre gardiens et inspecteurs de la pêche de la tortue; trois économes, dont un à l'habitation du Roi, un des épisoris, et un à l'habitation de l'hôpital ; deux archers de la marine ; un palefrenier et gardien des bestiaux de l'habitation du Roi : total, vingt personnes, coûtent 17,042 livres.
Les établissements suivants emploient :
a vincent pinson.
Un gardien des limites et conservateur des Indiens, payé 1,500 livres ; ce qui, joint aux dépenses extraordinaires du poste et prisons des Indiens, estimées 875 livres, forme un total de 2,375 livres.
a oyapock.
Un officier commandant à qui on paie, de supplément, 600 livres; un sergent et un boulanger a qui on paye de même 120 livres de supplément à chacun ; un commis garde-magasin, payé 300 livres ; un directeur de l'établissement des savanes d'Ouara, payé 1,500 livres.: ce qui, joint aux dépenses extraordinaires de cet établissement, évaluées 400 livres, et à l'entretien et dépenses extraordinaires du poste, évalués de même 400 livres, fait un total de 3,440 livres.
aux iles-la-mère. %
Un chirurgien, payé 1,000 livres; un garde-consigne, 600 livres, quatre nègres canotiers, à 24 livres chacun par mois ; et pour les diverses dépenses et nourriture, habillement et traitement des ladres, 1,000 livres, ce qui fait un total de 3,752 livres.
a kourou.
Un chirurgien, payé 1,000 livres; un commis gardien et receveur du domaine, payé 300 livres ; et un passager de rivière, payé 360 livres : en tout 1,660 livres.
a sinnamarie.
Trois passagers de rivière, payés 576 livres ; un infirmier gardien, payé 480 livres; et l'entretien, les dépenses d'hôpital et autres, qui coûtent 1,200 livres : total, 2,256 livres.
a iracoubo.
Un officier commandant, à qui on paye 600 livres de supplément ; un subdélégué de l'intendant, garde-magasin, receveur du domaine, et directeur des nouveaux établissements, payé 1,500 li-' yres ; un chirurgien payé 1,200 livres ; au
boulanger, pour supplément, 144 livres; un passager de rivière payé 192 livres ; l'entretien et dépenses extraordinaires estimés 3,600 livres : total, 7,236 livres.
a fragoubo.
Un subdélégué de l'intendant, payé 2,400 livres; un garde-magasin, payé 1,200 livres ; un gar-dien-boulancer, payé 600 livres ; un chirurgien payé 1,500 livres les dépenses extraordinaires pour l'établissement du port intérieur évaluées 8,000 livres, ce qui forme un total de 13.700 livres.
amarouy.
Nota. La dépense de ce port est estimée à 10 ou à 12,000 livres; mais les administrateurs ne la portent ici que pour mémoire, attendu qu'ils estiment que cet établissement est inutile, au moyen de celui établi à Fracoubo : pour mémoire.
La dépense de ces huit établissements monte à 34,419 livres.
Un autre article, sous le titre de diverses dépenses, comprend la construction et entretien des bâtiments militaires et civils, qui coûtent 50,000 livres; les loyers , de maisons et logement en argent, 3,600 livres; l'entretien de bateaux, de goélettes, pour le cabotage, solde, équipage, etc., estimé 20,000 livres ; journées d'hôpitaux, autres que celles des troupes, 6,000 livres; frais de voyage, de justice, bancs et publications, 9,600 livres ; confection du pain pour les ouvriers et autres entretenus rationnaires 2,230 livres ; achats de viande fraîche pour les divers rationnaires autres que les troupes, pour les nègres du Roi et les gens de couleur, 11,340 livres; pour les détachements des gens de couleur libres, 4,800 livres; présent aux Indiens, avances de bestiaux et autres, relatifs à leur civilisation, 4,800 livres; enfin, les dépenses imprévues, évaluées IX),000 livres. Tous les articles réunis sous ce titre composent une somme de 122,370 livres.
Les envois de France consistent en vivres, en deux cent cinquante barrils de bœuf salé pour 500 nègres du Roi, .estimés, 25,750 livres. Les provisions de vin, de légumes, de beurre, d'huile d'olive, de pruneaux pour l'hôpital, qui montent à 19,742 livres, et le fret desdits comestibles, estimé 16,750 livres, et enfin dans l'envoi des remèdes et ustensiles pour l'hôpital, et des effets ou marchandises, tant pour les bâtiments civils que militaires , etc., dont la somme est de 55,000 livres. La totalité de ces envois, relatifs à l'administration, monte à 117,242 livres.
récapitulation.
1° Officiers d'administration — 32,300 liv,
2° Ecclésiastiques........................51,820
3° Justice..............................19,700
4° Domaine...........................33,190
5° Officiers de santé.....................15,880
Exploitation des mines de fer. 19,200
7° Police.................:.... 6,780
8° Divers entretenus.....................17,042
9° Établissements............................34,419
10° Dépenses diverses...................122,370
11° Envois de France......................117,242
Total des dépenses d'administration................... .. 469,943 liv.
jÉtat militaire.
L'état-major de là colonie consiste dans un gouverneur, un commandant particulier, un commandant à Kourou, pavés, le premier, 24,000 livres, le second, 6,000 livres, et le troisième, 1,500 livres, ce qui, avec un supplément de 1,000 livres , accordé à l'officier .faisant les fonctions d'aide-major de place, compose un total de 32,500 livres.
La garnison, composée d'un bataillon dé 478 hommes et 25 officiers, coûte, en appointements , solde et masse, y compris la partie de la masse qui se paye en Frànce, 118,637 livres. La confection du pain coûte 10,241 livres, le logement des officiers et les fournitures, 3,200 livres; les hôpitaux, les vivres et les rafraîchissements à acheter dans la colonie, 10,000 livres ; la viande à acheter pour le tiers de la subsistance de la troupe, 11,631 livre. La totalité de cet article est de 153,709 livres.
Les envois de France consistent en vivres pour 650 rationnaires, estimés 116,863 livres, à quoi il faut joindre l'envoi des recrues, consistant en 80 hommes, qui, tant pour engagements que pour subsistance, menues fournitures et transport, reviennent à 21,200 livres. La totalité des envois, tant en vivres qu'en recrues, monte à 138,063 livres.
Le corps du génie consiste en un ingénieur du corps royal, à 3,450 livres, un ingénieur géographe à 2,000 livres ; un ingénieur agraire en chef à 6,000 livres, un commis dessinateur et un arpenteur à 1,200 livres chacun : total, 13,850 livres.
Des pensions à des officiers retirés ou réformés montent à 4,550 livres.
récapitulation.
1° État-major...................32,500 liv.
2° Bataillon d'infanterie........ 153,709
3° Envois de France...................138,063
4° Génie___________............ 13,850
5° Pensions................... 4,550
Total des dépenses militaires... 342,672 liv.
Marine.
Les officiers de port consisté en un capitaine, un aide, et deux maîtres de port ; cette dépense est de 5,800 livres.
récapitulation générale.
Les dépenses d'administration... 469,943 liv.
Les dépenses militaires......... 342,672
Les dépenses de marine. ........ ! 5,800
Total des dépenses de Gayenne. 818,415 liv.
Les revenus de la colonie montent à 100,000 livres.
ART.VI.
saint-pierre et miquelon.
Administration.
Lës officiers d'administration de Saint-Pierre et Miquelon, sont, un contrôleur et commissaire des classes, à 4,480 livres, un écrivain principal à 3,282 livres, un écrivain ordinaire à 2,592 livres, et un commis aux écritures à 1,992 livrés, ce qui donne tin total de 12,352 livres.
Lës officiers dè santé consistent en deux chi-rurgiens-majors , un chirurgien ët une Sâgë-fëmtiïe: coûtant èûsëmble 5,568 livres.
LëS ëfccléSiàStlqUëà sont, tin préfet apostolique â 1$)0 livres, Uti viCë-préfet à 1,200 liVbeSj ët un missionnaire à 1,000 livres ; lté ont chacun 192 livrés pbur le bois. Le tdtal ëst de 3,976 livres.
Les divers entretenus Sont Un juge Civil à 840 livres, un interprète et greffier; Un archer dë la marine, deUx gardiens dë bureau ët un sergent Chargé dU nlagââih de Mitjllelon, coûtant tous ensemble 3,352 livrés.
Les diverses dépenses, telles qUe lé bois frour lës bureaux, les câëerhéS, lës hôpitaux, l'entretien des bâtiments civitâ et inilitaires, la Cuisson du pain, les gages des équipages, l'entretiën des bâtiments de mer et chaloupes, les journées d'hôpitaux, rafraîchissements, blanchissage, ëtc., et lëS objets extraordinaires èt iniprévUs emploient une somme de 22,980 livres.
Les envois de France pour les mëdicambhts et ustensiles pour l'hôpital se montent à 2,000 livres, à quoi il faut ajouter les effets pour les bâtiments, les chapelles, les bureaux, les bâtiments de mer, les magasins, qui sont estimés 8,000 livres; ainsi, les envois tant ppur médicaments que pour effets, montent à 10,000 livres.
récapitulation.
10 Officiers d'administration... 12,352 liv.
2° Officiers de santé............ 5,568
3® Ecclésiastiques............... 3,976
4° Divers entretenus............ 3,352
5° Diverses dépenses...............22,980
6° Envois de France.....................10,000
Total des dépenses d'administration.,......................... 58,228 liv.
État militaire.
L'état-major est composé d'un capitaine d'in-fântérië Commandant et ordonnateur dë la Colonie, à 2,720 livres, et ù'un capitaine en second, commandant à Miquelon, à 1,980 livres.
La garnison de l'île consiste dans une compagnie d'infanterie de 60 hommes et 4 officiers. Les appointements, la solde et la masse, ainsi que le bois, etc., coûtent 17,928 livres.
Les envois de France pour les rationnaires, consistant eh fâtine, vin, lard sâlé, mélàSse, eau-de-vie, beurre, huile, riz, thé, et le fret deS-dits envois, sont estimés, ensemble, 33,652 livres.
récapitulation.
1° Deux commandants ordonnateurs 4,700 liv.
2° Appointements, solde et masse des troupes....................17,928
3° Envois de France............................33,652
Total des dépenses militaires..... 56,2801iv.
MâHnè.
Les officiers de port consistent en un capitaine de port à Saint-Pierre; à i ',902 livres, et un lieutenant à Miquelon, à 992 livres, ce qui fait un totâi dë 2,984 livrés.
RÉCAPITULATION GÉNÉRALE.
Dépéftsës de Padmihistration_____ 58,228 liv.
Dépenses militaires.............. o6,28Ô
Dépenses dé la marinë.....______ 2,984
Ttitâl des dépenses de Saint-Pierre et Miquelon;.i ...... w k a ^ ...... 117,492 liv.
Récapitulation générale des dépenses de Cayenne et des îles die Saint-Pierrê et de Miquelon.
Cav'enhé.. .— Saint - Pierre et Totaï- des dépenses..... Â es «5 8* a xnt départements militaires. départe-| hents de marine. Total.
i liv. 469,943 88,238 Uv., : 342,672 86,280 liv. 8,800 2,984 liv- 818,415 117,492
828,171 398,982 8,784 . ë 938,907
Les revenus de Cayenne sont de............. 100,000 liv. AÎitèi cette partie de nos coloniés doit coûter. 633,907 liv. mk ..ii^^V'i b-Mm
CHÀPlTRE SECOND.
COLONIES D'AFRIQUE.
ART. Ier
sénégal, gorée, et dépendances.
Administration.
Léà Officiers d'â'dihiûiëtration coûtent 15,660 liv.
Le! ôfflçiers de santé.............. 3,000
Les ecclésiastiques..'.;........ ... 1 ,$00
Les dépenses diverses................64,600
Totël dy dépenses d'adhiiiiistration 85,060liv.
État militaire.
Le gdiiVërneur...............24,000liv.
Les tHUpes..iOOiOOO Les envois de France, qui consistent en levée de 70 hommes dê rëcrué pour le bataillon d'Afrique, leur entretien àU dépôt pendant trois mois, leurs inenues fournitures et leur transport, à 120 livres par homme, montent à.. » . if.. ...i; i . .• i i ; i ; i ;. 19,950
Les enVoife d'effets, tant pour les troupes qûë pour les bâtiments Civils et militaires, montent à 15,000
Une partie de la masse générale du bataillon d*Afrique, à raison de 18 livres par homme, monte à.......... 7,164
Total de la dépense militaire..... 166,1 l4lit. Marine.
LëB Officiers du port coûtent..........1,200 liv.
récapitulation générale.
Les dépenses d'administration... 85,060 liv.
Les dépenses militaires.*........ 166,114
Les dépenses de marine.............1,200
Total des dépensés du Sénégal. 252,374 liv.
La compagnie du Sénégal s'est,Gbargée de toutes les dépensés du Sénégal, de Gorée et des comptoirs qui en dépendent. On n'en porte ici les détails que pour faire connaître l'avantage de cet arrangement ; c'est par je même motif, sans dbtite, qué lès détails fournis à ce sujet sont aussi peu Satisfaisants.
comptoir de juda.
Art. 2.
Deux seuls articles composent la dépense de cet établissement.
1° Dès dépensés diverses en employés et en magasins montent à........... c.. 29,100 liv.
2° DeS envois dë France pour.... 8,700
Ainsi cet établissement ne feôûte que...............a.............. 37,000 liv.
CHAPITRE TROISIEME.
COLONIES Et ETABLISSEMENTS
AU DELA DU CAP DE BONNE-ËsPERANCE.
Art. Ier
LES ÎLES DE FRANCE ËT BOtîftfcON.
Cet établissèmént, si avantageux par sa situation,.est regardé, .depuis longtemps, comme l'in-térmédiaire le plus .favorable au commercé de l'iiidë. il est aujourd'hui le seul moyen, pour la France, de conserver encore quelque activité dans cette partie du monde» où ses principaux établis-
sements bût été succëSSiVëment ràVâgés èt détruits} Qîi la prépondérance ànglâisë ëSt étàbliô siir des bases si solides, ët où, Sans l'Ilè-dé-Frattce, le pavillon français nè ptiurrait pluS se montrer avec la moindre Sûrètë. Tàrit due la ha-tiori frâhçaîse voudra concourir flans l'Inde aVëc d'autrëS nations, l'établissement de l'lle-de-Frâncë lui sera donc préciëui; Nous allons ëxàmîiiër, par l'état dë Ce qu'il Coûté; Si les avantages he Sont pas balancés par dë grands Inconvénients.
A dministration.
Les officiers d'administration de l?Ile-de-France sont : un intendant, dont le traitement y compris ses frais de bureau, monte à, 40,000 livres; un commissaire i faisant fonction dë^ commissaire général, 10,0D0 livrés ; deux commissaires ordinaires, à 6,000 livres, chacun; un.pommigsaire-contrôleur; â 8,000 livres ; trois écnvains principaux à 3,000 livres, et quatre écrivains ordinaires a2„400 livres : total, pour l'He-de-Frqnce,88,600 liv.
L'île Bourbon emploie un comissaire faisan t fonctions de commissaire générai» payé 12,OOÔ livres} un contrôleur à 2,000 livres,» deux écrivains principaux & 3,000 livres* deux, écrivains ordinaires â 2,400 livres : total, pour l'ile. Bourbon, 24,800 livres ; ainsi, les officiers d.'administration de cçs deux lies, àu nombre de dix-huit, coûtent 113,400 livres. ,,
L'administration de la justice est . confiée, à l'Ile-de-France^ à un conseil supérieur et à une juridiction rpyale.^ Le consèil, supérieur est composé de.si^jÇonseillerS à 3,000 livres chacun, de quatre assesseurs à 2,000 livres, d'un procureur général à 6,000 livres, et d'un greffier en chef à 4,000 livr'es : total, 36,000 livres.
La juridiction royale est composée d'un juge â 6,000 livres» d'un lieutenant de jugé à 4,000 livres, d'un procureur du roi à 4,000 livres, et d'un greffier à 2,4$0 livres : total,, 16,400 livres. Ces deux tribunaux réunis coûtent 52,400 livres.
L'îjie Bourbonta deux tribunaux semblables, $,du même prix; ainsi,l'administration de la justice, danS ces deu$ îles, coûte 104,800 livrçs.
Les officiers ecclésiastiques consistent, à l'Ile-de-France, dans un préfet apostolique à 1,50b, livrés, èt onzeinissionnaires à i ,000 livres chaCun : total, 12,50O livres. Un vice-préfet , à , l'île Bour^oj^ çst payé de même,tet a sous lui quatorze missionnaires au même prix de 1,000 .livres, chacqn, pe qui compose un total de 15,500 livres, et la.dépensé totale des ecclésiastiques monte à 28,00Û liyrès.
Les officiërs de santé, âû nombre de vingt-deux à l'Ile-de-France, coûtent 26,400 livrep, et au nombre de sept à l'île Bourbon, 6,000 libres. Le total monte à 32,400 livrés.
Sept gardes - magasin ou commis aux entrées à llle-de-Frâncë coûtent 9,400 livres, sept gardés-magasin ou commis de même à l'île Bourbon, coûtent 9,600 livres. Le total de cet article est de
19,000 litres.
Un notaire payé 2,400 livres, et trente-un commis, taht aë l'intendance que des différents bureâûx, sont- employés à 1 Ile-de-France, et coûtent 53,700 livres; treize employés tle même à lïlé Bourbons -coûtent 20,100 litres. Ces deuxarticlescomposent la somme de 73,800 livres.
Les établissements des îles Seychelles, des îles .Rodrigue et de Madagascar, emploient; 1? aux îles Seychelles, un résident pour fournir ls tortues aux équipages, à 1,200 livres, ët un aide-chirurgien à 600 livres; 2° aux lies Rodrigue un
résident pour les fournitures des tortues, à 1,200 livres; 3° à Madagascar, un régisseur des traites; à 2,400 livres, quatre commissaires aux traites à 1,500 livres chacun, et un chirurgien à 1200 livres. Les neuf personnes, employées dans ces trois établissements coûtent 12,600 livres.
L'article des divers entretenus comprend un directeur du jardin du Roi à 2,000 livres, un commis à 1,000 livres, un jardinier pour les bois noirs à 3,100 livres, six imprimeurs qui ne sont portés que pour mémoire, le Roi payant toutes les impressions que l'on fait pour lui ; six ouvriers affectés à Madagascar, à 4,100 livres, quatre à Rodrigue, qui ne sont portés que pour mémoire. Ces différents articles donnent un total de 10,200 livres.
Les frais de police consistent dans un premier inspecteur de PIle-de-France à 2,400 livres, deux inspecteurs à 2,000 livres chacun, six archers, formant ensemble la somme de 6,840 livres ; un brigadier de la garde de police, à 1,440 livres, six gardes à 1,080 livres, cinq gardiens 5,400 livres, un concierge au palais et à la juridiction, 2,220 livres; un noir, guichetier des prisons, 600 livres; un gardien au jardin du Roi, 1,080 livres, deux gardiens, l'un au Réduit, l'autre à Monplaisir, coûtant ensemble 2,160 livres (1); vingt-trois noirs libres de détachement pour la police, 7,896 livres, six noirs, gardes des eaux et forêts 3,000 livres, ce qui donne, pour les frais de la police de l'Ile-de-France » un total de 43,516 livres.
Ceux de l'île Bourbon consistent dans un inspecteur à 1,800 livres,, deux archers de marine à 2,160 livres, un brigadier et trois noirs, gardes de police, coûtant ensemble 2,880 livres un concierge du palais, un de la juridiction, et un guichetier, noir libre, coûtant ensemble 2,820 livres, ce qui donne, pour la police de l'île Bourbon-un total de 9,660 livres, et pour les deux îles4 ensemble, celui de 53,176 livres.
Les achats d'objets de subsistance montent à 10,000 quintaux de blé,-coûtant 250,000 livres, 10,000 quintaux de maïs, 240,000 livres ; 10,000 quintaux de riz, 75,000 livres; pois et haricots, 53,750 livres : total, 618,750 livres.
Les envois de France en farine, bœuf et lard salé, vin, eau-de-vie, beurre, huile, vinaigré, et le fret desdits envois, donnent un total de 626,870 livres.
Les dépenses extraordinaires montent à 100,000 livres.
Les frais de justice montent à 12,000 livres.
L'état des pensions montent à 12,000 livres.
L'entretien de 3,000 noirs non compris ce qu'on leur envoie de France, est estimé 30,000 livres.
Les journées d'hôpitaux, des équipages, et des noirs du Roi se montent à 120,000 livres.
Les frais de bureau et de transport dans les différents quartiers des îles sont estimés 35,000 livres.
récapitulation des dépenses de Vadministration.
1° Officiers d'administration des îles de France et de Bourbon ........... 113,400 liv.
2° Administration de la justice
dans ces deux îles....... 104,800
A reporter... 218,200liv.
Report.
3° Ecclésiastiques............
' 4° Officiers de santé..........
,5° Gardes-magasin...........
6° Frais de bureau...........
7° Établissements des îles Seychelles, Rodrigue et Madagascar ...........
8° Divers entretenus..........
9° Police....................
10° Achats d'objets de subsistance..................
11° Envois de France.... ^... 12° Dépenses extraordinaires...
13° Frais de justicé------.......
14° Pensions.................
15° Entretien des noirs........
16° Journées d'hôpitaux, des équipages et des noirs.. 17° Frais de bureau et transports, etc..............
Total des dépenses d'administration ................
État militaire.
218,200 liv.
28,000 32,400 19,000 73,800
12,600 10,200 1 53,176
618,750" ;
636,870
100,000 12,000 12,000 30,000
120,000 35,000 lïv.
2,011,996 liv.
L'état-major consiste dans un gouverneur, à 50,000 livres, un maréchal des logis à 12,000 livres, un capitaine à 2,400 livres, et un commandant particulier à l'île Bourbon, à 18,000 livres, ce qui forme un total de 82,400 livres.
La garnison est composée de deux régiments, celui de Pondichéry et celui de l'Ile-de-France, ayant chacun 1,148 hommes, qui coûtent, pour les appointements, supplément d'appointements, solde et masse, non compris la partie de la masse de 30 livres par homme payés en France, la somme de 587,160 livres pour les deux régiments.
La partie de la masse générale, payée en France sur le pied de 12 livres par homme, monte, pour les 1,148 hommes du régiment de Pondichéry à 13,776 livres ; en portant une somme égale pour le régiment de l'Ile-de-France (1), il en résulterait un total de 27,552 livres. 432,000 rations coûtent 280,800 livres; 86,400 journées d'hôpitaux à 2 livres, coûtent ensemble 172,800 livres. Il en coûte pour le bois, le luminaire, les lits et les fournitures des casernes 40,000 livres; ainsi, ces deux régiments forment un total de dépense de 1,108,312 livres. !
L'état-major de l'artillerie est composé d'un colonel-commandant, à 10,000 livres, d'un lieutenant-colonel à 8,000 livres, d'un chef de brigade à 5,400 livres, d'un aide-major à 2,500 livres. Le total de cet article est dé 25,900 livres.
3 compagnies 1/2 de canonniers, composées de 308 hommes, coûtent, pour appointements, solde, et masse, 103,295 livres; pour 58,210 rations, 37,836 liv. 10 s.; pour 10,800 journées d'hôpitaux, 21,600 livres, ce qui forme, pour la dépense des 3 compagnies 1/2 d'artillerie, un total de 162,731 liv. 10 s.
Les travaux de l'artillerie consistant dans l'entretien des bâtiments, du moulin à poudre, et les frais de fabrication des poudres, coûtent 80,000 livres.
Le corps du génie consiste en un ingénieur en chef, à 5,000 livres, un ingénieur ordinaire à
3,450 livres, deux ingénieurs géographes, un dessinateur, quatre arpenteurs, dont deux à l'île Bourbon^ coûtant ensemble 13,400 livres, et donnant pour la déjDense du corps du génie, un total de 21,850 livres. Les dépenses des fortifications et de l'entretien des bâtiments civils montent, dans les deux îles, pour la solde des ouvriers et l'achat des matériaux, à 198,955 livres.
Le recrutement du régiment de Pondichéry (1) et de deux compagnies de canonniers, consistant en 220 hommes, coûte, en France, 18,700 livres : leur entretien au dépôt, coûte 11,000 livres ; les menues fournitures à leur avivée et à leur embarquement coûtent 6,600 livres, leur transport et la subsistance, .69,300 livres. Les envois de France, en effets, marchandises, munitions pour les troupes, les bureaux, les bâtiments civils et militaires, les bâtiments de mer, etc., sont estimés à 200,000 livres, ce qui fait monter le total de cet article à la somme de 305,600 livres.
récapitulation des dépenses militaires.
0 Etat-major ............82,400 liv.
0 Garnison , appointements et solde des
2 régiments___________1,108,312
État-major de l'artillerie..................................25,900
3 compagnies 1/2 de
canonniers..................162,731 liv. 10 s.
Travaux de l'artillerie... 80,000
Corps du génie................21,850
Dépenses des fortifications....................198,955
Recrutemeht, transports , fournitures,
envois de France... 305,600
Total. .......................9,lB5,748 liv. 10 s.
Marine.
Les officiers de port sont : un capitaine à 3,000 livres; un lieutenant à 2,400 livres, un aide de port à 1,600 livres, un ingénieur-constructeur à 3,000 livres, un lieutenant de port, chargé du curement, à 2,000 livres; un officier de port à Saint-Denis dans l'île Bourbon, à 2,400 livres, et un autre à Saint-Paul, à 1,500 livres. Ces différents appointements donnent un total de 15,900 livres.
Les bâtiments de mer consistent en une flûte de 600 tonneaux et de 70 hommes d'équipage, coûtant 30,000 livres ; une gabare de 400 tonneaux et de 50 hommes d'équipage, coûtant 24,000 livres ; deux bricks de 200 tonneaux, 30 hommes d'équipage, 26,000 livres; trois goélettes de 45 tonneaux, 30 hommes d'équipage, 18,000 livres; deux bots de 25 tonneaux, 10 hommes d'équipage, 8,000 livres. Les deux tiers du temps ces équipages sont coûiposés de noirs, esclaves du Roi.
L'entretien de ces bâtiments coûte 58,000 livres, la solde de 100 ouvriers employés dans le port monte à 109,500 livres; l'entretien des pontons, canots et autres embarcations, est estimé à30,000livres; le curement du port et l'entretien des bâtiments nécessaires à cette opération, coû-
tent 220,000 livres, ce qui donne, pour la dépense des bâtiments de mer de 1 île de France, un total de 523,500 livres.
La solde des équipages de 3 goélettes et 4 chaloupes pontées, à l'île Bourbon, coûte 20,000 livres , laquelle somme, jointe à la dépense des bâtiments de mer de l'île de France, produit un total général de 543,500 livres.
récapitulation des dépenses de la marine.
1° Officiers du port............ 15,900 liv.
2° Bâtiments de mer............ 543,500
Total....................... 559,400 liv.
Récapitulation générale.
Dépenses de l'administration.................. 2J011,996 liv.
Dépenses militaires............1,985,748 Jiv. 10 s.
Dépenses de la marine... 559,400
Toial de la dépense des îles de France et de Bourbon. 4,557,144 liv. 10 s.
Art. II.
pondichéry.
Administration.
Les officiers d'administration de Pondichéry, sont: un commissaire ordonnateur à 10,000 livres; un écrivain principal contrôleur à 4,000 livres; un écrivain ordinaire à 2,400 livres, et quatre commis, dont un garde-magasin, coûtant ensemble 7,200 livres, ce qui fait, pour cet article, un total de 23,600 livres.
Les divers entretenus relatifs au domaine sont estimés à 8,500 livres.
Les frais de police montent à 13,868 livres.
Les pensions et les dépenses de subsistance donnent un total de 5,388 livres.
L'administration de la justice est confiée à un conseil supérieur coûtant 9,754 livres. La justice indienne en coûte 9,706, ce qui donne, pour cet article, un total de 19,470 livres.
Les officiers de port coûtent 5,832 livres.
Les missionnaires, 4,100 livres.
Les officiers de santé et les personnes employées à l'hôpital reviennent à 12,000 livres.
Le grand voyer a, d'appointements, 3,360 livres.
Les ouvriers Malabares attachés à la voirie coûtent 6,000 livres.
Le supplément des dépenses du grand prévôt est de 6,000 livres.
Les envois de France sont évalués à la somme de 25,000 livres.
Les dépenses imprévues sont estimées 45,000 livres.
Les dépenses diverses consistent en loyers de chelingues, pour 8,000 livres ; en achat d'huile à brûler, ce qui, joint à l'entretien des armes, est estimé 3,000 livres ; en frais de transport dans les différents ports • de l'Inde, évalués 24,000 livres ; en frais de passage d'Inde en Inde, 6,000 livres; en frais d'hôpitaux, pour d'autres que les troupes, montant à 10,000 livres; dans la dépense de Dorbar, estimée 50,000 livres, et en loyers de maisons, qui montent à la somme de 10,000 li-
vres, ce qui donne, pour l'article des dépenses diverses, un total de 111,000 livrés.
L'établissement de Karikal emploie un Capitaine détaché, à 4,000 livres ; un écrivain à 2;400 livres ; un commis, garde-magasin, â 2,400 livres; deux missionnaires, coûtant ensemble 2,000 livres ; un greffiers-notaire et lieutenant de police, à 1,800 livres; un officier de port à 1,200livres ; un arpenteur à 1,000 livres; un chirurgien à 1.800 livres. Les dépendes diverses sont çstimées a 13,400 livres. Ces divers articles réunis, donnent, pour la dépense de Karikal, un total de 30,000 livres,
L'établissement de Mahé emploie un capitaine détaché à 4;000 livres ; un écrivain â 2,400 livres; un commis à 1,000 livres; un procureur du JRoi à 1,500 livrés ; un greffier à 1,200 livres ; iin novice à 1,200 livres, deuxmissionaires coûtant ensemble 2,000 livres ; un chirurgien à 1,800 livres et un officier dp port à 1,500 livres. Les frais des réparations des bâtiments et des casernes sont évalués à6,000 livres. La somme des présents que l'on fait aux Indiens monte à 10,000 livres. Les dépenses imprévues sont estimées 7,400 livres, tes diveîs articles forment ensemble, pour la dépense de l'établissement de Mahé, un total d^ 40,000 livres.
L'établissement de Ghandernagor emploie un agent à 10,000 livres ; un écivain à 2,400 livres ; tin gardé-magasin à 2,200 livres ; 2 commis à 1000 livres chacun; un procureur du Roi à 2,500 livres; un greffier à 1,800 livres; un huissier à 800 livres, un zémindar dont les appointements, joints aux frais de la justice indienne, montent à 2,500 livres; trois missionnaires et un maître d'école, coûtant ensemble 3,100 livres; un chirurgien à 2,400 livres ; un apothicaire a 1,000 livres; un économe à 800 livres ; un infirmier indien à 8001ivres ; un capitaine, un maître de port, pilotes et pilotins, coûtant ensemble 15,600 livres. Les dépenses qu'exige l'entretien des bâtiments civils, des canaux et des digues, montent à 36,000 livres ; celui des bateaux et du port est estimé 20,000 livres ; les présents que l'on fait aux seigneurs du pays sont évalués à 16,000 livres ; la compagnie de cipayes coûte 28,000 livres; l'interprète ou wakil, 12,000 livres. Les dépenses imprévues sont estimées 17,000 livres ; ainsi, le total des dépenses de Ghandernagor est de 116,100 livres.
L'établissement de Yanaon emploie un agent à 4,000 livres. Les dépenses diverses sont estimées 6,000 livres, ce qui donne pour cet établissement un total de 10,000 livres.
L'établissement de Canton emploie un agent à 4,000 livres, et un interprète à 2,000 livres. Les dépenses diverses sont estimées 4,000 livres. Ces trois articles donnent un total de 10,000 livres.
recapitulation.
ï. Officiers d'administration de
Pondichéry........ . 23,600 liv.
2. Divers entretenus relatifs au domaine...... * . . . 8,500 "
3. Frais de police . .... . . 13,868
4. Pensions et subsistances . . 5,388
5. Administration de la justice. 19,470
6. Officiers déport , . . . . . 5,832
7. Missionnaires .............4,100
8. Officiers de santé ..... 12,000
9. Grand voyer.
3,360
Report ........
10. Ouvriers de la voirie ....
11. Supplément du grand prévôt.
12. Envois de France. . . . .. . 13 Dépenses imprévues.....
14. Dépenses diverses . . . . .
15. Etablissement de Karikal
16. Id. de Mané . . ... . . .
17. Id. de Ghandernagor ....
18. Id. de Yanaon.......
19. Id. de Canton .......
Total des dépenses d'administration. . ..... . . . .
96,118 liv. 6,000 6,000 25,000 45,000 111,000 30,000 40,000 166,100 10,000 10,000
545,218 liv.
État militaire..
L'état-major consiste dans un commandant à 18,000 livres, et un major dés cipayes, pour le remplacer en cas d'absence, à 6,000 livres. Ces deux articles donnent un total de 24,000 livres.
La garnison consiste en cinq compagnies de cipayes* qui coûtent, pour solde et subsistance, non compris le traitement du major, porté ci-des sus, la somme de 130,000 livres.
récapitulation.
Ie Etat-major.............24,000 liv.
2é Cinq compagnies de cipayes . 130,000
Total des dépenses militaires. 154,000 liv.
recapitulation générale.
Dépenses de l'administration. . . 545,218 liv. Dépenses militaires....... 154,000
Total de la dépense de la colonie . . . . . . . 1 . . 699,218 liv.
Les revenus de la colonie consistent en revenus territoriaux montant à 60,000 livres, et en droits territoriaux évalués 500,000 livres. Ainsi le total des revenus de la colonie est de . . 560,000 liv.
récapitulation générale des colonies d'Afrique Ct d'Asie.
A reporter, éé ... 96,118 liv.
Sénégal...,..... dépenses d'administration. dépenses militaires. dépenses de marine. Total.
liv. Pour mémoire. 37,800 2,011,996 845,218 liv. \ liv. . liv. 37,800 4,557,144 699,218
Juda............ lie de Fràncc... Pondichéry. .Y*.. Total des dépenses.....
1,983,748 154,000 559,400
2,595,014 2,137,748 559,400 5,294,169
Les seuls revenus sont ceux dé l'Inde, mon-
Ainsfcette partie de nos colonies doit coû-
Dépenses a payer en France pour le service de toutes les colonies en général.
administration.
Traitement des familles de l'île Royale, ci . 50,000 liv.
Id. Celles de Saint-Pierre et Miguelon . 25,000
Instruction des missionnaires de
Cayenne...... 10,000
Achats et conduites 60,000 Dépenses imprévues et extraordinaires ....... 125,000
Transport de France ......
Total
Etat militaire.
1° Deux brigades d'artillerie.
Ces deux brigades restent en France, les autres ayant été envoyées .aux îles du Vent, à celles sous le Vent, et dans l'Inde.
Etat-major............... 30,000 1.,
Chaque brigade est composée |
de quatre compagnies de I
88 hommes, c'est-à-dire, I
352 hommes ( oop nnn r
Officiers____ 26,260 l.\„ > *ûO,UUU 11V.
Solde de 352
hommes.. 59,688 1. fX\ d.e \
Masse de 4 s. [102,844 1. \
8 d nir \ et pour
homme ... 16,896 1.) deuï..... 206,000 l.j
2e. Bataillon auxiliaire des colonies, entretenu à Lorient. Solde et chauffage. Compagnie d'artillerie de 72 hommes ... Quatre compagnies
de fusiliers.....
Habillement de 238 hommes.......
Logement des officiers, couchers de soldats, etc. ......
Instruction d'artifices .v........
35 cadets gentilshommes, compris le
feu.........
Hôpitaux.....
Menus frais de toute espèce........
Total des dépenses militaires 436,000 liv.
récapitulation.
Les dépenses d'administration , 670,000 liv. Les déppenses militaires .... 436,000
Total des dépenses à payer en France pour le service de toutes les colonies en général ....... 1,106,000 liv.
Récapitulation générale de la dépense de la colonie.
Saint - Domingue et îles du Vent Cayenne, Saint-Pierre et- Mi- quelon........ Colonies d'Afrique et d'Asie. Dépenses communes à toutes les colonies ...... administra -tion dépenses militaires. dépenses de marine. Total.
liv. 3,749,368 528,171 2.59S,014 676,000 liv. 6,222,531 398,952 2,137,748 436,000 liv. 339,000 8,784 559,400 liv. 10,311,679 935,907 5,294,162 1,106,000
Total . ,
7,548,553 9,195,131 907,184 17,647,748
Revenus des Colonies. Saint-Domingue et îles du ) Cayenne..................... 100 000 ( Dépenses à la charge du département de la
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance du 7 au soir.
, député d'Alençon. Il n'est pas fait mention de la motion de M. Malouet, relative à M. d'Albert; c'est un oubli qui doit être réparé. Le procès-verbal ferait supposer, en outre, que d'après la lecture des pièces, il aurait paru à l'Assemblée que le premier événement arrivé à Toulon avait donné naissance au second. C'est une autre inexactitude à rectifier.
Si une semblable confusion pouvait prendre créance, je prouverais que les deux affaires n'ont entre elle aucune connexité. M. le secrétaire, en rédigeant son procès-verbal, a oublié de dire que la cocarde noire de l'officier du régiment de Dauphiné était mouchetée de rouge et de blanc.
(Ces réclamations font ajourner à demain le procès-verbal, après qu'il aura été rédigé de nouveau.)
, Vun de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance du 8.
400,000 670,000 liv.
16,000 liv. . 18,000 48,000 70,000
10,000 Uoo, OOliv. 1,000 l
24,000 50,000
26,000 I
, autre secrétaire, annonce diverses adresses et délibérations, savoir :
Adresse de la ville de Josselin en Bretagne, qui renouvelle- son adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale : elle y joint deux délibérations ; dans l'une, elle fait un don patriotique de la somme de 4,125 livres qui lui reste dans sa caisse, et qu'elle délivrera au premier mandat ie l'Assemblée; dans l'autre, elle sollicite l'établissement d'une justice royale.
Adresse du même genre de la ville de Les-neven ; elle annonce' que tous les membres qui composent le conseil général ont fait le don patriotique de leurs boucles d'argent, que cet exemple est suivi par les habitants, et que les femmes se dépouillent, à l'envi, de leurs bijoux en or et en argent : elle demande qu'en interprétation des décrets sur la libre circulation des grains, il soit défendu à tout particulier de faire des demandes sans y être autorisé par la municipalité.
Adresse des jeunes volontaires nationaux de la ville de Quimper en Bretagne, contenant l'expression des sentiments de reconnaissance et de dévouement dont ils sont pénétrés ppur l'Assemblée nationale. Ils ont arrêté d'inviter tous les jeunes citoyens de la Bretagne à renouveler le pacte d'union contre les derniers efforts des ennemis de la patrie.
- Adresse dé félicitations, remercîments et adhésion de la ville de Senlis : elle demande d'être chef-lieu de département.
Adresse du même genre du comité municipal de la ville d'Argentan en Normandie ; elle demande d'être le siège d'un tribunal supérieur.
Adresse du,même genre de la ville de Clermont-Lodève en Languedoc; elle adhère aux décrets de l'Assemblée nationale, à Celui qui détermine une: nouvelle division du royaume en départements, et à celui concernant la contribution patriotique: elle témoigne son extrême répugnance pour la conservation des rapports de l'ancienne administration, et demande d'être le chef-lieu d'un district, et que Montpellier soit le chef-lieu d'un département.
Adresse des religieux, grands- Carmes, Corde-liers et Minimes de la ville de Lyon, qui, frappés d'admiration, et pénétrés de reconnaissance pour l'Assemblée nationale, lui présentent l'hommage de leur parfaite soumission aux décrets concernant les biens ecclésiastiques : quoiqu'ils forment des vœux pour leur liberté, ils n'en seront pas moins empressés à se rendre utiles et à remplir les fonctions qu'on voudra bien leur confier.
Adresse du sieur Brival, procureur du Roi à Tulle, qui s'engage d'exercer désormais ses fonctions gratuitement.
Adresse des communautés et municipalités de Dame-Marie-Leslvs, Saray, Voves, Boissise, La-Bertrand et Beaulieu, contenant les expressions d'un vif désir de voir exécuter promptement les décrets de l'Assemblée nationale sur l'organisation des nouvelles assemblées des provinces et des municipalités, et de la satisfaction qu'elles auront de voir bientôt la vente des biens du clergé concourir au secours de là patrie, espérant que la diminution prochaine des richesses immenses des titulaires actuels de cette classe privilégiée, ne permettra plus à l'archevêque de leur diocèse de dépenser hors du royaume un revenu qui donnera l'aisance à 1,200 familles, et de soutenir 1
ainsi, aux dépens de l'Etat, une vaine dignité étrangère.
, comme député dé Melun, demande à faire lecture d'une adresse de cette ville, apportée par des députés extraordinaires; ce qui lui est accordé : elle contient une adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale et l'Offre d'un don patriotique^ A cette adresse est -jointe une délibération de ladite ville, du 30 du.mois dernier, portant établissement d'un bureau pour recevoir les dons des citoyens.
La lecture de ces deux pièces est suivie d'applaudissement, et l'Assemblée permet aux députés extraordinaires d'assister à la séance.
annonce qu'il s'est retiré devers le Roi pour lui présenter d'abord le décret, rendu pour ordonner l'élargissement des officiers de mer détenus à Toulon; ensuite pour savoir quelle avait été la conduite du parlement de Rennes pour la transcription sur ses registres du décret qui continue les vacances des parlements. Il dit que le Roi lui a donné l'assurance qu'il allait prendre les moyèns de faire exécuter sur-le-champ le décret rendu pour procurer la liberté des offiers de marine détenus à Toulon. Quant au parlement de Rennes, il a dit que les lettres de jussion pour la transcription sur les registres, étaient expédiées et parties.
de Nemours. L'Assemblée a ajourné à cette séance le rapport qui devait lui être fait sur la comparaison du plan de M. Laborde de Méréville et de celui de M. Necker .: les commissaires que vous avez chargés de ce travail n'ont pas perdu un moment pour justifier votre confiance. Ils ont déjà eu, conformément à vos ordres, des conférences avec, le premier ministre des finances et avec les administrateurs de la Caisse d'escompte ; ils en auront une nouvelle demain, peut-être seront-ils obligés d'en avoir une troisième. Ils prient l'Assemblée d'ajourner encore cette affaire, sans déterminer le jour, et d'être assurée de leur activité et de leur zélé.
(L'ajournement est ordonné.)
fait lecture de la liste des membres de l'Assemblée composant la députation chargée d'aller témoigner à la Reine ses regrets delà mort de l'abbesse u'Inspruck, sa sœur. Ce sont:
MM. De Roisgelin, archevêque d'Aix, ex-président.
Rrocheton.
Le marquis d'Avaray.
Lemercier.
Le comte de Grillon.
L'abbé Verdet.
Le marquis d'Ambly.
Lebrun de Dourdan.
Garat l'aîné.
Le duc du Châtelet.
De Sabran, évêque de Laon.
L'aûbé Piffon,
Le comte Guichard de la Liniôre.
Malouet.
Pison du Galand.
Le marquis de la Quenille.
L'abbé la Roissière.
Tronchet/
Leclercq (Vermandois).
Le marquis de Monspey.
Dulau, archevêque d'Arles.
Arthur Dillon.
Nicodême.
Tuaut de la Rouverie.
, député de la ville de Lyon,
demande la permission de s'absenter pendant quinze jours ou trois semaines, pour se rendre auprès de son père, "âgé de 86 ans; et malade ; cette permission lui est accordée.
présente l'état du travail sur la division du royaume. Le comité est retardé par l'embarras qu'occasionnent, sur la disposition des chefs-lieux, les prétentions de différentes villes. Il demande, comme un moyen de concilier les intérêts opposés, que la liberté lui soit laissée de ne pas fixer, et de réunir dans une même ville les chefs-lieux du département, de la justice et de l'Eglise, et que ceux du département puissent être alternés entre les villes qui, par leur nature, semblerait y être exactement propres.
On objectera sans doute qu'il serait difficile de transporter les bureaux et les archives; Les bureaux seront composés de dix ou douze personnes, et le transport n'en sera pas très-dispendieux. Des archives pourraient avec avantage être établies dans chacune des villes destinées à devenir chefs-lieux à leur tour ; en étendant à tous les objets importants l'impression ordonnée pour les comptes, les exemplaires se multiplieraient aisément, et l'on serait ainsi à l'abri des événements tels que les incendies, et qui peuvent faire perdre sans retour les titres et les papiers d'un département,
propose pour amendement que les départements alternent entre les districts.
, propose que les villes qui auront unévêchéou un district ne puissent jamais obtenir un département.
appuie la demande du comité.
Il faut ajouter au décret à rendre à ce sujet : « que les chefs-lieux de département ne pourront être placés dans les villes qui renfermeront moins de quatre mille âmes. »
présente les grandes villes comme des maux nécessaires, dont les législateurs doivent chercher à atténuer les inconvénients. Il adopte, sous ce point de vue, la demande du comité. Il propose un article qui pourrait être ajouté à ceux relatifs aux municipalités, et dont plusieurs événement récents démontrent la nécessité. Il est ainsi conçu : « Chaque municipalité ne peut et ne doit se mêler de la haute police que conformément aux décrets de l'Assemblée nationale, ni étendre sa juridiction au delà de sa banlieue. »
est d'avis de ne rien prononcer directement ou indirectement sur l'établissement des tribunaux et des évêchés.
propose la motion de faire tenir l'Assemblée nationale alternativement dans chaque chef-lieu de département.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à déli-f bérer sur tous les amendements.
La motion de M. le vicomte de Mirabeau est ajournée.
dit qu'il a des observations importantes à présenter sur la division de la Provence, mais qu'il les adressera au comité. (Fo?/. aux An-
j nexes de la séance, le mémoire de M. Bouche.)
met aux voix les propositions de M. Rabaud de Saint-Etienne. — L'Assemblée décrète :
« 1° Que tous les établissements à faire dans un département ne seront pas nécessairement dans le même lieu ; , .
, « 2° Que les administrations de département pourront alterner dans les villes qui seront désignées ;
« Qu'en conséquence le comité de; constitution, à lui joints les membres qui lui ont été unis, pourra, d'après les lumières qui seront fournies par les députés, déterminer le chef-lieu des établissements divers, ou l'alternative qu'il jugera • convenable pour soumettre ensuite son avis au jugement de l'Assemblée. »
L'ordre du jour appelle maintenant la suite de la discussion des articles additionnels proposés par le comité de constitution sur les élections et les municipalités),
donne lecture des articles ainsi qu'il suit :
« Art. 14. En chaque administration de département, il y aura un procureur général syndic; en chaque administration de district, il y aura un procureur syndic; ils seront élus au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des suffrages, en même temps que les membres de chaque administration, et par les mêmes électeurs. »
Cet article est adopté sans discussion.
« Art. 15. Le procureur général syndic du département et le procureur syndic du district seront 4 ans en place, et pourront être réélus et continués par une nouvelle élection. »
Le comité, en rédigeant cet article, a pensé qu'il était important d'offrir au procureur syndic l'espoir d'obtenir pour prix de ses services, de sa délicatesse et de son exactitude à remplir ses fonctions, une récompense bien précieuse, puisqu'elle serait la preuve bien certaine de la confiance publique; qu'il était important que celui qui tiendrait le fil des différentes opérations pût être conservé...
Les procureurs syndics seront les chevilles ouvrières de l'administration ; leur influence sera extrême ; vous appellerez sur éux toutes les tentations; et si vous leur permettez d'être continuellement réélus, ils deviendront bientôt administrateurs perpétuels. Je demande qu'ils ne puissent être réélus plus d'une fois.
S'ils n'ont pas l'espoir d'être continués, ils négligeront leur gestion.
Les craintes du préopinant ne me semblent pas fondées ; il paraît oublier que le directoire fera tout sous les ordres de l'Assemblée générale, et que le procureur syndic ne fera rien que sous les ordres du directoire. Il n'a pas senti d'ailleurs que l'administration est une science comme les autres; qu'elle exige des hommes qui y soient entièrement adonnés, et qué leur nombre sera nécessairement peu considérable. J'adhère à l'article proposé par le comité.
Si le procureur syndic devien t
malade» et que vous ne lui donniez pas un substitut, le directoire sera paralysé.
Il est sans doute très-avantageux que les procureurs syndics puissent être conservés; mais je conviens qu'il serait fâcheux que cette conservation, objet d'une ambition bien naturelle, fût le résultat de l'intrigue, et non celui de l'estime et de la confiance. Je propose que les procureurs syndics puissent être réélus pour deux ans; la première fois à la majorité des suffrages; la seconde aux deux tiers, et les autres .fois aux trois quarts.
L'article avec l'amendement de M. de Yirieu est décrété en ces termes :
« Art. 15. Le procureur général syndic du département et les procureurs syndics des districts seront en place pendant 4 années; ils pourront être continués par une seconde élection pour 4 autres années, mais ensuite ils ne pourront être réélus, si ce n'est après un intervalle de 4 ans. »
« Art. 16. Les procureurs généraux syndics, et les procureurs syndics assisteront aux assemblées générales des administrations. Il ne pourra y être fait aucun rapport sans qu'ils en aient eu communication, ni être pris aucune délibération sur ces rapports, sans qu'ils aient été entendus; Us seront chargés de la suite des affaires; cependant ils n'auront, ni dans les assemblées générales, ni dans les directoires, aucune voix délibératiye, mais simplement voix consultative. »
Cet article est adopté après quelques courtes observations de M. de Virieu.
« Art. 17, Quant aux membres de l'Assemblée nationale, ils seront toujours élus au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des suffrages. Si les deux premiers scrutins ne la donnent pas, il sera procédé à un troisième, dans lequel le choix ne pourra se faire qu'entre les deux qui auront eu le plus de suffrages au scrutin précédent. »
Vous avez adopté le scrutin de liste double pour déjouer i'intrigne, en ce qui concerne les municipalités : il faut adopter pour les députés à l'Assemblée nationale les mêmes formes afin d'aVoir les mêmes garanties, car l'intrigue sera bien plus puiss ante quand il s'agira d un plus grand intérêt.
Avec les scrutins de liste double les cabales feront les députés comme nous en avons des exemples sous nos yeux.
Le scrutin individuel est moins imparfait ; il est adopté pour les places de maire et de procureur de la commune et c'est une considération morale d'une certaine valeur d'empêcher un homme de se présenter à l'Assemblée nationale seulement avec vingt voix, ce qui serait possible par la forme des scrutins à liste double*
On demande à aller aux voix.
L'article esl décrété en ces termes :
« Art. 18. Les membres de l'Assemblée nationale seront toujours élus au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages ; si les deux premiers scrutins ne donnent pas cette pluralité, il sera procédé à un troisième, dans lequel le choix ne pourra se faire qu'entre les deux qui auront eu le plus de suffrages à celui précédent. »
M. le garde des sceaux m'a fait remettre un mémoire relatif aux lois crimi-
nelles provisoires décrétées par l'Assemblée. Je demande si l'Assemblée veut entendre la lecture du mémoire ou le renvoyer au comité des sept qui a travaillé à 1a rédaction de ces lois. (Voy. le mémoire annexé à la séance de ce jour.)
Le renvoi au comité est ordonné,
Le comité féodal demande à faire imprimer un rapport et un mémoire de deux de ses membres sur le droit féodal de la province de Bretagne (Voy. ces documents annexés à la séance de ce jour.)
L'Assemblée autorise l'impression.
J'aurais à présenter une motion importante sur la restitution des biens communaux envahis par les seigneurs. (Voy. cette motion annexée à la séance de ce jour).
On demande vivement l'ordre du jour, qui consiste dans la réclamation de la ville de Nérac,au sujet de la mendicité et dans j'affaire des impositions de la province de Bretagne. — Cette dernière affaire obtient la priorité.
Il est important que l'Assemblée prenne saqs délai un parti sur l'objet que j'ai à lui présenter.
Il, existe en Bretagne une régie appelée des devoirs, impôts billots, et droits y joints ; ces droits se lèvent sur le détail de l'eau-de-vie et sur les boissons. Le produit s'en élève annuellement à 4 ou 5 millions.
Les anciens états de Bretagne ont donné aux commissions intermédiaires des pouvoirs qui expirent au 31 de ce mois. Suivant les - anciens usages, ces commissions sont composées de six membres du clergé, six de la noblesse, et six des communes. La province a demandé pour les communes une proportion égale aux deux autres ordres réunis. Le Roi, à l'époque de cette demande, n'a rien voulu innover jusqu'à ce que l'Assemblée nationale, qui n'était pas encore réunie eût statué à cet égard.
propose un décret par lequel l'Assemblée ordonnerait :
1° La prorogation des pouvoirs des commissions intermédiaires ;
2° La perception des impôts directs ;
3° La prorogation de la régie des devoirs de Bretagne, et droits y joints, pour un an ;
4° La manière d'effectuer, en Bretagne, la suppression des privilèges en matière de devoirs et d'autres impôts;
5° La Continuation de diverses dépenses urgentes, et la suppression de certains traitements, pensions et gratifications.
L'Assemblée décide que ce projet de décret sera communiqué au comité des finances pour donner son avis. La discussion est renvoyée à demain, séance du soir.
indique pour demain à 2 heures l'affaire de Nêrac, et celle de Troyes. Il lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour 9 heures du matin.
1re ANNEXE.
Mémoire présenté à l'Assemblée nationale, et communiqué au comité de constitution, sur les villes d'Aise et de Marseille,, relativement à la division de la Provence (î), par Charles-François Bouche, député de la sénéchaussée d'Aix (2)i
Messieurs* je serais coupable aux yeux de mes commettants si je laissais sans réponse le mémoire que je vais tâcher de] réfuter dans ses parties les plus marquantes : il est certainement la preuve au zèle, des talents et de l'activité des députés de la sénéchaussée de Marseille; il prouve combien ils sont dignes de la confiance dont leurs concitoyens les ont honorés; mais on ne saurait leur pardonner de l'avoir produit, mystérieusement, à MM. du comité de constitution, et de ne l'avoir pas distribué dans les bureaux, pour en donner connaissance à tous les membres de l'Assemhlée nationale, enfin de ne l'avoir pas communiqué expressément à tous les députés de Provence, ou pour les forcer de lui rendre justice, ou pour les inviter aie combattre.
Les députés de la sénéGhaussée de Marseille veulent que cette ville forme un département séparé. Tel est d'abord le fond et le but du mémoire. Voici comment ils s'y prennent.
Pour asseoir leur système, ils commencent par se qualifier de députés de Marseille.
Ce fait n'est pas exact; ils sont députés de la sénéchaussée, et non de la ville de Marseille.
Cette observation affaiblit l'intérêt que Marseille est bien capable de faire naître, et que personne n'éprouve plus que moi. Ce genre de députation manifeste déjà la confusion, bien loin d'être une preuve nécessaire de la séparation que les députés de Marseille sollicitent.
Ils disent que leur motion du 2 novembre, tendant à laisser à Marseille une administration séparée, n'a été ni discutée, ni jugée ; qu'elle est restée dans toute son intégrité, et qu'ils en réclament le jugement définitif.
Leur motion a eu le sort de celles de tant d'autres députés; elle a eu le sort de la mienne tendant à laisser à 1a Provence un seul département ou assemblée provinciale, et à laisser aux provinces et villes du royaume le soin de se localiser, à la charge de se conformer aux règles générales que la sagesse de l'Assemblée nationale leur dicterait.
Le décret général fut rendu après et sans égard pour la motion des députés de là sénéGhaussée de Marseille, et pour ies motions de tous les autres députés qui se tinrent et se tiennent pour condamnés, quoiqu'on n'ait pas discuté par le menu et en détail leurs motions particulières. Les députés marseillais savent bien que l'usage
de l'Assemblée nationale n'est point çt ne peut pas même être dë.laisser iâ liberté à cette manière de discuter; les affaires deviendraient interminables dans une Assemblée de 1,200 personnes, où. on trouverait 1,200 motions à discuter ét à juger. ' , .
Le 12 novembre, j'eus le courage de me déclarer opposant à tous les décrets qui seraient rendus sur la constitution municipale et provinciale dé la Provence, si ses députés n'étaient pas entendus. Je demandai acte de mon opposition ; ïi nie fut refusé, et je me soumis avec respect. ,
Le 13 jiovembré, voyant que le procès-verbal ne faisait pas mention même du rejet de ma motion, je me plaignis avec force ; car enfin je.you? Jais me justifier aux yeux de mes commettants : là mention même du rejet de ma motion de la veille me fut refusée encore. Je gardai un silencé respectueux ; je me tins pour bien condamné, et je restai convaincu que l'Assemblée nationale était plus éclairée que moi.
Revenons.
Par son décret général, l'Assemblée nationale jugea donc que la ville de Marseille ne devait pas être distinguée des autres villes du Royaume, qUant à l'administration. Premier déroutement.
Dans le comité particulier des députés de Provence, dont les auteurs du mémçire parlent, on n'a point agité avec eux la question de savoir si Marseille Serait,' ou non, annexée à quelque département provençal, mais si l'on établirait eh Provence iin ou plusieurs départements ou assemblées provinciales.
Je fus d'avis de n'y en établir qu'un : mon avis ne fut pas du côté le plus nombreux.
Dès le premier mot que les députés delà sénér chaussée de Marseille prononcèrent sur la séparation dé cçtte ville, tous les membres du comité se réunirent pour lés repousser. Second déboute-ment.
Le 17 décembre, il y eut une assemblée des députés de Provence au comité de constitution. Les députés marseillais essayèrent de remettre sur le tapis la séparation de Marseille. Les dépu-. tés de Provence se réunirent encore contre eux. Troisième déboutement.
DU calcul qu'ils fout, pages 6 et 7 de leur mémoire, il résulte que la Provence contient 859,000 habitants.
Il est de fait qu'elle n'en a que 698,500; on en compte communément 700,000.
il résulte encore des pages susdites, que ia Provence a l,30riiéues carrées de surface,
La Provence ne contient qu'environ 900 lieues carrées de surface, dont plus de la ippitié est dans une infertilité rebelle à tout genre de cuiture. Me méfiant de mes faibles lumièrès, je l'ai fait mesurer par d'habiles géographes, sur des cartes fidèles que je mesuis procurées. Je l'ai divisée, sous divisée, cantonnée, districtée, dépar-tementée en cinq systèmes différents, et toujours je me suis convaincu qu'elle n'avait qu'environ 900 lieues carrées de surface.
M. Necker, di't-pn, a avadcé le contraire dans son ouvrage sur l'Administration des Finances de la France.
Cela est vrai; mais je prie qu'on observe que M. Necker n'a donné a la Provence que 1,146 lieues et non 1,301 ; qu'il lui a donné 754,400 habitants, et non 859,000, comme les députés marseillais l'ont écrit dans leur mémoire.
Dans son càcul, M. Necker a compris une partie des térres anciennes de la Provence, et il a donné plus de surface et plus d'habitants.
M. Necker a écrit d'après les états déposés dans lés bureaux du ministère. Ces états sont inexacts, j'ai eu, l'hiver dernier, l'occasion fréquente de m'en convaincre. Avec un texte pareil, M. Necker a écrit des erreurs en fait de population et d'étendue, au moins provençales.
A présent, veut-on savoirjle pourquoi des calculs exagérés des députés marseillais? Le voici tel que je 1e présume ; car ils ne m'en ont pas fait la confidence:
Ils ont dû dire : En donnant beaucoup (^étendue, beaucoup d'habitants à la Provence-, hh seul département paraîtra trop grand; deux ne satisferont pas tout le monde; trois seront suffisants; et alors, Marseille se sauve à travers tant de lieues et tant d'individus, et elle forme un quatrième département.
Je ne sais pas si je me trompe, mais je crois avoir pris leur intention sur le fait : il est possible que je les calomnie; en ce cas, je leur en demande pardon.
Quoi qu il en soit, Marseille, peuplée d'hommes intelligents, actifs, laborieux, et de bons citoyens, riche- commerçante, savante et guerrière, est faite pour illustrer et soutenir toutes les associations auxquelles on voudra l'adjoindre.
Les députés de Marseille ne *pouvant plus espérer d'obtenir par là un département particulier, demandent à annexer Marseille au département de la Prôvëuce orientale.
Les députés de la ville de Marseille sont trop judicieux, je les honore trop pour que je croie que les vieilles querelles de l'an deux mille quatre cent quarante, avec l'occident de la Provence, aient part à cette demande; mais je sens qu'il n'y aurait point d'égalité parmi les divers départements de Provence, si Marseille passait du côté de l'orient, et était réunie, aux villes, bourgs et villages du côté de la Méditerranée.
Riche peuplée et industrieuse comme elle l'est, Marseille accroîtrait par sa masse la masse de la population ét des richesses qui sont, pour ainsi dire, concentrées dans la partie orientale et maritime. Les autres parties ou pauvres ou médiocres, qui sont surchargées d'une multitude de grands, chemins,de ponts, de chaussées et d'édifi ces publics se trouveraient sans soutien. Il n'est pas certainement dans l'intention de la ville de Marseille, de rendre les Provençaux de l'occident et du septentrion, malheureux d'une simple satisfaction dont elle jouirait, sans accroître sa gloire et son opulence, qui sont au plus haut point possible.
Mais, disent les députés de la sénéchaussée de Marseille, l'administration de cette ville est différente et ne peut s'allier avec d'autres.
Je prie ces Messieurs de se ressouvenir que l'administration de Marseille n'a été différente qu'en ce qu'elle était sous la main tortionnaire des intendants, lorsque l'administration des autres communautés était sous celle des Etats. La vallée dé Barcelonette et les terres adjacentes pourraient faire la même objection que Marseille ; mais elles n'osent pas la faire, parce qu'elles en sentent la faiblesse.
Dans tout le reste, toutes les communautés de Provence se ressemblaient; mais il ne s'agit plus ici d'une différence d'administration. Bientôt des Alpes aux Pyrénées, des rivages du Rhin aux bords de l'Océan et de la Méditerranée, toutes les administrations municipales etprovinciales seront les mêmes : qui en connaîtra une, les connaîtra toutes; ainsi cette objection des députés de Marseille expire de faiblesse. ; Il est une observation décisive; la voici :
Si Marseille appartenait au département de l'orient et maritime, tout le département occidental resterait chargé de la construction et de l'entretien des grands chemins par lesquels on transporte chez elle les productions et les fabrications de la France; elle jouirait sans contribuer aux frais de ses jouissances : cela ne serait ni juste, ni politique, ni moral ; ce serait outrager les Marseillais que de leur supposer une exemp-tion semblable.
Les pays agricoles, réplique-t-on, ne peuvent s allier avec les pays commerçants. La partie occidentale n'est que cultivatrice.
Les pays agricoles peuvent se soutenir par eux-mêmes, les pays commerçants ont besoin des pays agricoles, sans ceux-ci, ceux-là ne seraient rien, ou presque rien. Les navigateurs marseillais qui fréquentent les ports de Sardaigne, des Etats du Pape, de la Sicile et de l'Afrique, prouvent cette vérité.
Du côté de l'orient, ajoute-t-on, Marseille trouverait des villes commerçantes qui ont les mêmes habitudes et la même profession.
Du côté de l'orient, je ne vois que Toulon que lè commerce de Marseille pompe continuellement; tout le reste est agricole.
Enfin on dit que Marseille a des dettes.
Elle en aura du côté de l'orient comme du côté de l'occident : placée sur l'un comme sur l'autre point, elle les payera parce que ses dettes n'intéressent qu'elle.
Réunie aux pays agricoles, ellè sera obligée d'entrer dans des détails qu'elle appelle minutieux et de parcimonie ; elle sera gênée dans ses grandes vues, dans les réparations qu'elle est obligée de faire pour son port, ses rues, etc. Voilà ce qu'on objecte encore.
Ehl fut-elle jamais plus gênée que sous l'administration des intendants,, dont la suppression doit être comptée parmi les biens, infinis que rAssemblée nationale a faits à la France ? Sous l'administration des intendants, les administrateurs municipaux de Marseille ne pouvaient pas, sans leur permission écrite, dépenser plus de 50 livres. En se faisant des associés, Marseille s'acquerra de nouveaux amis ; les détails de parcimonie lui deviendront utiles.
Telles sont les parties les plus marquantes du mémoire que je voulais réfuter; Lés députés de i la sénéchaussée de*Marseille sont trop raisonnables pour trouver mauvais que, lorsqu'ils font tant d'efforts pour cette ville intéressante à tant d'égards, lorsqu'ils prouvent par leur zèle et leurs talents qu'ils furent dignes de la confiance dont elle les honore, je donne de mon côté des preuves que j'aime ma province entière, et que je fasse quelques efforts pour son bonheur. Ce bonheur je ne l'ai point vu dans la séparation absolue de^ parties qui n'en faisaient qu'un corps, et j'ai eu-le courage de le soutenir jusqu'à trois fois dans le sein de l'assemblée générale, et de le soutenir dans tous les comités de Provence.
Si la belle, la consolante constitution que l'Assemblée nationale donne à la France, s'affaiblissait jamais ; si le gouvernement redevenait entreprenant; si le despotisme, écrasé par des mains courageuses, s'agite un jour sous la main de quelque ministre audacieux ou adroit; si un ennemi. étranger entre dans nos terres, trois parties séparées et indépendantes les unes des autres se regardant comme étrangères les unes aux autres, sous le même ciel et sur le même sol; seront envahies pièce à pièce, une à une, sans qu'elles puissent se défendre. Un esprit d'égoïsme, un eu-
ractère de solitude éloigneront les âme3 en dis- j tinguant les intérêts. Telles sont mes craintes pour ma province; puissent-elles1 être vaines!
Dans tous les pays de la terre, ïe gouvernement peut être comparé à un loup affamé, sans cesse brûlé par une faim dévorante. Si vous voulez essayer de le contenir en lui opposant 75 ou 85 petits roque's, il les dévore; mais si, au contraire, vous lâchez contre lui 32 dogues, il est effrayé, se retire et le troupeau est sauvé. C'est l'histoire des départements et des provinces.
Celles-ci réunies constammentà l'Assemblée nationale, leur conducteur et leur centre auraient eu, ce me semble, bien plus de force : rien cependant n'aurait empêché que les provinces fussent divisées en plusieurs districts correspondant, dans leur propre sein, à un centre commun et unique.
Il est possible que l'amour du bien m'ait aveuglé sur le bien même que l'Assemblée nationale a fait et veut faire encore, par l'établissement de tant de petits corps politiques vivant à la porte les uns : des autres, et toujours, cependant, sur un terrain différent; en ce cas, ma bonne foi doit me servir d'excuse. Un cœur aimant est toujours en peine sur l'objet aimé ; et je conviendrai que c'est avec douleur, que j'ai vu qu'on ait voulu faire dans ma province trois corps d'un seul, déjà faible, épuisé et bien petit.
Vers la fin du onzième siècle, la Haute-Provence voulut avoir une administration indépendante de celle de la Basse-Provence. Lors du dénombrement général fait en 1200, les habitants de la première furent obligés de déclarer que l'appui des habitants de la seconde leur était absolument nécessaire, puisque, sans elle, ils ne pourraient ni contenir les torrents qui ravageaient leurs campagnes, ni payer tous leurs devoirs au Comte.
Depuis cette époque, le sort de la Haute-Provence a bien empiré ; elle a perdu plus d'habitants, de terres et de bois, en acquérant plus de dépenses particulières et publiques, plus de digues à construire et plus de chemins à entretenir ou à réparer.
Ces raisons et une foule d'autres que je passe sous silence, quant à présent, m'obligent donc de regarder comme très-funeste à la Provence la triple division sous laquelle elle a été meurtrie; mais ce qui m'épouvante, c'est la cessation des travaux publics entrepris à frais communs; c'est la liquidation des caisses publiques; c'est la répartition des charges provinciales et nationales; c'est l'apurement des obligations communes à tous les habitants de la province.
Des provinces autant et même plus étendues et plus peuplées, ont eu du moins la prévoyante et sage sobriété de ne se diviser qu'en deux départements. La raison, la politique et la nature appelaient.ia mienne à n'en former qu'une. Richesse, médiocrité et pauvreté qui forment ses trois caractères locaux, ne peuvent pas se séparer sans se nuire.
Après ra'être occupé de la Provence entière, je dois faire quelques réflexions concernant la ville d'Aix. Mon caractère de député me donne le droit de porter mes regards sur la Provence entière ; mais député de la sénéchaussée d'Aix, je dois surtout le plus grand intérêt à celte ville.
Aix n'a ni terroir fertile, ni commerce, ni industrie, ni entrepôt. Sans ces-e pompée par la ville de Marseille, dont l'aspiration, principalement depuis 1669, se porte sur les hommes et sur les choses d'un bout de la Provence à l'autre, elle n'a jamais pu subsister qne par les secours
de la politique. L'hiver dernier lui a enlevé ses oliviers, et lui a fait une plaie que trente ans I suffiront à peine pour cicatriser. Tous les cultivateurs et les propriétaires sont donc condamnés à languir dans le besoin pendant cette longue succession d'années.
Depuis 124 ans avant Jésus-Christ, tous les tribunaux civils, religieux, politiques et militaires, sont dans le sein de la ville d'Aix. Ces divers établissements attiraient chez elle les Provençaux et les étrangers, et leur concours alimentait se's habitants. Peuplée aujourd'hui d'environ 24,000 individus, ce serait prononcer contre eux un arrêt de misère et de mort, que de ne pas la rendre chef-lieu du département et des tribunaux de justice et souverains qui seront établis.
Elle n'a pas été ni ne sera jamais aussi riche, aussi brillante, aussi heureuse, aussi peuplée que la ville de Marseille ; mais elle est plus ancienne qu'elle ; elle est mieux située qu'elle, elle soutint Marseille dans son berceau : cette ville vou-drait-elle aujourd'hui déchirer le sein qui la réchauffa, et exténuer celle qui accueillit avec tant d'humanité les dieux et les débris de la fortune de ces fondateurs, et qui leur fit généreusement le don du précieux local que leurs descendants occupent aujourd'hui ?
Plus rapprochée du centre, la ville d'Aix est plus à portée des administrés et des justiciables. On ne lui conteste point l'avantage de renfermer dans son sein le plus grand nombre d'hommes les plus propres à être administrateurs ou juges, et que l'espérance d'y jouir d'un état acquis à grands frais, y avait amenés ou fixés.
Qu'on se représente pour un moment une ville ancienne, capitale de sa province et d'une grande souveraineté, accablée de dettes et d'impôts, où sont 24,000 individus sans commerce, sans terroir et sans manufactures, tous utiles, tous bons citoyens 1 qu'on se représente, dis-je, cette ville privée tout d'un coup des établissements qui l'alimentaient et sous la foi desquels ses habitants s'étaient rassemblés!.....La sensibilité et la justice m'ordonnent do me taire, et m'imposent la loi d'attendre, pour la ville d'Aix, des amis et des protecteurs parmi tous ceux qui m'entendent et qui me liront,
Ces déchirantes réflexions ne paraîtront pas hors de propos, lorsqu'on saura que Marseille, qui possède tout l'or et presque tous les habitants de la Provence, qui correspond avec toutes les nations de l'univers; qui, en envois ou en retours, en fabrication ou en matières qui attendent la vente, fait un commerce annuel de près de 60 millions; qui est peuplée de près de90,000 habitants, dans laquelle entrent et sortent journellement plus de 25,000 étrangers, qui jouit, dans tous les genres, de l'utile, du nécessaire, du commode et du somptueux, ces réflexions, dis-je, ne paraîtront pas hors de propos lorsqu'on apprendra que Marseille, changeant de système, et consentant de faire partie du département de l'occident, demande de devenir le chef-lieu du département et de l'administration.
Combien l'ambition est quelquefois inconséquente ! Ici, pour satisfaire celle qu'on attribue à Marseille, les députés de sa sénéchaussée oublient qu'ils ont tiré de la différence d'administration un de leurs moyens de séparation.
Marseille appelle à l'appui de sa demande, sa supériorité dans tous les genres.
15h! c'est précisément parce qu'elle jouit de cette supériorité, que la saine politique et la raison publique ordonnent qu'elle ne soit point
augmentée. Marseille ne s'aperçoit pas qu'elle s'égorge avec ses propres armes.
L'Assemblée nationale veut rendre tout égal et répandre partout ses bienfaits. Elle détruirait ses décrets, et ne les détruirait qu'en faveur de Mar-séillëy si? à l'ascendant inconcevable dont cette ville jouit en Provence, elle réunissait d'autres moyens qni l'accroîtraient, au préjudice d'une ville qui a des-droits incontestables à être chef-liêu d un département et résidence des tribunaux de justice, à divers titres :
1°Elie est peuplée de 24,000 individus qui n'ont de ressources, tant en corps qu'individuellement, que dans l'abord des étrangers ;
2° Elle ne peut imposer que sur les Consommations et payer ses charges que par elles : moins il y arrivera d'étrangers, moins il y aura de consommation ;
3° Avant la mortalité de ses oliviers, elle né faisait line rcolte médiocre que tous les deux ans. On Sait que l'olivier ne produit utilement que de deux ans l'un. Ses oliviers étant morts, de trente ans la ville d'Aix ne récoltera rien. Tous les jours, à toute heure, à tout momept, Marseille emmagasine tous lés biens, toutes les productions des quatre parties du globe ;
4° L'université d'Aix est désertée; son séminaire n'a jamais été bien fréquenté; son chapitre est peu nombreux ; les revenus de son archevêché Se consomment ailleurs; ses maisons religieuses vont lui être enlevées ;
5° Elle a contracté avec les autres communautés de la province des engagements pécuniaires qu'il faut qu'elle tienne, au moins pour la part dont elle restera chargée après l'apurement général. Elle sera dans l'impossibilité ansoluede[faire face à ses engagements, si on lui en ôte les moyens ;
6d Un palais de]justice, presque aussi grand que la moitié du château des Tuileries, est commencé, et est à peine à deux toises hors de ses fondements. Il était destihé à loger quatre différents tribunaux ; il aurait pu servir à en loger un cinquième, la cour des monnaies, si Marseille ne s'était enrichie de la possession de ce tribunal et de la fabrication de la monnaie, depuis 3 dti 4 ans. La ville d'Aix n'a pas encore cicatrisé les plaies que cette translation lui a occasionnées. Que fera-t-on de cet édifice, si la ville d'Aix n'est plus ce que sa situation, sës besoins, sa population demandent qu'elle.soit?
7° En perdant les détails et la correspondance de l'administration générale qu'elle avait, des tribunaux nombreux, divers particuliers riches, l'abord des étrangers, et lès consommations, la ville d'Aix perdrait les moyens de faire face aux charges locales, de département et de l'Etat, te décret que Marseille sollicite, sans autre raison que celle de ne pas dépendre d'une autre ville qui la vaut, à tous égards, par le patriotisme et les commodités locales, et qui vaut mieux qu'elle par son ancienneté et par ses titres, ce décret suffirait seul pour anéantir la ville d'Aix dans moins de dix ans.
En un mot, il n'est pas, et ne peut pas être dans les équitables intentions de l'Assemblée nationale de mettre d'un côté toutes les ressources et de l'autre toute la misère et la dépopulation.
Cequej'ai dit jusqu'à présent ne concerne que la ville d'Aix. J'ai eu pour juges les Provençaux qui m'ont entendu. Je serai jugé par ceux qui me liront. Je vais les appeler plus fortement au Secours de mon opinion, et solliciter surtout celle des Provençaux du département d'Occident.
Les décrets de l'Assemblée nationale portent
que les administrés et les justiciables seront voisins des administrateurs et des juges, autant ; qu'il sera possible. Voilà la loi.
Marseille, située précisément sur le dernier pouce de terrain du département d'occident, obligerait, si elle devenait le chèf-liéu de l'administration, les habitants d^ce département de faire cinq ou six lieues de plus qu'ils ne feraient, si le chef-lieU était à Aix, vrai centre de .ce département, et la loi serait éludée, au .grand préjudice des administrés et des justiciables. Pour se convaincre de ce fait, il n'y a qu'à jeter les yeux sur la carte.
La même objection, peut-être faite très-solidement à Marseille, si, réunie, ce qui ne peut pas être, au département de l'orient, elle y portait les mêmes prétentions.
Résumons.
Marseille, voulant former, contre la lettre même des décrets de l'Assemblée nationale, up§ administration séparée, place sur la lisière la ville d'Aix, qui, dès ce moment, par son site, ne serait plps bonne à rien, pas même à être chef de district.
Marseille,, voulant, contre l'ordre des choses, appartenir au département de l'orient, produit le même désavantage contre la viile d'Aix, et la détruit.
Marseille, portant dansle département de l'orient les mêmes prétentions que dans lé département d'occident, détruit encore la ville d'Aix eh la plaçant, sur la lisière et force les administrés et les justiciables de son département oriental de faire sept ou JiUit lieues de plus, pourvenir chercher administration et justice; grand inconvénient auquel les. habitants des départements doivent s'opposer de toutes leurs forces.
Tout, jusqu'à sarichessè ét sa population, appelle Marseille ati département d'occident de, là Provence* e.t l'y appelle en second. Ses richesses et soh commercé lui conserveront toujours l'éclat de la première place. Ayant sous les veux les décrets de l'Assemblée nationale, la carte de-Provence, un état exact de ses forces, un souvénir très-présent des titres d'Aix et de Marseille, une connaissance profohde de l'impossibilité absolue de la première pour se soutenir, si elle reste sans le titre de chef-lieu de département et privée des tribunaux de justice ; convaincu de la grande facilité de la seconde à continuer de fleurir sans ce doublé secours, j'ai rédigé cette opinion! Eh 1 combien dé choses il me resterait à dire, si le temps, les circonstances et une suite pressée d'affaires me le permettaient !
Tout ce qu'on a dit, tout ce qu'on dira, tout ce qu'on pourrait dire, en faveur de Marseille, d'agréable et d'avantageux, n'aboutirait jamais qu'à donner des preuves plus fortes de son extrême supériorité sur Aix et les autres villes de Provence, et à ruiner sa cause, puisqu'il s^agit ici de porter du secours aux faibles contre les puissants.
L'Assemblée nationale ne peut prononcer sur cette cause, qued'après les règles générales qu'elle a dictées, et qui condamnent Marseille-, mais je prendrai pour prononcer sur les circonstances qui la constituent, des hommes bien éclairés, bien instruits des localités, de bons et géné» reux citoyens, les députés dé Provence. Si l'un d'eux me convainc de mensonge, sur une de mes assertions, je consens d'être regarde comme faux sur toutes, et mon mémoire doit être foulé aux pieds. Personne ne dira jamais de Marseille plus de bien qu'elle n'en mérite;
personne n'en dira jamais pins que moi : mais il faut que justice soit faite, et que lorsque la Provence et toutes les nations commerçantes de l'univers s'épuisent potir Marseille» Marseille ne réponde pas à ce dévouement en dépouillant des voisins qui ne veulent et ne peuvent pas lui nuire, et qui se félicitent de sa gloire.
En traçant cemémoire, j'ai consulté mon cœur, la justice, les convenances et les décrets de l'Assemblée nationale. J'ai osém'érigeF en organe de vingt-quatre mille individus intéressants, qui oiit compté sur mon zèle, comme ils espèrent tout dé la justice des législateurs de la France.
Mémoire envoyé par . M. le garde des sceaux à M. le président de VAssemblée nationale, au sujet du décret portant réformation de quelques points de la jurisprudence criminélle (1?/
La promulgation d'une loi ftouvelle donne-toujours lieu à un grand nombre de questions. Les unes se décident par une lecture attentive, et les juges ne les proposent sans doute que par un excès de précaution ; les autres plus délicates, et sur lesquelles il est plus difficile, de prononcer, portent sur des cas non prévus, non exprimés aans, le texte qui n'embrasse jamais toutes les espèces. Celles-là ne peuvent être résolues en quelque sorte que par les rédacteurs eux-mêmes, il faut plutôt alors une interprétation qu'une explication, et pour la donner, il est nécessaire d'être pénétré de l'esprit de la 161 et d'en Connaître à la fois toutes les intentions.
Le décret de l'Assemblée nationale, portant réformation de quelque points de la jurisprudence criminelle, à fait naître plusieurs difficultés. M. le garde des sceaux désirerait Vivement les aplanir ; il désirerait qu'unë loi dictée par les sentiments d'humanité les plus dignes d'éloges, ne rencontrât pas d'obstacles dans son exécution ; que toutes les dispositions en fussent telletnent connues, tellement saisies suivant leur véritable séns, que l'on pût se flatter que les juges en Conserve-ront religieusement l'esprit dans tous les actes de |eurs procédures. 11 Croit donner une nouvelle marqué du zèle dont il est pénétré, et de l'application, qu'il ne cessera d'apporter au maintien dé la pureté de la loi, en s'adressaht à l'Assemblée elle-même, et en se concertant avec elle sur les " points qui ont fait naître des doutes raisonnables.
On peut diviser èû trois classes les questions proposées jusqu'ici : 1° celles qui ont rapport à la fonction des adjoints ; 2° celles qui concernent la fonction des 'conseils; 3° celles qui tiennent à la forme de l'instruction et à celle des jugements.
QUESTIONS RELATIVES A LA FONCTION DES ADJOINTS,
La loi a voulu que des adjoints fussent présents à tous les premiers actes de la procédure qui se font toujours en l'absence de l'accusé. Dans cette première époque, elle les a constitués en quelque sorte les surveillants du juge instructeur, et les a proposés à l'investigation
exacte èt impartiale de la vérité. Ainsi, elle a dit qu'il en assisterait deux à la plainte (art. 3) ; deux aux procès-verbaux dressés par le jugé (art. ,5); et elle leur a imposé l'obligation dé faire en leur âme et conscience, au juge, les observations tant à charge qu'à décharge qu'ils trowe-ron tnécessaires pour l'explication des dires des témoins, et Véclaircissement, des faits déposés. Mais lorsqu'une fois l'accusé est présent, la procédure se faisant contradictoirement avec lui et publiquement, le ministère des adjoints devient superflu, et leur assistance doit cesser dès'pet instant (art« il).
Voilà les dispositions précises dé la loi;; elles sont claires, on en sent facilemnet l'intention. Cependant, elles ne paraissent pas suffisantes, et elles laissent encore de l'incertitude sur l'étendue de la mission des adjoints, et le terme précis qu'il faut y donner.
PREMIÈRE QUESTION.
On demande si. les adjoints doivent assister au rapport sur lequel, interviendra le jugement qui prononce un décret, et qui dorénavant ne pourra être rendu, que par trois juges, lorsqu'il s'agira d'un décret de prise de corps ou d'ajournement personnel.
La loi n'a rien prononcé de positif sUr ce point et l'on ne peut dès lors en chercher la solution que dans la combinaison des différents articles, ou dans l'esprit général qui à prééidé à leur rédaction.
Dans le, texte relatif aux adjoints, on trouve deux sortes de dispositions ; les unes qui prescrivent et déterminent activement leur mission, l'autre qui. en fixe le terme. Les premières leur donnent l'assistance â la plainte, aux procès-verbaux, à l'information qui précède le de cret: voilà tput ce qu'elles, expriment. Quelques juges se sont cru fondés à en tirer la conséquence que voilà aussi les seuls actes oû les adjoints doivent être présents et que la loi n'y ayant point compris le rapport fait pour parvenir au décret, ils ne doivent pas s'y trouver.
Cependant la loi ne fait cesser l'assistance des adjoints, qu'à l'instant où l'accusé se fera présenter sur le décret. A cette époque, le jugement qui a prononcé ce même décret est rendu, le rapport qui le précède est fait; et aussi quelques juges ont-ils pensé que la présence des adjoints devait avoir lieu au rapport, par cela seul que leurs fonctions ne finissaient qu'après la présentation de l'accusé sur le décret,
Ainsi, deux opinions différentes se sont élevées, et toutes deux se sont étayêes du texte même de la loi. Celui qui a embrassé la première ne suppose rien, n'ajoute rien» ne se permet point d'interprétation, d'induction. Il lit avec attention, et exécute avec scrupule; là où il ne voit pas d'ordre positif, il ne change rien à ce qui se pratiquait avant la loi.
Celui qui a préféré la seconde, a besoin au-contraire d'expliquer, de commenter, do raisonner par anologie, et de prétendre que les adjoints assisteront.au rapport d'un juge, quoique le texte ne l'ait pasdit, et,cela, parce qu'ils ne doivent se retirer qu'après que ce rapport aura nécessairement été fait. Peut-être si l'on se bornait à ce rapprochement, serait-on fondé à croire que la première opinion est celle qu'il faut préférer, comme étant la plus régulière : 1° parce que là loi a spécifié tous les actes où elle voulait Ja pré-
sence des adjoints, et n'a pas exprimé le jugement qui décrète ; 2° parce que uulle part elle n'a parlé de leur présence à un jugement quelconque; 3° enfin, parce qu'elle n'a point dit même en termes généraux, que pendant la durée de leur mission, ils seraient présents à tous les actes de la procédure.
Mais si l'on scrute ensuite l'esprit général qui a dicté le décret de l'Assemblée nationale, il est difficile d'écarter les adjoints d'un rapport qui va décider, sinon du sort de l'accusé, au moins de la suspicion légale qui s'établira contre lui. Les adjoints à la vérité ne sont point des défenseurs, ils ne lui doivent ni secours ni protection; mais ils doivent tous leurs soins à la véracité des preuves, à ce qu'on n'en altère pas le caractère, et peut-être à ce que l'on n'en outre pas les conséquences pour en rendre les effets plus affligeants. N'est-il pas naturel de penser qu'une loi dictée par l'humanité, qui donne un conseil à l'accusé, quant il est présent, qui veut qu'au moment du jugement définitif, il soit défendu, même après le rapport et après les conclusions motivées du ministère public; qui avant que cet accusé soit connu, avant que la justice ait pu l'appeler, a proposé deux hommes choisis par la confiance de leurs concitoyens, pour faire au juge-instructeur les observations dictées par l'im-partialtté; qui ne fait cesser leur assistance, que quand il peut venir offrir sa justification, et y présider lui-même: n'est-il pas naturel de supposer ou plutôt d'apercevoir qu'une loi telle a voulu la présence de deux adjoints, au rapport qui déterminera le degré de sévérité dont la justice doit user dès les premiers pas, et qu'à ce moment sr important, ils fissent encore aux juges, en leur âme et conscience, les observations à décharge que la connaissance parfaite de l'instruction peut leur fournir ?
Peut-être l'Assemblée nationale jugera-t-elle qu'il est essentiel de dissiper tous les doutes sur ce point par une disposition précise. Elle pensera du moins qu'il est nécessaire de fixer invariablement une règle commune à tous les tribunaux, sur une question qui se reproduit souvent 3t sous différentes faces, ainsi que l'on en sera convaincu par la suite de ce mémoire.
SECONDE QUESTION.
La loi a supposé partout que l'accusé ne refuserait pas d'obéir au décret, et elle ne s'est point occupée de prescrire la forme de procédure que l'on suivrait contre les coutumaces. Quand l'accusé ne comparaît pas, le ministère des adjoints doit-il continuer après le décret? doivent-ils assister au récolement, qui alors vaut confrontation? seront-ils présents au rapport, aux conclusions du ministère public et au jugement? 11 y a des motifs puissants pour adopter l'affirmative, comme pour la rejeter.
Le dernier texte qui soit applicable aux fonctions actives des adjoints, c'est celui des articles 6 et 7, qui veut qu'ils assistent à l'information qui précédera le décret et qu'ils fassent aux juges les observations à charge et à décharge. Là paraîtrait se terminer leur ministère. La loi nouvelle a voulu que l'ordonnance de 1670 continuât d'être exécutée eu ce en quoi il n'y a pas été dérogé, c'est-à-dire, sur tous les points non prévus, non exprimés; et cette ordonnance prescrivait le secret du recolement, du rapport et du jugement. L'accusé qui refuse de se présenter, qui craint de
se justifier ou néglige de le faire, ne paraît pas conserver de droits à la bienveillance et à la protection spéciale de la loi; il ne mérite peut-être pas les secours qu'elle ne prépare qu'à celui qui reconnaît son empire et s'y soumet.
Ne serait-ce pas même nuire au contumace que de les lui accorder? Sa seule comparution fait tomber la condamnation, et rétablit les choses dans leur première intégrité. Mais si des adjoints avaient assisté au procès, l'examen qu'ils en auraient fait, la surveillance qu'ils y auraient apportée, ne donneraient-elles pas au jugement un caractère de force, une présomption légale d'équité qui s'élèveraient ensuite contre l'accusé même? Enfin il sera le maître, en se présentant, d'obtenir tous les secours de la loi, d'avoir communication de la procédure, de profiter des lumières d'un conseil, etc.
Cependant les mêmes considérations que nous avons présentées sur la première question, et qui tendraient à faire assister les adjoints au rapport qui précède le décret, se reproduisent ici avec bien plus de force encore, puisque le jugement définitif est plus important que le jugement préparatoire. La loi ne fixe le terme de la fonction des adjoints, qu'après la présentation de raccusé ; ne peut-on pas en conclure que s'il ne paraît pas, ils ne doivent pas se retirer? N'y aurait-il pas, d'ailleurs une sorte d'inconséquence à vouloir que des surveillants assistent à l'information, parce que l'accusé n'y est pas, et que sans qu'il ait comparu, le ministère des adjoints cessât au moment le plus essentiel, à celui du récolement, où les témoins peuvent changer leurs dépositions, ajouter les circonstances les plus essentielles, et qui est d'autant plus important dans l'espèce, qu'il vaut confrontation?
TROISIÈME QUESTION.
Lorsque dans la même procédure il y a des accusés qui se sont présentés, et d'autres qui sont contumaces, doit-on prendre des adjoints à raison de l'absence d'une portion des accusés ?
Cette question se décompose en deux parties. L'une s'applique à la procédure qui suit le décret, comme le récolement, la confrontation, les derniers interrogatoires des accusés présents, le jugement; et celle-là sera résolue en partie par la décision de la question précédente. 11 faut observer seulement qu'une combinaison nouvelle semble rendre le ministère des adjoints plus nécessaire encore. Les accusés présents ont des conseils qui assistent au rapport, et peuvent prendre la parole ; ne serait-il pas utile que les adjoints veillassent à la cause des contumaces?
L'autre partie de la question s'applique à une addition d'information qui peut être ordonnée, et qui a fréquemment lieu en pareilles circonstances.
Il est en effet très-ordinaire dans une affaire compliquée, qu'après avoir entendu quelques témoins, le juge décerne des décrets, et ordonne la continuation de l'information. S'il y a, sur trois décrétés, un seul accusé qui ait obéi, la procédure deviendra publique : les adjoints se retireront-ils? L'intérêt des contumaces paraît plus que jamais réclamer leur surveillance. Il est évident que l'accusé présent aura besoin pour sa justification, de charger ses coaccusés, de faire en sorte que tout le poids des dépositions porte sur eux, et de détourner de lui les circontances aggravantes. Il peut faire des observations aux témoins, il usera
do celte faculté :'qui s'opposera à ses efforts et rectifiera l'erreur où ils peuvent conduire? Quand le témoin était seul avec le juge, on a interposé entre eux deux scrutateurs : se retireront-ils, parce que le danger de l'accusé est devenu plus pressant ? Cependant, d'une part, la loi a dit que la présence de l'accusé, en rendant la procédure publique, ferait cesser le ministère des adjoints; d'un autre côté, ce même ministère n'est positivement prescrit que pour l'information qui précédé le décret.
QUATRIÈME QUESTION.
Une nouvelle combinaison se présente encore par la différente position où. les accusés se trouvent entre eux. Pendant le cours d'une instruction et après l'interrogatoire des accusés présents, les lumières acquises indiquent un nouveau coupable; le ministère public rend plainte, le juge informe : l'assistance des adjoints devient-elle nécessaire ? -
La connexité de cette seconde instruction avec la première, son indivisibilité, portent à croire que les accusés assisteront à l'information qui alors se fera publiquement. Mais est-ce donc assez pour la sûreté du nouvel accusé avec qui elle n'est pas contradictoire? ne peut-on pas dire qu'il est dans la même position que celui contre lequel on a rendu une plainte principale, et que le fait d'une plainte incidente ne peut le priver d'aucun des avantages que la loi avait préparés ?
CINQUIEME QUESTION.
La présence des adjoints peut-elle dans certains cas redevenir nécessaire quand elle aura cessé de fait et de droit ? voici dans quelle espèce la question se présente. Un accusé a été décrété d'ajournement personnel, il a subi son interrogatoire ; la procédure est restée sans activité, parce qu'il n'y avait point déchargés concluantes. De nouveaux indices laissent entrevoir la possibilité de se procurer des preuves, le juge ordonne une addition d'information ; le procureur du Roi fait une sommation à l'accusé de comparaître, et celui-ci ne vient pas, il prend au contraire la fuite, et il est évident qu'il ne se mettra pas en état : faut-il appeler des adjoints, attendu l'absence?
Leur fonction a du cesser au moment de l'interrogatoire, et la loi ne les a appelés d'une manière positive qil'à l'information qui précède le décret. L'on peut ajouter que l'accusé averti, sommé juridiquement, et qui refuse de comparaître, n'a plus de droit à la juste sollicitude de la loi, et ne mérite pas d'être traité avec indulgence.
Cependant on né peut se dissimuler que dans l'espèce proposée, l'addition d'information deviendra la pièce importante du procès ; c'est d'elle que l'on attend les charges et les véritables lumières : sera-t-elle donc revêtue de moins de formalités quand elle est la plus essentielle ?
On vient de considérer les fonctions des adjoints quant aux actes extérieurs : il faut maintenant savoir à quoi elles les obligent.
SIXIÈME QUESTION.
Quand ils sont requis par le plaignant, ou appelés par le juge, peuvent-ils refuser leur ministère T par quel acte constatera-t-on la réquisition
et le refus? leur fera-t-on une sommation ? Dres-sera-t-on un procès-verbal? que fera le juge? pourra-t-il user d'une voie de contrainte, prononcer des peines? Quelles seront-elles? sur tous ces points la loi est absolument muette.
Ici même se présente une autre question sur laquelle elle ne s'est pas expliquée davantage, et c'est à regret qu'on se voit forcé de la proposer. Le ministère des adjoints, si intéressant, si respectable dans ses motifs et son objet, n'est pas vu du même eil par tous les citoyens. Il s en rencontre malheureusement qui sont dépourvus du zèle que la société a droit d'attendre d'eux, et rejettent des fonctions auxquelles la confiance les appelait. Un notable sera-t-il maître de refuser la qualité d'adjoint qui lui aura été déférée ? mèttra-t-on cette fonction au rang des charges publiques dont on ne peut s'affranchir ? sera-t-on tenu indéfiniment d'accepter; ou quand on en aura rempli les fonctions pendant un an, quelle révolution ramènera la nécessité de les accepter encore? pourra-t-on donner sa démission dans le cours ae l'année?
SEPTIÈME QUESTION.
Une autre question plus étonnante encore paraît solliciter une disposition ' expresse. Quant un adjoint aura été appelé par le juge, qu'il aura volontairement prêté son assistance, pourra-t-il se retirer au milieu de l'opération commencée, quitter par le seul effet du caprice un procès-verbal, une information ? quelle peine encourra-t-il pour l'avoir fait ? M. le garde des sceaux est pressé de donner une réponse notamment sur ce point. Il est arrivé non-seulement qu'un adjoint a voulu se retirer dans le cours d'un procès-verbal auquel il s'était rendu, mais même que le juge s'ètant opposé à sa sortie, il s'était écrié qu'on lui faisait violence, et a ameuté le peuple qui eèt venu le délivrer, dans la persuasion que sa sûreté était compromise.
HUITIÈME QUESTION.
Les adjoints sont-ils récusables ou reprochables?* à quel instant et par qui peuvent-ils Tétre ? Cette question paraît bien importante à résoudre, puisque la validité d'une instruction achevée peut en dépendre et que le juge serait dans la nécessité d'en prononcer la nullité à l'instant du jugement définitif.
11 ne me semble pas qu'on puisse appliquer aux adjoints la récusation proprement dite, puisqu'elle n'a lieu qu?à l'égard des juges, et qu'il n'en font point les fonctions.
Mais ils en remplissent une qui exigent la même impartialité, et sous ce rapport, ils seraient peut-être susceptibles des moyens de reproche. Cependant dans quel Cas, par qui, et comment ces moyens pourront-ils être proposés ?
Les adjoints que le plaignant aura pris pour l'assister, ne doivent, en apparence être repro-chables par aucuns moyens. La loi a laissé le choix le plus illimité à l'accusateur.
Mais le juge qui dresse un procès-verbal ou qui informe, est obligé d'appeler deux adjoints suivant l'ordre du tableau (article 5 et 6 ). Cette combinaison peut faire que l'un d'eux soit parent de l'accusateur ou de l'accusé : celui-là deviendra-t-il suspect?
La loi n'a pas autorisé le juge à faire aux ad-
joints UUë interpellation quelle qu'elle «oit; elle s'est contentée du germent général qu'ils ont prêté à l'instant de leur nomination. Il ne paraît donc pas qu'il ait le pouvoir de les interroger sur leur parenté, leur intimité avec l'une ou l'autre des parties, encore moins de leur enjoindre de s'abstenir de leurs fonctions.
Gomment croire néanmoins que lorsque des témoins nécessaires sont reprochables, et sont écartés par une présomption légale de partialité les surveillants de là procédure entière, ceux que lë législateur a constitués les scrutateurs de la véracité des témoins, ceux qui peuvent par leurs observations, leurs interpellations, les conduire à un résultat plus ou moins important, soient à l'abri de toute suspicion? Gomment concevoir que dés fonctions si essentielles soient livrées indifféremment et sans examen, à ceux qui peuvent prendre l'intérêt le plus vif à l'une ou l'autre des parties?
Cependant si l'on admet le reproche, qui pourra le proposer, et à quel moment ?
L'accusateur en aura-t-il la faculté ? faudra-t-il qu'il,soit partie civile? suffira-t-il qu'il soit dénonciateur ? 11 faudra donc alors lui faire connaître le nom des adjoints, et interpeller de déclarer s'il entend les reprocher.
Dans son origine, l'accusé doit ignorer l'existence de la procédure; elle lui sera peut-être toujours étrangère, puisqu'il n'y a que le décret quil'y ap-pétle, etfasserésider sur sa tête la qualité d'accusé. Sera-t-il temps encore pour lui de proposer le reproche après l'information faite, et après qu'il en aura pris communication ?
Ce n'est pas tout : la plainte est souvent rendue contre un quidam, ou bien contre un seul accusé ; l'information fait connaitre les vrais coupables. Ce sont ceux-là qui donneraient lieu au reproche. L'adjoint est-il tenu de se retirer à l'instant où l'un de ses parents, de ses amis est nommé par lès témoins? qui l'interpellera de s'abstenir? comment le remplacera-t-on? S'il ne se retire pas néanmoins, et si lorsque le reproche sera proposé par l'accusé dans la suite de sa défense, il est jugé admissible, toute la procédure deviendra-t-elle nulle par un fait quel'accUsateur ne pouvait ni prévoir, ni prévenir?
II paraîtrait bien important de fixer des règles certaines sur un point qui deviendra le principe d'une multitude de prétentions, qui serviraient de ressources aux coupables, et qu'il serait dangereux peut-être de livrer à la diversité des jurisprudences.
NEUVIÈME QUESTION.
Quelle T>lace les adjoints prendront-ils au tribunal lorsqu'ils viendront y remplir leurs fonctions?
Quand ils assistent à la plainte rendue par un particulier en l'hôtel du juge, ou par le ministère public en la chambre du conseil, il n'y aura pas ae difficulté de ce genre à craindre. Mais dans les cours, M. le procureur général rend plainte à la chambre, les magistrats assemblés. Déjà l'espèce s'est présentée, et les adjoints ont réclamé une séance d'honneur que la cour ne croyait pas leur être due; ils ont voulu être placés à la suite des magistrats, et sur les mêmes formes qu'eux. On leur a observé qu'assistant M. le procureur général, ils devaient rester prés de lui; au barreau, et sur le banc des gens du Roi. Ils ont répondu qu'amenés par le plaignant, ils n'étaient pas pour cela ses adjoints, qu'ils ne signaient pas la plainte avec
lui mais avec le juge (article 31; qu'ils ne demandaient rien, et qu'on ne devait pas dès lors leur assigner la placé destinée à celui qui vient supplier la justice et réclamer son autorité; que vouloir les confondre avec les parties, c'était dégrader des fonctions honorables qui les associent à beaucoup d'égards avec les juges eux-mêmes. On leur a offert de les placer au bureau du greffier et ils ont refusé. Le zèle-des magistrats ne leur a pas permis de s'arrêter à une vaine forme, et d'apporter, à raison d'un cérémonial, un retard quelconque à l'exécution de la loi ; lis ont cédé, en faisant des réserves : mais, ne faut-il pas prévenir l'arbitraire où dès prétentions de cette nature peuvent conduire ?
Le jugement qui prononce un décret dans les cours, est rendu par la chambre. Si les adjoints doivent assister au rapport qui le précède; si dans le cas de contumace, leurs fonctions se prorogent jusqu'au jugement définitif, il paraît inévitable d'assigner tellement le lieu de leur séance, qu'il n'y ait plus, lieu à» des-difficultés sur celle qu'ils doivent prendre.
QUESTIONS RELATIVES A LA FONCTION DES CONSEILS.
Les vues d'humanité qui ont dicté la loi, l'ont portée à assurer à l'accusé lés secours et les lumières d'un conseil. Il a le droit de s'envChoisif un ou plusieurs, de conférer librement avec eux; et quand il ne pèut en avoir un par lui-même, le iuge doit-il en nommer un d'office, à peine de nullité?
PREMIERE QUESTION.
Si le crime est si grave que personne ne veuille accepter la qualité de conseil, que fera-t-on ? sera-t-on placé par cela seul dans l'impossibilité absolue d'instruire valablement? Cette espèce s'est déjà présentée.
SECONDE QUESTION.
L'accusé refuse successivement les conseils qu'on lui a nommés d'office, et cela pour apporter un obstacle insurmontable a la procédure; comment le juge se conduira-t-il?
TROISIÈME QUESTION.
Faut-il nommer un conseil à l'accusé con-tumax ?
Peut-être entre-t-il dans les principes qui ont dicté la loi, de ne pas refuser le secours d'un défenseur à celui qui est absent. Cependant on serait autorisé à croire que telle n'a pas été son intention. Elle ne parle en effet du conseil que dans ses relations avec l'accusé présent. C'est lui qui doit le choisir, c'est à lui qu'on en doit nommer d'office, s'il a déclaré ne pouvoir en avoir par lui-même. La publicité de la procédure est la suite inévitable de la nomination du conseil qui en prend communication, et Cette procédure doit être secrète, sauf l'assistance des adjoints jusqu'à la présentation dë l'accusé. C'est du moins ce que l'on peut induire des termes de l'article 6, qui le prescrit ainsi en termes formels relative- / ment à l'information qui précédera le décret. Enfin la qualité de contujpax, la résistance à ' obéir au décret, font présumer que l'accusé absent ne mérite pas la faveur ni les secours prodigués à celui qui vient se justifier.
QUESTIONS RELATIVES A LA FORME DE L'INSTRUCTION ET DES JUGEMENTS.
PREMIÈRE QUESTION.
Quand la procédure est faite par coutumace, le rapport doit-il être public, et le jugement prononcé à l'audience?
On serait autorisé à penser que cela n'est, pas nécessaire, la loi nouvelle n'ayant prescrit la publicité qu'au moment de la comparution de l'accusé.
SECONDE QUESTION.
La copie de toutes les pièces de la procédure, doit être délivrée sans frais à l'accusé, s'il la requiert. L'orsqu'il y en a plusieurs, chacun d'eux peut-il exiger une copie entière? suffit-il de leur donner séparément la partie de l'instruction qui les concerne ?
La nécessité de fournir un grand nombre de copies entières est onéreuse, et entraînera des retards inévitables. Mais la copie morcelée est sujette à des inconvénients peut-être plus graves ; car celui qui la fera, jugera alors de ce qu'il doit y insérer, et comment s'assurer qu'il y comprendra tout ce qui est important? Ne doit-il pas arriver que ce sera précisément dans la partie qui concerne l'un des accusés, què l'autre puisera son moyen do justification? La loi nouvelle n'a pas pu s'expliquer sur cet objet ; elle paraît s'être en général occupée de l'espèce où il n'y avait qu'un seul accusé (1).
TROISIÈME QUESTION.
Les accusés séront-ils interrogés en présence l'un de l'autre? cela aura-t-il lieu pour le premier interrogatoire, ou seulement pour les subséquents? La loi n'a point décidé cette question bien importante dans les effets qui doivent en résulter.
Souvent la contradiction qui subsistait dans les réponses, conduisait à la découverte de la vérité. Se privera-t-oh de ce moyen salutaire, et fournira-t-on à des complices la facilité de concerter entre eux leurs déclarations?
Cependant, du moment où. l'accusé s'est mis en état, la procédure doit lui être connue; tous les actes de l'instruction se font en sa présence.-V aura-t-il une exception pour les interrogatoires?
L'article 12 n'a point exprimé qu'il lui en serait donné communication, Il dit seulement que « Dans les vingt-quatre heures de l'emprisonnement, le juge le fera paraître devant lui, lui fera lire la plainte, la déclaration du nom du dénonciateur, s'il y en a, les procès-verbaux ou rapports, et l'information. » Le texte s'arrête là, et il n'a point prescrit ce que Voir ferait des interrogatoires, lorsqu'à raison, de la pluralité des accusés il y aura déjà des interrogatoires subis. Si l'on ne donne pas la communication de Ceux qui existent, il paraîtrait naturel d'en conclure que les accusés seront, dans le cours de la
procédure, interrogés séparément. Mais pous l'avons déjà observé, on né petit pas, en Cette matière, ti^er d'induction certaine des expressions dont la loi s'est servie, puisqu'elle n'a pas prévu le cas où la même poursuite serait dirigée contre plusieurs personnes.
QUATRIÈME QUESTION.
|Jn délinquant est arrêté à Ia clarpeur publique, et constitué prisonnier sans décret. Il doit être interrogé dans les 24 heures. Le sera-l-il publiquement, et l'information qui dçit suivre, sera,-t-elle faite en sa prësénCelCette espèce se rencontre très-fréquemment, et plie a déjà donné lieu à une diversité d'opinions entre les juges, et à une différente méthode d'opérer. Le tribunal du Châtelet, jaloux d'exécuter ies décrets de l'Assemblée nationale avec la plus grande exactitude, a présenté ses. doutes à M. le garde des sceaux, en le priant de vouloir, bien sentir qu'il est Urgent de lès lever et de donner sur ce point une règle invariable,
. Toute la difficulté réside dans l'application que l'on doit faire* de l'article 11 du tjécret, qui veut « qu'aussitôt que l'accusé sera constitué prisonnier... toUs les actes de. l'instruction soient faits contradictoirement avec lui publiquement, et les portes de chambres d'intructipps ouvertes».
Si l'on né s'àrrêtait qu'aux expressions que nous venons de rapporter, si l'on prenait l'article d'Une manière isolée, il serait difficile d'y trouver de l'équivoque. Dès l'instant que 1 accusé est présent, tout doit lui être connu.
Mais ce même article suppose un décret existant, une information préalable faite secrètement, aux termes de l'article 6, et avec l'assistance de deux adjoints seulement. On pourrait penser, ayec une apparence dç fondement réel, que la loi n'a considéré conyne prisonnier que celui qui est décrété; jusque-là il est détenu de fait et non de. droit. La sûreté publique exige qu'on pelui laisse pas sa liberté; mais la loi ne sait pas encore qu'il en est privé, et ce n'est qu'après le décret décerné, et l'écrou de sa personne, qu'on peut lui appliquer les dispositions de l articlé il, et de ceux qûi le suivent. Il y aurait en apparence de grands inconvénients à adopter un autre ordre (le procédure, et si à l'instant de la capture on donnait un conseil au prisonnier, si son premier interrogatoire se faisait publiquement , si l'information qui le suivra était également publique, on pourrait craindre que les complices promptemept avertisse s'échappassent avant qu'on ait pu s'en assurer, ou que les témoins intimidés par la publicité, ne voulussent pas déclarer tout ce qu'ils savent, pour ne pas exposer leur propre sûreté. 11 paraîtrait conforme et a l'intention de la loi, et à l'intérêt public qui sollicite la punition des délits, de prescrire qu'en pareilles circonstances, et lorsque l'emprisonnement aura été fait à la clameur publique,' lé prisonnier subira son interrogatoire en présence de deux adjoints seulement, et que Ce ne sera qu'après le décret intervenu ctue l'accusé aura un conseil, la communication des pièces et le bénéfice de la publicité.
Mais quelle que soit l'opinion que l'on doive préférer, il paraît bien important de fixer une règle invariable.
CINQUIÈME QUESTION.
L'article 21 ne s'exécute pas non plus avec
uniformité dans les différents tribunaux du royaume. Après avoir prescrit le rapport public et la prononciation du jugement à l'audience, cet article porte que l'accusé n'y comparait que pour le dernier interrogatoire; « mais que son conseil pourra être présent pendant la séance entière, et parler pour sa défense après le rapport fini, les conclusions données et dernier interrogatoire prêté; et que les juges seront tenus de se retirer ensuite à la chambre du conseil, d'y opiner sur délibéré, et de reprendre leur séance publique pour la prononciation du jugement. » Lé plus grand nombre des juges laisse prendre la parole au conseil de l'accusé, immédiatement avant le jugement et après les conclusions du ministère public, de manière qu'il a l'avantage de"parler le dernier. Dans d'autres tribunaux il parle aussitôt le rapport et avant les gens du Roi. Peut-être ne doit-on cette diversité qu'à une faute de ponctuation glissée dans l'une des éditions imprimées de la loi; faute qui rendait le texte équivoque, mais faute qui, par les soins de M. le garde des sceaux, fut rectifiée aussitôt que connue. Cependant les juges qui ont adopté l'usage de donner la parole au conseil de l'accusé immédiatement après le rapport, et avant les conclusions du ministère public, préféreraient de le conserver, et en exprimant ici leur vœu, il est indispensable d'en indiquer les principaux motifs. Ils sont fondés sur des vues d'équité, de sagesse et d'ordre public.
Sans doute il faut laisser à l'accusé toutes les voies possibles de justification, et lui faciliter tous les moyens d'une légitime défense; mais il faut aussi que la justice prononce des décisions sûres, et le moment qui les précède immédiatement, doit appartenir à l'impartialité. Trop souvent les conseils sont tentés de faire fléchir les principes à la nécessité de la défense, de dénaturer les circonstances pour atténuer la force des preuves, d'en altérer l'ensemble pour en écarter les conséquences. Alors des notions vagues et incertaines sont substituées à des idées précises et exactes, qu'il est si important de recueillir à l'instant des opinions. Le3 efforts et les ressources de l'éloquence, le prestige qui l'accompagne, les impressions qu'elle produit, sont autant de dangers qu'il faut écarter peut-être du moment qui précédé la délibération. Ne serait-il pas de toute équité qu'un magistrat fût chargé du soin de présenter aux juges un dernier ensemble auquel ils pussent accorder toute leur confiance, que ce fût lui qui en mît le tableau fidèle sous leurs yeux, et qu'un organe avoué par la loi, sans passion comme sans intérêt, fût entendu immédiatement avant l'arrêt?
Cette fonction doit appartenir au ministère public. Il est à la vérité la partie coupable ; mais quand il reconnaît la calomnie de l'accusation, il s'empresse d'être l'appui, le défenseur de l'innocent, et de solliciter lui-même la proscription d'une poursuite qu'il avait engagée, ou à laquelle i l s'était joint. Le cercle étroit de l'affaire particu-lière n'est pas celui dans lequel il est renfermé. Tout ce qui tient à l'ordre général, à l'utilité publique, à l'intérêt de la société, est également de son ressort, et c'est sur tous ces rapports qu'il peut et doit présenter le compte d'une procédure criminelle.
Des considérations aussi graves paraîtront peut-être à l'Assemblée nationale dighes d'être pesées et réfléchies par elle, et de nature à déterminer une.modification au décret qu'elle a rendu. Elle a senti elle-même que l'expérience et l'usage
pouvaient seuls découvrir les avantages comme les inconvénients d'une loi, et dans sa sagesse elle n'a voulu faire qu'un décret provisoire.
Aujourd'hui diverses questions la porteront à un seul examen de quelque-unes des dispositions qu'elle avait adoptées, et elle jugera si en donnant au conseil de l'accusé la faculté de le défendre après le rapport du juge, et au ministère public le droit de porter le dernier la parole, elle n'aura pas concilié ce qu'elle doit à l'humanité, avec ce qui'peut assurer l'exercice, le bien et l'avantage ae la justice.
Signé : champion de clcé, -J- Archevêque de Bordeaux.
Addition.
Depuis la rédaction de ce mémoire, on a présenté à M. le garde des sceaux une nouvelle question.
L'article 12 porte : « Pour cet interrogatoire (le premier) et pour tous les autres, le serment ne sera plus exigé de l'accusé, et il ne le prêtera pendant tout le cours de l'instruction, que dans le cas où il voudrait alléguer des reproches contre les témoins. »
Deux accusés sont impliqués dans la même procédure, et l'interrogatoire de l'un des deux fait charge contre l'autre. Quand on le lui a opposé, il l'a rejeté en disant que rien n'attestait la vérité d'une déclaration qui n'avait pas été précédée du serment, etc., etc. La loi n'a pas néaumoins paru au juge permettre d'imposer à l'accusé la condition de le prêter, puisqu'on n'en peut exiger un que lorsqu'il s'agit ae proposer un reproche.
Il est impossible de supposer l'intention d'annuler la preuve résultant respectivement contre les accusés de leurs interrogatoires. Ne serait-il pas indispensable de prescrire alors les conditions sous lesquelles ils feraient charge;de déterminer la portion de son interrogatoire que l'accusé serait obligé d'assertionner par le serment, de fixer le moment où le juge pourrait l'exiger de lui?Ne serait-il pas naturel que lors de l'affrontation à son coaccusé, il fût soumis à la nécessité que l'on impose à tous les témoins?
Rapport fait au comité féodal sur les usements de la Basse-Bretagne, par M. Baudouin de ftfaisonblanche, député de Lannion et Mor-laix, et membre du comité féodal.
Messieurs, une tâche peu brillante, mais difficile, m'est imposée : celle d'analyser les lois territoriales de la Basse-Bretagne, et de vous en présenter les rapports avec les décrets de l'Assemblée nationale du 4 août dernier.
Dans les discussions ordinaires sur les fiefs, chacun de nous est entouré des lumières de tous; chaque membre de ce comité trouve des guides éclairés dans ses collaborateurs. Mais je dois mettre sous vos yeux dés localités concentrées dans une frontière de la France, et presque inconnues au reste du royaume. Seul parmi vous, habitant de ces cantons reculés, je suis réduit à mes propres foreès dans le travail que je soumets
à votre examen. Vous en jugerez, Messieurs, les formes et les vues avec d'autant plus d'indulgence. Au fond et sur la fidélité de l'exposé de ces coutumes locales, je n'en! demande aucune : je dois et je promets Ja plus grande exactitude.
Trois genres principaux d'usements régissaient autrefois les biens prédiaux de la Bretagne-Bre-tonnante ; ceux de Motte, de Domaine conge'able et de Quevaize.
Le premier, qui n'était qu'une main-morte affreuse, est totalement aboli; l'on n'en connaît plus de vestiges. Ainsi je m'abstiendrai de vous en rendre compte, quoique quelques cahiers de Bretagne, spécialement celui de Rennes, en fassent encore mention. Tous les Bretons abhorrent jusqu'au fantôme de la servitude même anéantie.
Le Domaine congéable et la Quevaize subsistent; mon devoir est de vous entretenir de ces use-ments. Gomme ils n'ont ensemble aucune analogie (si ce n'est dans le duché de Rohan, qui exigera des observations particulières),, on ne saurait les traiter que séparément. L'ordre et l'importance des matières veulent que l'on commence par la teneur la plus intéressante; et la plus étendue.
Domaine congéable.
Définissons d'abord la chose avant d'en raisonner, et généralisons nos idées, avant de descendre aux subdivisions des usances, qui forment les espèces du même genre.
Qu'est-ce que lp domaine congéable?
C'est un contrat par lequel le propriétaire d'un héritage retenant la propriété du fonds, en transporte la superficie, et donne la jouissance du fonds à la charge d'une redevance annuelle, avec faculté perpétuelle de congédier ie preneur en lui remboursant ses améliorations. .
Remarquons, avec un célèbre jurisconsulte, breton (1), que la substance du bail convenancier consiste en trois caractères principaux : 1° rétention de propriétés par le bailleur; 2° acquisition des superficies par le domanier, qui paye une rétribution pour la jouissance du fonds ; 3° la faculté conservée: par le foncier de reprendre cette jouissance et d'évincer le superliciaire par un remboursement; nonobstant quelque longue suite d'années que ce soit, après l'expiration des baillées, qui sont ordinairement de neuf ou dix-huit ans.
Certes, un pareil titre diffère de l'investiture féodale et de la dation à rente purement foncière, puisque l'aliénataire reçoit uniquement les droits extrinsèques et superficiels à jamais remboursables d'un fonds qui reste perpétuellement au propriétaire. On ne peut aussi le confondre avec la ferme, puisque le simple conducteur n'a nul intérêt dans la superficie, puisque d'ailleurs à l'expiration de son bail, il a le droit de délaisser l'héritage et de requérir la reprise des impenses et. des améliorations, si elle fut convenue : le colon convenancier ne saurait provoquer son remboursement.
Ainsi, d'un côté, c'est un propriétaire qui n'entend pas s'exproprier de ses domaines, quoiqu'il consente à leur culture par des mains étrangères, intéressées à leur bonne tenue et à leur fertilité ; de l'autre, un cultivateur laborieux qui, en les exploitant, ne veut pas perdre ses peines et ses dépenses; elles lui sont remboursées sur un pri-sage par experts, aux frais du congédiant.
La nature du domaine éongéable clairement déterminée, passons aux* difficultés qu'elle fait naître et que vous avez à résoudre.
Il en est-une absolument préalable, et de la plus grande importance Déjà, Messieurs, elle vous a été présentée par le secrétaire de votre comité, qui a su classer si savamment l'objet et l'ordre de votre travail. vUthM
Appliquera-t-on aux rentes convenancières,le décret national du 4 août, qui déclara rachetables tous les droits féodaux et censuels, toutës les rentes foncières et perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce qu'elles soient, quelle que soit leur origine ?
Des doutes se sont élevés sur cette question en Bretagne. Plusieurs mémoires imprimés ou manuscrits (1), quantité de lettres ou de requêtes adressées au comité, réclament contre cette extension du franchissement permis par l'Assemblée nationale : extension demandée au contraire par quelques cahiers et par les mémoires.
Permettez par conséquent, Messieurs, qu'on vous expose les raisons respectives qui appuient ces opinions opposées, afin que vous prononciez avec connaissance sur l'intérêt de près de 400,000 citoyens fonciers ou superficiaires.
Moyens des colons.
Les partisans de l'abolissement de la tenure convenancière disent :
Premièrement, crue les prestations dues par le domanier la qualifient dans les titres renitoires... rentes foncières et convenancières... (\u'elles sont d'ailleurs perpétuelles, puisque le débiteur n'est point admis à provoquer le congément qui l'en décharge : il n'a que ia voie ruineuse de l'exponce pour s'en débarrasser.
Secondement, le convenancier mérite plus de faveur que les censitaires certainement compris dans les articles 1 et 4 du 4 août deruier, puisqu'il est plus maltraité, plus vexé; corvées grevantes, recherches pour bois dégradés, tracasseries pour innovations dans les édifices, etc. : tout écrase la classe précieuse des agriculteurs dans la Basse-Bretagne (2).
Troisièmement, le domaine congéable est une vraie féodalité dont le régime, quel qu'il soit, tombe sous le coup de la proscription universelle décrétée par les représentants de la nation.
L'inamovibilité n'est point de l'essence du fief, et les auteurs, bretons des actes de notoriété traitent ce genre de bien de fief anomal et hétéroclite. Le foncier de convenants, parties intégrantes d'une glèbe seigneuriale, exerce sur les colons le justiciement et la coaction à son moulin.
Le superliciaire est tellement vassal qu'on le voit indifféremment nommé sujet (3), homme (4); dénominations qui ne conviennent qu'à la véritable directe. Aussi les lods et ventes sont-ils dans un seigneur féodal sur le prix des droits et convenanciers en premier démembrement du fonds (5).
Moyens des fonciers.
Les mots (répondent les propriétaires fonciers)
ne doivent nous aveugler sur les choses, et les colons se prévalent mal à propos de la décision de l'Assemblée nationale, qui précisément a rejeté leur prétention.
Le projet de son décret du 4 août, portait d'abord: toutes les rentes foncières... convenancières et autres sont rachetables... Si la mémoire du comité ne lui rappelait pas cette anecdote intéressante, il. cesserait d'en douter à la vue d'un de ces journaux dont la foule innombrable s'imprime avec autant de précipitation que d'inexactitude, sur les dires de quelques membres aux séances de l'Assemblée, sans attendre les résultats. Dans le Courrier Français, séance 29, on. lit guilleme-tées et comme texte du décret national, ces expressions qu'il ne renferme pas.... rentes fon
cières,... convenanèières ou autres.....
Elles furent supprimées sur la réclamation de quelques députés, malgré l'opposition d'autres ; membres de l'Assemblée nationale.
(La question est donc jugée à l'avantage des fonciers, dont on avait prétendu faire déclarer les revenus susceptibles de rachat.
Imaginons néanmoins {continuent-ils) que la question soit encore entière, et ne craignons pas ae la remettre à la discussion. Apprécions les moyens des'superfîciaires.
Première objection* «' La Tente convenancière est foncière et perpétuelle... » Non, dans le sens ' manifeste du décret national, qui seulement a trait aux prestations., dont sont grevés les héritages aliénés à perpétuité. De ce nombre ne Sont pas les ténues à domaine congéable, dont le fonds appartient et-demeure au bailleur de la superficie, dont la rente s'éteint à sa volonté par le con-gément du colon.
Seconde objection «Ce dernier mérite plus de faveur que le censitaire, parce qu'il est plus maltraité... » De ce principe vague on inférerait aisément que le simple fermier est encore plus favorable, sous le prétexte qu'il est moins avantagé que lé domanier.
Le vice de la comparaison est au reste saillant, des raisons directes le démontrent.
Le concessionnaire à cens est vraiment propriétaire, J'unique propriétaire (1) : lé seigneur, qui lui en transférera le domaine plein sous la seule rétention d'une redevance, s'en est absolu-iheht exproprié; car la même personne ne peut posséder le nef et le domaine, en propriété d'Un héritage (2}. L'Assemblée nationale a voulu que ces possessions permanentes puissent être libérées des arrentements qui en gênaient le commerce ;
mais elle n'entendit nullement détruire le droit sacré de la propriété par l'attribution de la domi-nité des convenants à des détenteurs précaires. Elle a tout fait pour les propriétés-e t ce sont ici les fonciers; donc elle n a rien fait à leur désavantage.
Troisième objection. « Le domaine congéable est une sorte de fief... » Pour la réfuter, il suffirait peut-être de considérer que le possesseur du terrain le plus exigé, d'un champ roturier et sans principe de fief, peut l'éconvenance (1). Mais les fonciers invoquent de plus les usements, les jurisconsutes et la nature même du ténement convenancier, qu'ils soutiennent incompatible avec l'investiture féodale.
Consultons d'abord ces coutumes locales : partout elles différencient le superficiaire du vassal de fief : comme elles refusent au premier la propriété qui résulte de l'inféodation, elles l'exemptent des droits seigneuriaux des lods et ventes, rachat, commises, nommages, aveu, etc. (2). Si l'on y trouve la sujétion du convenancier au payement du fouage et des chefrantes, c'est en acquit, c'est à la déchargé du propriétaire : ainsi s'explique l'usement de Tréguier. .
L'assujettissement aux ventes sur le prix de la superficie démembrée par un premier bail à convenant, fait de plus en plus ressortir le contraste des deux tenures qu'on voudrait assimiler. Le péage ne doit en effet aucun droit seigneurial, et si la jurisprudence y oblige l'aliénataire des superficies envers le seigneur immédiat du foncier, quel en est le motif? Réunis au fonds, avant d'être aconvenancés, les droits superficiels étaient une partie intégrante de l'héritage tenu en fief : or, si aucune chose tenue en fief est vendue (dispose l'article 52 de la coutume de Bretagne), les ventes en appartiennent au prochain seigneur.
Au reste, les auteurs Bretons ne laissent aucun nuage sur la différence extrême, qui sépare le fief au domaine congéable. « Il y aurait de l'implication (dit Hevin fils, consultation 71) que le même héritage fût en même temps possédé en fief et à domaine congéable » : maxime ancienne et constamment attestée par Lesrat (3) et par d'Argentré jé), dès le XVIe siècle ; par Frain dans le dernier (5); par l'éditeur Devolient dans le nôtre (6). -
Les fonciers néanmoins avouent qu'flevin et quelques autres écrivains ont qualifié le domaine congéable de fief anomal et hétéroclite, à cause de la suite de moulin et de justiciement sur les tenanciers qu'a le foncier dont la terre est fief-feuse.
Mais en Bretagne, un seigneur assujettit ses fermiers même à sa banalité ; la justice de quelques seigneuries s'étend jusque sur ses métayers, ét toutes les grueries ont reçu la même extension. De ces prérogatives extrinsèques au lieu féodal qu'elles ne constituent nullement, est provenue Iexpression de fief anomal et hétéroclite, c'est-à-dire de fief qui n'est pas fief; de fief qui ne suit
pas le régime féodal aboli par l'Assemblée nationale. Est-ce donc sur des jeux.de mots que porte le sens de ses respectables décrets? -
Rendons à la dignité du Corps législatif un hommage plus pur; oublions ces pointillés grammaticales; écartons les autorités pour fixer notre attention sur la nature du domaine congéable, tout à fait dissemblable de l'afféagemeut. L'af-féagiste en effet devient propriétaire incommu-table, et le colon n'est jamais qu'un détenteur amovible et précaire.
Amovible, puisqu'il n'acquit, puisqu'il ne possède la superficie qu'à la charge perpétuelle et imprescriptible du congément (1)1 ;; ; Précaire; concedo tibi fundum precario, dit un propriétaire* qui a convenance, suivant d'Argen-tré, sur l'article 266 de l'ancienne coutume de Bretagne, chapitre II. Les droits superficiels sont des édifices bâtis sur le fonds d'autrui, enseigne du Parc-Poullain, tome III, de ses principes. Un témoignage plus irrécusable encore, est celui de l'auteur de la lettre imprimée, qui sollicite Vabo-lissement du domaine congéable et de tous les usements locaux. « La propriété du domanier (reconnaît-il) se réduit aux édifices et superficies ; le fonds de la tenure appartient au seigneur (2).» Au surplus, recourons aux usements eux-mêmes, pesons leurs dispositions, d'après lesquelles les parties ont contracté. Les droits convenan-ciers sont meubles relativement au foncier, parce qu'il a retenu le domaine de son héritage. — Les bois à merrain lui' sont réservés; le colon n'en peut disposer... Colombiers, ènfeux, garennes, tous les droits ^honorifiques sont des attributs naturels de la dominité du propriétaire, qui n'a pris que des bras auxiliaires pour manœuvrer sa tenure, sans intention de s'en 'dépouiller. Toute innovation dans les édifices et les clôtures, toute augmentation dans les dimensions et la forme des bâtiments sout interdites au dpmanier. — Enfin, le seigneur a la faculté de congédier toutes fois et quantes ses convenanciers.
Certes, voilà des marques clairement caractéristiques d'une détention purement coloniale.
Or, l'Assemblée nationale aurait-elle eu et réalisé le dessein d'arracher ses domaines au possesseur légitime pour en gratifier des colons qui n'en jouissent qu'à titre précaire? la raison et l'équité permettent-elles de croire que ses sages décrets autorisent les tenanciers à s'emparer de propriétés qui ne leur ont point été aliénées, dont cependant ils évinceraient le propriétaire en mobilisant malgré lui ses terres et ses possessions?
Si les conventions légales sont obligatoires entre concitoyens, si les propriétés sont sacrées, si les lois ne doivent point avoir un effet rétroactif, en un . mot, si la Déclaration des droits de l'homme citoyen renferme les bases éternelles de notre législation, il est impossible aux représentants d'une nation juste d'exproprier les fonciers de leurs domaines pour les tranférer à des convenanciers que la nature seule de leur détention exclut de cette propriété.
Considérons d'ailleurs quels hommes privilégiés profiteraient d'une pareille injustice. Serait-ce la postérité de ces laboureurs entreprenants, qui
cultivèrent primitivement les landes converties en domaines congéables ? Non : ces biens Ont mille fois changé de mains depuis leur établissement. Le lucre de ce bouleversement reviéhdrait privativement à dés gens pécunieux, qui récemment obtinrent la permission de cônjgédièr les , teiiures, à la con dition expressé d'être eux-mêmes éternellement sujets au congément. Quel est le titre de léur détention?^ L'amovibilité en fut le principe ; il est juste qu'elle y mette un terme. C'est la crinvention fondamentale de leur jouissance.
'Les fonciers vont plus loin, Messieurs, dans leur système ; j l'intérêt même de l'agricUlture sollicite la conservation du régime eonvenancier. Ecoutons leurs réflexions; peut-être paraîtront-elles de quelque poids dans la balance de l'économie politique.
LeS rentes féodales et foncières perpétuelles sont rachetables, et l'arrentement infranchissable d'héritages aliénés perpétuellement est désormais prohibé.
Supprimez, interdisez encore le bail à convenant t tout moyen dès lors est interdit d'arrenter ses terres en denrées et de se procurer des rentes stables : dès lors nulle ressource que la dation à ferme ne resté au propriétaire qui veut conserver des revenus prédiaux, les plus solides de tous.
Quel sera l'effet inévitable de ce nouvel ordre de choses? Le citadin opulent, le, seigneur remboursé de ses droits féodaux et chargé du numéraire, placeront leurs fonds, en tenures qu'ils ne pourront rétrocéder avantageusement, et. nos campagnes n'offriront que des fermiers, dès cultivateurs mercenaires.
Maintenant au contraire le domaine est congéable, et au lieu de pauvres conducteurs, dont tous les désirs tendent à épuiser les sucs de nos champs, l'Etat aura des domaniers intéressés à engraisser un sol dont la superficie leur, appartient. Il aura des cultivateurs qui, continuellement aiguillonnés par la crainte dU congément, se livreront à des défrichements, à des bonification s. qui rendent leur éviction plus coûteuse, par conséquent plus difficile.
Le grand terrier, qui ne saurait exploiter toutes ses possessions, le plus petit propriétaire,, qui veut s'épargner les .réparations d'un bien éloigné, tous concéderont volontiers à convenant, parce que ce bail laisse l'espoir de recouvrer la disposition de son héritage; parce que, d'ailleurs, il est maintenant lé seul qui puisse procurer des . rentes territoriales insusceptibles de franchissement.
L'expérience garantit les avantages de cette association de fonciers sans inquiétudes, et de su-perficiaires toujours actifs, toujours excités à l'amélioration d un domaine. . La . tenure convenancière dut, en effet,, : son origine en défrichant les landes immenses qui couvraient la surface de la Bretagne presque entière. Si ces terrains infertiles y sont encore trop cotnmuns, c'est qu?appartenant aux seigneurs de fief, ils ne sont abandonnés à des colons qu'en Cornouailles, où l'ouverture de ces landes assujettit à Un champart au tiers ou au cinquième.
Qu'on arrête maintenant ses regards sur l'état actuel des cantons, où la fréquence des congé-mentsse,faitle plus sentir, sur les côtes deYannes, de Quimper, de Tréguier et de Paimpol et Saint--Brieuc, les campagnes y sont bien cultivées ; les domaniers y vivent'dans l'aisance, y possèdent souvent 3 à 4,000 livres de revenu en droits con-
venanciers. Leur sort, quel qu'il soit, est sans contredit préférable à celui des fermiers malheureux qui, Vieur sortie, les mains vides etiuca-pables d'avances, errent quelquefois sans asile, et retombent à la dure nécessité d'exercer la profession de simple journalier. Qu'on cesse donc de calomnier le domaine congéable.
Ainsi raisonnent les fonciers. C'est à vous, Messieurs, qu'il appartient de préparer par votre avis la décision de l'Assemblée nationale. Vous vous empresserez sans doute de prévenir l'effervescence dangereuse qui naîtrait d'un siléncè trop prolongé sur une question semblable. La solution en est urgente et par une division des sentiments eh Bretagne, et par l'affectation de certains praticiens d'y répandre des imprimés qui, prévenant les décrets nationaux, s'ils ne les contredisent pas, insinuent aux domaines, jusqu'à présent paisibles, l'extinction du régime convenancier.
Jusqu'ici, Messieurs, je ne suis que le rapporteur impartial des moyens, tant des superficiaires que des fonciers, sans embrasser aucunjparti dans cette grande controverse qui divise mes concitoyens. Pour envisager la matière du domaine congéable sous tous les aspects de là politique, je pars maintenant de la supposition oû le Corps législatif en maintiendrait l'existence, et je vais plaider avec vous la cause des colons.
Toutes les institutions humaines ont leurs abus. Il s'en est glissé dans la tenure Convenancière, il faut les extirper ; et plusieurs réclamations de domaines se bornent à vous en demander la réforme, sans empiéter sur la dominité des convenants.
De ces abus, les uns tiennent à certains use-ments, tels que Rohan et Poher; les autres sont communs à tous.
Usement de Rohan.
Examinons d'abord quelques dispositions hétéroclites de l'usement de Ronan, purement accessoires au régime du domaine congéable.
Indivisibilité absolue de la tenue ; attribution du convenant au seul juveigneur qui la recueille entière exclusivement à ses aînés, sans dédommagement si elle est patrimoniale; nul douaire à la veuve du tenancier, qui cependant ne saurait être secourue par ses enfants les plus âgés que leur cadet deshérite ; exclusion d'héritiers collatéraux et réversion au seigneur de la tenue du colon décédé sans enfants;; corvées indéfinies. Ces dispositions ressentent la mainmorte, qui désormais est bannie de l'empire français parles décrets du 4 août dernieï*.
Proscrivez donc, Messieurs, ces singularités barbares entées parla force sur le domaine congéable. Elles dépeuplent un pays où des friches considérables appellent depuis longtemps." des bras qui s'attachent â un sol moins opprimé. ; ,
Mais de là naissent des questions relatives aux droits des seigneurs. Les remboursera-t-on d'un casuel très-fructueux des déshérences et du produit assez faible des lods et ventes? ~
Le droit de réversion, le privilège, d'en • faire rouler la contingence sur la tête d'un seul tenancier et du plus faible enfant de la famille, est extrêmement odieux; la tyrannie seigneuriale eut beaucoup de part à ces lois qui contrarient si fortement les sentiments de la nature chez d'honnêtes cultivateurs.
Quel remboursement, d'ailleurs, exiger des co-> Ions qui, dès le lendemain, seront peut-être congédiés/qui, par conséquent, ne profiteront point
du nouveau mode de successibilité? Ajoutons, Messieurs, l'impossibilité d'imaginer des règles justes et générales de rachat.
Le danger de la déshérence n'est, en effet, qu'une perspective idéale aux yeux du chef de famille qui a des enfants et des petits-enfants; il est imminent, il est douloureux pour le domanier qui n'en a point, pour le père qui voit le juveigneur ecclésiastique, ou marié, mais privé de postérité. Le taux du rachat devrait donc être calculé pour chaque tenue individuelle et sur sa valeur et sur la position personnelle du tenancier, puisque la probabilité de l'obvention casuelle à racheter vari§ totalement ; et dès lors que d'arbitraire dans cette opération !
Peut-on espérer, "au reste, que le célibataire, que l'homme sahs hoirs se priveront de leur aisance et verseront leurs fonds dans le coffre d'un seigneur pour affranchir leurs tenues de la déshérence au profit des collatéraux? L'injustice serait d'un autre côté criante de les y forcer.
Comment, d'ailleurs, généraliser le taux de ce franchissement, si ce n'est d'après l'une ou l'autre de ces bases : ou la quantité de la rente convenancière, ou le revenu des droits, convenanciers?
Or, la première est évidemment fautive, puisque les convenants les moins arrentés sont précisément ceux dont la conservation importe le plus au colon ; la seconde n'est pas plus faible, puisque les tenues les plus productives sont les plus exposées au congément . N'oublions pas enfin que la casualité de la réversion, et conséquemment sa valeur, sont plus ou moins grandes, suivant la position du tenancier.
Ici, Messieurs, je présume que dans la perplexité qu'occasionnent ces embarras, vous vous demandez à vous-mêmes : « Ne pourrait-on pas laisser ces opérations aux assemblées de département?... »
L'objection est spécieuse, mais veuillez l'approfondir, et vous apercevrez, Messieurs, le péril certain où l'on jetterait le duché de Rohan si dans son sein l'on agite le sort de tous les paysans et l'intérêt de tous les fonciers. Vous vous convaincrez qu'aucun département ne trouverait un résultat, un mode juste et général de rachat que la nature des choses démontre impossible.
Où donc aborder dans cet océan de difficultés? Prenons pour guides les décrets que l'Assemblée nationale nous a chargés d'appliquer : ils a.bolis-sent sans indemnité tous les droits et devoirs qui tiennent à la main-morte réelle ou personnelle.
Or, rien ne tient plus à la mainmorte que d'enlever à des proches, aux frères du juveigneur, un bien cultivé par leurs mains et arrosé de leurs sueurs ; que ae leur arracher un champ souvent acheté par leur père commun ; rien ne tient plus à la main-morte que de frustrer une famille agricole du prix de ses dépenses et de ses améliorations sur une tenue que d'aggraver le deuil où l'a plongée la mort du plus chéri de ses membres par l'affliction de perdre l'héritage qui formait son patrimoine.
Tout conduit, par conséquent, à l'abolissement du régime main-mortable de l'usement de Rohan. Les fonciers y seront assez favorisés en les assimilant aux autres seigneurs de domaines con-géables, en leur conservant leurs prestations conVenanciêres avec les droits naturellement inhérents à ce genre de dominité.
A l'égard du devoir de lods et ventes, exigibles en Rohan, dans le cas, assez rare, d'aliénation des superficies, le rachat en paraît aussi juste qu'en matière féodale; mais l'équité dicte uue modifi-
cation : dans la contingence du congément, ayant les neuf ans du rachat, le colon congédié doit en avoir la reprise, et le motif en est si sensible qu'il serait superflu de le développer.
Quant au taux de ce franchissement, mon opinion personnelle inclinerait à le fixer à une année del'arrentement. Au surplus, rien n'empêche d'en confier la fixation aux départements, sous la restriction du rapport éventuel dont on vient de parler.
Je vous dénonce ultérieurement, Messieurs, l'usement de Porhoet, dont l'unique mais très-abusive particularité consiste à charger le superfi-ciaire, qu'on rembourse, des frais du congément.
Ce statut bizarre prive le cultivateur du fruit de ses travaux. L'on y voit fréquemment le tenancier d'un ou deux champs qu'il a fertilisés ; le possesseur de prairies qu'il a formées, abandonner gratuitement ses droits superficiels dès qu'on l'assigne pour un remboursement dont la procédure et le prisage excéderaient le capital. Une localité aussi oppressive naquit certainement de la violence : elle n'a pu s'établir que dans ces temps désastreux où les seigneurs armés dominaient impérieusement sur leurs vassaux ; où leurs juges, ordinairement leurs parents, décidaient en dernier ressort les causes criminelles, et^par le despotisme, arrachaient de leurs justiciables les sujétions les plus irraisonnables.
Remarquez de plus,' Messieurs, que les limites du comté de Poher, dans lequel cette bizarrerie devait être concentée, ne sont ni déterminées, ni connues. De là les incertitudes mises à profit par l'avidité des fiscaux toujours entendeurs contre la faiblesse et l'ignorance du paysan, Ni la coutume d'ailleurs, ni le procès-verbal de sa réformation, ni les monuments anciens de notre histoire, ne font mention de cette localité, qui fut simplement confirmée dans le dernier siècle par un ou deux arrêts du parlement de Rretagne, en faveur de M. Ferret conseiller, et membre de cette compagnie.
Conséquemment extinction de l'usement de Poher. Des colons, moins maltraités, fertiliseront des convenants aujourd'hui stériles *: moins pauvres, ils enrichiront leur foncier par le renouvellement et les commissions des baillées.
A ce moyen, les usements de domaine con-géable deviennent uniformes, et vous concevez, Messieurs, le précieux avantage de l'uniformité dans la législation.
Cependant il resterait encore à supprimer les abus qui leur sont communs ; car, si l'Assemblée nationale consacre le régime convenancier, l'intérêt public exige l'adoucissement du sort des domaniers, sans porter une atteinte directe à la foncialité des propriétaires. Indiquons ces tempéraments.
En premier lieu, l'éviction du colon par congément s'exécute en quelque temps de l'année que ce soit. Ces expulsions inopportunes affligent les colons, les obligent quelquefois de se défaire de leurs bestiaux, de leurs instruments aratoires, et ces pertes du cultivateur retombent sur l'agriculture.
La loi serait donc utile, qui décréterait qu'un convenancier congédié disposera de sa récolte, et jouira de son convëuant jusqu'à la Saint-Michel suivante, en payant les rentes et les impôts proportionnellement à sa jouissance.
En second lieu, le superficiaire n'a nul droit au corps des arbres à merrain, ou de haute futaie, plantés même par lui sur les clôtures ou
le plat de ses champs. Il peut uniquement élaguer les bois émondables.
L'établissement deplusieurs forges, l'ouverture de plusieurs mines en Rretagne, les exploitations surtout, ou plutôt les destructions de bois fonciers, récemment faites par quantité de seigneurs, qui ne replantent jamais, ces causes réunies rendent déjà sensible la disette des combustibles dans cette province; comment y remédier? en associant les colons à la propriété des arbres à merrain.. C'est l'intérêt personnel des fonciers, c'est le bien public, et la position maritime de la Rretagne ajoute un nouveau degré d'importance à cet arrangement.
En effet, sans enlever au domanier les fruitiers et les morts-bois, dont il a déjà* la disposition exclusive, qu'on lui.assure la moitié du bois à merrain qu'il plantera, aussitôt les plantations se multiplieront, le profit en sera commun aux fonciers et aux droitistes.
En troisième lieu, la province,1 environnée dé mers, et placée sous un ciel nébuleux et froid ; la récolte y est tardive, et souvent les pluies qu'amène l'équinoxe la gâtent et la détruisent. Cette année vient d'en fournir un exemple affligeant.
Des granges suffisantes pour amasser et même pour battre les grains, écarteraient, diminueraient au moins un inconvénient aussi grave. Mais toute bâtisse nouvelle est interdite au do-manier,'sans la permission écrite du propriétaire, qui fréquemment la refuse ou ne l'accorde qu'à prix d'argent.
Mon vœu, Messieurs (et je désire ardemment qu'il devienne le vôtre), mon vœu personnel fut, dés 1776, qu'une autorité supérieure* autorisât la construction des édifices nécessaires à la conservation des moissons, sans exiger l'agrément des fonciers; je l'exprimai dans mes Institutions convenancières (1).
L'unique précaution à prendre pour prévenir l'abus ae cette faculté, serait peut-être que le seigneur, ou son agent, appelé par simple avertissement, elle fut accordée, sans frais, par l'assemblée du district, à la vue des titres qui constatent l'état et la consistance du convenant. Cette voie a le double avantage de ne rien laisser à l'arbitraire, et d'être exempte de formalités dispendieuses.
En quatrième lieu, les corvées gênent le colon, dout elles troublent les travaux. II conviendrait de les apprécier et de lui déférer l'option de les acquitter en espèces, ou en argent (2). Vainement on lui donnerait le droit de les racheter; soumis à uue éviction perpétuelle, la prudence et l'intérêt le dissuaderaient d'en user.
En cinquième lieu, les gens d'affaires vexent journellement le superficiaire par la reddition et par le blâme de déclarations convenancières. Leur rapacité serait, réprimée, s'il n'était tenu que de 30 ans en30 ans àlarénovation de ses connaissances, qui duraut ce temps, seraient exécutoires, malgré les mutations de possesseurs, soit du fonds soit des superficies.
Ces désagréments une fois épargnés au colon, sa condition sera beaucoup plus tranquille; il bénira la révolution actuelle, dont les avantages de lui sont pas étrangers. L'exemption de l'entretien des grandes routes, dont il est encore
grevé, la destruction de la banalité de moulinj dont le rachat, (s'il e?t ordonné) ne tombera pas à sa charge, l'extinction de la dîme, la suppression des fouages qu'il acquitte pour le foncier, l'anéantissement des justices : seigneuriales, dont les suppôts le dévoreraient, la. dispense de contribuer aux réparations des. églises et des presbytères, qui seront entretenus sur les biens ecclésiastiques : accompagnées des réformes que je propose, ces innovations avantageuses répandront la joie, ranimeront l'activité dans les. campagnes.
vous pouvez, vous devez, j'ose le .dire, Messieurs, faire encore d'autres heureux 'ce sont les cultivateurs qu'ac'cable le plus désolant des fléaux, dans une partie de la même contrée. A cette-annonce un Bas-Breton devinerait V usement quevaizier.
Quevaize.
Le Quevaize est une tenue féodale, plus oppressive que la mainmorte, des autres provinces, qui gémissaient sous ce joug tyrannique. Pour s en convaincre, il suffit de lire les dispositions de cette étrange loi ; elles sont brèves et peu nombreuses, mais c'est la foudre,* qui d'un coup violent écrase les malheureux mortels (1).
Maintenant, Messieurs, vous voyez que ce régime, contient en même temps, et.les' vexations de la mainmorte personnelle,-et les duretés de la mainmorte réelle.
Mainmorte . personnelle... On la trouve, elle est évidente, — dans l'obligation du tenancier d'occuper personnellement sa tenure, — dans la dé-, fense de l'affermer au laboureur le plus intelligent, — dans la prohibition de posséder plusieurs tenures et , dans l'assujettissement à des corvées indéfinies;-— dans l'incapacité de tous autres enfants que le juveigneur, d'en recueillir aucune portion. Quel servage odieux 1 il dégrade l'homme, il le rend esclave de la glèbe.
Main morte réelle... N'existe-t-elle pas dans le droit de déshérence, qui défère au seigneur- la dépouille immobilière au juveigneur, mort sans hoirs directs, avec ses cultures et ses améliorations? Ni l'habitation du quevaizier avec ses frères et sœurs, même mineurs et non partagés, ni la survie de ses père et mère (2) dont il aurait reçu la tenure par démission, ou des fonds pour l'acquérir; ces circonstances, ailleurs si favorables, ne font point obstacle à la reversion de la quevaize.
Ces us barbares ont révolté les seigneurs mêmes qui en profitaient.
Dès 1575, l'abbaye de Rellec obtint des lettres patentes pour convertir dans ses terres le régime quevaizier en féage; elle les fit "renouveler dans le dernier siècle; mais inutilement, par la superstition des paysans, qui pieusement croyaient leur tenure sous la protection immédiate et spéciale de Notre-Dame du Rellec. Enfin, ce conver-tissement en fief ordinaire vient de s'effectuer presque entièrement par les soins patriotiques de ûom de Verguet, prieur actuel du Rellec, député par le clergé de Léon à l'Assemblée nationale.
L'ordre de Malte a récemment impétré de pareilles lettres au conseil du Roi, poîur la commanderie du Paraclet; et l'abbaye de Begar, dans l'évê-ché de Treguier,. dont ije connais "particulière-
ment les dispositions, n'était pas éloignée do recourir, au même moyen d'anéantir un usement aussi oppressif.
Ne craignons1 donc pas de lui appliquer le décret de l'Assemblée nationale, quir déclare abolis sansindemnité i tous les droits et devoirs qui tiennent à la mainmorte réelle ou personnelle. L'exécution en est d'autant plus facile, qu'elle - ne lésera nul propriétaire'individuel; toutes ces seigneuries sont à la disposition de la nation, elles sont possédées par l'ordre de Cîteauxet la commanderie du Paraclet.
Il n'incombera donc aux créanciers, suivant le décret du 4 août, d'autre r-achat que celui .des rentes, du devoir de lods et; ventes, et de la ba-i nalité de moulin, si elle vous paraissait remboursable, J'omets les dîmes dont s'occupe le comité des matières ecclésiastiques, spécialement chargé de proposer,des plans sur cet objet.
Reprenons les deux premiers articles, incontestablement rachetables par le quevaizier. j
Les rentes par lui dues sont féodales : ainsi leur valeur principale est réglée au denier 30 par l'article 248 de la coutume de Bretagne, qui dans cette évaluation comprend les casuels féodaux. Elle apprécie à ce taux les redevances en fief de basse justice et l'on ne saurait admettre de classe supérieure aprèsô l'anéantissement des justices seigneuriales, sans dédommagement. ; Ici néanmoins se présente une objection, extensible peut-être à tous les fiefs, qui perçoivent les ventes au quart du principal, au sixième,"ou à un autre denier excédant le huitième, taux général en Bretagne. -
La vendition des droits quevaiziers par le tenancier, est sujette au tiers du capital pour lods et vente; donc (conclura-t-on) le rachat de cette charge est nécessairement plus fort que dans les autres seigneuries.
Deux réflexions atténuent, si elles ne détruisent pas, la force de ce raisonnement.
1° Les Quevaizes se vendent très-rarement et à très-bas prix. A peine en retire-t-on le denier quinze ou douze au revenu annuel ; 2° l'expérience apprend qu'un acquéreur, qui se voit sujet à des ventes extraordinaires, diminue d'autant le prix de son contrat.
Ainsi c'est avantager les seigneuries quevai-Ziéres, que de leur appliquer l'article 248 de la coutume de Bretagne, que de les équiparer aux fiefs, dont le régime plus doux et conforme au droit commun facilite le commerce des héritages, donne par conséquent ouverture à la fréquence des droits féodaux.
Usements de Goello et de Porhoet.
Ce rapport, Messieurs, déjà fort étendu, pourrait être prolongé par des observations sur un troisième usement, celui de Goello près de Saint-Brieuc. Par un contraste frappant avec le téne-ment quevaizier qu'il avoisine, il avantage l'aîné plébeïen d'un préciput au treizième, sur ies héritages et droits convenanciers du territoire, en succession directe seulement.
Je pourrais également vous entretenir de l'use-ment de Porhoet, dans le comté de Vannes, qui, en partage de succession directe, et non noble, défère aux mâles les deux tiers des terres roturières, et n'eu laisse qu'un tiers aux filles ; qui, en collatérale, rend les mâles seuls héritiers dès mâles, ies filles seules héritières des,filles, pour les héritages roturiers;
Mais l'examen de ces bizarreries territoriales ne
m'a point paru rentrer directement dans le plan du travail de notre comité, consacré principalement aux matières féodales. Espérons d'ailleurs qu'élevant ses vues beaucoup au-dessus de ces localités minutieuses, l'Assemblée nationale anéantira bientôt par un décret universel toute inégalité dans les partages : osons croire qu'égaux par leur naissance,, les enfants du même père auront bientôt des droits égaux à sa succession, au moins ab intestat.
Je terminerai donc ici ces discussions peu attrayantes, en vous suppliant de les honorer de la plus sérieuse attention. Songez, Messieurs, combien il importe de fixer par une décision précise et prompte, le sort de quantité de citoyens, que leur patriotisme et leur honnêteté ont jusqu'à présent garantis des excès, trop multipliés dans d'autres provinces (1).
Projet de décret sur les domaines Congéables (2) par M. Baudouin de Maisonblanche, député de tannion et Morlaix et membre du comité féodal (3).
L'Assemblée nationale considérant que les propriétés sont sacrées, qu'ainsi nulle atteinte n'y saurait être portée sans ébranler les fondements de l'ordre social , 'Considérant que l'application de ces maximes aux domaines congéables, usités dans les départements du Morbihan, du Finistère et des Gôtes-du-Nord, ne permet pas d'autoriser les colons à dépouiller le foncier de la propriété de ses héritages, par le rachat des prestations convenancières ;
L'Assemblée nationale voulant néanmoins améliorer le sort des cultivateurs et leur procurer les avantages compatibles avec la justicë, déôrètë ce qui suit :
CHAPITRE PREMIER.
Art. 1er. La tenure à domaine congéable est une convention
licite, comme telle, maintenue et permise dans tout le royaume; en conséquence, les fonds et
les rentes convenancières sont, de leur nature, non rachetables par les colons, qui, après
l'expiration de leurs baillées, demeurent sujets au congément de leurs droits superficiels,
sans pouvoir le provoquer.
Art. 2 Néanmoins la déshérence ou reversion de la tenure au profit du foncier, usitée en roture par le décès du domanier sans enfants, ie droit de lots et ventes sur l'aliénation des superficies,
quoique mobiliers à l'égard du foncier, l'affectation du convenant au seul juveigneur en suc-; cession, l'exhérédation à cet égard des autres enfants et des héritiers collatéraux, la disposition qui prive la veuve du tenancier du douaire sur la tenure, et toutes les autres singularités de l'use-ment de Rohan,. sont abolis pour l'avenir. Les convenants de ce territoire se régiront désormais par le droit commun des domaines congéables;: sans qu'on puisse à l'avenir faire de concessions convenancières aux clauses du même usement.
Art. 2 (1). Par exception purement temporaire; à l'article précédent: 1° les fonciers, en Rohan, recueilleront, pour une seule et prochaine fois seulement, la déshérence des tenues possédées par les colons actuellement, sans enfants et qui n'en auraient pas dans la suite; 2° le mode usuel de partage sera observé pour les successions directes échues, ou les premières à échoir seulement îj (non pour les collatérales) entre le juveigneur,. soit maintenant marié, soit veuf ayant des enfants, ou même les enfants qui le représentent, soit enfin démissionnaire, quoique non marié, et les autres cohéritiers.
Art. 3(2). A l'égard des colons actuels de Rohan qui ont des enfants, ppur toute indemnité envers leur foncier des suppressions ci-dessus : prononcées, ils lui payeront une somme égale a une levée dë leurs redevances convenancières, , corvées non comprises; et ce payement sera par eux fait, de moitié, dans les deux années prochaines, à compter du 1er janvier 1791.
Art. 4. La sujétion du convenancier, en, Poher, au payement des frais de son congément, est aussi abolie, sans indemnité. Tout congédiant sera tenu aux frais légitimes d'instances, de prisage eti de remboursement. La revue continuera d'être» aux frais du requérant ; mais pour l'une et, l'autre estimation les parties pourront affider un seul expert.
Art. 5. Les domaines de Cornouailles et tous autres sont déchargés de la cueillette des rôles rentiers de leur foncier, sans que la présente disposition préjudicie à la solidité des redevances sur chaque tenure.
Art. 6. Les colons pourront enclore de haies et fossés convenables, et défricher les landés et terrains incultes dépendants et faisant partie intégrante de leurs tenures, sans néanmoins empiéter sur les chemins publics.
Ils seront exempts, sur les productions de ces terrés, de tous champarts et dîmes : à leur sortie par congément, ils seront remboursés de leurs engrais, cultures et clôtures.
Art. 7. Tout droit de suite et de stus et engrais pratiqué dans Brourec, est aboli; ces objets seront prisés à leur juste valeur avec le surplus des droits convenanciers du domaine congédié. Dans tous les domaines congéables, en quelque territoire qu'ils soient situés, le colon sera tenu de laisser sur le3 lieux, et le congédiant de lui rembourser la moitié des pailles de la récolte, des fumiers, à l'estimation d'un ami ou d'un expert, à communs frais pour cette partie seulement, si la tenure a été judiciairement prisée avant la récolte. tu
Art. 8. Les baillées ou assurances de jouir auront leur cours entier au profit des colons,
hors le cas néamoins de la vente sur simples bannies à défaut de payement*. Le foncier ne; pourra les interrompre, même pour se loger dans lâ tenue ; et l'acquéreur du fonds d'un convenant lés entretiendra, pourvu que la date n'en soit point suspecte de fraude, sauf son recours vers son vendeur, ainsi qu'il appartiendra.
Art. 9. Le préciput au treizième, accordé par l'ù^ement de Goello à l'aîné, sur les convenants, dans une partie de son territoire est aboli, tant pôur les droits convenanciers, que pour les héritages même; et le partage égal aura- lieu entre les héritiers. Cette disposition estêtendue àl'use-ment de Porhoet, qui est pareillement anéanti: les héritages de son ressort seront divisés également,-et comme les autres biens, tant en directé qu'en collatérale.
Art. 10. Néanmoins dans l'un et l'autre de ces territoires l'exception temporaire établie par l'article 2 ci-dessus, en faveurdes juveigneurs, aura lieu pour les aînés actuels qui se trouvent dans les mêmes circonstances.
CHAPITRE II.
L'Assemblée nationale, après avoir ainsi rétabli l'uniformité des domaines congéables, autant qu'il est possible, passant à la réforme des abus jusqu'ici communs à tous, décrète-:
Art. 1er. Les foucièrs et les colons pourront convenir
librement de baillées à longues années, jusqu'à 36 ans et au-dessous, mais pas moindres de
neuf, sans être sous ce prétexte, assujettis à aucun droit ci-devant féodal, même aux lods et
ventes sur le prix des superficies en premier démembrement de fonds.
Art. 2. Les convenanciers que l'on voudra congédier, en seront préalablement et littéralement prévenus par le foncier ou son cession-naire, six mois avant l'assignation en congément. Après cet avertissement, les colons auront la liberté de faire toutes améliorations de culture, toutes réparations d'édifices existants, sans pouvoir reconstruire les édifices en ruines, ni en bâtir de nouveaux, abattre aucun arbre, intervertir ni altérer les soles.
Art. 3. Dans les prisages en congément n'entreront les blés, foins et autres productions pendantes par racines et devant être eu maturité à la Saint-Michel lors prochaine: jusqu'auquel terme les colons en disposeront, ainsi que? de la jouissance des logements, sans dégrader les objets prisés, dont ils recevront le prix en sortant de la tenue, à la déduction des redevances et des charges par eux dues proportionnellement à leur possession.
Si parmi les terres prisées il s'en trouve qui, après leur dépouillement avant la Saint-Micnel, soient, par l'usage du pays ou la nature des soles, destinées a une culture dont la récolte tombe après ce terme, mais dont la préparation est urgente, 1e congédiant, sans attendre ce délai, pourra les préparer et cultiver à son profit.
Art. 4. L'action en congément sera portée par-devant le juge de paix du canton de la situation de la tenure : il en connaîtra, ainsi que de la nomination des experts, de leur prestatiou de serment, qu'ils pourront mettre sans assignation à eux, ni à la partie ; il décernera même tous actes nécessaires pour le remboursement; mais en quelque état que la cause devienne contentieuse l'une ou l'autre des parties pourra en requérir le renvoi au tribunal du district. A défaut de ce
réquisitoire et dans tous les cas, le juge de paix statuera dans cette matière, à la charge de l'appel au même tribunal.
Art. '|| Les conyenanciers seront libres de faire en nature, ou de payer en argent, à l'appréciation qu'en fera le tribunal du distriét, de 10 ans en. 10 ans, les corvées réelles dont leurs domaines sont chargés. Les abonnements néanmoins faits à cet égard parles titres particuliers de plusieurs convenants, subsisteront et seront exécutés.
Art. 6. Outre les fruitiers et les mort-bois, qui continueront de leur appartenir exclusivement, les colons auront la moitié indivise des bois fonciers et'à merrain, qu'ils planteront et éléverout à l'avenir sur les fossés ou dans l'intérieur des ' terres. Les rabines et avenues extérieures aux champs, ainsi que les bosquets, sont réservés aux propriétaires, comme au passé.
Art. 7. Pour l'exécution de l'article précédent, et afin de constatér les bois futurs, chaque municipalité, dans les pays de convenants, fera, sans frais, dans les deux ans prochains, un état double des arbres actuels fonciers, contradictoirement avec les parties intéressées : desquels doubles par elles signés, si elles le savent ou le veulent, et de l'officier municipal, ou du notable, spécialement commis à cet effet, l'un sera remis au foncier, ou à son agent, l'autre au Colon qui aura requis l'opération.
Art. 8 (1). Déclare déchus de l'avantage du présent décret les domaniers qui, sous les six années prochaines, n'auront pas commencé, sans fraude, à planter les fossés sur leur tenue aux endroits convenables et non nuisibles à l'agricul- ture, ou n'auront pas, soit élevé des plans, soit formé des semis ou pépinières. Tout successeur par vente ou congément n'en jouira pas moins de l'usage des bois qu'il élèvera.
Art, 9. Défenses sont faites, tant aux fonciers qu'aux colons, d'abattre aucun des arbres ainsi plantés ou élevés, qu'à l'âge convenable, et qu'après en avoir fait la déclaration spéciticative au greffe de i a municipalité, où elle sera reçue sans frais. Au surplus les cointéressés se préviendront mutuellement pour marquer entre eux des arbres de même valeur. En cas de discussion à cet égard, ie juge de paix du canton et ses assesseurs y statueront par un jugement sans forme de procédure, et avec célérité.
Au surplus, le présent décret ne pourra préju-dicier aux colons qui, par des titres particuliers, ont des droits plus étendus aux bois à merrain.
Art. 10. Les domaniers qui prétendront-avoir besoin de granges gerbières pour amasser ou conserver leurs récoltes, et ne s'accorderont pas sur ce point avec le propriétaire, présenteront leurs mémoires et leur titres au directoire du département, qui, sur l'avis du directoire du district, après communication au foncier, et sans frais, autorisera ces constructions, s'il y a lieu d'après la consistance et les localités du convenant, et en réglera les dimensions, les matériaux et la bâtisse, même par fixation de prix, ou par suppression du droit de rebâtir d'autres édifices ruinés ou inutiles, suivant les circonstances ; d'après quoi et conformément à cette décision, les tenanciers seront remboursés des mêmes granges, en cas de congément.
Art. M. -Les déclarations convenancières ne seront à l'avenir exigibles que de 30 ans en 30 ans au plus, et même d'un nouveau colon, quelles
[ue soient les mutations de superliciaires et de ortciers: parce qu'aussi les titres récognitoirés fournis depuis les 30 ans, et à fournir après ce terme, seront exécutoires de plenfclroit dans cet intervalle, sans qû'il soit besoin de formalités judiciaires pour les faire déclarer tels, sous prétexte de mutations.
Art. 12. Nulle action de simple lésion, même ultramédiaire, ne sera reçue dans les tribunaux pour modicité de la rente convenanciêre, ou du prix des droits superficiels détachés du fonds par le propriétaire. Les instances pendantes à ce sujet, et non jugées en dernier ressort, demeurent éteintes et supprimées, sans autres jugements ni
Procédure, que pour les dépéris, sur Un aveuir à audience.
Art. 13. Attendu la multiplicité survenue depuis deux siècles, des possessions par héritage daus les campagnes de la Basse-Bretagne, la présomption de ia tenure universelle des terres à domaine congéable, érigée en loi pour leur territoire par quelques usements, n'existe plus et he sera plus légale : en conséquence, celui qui prétendra la foncialité d'un ténement occupé par autrui, sera tenu d'en administrer la preuve, autre que cette simple présomption, et par des titres au moins énonciatifs.
Il en sera également usé, par les mêmes motifs, au sujet de la présomption introduite par l'usement de Daoulas, que lès terres de son ressort sont tenues à simple ferme.
Art. 14. Les droits convenanciers continuerout d'être mobiliers à l'égard du foncier, et d'être réputés immeubles entre les colons et à l'égard des tierces personnes.
CHAPITRE III.
L'Assemblée nationale considérant d'ailleurs que l'application de ses décrets sur les droits ci-devant féodaux et les rentes foncières exige quelques éclaircissements spécialement relatifs aux domaines congéables afin d'en faciliter l'intelligence et l'exécution, décrète :
Art. 1er. Les fonciers sont maintenus dans le droit de chasser
sur leurs domaines congéables, dans les saisons et de la manière permises par la loi.
L'Assemblée nationale n'entend pas néanmoins interdire aux colons la faculté naturelle
d'écarter et tuer le gibier qui dégraderait leurs semailles et leurs moissons.
Art. 2. Toutes les banalités de four, de moulin et autres, auxquelles les colons pouvaient être sujets, même envers leur foncier, sont abolies sans indemnité; et les redevances dont eux ou leurs convenants auraient été chargés pour abonnement de ces banalités, sont éteintes sans rachat, à compter de la publication des décrets du mois d'août 1789.
Art. 3. A compter de la même époque, les tenanciers des fours et moulins banaux, à domaine congéable, sont pareillement déchargés de la
{)ortion de leurs redevances correspondante à la >analité supprimée : ils continueront seulement d'en payer une quotité proportionnelle à la jouissance, tant du terrain des mêmes fours et moulins, dont les superficies leur appartiennent, que des terres et autres objets qui y seraient d'ailleurs annexés. 11 leur sera aussi, et en même proportion, fait raison des sommes par eux comptées pour baillées, suivant le temps qui en restait encore à courir.
Art. 4. S'il s'élève des discussions sur cette réduction, pour y procéder sans frais ni formalités
judiciaires, le directoire du district nommera d'office un expert non suspect, qui, sur les mémoires et offres des parties, dressera son procès-verbal. Le coût en sera supporté par la partie dont les offres vu la prétention de redevances plus ou moins fortes s'écarteront davantages du résultat de la ventilation.-La revue sera admise, mais aux frais du requérant; et elle décidera sans retour la fixation de 1 arreptement.
Art. 5. Les colons, qui payent des rentes foncières en acquit du propriétaire du convenant, pourront les racheter sur liquidation, contradictoire avec lui; et ils auront reprise des capitaux par eux déboursés en cas de congément, si mieux n'aime le foncier reconnaître et leur continuer les mêmes rèntes sur le fonds jusqu'au rachat.
Art. 6. L'Assemblée nationale déclare non con-vënancières, mais foncières perpétuelles et rache-tables aux termes de ses précédents décrets, les rentes dues par les possesseurs de teuures quali-i fiées à domaine congéable, qui ont acquis le droit dè ne pouvoir être jamais congédiés, soit qu'ils l'aient obteuu pour lin principal .ou par une augmentation de redevances, soit quils l'aient stipulé pour une commission ou nouveauté périodique que le foncier ne puisse refuser, ou par quelque autre voie.
Art. 7. Déclare aussi non foncières,mais créées; à prix d'argent et perpétuellement réductibles et franchissables au taux de leur origine, les rentes constituées par des cputrats., dans lesquels le propriétaire d'un héritage en retient la possession, a titre de colon, et simule l'aliénation du fonds au prêteur, avec obligation, à des redevances prétendues convenancières. Néanmoins les tiers acquéreurs de pareilles rentes ne peuvent être recherchés, sous le prétexte de cette simulation.
Art. 8 et dernier. Au surplus l'Assemblée nationale ordonne que, dans deux mois, son comité féodal lui présentera, sur les matières convenancières, un projet d'instruction, conforme aux bases et aux dispositions précédentes, pour être par elle examiné, et après son admission,T servir de droit commun aux domaines congéables, sans avoir égard aux usements particuliers qui, dès à présent, demeurent abolis.
Observations relatives au droit féodal de la province de Bretagne sur les droits féodaux supprimés sans indemnité, et projet d'évaluation des rentes et droits qui ont été déclarés rachetables, par Gragon-Dachenay, député de Dinan et membre du comité féodal (1).
Messieurs, mes observations n'ayant pour objet que les droits féodaux de la province de Bretagne, je crois devoir commencer par en donner ici une idée, parce qu'ils ne sont pas les mêmes daus toutes les provinces du royaume, et que ce qui p'eut s'appliquer à la féodalité de ia province de Bretagne peut souffrir des difficultés dans une autre.
Je ne parlerai point des droits et rentes couve-nancières, connus en quelques parties de la Basse-Bretagne, sous les noms d'usement de Rohan,
de Goello, de Porhpet, et autres de pareille espèce, qui doivent être traités séparément.,
Expose' préliminaire du droit féodal de la province de Bretagne.
En Bretagne on ne connaît aucune propriété en franc-aleu, on y suit à la rigueur la règle établie par l'article ; 328 de la coutume de cette province, qui porté qu'il n'y-a nulle terre sans seigneur.
On y distingue les droits féodaux en trois classes; savoir : les droits substantiels qui sont essentiellement attachés à la féodalité ; les droits naturels qui sont stipulés par la loi, et auxquels le vassal ne Jfeut se soustraire s'il n'a un titre
3ui n'en pOrte l'exemption ; enfin les droits acci-entels, qui sont dès conditions particulières de., l'inféodation, qui doivent être reconnus par le vassal, pour que le seigneur puisse lés exiger.
§ Ier. Des droits substantiels des fiefs.
la L'obéissance établie par l'article 332 de la coutume est un droit substantiel de la féodalité ; il oblige en général le vassal à servir et respecfè'r son seignèur, suivant la qualité dé sa propriété, le seigneur à protéger son vassal4, de sorte que si le vassal outrage son seigneur, ou le seigneur son vassal, celui qui est en faute perd son droit vers l'autre; et c'est aussi de l'obéissance que résulte le droit de justice du seigneur sur le vassal, et tout seigneur dè fief a droit de justice. Il y a en Bretagne, comme dans toutes les autres provinces du royaume, trois degrés de justice, qui servent à distinguer la qualité des nefs, et qu'on nomme pour cette raison fiefs de haute, basse et moyenne justice : c'est aussi ces différents degrés qui servent à déterminer l'estimation des fiefs, comme je le dirai dans la suite.
Au moyen de ce que le droit de justice est uni, aux fiefs, et de ce que les fiefs peuvent se diviser , il en résulte que les juridictions sont très-multi-pliées dans cette province, et qu'elles n'ont aucune continuité. Une pièce de terre, un simple jardin, une maison même, relève quelquefois de deux ou trois seigneurs, ce qui met dans une espèce d'impossibilité de connaître sous quelle juridiction est une pièce de terre ou une maison, et expose lés demandeurs à appeler leurs adversaires par une juridiction par laquelle il ne doit point être appelé. Il résulte encore de l'union des justices aux fiefs, qu'on est souvent obligé d'ès-suyer quatre à cinq jugements par appel, avant d'obtenir un arrêt définitif, ce qui rend les procès fort longs et très-coûteux.
2° Lé retrait féodal, qui est la faculté accordée au seignèur par la puissance du fief, de réunir à son domaine l'héritage vendu sous sa mouvance (1), est le moins favorable des retraits, ou pour mieux dire le plus odieux, et il n'a lieu qu'après les autres. Les auteurs bretons lui donnent pour motif de ne pas admettre un vassal désagréable au seigneur.
3° Le droit d'exiger des aveux et dénombrements à chaque mutation de vassal (2), ils sont rendus aux irais des derniers; faute de les rendre dans le temps prescrit, le seigneur peut faire saisir féodalement les biens qui relèvent de lui. L'obligation de rendre des aveux est devenue en
Bretagne un des droits les plus onéreux, et cause souvent, la ruine des vassaux, par les difficultés sans nombre que les procureurs d'office savent faire naître, et que la jurisprudence n'autorise \ que trop, sous le prétexte de la conservation des droits du seigneur, ce qui n'est pais extraordinaire dans une coutume où l'on tient pour maxime, qu'un seigneur de paille mange un vassal d'acier. Tous ces droits sont imprescriptibles et sont de ; l'essence de la, féodalité.
§ 2. Des droits naturels des fiefs.
Au nombre des droits naturels des fiefs sont : 1° la foi et hommage pour les terres nobles; ce devoir n'est qu'accidentel pour les terres roturières : le seul droit pécuniaire attaché à la foi et hommage, est celpi de chambellenage, qui ; consiste dans le payement de cinq sols de monnaie (1) qui est une indemnité payée au chambellan du seigneur, pour les peines qu'il est supposé se donner à faire parer la salle ou le seigneur : reçoit l'hommage de ses. vassaux.
faute au vassal de rendre la foi et hommage dans le temps prescrit, le seigneur a droit de •faire saisir féodalement les biens du vassal sujet à ce devoir, et les fruits que le seigneur recueille pendant la saisie lui appartiennent; au lieu que dans le cas de la saisie faute d'aveu, le seigneur est obligé de tenir compte des fruits et levées qu'il a perçus. L'une et l'autre saisie est levée en remplissant le devoir faute duquel elle avait été faite (2). ! . . v,,' mT a-^.hw *
Le vassal n'est point tenu de chercher le seigneur hors le fief, pour-lui faire la foi (3), et. jcelte disposition a été étendue à tous les devoirs féodaux. Le seigneur et je vassal ne sont point obligés de se chercher hors du fief, pour les actions que l'on peut avoir vers l'autre.
2° Les droits de lods et ventes qui'sont dus au seigneur pour tous les contrats de ventej ou équipolents à la vente, et les engagements au delà de neuf ans (4), se payent dans toute la province sur le pied du huitième du prix de la vente, excepté dans quelques cantons des évêchés de Nantes et de Saint-Malo, où ils se payent au sixième : c'est l'acquéreur seul qui doit les payer (5).
L'article 65 de la coutume assure au seigneur une ressource contre les fraudes des contrats de venté, en lui accordant le serment du vendeur et de l'acheteur, sur la vérité des conditions du contrat.
Les lods et ventes ne sont point dus pour les contrats de licitation entre les cohéritiers et associés (6) ; ils ne sont point, dus pour assiette de dot, donations (7), ni pour les. contrats d'arrente-ment par grains; mais si le vassal franchit sa rente, les lods et ventes en sont dus ; il en est*de même lorsque le vassal franchit sa rente féodale, le seigneur supérieur en reçoit les ventes.
Suivant les dispositions de l'article 66 de la coutume, les lods et ventes n'étaient pas dus pour les contrats d'échange d'héritages; mais le Roi ayant établi ce droit dans ces domaines par
des déclarations, les seigneurs de Bretagne ont eu, pour une très-modique somme,' là permission de percevoir les mêmes droits dans leurs fiefs; ce qui a en quelque manière prohibé les échanges au grand préjudice des particuliers et de l'a-, griculture.
3° Le droit de bail ou de rachat est considéré par quelques auteurs, comme droit naturel sous le domaine du Roi, pour les héritages nobles qui: en relèvent directement; cependant l'article 67 de la coutume paraît l'établir généralement accidentel.
Il consiste dans le droit de percevoir à la mort de chaque propriétaire, une année de jouissance des fruits et issues des biens qui y sont sujets; sans pouvoir jouir des logements occupés par la veuve ou héritiers à la campagne; màis sèulement de ceux nécessaires pour l'exploitation dés terres: le seigneur ne jouit pas non plus des colombiers, étangs et garennes.
Le douaire dé la veuve suspend ce droit, pour la quotité attribuée par la Coutume, qui est d'un tiers; l'usufruit légal le suspend de même pendant qu'il dure,.
4° La banalité du moulin établie par l'article 376, qui oblige le domicilié soiis la seigneu-. rie, de faire moudre son grain au moulin du' seigneur, s'il en a sous une lieue; en payant le seizième,"est un droit qui gêne là liberté, qui est une source" de friponnerie pour les meuniers, et l'objet dès réclamations de toutes les paroisses de la province ; ce droit paraît être évalué par l'article 250 de la coutume à 12 deniers par an ; cet article évaluant les profits du fief de chaque vassàl étager à 2 sols par an, et ceux des vassaux non étagers à 12 deniers, lorsqu'ils ne doivent que la simple obéissance. Le vassal étager ne pouvant donner d'autres profits de fiefs au seigneur, de plus que Celui qui n'est point étager, que là moute de son bled, le seul étager étant tenu à suivre le moulin de la seigneurie.
Les banalités de four et de pressoir ne sont point établies par la coutume. DuparC Poullain, dans ses principes de droit, dit que celle de four est particulièrement odieuse.
5° Les aides coutumières établies par les articles 82,'83, 84, 85 et 86, qui obligeaient les , vassaux à payer le double ae leurs rentes en deniers, lors du mariage d'une des filles du seigneur, et lorsque lui ou son fils aîné se faisaient recevoir chevaliers, de payer ce qu'il en coûtait pour sa rançon, après épuisement de Ses meubles, lorsqu'il avait été pris en guerre, de le cautionner lorsqu'il était détenu pour dettes, et de lui avancer une année de leurs rentes, lorsqu'il retirait des biens dans sa premesse. Tous ces droits sont actuellement hors d'usage.
6° Les corvées coutumières établies par les -articles 87 et 88, qui obligent les vassaux à aider le seigneur à fortifier ses places de guerre et rebâtir son château lorsqu'il est incendié ou tombé par cas fortuit, avaient pour cause l'obligation du seigneur de retirer et mettre en sûreté, en temps de guerre, ses vassaux et leurs biens. Ces sortes de corvées étaient un reste des guerres privées, et auraient dû entièrement disparaître avec elles ; cependant des arrêts très-modèrnes les ont étendues à aller chercher les matériaux pour la construction des moulins et des meules. On ne peut donner de justes causes de cette extension de corvée- l'obligation du seigneur de faire moudre le blé de ses vassaux par préférence à celui de ceux qui ne le sont pas, ne peut en être le motif; car, outre qu'elle est très-mal
observée, elle est déjà plus que compensée par cellë du vassàl, d'y porter son -grainà moudre, sans pouvoir le faire- mOudrë ailleurs,1 quôiqii'il soit plus proche d'un autre! moulin, et qu'il ait plus de confiance dans un autre meunier qui lui prendrait moins.
, On tient pour maxime établie par le sentiment des auteurs et par la jurisprudence fondée sur l'article 328 de la coutume, que les ; terres vaines et vagues appartiennent au seigneur dans ; le fief duquel elles se trouvent enclavées, et la longue possession des vassaux d'y aller et venir ', et faire paître leurs bestiaux, ne leur y donne aucun droit, à moins qu'ils ne soient fondés en' titre (1).
§3. Droits accidentels.
Les droits accidentels résultent des conventions particulières de l'inféodation ; ils doivent êtrè reconnus nommément, par ces aveux du Vassal, pour que le seigneur puisse les exiger ; 4 tels sont * les droits de rachats sous toutes les seigneuries, particulières, Comme nous l'avons observé.
Les rentes en argent, celles de grâïn,'volailles, gibier, œufs et autres prestations, sônt des drôits,. accidentels. Des rentes en grâin,lés, Unes se payent,en argent, suivant les,;âpprécis des trois marchés qui "précèdent le term1e du paiement (2) ; d'autres se payent en espèces; de'Ces dëi?hiêrés^ il y en a qui sont à devoir de partagé; âu château, du seigneur (3) i et d'aùtres qui *ont requérables" [c'est-à-dire que le seigneur e&t tenu de leâ envoyer chercher chez lés vassaux d'autres, encores sont nommées 'égaillables/èt se répàr-j,, tissent sur, tous les biens des vassaûx, en proportion de la'valeur dé ce que chacun en possède'. De ces rentes, il y érï a qui sont solidaires sur la totalité des biens dépendants du même, fief, ou seulement par tenues ; d'autres sônt dues d'Une manière fixe ét déterminée sur certains corps de biens sans solidité avéc un autrebien. ïlest encore des rentes nommées chéantes ét levantes, qui se payent également par chaque vassàl, indépendamment du plus ou du moins de ce que le vassal possède dans le fief.
La qualité de ces dernières rentes est souvent, la cause de la ruine des vassaux, ainsi que les rentes solidaires, et par ce motif méritent une ;considération particulière pour "en faciliter ,lé : franchissement, afin de se Conformer à l'esprit des décrets de l'Assemblée nationale, qui é§t de rendre laliberté aux biens comme aux personnes.
Les corvées annuelles, dont le payement se fait avec les autres rentes en argent, suivant les apprécis; d'aUtres qui se font en nature, souvent pour le fauchage et le fanage des prairies et transports des foins; corvées qu'il ne faut pas confondre avec celles dont nous avons ci-devant parlé. ' ISMJp ' ' !
Il est encore d'autres droits accidentels onéreux aux vassaux, sans être d'aucun profit aux seigneurs; tels sont les droits de chevauchées, de guet et de garde, de bris de lance ou quintaine, de chanson de nouvelles mariées, lutte, soûle, saut du poissonnier, celui de Faire battre, lés étangs près le château du seigneur, pour empêcher les coassements des grenouilles, et autres
semblables, qui sont très-variées, et n'ont d'autre utilité que de satisfaire les idées ridicules des seigneurs qui les ont établis : il est aussi des droits honorifiques et de peu d'usage, tels que ceux de tenir la bride du cheval du seigneur lors de sa première entrée dans la seigneurie, et d'avoir pour rétribution le cheval sur lequel le seigneur fait son entrée ; celui de le servir à table pareil jour, avec le droit d'avoir ce qui reste de vin dans les pièces qui ont été entamées pour le festin, ou la vaisselle qui a servi au repas ; service dont la récompense peut-être éludée, par les précautions du seigneur, en refusant le service, ou en réduisant presque à rien la rétribution.
Il existe des droits qui sont avantageux aux vassaux et onéreux aux seigneurs, dont ils diminuent les propriétés; tels que le droit do quelques vassaux de prendre du bois dans les forêts dont ils sont riverains, tant pour leur chauffage, que pour la bâtisse de leurs maisons; celui de pacager des bestiaux, couper des litières sur des terres vaines et vagues d'une seigneurie ou d'un fief, même d'y labourer; droits dont beaucoup de vassaux sont inféodés, soit à charge de redevances particulières, ou sans autres redevances que celles qui se payent pour les terres en valeur dépendantes des mêmes fiefs.
Ces sortes de droits ordinairement exprimés dans les aveux et aqtres titres par le mot de communer ne donnent point à la vérité aux vassaux une propriété parfaite des terres vagues ; cependant on ne peut disconvenir que la propriété du seigneur b'e: soit considérablement diminuée.
Comme l'Assemblée nationale a, par l'article 6 de ses décrets, déclaré rachetables les droits de champart et les rentes foncières, à quelques personnes, corps ou communautés qu'ils soient dus, je crois devoir en parler ici ; et j'observerai que le texte de la nouvelle coutume de Bretagne, ne fait aucune mention du droit de champart, quoiqu'il en soit parlé dans la très-ancienne, et il y a peu de cantons où il soit établi ; il n'en est pas de même des rentes foncières qui sont fort en usage dans toute la province.
Elles sont considérées comme faisant partie du fonds sur lequel elles sont dues; elles sont réputées nobles et roturières, suivant la qualité du fonds; mais n'ont aucun caractère de féodalité.
Elles sont payables en argent, en grains, ou autres prestations, comme les rentes féodales, suivant les conditions des contrats; elles sont solidaires entre les codébiteurs et possesseurs du fonds sur lequel elles sont dues.
Le propriétaire delà rente a la faculté de rentrer dans la propriété du fonds lorsqu'il est vendu; et ce retrait est préféré à celui du seigneur féodal (1).
Les fonds de ces sortes de rentes se prescrivent sans titres par quarante ans, et les levées par trente ans, suivant la loi générale établie par les articles 282 et 285, au lieu que les droits substantiels des fiefs ne se prescrivent point, et que les fonds des droits naturels et accidentels des fiefs ne peuvent aussi se prescrire, à moins qu'il n'y ait un titre négatif suivi de la liberté du vassal pendant 40 ans, si son titre est une simple dénégation, et trente ans, si son titre est un aveu dûment reçu et non impuni; quant aux droits, soit naturels, soit accidentels, qui sont échus, ils se prescrivent par trente ans (2).
g 4. Autres droits appelés improprement féodaux.
Il existe en Bretagne une multitude de droits, que l'on emploie ordinairement dans les aveux et dénombrements des seigneurs au profit desquels ils se lèvent, et qui sont connus sous différentes dénominations; tels que les péages qui se perçoivent sur les grands chemins; de coutume, qu'on perçoit à 1a sortie des foires et marchés ; d'étalaga, que l'on fait payer à ceux qui exposent des marchandises en vente dans les rues et places publiques des marchés et foires; droits de halle, qu'on exige de ceux qui exposent leurs marchan-eises dans les halles, même de ceux qui n'y vont pas; de droits domaniaux, qu'on perçoit au nom du Roi, comme seigneur de fief, ou de quelques autres seigneurs, à la sortie de quelques villes de la province; d'autres, qu'on nomme droits de batelage et d'ancrage, qui sont prétendus par quelques seigneurs aux lieux des débarquements dés rivières navigables ; droits qui sont plutôt des impôts que des droits féodaux, et qui sont des exactions, s'ils ne sont pas fondés sur des obligations des seigneurs, utiles au public et autorisés par des actes conformes aux lois du royaume.
Ces sortes de droits, la plupart de très-peu de considération en eux-mêmes, ne sont poiflt payés par les nobles, et ne tombent que sur la classe du peuple, auquel il sont très-onéreux, non-seulement à cause du payement, mais encore en ce qu'ils se perçoivent presque toujours par violence, et qu'ils occasionnent de fréquentes batteries. Aussi font-ils l'objet des doléances d'un très-grand nombre dé cahiers, surtout de ceux des paroisses de campagnes.
Les droits de3 seigneurs de chasser sur les terres de leurs vassaux, de pêcher dans les rivières ne paraissent fondés, en Bretagne, que sur l'ordonnance de 1669. La coutume de Bretagne n'a aucune disposition qui les y autorise; l'article 390 de la coutume défend seulement la chasse aux pigeons, et dans les garennes, et la pêche dans les étangs, à tous autres qu'à ceux qui ont le droit de la faire ; ce qui ne peut s'entendre que des propriétaires, d'après la désignation qui y est faite, des pigeons, garennes et étangs, qui sont des propriétés.
Le droit de bâtir des colombiers est attribué, par l'article 389, au noble qui possède en domaine noble ou en fief, trois cents journaux de terre, ou à celui qui en avait un anciennement, et dont les fondements existent.
Il y a en Bretagne une grand nombre de dîmes, connues sous le nom de dîmes inféodées, qui ne diffèrent des dîmes ecclésiastiques, qu'en ce qu'elles sont possédées par des laïques. Elles sont assujetties subsidiairement aux dîmes ecclésiastiques, aux pensions des curés et vicaires, et à toutes les autres charges concernant le service divin et les réparations des églises. Il y a des paroisses où toutes les dîmes sont possédées par des laïques, et qui supportent toutes les charges dont on vient de parler.
Le partage entre les nobles est une suite de la féodalité; il- est très-favorable aux aînés dans toutes les successions directes, ou collatérales, l'aîné est saisi de tout ce qui dépend des successions; en lui résident tous les actions, pendant que les successions sont indivises.
Les cadets n'ont pour leurs portions dans les successions directes, que le tiers des biens nobles, que l'aîné leur désigne où il lui plaît;
encore ne l'ont-ils quê par usufruit sur les anciens comtés et baronies auxquels est attribué le droit de présider aux lîtats sans élection. Et dans les successions collatérales, ils n'ont aucune portion dans les anciens propres nobles; mais seulement dans les acquêts et le mobilier.
Outre ces grands avantages, l'aîné a, par pré-ciput,le principal château, ou manoir dans chaque succession des père, mère, aïeul ou aïeule , avec les cours, jardin, colombier et principaux bois de décoration : il a encore la portion des filles mariées à moindre part, et des fils ou filles religieux, à charge de faire raison 'de leurs dots et pensions.
Les biens roturiers sont les seuls qui se partagent également ; et comme l'aîné a la saisine de tout, c'est à lui que les cadets sont obligés de s'adresser pour avoir leur modique portion, qu'ils ont quélquefois bien de la peine a obtenir (1).
L'aîné a encore un grand avantage sur ses cadets, lorsqu'il se trouve dans les successions des forêts, rabines et bois de décoration, qui n'ont pas coutume d'être émondés, le fonds et le bois ne sont point évalués en partage de succession, mais seulement les panages et glandées, qui sont les profits que le seigneur en peut tirer (de ceux auxquels il permet de mettre les bestiaux à paître dans ces sortes dé bois. 11 est simple de penser que l'aîné, maître de désigner le partage de ses
Ïmînés, ne donne pas ces sortes de biens, et qu'il es retient pour lui (2).'
Je croirais inutile de faire d'autres observations sur le droit coutumier de la province de Bretagne.
Jé vais maintenant désigner les droits féodaux, dont je crois la suppression prononcée par celle de la féodalité, et ae la servitude personnelle, et ceux qui sont déclarés rachetables.
CHAPITRE 1er.
Des droits supprimés par la suppression de la féodalité et par les articles 2,3 et \ des décrets du
4 août.
De la première disposition de l'article 1er du décret qui détruit entièrement le régime féodal il mè semble qu'il en doit résulter l'abolition de tous les droits qui tiennent essentiellement à la féodalité, et que j'ai distingués sous le nom de droits substantiels, tels que l'obéissance, qui est proprement le bien de foi qui assujettit le vassal au seigneur, et dont l'hommage n'est que le signe extérieur; qu'il ne doit plus y avoir d'obligation de la part du vassal de rendre foi et hommage, ni même de payer le droit de chambellenage, qui n'est que relatif à la cérémonie de l'hommage, et cesse avec lui, dont il n'était qu'une conséquence; qu'il ne doit plus y avoir de confiscation pour cause de félonie ou commise, le lien de la féodalité étant dissous.
Que le seigneur ne doit plus avoir aucune autorité ni juridiction sur son vassal, que le franc-aleu ou l'indépendance des terres doit être généralement établi; et qu'il ne doit plus y avoir de distinction de terres nobles et de terres roturières, et qu'il ne doit rester de différence entre
elles, que celles que la nature ou l'industrie y auront mises, pour les rëndre plus fécondes.
Les aides coutumières établies par les articles 82 et suivants, déjà abolies par le non usage, doivent rester anéanties, comme tenant purement à ia féodalité ; qu'il doit en être dé même du retrait féodal, qui n'est attribué en Bretagne que pour donner au seigneur la faculté de ne pas admettre un vassal désagréable, et non comme une ressource contre l'infidélité des contrats de vente, la coutume lui ayant ménagé la faculté de la découvrir, en lui accordant le serment du vendeur, et de l'acquéreur, sans l'exclure d'en faire autrement la preuve.
11 résulte encore de l'abolition de la féodalité, que tous les droits qui ne sont pas supprimés, et qui sont seulement déclarés franchissables, deviennent des droits purement fonciers ; qu'ainsi les formalités des aveux et dénombrements juridiques, doivent être remplacés par des actes hypo-técàires de reconnaissance de ses droits, et déclaratifs des objets sur lesquels ils sont dus, tel qu'on est dans l'usage d'en donner pour les droits fonciers, afin de mettre les seigneurs dans le cas de les exiger, et s'en faire payer, jusqu'à ce qu'ils aient été rachetés : par les mêmes raisons, la saisie féodale doit être abolie et remplacée par les voies ordinaires dont on use pour contraindre tout débiteur au payement de sa dette.
Il en est de même de f'imprescriptibilité du fonds des droits féodaux, qui, étant devenus franchissables, doivent aussi se prescrire comme tous les droits fonciers ; mais je crois juste que la prescription soit déclarée ne pouvoir commencer que du jour de la publication des décrets de l'Assemblée, et que les anciens titres servent à conserver les droits rachetables comme au passé. Les sei-
fneurs avant eu un motif légitime de ne pas faire
onner de nouveaux titres récognitoires de droits jusqu'ici imprescriptibles.
Plusieurs désireraient que les droits casuels de lods et ventes et rachats fussent aussi abolis sans indemnité. Plusieurs raisons semblent autoriser ce sentiment; la première, parce qu'ils tiennent purement à la féodalité : en effet, ils nous rappellent que les fiefs étaient des-propriétés de l'Etat, et non des particuliers; qu'on ne pouvait les occuper à titre de succession ni de vente, mais comme les salaires d'un service réel, qu'on avait iugé capable de rendre; aussi les appelle-t-ou bénéfices.
Que lorsque les liens de la féodalité commencèrent à se relâcher, les usufruitiers de ces bénéfices obtinrent du Roi ét des autres seigneurs, leurs supérieurs, la permission de les transmettre soit à leur enfants ou à des étrangers : que pour obtenir cette grâce ils donnaient les sommes qu'on exigeait d'eux, que cet usage ou abus étant devenu général, les coutumes avaient déterminé le prix qu'on devait payer à chaque mutation par succession ou par vente, appelés droits de rachats et de lods et vente.
La seconde est qu'ils sont de vrais servitudes personnelles; car c en est une très-grande de ne pouvoir acquérir par vente ou succession un bien héréditaire, sans payer un droit à une autre personne.
La troisième, en ce qu'il est de l'intérêt public qu'ils soient dûment abolis, parce que leur franchissement occasionnera beaucoup de difficultés; que le résultat du franchissement sera que le simple vassal payera , à son seigneur immédiat, celui-ci à un supérieur, et ce dernier au Roi, et que ce sera la nation qui eu profitera, puisque
ce qui est au Roi appartient à la nation ; oe qui ne fera qu'opérer un Cercle vicieux d'évaluations et de payements, faire perdre beaucoup de temps et occasionner des dépenses inutiles.
Malgré ces raisons, je pense que ces droits doivent seulement être déclarés rachetables : 1° parce quecesdroifs sont véritablement lucratifs et compris au nombre des propriétés féodales, et que l'intention de les abolir sans indemnité, n'est pas manifestée par l'Assemblée;
2° Parce qu'il en résulterait que les seigneurs qui possèdent de grands fiefs, et ne possèdent j que très-peu de domaines, seraient presque entièrement privés de leurs propriétés;;,
j3° Que les usufruitiers qui ne peuvent profiter du-franchissement de ces droits sur les fiefs dont ; ils jouissent, se trouveraient privés sans aucune indemnité dë leur revenu, qui consiste souvent en droits casuels de ventes et de rachats;
4° Qu'il n'est pas à présumer que l'Etat veuille -se passer de, ce qu'il peut retirer de ces franchissement, dans un moment où il a le plus grand besoin d'argent ; . . 5° Que chaque propriétaire .de terre n'ayant acheté sa propriété qu'à la. condition de payer ces droits, ne peut pas trouver mauvais d'en faire le franchissement. C'est pourquoi j'emploierai les droits de vente et de rachat au nombre des droits rachetables, comme de vrais propriétés, ët j'indiquerai la manière que je crois la plus commode, pour leur franchissement.' - Il suit dé la destruction du régime féodal, comme on l'a dit, qjie lés droits féodaux sont devenus des droits fonciers ; qué la distinction dés terres nobles et roturières s'est évanouie, il en résulte encore que les possesseurs des fiefs et biens nobles ne sont plus, pour cause de cette possession, tenus au service militaire d'une manière plus particulière que les autrçs citoyens : qu'enfin il n'y a plus aucune raison qui doive priver les enfants puînés d'une portion égale à celle de leur aîné, dans Jes biens de leurs parents, ni obliger à conservèr dans une seule main des biens qui deviendront plus profitables pour l'Etat, étànf possédés par plusieurs.
Il paraît donc juste d'établir l'égalité des partages entré tous les enfants, et pour tous les biens, telle qu'elle l'est par les coutumes entre les personnes Ordinaires, pour les biens ci-devant roturiers. v
Mais à quelle époque fixera-t-pn l'égalité dans lés partages ? sera-ce pour pour toutes les successions qui échéront, après, le jour de la promulgation de la loi ? 11 paraîtra en résulter un grand changement dans la fortuné des enfants déjà mariés, sous la qualité d'aîné ou de cadet, même dans celle de tous ceux qui sont nés, et qui ont cru avoir une espérance fondée' D'un autre côté, leur ëspérance doit;-elle faire différer l'éxécution d?une loi juste, qui rétablit l'ordre naturel ? On n'est point héritier d'Une personne vivante ; sa succession n'est rien moins qu'une certitude pour m prétendu héritier; mille circonstances peuvent la diminuer, pu même, là faire évanouir ; une perte considérable, la volonté même de celui dont on espère la succession, suffisent pour priver l'habile à succéder de partie ou de la totalité de son espérance, qui, dans la vérité,, n'a été fondée que -sur un.e incertitude.
' Si Oh différait l'éxécution de l'égalité des partages, ét qu'bn né l'admît, que pour les enfants des mariages qui se .contracteront après la pro-mulgation de la loi, et npùi;,, çpiix., des. mariages dtitit il tfëii éiiste point actuellement vivants,
en résulterait-il moins d'inconvénients ? Sans doute que les aînés de ces enfants à naître n'auraient point eu l'espérance d'une plus grande portion que les cadets, dans les successions de leurs parents. Mais, 1° on différerait bien! longtemps l'exécution de la loi ;' 2° si un père ou une mère devenus veufs, et ayant des enfants d'un premier lit, nés avant la promulgation de la loi, contractaient dé nouveaux mariages dpht il auraient des enfants, il faudrait un partage égal pour'les enfants du premier mariage, et un partage égal potir ceux dU second ; ce Serait établir deux régimes différents dans la même famille ; 3° il y aurait de plus grandes difficultés pour les successions collatérales, dans lesquelles .il se trouverait dès héritiers de différentes branchés, dont partïe( seraient nés avant la loi promulguée, et d'autres depuis ; les premiers prétendraient qu'on doit partager inégalement, les autres auraient droit de demander l'égalité du partage : or, comment résoudre cette difficulté ?
Dans ce concours de difficultés, je crois qu'il y aura plus de justice, plus d'avantages et moins d'embarras à étabJir le partage égal pour toutes les successions directes ou collatérales qui écherront après le jour de la promulgation de la loi.
Que deviendront les droits honorifiques attachés aUx terres èt seigneuries ? Ne sont-ils pas supprimés avec la féodalité, du moins ceux qui étaient uniquement fondés sur le régime féodal ? je crois qu'ils doivent disparaître avec lé'régime dont ils émanaient ; cependant, comme l'Assemblée nationale ne s'est point expliquée clairement sur ce point, quoiqu'elle l'ait mis en délibération, il me pàraît que le comité des fiefs peut attendre sa décision, avant d'y rien statuer.
J'observerai cependant que le droit de patronage des églises et paroisses, qui résulte de la dotation ou de la concession du fonds sur lequel elles sont bâties, doivent subsister parce que ce droit tient à la propriété foncière dont il est une reconnaissance plutôt qu'à la féodalité ; et.que par cette •raison il pourrait être conservé en entier, en faveur de ceux qui en jouissent, s'il y avait preuve de la pureté de son origine.
Des droits supprimés par les articles 2, 3 et 4 des décrets du 4 août.
Comme les droits exclusifs des fuies et colombiers, de chasse et garennes ouvertes, et ceux de justice seigneuriale, sont supprimés par les articles 2, 3 et 4 des décrets du 4 août, j'ai cru convenable de les. employer à la suite des droits féodaux supprimés par la première partie du premier article des mêmes décrets. |
I/article 2 concernant les fuies et colombiers, a deux dispositions très-distinctes ; la première abolit le droit exclusif des fuies et colombiers ; c'est affirmativement permettre à tous d'avoir des,pigeons.
La seconde établit la condition à laquelle elle accorde cette permission, qui est de les renfermer aux époques qui seront fixées par les communautés ; faute de quoi il sera permis à un chacun de les tuer sur son terrain, pendant le temps qui aura été fixé pour qu'ils soient renfermés.
Ces dispositions sont si claires qu'elles n'ont besoin que d'être répétées dans la législation dont le comité des fîéfs est Chargé de faire la rédaction.
L'abolition du droit exclusif de chasse, de ga-rennès ouvertes, de toutes capitaineries et de toutes réserves, hors, celles qui concernent lés plaisirs du Roi, et la permission donnée'à tous les propriétaires de tuer et faire tuer le gibier sur
ses possessions seulement, mérite quelques explications,pour prévenir lës abus qui. pourraient dans la suite *et ont déjà résulté de la mauvaise interprétation qu'on a donnée à l'article 3 des décrets.
Une loi doit s'expliquer par l'intention du législateur ; et eri abolissant le droit exclusif de la chasse, l'Assernblée n'a pas eu intention de la permettre indéfiniment à tout le momie ; au contraire elle a voulu prévenir les abus qu'on en faisait, et empêcher les pillages, que les chasseurs, leurs chevaux et leurs chiens occasionnaient aux 'levées, en allant sur les terres dont ils n'étaient pas propriétaires, et d'éviter les querelles, les malheurs qui en ont été la suite, et qui ont occasionné bien des réclamations.
En permettant aux propriétaires de détruire et faire détruire sur leurs possessions, le gibier qui s'y trouverait, elle n'a pas eu d'autre intention, que d'éviter les dommages que le gibier pourrait faire .aux levées, et donner aux propriétaires un moyen de les conserver.
La réserve qu'elle a faite de régler ces dispositions par des lois de police particulières, pour la sûreté publique, annonce qu'êllè a prévu des abus qu'il fallait ^ëyiter.
Les abus qui peu vent en résulter m'ont paru se rédûire à dèux ; savoir le premier de multiplier màl à propos le port d'armes à feu dans les campagnes, qui peut, être restreint aux propriétaires de fonds de terré, et aux fermes de compagne, qui éh auront la permisision des propriétaires, soit pàr leurs actes qe fermé, ou autres permissions par écrit, parce que ce sont les seuls qui ont intérêt de veiller à la conservation de leurs levées.
J'ai dit le port d'armes dans les campagnes, parce que je crois qu'il serait contre la liberté d'empêcher tout particulier d'avoir chez lui des armes pour sa défense personnelle et celle de son mobilier : qu'il est également libre au marchand ou au voyageur de se munir d'armes, lorsqu'il va en route ; ce n'est donc que relativement à la châsse, que je crois que le port d'armes doit être défendu aux non-propriétaires de terrre.
lié secôiid abus, serait de poursuivre le gibier sur le terrain d'autrui ; ce qu'on-peut empêcher, en prononçant une amende contre celui qui aura tiré du gibier sur les possessions qui ne lui appartiennent pas, même en défendant d'aller sur le terrain d'autrui avec fusilsf et chiens, si ce n'est par dés passages et sentiers publics ; auquel cas, celui qui irait serait tenu de porter la crosse du fusil haute , et conduire les chiens à la lisière, aussi à peine d'amende, même d'indemnité des dommages qu'ils feraient en chassant , amendés et dommages qui seraient au profit du propriétaire qui aurait fait la preuve au délit, dont la connaissance serait attribuée aux juges ordinaires des lieux, attendu la suppression des capitaineries.
Quant à la conservation des plaisirs personnels du Roi pour la chasse, il paraît qu'on ne peut que prier Sa Majesté d'en déterminer elle-même 1 étendue, comme elle le jugera convenable.
A l'égard des garennes ouvertes, il me paraît inutilè d'en rien dire autre chose que ce qui est porté dans le décret, puisque les propriétaires riverains .pourront tuer les lapins qui iront sur léUr terrain.
J'ai observé dans le premier chapitre que la pèche dans les rivières n'était point comprise dans la coutume ae Bretagne au nombre des droits féodaux ; ainsi, si quelqu'un est en possession
d'un droit lucratif de cette espèce, on tpeut plutôt le.regarder comme une propriété, ou une usurpation, sous prétexte de féodalité, que comme un droit féodal : d'ailleurs, les décrets de l'Assemblée n'ont rien prononcé sur le droit de pêche, quoiqu'il en àit^été fait mention dans le procès-verbal de la nuit du 4 août; mais comme il n'y a point de règles établies par la coutume de Bretagne sur l'usage des ruisseaux et petites rivières, et que mes cahiers me cbargent.de. solliciter une loi à cet égard, je crois devoir le faire; ici. .
Ne pourrait-on pas attribuer aux riverains des ruisseaux, la liberté d'en disposer pour l'arrosè-ment de leurs terres, et pour le rouissage de leurs chanvres et lins, à la condition de faire retomber l'eau dans son lit ordinaire, à la sortie de leurs propriétés, et d'établir les routoirs à sept ou huit pieds loin du ruisseau, lorsqu'il y a des étangs à 2 ou 300 toises du lieu où l'on voudra mettre du lin ou du chanvre à rouir, et établir que tout courant d'eau sera réputé ruisseau lorsqu'il n'aura que.7 pieds dé largeur dans son lit ordinaire? Ne pourrait-«n paS encore permettre la pêche dans les* petites rivières non navigables, aux seuls propriétaires des terres qui y.bordent, lorsque ce droit n'aura pas été acquis ou usurpé: par une possession constante et d'une manière profitable, pour celui iqui en jouit ? Ce serait ùite indemnité naturelle des dommages fréquents que les rivières et les ruisseaux causent dans les crues d'eau, aux propriétaires des terres qui lés bordent : car il est naturel qu'on puisse profiter de ce qui peut nuire : d'ailleurs, les arrosements des terres sont des objets les plus à considérer dans l'agriculture^ puisque c'est à ce seul moyen qu'on peut, dans les années de sécheresse* se procurer des fourrages qui ne peuvent facilement se suppléer, et qui sont la source de l'abondance des campagnes.
Les routoirs sont aussi d'un grande considération en Bretagne, où il n'y a d'autre fabrique importante que celle des toiles.
La suppression des justices seigneuriales ne fait que rétablir l'ordre naturel, la justice ne devant être administrée qu'au nom du Roi, revêtu de la puissance publique et du pouvoir exécutif. Si cette suppression fait perdre quelques droits aux seigneurs, ils s'en trouvent plus qu'indemnisés en Bretagne par la décharge des frais de procédure criminelle, auxquels ils étaient tenus pour les crimes et délits commis sous leurs fiefs (1).
Les poursuites criminelles ne devant plus se faire aux frais des seigneurs, les confiscations de meubles et d'immeubles établies par les articles 638 et 660 de la coutume, ne doivent plus être à leur profit, de même ils ne doivent plus percevoir aucunes amendes.
Les droits de déshérence appartenant à tous les seigneurs, même à Geux qui n'ont que basse justice^ suivant l'article 595, celui de bâtardise, ou celui de succéder aux bâtards, attribué aux seigneurs, ayant moyenne justice, par l'article 473, celui d'épave attribué aux seigneurs, ayant haute justice par l'article 48, étant des droits dè justice (2), se trouvent supprimés et doivent être à l'avenir des droits des justices qui seront établies. _ . -. _ -
Cependant j'ôbSërvérài qU'én Bretagne Ta jurisprudence ayant chargé les généraux des pâ-
roissesde la nourriture des enfants bâtards, lorsque les père et mère sont hors du cas d'y pourvoir; ainsi que de celle des enfants trouvés ou abandonnés, il y aurait de l'équité à attribuer ces différents droits aux généraux des paroisses, en indemnité'de la nourriture des enfants bâtards et abandonnés, se trouvant une raison de convenance égale dans l'indemnité comme dans l'obligation.
Par l'abolition des justices seigneuriales, le droit de police attribué aux juges, ayant moyenne ou liaute justice, se trouve supprimé, il doit eu résulter comme une conséquence nécessaire, l'abolition des droits de coutume que les seigneurs perçoivent sur les bestiaux vendus aux foires et marchés, sur les graius et autres marchandises exposées en vente sur les rues et places publiques, perceptions souvent injustes et vexatoires, qui ue pouvaient avoir pour objet que la police des foires et marchés.
Comme les droits de halle résultent d'une dépense faite par les seigneurs pour la bâtisse et entretien utile d'un édifice pour la sûreté des marchandises, et la conduite des marchands, je crois qu'ils sont dans le cas de tout particulier qui: louerait un édifice pour le même usage, et que les seigneurs qui ont fait bâtir des halles, peuvent en retirer un droit de loyer, pour s'indemniser, pourvu néanmoins qu'ils ne ie perçoivent que sur ceux qui voudront s'en servir volontairement, que le droit soit modéré et réglé par les juges du lieu.
Le droit de ban de vendange, me semble de voir être supprimé, sauf aux particuliers à vendanger lorsqu'ils le jugeront nécessaire, n'y ayant personne qui puisse mieux en déterminer le temps que celui auquel les vignes appartiennent, et qui y a le plus grand intérêt : ce ne serait que rétablir une liberté qu'on n'aurait jamais dû gêner.
Le droit d'établir des mesures est un de ceux dont on a le plus abusé. La variété est telle en Bretagne, qu'en chaque ville ou village où il y a un marché, il y a une mesure différente, tant pour les grains que pour les boissons communes, telles que le cidre et la bière ; et souvent la différence est très-grande et difficile à combiner, quoique sous la même dénomination; de là résulte une incertitude de la part du vendeur et de l'acheteur qui les expose à être dupés, et met dans le commerce une défiance nuisible; ue pourrait-on, pas, dans ce moment, où l'on va remplacer les justices des seigneurs par des justices royales, établir une mesure générale et commune dans, tout le royaume, non-seulement pour les grains et liqueurs, mais encore pour les aunages (1) et mesures de terres, en choisissant celles qui seraient les plus faciles à déterminer et à diviser, telles que le pied cube pour les grains et pour les liquides et la toise, et le pied de roi pour les autres mesures. Par exemple, ne pourrait-on pas admettre pour la mesure nommée boisseau, une mesure de la dimension d'un pied en carré, tant en largeur qu'en hauteur, et pour la bouteille une mesure d'une dimension de 3 pouces de largeur sur 6 de hauteur ; de même établir que l'aune commune serait de 4 pieds, la toise de 6 pieds et la perche de 3 toises ; et le journal ou l'arpent de 100 perches, mesures dont les dimensions sont faciles à déterminer et à diviser, ce qui ne peut être que
très-avantageux ; car moins la bonne foi est exposée, plus le commerce est facile et acquiert de confiance : on m'objectera peut-être que ce projet avait été arrêté par de précédents Etats généraux, et qu'il n'a pas eu d'exécution ; qu'on y a sans doute trouvé des difficultés qui l'ont fait abandonner. A cette objection je répondrai que la plus grande difficulté pour l'exécution n'a pu être élevée que par l'autorité des seigneurs, encore très-puissants lors des anciennes ordonnances dés Etats généraux qui avaient attaché'beaucoup d'importance au droit d'avoir dans leur seigneurie une mesure différente de celle établie dans les justices royales; mais que cet inconvénient ne doit pas subsister aujourd'hui, où toutes les justices sont rendues au pouvoir exécutif du monarque, ce qui n'avait pas été fait lors des anciennes ordonnances ; que quant à la faculté de la réduction des mesures en elles-mêmes, elle n'a jamais existé, puisqu'il a toujours été très-facile de calculer combien une mesure quelconque contient de pouces, par conséquent combien elle contient de parties d'une autre mesure, déterminées par des dimensions de même nature; ce qui suffit pour la conservation des droits de ceux qui doivent, ou auquel il est dû des rentes en grains. La difficulté est encore moindre pour les aunages et pour les mesures superficielles des terres.
Les poids doivent être également réduits aux mêmes dénominations et quotités, et la livre devrait être établie la même partout. En Bretagne, l'once est la seule mesure pondérique, bien déterminée : la livre varie beaucoup, elle est dan3 les seigneuries peu éloignées de 16, 18 et 24 onces, ce qui est une cause d'erreur préjudiciable au commerce comme celle des mesures.
Il est des droits qu'on place quelquefois au nombre des droits féodaux, parce que les seigneurs qui les possèdent les emploient dans les aveux qu'ils rendent au Roi, et qui tiennent beaucoup plus delà nature des impôts, et supposent toujours des obligations qui ont été la cause des concessions de ces droits. Tels sont les droits qu'en certaines villes on connaît sous le nom de droits domaniaux, qui consistent dans le payement de petites sommes qu'on exige sur les marchandises à la sortie des villes, et qui ne peuvent être fondés que sur l'obligation de l'entretien des pavés, ou sont un reste intolérable de la tyrannie féodale
Ceux qu'on exige au passage des ponts établis sur les grandes rivières de ville à ville, tant sur les bestiaux, que sur les marchandises, et qui ont pour motif l'entretien des ponts.
D'autres connus sous le nom de batelage et d'ancrage, qui se perçoivent sur les bateaux et marchandises qu'on conduit dans les rivières aux lieux de débarquement, et qui ont pour motif l'entretien des quais.
Tous ces droits ne seraient que des usurpations tyranniques, s'ils n'étaient fondés sur des titres et des obligations d'entretien d'objets utiles au public ; mais de quelque manière qu'ils aient été établis, on pense qu'ils doivent être supprimés, sans autre indemnité que la décharge de l'obligation de l'entretien des pavés, ponts, chaussées et quais, dont les administrations provinciales doivent se charger par la suite, comme objets publics.
J'en excepterai seulement les chaussées, lorsque le propriétaire du droit a une retenue d'eau ; parce qu'en ce cas la chaussée paraît avoir été raite pour former un étang, plutôt que pour faciliter le passage; et dans ce cas les réparations
de la chaussée doivent demeurer à la charge du propriétaire de s J'étang, à l'exception du pavé seulement, qui doit être réparé aux frais du public, si c'est un grand chemin, et aux frais du propriétaire des terres riveraines, si c'est un chemin de traverse.
Des servitudes personnelles qui sont établies sans indemnité.
La seconde disposition du premier article des décrets porte que dans les devoirs, tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la mainmorte réelle et personnelle, et à la servitude personnelle, et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité.
Il y a dans la bàsse Bretagne plusieurs use--ments, qui, s'ils ne sont pas proprement, ce qu'onappelle ailleurs mainmorte, y ont beaucoup de rapport; mais je n'en parlerai pas ici, mon .objet étant de me borner aux droits généraux de la féodalité en Bretagne, au nombre desquels n'est pas la mainmorte, mais plusieurs servitudes personnelles.
J'aurais-pu employer encore un droit aboli par la destruction du régime féodal; la banalité du moulin, parce qu^en Bretagne elle est un jlroit naturel des fiefs, et tient uniquement à la féodalité ; j'ai préféré la classer au nombre des servitudes, afin de la joindre aux banalités de four et de pressoir, qui ne sont par des servitudes, établies par la coutume ; mais qui toutes sont si véritablement des servitudes personnelles, que l'effet principal de leur abolition sera de rétablir la liberté, que tout homme doit avoir de faire moudre son grain, de cuire sa pâte, et pressurer son raisin ou ses pommes comme il le voudra, et d'aller à tel moulin, four et pressoir, où il croira avoir plus d'avantage, et être moins exposé à l'avarice des meuniers et fourniers; il en pourra résulter que sa vie sera moins précaire, et dépendra moins de l'incertitude au vent ou de l'eau ; car il faut espérer que la liberté, qui est la mère de l'industrie, fera trouver différents moyens d'établir des moulins, qui pourront moudre sans le secours du vent ou de l'eau, et qu'on pourrales établir dans les villes et villages, à portée des consommateurs : ce qui éviterait beaucoup de frais de transport, et pourrait dans la suite permettre de se passer des moulins sur les grandes rivières qui gênent, et souvent empêchent la navigation. La rivière de Rance est dans ce cas; elle serait navigable deux lieues au-dessus de la ville de Dinan, par le flux et reflux de la mer, sans aucune autre dépense que de supprimer quelques moulins.
Il résultera encore de la suppression des banalités, l'obligation pour les meuniers et fourniers d'être plus attentifs à faire de bonne farine et bien cuire le pain, et de se borner à une rétribution honnête, au lieu des exactions continuelles qu'ils exercent et qui sont la cause des réclamations si fréquentes du peuple. Car au moyen de la liberté qu'on aura d'aller où l'on voudra, il est à présumer qu'on ira au moulin où l'on sera servi plus fidèlement.
Tous les droits de banalités n'étant que de vraies servitudes personnelles doivent donc être supprimés sans indemnité, surtout celui de four qui, comme l'a observé Duparc Poulain, dans ses principes du droit, est particulièrement odieux. Et si on ne jugeait pas convenable de supprimer, sans indemnité, la banalité du moulin, comme
moins odieuse, on ne pourrait en porter le franchissement en Bretagne, au delà de 20 sols par chaque vassal étranger, qui est le seul assujetti à la banalité de moulin ; les profits de fiefs n'étant évalués par l'article 250 de la coutume que 2 sols de rente, pour celui qui est étager, et 1 sol pour chaque vassal qui ne l'est pas, comme je l'ai dit au chapitre des droits naturels des fiefs.
Les corvées établies par les articles 87 et 88 de la coutume, qui obligent les vassaux à aider le seigneur à fortifier ses places, et à rétablir son château, n'étant fondées que sur la féodalité, et d'ailleurs étant le résultat des obligations des seigneurs, de retirer les vassaux dans leurs places eh temps de guerre, déviennent sans objet, les guerres particulières étant défendues; ces sortes de servitudes doivent être entièrement abolies.
Il en est de même des eorvées pour les moulins qui ne sont qu'une extension injuste des premières.
Les droits de chevauchées, ou de faire monter les vassaux à cheval, de leur faire briser une gaule en forme de lance, contre un poteau; droit connu sous le nom de quintaine, celui de faire cnanter les jeunes mariées, d'en exiger un baiser ; celui de faire faire le guet, d'établir de3 luttes et soûles» de battre les étangs, pour empêcher le croassement des grenouilles,, de sauter dans les rivières, et autres droits de pareille nature, la plupart exigés sous peine d'amende, quoique ridicules et absolument inutiles pour les seigneurs, tous ces droits peuvent être considérés comme servitudes personnelles, et en cette qualité abolis, ainsi que les droits qu'ils représentent, s'il en est quelques-uns : mais c'est au vassal a justifier que le droit qu'il paye est représentatif d'une servitude.
Droits féodaux déclarés rachetables.
La troisième partie de l'article 1er des décris, déclare rachetables, sur-le pied qui sera fixé par l'Assemblée, tous les droits qui ne sont pas compris dans les deux premières dispositions. J'ai dit au chapitre que dans les droits féodaux supprimés par l'abolition de la féodalité, il serait convenable d'y comprendre les droits de lods et ventes et rachats; mais que comme beaucoup de personnes pensaient qu'ils doivent être au nombre des droits déclarés rachetables; je les emploierai dans ce chapitre, et indiquerai le mode que j'en trouverai le plus jùste pour les franchir: j'y joindrai les rentes féodales de différentes espèces, soit en grains, volailles, gibier et autres prestations; les corvées qui se payent avec les rentes, et sont employées dans les rôles de recette, celles qui sont dues en nature, et se font annuellement, et seront reconnues par les aveux des vassaux, ou autres titres qui leur sont communs avec les seigneurs, et regardées comme des conditions de l'inféodation, telles que celles qui se font pour le fanage et charroi des foins de quelques seigneurs, et forment une partie de leur revenu ordinaire.
' Pour faire bien entendre les moyens de franchissement que je vais proposer, il est indispensable que j'expose que la coutume de Bretagne évalue les droits féodaux, eu égard aux degrés de justice haute, moyenne ou basse, attribuée aux différents fiefs, en prenant seulement pour base de l'estimation, le montant des rentes dues par chaque fief, quoique dans l'estimation soient compris les droits féodaux, excepté ceux de rachat, qui sont estimés séparément.
L'article 248, porte au denier 30 les fiefs defl basse justice, ceux de moyenne justice au de-I nier 35 et ceux en haute justice au denier 40.| Cette estimation qui est suivie ordinairement] pour les partages et dans les prisages judiciaires,? a pour motif, non-seulement les droits honorifiques attachés aux différents degrés de justice, mais aussi les droits lucratifs. Un fief en basse justice a rarement dans sa mouvance d'autres biens que des héritages roturiers, souvent chargés de fortes rentes, ce qui diminue les lods et ventes dans ces sortes de fiefs et il n'y a que peu ou point de terres vagues : au lieu que ceux de moyenne et haute justice ont dans leurs mouvances directes de grandes terres nobles et roturières peu chargées de rentes, dont les droits casuels sont fort considérables, et souvent de grandes quantités de terres vagues dont les fiefs pouvaient s'accroître par les âfféagements. Ce sont ces différents avantages qui ont donné lieu à l'évaluation plus forte des hefs en proportion du degré de justice, quoique l'on prenne pour base dans l'estimation des uns et des autres les rentes qui y sont dues par les vassaux.
Cette évaluation peut servir de; règle toutes les fois que les vassaux voudront franchir conjointement la totalité des biens mouvants d'un même fief, et non-seulement ils doivent, en payant sur ce pied, être entièrement déchargés de toutes les rentes et droits casuels, autres que le rachat, mais aussi avoir la propriété des terres vaines et vagues,, c'est principalement les débiteurs de rentes solidaires, et de celles échéantes et levantes, qui useront de cette manière de faire lé remboursement de leurs rentes, qu'ils ne pçurront faire séparément, comme les vassaux dès autres fiefs, qui«ne sont point solidaires, ou qui ne sont attachés à aucun fief particulier.
Mais cette règle qui est équitable, en évaluant un fief entier, ou plusieurs ensemble, cesse de l'être, si on veut l'appliquer à chaque propriété particulière des fiefs non solidaires, et elle ne peut êjre admise, lorsque les vassaux voudront franchir, ce que chacun devra en particulier, ni aux vassaux qui possèdent hors fiefs, c'est-à-dire, qui tiennent leurs concessions du seigneur par des afféagements particuliers, sans être unis à aucun fief, et qui, par cette raison, seront forcés de faire leur franchissement en particulier. Un exemple peut le faire connaître.
Qu'on suppose dans le même fief en haute justice deux vassaux, dont l'un est propriétaire d'une terre valant 40,000 livres en fonds, et qui n'est chargée que d'une rente de 5 sols, et l'autre ne possède qu'un journal de terre, valant en fonds 300 livres, sur lequel il doit une rente en grain de 8 livres : la supposition que je fais est très-ordinaire dans le canton que j'habite en Bretagne.
Le premier en franchissant les droits féodaux sur le pied de la rente, ne payerait au denier 40 fixé par la coutume, pour les fiefs de haute justice, tous droits féodaux compris, excepté le rachat, que 10 livres, tandis que sa terre aurait payé 5,000 livres pour un seul droit de vente, en supposant que le droit de vente ne se perçût qu'au denier 8. On conviendra que dans le premier cas le seigneur de fief serait lésé.
Le second propriétaire au contraire payerait pour le franchissement de ses droits féodaux sur le pied du denier 40 de sa rente de 8 livres ; 320 livres, ce qui excéderait la valeur de sa terre, tandis que pour le droit de vente, il ne devrait que 17 livres 10 sols, parce qu'après déduction
de sa rente sur le pied du denier 20, sa propriété de 300 livres est réduite à 140 livres; dans le second cas, le propriétaire paierait pour franchissement de ses droits féodaux au delà de la valeur de son bien, ce qui ne serait pas juste.
L'estimation établie par l'article 248 de la coutume, ne pouvant servir de règle pour le rachat des droits des vassaux qui possèdent des biens hors fiefs, ni pour ceux des fiefs non solidaires, qu'autant que ces derniers s'accorderaient pour franchir conjointement la totalité des rentes et devoirs du fief et répartir entre eux, le prix du franchissement du fief, il est nécessaire de chercher une autre règle qui puisse s'appliquer aux différentes espèces de-rentes et droits féodaux, et établir une balance équitable entre les vassaux et les seigneurs, et rendre les franchissements aussi faciles qu'il est possible.
J'observerai : 1° que, quoique les rentes de certains fiefs soient solidaires, les droits casuels ne le sont pas. Une portion des biens sujets à une rente solidaire, est vendue par un des vassaux, sans que les autres vendent les leurs, les lods et ventes sont dus par l'acquéreur de la portion vendue, sans solidité, avec les autres vassaux, de même le droit de rachat ne se perçoit'que sur la portion possédée par le vassal qui est décédé ; d'où il résulte que les vassaux de ces fiefs pourraient franchir séparément les droits de lods et ventes, s'ils le voulaient;
2° Que la solidarité étant un droit onéreux, ne doit point être légèrement supposée, ni par tenues particulières, ni par fiefs, d'autant qu on trouve beaucoup d'exemples de pareilles solidarités qui n'ont de fondement que dans l'ignorance des vassaux et la négligence des notaires, ou l'opiniâtreté des seigneurs, ou de leurs procureurs d'office, contre lesquels ces vassaux n'osent plaider. Les solidarités ne doivent donc être admises que lorsqu'elles sont clairement exprimées et reconnues par des titres, formant loi entre le seigneur et les vassaux, avec d'autant plus de justice, que tout droit exhorbitant doit être restreint aux expressions portées parles titres, et que « dans l'incertitude » la faveur doit être pour le débiteur; » surtout dans cette circonstance où l'intention de l'Assemblée est de débarrasser les biens-fonds de toutes les entraves qui en gênent la propriété;
3° Que pour éviter que les seigneurs abusent de la qualité particulière des fiefs chéants et lévants, pour augmenter le prix du franchissement, en regardant comme autant de vassaux chaque héritier d'un vassal mort, et dont la succession n'a pas été partagée, ce qui multiplierait quelquefois les vassaux au nombre de 10 ou 12, au lieu d'un, et multiplierait autant de fois la rente due par le décédé. Il paraît convenable d'établir que dans l'an du décès d'un vassal, la rente qu'il devait sera payée et franchie de la même manière, que si le vassal décédé vivait, afin de laisser aux héritiers, au nombre desquels il se trouve souvent des mineurs impourvus, le temps de faire leurs partages.
De ce que j'ai dit, il résulte que les franchissements des rentes féodales, même celles qui sont solidaires, peuvent se faire séparément des droits de vente : qu'à l'égard des autres fiefs non solidaires, où les rentes sont très-légères sur quelques biens et surtout sur les grandes terres, tandis qu'elles sont très-fortes sur beaucoup de petites propriétés roturières, il y a une nécessité, pour faciliter les franchissements, d'établir une estimation différente pour les rentes, et les lods
et ventes, lorsque les vassaux ne s'accorderont pas pour franchir conjointement.
i En Bretagne, les rentes foncières sont évaluées comme les fonds de terre au denier 20 (1), et les rentes' féodales, dégagées des autres droits féodaux, n'ont pas une valeur plus grande ; on peut donc les apprécier de la même manière en observant gue celles dites requérables,!quele seigneur est obligé d'envoyer chercher, doivent obtenir une diminution équivalente aux frais que le vassal éviterait au seigneur, s'il était obligé de porter sa rente ; et je pense que le sol pour livre du prix de la, rente peut être l'équivalent de ces frais.
Les rentes qui sont dues en grains, ou autres espèces de denrées, comme volailles et gibier, les corvées payables avec les autres rentes, même çelles que le seigneur est dans le cas d'exiger chaque année en nature, reconnues par les titres des vassaux, comme condition de leurs concessions, doivent être évaluées, pour déterminer le prix du franchissement, en faisant un prix commun de la valeur de ces différents objets dans les dix années antérieures au franchissement.
Pour déterminer le mode d'évaluation du franchissement des droits de lods et ventes séparément des rentes, il est nécessaire d'en chercher un qui soit relatif aux perceptions qu'en font ordinairement les seigneurs ; car on ne peut regarder aujourd'hui comme une évaluation qu'on doive suivre, celle établie par l'article 250 de la coutume, qui évalue dans les fiefs, où il n'est dû que simple obéissance, sans rentes ni rachat, le profit du fief par chaque vassal non étager à 12 deniers, quelque quantité de terre qu'il possède ; car outre que l'argent est plus ? commun qu'il n'était lors de la réfonnation de la coutume, mite en 1580, les ventes de biens-fonds sont devenues plus fréquentes.
Il serait aussi injuste de suivre les dispositions d'un arrêt du 10 juillet 1736, qui fixa l'indemnité due par des gens de mainmorte au 5e de la valeur des biens ; une. pareille fixation n'a point de rapport exact aux droits de vente, qui sont dus dans quelques cantons de la province au 6e, et dans le surplus au 8e, et excède de beaucoup l'estimation faite par la coutume, qui n'estime tous les profits de fief, le rachat excepté, que la valeur de la moitié des rentes, dans les fiefs de haute justice, et beaucoup moins dans les autres fiefs. Il paraît qu'en rendant un pareil arrêt, la pour avait pour objet; de rendre très-onéreuses les acquisitions de fonds aux gens de mainmorte : ce qui était conforme à i'esprit de la coutume, qui donne 30 ans aux seigneurs, pour Leur faire vuicter leurs mains.
Si on veut prendre pour règle la disposition de l'article 240 de la coutume qui fixe le droit de rachat au 31 de la valeur de l'héritage; ce qui est proprement évaluer le fond du droit à une seule perception (car une génération est ordinairement fixée à 30 ans), et établir que la mutation par ventej se fait une fois en trois générations, ce qui est à peu près vérifié par les faits. En partant de ces principes, et évaluant le franchissement des lods et ventes à la perception d'un droit, comme la coutume le fait pour le rachat.
On croit être favorable aux seigneurs, en supposant la mutation des biens de campagne par vente, une fois en 80 ans, et celle des maisons de ville et gros bourgs, une fois en 60 ans, lorsqu'il n'y a d'uni aux maisons qu'un jardin, et que ce
n'est pas un château ayant la seigneurie de la ville ou du bourg. Sont réputés gros bourgs ceux composés de 300 maisons au moins, attendu que les mutations par vente sont plus fréquentes pour les maisons de ville, que pour les biens de campagne.
Ces suppositions adoptées pour règle, si, un vassal veut franchir le droit de lods et ventes .sur un de ses biens, il faudra qu'il en fasse l'évaluation en fonds; mais de quelle manière se fera-t-elle? Celle par experts serait la plus certaine; cependant comme elle est coûteuse ét, qu'on pourrait en abuser pour rendre les franchisse^-ments plus difficiles en les rendant onéreux, je crois qu'il conviendrait que le vassal fût admis à faire une offre au seigneur, par laquelle il évaluerait son héritage; et si l'évaluation paraissait insuffisante au seigneur, il pourrait exiger le prisage par experts, lequel prisage serait aux frais du vassal, dans le cas où le prisage des experts serait d'un (1) sixième au dessus de celui porté dans son offre; et si au contraire l'estimation des experts n'excédait pas le sixième, ou fût inférieure a celle faite par le vassal, le seigneur payerait les frais des experts; et si le seigneur ou le vassal faisaient de mauvaises contestations, celui qui les aurait faites en payerait les frais.
L'évaluation faite par le vassal, ou par experts, il faudra, sur le montant du prix du fonds, prendre une somme qui, en 80 ou 60 ans, suivant que ce sera une maison de ville, ou un bien de campagne, produise au seigneur l'équivalent de ce qu'il eût eu droit de percevoir, si le bien était vendu une fois dans le même espace de temps; et c'est ce qui peut se faire facilement, en prenant, si les ventes sont dues au 8e denier, et que ce soit un bien de campagne, le 8° du prix principal, et donner au seigneur le 58 de cette 8e partie ; si les ventes sont dues au 6e, il' faudra prendre le 6e du principal, et donner le 5e du 6e au seigneur.
Si c'est une maison de ville, au lieu de donner au seigneur la 5® partie du 8e, ou du 6* du principal, on lui donnerait la 4e; à ce moyen il se trouvera avoir dans l'espace de 80 ou de 60 ans, le 8e ou le 6e du prix principal qui lui aurait été dû, si l'héritage était vendu dans le même espace de temps, parce que la somme qui lui sera payée se doublant trois fois en 60 ans, et quatre fois ea 80 ans par les intérêts qu'elle produira en la plaçant, il se trouvera avoir, après ce temps révolu, le 8e et le 6e du principal, quoiqu'il n'ait effectivement reçu que le 5e ou le 4* de cette somme.
J'observerai que lors de l'estimation, l'on doit diminuer la valeur des rentes dues sur le fonds, quand bien même te vassal les aurait franchies au seigneur en vertu des arrêtés du 4 août, sans quoi il en résulterait que le seigneur recevrait les ventes des rentes qui lui appartenaient et ce serait un double emploi au préjudice du vassal.
Outre les deux premières matières que nous venons d'indiquer pour racheter les rentes féodales, les lods et ventes et autres droits féo-deaux, excepté le rachat, on pourrait encore en adopter une troisième pour faire disparaître plus promptement la féodalité, ce serait de permettre aux vassaux de chaque fief, même des fiefs soli-
daires, de franchir tous ces droits en six années.
En prenant pour base l'estimation faite par la coutume, pour les trois différentes espèces de fief, en évaluant les rentes au denier 20, et en portant les droits de lods et ventes, dans les nefs de basse justice, à la moitié du prix des rentes, dans ceux en moyenne justice, aux trois quarts, et pour ceux en haute justice à une somme égale au prix des rentes, ce qui donnerait l'estimation au denier 30, 35 et 40, porté par la coutume.
On répartirait sur toutes les terres du fief, eu égard à leur valeur, par un rôle d'égoïl, la portion des franchissements représentative du droit de lods et ventes, et on la payerait les trois premières années ; les trois dernières on payerait le franchissement des rentes. Dans chaque fief on ferait rassembler les vassaux, et à la pluralité des voix, ils se décideraient à faire leur franchissement de l'une des trois manières, et en passeraient un acte, observant que la pluralité des voix ne serait acquise que lorsque les débiteurs des deux tiers des droits à franchir seraient de môme avis, et s'obligeraient d'avancer les portions de ceux qui ne pourraient payer aux termes fixés; desquelles avances, ceux qui n'auraient pu payer, leur devraient les intérêts au denier 20, jusqu au remboursement, et ceux qui auraient fait les avances pour d'autres, auraient pour leur, sûreté les mêmes hypothèques et préférences accordées aux anciens droits franchis.
Si les vassaux se décidaient à franchir de la dernière manière en six années, il y aurait peut-être quelques difficultés pour ia perception des droits et rentes; d'un côté le seigneur ne doit pas en être privé; et d'un autre côté, les vassaux ne doivent pas être surchargés: pour éviter cet inconvénient, il me paraîtrait juste d'arrêter que les vassaux qui voudraient franchir de cette manière, feraient faire un rôle d'égaïl entre eux, dans lequel serait d'abord employé, à l'article de chaque vassal, le principal au denier 20 de la rente, s'il en devait, et ensuite sa portion du principal du franchissement des droits casuels, relative à la valeur des terres qu'il posséderait, déduction faite des rentes qu'elles doivent ; de sorte que celui qui ne devrait point de rentes, ne payerait que sa portion des droits casuels : ils préviendraient le seigneur, en lui faisant notifier copie de l'arrêté quils auraient pris de franchir les droits de son fief en six années, avec copie du rôle, et qu'ils lui feraient le premier payement au premier terme où seront dues ses rentes. En faisant le premier payement qui sera d'un sixième, ils payeront les rentes échues et les droits casuels, en ce qu'il en serait dû. L'année suivante, au second payement, ils ajouteraient au second sixième les intérêts du principal des cinq sixièmes, lesquels intérêts tiendraient lieu des rentes et droits. Au troisième payement, ils ne payeraient que quatre sixièmes des intérêts \ de sorte qu'au sixième payement, ils n'ajouteraient au sixième du principal que le sixième de l'intérêt.
Le franchissement du droit de rachat souffre beaucoup moins de difficultés, parce qu'il est évalué par l'article 249 de la coutume, au 31e de la valeur du fonds. Estimation qui ne peut se faire par la déclaration du vassal, de la même manière qu'on a indiquée pour les lods et ventes qui seront franchis partiellement, sauf au seigneur à demander l'estimation par expert, ainsi qu'on l'a expliqué, s'il trouve que l'évaluation faite par le vassal soit insuffisante, et parce quil
ne peut se faire que partiellement par chaque * vassal.
Le vassal pourrait aussi être autorisé à abandonner au seigneur, pour demeurer quitte du droit de rachat à l'avenir, une année de la jouissance du bien qui y est sujet; ce qui pourrait être plus commode pour le vassal, quoiqu il excédât l'estimation sur le pied du trentième. Cet excédant serait compensé en ce que le vassal aurait l'avantage d'applanir toute difficulté sur l'estimation.
L'article 6 des décrets déclare franchissables les rentes foncières à quelques personnes qu'elles soient dues, et les droits de champart, féodal ou censuel, suivant le taux qui sera fixé par l'Assemblée.
Les rentes foncières étant évaluées au denier 20 par la coutume, on croit qu'il n'y pas d'injustice à en fixer le rachat sur le même pied, comme pour les rentes des fiefs, séparées des autres droits féodaux, et de suivre les autres règles établies pour les rentes féodales, soit qu'elles soient dues en argent, en grains, ou autres denrées : qu'elles soient solidaires, ou qu'elles ne le soient pas, qu'elles soient dues à devoir de portage, ou requérables.
On peut encore suivre la même règle de l'estimation au denier 20, pour le rachat du droit de champart féodal ou censuel, en observant ce qui a été dit au sujet des lods et ventes et rachat, sur la déclaration du vassal, pour l'appréciation du droit, sauf au seigneur, qui croirait l'évaluation du vassal trop faible, à demander qu'elle soit faite par experts, eu égard à ce que le terrain pourrait lui produire année commune, après déduction des frais qu'il est tenu de faire pour percevoir son droit de champart. Les frais des experts supportables par le vassal, si l'estimation faite par sa déclaration était d'un sixième, au-dessous de celle des experts, et par le seigneur, si cette différence ne se trouvait pas de moins dans la déclaration du vassal.
Ce qu'on vient de dire pour le rachat du droit de champart, peut s'appliquer au rachat des dîmes inféodées, ou pour mieux dire, des dîmes possédées par les laïques ; car les vraies dîmes inféodées sont des champarts féodaux : j'ajouterai seulement que si un canton entier voulait se racheter de la dîme par un seul payement, on pourrait prendre pour règle de l'estimation les trois derniers baux des dîmes du même canton s'il y en avait eu.
Quoique ce qui concerne les dîmes en général, soit plus particulièrement de la compétence du comité ecclésiastique, que de celui de la féodalité, ie rappellerai ici ce que j'ai déjà dit, qu'en Bretagne il y a beaucoup de paroisses où les dîmes sont possédéès en entier, ou en grande partie par des laïques; et j'observerai que ces dîmes étant assujetties solidairement à celles possédées par les ecclésiastiques au payement des curés et vicaires, l'entretien des ornements et livres nécessaires pour le service divin, et aux réparations des chœurs et chanceaux, on ne peut songer au rachat de ces dîmes ou portions de dîmes, qu'après qu'il aura été prélevé dessus tout ce qu'on jugera nécessaire de prélever sur les dîmes, pour la nourriture des curés et l'entretien de leurs presbytères, celle des vicaires, les ornements et réparations des églises, puisque ce sont des charges qu'elles doivent supporter, et que ce sera seulement l'excédant qui sera remboursable aux propriétaires des dîmes.
Agir autrement, ce serait abuser de l'injustice
que les grands bénéficiers ont fait au clergé utile, en ne lui attribuant pour portion congrue que la moitié de ce qui lui était nécessaire pour sa subsistance. Car il est incontestable que si les grands bénéficiers, devenus équitables, avaient attribué aux curés une pension de 12 à 1,500 livres au lieu de 7, les possesseurs laïques des dîmes eussent été obligés d'y contribuer, au cas d'insuffisance de celles possédées par les ecclésiastiques, sans pouvoir s'en plaindre, et qu'ils ne peuvent pas trouver plus mauvais de le faire aujourd'hui, que la nation établit une «règle plus juste, en faveur des curés et de leurs vicaires.
Des droits d'usage dans les forêts.
Les droits d'usage que les habitants de quel-
Îues villages voisins des forêts, ont d'y prendre
u bois pour leur chauffage, et pour bâtir leurs maisons, sont sans doute du nombre de ceux qu'il est permis de franchir"; mais seront-ils franchis en argent, à la volonté des seigneurs, sur le pied du denier 20, de l'estimàtion que le seigneur en ferait par sa déclaration, sauf aux vassaux à faire vérifier cette estimation par experts, mais, ainsi que je l'ai déjà rapporté plusieurs fois pour les lods et ventes et autres objets, ou les seigneurs seront-ils tenus de céder aux habitants de ces villages, une étendue de terrain, à leur proximité, dans les forêts, équivalente aux droits qu'ils y ont?
Comme dans bien des cantons les habitants n'auraient aucuns taoyens de suppléer à la privation des droits d'usage, pour leur chauffage et bâtisse de leurs maisons, faute d'autre bois à leur proximité, et qu'eux seuls peuvent bien juger des moyens de suppléer à cette privation, je pense que l'option doit leur être déférée, et qu'elle doit être déterminée par le suffrage du plus grand nombre des habitants, eu égard .au nombre des maisons que chaque habitant y possédera, ou au moins par avis d'experts convenus ; car les priver d'une chose aussi nécessaire à la vie, que l'est le bois, ce serait les forcer d'abandonner leurs possessions, s'ils n'en trouvaient pas ailleurs à un prix modéré.
Comment se fera la désignation de l'étendue du terrain, que les seigneurs devront abandonner dans leurs forêts aux habitants, en comparaison de leur droit d'usage ; je pense qu'elle se doit faire par experts aux frais communs des habitants, et qu'elle doit être relative à ia consommation qu'en peuvent faire ceux-ci, eu égard au nombre de leurs maisons, et qu'on ne doit en donner une plus grande ou moindre étendue, suivant que le quartier de forêt sera plus ou moins peuplé; mais que les seigneurs doivent désigner les lieux, pourvu qu'ils le fassent à la proximité des villages ou hameaux.
Des droits de communer dans les terres vagues.
Lorsque les vassaux sont inféodés du droit de communer dans les terres vaines et vagues d'une seigneurie, ou d'un fief, comment les seigneurs et vassaux s'accorderont-ils pour user chacun de leurs droits? Car, comme je l'ai observé, le droit de communer n'est pas une propriété entière et parfaite; cependant on ne peut pas disconvenir qu'elle en fait une grande partie; et que le seigneur qui a accordé ce droit à ses vassaux ne peut, sans leur consentement, disposer d'aucune portion des terres vagues, parce que leur droit est établi sur la totalité.
Comme il n'y a point de règle à cet égard en Bretagne, ne pourrait-on pas adopter le partage établi par l'ordonnance de 1669, et qui est proposé par M. Potier de la Germondois, dans son livre du gouvernement des paroisses pour la Bretagne ; mais sans considérer si la concession du seigneur est à titre onéreux, ou si elle ne l'est pas, par la raison qu'en Bretagne les rentes ne sont pas de l'essence de la féodalité, ni même des droits naturels des fiefs, mais seulement des droits accidentels, sans lesquels l'afféagement est valable.
Ce partage paraît même devoir s'appliquer avec plus de justice aux terres vaines et vagues, sur lesquelles un seigneur a concédé le droit de communer à ses vassaux, qu'aux biens communaux , dont les habitants d'une paroisse sont propriétaires dans d'autres provinces, et auxquels le seigneur, qui les a une fois donnés, ne paraît pas devoir en reprendre aucune portion.
Peut-être serait-il plus conforme aux usages admis dans d'autres provinces, de donner aux vassaux ainsi inféodés du droit de communer, une portion des terres vagues, dans chaque fief où il s'en trouve, pour pacager leurs bestiaux, et qui serait proportionnée à la- quantité de ceux qu'ils peuvent nourrir avec les pailles et foins qu'ils cueillent sur les autres terres du même fief*
Cependant je préférerais le partage au cantonnement; car comme il y a beaucoup de fiefs où il y a peu de terres vagues, le cantonnement en absorberait souvent la totalité, et le seigneur n'y pourrait prétendre aucune portion; ce qui ne serait pas juste, puisqu'il n'a pas concédé l'entière propriété. D'ailleurs, le cantonnement ne me semble pas avoir de règle fixe, et laisser beaucoup d'arbitraire dans sa détermination.
Le partage étant fait entre les seigneurs et les vassaux, ou le cantonnement désigné, ne pour-rait-on pas autoriser les derniers à diviser entre eux ce qui leur serait échu de terres vagues, eu égard à ce que chacun d'eux posséderait d'autres terres sous le même fief, afin que chacun d'eux puisse les cultiver et les mettre en valeur.
Comme pour tous les droits féodaux le seigneur' ni le vassal ne sont point tenus de s'aller chercher hors du fief, ou de la seigneurie, il paraîtrait convenable d'obliger chaque seigneur, qui possède des fiefs éloignés de son domicile, de désigner dans sa seigneurie, ou dans la ville du district de sa situation, une personne à laquelle les vassaux pourraient s'adresser pour régler leurs franchissements, et faire notifier toutes actions y relatives: de même nommer dans chaque district une personne à laquelle les vassaux pourraient payer les prix des franchissements des rentes féodales et foncières, et autres droits féodaux, dépendants des bénéfices, et des domaines de la Couronne.
J'observerai que l'Assemblée nationale ferait un grand bien à la province de Bretagne, si elle voulait prendre en considération les défrichements des terres vaines et vagues, et les favoriser; ne pourrait-elle pas statuer, que ceux qui défricheront ces sortes de terres seront exempts de payer aucun impôt pendant 15 ou 20 ans ; et qu'au contraire ceux qui ne le feront pas passé un délai de 8 ou 10 ans, payeront pour cés terres incultes les mêmes impôts qu'on paye sur les autres terres qui les joignent? Il y a tout lieu d'espérer que ce seul encouragement réussirait, d'après le succès qu'a eu l'exemption de dîmes pendant 15 ans, prononcée par une déclaration faite en 1768, pour la même province.
Quelques seigneurs propriétaires, de grandes terres -vagues, objecteront peut-être qu'il serait dur de leur faire payer des impôts pour des terres qui ne leur produiront rien, tandis que, par l'abolition des fiefs et des rentes foncières, on les a privés de la ressource de les inféoder ou arrenter; je répondrai qu'ils peuvent encore les vendre par petites portions, ou les donner à rentes franchissables ou à bail à longues années; j'ajouterai qu'il est nécessaire de donner de l'encouragement aux cultivateurs bretons, parce que dans cette province l'agriculture est très-négligée, et qu'en général les terres y sont de mauvaise qualité et difficiles à travailler, et qu'améliorer l'agriculture, c'est augmenter la source de richesses la plus convenable à un grand empire.
On pourrait encore engager le Roi à céder gratuitement aux municipalités ce qu'il possède de terres vagues dans chaque paroisse, à charge aux municipalités de les partager aux plus pauvres habitants, et de même engager tous les seigneurs à diviser en petites fermes leurs grandes terres ; ils les affermeraient par proportion beaucoup plus, et il en résulterait un grand avantage pour le royaume , étant reconnu qûe plusieurs petites fermes produisent beaucoup plus en grains, fruits et bestiaux, qu'une grande de même étendue. D'ailleurs, à ce moyen, au lieu d'enrichir un seul fermier, on en mettra plusieurs dans l'aisance, et on retiendrait dans les campagnes un grand nombre d'hommes qui vont se réfugier dans les villes, où ils sont souvent inutiles, et quelquefois dangereux.
Motion de M. de Robespierre au nom de la province d'Artois et des provinces de Flandre, de Hainaut et de Cambrésis, pour la restitution des biens communaux envahis par les seigneurs (1).
Messieurs, nous venons vous offrir l'une des plus belles occasions qui puissent se présenter à vous de signaler ce zèle pour les intérêts du peuple et pour le bonheur de l'humanité qui est à la fois le premier de tous vos devoirs, et le plus actif de tous vos sentiments.
Vous avez détruit entièrement le régime féodal; avec lui, doivent disparaître non-seulement tous les droits onéreux ou humiliants qui en dépendent, mais encore, et à plus forte raison, tous les abus et toutes les usurpations dont il est la source ou le prétexte. Telle est celle dont nous proposons dë vous entretenir.
Les villages, bourgs et villes de l'Artois possédaient paisiblement, depuis un temps immémorial, des propriétés sur lesquelles reposaient, en grande partie, la richesse et la prospérité de cette province et principalement de nos campagnes.
C'étaient surtout des pâturages, des marais, d'où l'on tirait une grande quantité de tourbe nécessaire pour suppléer à la rareté du bois dont la disette est grande et le prix excessif dans cette contrée. A la conservation de ces propriétés étaient attachés presque généralement, l'abondance des bestiaux, la prospérité de l'agriculture, Je commerce, les lins(2) quifaisaient vivre une partie
de ses habitants, et la subsistance d'une multitude innombrable de familles.
Mais elles ne purent échapper aux attentats du despotisme.
Les intendants et les états d'Artois, qui se disputèrent et conquirent tour à tour, par des arrêts du conseil l'administration de ces biens commua naux, qu'ils enlevèrent aux communautés, nous laissèrent incertains laquelle de ces deux espèces d'administration nous avaient opprimés, par des injustices et des vexations plus craintes.
Conversions arbitraires des pâturages et des
règlements tyrannicrues dont l'objet chir les agents de l'administration aux dépens des citoyens ; aucune de ces vexations ne nous fut épargnée.
L'une des plus révoltantes fut sans doute celle qui nous ravit une partie de nos biens communaux, pour les faire passer entre les mains des seigneurs.
On connaît l'ordonnance des eaux et forêts de 1669, qui, par un article, adjuge aux seigneurs le tiers des biens qui appartenaient aux communautés, avec ces deux modifications : 1° si les deux autres tiers sont suffisants aux besoins des communautés ; 2° s'ils ont été originairement concédés à titre gratuit.
Cette disposition, mitigée par deux exceptions si bizarres et dont l'application était nécessairement arbitraire, ne pouvait jamais être qu'un attentat à la propriété et aux droits inviolables du citoyen. Qu'importe en effet que mes biens soient au niveau ou au-dessus de mes besoins ? Cétte circonstance peut-elle vous autoriser à me les voler ? Qu'importe encore que je les aie acquis à titre gratuit ou à titre onéreux ? Dans le second cas ils sont sacrés comme le contrat de vente; dans le premier ils sont sacrés comme le contrat de donation; dans l'un et l'autre, ils sont sacrés comme les droits de la propriété. Par conséquent l'acte qui dépouillait les peuples des biens qui leur avaient été dévolus par une antique concession, pour en investir quelques hommes privilégiés, n'était qu'une infraction absurde des premiers principes de la justice et de l'humanité. • : PU | o
S'il était essentiellement nul, dans quelque lieu que ce fût, à plus forte raison devait-il l'être, dans la province d'Artois qui, d'après ses lois particulières, doit être affranchie de l'ordonnance des eaux et forêts.
Cependant dans la suite, le droit du plus fort introduisit cette vexation dans notre province ; et les seigneurs envahirent, sous le nom de triage, une grande partie des propriétés de leurs vassaux.
L'une des époques les plus mémorables de ces injustices fut l'année 1779. .
Ce fut alors que les Etats d'Artois formèrent la coupable entreprise de dépouiller les commun au- tés qui avaient échappé aux brigandages précédents, sous le prétexte de partager leurs biens et de les convertir en terres labourables. Ce fut alors qu'après avoir essayé les menaces, les artifices, les séductions, les persécutions secrètes, pour les amener à adopter ces opérations ruineuses, ils surprirent clandestinement et firent presque en même temps enregistrer à leur insu, au parlement de Paris, des lettres patentes qui ordonnent le partage de ces propriétés, de manière que le tiers des biens communaux prétendus concédés par le seigneur, à titre gratuit, sera adjugé
au seigneur, et le 6e de ceux qui étaient possédés à titre onéreux.
Ainsi par cette dernière clause qui était l'objet évident de toute cette trame, on enchérissait encore sur l'article inique de l'ordonnance de 1669, qui ne comprenait que les tyiens concédés à titre gratuit, avec la condition que nous avons déjà indiquée, en comprenant dans cette usurpation le 6e des biens acquis à titre onéreux, qu'elle exceptait formellement. Nos concitoyens opprimés réclamèrent contre cet attentat : mais la commission intermédiaire des Etats d'Artois, rendait des ordonnances et les dépouillait par provision, et leurs réclamations mêmes étaient punies comme des crimes. Nous avons vu ses ordres arbitraires plonger dans les prisons une multitude innombrable de citoyens qui n'avaient commis d'autre faute que d'invoquer la protection des lois en faveur de leurs propriétés violées ; nous avons vu, pour la même cause, leurs cachots regorger longtemps des malheureuses victimes de leur tyrannie ; nous avons vu des femmes, mettre au monde et allaiter dans ces lieux d'horreur des enfants dont l'existence faible et languissante attestait sous quels auspices ils l'avaient reçue. Mais ce qu'on ne croira pas peut-être dans les lieux qui ne furent point le théâtre de ces scènes atroces, c'est que nous avons vu no3 oppresseurs parcourir, à main armée, nos campagnes comme un pays ennemi, pour subjuguer leurs paisibles habitants qui n'opposaient à leurs violences que des réclamations juridiques; c'est que l'un des membres de notre commission intermédiaire, après avoir présenté aux ministres les citoyens ies plus pacifiques comme des rebelles armés contre l'autorité, a conduit des troupes réglées contre nos bourgades qu'il a investies, au milieu de la nuit, et dont les habitants arrachés au sommeil, fuyants comme dans une ville prise d'assaut, étaient arrêtés par ses satellites et traînés en prison comme des criminels; crime si atroce que bientôt les ministres eux-mêmes détrompés de ces grossières impostures, se hâtèrent de désavouer les ordres militaires qu'on leur avait surpris. Et quel était le principal agent de ces horribles manœuvres? Un député du tiers état, qui, réunissant à cette qualité celle d'agent d'un grand seigneur, avait formé le projet de désoler son pays, pour livrer à son maître des propriétés immenses que l'inique partage devait
lui procurer..... Qui pourrait raconter tous les
maux, toutes les persécutions publiques ou secrètes que les malheureux habitants des campagnes ont souffertes pendant plusieurs années d'exactions, de violences et de procès ruineux ! Car plusieurs communautés eurent le courage d'en soutenir contre toute les intrigues et contre le crédit formidable de leurs oppresseurs ; et au parlement de Paris et au conseil d'Etat... Enfin celles dont les biens n'avaient pu encore être partagés obtinrent par un arrêt la permission de les conserver.
Mais toutes ont conservé le cruel souvenir de tant d'injustices, et l'un des objets que nos commettants nous ont recommandés avec le plus d'intérêt et d'unanimité est le soin de vous en demander la réparation, et de solliciter auprès de vous une loi, qui rende à celles dont les pâturages et les marais ont été mis en culture le droit de les remettre à leur premier usage, s'ils jugent que leur intérêt l'exige, et qui restitue à toutes lapor-tion considérable qui leur a été injustement ravie avec les fruits perçus depuis 1762, époque du premier arrêt surpris pour Yitry.
Les mêmes droits et des circonstances semblables ont dicté le même vœu à toutes les provinces Belgiques, où les communautés dépouillées par les manœuvres du despotisme et de l'aristocratie, attendent avec impatience la restitution et la justice qui leur sont dues.
Les vexations qu'elles ont éprouvées offrent même cette circonstance particulière que la cupidité et l'injustice leur ont enlevé par des arrêts du conseil, non-seulement le tiers des biens concédés à, titre gratuit ; non-seulement le 6e de ceux qui avaient été acquis à titre onéreux ; mais même le tiers de cette dernière espèce de propriété.
Et d'ailleurs quel Surcroît d'iniquité dans tous ces pâturages essentiellement iniques par eux-mêmes 1 Il est des seigneurs, qui en ont envahi la moitié; une foule d'autres, au lieu de prendre en une seule masse la part qu'ils s'attribuaient ont choisi pour leur lot, diverses portions éparses qui était à leur convenance, de manière qu ils ne peuvent pas même en jouir sans traverser, sans; gêner, sans détériorer celles qu'ils ont laissées aux habitants... Partout enfin la tyrannie féodale a ajouté à ses injustices les preuves de ce mépris insultant pour les droits des hommes, qui la caractérise.....
Il dépend de vous, Messieurs, de réparer aujourd'hui ses ravages, après avoir abattu sa puissance, et de faire bénir, par un seul acte, votre autorité tutélaire dans l'étendue d'une vaste contrée. Nous ne voyons pas du moins quelle objection nous pouvons prévoir ici contre une pareille demande.
La justice exige en général la restitution de tous les biens dont les communautés ont été dépouillées même en remontant à l'époque de l'ordonnance de 1669 ; mais il en est ici une très-grande partie, à l'égard desquels cette question est décidée par des raisons particulières et singulièrement péremptoires, même dans tous les systèmes.
Rappelons-nous d'abord que l'ordonnance de 1669 faisait présent aux seigneurs, du tiers des biens appartenait aux communautés, à deux conditions: la première que ces biens auraient ; été concédés gratuitement, la seconde, que les deux autres tiers seraient suffisants pour les besoins des habitants.
Or, indépendamment des deux exceptions établies, par cet article, il est évident que jamais il n'a pu transmettre aux seigneurs la propriété d'aucune partie de ces biens.
En effet, sans compter d'abord que rien n'est si, difficile à reconnaître, ni sujet à une décision arbitraire que lé titre primitif de qes possessions; sans compter que si l'on remonte ici a la véritable origine de la propriété, il est de fait qu'elles appartenaient d'abord et par le droit aux peuples ; et qu'il n?y a pas plus de raison de s'arrêter à l'épo-i que de la possession des seigneurs, que de se reporter à celle de la propriété du peuple ; que; souvent ces prétendues concessions n'ont jamais, été vérifiées, et que, dans ce cas* les biens, devaient être présumés avoir toujours appartenu aux corn- -munautés malgré la maxime féodale contraire ; : il suffit d'observer, comme nous l'aVons déjà fait,; ; qu'à quelque titre que les, communautés lussent; ; propriétaires au temps de l'Ordonnance de 1669, à titre gratuit ou à jtitre onéreux, leurs. propriétés n'en étaient pas moins inviolables y que par. conséquent, lorsque cle despotisme aristocratique et ministériel; entreprit d'èn transférer une ; parties aux seigneurs, c'est-à-dire à, lui-même^ dl excéda évidemment sojlpouvoir,.et fitimon pas une loi,
mais un acte de violence et d'usurpation qui n'a jamais pu anéantir, ni altérer les droits imprescriptibles du peuple ; et il est impossible de voir dans l'exécution de cet ordre arbitraire et injuste rien autre chose qu'une spoliation violente et un vrai brigandage ; on sait que le brigandage et la rapine ne peuvent jamais constituer un titre de propriété. On sait même qu'un titre de cette espèce est un obstacle invincible à la prescription. Et d'ailleurs peut-on opposer la prescription au peuple? Peut-on opposer au peuple une possession quelque longue qu'elle ait été si elle était le fruit de l'oppression où il gémissait, et durant laquelle ses réclamations même auraient été punies comme des crimes ! Et ne sait-on pas encore, que même pour les particuliers, que même dans les causes civiles, la violence et la fraude opposent un obstacle insurmontable à la prescription ! Que sera-ce donc, dans la cause du peuple, dans la cause* de la liberté contre la tyrannie? Jadis on regardait comme imprescriptibles les aliénations du domaine, faites même sous les auspices de la bonne foi et sous le sceau d'un consentement libre ; et le patrimoine sacré du peuple pourrait être prescrit, lorsqu'il lui a été arraché par la force !
Mais à qui l'opposerait-on, cette prescription ? au Législateur lui-même. Car il n'est ici question que d'une loi à porter. Or, si le législateur peuf révoquer ses propres Ibis, à plus forte raison, le véritable législateur peut-il changer les ordonnances du législateur provisoire, qui s'était emparé de ses fonctions. Si le ministre de 1669 a pu enlever aux communes une partie de leurs biens, pour les donner aux seigneurs, à plus forte raison pouvez-vous la retirer aujourd'hui des mains de ces derniers pour la restituer aux légitimes propriétaires. Ou bien l'article de l'ordonnance de 1669 était nul, ou il était valide; dans le premier cas il ne peut nous être opposé; dans le second, la loi que vous ferez aujourd'hui aura au moins la même force et la même puissance ; et il y aura entre elle et l'édit ministériel, cette différence, que celui-ci n'était qu'un acte absurde et tyrannique, et que la vôtre, ouvrage de la volonté générale, réparera l'injustice qu'il a faite, et rétablira les droits de l'homme qu'il a violés....
On trouvera peut-être cette logique bien redoutable pour les seigneurs; nous en conviendrons volontiers, pourvu que l'on avoue qu'elle est aussi consolante pour le peuple et conforme à la justice et à l'humanité. Pourra-t-on bien nous objecter qu'elle blesse la propriété? mais que l'on nous dise donc quel est le véritable propriétaire, de celui qui a été dépouillé de son bien par la force, ou de celui entre les mains duquel ont passé ses dépouilles.
Dira-t-on que celui qui depuis a acquis ces biens de bonne foi, ne doit pas en être évincé? Mais tous ceux qui achètent le bien d'autrui, sont-ils dispensés par leur bonne foi de le rendre au vrai propriétaire ? Ce qu'un tel événement peut avoir de malheureux pour l'autre prive-t-il celui-ci de ses droits ? et certes quel est celui qui mérite ici plus d'égards et de commisération, ou du seigneur riche qui perdra un objet qui ne lui appartient pas, ou des malheureux vassaux à qui il faut le restituer? .
Voilà ce que nous opposons en général à l'ordonnance de 1669; mais indépendamment de toutes ces raisons, nous pourrions trouver dans ses disposions mêmes de quoi appuyer notre réclamation et nos raisonnements. En effet n'exige-t-elle pas cette condition, pour toucher aux biens
communaux, que les deux tiers restant, soient suffisants pour les besoins des habitants? mais, nous le demandons, quand cette condition a-t-elle été remplie ? Dans quels lieux s'est-on informé des besoins et des intérêts despeuples, pour l'appliquer? N'est—il pas constant, n'est-il pas notoire, que partout l'ambition et la cupidité ont étendu cette loi oppressive, sans aucune distinction? Et de bonne foi croit-on qu'en effet les seigneurs qu'elle favorisait étaient trop pauvres, et les infortunés habitants des campagnes trop riches, de manière qu'il fallût ôter à ceux-ci, pour donner à ceux-là? Tout ce que nous pouvons assurer, du moins pour nos provinces, c'est que ces injustes spoliations déguisées sous le nom de partage, c'est que les absurdes opérations qui ont changé l'état de leurs biens communaux, ont ruiné ou appauvri les communautés et les ont réduites presque partout à une profonde misère. Ainsi l'ordonnance de 1669 condamne elle-même toutes ces infractions des droits de la propriété, et elle a toujours réclamé contre elles, puisque la condition même à laquelle elle les avait attachées n'a pas été remplie.
Mais ce que nous venons de dire, ne regarde que les biens communaux prétendus concédés à titre gratuit; mais ceux qui n'avaient été concédés par les seigneurs en aucune manière et qu'ils ont envahis! Mais ceux qui étaient acquis a titre onéreux, et qu'ils ont usurpés ! sous quel; prétexte se dispensera-t-on de les restituer, lorsque l'ordonnance, même qui était le prétexte de ces usurpations, les proscrit elle-même expressément? Or, il en est une foule de ce genre, dans toutes les parties de la France, et surtout, dans les pro-vinces dont nous réclamons les droits.
Vous avez déjà vu entre autres; des ordres arbitraires surpris au ministère, même à une époque très-récente, en enlever le sixième aux communautés de l'Artois; vous avez vu la Flandre dépouillée du tiers de ces biens, exceptés même par l'ordonnance de 1669, sans compter les vexations plus grandes qui ont encore excédé ces bornes.
Dira-t-on, par exemple, que les infâmes intrigues, que les attentats multipliés contre la liberté dont nous avons rendu compte, sont devenus des titres de propriété contre ceux de nos concitoyens qu'ils ont opprimés 1 Quel est celui qui osera soutenir, dans l'Assemblée des représentants du peuple, qu'il est déchu de ces droits, dès qu'il a plu à quelques tyrans de les lui ravir; que ie vol et la rapine peuvent lui être opposés pour l'en dépouiller, tandis qu'on ne les regarderait que comme des motifs de restitution dans la cause d'un particulier?...
Mais, vous, Messieurs, votre jugement sur ce point est déjà prononcé d'avance, par celui qui a
Sroscrit le régime féodal. Il survivrait à lui-même ans ce qu'il eut jamais de plus odieux, si l'oppression dont nous parlons pouvait se prolonger. N'est-ce pas à titre de seigneurs, n'est-ce pas en vertu de la puissance féodale, que l'on s'est emparé des biens que nous réclamons? Comment donc pourraient-ils les conserver quand la puissance féodale n'est plus? si des droits qui avaient au moins quelque chose de légitime dans cet ancien système sont anéantis, comment des usurpations, que l'injustice féodale elle-même aurait proscrites, pourraient-elles subsister? après avoir déclaré qu'en France les terres devaient être libres, comme les personnes, et affranchies par conséquent de toutes .charges seigneuriales, comment laisserez-vous ces biens eux-mêmes
entre les mains des seigneurs qui les ont usurpés par le plus criant abus de leur pouvoir?
Quelques-uns, dit-on, voudraient nous proposer de consacrer tous ces actes d'oppression, sous le prétexte qu'une conduite contraire donnerait un effet rétroactif à votre loi; mais quel autre effet une loi, qui ordonne des restitutions nécessaires, peut-elle avoir, que celui de retirer les biens qui en doivent être l'objet, des mains de ceux à qui ils n'appartiennent pas, pour les rendre aux propriétaires ? ce n'est point là un effet rétroactif; c'est l'effet naturel et essentiel de la loi.
Quand vous éteignez un droit seigneurial qui était perçu annuellement, la charge dont vous voulez délivrer le peuple, disparaît entièrement : mais à l'égard des biens qui lui ont été ravis, sous le nom dé triage ou autrement, si vous vous contentez de dire : « Le triage à l'avenir, sera supprimé ; » vous laissez subsister la spoliation dont il est la victime ; vous dites bien, « à l'avenir il ne sera plus permis d'attenter à la propriété du peuple; e mais vous dites en même temps. « ses oppresseurs Continueront de jouir de la propriété qu'ils s'attribuent sur une partie de ses biens, » et sous le prétexte : chimérique de ne point donner à la loi un effet rétroactif qui n'existerait pas, vous prolongez réellement dans l'avenir, la privation funeste des droits dont il a été dépouillé, et le plus odieux monument de l'empire féodal.
Saisissez donc, Messieurs, avec empressement cette occasion facile que nous vous présentons, d'accorder au peuple un grand bienfait. Tant d'obstacles s'opposent souvent à votre zèle pour le bonheur de l'humanité ! Profitez de ce moyen de le satisfaire, au moins en partie. Hélas! dans ce moment même que les puissants ennemis du bien public s'efforcent d'aggraver la misère de nos concitoyens, par d'injustes alarmes, par des soupçons sinistres et par mille intrigues odieuses; grâce à leurs funestes soins ce peuple souffrant ignore jusqu'aux lois bienfaisantes par lesquelles vpus avez préparé le bonheur de la nation entière. Dissipez, Messieurs, dissipez ces nuages alarmants, qui s'èlèyent pour obscurcir l'aurore de la liberté naissante. Portez dans les cœurs inquiets et abattus l'espérance, la consolation et la joie,; par un acte éclatant de justice et d'humanité, qui leur montrera toute la différence qu'ils doivent mettre entre les représentants du peuple et ceux qui cherchent à le tromper, après l'avoir opprimé. Hâtez-vous de leur donner ce gage du bonheur dont ils seront redevables à vos travaux, et de conquérir, pour ainsi dire, cinq provinces de plus à la constitution et à la liberté!
Lettre de plusieurs membres de l'Assemblée nationale à leurs commettants des provinces de Flandre et du Cambrésis.
(Nota. Ce document a été inséré au Moniteur du 10 décembre 1789. Nous avons pensé qu'il devait également trouver place dans les Archives Parlementaires.)
Messieurs, envoyés par vous à l'Assemblée nationale, et toujours tendrement attachés aux provinces dont votre choix nous a confié les intérêts en même temps que ceux de la nation, nous ne pouvons vous dissimuler plus longtemps ni la
douleur profonde, ni les inquiétudes amères dont nous accablent les libelles et lés propos séditieux que font circuler au milieu de vous vos plus grands ennemis. Ces esprits pervers, désespérés ae ne pouvoir maintenir par la force les abus dont ils se sont engraissés si longtemps, cherchent à les reconquérir par la ruse. Né pouvant plus vous tyranniser ouvertement, ils entreprennent de vous séduire. A les entendre, l'Assemblée nationale n'a rien fait pour votre bonheur, et vous avez tout à craindre de l'exécution de ses décrets. Voilà, en deux mots, à quoi se réduisent leurs clameurs insidieuses. L'Assemblée nationale n'a rien fait pour votre bonheur !
Mais auriez-vous oublié, Messieurs, qu'elle vous a déchargés des impôts les plus désastreux qui excitaient journellement vos plaintes, la dîme et le droit de franc-fief?
Qu'elle vous a déclarés tous égaux en droits, tous admissibles aux emplois, aux places, aux dignités quelconques, sans autre distinction que celle des vertus et des talents?
Qu'elle a détruit entièrement lé régime féodal; et que si par là elle a, comme elle le devait, laissé subsister les propriétés et les droits légitimes des seigneurs, elle a du moins révoqué toutes les usurpations qu'on s'était permises contre votre liberté?
Qu'elle vous a délivrés du fléau des justices seigneuriales, qui tout à l'heure vont être irrévocablement anéanties?
Qu'elle s'est engagée de vqùs faire administrer gratuitement la justice, par des juges que vous Choisirez vous-mêmes, engagement qui sera réalisé sous très-pèu de mois ?
Qu'elle va, dans l'instant, vous donner des municipalités et des assemblées provinciales, dont vos seuls suffrages nommeront tous les membres, et qui vous délivreront pour toujours des intendants ét des subdélégués ?
Qu'elle a affranchi vos terres du droit exclusif de la chasse, et vous a rendu le droit que vous tenez de la nature, de tuer le gibier qui dévaste vos champs?
Qu'elle a aboli tous les privilèges, toutes les exemptions qui, en matière d'impôts, surchargeaient le pauvre pour alléger le riche ?
Qu'elle vous à mis pour jamais à l'abri des impôts qui ne seraient pas nécessités par les véritables besoins de l'Etat, et que vous n'auriez pas expressément consentis par l'organe de vos représentants?
Qu'elle a élevé un mur inébranlable entre votre liberté et les ordres arbitraires, et vous a rendus indépendants de toute autre autorité que de celle de la loi et des officiers publics qui commandent en son nom?
Qu'elle a mis la loi elle-même dans vos mains, en établissant pour principe fondamental que le pouvoir de la faire n'appartient qu'à la nation; représentée par ses députés librement élus?
Que par ces deux dernières dispositions elle a fait de vous un peuple parfaitement libre, puisque la liberté consiste à n'obéir qu'aux lois émar nées de la volonté générale?
Que, par ces mêmes dispositions, elle vous a préservés à jamais des malheurs que le despotisme et des erreurs ministérielles avaient accumulés sur vos têtes sous l'ancien régime ?
Qû'en s'occupant de l'établissement d'un nouvel ordre dans les finances, elle vous prépare une diminution d'impôts qui deviendra progressivement très-sensible?
Qu'enfin, dans tous ses travaux, elle n'est oc-
cupée que de votre soulagement, de votre félicité, et que c'est à ce grand but que tendent toutes ses sollicitudes et tous ses efforts ?
Que n'êtes-vous, Messieurs, témoins comme nous des intentions patriotiques qui animent cette Assemblée! Gomme nous, vous en seriez attendris, et comme nous, vous diriez que la France ne peut manquer d'être heureuse, si elle sait profiter des moyens que ses représentants lui fournissent pour le devenir.
Qu'auriez-vous donc à craindre, Messieurs, de l'exécution des décrets d'une Assemblée si constamment occupée de votre bonheur ? On affecte de vous en présenter quelques-uns comme contraires à vos intérêts, et dangereux pour nos provinces. Mais quel s sont ces décrets ?
Serait-ce, comme on ose l'avancer dans quel-
ues brochùres incendiaires, celui qui soumet les
roits féodaux au rachat? Mais ce décret vous force-t-il de racheter les droits féodaux dont peuvent être grevés vos biens-fonds ? Non, il vous le permet seulement ; c'est une faculté dont vous n'userez que lorsque vous le croirez avantageux, comme le débiteur d'une rente constituée ne la rembourse que lorsqu'il y trouve son utilité.
Serait-ce, comme on le soutient dans les mêmes brochures, le décret qui déclare la dîme supprimée? Mais quand on supposerait, ce qui n'est pas, que cet impôt (car c'en est un, et ce n'est pas autre chose, quoi qu'en disent la mauvaise foi, le préjugé et l'ignorance), quand on supposerait que cet impôt dût être remplacé par une contribution pécuniaire, n'auriez-vous pas encore assez gagné par sa suppression ? Quel est celui d'entre vous qui, chaque année, ne payerait pas de bon cœur 20 ou 30 sous par mesure de terre, pour s'exempter de payer en nature cette dîme qui enlève une aussi belle et aussi précieuse partie de la récolte?
Nous disons quand on supposerait, car ce n'est qu'une supposition. L'Assemblée nationale n'a encore rien prononcé là-dessus; et il est très-certain que les biens-fonds du clergé, mieux distribués et répartis avec sagesse, suffiront, et beaucoup au delà, surtout dans nos provinces, pour subvenir à toutes les dépenses du culte divin.
Serait-ce le décret qui déclare que les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation? Mais rappelez-vous que ce même décret les laisse sous la surveillance des provinces ; et, d'après cela, soyez bien sûrs qu'ils ne seront jamais exposés ni à la dilapidation, ni au gaspillage dont on vous menace; soyez sûrs aussi, et c'est une vérité dont nous nous rendons tous garants, que l'Assemblée nationale est trop juste, trop sage, trop attachée à la religion dans laquelle nous avons le bonheur de vivre, pour réduire les ministres des autels à une condition avilissante, et ne pas leur procurer une subsistance aussi honorable pour eux qu'utile aux pauvres qui les entourent.
On cherche encore, Messieurs, â vous alarmer sur les suites du décret qui a déclaré la chasse libre à tout propriétaire sur son terrain. Mais qu'on y prenne donc garde : ce même.décret annonce qu'il sera fait des lois pour concilier cette liberté avec la sûreté publique ; et ces lois, l'Assemblée nationale les prépare actuellement : sous très-peu de temps vous les verrez paraître.
Un autre décret, contre lequel on voudrait bien aussi exciter vos mécontentements, c'est celui qui supprime les privilèges des provinces et des villes. A cet égard, Messieurs, le procès- verbal de la séance du 4 août fait foi que ce n'est ni d'après notre renonciation, ni d'après nos offres, que
cette suppression a été prononcée. Nous n'avons fait, dans cette séance, que le sacrifice de nos Etats provinciaux, et vous savez, Messieurs, quelle est la valeur de ce sacrifice. Ce que l'Assemblée nationale a statué sur les privilèges de notre pays, elle l'a statué d'office, et par sa pleine puissance législative; du reste, elle ne vous â rien ôté par ce décret, elle a seulement étendu aux habitants des autres provinces les avantages dont vous jouissiez. Ouels sont, en effet, vos principaux privilèges ? Ce sont l'exemption de la gabelle et le droit ae ne pouvoir être atteints en justice que par devant les juges naturels. Eh bien ! , l'Assemblée nationale, vous fera-t-elle le moindre tort, en déclarant qu'à l'avenir on ne payera plus la gabelle en France, et que chacun, dans toute l'étendue du royaume, ne pourra être jugé que par le tribunal dont sa résidence le rend justiciable? N'est-il pas évident, au contraire, qu'en faisant de vos privilèges le droit commun ae tous les Français, elle leur donnera une nouvelle force, et ies rendra bien plus inexpugnables qu'ils ne l'étaient, lorsqu'ils n'avaient que vous pour défenseurs?
Ne craignez pas, au surplus, que l'on vous fasse supporter le remplacement de la gabelle. Les provinces soumises à cet impôt odieux sont trop justes pour ne pas sentir que ce remplacement ne doit tomber que sur elles, et déjà elles ont manifesté leur intention de s'en charger seules.
OU voudrait vous faire regretter particulièrement lé privilège que nous avions, comme pays d'Etats, dè n'être imposés que de notre consentement. Mais lequel vaut mieux pour vous, ou de n'avoir à opposer contre les demandes du fisc que vos refus isolés, ou de pouvoir leur opposer les refus unanimes de toute la nation? Le Dauphiné vous a donné là-dessus un grand exemple, lorsqu'en 1788 il a constitué ses Etats provinciaux, il leur a défendu expressément de consentir aucun impôt, et n'a voulu dépendre, à cet égard, que de la nation assemblée ; tant il lui a paru 'évident que laisser l'impôt à la discrétion d'une province, c'est livrer cette province à toutes les fantaisies déprédatrices du fisc.
Ah, messieurs! croyez à l'Assemblée de vos représentants; honorés, de votre confiance, ils ne sont pas capables de la trahir ; c'est votre bonheur qu'ils font ; ceux qui les détractent dans vos esprits ne sont, sous le masque d'amis dë la félicité publique, que les défenseurs des anciens abus; et leur but n'est que de vous livrer à la discorde, pour en faire sortir la restauration du régime oppresseur dont nous avons heureusement secoué le joug.
La paix, Messieurs, la paix ! Nous vous la demandons au nom du monarque chéri, du Roi-citoyen qui sait, si bien aimer les lois dont l'exécution lui est confiée J nous vous la demandons au nom de l'union intime que ce prince vertueux a attesté lui-même, par l'arrêt du conseil du 8 de ce mois, régner entre lui et l'Assemblée nationale ; nous vous la demandons au nom de la patrie, au nom de vos femmes, au nom de vos enfants; nous vous la demandons enfin au nom de nos provinces entières. Jusqu'à présent nos provinces se sont distinguées par le caractère doux et paisible de leurs habitants; voudraient-elles changer aujourd'hui ce caractère heureux? Voyez le sang qui coule à longs ruisseaux chez nos voisins, et jugez, par cette leçon terrible, combien il vous importe de fermer l'oreille à ces
esprits inquiets et méchants,. qui cherchent à semer au milieu de vous la dissension.
.Nous sommes avec respect, etc., etc.
Séance du
La séance commencé par le compte rendu des adresses suivantes : ,
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion des trois municipalités établies en Auvergne dans la ville d'Ariane, dans le bourg d'Ariane et dans le quartier de Chamceaux en dépendant ; .élles demandent la conservation d'un monastère de religieuses Ursulines existant dans ladite ville.
4 Adresse du même genre de la ville de Saint-Pierré-le-Moutier, qui, vu l'insuffisance de ses octrois, demande la permission de s'imposer la somme de 150 livres à laquelle a été adjugée au rabais la collecte de ses impositions.
Adresse du même genre de la communauté de Saint-Véran enMâconnais; les habitants déclarent ennemis de la nation, tous ceux qui, par des libelles, circulaires et autres moyens ténébreux, cherchent à contrarier la sagesse des vues de l'Assemblée nationale : ils s'engagent d'acquitter, avec toute la célérité possible, leur part des impositions et de toutes autres contributions quelconques qu'elle jugera à propos d'ordonner.
Adresse du même genre du comité municipal de la ville de Carhaix, située au centre de la basse BretagDe, et dans là position la plus heureuse; elle espère que l'Assemblée nationale jettera ses regards sur elle lors de l'établissement des nouveaux tribunaux et des assemblées de département.
Délibération des habitants de la communauté du Perroi en Nivernais, qui, jaloux de contribuer, autant qu'il ëst én eux, au soulagement de l'Etat, et pénétrés de reconnaissance pour les bienfaits dont l'Assemblée nationale comble le peuple français, la supplient d'agréer le tiers de la partie de leurs bois communaux en réserve ; ils demandent que les pfficiers de la maîtrise en fassent l'adjudication saris frais, et que les deux tiers restants du produit de la venté soient Versés dans la caisse de. la communauté, pour être employés aux réparatioùs et reconstructions de leùrs édifices publics.
. Adresse des membres composant.la loge de la Triple-Union de la ville de Reims, qui présentent à l'Assemblée nationale l'hommage d.e leur admiration et de leur adhésion la plus entière à ses décrets, et notamment à celui concernant la contribution patriotique ; ils font en outre le sacrifice de leurs boucles, du poids de 14 marcs, et d'une somme de 1,200 livres!
Adresse de la ville du Vigan, diocèse d'Alais
en Languedoc, qui fait le serment d'adhérer avec soumission à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et de défendre avec force l'heureuse constitution qui fixera pour toujours la gloire de l'empire français.
Adresse de la ville de Maurs en Auvergne, du même genre; elle demande une justice royale et d'être un chef-lieu de district.
Adresse du conseil permament de la ville de Lassalle en Languedoc, par laquelle il adhère à l'adresse faite a l'Assemblée nationale par le conseil permanent de la ville de Nîmes, le il novembre dernier.
Délibérations des communautés de Joncquièrés et Saint-Vincent, contenant l'adhésion la plus expresse à tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale, et des plaintes contre leur seigneur, à raison des droits féodaux.
Délibération de la ville et communauté de Castelnau-de-Montratier, qui confirme l'élection qu'elle a faite de sès nouveaux officiers municipaux; elle jure solennellement de tout sacrifier pour le maintien des décrets des représentants de la Nation. . . ; &
Adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la ville d'Auxerre. Quoiqu'elle soit souvent menacée de manquer de subsistances, elle exprime la douce satisfaction de voir régner dans son sein l'ordre et la tranquillité.
Adresse du même genre de la ville de Castres en Languedoc ; elle demande d'être le chef-lieu d'un departément et le siège d'un tribunal supérieur.
Adresse du même genre du bourg de Vieille-vigne en Bretagne; elle demande une justice royale. ÉB
Adresse des officiers de la justice seigneuriale de la baronnie du Faouët et d'autres lieux en, Bretagne* qui, pénétrés de vénération pour les décrets t de l'Assemblée nationale, deman dent l'établissement d'un siège royal dans ladite ville du Faouêt.
, député de Dijon, dit qu'il est chargé par madame la présidente Bouhier, veuve d'un magistrat fort connu, d'offrir à l'Assemblée le don patriotique de vingt-sept marcs d'argent.
Il est donné lecture de l'adresse suivante de la ville de Château-Thierry :
Nosseigneurs, la ville de Châteaux-Thierry attendait dans un respectueux silence votre décision sur la composition du département de Brie ; mais la ville de Meaux élève la voix, pour priver celle de Château-Thierry du précieux avantage qu'elle tient de la nature, d'être point central dans la nouvelle division du royaume ; Châteaux-Thierry doit donc se défendre.
Meau^ n'a rien dit dans sa délibération qui ne puisse être allégué par toute autre ville; placée à l'extrémité des départements, c'est à des raisons non imprimées, i c'est aux renseignements secrets que la ville.'; de Château-Thierry croit pénétrer, qu'il faut répondre.
Quels motifs, de préférence Meaux peut-il invoquer?
Ses juridictions? Château-Thierry a le même avantage que cette ville, ce sont les mêmes tribunaux.
Sa population? Celle du département de.Chàteau-Thierry l'emporterait ; la ville est assez intéressante par elle-même, ët par les villages qui' l'environnent, peuplés en même proportion,pour admettre toutes sortes d'établissements ; elle renferme plus de quatre mille habitants,'son térri-
toire est un vignoble considérable, sa récolte en grains est telle, qu'elle peut fournir des secours aux villes voisines, et qu'à cet égard Paris vient d'éprouver son dévouement et son zèle.
Les hommes que Meaux a produits ? Bossu et est né à Dijon, il est imitable; la Fontaine, né à Château-Thierry, ne le sera jamais.
Le siège épiscopal? Qui ne sait que les diocèses ne sont que les anciennes divisions de l'empire Romain? Ces sièges changeront avec les départements, et la patrie ne sera pas disposée à supporter la dépense de cent trente prélats, si quatre-vingts lui suffisent.
L'amour de Meaux pour la patrie? Nous ignorons ce qui le caractérise, mais nous pouvons appeler le témoignage de la ville de Paris ; elle sait qu'avant Meaux. nous lui avons donné des preuves de zèle et de dévouement,- que les premiers nous avons détesté les traîtres, arrêté leurs provisions meurtrières, que nous avons remises à la ville de Paris pour un meilleur usage.
Les sacrifices ? Nous n'avons pas entendu parler de ceux de Meaux, les nôtres proportionnés à nos moyens, auront peut-être le mérite d'être connus avant ceux de la ville de Meaux.
Ainsi, Nosseigneurs, Château-Thierry, sous tous les rapports, peut entrer en parallèle avec Meaux, et rien ne contrarie de notre part les motifs du bien public, qui seul doit décider.
Vous avez décrété, Nosseigneurs, que les départements auraient dix-huit lieues de diamètre; qu'ils partiraient de Paris Comme point central ; par cette division, Château-Thierry placé à vingt lieues de Paris, est destiné par la nature à former un chef-lieu de département.
11 est à seize lieues de Châlons, quinze de Reims, seize de Laon, tous endroits propres à devenir aussi des chefs-lieux, en un mot, puisqu'il est vrai que les départements doivent être placés en raison composée de la population du territoire et de la contribution aux charges publiques.
Gnâteau-Thierry réunissant tout ce qu'on peut désirer sur cet objet, c'est réellement une justice que d'en faire le centre d'un département.
La commune de Château-Thierry espère donc, Nosseigneurs, que vous aurez égard à sa réclamation, et que vous lui accorderez les département dont elle espère se rendre digne sous tous les rapports.
Sera cette adresse imprimée au nombre de douze cents exemplaires, et présentée par M. Fâche, député, par la délibération du 4 de ce mois, et par M. Le Voirier, avocat, que la commune a dé-
{mté àcet effet avec M. Fâche, à Nosseigneurs es députés de l'Assemblée nationale.
Fait et arrêté, et signé en l'assemblée de la commune de Château-Thierry ^ tenue extraordi-nairement en l'hôtel de ville, ce jourd'hui six décembre mil sept cent quatre-vingt-neuf. La minute au registre, signée de la majeure et plus forte partie des habitants, et Grandidier, lieutenant de maire, philippe de moncheton, dufresnoy, Fâche et Osanne, échevins; Grapart, receveur, et MaNGIN, secrétaire.
Suit la délibération du 4 dudit mois, dans la persuasion où étaient les officiers municipaux, que la seule ville de Coulommiers entrait en concurrence.
Extrait du Registre des délibérations des officiers
municipaux de la ville de Château-Thierry.
Ce jourd'hui, quatre décembre, mil sept cent
quatre-vingt-neuf, les officiers municipaux, assemblés extraordinairement, réfléchissant que dans la division de la France, depuis soixante-quinze, jusqu'à quatre-vingt cinq départements, Château-Thierry, comme point central d'une des parties du plan de division, devrait être le chef-lieu d'un département, et où par conséquent se tiendraient les assemblées générales :
Considérant que cette ville mérite un tel avantage par son ancienneté, son présidial de première création, sa qualité de capitale, qui a été le séjour de plusieurs Rois, sa population qui s'élève à près de cinq mille âmes, l'étendue de sa contribution aux charges publiques, sa belle situation, la Marne qui la traverse et l'arrose, la multitude de villages qui l'environnent, peuplés en même proportion, la fertilité de son terroir en grains et vins, son commerce, susceptible de tous les progrès de l'industrie, les grandes routes qui y aboutissent et qu'il faut traverser notamment pour aller de Paris en Allemagne ;
Instruits que cependant la ville de Coulommiers qui ne peut absolument rien offrir en comparaison, prétend à ce département, à son préjudice, et persuaué que quelle que la soit la cause qui détermine, ou la population, ou le terroir, ou le quantum des impositions, la ville de Château-Thierry réunit tout ce qu'on peut désirer à cet égard ;
Ont chargé M. Fâche, l'un d'eux, et lui ont donné pouvoir de se présenter à l'Assemblée nationale, et de porter d'abord à cette auguste Assemblée, les témoignages du profond respect de' la ville de Château-Thierry, de son admiration' sur la sagesse et l'importance des délibérations qu'elle a jusqu'à présent décrétées pour le bonheur de la France, et des sentiments de reconnaissance dont la ville est pénétrée;
Déclarer au nom de la ville, qu'elle adhère d'esprit et de cœur, à tous les décrets promulgués, et qu'elle sé fera honneur d'en maintenir l'éxécution, même au péril de la vie;
Ensuite réclamer, soit auprès de la respectable Assemblée, soit au comité de constitution, la justice que doit attendre la ville de Château-Thierry, par les raisons ci-devant déduites, et par sa dêputation directe aux précédents Etats-généraux, ainsi qu'à l'Assemblée nationale actuelle, et renouveler les instances qu'ils ont déjà adressées à ce sujet, à MM. les députés du bailliage de la dite ville.
Ont aussi chargé M. Fâche de solliciter du premier ministre des finances, une décision sur l'indemnité due à la ville, à raison de la perte de 10,000 livres environ qu'elle a faite lors de la revente des blés qu'elle a achetés pour la subsistance du peuple pendant le rigoureux hiver de 1788 à 1789, perte établie et justifiée par le compte que les officiers municipaux ont précédemment adressé à M. Necker.
En l'hôtel de ville, lesdits jour et an, la minute au registre.
Signé : grandidier, lieutenant de maire; Philippe de Moncheton,^ Ddfresnoy et fache, échevins, et MaNGIN, secrétaire.
, député de Sainte-Menehould, fait lecture d'une lettre patriotique de cette ville, adressée à l'Assemblée nationale et offre de la part des habitants et Communauté de Florent et ae Daunevoùx, un don patriotique de 3,744 livres, provenant du prix de leurs bois ; savoir, 1,709 livres 11 sols 6 deniers en argent et effets et 2,035 livres
en délégations, à toucher sur le receveur général des domaines et bois de la généralité de Champagne.
M. Lesure demande, en outre, que la liste des dons patriotiques soit imprimée, ainsi que l'Assemblée l'a ordonné le 20 novembre, lors de l'offre du don patriotique de la même ville.
L'Assemblée décide que l'impression aura lieu.
L'imprimeur de l'Assemblée a reçu depuis plus d'un mois la seconde section de l'état des pensions, je demande quel est le motif qui l'empêche de faire paraître cet état.
L'Assemblée devrait être renseignée également sur les démarches qui ont été faites relativement aux livres rouges de divers départements.
MM. de Lablache et Perrier sont chargés de cet objet, et mettront incessamment le comité des finances à même de répondre à ce sujet à l'Assemblée.
Je fais la motion de décréter que toutes les pensions non mentionnées dans la liste soient censées supprimées.
Nous ne conserverons sur l'état des dépenses à faire annuellement que celles qui auront été éxaminées et jugées indispensables. Il est inutile de dire que ce qui ne sera pas connu ne sera pas payé; nous aurions l'air d'être disposés à laisser aux ministres le droit de faire des dépenses secrètes et non autorisées.
L'Assemblée avait confié à MM. Mounier et Camus le soin de rédiger les procès-verbaux des séances, depuis le 5 mai jusqu'au moment où l'Assemblée nationale s'est constituée. M. Mounier a emporté les notes nécessaires à ce travail, qu'il est cependant indispensable de terminer.
L'Assemblée décrète que MM. Salomon de La Saugerie, Camus et Emmery, seront tous les trois chargés de ce travail.
, Vun de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la veille. Il ne s'élève aucune réclamation.
M. le garde des sceaux me prie de rappeler à l'Assemblée le mémoire qu'il lui a adressé et qui concerne des emprunts que diverses municipalités se proposent de contracter,, ce mémoire mérite toute l'attention de l'Assemblée, sous le double rapport de la subsistance des citoyens et des moyens de fournir de l'ouvrage aux pauvres.
Un membre du comité des finances répond que le comité n'a pas eu connaissance de ce mémoire; que les villes de Besançon, Langres et Lille sont les seules qui demandent à faire des emprunts ; que le comité a renvoyé la demande de ta ville de Langres au comité ecclésiastique parce qu'il s'agit de fonds à prendre sur les biens du clergé.
L'Assemblée ajourne cette affaire à samedi soir.
J'ai reçu hier la visite de M. Tortt, Brabançon, envoyé par M. Vandernoolt Il m'a dit qu'il devait exister dans les bureaux un paquet adressé à l'Assemblée nationale. Ce paquet
vient en effet de m'être remis. Je reçois en même temps une lettre de M. le comte de Montmorin, conçue en ces termes :
« Monsieur le président,
« Le sieur Vandernoolt, se disant agent plénipotentiaire des Brabançons, vient de m'adresser pour le Roi un paquet qu'il m'annonce renfermer le manifeste par lequel ils se déclarent indépendants.
« Sa Majesté a jugé qu'il n'était ni de sa justice, ni de sa dignité, ni de sa prudence d'accueillir une semblable démarche; elle a pensé que le seul parti convenable à prendre était de renvoyer ce paquet au sieur Vandernoolt sans l'avoir ouvert, et c'est ce que j'ai fait en exécution de ses ordres.
« Le Roi informé que la même démarche a été ou doit être faite auprès de l'Assemblée nationale, a trouvé convenable de lui faire connaître le parti qu'il a pris, et il m'a ordonné, monsieur le président, d'avoir l'honneur de vous le mander
« J'ai l'honneur d'être avec respect, « Monsieur le président, « Votretrès-humbleet très-obéissant serviteur,
« Comte de Montmorin. »
Après cette lecture, l'Assemblée décide qu'elle mettra à son ordre du jour : 1° l'affaire qui regarde le peuple Brabançon, samedi à l'ordre de deux heures ; 2° ladiscussion du rapport fait par le comité militaire, lundi à i'ordrede deux heures ; 3° le rapport des subsistances des colonies et les moyens à prendre pour arrêter les désordres qui se commettent dans les bois, mardi, séance du soir
L'Assemblée passe à son ordre du jour et reprend la suite de la discussion sur l'organisation des municipalités.
donne lecture ainsi qu'il suit de dix articles nouveaux qui doivent compléter le travail du comité sur les municipalités.
Art 1er. Dans les assemblées primaires et dans celles des
électeurs, il sera fait choix d'abord d'un président et d'un secrétaire; jusque-là le doyen
d'âge tiendra la séance et les scrutins seront recueillis et dépouillés par les trois plus
anciens d'âge, en présence de l'Assemblée. >
Je propose par amendement de mettre après les mots plus anciens d'âge, ceux de sachant lire et écrire.
, ce serait déshonorer notre constitution que d'y introduire une disposition pareille. J'en demande le rejet.
Mon amendement avait pour but de répandre l'instruction élémentaire. Puisqu'il n'est pas ici à sa place, je n'insiste point et je le retire.
L'article du comité est adopté.
« Art. 2. Il sera procédé ensuite, en un seul scrutin de liste, recueilli par les mêmes, à la nomination de trois scrutateurs, pour recevoir et dépouiller les scrutins d'élection tant des membres de l'Assemblée nationale que de ceux des Assemblées administratives. »
Cet article est adopté sans discussion
« Art 3. Les administrateurs de département nomment dès leur première séance, un président et un secrétaire, en un scrutin individuel et à la
pluralité absolue des suffrages. Le président, tant qu'il sera en fonctions, aura droit de présider l'assemblée du directoire,-qui pourra néanmoins se choisir un vice-président. »
Je propose de modifier l'article et de dire que les administrations de département choisiront leur président tous les quinze jours et les secrétaires tous les mois.
consulte l'Assemblée qui rejette l'amendement.
L'article 3 est adopté.
« Art. 4. Dans les villes de 4,000 âmes et au-dessous, il n'y aura qu'une assemblée primaire ; il y en aura deux dans celles qui auront plus de 4,000 âmes jusqu'à 8,000; il y en aura trois dans les villes qui contiendront plus de 8,000 âmes jusqu'à 12,000 et ainsi de suite. Les sections se formeront par quartier.
Cet article est adopté sans discussion.
Les articles que vous venez de voter étaient imprimés sous les n°» 18, 19, 20, 21 et 22, il reste à statuer maintenant sur quelques articles qui ont été indiqués au comité de constitution par plusieurs membres de l'Assemblée. Je vais en faire lecture.
« Art. 5. Les membres des corps municipaux, durant leur exercice, ne pourront être en même temps membres des administrations de district ou de département. Ceux des administrations dé district ne pourront être en même temps* membres de celles de département. »
L'article 5 est adopté sans discussion.
« Art. 6. Chaque assemblée de citoyens actifs, d'électeurs, d'administrations de département, d'administration de district et de municipalité, sera juge de la validité des titres de ceux qui* se présenteront pour y être admis. »
Je trouve de la difficulté à faire juger ainsi des litres par ceux mêmes dont les titres ne seront pas jugés ;: j e propose de faire examiner ceux de l'assemblée entrante par l'assemblée sortante.
Je demande que les municipalités renvoient ces contestations par-devant les assemblées de district, et les districts par-devant les départements.
Vous avez décidé que beaucoup de places sont incompatibles avec les fonctions municipales. Ne peut-il pas arriver que, parmi les membres élus pour une municipalité,; le plus grand nombre soit pourvu de ces sortes dé placés? Alors, condescendant aux vues les, uns des autres, respecteront-ils vos décrets? Il faut, en consacrant un principe précieux, autoriser une surveillance supérieure ou concomitante, pour faire rentrer dans la règle. Je propose en conséquence que le procureur de la commune ait le droit d'interjeter appel de la vérification des titres des nouveaux officiers municipaux, par-devant le district ou le département.
consulte l'Assemblée qui adopte l'article 6 tel qu'il est proposé par le comité.
« Art. 7. Toutes les places dans les municipalités et dans les assemblées administratives devant être purement électives, les droits de nomination, présentation ou confirmation, les droits
de présence ou de présidence aux assemblées municipales ou administratives, prétendus réclamés ou exercés, comme attachés à la possession de certaines terres, aux fonctions de commandant de ville ou de province, aux évêchés ou archevêchés, ou à tel autre titre que ce puisse être, sont entièrement abolis. »
, évêque d'Oléron. Un souverain du Béarn, après- avoir envahi les propriétés de l'église d'Oléron, reconnut son injustice ; Dieu lui fit la grâce de rentrer en lui-même, et il céda à cette église tous ses droits de souveraineté. Je demande à ce titre une exception pour la ville d'Oléron et je prie l'Assemblée de décréter que l'ancien droit de souveraineté de l'évêque et du chapitre de Sainte-Ma-rie d'Oléron, en vertu duquel les officiers municipaux étaient à leur nomination, sera maintenu.
, député du Cambrésis, fait une semblable réclamation pour l'archevêque de Cambrai, en disant qu'elle est formellement stipulée dans son cahier.
Quelques fortes et fondées que puissent paraître à ceux qui les font, les réclamations que vous venez d'entendre, elles ne sauraient cependant entrer en parallèle avec les droits du Roi de nommer aux places municipales; partout ces droits se trouvent anéantis par les articles que vous avez décrétés.
Les amendements sont mis aux voix et rejetés.
L'article 7 est adopté.
« Art. 8. Lorsque les administrations de département et de district seront en activité, les états provinciaux, les assemblées provinciales et les assemblées inférieures qui existent actuellement, demeureront supprimés, et cesseront entièrement leurs fonctions. »
L'article 8 est adopté sans discussion.
i Art. 9. Dans les provinces de la France qui ont eu jusqu'à présent une administration commune et qui sont divisées en plusieurs départements, chaque administration de département nommera deux commissaires qui se réuniront pour faire ensemble la liquidation des dettes contractées sous le régime précédent, en régler la répartition entre les différentes parties de ces provinces, et mettre à fin les anciennes affaires communes. Le compte des travaux de ces commissaires sera rendu à une assemblée formée de quatre autres commissaires qui seront choisis à cet effet par. chaque administration de département, »
L'article 9 est adopté.
« Art. 10. Il n'y aura aucune autorité intermédiaire entre les administrations de département et le pouvoir exécutif suprême. Les commissaires départis, intendants et subdélégués, cesseront toutes fonctions aussitôt que les administrations de département seront entrées en activité. »
(L'article 10 fait éclater les témoignagnes de joie les plus vifs de la part des représentants. Il est pourtant mis en discussion.)
observe que l'article .est insuffisant en ne portant que la cessation des fonctions des intendants ; il dit qu'il faut prononcer expressément leur suppression ainsi que celle des subdélégués.
D'autres membres croient inutile de nomme?
les subdélégués dont les fonctions subalternes et dépendantes s'évanouissent avec celles des commissaires départis dont ils tiennent leur pouvoir.
Je réponds que les commissaires départis, dont la présence a fait tant de sensation dans les provinces, n'avaient ni titre, ni office, mais seulement de simples commissions du conseil ; qu'il y avait aussi de pareilles commissions du conseil données à des subdélégués généraux, qu'ainsi il est aussi nécessaire de faire mention des subdélégués, qu'inutile d'appliquer le mot suppression pour les intendants.
En supprimant les intendants
_____________L inutilement que,------ __
donneriez s'ils restaient les maitres des titres et documents qui établissent leur administration; je propose donc par addition qu'il soit décrété que dès l'instant qu'ils cesseront leurs fonctions, ils seront tenues de remettre au procureur général syndic de département ou procureur syndic de district, tous les titres, papiers et documents concernant les différentes parties de leur administration ; qu'il en soit dressé état et procés-ver-bal en leur présence ou eux appelés et le tout remis au secrétariat desdits départements ou districts.
fait remarquer que la motion est un article de règlement et non un article de constitution. L'addition proposée par
, du consentement de son auteur, est renvoyée à l'époque du règlement particulier qui suivra les articles constitutifs des municipalités.
consulte l'Assemblée et l'article 10 proposé par le comité est décrété à l'unanimité.
Le travail sur les municipalités est fini. Le comité va mettre en ordre tous les articles et en fera la lecture lundi. Il y a de plus une instruction pour les provinces qui a été rédigée par M. Thouret et que nous vous proposerons comme une utile addition à l'important travail que vous avez accompli.
(On demande l'impression de tous les articles décrétés.)
observe qu'il faut préalabler ment que l'Assemblée arrête l'ordre dans lequel ces articles seront placés.
L'Assemblée, par des applaudissements réitérés, témoigne au comité de constitution combien elle est satisfaite de ses travaux et de son zèle. Les spectateurs joignent leurs applaudissements à ceux de l'Assemblée.
M. le comte de Mirabeau demande à présenter un décret additionnel. Je lui donne la parole.
La proposition que j'ai l'honneur de vous soumettre me paraît renfermer une sauvegarde essentielle de la constitution que nous travaillons à établir. L'accueil que vous avez fait à des vues morales me persuade que l'on peut toujours obtenir votre attention, en vous présentant les matières de législation sous cet aspect.
11 s'agit, dans la motion que je vous propose,
d'examiner s'il convient d'assujettir à une marche graduelle les membres de nos différentes administrations. Vous voyez, Messieurs, que je n'ai point eu l'ambition; des idées nouvelles : C'est dans la pratique des républiques les mieux ordonnées, les mieux affermies, que j'ai trouvé la trace de cette loi ; mais ni son antiquité ni sa simplicité ne seront à; vos yeux des titres de réprobation. Il me semble qu'elle s'adapte admirablement à la constitution que nous avons faite, et qu'elle en cimente toutes les parties.
Si nous n'avions pas posé l'égalité comme une loi fondamentale, on dirait peut-être qu'il est contraire aux préjugés de quelques individus de commencer la carrière des affaires publiques par des commissions subalternes ; mais cette égalité, dont nous avons fait une loi, il nous importe, Messieurs, qu'elle ne soit pas une chimère ; il nous importe qu'elle soit retracée dans toute la constitution, qu'elle en devienne le principe indestructible, et que, par une suite de ïios établissements politiques, les mœurs, les habitudes les sentiments se rapportent aux lois, comme les lois se rapportent au modèle de la raison et à la nature des choses. Si nous négligeons les secrets de cet accord, si nous ne mettons pas l'homme en harmonie avec les lois, nous aurons fait un beau songe philosophique, nous n'aurons pas fait une constitution. Les règles fondamentales d'un bon gouvernement sont faciles à connaître; mais lier si bien ces règles à l'exécution, que l'obéissance de la loi découle de la loi même; enchaîner les citoyens par toutes les habitudes au joug de la loi, c'est aller au delà du philosophe, c'est atteindre le but du législateur.
Une marche graduelle n'est-elle pas indiquée par la nature elle-même dans toutes ses opérations, par l'esprit humain dans tous ses procédés, par l'expérience dans tous ses résultats, comme la marche à laquelle a voulu nous assujettir l'au teur éternel des êtres? La politique,est une science ; l'administration est une science et un art ; le gouvernement embrasse tout ce qu'il y a de grand dans l'humanité; la science qui fait le destin des Etats est une seconde religion, et par son importance et par ses profondeurs.
L'art le plus difficile serait-il donc le seul qu'il né faudrait point étudier? Le regarderions-nous comme les jeux de hasard que l'on n'apprend point, parce qu'ils dépendent de combinaisons qui surpassent notre portée ? Raisonnerions-nous sur la politique autrement que sur tous les objets de la vie ?
- Si l'expérience ne se forme que par degrés, si elle étend sa sphère peu à peu, si sa marche naturelle est de s'élever graduellement du simple au composé, la nature et la raison veulent que l'on passe par les fonctions les plus simples de l'administration, avant que de parvenir aux plus compliquées ; qu'on étudie les lois dans leurs effets, dans leur action même, avant que d'être admis à les réformer, et à en dicter de nouvelles ; qu'on ait subi enfin un gènre d'épreuves qui écarte l'incapacité ou la corruption, avant que d'arriver è l'Assemblée nationale.
Je vais présenter à l'appui de ce système quelques observations plus particulières, et résoudre une objection spécieuse.
Si vous décrétiez, Messieurs, qu'il faudrait avoir réuni deux fois les suffrages du peuple, comme membre de quelque assemblée administrative, ou de quelque tribunal, avant que d'être éligible à l'Assemblée nationale, vous donneriez une double valeur à toutes les élections, vous mettriez ceux
qui se destinent aux emplois dans l'heureuse - nécessité de dépendre de l'estime de leurs concitoyens, dès les premiers pas de leur carrière.
J'ose dire que vous opéreriez une révolution dans les habitudes d'une jeunesse qui passe de la frivolité à la corruption, et de la corruption à la nullité. Il ne s'agira plus d'enlever: les élections nationales par la brigue, par l'ascendant des familles, par ces préjugés toujours trop favorisés dans les constitutions les plus libres; vous sem-blerez dire par? le décret que je vous propose : Qui que vous soyez, ne vous flattez pas de tout obtenir sans avoir acheté vos honneurs par des travaux et des services; vous n'avancerez qu'en justifiant à chaque pas l'opinion publique ; vous serez pesé dans la balance de l'expérience, et comparé sans cesse à vos rivaux. La faveur pourra vous ouvrir plus tôt la barrière; mais tandis que des hommes qui vous valent bien parcourront lentement tous les degrés de cette échelle instructive, une indulgence nuisible à vos propres talents ne vous élèvera pas au sommet sans que vous ayez donné des gages à la confiance de la nation,
Encore une fois, Messieurs, cette loi serait un noble moyen de prévenir la dégénération d'une classe qui, dans tous les pays du monde (en faisant des exceptions qui n'en sont que plus honorables), semble s'abaisser dans l'ordre moral, à proportion de ce qu'elle s'élève dans celui de la société.
; Le second motif qui, je le déclare, m'entraîne "irrésistiblement vers le système graduel, c'est la nécessité de rendre toutes les fonctions publiques intéressantes, et honorables, de répandre une émulation de vertu et d'honneur dans les municipalités, de rehausser le prix des suffrages populaires, lors même qu'ils ne confèrent qu'une place subalterne d'administration.
Vous ne craindrez plus alors que les municipalités soient dédaignées par les uns comme des emplois inférieurs, redoutées par les autres comme des postes de fatigue et d'ennui, abandonnées à un petit nombre de postulants qui, dépourvus de tout mérite, de toute faculté, de toute considération personnelle, ne tarderaient pas à les avilir; car les places ne valent souvent, aux yeux des hommes, que par l'idée qu'ils se forment de ceux qui les recherchent et qui les occupent.
Vous le savez, Messieurs, il n'est pas d'emploi si mince dans la société qui ne puisse donner du lustre à celui qui n'en a aucun,,ni si peu lucratif qui ne présente une ressource à quiconque en est dépourvu. Mais nous devons élever les municipalités au-dessus des ambitions et des intérêts de ce genre.
Si les Romains n'avaient pas tout concentré dans Rome, s'ils avaient jeté plus d'éclat sur les administrations municipales, s'ils en avaient fait le premier échelon des honneurs, ils n'auraient pas été réduits à faire des lois de contrainte et de rigueur pour soumettre les citoyens des villes à ces fonctions onéreuses. Ces lois sont restées ; elles attestent les fautes des maîtres du monde. Evitons-les, cultivons nos provinces, donnons-y de l'éclat à tous les emplois décernés par la patrie. Anéantissons ce malheureux préjugé qui, sur la ruine des distinctions anciennes, ne manquerait pas d'élever des distinctions d'une nouvelle espèce; qui, sur les débris des classes et ^des ordres, créerait de nouvelles classes, de nouveaux ordres tirés du sein des élections mêmes, des différences inévitables entre les municipalités, les administrations de département, et l'Assem-
blée nationale. Nous n'aurions fait notre devoir qu'à demi, si nous n'ôtions à l'orgueil cette ressource dangereuse. Mais nous mettons de la fraternité entre toutes les fonctions publiques, si la moins éclatante de ces fonctions est un degré nécessaire pour s'élever ; si la plus haute tient par des transitions inévitables aux grades inférieurs, si tous les honneurs publics sont comme une onde pure distribuée dans des canaux différents, mais coulant les uns dans les autres, toujours limpide, et surtout toujours la même. Cette filiation des emplois produirait un autre effet non moins avantageux ; l'ambition des hommes deviendrait, dans les places les moins brillantes, la caution de leur zèle à en remplir les devoirs. Ah ! que le législateur est puissant quand il a su donner aux passions cette direction morale, quand il a su montrer aux citoyens leur intérêt dans leur probité, quand il a l'heureuse rhabileté de prendre leurs inclinations dominantes pour les leviers de la loi. Quelque fonction qu'un .homme exerce, lorsqu'elle est qn état passager d'épreuve sur lequel on apprécie ses talents, son intégrité, pour l'élever à des postes plus éminents, dès Tors on peut compter sur son attention continuelle à se maintenir irréprochable et à se concilier l'estime de ses concitoyens.
Vous avez fait dè .sages décrets pour assurer la responsabilité de tous les officiers publics; mais punir, réprimer, retenir par la crainte, c'est peu de chose ; au lieu d'aiguiser contre les lois la subtibilité des hommes,et leur fatale industrie à les éluder, il faut asseoir leur observation sur des motifs qui, pénétrant au fond des cœurs, la rendent douce et facile. On n'arrache jamais par des lois réprimantes qu'une obéissance trompeuse et dégradée; mais l'honneur mis en dépôt dans les suffrages du peuple, mais l'espérance habilement ménagée de place en place et de fonction en fonction, mais l'ambition appelée à tout mériter, au lieu de tout envahir, voilà des ressorts dont la force est en proportion avec les obstacles qu'il faut surmonter, des ressorts qui . ont la trempe indestructible de la liberté.
Je m'appuie avec confiance d'une autorité respectable à tous les amis du bien public. L'auteur immortel du Contrat social a donné en toute occasion les plus grandes louanges au système graduel que j'ai l'honneur de vous soumettre. Dans les beaux temps de Rome, dit-il, on passait par la préture pour arriver au consulat. Il n'y avait rien de plus intègre, observe-t-il encore, que les questeurs des armées romaines, parce que la questure était le premier pas pour arriver aux charges curules.
Il n'est pas inutile d'observer que, dans le système graduel, les fonctions, d'ailleurs obscures, s'ennoblissent par la perspective de celles qui sont plus relevées : les nommes se montrent naturellement au niveau de leurs espérances. Voulez^ vous vivifier toutes les parties du royaume; voulez-vous ennoblir jusqu'aux plus petits emplois? que les services soient l'unique voie d'avancement, et que tout état public serve d'épreuve pour parvenir à un autre.
Mais, dira-t-on, nous allons attenter à la liberté des élections. Nous avons posé poqr principe qu'elles ne devaient dépendre que de la confiance, et nous allons prescrire des limites à la confiance. — Je ne crois pas, Messieurs, que cette objection soit fondée.
Déterminer un certain degré de fortune ou un certain ordre de naissance, et en faire une condition d'éligibilité, c'est frapper tous ceux qui sont
hors de celle, ligne, c'est prononcer exclusion contre eux, c'est les déshériter d'un droit naturel; mais fixer à la marche des avancements des règles qui sont les mêmes pour tous, qui laissent à tous les mêmes droits, les mêmes espérances, qui sont dirigées contre les privilèges en faveur de. l'égalité, ce n'est point blesser le principe, c'est le protéger et le garantir.
Le principe illimité de la liberté d'élire, irait donc à condamner aussi ces lois des peuples libres que nous avons adoptées, pour assurer l'amovibilité des emplois, pour en forcer le renouvellement après un certain nombre d'années ! Cë principe irait donc à condamner les lois qui fixent l'âge du majorai civil et politique 1 mais si la loi a voulu s'assurer de l'expérienee et de la raison de ceux qui aspirent aux emplois, comme la raison et l'expérience dépendent moins du temps qu'on a vécu que, de l'usage qu'on en a fait, c'est entrer dans l'esprit de cette loi que d'exiger un noviciat pour être éligibie dans le corps législatif.
Je vous prie, Messieurs, de faire sur la confiance une observation particulière à un gouvernement représèntatif tel que le nôtre. •
Nous sommes élus par un seul département, et nous devenons les représentants de tout le royaume. Nous ne sommes pas même élus par la totalité des citoyens d'un département, mais par une assez petite délégation d'entre, eux.
De là, ce me semblé, résulte une vérité que l'on ne saurait contester : c'est que la confiance dont jouira le corps législatif serait précaire, si on ne trouvait un moyen de la doubler en quelque sorte.
Voyez combien vous donnez plus de base à la confiance, en la faisant porter sur le système des élections graduelles ; on n'aura pas à craindre les premiers choix des électeurs séduits, trompés, corrompus peut-être; mais tous leurs choix seront justifiés d'avance par les preuves qu'un candidat aura données de ses talents, de ses vertus. Ces choix seront d'autant plus populaires qu'un plus grand nombre de citoyens auront participé directement ou indirectement à la nomination des membres de l'Assemblée nationale.
Les électeurs pourront dire à leurs concitoyens : Notre choix a été dicté par le vôtre ; nous ne vous donnons pas un homme inconnu. Il est précédé de ses services, et la voix publique nous l'a désigné. Quant aux provinces/ elles se donneront par là des cautions réciproques que la brigue, la .faveur, la complaisance, la vénalité, un caprice populaire, une fantaisie subite ne livreront pas les destinées de l'empire à des représentants corrompus ou ineptes. Les provinces seront ainsi plus calmes, plus tranquilles, sur la foi de la raison publique ; les décrets souverains séront plus respectés, et l'opinion morale sera léur plus grâridfe puissance.
Donner des bases plus solides à la confiance, ce n'est pas y attenter ; il ne faut donc pas faire une objection contre le système graduel d'un de ' ses plus grands avantages. ; Si les considérations morales et politiques que je vous ai présentées vous déterminent à consacrer cette marche expérimentale et graduelle, il con-; vient d'assigner le terme où elle sera rigoureusement suivie. L'ordonner dès à présent, ce serait vouloir l'impossible ; mais dans huit ou dix ans, le nombre des citoyens qui auront passé par les municipalités, les tribunaux, les départements ou l'Assemblée nationale,; formeront un fonds
d'hommes suffisants pour présenter un champ très-vaste aux choix des électeurs.
Je propose de décréter les articles suivants :
1° A compter du 1er janvier 1797, nul uè pourra être élu membre de l'Assemblée nationale, s'il n'a réuni au moins deux fois les suffrages du- peuple, comme membre de quelque .assemblée administrative de département, de district ou des municipalités ; ou s'il n'a rempli durant trois ans au moins une place de magistrature ; ou enfin, s'il n'a déjà été une fois membre de l'Assemblée nationale;
2° A compter de 1795, nul ne pourra être élu membre des assemblées de département, s'il n'a déjà été pourvu de fonctions dans les assemblées de district ou dans les municipalités ;
3° Pour que les lois ci-dessus ne renvoient pas à un âge trop avancé, tout citoyen actif pourra être admis aux emplois municipaux dès l'âge dé 21 ans.
Si pour anéantir la constitution d'un seul coup, il suffisait de s'envelopper de principes contraires, de quelques idées morales, et de quelques preuves d'érudition, le préopinant pourrait se flatter de produire de l'effet sur vous; mais heureusement1 il vous a aguerris contre les prestiges de son éloquence, et plusieurs fois nous avons eu l'occasion de chercher la raison et le bien parmi les traits élégants dont il avait embelli ses opinions. Celte occasion se présente aujourd'hui d'une manière plus éclatante.
Le bon sens le plus ordinaire suffit pour démontrer que les pouvoirs doivent être répartis entre tous ; le même bon sens prouve que sans cette égale répartition l'égalité sociale ne peut exister. La déclaration des droits a consacré ces principes. La motion de M. de Mirabeau tend à réunir dans un petit nombre de personnes les pouvoirs municipaux; administratifs et législatifs, et l'on prétend qu'elle doit établir l'égalité et la liberté.
Elle est contraire aux décrets : la majorité pour les municipalités est fixée à 25 ans : l'auteur de la motion la réduit à 21 ; il l'étend à 35 pour l'Assemblée nationale. En effet, on devrait avoir occupé deux fois des places dont les fonctions durent 4 ans ; il faut au moins deux années d'intervalle : ainsi voilà dix années à ajouter à la majorité de 25 ans.
Cette motion étant opposée aux précédents décrets, aux termes du règlement, on pourrait l'attaquer par la question préalable.
Elle est, de plus, contraire à la nature des choses, aux convenances et à l'intérêt public.
C'est dans les ; assemblées administratives qu'il faut porter une expérience qui ne s'acquiert qu'avec le temps; ces assemblées sont moins nombreuses que les assemblées nationales, et l'effet d'un petit nombre de jeunes gens inexpérimentés y serait bien plus fâcheux. Les hommes qui se seront, par leurs études, destinés à l'Assemblée nationale, se verront forcés de passer par des places auxquelles il ne seront pas propres; il faudra qu'ils renoncent à leur fortune pour se livrer à un noviciat d'une aussi grande durée; et les gens riches, seuls capables de ce sacrifice, concourront seuls à la représentation nationale.
Ma conclusion m'est offerte par le préopinant. Je ne conçois pas comment on peut proposer à une nation de faire une loi qui ne pourra être exécutée que dans 10 ans ; je ne sais pas si elle conviendra à cette époque. Vous aurez besoin,
demande l'ajournement de la motion à cette Convention.
Le préopinant paraît oublier que Si les rhéteurs parlent pour 24 heures, les législateurs parlent pour le temps. Je demande à lui répondre ; mais, comme le comité des dix, dont je sùis membre, m'appelle, et qu'il est temps de passer à l'ordre de 2 heures, je prie l'Assemblée d'ajourner la discussion.
M. de Mirabeau sort.
demande alors la question préalable sur la motion de M. de Mirabeau.
La motion est d'une trop haute importance pour que la question préalable lui soit appliquée.., ...
' Je demande queÎ ! la discussion soit ajournée à une prochaine séance.
L'ajournement, est ordonné. i{
L'Assembiée passe à son ordre du jour de 2 heures.
Les six chirurgiens-majors des divisions de la garde nationale parisienne, qui avaient été admis a la barre au commencement de cette séance, font l'hommage du d'on patriotique de la première année des appointements, attachés à. leur place. Cet hommage consiste dàps la somme de 3,6Q0 livres sur laquelle somme il y a déjà trois mois échus. L'Assemblée, par l'organe de son président, leur témoigne sa satisfaction des preuves du zèle et du désintéressement qu'ils offrent, et leur donne l'assurance que leurs utiles services leur attachent tousles citoyens, et que les représentants de la nation , ne peuvent qu'être sensibles à leur dévouement à la chose publique.
Le comité: des finances annonce que son travail sur les impôts de la Bretagne n'est pas prêt et que cette affaire ne peut être discutée dans cette séance. ,
La discussion sur la demande de la ville .de Nérac, relative à la mendicité et au quart du bien ecclésiastique est également ajournée jusqu'à ce que le comité des finances ait été entendu sur cette affaire.
, au nom du comité des rapports, dont il est membre, rend compte de l'affaire de la ville de Troyes.
Sur la demande et la convocation des officiers municipaux, les habitants de cette Ville avaient adjoint à la municipalité soixante-quatre personnes,, et cette: r,éunion avait formé un comité général et provisoire, chargé ; de la. police 'i et d'administrer civilement et militairement sur les réquisitions du ministère, public, te; bailliage a ; déclaré ce comité illégal, et par hasard 1,200 hommes sont arrivés à Troyes pour sbuténir cette sen-tenee.
Le président du comi,té a interjeté àppel : il a été décrété- d'ajournement personnel. , .
Le bailliage demande que l'Assemblée nationale approuve la sentenCè, et la ville, que les décrets de l'Assemblée soient maintenus.
Le rapporteur propose le décret sujyant :
« L'Assemblée natiôhale ordonne que son décret du 2 de ce mois, concernant les officiers municipaux et autres corps établis par les communes et municipalités des villes pour leur
administration, sera exécuté selon sa forme et teneur; en conséquence, fait défense à tops juges de les troubler dans leurs fonctions, et notamment à ceux de Troyes, dont elle déclare la sentence du 29 septembre dernier, attentatoire à la liberté des communes, sauf aux membres du comité de Troyes à se pourvoir ainsi et contre qui Jbon leur semblera, pour leurs dommages et intérêts. »
Ce projet de décret soulève de nombreuses protestations et plusieurs membres demandent à le combattre.
Cette affaire est une des plus importantes de celles auxquelles les municipalités anciennes et nouvelles ont donné lieu. Je m'intéresse personnellement à la ville de Troyes, parce que j'y ai des propriétés. Un décret favorable au comité ferait émigrer beaucoup de personnes riches qui font vivre un grand nombre de citoyens..... Je demande le renvoi au pouvoir exécutif; et dans le cas où l'Assemblée ne l'ordonnerait pas ainsi, je propose d'ajourner pour attendre la procédure qui a été demandée par le comité des recherches.
La discussion peut être, à cause de l'heure avancée, remise à ce soir ou du moins à jour fixe.
consulte l'Assemblée qui prononce un ajournement indéfini. La séance est levée à 3 heures 1/2.
Séance du jeudi
annonce diverses adresses, par lesquelles plusieurs villes, notamment celle de Crépy-en-Valois, se plaignent de la difficulté qu'elles ont à ppuryoir à leur subsistance. M. le président invite le comité des recherches à informer l'Assemblée des découvertes qu'il a pu faire sur les enharrèments et sur l'exportation.
, membre de ce comité, dit'que M. Emmery, membre du nouveau comité, et 'qui l'était déjà de l'ancien, est chargé de ce travail.
rappelle à l'Assemblée une dénonciation, qu'il lui a déjà faite plusieurs fois. 11 affirme de nouveau que l'exportation se fait par la Champagne dans le Luxembourg. Que depuis peu de temps on a fait sortir plus de cent quarante mille quartaux de blés de la Champagne, sous prétexte d'approvisionner Charlevilie, qui n'en a pas reçu plus de six mille.
M. Dubois de Crancé est interpellé d'administrer la preuve de ce fait. Il répond que le député'de Charlevilie doit être dans - la tribune dés suppléants, et que, dans ce cas, il prié l'Assemblée de I admettre à la barre.
L'Assemblée décrète que le député dé Charlevilie sera admis à la barre.
, député par là ville de Charleville, paraît à la barre et donnetous les détails qui sont à sa connaissance.
L'Assemblée vous a entendu avec satisfaction, mais votre discours doit être signé et déposé'sur le bureau pour être communiqué au comité des recherches:
remet alors le discours suivant :
« j'ai l'honneur d'exposer à l'Assemblée nationale que depuis le mois d'octobre 1788, époque ; dé la prohibition' del'exportation des blés, les j officiers municipaux de la ville' de Gharieyille avaient pris le3 précautions.les plus sages pour j empêcher qu'elle n'eut lieu : que cette vilfë située I sur le3 confins du Luxembourg, des provinces de | Champagne, du Hainaut français et ^es Trois-1 Evêchés, est le marché d'approvisionnement de i près de soixante lieues carrées d'un pays qui ne I produit aucun froment; que son port, sur la rivière de Meuse, y facilite rimportafitjjn des; froments que lëè Champenois 'amènent à son marché ; qué, sous prétexte de Tàpprbvisiorihe- j ment de la ville de Givet, dernière ville du Hainaut français, on élude souvent la prohibition de l'exportation ; et que, dans ce moment, le séjour de quinze mille Prussiens dans l'Evéçhé de Liège, y nécessitait Un surcroît dé subsistances ; qu'il y avait lieu • de; croire que l'exportation se pratiquait par les environs de Rocroi,rqui n'est ; éloigné que de deux lieues des terres de Liège qué depuis ce temps il était passé à Rozoy, ville de la Thiérache, a huit lieues de distance dë ce' pays, la quantité « de cent trois mille mesures de froment » (pesant quarante-cinq livres) sous1 la désignation d'approvisionnement du marché de Charleville, tandis qu'il n'y en est pas parvenu « sixmille mesures » ; que le, 12no.ve.mbre,dernier,; 4,000; paysans s'étaient rassemblés a' une lieUe de Rozoy et. avaient arrêté,et. vendu ce jour-là, et le: lendemain, la quantité dé huit cents mesures de froment qu'ils ont soupçonné destinées à être exportées, à l'étranger ; que les officiers municipaux de ^barlevïlle s'étaient, confédérés avec les municipalités de. Rozoy, Maubert-Fontaine, Ru-m.igny, Revins Fumay,.pour former un cordon de j troupes nationales> ; qui interceptassent depuis Rozoy jusqu'à l'étranger; qu'ils avaient ajouté à , cette précaution , celle d'envoyer un député à Rozox jet, dans les environs, pour découvrir' les auteurs et fauteurs de ces fausses déclarations, è£, de'r; ces exportations criminelles ; qu'aussitôt qu'ils auraient acquis, par ces députés, des preuves suffisantes, ils. ; paq lés j enverraient, et que je ! les remettrais au comité des recherches ;: que je suppliais rAsse/nblèe nationale de m'ordonner rç}e, réunir ces perquisitions à> .celles des officiers jnupi!cj.pâux : de ÇhàrteviUe ; qu'il y avait -lieu; de " croire que ces manœuvres étaient -dirigées par îdes^mains ennemies de la nation, et qui voulaient ; e.mpêcbér ..dftçhever l'édifice de j la constitution, ' ëh détruisant les fondements, de la tranquillité . publique, sur. lesquels elles reposent.
« J'ai l'honneur de joindre à ce rapport, pour pièces justificatives :
« 1° Le procès-verbal dressé par le conseil géné-i rai de la ville Charleville, le noyembre dernier.
i 2° Le tyrioCès-verbal dç l'Assemblée de la municipalité de Charlëvilïè, du... de Ce mois, qui nomme un député à l'effet de rechercher les auteurs ét fauteurs de ces fausses déclarations et de ces exportations. Signé, Cochelet, lieute-
nant général du bailliage, et député de ia Sénéchaussée de ChàrleVillè: »
A la suite de ?je ,,^sçouti,Jlç/;(iéputp Charleville 'supplieP$rgmtnœr 'smr la demande de la dépQtanbn.tfé' là ' Br(îri éipaùté 'de Charleville dû 1;3 août d'erflier et aoht1 le rapp,opt est prêt à être fait à l'Assemblée.
Plusieurs membres demandant que M. Coph^et soit admis dès à présent comme^draùté afrect de là principauté de Charleville qùi ,nè .teqait à la couronne qu'honorifiquement avant sa libre adhésion aux décrets' du 4 août.
L'admission 'est ajournée jusqu'à la yérificatiqn des pouvoirs.
observe que ce n'est pas seulement dans là Champagne que rexp6,rtâftop: ' se fait ; quelle a aussi lieu dans le Vermanaois, et qu'elle y augmente tous les jours.1
Plusieurs décrets sont proposés relatiyement à ces diverses plaintes ; mais on demande, av^nt de lès discuter, que le comité dçs rapports, chargé de celui de Lyon sur le même objet, soit de nouveau entëndu.
, membre du comité des rapports, dit qùe lé comité a pensé, qué vu les malneiirs qui seraient infailliblement la suite de l'expom-tion, il fallait effrayer les côupablës parla peine la plus rigoureuse,; En conséquence, il propose, au nbm du corùité, de décréter :
« Que quiconque sera pris emportant ou faisant exporter chez l'étrangër des g'raîps à farine et des farines, sera puni dé mort ;
« Que quiconque sera pris arrêtant ou. faisant arrêter avec violence les grains dans l'intérieur du royaume,. sera puni de peines afflictivès. plus ou moins grandes suivant les'çircpnstancesi
« Il est dès à présent défendu; à toutes,' les municipalités et âux comités dé faire aucune délibération, préndré aucun arrêté sdr l'exportation ou la circulation, des grains, contrailèès à ceux.de l'Assemblée, sous peine conti'ë l'es 'meihbrés qui auront signé, d'interdiction, perpétuelle de, tqutes fonctions, publiques.
« Le Roi sera supplié d'accorder sa sanction au présèht'décret, qui, dés qu il l'aiifa obtenue, sera envoyé à tous les corps et municipalités du royaume. » " '1
La lecture de ce projet de décret est plusieurs fois interrompué par des signes d'improbation.
Les marques d'improbation font l'éloge de votre sensibilité, mais elles né conjurent pas les maux qui nous menacent.
Celui qui affame son pays est un assassin, il mérite la mort.
observe que l'on ne peut, dans lés séances du soft, s'occuper de lois générales; que la peine de mort est un article important du code pénal à rédiger, et qué cet objet appartient à la constitution, con-séquémment aux séances du matin.
Sur cette observation, appuyée par pl usiéurs membres, il est arrêté que la délibération actuelle est renvoyée, dans l'état où elle est, à lundi prochain, à 1 ordre d'une heure.
, membre du comité des recherches, demande à fàire un rapport.
Le sieur Debarre le dénonça à la milice bourgeoise.
La milice rendit plainte à la municipalité. Debarre et Caillot, entendus comme témoins, dé-
Îl'osent que le sieur de la Richardière leur a tenu es propros les plus indécents sur M. le marquis de Lafayette, commandant général de la milice parisienne ; les termes dont le sieur de la Richardière est accusé de s'être servi sont énoncés textuellement dans la déposition lue à l'Assemblée; on n'ose pas se permettre de les citer ici; on se bornera à remarquer que la moindre injure faite à ce commandant est l'épithète d'aristocrate, que les sieurs Debarre et Caillot disent lui avoir été décernée par le sieur de la Richardière, avec quelques prénoms analogues à cette qualité; qu'il a dit que les citoyens qui avaient déserté Paris étaient seuls de braves gens; qu'il n'y restait plus que des aristocrates; et que si le prince de Lambesc avait bien fait, il aurait tué plus de monde, qu'il méprisait le signe national, et qu'il s'en torcherait le derrière; que si l'on envoyait des troupes dans la ville, il serait le premier à les faire tirer.
Le sieur de la Richardière, interrogé sur ces faits, et interpellé de s'expliquer sur les dépositions des sieurs Debarre et Caillot, convient d'avoir dit qu'il Sait que le prince de Lambesc a; écrit à des personnes dignes de foi qu'il avait beaucoup modifié les ordres qui lui avaient été donnés, et que s'il avait fait un exemple plus frappant dans les Tuileries, il aurait dissipé l'attroupement du peuple, et prévenu les désordres qui s'en sont suivis; qu'il est faux qu'il ait mal parlé des citoyens qui sont restés à Paris ; qu'il les regarde comme d'honnêtes gens ; qu'il n'a pas dit de M. de Lafayette ce qtfon le suppose avoir dit, mais seulement que ce général jouait là un vilain rôle; qu'à l'égard de la cocarde, il a dit que c'était ce signe qui avait mis la France en feu, et qu'à la première occasion, sur la place du Cocardo, il en ferait l'usage qu'on lit dans les dépositions des témoins.
L'officier municipal, après quelques autres formalités remplies, admonesta le sieur de la Ri-; chardière, lui recommanda d'être plus circons-" pect à l'àvenir, le mit en liberté, et ordonna cependant l'envoi des pièces au comité des recherches.
Le même jour ou le lendemain, la garde nationale, n'étant pas satisfaite de ce jugement, fit arrêter le sieur de la Richardière ; il fut conduit en prison, et c'est là qu'il a adressé sa requête à l'Assemblée nationale.
Le comité propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète qu'après le jugement des officiers municipaux des Sables-d'O-.. lonne, et contre sa décision les officiers de la garde bourgeoise de la dite ville n'auraient pas dû attenter à la liberté du sieur de la Richardière; qu'elle doit lui être rendue et que le Roi , sera supplié de faire mettre ce décret à exécution. »
observe que le sieur de la Richardière paraît mériter peu d'attention, et qu'il est parfaitement d'avis qu'il soit élargi; mais qu'il est important de s'attacher à la déclaration
faite par ce particulier dans son interrogatoire, concernant le prince de Lambesc : qu'il dit savoir que M. le prince de Lambesc a écrit à des personnes dignes de foi, qu'il avait modifié les ordres qui lui avaient été donnés, etc. M. Lofficial demande que les pièces soient remises au Châte-let où s'instruit le procès du prince de Lambesc, pour être jointes à cette affaire.
Son projet de décret est ainsi conçu :
« Attendu que M. de la Richardière n'a pas été emprisonné par la milice nationale, d'après les ordres des officiers municipaux, M. le président se retireraversle Roi, pour demander à Sa Majesté des ordres pour faire élargir le sieur de la Richardière. »
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette rédaction.
propose une autre projet de décret qui obtient la priorité sur la rédaction du comité ; il est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale a décrété que M. le président se retirera par-devers le Roi, pour le supplier de donner des ordres pour faire mettre en liberté le sieur de la Richardière; et cependant que les pièces déposées au comité des recherches, seront remises au procureur du Roi du Châtelel, pour être sur icelles pris tel.parti qu'il avisera en ce qui concerne l'affaire du prince de Lambesc, et contre qui il appartiendra ».
lève la séance à 10 heures 1/2 après avoir indiqué celle de demain pour 9 heures 1/2 du matin.
Séance du
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de jeudi matin et donne ensuite communication à l'Assemblée des adresses suivantes :
Adresse des communes de la ville de Saint-Girons en Couserans, qui félicitent de nouveau l'Assemblée nationale sur ses glorieux travaux ; elles demandent la formation d'un département dans le Couserans, et que Saint-Girons en soit le chef-lieu, ainsi qué la nature du pays l'exige, ce qui est appuyé par un plan annexé à cette adresse. Dans une autre adresse, elles demandent l'établissement d'un tribunal supérieur.
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion de la ville de Bagé en Bresse.
Adresse du même genre de la ville de Beau-marchez en Languedoc ; elle demande la conservation de son siège royal.
Adresse du même genre des communautés de Lahas et Montiron en Gascogne; elles demandent des armes pour leur milice citoyenne.
Adresse du même genre de la ville d'Huningue ; elle y joint un supplément à son cahier de pétitions et de doléances. --
Adresse du même genre de plusieurs citoyens de la ville de Castellane en Provence ; ils se plaignent contre le chef de la municipalité, et demandent qu'il soit librement élu*
Délibération du même genre de la ville du Mur-de-Barrez; élle prend des mesures pour arrêter la dégradation des biens ecclésiastiques commise par les corps religieux, prieurs et curés du canton.
Délibération du même genre delà communauté de Montaut-Lassun en Béarn; elle adhère, purement et simplement, à la délibération de la ville de Pau, adressée à l'Assemblée nationale le 28 octobre dernier.
Adresse du même genre de la communauté de Maxilly-sur-Saône, bailliage d'Auxonne ; elle fait le don patriotique de la somme de 300 livres.
Adresse du même genre de la communauté de Lonchamp en Lorraine.
Adresse du même genre de la ville de Salers en Auvergne; elle demande la conservation de son bailliage, et d'être le chef-lieu d'un district : 35 communautés, dépendantes du ressort de ce bailliage, expiment ce vaeu.
Adressé du même genre de la ville d'Arcis-sur-Aube; elle demande d'être le chef-lieu d'un district, et le siégé d'une justice royale.
Adresse du même genre de la ville de Beau-gency en Orléanais ; elle demande la conservation du couvent des Ursulines, établi dans leur ville, qui lui est de la plus grande utilité.
Adresse des officiers municipaux et notables de la ville de Gharlieu, supprimés par un des décrets de l'Assemblée nationale, mais conservés J dans leurs fonctions jusqu'à ce qu'ils aient été remplacés, qui présentent à l'Assemblée nationale; d'hommage de leur adhésion à tous ses décrets, et jurent de les observer et faire observer au
Séril de leur vie. Réunis avec les habitants, ils emandent pour cette ville le siège d'une assemblée de district et d'une justice royale.
Adresse des officiels' municipaux de la ville d'Amiens, qui expriment, d'une manière énergique, les sentiments d'admiration, de reconnaissance et dé dévouement dont ils sont pénétrés pour l'Assemblée nationale.
Adresse de la communauté de Grateloup en Agénois, qui adhère aux décrets de l'Assemblée,
Eromet payer lé quart dé ses revenus en contri-ution patriotique, et demande la suppression des huissiers aux tailles, comme particulièrement à la charge des plus pauvres habitants.
Extrait des registres de la ville de Sauvetat-de-Caumont én Agénois, qui, dans une convocation générale de toutes les communautés de son ressort, a voté la contribution patriotique du quart de revenus de la même manière et dans la même forme que les autres villes du royaume.
Arrêté du comité permanent de la même ville, qui dénonce l'inéxécution des décrets de l'Assemblée concernant la libre circulation des grains dans l'intérieur du royaume.
Mémoire de M. de la Chiche, ancien officier du corps royal du génie, brigadier des armées du Roi, qui offre à l'Assemblée un projet de canal très-important pour l'Alsace, et se plaint d'avoir été la victime, par une retraite forcée, des volontés arbitraires de ses supérieurs, sous le ministère de M. de Ségur.
Adresse de lavilledeSarreguemines,qui adhère à tous les décrets de l'Assemblée, témoigne la plus insurmontable aversion contre tous rebelles et perturbateurs du repos public, et demande la conservation et l'agrandissement du ressort de son tribunal et de sa juridiction.
Adresse de la ville de Montendre en Saintonge, qui réclame avec instance l'établissement d'un
siège royal, ayant perdu une justice segneu-riale qui s'étendait sur 34 paroisses.
Adresse de Thil-Châtel en Champagne, bailliage de Langres, qui promet de payer exactement le quart ae son revenu, déclare déchu du droit de citoyen actif tout homme qui fera sur cet objet des déclarations frauduleuses contre son honneur et le bien de la patrie; en outre rénonce, au profit de l'Etat, aux avantages que les anciens taillables peuvent espérer de 1 imposition des privilégiés en 1790.
Adresse de la ville de Saint-Germain-Lambron en Auvergne, qui contient une adhésion pleine et entière à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et des félicitations sur les importantes fonctions auxquelles elle se livre pour fixer les bases d'une heureuse constitution. Cette ville donne à l'Assemblée l'assurance de sa soumission à tous ses décrets, et de son éternelle reconnaissance; elle annonce le vœu que forme un grand nombre de municipalités voisines, de voir établir un tribunal de justice dans ses murs; elle y joint enfin la demande d'une cour supérieure pour la ville de Clermont.
Elle arrête qu'elle prendra toutes les mesures nécessaires pour parvenir au payement du don patriotique, et sa municipalité fait don à la patrie d'une créance, au principal, originairement de 3,000 livres et des arrérages échus depuis 16 ans. Cette créance est le seul revenu patrimonial qu'elle possède, mais elle se trouvera amplement dédommagée de ce sacrifice par les avantages inappréciables qui doivent résulter de la constitution.
, l'un de MM. les secrétaires, reprend la lecture du procès-verbal du lundi 7 décembre au soir qui avait été renvoyé à la rédaction.
réclame de nouveau contre la partialité du rédacteur dans l'affaire de M. d'Albert de Rioms, commandant de la marine à Toulon. 11 demande qu'il soit fait mention expresse que la première affaire n'a aucune liaison avec la seconde.
propose de ne consigner aucun détail au procès-verbal, ni pour ni contre, attendu que l'affaire a été ajournée.
Cette motion est mise aux voix et adoptée.
, suppléant de M. La Bastide, député de Riom, démissionnaire, est admis à prendre séance, ses pouvoirs ayant été vérifiés.
donne lecture d'une note relative à M. le baron de Montboissier, député dé Chartres.
L'Assemblée charge le comité de vérification de lui rendre compte si M. le baron de Montboissier a donné sa démission, et dans ce cas, de yérifier les pouvoirs de M. Talon, son suppléant.
L'Assemblée aura à procéder demain à la nomination de nouveaux membres pour le comité des rapports, à raison d'un membre par bureau. Je propose de fixer la réunion à 9 heures du matin.
Cette proposition est adoptée.
observe que les 30 bureaux entre lesquels sont répartis les députés de l'Assemblée n'ont pas été changés depuis trois mois.
L'Assemblée arrête que les bureaux seront formés de nouveau lundi prochain* 14 décembre et que la liste en sera imprimée et distribuée à domicile.
, députe > du Perche, demande si le comité des recherches a reçu une dénonciation contre le sieur Bayard de La Vingtrie.
, président du comité, répond que le comité a décidé a l'unanimité qu'il n'y avait pas lieu de porter cette affaire devant l'Assemblée (Foy. aux annexes de la séance, la dénonciation de Thoumin, contre Bayard de la Vingtrie, et le texte de Varrêté du comité des recherches. — Cette affaire est revenue devant l'Assemblée nationale, dans la séance publique du 29 décembre 1789),
annonce que ce jour est destiné aux affaires des finances, mais que le comité des dix n'étant point encore en état de faire son rapport sur les différents plans, il invite le comité ae constitution à rendre compte de son travail relatif à l'instruction qui doit suivre le plan de l'organisation des municipalités.
, membre du comité, répond que M. Thouret est chargé de lire ce travail, qui est achevé. Mais qu'il est absent de la séance.
demande qu'en attendant son arrivée on présente d'autres objets qui ne Soient pas de nature à occuper longtemps l'Assemblée.
M. l'abbé deBonneval demande à être entendu. L'Assemblée est consultée ; le résultat paraît douteux, et donne lieu à beaucoup de réclamations. Cependant la parole lui est accordée, sur l'assurance qu'il donne de n'employer que très-peu de temps.
Comme membre de cette Assemblée, comme frère d'un ofticier général, illégalement emprisonné, et auquel vous avez ordonné que, la liberté fût rendue, je vous dénonce le Journal de Paris.
L'orateur est interrompu.
Il demande si, après lui avoir donné la parole, on veut la lui retirer.
observe à M. de Bonneval, que l'affaire dont il s'agit tenant à des intérêts particuliers, il paraît que l'Assemblée désire'qu'il en soit rendu compte dans un autre moment.
L'Assemblée allait être consultée. M. de Bonne-val se retire de la tribune.
annonce que le comité des domaines qui depuis plusieurs jours dëvâit présenter un décret Sur la conservation des bois, demande à faire son rapport.
L'Assemblée décide que ce comité sera entendu.
, rapporteur. Messieurs, la dévastation des bois est portée à son comble dans toutes les parties du royaume. Ces précieuses ressources de la marine, des constructions, des ateliers, des manufactures et de tous les arts nécessaires, sont presque anéanties; et cependant on se plaint depuis longtemps en France de la disette des bois. Je ne vous retracerai pas le tableau des dévastations commises jour et nuit dans toutes les forêts du royaume et
des dénonciations faites au coniité' par l'administration des eaux et forêts, par la maîtrise dé Paris; lé grand maître de ce département porte à, une somme effrayante les bois dévastés ou abattus à huit lieues de rayon de la capitale ;les forêts de Vincehnes et de Sâittt-Germain sont' dévastées sous vos yeUx. Lé bois de Bouldghë a'été surtout la proie d'une troupe de brigands,' dont les milices parisiennes ont arrêté le désordre. Que doit être le mal dans leslieux éloignés de la surveillance des tribunaux, dans lés frontières et dans les montagnes? Lès dégâts ért ce genre excèdent déjà Une masse plus considérable-de, bois que plusieurs générations d'hommes n'auraient pu en consommer: Le comité des domaines a cru mutant de s'occuper de cet objet d'un si grand intérêt pour lé royaume, il m'a chargé de vous proposer un projet de décret.
(de Besançon), membre du comité féodal, demande qu'on ne délibère pas en ce mor ment sur le décret proposé par le comité des domaines, parce que incessamment il doit proposer un décret relatif à la chasse, dont l'abus parait avoir beaucoup contribué à la dévastation> des bois, par la mauvaise interprétation donnée aux décrets du 4 août.
Le décret "proposé par le ; comité féodal est urgent ;. mais ce qui importe je plus en ce moment, c'est de hâter l'organisation des municipalités. En conséquence il faut, sans aucun délai, en présenter les articles à l'acceptation du Roi,, et les envoyer dans les provinces.
;Sji J^on veut assurer l'exécUtion du décret* il faut ajouter par amendement, que lés communautés seront garantes des dégradations qui seront commises dans IeS forêts.
Je demande que les communautés villageoises soient rétablies dans l'usage et la propriété de leurs bois communaux, dont( ùn# adroite'et fausse, interprétation des coutumes les a privées pendant longtemps.
On ne peut rendre les officiers municipaux responsables des délits, mais bien de la surveillance.' J'amehde ainsi l'amendement proposé par M/deObrtan.
J'àdoptè lé décret aVeè l'athëh-dement dU préopinant. J'insiSte aussi sur celui que M. Bidault a proposé. En effet, la 'Franche^ Comté a toujours reconnu pour niaxime coUtti-mière cet adage, nul seigneur sans iitfe. Et ce n'est que depuis un assez petit nombre d'années qu'on a fait prévaloir ' de rorCe la'maxMe con-traire, nulle terre sans sèïgfieùr. C'est à la'fâvêur de ce principe que la plupart des seigneurs de Franche-Comté se sont fait adjuger la tierce dans les bois CbmûiunaUx, (Jui ne provenaient pas des concessions deleurs prédécesseurs.
Un des préopinahts vous a dit que la formation des nouvelles municipalités pouvait séUle ramener le Calme, et assurer l'exécution de vos décrets; mais, si vous rendiez ces administrations responsables des délits Commis dans les bois, je doute que la! Sévérité d'une'telle disposition vous permît de trouver des ofliciers:
Je réproçhe au
projet de décret du comité domanial, de s'exprimer trop vaguement dans le premier article proposé. Il met tous les bois indistinctement sous la sauvegarde de la nation; et, d'après les nouvelles idées dont le peuple est imbu, on pourrait bien ne pas distinguer assez les bois qui sont la propriété des particuliers, de ceux qui sont à la disposition delà nation. Je demande une distinction qui lève toute équivoque
Je demande que, suivant l'ordonnance, les pauvres soient autorisés à continuer de ramasser le bois mort.
La discussion est fermée sur le fond du décret.
On délibère article par article.
demande qu'il y ait dans le décret une disposition particulière pour lès arbres qui bordent les routes.
Les peines prononcées par l'ordonnancé de 1669 ne sont pas assez sévères pour intimider les délinquants. On coupe un chêne de huit pieds de tour ; on en est quitte pour 8 francs d'amende. Je demandes'il existeaucune proportion entre la peine pécuniaire prononcée en 1669 et Je délit. La valeur relativë ae cette somme a considérablement diminué; il faut augmenter la quotité de l'amende.
Il s'en faut de beaucoup que je convienne avec le préo-pinant que le code pénal des eaux et forêts soit trop doux. Il a toujours paru tellement sévère aux tribunaux, qu'ils n'en ont jamais éxécuté les dispositions à la rigueur. L'amendement de M. Hutteau doit être rejeté.
J'observerai à l'Assemblée que l'on demande avec beaucoup de justesse, autour de moi, si nous voulons commencer la réforme du code pénal par les balivaux. Je remarquerai cependant qu'il n'est point de code où les peines soient plus disproportionnées au délit que celui des eaux et forets. Un cerisier qui ne vaut pas 5 sous peut coûter mille écus à celui qui le coupe* (Un côté de la salle paraît im-proUver M. de Mirabeau.) Ce n'est pas une épi-gramme que je fais; je né suis pas accoutumé à en mettre en délibération ; que chacun en dise autant. En un mot, ce n'est pas ici le moment de réformer le code pénal.
(de Bigote) s'oppose à ce que la perquisition soit permise.
admet la perquisition pourvu qu'elle soit faite en présence d'un officier municipal.
met enfin aux voix le projet du comité des domaines qui, après avoir subi quelques amendements, est adopté ainsi qu'il suit :
DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe non-seulement à l'Etat, mais à tous les habitants du rbyaume, de veiller à la conservation, et de maintenir le' respect dû à toutes les propriétés, et notamment à celle des bois,objet de premier besoin;'avertie par l'administration des
eaux et forêts des délits multipliés qui se commettent jour et nuit par des particuliers, et même avec armes, et par attroupement, soit dans les forêts royales, soit dans les bois des ecclésiastiques, des communautés d'habitants, et de tous particuliers du royaume, ainsi que sur les arbres plantés sur les bords des chemins; justement effrayée des suites funestes que dé tels délits doivent nécessairement entraîner pour la génération actuelle et pour celles à venir, par la disette des bois que des siècles peuvent à peine régénérer; a décrété et décrète,
« 1° Que lesdites forêts, bois et arbres sont mis sous la sauvegarde de la nation, de la loi, du Roi, des tribunaux, des assemblées administratives, municipalités, communnes et gardes nationales, que l'Assemblée déclare expressément conservateurs désdits objets, sans préjudice des titres, droits et usages des communautés et des particuliers, ainsi que des dispositions des ordonnances sur le fait des eaux et forêts.
« 2° Défend à toutes Communautés d'habitants sous prétexte de droit de propriété, d'usurpation, et de tout autre quelconque, de se mettre eh possession par voie de fait d'àucun des bois, pâturages, terres vagues et vaines,dont elles n'auraient point eu la possession réelie au 4 août dernier, sauf auxdites communautés à se pourvoir par les voies de droit, contre les usurpations dont elles croiraient avoir droit de se plaindre;
« 3° Décrète que toutes coupes, dégâts, vols et délits, commis dans lesdits bois, forêts, sur les arbrës des chemins et lieux publics, dans les plantations et pépinières, seront poursuivis contre les prévenus, et punis sur les coupables des peines portées par l'ordonnance des eaux et forêts, et autres lois du royaume.
« 4° Défend a toutes personnes le débit, la vente et l'achat en fraude des bois coupés en délit, sous peine, contre les vendeurs et acheteurs frauduleux, d'être poursuivis selon la rigueur des ordonnances ; décrète que par les gardes des bois, maréchaussées et huissiers sur ce requis, la saisie desdits bois coupés en délit, soit faite; mais la perquisition desdits bois ne pourra l'être qu'en présence d'un officier municipal, qui ne pourra s'y refuser.
"5° Enjoint au ministère public de poursuivre . les délits; autorise en conséquence les maîtrises des eaux et forêts, et tous autres juges, à se faire prêter main-forte pour l'èxécution de leurs ordonnances, jugéments et saisies, par les municipalités, gardes nationales, et autres troupès, pour arrêter, désarmer,et repousser les délinquants dans lesdites forêts et bois, à peine, en cas de refus desdites municipalités requises, d'en répondre en leur propre et privé nom.
«6° Autorise tous lesdits juges et municipalités à faire constituer prisonniers tous ceux qui seront trouvés en flagrant délit, tant de jour qde de nuit.
« Décrète enfin que le présent décret sera présenté ihscessammenl à la sanction du Roi, et qu'il sèra supplié de donner les ordres les plus prompts pour son exécution dans toute l'étendue du royaume; qu'à cet effet,J1 sera envoyé dans tous les tribunaux ordinaires, maîtrises des eaux et forêts et muhicipalités, et qu'il sera lu au prône de toutes lès paroisses, publié et affiché dans toute l'étendue du royaume, notamment dans lés lieux qui avoisinent lesdites forêts et bois.
, député suppléant du bailliage 4e Ptronne, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est
admis en remplaoementdeM.de Bussy, démissionnaire. ,
, archevêque d'Aix, demande à s'absenter pendant quinze jours pour affaire de famille. L'Assemblée y consent.
La communauté de Montigny-les-Cherlieu, offre en don patriotique, une somme 20,000 livres, sur le produit d'upp futaie de 60,000 livres dont elle a dépuis longtemps demandé la vente au conseil.
dit que les dames, femmes d'artistes, qui avaient déposé le 25 novembre dernier sur l'autel de la patrie leur offrande de la valeur de 16,000 livres réclamaient l'inscription du tribut de leur dévouement dans les procès -verbaux de l'Assemblée.
Un des commissaires chargés de la recette des dons patriotiques répond que les occupations multipliés de l'Assemblée l'ont empêché de lui en rendre compte et qu'il n'attend que le moment favorable pour réclamer, en faveur de ces dames, les justes éloges qui leur sont dus.
observe, que pour la satisfaction des personnes que le zèle et l'amour du bien public déterminent à des sacrifices, l'Assemblée avait, ordonné que la liste des dons patriotiques serait exactement imprimée et rendue publique. L'imprimeur souvent forcé par des demandes particulières ou par l'impression de différents mémoires, a depuis longtemps suspendu celle des dons patriotiques ; en conséquence, l'honorable membre fait la motion de nommer deux commissaires, convenables semblée.
, pour s'assurer, par les précautions les, de l'exactitude du service de l'As-
ajoute que M. Baudoin, l'imprimeur, sollicite lui-même, depuis longtemps, cette surveillance.
La motion mise aux voix est adoptée.
Le rapport à faire par le comité des finances sur la ferme en Bretagne est renvoyé à demain à l'ordre du jour de deux heures.
, député de Sain-tonge, fait une motion sur la forme de répartition des impôts des privilégiés pour les six derniers mois de 1789 et pour l'année 1790.
Votre intention est que les sommes qui proviendront de ces impositions tournent à la décharge de tous les contribuables et non du Trésor public, vons en disposerez de la même manière que vous avez disposé de celles qui proviendront dé l'imposition pour les 6 derniers mois de 1789 et vous ordonnerez qu'elles seront réparties en moins imposé sur tous les contribuables de la province ou plutôt de chaque département. Cette opération simple, claire et naturelle, lève toutes les difficultés et fait que les privilégiés seront imposés pour 1790, de la même manière que pour les 6 derniérs mois de 1789. L'opération de 1789 sera la basé de celle à faire pour 1790, qui consistera simplement à doubler, pour 1790, la contribution à payer pour 1789. Cette nouvelle disposition facilitera la confection des rôles. Les sommes imposées pourront se lever sans délai et sans réclamation. Les malheureux jouiront de l'espoir des remises qui leur seront faites par la répartition en moins imposé et cette répartition sera un de plus
grands travaux dès assemblées administratives que vous allez organiser.
Je propose le décret suivant :
« L'Assemblée'nationale considérant que l'article 4 dé son décret du 26 Septembre contient des dispositions dont l'exécution entraînerait de grandes difficultés, consumerait un temps précieux et nécessiterait des, délais incompatibles avec la situation critique des finances. « Décrète :
« 1° Que en interprétant l'article 4 dé son décret du 26 septembre, les ci-devant privilégiés seront imposés pour 1790, dans la même sommé et le£ mêmes proportions que celles prescrites pour les 6 derniers mois de 1789, par l'article 2 diidit décret et par son décret du 28 novembre;
« 2° Que les sommes qui proviendront desdites impositions seront réparties en moins imposé sur tous les contribuables de chaque département, de même que celles qui proviendront des impositions pour les 6 derniers mois de 1789. »
Cette motion est renvoyée au comité des finances.
La séance est levée.
Dénonciation de crime de lèse-peuple ou lèse-nation à Nos seigneurs de l'Assemblée nationale ét mémoire pour la ville de Belléme au Perche (1); contre les sieurs Jullien, intendant d'Alençon, et Bayard-La-Vingtrie , son subdélégué à Belléme (2), par Thoumin, député suppléant du Perche,
Si quis Rex, si qua natio fecisset aliquid, in civmn Romanum, ejusmodi, non ne publici vindtcaremus ! Non . bello persequeremur ? Num ergo tibi ullam salutem ullum perfugium putem f
Cicero in Verrem.
Si un Roi, si une nation étrangère eût commis un attentat de cette espèce en la personne d'un citoyen ; s'il eût ordonné à ses archers de frapper, de tirer sur des Romains, est-ce que nous n'en demanderions pas une vengeance éclatante? Est-ce que nous ne lui déclarerions pas la guerre ? Puis-ie donc croire que vous, qui avez donné un tel ordre, échappiez à la peine, ët trouviez un seul com de terre où vous réfugier?
clcéron contre verrk5.
C'est pendant que l'auguste Assemblée de la nation est -constamment et imperturbablement occupée à détruire les abus, à .régénérer le royaume, à recréer, pour ainsi d^re, l'homme, pour le rendre à la nature, à lui-même et au bonheur, qu'on voit encore un intendant et un
Si
Ce document n'a pas été inséré au Moniteur. [2) Depuis longtemps cette affaire, dénoncée au comité des rapports, eût été référée à l'Assemblée nationale; si le sieur la Vingtrie n'eût intéressé plusieurs médiateurs, et n'eût encore tout récemment reçu avec transport la trop généreuse disposition du représentant de la Ville de Belléme, à s'en remettre à la prudence, sagesse et impartialité de M. le comte de P... membre de l'Assemblée nationale, pour aviser aux moyens d'assurer aux habitants de Belléme l'exécution de la promesse verbale, tant de fois donnée par l'accusé, de ne jamais retourner au Perche, et de lui procurer en même temps le loisir d'aller .finir sa carrière,sous un ciel étranger, sans que la publicité de l'indignation d'une ville «ntière
subdélégué se faire un jeu des plus cruelles injures et des plus terribles conspirations contre une ville entière. L'honneur, la iibèrté, la vie des autres, ne sont d'aucun prix à leurs yeux. L'intendant, par un libelle atroce, exhale tout ce que peut le délire du despotisme expirant. Le subdélégué, aveuglémént soumis à son maître, s'affiche hautement l'Oppresseur et l'assassin des citoyens. Tout les deux se liguent avec le lieutenant de maréchaussée du district, pour former et mettre à tin une procédure prévôtale contre l'élite des habitants ae Bellême. Ils sollicitent des lettres de cachet contre ceux qu'ils n'ont pu fàire périr, dans le moment même où l'empire français déclare ennemi des droits de l'homme, criminel de lèse-nation, celui qui provoque, favorisé ou accueille cette espèce d'inquisition ministérielle.
FAITS.
Une disette presque générale affligeait le royaume; elje désolait particulièrement la ville et "banlieue de Bellême. A peine comptait-on 40 ou 50 boisseaux de grains au marché du jeudi 10 juin dernier, lorsque là consommation commune était de 7 à 800 par semaine. Déjà l'herbe servait de nourriture à quelques malheureux, et la stérilité de la halle achevait de répandre la consternation.
Dans ce moment, passent 4 voitures chargées de grains; il en passait fréquemment, et le peuple savait que la plupart de ces grains allait à Mortagne, et de là se perdre dans les ports de Honfleur, du Havre, ou à Rouen-
On s'attend que les premiers officiers de Bellême, le maire, lé lieutenant général, le subdélégué, se hâtent d'inviter les voituriers à se défaire de leur denrée; qu'ils se disputent de zèle pour nourrir le peuple. Si lé lieutenant général ou le subdélégué ont des intérêts opposés à ceux des citoyens, S'ils ont des intelligences criminelles, le maire, qui n'est ni l'homme du parlement, ni l'homme de l'intendant, mais l'homme de la ville, veillera pour eux A Bellême, le sieur de la Vingtrie était à la fois maire, lieutenant général civil et criminel et subdélégué ; il avait acheté toutes ces charges, et leur incompatibilité l'avait rendu sourd aux cris des habitants ; il dormait profondément sur leurs besoins. La prévoyance des magistrats voisins aurait' au moins dû le rendre
s'attachât ostensiblement à son évasion: Le sienr la Vingtrie a saisi ce ^moment de bienveillance, pour: se dérober aux yeux de la nation, et au décret qu'elle allait rendre, en surprenant de M. le procureur général un arrêt sur requête portant attribution à la sénéchauis-sée du Mans, siège de la famille nombreuse et de la fortune de sa femme, de la connaissance de la même affaire contre les habitants de Bellême. La date de cet arrêt du 27 octobre, démontre qu'à l'instant ou l'accusé, en, personne, excitait encore la pitié et la commisération aux comités, il saisissait récriminatoirement le parlement dë Paris, et le présidial 'du Mans, où il espéràit plus d'indulgence qu'au Châtelet, seul tribunal compétent pour juger définitivement. La ville de Bellême..,accusatrice, a cru devoir, par précaution surabondante, former son opposition à l'arrêt, par défaut, et la dénoncer, aux officiers . du Mans, ainsi qu'au sieUr la Vingtrie, qu'on sait avoir eu pendant un certain temps l'agrément d'une partie du conseil de Monsieur, pour la charge de lieutenant criminel du Mans, ce qui donne à la ville de Bellême un nouveau motif de récusation contre les juges de ee tribunal.-
circonspect sur son indifférence meurtrière, mais ces modèles ne servaient que d'aliment à la plus criminelle inertie, à la plus indicible sécurité. Ainsi, dans un seul homme sommeillait l'édile, le prêteur et le proconsul.
Abandonnée de tous ses magistrats, la ville ne s'abandonne pas elle-même. Un peuple qui voit arriver la famine, est-il coupable de prolonger son existence en arrêtant des grains destinés peut-être à l'exportation, à des ennemis, ou au moins à des hommes qui ne peuvent en avoir un plus pressant besoin?
D'abord, quelques femmes, leurs enfants dans les bras, conjurent les voituriers de vendre leur marchandise ; sur leur refus, le peuple commande, il veut que les sacs soient conduits à la halle. Le sieur de la Vingtrie survient ; ; il approuve la réclamation dés habitants : il promet solennellement que les grains resteront en dépôt; mais il étudie les mouvements du peuple, qu'il voit dévorer des yeux cette manne terrestre. Il profite de ce moment de respect des malheureux, pour inspirer aux conducteurs la liberté de vendre arbitrairement leur grain, de le porter à un si haut prix que le peuple ne puisse en acheter. Le vendeur l'estime un quart au delà du courant; le peuple en gémit, il souffre, et se console encore par l'espoir de trouver le lendemain les marchands plus h umains et plus traitab les.
Déjà le substitut de l'intendant écrit à Mortagne. Vingt-cinq dragons accourent à sa voix, et à la faveur de la nuit, les sacs doivent disparaître. Tout arrive comme le subdélégué l'avait projeté..; Qu'on juge à présent de l'indignation du peuple.
Le 17 du même mois, 150 boisseaux sont arrêtés de nouveau au passage de la ville. Cette fois, les femmes «avertissent les ouvriers de la forêt; ces gens vivent aux dépens des approvisionnements ae Bellême : trente ou quarante arrivent pour garder la halle pendant là nuit. Sans chef, sans ordre, confondus avec le peuple, ils n'étonnent point les habitants, on les voit même avec une sorte de satisfaction; ils conduisent au marché une voiture qu'ils trouvent à la porte du nommé Bouvier , marchand de grains, toute chargée et prête à partir pour l'étranger , on la regarde comme appartenant au sieur la Vingtrie, ou au moins de communauté avec Bouvier, qui transportait à Mortagne, pendant les nuits, une partie du pain qui se fabriquait à Bellême. Ce particulier eut l'indiscrétion de aire publiquement au peuple, qui murmurait à la halle contre lui, que si l'on pillait ses sacs, le sieur la Vingtrie y perdrait plus que lui : effectivement plusieurs des sacs étaient marqués au nom du subdétégué, qui jurale même jour, à l'hôtel de ville, de se venger juridiquement des propos tenus par Bouvier; il prit même le nom des témoins qu'on lui indiqua, et l'on ne peut qu'applaudir à sa grande prudence de n'avoir pas tenu parole.
La prévoyance des gens de la forêt et du peuple faisait bien naître l'espoir d'avoir du pain le lendemain, mais le subdélégué ne pouvait, à bien des égards, supporter la vue des observateurs qui dérangeaient ses plans; il n'ose cependant faire de réclamation personnelle; il calcule secrè tement une vengeance bien chère à son cœur; il voudrait ne pas se compromettre ouvertement par écrit et se ménager une excùse : voici donc le réquisitoire captieux que le s Dubosq, maréchal des logis de la maréchaussée de Bellèmé, son cousin et son ami, a dit avoir reçu de lui.
« Nous, etc.^. Sur l'aWs qui vient de nous être donné, et ayant vu par nous-mêrae environ
400i particuliers etc. (1), prions et requérons M. Dubosq de monter à cheval sur-le-champ, pour maintenir le bon ordre et dissiper cette troupe. >
Ce mot dissiper s'explique de> lui-même. Dans l'intention du subdélégué, c'est l'injonction d'un massacre.
En effet, s'il n'y eût pas eu de voies de fait à commettre, il n'eut pas été besoin de réquisitoire, les maréchaussées connaissent le but de leur institution, et savent que, sans réquisitoire, elles peuvent et doivent veiller au maintien de l'ordre ; mais, comme le sieur Dubosq, malgré son aveugle déférence pour son parent, avait pressenti la suite des assassinats qu'il allait exécuter, d'après l'injonction verbale qu'il avait reçue, il avait exigé du subdélégué un écrit qui; pût lui valoir une apparence de justification. Il crut voir d'ahord dans ces mots dissiper la troupe, et son excuse et le mérite de son pardon.
Dissiper cette troupe ! Voilà la preuve écrite des projets et des ordres barbares donnés par le subdélégué de Ëellème, et confirmés par la déclar ration ci-après du sieur Dubosq, dont on ne peut diviser la confession. Ce dernier, devenu depuis l'objet de la censuré publique, s'est rendu de soa propre mouvement à une assemblée générale des habitants le 30 août dernier, oû il a témoigné ses regrets, et demandé à être entendu avant qu'on passât à la discussion delà matière qui réunissait la ville. Voici la déclaration qu'il y fit; elle explique l'ordre mystérieux et perfide qu'il avait eu par écrit. Elle porte que « venant de recevoir son changement sur des plaintes adressées parla ville à ses supérieurs, il a désiré manifester ses regrets et prier ses concitoyens de vouloir bien au moins lui laisser emporter leur estime, si les moyens de justification qu'il avait à alléguer pouvaient la lui rendre.
« En outre, que le 17 juin dernier, montant à cheval à la tête de sa brigade, et d'un détachement de dragons qui étaient en garnison àBellême, M. la Vingtrie, en présence de quelques personnes, lui avait expressément enjoint de balayer les rues et de sabrer tout ce qui se présenterait, en lui disant : Tuez-moi tous ce scgueux-là. Que le même jour, la maréchaussée de cendue de cheval, M. la Vingtrie lui avait reproché de ri avoir,pas tué au moins cinq ou six personnes. » Le sieur Dubosq a signé.
$ Balayez-moi les rues! Sabrez-moi tout ce qui se présentera! Tuez-moi tous ces gueux-là! Vous êtes un lâche, Dubosq : vous m'avez désobéi : pourquoi ne m'en avoir pas tué au moins cinq ou six? C'est un maire de ville qui parle ainsi! Non, c'est un subdélégué;, c'est un homme accoutumé à voir des bourreaux, des roues, des bûchers , qui se
plaint, qui gémit de ne pas voir du sang.......
Cet homme cruel, encore ému de colère, quelques ours après, dit qu'il ne serait jamais content, qu'il n'eût vu une douzaine de citoyens de Bellême accrochés sur la place : on lui fait grâce d'un autre propos que les Phalaris, les Néron, les Ghris-tiern eussent été jaloux qu'un petit tyran eût inventé... Revenons un peu sur nos pas.
(1) Le sabdélégué grossit le nombre an moins de 350 pour colorer son réquisitoire ; il y avait au plus 40 à 50 personnes de la forêt, toutes connues et incapables de mal faire ; il a vraisemblablement compté pour autant d'étrangers, pour autant de séditieux, pour autant de victimes dévouées à son caprice, les ouvriers de la forêt réunis à uue partie du peuple de Bellème. On verra par les suites qu'il n'en faisait pas de distinction.
L'ordre donné aux cavaliers et dragons de s'armer, de charger à balle, de monter a cheval le sabre à la main, de frapper et de tirer impitoyablement sur le peuple, n'eut pas plus tôt transpiré, qu'un citoyen s'approchant du subdélégué maire, qui était présent à la cavalcade, lui représenta à voix basse et en particulier, le danger qu'il y avait pour quinze à vingt hommes, d'attaquer tout un peuplé; combien il était inquiétant pour les habitants de Bèllême et de la forêt, et dangereux pour lui-même, de montrer un tel appareil, de prendre un parti aussi violent, aussi injuste, et qui devait, à là première explosion, faire perdre la têtè à des malheureux dont l'objet unique de réunion était d'avoir du pain pour leur argent.
Famés, Hoc seelus erat.
Le subdélégué répondit : Je m'en f... ; il faut à quelque prix que ce soit, balayer de la ville les gens qui viennent d'y entrer, et le peuple qui prendra leur parti.
Cependant, cavaliers et dragons, Dubosq à leur tête, partent au gâlôp, traversent Une grande partie de la ville, cinq dp front, et comme si elle venait d'être prise d'assaut. Les personnes qui sont dans les rues échappent à peine aux pieds des chevaux, en se iptant précipitamment contre les murailles ou dans les maisons.
Le même particulier qui venait de faire des représentations infructueuses au subdélégué, ne se rebute, ne se fatigue point; il prend une route abrégée, court vers la troupe qui se rangeait én bataille, se jette sans armes, et saisit là bride du cheval de celui qui së trouve eh tête, le conjure d'épargner le sang, de ne faire de mal à personne, et Dubosq lui-même, qui vepait de porter des coups de sabre, en criant comme 'un forcené : Tue! Ty,e! point de quartier ! impose silence à la multitude, pour que le citoyen se fasse entendre. Ce dernier ne parle que pour assurer à la troupe que les gens de là forêt ët le peuple n'ont aucun mauvais dessein, qu'il vient très-directement de s'e;o instruire; que cçs infortunés, à la solde des marchands de bois de la ville, s'expliquaient hautement; qu'il serait àffreux de verser du sang lorsqu'il n'y a pas d'ènnémis, lorsqu'il n'y a pas de criminels, lorsque tout'est peuple, et que tout le peuple est citoyen ; lorsque la ville n'est alarmée que par les ordres exterminateurs du subdé-légué, qui était précédemment convenu délaisser en dépôt, pour le marché du lendemain, les grains arrêtés; et lorsqu'enfin le peuplé assemblé ne demande que ce dernier moyen de prolonger, quelques instants de plus, sa misérable vie et celle de ses enfants.
Le peuple s'était déjà dispersé sans s'être mis en défense, sans avoir fait les moipdres menaces ou tenu les moindres propos réprébensibles, et néanmoins se rapprochait toujours, comme malgré lui, par différents côtés, des sacs de grains, dont il redoutait si naturellement l'enlèvement.
L'ardeur des cavaliers et dragons se calme, et le subdélégué n'en devient que plus furieux ; il veut ranimer le courage, souvent aveugle, du soldat, et comme il venait de répondre à quelqu'un qui lui exposait la nécessité de se contenir, et qu'un hpmme en place ne devait jamais perdre la tête, qu'il ne se connaissait effectivement bientôt plus : il en donne la prèuve la plus çomplète, en,faisant fajre, à son qe caisse, c$te extravagante proclamation :
De la part de M. la Vingtrie, il est enjoint à
tous particuliers de cette ville, de rentrer chez eux, à peine de risquer d'être blessés.
Cet ordre, postérieur aux représentations qui venaient de rétablir la paix, annonce de nouveau que les cavaliers et dragons vont faire feu et frapper ; on ne sait plus où Ton est ; le subdélégué, désespéré de la nullité d'une première tentative, et de ce qu'il n'y avait pas eu de citoyens tués ou au moins mutilés, fait un second effort. L'alarme recommence et la terreur devient universelle; on veut étouffer le cri sinistre du tambour de villé, et les habitants, bien loin de rentrer chez eux, sortent en foule. Tout manifeste le péril le plus imminent, parce que la troupe est encore en ordre d'attaque. Tout lé monde, saisi dé la plus juste Indignation contre l'auteur de tant de maux, court éploré dans les rues; les cavaliers et dragons inquiets eux-mêmes", ne voyant que des gens tranquilles, point de coupâmes et personne qui méritât la mort, ne méconnaissent plùs leurs frères dans cette multitude livrée aux coups de fusil et au tranchant des sabres, et disparaissent. Le subdéléguè eut ainsi la pleine mortification de ne pas voir au moins une demi-douzaine de cadavres (ce sont ses expressions), et ce fut alors qu'il fit les reproches les plus vifs au sieur Dubosq, de ne lui avoir pas apporté quelques têtes.
Que le sieur là Vingtrie ne répète pas, ainsi qu'il a eu l'inpudente audace de le dire une fois, qu'il n'avait donné l'ordre de tirer sur le peuple et de lui faire la chasse a coups de sabre, que pour l'intimider. On lui répondrait : 1° Vous seul portiez ombrage dans la ville, et vous seul prétextiez un trouble pour vous procurer le plaisir barbare de voir du sang ; 2° il est constant et par la déclaration authentique de Dubosq, et par celle qui sera faite au besoin de la part de l'officier de dragons, pour lors à Bellême, et par deux ou trois autres personnes qui vous ont entendu, que cet abominable assassinat a été par vous ordonné purement et simplement, et sans aucun retentum; que cet ordre a été le commentaire, l'explication de vdtre réquisitoire, et qUe ceux qui ont eu cet affreux commandement à 1 exécuter, en ont frémi d'horreur ; 3° vous avez eu l'humiliation de donner pour excuse l'ordre même que vous aviez reçu du sieur Jullien, intendant, et vous avez même exhibé à une multitude de personnes, et notamment à plusieurs de MM. les députés, une lettre de cet intendant, par laquelle il vous faisait des reproches d'avoir été trop doux, lorsque vous ne regrettiez véritablement que de n'avoir pas vu couler le sang dans les rues (1).
On a vu que le subdélégué s'était réellement abouché avec l'intendant pour exterminer le peuple dès que l'occasion s'en présenterait et qu'il avait décrit la scène comme devant être fort tragique, puisque l'intendant reproche à son subdé-légué d'avoir été trop doux, et qu'il trouve qu'on
(1) Il est bien pardonnable, dans une matière de la nature de celle-ci, et où l'on ne pent, sans préjudicier à ses propres intérêts, user de la modération moralement, et civilement inséparable de la discussion de tous autres sujets, tremper ses pinceaux dans l'encre de l'amertumé et de l'indignation, pourvu qu'on ne s'écarte pas de la vérité, ménager ses idées, ses expressions, ses couleurs, c'est nuire à son sujet. Ombrer avec la gaze la plus légère le buste qui doit être mis au grand jour, c'est, en sens contraire, découvrir des nudités qu'on veut cacher.
n'ait pas versé de sang, quoiqu'il fût bien convaincu que ce subdélégué en était encore plus fâché que lui.
Si le subdélégué de Bellême eût réussi à faire égorger les gens de la forêt et le peuple, les sacs de grains eussent été une seconde fois enlevés de la halle. Ces 150 boisseaux d'extraordinaire, vendus au marché du 18 juin, ne purent cependant aider que très-faiblement à la subsistance du jour; on se plaignit amèrement du manquant, et il ne fut plus permis de temporiser.
Tous les habitants demandent une assemblée ; le maire est obligé de la convoquer ; la cloche sonne, la caisse bat, on se porte en foule à l'hôtel de ville. On avait envoyé chercher deux fois le sieur la Vingtrie ; le subdélégué s'y rend, comme malgré lui, sur les 4 à 5 heures du soir. On lui demande d'abord s'il vient comme maire, comme lieutenant général ou comme subdélégué : il ne rougit pas, à la face de ses concitoyens assemblés, de rejeter le titre glorieux de leur maire, pour retenir des fonctions pleines de servitude et d'oppression. Il quitte le fauteuil ; un échevin le remplace, et par la délibération il est arrêté, entre autres choses, que « vu la disette des vivres (1), augmentée encore par le surcroît des bouches inutiles qu'avait mandées le subdélégué, et vu la difficulté des logéments (2),il serait enjoint au détachement de dragons de se retirer à leur garnison (3), et au sieur Dubosq d'être plus circonspect, de ne plus courir les rues en foulant les citoyens aux pieds des chevaux et en les effrayant par les cris assassins qu'il avait fait entendre : qu'on demanderait au ministre la permission de conduire à la halle les grains qui passeraient par la ville (4), qu'on solliciterait ia
liberté d'un laboureur père de famille, détenu en , vertu d'ordre arbitraire (1). Enfin la ville décrète que 21 commissaires nommés par la même assemblée se partageront la ville et le bailliage en 7 districts, et se transporteront dans les greniers de leur département pour y constater la quantité de grains, et sur leur rapport être ordonné à tous ceux qui en auraient au delà du nécessaire, d'apporter à chaque marché, jusqu'à la récolte, cette portion de leur superflu. »
Cette délibération, revêtue des signatures les plus respectables exprime les vœux unanimes d'une ville entière. Voici la lettre ostensible que l'intendant d'Alençon écrit à ce sujet à son digne subdélégué, rédacteur secret d'un procès-verbal contre cette délibération :
« A Alençon, ce
(1), arrêtée, sans doute, par lesplus mauvais sujets de votre ville. Ces gens (2) mériteraient d'être fouettés dans tous les carrefours de la ville, portant écriteau devant et derrière, qui les annoncerait comme perturbateurs du repos public. Le
parti de la clémence (1) que vous prenez pour ce qui vous concerne, ne m'étonne pas ; cette espèce de gens est trop méprisable, pour que vous puissiez être entaché de leur injures (2). Je veux bien, Monsieur, en rendant compte au ministre, comme je le dois, de cette affaire, lui dire que vous désirez qu'elle n'ait pas de suite contre eux (3); et je m'y porte d'autant plus volontiers, que c'est éviter à la famille innocente des coupables, le déshonneur qui retomberait sur elle de la peine infamante qu'ils auraient reçue. La crainte, sans doute, des châtiments qu'ils ont mérités, les a rendus plus sages, puisque la tranquillité est réta-
blie dans votre ville (1). J'espère qu'elle s'y maintiendra ; car si le trouble s'y renouvelait il s seraient tous emprisonnés sans nouvelle information (2).
« J'ai l'honneur d'être très-sincèrement, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
« Signé julien. »Au bas de la page : « M. La Vingtrie. »
Si la ville de Belléme eût brisé la statue du prince ou des dieux, eût-il été possible à aucun homme d'entrer dans une plus grande colère que celle exprimée par cette lettre?
Telles sont cependant les expressions d'un intendant vis-à-vis d'un hôtel de ville, vis-à-vis d'une ville entière. Si l'aristocratie en personne eût écrit aux serfs du Mont-Jura, eût-elle pu tenir un langage plus altier, plus assassin que celui du sieur Julien ? Des outrages ne se pardonneraient-ils pas plutôt qu'un tel mépris? On voit quels sont les citoyens que l'intendant, d'accord avec son subdélégué, se permet d'appeler les plus mauvais sujets de la ville, et à qui il a l'air de faire grâce du fouet et des galères.
Quelle espèce de despote est-ce donc qu'un intendant, et quelle idée sa grandeur se fait-elle de sa stature colossale ! Tous seront emprisonnés sans nouvelle information! On ne peut se fatiguer de la répétition..... En vérité cette démence est
telle, que} l'indignation en devient bientôt ridicule. On croit entendre Harpagon qui prie : des archers, des prisons, des bourreaux, et qui veut que tout le;monde soit pendu... Mais le peuple qui a faim, n'est pas toujours philosophe; il aura toujours la folie de vouloir vivre, même aux dépens de ses tyrans.
Il ne tinf pas au teieur la Vingtrie que dès lors plusieurs notables de^Belême ne fussent réellement emprisonnés sans forme de procès; il intrigua avec llintendant pour obtenir, dans les bureaux, quelques lettres, de cachet, notamment contre trois des commissaires. Ils ne pouvaient prendre plus mal leur temps ; les tours des prisons d'Etat allaient tomber; et voyant déjà que les cachots ministériels'étaient fermés à leur vengeance, et qu'il ne leur restait plus que ceux de la prévôté, ilsmanteuvrèrent de ce côté-là.
Tu pâter êt rerUrn iritiOittor ! Tu patria nùbis
suppéditas prœcepta. Ltfcret., lib. III.
Un intendant, un sub'délégué, un prévôt, ,se tiennent 'toujours par la main ; il n'était besoin que d'un prétexte pour provoquer l'inquisition,! et établir à Bellême un tribunalcontre les citoyens. Voici le piège qu'imagina le subdélégué.
Oh se souvient des 21 ; commissaires nommés pour constater la quantité des gràins du bailliage, et pour approvisionner la. ville. Le sieur la -Vingtrie exhorta, de toutes ses forces, ces r commis-' saires à acquérir des grains, à arrêter les voi-i turiers qui en seraient chargés, promettant de prêter main-fortei\\ n'en fallait pas davantage pour faire 'déserter la grand'route,' et arrêter la circulation. Dans la vue de la rétablir, le1 zèle des commissaires allait 'àu-d-éVant des conducteurs, afin de! lès rassurer,; ils 'lèur délivraient des certîficàts, ; .ces certificats attestaient une vérification qui n'avait pas eu lieu, et leur servaient de,passeport; d'Où-l'on'voit que, loin .déi gêner la circulation, la Conduite'des commissaires en «assurait; au contraire la liberté, èt que' te1 sieur la Vingtrie sfeùl àVàit pu, pâr sa mënacé, détourner les voi-; tùrés :de1 la grâh.|l'^(Jute.i Céperid?tût, que f fait le sieur la Vingtrie ? Il présente ces cërtificàts qu'il avait nécessités, qu'il avait malignement commandés, comme des- pièces de conviction contre les commissaires; Ces certificats,1 dit4l, déposent contre éux fils prouvent qu'on arrête les voitu-. riers., qu'on avarie leurs marchandises par! des perquisitions éternelles, que la grand'route n'est point libre;: c'est une contravention à. l'arrêt du conseil, qui autorise la libre circulation; c'est une insurrection, .c'est une révolte : voilà le corps de délit trouvé, et il y a lieu à des assises prévôtales.; En même temps, pour ôter aux com-; misSairès tout 'moyen de justification, le'subdë-légué abuse de Sa place de maire ;'il commèt Un double larcin ; il sait que le greffier est àbseht,'il Court au greffe, détourne, emporte le règistre qui contient et la nomination des commissaires, et l'ordonnance par lui rendue au pied du réquisitoire. Muni1 de Ce registre, il offre à quelques personnes qui' avaient' signé la prétendue insolente délibération du 18 Jf'uï», de rayer leur signature : une seule a été biffée par pùré iiiCoosidération de son ! auteur, connu trop, honnête pour l'avoir fait avec réflexion.
L'intendant, plein, d'admiration pour l'esprit de ressûfcrtie'de1 son subdélégué, et pour' son habileté à trôùvèr dëserimeS et ordonner une accusation, expédie' siiMe-chatnp ^Bellême Mi lieutenant de maréchaussée et un greffier.
La prévôté est un tribunalambulant, toujours
à la suite et; aux ordres des intendants, qu l'en voient dans les villes, comme une troupe de marionnettes, y établir des tréteaux où sa grandeur, cachée derrière la toile, tient le fil, et fait jouer l'automate.
i.-Cet appareil d!un tribunal si,expéditif,. et,contre lequel tous les - cahiers, d'un bout-de la.France Là î?àutre,. contiennent ides imprécations, je,ta l'ef-iroi ,dans la ville. -Plusieurs commissaires, consultant moins la pureté de* leur conscience, que la crainte .d'une autorité; qoupait)lç, -se ï voient obligés de céder au vœu de leuriÊanjïlle, dè leurs voisins, de ileurs amis, en (prenant la fuite, Ils reviennent, ils repartent : leur innocence les rappelle, et la perversité du subdélégué les éloigne.
: Fàlm Urrq^ibu^ ipiplèt, Uf magus.' ;
• Hotàt. 'V.;Épi$t. ;i, L. II, 211.
Enfin, ils tiéttnënt ferme, "è't se disent à eux-mêmes,: Onnenous dditque dë la reéoiinaissance, nous nè:'désemparèrpnsi plus de nios .maisons.
11 y a des encouragements prodigieux accordés dans ce, pays à l'art ae trouver des coupables, et le cordon de Saint-Michel, dont est décoré le sieur la Vingtrie, est la récompense d'avoir fait expirer sur la roUe quatorze.à quinze malheureux, en moins de deux ans. A Noge.nt-le-Rotrou, vilié près de Bellême, on a vu sept ou huit mères dë famille, arrachées à leur • tdo.micile et à leurs enfants,, sans, autre crime que celai de la faim; elles ont été: jetées^dans les prisons d'Alençon, où il a fallu des ordres itératifs du ministre, pour faire tomber de; leurs mains les chaînes prévô-tales.!,
Ces exploi ts : avà^en t; éleVé, un peu trop haut le cri de la misère et de la faim ; .cette -.diversion à Nogent ne ralentissait point l'ardeur du lieutenant de maréchaussée, qui se >sentait les facultés de •desservir en même temps les deux Villes dë Bellême et de Nogent. Le lieutenant général, civil et criminel, le maire, le subdélégué, le chevalier de Saint-Michel, le sieur .'la Vingtrie,. én un motr soutenait la fatigue de son ami;,il allait à la campagne, dans la forêt, dans>la ville,,à la découverte des témoins. Cô) maire,; avide de sang, couchait sur son agenda le nom des plus courageux, et rapportait le butin à son aide de camp, qui ne restait pas oisif. Tout1 lë monde était dans la;'dernière des inquiétudes; ët comme le , sieur la Vingtrie ne comptait plus, d'amis.parmi les citoyens de Bellême, on ne savait,qui devait être la victime expiatoire.
On reconnut bientôt! que son beau-frère, de sieur de Blandé, officier de dragons,1 était l'objet du sanglant-sacrifice. Le sieur la'Vingtrie n'avait pu se contenir à son égard le, jour de l'assèhiblëe au. 18 juin; il lui avait dit qu'ïi était son plus mortel ennemi; aussi, lë. triùinyirat Pavait-il peut-être déià jugé à mort. ; mais pour le faire périr, il fallait l'arrêter (1) ; et sa prudence l'avait fait se
jeter dans les bras de sa famille, au Mans, et dans ceux du régiment de Chartres-Dragons, qui l'accueillirent comme il s'y attendait.
Huit cavaliers de maréchaussée étrangère, mandés exprès, postés secrètement pendant la nuit du 12 au 13 juillet, dans un blé attenant au jardin du Sieur deBlàndé, apprirënt à toute la ville le dessein du sieur de la Yingtrie. Ces Cavaliers, ceux de Belléme, le cousin Dubosq à leur tête, et vingt dragons, entrèrent chez l'inhbcent proscrit, pour le constituer prisonnier ; mais toiit cet éclat, cet étalage, cette solennité se réduiàit, pour l'avantage public, à précipiter la perte de l'auteur de cet effrayant spectacle. Il n'est pas indifférent de rapporter ici la lettre que M. le curé de Saint-Sàtiveur de Bellême écrivit à ce sùjet à M. le François, curé du Mage, député du Perche à l'Assemblée nationale :
« Monsieur et cher confrère,
« Je suis on ne peut plus reconnaissant de
votre bon souvenir.....Nous sommes ici dàns la
misère par la cherté des grains et la faculté de s'en procurer ; on ne parle que de révoltes ^ nous ne sommes pas tranquilles, surtout depuis le jour de la petite Fête-Dieu. On a arrêté des grains qu'on traùèpbrtâit ailleurs, ce, qui a occasionné une révolte dont lès suites sont fâchéus^s pour beaucoup 4e'nos honnêtes citoyens qu'on accuse d'en être les auteurs, et qu'on poursuit à l'extraordinaire, quoique dans le fond ils noient cherché qu'à l'apaiser. En voulant faire le bien, on ne leur veut que du mal. M. le comte de Fontenày, ; que vous avez sûrement vu à Versail'lés, est, dit-! on, un de ceux qu'on poursuit. On a investi lundi; dernier la maison de M. Blandé, pour le constituer prisonnier, disant qu'il était un des principaux auteurs" de la révolte. Le bruit court Ici qu'il y en a au moins vingt qui sont décrétés. Ce sont tous honnêtes gens et des mèilléùrès familles de Belléme. Nous sommes tous ici dans la consternation de voir poursuivre des personnes qui, sur la connaissance que j'en ai en mon particulier, n'ont cherché qu'à apporter le calme dans l'émeute qui s'est passée. Voilà la malheureuse nouvelle de notre jville où tout est dans la transe. Donnez-moi, je vous prie, de vos nouvelles.... et recevez l'assurance, etc.
« Monsieur ët'cher confrère,
« Votre très-humble et très-obéissant ' serviteur,
« COORECIL, curé de Saint-Sauveur de Bellême. »
grossie par tant de torts réunis, l'indignation publique vient se déborder le 11 août, comme un torrent, contre le sieur la ViOgtrie. Les fruits de la cabale sont à leur trop grande maturité ; là haine des ligueurs est à découvert; la victime est connue, poursuivie et vouée à la passion ignominieuse de son beau-frère; le son de là cloche et
le tambour appellent les habitants à l'hôtel de ville. Presque tous ont à se plaindre, l'un du lièuténant général, l'autre du maire, l'autre du subdéléglié ; chacun fait l'énumération de ses griefs contre cet homme à double, à triple caractère, et l'on sta'ue à l'unanimité que M. Thoumin, avocàt én la même ville, député suppléant de la province du Pérche à l'Assemblée nationale, sera invité à dénoncer, sur-le-champ, à l'auguste Assemblée de la nation, les crimes du sieur la Vingtrie.
Les offiéiers du bailliage arrêtent qù'ils ne communiqueront plus avec leur ancien chef ; les avocats, qu'ils ne plaideront plus devant lui ; enfin lés procureurs, qu'ils ne postuleraient plus sous sa présidence.
Chargé par sës compatriotes de dénoncer le subdélégué de Belléme à l'Assemblée nationale, M. Thoumin, à l'exemple de l'Angleterre, de la Grèce et de Rome, dans leurs plus beaux jours, s'honore de faire revivre le premier dans la nation, le titre d'accusateur que la ville de Bellême lui a imposé. Assez longtemps il a été réservé de provoquer la vindicte punlique, au parquét et à des maihs trop souvent complices ou intéressées à l'étouffer. Il est aisé de gagner un seul homme ou de mettre son silence à prix. Que le crime, à présent, redoute autant d'accusateurs qu'il y aura de bons citoyens. Les lois alors ne seront plus comme des toiles d'araignée que U'homme puissant est presque toujours sûr de briser ; alors on ne pourra plus échapper à la vigilance'du ministère public, lorsque ce ne sera plus un homme qui veillera, mais la nation qui ne sommeille jamais, tout entière; alors, la peine du crime ne sera plus seulement l'indignation universelle et lé mépris de toutes les âmes honnêtes ; l'homme en place, s'il est coupable, ne lira pas seulement cette même indignation dans tous les,yeux; il la lira encore affichée sur les murs et dans les tribunaux.
Parmi cette foule de griefs qui furent verbalement énoncés contre le subdélégué de Bellême; il . y en eut d'étrangers au crime de lése-nation ; il serait conséquemment superflu de rapporter en détail'tout ce que le cri public fit entendre. On laissera donc de côté la vie privée du sieur la Vingtrie, les séductions, les malversations, les oppressions, les prévarications, les exactions dont il fut accusé, pour s'occuper exclusivement des objets qui, intéressant plus directement l'Assem-semblée nationale, réclamant avec plus d'instance et de confiance le sérieux examen et la juste sévérité de ce tribunal suprême.
Le subdélégué de Bellême a commis, entre autres, trois crimes de lèse-peuple ou lèse-nation et la ville de Belème, par son représentant, en réclame vengeance sur la nouvelle dénonciation qu'allé en fait à l'Assemblée nationale.
Premièrement, ce Subdélégué, par les discours les plus Calomnieux, et les plus séditieux contre l'Assemblée nationale, a exposé les habitants à des découragements, à des ligues, et à des malheurs qui'devaient ou servir ses intérêts personnels, ou le détestable parti des ennemis de l'Etat. Que l'héroïsme èt le génie des représentants de la hàtibn viennent à braver et à vaincre l'aristocratie, détruire tout germe d'abus, et créer des Ibis, et je ne suis plus rien, se dit le sieur la Vingtrie; je pérds tbut. Si, au contraire, avec mes faibles rèssoïïfc, je puis au moins ébranler^ne des 1 pierres ;au grand èt nouVel édifîcejie 'vois» tant de mô&des disposé à seconder Inès secousses, que la
chute pourrait bien s'en suivre. Voici les faits qui fondent ces dangereuses probabilités :
1° Lors de l'ouverture et lecture qui se fait régulièrement à Bellême, en présence du peuple assemblé en quelque lieu public, des nouvelles que le correspondant reçoit directement de l'Assemblée nationale, le sieur la Vingtrie, dans ces premiers temps nébuleux (le dimanche 14 juin dernier) où les hommes ne se croyaient pas encore de la même famille, et où le subdélégué de Bellême, ennobli depuis cent.... semaines, voyait à peine la lumière subdiviser les abus pour les anéantir ensuite avec moins de difficulté, et plus indigné que de coutume contre les talents sublimes et entraînants des...... des.,.-.., des.....,
des...... etc., nommant précisément sept ou
huit des membres de l'auguête Assemblée, qui, par leur majestueuse éloquence , leur profonde érudition, ét léurs grands moyens, toujours foh* dés sur le bien public et la félicité de l'homme, étaient alors à la tête des autres défenseurs de la patrie ; ce subdélégué osa vingt fois interrompre le lecteur pour s'écrier : VAssemblée nationale n'a pas le sens commun; elle se laisse conduire par six ou huit têtes fêlées (pardon, mille fois, pardon à l'auguste Assemblée de la nation, de rapporter les mots mêmes qu'un profane a prononcés ; ils sont essentiels à répéter. Les dieux peuvent-ils s'offenser de la' folie d'un homme?), qui, tôt ou tard,-mettront le royaume de France à sa perte. Mais vous ' verrez, Messieurs, les Etats généraux ne tiendront pas longtemps. Les auditeurs manifestèrent leur imprqbation et leur indignation contre le juge-maire-subdélégué, et ce séditieux calomniateur ne rougit pas de ses blasphèmes contre une Assemblée dont il n'a jamais pu se faire élire membre.
2° Contre le vœU de la nature, contre le vœu de tous les Français, et malgré l'anathème prononcé par tous les cahiers, confirmé par décret de l'Assemblée nationale, Contre tous solliciteurs, fauteurs et distributeurs de lettres de cachet, les sieurs intendant d'Alençon et subdélégué de Bellême en ont sollicité et fait solliciter auprès du ministre (la preUvë en est dans les bureaux), contre les sieurs Julien Dubois, doyen des avocats; deFontenay, ancien officier de cavalerie, et de Blandé, ancien officier de dragons, beau-frère du subdélégué. Ces deux agents de l'autorité ont ainsi attenté à la personne de ces trois citoyens, et à leur liberté individuelle, depuis que la nation assemblée Va déclarée sacrée et inviolable ; ils ont ainsi, et autant qu'il a été en ewac, précipité ces trois citoyens dans les cachots, et les y ont laissés pourrir sans forme de procès. C'est l'intention, en effet, et non la consommation réelle qui fait le crime. Le brigand dont l'arme a porté à faux, dont j'ai su détourner le fer, ne m'a pas moins assassiné.
3° Enfin, que peut alléguer le subdélégné de Bellême, pour se disculper de l'ordre, de l'injonction expresse par lui donnée le 17 juin au sieur Dubosq et à l'officier de dragons, d'égorger le peuple, en disant : Tuez-moi ces gueux-là?
Qu'avaient donc fait ces citoyens, pour être traités de gueux ? Qu'avaient-ils fait pour être massacrés? Avaient-ils abusé de la religipnet de ses ministres, ou profané ses temples pour séduire des filles? Avaient-ils payé la confiance de quelque acquéreur par des escroqueries ? S'étaient-ils fait payer ce qui ne leur était pas dû? Etaient-ils concussionnaires ou exacteurs? Menaçaient-ils hautement de prison leurs créanciers? S'acharnaient-ils à faire périr des malheureux sur l'é-
chafaud,, par cela seul que des citoyens humains et justes s'intéressaient à leur salut? Pour monter aux honneurs, s'étaient-ils fait des degrés avec les corps entassés des hommes qu'ils avaient livrés au fer des bourreaux? Avaient-ils dénaturé et anéanti des jugements rendus? Avaient-ils calomnié publiquement le corps de la première magistature du royaume? Avaient-ils enlevé les registres et les actes des greffes? Avaient-ils tendu des pièges aux citoyens poUr les faire tomber dans les cachots? Et, comme le sieur la Vingtrie, avaient-ils préféré le titre de subdélégué à celui de père des citoyens? Etaient-ils taxés publiquement d'accapareurs de grains, sans s'être disculpés? Avaient-ils tenté, comme lui, d'étouffer le germe naissant de l'espérance et de la confiance publique, en excitant la défiance, et même la sédition, contre les opérations de l'Assemblée nationale? Avaient-ils,"à Pexemple de l'intendant et de son subdélégué , tenté de priver leurs semblables de la liberté commune à tous les hommes? Enfincomme les sieurs Julien et la Vingtrie, avaient-ils ordonné des massacres?
S'il se rencontrait de ces gueux-là, encore serait-ce un crime dans la bouche d'un subdèlégué de dire froidement à un cavalier de maréchaussée : tuez-les-moi... Quelle ignorance de principes ! Quelle stupiditél Quelle impudence! Quelle audace dans cette proclamation : De là part de M. la Vingtrie, on va mutiler les citoyens a coups de sabre, on va tirer à balle sur eux. L'absurdité de cet ordre, de, cette proclamation été bientôt à sou atrocité, et l'on reste, pour ainsi dire, suspendu, entre l'indignation et le rire de la pitié. L'ordre, l'injonction, la proclamation n'étaient pas simplement comminatoires, on l'a prouvé. Un subdélégué menace les habitants d'une ville du fil de l'épiée; de quel droit? Il menace! Il croit donc en avoir la puissance? De qui la tient-il? De l'intendant?... Voilà ces agents, ces!délégués de l'ancien pouvoir ministériel qui voudraient encore se reproduire sous le règne sage des nouveaux ministres..... Voilà ces despotes subalternes qui,
sous le meilleur prince que la France ait vu naître,
se complaisent à tyranniser les hommes.....De
tels abus d'autorité seraient seuls crimes de lèse-nation. Cé n'étaient point de simples menaces, on l'a déjà dit; les murs demeurent empreints des coups de sahres; on est obligé de les parer en se sauvant : si personne n'a péri, c'est que des citoyens Se sont précipités au devant du chéf de bataille, ont arrêté son -cheval, et l'ont réduit à lui faire comprendre qu'un subdélégué n'avait pas le droit de punir d'avoir faim, n'avait pas le droit d'ordonner une Saint-Barthélémy. Le sieur la Vingtrie reproche à Dubosq, au retour de l'expédition manquée (dàhS un moment et dans un lieu où il n'était plus besoin, ni possible d'en imposer par des apparences), de n'avoir pas jeté au moins six personnes sur le carreau ; il convient lui-même que telle était son intention; il ne s'excuse auprès dé beaucoup de membres de l'Assemblée nationale et d'autres personnes, qu'en exhibant une lettre impérative de l'intendant, ou celle qui lui reproche d'avoir été trop doux ou trop maladroit, Comme si cet ordre exécrable qui ne justifierait pas un soldat, pouvait disculper un magistrat. L'intendant ne pouvait, à 8 lieues de Bellême, voir ce qui s'y passait, que par la plume de son subdélégue. Ce dernier n'a pas dû induire l'intendant' dans Une erreur aussi grossière, et l'intendant ne devait pas s'én rapporter aussi aveuglément à son subdélégué. Il n'y avaijt à
Bellême de séditieux que lès tyràus du peuple; ce n'était point au subdélégué seul à juger s'il y avait dans la ville des gens dignes de coups de sabre , dignes f être ' fusillés ou d'être fouettés dans les carrefours. C'était à la ville elle-même à juger du besoin de réprimer des troubles qu'elle aurait aperçus, mais elle était infiniment tranquille lorsque le subdélégué y a donné le signal ae la guerre entre les habitants et la troupe. Il ne peut jamajs y avoir de trouble, d'émeute, de sédition, lorsque le peuple , lorsqu'une ville entière est tranquille et sûre des individus qu'elle renferme; la seule inquiétude qu'elle avait et qu'elle devait avoir, était donc de savoir en Son sein celui qui, d'accord avec l'intendant de la province, voulait en faire massacrer les habitants.
Si nos législateurs, en multipliant à l'infini les crimes de lèse-majesté dans la personne du prince, ont gardé le plus profond silence sur fésï crimes de lese-nation, ce crime n'est pas pour cela un de ceux dont le châtiment demande des lois préexistantes : cette maxime, vraie à l'égard du droit positif, n'a point d'application, en matière de droit naturel. Il n'est pas besoin de lois prohibitives; ainsi, les parricides n'étaient pas moins punis de mort quoiqu'il n'y eût pas de lois contre les parricides. Aotérieurèment à toutes les institutions socialesil est une loi vivante dans tous les cœurs, qui nous criequ'un subdélégué est criminel de faire fusiller militairement, et sur sa simple, réquisition-, des citoyens honnêtes et tranquilles, bien que le bras des exécuteurs ait été arrêté dans sa course. Nous ne sommes point de vils troupeaux dont les chefs, soit qu'on les appelle ministres, intendants ou subdélégués, puissent commander une boucherie quand il leur plaît. Il est impossible que l'Assemblée nationale regarde indifféremment ce forfait, et que la dignité de sa justice et l'éminence de ses lumières laissent jamais au sieur la Vingtrie l'espoir de retourner dans les murs qu'il à voulu teindre du sang des hommes. Sa conduite est dèmonstrativement un crime de lèse-nation au premier chef, dévolu au tribunal du Châtelet. Sile crime de l'intendant d'Alençon, et si principalement le crime du subdélégué de Bellême, n'étaient pas jugés crimes de lèse-nation, il n'en existerait donc pas, et ce serait déclarer au peuple qu'on lui laisse le soin de sa vengeance. Ce serait constituer le pouvoir exécutif juge dans sa propre cause, parce que les fonctions du pouvoir exécutif se' bornent à faire exécuter la loi écrite, et il ne fait qu'appliquer la loi positive ; or la loi positive manque ici dans une espèce/inconnue à tous les criminalistes et législateurs, et le renvoi au pouvoir exécutif serait même évidemment un renvoi au Châtelet.
Qu'on ne croie pas que le sieur la Vingtrie puisse obtenir du temps l'oubli de ses crimes. Vainement, sous le masque ordinaire de son hypocrisie, a-t-il présenté sa fatale position à une multitude de personnes respectables : il est certainement criminel sans être à plaindre ; lors même qu'il ne se dit qu'accusé sans s'avouer coupable. Il a eu le bonheur d'intéresser un ancien président de l'auguste-Assemblée de la nation, et de le déterminer à écrire à la ville de Bellême pour l'engager à recevoir le proscrit. Voici la réponse intéressante que l'hôtel de ville, assemblé à cet effet, eut l'honneur d'adresser à M. le comte de Clermont-Tonnerre, lors président :
« Monseigneur,
« Nous avons eu l'honneur de recevoir dans son temps le procès-verbal de l'Assemblée nationale, ensemble les ordres du Roi pour la pleine et entière exécution des sages décrets relatifs à la tranquillité publique ; jamais devoir ne nous fut plus doux à remplir que de lës notifier aux habitants de Bellêmè.
« Toute notre milice nationale, notre ville entière, Saint-Martin du vieux Bellême, la plus considérable paroisse du bailliage, ont, avec zèle, prêté serment devant nous, de servir pour le maintien de la paix et la défense des citoyens. Mais, depuis longtemps, tous les citoyens ne regardent plus comme tel le magistrat qui vient d'être assez heureux pour vous intéresser un moment; nous venons de leur donner lecture dé ia lettre dont vous nous avez honorés, et plus de 500 personnes présentes ont déclaré ne vouloir jamais consentir au retour du sieur la Vingtrie.
« lia osé vous tromper, Monseigneur; c'est un crime de plus à punir : oui, il vous a trompé, et les citoyens de Bellême ne demandent, pour vous en convaincre, qu'un coup d'oeil de votre justice sur l'exposé qu'ils auront incessamment l'honneur de vous faire présenter par deux députés, dignes de 'discuter les grands intérêts qu'ils leur ont confiés.
« Jamais, Monseigneur, les habitants de Bellême n'ont attenté^aux jours du sieur la Vingtrie. Plus d'un mois s'était écoulé depuis le premier moment où ils s'étaient réunis pôur manifester leur mécontentement jusqu'au jour de son départ. Il était seul tranquille dans ses foyers, lorsque toute notre ville, lorsque toute la France prit les armes pour repousser des brigands qu'une terreur universellement répandue croyait avoir à combattre; et dans ces jours affreux où toutes les provinces fournissaient des scènes d'horreur, dans ces jours de vengeance où l'accusé était au même, instant déclaré coupable et sacrifié, le sieur la Vingtrie en butte à toute une ville qui avait déjà formé ses projets de plainte contre lui, le sieur la Vingtrië ne reçut pas la plus légère insulte d'un peuplé armé par la circonstance.
« Les habitants de Bellême, toujours soumis aux lois, voulaient livrer le coupable à leur sévérité; ils choisirent un honimë de loi pour dénoncer le sieur la Vingtrie à l'Assemblée nationale. M. Thoumin tenta unè voie plus douce que celle qui lui avait été prescrite; il donna connaissance à son adversaire des griefs qu'il était chargé de fournir contre lui, et lui proposa, pour le soustraire à une peine plus ignominieuse, de se démettre de toutes ses charges entre les mains de M. le garde des sceaux : le sieur la Vingtrie jura qu'il ne reviendrait jamais à Bellême, mais il refusa la démission qu'on exigeait de *ui.
« Cependant il en coûtait beaucoup aux habitants de Bellême, de se déterminer à dénoncer les actions du sieur la Vingtrie, quand il semblait que sur chacune d'elles la loi avait une peine à prononcer : il fallait être lui pour leur faire un crime de leur modération.
« Qui eût présumé que ce magistrat, devenu odieux à la plus grande partie de la province, chargé d'une foule d'inculpations graves, dont la ville de Bellême offre les preuves les moins équivoques, oserait se présenter à vos yeux, Monseigneur, comme une victime innocente du préjugé ou de l'insubordination? qui eût pu soupçonner que le sieur la Vingtrie, supposé
aussi innocent qu'il se permet' de lê: dire, voudrait s'exposer a la fureur de mille mécontents, dont il S'est àfyirë la Iîairié t Quèlljê' éë'dtràdiction avécsës^proth^sses!| .„. , , , : '
« Pùi'squ'ri redBùtë sy|effi les lbi'è , là VilTé dé Bellême aéclcir^ hé voUlpîr plus àvojuvdé rhéfia-gement podr lui, ët lëè dëputiéy qû'ëllè a êhbi-sis, après Vous avoir Communiqué, Monseigneur, leurs sujets de plainte contré lë AlgiJ.irlffiwfil réclamié fë pouvoir èx^cutif pour ïè réhabiliter dans ses ctiârges^ le dtfnbheerbbt à ttfûi les tribunaux, thème à! éelui dë. rppittion publique qu'ils espèrent intéresser par là éageSsè dë' leill6 conduite ët !a jtistîçe de leur ë'àiise. /« Si leé Officiers mùnicipàux, si lés meàabrëè du comité de ( cet te ville, pouvaient encore, dans ces circp|istançëf; quelque chose sur l'ëspfrt de tout un peuple grièvëmèht offensé';^ si léUrs efforts pouvaiënt ràmertèr' leurs côÏÏcïtd^èhà à cette voie dè conciliaiiqn qu'ils n'ojnt pas désapprouvée ...uanS le princïbe^ ils prertdraië^j; la liberté, Monsëigneur, dé/vous sdllièitér d'exiger du sieur la Vihgtrie la .'dériliséion qù'àvàit dë-rhàndée' leur représentant ; niais riddi&hàtion qïie noUs \fehOns de remarquef chez tous les membres d'une nombreuse, aèsërftblëé, nôi^s làissepeu d^e&pbir dtr fès râppèlër â cettë riiô-dération si désirable.
« Nous sommes avec le pilus tirofôrid résipëcti Monseigneur,
« Vos très-humblës et ,trèS-6bélSsàntà serviteurs, etc., etc.? étc., rfienibrës dé là municipalité et du comité de la ville de Bellème. »
Plus d'une fois là (àussè npuivëllë du rètour du sieùr là Vingtriè a fait prendre les àrmeS à la garde nationale, jjôur prévenir toUte insurrection contre lui; ët si l'on1 eût,vu le ■ pëujjle s'écarter de sa sagesse Ordiiiairé, la muÙMpalité et le militaire se sèràient reiinis podi* prendre lë coupable soiià. leùr, sauvegarde, Ibi servir même d'escorté jUsqu'àu&, pbrtëS de l'ASéeriabléé nationale, s'il eût, été besoin, et là; ^ëpdser au temple sacré |e la îïàtidri, le Çrimihël qui l'avait offensée,ilë tànt de . iftaUièreS?. ët ènbbre êà personnes de 5 à 6,000 çitoyèns de Bëllêmë.
Le 8iê|ir. la Vingtnè préiejqidràit-iJ dphç forcer l'opinion pubïiijqè ? Cela n,'ëst fias possible. Cette lpi 'stàtïié^b^.yçraih^.iiié^ai lèè actions doint la Foi civile n'ë prend pbint connaissance: le mé^Hs estla peine qq'ëllé inflige ; l'estimé est la récompense qu'elle accordé. Jamais le Subfàélégùé de Bellême ne peut la fléchir ; elle a pbur base et la vérité et la justice, ët les habitants dè Bëllêmë Ont pour eux l'une et l'autrë.
Séditieux public, le sieur, là Vingtrie a troublé le répos de la ville et des campagnes, en alarmant les çopsciëncés sur les opérations de rÀssëmbîée nationale, ën en présageant la dissolution avec une espèce de certitude, et présentant cette dernière ressource de l'empire français; corhmé lë fléâii et la désolation de l'Etat. ,
Conspirateurs, Ubellistes, solliciteurs de lettres dp cachet, l'intendant d'Alençon et son subdéléguë de Bellême ont voulu couvrird'une tachp indélébile, des citoyens vraiment re'cbmmàndables, et attenter, à leur, liberté par fies moyens flétris depuis tant d'années dans l'opinion générale, et proscrits textuellement par l'Assemblée nationale.
Assassins du peuple, cës deux agents së vbyânt dans l'impuissance d'arracher de leurs foyers des pères de familles, des hommes intéressants par leur zèle pour la cause dès malheureux qui mou-
raiedt de faim ; les ont impitoyablement, et avec tout le sang-froid de la plus lâche combinaison* livrés collectivement à la fureur soldée des cavaliers (1) et dragons, sûrement,appelés à Bellême à cet effétv puisque la ville assemblée a demandé inUtilementde renvoi des troupes, Eh I,comment j l'eût-elle obtenu ce renvoi? Que fajt-ron? N'a-t-on pas vu lës plus terribles conspirations éclore, les i plus grandes'. révolutions: ,s'opérer* et qui j n'avaient pas ,un germe aussi incendiaire, un , développement plps hostile* qué la chaîne des j meUaçesët dès tentatives des sieurs Julien et la j Vingtrie? ûàns pes temps critiques, les nomsd'iq-tendant et de subdéléguë u'étaient-dls, pas. assep | sUspfects, pour que ces vampires éveillassent I eècorë la frayeur du peuple, en lui montrant des ! sabres et des fusils? Le citoyen ne devait-il pas | êtrte continuellement en garde contre ses gnne-; mis naturels, surtout lorsqu'on jes voyant insulter jusqu'à l'Assemblée, nationale* fronder . ses décrets» attenter à la liberté des Français, eiàttar [ cher leur destinée à l'humanité prépôtale f > L.è ! tyrah prêt à descendre du trône, ménage-t-ïl, je sang; des hômmes, lorsqu'il, n'entrevoit de;resr sourceque dans un bouleversement général ?Et le dernier trait qui part de la main du désespoir n'est-il pas toujours empoisonné ? L'audace du premier séditieux* le premier coup qu'il pprte, est souvent le signal du ralliement etde la démar-; che progressive et rapide du, carnage. Le, massacre dU premier habitant de Bellême fixait peut-être le sort de-la province, celui de plusieurs millions d'hommes* et du royaume entier,,.
Cependant le subdélégué de Bellême s'expose encore au grand jour, il ;est encore librel..... Pourquoi ne pas faire revivre parmi, nous cettp loi.ancienne, mais infiniment sage, qui veut que tout citoyen puisse faire arrêter celui qu'il accuse en se constituant prisonnier lui-même ? Là no(q-riété des délits» dès crimes commis par le subdélégué de Bellême, l'infaillibilité .des preuves offertes par leshabitants de cette. ville>;sont telles qu'il n'en est aucun qui ne s'aidât volontiers de la ressource extrême de cette loi, pour assurer la vindicte publique.
Ah 1 que la position des habitants de Bellême était déplorable 1 Ils avaient un maire* et n'avaient point-de protecteur, un juge, et point.de gardien des lois, enfin un subdélégué toujours oppresseur. Les yeux se sont heureusement dessillés au premier soupçon de conspiration, se sont ouverts aU premier choc; et cet heureux rayon de la liberté naissante n'assure-t-il pas la palme du triomphe, et l'olivier de la paix à l'innocent opprimé qui, défendant sou honneur et sa vie, combat aussi pour le peuple et pour la nation entière, devant là nation elle-même ?
Tiioumin, avocat à Bellême, (député suppléant de la province dU Perche à'l'Assemblée nationale, et député dd'h'àè de la ville de Bellême.
Nota. Il est incroyable combien le siéurla Virtg-' trié, pendant l'impression de ce mémoire, inontre I d'activité dans l'information que les officiers de la sénéchaU^Sée du Mans prennent sur leur compte, I de continuer sans relâche contre les habitants de I Bèllêmt , malgré l'opposition qui leur a été signifiée avec celle faite à l'arrêt de la Cour qui le s commet à cet effet. Ce qui devrait cependant rendre
infiniment circonspect l'officier quipréside à l'instruction, et l'arrêter dans sa marche, c'est la notification juridique delà dénonciation faite du sieur la Vingt'ie à l'Assemblée nationale, dont le greffier a iiû lui donner avis. Oppositions, dénonciation, protestations de nullité, déclarations, récusations; tous ces actes ne font que provoquer la précipitation du juge délégué, ou plutôt ne font que ie compromettre, puisque le témoignage d'une ville entière n'est pas récusable, surtout en fait de délit public.
C'est demain jeudi, 10 décembre, que doit se discuter à l'Assemblée nationale l'inutilité et l'abus d'une autorité quelconque, entre le pouvoir exécutif souverain, et les administrations de départements. Espérons que ce jour mémorable sera le terme de l'existence des intendants et de leurs subdéiégués, dont les commissions se trouveront de droit anéantis, par le plein exercice des municipalités, Le sieur la Vingtrie répand dans le public s'être fait décharger de l'accusation au comité des recherches : cela ne peut pas être parce que les habitants de Belléme n'ont jamais dénoncé 1 accusé à ce comité, mais seulement à celui des rapports, où. ils ont déposé toutes leurs pièces. Le comité des recherches n'a donc pu prononcer contradictoirement.
La loi et le Roi. Du
Le comité des recherches de 1'Assemblée nationale ayant examiné les pièces qui se trouvent en ses mains, concernant le sieur de La Vingtrie, lieutenant général de Belléme, et considérant qu'une accusation annoncée depuis longtemps contre lui, n'a pas encore été effectuée, malgré les délais multipliés qui ont étédemandés etobtenu3; que, dans cet étal de choses, les mémoires et notes qui ont été fournis, sont plutôt un dépôt de confiance, qu'uneproduction authentique qui autorise l'Assemblée nationale à en connaître; que, dans tous les cas, les parties n'ont pu perdre le droit de se pourvoir devant les tribunaux, à raison de leurs plaintes et prétentions respectives ;
Ledit comité a unanimement pensé que le sieur de La Vingtrie n'étant point accusé, mais seulement menacé d'une accusation qui, jusqu'ici, ne s'est point réali-ée, il n'existe aucun motif pour entretenir l'Assemblée de cette affaire, et que le cours de la justice ne doit pas êire interrompu.
Fait au comité des recherches de l'Assemblée nationale, le onze décembre mil sept cent quatre-vingt-neuf.
Signé : le marquis de Foucault-Lardimalie, président; lemarquisde Monspey; Chabrol ;Yver-nault; Turpin; Cortois de Balohe, évê iue de Nîmes; Tuallt; Emmery; Durget, l'aîné; Tail-hakdat de MaISONNEUVEJ henry de longuève, secrétaire.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture des adresses suivantes :
Délibération du conseil permanent de Saint-André-de-Valborgne en Cévennes, par laquelle il adhère, dans tout son contenu, à l'adresse du conseil permanent de Nîmes à l'Assemblée nationale, du 11 novembre dernier.
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion de la ville de Saint-Flour en Auvergne; elle demande d'être le chef-lieu d'un département.
Adresse du même genre de la ville de Saint-Loup en Poitou; elle demande le quart du revenu des biens écclésiastiques situés dans l'étendue de sa paroisse, pour être employé au soulagement des pauvres, et en outre la conservation de son hôpital et de son-école publique.
Adresse de ia milice nationale d'Amiens, du même genre; elle jure de verser jusqu'à la dernière goutte de son sang pour assurer le succès de l'heureuse révolution qui a changé la face de la France.
Adresse de la ville d'Oloron en Béarn, qui persiste dans son adhésion aux décrets, de l'Assemblée nationale, dans son abandon de ses droits et privilèges particuliers, et donne des pouvoirs généraux et illimités aux députés des communes de la province; elle demande une augmentation d'arrondissement pour sa justice royale.
Adresse de Ja communauté de Bruges en Béarn, contenant une adhésion pure et simple à tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale. Les habitants consacrent encore, dans leur délibération, leur amour constant et leur fidélité inviolable envers notre auguste monarque.
Adresse des religieuses de Tusson, ordre de Fontevrault en Poitou, qui se font un devoir d'adhérer, avec soumission, à tous les décrets émanant de l'Assemblée nationale; mais, jusqu à ce que leur sort soit définitivement réglé, elles la supplient d'ordonner qu'elles ue soient pas troublées dans la jouissance de leurs revenus, et que leurs tenanciers soient obligés de leur payer les rentes échues et arréragées.
Adresse des religieux bénédictins de l'abbaye de Saint-Michel-en-l'Hermiie en Bas-Poitou, qui offrent à l'Assemblée nationale la jouissance de tous leurs biens, dont le revenu monte au moins à 60,000 livres, mais sous la condition de 1,800 livres à chacun des religieux, avec les meubles de sa chambre particulière, et en outre de l'habileté à posséder les bénéfices cures, et à remplir les chaires de l'enseignement public avec la moitié seulement des honoraires attachés auxdites places.
Un de MM. les secrétaires lit le procès-verbal de la séance du jeudi soir, 10 de ce mois.
On lit ensuite un extrait du procès-verbal delà bénédiction des drapeaux de la garde
citoyenne et nationale de la ville do Tours : cet extrait porte qu'après la bénédiction, le
colonel de la milice nationale, à la lête de son corps, a été offrir au régiment d'Anjou, en
garnison à Tours, e
observe ensuite à l'Assemblée que le rédacteur du Journal de Paris a fait la correction désirée à l'article qui relatait l'affaire de Toulon.
dit à l'Assemblée qu'il vieut derecevoir une lettre de M. le comte de Montmorin, minisire des affaires étrangères, dont suit la teneur :
Paris, le
« Monsieur le Président,
« MM. les ambassadeurs et ministres étrangers auprès de Sa Majesté m'ont témoigné, dans le cours de la semaine dernière, le désir qu'ils auraient d'obtenir une explication au sujet d'une réponse de l'Assemblée nationale à une députation de la commune de Paris.
« Cette députation avait pour objet de demander à l'Assemblée qu'il fût permis à la commune de faire des recherches dans les maisons privilégiées.
« MM. les ambassadeurs et ministres étrangers, bien persuadés que l'Assemblée n'a pas eu l'intention de les comprendre, eux ni leurs maisons, dans les termes généraux de cette réponse, se seraient dispensés de demander aucune explication, si l'un d'entre eux, réclamant de quelque subalterne des égards auxquels un usage constant les avaitaecou-tumés, n'en avait reçu pour réponse, qu'il ne devait pas ignorer « qu'il n'y avait plus de privilégiés ». Cette réponse a fait craindre à MM. les ambassadeurs et ministres étrangers, que l'on ne donnât une interprétation trop étendue à la manière dont -l'Assemblée s'est expliquée dans sa réponse à la commune de Paris, et qu'il n'en résultât des faits dont ils seraient forcés de se plaindre. Responsables envers les souverains dont ils sont les représentants, de tout ce qui concerne la dignité du caractère dont ils sont revêtus, ils doivent prévoir tout ce qui pourrait y porter atteinte. C'est d'après l'idée de ce devoir, et pour prévenir tout sujet de plainte, qu'ils se sont adressés à moi. Je leur ai répondu tout ce qui m'a paru lé plus propre à les rassurer; mais, comme leur inquiétude a pris sa source dans une réponse de l'Assemblée nationale, je vous avouerai, Monsieur le Président, que je désirerais moi-même qu'elle voulût bien modonner, par votre organe, une explication sur cette réponse, qui détruisît jusqu'à l'apparence du doute, relativement à la plus exacte observation du droit des gens envers les membres du corps diplomatique.
« J'ajouterai que MM. les ambassadeurs et ministres étrangers ayant rendu compte à leurs cours respectives de la démarche qu'ils ont faite auprès de moi, il serait à désirer que l'explication que j'ai l'honneur de vous demander, fût la splus possitive et la plus prompte possible, afin ycfiùe les doutes injustes qui pourraient s'élever dans les différentes cours de l'Europe, relative-ment à l'objet de leur demande, çoient détruits aussitôt que formés.
~:k J'ai l'honneur d'être avec respect, etc.
« Signé : Comte de Montmorin. »
L'Assemblée décide quèla demande de MM. leé ambassadeurs et ministres étrangers doit être renvoyée au pouvoir exécutif, mais que dans aucun cas, elle n'a entendu porter atteinte par ses décrets à aucune de leurs immunités.
est autorisé à communiquer cette réponse au ministre des affaires étrangères.
annonce qu'il a reçu une expédition en parchemin des lettres patentes par lesquelles le Roi ordonne l'exécution du décret de l'Assemblée, du 28 du mois dernier, concernant l'imposition des ci-devant-privilégiés, pour être déposée dans les archives de l'Assemblée nationale; elle est remise à M. l'archiviste.
rend compte que plusieurs députés, envoyés par la commission intermédiaire de l'assemblée provinciale d'Alsace, sont venus présenter un mémoire relatif aux droits féodaux perçus par les seigneurs terriers de cette province. La connaissance de cette affaire est renvoyée au comité de féodalité, qui en rendra compte à l'Assemblée.
Plusieurs députés de la ville de Provins se présentent pour offrir en don patriotique les six derniers mois de la contribution des privilégiés, ainsi que quelques bijoux des habitants de cette ville; ils sont admis à la barre, et l'Assemblée leur permet d'àssister à sa séance.
Un membre du comité de vérification rend compte que le comité n'a aucune connaissance de la démission de M. le baron de Montboissier, député de Chartres, et de la nomiuation de M. Talon, lieutenant civil de Paris, pour le remplacer; il est ordonné que le comité de véritication s'assemblera lundi matin 14, pour faire de nouvelles recherches sur cet objet.
, l'un de MM. les secrétaires, lit le procès-verbal de la séance d'hier vendredi matin, 11 de ce mois. A l'article de ce procès-verbal qui traite du plande M. de Laborde de Méréville, un membre observe qu'on ne devait pas dire « Plan de banque »,mais « Plan de finances. » L'Assemblée décide que le mot « banque » sera conservé.
A l'article de ce procès-verbal, qui relate le décret rendu par l'Assemblée pour la conservation des bois et forêts, plusieurs observations sont faites.
demande qu'on ajoute les mots «plantations et pépinières».
L'Assemblée décide qu'ils seront ajoutés.
dit qu'on n'a pas parlé des bois appartenant aux commanderies de l'ordre de Malte. Il est décidé qu'ils étaient compris dans les bois appartenant au clergé et gens de mainmorte en général, et qu'ils seront soumis aux mêmes lois pour leur conservation.
réclame pour la Franche-Comté, ainsi qu'un autre député pour l'Alsace, que les bois qui ontété affectés, par diverses ordonnances, au service des salines, soient rendus aux communautés auxquelles ils appartenaient : il est décidé que cette demande sera portée au comité des domaines, qui en rendra compte.
demande que le mot « compétent >
soit retranché d'un des articles du décret sur les bois et forêts; l'Assemblée décide que ce mot sera retranché.
, député de Franche-Comté, fait des réclamations sur le droit d'affouage et de triage, dont jouissent- les villes et communautés, soit dans les forêts du Roi, soit dans celles des particuliers, il est décidé que cette demande sera renvoyée au comité des finances.
, député de Péronne, présente, pour cause de mauvaise santé, sa démission à l'Assemblée nationale; elle est acceptée.
rend compte à l'Assemblée d'une lettre de M. Pagès, électeur dé la ville de Béziers qui présente un don patriotique consistant en quelques bijoux et qui supplie l'Assemblée nationale de recevoir l'hommage d'un ouvrage intitulé : * Avis aux bons citoyens. »
fait lecture d'une lettre de M. l'abbé d'Espagnac, qui demande que, d'après un décret qui a été rendu par l'Assemblée nationale, le comité des finances rende compte du plan qu'il lui a présenté et qu'il lui soit permis d'être entendu à la barre.
Le comité, ayant reconnu que ce plan mérite d'être pris en considération, a chargé deux de ses membres de lui pa faire le rapport. Mais comme ils sont au nojabre des commissaires auxquels l'Assemblée a ewifié l'examen des plans de MM. Necker et d^fcaborde, ils ont été obligés de suspendre lejirfravail sur celui de M. l'abbé d'Espagnac.
L'Assemjalée invite M. l'abbé d'Espagnac à faire imprimef son plan.
le Président dit qu'il vient de recevoir de foulo» un paquet apporté par un courrier extraordinaire et renfermant plusieurs pièces relatives à l'affaire de M. d'Albert de Rioms et autres officiers de la marine. (Voy. aux annexes de la séance, le mémoire justificatif de M. d'Albert de Rioms.)
L'Assemblée décide que l'examen de ces papiers sera renvoyé au comité des rapports.
dit que le comité des dix ne lui avait pas fait savoir si le rapport du plan de M. de Laborde de Méréville était prêt à être présenté à l'Assemblée.
Le comité des finances continue son travail avec la plus grande assiduité. Ce soir à six heures nous devons conférer avec le ministre des finances. L'ûncli dernier nous avons entendu les administrateurs delà Caisse d'escompte ; nous.nous rassemblerons encore demain et lundi; M. Lecouteulx de Canteleu fera le rapport du travail mardi 15 décembre.
, évéque d'Autun. Je demande la suppression de la loterie royale et ie propose de charger le comité des finances de pourvoir à son remplacement.
(Voy. aux annexes de la séance l'opinion de M. Talleyrand sur les loteries. )
Les, députés de la province d'Alsace rendent Compte que, s'étant assemblés pour remplacer dans le comité d'agriculture M. de Turckeim, qui a donné sa démission de député à l'Assemblée
nationale, ils ont nommé M. Hell, représentant du bailliage de Haguenau.
Plusieurs membres réclament que l'ordre du jour qui est consacré aux finances, soit exactement suivi.
D'autres membres proposent de donner la parole au- comité militaire.
demande que le plan de finances de M. Ferrièrés, négociant de Lyon, que ses concitoyens ont jugé à propos de faire imprimer, et qui se recommande par la simplicité, la grandeur des, vues et la facilité dé l'exécution, soit mis sous les yeux de l'Assemblée.
dit que M. Pétion de Villeneuve est chargé d'en présenter les développements et d'en donner lecture. Il propose de délibérer immédiatement sur ce plan qui est très-remarquable.
demande que sa motion additionnelle au décret sur ies municipalités sôit mise en discussion.
Cette demande est ajournée.
Le département de la guerre présente beaucoup d'économies à faire ; elles ne peuvent être réalisées tant que le plan d'organisation militaire ne sera point arrêté. L'examen des différents projets qui y sont relatifs peut être considéré comme matière de finance.
L'Assemblée arrête dé s'occuper sur-le-champ de l'organisation de l'armée.
Un membre fait lecture d'un mémoire adressé à ce sujet, au comité militaire, par le ministre de la guerre. Il est ainsi conçu :
Mémoire sur l'organisation de l'armée, adressé à
l'Assemblée nationale, par M. le comte de la
Tour-du-Pin, ministre et secrétaire d'Etat au
département de la guerre.
Messieurs, l'Assemblée nationale a chargé son comité de constitution de lui présenter le plus promplement possible des projets de lois :
1° Sur l'emploi des forces militaires dans l'intérieur du royaume, et sur leur rapport, soit avec le pouvoir civil, soit avec les gardes nationales ;
2° Sur l'organisation des tribunaux et la forme des jugements militaires ;
3° Sur les moyens de recruter les forces militaires en temps de guerre, en supprimant le tirage des milices. r: - Le mémoire que l'on met sous vos yeux, Messieurs, a donc uniquement pour objet de traiter les différents articles énoncés dans votre;, décret du 28 (fvHejJdernier, sanctionné par le Roi.
1° Sur les sommes à affecter annuellement pour la défense de l'armée.
L'inténtion de l'Assemblée nationale paraissant être que la dépense du département de la guerre ne puisse excéder 84,000,000, c'est à cette; somme qu'est fixée la dépense de l'armée dont on vous présente les tableaux.
2° Sur le nombre d'hommes dont l'armée doit être composée.
Pour se renfermer dans la somme indiquée par
l'Assemblée nationale, on a réduit l'armée à 150,000 hommes, les officiers compris : l'augmentation à laquelle cette armée doit pouvoir s'élever en temps de guerre, ne permet pas de la tenir plus faible eu temps de paix.
3° Sur Vaugmentation de la paye du soldat. t
Un décret de l'Assemblée nationale, sanctionné par le Roi, ayant accordé au soldat français une augmentation de 32 deniers., dont l'emploi serait déterminé par les ordonnances militaires, oh a pensé que la répartition devait en être faite de manière à améliorer le sort du soldat soqs tous lps rapports. C'est pour remplir ces vues que l'op propose d'en porter :
12 deniers au prêt ;
10 au paiiï de munition ;
6 au linge et chaussure;
4 à l'habillement.
Total... 32.
Le prêt étant destiné aux premiers besoins du soldât, l'augmentation qu'il recevra par xe supplément lui procurera une nourriture plus saineet plus solide.
A l'égard du pain de munition, le soldat n'en a actuellement que 24 onces ; il est reconnu que cette quantité n est pas, à beaucoup près, suffisante, et l'on propose de la porter à 2» onces. Les prix des grains variant du nord au midi, il a été nécessaire d'établir une masse commune pour toute l'armée ; et ces prix, combinés avec l'emplacement des troupes, porteront celui de la ration de 28 onces à 40 deniers.
On s'est étudié, Messieurs, à lier le plan de cette administration avec-la nouvelle organisation des départements, et leurs assemblées fixeront annuellement le prix de la ration dans chaque département d'après ceux des denrées. Par là les agents de l'administration, dans une partie aussi délicate, se trouveront à l'abri de tout soupçon, et leur travail se bornera à veiller sur la stricte exécution des marchés.
On a dru devoir àjouter 6 deniers à la masse du linge et chaussure de chaque soldat, parce qu'il était obligé d avoir recours à mille moyens pour faire face à cette dépense. On croit que ce supplément duit lui suffire, et qu'il est d'ailleurs essentiel de ne pas le mettre dans le cas de perdre l'habitude du travail
Il reste, Messieurs, à vous indiquer l'emploi des 4 deniers restant sur les 32 qui ont été ordonnés. Deux moyens se présentent de les employer utilement pour le soldat.
Le premier, de les ajouter au prêt, déjà augmenté de 12 deniers.
Le second, de les destiner à procurer, tous les deux ans, un habillement neu^au soldat, qui n'est actuellement habillé que tous les trois ans, et c'est le parti que l'on pepséqu'il,faudrait prendre.
Vous trouverez sans doute jusie, Messieurs, d'accorder aux soldats des régiments allemands la même paye qu'aux soldats français. C'est d'a-]près cette persuasion qiie les tableaux que l'on joint ici ont été rédigés.
4° Sur les règles d'admission et d'avancement dans tous les grades.
Un article constitutionnel porte que tout citoyen sera, admissible à tout -emploi public, sans autre distinction que celle des vertus et desj talents ;
les ordonnances ne s'écarteront point de cette disposition.
Quant au mode dé l'avancement, on a cru qu'il fallait donner aux droits, ainsi qu'aux espérances dé chaque militaire, toàïé l'extension que permet la nature des Choses. L'ancienneté parait le premier des titres; il est celui qui concilie le mieux l'intérêt public et l'intérêt particulier : le choix du plus ancien n'humilie personne, l'autorité ne peut qu'y gagner par leréspéCt qu'inspirent naturellement de plus anciens services; et l'obéissance pèse moins, parce qu'elfe n'est qu'une avance dônt on est sûr d'être un jour remboursé.
Mais si l'espoir d'un avancement certain est un puissant qioyen d'attacher chaque individu à son Corps, ainsi qu'à son état, il peut aussi quelquefois assoupir le talènt et arrêter les élans de l'émulation : pour éviter cet inconvénient, sans perdre cependant aucun des avantages que présente l'ordre de l'ancienneté, on pense qu'il conviendrait de faire coPCourir alternativement le mérite que le temps semble encore éloigner des prétentions avec celui que l'âge appelle aux emplois supérieurs.
Mais une sagè mesure doit être apportée à cet encouragement. C'est du gfade dé capitaine que Pette prérogative parait devoir dater : jusque-là les services n'ont point assez d'importance pour mériter upe semblable distinction, et cette longue épreuve diîûnànt le temps et les moyens nécessaires pour connaître à fond les Sujets, mettrait Sa Majesté à mêmi\de ne jamais Se méprendre dans ses choix ni datïSvSés récompenses.
Ainsi, depuis l'entrée ftU^vice jusqu'au grade de Capitaine inclUsivemeinSêJ) n'avancerait que par ancienneté; mais à datér a&sce grade, on deviendrait susceptible de partagerSTaVancemént avec elle, de telle sôrte que la lieutena«tee;colonel d'un régiment venant à vaquer, elle seratlàlter-nativemént donnée au premier capitaine de pe ré-gittient, et à un capitaine choisi sur tous ceux fardée; qu'un régiment venant à Vaquer, îk serait aïté^naitivemént donné au plus ancien N. colonel de la même arme, ét à un lieutenant \ colonel Çtibisi parmi ceux dé cette arme.
Les colonels arriveraient au grade de maréchal de camp, moitié par ancienneté, moitié aù choix du Roi;' mais Je soulagement des finances et la considération nécessaire au grade d'officier général détermineront Sa Majesté à ne. remplacer annuellement que le tiers des .maréchaux de càthp qui viendront à mourir jusqu'à Ce qu'ils soient réduits au nombre de 300.
Les grands emplois exigeant une capacité peu commune, et la nature des choses ne permettant pas de laisser aux hasards de l'ahciôùrieté la nomination dés lieutenants généraux, le mérité séuf a le droit d'ett déterminer le choix. Les mêmes raisons qui portent à restreindre le nombre dés maréchaux de camp doivent également déterminer à ne nommer qu'à la moitié des plâceS dé lieutenants généraux qui viendront à s'éteindre, jusqu'à ce qu'ils soient réduits au nombre de 100.
Aucune règle, aucune loi ne doivent fixer le nombre dés maréchaux de Francé; cè dernier terme dés honneurs militaires ne peut être que le prix des actions les plus brillantes ét des services les plus importants.
5® Sur la forme et les conditions^des engagements.
Vous avez décrété, Messieurs, $Uè\ lé rêcrpte-ment deTàrmèê êh tefhps' d'é pàîx tfpntmuèrait
à "se faire par des engagements volontaires; les dernières ordonnancés avaient pris les plus sages précautions pour en écarter jusqu'à l'ombre de la fràude et de la violence * en conservant plusieurs de ces formes, on pourrait régler qu'à ^avenir tout engagement serait déposé au bureau de poliee du lieu où il aurait été contracté, et laisser à l'homme de recrue deux fois 24 heures pour s'en désister : le terme de 8 ans paraît devoir être conservé.
6* Sur i'admission des tmupfô étrangères..
Le nombre des troupes .étrangères est actuellement që 24,060 horhmes : lès raisons politiques qui rendent leur admission nécessaire he paraissent pas permettre dé réduire ée nombre au-dessous ae 22,000 hommes! Cette réduction né portera pas sur lés Suisses, dont l'état et lé nombre en rrapcé èojvt fi$ès par lès plus éxpresses et les plus solennelles capitulations.
7° Sur les lois relatives aux peines et aux délits militaires.
Vous ne voudrez, sans doute, Messieurs, vous occuper du code pénal militaire qu'après l'entière confection du code pénal civil; mais, pressé de faire jouir l'armée des bienfaits du décret provisoire que Sa Majesté a sanctionné, la Roi m'a ordonné de chercher les moyens d'appliquer aux procédures militaires les formes que vous avez prescrites, et j'ai remis un mémoire sur ce sujet à vos comités militaire et de jurisprudence. Il serait à désirer, Messieurs, que voua pussiez entendre au plus tôt le rapport qu'ils doivent vous en faire.
8o $ur le traitement de l'armée en cas de licenciement.
A la vue des réformes qu'entraîne la réduction de l'armée, le coeUr de Sa Majesté a été douloureusement affectéi et sa confiance dans vos prin-cipes d'équité a pu seule adoucir la peine qu'elle éprouve. Vous penserez sans doute, Messieurs, qu'au moment où de grandes réformes sont annoncées et tiennent chacun inquiet sur spn état comme sur sa fortune, vous ne sauriez trop vous presser de faire connaître les consolations que Vous nous préparez. Une nation juste et généreuse n'oubliera jamais les services de tant de braves militaires; elle regardera-comme une dette sacrée l'obligation de les récompenser; elle dédaignera de trop rigoureux calculs; elle se Résoudra sans peine à des sacrifices qui, légers pour elle, vont devenir leur unique dédommagement.
Après avoir mis sous vos yeux, Messieurs, les différents objets dont vous avez demandé qde les dispositions vous fussent présentées, on croit devoir vous soumettre encore quelques observation^ qui méritent Votre attention.
L'Assemblée nationale, en abolissant la vénalité des charges militaires, à-t-elle entendu comprendre dans cette suppression les charges des commissaires des guerres ? On Observera, sur cet objet, qu'une grande partie des dépenses dé rdî mée n'ayant lieu qu'en vertu des vérifications et des arrêtés des commissaires des guerres, il' serait peut-être de la prudence de maintenir ces charges en finance, comme un cautionnement de leur gestion. D ailleurs, en fixant cette financé à 80,000 livres, on épargnerait à l'Etat un remboursement de près de 8 milliphs dont il ne paye que 4 1/2 0/0 d'intérêt pas an, considération
importante, que -Pou croit devoir soumettre à l'Assemblée nationale.
Enfin, Messieurs, comme qp ne met point en doute que vous ne vous occupiez du sort de ceux qui, après avoir consacré leur vie à veiller et combattre pour la patrie, ont droit d'attendre d'elle la juste récompense de leurs services, il vous sera présenté un projet dont les ipoyens ne peuvent réussit qu'avec l'expresse garantie du Corps législatif. C'est par les fonds mêmes,assignés au département de la guerre qu'il serait pourvu avantageusement aux dépenses des retraites militaires, sans jamais surcharger de nouveaux frais le Trésor publie. Ces moyens ne sauraient, au reste, produire cet heureux effet qu'après une période déterminée d'années, pendant laquelle il serait encore nécessaire de laisser à la charge de l'Etat la dépense éventuelle des retraites militaires.
appelle à la tribune M. Dubois de ,Crancé qui fait un rapport au nom du comité 'militaire sur l'établissement des milices nationales et le recrutement de l'armée (iji.
Messieurs, M. de Bouthillier vous a rendu compte dos bases sur lesquelles lé comité militaire s'était concerté avec le ministre de la guerre, pour la nouvelle composition de l'armée : quelque importantes que soient vos occupations, vous ,ne pouvez refuser à ee travail une Sérieuse attention. Jp ne vous dissimulerai pas que l'armée est dans un /désordre inexpiable ; vous spptez que des bpmmes sans patrie, sans 4omicile fixe, uniquement contenus par une discipline sévère et quelquefois injuste, lorsque les liens de cette discipline sont rompus, peuvent devenir infiniment dangereux aux intérêts de la société. Vous avez d'ailleurs à considérer deux choses : vous désirez joqir de votre liberté et de tous les droits de citpyeps, sous l'empire des lois; et nos troupes sont gouvernées paT un régime despotique.
L'exemple de tops les siècles nous apprend les malheurs qu'une force aveugle a su accumuler sur les têtes des peuples ; et le premier qui en a soudoyé un autre pour défendre ses foyers et sa liberté, a forgé le premier anneau de la chaîne dont il a fini par être accablé-
Les rois instruits dès leur enfahee à se croire supérieurs à tout, souffrent impatiemment le joug de la loi. Leurs ministres sont sans cesse occupés, tantôt sourdement* tantôt avec l'appareille la toute-puissance,,à étendre,teuç autorité. Combien dp fois la défense de la- patrje a-t-eï'e servi de prétexte aux plus violen tes usurpations ? eh l« qui ne sait pas que les triomphes de LoUis XIV ont été plus funestes à la liberté politique de la France, que les malheurs de Charles VU ?
Il est donc de votre sagesse, Messieurs,'de combiner, vos besoins et vos; dangers; une
vieille routine a trop longtemps abusé les nations : vous devez à l'Europe un grand exemple
et ^ouvrage que vous avez commencé est trop beau pour ne pas y donner la dernière main. Les
ministres ,sont très-disposés à tous les sacrifices que le8 circonstances exigent ; et. nous
devons à M. de la Tour-du-Pin la justice de déclarer que son inten-.tion est d'améliorer le
sort dn^.spïdat,,celui même des officiers; de rendre les emplois militaires au mérite et à
l'ancienneté, et de supprimer toutes les places aussi dispendieuses qu'inutiles. L'har-
Ïjouvons incessamment mettre sous vos yeux 'organisation complète de l'armée française.
Il s'agit en ce moment de nous procurer les moyens d'arrêter la dissolution des troupes, qui est vraiment effrayante, et de consacrer a perpétuité les principes fondamentaux et constitutionnels de la partie défensive de la Frauce.
C'est sur ces bases que les membres de votre comité diffèrent d'opinion ; M. de Routbillier vous a présenté les inconvénients de la conscription militaire, ie danger des convulsions qui peuvent résulter d'une masse de milices armées, toujours actives: quelques membres du comité ont cru Pùn et l'autre nécessaires au maintien de la liberté publique ; mais avant de développer leurs motifs, permettez-moi, Messieurs, de réduire ces questions.
Aurez-vous une armée de stipeqdiaires, égale en paix et en guerre?
Cette armée sera-t-elle entièrement recrutée à prix d'argent, ou sera-t-elle composée de citoyens soumis à une conscription?
Dans le cas où vous jugeriez convenable de n'entretenir que moitié -de l'armée sur pied en temps de paix, avec quoi la compléterez-vous au premier bruit de guerre?
Etablirez-vous la presse comme en Angleterre? Conserverez-vouS le régime du tirage au sort? L'étendrez-vous à toutes'lës classes de citoyens? Enfin, votre intention est-elle d'entretenir toujours sur pied des milices nationales pour la police intérieure du royaume, et pour opposer la force à là forcé, dans le cas où pour quelque cause que ce fût, la liberté publique serait en danger.
Voilà, Messieurs, les grands objets préliminaires que vous avez à discuter, sur lesquels je vous prie de me permettre quelques réflexions.
Dans un moment où la nation vient de fonder sa liberté sur les débris de tous les pouvoirs arbitraires, la France -ne doit pas cesser d'allier le respect et l'amour qu'elle a pour son Roi, avec la majesté de sa constitution. Elle doit veiller dans un silence imposant, jusqu'à ce que le temps et l'opiniùn aient consolidé ce grand ouvrage, et que les ennemis de la patrie, disparus de la surface du globe, aient fait place à de meilleurs citoyens.
Si la nation s'endort, son sommeil sera celui de la mort..... Voilà mon avis.
Dans cette position dangereuse quel parti indiquent à là France la prudence et la raison; un seul, celui de- rester sous les armes, si elle ne veut pas reprendre des fers plus pesants que ceux qu'elle portait. L'organisation des milices est donc nécessaire pour la liberté de la nation, et par conséquent pour son repos. rHrll ne serait pas exact de comparer ces soldats citoyens, que des principes sages et constitutionnels vont établir, à cette insurrection subite et désordonnée que la crainte de l'oppression a fait éclore en un jour.
Il serait encore moins exact de comparèr ces nobles milices aux tristes victimes du despotisme, qui, le cœur glacé, et d'une main tremblante, consultaient l'urne fatale, et tombaient sans connaissance entreles bras de leurs parents éplorés, à l'aspect du billet noir. C'est maintenant un droit de tous les Français de servir la patrie; c'est un honneur d'être soldat, quand ce titre est celui de défenseur de la constitution de son pays.
Je dis que dans une nation qui veut être libre,
qui est entourée de voisins puissants, criblée de factions sourdes et ulcérées, tout citoyen doit être soldat, et tout soldat citoyen, sinon la France est arrivée au terme de son anéantissement. En vain présenterait-on en opposition les tristes résultats du moment présent : l'affaissement du pouvoir exécutif est dû à l'abus qu'on a voulu en faire ; le mépris des lois à ia conduite des juges; l'horreur des distinctions politiques aux exactions des hommes puissants qui les ont poussées jusqu'à la dégradation de la nature humaine ; la perte du crédit .national à la dilapidation des revenus publics, et aux opérations usuraires des gens de finance; enfin la disetté (même au sein de l'abondance), et les mouvements populaires qu'elle occasionne, aux manœuvres les plus coupables des ennemis du bien public.
Cessons donc de calomnier ce pauvre peuple ; moi, j'admire son courage et sa patience, et je défie qu'on me cite une nation qui ayant à lutter à la fois contre une aussi énorme masse de conjurations, ait su élever sa grandeur sur leurs débris avec autant de sagesse et aussi peu de cruauté.
Certes, je l'avouerai, l'anarchie est un fléau, mâis la constitution d'un grand peuple peut-elle changer entièrement, sans qu'il y ait un intervalle entre la désorganisation et le rapprochement des parties? Si l'on jette sa vue sur les siècles futurs, cet instant n'est qu'un éclair; il ressemble à la secousse qui déplace les montagnes et les fait rentrer dans les entrailles de la terre, pour offrir à ses habitants un nouveau sol plus ferme et désormais sans danger.
M. le comte de la Tour-dU-Pin a présenté au comité une très-belle organisation d'armée ; mais ses bases sont les mêmes que celles de l'an dernier,' et nous sommes à dix siècles de l'an dernier. Cette armée doit être composée de 150,000 hommes, et M. de la Tour-du-Pin avoue qu'au premier bruit de guerre, il faut pouvoir amalgamer à cette armée 120,000 hommes de milices. C'est là le nœud gordien : cette dificulté n'est pas vaincue, et nous en attendons la solur-tioh de votre sagesse.
Ainsi donc, d'après M. de La Tour-du-Pin, il nous faut un effectif de 150,000 hommes de troupes régulières et 120,000 hommes de milice. Les premières, selon ce plan, sont toujours composées de gens sans aveu, sans domicile, prêts à attaquer la liberté comme à lâ défendre. L'indécente vexation des recrues est le seul moyen proposé pour former cette armée... Les 120,000 hommes de milice seront produits par une espèce d'imposition sur les hommes, dont le sort fera la répartition...
Cette odieuse pratique est un véritable outrage; elle ne pouvait exister qu'à la faveur du despotisme; il ne doit pas même en être question quand il s'agit de liberté. La conscription militaire est le seul moyen de former les milices; chaque citoyen doit toujours être prêt à marcher pour la défense de son pays; il ne faut point consentir à aucun remplacement, il ne faut point admettre des avoués, comme l'a proposé M. de Routhilier, Bientôt les pauvres seraient seuls chargés du service militaire; bientôt la liberté serait compromise. . '
Comment d'ailleurs incorporer la milice telle que je la conçois, avec les troupes réglées actuellement existantes? Comment faire marcher l'homme sans aveu, dont la paresse a fait la vocation, qni souvent s'est fait soldat pour éviter des punitions civiles, qui enfin a vendu sa liberté,
avec l'homme qui s'arme pour défendre la sienne?...
etc., prétendent que l'orateur insulte le militaire. L'un veut qu'il soit rappelé à l'ordre, l'autre qu'il soit tenu de faire des excuses au corps respectable qu'il a outragé; d'autres demandent si ce travail est celui du comité militaire, et annoncent que ce comité le disavoue.
rappelle que M. le marquis de Boutbillier ayant fait, il y a quelque temps, un rapport au nom du comité, M. Dubois de Grancé annonça que ce travail n'avait pas réuni l'approbation de tous les membres, et demanda à y répondre, et qu'il fait en ce moment cette réponse.
On insiste pour que M. Dubois de Grancé soit rappelé à l'ordre.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cé sujet.
poursuit :
11 ne suffit pas d'avoir composé avec sagacité, dans le silence du cabinet, une force militaire de 300,000 hommes à choisir sur 24 millions d'habitants. Toutes les convenances d'un plan peuvent être très-estimables et faciles à saisir, mais il y a souvent une grande distance de la formation d'un projet à son exécution, et c'est cette exécution qui me paraît problématique.
1° Lès provinces souffriront-elles dans lehr sein des recruteurs de tous les régiments, de tous les pays, qui chercheront à abuser de l'effervescence des passions dés jeunes gens pour les enlever de forcej ou par ruse, à leurs parents.
2° Les provinces souffriront-èlles qu une armée de 150,000 hommes, qu'elles soudoient pour la défense de leurs propriétés, n'étant composée que de gens sans aveu, sans domicile fixe, aveuglément dévoués à la main qui les conduit, puisse, à tout instant, envahir la plus précieuse de leur propriété, la liberté publique?
3° Les provinces souffriront-elles que, dans toutes les villes fermées, dès régiments étrangers à l'intérêt du pays usurpent l'autorité .municipale; et, sous le prétexte de la conservation de la place, vexent arbitrairement . les bourgeois ? Je sais qu'on m'opposera l'obligation qué contracteront les troupes d'exécuter les lois nouvelles, mais les lois ne peuvent prévoir tous les cas, et il est bien facile d'en abuser, quaad on a la force en main, et peut-être le consentement tacite de l'autorité.
4° Les provinces souffriront-elles que, pour l'intérêt des entrepreneurs des vivres où de fourrages, l'argent qu elles payent pour la solde des troupes soit consommé hors de leur sein, tandis qu'elles manquent elles-mêmes de consommateurs, et par conséquent de ce qui nourrit l'agriculture et reproduit les moyens d'acquitter l'impôt.; En supposant tous ces obstacles levés, Messieurs, nous n'aurons èncore rien fait, car le plus difficile du problème reste à résoudre; c'est ia composition des 120,000 hommes de milice, qui doivent, en cas de guerre, recruter l'armée.
Je n'imagine pas que l'administration veuille encore s'appesantir sur le moyen du tirage au sort; cet impôt désastreux doit être relégué dans la classe de la taille, delà gabelle et de la corvée; ce sont des monstres que la constitution doit étouffer. Il faut donc une conscription, et c'est
ici, Messieurs, que votre sagesse doit éviter un dangereux écueil; car le mode de cette conscription sera l'abus le plus condamnable du pouvoir arbitraire, ou l'acte du patriotisme le plus éclairé.
S'il existe encore un vestige de privilèges, un. moyen quelconque de se soustraire à la charge de citoyen; si l'on n'inscrit sur les registres municipaux que le nombre d'individus nécessaires au recrutement'de l'armée, eu cas de guerre ; si ces individus, sans armes en temps de paix, sans moyens de défense, ne sont qu'un troupeau dévoué aux volontés de l'autorité, les bons citoyens feront bien de quitter la France pour y renvoyer ces fugitifs, agents de l'oppression, que le cri de leur conscience en avait éloignés ; car le retour aux anciens principes né tarderait pas à se tenter, et je crois qu'il ne peut s'effectuer aujourd'hui sans un déchirement cruél et incommensurable.
Il faut donc une conscription vraiment nationale, qui comprenne la seconde tête de l'empire et le dernier citoyen actif. Il faut que chaque homme, dès que la patrie sera en danger, soit prêt à marcher. Si vous tolérez une fois les avoués, les remplacements, tout est perdu; de proche en proche, tous les riches vbudront se soustraire au service personnel, et les pauvres resteront seuls chargés de cette fonction, si noble pour un peuple libre; alors le métier des armes retombera dans son avilissement; le despotisme en profitera, et vous redeviendrez esclaves. Mais, dira-t-on, comment incorporer cette milice avec notre armée, si cette armée n'est pas citoyenne, si elle n'est pas purgée de tous les vices qui J'ont infectée jusqu'ici ; est-il un patriotisme qui tienne à l'horreur de la corruption dès mœurs; est-il un père qui ne frémisse d'abandonner son fils, non aux hasards de la guerre, mais au milieu d'une foule de brigands inconnus, mille fois plus dangereux? J'en conviens, et j'ajouterai même que si on m'oppose la discipline, je répondrai que c'est un motif de plus de terreur ; des songes funestes me présenteront sans cesse mon fils entraîné par son inexpérience et de fausses suggestions, périssant de la main du bourreau, et dès lors plus de repos pour moi.
C'est d'après ces considérations, qui me paraissent d'une haute importance, que je supplie l'Assemblée de peser dans sa sagesse les bases d'organisation que je prends la liberté de lui soumettre.
J'établis, pour axiome, qu'en France tout citoyen doit être soldat, et tout soldat citoyen, ou nous n'aurons jamais de constitution.
Il n'en résulte pas que nous devions arracher sans cesse aux travaux de l'agriculture et du commerce, ni aux autres fonctions utiles que cé vaste empire offre à l'industrie, des bras essentiels. Eh 1 à quoi servirait la liberté, si l'on tarissait les sources du bonheur? Mais je pense que l'état militaire français doit être divisé en trois parties, tellement organisées qu'elles puissent, sans effort, sans subir une trop grande métamorphose, ne faire au besoin qu'un seul et même corps, n'ayant qu'un même esprit, également intéressé a se réunir sous l'étendard du patriotisme, aux ordres du chef de la nation. Je Crois donc que, pour rendre la France respectable au dedans et au dehors, nous devons présenter à ses ennemis un front de 150,000 hommes de troupes réglées, destinées à couvrir nos frontières^ | et à se porter partout où l'exigera sa défense, ou I l'attaque combinée par le pouvoir exécutif su-
prème. Ces troupes, en temps de paix, peuvent ne coûter guère plus de 60 millions, et je le prouverai quand on voudra; il faut placer en seconde ligne, dans ce tableau, 150,000 hommes de milices provinciales, destinées à doubler l'armée active, dès que les circonstances l'exigeront, et qui ne coûteront rien.
Enfin, je proposeune troisième ligne de plus de 1,200,000 citoyens armés, prêts à défendre leurs foyers et leur liberté envers et contre tous.
Pour former cette troisième ligne, tout homme, en état de porter les armes, ayant droit d'électeur, père de famille ou célibataire, jeune ou vieux, sera inscrit au rôle de sa municipalité ; il aura son fusil, son sabre et son fourniment, mais sans activité, sur la foi des traités et la protection de la loi : voilà ce que j'appelle la garde nationale, et le sceau véritable de la constitution. Cette garde s'assemblera une fois par an, pour recevoir le serment des jeunes gens qui acquerront le droit et la qualité de citoyens.
Les milices provinciales seront composées de tous les célibataires actifs de chaque département depuis 18 ans jusqu'à 40. Ceux-ci seront enrégimentés sous des chefs nommés par la garde nationale , et aux ordres immédiats de leur municipalité ou canton. Il n'existera pour eux aucun autre engagement; ils seront libres de prendre parti dans les troupes de ligne, de changer même de province, suivant leur intérêt; mais tant qu'un homme n'aura pas 40 ans, ou qu'il ne sera pas marié, il ne pourra se dispenser du service qui lui sera commandé.
Ces milices, dans les villes, s'assembleront une fois toutes les semaines, en été, pour exercer en commun; elles seront chargées de la police et de veiller à la tranquillité des citoyens. Enfin, elles seront destinées à compléter l'armée, à raison du besoin, en temps de guerre, à tour de rôle, et à commencer par les plus vieux.
Les milices des villages seront simplement agrégées à celle du chef-lieu de leur canton, elles ne feront point de service, leurs armes seront déposées au chef-lieu du district; mais il y aura dans chaque village 6 hommes choisis, tous les ans, et armés pour prêter main-forte à la police.
Je pense qu'avec cette composition, et le corps de pionniers sans cesse sur les routes, qu'on peut enrégimenter, il n'y aura aucun besoin de maréchaussée à l'avenir.
Enfin, les 150,000 hommes de troupes réglées seront recrutés par engagement volontaire sur toutes les classes de citoyens, mais chaque régiment d'infanterie ou de cavalerie, particulièrement affecté à une province, ne pourra être composé en officiers et soldats que d'individus domiciliés dans cette province, et jamais, excepté en temps de guerre, ces régiments ne pourront être en garnison à plus de 20 ou 30 lieues du chef-lieu de leur département. Je n'entrerai pas dans de grands détails sur cet objet, je m'engage de les fournir à l'Assemblée dès qu'elle l'exigera; mais j'insiste d'autant plus particulièrement sur cette composition, que je la regarde comme la solution du grand problème, comme la base d'une excellente organisation, d'une confraternité qui, en rendant la France inattaquable, est le plus sûr rempart de la liberté publique; je vois dans cette composition tout ce qui peut consoler de l'absence, et amalgamer sans effort, au premier bruit de guerre, les troupes de ligne avec les milices provinciales de chaque canton. Je crois que la France, en adoptant ce système,
pourrait réaliser, pour son compte, la paix de l'abbé de Saint-Pierre; car-quelle puissance oserait ne pas rechercher l'alliance d'une nation qui peut déchirer les flancs de ses ennemis avec 300,000 hommes, et opposer à ses frontières une barrière de plus de 1,200,000.
Je sais que le rapport de M. de Bouthillier présente de très-sérieuses objections contre ce plan; je vais rappeler les plus importantes; j'y en ajouterai même de nouvelles, et j'y répondrai succinctement.
Par ce régime, dit-on, nous n'avons plus d'armée, plus d'unité d'exécution; les provinces s'isoleront, elles refuseront de marcher pour secourir une autre province trop éloignée pour que le feu de la guerre puisse lès atteindre. Par caprice elles résisteront au souverain, se croiront fortes des troupes qui, au moyen de cette composition, seront toujours à leurs ordres en cas d'insurrection, et forceront la puissance royale à des exécutions sanglantes pour les réduire à l'obéissance; le soldat deviendra casernier, indiscipliné; l'officier négligera sa troupe pour s'occuper de ses intérêts. Il arrive à la guerre que des régiments sont plus exposés que d'autres au feu de l'ennemi, il y en a qui sont écrasés, et cet événement peut dépeupler une province. Les recrues, dans certains cantons, enlèveront des bras nécessaires au commerce et à l'agriculture, si chaque province fournit un contingent calculé sur sa population, tandis qu'elles laisseront; dans d'autres des hommes oisifs sans ressource, qui seront obligés de s'aller vendre à l'étranger. Enfin l'établissement des milices nationales actives peut exciter des désordres, des troubles locaux, qui se propagent et finissent par incendier le royaume.
Pour répondre complètement à ces objections, il faudrait entrer dans de grands détails et développer les principes du régime social; mais je serais coupable d'abuser des momenls précieux de l'Assemblée. Je m'aperçois que ce mémoire est déjà trop long, et, pour mon propre intérêt, je dois abréger; je répondrai donc succinctement que pour opérer un si grand changement, il n'est pas nécessaire de détruire l'armée, mais simplement d'appliquer à chaque régiment le nom d'un département, et de commencer à n'y recevoir que des officiers et soldats domiciliés dans chaque département.
L'unité d'exécution tient essentiellement à l'unité de principes, et la France en donne en ce moment un assez bel exemple; comment imaginer qu'à l'avenir, lorsque tous les droits, tous les intérêts seront communs, une proviuce veuillé s'isoler et faire exception. La loi, qui est l'expression de la volonté générale, qui ne peut léser aucun intérêt particulier, puisque tous y sont librement soumis, et profitent également de sa protection, inspire aux peuples le respect qu'on porte à la divinité. Ce sentiment d'ailleurs est renforcé par celui de la reconnaissance, et lorsqu'on fait une loi pour son bien-être, y obéir est un droit, et jamais un devoir pénible.
Prenons garde que l'abus du pouvoir est souvent mis à la place de l'autorité légitime, et que pour en éviter la secousse, le grand moyen est de se mettre en état de n'en avoir rien à redouter.
Je conviens que les troupes seront peut-être un peu moins marionnettes, que les pompons seront négligés, mais l'homme sera mieux soigné; mais léspèce sera régénérée; mais les mœurs plus pures exigeront une discipline moins sévère,
et j'espère qu'il ne sera pas rare dè trouver des soldats dignes d'être officiers.
Leâ pertes de la guerre sont un malheur inséparable de ce fléau, mais celui qui à fait dignement son métier laisse toujours à ses parents Un motif de consolation. Lorsqu'un régiment aura été trop fatigué, on le fera sortir de ligne : il est du devoir du pouvoir exécutif de n'être pas prodigue d'un sang que les sujets offrent si généreusement au salut de la patrie.
Le chapitre des recrues ordinaires ne me paraît pas plus embarrassant. J'ai entendu comparer l'Alsace au pays d'Auch, et j'ai seulement vu que l'Alsacien, plus paresseux ou moins industrieux, préférait le métier des armes à tout autre. Pour décider cette question, il faut éprouver quelque temps la révolution que fera dans les esprits la constitution : elle doit avoir une grande influence sUr l'agriculture, sur le commerce et sur l'esprit militaire. Le pis-aller sera de recruter de préférence en Alsace, soit notre artillerie, Soit hos troupes légères, dont la composition ne pèut être la même que celle dès troupe^ dites nationales; et cé moyen absorbera le superflu dépopulation de' ces cantons privilégiés parla nature.
Enfin les milices nationales, dit-on, peuvent exciter des troubles; c'est une hypothèse gratuité : je ne vois à leur composition qu'Un moyen d'ordre et d'équilibre, que le germe du patriotisme, fusagé habituel dç l'obéissance, et le respect pour tout cé qui doit être sacré à des cœurs français.
Je proposé donc que l'Assemblée décrète :
1° Que tout homme ayant droit d'électeur et en état de porter les armes sera inscrit au rôle de sa municipalité, comme j garde hatiohal, et que le Roi sera supplié 4'aViser aux moyens de pourvoir incessamment chaque citoyen des armes nécessaires à sa défense, sur la demande et àux 'fratë dé chaque département.
2° Que foui; homme libre depuis dix-huit ans jusqu'à quarante, serà inscrit comme faisant partie de l'armée active, et destiné à fepouss * tes efforts de l'ennemi de l'Etat; qu'en conséquence il soit inçèssamment propos^ à l'Assemblée, par le comité, un plan d'organisation de ces milices provinciales;
3° Que les conventions et traités, faits avec les Suisses et Grtsons, seront respectés ; que la nation les approuve, et que le Roi sera supplié de les renouveler au besoin;
4° Que, excepté les bataillons légers, toute l'infanterie française sera divisée en régiments hatfonâux, dont chacun sera attaché à un, deux, OU même trois départements, et en portera le nom;
5° Que, pour compléter les régiments nationaux, les officiers ne pourront être choisis, ét les soldats recrutés que dans les départements dont le régiment portera le nom;
6° Que là composition de la cavalerie Sera renouvelée sur les mêmes principes que l'infanterie, à l'exception des Régiments de chevau-légers;
7° Que les régiments nationaux, soit en cavalerie, soit en infanterie, ne pourront, eh temps de paix, être en quartier à pins de trente îieUes du chef-lieu de leur département ;
8° Que cette base étant adoptée, le comité fixera l'emplacement de chaque corps, de toutes les armés, de concept avec Un député (Je chaque dèpartemènt;
9« Qué lé nonibre des trôtipes, eh activité, sera
fixé à 150,000 hommes au plus, compris la maison du Roi ;
10°Qué le sort des soldats et celui des officiers, les moyens id'aVancertient et de retraité- seront fixés par des ordonnances primaires et constitutionnelles, d'une manière indépendante du caprice et de la légèreté des supérieurs ;
11° Que les lois militaires qui régiront l'armée, seront déterminées et arrêtées par l'Assemblée;
12° Qu'aussitôt après que le travail du Comité aura été agréé de l'AsSembléé et du pouvoir exécutif, lecture en sera faite en chaque quartier, aux troupes actuellement en activité, et le serment exigé ;
13° Qu'il sera demandé à chaque individu s'il désire s'incorporer au régiment du département dans lequel il est domicilié, ou s'il entend rester attaché au département dans lequel il Se trouve ;
14° Que la même proposition sera faite aux officiers et bas-offiçiers, pour être remplacés dans le même grade, s'il y a lieu ;
15° Que les agents du pouvoir exécutif seront tenus de prendre les précautions nécessaires pour que ces changements amiables Se fassent librement «t sans danger pour la chose publique;
16° Enfin qu'il séra sursis à la nomination de tôris les emplois militaires jusqu'après l'établissement de la nouvelle constitution;
La constitution militaire est très-importante, il faut v réfléchir mûrement. Chacun peut faire des plans; mais il n'est pas donné à tout le monde d'en présenter qui soit Convenable. J'en ai un aussi, et je l'offrirai à l'Assemblée s'il Je faut.
Notre but doit être la Cônsef-vdtiort de la liberté. Il faut donc que l'organisation militaire ne puisse jamais fournir des moyens d'oppression.
Défendre la patrie, tel est le premier des devoirs. Quand un peuple est peu hombreux, tous doivent porter ies armes; quand il l'est trop, ce devoir doit être à la fois rempli par uu petit nombre. Le plus sûr moyen d'être libre consiste à avoir des armées de citoyens ; là liberté demande donc la conscription militaire.
L'armée doit être, en temps de paix, de 120,000 hommes, tant infanterie que cavalerie. En temps de guerre, elle doit être portée à 200,000 hom* mes.
Tout citoyen ayant atteint l'âge de quinze ans, le Roi et l'héritier présomptif de la couronne exceptés, seront inscrits sur un registre public. On formera une milice nationale dé 150,000 hommes; elle se renouvellera tous les trois ans : on ne sera dispensé du Service qu'à l'âge de cinquante ans.
L'armée agissante ét soldée sera du nombre exprimé ci-dessus. Chaque citoyen servira pendant un temps déterminé, après lequel il sera exempt de service. S'il ne peut servir lui-même, il fournira un avoué Conhu et agréé de la commune de son domicile; ou bien il payera, une seule fois, une contribution qui ne pourra pas s'élever à plus de 200 livres.
Avec ce plan, on aurait des armées excellentes, quoique peu nombreuses, et qui seraient certainement lès soutiens de la liberté... Qu éviterait les engagements immoraux, dangereux, inconstitutionnels... Les milices étaient avilies, il faut qu'il soit avilissant d'être déchu du droit de servir la patrie,.. Les paysans ne craindront
plus d'avoir des enfants livrés dès leur naissance au despotisme... Les gardes nationales, ces établissements précieux auxquels nous devons en partie notre liberté, seraient assujetties à un régime calme et uniforme... La conscription militaire favorise le despotisme chez quelques peuples, parce qu'elle y est une loi du* despote ; elle devient' la sauvegarde de la liberté lorsqu'elle èst ordonnée par la nation.... Vous avez à choisir entre l'armée royale du despotisme et l'armée citoyenné de la liberté....
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport de M. Dubois de Crancé et de l'opinion de M. de Menou.)
(1). C'est au nom des députés du Goténtin que je viens vous soumettre quelques considérations sur la maréchaussée, et comme force nationale et comme tribunal de justice.
Nous envisageons la maréchaussée sous deux points dè vue :
Premièrement, comme troupe militaire.
Secondement, comme tribunal de justice. . Sous le premier de ces rapports, toujours de piquet actuel, toujours prête a marcher, toujours présente en même temps, dans tous les points, cette troupe est la première épée de la loi, confiée aux magistrat chargés de la faire respecter et exécuter. Les officiers et cavaliers de maréchaussée doivent être des citoyens vertueux, armés contre les entreprises des méchants pour la sûreté et le bonheur des gens de bien.
Quelque bonne que puisse être la constitution d'un grand empire, quelque sages que soient les lois par lesquelles il doit être gouverné, les citoyens qui le composent ne peuvent être véritablement heureux, si ces lois restent muettes, et si elles ne sont pas mises en action par le pouvoir exécutif.
Nous considérons la maréchaussée comme l'arme la plus active que l'autorité puisse employer pour faire respecter les lois. Dans ses divisions, chacune de ses brigades nous semble un corps de garde établi à la porte de chaque citoyen poûr Veiller sans cesse à sa sûreté. Dans son ensemble, c'est un filet étendu par la loi sur tout le royaume, qui ne doit laisser échapper aucuns des méchants qui en troublent la paix. Nous pensons que dans ce moment surtout, où les désordres et l'anarchie inséparables d'une grande révolution, ont multiplié cette espèce malfaisante, et en ont infecté toutes les parties de l'empire ; il "serait à désirer que les mailles de ce filet fussent rétrécies pour laisser moins d'issues aux malfaiteurs ; pour purger plus promptement, et plus efficacement les villes et les campagnes, des bandits qui les infestent. Une légère augmentation dans le nombre, et une meilleure disposition dans l'emplacement des brigades, donneraient le moyen de les placer à deux ou trois lieues de distance en tous sens les unes des autres. Se donnant pour ainsi dire la main, elles formeraient entre .elles, une chaîne non interrompue, à laquelle il échapperait bien peu de délinquants ; et l'espérance de l'impunité n'inviterait plus au crime.
Ce fut dans des circonstances à peu près semblables à celles où nous nous trouvons, que la
maréchaussée fut établie, ou du moins que son service fût mis dans une véritable activité.
Nous observons que les provinces s'étaient déjà réunies
Qu'on réforme la maréchaussée actuelle, qu'on lui substitue tout autre établissement, toujours estril certain que la police d'un grand royaume ne peut être faite sans des forces coactives, bien organisées, et l'on sera tôt ou tard obligé d'en revenir aux mêmes principes, si l'on veut obtenir les mêmes effets.
Il ne faut pas juger le corps entier de la maréchaussée d'après des exceptions particulières résultant de la conduite, individuelle de quelques-uns de ses. membres. 11 se glisse partout des abus; mais en général oh doit rendre justice au zèle, à l'activité, à l'intelligence et au patriostisme que la maréchaussée a montrés dans tous les temps, et notamment depuis la révolution.
Il est généralement reconnu qu'il n'y a point de royaume en Europe où la police soit mieux faite qu'en France; et l'on èst persuadé qu'il est difficile de mieux remplir cet objet et à moindres frais, qu'aVéc le secours de la maréchaussée, ou de toute autre troupe organisée de la même manière.
On objectera sans doute que l'entretien de la maréchaussée est trop coûteux, et que l'on pou-rait faire faire son service par les milices nationales. On répond d'abord que la maréchaussée peut faire bénéficier l'Etat de plus 4 millions par an, en faisant gratis toutes les captures, conduites, translations des accusés, les procès-verbaux, perquisitions, assignations à témoins, écrous, recommandations et autres actes de la procédure criminelle, pour lesquels les huissiers et autres officiers ministériels sont payés très-chèrement. Ce bénéfice balancerait au moins la dépense de l'entretien de la maréchaussée, sur laquelle d'ailleurs nous pensons qu'il n'est peut-être pas impossible de faire quelques économies.
Le projet de supprimer la maréchaussée, qui coûte environ 4 millions par an, pour faire faire son service gratis par les milices nationales, présente une idée séduisante, mais qui n'est qu'une apparence trompeuse. Les résultats de l'exécution démentiraient les calculs de la spéculation. Nous pensons d'ailleurs que l'espèce ae service particulier à la maréchaussée, ne peut être bien fait, que par des hommes voués uniquement à ce métier.
L'ancienneté de la maréchaussée ne pourrait justifier l'abus de son établissement, s il était abusif. Mais cette ancienneté même, le temps qu'il a fallu pour perfectionner son organisation, qui n'a été rectifiée que peu à peu, fait sentir l'avantage d'avoir une troupe toute formée, et elle prouve que l'état d'amélioration où ce corps est porté par l'amélioration des temps, ét l'instruction des sujets qui le composent, ne peuvent être suppléés d'un instant à l'autre par toute autre troupe nouvellement créée et différemment organisée.
Si l'on veut examiner avec attention les devoirs de la maréchaussée, on apercevra bientôt combien ils sont difficiles à remplir, et l'on jugera aisément qu'il est peu d'états dans la société qui
exigent, dans les individus, plus de sagesse, de' prudence, de probité, d'expérience, d'intelligence, de bravoure et de force.
: 11 ne faut pas se faire illusion sur la manière dont les milices nationales, surtout dans les villages, rempliraient les fonctions pénibles, difficiles et délicates,- confiées à la maréchaussée, et pour lesquelles elle a été formée et instruite de longue main. Si le défaut d'intelligence et d'éducation rend les habitants des campagnes incapables de recueillir, dans des procès-verbaux, la preuve des crimes, en suivant les traces qu'ils laissent après eux, leur éloignement naturel pour toute espèce de subordination, les tiendra à une grande distance de l'exactitude avec laquelle on doit veiller sans cesse à la sûreté publique. On ne peut supposer avec vraisemblance que la patrouille d'un village mette infiniment d'empressement à la recherche d'un délinquant qui sera le parent, le voisin ou l'ami d'un des membres de cette patrouille. Gar, avant que le préjugé qui entachait ci-devant l'honneur des familles d'un condamné, soit totalement effacé des cœurs français,
11 échapperait bien des coupables à la vengeance de la loi ; si les parents, voisins ou amis des délinquants, étaient seuls chargés de les poursuivre. 11 est peut-être raisonnable de penser aussi qu'il est des espèces de délits, tels, par exemple, que la désertion des soldats, contre lesquels on ne réussira jamais à armer, avec une grande activité, une garde nationale.
Sous ces rapports, les avantages que l'on retire de la maréchaussée ne seraient nullement suppléés par les milices nationales.
Il reste à examiner si ce serait une opération vraiment économique, de charger les milices nationales du service de la maréchaussée. La journée d'un manouvrier ne peut être évaluée à moins de 20 sols l'une dans l'autre. Il existe dans le royaume 40,000 communautés ou paroisses, grandes et petites. En supposant que chaque paroisse fournisse seulement un homme de garde chaque jour, le produit des journées sera par an de 14,600,000 livres, et par conséquent l'impôt, en déduisant les fêtes et dimanches, sera de
12 millions-^e livres. Mais si l'on voulait évaluer le tort que peut faire à l'agriculture, à l'industrie et au commerce, la perte de certains jours destinés aux semailles, à la récolte, aux marchés, aux foires, etc., etc., on apercevra que, pour épargner environ 4 milions que coûte l'entretien de la maréchaussée, quepourque les citoyens et leurs propriétés soient réellement eu sûreté, on accablera le peuple d'une corvée dont la dépense est incalculable, et qui n'aura d'autre effet que de multiplier à l'infini les malfaiteurs et les brigands, par l'espoir presque certain de l'impunité.
D'après ce qui vient d'être dit, on ne peut s'empêcher de penser qu'il est très-avantageux d'avoir en France une troupe armée, uniquement destinée à la police intérieure du royaume, qui puisse faire respecter les lois, et assurer leur exécution. Sans ce secours, il'sera difficile de faire jouir les citoyens des avantages de la nouvelle constitution. Que cette troupe soit la maréchaussée, ou toute autre, peu importe, pourvu qu'elle soit organisée sur les mêmes principes perfectionnés, et qu'elle remplisse dans toute l'étendue du royaume, les mêmes fonctions que la milice soldée de Paris exerce daus cette capitale pour la sûreté de ses habitants. Cette troupe doit être sous l'autorité immédiate des assemblées provinciales, comme troupe nationale, destinée à agir contre les ennemis de l'intérieur qui troublent la
tranquillité dés citoyens ; et si la surveillance et l'administration de cette troupe doivent demeurer dans la main du Roi, c'est comme chargé" par la nation du- pouvoir exécutif. Car d'ailleurs le service de cette troupe, relativement aux circon-tances locales et aux emplacements, doit être déterminé et dirigé par les assemblées de départements, qui sont plus à portée de juger des moyens de police qui peuvent assurer la tranquillité publique, d'après la nouvelle constitution et les lois établies.
Nous proposons donc ces décrets :
« L'Assemblée nationale considérant que la maréchaussée est une milice nationale soldée, destinée par la loi à agir contre ies ennemis de l'intérieur qui troubleraient, la tranquillité publique, et un moyen de force nécessaire pour assurer l'exécution des lois; qu'elle ne peut être remplacée utilement par toute autre troupe différemment organisée, et qu'elle a besoin, dans le moment, d'une augmentation d'hommes pour la rendre capable de tout le service auquel elle est destinée, a décrété et décrète :
1° Que le corps de la maréchaussée sera conservé dans son intégrité, et avec son rang dans l'armée ;
2° Qu'il sera fait un projet pour en perfection^ ner les principes, et rendre son organisation plus conforme aux nouvelles lois constitutionnelles ;
3° Qu'il sera fait des fonds suffisants pour l'augmentation d'hommes qui sera jugée nécessaire pour établir des brigades sur toute la surface du royaume, à trois lieues de distance, en tous sens, les unes des autres ;
4° Que le corps de la maréchaussée, quant à l'administration et à la police intérieure, sera dans le département du ministre de la guerre; mais quant à un service journalier et à ses emplacements, relativement aux circonstances, il sera sous l'autorité immédiate des assemblées de départements.
J'aurais quelques réflexions à présenter sur rétablissement des milices nationales, mais pour ne pas arrêter les travaux de l'Assemblée, je les ferai imprimer et distribuer. (Voy. ce document aux annexes de la séance.)
L'Assemblée passe à son ordre du jour de deux heures.
consulte l'Assemblée pour savoir quel jour elle voudra prendre connais-sauce de l'affaire du Brabant.
Cette affaire est ajournée à mardi, ordre du jour de deux heures.
La discussion de plusieurs articles relatifs à la jurisprudence criminelle est renvoyée à jeudi 17 décembre, également à deux heures.
propose la motion suivante :
« L'Assemblée nationale interprétant, autant que de besoin, son décret par lequel elle a réformé divers points de la jurisprudence criminelle, a décrété et décrète que ceux qui seront nommés d'office pour conseils aux accusés, seront tenus d'en remplir les fonctions, à moins qu'ils n'aient, pour s'en dispenser, les mêmes raisons qui rendent un juge récusable; et alors l'avocat qui le suivra dans l'ordre du tableau sera tenu de le remplacer. »
L'Assemblée décide que cette motion sera ren-
voyée au comité des sept, chargé de la réformation de la jurisprudence criminelle.
, au nom du comité des finances fait un rapport sur l'affaire concernant les impositions de la Bretagne et présente un projet de décret.
Un membre propose de déterminer la manière dont doivent être imposés les châteaux, maisons de campagne, parcs et jardins en dépendant.
L'Assemblée renvoie la question au comité des finances pour lui proposer un règlement à ce sujet.
L'heure étant avancée, l'affaire des impositions de la Bretagne est ajournée à la séance du soir.
La séance est levée.
Séance du
Un membre du comité des rapports rend compte, à l'ouverture de la séance de quelques troubles arrivés dans la ville d'Amiens et propose un projet de décret.
L'Assemblée n'étant pas encore en nombre, la délibération est ajournée.
, l'Un de MM. les secrétaires, fait lecture de plusieurs dons patriotiqués ainsi qu'il suit :
De la communauté de Cunfin en Champagne, qui adhère aux décrets de l'Assemblée nationale, qu'elle n'a lus qu'avec la plus vive admiration, et qui, surtout, pénétrée des principes que contient l'adresse aux commettants, a ordonné la vente d'une partie de ses bois communaux, sur le prix desquels elle offre à la patrie une somme de 5,333 liv. 6 s. 8 d. qui sera déposée à la caissê nationale le 1er avril 1790; elle demandé à faire partie du district de Bar-sur-Aube.
De la ville de Longwy en Lorraine, qui adhère respectueusement à tous les décrets dè l'Assemblée nationalé, et principalement à celui qui ordonne le payement du quart des revenus. Elle offre une somme de 21,497 livres, provenant de ses offices municipaux-, le comité de la même ville adhère au décret pour le payement du quart du revenu, et offre un don patriotique de 1,000 livres fruit d'une souscription volontaire ; l'Assemblée a ordonné que le nom des souscripteurs fût imprimé dans ses procès-verbaux.
Du bourg de Tréport, qui, adhérant respectueusement aux décrets de l'Assemblée nationale, offre, en don patriotique, l'imposition des privilégiés, pour tes six derniers mois de 1789.
DeThil-Cbâtel en Champagne, qui aubère, avec les expressions dictées par le patriotisme le plus pur, à tous les décrets de l'Assemblée nationale; déclare mauvais citoyens tous ceUx qui abront fait dé fausses déclarations de leurs biens; et renonce à toute diminution sur les impôts, à raison de la taxe des privilégiés, pour les six derniers mois de 1789, qu'ils offrent en don patriotique.
De là paroisse de Moisson en Vexin, qui adhère
Du corps des maîtres serruriers de Nîmes, qui ont fait l'offre de la somme de.....
Le Trésorier des dons patriotiques fa t ensuité lecture de la liste qui contient les différentes offrandes faites à la nation. .
La Chartreuse du Port-Sainte-Marie en Auver-gné, fait offre par Dorn G'-rle, prieur et député à l'Assemblée nationale, d'un don patriotique de 149 marcs, 4 onces, 3 gros d'argenterie.
, prieur de la Chartreuse du Port Sainte-Marie, député de Rionx, visiteur de son ordre, prononce le discours suivant (1)
Appelé et in troduit parmi vous, Messieurs, comme représentant de la nation, pour concourir, selon mes forces, à la révolution qui s'opère, par vos constants et généreux efforts, avec autant d'efficacité que de sagesse, je viens, sous vos auspices et sous vos leçons, commencer à remplir ma tâche.
La facilité avec laquelle vous permettez à un chartreux de s'asseoir au milieu de vous* Messieurs, atteste qu'il n'est aucune classé' de citoyens que vous ne preniez en grande considération, et que depuis l'habitant de la cité jusqu'à l'habitant du désert, vous entendez que tous soient ou témoins ou participants de la régénération de cet empire.
Convaincu comme vous, Messieurs, des besoins actuels de l'Etat, je voudrais pouvoir être admis à faire, comme tant de généreux citoyens, un don volontaire à ia nation ; je le rendrais, Messieurs, digne de votre attente, en le laissant régler parles sentiments patriotiqués dont je suis animé, et je sens que je ne pourrais être satisfait qu'en offrant tout, et en donnant tout sans réserve : je n'ai jamais été dans d'autres dispositions; mais dirigé aujourd'hui et gouverne par vos décrets du mois dernier, relatifs aux biens du clergé, je ne puis, Messieurs, vous montrer mon zèle autrement qu'en adhérant pleinement, sincèrement., d'esprit et de çœur, à la sagesse de tous vos arrêtés, vous déclarant que je suis prêt à en suivre toutes les dispositions.
Je puis, Messieurs, dès à présent satisfaire à celle qui concerne l'argenterie; après avoir laissé dans l'église de la Chartreuse que je préside tout ce qui est nécessaire pour la décence du culte, j'ai à présenter et délivrer à la nation 150 marcs d'argent en différentes pièces, dont je fournis l'état, et qui arriveront îucessamment à l'hôtel des Monnaies.
Pont ce qui tient à l'exécution du décret qui regarde la déclaration des biens mobiliers et immobiliers, je supplie l'auguste Assemblée de m'accorder un délai suffisant pour y satisfaire d'une manière convenable.
Qu'il me soit aussi permis, Messsieurs, de vous observer, en ce moment, que vos décrets du
mois dernier ont occasionné les plus vives inquiétudes dans la plupart de nos maisons, aux
religieux qui ne les conçoivent pas assez bien. Ils n'y aperçoivent que la perte de leurs
biens, de leurs maisons, de leur état; il s'agitent d'une
Quelques-lins, différemment affectés, inq'uiels j soUs d'autres rapports, et ennuyés de leur condition qu'ils regardent comme un état de captivité, s'affligent et s'irritent de îtë lenteur qu'on j meta opérer ledr délivrante, peu soucieux de la tranquillité de leurs corifrères, ils souillent le feu de la discôrde, et entretiennent dans les esprits une fermentûîion qui scandalise et fait cesser l'harmonie qui doit régner dans une Société religieuse;
Il serait peut-être, Messieurs, dé votre sagesse ët d'une heureuse prévoyance, dè rassurer ceux qui aiment leur état, et que votre plan pourrait avoir alarmés, et dè ne pas trop éloigner les espérances de ceux que le dégoût a surpris.
11 vous sèrait facile, Messieurs, sans riën changer à vos décrets, dé procurer aux deUx partis le soulagement qui convient à lëur mal -, il suffirait d'arrêter qu'en attendant que l'Assemblée nationâlë puisse s'ûccilper en définitive de la conservation, ou de la suppression ou réduction des ordres réguliers de l'un et de l'autre sexe, les religieux qui së plaisent dans leur état, demeureront, avec toute assurance de protection, dans les maisons où ils sont actuellement, ou celles qui leur seront désignées pour y vivre selon leur règle, Soit avec là pensioh honnête qui serait assignée à chacun d'eux, Soit avec les^ biens dont on leur laisserait la jouissance.
A l'égard de ceux qui, par faiblesse de tempérament, dégoût ou autre cause, ne voudraient plus, ou rie pourraient Suivre leur règle ét vivre en commun, leur permettre dè s'adresser à la puissance ecclésiastique pour se faire séculariser, le tout aux frais de leurs maisons de profession, ainsi que la pension qui serait fixée et déterminée par l'Assemblée.
Et podr que lés choses se passent avec plus de décence et itioins d'irrégularité, arrêter que peux qui seront dans cette intention, la manii féstèront dans le mois aux supérieurs majeurs, qui leur assigneront une ou plusieurs maisons, selon le nombre, où ils seront tenus de se rendre pour attendre le bref de leur sécularisation.
D'après ce que je viens d'avoir l'honneur de vous observer, Messieurs, j'ai celui de vous proposer de déclarer et dè décréter de la manière suivante :
« Art. 1er L'Assemblée nationale déclare que lorsqu'elle s'occupera du sort des individus qui
composent les ordres réguliers de l'un et de l'autre sexe, elle assurera à chacun d'eux une
existence honnête, en raison de leur état actuel-, qu'il sera désigné un nombre suffisant de
maisons de chaque ordre, à ceux qui voudront vivre en commun, suivant leur règle, avec une
pension déterminée d'après leurs rëvenus, et en outre là jouissance delà maison, jardin et
espace convenable pour un enclos.
« Art. 2. Décrète en dutre que ceux qui ne voudront plus suivre la règle qu'ils ont embrassée, sont dès à présent autorisés à s'adresfeer à la puissance ecclésiastique, pour se faire séculariser et vivre dans la société, au moyen d'une pension qui sera réglée par l'Assemblée, payable par les maisons profe'sses, tant qu'elles jouiront de leurs biens ; et par la nation, quand elles n'en jouiront plus;
« Art. 3. Que ceuxqui voudront rentrer dans la société, manifesteront dans un mois, à compter du jour de la notification, leur intention aux J
supérieurs majeurs, et seront tenus dé sé rendre dans la maison, qui, par eux, leur sera indiquée, pour y attendre le bref dë leur sécularisation.
L'Assembféë reconnaît, dans les offres que vous lui présentez, les sentiments généreux d'un ordre qui a toujours pratiqué avec tant de ferveur les vërtUs de son état, et qui a appris, dans la méditation des vérités éternelles, que la plus sainè philosophie ëst celle qui se concilie avec la moralê patriotiquè que prêche Ja reliigion de l'empire.
L'Assemblée ordonne que le discours de Dom Gerle et là réponse de M. lë président seront imprimés.
Quelques membres font observer que l'Assemblée a décrété de ne pas délibérer définitivement, dans les séances du soir, sur des objets d'intérêt général. Ils disent que la motion de Dom Gerle est d'intérêt géuéral.
, député de Riom. L'objet de la demande est trop instant, même pour les religieux, pour qu'il soit différé.
, évëque de Clerrriont. Je propose de renvoyer la moliou au comité ecclésiastique qui, d'ailleurs, est prêt à faire un rapport.
L'Assemblée décide le renvoi au comité ecclésiastique et arrête qu'elle attendra, pour l'entendre, qu'il demande lui-même la parolë.
On reprend la discussion de l'Affaire d'Amiens. Voici les faits :
Les officiers municipaux d'Amiens, réunis aux membres du comité permanent, sont parvenus à rétablir la perception de la gabelle, qui était devenue nulle dans l'anarchie ; de là un grand mécontentement dans le peuple, de là des attroupements, des quolibets lâchés contre les troupes qui prêtent ndairt-fortè à la perception des impôts ; on les a traités de gabeleurs. Il y a eu une petite guerre et le sang à cuulé; de là aujourd'hui des comités militaires qui s'arrogënt toutes les fonctions de la municipalité; de là l'inSubordi-nation des citoyens enrôles qui, contre l'esprit du règlement (provisoire fait par l'étàt-major, font tout ce qu'ils né devraient pas faire.
Ces raisons ont porté le comité des rapports à proposer un projet de décret ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale considérant que par son décret du 2 de ce mois , les officiérs municipaux de toutes les villes et communautés du royaume ont été provisoirement maintenus dans les fonctions dont ils étaient alois en possession, et que ce serait compromettre la tranquillité publique qu'elle s'est proposé d'assurer par ce décret, si des corporations, soit civiles, soit militaires, qui, par leur institution, doivent être subordonnées aux municipalités, les contrariaient dans leurs fonctions, a décrété et décrète que le règlement de discipline militaire, concerté entre le conseil permanent de la ville d'Amiens, et de l'état-major de la milice nationale de ladite ville, et arrêté par délibération du 30 septembre dernier, sera provisoirement exécuté jusqu'à l'organisation des Municipalités et milices nationales du royaume; et qu'en conséquence, défenses sont faites à toutes personnes enrôlées dans laditè milice, de s'assemblér en comité militaire, sans y avoir été préalablement autorisées, tant par les chefs de ladite milice nationale, que par ies officiers municipaux. »
L'Assemblée a chargé son président de présenter incessamment au Roi ce décret, en le suppliant de le revêtir de sa sanction.
Le projet de décret est contraire à l'article constitutionnel qui permet à tous les citoyens de s'assembler, même en armes, pour faire des pétitions.
Je propose de dire que les citoyens enrôlés ne pourront s'assembler, sans l'ordre de leurs chefs, pour tout ce qui regarde le service militaire.
, député d'Amiens. Je réclame avec instance l'adoption du projet de décret tel qu'il vous a été proposé. Si vous ne vous hâtiez de prendre des précautions, vous causeriez certainement une insurrection sanglante dans une ville où plus de 18,000 ouvriers sont presque - sans ouvrage depuis la conclusion du traité de commerce avec l'Angleterre.. •
L'Assemblée prononce la question préalable sur l'amendement et adopte le projet de décret, sans modification.
L'Assemblée reprend maintenant la suite de là discussion sur les impositions de Bretagne.
Le comité propose de généraliser le décret et de le rendre applicable à tous les pays d'Etats.
, député de Bretagne, fait une motion pour la suppression des droits de détail et la répartition de leur produit sur toute la province, sans distinction, par un autre impôt représentatif.
Cette motion est applaudie et ajournée.
propose de renvoyer le décret au comité des finances pour présenter un mode d'impôt uniforme sur les châteaux et les maisons de campagne. ,
Pourquoi s'écarter de l'objet remis à votre délibération ? Il ne s'agit en ce moment que de la Bretagne; ne sortons pas de cette question.
Cet avis est vivement appuyé, i
Le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, instruite que les anr Ciens États de Bretagne ont donné aux commissaires intermédiaires, pour l'administration de la province, des pouvoirs qui doivent expirer le 31 décembre présent mois, et n'ont prorogé que jusqu'à cette époque la régie des impôts connus en Bretagne sous le nom de devoirs, impôts, billots et droits y joints; considérant que ie travail de l'organisation dés municipalités et des assemblées de département sera incessamment terminé ; que néanmoins il est presque impossible qué les assemblées de département soient réunies en activité le 31 de Ce mois ; qu'il est par conséquent nécessaire de veiller à ce que la province de Bretagne ne soit pas sans administration, et à ce que la perception dé ses impôts ne soit pas interrompue;
« A décrété les articles suivants :
« Art. Ier.Les commissaires intermédiaires nommés par les anciens Etats de Bretagne,
continueront leurs fonctions jusqu'à ce que les assemblées administratives soient réunies, et
qu'elles puissent établir le régime d'administration fixé par la coh-titution. Les
commissaires veilleront aux affaires
de"? la province de Bretagne ; l'Assemblée leur continue, à cet égard, tous les pouvoirs nécessaires,',-'.
« Art. 21 Les commissaires additionnels nommés par la délibération du 16 février dernier, pour concourir à l'administration, sous le bon plaisir du Roi, se réuniront, dans tous les évêchés, aux autres commissaires actuellement enexercicé; et, comme il n'y a plus de distinction^ d'ordres en France^ les ordonnancés des commissions seront valables, et auront leur exécution dès qu'elles auront été prises en commission, et seront souscrites de trois commissaires indistinctement, tous règlements contraires demeurant abrogés.
V Art. 3. Lesdits commissaires intermédiaires procéderont à la confection des rôles d'impositions ae 1798, par un seul et même rôle, sur toutes personnes indistinctement pour lès impôts personnels, et de même sur tous les biens-fonds pour les impositions réelles. Us procéderont pareillement a la confection du rôle supplétif sur les ci-devant privilégiés, ordonné par l'Assemblée nationale pour les six derniers mois de 1789.
« Art. 4. Le trésorier des Etats de la province de Bretagne payera comme au passé les arrérages des rentes constituées sur les états, les appointements, et même les gratifications ordinaires accordées aux commis de leur administration, et à leurs ingénieurs, les ordonnances pour payement des travaux faits et à faire en la présente année pour compte de la province,, et tous autres payements pour traitements, pensions et gratifications, demeureront suspendus jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné.
« Art. 5. Tous les octrois des villes de Bretagne continueront d'être perçus comme au passé, jusqu'à ce qu'il' ait été statué à cet égard par l'Assemblée nationale, mais sans aucun privilège, exemption, ni distinction de personne.
« Art. 6. L'Assemblée nationale proroge pour un an, a compter du premier janvier prochain, la régie des impôts connus sous le nom de « devoirs, impôtsy billots, » et autrès droits y joints, pour être faite ainsi ét de la même manière qu'en 1789 par lès régisseurs actuels, suivant le renouvellement de leur soumission, sans nouvelle prestation de serment par les commis, auxexceptions-seulement ci après :
« 1° L'eau-dé-vie sera distribuée à toutes personnes indistinctement aux bureaux de là régie, et en telle quantité qu'elles le désireront, à raison de 50 sols le pot, faisant deux pintes mesure de Roi. Personne ne pourra acheter de l'eau-de-vie, ni en pièces ni en bouteilles, ailleurs qu'auxdits bureaux dé la régie, ni en introduire en Bretagne, si ce n'est pour le commerce maritime ou en transit ; ceux qui fabriquent des eaux-de-vié pourront en destiner à leur usage les quantités qu'ils jugeront convenables, en Te déclarant aux bureaux de;la régie, et en payant, lors de leurs déclarations, le droit de 20 sols par pot. Payeront également les marchands grossiers le droit de 20 sols par pot d'eau-de-vie employé à leur consommation seulement ; et en cas qu'ils veuillent cesser le commérce d'eau-de-vie, sera tenu le régisseur de prendre leur reliquat au prix marchand, au moment qu'ils auront fait leurs déclarations.
« 2° Sans rien changer aux dispositions de l'article 61 du bail dés anciens Etats de Bretagne, les liqueurs étrangères, introduites dans la province pour y être consommées, seront assujetties, à un droit unique de 20 sols par pot lors de leur entrée en cetle province. Il n'en sera introduit
qu'en vertu de permis des directeurs qui les délivreront sans frais, et ne pourront en refuser à personne.
« 3° L'article 79 du bail des anciens Etats de Bretagne, est supprimé en ce qu'il a de contraire aux précédents décrets de l'Assèmblée nationale.
« 4° Aucun individu, aucune ville ou communauté, ne pourront, à l'avenir, prétendre droit de banc et étancbe ; ce privilège demeure supprimé, sans exception, par le présent décret, sauf indemnité, s'il y a lieu, et ainsi qu'il sera vu appartenir.
« 5° Les exemptions de devoirs ci-devant accordées, par l'article 33 du bail, aux concierges et buvetiers de divers tribunaux et de la chancellerie, sont également supprimées.
« Art. 7. M. le président de l'Assemblée nationale se retirera très-incessamment vers le Roi pour demander à Sa Majesté la sanction du présent décret. »
lève la séance, et l'ajourne à lundi 14, à neuf heures du matin.
mémopre historique et justificatif de m. le
comte d'Albert de Rioms, sur Vaffaire de Toulon (1).
Je suis-parvenu par quarante-six années de bons services, à la. tête de mon corps. Le Roi m'a honoré du commandement de ses escadres. Il m'a confié depuis cinq ans l'administration d'un de ses principaux ports, et les témoignages de bonté et de satisfaction que Sa Majesté m'a donnés en diverses occasions, me donnent le droit de croire que je ne me suis point montré indigne de la confiance qu'elle a daigné mettre en moi.
Cependant, sans délit comme sans accusation, sans formes juridiques quelconques, j'ai été traité ainsi que les principaux officiers à més ordres, comme si nous avions été convaincus des plus grands crimes.
Outragés d'une manière qui n'a pas d'exemple, on a dû s'attendre que nous élèverions la voix pour nous plaindre. Oui, sans doute, nous devons le faire; mais avant que d'entrer dans le détail des injustices contre lesquelles nous avons à réclamer, it m'importe de remonter à l'origine des troubles qui depuis plus de neuf mois agitent la ville de Toulon. Je veux mettre 30us les yeux demes juges, etsurtoutsousceuxdupublrc, la conduite que j'ai tenue depuis le 23 mars dernier, époque du premier tumulte. On verra quels sont mes principes et si je m'en suis départi ; on jugera si l'homme qui, sans mission expresse, dans plusieurs occasions s'est toujours mis en avant pour maintenir l'ordre ou rétablir la tranquillité, et qui n'a jamais craint de s'opposer aux méchants qui cherchaient à les troubler, est un mauvais, un dangereux citoyen. J'ai rendu compte de ces troubles à mon ministre, dans un temps où ma conscience ne me laissait pas craindre que j'eusse
jamais besoin de me justifier. Ces comptes sont authentiques; les originaux doivent exister dans les bureaux de la marine; je porterai d'ailleurs au soutien les témoignages de satisfaction et de reconnaissance, qu'en divers temps la municipalité de Toulon m'a donnés; on jugera par eux du cas qu'on doit faire des inculpations dont elle me charge aujourd'hui. Je vais donc commencer ma justification par l'exposé des comptes officiels rendus par moi à l'occasion de la première émeute; ensuite je donnerai l'historique de tout ce qui s'est passé jusqu'à l'étonnante catastrophe du lor décembre.
Lettre à M. le comte de La Luzerne, du
« Monseigneur,
« Hier, dans l'après-midi, les rédacteurs dès cahiers du tiers s'étant assemblés, il survint dans la salle de l'hôtel de ville, lieu de l'assemblée, quelques femmes qui s'écrièrent qu'il fallait assom merM. Lantier, ancien consul, l'un des rédacteurs èt M. Baudin, secrétaire de l'hôtel de ville, et qui en cette qualité a la plus grande influence dans l'administration des revenus de la ville. Vainement les valets de ville voulurent faire sortir ces femmes dont le nombre devint bientôt plus considérable, et auquel quelques hommes s'étaient joints. On futde-mander du secours dans un poste voisin ; il en vint 8 soldats qui furent désarmés à l'instant et bientôt le trouble fut extrême. La générale fut battue; un des régiments qui composent la garnison se porta sur la place de l'hôtel de ville, pleine d'une populace effrénée qui disait vouloir absolument massacrer MM. Lantier et Baudin, réfugiés pour lors dans un cabinet dont on m'a assuré qu'un homme armé d'un fusil avait eu le cotirage de défendre la porte. Pendant ce temps, ou à peu près, un semblable attroupement eut lieu devant le palais épiscopal ; les mutins entrèrent dans les cours, s'emparèrent de la voiture de M. l'Evêque, la mirent en pièces et furent en. jeter les débris dans le port; je ne sais point eucore quels ont été les autres excès commis dans ce palais. Les mutins de l'hôtel de ville n'y trouvant plus rien à détruire (MM. Lantier et M. Baudin ayant, je ne sais comment, trouvé le moyen de leur échapper), furent à la maison du dernier, qu'il dégradèrent. Ils en arrachèrent jusqu'aux balcons et aux fers des fenêtres. Vous serez sans doute étonné, Monseigneur, que de pareils excès se soient commis dans une ville de guerre, où il n'y a pas moins de 3,000 hommes de troupes et un corps considérable d'officiers. Je sens que je me dois une justification, j'espère que vous la trouverez dans le détail particulier de la conduite que moi et tous ceux qui sont à mes ordres ont tenue. 4
« J'étais sorti de la ville à 4 heures après-midi; à 5 ont vint me dire qu'on battait la générale, que les portes étaient fermées, et qu'il y avait ordre de me laisser entrer. On me dit en entrant que M. de Coincy me priait de passer chez lui; j y courus : il me dit l'état de choses tel qu'on le lui avait rendu. MM. Lantiér et Baudin étaient morts, disait-on. J'offris à ce commandant tous les secours qui dépendaient de moi : il avait déjà demandé qu'une partie des canonniers matelots fût se mettre en bataille sur le quai de la Patache. Je sortis, sur-le-champ pour donner des ordres en conséquence, et après m'ètre assuré à la porte de l'arsenal que M. du Castellet y était, et qu'il avait six compagnies de" nos canonniers sous les armes, je m'acheminai vers l'hôtel de
ville, où je savais qu'était le foyer de la révolte. J'étais accompagné de sept à huit officiers. Nous nettoyâmes, chemin faisant, le quai de la foule qui le chargeait. Je fis arrêter une femme qui nous injuria comme nous passions. Arrivé à l'hôtel de ville," j'en trouvai les 'avenues occupées par le régiment de Dauphiné ; mais la maison était pleine de mutins. 11 y en avait encore à la porte qui ne pouvaient entrer; ils me reçurent avec des cris de : Vive le Roi! Vive d'Albert! Je débutai par demander aux officiers pourquoi ils souffraient cette populace au milieu d'eux et ne faisaient pas vider la place; leur réponse fut qu'ils n'avaient ordre que de rester sous les armes, en occupant le terrain sur lequel ils étaient. « Mais savez-vous que MM. Lantier et Baudin sont assassinés ; mais savez-vous que dans ce moment-ci on égorge peut-êtreM i'Evêque?—Nos ordres sont precisetie ne puis m'en écarter, » reprit le commandant. Alors je lui dis : « Je vais entrer dans l'arsenal et donner les miens, pour que tous ceux qui dépendent de moi en fassent autant, sauf les douze compagnies de canonniers qui sont sur le quai, et qui resteront aux ordres de M. de Coincy. » J'y rentrai effectivement, et je trouvai qu'on avait grande peine à contenir les ouvriers, qui tous demandaient à grands cris de sortir. Je fus même obligé de faire arrêter deux des plus mutins, cependant l'Hôtel de Ville était abandonné, et les troupes envoyées au palais épiscopal étaient venues à bout d'en déloger les mutins. C'est alors qu'ils furent à la maison de M. Baudin, où tout fut brisé et pillé; enfin le désordre paraissant cesser, je fis demander à M. de Coincy s'il croyait qu'il y eût quelque inconvénient à laisser sortir les ouvriers. Il était 8 heures; les femmes attroupées à la porte demandaient leurs maris. M. de Coincy me fit répondre que je le pouvais. Alors M. de Montigny, lieutenant de vaisseau, vint me dire que sa femme, qui habite le second étage de M. Baudin, était mourante d'effroi. J'y fus tout de suite, suivi de plusieurs officiers. Les mutins occupés à démenager les meubles de M. Baudin, se rangèrent pour nous laisser passer. Il avaient respecté l'appartement de madame de Montigny, et nous l'en retirâmes sans aucune peine : je retournai à l'arsenal où tout était tranquille et dans l'ordre accoutumé, sauf les postes qui étaient doublés. Je fus de là chez M. de Coincy, pour le prévenir que de la maison de M. Baudin on irait a celle de M. Lantier. Un peu de lenteur dans l'ordre que ce général donna pour prévenir ce projet, donna le temps aux mutins de dévaster le rez-de-chaussée; mais ils abandonnèrent la partie à l'arrivée des troupes.
« Tel est, Monseigneur, le détail des désordres d'hier que je viens de vous faire à plusieurs reprises, étant sans cesse interrompu : je vais à présent vous rendre compte de ce qui s'est passé aujourd'hui jusqu'à 10 heures du matin, qui est celle où j'écris. La cloche pour les ouvriers sonnée et l'arsenal ouvert, beaucoup d'ouvriers ont refusé d'y entrer, et mêlés aux étrangers et paysans qui se trouvent dans la ville, le désordre a recommencé. Peu contents d'avoir tout enlevé chez M. Baudin, on a voulu détruire la maison ; la générale a battu; mais les troupes assemblées ne l'ont été que pour être spectatrices du tumulte; il n'y a eu qu'un seul endroit où il y ait eu des coups donnés et deux hommes tués ou fortement blessés. Des deux divisions, j'en ai fait assembler une sur le champ de bataille et l'autre dans l'intérieur de l'arsenal : j'ai envoyé une garde au Trésor de la marine, ainsi qu'à la caisse des Invalides; et
comme la boulangerie est hors de la ville, j'y ai envoyé 50 hommes, ayant tout à craindre d'une multitude de peuple qui est hors des portes. M. de Coincy vient de faire battre la retraite, j'en fais aptant ; mais je ne réponds pas que le désordre ne se réveille. Le peuple connaît trop qu'on le ménage, et je ne puis m'empêcher de penser que l'impunité est poussée trop loin ; si l'ordre se rétablit d'une manière durable, on le devra aux soins de quelques honnêtes citoyens qui cherchent à calmer.
« Il estcertain,Monseigneur,quele tumulte vient des torts que le peuple suppose à la municipalité; mais le mécontentement des ouvriers qui ne sont pas payés, est à présent ce qui doit le plus nous faire crainnre. M. Mallard, imprimeur, vientd'offrir à M. Possel 20,000 écus qu'il fera distribuer. Je souhaite que ce lénitif suffise. Le pain était à environ 5 sols la livre (poids de marc). L'hôtel de ville l'a fait publier à 3 sols; mais en aura-t-on? Qui voudra en fournir à ce prix? Voilà l'état des choses ; excusez la précipitation avec laquelle je vous écris; je n'oublierai pas que je dois particulièrement mes soins à l'arsenal. Les ouvriers qui sont entrés ce matin en sortiront à midi pour aller dîner comme à l'ordinaire. Ce sont les gens sages qui y sont, et en les y retenant, comme on me le conseillait, je craindrais de réveiller l'effervescence, celle des femmes surtout, la plus difficile à éteindre. Je n'ai pas le temps de garder une copie de ma lettre. Aurez-vous la bonté de m'en faire une et de me l'envoyer? Je ne dois pas finir sans vous dire que j'ai été très-content des officiers à mes ordres. Je suis, etc., etc. »
« Signé : d'Albert de Rioms. »
Au même, du
« Monseigneur, j'apprends dans le moment qu'on fait partir un courier pour Aix, et j'en profite pour vous rendre compte que tout est tranquille dans ce moment-ci. Hier, dans l'après-midi, la bourgeoisie, dont plusieurs membres ont peut-être à se reprocher d'avoir fomenté, ou plus encore d'avoir suscité le trouble, voyant plusieurs maisons saccagées et une troupe de misérables rançonnant les gens aisés, sous le prétexte le plus léger, et avec une audace qui ne se conçoit pas, craignirent sans doute d'être à leur tour victimes du désordre, et vinrent offrir au commandant leur secours pour le faire cesser; des patrouilles se formèrent sur les quatre à cinq heures, et ;dès lors il ne se commit plus d'excès. Je désire que tout soit fini là ; mais les effets de l'impunité ne paraissent bien à craindre ; que ne peut oser la populace des villes qui n'ont point de garnison, lorsqu'elle saura ce qui s'est passé à Toulon aux yeux de 4,000 hommes sous les armes?
« M. Posselatrouvé à-emprunterdequoi donner un mois de paye aux ouvriers de l'arsenal, et la distribution s'en est faite ce matin; j'ai jugé, comme lui, que c'était le cas de faire l'impossible pour n'avoir pas tort avec eux, étant bien décidé à punir avec sévérité ceux qui parmi eux, se rendront coupables. C'est d'après ce principe que j'ai chassé de l'arsenal les deux ouvriers qui me mirent dans le cas, avant-hier au soir, de les faire emprisonner. Je suis, etc.
« P. S. J'apprends que le château de Sollier, terre à 3 lieues d'ici, appartenant à M. de Forbin,a été pillé hier.
« Il y a eu une émeute à la Seyne qui a eu des suites. M. de Coincy y envoie des troupes; mais
si l'on y fait, comme ici, qu'elles ont des ordres très-précis de ne point agir, je ne vois dans cet envoi qu'une nouvelle humiliation ; car, à coup sùr, les mutins ne manqueront pas de s'en moquer. »
Au même,
« Monseigneur,
« Hier, au départ du courrier dépêché à Aix, tout était à peu près tranquille; on l'a été le reste du jour et pendant la nuit. Les patrouilles de la bourgeoisie, jointes aux soldats, ainsi que celles que j'ai fournies en ouvriers de l'arsenal, sur la demande des consuls, n'ont eu qu'à se promener dans les rues, et à y ramasser quantité d'effets volés, dont la crainte des recherches a engagé les voleurs à se débarrasser à la faveur de la nuit. Dans ce moment-ci (neuf heures du matin) on fait publier le pain, qui, le jour de l'émeute, avait été réduit à 2 sols la livre, à 2 sols 1/2 . On peut espérer que cette proclamation ne produira pas sur-le-champ un nouveau soulèvement, attendu que ce prix est encore fort au-dessous de la proportion qu'il doit y avoir entre celui du pain et celui du froment, mais il y a à craindre, dans ce bas prix du pain, un double inconvénient, celui de rendre les approvisionements de blé difficiles, et celui d'attirer des campagnes et des villages voisins des consommateurs. De plus, la fermentation générale du peuple se manifeste de toutes parts. Les municipalités de cinq ou six communautés sont venues demander du secours à M. de Coincy : partout on se révolte contre l'administration arbitraire, et peut-être coupable, de ces municipalités. M. de Coincy est malade, il a 80 ans; il a des instructions timides, et que peut-être il suit encore avec trop de réserve. Je lui ai offert et donné tous les secours qui peuvent se donner sans intéresser la sûreté de l'arsenal. Il est réellement à plaindre de se trouver chargé d'une besogne au-dessus des forces d'un homme vieux et malade.
c Quant au département de la marine, M. Possel doit vous rendre compte, et du mois qu'il a payé aux ouvriers, et des efforts qu'il va faire pour ramasser de quoi donner des à-compte sur les désarmements de l'année dernière. La misère est extrême; le pain, à 2 sols 1/2 la livre du pays,, revient a 3 sols la livre, poids de marc. Nous allons être forcés, par les arrangements économiques qu'il nous faut prendre, en conséquence de vos ordres, sur la quotité des dépenses pour l'année courante, à n'ouvrir l'arsenal que quatre jours par semaine. Vous sentez, Monseigneur, combien cette mesure doit me coûter dans la conjoncture présente; mais elle est absolument nécessaire pour répondre en partie à vos vues, car je dois vous prévenir que je ne vois pas qu'il y ait de possibilité à les remplir entièrement, mais je ne puis aujourd'hui entrer dans le détail des obstacles qui s'y opposent, ayant à peine le temps d'écrire en courant. M. de Coincy, alarmé sur le projet qu'on lui a dit que des paysans avaient formé, de couper les eaux de la ville et des moulins qui en dépendent, me demande cinquante hommes pour s'y opposer. Je viens d'en donner l'ordre, etje finis pour en presser l'exécution. Je suis, etc. »
Au même, ce
« Monseigneur.
« II ne s'est rien passé de nouveau depuis hier relativement à l'intérieur de la ville; mais rien n'est plus alarmant que l'effervescence qui gagne dans le reste de la province. Une lettre d Aix nous apprend que tout y est en combustion : je n'entreprends pas de vous en donner des détails, qui, je l'espère, Sont exagérés, et que vous aurez sans doute reçus directement. Je crois pouvoir vous promettre que nos efforts et nos soins sauront maintenir la tranquillité et dans la ville et dans l'arsenal.
« Je suis, etc. »
Au même, du
« Monseigneur,
« Rien de nouveau à Toulon, et rien qui, pour le moment, puisse y faire craindre de nouveaux troubles, mais ils deviennent toujours plus sérieux dans les environs. M. de Caraman demande à M. de Coincy une partie de sa garnison, dont je crois qu'en effet nous pouvons très-bien nous passer. Il me semble qu il est plus que temps d'agir. L'inaction des troupes, jusqu'ici, a eu le plus mauvais effet; elles en sont véritablement humiliées et avilies, et la populace ne devient tous les jours que plus insolente : je dis la populace, car la saine partie du peuple voit le danger de l'anarchie, et en est justement effrayée. Je ne doute pas, si le gouvernement tarde à agir rigoureusement, que la révolté contre les nobles devenue générale, ne soit portée aux dernières extrémités, ce ne seront pas seulement les nobles qui en souffriront, tous les gens riches peuvent s'attendre à être traités en ennemis par une multitude effrénée, ivre de l'impunité dont elle jouit. Je vous dis, Monseigneur, les choses comme je les vois; la douceur devient faiblesse, et tout est perdu si on s'obstine à ne pas sévir : et qu'on y prenne garde, ce qui eût été très- aisé dans le commencement, va devenir de jour en jour plus difficile, par le nombre des coupables qui augmente continuellement. Les tribunaux sont sans force et sans courage ; il s'agit de leur redonner l'un et l'autre. Des troupes bien commandées pourront seules en venir à bout.
« Je suis, etc. »
Au même,
Monsieur le comte,
« Je crois devoir profiter du calme où nous sommes pour vous rendre compte, à tête reposée et plus en détail que je ne l'ai fait jusqu'ici, des causes du désordre et des effets qu'on peut encore en craindre.
« Les liens de la subordination, dans tous les Etats, tendent de plus en plus à se relâcher ; la faiblesse d'un côté se communique de proche en proche, tandis que de l'autre, l'audace augmente et rend capable de tout oser. L'opiniâtreté des seigneurs de fief à soutenir la constitution provençale, et leur refus d'acquiescer aux lettres de convocation pour les Etats généraux, en révoir tant toute la province, l'ont mise dans un état de
fermentation dont on aurait dû prévoir les effets. C'est dans cette disposition du peuple que les assemblées préparatoires à l'élection des députés aux Etats généraux se sont formées, et c'est alors que les brouillons ont eu beau jeu à animer les paysans, en leur présentant leurs seigneurs comme des gens durs, qui, par toutes sortes de moyens, voulaient s'opposer au bien que le Roi veut leur faire ; des circonstances malheureuses, telles qu'un biver rigoureux et long, la cherté de toute espèce de consommation, et la diminution du travail qui èn est la suite, ont concouru à rèndre le peuple plus susceptible de s'enflammer. Et voilà comme presque dans un instant le feu a été mis aux quatre coins de la province. Les paysans une fois soulevés,' ceux mômes qui les ont lancés ne peuvent plus être les maîtres de les arrêter. Je n'ai jamais douté qu'ils ne se fussent contentés dans les commencements de la renonciation des ordres privilégiés aux exemptions pécuniaires. Aujourd'hui c'est la suppression totale des droits seigneuriaux qu'ils demandent ; et cette idée s'est si bien mise dans leur tête, qu'une force majeure peut seule l'en ôter. Ce n'est pas tout; non contents de former de pareilles prétentions et de s'y conformer d'avance, en cessant de payer, ils ont en plusieurs endroits voulu punir leurs seigneurs, et, à cet effet» ils ont pillé et détruit leurs châteaux. Cette opération s'est faite à Solliez et au Revest avec un sang-froid qui mérite d'être cité. On y a forcé les consuls à se revêtir de leur chaperon et à donner le premier coup de marteau pour briser les. armoiries du seigneur : les habitants du Revest ont ensuite député les leurs à la communauté de Toulon, pour lui signifier qu'ils détruiraient les moulins et rompraient le cours des eaux qui prennent leur source dans leur territoire, si l'on ne leur accordait pas la franchise de la mouture, ce qu'on a eu garde dë refuser.
« Tout cela, monsieur le comte, s'est fait sans que - personne fût à même de l'empêcher : vous sentez que le cas à Toulon était bien différent. Je ne répéterai point ici ce que j'ai eu l'honneur de vous dire dans le premier compte que je vous ai rendu, mais je dois tâcher de vous développer la véritable et première cause de l'émeute, ainsi que les circonstances qui en augmentent le danger.
« L'administration de l'hôtel de ville, très-vi-cieuse en elle-même, était depuis longtemps odieuse aux habitants. C'étaient deux ou trois particuliers, soutenus, assure-t-on, par les bureaux de l'intendance, qui gouvernaient despo-tiquement;et les consuls, pris annuellement dans un cercle étroit de gens médiocres, laissaient aux premiers toute 1 autorité. La bourgeoisie a voulu profiter des circonstances pour secouer le joug : elle a proscrit les individus dont elle croyait avoir à se plaindre, et elle a osé confier sa vengeance à une populace ameutée, que l'inaction des troupes et l'impunité, ont ensuite enhardie à tout oser : elle se serait portée aux plus grands excès, si les bourgeois alarmés n'avaient eux-mêmes réclamé le secours des troupes auxquelles ils se sont mêlés et joints pour arrêter la rapidité des progrès du désordre.
« La populace, à Toulon^ est, en grande partie, composée de marins et d'ouvriers de l'arsenal, leurs femmes et leurs enfants y jouant un grand rôle. Vous imaginerez sans peine,mon sieurle comte, que dans un pareil moment des gens qui n'ont que leur travail poUr vivre, qui souffrent également et de la rigueur de la saison et de la cherté
des denrées, qui ne sont pas payés de leur travail à terre, et à qui enfin on n'a payé qu'un mois de solde aux désarmements de l'année dernière, ne se sont pas fait faute de se plaindre et de crier. J'ai craint, plus d'une fois, j'ose vous l'avouer, de ne pas en être le maître. La fermeté dont je devais l'exemple leur en a imposé, et j'ai le droit de vous assurer que l'autorité n'a point été avilie dans mes mains; mais nous voyons partout autour de nous les troupes qui ne paraissent prendre les armes que pour être insultées. N'est-il pas à craindre qu'elles ne se lassent d'un rôle aussi humiliant? ne se laisseront-elles pas gagner à cet esprit qui semble vouloir ramener les hommes à l'égalité? Las enfin, je le répète, d'obéir pour ne gagner que des injures et des coups qu'on ne lui permet par de rendre, le. soldat ne prendra-t-il pas le parti de se joindre aux mutins qu'on ne veut pas qu'il réprime? Ce sont là des événements qu'il doit être permis de prévoir. La garde d'un arsenal de marine est d'une bien grande importance ; celle dont je me trouve chargé ne me donnerait aucune inquiétude dans des temps ordinaires; mais si à la douceur qu'on prend pour faiblesse, le gouvernement, ne fait incessamment succéder une juste sévérité, je ne connais rien dont on puisse répondre avec quel-, que certitude.
« Hier, les cahiers du tiers-état furent dressés. On m'a rendu compte qu'il y est porté que vous serez prié de remettre tous les travaux de l'arsenal à la journée du.Roi, prière dont je ne serai jamais de moitié.
« Celle que je crois devoir vous faire, et que je vous fais bien instamment, est de faire en sorte que les ouvriers de l'arsenal soient incessamment et exactement payés de leur travail, ainsi que les marins de leurs désarmements ; j'y joins celle de nous fournir les moyens de donner du travail aux ouvriers domiciliés, à ceux surtout qui ont femme et enfants ; les mettre hors de l'arsenal en ce moment-ci, ce serait les condamner à mourir de faim, et vous sentez que cette extrémité peut les mener au désespoir.
« Le conseil de marine, à la suite de sa séance de la fin du mois, mettra en détail sous vos yeux ce que nous croyons que les circonstances peuvent exiger; daignez croire que nous ne perdons pas de vue, dans nos demandes, l'embarras de votre position relativement aux fonds.
« Je suis, etc. » .
Au même, le
« Monseigneur,
« J'ai l'honneur de vous adresser une lettre que je reçus hier de MM. les maire, consuls, lieutenant de Roi de la ville, concernant la mise des travaux de l'arsenal à l'entreprise, dont ils demandent la suppression : j'y joins copie de la réponse que j'ai cru devoir raire. On était déjà venu, de leur part, me prier de vous présenter leur pétition sous une autre forme. Je leur fis dire verbalement que le conseil de marine devant s'assembler au premier jour, je les en ferais avertir, et que leur vœu pourrait y être porté, pour, de là, vous être transmis. Si, en outre de leur lettre, ils s'adressent effectivement au conseil, et que le conseil juge à propos de délibérer sur l'objet de leur demande, j'aurai l'honneur de vous en rendre compte sans perdre de temps. « Je suis, etc.
« P.-S. Le peuple continue à être tranquille; mais tout annonce en lui des dispositions inflammables. La municipalité, dans les premiers mo-meuts de son effroi, eut la maladresse de mettre le prix des denrées à un taux fort au-dessous de leur valeur réelle: leur embarras est grand aujourd'hui, qu'il s'agirait de remettre tout à un prix convenable ; le peuple sait trop qu'on ne lui a rien accordé que par crainte. »
Au même,
« Monseigneur,
« L'ordre paraît rétabli dans toute la province. M. le comte de Caraihan, en faisant part à M. de Coincy de ce qui s'était fait à Aix pour la réunion des trois ordres, lui ordonna d'en faire autant à Toulon. Cet ordre, reçu le 31 à 2 heures du matin, fut exécuté dans l'après-midi. Il consistait à faire chanter un Te Deum, et à faire uné procession dans la ville, sous une bannière faite à cet effet, qui, d'un côté, portait l'é-cusson royal, et de l'autre, une crosse, une épée •et une bêche. On crut ici devoir joindre une ancre à ces trois emblèmes. Tout se passa le mieux du monde. Les ordres étaient confondus ensemble, et la joie paraissait sincère et universelle. La procession finie, je reçus la visite du tiers-état le même soir; hier au matin, je reçus celle du clergé et de la noblesse, que je leur ai rendue, ainsi qu'au tiers-état, le même jour. J'ai lieu de croire par la manière dont ces devoirs réciproques ont été rendus et reçus, que dans rien de ce qui s'est passé dans le commencement de l'émeute jusqu'aujourd'hui, on n'a été mécontent de moi. L'insulte faite à M. l'évêque nous imposait l'obligation de lui rendre plus que nous n'aurions peut-être fait dans d'autres circonstances. J'ai donc cherché à manifester de la manière la plus marquée combien les excès auxquels on s'était livré envers lui, nous étaient odieux.
« On dit que M. le comte de Caraman envoie des troupes dans les campagnes pour arrêter les plus coupables. J'ai bien peur, Monseigneur, qu'on ne fasse pas, à cet égard, tout ce qu'il conviendrait de faire; qu'on y prenne garde, on a su persuader au peuple que le gouvernement approuvant en secret ce qui s'est passé, ne ferait que semblant de punir. Il me paraît bien important dé le détromper, et qu'une juste sévérité prenne enfin la place de cette douceur trompeuse qui finit presque toujours par produire les plus grands désordres.
« Je suis, etc. »
L'effervescence des esprits, après l'espèce de fête dont il a été rendu compte dans cette dernière lettre, ne se manifesta plus d'une manière inquiétante que vers le 14 avril. La lettre suivante explique comment et à quelle occasion.
Lettre à M. le comte de la Luzerne, du 15 avril.
« Monsieur le comte,
« Hier je finissais la lettre particulière que j'eus l'honneur de vous écrire, dans laquelle je vous disais que tout était tranquille, lorsque M. de Coincy m envoya demander par un officier major mon agrément pour mettre un dépôt de 100 hommes armés sur la Patache, corps de garde de la marine attenant au quai ; je cou?
rus chez lui, et j'y appris que le consul de la Seyne ayant entrepris d'y rétablir le droit de piquet, sans avoir eu l'attention d'en prévenir un capitaine de Dauphiné qui y est depuis l'émeute avec un détachement, les paysans et les marins s'étaient attroupés ; et qu'ils avaient même assailli le détachement ; mais que bientôt dissipés, on en avait arrêté 14 qui venaient d'être traduits dans les prisons ; que la vue de ces prisonniers avait excité beaucoup de fermentation dans la ville, et qu'on menaçait sourdement de forcer les prisons (elles sont au milieu de la ville) et de délivrer tout ceux qui peuvent y être détenus. Mon premier mot à M. de Coincy fut de transférer les prisonniers à la grosse tour. On venait de lui donner le même conseil.maison voulait attendre la nuit pour cette translation. J'opinai au contraire qu'elle devait avoir lieu sur-le-champ, en plein jour, et avec le plus grand appareil, et je garantis hardiment que personne n'aurait la hardiesse de remuer. M. de Coincy se rendit sans peine à mon opinion; je lui offris mes secours, et il fut tout de suite convenu qu'il ferait traduire les prisonnièrs sur le quaijpourv être embarqués sur les bâtiments que j'allais faire préparer, et conduits par eux à la grosse tour, sous une escorte convenable; nous étions encore à nous concerter, lorsque M. l'évêque vint mous faire part d'une lettre anonyme qu'il venait de recevoir. On lui marquait que le. peuple, outré de ce qu'au, mépris de l'alliance,si récemment jurée entre les trois ordres, on cherchait à arrêter deë prétendus coupables, était prêt à se porter aux extrémités; qu'il devait s'attendre à tout, si, sans perdre de temps, il n'obtenait pas la liberté des prisonniers ; qu'il se pressât d'avertir M. de Coincy, et ne fît faute de lui dire que s'il avait l'imprudence de faire battre la générale, il n'échapperait pas un soldat, et que quant à moi ma tête répondrait de tout, etc. Cette insolence fit encore mieux sentir à M. de Coincy la nécessité de montrer qu'il n'avait qu'à vouloir pour être le maître. Je me rendis à l'arsenal; Mi de Castellët et tous les officiers du corps, les canonniers-matelots consignés dans leurs quartiers, eurent ordre dè se tenir prêts à prendre les armés. Je disposai une chaloupe sans rames ni gouvernail pour recevoir les prisonniers : deux autres chaloupes furent armées de matelots pour la remorquer, et j'embarquai 25 canonniers-matelots dans deux autres bâtiments pour servir d'escorte. Ces cinq bâtiments ainsi disposés se trouvèrent à 1 heure 1/2 sur le quai de la Patache, prêts à recevoir les prisonniers. Je fus moi-même les y attendre, tandis que M. le marquis de Castellet veillait à ce que rien ne pût troubler l'ordre dans l'Arsenal.
« M. de Coincy de son côté avait fait prendre les armes à la garnison. Il vint s'établir à l'hôtel de ville pour être plus à portée de. donner ses ordres. Il fit publier des bans militaires : les troupes chargèrent leurs armes à la vue du peuple; elles bordèrent les avenues de la prison au quai où les prisonniers étaient attendus. Ceux-ci, au nombre de 38 et attachés deux à deux, y furent conduits par les grenadiers, et s'y embarquèrent sans que personne, ainsi que je l'avais prédit, osât remuer. La foule du peuple était très-considérable ; mais oh lui parla du ton qui convient aux dépositaires de l'autorité, et qu'on aurait dû toujours prendre avec elle. - « Le peuple avait besoin, Monseigneur, du spectacle imposant dont on l'a frappé. Il n'a pu voir, dans tout cet appareil, que les précautions de la prudence qui prévient le besoin de punir,
et rien qui pùt caractériser l'inquiétude et la crainte. Je ne doute point qu'il ne soit aujourd'hui suffisamment détrompé de l'erreur dont on l'avait imbu, en lui insinuant que le gouvernement voulait se servir de lui. Je suis également persuadé que le retour de l'autorité militaire à ses vrais principes va en imposer aux habitants des villages et détruire les mauvais effets qu'y a ci-devant produit la manière faible et timide dont nous nous étions conduits jusqu'ici. Les tribunaux et la municipalité vont reprendre un peu de courage : ils étaient devenus nuls. Je crus hier devoir publiquement faire des reproches au procureur du Roi de ce qu'au lieu de faire arrêter un chef d'émeute qu'on lui avait dénoncé, il s'était contenté de lui faire dire par sa femme de venir lui parler; sur quoi le coupable s'était enfui. Quant à la municipalité, je désire que de l'excès de timidité, elle ne passe pas à l'excès contraire ; elle me fit dire hier qu'elle allait profiter du moment pour rétablir le piquet ; j'ai répondu qu'il était juste et expédient qu'on mît le pain à un prix proportionnel à celui du blé, mais que je croyais qu'elle ferait mal de rétablir, dans un moment ae disette, un impôt d'autant plus odieux, qu'il est véritablement inique en lui-même. J ignore encore le parti qu'elle prendra; ma lettre écrite aujourd'hui 15 ne sera fermée que demain, jour du départ du courrier. J'y ajouterai un supplément s'il y a lieu.
t Je suis, etc. » §
Le 14, veille de la lettre précédente, j'en reçus une des maire et consuls que je joins ici. Us m'adressaient la copie du procès-verbal qu'ils avaient dressé de l'émeute, du 23 mars et de ses suites. Ce procès-verbal, trop volumineux pour être ici produit, était plein d'inexactitudes dont plusieurs étaient faites pour me blesser; je crus devoir m'en plaindre à ces messieurs. On trouvera, après leur lettre d'envoi, celle que je leur écrivis à ee sujet, leurs réponses et ma réplique.
Lettre des maire et consuls, du 14 avril.
Monsieur,
« La municipalité de cette ville sensible autant qu'elle le doit, à la condescendance que vous avez eue pour les demandes qu'elle vous a faites avec succès dans les circonstances fâcheuses où elle s'est trouvée, vous prie d'agréer ses justes remerciements : les administrateurs actuels s'empresseront de transmettre à leurs successeurs tout ce que vous avez fait pour contribuer" à rétablir le bon ordre, nous désirerions avoir des occasions de vous en témoigner notre reconnaissance; per-mettez-nous, Monsieur, de vous adresser une copie du procès-verbal que ces mêmes circonstances nous ont mis dans le cas de dresser.
« lïous sommes avec respect, Monsieur, vos très-humbles et très-obéissants serviteurs, les maire et consuls de Toulon, lieutenant de Roi. Signé : Eynaud, maire, et Roubaud, consul. »
Lettre aux maire et consuls, du 16 avril.
« Messieurs,
« Je ne peux ni ne dois vous cacher l'étonne-ment que m'a causé la lecture du procès-verbal dont vous avez bien voulu me donner une copie sur la demande que j'ai eu l'honneur de vous
faire; je viens seulement de le lire. Je conçois très-bien que pendant l'émeute et même durant les deux ^ou trois jours qui l'ont suivie, étroitement renfermés dans l'exercice de vos fonctions qu'il ne vous était permis de remplir qu'en partie, vous ayez été mal informés de ce qui se passait loin de vous; mais comment se peut-il que le 6 avril, c'est-à-dire 14 jours après la naissance des troubles, et lorsque le calme était entièrement rétabli, le rédacteur de votre procès-verbal se soit permis d'y faire entrer un grand nombre de faits hasardés et dépourvus de toute vérité? Il a sans doute été trompé, et ensuite il vous a trompés lui-même; je ne relèverai d'inexactitudes que celles qui peuvent m'intéresser; revenez de grâce à de meilleures informations, et vous finirez par vous assurer :
« Qu'il n'est point vrai que le 25 mars les ouvriers de l'arsenal s'étant attroupés, la cloche les appela en vain au travail ; qu'ils refusèrent d'entrer et menacèrent de se porter aux plus grands excès s'ils n'étaient point payés. Les cris de quelques mauvais sujets et les clameurs des femmes ont pu effrayer l'administration de la ville, qui seule avait droit de les réprimer, mais ces cris et ces clameurs de quelques individus ne sont pas le crime des ouvriers de l'arsenal;
t Qu'il n'est point vrai que je suis accouru pour conjurer l'orage, et que mon autorité ait été méconnue ;
« Qu'il n'est point vrai que M. Mallard se soit porté au lieu où les mécontents s'étaient attroupés, et qu'il ait offert une somme considérable pour payer les gens de l'arsenal;
« Qu'il n'est conséquemment point vrai que j'aie accepté cette somme, et que ce soit de ce moment que les mutins ont cessé d'être dangereux ;
« Qu'enfin, il n'est point vrai que le 29, il ait été publié, dans l'arsenal, une déclaration signée de vous, à l'effet d'y dissiper la fermentation qui s'y était élevée, portant promesse qu'il ne serait rien changé aux prix actuels des comestibles.
« Tous ces faits, faux en eux-mêmes, ou dans leurs circonstances principales, me sont injurieux; et j'ai le droit de vous en demander, comme je vous le demande, un désaveu précis et formel. Je n'ai d'autorité légale que dans l'arsenal; personne ne peut dire, avec vérité, qu'elle y ait été avilie. Je crus, le 23, jour de l'émeute, que loin de m'en tenir à veiller sur le dépôt qui m'était confié, je devais à Votre conservation tous les secours qui pouvaient dépendre de moi; je fus moi-même où l'on me dit qu'était le foyer delà révolte ; je me portai, suivi de quelques officiers, sur la place de l'hôtel de ville, où je vis bientôt que ma présence était plus qu'inutile, par la nature des ordres qu'on y avait donnés. Je rentrai donc dans l'arsenal où M. le marquis de Castellefc avait su contenir les ouvriers; l'heure du souper survenant, ils devinrent impatients, j'en fis arrêter deux, qui le lendemain furent chassés de l'arsenal pour n'y plus rentrer; enfin les ouvriers, malgré leur impatience et les clameurs des femmes qui s'étaient attroupées à la porte, ne sortirent qu'à 8 heures, lorsque M. de Coincy m'eut fait dire par un officier, qu'il ne voyait point d'inconvénients à ce que je les laissasse sortir; j'accourus si peu le 25, pour conjurer le prétendu orage, énoncé dans votre procès-verbal, que je répondis tout simplement, lorsqu'on vint en effet me dire que les ouvriers n'entraient pas dans l'arsenal, que l'usage n'avait jamais été de forcer lès ouvriers d'entrer, et qu'ils en seraient quittes pour perdre leur
journée. Instruit ensuite qu'un particulier avait pris sur lui de dire à ia porte que j'avais promis que les ouvriers qui n'entreraient pas, n'en auraient pas moins leur journée, je le mandai de venir, et j'aurais demandé sa punition s'il ne m'avait pas convaincu que ce n'était qu'une méprise de sa part (1). Quant à la fermentation du 29, elle ne fut point occasionnée par la menace du rétablissement du piquet, ni apaisée par la publication de votre déclaration, sa véritable cause fut l'importance que vous aviez cru devoir donner aux ouvriers dans vos délibérations, et le droit qu'ils crurent avoir de révoquer le député qu'ils avaient choisi. Elle fut dissipée, parce que du moment que j'en fus instruit, je me portai dans l'arsenal, déterminé à donner un exemple de sévérité. Tous les murmures cessèrent à l'instant où je parus ; aucun d'eux n'osa dire un mot, et je ne trouvai personne à punir, parce que
Personne ne put me désigner un coupable. Voilà, essieurs, comme votre rédacteur aurait dû parler de cette fermentation. Le désordre scandaleux qui a si longtemps régné dans la ville avec impunité, n'a point influé sur le service de l'arsenal, qui s'y est fait avec la même régularité que dans les temps les plus paisibles ; je croyais Messieurs, que vous le saviez, et si quelqu'un l'avait révoqué en doute, si quelqu'un avait voulu inculper ma conduite, c'est votre témoignage auquel j'aurais eu recours avec confiance ; vous avez été trompé sûr les faits, il vous sera aisé de vous en convaincre. Je ne crains point que cette conviction acquise, vous puissiez me refuser le désaveu que je vous demande en même temps que copie de ma lettre soit jointe à votre procès-verbal, ainsi que le droit que vous y aurez fait.
« Je suis, etc. »
Réponse particulière du maire, du même jour 16 avril.
« Monsieur,
« Je suis plus que fâché que le rédacteur de notre procès-verbal, mal informé des faits, les ait dénaturés au point de les rendre tout autrement qu'ils se sont passés ; mon regret augmen te en apprenant que cette altération vous blesse, comme effectivement elle est faite pour vous blesser. Pas mieux informés nous-mêmes que ce rédacteur, et dans l'accablement où nous nous trouvions de ce qui se passait dans la ville et à notre hôtel de ville, nous avons signé ce verbal, ne le soupçonnant pas d'infidélité, et nous l'avons envoyé de même à plusieurs personnes de la Cour et 'de la province; mais comme nous ne désirons rien tant que de rendre justice à la vérité, surtout en ce qui vous regarde, Monsieur, la ville a reconnu avec la plus grande satisfaction, combien vous avez travaillé à procurer le calme ; nous travaillerons avec mon collègue, à vous donner dans une lettre que nous aurons l'honneur de vous écrire, toute la satisfaction que nous vous devons, et nous enverrons une copie delà même lettre, par nous signée, à toutes les personnes de
la Cour et de la province, à qui nous avons déjà adressé ce verbal.
« Je suis, etc.
« Signé ; ËYNAUD, maire. »
Réponse officielle des maire et consuls, du 17 avril.
« Monsieur,
« Ayant fait remettre sous nos yeux le verbal que nous eûmes l'honneur de vous adresser avant-hier, des troubles survenus dans notre communauté de-depuis l'émeute du 23 mars dernier, nous y avons vu avec bien du chagrin que notre empressement à vous en communiquer le détail, joint à l'énorme embarras des affaires qui nous accablaient nous avait empêchés de vérifier plusieurs faits dont nous n'avions pu être les témoins, et qu'il y en avait sur lesquels nous avions été mal instruits, tels particulièrement que ceux qui vous concernent et qui de la manière dont ils sont exposés dans ce verbal, pourraient faire penser que vous n'avez dû qu'à des secours étrangers la tranquillité et le bon ordre que vous avez maintenus dans l'arsenal; cet exposé qui blesserait autant l'exacte vérité que les sentiments de reconnaissance que nous devons à un chef, dont nous ne saurions assez louer le zèle et la fermeté, nous avait d'abord déterminés, Monsieur, à faire rédiger un nouveau verbal ; mais ayant reconnu,qu'excepté ce qui vous concerne, tout le reste ne porterait que sur des choses minimes,comme omissions de noms, ou méprises de quelques dates, il nous suffisait de vous prier d'accoler la lettre que nous avons l'honneur de vous écrire à ce verbal que vous avez, comme nous faisons à la minute que nous en conservons, afin que si par l'un on voit que l'embarras de notre situation nous a induits à quelques erreurs, on voie par notre lettre que nous n'avons pas hésité à les réparer dès qu'elles nous ont été connues.
« Nous sommes, etc.
t Signé : Eynaud, maire;
Roubaud, consul. »
Réplique aux maire et consuls, même jour.
« Messieurs,
« J'ai été d'autant plus sensiblement affecté de la tournure de votre procès-verbal, en ce qu'il contient de relatif à moi, et à mes subordonnés, que je savais qu'on avait eu l'indignité d'écrire à Marseille et ailleurs, que j'avais été insulté par les ouvriers de l'arsenal de la manière la plus cruelle. Je vous avouerai qu'en lisant ce procès-verbal, je n'ai pu m'empêcher de craindre que la même méchanceté qu'a pu enfanter cette insigne calomnie, n'eût su vous circonvenir, en écartant loin de vous la vérité des faits; c'est dans cette idée que j'ai dû me plaindre à vous-mêmes de l'erreur où l'on vous avait jetés, et je vois avec une satisfaction bien douce que je ne me suis point trompé lorsque j'ai cru que les assurances d'estime que vous me donnez aujourd'hui, seraient le fruit de ma démarche; il doit m'être permis, après tout ce qui s'est passé, de dire hautement que ma conduite a dû vous inspirer ce sentiment pour moi. j'ai dit dès les premiers instants, j'ai toujours pensé, je le pense encore, qu'un peu de fermeté eût arrêté dans leur principe les désordres du 23, et plus certai-
nement encore eût prévenu ceux des jours suivants. Ce n'est pas dans une ville de guerre que le peuple peut être dangereux ; il ne le devient que quand on le craint et qu'on a la maladresse de lui laisser voir cette crainte. Il faut qu'il sache, qu'il le sache bien, que cette même autorité dont l'emploi le plus honorable est sans doute de le protéger au besoin, doit aussi le contenir et le réprimer, quand il oublie ses devoirs. Punir dans le tumulte le méchant qui veut nuire, ou le for-cerné qui s'égare, c'est protéger véritablement le citoyen honnête et paisible. Voilà les vrais principes que tout homme de bien doit avouer, c'est d'après -eux que je me suis conduit, et je me promets bien de ne jamais les abandonner. Quant aux scènes désastreuses qui viennent de se passer, ces scènes si scandaleuses, si humiliantes pour nous, tâchons de les oublier ou, faisant mieux, souvenons-nous-en; mais que ce soit pour éviter de retomber dans les fautes que nous avons à nous reprocher, que l'insuffisance des moyens pris le 23, pour calmer le peuple, nous fasse sentir le danger qu'il y a à céder à ses demandes déraisonnables, et surtout quand on ne sait pas lui montrer qu'on peut le punir, et qu?on le punirait s'il abusait de la condescendance qu'on a pour lui ; nous avons lieu d'espérer, dans ce moment-ci, que le calme dont nous jouissons sera durable; les tribunaux ont repris leur autorité, ils vont assurer la tranquillité publique ; puissent-ils, dans l'exercice de leur imposant ministère, trouver bien moins des crime à punir que d'erreurs à pardonner. Quant à moi, je ne puis pas vous promettre dé faire plus que ce que j'ai fait jusqu'ici,, mais je vous promets de ne jamais rien faire de moins; je crois, ainsi que j ai déjà eu l'honneur de vous le dire verbalement que, chargé, comme je le suis, de la garde de l'arsenal, rien de ce qui peut troubler le bon ordre et la tranquillité dans votre ville, ne doit m'être indifférent ; aussi me trouveréz-vous toujours disposé à concourir avec vous de tout mon pouvoir pour les y maintenir ; et si mon devoir ne m'en imposait pas la loi, veuillez bien croire que je saurais le faire par inclination et pour l'amour du bien. C'est dans ces sentiments que j'ai l'honneur d'être, etc.
« Signé : d'Albert de Rioms. »
On voit suffisamment, par les lettres écrites à l'occasion de ce procès-verbal, que la municipalité de Toulon n'avait point à se plaindre, et qu'elle ne se plaignait point alors de l'usage que je faisais de mon autorité.
La journée du 15 en avait imposé aux gens mal intentionnés ; ils avaient vu qu'on était enfin décidé à réprimer la licence par la force, cependant les tribunaux, peut-être trop longtemps inactifs, avaient repris l'exercice de leur autorité partout où ils avaient été protégés par les troupes : il s'en était suivi des emprisonnements et des condamnations. L'arrivée des coupables, qui devaient subir leur supplice àToulon, était annoncée; déjà ils étaient en chemin et la ville voyait approcher le moment de leur exécution dans la dernière consternation. Les gens honnêtes gémissaient de voir qu'on allait punir des malheureux qu'un instant d'ivresse avait rendu coupables, tandis que dans, le reste de la province des excès bien plus criminels restaient impunis. J'avoue ma faiblesse, je ne pus me défendre de partager ce sentiment de commisération. Je connaissais l'hu manité de M. le comte de Bethisy : j'encourageai
la municipalité à dèmander à ce commandant un sursis qui pût donner le temps d'obtenir delà clémènce du Roi la grâce des condamnés; et le même M. Gautier, contre lequel on vient de témoigner tant d'animosité, fut particulièrement Chargé de négocier cette démarche. La supplique des consuls fift énsuite libellée chez moi par M. Granet, lieutenant général à la sénéchaussée; elle fut par eux présentée à M. le comte de Bethisy. et le sursis fut accordé.
Le lendemain, la municipalité vint en grande députation chez MM. de Bethisy, de Mac-Mahon, de Baschi et chez moi nous présenter l'extrait de la délibération suivante :
Extrait du registre des délibérations du conseil général de la communauté"de Toulon et de celui 'tenu le 23 juillet 1789, N° 17.
MM. les maire, consuls, M. Eynaud, premier portant la parole, ont dit :
« Messieurs,
« Vous avez vu comme nous avec quelle bonté M. le comte de Bethisy, maréchal des camps et armées du Roi, commandant de la place, est venu au secours de notre ville affligée. A la veille d'une exécution méritée par l'égarement de notre peuple, mais qu'elle allait plonger dans la désolation, les maire, consuls furent supplier ce digne chef d'obtenir du commandant pour le Roi dans la province, la surséance à cette exécution ; la générosité naturelle de M. de Bethisy vint au-devântde leur supplication. M. le comte d'Albert, commandant de la marine, dont le zèle à calmer la malheureuse émeute du 23 mars est déjà consacrée dans nos registres; M. le marquis de Mac-Mahon, colonel du régiment du Dauphiné, M. le comte de Baschi, colonel de celui de Barrois, et M. le lieutenant' de la sénéchausée vinrent avec lui dans notre hôtel de ville, concourir à. nous rassurer. Les acclamations de nos citoyens leur sont un gage de leur reconnaissance. Nous, chefs de la municipalité* lëur en devons un témoignage plus particulier, allons en corps, Messieurs, leur présenter la mémoire de cet insigne bienfait pour toujours consigné dans nos archives. »
Sur cette proposition l'assemblée l'approuvant unanimement, s'est levée et est partie avec eux pour cette visite, et ont les délibérants signé à l'original avec MeBouyon, notaire-greffier. Gollationné.
Signé : Bouyon, notaire-greffier.
L'enthousiasme "pour M. le comte de Bethisy ne dura pas longtemps. Cet officier général, remplacé au commandement de la ville par M. le marquis du Luc, avait encore quelques jours à rester à Toulon où il devait inspecter les troupes qui en composaient la garnison. Il avait défendu toute espèce d'attroupement, de manière à être obéi. Quelques jeunes gens, espérant trouver moins de sévérité dans son successeur, s'assemblèrent, arborèrent la cocarde nationale dont il n'avait point encore été question à Toulon, et furent la présenter à M. le marquis du Luc qui la refusa, en leur observant avec bonté qu'ils avaient manqué au bon ordre en s'assembiaot sans sa permission; ils ne s'assemblèrent pas
moins une seconde fois le lendemain, et furent ensuite présenter la cocarde aux consuls, qui, sans l'accepter, leur permirent'de la porter, mais à condition qu'ils ne forceraient personne à en faire autant. J'avais, pendant ce temps, défendu qu'on la portât dans l'arsenal ; je ne pouvais la regarder, tant qu'elle ne serait pas généralement adoptée, que comme le signe d'une association particulière, et ma juste jalousie sur la sûreté du dépôt qui m'était confié, ne me permettait pas d'en souffrir de ce genre ; cependant quand les consuls me prièrent, par une députation, de permettre que les ouvriers de J'arsenal portassent la cocarde, je répondis que je ne savais pas abonder dans mon sens, et que puisque la municipalité jugeait la chose convenable, je voulais bien y consentir, quoique que je crusse v voir des inconvénients, et en conséquence je fis afficher leur demande à la porte de l'arsenal, et je la souscrivis de mon aveu.
Je ne pouvais qu'être inquiet de la fâcheuse tournure que prenaient les choses. Les nouvelles qu'on recevait de toUs les côtés, de la conduite d'une partie des troupes réglées, me faisaient craindre que celles à mes ordres, ainsi que celles qui composaient la garnison, ne nous manquassent au besoin, s'il survenait de nouveaux troubles. Je crus voir qu'une bonne milice pouvait seule assurer la tranquillité de la ville et le salut de l'arsenal. Plein de cette idée, je fus pour1 la première fois de ma vie à un club composé des plus honnêtes gens de la ville; je cherchai à leur faire sentir le danger de notre position; je leur présentai l'établissement d'une milice nationale, tel que je le voyais; mais je m'efforçai surtout à bien leur faire comprendre, qu'autant cette milice serait utile, si elle était bien composée, autant elle deviendrait dangereuse si elle l'était mal. Ils me parurent persuadés, et me promirent d'agir en conséquence; je leur promis de mon côté d'en parler à M. le marquis du Luc pour l'engager à y concourir.
Mes craintes sur les troubles que je redoutais ne tardèrent pas à se réaliser. M. le comte de Bethisy fut insulté le lendemain dans la matinée par cette troupe de jeunes gens à qui on n'avait permis de porter la cocarde qu'à condition qu'ils ne forceraient personne à la porter. L'insulte fut renouvelée dans l'après-midi ; j'y fus compromis moi-même. La cocarde me fut présentée ; et sur mon refus, il s'assembla une foule considérable devant l'hôtel, qui ne s'en serait peut-être pas tenue à dire des injures, si quelques fusiliers que que je fis appeler ne lui en avaient imposé.
Le calme revint avec la nuit, mais le jour qui suivit fut encore plus orageux que celui de la veille. On insista fortement auprès de M. le marquis du Luc pour qu'il prît la cocarde. J'avais, dès le .commencement, déclaré que je la prendrais et la ferais prendre à mes subordonnés, lorsqu'il en donnerait l'ordre aux siens, et ce commandant m'avait promis de ne pas le donner sans m'en prévenir ; mais je ne sais par quelle fâcheuse méprise il arriva qu'une grande partie des officiers de la garnison la prit avant que l'ordre leur en eût été donné, et que par conséquent j'eusse pu en être prévenu ; ce qui exposa plusieurs officiers de la marine à être insultés. A l'entrée de la nuit, un attroupement considérable se forma devant mon hôtel : on croyait que M. de Bethisy y était ; la populace le demandait à grands cris en lui reprochant une vivacité certainement bien excusable, à laquelle cet officier général, outré de l'insolence des mutins, s'était porté la
veille. Il était ainsi que moi chez madame la marquise du Muy, où nous ignorâmes longtemps le tumulte que M. le marquis du Luc et M. le marquis de Gastellet parvinrent avec beaucoup de peine à calmer.
Tout en eut peut-être resté là attendu la condescendance de M. du Luc et la mienne; mais les inconcevables terreurs qui, presque dans le même instant, se répandirent dans toutes les parties du royaume parvinrent à Toulon dans ce fâcheux moment. La fermentation des esprits, bien loin de s'éteindre, devint extrême. On ne voulut plus voir dans M. le comte-de Bethisy que le parent de M. le prince de Lambesc, qu'un homme chargé d'exécuter les complots les plus noirs. La Ville était minée; on devait la faire sauter en l'air. Des troupes arrivant là-dessus, devaient tout mettre à feu et à sang; on avait beau raisonner le peuple, les malheureux qui répandaient ces bruits absurdes avaient si bien su lui fasciner les yeux et les oreilles, qu'ils ne voyaient plus que les ravages de la flamme et du fer, et n'entendaient que les cris dès femmes et des enfants massacrés. D'aussi étonnantes dispositions m'inspirèrentles plus cruelles inquiétudes. Je fus le soir dans l'arsenal ; et craignant que la ville ne se vît en proie pendant la nuit aux plus grands désordres, je dis et fis dire dans tous les ateliers que les ouvriers sages et tranquilles qui se croiraient plus en sûreté dans l'arsenal que dans leurs maisons, y seraient reçus avec leurs femmes et leurs enfants.
Cette proposition si naturelle fut empoisonnée par les gens mal intentionnés, au point qu'ils osèrent dire aux ouvriers effrayés que je ne voulais les attirer dans l'arsenal, que pour les y massacrer avec plus de facilité.
Ma femme et ma fille s'étaient trouvées dans l'arsenal avec quelques autres femmes, lorsque j'y étais entré : je crus devoir les y retenir ; je comptais même les y faire coucher; le guichet de la porte de l'arsenal était ouvert; j'avais défendu de le fermer, ayant lieu de craindre que la populace ne l'enfonçât. Les troupes de la marine rassemblées dans leurs casernes étaient prêtes à marcher au premier ordre; mais sentant combien toute apparence hostile de ma part pourrait augmenter le danger, je m'étais décidé dès le commencement à ne tes faire sortir qu'à la dernière extrémité.
On vint me dire à 10 heures que le parti que je paraissais avoir pris de faire coucher ma femme dans l'arsenal ^augmentait l'inquiétude du peuple, je n'hésitai point. Sûr de son courage, je la pris par la main, et la présentant à la populace qui entourait la porte, je lui dis : Voilà ma femme, qui va se retirer chez elle, je ne crains point qu'il y ait personne d'assez malhonnête parmi vous pour chercher à l'effrayer. La foule s'ouvrit, et suivie de ma fille et de deux officiers qui l'accompagnaient, elle parvint, comme je l'espérais, chez moi, sans essuyer aucune insulte. Je rentrai dans l'arsenal, et apprenant bientôt que la sortie de ma femme avait produit dans le peuple l'effet qu'on s'en était promis, je crus que je ferais bien moi-même d'en faire autant. Tout dans l'arsenal était tranquille; j'y laissai M. de Castellet et les officiers des directions, et je fus me coucher chez moi comme j'aurais fait dans tout autre temps.
L'agitation des esprits permit à peu de gens de dormir. Dès qu'il fut jour, j'envoyai aux casernes pour sonder les dispositions des canonniers-ma-telots. On eur promit de ma part que je ne leur
demanderais jamais aucun service, qui ne fût relatif à la sûreté de l'arsenal; ils jurèrent de leur côté qu'ils défendraient jusqu'à la dernière goutte de leur sang le dépôt qui m'était confié. Ce serment fut solennellement prononcé, et fut souscrit par les principaux d'entre eux.
Je fus ensuite dans l'arsenal, où je trouvai M. Gautier entouré d'une grande multitude d'ouvriers qu'il cherchait à calmer, et qui tous crièrent en me voyant : Nous voulons être armés. Je leur dis que ne voulais pas qu'ils disent nous voulons, par la raison qu'ils n'en avaient pas le droit; que de mon côté je n'avais pas celui de les armer; que je ne le devais pas ; que je ne le pouvais pas; que je ne le voulais pas. La discussion fut vive, longue et bruyante : je menaçai; je carressai; je priai; tout paraissait également inutile : on voulait, disaient-ils, les assassiner, et ils ne pouvaient se rassurer sur cette crainte, qu'autant qu'on leur donnerait les moyens de se défendre. Je ne pus contenir Findignation qu'excitaient en moi ces odieux soupçons, et avec le reste de force que me laissait l'épuisement où j'étais je leur dis : Malheureux que vous êtes, si vous me croyez capable de vous assassiner, que ne me massacrez-vous vous-mêmes. Je n'ai point craint de me jeter sans armes au milieu de vous ; égorgez en . moi celui qui a glorieusement combattu avec vous les ennemis de l'Etat, et qui ne vous a jamais fait que du bien. La vérité du mouvement qui m'agitait les émut. Les plus mutins furent obligés par le plus grand nombre de céder la place à d'autres plus modérés; enfin après maintes et maintes propositions faites, accordées et ensuite rejetées, il fut convenu qu'il ne serait rien changé au service ordinaire du port. Je les engageai seulement à fournir à un nouveau corps de garde, que je me proposais d'établir dans l'endroit du port-vieux le plus exposé ; et flattés de la confiance que je leur témoignais, ils consentirent avec joie à remplir ce service volontairement et gratuitement. Que ceux qui m'inculpent aujourd'hui osent, s'ils ont perdu toute pudeur, démentir les applaudissements qu'on donna à ma conduite dans cette occasion la plus délicate, et peut-être la plus dangereuse de celles où je me suis trouvé dans le cours de ma vie. Je rentrai chez moi laissant à M. Gautier le soin de l'établissement projeté du nouveau poste. Ge directeur des constructions employa les jours suivants à raisonner les ouvriers qui dépendaient de sa direction ; il chercha à leur iaire sentir l'absurdité de leurs craintes, et combien ils devaient redoubler de zèle pour faire oublier leur égarement ; il les forma en compagnie, et par ses soins assidus, le calme parut bientôt rétabli : je saisis avec empressement cette occasion de rendre publiquement justice au courage, à la fermeté et au zèle de cet excellent officier.
Ce fut pendant tous ces troubles que se forma la milice nationale et à cet établissement succéda peu de temps après celui du conseil permanent. La composition de la milice nationale se ressentit du désordre du moment. On y reçut tous ceux qui voulurent s'y présenter, et les coupables condamnés par le parlement au dernier supplice n'en furent pas exceptés. Quant au conseil permanent, la crainte en écarta les gens honnêtes, mais timides, tandis que les brouillons et les intrigants s'empressèrent d'en être ; c'est ainsi qu'on ne craignit pas d'y admettre un homme, qui après avoir subi le châtiment de plusieurs années de prison, venait tout récemment d'être élargi de la grosse tour, où son inconduite l'avait
fait renfermer par ordre des commissaires du parlement; c'est ainsi que le sieur Rome, maître cordonnier de la ville, sévèrement tancé par M. le comte de Bethisy pour ses menées séditieuses, y fut également admis; c'est enfin ainsi que le sieur Barthélémy, procureur, connu pour être d'un caractère aussi dangereux qu'emporté, est devenu l'arbitre et l'organe de ce conseil.
On vient de voir le détail de ma conduite depuis le 23 mars dernier ; qu'on me dise s'il s'y trouve un seul acte, un seul sentiment qui annonce un chef jaloux de son autorité, au point de tout lui sacrifier.
Venons à présent à l'affaire de la députation de la milice nationale, qu'on prétend être la véritable cause de celle du 1er décembre, et de tout ce qui s'en est suivi.
Les détails que j'ai cru devoir mettre sous les yeux de M. d'André, commissaire du Roi, éclair-ciront suffisamment cette tracasserie, et je réclame en tant que de besoin et avec confiance, les renseignements que ce magistrat peut avoir pris dans Te voyage qu'il a fait a Toulon.
Voiei ma lettre telle qu'elle lui a été écrite :
Lettre à M. d'André, membre de l'Assemblée nationale et commissaire du Roi.
« Je crois, Monsieur, que quoique je n'aie pas l'honneur d'être connu de vous, chargé, comme l'êtes, de maintenir et de rétablir le bon ordre dans la province, il m'importe de vous faire connaître dans ses détails la tracasserie qu'on me fait ici, et dont je ne puis douter qu'on n'ait altéré les circonstances dans les comptes qu'on vous en aura rendus. Je prendrai la chose d'un peu haut; je dois moins craindre de vous fatiguer, que de ne pas vous instruire à fond.
« La milice nationale n'était point encore établie à Toulon, quand des exemples dans presque toutes les parties du royaume, me faisant craindre de ne pas trouver dans les troupes réglées tant de terre que de mer, des moyens suffisants pour le maintien du bon ordre, je sentis qu'une bonne milice était seule capable de s'opposer efficacement à une foule de mauvais sujets qui le troublaient journellement. Mes inquiétudes portaient principalement sur l'arsenal; et mon devoir m'imposant la loi de ne négliger aucun des moyens qui pouvaient contribuer à sa sûreté, je sollicitai vivement la formation de cette milice, en demandant instamment qu'elle fût composée de citoyens intéressés au bien public, et qu'on en écartât surtout ceux qui, n'ayant rien à perdre, ne désiraient que le trouble et le désordre. On négligea mes conseils ; on reçut dans les compagnies tous ceux qui se présentèrent, et les mauvais sujets, ceux même qui, à la veille -de subir le dernier supplice, venaient d'être pardon-nés, ne manquèrent pas de s'y présenter. Les premiers jours, tout alla passablement bien ; mais bientôt les volontaires voulurent être les maîtres, et ils le furent effectivement; leurs chefs les craignirent, et ils ne surent par cacher leurs craintes. Jugez-en, Monsieur, par ce trait : M. le marquis du Luc et moi voulûmes donner à dîner aux officiers, qui n'osèrent l'accepter, de peur d'exciter la jalousie de leurs soldats. 11 était inévitable que ceux-ci n'abusassent d'une pareille faiblesse : aussi en sont-ils venus au point de ne compter leur chefs pour rien. Après ce préambule que je n'ai pas dû vous épargner, je viens à la grande affaire de la députation à l'Assemblée nationale.
« M, Remond, un des députés, major en second de la milice, avait eu avec M. Dotiville, officier du régiment de Dauphiné, une. altercation, dans laquelle il aurait dû savoir gré à ce dernier de sa modération : il est cependant plus que vraisemblable que non-seulement il en conserva du ressentiment, mais encore qu'il s'y livra d'une manière peu loyale. Il est certain que M. Douviile fut guetté, ainsi que les volontaires ont eux-mêmes osé l'avouer; et que pour l'insulter, ils ne craignirent pas de prendre pour prétexte, que cet officier était sans cocarde nationale, quoiqu'il èn eût réellement une ; et que d'ailleurs il eût été expressément défendu à la garde de la ville d'inquiéter ceux qui entreraient ou sortiraient sans l'avoir. On s'est plaint de ce que M. Douviile n'avait pas voulu se laisser arrêter. A-t-il bien, a-t-il mal fait de ne pas le souffrir? c'est ce que je ne prétends point examiner; mais toujours est-il vrai que cet officier a été puni, que la milice nationale l'a exigé à grands cris, et de la manière la plus tumultueuse; et que la sentinelle, très-certainement coupable d'avoir agi contre sa consigne, n'a pas même été désavouée. Vous conviendrez sûrement, Monsieur, qu'une aventure de ce genre était faite pour produire sur les militaires une sensation très-désagréable. L'indignation fut générale; et dans le premier mouvement, les bas officiers des canonniers-matelots suivis des bas officiers de Dauphiné et de Barrois, furent à l'hôtel de ville^aire la déclaration dont on se plaint, et qui cependant ne fut signée que des premiers, quoique commune à tous. Je ne vous cacherai point, Monsieur, qu'en apprenant cette démarche, j'en conçus d'abord quelque inquiétude; et mon premier soin fut d'écrire aux maire et consuls la lettre suivante :
« Toulon, le
« Messieurs,
« On vient de me rendre compte que lesbas officiers des. 6e et 7e divisions, désagréablement affectés de ce qui s'est passé avant-hier à la porte Neuve au sujet d'un officier du régiment de Dauphiné, avaient pris sur eux d'aller eux-mêmes vous le témoigner. Avant que d'approuver ou de désapprouver pareille démarche, j'ai cru pouvoir vous demander la manière dont elle s'est faite; et si en la faisant, ils ont su conserver, comme je l'espère, le respect qui vous est dû.
« Permettez-moi, Messieurs, de vous rappeler que lors de l'aventure de Blondeau, M. de Bonneval fut, de ma part, vous dire que je voyais avec la plus grande peine l'espèce d'inquisition que la milice cherchait à établir à l'occasion de la cocarde nationale. Je vous dis en même temps que j'étais déterminé à ne pas souffrir qu'aucun des individus à mes ordres pût être inquiété sur un pareil prétexte. Vous eûtes la bonté de me faire répondre qu'il n'existait aucune consigne qui autorisât votre garde à s'immiscer si les passants portaient la cocarde ou non. Je n'ai pu, après une semblable assurance, qu'être surpris de ce qui vient d'arriver.
« Ce que je dois au bon ordre, et le désir ardent que j'ai d'y contribuer en tout ce qui peut dépendre de moi, m'autorise, Messieurs, à vous dire naturellement ce que je pense de cette cocarde. Ce signe a toujours été la marque distinctive du militaire. Un moment d'effervescence la fait adopter à toutes les classes de citoyens : ce moment est passé presque partout, pourquoi dure-
rait-il plus longtemps à Toulou que pour les autres villes du royaume ? Il est tout, simple que la milice continue à la porter, mais il l'est également de laisser au reste des citoyens la liberté sur ce point. Au surplus vous sentez sûrement autant que moi lé prix de la tranquillité, et combien nous devons désirer de la conserver; la désunion et la mésintelligence entre la milice et les troupes réglées sont surtout ce que nous avons le plus à craindre, et nos soins les plus sérieux doivent tendre à prévenir tout ce qui pourrait les faire naître parmi eux : je vous promets les miens, comme je compte avec confiance sur les vôtres.
« J'ai l'honneur d'être, etc. »
Je ne tardai pas d'être rassuré par la réponse suivante de M. Roubaud.
« A Toulon, ce
« Monsieur,
« Les bas officiers des 6e et 7e divisions se sont présentés à moi; ils m'ont manifesté leurs sentiments pour le Roi et pour leurs chefs, et leur amour pour la tranquillité publique, d'une manière qui mérite des éloges ; ils se sont plaints de la milice, mais ç'a été décemment : je suis navré de voir que les ordres que j'avais donnés à tous les postes de ne plus absolument se formaliser si on avait la cocarde ou non, n'ont pas été exécutés. La chose est d'autant plus étonnante, que tous les chefs de la milice et la majeure partie des volontaires étaient convenus de l'inutilité de cette cocarde ; mais vous savez, Monsieur, qu'il ne faut qu'une tête exaltée pour causer bien des troubles d'un moment à l'autre. J'ai rassuré tous les bas officiers et canonniers, et leur ai promis que désormais nul n'aurait à se plaindre de la milice, et qu'ils resteraient dans les bornes de leur devoirs. Je ne néglige rien pour leur faire sentir les suites fâcheuses que peut avoir un entêtement de leur part, et j ai tout lieu d'espérer que leur conduite méritera désormais votre approbation. Les réflexions contenues dans la lettre dont vous m'avez honoré, sont on ne peut plus sages; et je puis vous promettre, Monsieur, que les ordres pour le maintien de la tranquillité publique vont être donnés de manière à garantir l'union si désirable entre cette milice et les troupes réglées.
« Je suis avec respect, « Monsieur, « Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
« Signé : ROUBAUD, maire consul. »
« Après la réception de cette lettre, j'ordonnai au major général de la marine de se porter dans les chambrées des bas officiers pour leur dire de ma part, que je leur pardonnais l'irrégularité de leur démarche en faveur de la manière dont ils s'étaient conduits, et des sentiments qui les avaient 'portés à la faire. J'avais lieu de croire qu'il n'en serait plus question, quand le lendemain de ce jour, les principaux officiers de la milice vinrent se plaindre, et me demandèrent la punition de mes bas officiers : je leur répondis que bien loin de les punir, j'avais cru devoir les applaudir ensuite des éloges qu'il avait paru à M. Roubaud qu'ils méritaient et ayant fait part à ces messieurs et de ma lettre et de la réponse de ce consul, ils me parurent convenir que je ne pouvais, sans me com-
promettre, démentir l'espèce d'approbation que je n'avais donnée qu'après m'être assuré que la municipalité elle-même accordaitla sienne. Cependant comme quelques expressions de la déclaration de ces officiers avaient particulièrement blessé messieurs de la milice, j'offris de les intérpréter sur-le-champ ; je déclarai par écrit, àu dos de la déclaration, que l'intention des bas officiers n'avait pu être d'offenser personne. Tous les plaignants applaudirent à ma condescendance, tous m'en remercièrent; tous enfin sortirent de chez moi, en m'assurant que tout était fini, et que rien n'altérerait plus le calme et la paix que nous devions tous chercher à conserver.
« Cependant le lendemain à 6 heures du soir, on vint me forcer de quitter un travail d'inspection dont je m'occupais depuis deux jours presque sans relâche^ en me disant que M. Roubaud était dans la cour de l'hôtel avec une suite peut-être de 200 personnes : au moment où cette-foule déboucha dans la salle où j'étais, j'avoue que je ne fus pas le maître de cacher mon éton-nement, et même mon mécontentement. Je demandai à M. Roubaud ce que c'était que ces messieurs que je ne connaissais pas. Il me répondit que c'étaient des volontaires de la milice nationale : et sur ce que je lui dis gue je ne voyais pas quel rapport il pouvait y avoir entre eux et moi, il ajouta qu'ils étaient à sa suite. Soit, répliquai-je, mais une autre fois, quand vous me ferez l'honneur de venir me voir, vous m'obligerez de m'é-pargnerce nombreux cortège. On m'a sans doute imputé d'avoir tenu d'autres propos ;~ce sont là ceux dont je me souviens. Si j'en ai tenu quel-
?[ues autres, je suis bien sûr qu'il n'y en a pas de plus orts. Alors M. le consul médit que l'objet de sa visite était de m'engager à faire retirer la déclaration de mes bas ofhciers, et à la désapprouver. Je répondis ce que j'avais déjà répondu la veille, que n'ayant approuvé mes bas officiers qu'après qu'il m'avait dit lui-même qu'ils méritaient des éloges ; il ne dépendait plus de moi de faire ce que j'aurais peut-être fait,s'il m'en avait écrit autrement. La discussion ne fut pas bien longue; mais elle ne pouvait que se ressentir de la chaleur de toutes les têtes.. Je leur dis enfin qu'il était bien étonnant que voulant tous lapaix, nous eussions autant de peine à nous mettre d'accord; que je me prêterais avec plaisir an désir qu'ils. avaient que la déclaration fût retirée, mais que c'était à condition que tout serait oublié, et regardé comme non avénu de part et d'autre; tous s'écrièrent qu'ils ne demandaient pas mieux. Je leur dis plusieurs fois : T'ous me promettez, Messieurs, que tout est fini ? —; Oui, oui ! nous le promettons ! Alors, M. Roubaud me présenta la lettre
S[up je lui avais écrite, et me demanda sa réponse, e lui répondis qu'occupé, comme je l'étais dans ce moment, d'un travail que je faisais avec les officiers des divisions, ie n'avais pas le temps de la chercher; mais que le lendemain, en envoyant retirer la déclaration, je lui ferais porter sa lettre, et qu'il me renverrait la sienne. Il sortit de chez moi, comme on en était sorti la veille, en me protestant, ainsi que tous les officiers qui l'accompagnaient, que tout était fini. Les propos que i'avais tenus au commencement de la visite ne leur avaient donc pas paru si choquants, puisqu'ils s'en allaient avec l'air d'être contents de moi.
« Je ne dois point oublier de vous dire que cette visite, faite à 6 heures du soir, et sans m'en prévenir, était forcée de la part du consul, qui reve-
nant à cette heure-là de la campagne, fut amené chez moi presque malgré lui.
« Le lendemain, comme j'en étais convenu avec M. Roubaud en présence de tout son corlége, je lui écrivis pour lui demander la déclaration qu'on avait exigé que je retirasse, et pour lui remettre sa lettre. On se présenta à l'hôtel de ville; il demanda qu'on revînt à 11 heures; à 11 heures il renvoya àrl'après-midi, et dans l'intervalle j'appris à ma très-grande surprise, que les volontaires de la milice se plaignaient de mes propos offensants et qu'ils ne parlaient pas moins que d'envoyer une dêputation contre moi à l'Assemblée nationale. Un pareil délire m'eût amusé dans d'autres circonstances ; mais considérant que le devoir de tout homme public est essentiellement de maintenir la paix sur-le-champ et sans balancer je me déterminai à écrire à MM. les consuls la lettre ci-jointe:
t A Toulon, le
« Messieurs,
« Il me revient de toutes parts qu'on m'impute d'avoir tenu des propos peu mesurés sur messieurs de la milice nationale, Mes sentiments doivent leur être connus depuis longtemps, et je n'ai pas craint de les manifester à M. le comte de Caraman d'une manière dont ils paraissaient m'avoir su gré. Je fus surpris hier, je devais#4'être, de voir arriver chez moi le consul accompagné d'un cortège aussi nombreux, à 6 heures du soir, et sans en avoir été préyenu. Ma surprise a été d'autant plus naturelle, que je ne devais pas m'attendre , après ce qui s'était passé avant-nier, qu'il serait encore question de cette affaire. Si, dans mon élonnement, et la tête pleine du travail qu'on me forçait d'interrompre, il m'était réellement échappé quelque expression susceptible d'être mal interprétée, je désavoue tout ce qu'elle pourrait avoir d'offensant, mon intention n'ayant pas été, et ne pouvànt pas être d'offenser personne. J'ose croire avoir assez bien mérité de la ville et des citoyens, et que mon caractère leur est assez connu, pour qu'on ne doive pas douter de l'assurance que j'en donne ici. Nous avons tous besoin de la paix et de l'union; personne ne les désire plus que moi. On serainjuste toutes les fois qu'on me jugera, ou mes démarches, d'après d'autres sentiments.
« J'ai l'honneur d'être, etc. »
« Je vous avoue que n'ayant rien à me reprocher, je ne doutai point que cette déclaration n'apaisât les plaignants. La réponse des consuls, qui ne me fut rendue que le lendemain, et sur la demande que j'en fis, en médisant que MM. les volontaires persistaient à vouloir donner cours à, cette affaire, m'apprit que je m'étais trompé. Je sus qu'en effet on avait si bien su les enflammer contre moi, que ceux de leurs officiers qui avaient voulu tenter de les calmer, avaient été menacés d'être jetés par les fenêtres. C'est dans ces dispositions que ia dêputation a été nommée et que leurs instructions ont été faites sous la dictée des volontaires les plus échauffés, peut-être sous celle d'un nommé Cheilan, un des plus coupables de ceux qui avaient été condamnés par les commis du Parlement, et qui faisaient nombre parmi ceux qui avaient accompagné le consul chez moi, La dêputation ensuite est partie, et ce n'est pas là ce qui me donne de l'inquiétude : j'en ai beau-
coup, maise'estsurle compte des ouvriers de l'arsenal. On a cherché, au mépris des ordonnances,à les engager à s'enrôler dans les compagnies de la thilice nationale,et ma peine est d e yoir qu'on y^ait si bien réussi. Une grande parties de ces ouvriers a arboré le pouf (le pouf est une aigrette, marque distinctive du: soldat) ; et plusieurs capitaines les ont accueillis, au point que dans les compagnies de Mallard, Moutet et Grasson, il y ade-110 à 130 ouvriers dans chacune d'elles, non compris les 50 hommes dont elles ont été originairement composées. Je suis persuadé que M. Roubaui n'a pas pu l'empêcher , car il est trop malheureusement connu qu'il ne peut rien. Son honnêteté, sa fermeté même, le rendent intéressant. On le plaint d'être forcé dans presque toutes ses démarches, et l'on sent qu'il ne mérite pas qu'on lui en sache mauvais gré ; mais il est sûr qu'il y a des gens •mal intentionnés qui emploient toutes sortes de moyens pour soulever le peuple et fomenter en lui la pente trop funeste qu'on lui a donnée pour le désordre. Personnené sait jusqu'où cela peut aller : l'importance de Toulon^ relativement à la marine, vous est connue comme à moi. Ne dois-je point faire partager à un représentant de la nation les sollicitudes que me donnent les circonstances sur la sûreté du dépôt qui m'est confié. Tout est tranquille dans ce moment-ci, hors moi, qui ne puis m'empêcher-de craindre, parce que je vois qu'il ne faut qu'une étincelle pour tout embraser. Dans cet état des choses, j'ai cru qu'il était bon que vous en fussiez informé. Croyez, Monsieur, que je ne m'abuse point en regardant la milice de Toulon telle qu'elle est aujourd'hui, comme une troupe dangereuse par son insubordination et sa mauvaise composition. Permettez-moi de vous dire que le plus grand service que vous puissiez rendre à la ville même, sera d'employer votre crédit à lui en procurer une meilleure.
« Ne voyez, Monsieur, dans la démarche que je fais auprès de vous, que l'envie de contribuer par les détails que j'ai mis sous vos yeux, au bien que vous pouvez faire, et à réparer les maux qui sont faits -, permettez que j'y joigne l'assurance de l'attachement respectueux, avec lequel j'ai l'honneur d'être, etc. »
Sans entrer dans d'aussi grands détails avec. M. le comte de Caraman, je lui fis part des inquiétudes que me donnaient les ouvriers de l'arsenal, et je lui demandai par deux fois le second bataillon d'Ernest, qui, comme on l'a vu ci-devant, avait été destiné par les deux ministres au service de la marine; les circonstances n'ayant pas permis à ce commandant de se dessaisir de ce bataillon, il mit, sur ma demande, le second bataillon de Barrois à mes ordres, et en même temps il m'adressa une lettre pour M. Roubaud, que j'envoyai à ce consul, accompagnée de la lettre suivante :
« Vous trouverez ci-joint, Monsieur, une lettre que je reçois pour vous de M. le comte de Caraman, laquelle, me mande ce général, contient l'ordre de congédier tous les ouvriers classés de l'arsenal, qui, au mépris des ordonnances, ont été reçus dans les compagnies de la milice nationale. J'ai en même temps l'honneur de vous prévenir qu'un des bataillons d'Ernest m'ayant été accordé, il y a environ deux mois, pour être attaché au service de la marine; et qu'ayant par cet égard pour le peuple, consenti à m'en passer; l'espèce de défection des ouvriers de l'arsenal, m'avait, dans ce moment-ci, décidé à réclamer ce bataillon qui m'avait été accordé par les deux
ministres. Des circonstances majeures ne permettant point à M. le comte de Caraman de me l'envoyer encore, et mon véritable amour pour la paix et la tranquillité, ne pouvant être altéré par l'odieuse tracasserie qu'on me fait essuyer, je ne puis, Monsieur, m'empêchér de vous témoigner combien je désirerais que le retour des ouvriers à leur devoir, et la continuation du calme qui règne depuis quelqups jours, pût me dispenser de chercher d'autres moyens que ceux que j'ai pour assurer la conservation du dépôt qui m est confié. Croyez que les sentiments que je vous exprime ici sont inaltérables en moi, et recevez l'assurance de l'estime particulière que vous m'avez inspirée, ainsi que celle de l'attachement respectueux avec lequel, etc. »
La réponse de M. Roubaud, et la copie d'une lettre du colonel de la milice nationale, qu'il y joignit, me donnèrent l'espoir -que les ordres de M. le comte de Caraman allaient être exécutés. Voici cette réponse et cette copie :
« Â Toulon, le 28 novembre 1789.
« J'ai reçu avec la lettre dont vous m'avez honoré, lè jour d'hier, la lettre de M. le comte de Caraman, pour m'annouçer que le service public exige que les ouvriers de l'arsenal soient dispensés de la milice nationale, je me suis empressé de les communiquer au commandant de ce corps, qui m'a fait la réponse dont je joins ici copie. Vous y verrez, Monsieur, comment quelques ouvriers de l'arsenal ont été reçus dans cette milice, et les ordres qui vont être donnés tout de suite, en conformité des ordres de M. le comte de Caraman.
« Je suis avec respect, a Monsieur,
« Votre très-humble et très-obéis-sant serviteur,
« Signé : Roubaud, maire-consul. »
Copie de la lettre écrite par M. Morellet, colonel de la garde nationale, à MM. les maires,
consuls, lieutenants de Roi de Toulonf le
« Messieurs, en conséquence des deux lettres dont vous m'avez donné communication ; l'une de M.Jle comte de Caraman, et l'autre de M. le comte d'Albert, j'ai l'honneur de vous observer, que lors de la formation des compagnies, MM. les capitaines ne lès ont composées que d'habitants ou domiciliés, etdéquelquesouvriersdel'arsenal non classés, d'après l'agrément que leur en avait donné M. le commandant de la marine; l'intention dès-dits capitaines n'ayant jamais été de contrevenir à l'ordonnance.
« 11 s'en est présenté, à la vérité, en dernier lieu, un certain nombre, parmi lesquels il peut s'en trouver de classés qui n'ont été admis qu'après plusieurs instances de leur part, et seulement comme surnuméraires et à condition qu'ils ne dérogeraient point au service qu'ils avaient à remplir dans tous les cas dans l'arsenal ; et pour les satisfaire, dans la seule vue de maintenir la tranquillité publique.
« Je m'en vais donner ordre à MM. ies capitaines de faire une vérification exacte des ouvriers classés qui peuvent se trouver dans leurs compa-
gnies, et leur signifier qu'ils ne peuvent les y conserver en conséquence de l'ordonnance.
« J'ai l'honneur d'être, etc.
« Signé : Morellet, colonel. »
Précédemment à ces lettres, et lorsque j'appris que les ouvriers de l'arsenal couraient en foule pour s'enrôler dans les compagnies, j'étais allé moi-même leur témoigner combien 1 empressement qu'ils témoignaient m'était désagréable; j'avais le droit d'espérer que ma démarche produirait quelque effet sur des gens dont la plus grande partie devait m'être attachée par la reconnaissance ; je me trompai, ils écoutèrent sans y prendre intérêt, les griefs que j'avais contre les volontaires qui s'étaient opiniâtrés, à vouloir, contre la vérité, que je les eusse insultés, et qui venaient de députer à l'Assemblée nationale pour s'en plaindre;, l'indifférence des ouvriers pour la haine qu'on manifestait contre leur chef m'alarma véritablement, en ce qu'elle me démontrait qu'ils étaient gagnés et que je ne devais pas compter désormais sur eux. Ceux enrôlés dans la milice formaient cependant encore le plus petit nombre; mais-l'on sait qu'en pareil cas le petit nombre est malheureusement le plus fort. Je donnai mes ordres pour que dans les différents ateliers on prît des états des uns et des autres, mais je ne défendis point le pouf, comme on l'a prétendu, et comme quelques-uns de mes défenseurs en ont même convenu ; au surplus, je dois observer ici qu'on s'est trompé en confondant le pouf avec la cocarde nationale. Le premier est une aigrette, qui, dans nos provinces, est la marque distinctive du militaire. La dépense qu'on m'impute, relative à la cocarde, est donc une erreur. Celle relative au pouf est un mensonge ; j'ai si peu défendu de porter ce dernier, que mon secrétaire lé portait depuis deux mois clans ma maison, et sous mes yeux.
Mais j'ai chassé, dit-on, de l'arsenal deux ouvriers qui portaient le pouf; lé fait est vrai, je vais le justifier.
On me donnait à craindre depuis longtemps une insurrection de la part des ouvriers de l'arsenal, dont on désignait l'époque pour les fêtes de Noël ; leur empressement à s'enrôler dans la milice contre mon gré, et leur ton d'insubordination qui, tous les jours, se manifestait de plus en plus, ne me permettaient pas de regarder ces craintes comme chimériques. Je croyais être sûr des canonniers-matelots, d'après l'assurance que m'en donnaient les bas officiers ; mais je savais qu'on travaillait à les gagner, et j'espérai qu'en me pressant, je pourrais prévenir la séduction que je craignais; c'est dans cet espoir que je me déterminai à faire un exemple qui pût en imposer aux ouvriers de l'arsenal, et je choisis, pour en servir, les nommés Causse et Ganivet, deux maîtres de manœuvres non entretenus.
Le premier est le frère d'un excellent sujet, que j'aime autant que j'estime, et que j'ai toujours protégé; qui a été mon maître d'équipage; que M. le Bailly avait fait faire sous-lieutenant de vaisseau, et à qui j'ai donné ma table pendant toute une campagne; mais autant celui-ci mérite qu'on ait des bontés pour lui, autant le premier est mutin, insubordonné et séditieux; instruit, il y a quelques mois, qu'il se conduisait mal, je le tançai sévèrement, en l'assurant que l'amitié que j'avais pour son frère serait une raison de plus pour moi de le punir, et qu'il prît garde à lui,
parce qu'à la première occasion je ne l'épargnerais pas. Ganivet était tout récemment embarqué sur l'Alceste, en qualité de premier maître de manœuvre. Il s'éleva tout à coup, dans cette frégate, une violente fermentation parmi l'équipage, dont Ganivet était l'objet. M. de Beaure-paire qui la commandait, vint me proposer de débarquer ce maître pour complaire à l'équipage ; cette raison ne me paraissant pas suffisante, je m'y refusai; mais peu de temps après et presque au moment de son départ, ce capitaine fut obligé non-seulement de le débarquer, mais même de le mettre simple matelot. Cette condamnation pour avoir son effet, avait besoin d'être confirmée au conseil de marine; je voulus, avant que de l'assembler, m'informer de ce qu'était Ganivet : j'appris qu'il était brutal, difficile à vivre, mais bon homme de mer. Il vint pleurer, gémir, je me laissai toucher; je pris sur moi de lui faire grâce, après l'avoir fortement semoncé, et lui avoir promis qu'au premier sujet de mécontentement qu'il me donnerait, il serait perdu sans retour. Qu'on juge à présent, si en apprenant que ces deux maîtres s'étaient faits chefs d'émeute, et voulant faire un exemple, mon choix ne devait pas tomber sur eux? Le 30 novembre à 5 heures du soir, je leur signifiai à l'un et à l'autre qu'ils n'étaient plus rien dans l'arsenal. Causse reçut son arrêt avec insolence. Ganivet prit l'air du repentir, ce qui me décida sur-le-champ à charger M. Poulain, sous-directeur du port, de me demander, le lendemain, la grâce de ce dernier.
Le même soir, j'étais occupé à faire mou courrier, lorsqu'à 9 heures M. de Carpillet et M. Rou-baud prirent Ja peine de venir chez moi; ce dernier me dit que les deux maîtres que je venais de chasser avaient été lui porter des plaintes qu'il avait refusé d'accueillir comme n'étant pas compétent pour les recevoir. 11 m'observa que plusieurs ouvriers de l'arsenal attroupés par eux lui avaient paru fort échauffés à cette occasion, qu'il craignait que cela ne causât une émeute, et qu'il croyait qu'il serait prudent de pardonner aux deux hommes punis. Je répondis que je ne le pouvais pas sans compromettre l'autorité déjà trop énervée. Je le remerciai de son attention, il m'assura,avant que de me quitter,que quoiqu'il en arrivât, la garde nationale n'y prendrait aucune part. M. de Carpillet n'aura point oublié cette assurance. Je dis à M. Roubaud qu'il me faisait grand plaisir en me parlant ainsi, par la raison qu'il me serait alors fort aisé de ramener les ouvriers à leur devoir; je fis tout de suite dire aux casernes des canonniers-matelots que les bas officiers, qui avaient la permission de coucher en ville, eussent cette nuit à coucher à leurs compagnies respectives.
On vint me dire le lendemain qu'un assez grand nombre d'ouvriers, après s'être présentés à la porte de l'arsenal, avaient fini par ne pas y entrer ; M. de Ladeveze, lieutenant de vaisseau, fut sur-le-champ ordonner que deux détachements de canonniers-matelots de cinquante hommes chacun, se tinssent prêts à marcher au besoin. Je fus ensuite à l'arsenal, où tout me parut tran-: quille ; je vis, par les comptes qu'on me rendit, qu'une partie des ouvriers enrôlés était entrée. Je retournai chez moi où j'avais quelques ordres à donner, et revenu dans l'arsenal, on vint me dire qu'une députation. du conseil permanent était à la porte; je la fis prier par un officier d'entrer, ils répondirent qu'ils ne le pouvaient pas, mais qu'ils demandaient à me parler à la porte, à l'hôtel de ville ou chez moi. Je leur fis dire que
j'allais me rendre chez moi; et, en effet, je sortis accompagné de tous les officiers qui s'étaient trouvés près de moi. Je fus étrangement surpris de me trouver au milieu d'une foule qu'il me faHut traverser, et qui, malgré la présence de M. le consul, qui me joignit sur ces entrefaites, prête à m-attaquer, ne fut contenue que par le cortège d'officiers qui m'accompagnait et par quelques-uns dé ceux de la milice bourgeoise qui accompagnaient M. le consul. J'avais, en sortant de l'arsenal, ordonné à M. de Martignan, lieutenant de vaisseau, d'aller aux casernes et d'en faire sortir les deux piquets de cinquante hommes pour se former sur la place du champ de bataille. Arrivés à la porte de l'hôtel que j'habite, on voulait y entrer en foule. Je m'y opposai ; M. Rou-baud lui-même fut froissé, ainsi que M. Barthélémy qui l'accompagnait ; plusieurs officiers de la marine furent insultés. L'épée de M. de Saint-Julien, major de Vaisseau, fut brisée. Une canne à lance quil portait lui fut arrachée des mains, son chapeau lui fut enlevé, et ce ne fut qu'avec beaucoup de peine et de danger qu'il se sauva dans l'hôtel. M. Roubaud et M. Barthélémy, dès que nous fûmes entrés, me dirent qu'ils venaient me demander instamment et pour l'amour de la paix la grâce des deux hommes que j'avais punis. Je répondis assez longtemps que je ne pouvàis, sans m'avilir, accorder une grâce qui ne pouvait paraître que forcée aux yeux d'une populace et des ouvriers dé l'arsenal, qui n'en deviendraient que plus insolents et plus insubordonnés. Enfin, cédant aux instances de ces deux officiers municipaux, je leur dis qu'ils m'arrachaient cette grâce malgré moi; mais que , puisqu'ils la croyaient absolument nécessaire, il me fallait bien y consentir. Je ne dois point oublier de dire que, dans le cours de la discussion, j'eus lieu d être extrêmement mécontent de M. Barthélémy ; il ne tint pas à lui que M. Roubaud qui sincèrement désirait la paix, ne sortît avant que je ne fusse déterminé à prononcer celte grâce qu'ils jugeaient nécessaire. M. Barthélémy ne s'est point démenti par la suite, et ce fut lui nommément qui fit refuser la loi martiale, lorsque peu après la sortie du consul, je me trouvai dans le cas de la réclamer.
Les deux piquets de canonniers-matèlots étaient venus se former sur le champ de bataille, ainsi que je l'avais ordonné; M. de Broves, major de vaisseau, qui n'avait pu pénétrer dans l'hôtel par la grande porte qu'on avait fermée, pour empêcher la foule d'entrer, Vint se présenter à une des petites portes qui donnent sur le champ de bataille. Il y fut insulté par plusieurs personnes, dont quelques-unes voulurent lui arracher son épée. Fort et robuste, il eut le bonheur de s'en dégager ; et voyant les piquets de canonniers se reposant sur leurs armes, il fut à eux, et leur cria : Portez vos armes! L'officier qui commandait cette troNipe, n'ayant pas bien entendu, demanda si le commandement était de charger les armes. Non, répliqua M. de Broves, portez les armes. La moindre partie des canonniers obéit au commandement; les autres, au lieu de porter leurs armes les laissèrent tomber. On m'en rendait compte, lorsque M. Barthélémy, apercevant ces canonniers pour la première fois, joua l'homme qui craint qu'on le massacre; il chercha à inspirer à M. Roubaud les craintes qu'il feignait d'avoir. Je dis au consul que j'allais faire rentrer ces soldats, et j'en donnai l'ordre sur-le-champ; mais j'observai à M. Roubaud que la foule qui entourait l'hôtel augmentait à vue d'œil, et qu'en renonçant pour
l'amour de la paix aux moyens de défense qui dépendaient de moi, je devais pouvoir compter sur ceux qui étaient en son pouvoir. Il me répondit de la manière la plus positive que je pouvais être tranquille et qu'il allait pourvoir à tout. Cependant, à peine fût-il sorti, que la foule augmentant toujours, on commença par jeter des pierres aux fenêtres. J'envoyai M. deVillaron, sous-aide-major, à l'hôtel de ville pour réclamer la loi mar-tiafe. Il trouva le conseil assemblé, et M. Barthélémy s'opposa à ce que ma réclamation fût adoptée; on se contenta de répondre qu'on allait envoyer dés compagnies de la garde nationale, qu'on allait ordonner aux gens attroupés de se disperser; il arriva, en effet, deux compagnies de milice, dont une s'empara de la porte de l'hôtel, et l'autre borda la haie le long de la terrasse qui donne sur la place; ce qui n'empêcha pas que M. de Bonneval, appuyé sur le balcon, en causant avec MM. Hébert et Durand, capitaines de la milice, de fût blessé à la main et à la tête d'un coup de sabre que lui porta un volontaire de cette milice. M. de Saint-Julien, peu après, qui, comme je l'ai dit, avait été désarmé de son épée, en entrant chez moi ét qui en était sorti pour en aller chercher une autre, fut assailli sur la place, renversé par terre et blessé de plusieurs coups ; il allait périr, quand un officier de la garde nationale, nommé Vacquier, et un volontaire de cette milice, nommé Donde, au péril de leur propre vie, l'enlevèrent à ses assassins, et cela au moment oû, suivi de quelques officiers, j'étais sorti pour le dégager, au risque de tout ce qui pouvait en arriver. Vacquier et Donde ont certainement mérité la couronne civique. Je rentrai sur-le-champ dès que je sus M. de Saint-Julien en sûreté et sans qu'aucun de nous eût tiré l'épée; mais le danger d'être attaqué et forcé dans l'hôtel, paraissant devenir toujours plus pressant, je fis demander au capitaine, commandant le second bataillon de Barrois, qui, ce jour-là, avait été mis à mes ordres, de m'envoyer 50 hommes pour la garde intérieure de l'hôtel : pendant ce temps, il arriva de nouvelles troupes nationales qui rétablirent l'ordre en écartant de la maison ceux qui l'insultaient à coups de pierres. Peu après, et au moment oû le détachement de Barrois que j'avais demandé arrivait, je vis M. Lajard, capitaine de la milice nationale qui me dit, de la part du con^ sul, qu'on me conjurait de mettre une confiance entière et sans bornes dans la milice; qu'elle avait les ordres les plus précis de garder l'hôtel ét de ne pas souffrir qu'on s'y introduisît malgré moi. Je répondis à M. Lajard que, pour lui montrer combien je comptais sur les assurances qu'il me donnait, fallais envoyer au quartier le détachement de Barrois que j'avais cru nécessaire à ma défense, et sur-le-champ j'en donnai l'ordre ; je crus d'abord avoir à m'applaudir du parti que l'avais pris : les troupes nationales entourèrent l'hôtel avec beaucoup d'ordre ; la foule se dissipa, et je crus si bien au retour de la tranquillité, que j'envoyai prier M. le consul de faire retirer les troupes nationales et de ne me laisser qu'une garde de 25 hommes. M. le consul répondit qu'il croyait convenable d'y laisser deux compagnies. Il était près d'une heure, une grande partie des officiers et bas officiers, des canonniers-matelots, sortit pour aller dîner : bientôt le nombre des troupes nationales augmenta; j'ignore si toutes les compagnies y vinrent; il y en avait sûrement la plus grande partie : l'hôtel fut investi de tous les côtés; l'entrée et là sortie en furent interdites à tous ceux qui étaient attachés au service dé là
marine, et ce ne fut pas sans peine que. je pus faire avertir M. Roubaud de l'état des choses : il m'envoya trois membres du conseil permanent pour en prendre particulièrement connaissance et lui en rendre compte.
La porte, jusqu'à leur arrivée, avait été défendue avec beaucoup de courage et de succès par un officier de la garde nationale, appelé Léon ou Lyon, et quelques brigadiers que je ne connais pas ; mais à l'entrée des envoyés de M. Roubaud, plusieurs volontaires les suivirent dans la salle, et refusèrent ensuite de sortir avec eux, quoique les députés me l'eussent promis ; je n'avais alors près de moi qu'une douzaine d'officiers armés de leurs seules épées ; les volontaires s'avancèrent et me déclarèrent, du ton le plus absolu, qu'ils voulaient que je leur livrasse M. de Broves, major de vaisseau, accusé d'avoir donné ordre au détachement des canonniers-matelots, qui, le matin, s'étaient assemblés sur la place, de faire feu ; je niai le fait en leur assurant que les armes n'étaient pas chargées. Tout fut inutile, et après avoir subi l'humiliation de toutes sortes de menaces pendant plus d'un quart d'heure, j'eus le courage de proposer, à cet officier de se livrer à ces forcenés : je Connaissais le sien ; il m'en eût moins fallu pour mettre l'épée à la main comme dans le premier moment de mon désespoir, j'osai le proposer au petit nombre d'officiers qui m'entouraient : M. de Broves se livra donc ; j'exigeai et j'obtins les promesses les plus formelles qu'il ne serait point maltraité, et qu'.on ne ferait sim-
Ëlement que s'assurer de lui. M. Morellet et
. Saurin, l'un colonel et l'autre major de la milice nationale, m'assurèrent, ainsi que M. Ventre, un des trois membres du conseil permanent, qui avait été envoyé par M. Roubaud, qu'ils me répondaient de M. de Broves sur leur tête ; j'envoyai tout de suite au consul et à M. de Garpillet,
Sour leur faire part de ce qui venait d'arriver, t. de Garpillet vint avec M. Barthélémy ; ils me présentèrent une proclamation que le conseil permanent avait ordonné de faire, tendante à mettre l'hôtel et tous ceux qu'il renfermait sous la sauvegarde de la loi et sous la protection de la milice nationale ; ils me demandèrent si je pensais qu'on dût ajouter quelque chose à cette proclamation ; je répondis que non, mais qu'il fallait que les volontaires voulussent s'y conformer; ils le voulurent si peu, qu'un quart d'heure après la sortie de M. de Garpillet et de M. Barthélémy, la porte fut forcée ; les volontaires entrèrent enfouie, malgré les efforts de quelques-uns de leurs officiers qui voulaient les en empêcher; je me présentai à eux pour leur demander ce qu'ils voulaient : « Nous voulons M. de Village, me dirent-ils ; il faut que nous l'ayons » et sur mon refus, ils se saisirent de moi. Quelques-uns voulaient s'y opposer : M. Saurin, major de la milice était présent; il me parut faire son possible pour arrêter ces furieux. Je dois croire qu'il n'en fut pas le maître, mais je me suis plaint, et je me plains encore de ce que, forcé de céder à leur violence, il ne me suivit pas jusqu'au Palais : les mutins donc l'emportèrent ; mon épée me fut arrachée, et je fus traîné à travers les huées et les insultes de la populace. Quelques volontaires cherchèrent à m'assommer en chemin, tandis que d'autres me défendaient de leur mieux et avec courage ; ce qui ne m'empêcha pas de recevoir un coup de crosse, qui m'eût renversé si je n'avais pas été soutenu par des volontaires qui me soutenaient sous les bràs ; je reçus un second coup qui me fit peu de mal ; mais j'aurais indu-
bitablement péri, si les volontaires, les plus près de moi, n'avaient paré plusieurs autres coups qui me furent portés ; mon regret est ici de ne connaître aucun d'eux. Arrivé au Palais, on me fit monter dans un cabinet où il y avait du feu, et où j'étais peul-être attendu ; mais plusieurs volontaires s'écrièrent qu'il fallait me mettre au cachot, comme M. de Broves y avait été mis, et après un débat de quelques minutes entre eux, et ceux qui voulaient que je restasse où j'étais, je dis aux mutins que j'étais prêt d'aller partout où je pourrais être débarrassé d'eux ; je descendis donc et l'on m'ouvrit, non le cachot où était M. de Broves, non celui où M. de Village, arrêté au même instant que moi, venait d'etre mis; mais un cachot qu'on me fit partager avec un malheureux, accusé de s'être écnappé des galères, et qui y gémissait depuis plus de six mois. Au bout d'une fceuré de séjour, la porte s'ouvrit et j'appris, par mon père, que M. Roubaud venait me tirer de ce réduit ; il vint en effet, accom-r pagné de M. Barthélémy et de M. le lieutenant civil et criminel; tous trois me parurent indignés des excès qu'on s'était permis contre moi : je devais m'attendre, comme une suite de cette indignation, qu'on donnerait l'ordre de me ramener chez moi ; et voyant avec étonnement qu'on n'en faisait rien, je demandai à M. Roubaud et à M. Barthélémy si j'étais écroué, et si quelqu'un avait le droit de m'écrouer ils me répondirent qu'ils n'en savaient rien eux-mêmes, mais qu'il était bien que je fusse où j'étais, ayant eu des raisons de tout craindre pour moi, si j'étais resté à l'hôtel ; on me fit alors remonter dans lé cabinet, et l'on y amena M. de Village, ainsi que M. le marquis de Gastellet qui avait été arrêté et saisi après moi, et mis dans le même, cachot que M. de Village : M. de Bonneval arrêté ie dernier de tous, arriva trop tard pour avoir l'horreur d'un cachot ; j'ai su qu'après ma sortie de l'hôtel, les volontaires furent dans tous les appartements pour y chercher des officiers qu'ils prétendaient également arrêter. Le refuge où ma femme et ma fille s'étaient cachées, fut le seul endroit qui heureusement échappa à leurs recherches. M. Gautier, celui de tous qu'on chercha avec plus d'acharnement, y trouva un asile qu'il ne quitta qu'à la faveur de la nuit et du déguisement qu'un officier de terre lui facilita.
M. le marquis de Gastellet, M. le comte de Bonneval, M. le commandeur de Village, M. de Broves et moi, passâmes tous cinq la nuit dans le même cabinet. M. le consul m'avait dit en me quittant qu'il avait ordonné une garde de troupes réglées pour notre sûreté pendant la nuit; cette garde se présenta, mais fut forcée de se retirer par la garde nationale qui l'exigea. Nous fûmes gardés à vue pendant une partie de la nuit, c'est-à-dire que cinq sentinelles se tinrent le sabre à la main dans l'intérieur du petit cabinet que nous occupions * il est vrai que sur l'observation que je fis a l'officier de l'impossibilité qu'il y aurait à reposer un seul instant, il voulut bien se contenter de faire garder le dehors et les avenues du cabinet ; mais à plusieurs reprises, dans la nuit, il vint des volontaires, qui trouvant mauvais que le consul nous eût fait sortir du cachot, voulaient absolument qu'on nous y remît : ceux chargés de notre garde s'y opposèrent constamment, et nous en avons été quittes pour craindre pendant une partie de la nuit, qu'on ne finît, à la suite de ces querelles, par nous égorger.
Le lendemain 2, le petit nombre de ceux qui osèrent venir nous témoigner quelque intérêt, le
purent sans difficulté, et M. de La Roque, l'ancien des officiers de la marine qui se trouvaient en activité, eut la permission de me rendre compte des détails du service ; car par une inconséquence qui n'a pas de nom, en me retenant prisonnier, la municipalité eut l'air de voir toujours en moi le commandant de la marine § les blessures de M. de Bonneval lui rendant lé séjour de la prison extrêmement incommode, j'écrivis au consul pour demander qu'il fût transféré à l'hôpital, ce qui fut accordé sans difficulté.
Dès le 3, notre prison fut resserrée ; on n'obtenait que difficilement la permission de nous voir, et ceux qui venaient étaient gardés à vue tant qu'ils étaient avec nous. Une terreur panique servit bientôt de prétexte pour nous séparer les uns des autres. Je restai seul dans le cabinet que nous occupions. M. de Gasteliet et M. de Broves passèrent dans un autre cabinet contigu au mien, et M. le commandeur de Village fut renfermé seul dans un méchant petit réduit, où à peine on put mettre un grabat ; les difficultés pour nous voir augmentèrent de jour en jour ; les permissions se donnaient pour une heure, pour une demi-heure, pour un quart d'heure; ma fille venant me voir, accompagnée de son mari, ne put pas obtenir pour lui la permission de me souhaitér le bonjour ; c'était toujours à chaque visite que je recevais, deux ou trois volontaires qui, le sabre à la main, se tenaient à portée d'entendre, ce que nous disions, et qui ne manquaient jamais de nous avertir quand l'espace de temps accordé pour la visite était écoulé. Un jour un nommé Lami, brigadier de la compagnie de Barthélémy, dit à un officier au moment où il entrait chez moi : Allons, dépêchez-vous, dites bonjour à monsieur et allez-vous-en. Je mè rappelai alors que c'était lui qui était à la tête des volontaires qui me demandèrent M. de Broves ; que c'était lui qui insulta le même jour M. le marquis de Gasteliet de la manière la plus outrageante ; qu'enfin c'était lui qui osa dire à mon père peu de moments avant que je fusse arrêté : Vieillard, tu es bien vieux, mais ton fils est encore plus vieux que toi. Je m'étends plus particulièrement sur les torts de ce malheureux, pour que si jamais on croit devoir faire la recherché des coupables, on puisse lui donner une préférence bien méritée, d
M. d'André, membre de l'Assemblée nationale et commissaire du Roi, était arrivé de Marseille, appelé par l'envie et par l'espoir de réparer le mal qui s'était fait, et d'empêcher qu'on en fît encore, nous crûmes que le respect dû à son caractère améliorerait notre position, et peut-être nous ferait rendre notre liberté ; notre espoir ne fut pas long; nous vîmes bientôt que l'intérêt que ce commissaire n'avait pu s'empêcher de témoigner prendre à notre situation, n'avait fait qu'éveiller ia jalousie des volontaires; les consignes en devinrent plus sévères. Enfin, quand par la délibération du conseil permanent du 7, il eut été décidé que nous tiendrions prison jusqu'à ce que l'Assemblée nationale eût prononcé sur notre sort, M. de Gasteliet demanda et obtint d'être transféré à l'hôpital: indisposé moi-même depuis très-longtemps, j'écrivis au conseil le billet suivant :
« Instruit, du parti que le conseil a jugé à propos de prendre relativement à notre détention, et ayant lieu de craindre qu'elle ne soit encore longue, des indispositions dont je souffre depuis plus de quinze jours, et qui ne font | qu'augmenter, me mettent dans le cas d'être trans- I féré à l'hôpital delà marine, où plus à portée des I
secours, et logé un peu. plus commodément, je pourrais être gardé aussi rigoureusement que je le suis ici.
« d'Albert de Rioms.
« Des prisons du palais. »
Uu quart d'heure après la remise de mon billet, un officier de la milice vint me dire de me préparer pour aller à l'hôpital ; mais à peine étais-je habillé, qu'un tapage affreux vint m'alarmer : je sus enfin que MM. les volontaires, désapprouvant la condescendance du consul, s'étaient non-seulement opposés que j'allasse à l'hôpital, mais même qu'ils avaient exigé que MM., de Gasteliet et de Bonneval fussent ramenés au palais ; ce qui fut exécuté sur-le-champ.
On redoubla de sévérité; je m'étais plaint de ce que ces volontaires changeaient les consignes à volonté; je demandai instamment à M. Je consul qu'on m'en fît donner une copie, pour que je ne fusse pas dans le cas de rien demander qui y fût contraire : on promit de me la donner et on n'en fit rien; j'en ai su la raison depuis; c'est par ménagement sans doute que la municipalité voulut me laisser ignorer qu'un article des consignés était de nous égorger s'il se faisait dans la ville le moindre mouvement qui annonçât qu'on pensait à nous mettre en liberté.
Après le refus qui me fut fait d'être transféré à l'hôpital, je demandai'qu'au moias il me fut permis de faire coucher un domestique dans ma chambre : je ne pus profiter de la permission qu'on accorda, parce qu'on exigeait qu un volontaire fût toujours présent; on sent quecette sentinelle relevée d'heure en heure, et dans un très-petit cabinet m'eût empêché de goûter un seul moment de repos ; il me fallut donc renoncer à avoir un domestique et me contenter des services que le geôlier au besoin voulut bien consentir à me rendre.
Cependant mon père adressa à la municipalité le mémoire qui suit :
« M. de Rioms, père de M. le comte d'Albert, expose à MM. les maire et consuls, lieutenants de Roi, et à MM. les membres du conseil municipal et permanent de la ville de Toulon, que sans entrer dans l'examen des motifs qui ont donné lieu à leur délibération du 7 du présent mois, qui a décrété la détention de M. le comte d'Albert, son fils, dans les prisons du palais de cette ville, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait prononcé sur les procédés qui ont été exercés à son égard et à celui des officiers principaux de la marine pareillement détenus, il a certainement le droit de leur faire observer que celte même délibération, en les mettant sous la sauvegarde de la ville et de la loi, porte expressément qu'ils seront traités avec toute la douceur et les égards qui ne seraient pas absolument incompatibles avec les précautions qui peuvent assurer qu'ils ne s'évaderont point de la prison où ils sont détenus; combien cependant le traitement qu'éprouve son fils est-il différent de celui que l'humanité des susdits conseils a cru devoir décréter ! Combien ne diffère-t-il pas des règlements émanés de l'Assemblée nationale elle-même pour réprimer toute rigueur qui ne serait pas nécessaire ! Son fils est malade; M. de Rioms réclama qu'il fût transféré à l'hôpital sous bonne et sauve garde; l'humanité de M. le consul le porta à en donner l'ordre. Tout le monde sait avec'quelle fureur on en a empêché l'exécution ; ainsi obligés de nous soumettre à la plus injuste oppression, et la santé de son fils devenant tous les jours plus critique
et plus inquiétante, M. de Rioms représenta qu'il était au moins nécessaire qu'il eût un domestique qui passât la nuit auprès de lui; jusqu'à présent les volontaires ne veulent y consentir qu'autant qu'un d'eux les surveillera et sera relevé d'heure en heure; ainsi l'interruption des moments de son sommeil ne pourrait être qu'un supplice de plus. Cette cruauté est-elle donc nécessaire? Environné d'une garde nombreuse et de sentinelles extérieures, comment peut-on craindre qu'un seul domestique puisse lui fournir les moyens de s'évader?
« M. de Rioms renouvelle très-expressément sa demande, qu'un domestique, mâle ou femelle, puisse passer la nuit près de son fils malade, sans être gêné par la présence d'une sentinelle intérieure, attendu que celui qui est constamment à la porte de sa chambre suffit pour assurer qu'il ne s'évadera pas.
« Il demande également que les consignes soient conformes aux ordres émanés de M. le consul et des chefs de la milice qui en sont responsables, que ces consignes soient respectées, car il est inouï que des soldats de garde osent se permettre de les dicter eux-mêmes et de mépriser les ordres supérieurs.
« Il demande aussi qu'on fasse cesser les difficultés qu'on ne cesse de faire aux plus proches parents de son fils pour -pénétrer jusqu'à lui, et qu'en conséquence la garde ait ordre de laisser entrer, quand ils se présenteront, MM. le marquis de Colbert, son gendre, le marquis de Ladeveze, son beau-frère, le comte de Ladevèze, son neveu, lesquels consentent à ce qu'un des officiers de garde soit toujours présent à leurs entretiens.
« Mais comme M. de Rioms a l'intérêt le plus important de converser avec son fils pour ses affaires de famille, ainsi que pour constater les objets qui doivent fixer la contribution du quart de leurs revenus, conformément aux décrets de l'Assemblée nationale, et attendu qu'il serait inique d'exiger qu'ils traitassent de semblables affaires, secrètes par elles-mêmes, en présence de témoins étrangers, il demande d'être personnellement dispensé de la surveillance intérieure des volontaires lorsqu'il demandera à voir son fils.
« II demande enfin^que pendant tout le temps de sa détention la conduite qu'on tiendra avec son fils soit exactement dirigée par les principes de la déclaration des droits de l'homme, par ceux qui résultent de l'Assemblée nationale, des lois anciennes et nouvelles, et surtout de celles de l'humanité, que cette conduite" soit conforme à la délibération des conseils municipal et permanent réunis, du 7 de ce mois, surtout que MM. les consuls et les conseils avisent aux moyens de faire respecter et exécuter leurs décisions.
« Au surplus M. de Rioms demande acte de tout leur contenu en ses présentes observations et demandes avec déclaration qu'il se réserve de faire toutes démarches ultérieures qui pourront être nécessaires pour porter aux pieds du Trône, et au tribunal auguste de l'Assemblée nationale ses plaintes sur la non obtention d'une demande si conforme aux droits naturels et positifs d'un citoyen français.
« Fait à Toulon,, le 11 décembre 1789, et a "signé : de Rioms. »
On promit réponse dès le lendemain, et on ne la fit que le 14 au soir, veille du jour de notre élargissement.
Avant de quitter le palais, je'ne dois point oublier de dire que tout le temps que j'y ai été détenu je n'ai reçu, non plus que mes compagnons d'infortune, aucune marque d'attention d'aucun membre de la municipalité ni du conseil permanent ; j'y ai vu M. Barthélémy et deux de ses collègues lorqu'ils vinrent me demander si je désirais que M. Gautier fût arrêté. Quant aux capitaine de la milice nationale, deux seuls, MM. Rimbaud et Caire, Ont osé me voir et me donner quelque marque d'intérêt, et je me fais un vrai plaisir de leur témoigner ici combien j'y ai été sensible.
Le décret de l'Assemblée nationale, arrivé le 14, fut discuté une bonne partie de la nuit. On aura peine à croire qu'on ait pu mettre en délibération s'il serait exécuté ; le consul vint à midi me l'annoncer, et de suite notre élargissement ; je sais qu'ils ont osé se plaindre de la fierté avec laquelle je les ai reçus. An! qu'on me sache gré d'avoir pu contenir mon indignation !
Le consul me demanda où je voulais aller, et ne me cacha point le désir qu il avait que je sortisse sur-le-champ de la ville ; je rejetai bien loin son insinuation, et je repoussai les craintes qu'il aurait voulu m'inspirer, en lui disant que sous la sauvegarde de la loi, je ne pouvais rien craindre, et que c'était à lui de m'en faire jouir.
Le lendemain, je lUi écrivis la lettre suivante
a Hier, Monsieur, vous me parûtes si peiné de voir que mes affaires m'obligeraient à rester quelques jours à Toulon,que je m'empresse d'avoir l'honneur de vous prévenir que mon séjour y sera plus court que je Ue l'avais d'abord imaginé. Je partirai demain à 4 heures du matin, si vous-avez la bonté de me donner les portes pour cette heure-là; je voudrais aller coucher à Aix, et comme je ferai une bonne partie du chemin" avec mes chevaux, et que j'aurai une escorte, j'ai besoin de partir de bonne heure. Je vous prie de me faire expédier un passe-port pour moi et deux domestiques, allant à Paris, et ne m'arrêtant que quelques jours avec des parents qui sont sur la route.
« A présent, Monsieur, permettez-moi de vous parler des inquiétudes que me cause ce qui arriva il y a quelques jours à la porte Vieille. On y arrêta une charrette chargée d'effets, appartenant à madame de Colbert, la mère, et on les visita pour s'assurer qu'il n'y en-avait point à moi ; je vous préviens que ma femme et ma fille comptent dans quelque temps se retirer au Canet : je vous demande de vouloir bien veiller à ce qu'elles ne soient point insultées; rien ne doit leur avoir fait perdre la protèction des lois, et je la réclame pour elles de vous, Monsieur, qui dans ce moment-ci, êtes le seul qui puissiez les en faire jouir. Je vous prie instamment de me répondre sur un objet aussi intéressant pour moi : j'ai déjà eu l'honneur de vous proposer de commettre quelqu'un, si vous le jugiez à propos, pour visiter les effets qui sortiront de l'hôtel : vous sentez que mon déménagement ne peut être q ue considérable, et je voudrais tâcher de prévenir à ce sujet toute histoire calomnieuse et propre à échauffer un peuple trop apte à s'enflammer.
« Permettez que je joigne à ma lettre 25 exemplaires d'un écrit que mon père a fait imprimer; je me flatte que vous et tous les honnêtes gens n'y verréz que l'envie qu'à eue ce bon vieillard, en parlant de son fils comme il en pense, de diminuer l'acharnement que montre contre moi un
peuple animé sans doute par la méchanceté de mes ennemis cachés.
« J'ai l'honneur d'être très-parfaitement, « Monsieur,
« Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
« Signé : d'albert de rloms. »
Cette lettre est restée sans réponse; le consul me fit dire verbalement que j'aurais les portes à l'heure demandée; peu après il désira que l'heure fût avancée, et je m'y prêtai d'autant plus volontiers, qu'ayant M.. Gautier à emmener avec moi déguisé en domestique, la nuit ne pouvait pas être trop noire.
Tels sont les attentats du Ie* décembre, tels sont les torts dont pendant la durée de notre détention on s'est rendu coupable envers nous : on a violé, pour pous opprimer, tout ce qu'il y a de sacré parmivles hommes, sans aucun respect pour les décrets de l'Assemblée nationale, qui établissent les droits de l'homme et la liberté du citoyen. On invoquait, en mé trompant, la bonne foi, la confiance, l'amour delà paix. On a su m'engager, par des promesses insidieuses, à écarter de moi tout ce qui aurait pu eii imposer aux mutins. On mé (présentait dans la milice nationale une protection assurée; on m'assurait qu'elle ne s'armait que pour nous protéger, et c'est cette même milice, qui, après avoir forcé à main armée la maison du Roi que j'habitais, nous en a arrachés et nous a traînés en prison.
La municipalité ensuite,''étonnée elle-mêmedes exc^s auxquels on s'était porté contre nous, a senti, qu'elle ne pouvait les justifier qu'en nous trouvant des crimes, elle a dès lors affecté de nous traiter en crimihels, et n'a rien oublié pour provoquer des dépositions qui pussent nous faire paraître tels. Mais cë qui ne se. conçoit pas, c'est que ces dépositions n'ayant pas produit l'ombre même d'un reproche à la charge de M. le marquis" de Gastellet et de M. le commandeur dé Village, ces deux officiers n'aient pas été élargis lorsque M. d'André, commissaire au Roi, l'a particulièrement demandé.
Je sais que le peuple, dans ses plus grands égarements, est presque toujours plus à plaindre qu'il n'est coupable ; jé sais qu'un petit nombre de gens mal intentionnés suffit trop souvent pour mouvoir et porter aux derniers excès une multitude que l'ivresse du tumulte empêche de réfléchir ; mais qu'un conseil qui devrait être composé de citoyens paisibles et honnêtes, loin de ramener le peuple qui s'égare, l'approuve et applaudisse à à ses écarts, tout homme a droit de détester une pareille^ conduite, quand même il n'en aurait pas été la victime.
Après avoir ainsi rendu compte des particularités de notre étonnante et trop scandaleuse aventure, il ne me reste qu'à porter à l'Assemblée nationale le voeu que je crois avoir lë droit de former; j'ose réclamer de sa justice qu'elle décrète que je suis innocent ainsi que les officiers qui ont souffert avec moi. Quant à nos oppresseurs, je crois pouvoir, je crois devoir me dispenser de provoquer là punition qu'ils peuvent avoir méritée. Ils sont certainemënt coupables, bien grandement coupables si nous sommes innocents. Mais ce n'est pas nous, ce n'est pas moi personnellement qu'ils ont offensé, mais bien le commandant de la marine, le mandataire, le dépositaire du pouvoir exécutif. Or, si le pouvoir exécutif n'est qu'une émanation de la puissance
législative, c'est le souverain même, dans l'acception la plus étendue de ce mot, qu'ils ont outragé, et alors le crime dont Je me plains devient, sous ce rapport, un crime de lèse-nation qu'il n'appartient point à un simple particulier de poursuivre.
« A Paris le
« d'Albert de Rioms. »
« P.-S. Le mérite personnel des trois députés de la milice nationale de Toulon devrait bien certainement être indiffèrent à ma cause ; cependant comme on a affecté de les présenter au public comme des gens intéressants dont le témoignage était contre moi d'un grand poids, il doit m'être permis d'en atténuer ia force. Voici mes moyens:
« L'un d'eux est fils de M. Jourdan, fournisseur de l'arsenal de Toulon, dont plus d'une fois j'ai été obligé, par les devoirs de ma place, de contrarier la cupidité. Il est de plus gendre d'un ancien capitaine de port, que M. le maréchal de Castries déplaça, il y a environ deux ans, sur les comptes que je lui en rendis.
« Un second débuté est fils de M. Mallard, imprimeur de la marine de Toulon, le même qui, lors de l'émeute du 23 mars dernier, prêta à l'ordonnateur des fonds une somme de 20,000 écus pour le payement d'un mois de travail aux ouvriers de l'arsenal. Bien des gens ne virent dans çe prêt que la spéculation d'un homme qui, craignant le pillage, cherche à mettre son argent en sûreté. Moi qui n'y vis que le fait en lui-même, j'en rendis compte, comme je le deVais, à M. le comte de la Luzerne, et ce ministre écrivit à M. Mallard une lettre de remercîment et de satisfaction; mais bientôt je sus que M. Mallard s'exagérait le mérite du prêt qu'il avait fait au point de prétendre que sans lui l'arsenai eût été mis au pillage. Quelque temps après et dans un moment très-critique (il s'agissait d'apaiser la mutinerie de l'équipage d'une corvette en désarmement), M. Mallard se conduisit d'une manière très-répré-hensible, et je le repris sans ménagement pour son amour-propre qui ne pût qu être blessé, lorsque je lui appris que je m'étais refusé à la proposition que m'avait faite M. le. comte de Garaman de concourir avéc lui pour lui obtenir le cordon de Saint-Michel; refus que je ne pus motiver qu'en lui déclarant que je ne voyais pas qu'il eût en rien mérité cette marque de distinction.
« JeneconnaisM.Rémond, le troisième député, que par son altercation avec M. Douville.
« Signé:.d'Albert de Rioms. »
Noïa. Ce mémoire était à sa dernière feuille d'impression, quand les dépositions de MM. le chevalier de Spinette, officier au régiment de Dauphiné, et de Mezange, officier au régiment de Barrois, me sont parvenues; on les ajoute en supplément.
Dépositions ci-dessus mentionnées;
Lorsque M. de Broves s'est remis généreusement entre les mains des volontaires, les deux officiers soussignés qiii se trouvaient alors devant l'hôtel de la Marine, craignant que ces volontaires ne se portassent à quelques violences envers cet officier, ont cru devoir Raccompagner jusqu'au palais, malgré les menaces et les insultes
qui leur ont été faites; ils ne l'ont point quitté ; et, aidés du sieur Vaquier, officier de la milice bourgeoise, par leurs discours, ils ont empêché peut-être qu'on ne lui arrachât sa croix de Saint-Louis et ses épaulettes. A l'entrée de M. de Broves au palais, leur présence parut surtout lui être de quelque utilité; la foule avait augmenté; les volontaires se pressant pour entrèr, redoublaient de menaces : un des officiers soussignés élevant la voix, leur parla avec force et énergie au nom de la garnison. Il fut respecté ; les plus raisonnables parurent se calmer ; ils l'assurèrent qu'il-ne serait rien fait à M. de Broves, et, en effet, ils empêchèrent les plus animés de se porter à quelque violence.
De retour à l'hôtel de la Marine, ils se sont réunis à M. de Garpillet, avec crui étaient les chefs des deux régiments. On publia alors un ordre des consuls a chaque compagnie pour répondre de la personne de M. d'Albert et dés officiers de la marine enfermés avec lui à l'hôtel. Plusieurs compagnies y acquiescèrent; mais celles des sieurs Barthélémy et Moutet s'y refusèrent d'une commune voix, menaçant de forcer l'hôtel. M. de Garpillet n'ayant pu rien obtenir sur ces têtes exaltées, voyant le désordre au dernier point, se rendit sur-le-champ à l'hôtel de ville pour s'aboucher avec le consul et le comité assemblé.
Les chefs des deux régiments se portèrent alors aux quartiers où les troupes étaient rassemblées pour y attendre les ordres du général. Les deux officiers soussignés avec M. de Faure, capitaine de Barrois, prièrent M. de Carpillet de leur permettre de ne pas le quitter dans cette effervescence alarmante. Il voulut bien le permettre, et ils se sont rendus avec lui à l'hôtel de ville. On réclama encore la loi martiale ; elle fut de nouveau refusée. Il n'est pas temps encore, répondit-on. Un des officiers soussignés reprit alors: Qù'attendez-vous donc, Messieurs, qu'on les égorge, mais on commencera par nous égorger nous-mêmes? Il fut à la fin résolu que le consul sortirait avec pompe pour tâcher de ramener ces compagnies si^oDstinées au désordre; mais à peine arrivé près de la place Saint-Pierre, on aperçoit M. de Village qu'on traînait encore en prison. Le consul se porta vite, avec le général à sa suite, dans J'intérieur du palais. 11 veut parler, il ne peut se faire entendre. A l'instant on crie en provençal : Voilà M. d'Albert, pèndez-le, faites-lui couper la tête, et mille horreurs semblables.
A son entrée dans l'intérieur du palais, les volontaires se poussant en foule pour entrer avec lui, semblaient vouloir l'étouffer. Un des officiers soussignés éténd les bras pour le recevoir ét écarter la foule et en criant: Respectez ce brave généralïl reçoit dè même dans ses bras M. dé Carpillet qu'on serrait aussi vivement. Un volontaire alors, jeune homme dé dix-sept à dix-huit ans, arrache de son fusil sa bayonnette, et criant: Quel est ce B... .là? veut la lui plonger ; mais en se courbant en arrière il évité le coup. Dans ce moment, là foule portait M. d'Albert dans le cachot. Ce même officier resserrant davantage Mi de Garpillet dans ses bras, et criant de toute sa force : Place au général, l'entraîna hors du palais où il fut rejoint par l'autre officier soussigné et un officier de la milice bourgeoise : quelques volontaires honnêtes se joignirent à eux, et tous ensemble escortèrent M. de Garpillet chez lui.
M. de Mèzange, dans cette scène cruelle, a vu porter un coup d'épée et un coup de baïonnette à M. d'Albert qui ne l'ont point atteint, et lui a
vu donner des coups de bourrades : lui-même a reçu des coups de crosse, en voulant se joindre à son camarade, ainsi qu'un coup de baïonnette au bras gauche, qui n'a déchiré heureusement que son habit.
Fait à Toulon, ce
Motion de M. de Talleyrand, évêque d'Autun, pour la suppression des loteries (1).
La nature a destiné les hommes au travail, puisqu'en les soumettant à des besoins toujours renaissants, elle n'a voulu leur accorder que ce seul moyen d'y pourvoir entièrement.
Mais dans tous les temps l'homme avide et paresseux a voulu consommer sans se donner la peine de produire : il a convoité le travail d'au-trui, et de ce désir contenu par lès lois, a dû se former, dans l'état de société, la passion du jeu, comme offrant les ressources les plus promptes pour se procurer des richesses qu'on n'a pas concouru à faire naître.
Il n'est question ici que des jeux de hasard, les seuls en effet qui écartent toute idée de travail : et même dans un sujet aussi étendu, je me bornerai à parler des loteries. Je vais prouver qu'un tel jeu est à la fois, et au plus haut degré, injuste ét immoral, et qu'aucun prétexte ne peut le sauver d'une entière proscription.
Il ne faut pas confondre avec ces loteries celles qui font partie des emprunts publics, et qui y sont tellement attachées, qu'elles en forment la dénomination. Un emprunt en loterie, quoique, sous plusieurs rapports, hors des véritables principes, diffère pourtant des loteries proprement dites, dans lesquelles l'alternative des joueurs est toujours placée entre la perte entière des mises et la faveur particulière d'un petit nombre de chances. Dans 1 emprunt en loterie, le joueur consent à placer son argent à un intérêt plus faible, dans l'espérance diin lot en sus de cet intérêt qui est commun à tous les prêteurs. Toute la perte est donc dans cette diminution générale dintérêts, dont se compose la fortune du petit nombre de ceux que le sort favorise ; en sorte que, dans cette espèce de jeu, non-seulement tout Je profit est versé sur les joueurs, mais même le sort y est forcé d'être favorable aux uns, sans pouvoir jamais être entièrement funeste aux autres.
Toute autre loterie est, par sa nature, fondée sur les espérances qu'elle donne et sur le profit assuré qu'elle perçoit. Le gain de chaque joueur est éventuel; la perte de tous les joueurs réunis est certaine ; par conséquent, les bénéfices de la loterie sont infaillibles. Tel est son caractère constitutif ; tel est le principe évident de son injustice. Et quand même on garderait quéîque mesure d'équité dans ses combinaisons, quand
môme, par la plus chimérique des suppositions, la loterie renoncerait entièrement, à ses profits pour en accroître les chances des joueurs, elle cesserait d'être injuste, sans cesser d'être condamnable. Dès le moment où toutes les classes de citoyens seraient invitées à ce jeu par la facilité des mises, il en résulterait un grand mal social : ce jeu, à proprement parler, ne-ferait plus de dupes, mais toujours il ferait des malheureux ; toujours il s'alimenterait de. la substance du
Sauvre ; toujours il ferait consumer le temps en
'extravagantes spéculations.
Or, s'il est certain que même l'égalité la plus parfaite entre les mises totales et les chances ne pourrait justifier entièrement les loteries, que faut-il donc penser de celles dont les profits sont à la fois infaillibles et énormes; de celles surtout dont les inventeurs ont épuisé l'art le plus savant pour cacher les bénéfices immenses à la crédule ignorance du peuple, et pour enflammer en même temps sa folle cupidité?
Il faut croire qu'on ne prévit pas d'abord tout ce que l'institution des loteries entraînerait de maux avec elle. Séduit par des intérêts momentanés, ou même par des vues de bienfaisance que toujours on a eu l'art de lier à ces établissements, on imagina sans doute que le seul superflu des riches irait se perdre dans ces combinaisons, et que le pauvre, loin d'en être la victime, pourrait même en recueillir quelques fruits : et lorsque ensuite on n'a pu se dissimuler les intolérables abus de ce jeu, telle est la fatale influence des habitudes les plus vicieuses qu'il n'a cessé de subsister, quoiqu'il ait été constamment flétri dans l'opinion des hommes sages et des administrateurs éclairés.
Mais c'est bien vainement qu'on a voulu trouver quelque excuse à ce jeu, dans la destination d'une partie de ses profits à des institutions de piété et d'utilité publique : depuis quand l'usage d'un bien en a-t-il donc purifié la source? Sophisme injurieux, qui semble accuser d'avarice et d'insensibilité tout un peuple généreux et sensible! Comme si la pitié ne pouvait plus être excitée que par un sentiment abject; comme s'il fallait nécessairement tromper les hommes pour les rendre humains ; qu'on ne pût les conduire à la bienfaisance que par la cupidité, et que nous fussions réduits a l'avilissante nécessité d'implorer le vice pour lui faire remplir les fonctions révérées de la vertu !
Pour se pénétrer des abus révoltants des loteries, pour bien concevoir à la fois toutes les ruses qu'elfes ont inventées, tous les pièges qu'elles tendent à la crédulité du peuple, et tous les désordres qu'elles traînent à leur suite, il faut attacher ses regards sur la loterie royale de France. Jamais, peut-être, aucune institution n'a présenté au législateur autant de signes de réprobation que cette loterie, qui, sous l'abri de son nom auguste, semble braver la censure publique.
Cette assertion est fondée sur les calculs les plus rigoureux. En voici les résultats : • La loterie royale est combinée de telle sorte, qu'on y peut jouer, et qu'on y joue en effet à chaque tirage de sept manières différentes.
Extrait simple.
Dans la première, le bénéfice calculé de la loterie est d'un sixième de la mise des joueurs, c'est-à-dire que sur six qu'elle reçoit du public, elle en remet cinq pour en former les lots qu'elle lui distribue, ou, ce qui revient au même, son
profit est de 16 2/3 sur 100. Ce profit, déjà extrêmement usuraire, va s'accroître avec un excès inconcevable dans les autres manières de jouer à celte loterie.
Extrait détermine.
Dans la seconde de ces manières, elle retient 23 sur 100.
Ambe simple.
Dans la troisième, environ 32 1/2 sur 100.
Ambe déterminé.
Dans la quatrième, 36 ï/2.
Terne.
Dans la cinquième, 53 1/5.
Quaterne.
Dans la sixième, 85 1/3.
Quine.
Dans la septième enfin, oserait-on l'imaginer? elle retient 97 et près de 3/4 sur 100. En sorte que le public, considéré en masse et jouant dans cette dernière combinaison, est précisément dans le cas d'un particulier qui jouerait à pair ou non, à condition qu'il payerait 100 livres chaque fois qu'il perdrait, et qu'il recevrait 2 livrés 5 sols et quelques deniers chaque fois qu'il gagnerait : et la preuve en est sensible, puisque pour s'assurer d'obtenir .200,000 livres par cette combinaison, il est démontré qu'il faut commencer par donner à la loterie, avant le tirage, près de 44 fois 200,000 livres, ou, plus exactement, 8,789,853 livres 12 sols. C'est sur cette somme énorme qu'après en avoir disposé quelque temps, la loterie veut bien consentir à rendre pompeusement 200,000 livres : et c'est dans cette combinaison dévorante qu'on ose inviter le peuple ignorant et crédule à placer quelques pièces de monnaie encore trempées des sueurs de son front, en l'enivrant du chimérique espoir de ce quine, qui exalte les têtes jusqu'à la démence.
Mais, comme en s'arrêtant à cette dernière combinaison, qui en effet est la plus défavorable de toutes pour le public, on pourrait craindre de se faire de l'injustice totale de la loterie une idée -beaucoup trop exagérée, il importe, pour connaître l'ensemble de la loterie, de réunir toutes • les manières possibles d'y jouer, et de Supposer, par exemple, qu'un particulier voulant obtenir à lui seul les différents lots qu'elle propose, place une livre tournois sur chacune des combinaisons différentes que présente chacune des sept manières d'y_ jouer : dans Cette supposition, qu'on a sans doute le droit de fairè, on arrive à un résultat presque aussi effrayant, puisqu'il est mathématiquement prouvé que ce particulier sera tenu de livrer d'abord à la loterie .45 millions et plus de 700,000 livres ; qu'après le tirage, il lui sera rendu par cette même loterie moins d'un million et demi, et que par conséquent le bénéfice delà loterie sera de44 millions et plus de 200,000 liv.; ce qui donne pour la totalité dés combinaisons, un profit de 96 un péu plus de 3/4 sur 100. Et voilà sur quelle base est établie la loterie royale' de France.
A chaque tirage, il est vrai, on ne joue pas sur toutes les combinaisons possibles, et particulière-
ment sur les combinaisons presque innombrables du quine, les plus avantageuses de toutes à la loterie. 11 est vrai aussi qu'on ne place pas des sommes égales sur chaque combinaison, ce qui rénd le calcul rigoureux moins applicable aux effets de cette bizarre loterie, et donne réellement pour chaque tirage un terme moyen de perte générale inférieur à celle qué présente le calcul ; mais si ces chances ne sont pas toutes prisés; ni toutes également, certes ce n'est pas la faute de la loterie, qui ne cesse de les proposer toutes indifféremment; mais à la longue il peut arriver qu'elles le soient; mais enfin telle est la constitution bien véritable de cette loterie.
Veut-on rendre plus sensible encore l'injustice odieuse de la loterie royale de France ? Qu'on la compare avec les jeux de hasard, même les plus décriés, tels que les jeux dé belle et de biribi, ces jeux si publiquement avilis, qu'on ose à peine en rappeler ici les noms.
Le jeu de la belle était, dans son principe, composé de 106 numéros, dont un seul gagnait et valait au joueur 96 fois sa mise. Le bénéfice des banquiers était donc de 10 sur 106, ou, ce qui revient au même, de 9 23/53 sur 100. Ce bénéfice, si modéré en comparaison de celui de la loterie, parut tellement scandaleux, même aux banquiers, que de leur propre mouvement, ils le réduisirent à 8 sur 104, ou 7 9/13 sur 100. Cependant, même après cette réduction, ce jeu continuait à ruiner les joueurs. Pour arrêter ses ravages, la police se Vit obligée de le proscrire, et tous les jeux de la belle furent supprimés.
Il est aisé de voir jusqu'à quel point la loterie royale est intrinsèquement plus vicieuse que ce jeu. La combinaison de la loterie, la moins défavorable au public, assure pourtant à l'administration un bénéfice de 16 2/3 sur 100, comme nous l'avdÉs déjà remarqué, c'est-à-dire plus que le double de celui de la belle ; et, en réunissant toutes les combinaisons delà loterie, nous avons vu qu'il en résulterait pour elle, dans le cas où elles seraient toutes prises une fois également dans le même tirage, 96 et plus de 3/4-pour cent. Ainsi, s'il était possible à un joueur de répartir uniformément 100 livres sur toutes ces combinaisons, il ne recevrait après le tirage que 3 livres et un peu moins que 5 sols, même en gagnant le quine et tous les autres lots, tandis qu'il recevrait ae la belle 92 livres et plus de 8 sols. Le rapport de ces deux sommes exprime dans cette supposition la défaveur respective des deux jeux; et puisqu'elles sont entre elles comme 1 à 28 et plus d'un tiers, il suit que si l'injustice totale du jeu de la belle peut être exprimée par 1, on est autorisé à exprimer par plus de 28 celle de la loterie royale.
Par un procédé semblable, on établirait que le" jeu de biribi, dont le profit est de 6 sur 70 ou de 8 4/7 sur 0/0, est 27 fois moins injuste que la loterie considérée dans l'ensemble uniforme de toutes ses combinaisons ; et cependant l'un et l'autre de ces jeux ont été déclarés infâmes.
Croirait-on maintenant que par de nouveaux traits, on pût flétrir la loterie royale 1 II faut pourtant ajouter que cette loterie est combinée avec une telle adresse, que, malgré sa révoltante injustice, elle est venue presque à bout d'enchanter les esprits ; que le peu ae numéros qu'elle emploie en comparaison des autres loteries, est une première amorce grossière, à laquelle le grand nombre des joueurs s'est laissé prendre ; que l'artifice des combinaisons dans lesquelles elle s'enveloppe, est un piège non moins sûr pour
attirer d'abord les joueurs et pour leur inspirer ensuite une persévérance effrénée dans le malheur; que par cette variété presque infinie de combinaisons, étant la seule qui permette à l'esprit une sorte d'usage de ses facultés, elle a eu l'art d'intéresser l'amour-propre dans le jeu de hasard le plus ruineux, et de l'aveugler à tel point, qu'il n'est peut-être aucun joueur qui, ridiculement attaché à certaines combinaisons dont il s'attribue la gloire, ne se persuade follement qu'avec de la constance et des mises toujours croissantes, il viendrait facilement à. bout d'enchaîner la fortune, ou même de ruiner la loterie.
11 faut ajouter que telle est la composition insidieuse de cette loterie, que les combinaisons qui sont les moins défavorables au public,ne laissant espérer que des lots peu considérables, le peuple, uniquement avide de gros lots, les dédaigne presque généralement, pour se précipiter avec une fureur aveugle vers celles qui assurent à la loterie des bénéfices immenses.
Il faut ajouter que dans la crainte sans doute que l'intervalle d'un mois entre deux tirages ne refroidît les joueurs ; pour tenir leurs désirs en haleine, pour accroître leur ardeur par l'espérance d'un prompt retour de fortune, et en effet pour les ruiner avec plus de certitude, on n?a pas craint, par une exception particulière, de doubler ie tirage de: cette loterie dans chaque mois, et que par là, on a au moins doublé ses ravages.
Il faut ajouter que cette loterie, par une cruelle complaisance, admettant à la fois, et les mises les plus modérées et des sommes considérables sur une seule combinaison, sur un seul numéro, semble avoir été inventée pour se jouer, et de la misère des pauvres, et de la fortnne des riches.
Ët comme si tous ces moyens de séduction ne suffisaient pas, il faut ajouter enfin, qu'on ne cesse d'entretenir l'ivresse générale,' en répandant de toutes part des livres, des almanachs, où chacun va chercher les combinaisons les plus superstitieuses ; que l'on corrompt la raison du peuple par les rêveries des pressentiments, par l'absurde interprétation des songes; qu'on enflamme son imagination par mille récits mensongers, et que l'on achève de l'étourdir par des provocations bruyantes, par des cris extravagants, par des ornements de fête, par le son des instruments, par le bruit des fanfares, etc.
Ainsi les pièges sont semés de toutes parts sous les pas de l'ignorance ; ainsi la ruse succède à la ruse; ainsi rien n'est épargné pour séduire toutes les classes de citoyens, et surtout pour tromper le pauvre, que des ruses bien moins savantes eussent si facilement égaré dans les routes de l'espérance. Si le malheureux estune chose sacrée, quel crime n'est-ce pas d'abuser ainsi de sa crédulité .et de sa misère ! •
Et voilà cette loterie qui subsiste avec éclat, dans le même lieu où la surveillance paternelle du Roi a sévèrement proscrit tous les jeux de hasard à chances inégales /..... Gréée sous le nom d'un établissement célèbre, elle fit d'abord en partie les frais de l'éducation, militaire : et l'on vit une école faite pour inspirer des sentiments d'honneur, entretenue du produit d'une institution que le véritable honneur réprouvait. Lorsque ensuite ses bénéfices se furent accrus au delà de toute espérance, alors elle passa tout entière dans les mains du gouvernement : un jeu de hasard devint une branche de revenus publics, et l'on s'accoutuma à cette étrange métamorphose, en se persuadant follement que la loterie pouvait
être regardée comme un impôt libre et volontaire.
Un impôt ! Quel impôt que celui qui ne peut être prélevé qu'autant qu'on égare la raison des peuples 1 Quel impôt t[ue celui qui fonde ses plus grands produits sur le délire ou sur le désespoir 1 Quel impôt que celui que le plus riche propriétaire est dispensé de payer, et que les nommes vraiment sages, que les meilleurs citoyens ne payeront jamais 1 Un impôt libre 1... 'Etrange liberté que celle qu'on suppose exister au milieu des amorces les plus séduisantes I Chaque jour, à chaque instant du jour, on crie au peuple qu'il ne tient qu'à lui de s'enrichir avec un peu d'argent; on propose un million pour vingt sols au malheureux qui ne sait pas compter, et qui manque du nécessaire ; et le sacrifice qu'il fait à ce fol espoir, du seul argent qui lui reste, est un don libre et volontaire 1 C'est un impôt qu'il paye à l'Etat 1
Non ; toute loterie n'est et ne peut être qu'un moyen cruellement abusif d'attirer l'argent du peuple en se jouant de sa crédulité. Je dis toute loterie : car celles qui subsistent en France avec la loterie royale, sous le nom de Piété et des Enfants-Trouvés, ne peuvent, non plus que leur rivale, échapper à cette juste imputation. Elles sont, il est vrai, moins redoutables qu'elle, parce que leur bénéfice est de beaucoup inférieur ; qu'elles n'ouvrent à l'esprit aucune combinaison qui amorce, et que chaque numéro ne supporte qu'une mise modique et constamment la même ; mais pourtant elles détournent de sa véritable destination tout l'argent que le peuple y sacrifie; mais elles font supporter l'entretien des établissements auxquels elles sont consacrées, à la classe du peuple qui doit le moins acquitter cette charge; mais enfin le profit certain de l'une et de l'autre est de près de 21 sur 100, ou, plus exactement de 20 5/6 sur 100. Et par toutes ces- raisons, ces deux loteries ne peuvent survivre à la destruction de la loterie royale de France.
Maintenant, sera-t-il difficile de prouver que la îoterie, et surtout la loterie royale de France est aussi immorale, aussi corruptrice, qu'elle est injuste?
N'est-il pas évident qu'un jeu qui allume jusqu'au délire la cupidité de la multitude, qui fascine l'esprit du peuple jusqu'à lui persuader qu'infailliblement il trouvera pour prix de sa persévérance, je ne dis pas seulement le moyen d'améliorer son état, mais celui d'èn sortir tout à coup par une fortune immense (car c'est toujours là l'ambition insensée du peuple) ; n'est-il pas évident que ce jeu, après lui avoir ravi tout le fruit de ses épargnes, tout l'argent qu'il possède, le livre à chaque instant à la tentation d'en obtenir par toutes sortes de voies? Car il ne faut pas perdre de vue que, par une suite presque nécessaire de l'artificieuse combinaison de cette loterie, celui qui d'abord n'a risqué que des mises légères, se trouve bientôt entraîné dans des mises considérables; que victime de l'illusion la plus folle, et pourtant la plus ordinaire,.il s'attache d'autant plus à une combinaison, que plus longtemps elle lui a été funeste; qu'il se regarde même comme obligé à de nouveaux sacrifices, pour ne pas perdre le fruit des anciens ; qu'en conséquence, il charge et recharge sans cesse les mêmes numéros, dans l'intime persuasion qu'ils céderont enfin à sa persévérance, et que, par l'ancienneté de leur sortie, ils acquièrent chaque jour de nouveaux titres pour reparaître avant les autres : comme si dans un pareil jeu, ^avenir
pouvait en quelque manière dépendre du passé ; que des billets toujours les mêmes, agités au même hasard, fussent contraints dans leurs mouvements par les tirages précédents," et qu'un numéro, parce qu'il n'a pas paru depuis un certain nombre de tirages, dût plus facilement que tout autre en particulier, s'offrir au tirage suivant sous la main indifférente de l'enfant qui va les prendre. De là, presque nécessairement après chaque tirage, des fraudes, des injustices, des infidélités sans nombre pour ravoir un argent plus que jamais indispensable, ou même pour satisfaire cette insatiable passion que le malheur n'a fait qu'irriter. Par elle,; chaque jour, les enfants deviennent furtivement coupables envers leurs parents, les époux envers leurs épouses, les domestiques envers les maîtres; et, ce qui fait frémir, c'est qu'il'est bien reconnu qu'un grand nombre d'entre eux avaient vécu irréprochables jusqu'au moment où ils se sont abandonnés à la déplorable passion de ce jeu.
N'est-il pas évident que, lors même que la loterie ne précipite pas dans le crime, son effet habituel est de rendre au peuple sa condition insup-- portable, de relâcher dans sa famille les liens domestiques, si nécessaires à son bonheur ; d'é-. teindre en lui les goûts honnêtes, toute émulation louable, tout esprit d'ordre, d'économie, tout amour du travail? Voyez comme le marchand est détourné de son commerce ; l'ouvrier, de ses travaux ; la mère, du soin de ses enfants dont les cris l'importunent; tout un peuple, de ses occupations journalières : une pensée unique travaille tous les esprits; de l'or, des monceaux d'or gagnés sans peine : c'est à cette funeste pensée qu'on livre deux fois par mois tous les sujets de rEtat, et principalement (car on ne peut trop le répéter), ceux à qui le travail et l'économie sont le plus nécessaires, et chez qui le désespoir et la misère ont toujours eu les plus terribles conséquences.
N'est-il pas évident enfin que la loterie est de tous les jeux réprouvés, celui qui insulte le plus ouvertement aux mœurs publiques? Car, dans les maisons de jeu, même les plus décriées ; dans ces maisons où une jeunesse imprudente va perdre, souvent sans retour, ses mœurs et ses principes, et où tous les cœurs semblent fermés à la pitié; soit fierté, soit un reste de pudeur, du moins on rougirait d'admettre le pauvre couvert des lambeaux de la misère, qui viendrait compromettre les faibles ressources de son existence; et c'est particulièrement sur les malheureux que la loterie, plus impitoyable, fonde ses espérances. Non contente de recevoir de leurs mains, lorsqu'ils se présentent, quelques pièces de monnaie qu'ils se volent en quelque sorte à eux-mêmes, elle s'empresse d'aller au-devant d'eux; elle les appelle; elle les presse, elle les sollicite; elle les poursuit dans les campagnes; elle pénètre jusque dans leur réduit, et par mille séductions, elle parvient à leur faire une véritable violence.
Depuis longtemps le gouvernement travaille à extirper un des maux les plus funestes des grands Etats, la mendicité ; et il n'est point de citoyen qui n'ait applaudi dans son cœur à ces vues pures et bienfaisantes; mais si la loterie subsiste toujours; si plusieurs fois par mois, la classe la plus malheureuse parmi les citoyens, est sollicitée, par des amorces presque irrésistibles, à sacrifier dans ce jeu perfide tout ce qu'elle possède, il est rigoureusement démontré que le vice de la mendicité devient entièrement irrémédiable; qu'étant le fruit naturel de ia misère et de la pa-
resse, il doit nécessairement se perpétuer et s'accroître par une institution qui, en même temps qu'elle ruine tant de malheureux, leur inspire Un dégoût invincible pour le travail, et que par conséquent, la loterie royale de France en fera toujours plus en un mois pour conserver la mendicité, que n'en feront dans plusieurs années les efforts les mieux concertés de l'administration pour la détruire. Et si parmi tous ceux que la loterie dépouille, plusieurs résistent* à la tentatibn d'augmenter la fouie des mendiants, il est également certain qu'ils sont du moins réservés à devenir un jour les fardeaux de la société, puisqu'en leur ravissant tout le fruit de leur économie dans le temps du travail, la loterie nécessairement en surcharge les hôpitaux dans le temps de leur vieillesse.
Mais ce n'est pas seulement dans la famille du pauvre et dans la classe du peuple que la passion ae la loterie fait de, terribles ravages ; elle est aussi une source féconde de malheurs dans les classes plus élevées de la société : et par combien défaits déplorables n'en avons-nous pas acquis la preuve ! Combien d'hommes attachés à des maisons de commerce, à des. caisses de gens d'affaires ; combien de particuliers chargés d'une grande comptabilité, ont disparu subitement de nos jours en jetant le désespoir dans l'âme de leurs commettants et l'effroi dans le sein dé leurs familles ! Quels étaient donc les déportements de ces hommes, dont souvent la vie entière montrait de ia sagesse, de l'intégrité, et dont les mœurs-pures semblaient interdire tout soupçon d'incon-duite? Longtemps les recherches ont été vaines: toutes les traces semblaient avoir disparu; on s'égarait en conjectures, lorsque enfin un amas de billets déchirés et découverts par hasard, a décêlé la cause de tant de malheurs.
Peut-on, après tant d'exemples de ce genre, s'étonner de l'esprit de méfiance qui, de pïus en plus, ferme les cœurs, isole les particuliers efc engourdit la société? Depuis que l'on sait qu'il existe un moyen ténébreux de dissipation ïfet de ruine, qui souvent a séduit des âmes vertueuses, la confiance de 'citoyen à citoyen a dû nécessairement s'affaiblir. La conduite extérieure, une bonne renommée, ne sont plus des garants qui rassurent entièrement ; et si l'honnête homme devient suspect à l'honnête homme, il n'a pas même lé droit de s'irriter de ce' soupçon : car que pourrait-il opposer au sentiment inquiet qui le fait naître? Tous les autres vices qui tendent à subvertir les fortunes sont annoncés par des caractères sensibles; les parents, les amis, l'œil sévère et vigilant du public peuvent en imposer; la destruction s'annonce par degrés ; elle peut quelquefois être arrêtée; ellè eBt du moins toujours prévue. Mais la passion de la loterie! Nul caractère, nul symptôme ne la fait connaître; elle se dérobe à tous les regards ; elle fuit même ceux de l'amitié (car quel homme osa jamais confier à son ami les sacrifices insensés qu'il faisait à cette passion)? C'est une plaie intérieure et profonde, qui ne devient visible que lorsque le mal est sans remède : on ne peut, par aucun moyen, discerner ceux qui en sont frappés, et une grande défiance est l'effet inévitable de cette affligeante incertitude.
Il est donc vrai que, dans toutes les classes de la société, la loterie fait sentir sa coupable influence; qu'elle atteint ceux-là même qui ont su résister à ses séductions, et que partout elle sème le trouble, le désordre, la méfiance, le désespoir, et souvent même les plus grands crimes ; car s'il
est incontestable que presque tous les crimes sont dus à la. cupidité, n'est-ce pas une conséquence nécessaire qu'un grand nombre a dû naître d'une institution qui sans cesse et l'irrite et la trompé? Que l'on invoque le témoignage des magistrats: que l'on s'adresse aux ministres delà religiôn : ils diront tous combien elle à précipité de malheureux dans les cachots; combien elle a grossi le nombre des criminels publics; combien d'hommes enfin ont péri dans les derniers supplices, qui eussent vécu bons pères, bons maris, bons citoyens, si la loterie royale de France n'eût jamais existé.*
Pourrait-on ne pas déplorer ici une désastreuse calamité qui fait verser tant de larmes à la religion et à la patrie ! Ce dégoût affreux de la Vie qui brave toutes-les lois; cette maladie terrible qui semblait nous êtré: si étrangère, paraît depuis peu comme naturalisée dans nos climats. Que de ravages n'a-t-elle pas faits dans ees dernières années! Avec quelle effrayante rapidité ne se sont pas succédé sous nos yeux tous les genres de suicide ! Jusque-là même que cés événements qui, jadis jetaient l'épouvante dans toute une ville, et laissaient dans les esprits une longue et profonde impression, semblent, par leur fréquent retour, avoir, perdu le droit d'émouvoir la multitude.
Parmi les causes de cette révolution,, la loterie, n'en doutons point, doit occuper un des premiers rangs. Des faits nombreux, que cent mille voix ont publiés, en sont la preuve irrésistible. Et qui oserait s'en étonner ! Que l'on se représente tous ces malheureux que, de piège en piège, la loterie a enfin précipités dans la misère, dévorés dé chagrins, tourmentés de remords, et qui, trop honnêtes peut-être pour tenter des ressources coupables en devenant criminels sur autrui, trouvent jusque dans une apparente vertu, le prétexte de l'être sur eux-mêmes. Que l'on se peigne Surtout un père désolé que la loterie a conduit au terme fatal où, par aucune voie, it-ne peut échapper à l'indigence qui va frapper en même temps toute sa famille, et l'on frémira du parti désespéré dans lequel la loterie peut si facilement entraîner. Aussi la voix publique- est-elle toujours prête à l'accuser de ces malheurs. Un homme s'est-il .donné la mort? interrogez le peuple : c'est la loterie qui l'a perdu, vous dira-t-il lé plus souvent. Voilà le cri général. Dès qu'on ignore la cause, c'est presque toujours la première qui s'offre à l'esprit, tant il est reconnu que ia loterie est un des principes les plus féconds dé ces événements déplorables 1 Et cependant, ce même peuple, par un étrange aveuglement que nourrissent sans cesse en lui les funestes illusions dé la loterie, va tranquillement après, comprôniettre dans ce cruel jeu, son repos, son aisance et sbn bonheur. Cette institution est tellement incompatible avec toute idée de bien, que les malheurs qu'elle enfante n'ont pas même le triste avantage de devenir jamais une leçon'utile.
Quels sont donc les titres qui parlent en faveur de la loterie ? Par quels biens, par quels a vantages peut-elle expier tant de malheurs? Quelle est du moins l'apparente utilité qui puisse lui faire pardonner cette foule de maux qu'elle traîne à sa suite? Osera-t-on dire que si'ëïle ruine un grand nombre dé joueurs, plusieurs aussi trouvent en elle leur fortune et leur bonheur? Sans doute, on peut citer un petit nombre de particuliers qui ont gagné des lots considérables ; mais cette faveur-là même, à quoi sert-elle le plus souvent? A irriter
la cupidité du joueur, à augmenter son fol espoir, à accroître son imprudentè crédulité. Dès Iors il se regardé comme appèlé à une fortune sans bornes : et qui pourrait y mettre obstacle? Sa destinée la lui promet* son étoile va infailliblement l'y conduire..... C'est ainsi que l'égaré la superstition la plus grossière, et que sa ruine, reculée de quelques instants, en devient toujours plus certaine. On assure que dans le pays où ce jeu a pris naissance, en Italie ; c'est une malédiction populaire de souhaiter un terne à ses ennemis. C'est que l'expérience a fait connaître que les lots nè sont que des présents illusoires; qu'ils sont même l'amorce la plus redoutable; que, bientôt-rentrés dans les mains de la loterie, ils entraînent avec eux le bien de l'imprudent joueur, et que par* là les faveurs de ce jeu deviennent plus cruelles encore que ses disgrâces.
Et quand les bienfaits de la loterie ne retour-" neraient pas ainsi à leur source, oserait-on célébrer les prétendus heureux qu'elle fait ? Pourrait-on ne pas gémir sur le scandale de sa faveur, sur la publique immoralité de ces dons? Et en voyant ces fortunes inopinées se précipiter tout à coup au sein de l'indigence, étourdir le pauvre, bien loin de le rendre heureux, le plonger dans le Vice et dans l'extravagance, et présenter aux yeux d'une multitude avide, des exemples perfides et corrupteurs, ne faudrait-il pas reconnaître que ces aveugles et stupides bienfaits sont eux-mêmes un des crimes de la loterie ? " L'on s'est permis de dire, on a osé imprimer que la loterie, quelle que soit sa nature, présente
F ourlant des consolations au pauvre; quelle est unique voie ouverte à une grande fortune ; que cette espérance est seule un bonheur qu'on né doit pas lui ravir ; qu'enfin la destruction de la loterie exciterait infailliblement les regrets de la multitude..! Etrange renversement de toute raison 1 La loterie ne fît-elle qu'entretenir dans là classe du peuple le désir immodéré d'une fortuné rapide, elle mériterait, par cela seul, d'être proscrite, parce que ce désir est ennemi de tout bien, ét qu'éveillant sans cesse dans l'esprit du pauvre l'idée d'une richesse imaginaire, elle renfonce à chaque instant dans son cœur le sentiment amer de sa misère. Mais il est démontré que la loterie est essentiellement vicieuse, et que, sous tous les rapports, elle corrompt le. peuple et le rend malheureux : qu'importent donc les vains regrets et les folles espérances auxquelles il s'abandonne ? Si, dans son délire, il méconnaît sés intérêts, il faut l'y rappeler malgré lui, il faut travailler à son bonheur, au risque d'essuyer ses premiers murmures ; opposer la sage prévoyance de l'avenir aux illusions du moment qui l'égarentj et conibattre avec une rigueur bienfaisante, dès désirs qui font nécessairement son malheur.
Gouverner les hommes, c'est connaître leurs Vrais besoins, et non pas obéir à leurs caprices déréglés. L'art du gouvernement ne serait-il donc plus l'expression de la raison publique, faite pour contenir les écarts de la raison des particuliers?
On craint que, si les loteries sont supprimées en France, les joueurs, toujours avides de gain et de fortune, n'aient recours aux loteries étrangères, qui par là, dit-on, s'enrichiront dë nos pertes.
Que ces craintes sont futiles ! qui ne voit qu'après avoir prononcé la destruction des loteries nationales, le législateur, libre alors de s'expliquer sévèrement sur la perversité de ce jeu, se hâtera de purger ses Etats de tous débitants de billets étrangers et de leurs complices? Quelle
ressource restera-t-il donc à l'avidité des joueurs ? d'envoyer leur argent dans le pays étranger? Sans doute on né pensera pas que le peuple entretienne de pareilles correspondances, et c'est surtout le peuple pour qui la loterie est un grand fléau. Quant aux autres joueurs, une défense sévère faite à tout banquier de prêter son ministère pour ce jeu réprouvé, les mettra dans l'impossibilité de s'y livrer;-mais cette précaution-là, mçme, sera à peiné nécessaire; et lorsque la cause véritable n'existera plùs, on ne doit pas craindre de voir s'opérer, en faveur de la loterie, ce miracle politique, que l'effet subsiste toujours. Qu'il faut peu connaître la nature de l'homme, pour ne pas sentir que la. passion de la loterie tient essentiellement aux agents qu'on emploie pour le séduire; qu'elle ne captive avec tant d'empire! l'imagination, que parce qu'elle parle continuellement aux sens!.... Que l'on se hâte donc de fermer ces bureaux nombreux, toujours ouverts, toujours affamés; qu'il soit défendu d'étaler tout cet appareil de billets préparés, dé roues de fortuné, ces inscriptions décevantes, ces rubans enlacés, prétendue livrée de l'espérance et du bonheur ; qu'on renvoie, ces crieurs publics, dont le langage absurde distrait tous les citoyens ; que tous ces prestiges disparaissent ; que toutes ces ruses s'anéantissent, et l'imagination laissée à elle seule, s'apaisera bien vite ; et l'ardeur la plus effrénée se dissipera avec les illusions qui l'entretiennent.
Ainsi tombent tous les raisonnements, tous les vains prétextes dont on a voulu pallier les vices de cette institution. Il faut, sans doute, puisqu'elle subsiste encore malgré tant de titres de proscription, il faut que des motifs d'un autre ordre l'aient protégée jusqu'à ce jour ; il faut que l'on se soit laissé éblouir par l'espèce de profit qui semble en résulter, et qu'on ait été effrayé surtout par la difficulté de remplacer ce profit apparent.
Il est pénible de descendre dans la discussion de pareils motifs, après avoir montré l'influence de 1a loterie sur les m£urs, la fortune et le bonheur de tant de citoyens ; mais il importe de dissiper entièrement cette dernière illusion, en réduisant à. sa juste valeur ce prétendu bénéfice.
Les loteries produisent au Trésor royal environ 9 millions. La recette est beaucoup plus considérable, et s'élève au moins à 12; mais les frais de toute espèce sont énormes, et absorbent plus d'un quart de cette recette. 11 y a plus : les loteries nationales elles-mêmes ne reçoivent pas toutes les mises pour leur compte. On sait qu'il existe dans les pays étrangers plus de vingt loteries qui entretiennent des distributeurs de leurs billets à Paris, et lèvent ainsi tous les mois un tribut sur la natiori, en promettant de payer les chances un peu plus cher que ne fait la loterie royale. Ce sont de nouvelles sources de misère et dè corruption; jst l'Etat n'en sera délivré qu'au moment où sera anéantie la loterie royale de France, qui protège à son insu tous ces désordres. -
Pour opérer une recette de 9 millions, il faut donc d'abord que le public ait perdu 12 millions; et en n'évaluant qu'à 3 millions par. an ce qui est enlevé par les loteries étrangères, ou même par des particuliers qui jouent sous lè manteau de la lpterie royale (évaluation sans doute bien modérée, il résulte plus de. 15 millions de perte annuelle, perte entièrement incalculable dans sa progres-sïori physique et ses conséquences morales, et qui est sacrifiée, contre toute raison, à 9 millions de revenu pour le Trésor royal... A 9 millions de revenu!....Non, je ne crains rien d'affirmer que ce
revenu n'est point un bénéfice réel; qu'il est entièrement fictif et illusoire, et que là perte de l'aisance générale et du bonheur public est la seule réalité que présente la loterie. Tout est chimérique ou stérile dans ce funeste établissement, depuis les illusions du joueur, jusqu'au produit du bénéfice pour le fisc. Qui pourra . calculer les non-valeurs de toute espèce qu'opère la loterie? Combien de millions sont détruits par ces 9 millions? Combien de branches de revenu public sont desséchées? Combien de richesses véritables sont taries dans leur source, .et par les vices qu'engendre ce fléau, et par la stérilité dont il frappe tout ce qu'il touche? Qu'au lieu d'être dissipés par le peuple, et enlevés par les étran-
fers, les 15 millions qui ont produit en apparence millions au Trésor de l'Etat, soient employés, d'une part, à augmenter les consommations journalières des citoyens;de l'autre, à accroître leurs facultés et leur industrie', n'est-il pas sensible que, de cette nouvelle et légitime destination, le Trésor public lui-même doit s'enrichir ? N'est-il pas incontestable qu'il doit en résulter d'abord une augmentation de revenu public en raison d'une plus grande consommation et puis un fonds de richesse nationale toujours croissant par l'industrie du peuple dont l'aisance laborieuse entretient tous les canaux de la fortune publique? 11 faut se reporter sans cesse à Cet axiome éternel de toute constitution, que la richesse d'un Etat s'identifie sous Jtous ses rapports avec celle des citoyens; que l'une et l'autre n'est que l'excès des produits sur les consommations; que l'une se compense nécessairement par l'autre ; qu'elle ne peut même avoir d'autre principe,d'autre source; et que par conséquent^ tout ce qui ruine les peuples, appauvrit aussi îe Trésor public.
C'est donc bien faussement que Ion a regardé comme un revenu véritable les neuf millions de la loterie, fruits malheureux de tant de ruines et de désastres : et ce revenu, quand il serait aussi réel qu'il est illusoire, pourrait-il être conservé? Ne sera-ce pas un principe inviolable pour les représentants de la nation, que, s'il est nécessaire de réduire considérablement le déficit, par la suppression de toute dépense inutile, il est d'une justice non moins exacte de l'accroître sur certains points, par la proscription de toute recette illégitime ? Et en fut-il jamais de plus illégitime, que celle qui provient de la loterie ? En fut-il de plus féconde en calamités? Au prix de neuf millions, arrachés à la misère par les moyens les plus honteux et les plus profondément injustes, que voit-on én effet tous les ans? Des races éteintes; les hôpitaux, les prisons peuplés de nouvelles victimes ; le peuple découragé, corrompu, appauvri; des milliers de citoyens dépravés par la cupidité, égarés par des illusions, aimant mieux rêver leur fortune que s'occuper des moyens de la faire ; les uns perdant dans de vains calculs leur intelligence et leur raison; d'autres livrés tour à tour à des angoisses cruelles, à des désirs criminels : les banqueroutes se déclarent ; les suicides se commettent : les crimes se succèdent..... Qui osera penser que neuf millions, même véritables, mais provenant d'une source aussi corrompue, puissent racheter tant de malheurs aux yeux de la nation assemblée ? ^ Ces raisons qui sollicitent avec force la proscription de la loterie, ces raisons que consacrent les vœux les plus purs de la nation, et que nous n'avons fait que recueillir au sein dé l'opinion générale, nous ont paru, dans leur rapprochement, pouvoir être offertes au public. Nous avons
pensé que le développement de ces idées, quelque imparfait qu'il soit, pourrait peut-être concourir à accélérer la ruine de ce funeste établissement : car en appelant de plus en plus l'attention publique sur les maux dont il est la source ; en mettant sous les regards de tous les citoyens ses dangers et ses ravages ; en les pénétrant de son injustice et de son immoralité, non-seulement on détruit l'illusion qui en est le premier soutien, mais on peut même espérer d'accroître et d'affermir à tel point dans les esprits la juste indignation qu'il inspire, que chacun soit prêt à s imposer des sacrifices, s'ils sont nécessaires, pour être délivré à jamais de ce fléau, qui trop longtemps a fait le malheur de la nation.
Réflexions sur l'établissement des milices nationales par M. le comte de Custine (I),
Sans doute il faut des milices nationales à la France ; il est de même incontestable que l'établissement antique de ces moyens de défense donnés au royaume depuis longtemps, était devenu abusif, par la classe immense de citoyens qui s'étaient soustraits à cette charge; tous doivent y être assujettis, puisque tous ont un égal intérêt à la défense commune.
11 suit de cette vérité nationale, que depuis l'âge de dix-huit jusqu'à quarante-huit ans, tout homme se doit à la défense de son pays, s'il est attaqué, ou enfin doit coopérer à la gloire de ses armes, s'il est obligé 4e les porter chez des nations devenues ennemies.
Il suit encore de cette vérité, que celui qui a un autre état que le service militaire, n'en est pas moins obligé de se faire remplacer dans ce service actif, si le sort vient à l'appeler à la défense de son pays.
On doit, encore conclure que la seule manière d'être appelé à cet état chez les Français, doit être le sort : une nation naturellement valeureuse, aimant sa liberté, toujours prête à la défendre, ne peut être appelée à ce noble emploi que par l'effet du sort ; s'il en était autrement, tous prétendraient au même honneur ; et cependant il doit rester à toutes les classes de la société, des hommes employés à en remplir les devoirs. La justice qui présiderait au tirage des milices, où un homme par famille, y compris les domestiques, se présenterait le jour indiqué pour le tirage qui se ferait dans l'assemblée du district, ne laisser rait aucun soupçon sur la manière dont se formerait cette opération.
Tout père de famille qui n'aurait point un garçon de dix-huit ans, serait dispensé du tirage, à moins qu'il n'eût plusieurs domestiques : alors l'un d'eux y serait assujetti. Personne ne pourrait se soustraire à cette loi.
11 n'est pas moins certain que les biens de tous les individus ne doivent être également grevés des charges pécuniaires auxquelles nécessite cet établissement.
C'est ici le moment de placer une considération qu'il faut peser. Si la France n'était point un Etat si vaste, parvenu à un si haut degré de richesse, qui, par là, doit exciter la jalousie et la cupidité de ses voisins ; si trois puissances de l'Europe n'avaient point, à elles seules, plus de neuf cent mille hommes en armes, qui peuvent être remplacés par huit millions d'individus classés à cet effet ; si le militaire de ces puissances, toujours actif, toujours formé, n'acquérait pas sans cesse un degré d'instruction qui ne permet plus à la valeur même de lutter sans science contre elle ; les milices nationales devraient sans doute être le seul militaire connu parmi nous aujourd'hui.
Mais il est certain que le grand art de la guerre a fait trop de progrès, pour qu'un tel ordre de choses puisse avoir lieu; il ne l'est pas moins que douze mille hommes de troupes, au point d'instruction de celles de Frédéric, ne puissent détruire les armées les plus nombreuses, constituées comme cellesqué formeraientces milices (1); il est cependant possible d'adopter une formation dans laquelle des milices puissent être encadrées de manière à leur donner la science militaire, en l'alliant à l'avantage incalculable d'avoir une armée de citoyens:
Sans cette qualité donnée à l'armée, tôt ou tard, dans des mains habiles, elle fournirait au despotisme des moyens auxquels ne pourrait résister l'inexpérience des milices des municipalités, si on les séparait du militaire actif.
Cette milice citoyenne, encadrée dans la constitution militaire, qui en formerait environ les deux tiers, ne servirait que six semaines chaque année, dans les temps morts pour les travaux des villes, et quand la culture peut se passer d'une multitude de bras superflus (2).
J'ai toujours pensé que ce moyen était le seul qui pût s'allier avec la liberté d'une nation, qui, pour sa défense, est forcée d'avoir un nombreux militaire. Oui, tout peuple dont les faibles bras se refusent à porter les armes peur la défense de ses foyers, le maintien de sa liberté, mérite les fers qui lui sont réservés, et qu'il portera inévitablement.
Dans le court espace de six semaines, que chaque année, ies milices nationales se trouveront fondues dans l'armée, exercées deux fois par jour, occupées du soin et de l'entretien de leurs armes, il ne leur restera pas le temps de contracter les vicés de l'oisiveté, qui corrompent le militaire dans les grandes villes ; il ne s'agit que de simplifier assez l'instruction du soldat, pour que ce court espace suffise chaque année au
maintien de ce qu'il est strictement nécessaire qu'il sache.
La prémière année où joindrait un militaire tiré des milices nationales dans l'infanterie, sa présence serait de trois mois; et dans la cavalerie, de quatre.
Il faut que les milices soient indistinctement composées des habitants des villes et des campagnes, seul moyen de réunir les différentes classes de citoyens qui, par leur séparation, jointe aux rivalités et à la différence de leurs intérêts, seraient bientôt ennemis, et ces divisions amène*-raient le retour de ce gouvernement vicieux, que nous venons à peine de détruire.
L'établissement des milices bourgeoises dans les villes, formé d'une manière permanente, nécessiterait un semblable établissement dans les municipalités des bourgs et des villages.
Examinons maintenant si les milices dè ces municipalités, toujours formées, rempliraient le but qu'on se propose : ce, but est sans douté d'empêcher le citoyen qui s'oppose à l'exécution de la loi, d'en engourdir l'effet, pour y substituer la violence, le brigandage, ou les désordres partiels.
L'établissement des milices bourgeoises, formé par les municipalités des villes, pourra, sans doute, empêcher dans leurs enceintes, les désordres occasionnés par quelques citoyens de la dernière classe du peuple, arrêter aussi les discussions qui pourraient s'élever sur les marchés, ou enfin les désordres ou les vols commis par quelques particuliers isolés ; mais qu'une ville entière veuille, par exemple, se «soustraire à un droit d'octroi, d'entrée, ou autre, qui forment une partie du revenu de la couronne, intercepter le passage des grains, qu'elle veuille refuser le logement des gens de guerre, et tant d'autres prestations auxquelles forcent les circonstances ; qui pourra la contraindre au payement des droits, à se soumettre à ces prestations? Emploiera-t-on à cet effet, au nom de la loi, les municipalités des villes voisines; dès lors l'on fera naître les rivalités, les inimitiés entre les villes ; dès lors s'établira le désir des représailles. Que cet état de division ait lieu dans un instant de crise qu'en résulterait-il? Que la puissance exécutrice, ayant perdu tous moyens de se faire respecter au-dedans pendant le calme, sera forcée de voir, sans s'y opposer, les cités-s'entourer de murs élevés pour se garantir des représailles des cités voisines (1). >
Que l'on ne croie pas que cet état de choses est chimérique : un seul citoyen dans une ville, avec un sang effervescent, une tête exaltée, une élocution facile, pourra, à lui seul, l'établir; cet ordre de choses est moins loin que l'on ne pense.;
Les villes en armes verront-elles tranquillement le prix des denrées des cultivateurs, prendre le degré d'accroissement que leur marquera tout naturellement l'augmentation du numéraire , et par conséquent l'avilissement de sa valeur; bientôt on arrivera à vouloir taxer, dans les villes, le prix du fruit du travail du laboureur.
Examinons à présent, dans ce nouvel ordre de
choses, quel moyen il restera à la puissance exécutrice pour se faire respecter dans les campagnes.
Qui dissipera les attroupements de brigands ?
Qui contraindra au payement des droits dus à la nation, pour fournir au payement des intérêts et des capitaux de la dette nationale, à ['entretien de la force publique? En cas de refus dans les montagnes du Vivarais et du Gévaudan (par exemple) sera-ce la maréchaussée qui y contraindra ? Je demande aux représentants de province, s'ils pensent qu'elle puisse être employée avec succès. Tout officier qui a été en quartier dans ce pays, sait que les impositions ne se payent dans les fermes isolées, que lorsqu'un militaire les vient demander ; c'est ce qui s'appelle la contrainte, dont le nom peut effrayer la philosophie moderne, mais dont la réalité n'est nullement redoutée dans ces pays; l'on prend dans lès corps les hommes les plus sages; pour leur donner cette commission que n'oseraient remplir les cavaliers de la maréchaussée, et pourquoi le militaire peut-il s'en acquitter, sans y employer ni force ni violence ? C'est que les habitants savent qu'un militaire qu'ils repousseraient, serait remplacé par dix autres.
Leur substituerait-on les milices des villes; dès lors on établirait un état de guerre entre les villes et les campagnes. Seraient-ce les municipalités des campagnes qui, se formant elles-mêmes en milices armées, réprimeraient le brigandage, arrêteraient les voleurs et les assassins, seraient chargées de faire rentrer les revenus publics ? Après avoir armé les villes, on armerait les campagnes : que naîtrait-il de semblables dispositions ? Que le royaume serait sans cesse dans un état de guerre qui, après quelques années, ne pourrait manquer d'amener l'ignorance, que cet état de guerre serait soutenu par le désir si naturel à l'homme, de jouer un rôle, de commander aux autres.
Par rétablissement d'un- ordre de choses que l'expérience démontrera avoir tant d'inconvénients que les réflexions seules doivent présenter à l'homme qui consulte sa raison, l'on en viendrait à vouloir que l'on ne se servît jamais du militaire, ou à être juge dans chaque province, des circonstances où on devrait l'employer. Quand l'autorité exécutrice a besoin d'être soutenue pour faire observer la loi au citoyen, ne pas vouloir se servir du militaire, serait, sans doute, dire au soldat qu'il n'est pas citoyen lui-même. Quels instants choisirait-on pour lui faire cette mortelle injure? Celui où tous les corps militaires se sont refusés à servir le despotismè ministériel, accrédité par des préjugés invétérés, que notre seule résistance a pu détruire; ce serait dans l'instant où les préjugés ensevelis dans l'oubli avec leurs fauteurs, couverts comme eux du mépris public; ce serait, dis-je, dans cet instant, que nous sanctionnerions par une loi, que nous regardons le militaire comme formant une caste séparée de la société !
Ne prévoit-on pas que cette caste, que l'on séparerait de l'ordre des citoyens, serait, dans des mains habiles, daus celles d'un roi guerrier qui l'aurait commandée contre les ennemis de l'Etat, serait, dis-je, le moyen le plus sûr de replonger la nation dans les fers d'où elle sort à peine ?
Ne serait-elle pas un moyen, dans un temps de régence, pour diviser la monarchie?
N'est-ce pas la division des intérêts qui a commencé le régime féodal ? Les villes armées, en guerre les unes contre les autres, les campagnes
dévastées par les combattants qui ne respiraient plus que de brigandage, n'ont-elles point sollicité l'appui de l'homme riche et puissant, qui pouvait les garantir? n'ont-elles pas consenti à des prestations, pour obtenir leur protection ? n'est-ce pas l'origine de la plupart des droits féodaux qui existent encore aujourd'hui? n'est-ce pas même l'origine des droits de servitude ? Dans les terres dépeuplées, dévastées par les guerres dégénérées en brigandage, les seigneurs auxquels il ne restait plus de vassaux, ont cédé la culture avec la propriété de leurs terres à la condition des droits de servitude, qu'ils ont imposés aux colons, auxquels ils les distribuaient.
A peine sortis de ce régime odieux, sous lequel si longtemps à gémi l'humanité, les premiers pas de la nation la plus éclairée du monde, vers la liberté, seraient-ils marqués par un établissement qui devrait ramener l'esclavage et serait-il donné à l'esprit humain de ne pouvoir sortir d'un cercle d'erreur, au-dessus duquel l'Assemblée nationale même ne pourra s'élever ?
J'ai entendu énoncer bien des raisons pour appuyer l'établissement des milices des municipalités; mais, en Suisse, pays le plus libre (1) et le plus heureux de la terre, il n'existe pas une autre force publique, et cependant ce pays jouit de sa liberté, et sa défense est assurée.
Jamais il n'a été fait une Comparaison plus fausse, sous tous les rapports, que celle de la situation de la Suisse à celle de la France sur ce point.
D'abord la Suisse n'a pas d'autre force publique que celle de ses milices ; en France, il y aurait un militaire, quelque peu nombreux qu'il fût, à qui l'on aurait dit : par l'établissement des mi-.lices nationales, vous êtes une caste séparée dans l'Etat, comme je l'ai déjà dit ; vous n'êtes pas des citoyens; cette caste, dans une longue guerre faite, hors de nos foyers, devenue nombreuse par la nécessité, aguerrie par les dangers, enorgueillie par les victoires, humiliée de ne pas être citoyenne, méprisant ceux qui lui refuseraient ce titre, serait le plus puissant, le plus sûr instrument de l'esclavage de la nation, dans les mains d'un roi guerrier.
Pouvons-nous nous flatter de n'avoir plus de guerre? Placés au centre de l'Europe, sur un sol riche, sous un ciel tempéré, dans un pays heureux, objet de la jalousie et de l'envie de toutes les puissances voisines, pouvons-nous l'espérer ? La Suisse, au contraire, formée de hautes montagnes , dont un grand nombre sont arides, n'excite l'envie d'aucun de ses voisins, ses citoyens servent dans tout l'univers, retournent, après quelques années, dans leur stérile patrie, y rapportent la science militaire de toutes les grandes puissances de l'Europe, y joignent la valeur et l'expérience. Les citoyens français iront-ils servir dans toute la terre? Que deviendra chez nous l'art militaire, encore dans l'enfance? Bientôt ! bientôt je le prédis, si un tel système est adopté, que la force de cet empire soit fondée sur des milices municipales, la France sera conquise et esclave,
si son chef suprême n'est point militaire, ét s'il le devient, 30 années ne s'écouleront pas saus qu'il ait, dans ses mains, le moyen le plus sûr de l'esclavage de la nation. Gardez-vous bien,Français, de séparer l'armée de l'ordre descitoyens.il faut que vos milices soient fondues, tous les ans, dans la composition de votre armée; qu'au bout de six semaines, elles rentrent dans l'ordre des citoyens,que dans cette association il se forme une réunion entre les habitants des villes et ceux des campagnes ; sans cela, deux fléaux : l'anarchie ou l'esclavage : l'un vous menace, et peut-être les verrez-vous fondre l'un et l'autre sur la France.
Paris et Lyon, ces deux grandes cités dont la nombreuse population, les manufactures, les divers établissements qu'elles renferment, ne peuvent permettre à une force militaire, de conserver l'esprit d'ordre qui seul lui donne une valeur réelle, doivent chacune avoir un guet assez nombreux pour y maintenir la police, et une milice bourgeoise désignée pour leur sûreté, avec un arsenal pour l'armer ; elle peut être utile dans quelques circonstances.
Lyon, enrichi par une manufacture immense, dont le commerce ne peut prendre qu'un grand accroissement sous le régime d'une liberté bien ordonnée, est placée au débouché de la Savoie, dans une partie du royaume ouverte, destituée, dans ses environs, d'établissements militaires ; il n'en est pas même en nombre suffisant dans les provinces voisines, pour défendre cette partie du royaume, en- cas d'invasion ; sa milice peut, dans un instant de guerre contre une puissance d'Allemagne, alliée au roi de Sardaigne, être employée utilement, en lui faisant occuper une position reconnue à la rive gauche du Rhône : en y joignant quelques troupes réglées , l'on garantirait d'une invasion cette partie si riche de ia France.
Les milices de Paris peuvent avoir un autre ob-jet d'utilité, celui de veiller à perpétuité à la liberté de l'Assemblée nationale, que vous pourriez régler ne pouvoir être convoquée qu'à Paris ou à Versailles; celui enfin, de faire, respecter les lois dans un temps de régence : elles seront toujours sans inconvénient pour la liberté du royaume, puisqu'il est si facile de.faire rentrer dans le devoir une ville qui a besoin d'approvisionnements aussi immenses, et qui, par cette seule raison, ne peut former aucune tentative contraire au bien général. Il serait facile au reste du royaume, contre qui elle serait dirigée, de faire avorter ses plans ;. d'ailleurs le caractère naturellement doux des habitants de cette grande, cité, leur dévouement et leur attachement au sang des rois qui régnent sur eux depuis tant de siècles, doit ôter toute crainte sur une insurrection de la part de cette capitale de l'empire français. Dans lé reste du royaume, je n'hésite pas à le dire, l'établissement des milices serait dangereux.
Serait ce en divisant sa force, en la répandant dans les villes et les provinces, en les mettant en opposition au sein même de la paix, que ce vaste empire arriverait au degré de force et de puissance que la nature lui a destiné et que les seules erreurs d'un régi me nouveau et vicieux pourraient anéantir?
La France peut aujourd'hui devenir le premier Empire du monde, mais c'est en se réunissant, pour n'avoir qu'une seule autorité exécutrice, un seul crédit, un crédit national, une seule force, une force nationale ; en apprenant à ceux qui la Composent, que leur premier titre est d'être citoyens; en formant les ressorts de cette organisa-
tion de telle manière, que les deux tiers, ou au moins la moitié de ce qui la composera, soient citoyens les cinq sixièmes de l'année.
Bn ayant qu'une seule loi de constitution, une loi nationale, qui, gravée dans les cœurs français les pénètre de cette vérité, que l'autorité de la loi est la première de toutes, que tous les agents du pouvoir exécutif soient responsables, par la loi même, de l'emploi qu'ils en auront fait, mais qu'ils ne soient responsables qu'au nom de la loi.
Après avoir démontré combien il est instant de détruire les milices des municipalités, il ne s'agit plus que de développer les moyens que je propose, la manière deles lier à la constitution militaire que l'on doit donner au royaume, et qu'il est si nécessaire de fonder sur des bases solides, quand il existe surtout dans l'empire seul deux puissances militaires, dont les armées sont fondées de manière à être indestructibles, et que ces armées se montent, prises collectivement, à 460,000 hommes de troupes de campagne , sans compter les troupes irrégulières, celles de garnison et les régiments d'invalides.
Ces troupes ne sont point, comme les nôtres, composées d'enfants de seize ans, faibles, et peu propres à porter les armes, qui au milieu des campagnes pénibles par les marches, telles que sont les campagnes d'Allemagne, surchargent les hôpitaux, sont la ruine des armées, et n'y forment qu'embarras. Dans l'armée impériale, il n'est pas un seul soldat au-dessous de l'âgé de dix-huit ans, et dans l'armée prussienne, un seul qui en ait moins de vingt. Le complet de ces troupes ne se compte que d'après ce qui est sous les armes, rang et file ; tandis que dans l'armée française, le complet de faibles bataillons, formés d'hommes imberbes, est composé, des congés expirés, des congés limités, des hôpitaux, des déserteurs non contumaces : j'avouerai que ce n'a jamais été sans une vive douleur que j'ai vu se maintenir un tel ordre de choses .
Il faut faire succéder à tant d'abus un nouvel ordre permanent et durable, qui donne à la France une constitution militaire d'une autre con-texture, et qui donne à la puissance du Roi des Français une armée telle que doit être celle de la nation la plus courageuse. Pour y réussir, il faut d'abord calculer combien la France doit conserver de régiments d'infanterie nationale; et, dans mon opinion , elle doit conserver soixante-seize régiments; en . outre quatre régiments suisses et les gardes de ce nom, ou six régiments suisses; enfin ce qui en est nécessaire pour compléter le nombre de ces troupes qui sont entretenues par les cantons, d'après les traités de la France avec ses anciens alliés.
Les Suisses sont des alliés trop précieux à conserver, pour que nous ne tenions pas à nos traités avec cette nation, qui couvre une grande frontière du royaume, qui prêté à la France une grande force dans les- guerres offensives, et lui assure un grand point de tranquillité dans les guerres défensives.
Il faut bien se garder de réformer ni officiers ni hommes des régiments suisses actuellement existants. Les hommes des régiments réformés seraient incorporés, comme, augmentation dans les régiments conservés, ainsi que les officiers qui excéderaient le nombre nécessaire pour former six bataillons de chasseurs à pied (1). Les capi-
taines et lieutenants réformés auraient demi-solde jusqu'à leur remplacement;
Quant aux autres régiments étrangers, l'on en devrait conserver cinq ou six sur le pied des troupes allemandes, et cela, selon que l'on trouverait des princes de l'empire qui voudraient se charger ae laisser recruter dans leur pays les régiments qu'ils auraient. Tels pourraient être Nassau, Resse-Darmstat, le régiment du prince de Porentruy, qui de suisse deviendrait allemand, parce que réellement il est composé, en très-grande partie, d'Allemands ; Royal-Deux-Ponts, Royal-Liégeois : quant aux autres régiments qui ne sont allemands que de nom, ils seraient incorporés dans les régiments conservés, pour en garder les hommes ; et les officiers, après cette incorporation, seraient réformés, selon leur rang d'ancienneté, les réformés conservant leur demi-paye, jusqu'à teur remplacement.
Il peut en effet y avoir un objet politique à conserver au service de la nation des régiments allemands qui, appartenant à des princes étrangers, nous fournissent des recrues de leurs sujets au moyen de légers subsides : ces régiments dans des guerres offensives faites en Allemagne, sont bientôt augmentés. chacun de deux bataillons, qui se recrutant dans l'empire, économisent des hommes à la nation, sont faciles à entretenir complets ; et par les officiers qui en commandent les compagnies, et même par ceux qui sont à la tête des régiments, l'on peut attirer au service de France l'élite des officiers des armées allemandes. Il y a autant de politique à une grande nation de se ménager de ces moyens avec sagesse, qu'il est absurde de prodiguer le nom de régiments allemands à des corps composés de Français, et commandés par des chefs devenus français, et domiciliés dans le royaume.
Les régiments suisses seraient recrutés conformément aux capitulations faites avec les cantons; et les régiments allemands, par les sujets des princes de l'empire auxquels appartiendraient ces régiments.
Car sans cette condition expresse, ces régiments mêmes ne seraient point à conserver.
Les régiments irlandais seraient incorporés dans les régiments français, et en vérité on peut dire qu'ils ne changeraient que de nom et de couleur; car ils sont d'avance naturalisés dans le pays dont les régiments les recevraient.
La réforme qui serait faite dans les régiments français, serait de cinq régiments; car celui d'Alsace, qui est totalement composé d'Alsaciens, est, à bon droit, à la nation, et devrait être conservé, comme régiment français; et le régiment duRoi, devrait compter pour déux, puisqu'ilforme à lui seul sa brigade.
Les soixante-seize régiments français exigeraient soixante-douze (I) bataillons de milices
fiortent au complet de guerre, en y arrivant, que par es hommes acclimatés des régiments qu'ils remplacent qni volontairement consentent à l'incorporation dans les régiments qui viennent les remplacer. Ce système tient
provinciales ou nationales, comme on voudrait les nommer, portant chacun un surnom, celui du régiments d'infanterie française au recrutement duquel ce bataillon serait affecté.
Chaque bataillon de cette milice serait formé de cinq compagnies, fortes chacune, en paix, de 432 fusiliers, 12 sergents dont 1 sergent-major et 1 détâilleur, 4 tambours, 2 sous-lieutenants, 1 lieutenant et 1 capitaine ; la moitié du nombre de ces 432 hommes, c'est-à-dire 216, ou 1,080 fusi-par bataillon, joindraient tous les ans pendant six semaines le régiment d'infanterie dont ils porteraient le nom, où ils seraient incorporés pendant le temps des manœuvres, et les 216 hommes, reste de la compagnie, ne serviraient qu'à compléter, en paix, par remplacement momentané, les 216 premiers hommes de chaque compagnie, qui devraient être incorporés, et qui pourraient ne pas réjoindre, pour cause de maladie. En guerre, ces 216 hommes surnuméraires formeraient les compagnies du bataillon de recrues de chaque régiment; ces bataillons seraient employés à former au besoin les garnisons des villes frontières.
On s'étonne sans doute, de voir des compagnies (1) et des bataillons d'une aussi grande force que ceux que je propose ; mais une longue expérience m'a appris que les bataillons, les compagnies de la faiblesse de celles qui existent aujourd'hui, sont dans un instant fondus, après des marches réitérées. Il y a un proverbe, bien trivial sans doute, mais qui n'est arrivé jusqu'à nous, que par la grande vérité qu'il renferme : Dieu, dit ce proverbe, est toujours du côté des gros bataillons. Et pourquoi? C'est que les forts bataillons se soutiennent, et que les petits se fondent ; les nombreux bataillons, de l'exiguïté des bataillons français disparaissent en très-peu de temps par les maladies. J'ai vu bien souvent en Amérique, des bataillons de 150 hommes sous les armes.
En outre des soixante-douze bataillons qu seraient formés par toutes les milices de toutes les provinces du circuit du royaume, de manière que les hommes qui les composent ne seront pas à plus de quarante ou quarante-cinq lieues communes de France, ou cinquante lieues de poste, des régiments dans lesquels ils; devraient être incorporés, en outre de ces bataillons, dis-je, ceux des milices des provinces centrales, dans les pays de montagnes, pourraient être affectés au complément dés bataillons de chasseurs que l'on placerait dans ces provinces et dans les pays de plaines, formeraient des bataillons de pionniers, qui y seraient assemblés six semaines chaque
année, pour être instruits à ouvrir des routes, faire des chemins de colonne et enfin recevraient les leçons de tous les travaux qui doivent leur être familiers; à la guerre, ils seraient employés avec les états-majors de l'armée.
Je ne pousserai pas plus loin les détails de cette composition, ils suffisent pour faire entendre à l'homme qui a quelques idées militaires, le mécanisme de cette organisation. Porter plus loin ces détails, m'entraînerait dans le plan d'une constitution militaire que j'ai conçu depuis plusieurs années, dont j'ai préparé et disposé un grand nombre de matériaux; mais comme ces idées liées et enchaînées ne peuvent s'adopter les unes indépendantes des autres, que j'en ai fait la triste expérience du vivant du conseil de la guerre, qui avait morcelé, défiguré plusieurs de mes idées, à tel point que je les méconnaissais moi-même, je m'abstiendrai de les produire aujourd'hui, peut-être qu'un jour, pour remplir les instants de mes loisirs, pour l'utilité de ceux qui me succéderont, donnerai-je un corps et un ensemble à ces mémoires, qui commencent par les plus petits détails, et finissent par ces mouvements de grand ensemble, qui amènent le succès des armées, assurent la force des empires.
Je n'ai pas encore trouvé le temps de mettre la dernière main à. des mémoires qui appuient une multitude de plans de champs dé bataille de l'immortel Frédéric (1), qui marchant sur les traces des Gustave,des Turen ne et des Luxembourg, est devenu le maître du grand art delà guerre, que ses généraux, que lui-même ont pratiqué avec tant de succès.
Je revieùs à mon sujet.
Pour atteindre un but aussi désirable que celui d'établir une constitution militaire, dans un Etat comme la France, destiné par sa position et sa puissance à jouer le premier rôle en Europe, avec les énormes militaires qui se sont élevés dans le nord dé cette partie du monde, qui dans un moment peuvent s'approcher de ses frontières-(avec le seul projet apparent de s'attaquer réciproquement) et terminer des querelles qui ne seraient que feintes, par porter sur le Rhin et en Flandre, des armées dont la destination réelle serait d'attaquer la France ; dans cette position, malgré la barrière des places qui assurent la frontière, elle doit avoir une armée au moins égale à celle de l'Empereur; une telle armée serait sa ruine, si l'on ne lui donnait la plus grande solidité, la facilité de se renouveler, en la rendant telle que celles des grandes puissances dont on vient de parler, c'est-à-dire, indestructible par la solidité et la simplicité de sa
formation, la facilité de la renouveler par des moyens qui ne dépendent point de la fluctuation de l'opinion, qui ne tendent point à composer l'armée dans un moment de crise, de la dernière classe de la nation : ce seraient de mauvais défenseurs à se donner; par des moyens enfin fondés sur l'antique constitution de la monarchie, conformes à ses lois, à l'esprit d'une nation valeureuse, esprit qu'il faut bien se garder d'éloigner, auquel on n'a donné que trop d'atteinte à la paix de 1763, par l'anéantissement des milices, dont le rétablissement a produit presque aussi mauvais effet que celui qui aurait pu résulter d'un établissement nouveau de ce genre.
Pour adopter ces moyens de constitution que j'ai esquissés; il faut que les moyens d'instruction de détail des hommes, ceux du mécanisme des grands mouvements soient si simplifiés. qu'en ne tenant la plus grande partie des corps assemblés qu'un aussi court espace que celui de deux mois au plus, ils aient cependant un parfait ensemble; qu'enfin, par la formation militaire, l'individu qui y perd sa santé, puisse encore être utile à son pays, sans lui devenir à charge ; que tous les régiments de campagne soient composés de manière à n'y trouver que des hommes sains et vigoureux, en état de bien servir leur' pays, sans surcharger les hôpitaux par des hommes qile la faiblesse de l'âge ou de la constitution, rend incapables de soutenir les fatigues d'une guerre de campagne : c'est là le but que doit atteindre une constitution militaire : si elle le manque, elle est vicieuse, mais ce succès ne peut être que le fruit d'un système lié dans toutes ses parties, dont il ne faut pas rompre la chaîne. Cette constitution doit être telle encore , que les hommes employés aux différents services militaires aient la taillé et la force nécessaires pour y bien remplir le service auquel ils sont appelés. Or, je demande si la constitution actuelle atteint ce but. Les plus grands hommes, hors de proportion; relativement à la taille commune de la nation, sont destinés à surcharger, à estropier, à mettre hors de service, au milieu d'une campagne, les chevaux de la plus petite espèce qui soient dans la cavalerie (je parle de ceux des dragons et des chasseurs à cheval). Les hommes destinés au service de l'artillerie, aux compagnies de mineurs, sont de même de là plus haute taille de la nation, et l'on donne pour motifs de dispositions aussi contraires à la droite raison, qui semble indiquer que la taille des hommes, dans ces Corps, doit être, savoir : dans les premiers, de trois à cinq pouces, dans les seconds, tîé deux à quatre pouces, mais bien proportionnés, bien carrés , bien muscuieux; on donne, dis-je,' pour motif de semblables dispositions, que de grands hommes ont plus de facilité à manier des leviers et à mouvoir de grands poids. Je demande si cette facilité n'est pas démentie par la réflexion, si,enfin les hommes composant l'artillerie des trois puissances de l'Europe les plus formidables, dont la moins armée a dix mille hommes drartillerie, ne meuvent pas les mêmes poids que l'artillerie française. Il est vrai qu'elle y réussit avec des moyens beaucoup moins parfaits que ceux de cette artillerie; cependant, dans les corps de ces trois puissances, il n'y a pas un homme au-dessus de quatre pouces. Trouvera-tron une raison pour prouver la nécessité que les mineurs soient composés de même ?
Certains régiments de cavalerie ont aussi des hommes d'une taille aussi colossale.
L'industrie plus généralement répandue an-
jourd'hui dans le royaume, les manufactures augmentées, l'agriculture, la navigation accrues, ont rendu les hommes d'autant plus rares, que la poputation n'est point augmentée en proportion de cet accroissement. La grande rareté d'hommes augmentée aussi par l'esprit de légèreté qui a accru la désertion, le défaut d'emploi des bons et vrais moyens pour l'empêcher, toutes ces raisons réunies ont rendu les hommes si difficiles à trouver, surtout de l'espèce dont on les veut, qu'il est impossible aujourd'hui de recruter les troupes.
La concurrence qu'ont établie les moyens employés par différents corps, l'enchère qu'ils ont mise sur le commerce d'hommes, rendent les moyens de recruter plus difficiles encore. La seule façon dé parer à tant d'inconvénients, est, .après avoir établi des garnisons stables dans l'armée, de charger la seule infanterie de la recruter en établissant, pour premier principe, que les mêmes régiments d'infanterie recruteront toujours les mêmes régiments de cavalerie ; les mêmes régiments de dragons ou de chasseurs à cheval, les mêmes régiments de hussards ; que les mêmes régiments d'infanterie recruteront de même les mêmes régiments d'artillerie, en sorte que chaque régiment d'infanterie de l'armée, ait à recruter un égal nombre d'escadrons de cavalerie, de dragons, de chasseurs ou de hussards, et encore un égal nombre de compagnies d'artillerie.
Pour établir cette proposition d'une manière plus claire, je vais poser les bases de la composition que je croirai la meilleure.
Soixante et douze escadrons de cuirassiers français, de deux cent quatre hommes en guerre, recrutés par soixante et douze régiments d'infanterie française, en exceptant quatre régiments hors du royaume, quatre ou six suisses, cinq ou six allemands.
Ce nombre de régiments fournirait chacun deux escadrons de dragons ou de chasseurs à cheval (1) de même qu'une compagnie d'artillerie ou de mineurs. La taille des hommes destinés à la cavalerie serait de quntre à cinq pouces pour l'homme qui grandit, et de quatre à six pour celui qui a pris sa taille.
Pour les dragons et les chasseurs, de deux pouces et demi à quatre pouces pour l'homme qui grandit, et de trois à cinq pour celui qui a pris sa taille.
Pour l'artillerie de deux à trois pour l'homme qui grandit, et de deux pouces et demi, à quatre pour celui qui a pris sa taille.
Alors l'infanterie, composant les grenadiers d'hommes de quatre pouces, bien nerveux, construits dans de fortes proportions, n'auraient dans les compagnies de fusiliers que des hommes d'une taille assez élevée : son pas pourrait être allongé.
Ce sont là les qualités nécessaires aux hommes qui composent ies différentes armes dont le militaire est formé.
Tous les hommes qui seraient fournis pour recrue à'ces différents corps par l'infanterie, seraient choisis parmi les recrues de l'année ou de l'année précédente au plus; ils devraient être domiciliés, reconnus bons sujets, point estropiés, et avoir la volonté de servir dans la cavalerie, volonté qui presque toujours existe dans les hommes de recrue : la preuve de cette assertion se trouve, dans la plus grande facilité avec laquelle les régiments de troupes à cheval parviennent à se compléter. Tout homme qui n'aurait point ces qualités, serait renvoyé au régiment dont il aurait été tiré ; les frais ae son envoi et de son renvoi seraient payés par le commandant du régiment, le major et le commandant de la compagnie dont il serait sorti.
Ûn moyen de ce genre consacré par un décret, obvierait à tous abus de choix : d'ailleurs, les régiments d'infanterie bien instruits, qu'à mesure que les hommes qu'ils auraient fournis dans les escadrons de cavalerie, dragons, chasseurs à cheval ou compagnie d'artillerie, seraient à leur charge pour les remplacer, ne se mettraient jamais dans le cas de multiplier ces remplacements.
Pour établir cet ordre de choses, il faudrait commencer par fixer l'âge des recrues à dix-huit ans, les engagements à dix années, et que l'on ne pût obtenir la marque de. la vétérance qu'au bout de trois engagements. L'on dira sans doute : Mais aujourd'hui l'on ne peut parvenir à recruter les troupes ; en augmentant l'âge auquel on peut entrer au service, la longueur des engagements, on multiplie encore les difficultés du recrutement. Et moi je répondrai : Que l'on ne peut pas calculer les facilités que donnera la destruction de la concurrence qu établissent les recrues de la cavalerie, celles que donneront les garnisons sédentaires, qui, après l'adoption des moyens nécessaires, la simplification de l'instruction, laisseront à l'homme qui s'engagera toujours dans le régiment le plus près de lui, la facilité de rester
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dix mois dans sa famille, chaque année ; car il ne faut conserver sur les fusiliers de chaque compagnie que cinquante .hommes pendant dix mois dé l'année, et ces cinquante seront toujours composés d'hommes sahgi domicile, ou de recrues ; et dans la cavalerie, pendant le même temps, dans un escadron, cinquante hommes seulement, dontles deux tiers recrues et un tiers instructeur ; tout le reste doit être, ou avec les ehevaux excédant cinquante par escadron, dans des cantonnements pendant neuf mois, ou en semestre. Mais une allégation semblable paraît de peu de valeur dans ce mémoire : pour juger de sa solidité et , de sa bonté, il faudrait connaître l'ensemble de l'ouvrage, qui, morcelé, perd toujours de sa valeur. Cet- ouvrage existe, il est le résultat de longues méditations; je me suis bien gardé d'adopter servilement les moyens des autres nations ; mais j'ai cherché à les adapter à l'esprit de la nation, aux lois du royaume.
Les villes de Paris, de Lyon, de Bordeaux, devraient être réservées seules ; elles devraient avoir des recruteurs, recevant immédiatement des ordres de préposés par les ministres de la guerre, pour les surveiller subordonnément à la police où à l'administration de ces villes ; les recrues qu'ils feraient, serviraient à compléter les régiments qui seraient en Corse, -dans les colonies, et encore ceux des régiments d'infanterie dont le travail des recrues n'aurait point eu de succès; enfin, pour achever de les complétèr, concurremment avec un bataillon de provinciaux affecté à chaque régiment d'infanterie française ; et comme ce bataillon de provinciaux aurait été choisi de la province la plus près du régiment qu'il serait chargé de recruter, que les hommes de ce bataillon qui seraient envoyés comme recrues dans Ces régiments, une fois instruits, seraient toujours renvoyés chez eux dix mois/de l'année, cette forme ne pourrait nufre aux travaux des campagnes, surtout lorsqu'on ne choisirait point aux mêmes époques, le temps d'assembler les troupes dans toutes les parties du royaume, mais que l'on prendrait pour régler ces, époques, les moments où la saison, les travaux de campagne permettent d'exercer lès troupes, sans nuire à l'agriculture, époques qui, selon moi, commenceraient :
En Flandres, au 10 d'août;-,
Dan,s les Evêchés, au 25 d'août ;
Dans les province méridionales, à la rive gauche du Rhône, au 15 de mars;
A la rive droite de la Gironde, jusqu'en Flandres, au 1er avril ; mais, comme je le répéterai encore, ces dispositions sont liées à un ensemble que l'on ne peut morceler. :
Tout homme domicilié, quoique militaire, aurait la permission de se marier au lieu de son domicile ; un nombre donné, même des hommes non domiciliés de chaque régiment, auraient la permission de se marier, et d'avoir leurs femmes à la garnison, mais ce seraient ceux-là seulement qui en auraient le droit.
Ceux qui seraient domiciliés ne pourraient avoir leurs femmes qu'au lieu de leur domicile. Tout homme renvoyé chez lui, recevrait quinze livres pour sa route de retour seulement, mais ce serait tout ce qu'il recevrait sur la paye de son absence. J'imagine bien qu'un moyen aussi vicieux que des masses établies personnellement à l'homme, .va être détruit, il ne peut avoir d'autre effet; que de libertiner le soldat à l'instant où on lui fait son décompte. Un homme au service doit être entretenu de tout, n'avoir rien à acheter,
être nourri ; mais il n'a pas besoin d'argent : combien une disposition de ce genre éviterait-elle de défectionsI L'nomme endetté déserte pour s'acquitter ; et lés décomptes le font endetter, parce qu'une fois dans un cabaret, il n'arrête jamais la dépense qu'il y fait ;1 au terme précis de l'argent qu'il a pour payer. Je n'en parle dans ce mémoire, que parce que ce serait un moyen d'éviter de multiplier les besoins de recrues.
Un homme nécessaire à la culture, qui obtiendrait le bail d'une ferme de 800 livrés, après avoir vérifié l'existence du bail, devrait obtenir son congé absolu, pour le double de l'engagement qu'il aurait reçu : il en devrait être de même pour un ouvrier en état d'être chef d'un atelier de commerce. Ce moyen faciliterait infiniment les recrues ; car il n?est pas dans les villages un seul homme qui ne connaisse la manière dont on rançonne indistinctement tous ceux qui achètent des congés absolus.
Les engagements ne seraient plus portés au haut prix auquel ils le sont aujourd'hui ; ceux de cavalerie, hussards, dragons, chasseurs, artillerie, seraient payés de leur masse, à l'infanterie. Quant au prix des hommes qui achèteraient leur congé absolu, il serait donné au régiment d'infanterie chargé de fournir les recrues des escadrons et de la compagnie dont sortirait cet 'homme, qui, au moyen de ce prix, serait tenu de le remplacer. Il faut parler de la manière dont seraient recrutés les régiments de garnison, ce qui donne idée de leur composition ; des hommes estropiés qui se trouvent dans les régiments qui cependant: peuvent être propres à un service sédentaire; des hommes qui auraient mérité les Invalides et enfin ceux qui auraient déserté trois fois des régiments de compagnie, qui, après avoir déserté pour la troisième fois, seraient envoyés pour quinze ans dans des régiments de garnison.
L'on voit que cette manière de recruter les troupes ne laisse dans ies régiments de campagne que des hommes en état d'y servir avec activité, et cependant emploient tous ceux que leurs infirmités, leur âge, leur légèreté, rendent désirable d'éloigner de ces régiments : *on en formerait les garnisons des petits forts ou places, qui forcent à morceler les régiments de campagne, ce qui nuit beaucoup à leur instruction : mais,,on le répète, pour sentir la justesse de ces institutions ; il faudrait connaître la totalité du plan ; car dans un ouvrage il n'est que l'ensemble qui puisse en donner une idée juste.
Nota. Quoique je me sois imposé la loi de .ne point donner au public mon plan de constitution militaire, je vais exposer ici une des bases fondamentales sur lesquelles il est assis.
Le nombre des fusiliers dont sont composées les compagnies, est calculé pour le pied de guerre, à raison d'un officier et de deux bas officiers, et quarante hommes dans l'infanterie; et dans la cavalerie, à raison d'un officier par vingt-huit cavaliers, et de deux bas-officiers par trente-six.
Dans cette composition je sors les bas officiers de l'état de soldat et de cavalier ; je supprime par conséquent le grade de caporal et celui de brigadier ; car il n'est pas une plus vicieuse composition, quecelle de bas officiers qui, vivant avec le soldat, ne prennent aucune autorité sur lui et en acquièrent d'autant moins, que ne mettant pas plus à l'ordinaire que lui, ils emploient presque toujours leur haute paye à des dépenses qui leur font contracter l'habitudè du vice ; que bientôt cette fiaute paye ne suffit pas aux dépen-
ses qu'entraîne cette habitude, et que souvent le prêt des compagnies y est consommé. Je n'ai jamais compris qu'une composition aussi vicieuse, détruite depuis longtemps dans les militaires où on s'est, occupé à établir l'ordre, ait pu substituer si longtemps parmi nous!
La France aura encore dans sa composition militaire un nombre proportionnel d'officiers bien plus nombreux que celui des Autrichiens et même des Prussiens; les premiers n'ont qu'un officier sur soixante hommes, et les derniers un par cinquante.
Pour sentir la nécessité d'établir cette base fondamentale, il ne faut que réfléchir à la difficulté qu'apportent dans les subsistances les équi* pages des officiers.
J'ai vu les armées françaises égaler sur ce point, par ces embarras, les armées turques, et compter à peine au nombre de ses combattants la moitié des bouches qu'elles avaient à nourrir.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, fait lecture du procès-verbal du samedi précédent, et lit les adressés suivantes :
Adresse de félicitations, remerciements et adhésion du comité permanent de la ville de Mont-de-Marsan, et des trente-deux paroisses qui composent sa banlieue.
Adresse du même genre des citoyens de la ville de la Ferté-Milon. Ils demandent une assemblée de district; et le rétablissement de leur anciën bailliage.
Adresse du même gênre de la ville de Nogent-sur-Seine; ell'è conjure l'Assemblée nationale de mettre à fin ses glorieux travaux ; elle demande d'être un chef-lieu de district, et que la ville de Provins soit le chef-lieu d'un département.
Adresse du même genre de la ville de Salies en Béarn ; elle adhère notamment au décret qui détermine le sacrifice patriotique du quart du revenu; elle offre d'en raire verser le produit, ainsi que celui des impositions ordinaires, directement au Trésor royal.
Adresse du même genre du comité permanent de la Ville de Saint-Nicolas-de-la-Grave; il fait part des mesures qu'il a prises pour arrêter l'exploitation du Lillot, situé dans son territoire* possédé par le chapitre de Moissac.
Délibération du même genre de la ville de Vannes en Bretagne; elle supplié l'Assemblée de prier Sà Majesté de réitérer ses ordres au parlement de Rennes d'enregistrer purement et simplement, et sans délai, tous les décrets acceptés ou sanctionnés, et notamment celui qui proroge les vacances du parlement; elle-supplie aussi l'Assemblée de ne plus user de clémence envers les parlements, corps et corporations qui se rendraient coupables de désobéissance envers l'Assemblée nationale.
Adresse du même genre de la ville de Grand-Pré; elle fait part des mesures qu'elle â prises
pour veiller à la conversation des bois de l'abbaye
Adresse du même genre de la ville de Beaujeu en Beaujolais; elle demande d'être un chef-lieu de district et le siège d'une justice royale.
Adresse du même genre du comité de la ville deNéelle; il a arrêté par acclamation que tous les membres qui le composent feront le don patriotique de leurs boucles d'argent, et que tous les habitants seront invités à faire le même sacrifice.
Adresse du même genre de la ville de Bellegarde en Auvergne; elle demande une justice royale.
Adresse du même genre du commandant et des officiers de la garde nationale du Château-Cam-brésis; ils demandent les armes nécessaires.
Délibération du même genre de la communauté de Suze. Il n'est aucun citoyen qui ne soit prêt à sacrifier sa fortune et sa vie pour le salut de l'Etat.
Délibération: du même genre des communautés de Ghâteau-Villain, Quinsonnas, et leur mandement; elles font le don patriotique d'une rente annuelle de 93 livres 1 sol, qui leur est due sur les Etats du Roi.
Adresse du même genre du comité et de la municipalité réunis de la ville d'Angoulême; ils réclament contre la contribution en remplacement de corvée, que le commissaire départi se propose de continuer sur l'élection de cette ville. .
Adresse du même genre de la municipalité et du comité de la ville de Couches; ils supplient l'Assemblée nationale de perfectionner le grand œuvre qu'elle a si glorieusement commencé, et de compter sur toutes leurs facultés morales et physiques pour correspondre à l'exécution de ses décrets et aux vues bienfaisantes du plus juste des monarques.
Adresse du même genre de la ville de Ques-temberg en Bretagne; elle demande d'être le chef-lieu d'un district et le siège d'une justice royale.
Adresse des officiers de l'éleetion de Tours, qui présentent à l'Assemblée nationale l'hommage d'une délibération par laquelle ils ont arrêté de rendre la justice gratuitement, et qu'ils apporteront d'autant plus de zèle dans l'exercice de leurs fonctions, qu'il est urgent de venir au secours de l'Etat, et de faciliter l'exécution des décrets relatifs aux impositions.
Adresse de vingt communautés du Dauphiné et du Vivarais, dont les forces militaires se portent à 12,650 citoyens soldats disciplinés, qui, réunis dans la plainte d'Etoile en Dauphiné, ont fait le serment, avec toute la solennité possible,! de rester à jamais unis pour combattre les ennemis de la patrie et tous ceux qui oseraient se permettre d'éluder ou1 d'attaquer les décrets de l'Assemblée nationale. Cet acte fédératif renferme l'abnégation de la division ancienne de territoire par province, l'adhésion à la nouvelle, et l'obligation de favoriser la libre circulation des subsistances dont ils ont déjà ressenti les heureux effets.
Adresse du comité municipal et permanent de la ville de Graon et de la milice nationale de cette ville, qui exposent que trois membres de l'ancienne municipalité ont formé opposition contre le vœu exprès de la commune à ce que les titres relatifs à la confection des rôles, suivant la forme indiquée par les décrets de l'Assemblée nationale, leur fussent remis. Ils demandent, attendu que cette confection est urgente, que l'Assemblée maintienne spécialement le comité municipal de cette ville dans l'exercice pro-
visoire des fonctions municipales, en exécution du décret du 2 de Ce mois; et demandent qu'en conséquence il soit fait défense aux sieurs Pan-netier, Halligon et Saget, qui se disent former la municipalité de cette ville, de troubler le comité dans ses fonctions, et surtout dans la confection des rôles des impositions à répartir dans ce moment : l'Assemblée a renvoyé cette pétition au pouvoir exécutif :
Adresse des officiers de justice seigneuriale, magistrat, municipalité,' curé et notables de la ville d'Altkircb en Haute-Alsace, et des syndics des q uaran teLquatrè communautéscirconvoisines ; ils expriment leurs respects pour l'Assemblée nationale, leur adhésion à tous ses décrets, et dev mandent une justice royale. Le commandant pour le Roi, dans la Haute^Alsace, adhère à leurs pétitions.
Adresse de la commission intermédiaire de Champagne, qui déclare que les nouveaux rôles d'imposition n'étant pas encore faits, il lui paraît de toute justice de ne pas accorder aujourd'hui plus de faveur aux anciens taillables qu'aux privilégiés; que beaucoup de ces .anciens taillades habitent les villes ou même d'autres provinces, et
Sue le déficitde taille de propriété qu'ils devraient
ans la situation de leurs biens, deviendrait une surcharge et pour le privilégié et pour le pauvre; qu'il est d'autant plus dangereux de mécontenter ces deux classes, que le peuple ne veut point permettre que l'assiette de l'impôt se fasse autrement que sur l'universalité des terres du territoire de chaque communauté; qu'il est cependant instant d'assurer les recouvrements arriérés depuis trois mois dans une province qui paye 22 millions;
propose, à cette occasion, un projet de décret tendant à ce que les ci-devant tailliables de la Champagne soient assujettis aux mêmes formes et modes de répartition pour 1790, que les ci-devant privilégiés, — La question est ajournée à demain au soir.
M. le président annonce une lettre de M. de Beau veau qui accompagne un mémoire adressé à l'Assemblée nationale par M. de Bournissac, prévôt général de Provence. Ce mémoire qui contient des détails relatifs à l'affaire de Marseille est renvoyé au comité des rapports.
Les pouvoirs donnés à M. Barrère de Vieuzac par le pays de Rustaing (ce pays avait été omis dans les convocations du mois de mars de cette année, pour députer aux Etats généraux), ont été vérifiés et trouvés en bonne forme.
Des députés du district des filles Saint-Thomas apportent un don patriotique. L'Assemblée leur accorde la séance.
L'Assemblée passe à son ordre du jour relatif au décret d'ensemble sur Vorganisation des municipalités.
Votre comité de constitution s'est occupé deux de objets : 1° de classer les différents décrets relatifs aux municipalités suivant l'ordre des idées et la série qu'ils doivent avoir dans la pratique ; 2° de donner des instructions nécessaires pour lever les doutes qu'aurait pu entraîner la mise à exécution de vos décrets. Nous les avons tous rassemblés sous le même point de vue, quoiqu'ils ne soient pas de la même nature, car on ne peut se dissimuler que les uns sont constitutionnels et les autres réglementaires. Nous avons cru, vu l'urgence de procéder à la formation des munici-
palités, né pas devoir les séparer, sauf à l'Assemblée à charger son Comité, de faire le triage des articles qui doivent entrer dans le code constitutionnel d'avec ceux qui ne sont que réglementaires et dë lés présenter à son jugement, dans un autre moment.
, après avoir donné lecture des articles propose le décret suivant :
« Tous les articles ci-dessus seront publiés pour servir à la prochaine formation des municipalités; mais le comité de constitution fera la distinction des articles qni doivent ;entrer dans le code constitutionnel, de ceux qui sont simplement réglementaires, et fera le rapport de ce travail à l'Assemblée ».
C'est l'Assemblée na- , tionale qui doit faire la distinction des articles constitutionnels et non le comité de constitution.
Après les mots : seront publiés, il faut ajouter, ceuxrCi:t «près avoir été sanctionnés ou acceptés par le Roi.
Je propose d'ajourner l'article présenté par M. Thouret, et de porter indistinct tement à l'acceptation du Roi tous les décrets sur les municipalités.
Je demande que vous insériez dans votre décret l'article concernant l'incompar tibilité des gardes nationales avec, les fonctions des municipalités.
propose deux nouveaux articles relatifs aux fonctions et à l'étendue du pouvoir des municipalités. — Ils sont ajournés.
, revenant à l'article proposé pac M. Thouret, propose de dire que les décrets sur les municipalités seront à la fois sanctionnés et acceptés.
La question préalable est invoquée.
La première épreuve sur cette question paraît douteuse à une partie de l'Assemblée.
On fait une deuxième épreuve.
Une grande majorité est pour qu'il n'y ait pas lieu à délibérer.
prononce le décret.
La même partie de l'Assemblée pense qu'il y a du doute, et demande l'appel nominal.
, évéquede Rodez, le marquis de Fumel-llontségur eto., sont d'avis qu'il n'y a pas de doute. L'auteur de l'amendement et les membres qui l'ont appuyé expriment le même sentiment.
t met aux voix la auestion de savoir si tous les articles, soit constitutionnels, soit réglementaires, seront indistinctement portés à l'acceptation du Roi. -
Une très-grande majorité est pour l'affirmative.
(Les galeries manifestent leurs sentiments par des applaudissements réitérés.)
, avee toute la latitude de ses vastes poumons. Huissiers, faites votre devoir et faites faire silence dans les galeries. — Puis s'adressant à M. 3e. président, il l'apostrophe hautement et l'accuse d'avoir mis aux
voix des décrets malgré la réclamation de l'appel nominal faite par une partie considérable de l'Assemblee.
s'excuse par le simple récit des faits.
Je demande que le nom de la personne qui a interpellé M. le président, et qui, en l'accusant aussi légèrement, a jeté le trouble dans l'Assemblée, soit inscrit sur le procès-verbal.
Cette motion est fortement appuyée d'un côté et excite une grande rumeur de l'autre.
Je prie l'Assemblée de ne pas donner de suite à la motion de M. de Volney, et de continuerl'ordre du jour.
Plusieurs articles oubliés par M. Thouret lui sont indiqués : il les joint à la série qu'il a présentée.
La difficulté que l'Assemblée éprouve tous les jours à s'assurer de l'exécution de ses décrets me semble devoir la déterminer à arrêter que les municipalités laceçtifieront directement dans le plus bref délai de la réception des articles décrétés.
observe que l'accusé de réception doit être remis à l'Assemblée par celui qui a été chargé de l'envoi.
Il est plus simple et plus sûr d'exiger que cette certification soit donnée par les administrations de département. Je pense qu'il faut ajourner la décision de la proposition de M. Camus, jusqu'après l'établissement de ces administrations.
M. Camus adopte cet ajournement.
fait lecture d'une instruction destinée à accompagner l'envoi des articles sur les municipalités, et absolument bornée à ce qui est nécessaire, dans l'état actuel, pour diriger la nouvelle formation. Ce travail est divisé en trois parties distinctes:
1° La forme d'élire;
2° La composition des corps municipaux; _ 3° Les fonctions de ces corps.
Après cette lecture, M. Thouret observe que le nombre ternaire qui avait été décrété pour les districts a cessé d'être nécessaire depuis que l'Assemblée a décidé qu'il n'y aurait plus d'intermédiaires, et que les élections ne se feraient pas dans les districts, mais dans les départements. Cette ancienne disposition donne lieu à beaucoup de difficultés dans la division des provinces.
Il propose de décréter que le nombre ternaire ne sera pas absolument nécessaire, et que cependant le nombre des districts d'un département ne sera jamais au-dessous de 3 et au-dessus de 9.
Cette proposition est unanimement décrétée.
Plusieurs membres demandent que l'instruction soit imprimée ; qu'elle soit présentée au Roi pour être approuvée et envoyée avec les articles.
Il faut, avant d'imprimer et de présenter cette instruction, l'examiner avec soin.
L'Assemblée décrète, à une grande majorité, que la présentation et l'impression seront faites jsur-le-champ ainsi qu'il suit : I
Décret de VAssemblée nationale, concernant la constitution des municipalités.
Art. 1er. Les municipalités actuellement subsistantes fen
chaque ville, bourg, paroisse ou communauté, sous Je titre d'hôtel de ville, mairies,
échevinats,'consulats, et généralement sous quelque titre et qualification que ce soit, sont
supprimées et abolies, et cependant les officiers municipaux actuellement en service,
continueront leurs fonctions jusqu'à ce qu'ils aient été remplacés.
Art. 2. Les officiers et membres des municipalités actuelles seront remplacés par voie d'élection.
Art. 3. Les droits de présentation, nomination ou confirmation, et les droits de présidence ou de présence aux assemblés municipales, prétendus ou exercés comme attachés à la possession de certaines terres, aux fonctions de commandant de province ou de ville, aux évêchés ou archevêchés, et généralement à tel autre titre que ce puisse être, sont abolis.
Art. 4. Le chef de tout corps municipal portera le nom de maire.
Art. 5. Tous les citoyens actifs de chaque Tille, bourg, paroisse ou communauté, pourront concourir à l'élection des membres du corps municipal.
Art. 6. Les citoyens actifs se réuniront en une seule assemblée dans les communautés, où il y a moins de 4,000 habitants; en deux assemblées dans les communes de 4.000 à 8,000 habitants ; en trois assemblées dans les communes de 8,000 à 12,000 habitants, et ainsi de suite.
Art. 7. Les assemblées ne pourront se former par métiers, professions ou corporations, mais par quartiers ou arrondissements.
Art. 8. Les assemblées des citoyens actifs seront convoquées par le corps municipal huit jours avant celui où elles devront avoir lieu. La séance sera ouverte en présence d'un citoyen chargé par le corps municipal d'expliquer l'objet de la convocation.
Art. 9i. Toutes les assemblées particulières dans la même ville ou communauté, seront indiquées pour le même jour et à la même heure.
Art. 10. Chaque assemblée procédera, dès qu'elle sera formée, à la nomination d'un président et d'un secrétaire; il ne faudra pour cette nomination que la simple pluralité relative des suffrages en un seul scrutin, recueilli et dépouillé par les trois plus anciens d'âge.
Art. 11. Chaque assemblée nommera ensuite, à la pluralité relative des suffrages, trois scrutateurs, qui seront chargés d'ouvrir les scrutins subséquents, de les dépouiller, de compter les voix, de proclamer les résultats. Ces trois scrutateurs seront nommés par un seul scrutin recueilli et dépouillé, comme le précédent, par les trois plus anciens d'âge.
Art. 12. Les conditions de l'éligibilité pour les administrations municipales, seront les mêmes que pour les administrations de département et de district; néanmoins les parents et alliés aux degrés de père et de fils, de beau-père et de gendre, de frèré et de beau-frère, d'oncle et de neveu, ne pourront être en même temps membres du même corps municipal.
Art. 13. Les officiers municipaux, et les notables dont il sera parlé ci-après, ne pourront être nommés que parmi les citoyens éligibles de la commune.
Art. 14. Les citoyens qui occupent des places
de judicature ne peuvent être en même temps membres des corps municipaux. -
Art. 15. Ceux qui sont chargés de la perception des impôts indirects, tant que ces impôts subsisteront, ne peuveDt être admis en même temps aux fonctions municipales. •
Art. 16. Les maires seront toujours élus à la pluralité absolue des voix. Si le premier scrutin ne donne pas cette pluralité, il sera procédé à un second; si celui-ci ne la donne point encore, il sera procédé à un troisième, dans lequel le choix ne pourra plus se faire qu'entre les deux citoyens qui auront réuni le plus de voix aux scrutins précédents; enfin, s'il y avait égalité de suffrages entre eux à ce troisième scrutin, le plus âgé serait préféré.
. Art. 17. La nomination des autres membres du corps municipal sera faite au scrutin de liste double.
Art. 18. Dans les villes ou communautés où il y aura plusieurs assemblées particulières des citoyens actifs, ces assemblées ne seront regardées
Sue comme des sections de l'assembléejgénérale e la ville ou communauté.
Art. 19. En conséquence, chaque section de l'assemblé générale des citoyens actifs fera parvenir à la maison commune ou maison de ville, le recensement de son scrutin particulier, contenant la mention du nombre des suffrages que chaque citoyen nommé aura réunis en sa faveur; et le résultat général de tous ces recensements sera formé dans la maison commune.
Art. 20. Chaque section particulière de l'assemblée générale des citoyens actifs pourra envoyer à la maison commune un commissaire pour assister au recensement du scrutin. .
Art. 21. Ceux qui dès le premier scrutin réuniront la pluralité absolue, c'est-à-dire la moitié des suffrages et un en sus, seront définitivement élus.
Si au premier tour de scrutin il n'y a pas un nombre suffisant de citoyens élus à la pluralité absolue des voix, on procédera à un second scrutin, et ceux qui obtiendront cette seconde fois la pluralité absolue, seront de même élus définitivement.
Enfin, si le nombre nécessaire n'est pas rempli par les deux premiers scrutins, il en sera fait un troisième et dernier; et à celui-ci il suffira, pour être élu, d'obtenir la pluralité relative des suffrages.
Art, 22. Les citoyens qui, par l'événement du scrutin, auront été nommés membres du corps municipal, seront proclamés par les officiers municipaux en exercice^
Art. 23. Dans les villes où l'assembléegénérale des citoyens actifs sera divisée en plusieurs sections, les scrutins de ces diverses sections seront recensés à la maison commune, le plus prompte-ment qu'il sera possible; en sorte que les scrutins ultérieurs, s'ils se trouvent nécessaires, puissent se faire dès le jour même, et, au plus tard dès le lendemain.
Art. 24. Après les élections, les citoyens actifs de la communauté ne pourront ni rester assemblés ni s'assembler de nouveau en corps de commune, sans une convocation expresse, ordonnée par le conseil général de la commune, dont il va être parlé ci-après; ce conseil ne pourra la refuser, si elle est requise par le sixième des citoyens actifs, dans les communautés au-dessous de 4,000 âmes, et par 150 citoyens actifs dans toutes les autres communautés.
Art. 25. Les membres des corps municipaux
des villes, bourgs, paroisses ou communautés, seront au nombre de trois, y compris le maire, lorsque la population sera au-dessous de 500 âmes.
De six, y compris le maire, depuis 500 âmes jusqu'à 3,000;
De neuf, depuis 3,000 jusqu'à 10,000;
De douze, depuis 10*000 jusqu'à 25,000;
De quinze, depuis 25,000 jusqu'à 50,000 ;
De dix-huit, depuis 50,000 jusqu'à 100,000 ;
De vingt-un, au-dessus de 100,000 âmes.
Quant à la ville de Paris, attendu son immense population, elle sera gouvernée par un règlement particulier, qui sera donné par l'Assemblée nationale, sur les mêmes bases et d'après les mêmes principes que le règlement général de toutes les municipalités du royaume.
Art. 26. Il y aura, dans chaque municipalité un procureur de la commune, sans voix délibéra-tive. Il sera chargé de défendre les intérêts et de poursuivre les affaires de la communauté.
Art. 27. Dans les villes au-dessus de 10,000 âmes, il y aura en outre un substitut du procureur de la commune, lequel, à défaut decëlui-Ci, exercera ses fonctions.
Art. 28. Le_ procureur de la commune sera nommé par lës citoyens actifs au scrutin et à la pluralité absolue des suffrages, dans la forme et selon les règles prescrites par l'article 16 ci-dessus pour l'élection du maire.
Art. 29. Le substitut du procureur de la commune, lorsqu'il y aura lieu d'en nommer un, sera élu de la même manière.
Art. 30. Les citoyens actifs de chaque communauté nommeront, par un seul scrutin de liste et à la pluralité relative des suffrages, un nombre de notables double de celui des membres du corps municipal.
Art. 31. Ces notables formeront, avec les membres du corps municipal, le conseil général de la commune, et ne seront appelés que pour les affaires importantes, ainsi qu'il sera ait ci-après.
Arfc 32., Il y aura, en chaque municipalité, un secrétaire-greffier, nommé par le conseil général de la commune. Il prêterà serment de remplir fidèlement ses fonctions, et pourra être changé, lorsque le conseil général, convoqué à cet effet, l'aura jugé convenable, à la majorité des voix.
Art. 33. Le conseil général de la ^commune pourra aussi, suivant les circonstances, nommer un trésorier, en prenant les précautions nécessaires pour la sûreté des fonds de la communauté. Ce trésorier pourra être changé comme le secrétaire-greffier.
Art. 34. Chaque corps municipal, composé de plus de trois membres, sera divisé en conseil et en bureau.
Art. 35. Le bureau sera composé du tiers des officiers municipaux, y compris le maire, qui en fera toujours partie : les deux autres tiers formeront le conseil.
Art. 36. Les membres du bureau seront choisis, par le corps municipal, tous les ans, et pourront être réélus pour une seconde année.
Art. 37. Le bureau sera chargé de tous les soins de l'exécution, et borné à la simple régie. Dans les municipalités réduites à trois membres, l'exécution sera confiée au maire seul.
Art. 38. Le conseil municipal s'assemblera au moins une fois par mois ; il commencera par arrêter les comptes du bureau, lorsqu'il y aura lieu ; et après cette opération faite, les membres du bureau auront séance et voix délibérativa avec ceux du conseil.
Art. 39. Toutes les délibérations nécessaires à l'exercice des fonctions du corps municipal, Seront prises dans l'assemblée des membres du conseil et du bureau réunis, à l'exception Vdes délibérations relativès à l'arrêté des comptes, qui, comme il vient d'être dit, seront pfises par le conseil seul.
Art. 40. La présence de deux tiers au moins des membres du conseil, sera nécessaire pour recevoir les comptes du bu*eau ; et celle de la moitié plus un, des membres du corps municipal, pour prendre les autres délibérations.
Art. 41. Dans les villes au-desSus de 25,000 âmes, l'administration municipale pourra se diviser en sections, à raison de la diversité des matières.
Art. 42. Les officiers municipaux et les notables Seront élus pour deux ans, et renouvelés par moitié chaque année : le sort déterminera ceux qui devront sortir à l'époque de l'élection qui suivra la première. Quand le nombre sera impair, il sortira alternativement ùn membre de plus ou un membre de moins.
Art. 43. Le maire restera en exercice pendant deux ans; il pourra être réélu pour deux autres années, mais ensuite il ne sera permis de l'élire de nouveau qu'après un intervalle de deux ansi
Art. 44. Le procureur de la commune et son susbtitut conserveront leurs places pendant deux ans, et pourront également être réélus pour deux autres années ; néanmoins, à la suite de la première élection, le Substitut du procureur de la commune n'exercera ses fonctions qu'une année; et dans toutes les élections suivantes, le procureur de la cbrhmune :;et - son substitut seront remplacés ou réélus alternativement chaque annéè.
Art. 45. Les assemblées d'élection pour les renouvellements annuels se tiendront dans tout le royaume* le dimanche après la Saint-Martin, sur la convocation des officiers municipaux.
Art. 46. Si la place de maire ou de procureur de là commune, ou de son substitut, devient vacante par mort, démission, ou autrement, il sera convoqué une assemblée extraordinaire des citoyens actifs pour procéder à une nouvelle élection.
Art. 47. Lorsqu'un membre du conseil municipal viendra à mourir, ou donnera sa démission, ou. sera destitué ou suspendu de sa place, ou passera dans le bureau municipal, il sera remplacé de droit, pour le temps qui lui restait à remplir, par celui des notables qui aura réuni le plus de suffrages.
Art. 48. Avant d'entrer en exercice, le maire et les autres membres du corps municipal, le procureur de la commune et son substitut; s'il y en a un, prêteront le serment de maintenir, de tout leur poiïvOir, la constitution du royaume, d'être fidèles à la nationi à la loi et au Roi, et de bien remplir leurs fonctions. Ce serment sera prêté, à la prochaine élection, devant ?là commune, et devant le. corps municipal aux élections suivantes."
Art. 49. Lès corps municipaux auront deux espèces de -fonctions à remplir ; les unes propres au pouvoir municipal,les autres propres àl'admi-nistration générale de l'Etat, et déléguées par ellé aux municipalités.
Art. 50. Les fonctions propres au pouvoir municipal, sous la surveillance et l'inspection des assemblées administratives, sont : :
De régir les biens et revenus communs des villes, bourgs, paroisses et communautés;
De régler et d'acquitter celles des dépenses locales qui doivent être payées des deniers communs ;
De diriger et faire exécuter les travaux publics qui sont à la charge de la communauté;
D'administrer, les établissements qui appartiennent à la commune, qui sont entretenus de ses deniers, ou qui sont particulièrement destinés à l'usage des citoyens dont elle est composée ;
De faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics.
Art. 51. Les fonctions propres à l'administration générale qui peuvent être déléguées aux corps municipaux, pour les exercer sous l'autorité des assemblées administratives, sont :
La répartition des contributions directes entre les citoyens dont la communauté est composée; La perception de ces contributions ; Le versement de ces contributions dans les caisses du district ou du département;
La direction immédiate des travaux publics dans le ressort de la municipalité ;-
La régie immédiate des établissements publics destinés à l'utilité générale ;
La surveillance et l'agence nécessaires à la conservation des propriétés publiques ;
L'inspection directe .des travaux de réparation ou de reconstruction des églises, presbytères, et autres objets relatifs au service du cuite religieux,
Art. 52. Pour l'exercice des fonctions propres ou déléguées aux corps municipaux, ils auront le droit de requérir le secours nécessaire des gardes nationales, et autres forces publiques, ainsi qu'il sera plus amplement expliqué? .
Art. 53. Le maire et les autres membres du corps municipal, le procureur de la commune et son substitut ne pourront exercer en même temps ces-fonctions, et celles de la gardé nationale.
Art. 54. Le conseil général de la commune* composé tant des membres du corps municipal que des notables, sera convoqué toutes les fois que l'administration municipale le jugera convenable ; elle ne pourra se dispenser de le convoquer, lorsqu'il s'agira de délibérer :
Sur des acquisitions ou aliénations d'immeubles,
Sur des impositions extraordinaires pour dépenses locales, Sur des emprunts, Sur des travaux à entreprendre, Sur l'emploi du prix des yentes, des remboursements ou dès recouvrements, - Sur les procès à intenter,
Même sur les procès à soutenir dans le cas où le fond du droit sera contesté. •
Art. 55. Les corps municipaux seront entièrement subordonnés aux administrations de département et de district pour tout ce qui concernera les fonctions qu'ils auront à exercer par délégation de l'administration générale.
Art. 56. Quant à l'exercice des fonctions propres au pouvoir municipal, toutes les délibérations pour lesquelles la convocation du conseil général de la commune est nécessaire, suivant l'article 54 ci-dessus, ne pourront êtré exécutées qu'avec l'approbation de l'administration ou du directoire de •département, qui sera donnée,1 s'il y a lieu, sur1 l'avis de l'administration ou du directoire de district.
Art. 57. 'Tous les comptes de la régie -des bu-
reaux municipaux, après qu'ils auraient été reçus par le conseil municipal, seront vérifiés par l'administration ou le directoire du district, arrêtés définitivement par l'administration ou le directoire de département, sur l'avis de celle du district ou de son directoire.
Art. 58. Dans toutes les villes au-dessus de 4,000 âmes, les comptes de l'administration municipale eu recette et dépense, seront imprimés chaque année.
Art. 59. Dans toutes les communautés, sans distinction, les citoyens actifs pourront prendre au greffe de la municipalité, sans déplacer et sans frais, communication des comptes, des pièces justificatives et des délibérations du corps municipal, toutes les fois qu'ils le requerront.
Art. 60. Si un citoyen croit être personnellement lésé par quelque acte du corps municipal, il pourra exposer ses sujets de plainte à l'administration ou au directoire de département, qui y fera droit, sur l'avis de l'admistration de district, qui sera chargée de vérifier les faits.
Art. 61. Tout citoyen actif pourra signer et présenter,contre les officiers municipaux, la dénonciation des délits d'administration dont il prétendra qu'ils se seraient rendus coupables; mais, avant de porter cette dénonciation dans les tribunaux, il sera tenu de la soumettre à l'administration ou au directoire de département, qui, après avoir pris l'avis de l'administration de district ou de son directoire, renverra la dénonciation, sil y a lieu, à ceux quiién devront connaître.
Art. 62. Les citoyens actifs out le droit de se réunie paisiblement et sans armes en assemblées particulières pour ré liger des adresses et pétitions, soit au corps iquuicipal, soit aux administrations de département et dé district, soit au Corps législatif, soit au Roi, sous la condition de donner avis aux officiers municipaux du temps et du lieu de ces assemblées, et dé ne pouvoir députer que dix citoyens pour apporter et présenter des adresses ou pétitions.
Instruction de VAssemblée nationale sur la formation des nouvelles municipalités dans toute l'étendue du royaume. .
L'Assemblée nationale a décrété, le 12 novembre dernier, qu'il y aura une municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou oommunauté de campagne. Elle a arrêté ensuite les articles qu'elle a réunis dans son décret de ce jour, pour régler la formation et les fonctions de ces municipalités.
Il y a trois, parties à distinguer dans ce décret de l'Assemblée nationale sur l'organisation des municipalités.
La première concerne la forme d'élire les officiers municipaux.
La seconde concerne la composition des corps municipaux.
La troisième est relative à leurs fonctions.
§ Ier. De la formation des élections.
Tous les citoyens actifs de chaque lieu ont le droit d'élire.
Les décrets de l'Assemblée nationale ont fixé les conditions nécessaires pour être citoyen actif. Gelles de ces conditions qui peuvent être exigées pour les prochaines élections, sont les suivantes
1° D'être Français ou devenu Français.
2° D'être majeur de 25 ans ;
3° D'être domicilié de fait dans le lieu, au moins depuis un an;
4° De payer une contribution directe de la valeur locale de trois journées de travail ;
5° De n'être- point dans l'état de domesticité, c'est-à-dire, de serviteur à gages.
Les mêmes décrets excluent, outre ceux qui n'ont pas les conditions ci-dessus, les banqueroutiers, les faillis et les débiteurs insolvables.
Ils excluent encore les enfants qui ont reçu et qui retiennent, à quelque titre que* ce soit, une portion des biens de leur père mort insolvable, sans avoir payé leur part virile de ses dettes, excepté seulement les enfants mariés qui ont reçu des dots avant la faillite ou l'insolvabilité de leur pèce notoirement connue.
La part virile des dettes est la portion contributive que chaque enfant aurait été tenu de payer, s'il se fût rendu héritier de son père.
Dans tous les lieux où il y a moins de 4,000 habitants, en comptant la population totale en hommes, femmes et enfants, tous les citoyens actifs se réuniront en une seule assemblée parce que les citoyens actifs ne forment qu'environ le sixième de la population totale, et qu'ainsi, sur moins de 4,000 habitants, l'assemblée des citoyens actifs ne s'élèverait qu'à environ 650 votants, supposé que tous fussent présents.
Dans les lieux où il y a plus de 4,000 habitants, il faudra former plusieurs assemblées, savoir, deux assemblées, depuis 4,000 habitants jusqu'à 8,000; trois depuis 8t000 jusqu'à 12,000 habitants, et ainsi de suite.
Les inconvénients des assemblées par métiers, professions ou corporations, ont déterminé l'Assemblée nationale à proscrire ces sortes d'assemblées : celles qui vont avoir lieu doivent se faire par quartiers ou arrondissements. Le premier soin des officiers municipaux actuels doit être de former, sans délai, ces quartiers ou arrondissements, en nombre égal à celui, des assemblées que ia population de leur ville obligera d'y former.
Les citoyens actifs de chaque quartier ou arrondissement se réuniront au jour et au lieu indiqués par la convocation. La convocation sera faite huit jours d'avance, tant par publication au prône, que par affiches aux portes des églises, et aux autres lieux accoutumés.
Les assemblées se formeront sous l'inspection d'un citoyen que le corps municipal aura chargé de ce soin pour chaque assemblée.
Aussitôt que l'assemblée sera formée, elle nommera son président et. son secrétaire au scrutin. Il né sera pas nécessaire, pour consommer cette élection, que la majorité absolue des suffrages soit -acquise, c'est-à-dire qu'un sujet réunisse la moitié des voix plus une r it suffira de la simple pluralité relative, c'est-à-dire que celui-là sera élu qui aura réuni le plus de suffrages comparativement aux autres.
Les trois plus anciens d'âge recevront, ouvriront et dépouilleront ces premiers scrutins.
Après la nomination du président et du secrétaire, l'assemblée nommera à la fois et par un seul scrutin, trois scrutateurs chargés d'ouvrir tous les scrutins subséquents, de les dépouiller, de compter les voix, et de proclamer les résultats.
Les trois plus anciens d'âge recevront encore, ouvriront et dépouilleront le scrutin pour la nomination des trois scrutateurs.
Ce scrutin, par lequel chaque volant écrira à la fois et dans le même billet, les noms des trois
personnes qu'il nommera pour être scrutateurs, est celui q'on appelle le scrutin de liste, par opposition au scrutin appelé individuel, par lequel on vote sur chaque sujet séparément, en recommençant autant de scrutins qu'il y a de sujets à élire.
Quand les trois scrutateurs auront été nommés, l'assemblée procédera à la nomination des membres qui devront composer le corps municipal.
Cette s nomination sera faite par la voie du scrutin de liste double ; c'est-à-dire que les votants écriront à là fois,, et dans un même billet, non-seulement autant de noms qu'il y a de membres à nommer suivant la population du lieu ; mais qu'ils voteront pour un nombre de sujet double de celui des membres à élire, et écriront tous ces noms ensemble dans leur billet.
Les scrutateurs de l'assemblée feront le dépouillement du scrutin, en inscrivant de suite, par forme de liste, tous les noms sur lesquels les suffrages auront porté, à mesure qu'ils se présenteront par l'ouverture dès billets, et en notant à la suite de chaque nom, le nombre des voix que ce nom recevra par chaque nouveau billet dans 1er quel il se trouvera inscrit.
Quand il n'y aura qu'une seule assemblée dans le lieu, le résultat du scrutin de cette assemblée consommera l'élection ; mais dans les communautés plus nombreuses où il y aura plusieurs assemblées, l'élection ne sera faite que par le résultat général et additionné de tous les suffrages portés sur chaque nom par tous les scrutins des différentes assemblées. La raison en est que toutes les assemblées particulières de chaque ville ou communauté ne sont que désertions de l'assemblée générale des citoyens de cette ville ou communauté.
Pour connaître ce résultat général de tous les scrutins, chaque assemblée particulière formera dans son sein le dépouillement et le recensement de son scrutin contenant la mention du nombre de suffrages que chaque citoyen aura obtenus en cette assemblée, et elle fera parvenir ce recensement à la maison commune ou maison de ville. Là, le recencement général de tous ies scrutins des assemblées particulières sera fait par les officiers municipaux en exercice, en présence d'un commissaire de chaque assemblée particulière, si elle juge à propos d'y en envoyer un, comme elle en aie droit; et c'est le résultat général de ce recensement de tous les scrutins particuliers qui déterminera l'élection.
Il y a une différence à remarquer entre la forme d'élire le maire et celle de nommer les autres officiers municipaux.
Le maire, chef de toute municipalité, soit de ville, soit de campagne, est nommé au scrutin individuel et ne peut jamais être élu que par la plurarité absolue des voix, c'est-à-dire, par la moitié, plus une : si lorsqu'on aura été obligé de passer au second tour de scrutin, ce second tour n'a pas encore produit la pluralité absolue en faveur d'un sujet, eh ce cas il faut faire un troisième tour de scrutin pour voter seulement entre les deux citoyens qui seront nommés, et déclarés à l'assemblée avoir réuni le plus de suffrages par le dernier scrutin-; et si, à ce troisième scrutin, les suffrages se trouvaient partagés entre les deux citoyens sur lesquels on a voté, alors le plus ancien d'âge serait préféré.
Il n'en est pas de même pour la nomination des autres officiers municipaux, qui sont élus par scrutin de liste double.
Ceux qui ont obtenu la pluralité absolue âu
premier tour de scrutin sont définitivement élus.
S'il reste des places à remplir, pour lesquelles aucun sujet n'a eu la plurarité absolue, on fait un second tour de i scrutin par liste double du nombre seulement des places qui restent ^remplir ; et l'élection n'a encore lieu Cette seconde foi3, qu'en faveur de ceux qui obtiennent la pluralité absolue.
Enfin, s'il est nécessaire de passer à un troisième scrutin pour compléter le nombre des membres à élire, ce dernier scrutin se fait de même par une liste double du nombre des places qui restent à remplir, mais la simple «pluralité relative des suffrages suffit, cette troisième fois, pour déterminer l'élection.
Aussitôt que le résultat du scrutin aura été constaté, les citoyens élus seront proclamés par les officiers municipaux en exercice; le rang de proclamation sera réglé entre tous les membres élus, à raison du plus ou du moins grand nombre de suffrages que chacun d'eux aura obtenus* et en cas d'égalité de suffrages, par l'ancienneté d'âge.
Les citoyens votants en ; chaque assemblée auront soin de ne porter leurs suffrages que sur des sujets éligibles.
Pour être éligible à l'administration municipale, il faut 1° être membre de la commune à qui la municipalité appartient ; 2° i réunir aux qualités de Citoyen; actif, détaillés ci-dessus, la condition de payer une contribution directe plus forte, et qui monte au moins à la valeur locale de dix journées de travail. Les parents alliés aux degrés de père et de fils, de beau-père et de gendre, de frère et de beau-frère, d'oncle et de neveu, ne peuvent être en même temps membres du même corps municipal.
Les citoyens qui occupent des places de judica-ture, et ceux qui sont chargés de la perception des impôts indirects, ne sont point éligibles tant qu'ils exercent ces fonctions réputées incompatibles avec celles de là municipalité.
Ceux des officiers municipaux actuels que leurs concitoyens jugeront dignes de la continuation de leur confiance, pourront être nommés à la prochaine élection.
Il sera bien essentiel d'observer exactement les deux dispositions suivantes, indispensables pour garantir la sûretéét la fidélité des élections.
La première est que, dans toutes les communautés oùil y aura plusieurs assemblées particulières, elles soient toutes convoquées pour le même jour ; et à la même heure. La seconde est que les scrutins-de ces assemblées particulières, soient recensés à la maison commune, sans aucun délai ; de'manière- que, s'il devient nécessaire de passer à un nouveau tour du scrutin, il puisse y être procédé par les assemblées particulières dès le jour même, ou au plus tard le lendemain.
L'unique objet des assemblées convoquées pour élire étant de faire des élections, les citoyens actifs ne peuvent points rester assemblés après les élections finies. Le président de chaque assem-clée particulière doit la dissoudre et déclarer la séance levée aussitôt que toutes les nominations auront été faites et proclamées.
Les citoyens actifs ne pourront point s'assembler de nouveau en corps de commune dans l'intervalle d'une élection à l'autre, sans une convocation expresse, ordonnée par le conseil général de la Commune; mais cette convocation extraordinaire ne pourra pas être refusée lorsqu'elle sera requise par le sixième des : citoyens actifs dans les communautés au-dessous de 4,000 âmes, et par 150 ci-
toyens actifs dans toutes les autres communautés.
Ces dispositions,concilient par un juste tempérament,'ce qué la constitution doit d'une part, à la liberté des individus et au légitime exercice de leurs droits, avec ce qu'elle doit, d'autre part, au maintien de l'ordre et de la tranquillité publique.
§ II. De là composition des corps municipaux.
Toutes les municipalités du royaume, soit de ville, soit de campagne, étant de même nature, et sur la même ligné dan s l'ordre dé la constitution , porteront le! titre commun de municipalité, et le chef de chacune d'elle celui de maire ; tout autre dénomination, soit pour lés corps municipaux, soit pour leurs •chefs,' est abolie* '
Le nombre des membres dont chaque municipalité doit êtré composée, a été réglé par le décret de l'Assemblée nationale, à raison de la population des lieux. Il sera toujours facile de s'y conformer exactement; après que le nombre des habitants de chaque ville, 'bourg, paroisse ou communauté aura été soigneusement constaté.
C'est la population totalè en hommes, femmes et enfants, et non pas les seuls citoyens actifs, qu'il faut compter pour reconnaître le nombre des officiers municipaux qui doivent composer la municipalité de chaque lieu.
Il y aura un procureur de ia commune en chaque municipalité, soit de ville, soit de campagne; èt, déplus, un substitut du procureur de la commune dans tous les lièux où la population excédera 10,000 âmes.
Le procureur de la commune sera nommé en même temps' que'lës autres officiers municipaux, et par lés mêmes assemblées -de citoyens actifs. Son élection sera faite, par la voie du scrutin individuel, dans la même forme et suivant les mêmes règles établies pour l'élection du maire.
Le substitut du procureur de la commune sera élu de même.
- 11 sera encore nécessaire de nommer, en chaque municipalité,' un nombre de notables double de celui des membres du corps municipal ; de manière gu'où il y aura trois officiers municipaux, C'est-à-dire trois membres du corps municipal, il faudra six notables ; qu'il en faudra douze où il y aura six officiers municipaux * et ainsi de suite.
L'élection des notables sera faite par un seul scrutin de liste, et à la simple pluralité relatiye des suffrages.
Ces notables, lorsqu'ils seront réunis aux membres du corps municipal dans le cas fixé par le décret de l'Assemblée nationale, formeront le conseil général de la commune;
11 y aura en chaque municipalité, un secrétaire-greffier qui sera choisi et nommé à la majorité des voix, non par les assemblées des citoyens actifs, mais par le conseil général de la commune.
Le secrétaire-greffier pourra être changé, lorsque le conseil général de la commune le jugera convenable*
Enfin il ^pourra être nommé un trésorier si le conseil général- de la commune»; le trouve nécessaire.
Cette nomination sera faite par le conseil général dans la même forme que celle du secrétaire-greffier. Le trésorier pourra être également changé.
Le maire présidera les assemblées, tant du conseil général de la commune, que du corps municipal et du bureau.
Les autres officiers municipaux auront rang et séance selon l'ordre dans lequel ils auront été proclamés lors de leur élection. Dans le cas d'absence du maire, celui des autres officiers municipaux, qui aura été proclamé le premier, le remplacera et présidera à sa place.
Le procureur de la commune aura séance à toutes les assemblées, tant du conseil général de la commune, que du corps municipal et du bureau, et sera entendu sur tous les objets mis en délibération, quoiqu'il n'ait pas voix délibéra-tive. Il sera placé à un bureau particulier.
Dans les municipalités où il y aura un substitut du procureur de la commune, ce substitut aura le même droitv de séance à toutes les assemblées municipales. Il se placera au même bureau particulier, soit que le procureur de la icommune soit présent, soit qu'il soit absent; mais le substitut ne pourra parler qu'en l'absence du procureur de la commune.
Le maire, les autres membres du corps munir cipal, les notables, le procureur de la commune et son substitut seront élus pour deux ans, mais avec les distinctions suivantes.
Le maire restera en fonctions pendant les deux premières années; il pourra être continué, mais par une nouvelle élection, pour deux autres années seulement.
Le procureur de la commune restera aussi en fonctions pendant les deux premières années ç mais le substitut qui sera nommé à la prochaine élection, n'éxèrcera qu'une seule année; ensuite ils seront remplacés alternativement chaque année, et pourront être réélus de même, chacun pour deux autres années seulement.
Enfin, les autres membres du corps municipal, ét les notables seront renouvelés tous les ans par moitié; la première fois au sort à la fin de la première année -, ensuite à tour d'ancienneté : ainsi une partie des officiers municipaux et des notables nommés à la première élection, n'aura qu'une année d'exercice; cette année d'exercice ne sera pas même complète pour tous ceux qui sortiront au premier renouvellement, puisqu'il aura lieu le premier dimanche d'après la Saint-Martin de l'antiée 1790.
; Comme il est nécessaire, lorsque le nombre sera impair, qu'il1 sorte alternativement un membre de plus; et un de moins chaque année, il faudra faire sortir Un membre de moins à la fin de la première année.
11 faut remarquer encore les différences suivantes dans les remplacements.
Aussitôt que les places de maire, de procureur de la commune et de substitut à ce dernier, viendront à vaquer dans le cours de l'année, par quelque cause que ce soit, il sera nécessaire de convoquer extraordinairement les citoyens actifs pour procéder à une nouvelle élection.
Si c'est une place de membre du conseil municipal qui devient vacante, il sera inutile de convoquer les citoyens actifs ; mais celui des notables qui aura réuni le plus de suffrages remplacera le membre manquant du conseil municipal.
Enfin, s'il vaque une place de notable, elle ne sera remplie qu'à l'époque de l'élection annuelle pour les renouvellements! ordinaires.
§ III. Des fonctions des côrps municipaux.
Le maire, les autres membres d,n corps municipal, leproeureuride la commune,- et son substitut;-dàns les lieux où il y en-aura un, ne pourront entrer en exercice de leurs places qu'après -avoir
prêté le serment de maintenir de tout leur pouvoir la constitution du royaume, d'être fidèles à la nation, à la .loi et au Roi, et de bien remplir leurs fonctions.
C'est devant lacommune elle-même que ce serment doit être prêté la première fois, c'est-à-dire par les officiers municipaux qui vont être nommés à la prochaine élection. Les citoyens actifs seront avertis, à cet elfet, par les présidents des àssemblées d'élection, de se rendre à la maison co m m une a près l'élection fi nie.
A l'avenir, le même serment sera prêté devant le corps municipal.
Les membres des corps municipaux auront soin de se bien pénétrer de la distinction des deux espèces de fonctious appartenant à des pouvoirs de nature très-différentes.qu'ils auront à remplir.
C'est par leur exactitude à se renfermer dans les bornes de ces fonctions et à reconnaître la subordination qui leur est prescrite pour celles de chaque espèce, qu'ils prouveront leur attachement à la constitution, et leur zèle pour le bien du service. L'objet essentiel de la constitution étant de définir et .de séparer les différents pouvoirs, l'atteinte la plus funeste qui puisse être portée à l'ordre constitutionnel, serait la confusion des fonctions, qui détruirait l'harmonie des pouvoirs.
' Les officiers municipaux se convaincront aisément que toutes les fonctions détaillées dans l'article 51, intéressant la nation en corps et l'uniformité du régime général, excèdent les droits et les intérêts particuliers de leur commune; qu'ils ne peuvent pas exercer ces fonctions en qualité de simples représentants de leur commune, mais seulement en celle de préposés et d'agents de l'administration générale, et qu'aiusi, pour toutes ces fonctions qui leur seront déléguées par un pouvoir différent et supérieur, il est juste qu'ils soient entièrement subordonnés à l'autorité des administrations de département et de district.
Il n'en est pas de même des autres fonctions énoncées/en 1 article 50, Ces fonctions sont propres au pouvoir municipal, parce qu'elles intéressent directement et particulièrement chaque commune que la municipalité représente. Les membres des municipalités ont le droit propre et personnel de délibérer et d'agir en tout ce qui concerne ces fonctions vraiment municipales. La constitution les soumet seulement, dans cette partie, à la surveillance et à l'inspection des corps administratifs, parce qu'il importe à la grande communauté nationale que toutes.les communes particulières qui en font les éléments soient hien administrées; qu'aucun dépositaire de pouvoirs n'abuse de ce dépôt, et que tous les particuliers qui se prétendront lésés par l'administration municipale, puissent obtenir le redressement des griefs dont ils se plaindront.
La surveillance des-corps administratifs sur les municipalités aura lieu principalement dans les quatre cas suivants :
1° Pour la vérification des comptes de la régie des bureaux municipaux. Ces comptes, lorsqu'ils auront été reçus par le conseil municipal, seront soumis à l'administration ou au directoire de district, qui .les vérifiera, et les fera parvenir ensuite, avec son avis, à l'administration de département ou à son directoire : celles-ci, qu son directoire, les arrêtera définitivement.
2° Pour l'autorisation des délibérations qui seront prises sur les objets d'une importance majeure, détaillés en l'article 54, et pour lesquels la convocation du conseil général de la commune
est nécessaire. Ces délibérations ne pourront être exécutées qu'après qu'elles auront reçu l'approbation de l'administration de département, ou de son directoire, qui la donnera, s'il y a lieu, sur l'avis de l'administration ou du directoire de district.-' :. - V ' . - K§ 1
3° Lorsqu'un citoyen se croira fondé à se plaindre personnellement de quelques actes du. corps municipal, l'administration du département, ou son directoire, fera droit sur sa plainte, après avoir pris l'avis de l'administration ou du directoire de district, qu'elle chargera de vérifier les faits exposés.
4° Lorsqu'un citoyen actif, sans articuler des griefs qui lui soient personnels, voudra dénoncer les officiers municipaux comme coupables de délits d'administration; : en ce cas, la dénonciation devra être préalablement soumise à, l'administration ou au directoire de département, qui, après avoir fait vérifier les faits par l'administration de district, et après avoir pris l'avis de cette dernière, renverra la poursuite, s'il y. a lieu, devant les juges qui en devront connaître. 5jl.es corps municipaux, composés de plus de trois membres, seronf divisés en conseil et en bureau. Le bureau sera formé du tiers des officiers municipaux, y compris le maire, qui en fera toujours partie : les deux autres tiers formeront le conseil.
Le bureau, seul, sera chargé.de tous les détails d'exécution et des actes de simple régie, ,
Le conseil, seul, formera la séance, lorsqu'il s'agira d'examiner et, de recevoir les..comptes de là gestion du bureau : la présence des deux tiers, au moins, des membres du .conseil sera nécessaire pour la réception de ces comptes.
Le conseil et le bureau se réuniront pour prendre toutes les autres délibérations relatives à l'exercice des fonctions du corps municipal; et la présence de la moitié, plus un, des officiers municipaux sera nécessaire pour former un arrêté.
Enfin, le corps municipal se formera en conseil général de la commune, par l'adjonction des notables, toutes les fois qu'il le jugera, convenable, et nécessairement lorsqu'il s'agira de délibérer sur les objets détaillés en l'article 54. i
Les officiers municipaux devront être attentifs à discerner entre ces diverses espèces d'assemblées ou de séances, celle à laquelle chaque nature d'affaire doit être traitée; car leurs opérations seraient défectueuses et nulles, s'ils avaient arrêté en simple bureau ce qui devait l'être en conseil ou corps municipal, ou s'ils délibéraient en simple conseil municipal lorsqu'ils doivent se former en conseil général de la commune.
Dans les municipalités qui ne sont composées que de trois membres, le maire sera chargé seul des détails de simple exécution, et tous les membres se réuniront pour les actes de régie; le compte de cette régie commune des officiers municipaux sera rendu aux notables, vérifié ensuite par l'administration ou le directoire des districts, et arrêté définitivement par l'assemblée ou le directoire de département.
Lorsque les municipalités seront composées de plus de trois membres, .c'est le corps municipal qui élira lui-même le tiers de ses membres destiné à former le bureau.-Cette élection sera renouvelée tous les ans; mais les membres du bureau pourront être réélus une fois pour une seconde année.
Enfin, dans les villes dont la population excédera 25,000 âmes, le corps municipal pourra se
diviser en sections à raison de la diversité des parties d'administration, afin que chaque section puisse être chargée plus particulièrement du soin de sa partie; mais elle sera toujours tenue de soumettre lès Objets de délibération à l'assemblée générale du corps municipal.
Tous les citoyens actifs du royaume sont appelés, en ce moment, à poser dans leurs municipalités les fondements de la régénération de l'empire; en recueillant ce premier fruit de ia constitution, ils se, prépareront à l'établissement des assemblées administratives de département et de district, qui suivra immédiatement. La nation reconnaîtra que ses représentants se sont attachés à consacrer tous le principes qui peuvent assurer l'exercice le plus étendu du droit de cité, l'égalité entre les électeurs, la sûreté et la liberté des choix, la prompte tansmission des places et des fonctions : principes sur lesquels reposent la liberté publique èt l'égalité politique des citoyens. Tous sentiront que la jouissance de cesbiens précieux est attachée à l'esprit de concorde, et aux sentiments patriotiques nécessaires pour accélérer l'exécution des décrets constitutionnels. Ce3 sentiments exprimés d'une manière si touchante dans toutes les adresses des villes et des communes du royaume à l'Assemblée nationale, sont ceux d'un peuple raisonnable et bon qui sent le prix de la liberté, et qui, digne d'en jouir, n'a plus d'efforts pénibles à faire pour s'en assurer la possession. Il ne lui reste qu'à consommer avec courage et tranquillité; ce que son Roi et ses représentants, unis par les mêmes vues, et tendant au même but, lui présentent pour première base de la prospérité nationale et du bonheur dès particuliers.
Signé : Fréteau, président, le vicomte de Beauharnais, Volney, Dubois de Grancé, le baron de Menou, Chasset, le comte Charles de Lameth, secrétaires.
lit une lettre de M. le garde des sceaux, qui annonce que les membres de la chambre des vacations du parlement de Rénnes ont refusé de se charger des fonctions qui leur étaient attribuées par la déclaration du 3 novembre, portant prorogation des parlements. Il annonce aussi que le Roi a donné des ordres pour l'exécution du décret du 10 octobre présenté à Sa Majesté, lé jour d'hier, concernant le serment à prêter par les officiers supérieurs dé la garnison de Metz.
Sa Majèstë a accordé sa sanction au décret du 11 de ce .mois, pour la conservation des bois.
Elle a pareillement donné les ordres nécessaires pour la délivrance du sieur de la Richardière, détenu dans les prisons des Sables-d'Olonne.
Enfin, elle a prescrit l'exécution du décret relatif à la municipalité. d'Amiens.
fait ensuite donner lecture de la pièce suivante :
Mémoire des ministres du Roi sur la non-exécution des décrets de VAssemblée dans les Trois-Evér chés.
Par son décret du 23 septembre, l'Assemblée nationale a chargé les administrations; provinciales, les juridictions et les municipalités de veiller aux moyens d'assurer le recouvrement des impositions ; et elle :a supplié le Roi de don-
ner les ordres les plus exprès* pour le rétablissement des barrières et des employés, et lë maintien de toutes les perceptions.
Les ministres du Roi se sont occupés du soin d'exécuter ce décret, et presque partout ils éprouvent des résistances, des obstacles, qui viennent à la fois de l'esprit d'insurrection auquel la multitude est généralement livrée, et de la timidité de ceux qui pourraient employer les moyens de la contenir.
Dans les Trois-Evêchés, les barrières ont été généralement détruites, et les employés obligés, par la crainte, à prendre la fuite, Quand on a voulu les rétablir dans leurs fonctions, il n'a été que trop facile de juger que les mêmes excès allaient se renouveler. Il fallait obtenir main-forte des milices nationales et des commandants des troupes ; la réquisition a été faite au président du comité municipal de la ville de Metz et aux maires des différentes villes de la province.
Le premier a répondu que la mission du comité était remplie par l'enregistrement des décrets de l'Assemblée nationale, et que ce n'était point à lui à rétablir: les employés dans leur3 fonctions.
Les autres n'ont pas fait un refus aussi formel ; mais ils s'excusent sous différents prétextes dont la véritable cause n'est autre que la crainte de donner une réquisition positive aux milices et aux troupes.
Alors lë régisseur général, chargé du soin de cette opération, S'est adressé au parlement de Metz. Il a pensé qu'il en obtiendrait, pour tout le ressort, la réquisition de main-forte qu'il sollicitait, et le parlement a rendu un arrêt qui le renvoie aux municipalités pour en être fait droit. Ainsi l'assistance absolument nécessaire, et sans laquelle la perception ne se rétablit pas, est partout refusée,;
Les ministres du Roi ont chi devoir donner connaissançé de ces faits à l'Assemblée nationale, parce qu'ils arrêtent le recouvrement des droits du Roi dans une province entière: ils pourraient réunir un grand nombre de faits particuliers, et dans la plupart des villes de France les mêmes inconvénients se font sentir.
L'Assemblée nationale en pèsera toute l'importance, et sa sagesse lui dictera sans doute les moyens d'y subvenir. Mais si les municipalités se retusént à seconder les mesures du gouvernement, si la crainte les arrête, si-la diversité des systèmes qu'elles adopteront forme un obstacle à l'unité du plan, et produit même entre elles une division funeste, le pouvoir exécutif sera réduit à l'impossibilité de veiller au maintien des décrets et au recouvrement si nécessaire des impôts.
J'ai' entré les mains une adresse que jenë puis vous dissimuler, quelque affligeante qu'elle soit ; elle ëst signée du président et des membres du bureau municipal de Senlis/
Je demande d'abord si M. Leblanc , député de cette ville, est dans l'Assëmblée?
Sur la réponse négative, M. le président lit Gette lettre.
« Ce jour dimanche, 13 décembre, étant destiné à la bénédiction des drapeaux de la garde nationale, tous les corps se réunirent à l'hôtel de ville. Le cortège, sorti pour se rendre à l'église, a à peine fait quarante pas, qu'un tambour est atteint d'un coup de fusil tiré d'une croisée; une nouvelle décharge part de la même maison. Le sieur Leblanc, fils d'un des membres de l'Assemblé®
nationale, est blessé au bras'; le commandant de l'arquebuse reçoit une balle à travers le corps. Les soldats citoyens enfoncent la porte de la maison d'où les coups sont partis ; ils trouvent des barricades dans l'intérieur; des sapeurs surviennent ; ces obstacles sont rompus ; on arrive à un appartement qui paraît en feu ; on court chercher des pompes. A l'instant la maison saute en l'air, et soixante personnes sont ensevelies sous ses décombres. Quelques-unes ont été retirées vivantes, mais cruellement mutilées. »
Le coupable de ce crime affreux paraît être le nommé Billon, propriétaire de cette maison, et qui, peu de temps auparavant, avait été chassé ae l'arquebuse. Ainsi cet événement est l'effet d'un ressentiment particulier, et n'a nul rapport aux affaires publiques.
Oû fait ensuite l'annonce de divers dons patriotiques.
Les citoyens du district des Filles-Saint-Tho-mas ont présenté à l'Assemblée, par leurs députés présents a la séance, 111 marcs d'argent et 3onces 2 gros d'or.
M. le duc de Villeroi déclare faire remise au Roi, pour droits de lods et vente, de la terre et seigneurie de l'Isle-Dieu, acquise par Sa Majesté, et pour droits d'indemnités résultant de cètte acquisition, d'une somme de 300,000 livres qu'il offre à titre de contribution du quart, quoique, ajoute-t-il dans sa lettre, cette somme excède, non-seulement le quart, mais même une année, entière de son revenu, déduction faite des charges.,
Les religieux Bernardins de l'abbaye de Saint-Maurice ont, par acte capitulaire du 30 novembre, offert, en don patriotique, huit grands chandeliers d'argent, deux croix d'argent, une crosse, une aiguière, un bénitier et son goupillon d'argent, pesant 96 marcs 7 onces, et ils ont remis ce don en dépôt à la municipalité de Quimperlé.
Ils ont déclaré avoir au bureau de la recette des domaines et bois, à Rennes, la somme de 24,017 livres, restant .d'une adjudication de bois autorisée par le Roi, et faite au mois de décembre 1779.
Ils ont offert sur cette somme, dont une partie est à leur disposition, et l'autre partie desti née à des réparations qui ne sont pas urgentes,et peuvent être plutôt considérées comme des embellissements, une somme: de 18,000 livres pour verser dans le, Trésor public, comme contribution du quart des revenus ; ce qui excède trois fois le taux auquel ; pourrait s'assujettir un particulier qui jouirait des mêmes revenus que les religieux de Saint-Maurice.
Ils ont offert, en outre, de donner à la ville de Quimperlé 4,000 livres, pour l'aider dans les dépenses auxquelles elle a été forcée, comme toutes les autres villes de la province, par les circonstances actuelles.
Enfin, les religieux de Saint-Maurice ont offert de donner aux pauvres, très-multipliés, de ce canton, une somme de 2,017 livres 8 deniers, ce qui fait en total la somme déposée à Rennes.
La ville dé Quimperlé supplie l'Assemblée nationale de vouloir bien approuver ces dispositions, et d'ordonner, en conséquence, que la somme déposée au bureau du receveur des domaines et bois a Rennes, sera versée tant au Trésor public qu'au receveur de la municipalité et des pauvres de Quimperlé, et de charger son trésorier des dons patriotiques de donner à cette municipalité des ordres pour qu'elle envoie à Paris, ou qu'elle re-
mette à un hôtel des monnaies l'argenterie dont elle est dépositaire.
L'Assemblée accorde en totalité les demandes de la ville^de Quimperlé.
Le sieur Vincent, ci-devant major provisoire au district de l'Abbave Saint-Germain-des-Prés, et sans interruption servant dans la garde nationale parisienne non soldée dudit district, offre à la nation la somme de 96 livres, montant de l'ordonnance qu'il a reçue en 1772, lorsqu'il est entré dans le régiment du Roi, dragons.
M. Saunier de Lac, conseiller, avocat du Roi honoraire au bailliage de Forez, donne 2,000 sacs de charbon menu, nouvellement extrait, à prendre dans sa carrière de Villars, à commencer du mois de décembre 1789.
Les habitants de Bossise-la-Bertrand, près Me-lun, sur la motion faite par le sieur Jean-Nicolas David, pêcheur, et premier membre de la municipalité, ont déclaré que malgré le peu de facultés de leur paroisse, désirant donner au Roi et à l'Assemblée nationale des témoignages de leur profond respect et de leur vive reconnaissance, ils offraient à la patrie ce qui devait leur revenir en moins imposé sur le3 six derniers mois de 1789, à raison de la taxe des ci-devant privilégiés de leur paroisse, sans préjudice de la contribution du quart du petit nombre d'habitants qui ont un revenu au-dessus de 400 livres.
demandent l'agrément de l'Assemblée pour s'absenter quinze jours ; l'Assemblé e le leur accorde.
Messieurs, les officiers détenus dians les prisons de Toulon ont été resserrés de plus près que jamais sur un bruit faux, mais accrédité parmi le peuple, qu'il y avait une conspiration pour livrer le port aux Anglais. On croit dans cette ville qu'il y a dans la Méditerranée une flotte combinée de vaisseaux anglais et hollandais, prête à fondre sur ce port dès que les ennemis de l'Etat pourront leur fournir une occasion de le faire.
M. d'André, commissaire du Roi, m'a écrit et a écrit aux ministres des lettres où il fait un ta^ bleau frappant des mouvements et de l'agitation qui régnent à Toulon. Il mande que malgré l'estime générale que l'on a pour lui, il a eu toutes les peines du monde à empêcher d'envaser six vaisseaux ; qu'il ne peut se promettre d'empêcher les mouvements des malintentionnés; que tout le succès qu'il peut attendre de sa prudence est de faire incorporer d'honnêtes citoyens parmi les volontaires, pour les amener à la raison ; que ceux-ci lui demandent impérieusement des armes et qu'il croit qu'il ne pourra mieux faire que de capituler.
Enfin, les ouvriers de l'arsenal demandent la résiliation des marchés faits avec les entrepreneurs.
Il est bon de remarquer que vingt-six ouvriers des entrepreneurs font l'ouvrage de cinquante-huit à la journée, lorsqu'ils travaillent au compte du Roi. Au reste; il y aurait peut-être autant de dangers, dans les circonstances actuelles; à acquiescer à la demande des ouvriers qu'à s'y refuser.
Je demande donc, que M. le président écrive aux officiers municipaux de Toulon, qu'on ne pourra s'occuper de la pétition des ouvriers que lorsque ie calme et la paix seront
rétablis dans la ville, en les exhortant à la soumission et à la subordination.
La lettre qu'on vous propose contient un blâme contre le peuple et une punition contre les ouvriers ; cependant vous ne connaissez pas les faits; vous avez ajourné l'affaire pour qu'elle fût mieux instruite ; on n'a pu vous rendre compte encore des pièces apportées par un courrier extraordinaire de la ville de Toulon. Vous avez vu dans celles qui vous ont été présentées une conduite très-répréhensible...
et plusieurs autres membres interrompent l'opinant, en disant : Nous n'avons pas vu cela.
demande que l'orateur soit rappelé à l'ordre.
continue : Vous avez vu, ou vous avez dû voir le mépris le plus insultant du signe de la liberté nationale ; vous avez vu que le commandant de Toulon a soutenu ses soldats avec audace, qu'il a voulu même les armer contre les défenseurs de la patrie... De ce qui vient d'être allégué par M. Malouet, je conclus que sa motion ne mérite aucune considération; qu'elle -ne tend qu'à surprendre un décret, qui préjugerait rvotre décision sur une affaire des plus importantes.
L'Assemblée ajourne à demain deux heures le rapport de différentes pièces et la suite de cette discussion.
La séance est levée à quatre heures moins un quart.
Séance du
La séance est ouverte par la lecture du procès-verbal de celle de la veille, et des adresses suivantes :
Adresse de la .ville de Thoissey en Dombes, qui démande la conservation des religieuses de la Visitation établies dans son sein, avec adhésion et soumission à tous les décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse de la ville de Saint-Ghamond-en-Lvon-nais, qui, pénétrée du respect le plus profond pour l Assemblée nationale, la supplie de l'autoriser à former provisoirement sa municipalité, jusqu'à ce que l'organisation des municipalités soit définitivement décrétée.
Adressé de la vallée de Baretous en Béarn, composée de six communautés, contenant une adhésion formelle à tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale, et notamment à celui qni porte l'abandon des privilèges et exemptions dés provinces ; elle donne des pouvoirs généraux et illimités à ses députés, désirant néanmoins que la coutume du Béarn, relativement aux droits successifs, soit conservée.
Délibération du comité permanent de la ville d'Annonay, par laquelle il invite chaque habitant
dii Haut-Vivarais à déclarer ou arrêter quiconque chercherait, par des propos séditieux ou .tout autre moyen, à troubler la sécurité générale, qui doit être fondée sur une confiance sans bornes dans les sages décrets de l'Assemblée nationale, et sur l'amour le plus dévoué pour le meilleur des rois.
Délibération de la commune de Saint-Vincent-de-Boisset en Beaujolais, portant acceptation avec reconnaissance du don fait par M. de Saint-Vincent de l'abandon pendant sa vie, n'étant qu'usufruitier de sa terre, de tous les arrérages des droits seigneuriaux, même des lods à lui dus dans ladite paroisse, pour en faire l'emploi par lui désigné ; et un consentement à ce que le montant du produit de l'imposition des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789 soit versé dans le Trésor public avec celui de la contribution patriotique des habitants, aux époques fixées par le décret rendu à ce sujet; portant en outre que cette délibération serait communiquée aux paroisses de l'arrondissement, et qu'elle serait présentée à l'Assemblée nationale par M. Ghasset, l'un des députés du Beaujolais.
Délibération des villages de Bellicourt, Hargi-court, Frénoy-le-Grand, Honnecourt, le Hau-court, le Vergie, Joncourt, Magny-la-Fosse, Nau-roy-Vendelle et Vendheuille-France, bailliage de Saint-Quentin, qui adhèrent à tous les décrets émanés de la sagesse de l'Assemblée nationale, hors celui sur la gabelle, du 23 septembre. Ils offrent à la nation en don patriotique le produit des rôles des suppléments des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de cette année. Ils demandent à payer le sel, les trois derniers mois de cette année, à raison de 60 livres le minot; savoir, 45 livres par chaque quintal, pour être versées dans la caisse nationale à titre de don patriotique, et les 15 livres restantes seront payées au receveur; et à compter du 1er janvier 1790, ils payeront leur contribution pour le sel à raison de 30 livres le quintal, à condition qu'ils ne seront pas tenus de le lever au grenier à sel.
Adresse d'adhésion de la ville de Gournay en Normandie; elle demande une justice royale.
Adresse de la compagnie du jeu d'arquebuse de la ville de Ghaumont-en-Bassigny, qui présente à l'Assemblée nationale l'hommage d'nne adhésion respectueuse à ses décrets, et d'un dévouement absolu pour en maintenir l'exécution; elle fait le sacrifice de tous les privilèges dont elle jouit depuis plusieurs siècles.
Adresse de la communauté de Soncourt, contenant une délibération sur l'établissement d'une milice nationale destinée à maintenir l'ordre et la tranquillité publique, et à faire exécuter, autant qu'il sera en elle, tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale ; un procès-verbal qui ordonne la visite des bois du prieuré de la Genevroiè, situés dans ladite communauté, et un rapport qui constate les dégâts énormes qui ont été commis dans ces bois par le prieur.
Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la ville de Marville en Verdunois; elle demande l'autorisation de sa milice nationale, telle qu'elle est formée, ensemble la conservation de sa prévôté royale-, et en cas de suppression, elle supplie l'Assemblée de lui accorder une justice royale, et de conserver les officiers actuels, dont elle n'a qu'à se louer, et particulièrement du chef delà juridiction.
Adresse du même genre de la ville de Grenadè-sur-Garonne; elle demande l'établissement d'un des districts qui seront compris dans lé départe-^ ment de Toulouse.
Adresse du même genre de la ville de Jallais en Mauges, province d'Anjou : elle demande une justice royale-
Adresse du même genre de la ville de Rodez: elle renonce expressément à tous ses privilèges ; elle fait à la patrie le don des boucles d'argent de ses habitants, en attendant l'exécution du décret concernant la contribution patriotique : enfin, elle fait remise à la nation d'une créance, sur l'Etat, de 22,410 livres, payées par la ville de Rodez pour l'acquisition des offices municipaux dont les titres sont joints à l'adresse.
Adresse du même genre du comité municipal de la ville : d'Argentan en Normandie-: elle demandé d'être le siège d'un tribunal supérieur.
Adresse: des religieuses de la Visitation* de Pont-à-Mousson, en Lorraine, qui, pénétrées du respect le plus profond envers l'Assemblée nationale, la supplient, avec les plus vives instances, de les laisser vivre et mourir dans l'état qu'elles ont embrassé sans contrainte, qu'elles exercent avec zèle, et qui fait le bonheur de leur vie.
Adresse des officiers du bailliage royal deSaint-Omer, qui présentent à l'Assemblée nationale l'hommage du plus entier dévouement pour l'exécution de ses décrets. Ils se plaignent de la lenteur que l'on met dans leur envoi, et demandent pour cette ville le siège d'une assemblée de département.
fait lecture d'une délibération des officiers du présidial de Besançon, qui, animés d'un zèle ardent pour la régénération de l'Etat, se sont fait un devoir, dès la rentrée de la Saint-Martin dernière, d'offrir à leurs justiciables l'hommage de l'exercice gratuit des fonctions qui leur sont confiées, et de s'engager en même temps de redoubler de zèle et d'activité pour; les remplir. Considérant néanmoins que des circonstances fâcheuses ont opéré une diminution sensible dans les ressources d'une classe nombreuse du peuple, que des secours extraordinaires sont indispensables pour soutenir cette portion de la nation dans la crise au milieu de laquelle se prépare le bonheur général, ils ont délibéré de remettre entre les mains des représentants de la commune de cette ville, l'abandon qu'ils font des émoluments attribués aux fonctions de leurs offices, pour que le profit en soit versé dans la caisse patriotique, établie pour fournir à la subsistance de la classe indigente. Ils supplient l'Assemblée nationale d'agréer cette délibération comme une preuve de leurs sentiments de respect, de soumission et de dévouement pour ses décrets.
Cette offre est accueillie avec applaudissement par l'Assemblée.
fait part d'une réclamation de MM. les députés de Saint-Jean-d'Angely, contre une erreur du procès-verbal du 2 de ce mois. Ils ont demandé qu'au lieu de la relation qui y est faite, que l'abbaye royale, établie dans leur ville, soit remplacé par un collège, il soit inséré dans le procès-verbal de ce jour, que l'esprit de l'adresse de cette ville est que l'abbaye soit conservée pour y établir un collège à l'instar de ceux de Pontlevoy et Sorèze, tenus et administrés par les bénédictins de la congrégation de Saint-Maur.
La rectification de cette erreur est décrétée.
, prêtre de Voratoire, député de la sénéchaussée de Nantes, dit qu'on a omis dans le procès-verbal du 19 novembre dernier, de mentionner qu'après la lecture et l'acceptation faite
de la démission de M. Chevalier, et ses pouvoirs ayant été vérifiés, il, avait été admis et proclamé député à l'Assemblée nationale; il a demandé que cette mention fût faite dans le procès-verbal de ce jour, ce qui lui a été pareillement accordé.
, député de Bresse, donne sa démission; elle est acceptée.
, son suppléant, dont les pouvoirs out été vérifiés, est admis.comme député à l'Assemblée nationale.
L'Assembléeavaitchargé des commissaires d'examiner une machine dont M. l'abbé Demandre est auteur. Il résulte de notre examen que ce mécanisme, très-simple et infiniment ingénieux, peut s'appliquer avec avantage aux pompes d'épuisëment, aux sonnettes à battre des pieux, etc., et qu'il double les forces des hommes. M. l'abbé Bemandrea aussi fait l'application de sa machine à la navigation. Des pièces très-authentiques et la notoriété publique prouvent que, dans un des endroits où le Rhin a le plus de rapidité, trente bateaux, attachés à la suite les uns des autres, et dont quatre étaient remplis , de gravier, ont facilement remonté ce fleuve par le moyen de ce mécanisme, auquel huit hommes étaient employés.
On a fait à Toulon l'essai de la machiue de M. Demandre, et le succès a été complet.
L'Assemblée témoigne le désir de voir cette machine: M. le président annonce qu'elle sera exposée sur le bureau avant l'ouverture d'une des prochaines séances.
qui, dans la séance de la veille, avait demandé que M. le président fût autorisé d'écrire une lettre à Toulon dans les vues qu'il avait expliquées, désire que sa proposition soit de nouveau prise en considération.
lui fait observer que l'Assemblée a rendu un décret, qui porte que sa demande est ajournée pour cejourd'huià deux heures, à la charge parle comité des rapports de faire, le plus promptement possible, celui qui est relatif à cette affaire.
Après quelques observations de la part de quelques membres, M. le président met aux voix la question de savoir si le décret est véritable ment* dans les termes ci-dessus rapportés ; elle décide l'affirmative. En conséquence, elle renvoie la discussion à l'ordre de deux heures.
présente sa démission, motivée, d'après un certificat de médecins, sur sa santé, qui ne lui permet pas de remplir ses fonctions. 11 annonce, par la lettre qu'il a é-crite à M. Je président le tl de ce mois, que son suppléant a été choisi en même temps qu il a été nommé lui-même, et quoique ce suppléant n'ait pas encore été admis, l'Assemblée, sans tirer à conséquence, accepte la démission de M. le duc de Yillequier.
demande la permission de s'absenter pendant quelque; temps pour aller-dan s sa patrie; cette, permission lui est accordée; il en'remercie l'Assemblée par sa lettre à M. le président, en lui annonçant qu'il se fera toujours une gloire depor-
terpartout les leçons, les sentiments et les principes de l'Assemblée.
, député de Châ* teau-Thierry, demande la permission de s'absenter pendant deux jours , pour des affaires très-iutéressantes. Cette permission lui est accordée.
reprend sa motion de la précédente séance tendant à fixer des bornes à la juridiction des municipalités.
Ce que je propose, dit-il, et ce que j'aij déjà proposé deux fois, tend à empêcher les grandes i municipalités de prendre un empire sur les municipalités de moindre considération. * (L'Assemblée se montre impatiente).^ I L'orateur se hâte de lire deux articles portant : 1° qu'aucune municipalité n'aura, en administration, autorité ni juridiction sur une autre ; qu'elle ne pourra rendre ses arrêtés exécutoires ni les faire proclamer et afficher hors de son territoire^ 2® qu'il sera défendu à toutes les municipalités des villes capitales et principales et à toutes autres, de prononcer par statuts et règlements sur les détails de la haute police et d'administration générale, autrement qu'en exécution des décrets de l'Assemblée nationale sanc-ionnés par le Roi.
La disposition qui nous est proposée est inadmissible dans les circonstances actuelles. Si elle était admise, personne ne pourrait prévoir où s'arrêterait le désordre dans la capitale, car vous n'ignorez pas à combien de pouvoirs la municipalité de Paris a succédé et dans combien d'occasions elle a été obligée d'outrepasser les attributions qui lui sont confiées dans un autre ordre de choses. Si vous adoptiez la motion, vous mettriez la subsistance ide la capitale entre les mains du premier intri-jant venu. Voilà les motifs qui m'engagent à demander la question préalable.
Qu'avons-nous décrété sur les municipalités ? qu'elles seront chargées de la perception et du recouvrement des impôts. Vous décréterez plus tard quels statuts elles pourront faire relativement à la police ; mais le faire à présent serait exposer les campagnes aux plus grands désordres. Je demande que la motion soit ajournée jusqu'au moment où l'on s'occupera de l'organisation du pouvoir judiciaire.
Les craintes des préopinants sont autant de chimères, tandis qu'il serait du plus grand danger que les grandes villes, profitant de l'influence que'leur donne nécessairement leur population, s'arrogeassent une espèce d'empire sur les villes d'une faible importance.
paraît à la tribune.
.,0n demande la clôture de la discussion. Elle est prononcée.
, s'écrie : On nous ferme la bouche dès que nous voulons défendre les provinces et les opprimés!
consulte l'Assemblée quidé-ide qu'il n'y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur la motion de M. Malouet.
L'ordre du jour appelle la discussion de la mo-
tion de M. le comte de Mirabeau relative aux grades administratifs et aux conditions d'éligibilité.
rappelle que cette motion, faite dans la séance du 10 décembre au matin , propose qu'il soit décrété que, pour être membre de l'Assemblée nationale, il faudra y avoir été député une fois, ou avoir rempli pendant deux ans, des fonctions graduellement dans les municipalités , les districts et les départements, ou avoir occupé, durant trois ans, un office de judi-cature.
(l). Messieurs, quoique le premier soin des législateurs soit de se défier de l'éloquence, et d'examiner froidement ce. qu'elle lui présente avec enthousiasme, je ne peux m'empêcher de rendre un hommage public aux grandes vues que M. de Mirabeau a développées hier dans cette même tribune. C'est une sublime pensée de, mettre de la fraternité entre toutes les fonctions publiques. C'est une belle conception législative de jeter un voile d'honneur sur toutes les magistratures, de changer tous les emplois publics|en témoignage de vertu, de faire de ces dépôts,que la patrieconfieà un citoyen, autant de titres pour parvenir aux fonctions les plus-émi-nentes de la société. Il fallait surtout, en régénérant les municipalités, effacer les traces de cette espèce de flétrissure que l'orgueil, les préjugés , le despotisme des agents subalternes du pouvoir, elle fisc lui-même, leur avaient imprimées depuis un siècle. Il fallait engager tous les citoyens sans distinction à servir la patrie avec le même zèle, dans les magistratures tes plus inférieures, pour mériter la préférence sur leurs concurrents, il fallait enfin ouvrir le trésor de l'honneur, au lieu d'accorder à ces faits odieux de privilèges, des exemptions et de vaines prérogatives. C'est ainsi, Messieurs, qu'à Rome, par une allégorie admirable, on n'arrivait au temple de l'honneur qu'en passant par celui de la vertu.
Mais, en adoptant ces grandes vues de législation, devons-nous adopter aussi l'application qu'èn fait M. de Mirabeau ? Devez-vous exiger rigoureusement cette marche expérimentale, et ces honneurs graduels? Devons-nous exclure, avec sévérité, des grands honneurs ceux qui n'auront pas parcouru toute l'échelle politique que l'auteur ae la motion a élevée devant vous ?
C'est ici que les doutes se présentent....
Je ne dirai pas que la motion de M. de Mirabeau détruit absolument vos décrets qui admettent des éligibles à l'Assemblée nationale, âgés de 25 ans, puisque, d'après sou calcul, il faudra avoir 35 ans révolus pour y parvenir.
Je ne dirai pas que cette motion fait revivre les trois degrés d'élection que vous avez sagement proscrits, dans l'idée de donner au peuple une influence plus directe, et un champ plus vaste à l'élection.
Je ne dirai pas que la motion tend à faire administrer toutes ies municipalités par des
jeunes gens âgés de 21 ans, tandis qu'il importe à la nation que des hommes mûrs soient
chargés de ces fonctions importantes mêlées de justice, de police, d'administration et de
pouvoir militaire; le bon sens de l'administration est bien différente du génie des lois.
Loin de nous donc ces transitions administratives, ces espérances graduelles, dès qu'elles peuvent nuire au premier, au plus sacré de tous les droitsl
Parmi les autres inconvénients que produirait cette motion, si elle est admise telle qu'elle est rédigée, l'homme le moins susceptible de réflexion y aperçoit l'impossibilité, presque certaine, d'avoir, même dans dix ans, un nombre suffisant d'éligibles, pour que la confiance populaire ait la latitude qui lui est due, et qui lui est nécessaire. Qui d'entre vous n'est pas persuadé que les citoyens dignes d'administrer leur pays, ou de former ses lois, ne peuvent pas avoir été tous, dans quelle période de temps qu'on le suppose, membres des corps municipaux et administratifs, ce serait cependantune injustice manifeste de les exclure.
Une pareille loi avait été proposée aux Américains par l'abbé de Mably, dans un de ses ouvrages. Voici ses paroles : « Il voulait que chaque république se fît une loi de ne charger de ses pouvoirs, dans le congrès continental, que des citoyens qui auraient été employés dans le conseil, auquel il a confié la puissance exécutrice, et qui s'y seraient distingués par leur probité et leurs talents. Je voudrais, disait-il, que le plus grand honneur, auquel puisse aspirer un citoyen, fût d'être délégué au ^conseil de vos Âmphictyons. »
Quelques Américains ont réfuté l'abbé de Mably; ils ont craint, en adoptant une pareille loi, de borner à un trop petit nombre leurs éligibles au congrès ; ils ont pensé que tous les citoyens étaient également appelés à faire des loisj si la république les trouvait capables» quoiqu'ils n'eussent point exercé d'autres fonctions publiques. Quant à l'honneur, disaient ces zélés républicains, nous pensons qu'un citoyeu est assez honoré par la place que la patrie lui confie, de quelque nature qu'elle soit, et que cet honneur est plus ou moins grand, suivant la manière plus ou moins distinguée dont il remplit ses devoirs......
Laissons donc, Messieurs, aux peuples, laissons aux électeurs le soin et la liberté de reconnaître les services qu'on aura rendus, et ne craignons pas que le peuple* restitué dans ses droits et libre dans ses suffrages, ne distingue, avec autant de sagacité et de justice, les hommes dignes de sa confiance pour le corps législatif.
Les municipalités, devenues électives, S'élèveront d'elles-mêmés au-dessus des préjugés absurdes, et des tyrannies de la vanité. Elles deviendront l'objet de toutes les ambitions nobles, de toutes les volontés pures, de toutes les vertus populaires. Mais si vous en faites un degré pour arriver à l'Assemblée nationale, vous les perdrez en voulant les honorer. Ce ne sont jamais les titres de ceux qui occupent les places qui les relèvent, mais la vertu et le mérite de ceux qui les exercent. La gradation expérimentale qu'on nous
r propose ressemblerait bientôt à ces grades dérisoires que les lois avaient prescrits pour enr courager l'étude des lettres et des lois par l'aptitude à la possession des bénéfices, ou des offices de judicature; et les fonctions administratives ne seraient que de vains,titres d'ambition et de vanité.
Faut-il pour cela, Messieurs, abandonner le plan de M. de Mirabeau? faut-il rejeter sa motion ? Non» sans doute; les idées morales qu'elle renferme méritent d'être consacrées solennellement dans vos lois. Voici les motifs de l'usage qu'on en peut faire :
i II faut distinguer le Corps législatif du corps administratif. Je ne parle, d'abord, que de l'éligibilité pour les Assemblées nationales.
Déjà vous avez rejeté le tribut civique qu'on vous proposait comme un moyen d'éligibilité, et vous avez été aussi justes que politiques; la loi et la constitution auraient eu un caractère de fiscalité indigne d'elle et de vous.
Vous avez décrété que la réception civique, et le serment patriotique ne dispenseront pas des autres conditions d'éligibilité; et ces moyens vous ont paru insuffisants pour obtenir une" pareille dispense.
Mais aujourd'hui, Messieurs, jetez les yeux sur vos décrets concernant l'éligibilité; voyez à quel point vous avez borné la confiance des peuples, et affaibli ses espérances , qui sont son unique domaine; voyez à quel petit nombre vous avez réduit ces éligibles. Voulez-vous resserrer encore le cercle ou 1 étendue ? Voulez-vous servir ou détruire la liberté publique? Eh bien, Messieurs, M. de Mirabeau vous propose évidemment de restreindre le cercle des éligibles ; car il y aura bien moins d'hommes qui aient obtenu deux fois les suffrages publics pour les administrations et les municipalités, qu'il n'y en a dans ce moment d'éligibles à l'Assemblée nationale, d'après vos décrets. Je vous propose au contraire -d'étendre ce cerfcle, et d'augmenter la latitude de la confiance publique.
M. de Mirabeau inflige une sorte de peine par l'exclusion qu'il donne à ceux qui n'auront été ni du district, ni du département, ni de la municipalité.
Et moi, Messieurs, je vous propose de donner un encouragement à ceux qui, n'ayant pas les autres conditions, auront été deux foird'un district, municipalité ou administration;
On vous propose d'éloigner le citoyen qui n'a pu être officier municipal ou administrateur. Je vous propose d'encourager le citoyen vertueux, éclairé, qui n'aura pas assez de fortune pour être imposé au marc d'argent. :
On vous propose de faire une nouvelle condition d'éligibilité; et je vous propose d'en faire un titre de dispense.
J'ajouterai même dans-la classe des hommes qui pourraient aspirer à l'éligibilité sans avoir rempli les conditions prescrites, ceux qui auront exercé, pendant quatre années, cette magistrature aussi morale que politique, aussi religieuse que civique, qui maintient les peuples dan£ la fidélité aux lois, qui secourt les indigents, et console les malheureux.
Tournez donc, Messieurs, des regards favorables vers les moyens d'encourager le civisme, au lieu de l'atténuer et de le refroidir. C'est l'opinion qui dirige les hommes. C'est la majesté des récompenses publiques qui commande tous les sacrifices, tous les travaux utiles. Dans une nation chez laquelle l'amour de la patrie vient
s'identifier à l'honneur, vous pouvez attacher lés citoyens à toutes les fondions importantes de la société. C'est ici la cause de la nation qué je défends; car elle n'a pas d'autre moyen de récompenser les différents services publics et de s'acquitter envers ceux qui les font, que de dispenser les bons citoyens et les hommes éclairés, des conditions que là fortune a imposées, ou que M. de Mirabeâu vous a proposées : c'est pour elle-même que la nation agit lorsqu'elle encourage ainsi à ia servir.
Je propose l'article suivant:
Tous les citoyens français qui auront réuni deux fois les suffrages du peuple, comme membres de quelqu'une des assemblées administratives de département, de district ou de municipalité, ou qui auront rempli, pendant quatre années au moins, une place dë magistrature, civile ou religieuse, seront dispensés des autres conditions de l'éligibilité pour l'Assemblée nationale ; et ceux qui auront été une seule fois membres des municipalités, seront dispensés dés autres conditions d'éligibilité pour lés assemblées .administratives de département et de district.
Quelque intéressante que soit la motion, elle est moins pressante que beaucoup d'autres objets de constitution. Je demande qu'elle soit ajournée, et qu'on s'occupe en ce moment de la constitution militaire.
Quoique l'exécution de la motion soit éloignée, les effets en seront prochains; il est important qu'elle soit promptement prise en considération.
Une des raisons sur lesquelles M. de Mirabeau fonde sa motion est de rendre honorables, à tous les citoyens les premières fonctions de la société. Beaucoup de gens, faits pour rèmplir les places des municipalités, les dédaigneront, si elles sont isolées des autres emplois publics. En en faisant des échelons pour les emplois supérieurs, ils s'empresseront sur-le-champ de les occuper, quoique l'effet de la motion ne doive avoir lieu qu'en 1797. Je pense en conséquence qu'elle ne doit pas être ajournée. Elle est susceptible de beaucoup d'amendements; mais, après avoir fait le départ du bien et du mal qu'elle renferme, elle pourra être décrétée. Je propose de la discuter sur-le-champ.
(1). Messieurs, s'il s'agissait de lutter de talents avec ceux qui ont parlé avant moi, je serais effrayé sany doute; mais heureusement il s'agit de raison, et l'on sait que le talent et lâ raison ne sont pas toujours d'accord.
La question que vous avez à décider est celle-ci : Voulons-nous recommencer notre constitution? —au lieu de l'Assemblée nationale, établir un Sénat ? — au lieu de créer un gouvernement pour les peuples, sacrifier les peuples au gouvernement?
On vous a dit qu'il fallait rendre plus intéressantes et plus recherchées les fonctions des assemblées d'administration et de municipalité.
On vous a dit encore qu'il fallait amener aux législatures des hommes capables et éclairés
dans l'administration. Ces vues sont désirables, mais il ne faut pas sans doute y sacrifier
notre liberté.
Mais l'Assemblée nationale n'est point Cela. Ce n'est point un sénat comme à Rome; ce n'est point un tribunal, ni une assemblée purement administrative, comme on voudrait la faire envisager r c'est une réunion de citoyens, dont le but est de censurer, contenir et diriger tous les pouvoirs. Elle n'en exerce proprement aucun, parce qu'elle les renferme tous. C'est le foyer de tous les principes, de la raison et de la justice qui vivifie, anime et rectifie toutes les parties de l'ordre social.
Il est tellement hors de propos, à mon sens, d'exiger que l'on ait été: membre des assemblées administratives, pour devenir membre de la législature, qu'il serait facile de prouver que l'opinion contraire est vraie. Je voudrais que tous les membres de la législature eussent l'expérience de tous les pouvoirs, non pour les avoir exercés, car ils seraient portés à les étendre, mais pour y avoir été soumis, parce qu'ils seraient portés à les restreindre. L'Assemblée nationale a pour unique objet d'exprimer la volonté du peuple, et non la volonté de ceux qui le gouvernent ; et pour cela il est nécessaire que le peuple rentre spuvent, pleinement et sans restriction dans son droit de choisir ses représentants. C'est d'abord la seule manière de lë consulter d'après notre constitution ; et d'ailleurs, une réunion d'administrateurs et de juges peut-elle présenter l'idée d'une assemblée qui ne doit ni administrerai juger, ni gouverner, mais contenir et réprimer ceux qui jugent, qui administrent, qui gouvernent.
H existe d'autres inconvénients encore à la motion.
La nature semblait entièrement d'accord avec nos idées. Elle a réparti entre les hommes des talents divers. Elle les a surtout séparés en deux classes bien distinctes : ceux qui se plaisent aux détails, qui dévorent les difficultés, èt que le travail le plus long ne rebute point; et les hommes. plus paresseux peut-être, mais plus méditatifs, plus propres par conséquent à généraliser leurs idées, et à voir l'ensemble des affaires ; les premiers semblent appelés à exercer des fonctions administratives, les seconds sont plus propres à devenir membres des législatures. La fortune les différencie également. Il est beaucoup d'hommes estimables qui seraient détournés de
se présenter pour l'Assemblée nationale, .par l'obligation de passer huit ans dans léé àssénibiées administratives, ou l'impossibilité de le faire.
On vous a prouvé que le décret présenté tendait à reculer à 35 ans au moins l'âge où l'on pourrait devenir membre de la législature. L'on vous invite en cela à contrarier la nature des choses. Il faut sans doute de la maturité pour les assemblées législatives ; mais j'osè le aire, qu'il en faut davantage pour administrer. C'est là surtout où la sagesse de l'esprit est recômmanda-ble, et que la hardiesse des pensées et des vues si naturelles à la jeunesse, est presque inutile. On voit avec plaisir quelques jeunes gens dans une assemblée nombreuse. Un maire de 21 ans est presque ridicule.
Enfin, Messieurs, vous remarquerez sans doute que l'on cherche à reproduire ici ce système funeste que vous avez rejeté avec une généreuse unanimité, celui qui établit trois degrés dans l'élection.
Mais pourquoi s'arrêter plus longtemps à réfuter un projet aussi impossible que dangereux. Permettez-moi, Messieurs, de mettre sous vos yeux ce calcul qûi, je pense, terminera la question.
On vous propose de décréter que dans huit ou dix ans il n'y ait d'éligibles, que ceux qui auront été deux fois membres d'administration provinciale, de municipalité, ou qui auront exercé quelque office de judicature.
En supposant 80 départements et 6 districts, par département, cela fait en tout 108 membres employés dahs les fonctions administratives. Au bout de deux années ils seront renouvelés par moitié, et ne pourront être réélus qu'au bout de deux autres années; de sorte qu'en supposant que ceux qui ont été des premières assemblées soient tous encore des secondes, supposition bien favorable, au bout de huit années il n'y aura encore d'éligibles, dans chaque département que 108 individus, et au bout de dix années 10,2. Ajoutez à ce nombre quelques juges, car on ne peut pas vouloir les élire tous, 40 par exemple, cela fera 148 ; restent les municipalités. Assurément un maire de Village peut être un èxcellent représentant de la nation ; mais qu'il n'ait celte qualité uniquement que parce qu'il est maire de village, cela paraît difficile à concevoir r resterait encore à savoir s'il peut, ou s'il veut être membre de la législature. A cela, je sais bien la réponse que l'on veut faire : on veut que les hommes riches soient engagés à prendre les places de municipalités, par l'espoir d'être membres de l'Assemblée nationale. Mais cela même est un inconvénient; on choisira les hommes moins pour la place qui est vacante, que jpour celle qu'ils devront un jour obtenir ; les places seront demandées par des motifs d'ambition et peut-être d'intrigue ; et jusqu'à ce que le patriotisme ait tout agrandi, tout anobli, ou plutôt tout mis à sa place, les emplois de municipalités seront abandonnés à des hommes qui n'auront pas la connaissance, la patience ou le zèle nécessaires pour les biens remplir. Je mets cependant qu'avec les municipalités des villes cela puisse faire en tout 500 hommes éligibles environ dans huit ou dix ans. Cela posé, voici mon calcul :
Le comité a supposé le nombre des citoyens actifs, être à peu près le sixième des habitants. Cela donne 50,000 habitants par département; réduisons-les à 30,000, alors le nombre des nouveaux éligibles est aux citoyens actifs, comme un à 60; ou, ce qui est la même chose, il exclut les
59 soixantièmes de la France de l'éligibilité. Cette proportion restera toujours à peu près la mêmè, à cause des morts etde ceux qui ne seront pas réélus. Voilà un grand inconvénient, mais cé n'est rien encore. L'on se souvient que les conditions pourêtre membredes assembléesadministra-tives ne seront pas les mêmes que pour l'Assemblée nationale, qu'il faut pour celles-ci payer un marc d'argent, et seulement la valeur de dix journées de travail pour les assemblée^ de département. D'après cela, ceux qui auraient rempli des placés d'administration ou de municipalité, ne pouvant pas payer un marc d'argent, il pourrait arriver, et il arriverait souvent, qu'il n'y aurait d'éligible que lé nombre juste qu'il faudrait élire ; C'est-à-dire que s'il y a 9 à élire, il n'y aurait que 9 environ d'éligibles : alors, comme vous voyez, Messieurs, il n'y a plus d'élection- Bien plus encore, il; pourrait se faire que dans plusieurs départements il n'y eût personne d'éligible, ce qui serait une funeste plaisanterie.
Dans tous les cas, il est étonnant, j'ose le dire, qu'un homme qui a toujours paru défendre la liberté, oublié que c'est le droit de choisir dans un grand nombre de concurrents, qui assure au peuple une bonne représentation. G'est alors qu'il s'établit entre les càndidats une utile concurrence et une émulation de générosité et de bonne conduite pour mériter de fixer les regards du peuple. C'est alors seulement que les hommes riches et puissants sont intéressés à le bien traiter, à être nons, humains et justes; et n'est-ce pas pour le peuple que la révolution s'est faite? qu'ont gagné lés nommes riches et puissants dans cet échange d'un despotisme utile contre une gênante liberté, que le bonheur d'avoir contribué à celui des autres hommes ?
M. de Mirabeau, à la vérité vous assure, qu'il ne restreint pas la confiance des électeurs, que séulement il lui donne une base. Quel abus de l'éloquence 1 et qu'elle serait un funeste présent, si elle pouvait ainsi transformer le faux en vrai, donner à l'injustice.les couleurs de l'humanité et de la raison !
Je vais retracer sous vos yeux la liste de ceux qui ne seraient point éligibles :
1° Ceux que vos décrets ont exclus ; 2° ceux qui voyageraient pour s'instruire ou pour puiser des connaissances comparatives sur les lois et les mœurs ; 3° tous les armateurs et presque tous les négociants; 4° presque tous les militaires et autres employés à la chose publique; 5° tous ceux qui seraient malades ou absents, au moment de l'élection, à la première ou seconde assemblée administrative. Ceux qui auraient changé de domicile et n'auraient pas eu le temps de l'acquérir.
On ne voit pas quel a pu être l'objet de la destruction des ordres, lorsqu'on produit une pareille idée. Eh! Messieurs, cessons d'insulter le peuple et les électeurs, en les regardant toujours comme incapables de choisir leurs défenseurs. Toute la raison humaine n'est pas renfermée dans cette enceinte : faisons une constitution et des lois, mais gardons-nous de porter atteinte au seul droit que la nation s'est réservé, le seul qu'elle puisse exercer par elle-même, celui d'élection. Nous rien avons pas le droit. Faut-il donc plus de lumières pour faire de simples lois que pour créer une constitution? Nos constituants n'ont pas exigé de nous que nous ayons rempli aucune place ; et nous qui leur devons l'honneur de siéger ici, qui tenons d'eux notre pouvoir, nous les exclurions du droit d'être éligibles ! Je demande si telle est leur volonté?
Un autre honorable membre voyant que cette motion ne pouvait avoir lieu que dans huit ou dix ans, a demandé qu'elle fût ajournée à la première Convention nationale, que peut-être vous jugerez à propos de fixer à ce temps. Pour moi, qui pense que ce qui est absurde aujourd'hui, le sera dans dix ans, je crois que nous n'avons pas le droit d'ajourner à un temps où. nous n'existerons plus ; je propose très-clairement la question préalable.
La question demande à être profondément discutée; mais elle n'est pas aussi pressante que beaucoup d'autres. Le travail de vos commissaires sur la constitution militaire est suspendu par l'incertitude des principes que vous adopterez pour le mode du recrutement de l'armée.
Quel est le bon citoyen qui doit avoir besoin de l'espoir d'une place supérieure pour occuper celle où il peut être utile a sa patrie? Ce bon citoyen serait un intrigant. La motion tènd à faire de toutes les élections des foyers d'intrigue.
(1). Lorsque, avec une facilité que j'ai admirée autant qu'il était en moi, j'ai vu monter à la tribune pour attaquer, en improvisant, une motion que j'avais la conscience d'avoir longtemps méditée, et qu'appuyait l'opinion de Rousseau, c'est-à-dire de l'homme qui a le plus réfléchi sur. les choses humaines, je n'aurais eu qu'à me répéter pour y répondre.
Je fus appelé plusieurs fois par un de vos comités, auquel j'ai l'honneur d'appartenir, et je vous demandai d'ajourner la discussion pour que' je pusse répondre à M. Barnave.
Lorsque cet opinant termina son opinion, en proposant l'ajournement pour 1797, je crus que ce n?était qu'une agréable raillerie ; en effet, c'est la première fois qu'on a voulu empêcher les législateurs d'étendre leurs vues dans l'avenir...
On l'a déjà observé : faire une constitution, c'est travailler pour le temps, c'est prévoir, c'est déterminer de loin les mœurs, les opinions, les habitudes. Si la loi que je vous propose est comme la. clef de la voûte sociale, si elle unit toutes les parties dans un lien commun, vous ne devez point différer de la consacrer, quoique son exécution soit nécessairement retardée. Ne croyez pas même qu'elle demeure comme une pierre d'attente ; elle influera dès à présent, et sur ceux
ui se destinent aux affaires publiques, qui ne
édaigneront pas les fonctions municipales, et sur les électeurs, qui conféreront avec plus de choix des places plus recherchées, et sur les administrations elles-mêmes que l'on envisagera comme un état d'épreuve.
On embarrasserait beaucoup l'orateur qui vient de parler avant moi en lui demandant si, lorsqu'il servait dans le premier grade, où il portait les armes avecdistinction,il n'aspirait pas à celui dont il est honoré maintenant? Je ne sais pour quels êtres il peut être vrai que l'émulation soit la même chose que l'intrigue; je ne sais dans quelle race d'hommes le désir de faire le bien est l'unique désir; cette perfection n'est pas faite pour notre terre.
Je ne crois pas qu'il soit de la sagesse et de la
justice de l'Assemblée d'empêcher de répondre à des objections qui seront oubliées si l'on ajourne. Si l'ajournement est à époque fixe, ie ne me permettrai pas un murmure; mais s'il est indéfini, je dirai qu'on traite a'vec une indécence véritablement indigne de vous, une loi que l'autorité du premier génie de notre siècle a consacrée, et que ses ennemis mêmes reconnaissaient comme infiniment morale.
Pour jouir du bénéfice de l'ordre du jour, je demande à répondre. Si je le fais, d'une manière péremptoire, vous jugerez; si la question ne vous parait pas assez éclaircie, vous discuterez, ou vous ajournerez.
(On demande vivement à aller aux voix.).
met aux voix l'ajournement à jour fixe proposé par M. le comte de Glermont-Tonnerre. II est rejeté.
L'ajournement indéfini est ensuite prononcé.
demande et obtient la parole pour une motion additionnelle au décret sur les municipalités. Il propose un projet de décret en 15 articles sur la manière dont les communes doivent délibérer, sur l'administration de leurs biens et sur d'autres objets qui y sont relatifs.
L'Assemblée décide que la motion sera simplement déposée sur le bureau et qu'avant de la mettre en discussion elle sera renvoyée au comité de constitution pour, au préalable, avoir son avis.
L'ordre du jour appelle la discussion du travail du comité militaire.
, député de Clermont en Beauvoisis (1). La formation de l'armée est, dans toute espèce de
gouvernement, un des points essentiels de la constitution; c'est celui qui en lie les
différentes branches et qui assure la solidité de toutes. En vain des législateurs sages
composeraient-ils, de l'expérience de tous les siècles, de la connaissance des mœurs de leurs
pays, la constitution la plus heureuse, la plus libre, celle qui promettrait le plus
d'avantages aux sujets de l'empire : si l'armée n'est pas constituée de manière à maintenir
son indépendance politique, à repousser avec succès les tentatives des puissances rivales,
cette heureuse constitution, troublée par les guerres, livrée aux inquiétudes et aux alarmes,
sera bientôt en proie à la jalouse ambition des Etats voisins : si la constitution de l'armée
ne donne pas les moyens de faire au dedans du royaume respecter et suivre les lois, cette
heureuse constitution ne sera bientôt qu'une déplorable et dangereuse anarchie; enfin, si la
constitution de cette armée dont le soin, les détails, la disposition doivent être
entièrement dans les mains du Roi, est telle cependant qu'elle lui laisse les moyens* de
l'employer contre les lois, de la faire servir contre les droits et la liberté du peuple
qu'elle doit défendre, l'heureuse constitution du royaume, tôt ou tard renversée, sera
remplacée par un despotisme plus ou moins absolu, quand des circonstances favorables
serviront les projets d'un monarque moins citoyen, moins doué que LOUIS XVI, de loyauté et de
patriotisme.
De toutes les parties qui forment l'ensemble de la constitution militaire, toutes, sans doute, dépendantes les unes des autres, le mode du recrutement. est celle que l'on peut regarder comme la plus essentielle, comme ayant les conséquences les plus étendues sur le système général de cette constitution, et comme aussi, indépendamment même du rapport de l'armée, la plus influente sur la constitution du royaume.
C'est cétte grande et importante question que le comité militaire a mise sous vos yeux dans l'excellent rapport qu'il vous a présenté; et sur laquelle vous avez à prononcer.
Il vous a proposé l'alternative d'une conscription générale, c'est-à-dire, d'un enregistrement de tous les citoyens sur les tables de la milice, pour faire chacun à leur tour, et selon le besoin, leur service militaire, ou le mode d'un enrôlement volontaire pour lequel il paraît avoir réuni l'opinion de la pluralité de ses membres.
Aux motifs clairs et méthodiquement exposés, que vous a présentés, en faveur de ce dernier système, le comité militaire, je vais, Messieurs, ajouter quelques réflexions. Je combattrai les raisons qu'ont fait valoir avec force, en faveur dé l'opinion contraire, les deux orateurs qui ont parlé avant moi.
Le système de la conscription militaire a pour base cette vérité fondamentale, et de droit naturel, que les hommes naissent égaux en droits, et cette vérité sociale, que tout le monde, dans un Etat libre, se'doit , à la défense de son pays* De cet enregistrement général, de cette faculté de l'Etat, d'exiger le service de tops, on fait résulter comme justice la proportion égale de service parmi toutes les provinces ; et comme utilités un nombre général d'hommes suffisant pour porter l'armée à tel degré de force que les circonstances pourront l'exiger. On y voit encore le grand avantage que la composition de cette armée ôtera aux citoyens l'inquiétude d'être troublés par elle dans l'exercice de leurs droits, dans la tranquille jouissance de la constitution; enfin on croit assurer ainsi la liberté et l'exercice des droits de chacun, comme entretenir ou exciter son patriotisme. : L'enrôlement volontaire, vous a-t-on dit, remplit l'armée de gens sans aveu, ne la compose que de la classe inférieure et indigente du peuple; favorise les menées avides et honteuses des nommes chargés des recrutements ; ne fournit pas assez de recrues pour tenir l'armée au complet, même en temps de paix, encore moins en temps de guerre où elle doit recevoir une grande augmentation, et où la consommation d'hommes est beaucoup plus forte, coûte beaucoup .plus cher, et rend l'armée une arme dangereuse dans les mains d'un despote. C'est, ainsi que ce mode de recrutement est généralement présenté par les
S artisans de la conscription militaire, et je n'a-oucis pas les traits des préopinants. ; Il me semble que les avantages de la.conscription sont loin d'être évidents; que tous les in-convéuiénts de l'enrôlement volontaire ne sont pas nécessairement inhérents à ce mode de recrutement; que ceux qui existent peuvent être évités, et que la comparaison de ces deux systèmes, examinée avec quelque soin, doit déterminer le jugement de l'Assemblée en faveur de l'enrôlement volontaire. N'importe à quelle épo- ,
que on parle; les principes qui posent sur la vérité et. sur la justicé, sont de tous les moments.
'Tout homme est né soldat, sans doute, pour la défense de ses foyers : ce devoir s'établit de lui-même, quand il ne s'agit que de quitter sa maison pour monter sur le rempart qui la couvre, ou pour border des frontières peu éloignées; mais c'est à cette défense prochaine qu'est borné le dévoir des citoyens*, surtout quand ils payent de fortes impositions, dont un des principaux objets est de les préserver des invasions de l'ennemi. Quand la France n'aurait pas ou pourrait faire çessér les intérêts qui portent ses armées des mers de l'Inde aux rives de l'Elbe, quand elles ne devraient servir qu'à défendre nos frontières, pourrait-on facilement exiger du citoyen d'Ântibes ou de Perpignan, de se porter au secours de celui de Brest ou de Dunkerque? Cependant, dans une pareille association, où tous les citoyens de l'èmpire se doivent réciproquement le même secours> ou nul ne doit marcher, tout ce qui est en état de porter les armes, sans exception de rang, de profession, d'intérêts particuliers, les habitants des villes, comme ceux des campagnes, tous les mâles valides depuis 18 ans jusqu'à 50, doivent être, à l'exception du Roi et de l'héritier de la couronne, compris dans la conscription militaire : tous doivent subir la loi du sort qui désignera les soldats; car nul ne doit exposer ses jours ni pour un prêtre, ni pour un magistrat, ni pour un père de famille à la fleur de son âge, ni pour 1'nomme de commerce ou d'industrie, ni pour aucun homme enfin en état de se défendre par lui-même : c'est assez pour celui qui met quelque prix à sa liberté et à sa vie, de prêter son service aux vieillards, aux femmes et aux enfants; il ne peut l'étendre davantage.
Si cette obligation est, comme elle doit être, générale, comment les citoyens d'un grand empire pourront-ils donc être retenus dans les liens de cette conscription militaire? l'homme inscrit passera dans une autre ville, dans un autre district, il y changera de nom; comment pourra-t-il être retrouvé au besoin? Il faudra donc continuellement exercer une active inquisition sur les allants et les venants, une inquisition destructive dé la liberté que nous voulons solidement établir, et incompatible avec les bases de notre constitution? Les propriétaires attachés à leurs champs, ne pouvant errer de domicile en domicile, comme le manœuvre et l'ouvrier, seront donc seuls soumis à l'exacte contrainte du service personnel? et quand, témoins des malheurs répandus dans nos campagnes par le tirage de la milice, qui, aux maux particuliers à chaque village, à chaque communauté, ajoute la calamité commune et irréparable pour la France, de lui coûter par année plus de 12,000 fuyards perdus pour l'agriculture, nous avons tous pris dans nos cahiers l'engagement de provoquer et d'opérer la dëstruction de ce fléau désastreux, consentirions-nous à la conscription militaire, fléau bien plus affligeant encore, puisqu'il embrasse tous les états et toutes les professions?
Je dis plus : ou tous les hommes soumis à cette Conscription seront obligés de faire personnellement leur service, ou ils pourront se faire remplacer.
Deux seuls moyens peuvent obliger le citoyen à faire personnellement son service : celui de la force, qui allant chercher l'hommedans ses foyers, ou dans la retraite que l'espionnage lui aura découverte, ne lui làissera que l'alternative, ou de
porter les armes, ou d'être corporelle ment puni; et celui qui, l'engageant par des motifs de patriotisme et d'honneur à payer ce tribut à l'Etat, le rendra coupable à ses propres yeux, de s'y soustraire.
Le premier de ces deux moyens, le plus tyran-nique et le plus violent qui puisse être imaginé, le plus contraire aux droits de l'homme, le plus opposé atout principe de liberbé, quand l'ennemi n'est pas à la porte,' ne peut jamais avoir son exécution dans un pays qui croit avoir une constitution. Il vaudrait cent fois mieux vivre à Gonstantinople ou au Maroc, que dans l'Etat où de pareilles lois seraient en vigueur.
Le second, le plus puissant de tous, sans doute, puisqu'il parle aux devoirs et à l'honneur, ne peut être établi que par les mœurs. Une heureuse et libre constitution changera sans doute les mœurs de la France; mais la révolution des mœurs ne peut devenir que lentement complète. Les habitudes anciennes, les vieilles opinions durent presque autant que les personnes; un nouvel ordre d'idées ne s'établit solidement dans les esprits, que par.le secours du temps : en vain l'homme supérieur à son siècle par ses lumières et son dévouement à la chose publique, donnera-t-il l'exemple d'un service personnel, oubliant ses habitudes et ses anciennes commodités, qui l'é-loigneront pendant six années de ses foyers, de ses affaires et de ses plaisirs; son exemple trouvera, dans les premiers temps, peu d'imitateurs. L'homme chargé d'une comptabilité, le citoyen vivant sur son champ, le négociant occupé de toutes les combinaisons du commerce, croiront longtemps encore que le soin des deniers de la province, ou le travail de ]a culture, ou le succès des industries, les rendront plus utiles à l'Etat, que six années employées sous les armes,dans un temps de paix, où tant d'hommes oisifs pourraient si facilement les remplacer. La condition nécessaire qui serait même imposée d'avoir servi quelque temps comme soldat pour devenir officier, serait encore un faible véhicule pour ceux qui ne trouveraient pas dans leur opinion la nécessité d'être officier. Encore une fois, l'habitude de la constitution nouvelle attachant, par la réflexion, par le bonheur, les citoyens à tous les intérêts de l'Etat, peut seule, aidée du temps, agir sur les opinions, changer les mœurs, et amener dans les esprits cette grande révolution par laquelle, seulement, une direction nouvelle peut être donnée aux habitudes et aux idées. Mais,en attendant qu'elle s'opère, les citoyens seront esclaves, et le service de l'armée mal fait.
: On vous a dit que le moyen de remplacement sera permis, et qu'ainsi l'homme qui ne voudrait pas servir, échapperait à cette nécessité, en substituant un autre homme à sa place. Alors ce système de conscription rie sera plus qu'un système d'enrôlenient volontaire, puisque l'homme remplaçant le citoyen qui ne voudra pas personnellement servir, acquiescera volontiers à cette condition, et ne sera qu'un soldat engagé. La seule différence de ce système de remplacement au système d'enrôlement actuel, sera que les hommes qui consentiront à servir, vendront leurs services plus cher qu'ils në le font aujourd'hui; qu'ils se donneront au plus offrant, et qu'alors le citoyen chargé d'affaires et de famille, dont la présence serait nécessaire dans ses foyers, ne pouvant atteindre le prix exigé pour le remplacement, sera forcé de servir personnellement, tandis que le riche oisif, dont les affaires ne seront que des plaisirs, donnant à l'homme par qui il se
fera remplacer, tout l'argent qu'il demandera, éloignera plus encore le citoyen sans grande fortune, de la possibilité d'éviter le service personnel. Je crois qu'on peut douter que la somme de 200 livres, payée, une fois dans la vie, par celui qui ne voudrait pas servir, puisse jamais donner à la province le moyen suffisant de remplacement; mais enfin, cette contribution, quelque légère qu'elle puisse paraître à beaucoup de personnes, sera fort au-dessus des facultés d'une grande quantité de citoyens qui ne "voudraient pas servir, et qui y seront contraints. Ainsi cette conscription militaire, qui est présentée comme 1 & palladium de la liberté, gênant, au contraire, jusqu'aux volontés de tous les citoyens, favorisera uniquement ce qui pourra justement alors être appelé l'aristocratie des richesses, puisque par elles ainsi l'égalité des droits et la liberté seront attaquées dans leurs principes.
Si l'on veut appeler l'exemple des pays étrangers où la conscription militaire est établie, cette mauière de raisonner ne lui sera pas, dans mon opinion, plus favorable que le développement des différents motifs par lesquels elle a été déjà combattue.
La liberté l'a établie en Suisse; l'intérêt général l'y a maintenue, parce que la Suisse, peu riche, chargée d'une grande population, trouve une de ses principales ressources dans l'espèce de commerce qu'elle fait de ses soldats avec une partie de l'Europe, et que la conscription qui favorise ce commerce, borne le devoir des citoyens à la seule défense de leurs foyers, sans que jamais ils en puissent sortir, et souffre, dans beaucoup de cantons, l'enrôlement volontaire pour les troupes chargées de la police. L'armée en Suisse, organisée pour porter la plus prompte résistance aux invasions de l'ennemi, n'est, dans les temps ordinaires, que fictive et sur le papier; et il est à remarquer que l'intérêt de toutes les puissances voisines de ia Suisse est de maintenir cette république dans sa constitution et sa nëu-tralité.
En Prusse, au contraire, et dans une grande partie des Etats de l'empereur, où l'armée est toujours tenue sur pied et prête à marcher à la volonté du souverain, la conscription militaire est lé développement le plus complet du despotisme. L'homme y naît attaché au lieu de sa naissance, au régiment de son canton ; toutes ses affaires, tous ses intérêts sont à la disposition du besoin de ce régiment, qui l'appelle quand il le veut, comme il le veut. La surveillance la plus inquisitrice empêche tous les hommes inscrits (et ils le sont tous) de quitter leurs cantons. Les recherches les plus actives les poursuivent partout où ils peuvent aller, et les traitements les plus sévères sont infligés à celui que le calcul ae ses intérêts, de sa profession ou de sa santé a fait sortir du lieu de sa naissance. Telles sont les lois du pays, tels sont les seuls moyens par lesquels cependant la conscription puisse tenir complète une grande armée : car la conscription militaire n'est alors qu'un moyen violent et factice, pour fournir à un Etat médiocre une force militaire au delà de la force naturelle de sa population ; ce n'est qu'un principe d'économie pour un pays pauvre, lié à l'existénce d'une grande armée.
Le despotisme seul peut adoucir la sévérité de ce régime absolu : comme il agit pour son intérêt, il sert l'intérêt de ceux dont il a besoin. Ainsi, en Prusse, tout homme qui a la valeur de 24,000 livres de capital, tout homme qui se
livre à un commerce de | quelque importance, tout homme reconnu absolument nécessaire a l'exploitation de la terre, est exempt de conscription -, elle est établie avec moins de rigueur, dans une proportion plus douce, dans les villes que dans les campagnes : les villes du premier ordre sont entièrement soustraites à son régime. Les intérêts de l'Etat ont dicté ces exceptions, que la volonté arbitraire pouvait seule ordonner, et sans lesquelles le prince le plus despote, l'homme qui mettrait le plus de prix à établir la considération de son royaume par celle de son armée, a vu qu'il ne répandrait dans ses Etats que le désespoir et la misère.
En France, où la conscription militaire serait établie, à l'époque de la liberté, sur les bases reconnues des droits d'un chacun, aucune exception même favorable à la prospérité de l'Etat ne pourrait être admise; et la constitution libre que nous aurions obtenue ne pourrait pas préparer au royaume les avantages, donner aux citoyens la douceur et l'usage delà liberté, dont l'effrayant despotisme dispose pour le bien et le salut général.
Une foule d'autres motifs développeraient encore mon opinion; mais je crois ceux que je viens de vous soumettre de quelque poids; et l'économie de votre temps est un des devoirs de tous les membres de cette Assemblée.
Après avoir considéré la conscription militaire dans le rapport de la constitution, si elle vous est présentée sous celui de l'armée, elle ne remplira pas davantage les conditions qui vous en étaient promises, et ce système ne trouvera pas plus de faveur auprès de vous.
Peu de personnes* je crois, voudront soutenir que la France puisse, pour sa défense, se contenter, comme la Suisse, d'une armée enregistrée sur les tabelies de ses provinces, et jamais réunie. Ses intérêts, son étendue, ses rapports différents, exigent une armée active, de la force que lui assignera la volonté nationale, mais toujours complète, toujours prête à marcher avec les conditions qui doivent la rendre redoutable aux ennemis qu'elle peut avoir à combattre. Je suis aussi convaincu que personne, que la politique de la France ne doit être que conservatrice; que ses liaisons doivent être celles qui promettront à l'Europe et à elle une paix plus longue; qu'un système d'ambition et d'envahissement, bon peut-être pour des Etats précaires ou despôtiquement gouvernés, ne peut être celui du plus grand, du
{dus beau royaume du monde, du royaume dont a constitution sera posée sur les bases de la liberté et de la félicité publique, et à qui l'agriculture et les arts promettent tant de conquêtes à faire sur lui-même. Je suis encore convaincu qu'un petit nombre d'années de bons calculs et de saines raisons, amèneront tous les Etats à ces idées, les seules sages, les seules utiles, les seules heureuses.
Mais ce système de paix générale n'est pas encore réalisé; et en attendant cette époque fortunée, ce n'est pas aux armées de Prusse et de l'Empereur que l'on peut opposer, avec une continuelle espérance de succès, des troupes sans instruction et sans discipline. Le métier de la guerre est devenu une science; et tant qu'il le sera pour nos ennemis, il faudra bien, sous peine d'être toujours battus, chercher à ne pas leur être inférieur. Bien que cette science réside particulièrement dans la tête des généraux, le général le plus habile, qui commanderait à des troupes ignorantes ou mal entretenues, ne pour-
rait pas en obtenir la vélocité et la précision de mouvements, qui font aujourd'hui le succès des batailles, et par conséquent le sort des empires. La conscription militaire, obligeant les citoyens de tout âge, de toute profession, de toute com-plexion, à servir personnellement six années, peut-elle promettre la possibilité de ces avantages?
11 semble inutile de prouver qu'on ne devrait pas les attendre de ce régime suivi avec rigueur; mais il ne peut pas l'être. C'est donc le système de remplacement qu'il faut examiner comme le seul praticable, quoique.injuste.
Ce système, comme il a été dit, semblable, par le consentement des hommes'qui servent, au système d'enrôlement volontaire, lui est inférieur à beaucoup d'autres égards.
Le citoyen, qui devra se faire remplacer, cherchera le remplacement le plus facile et le moins onéreux. Les hommes les plus faibles, les plus mal faits, les moins propres, par leur conduite et leur existence, au service de l'armée, seront à meilleur prix, par conséquent les plus recherchés pour les remplacements. L'armée ne sera jamais assurée d'être ni complète ni bien composée. Un des opinants a dit, que l'homme qui voudrait se soustraire au service personnel, ne pourrait fournir qu'un homme avoué du canton, et il a cru répondre d'avance aux objections que je viens de présenter. Mais, d'abord, ces avoués ne seront- autres que les hommes indigents des campagnes, de la classe de ceux qui-s'engagent aujourd'hui. Les provinces, peu soucieuses de la bonne composition de l'armée, comprendront dans les remplacements des hommes peu propres au service des armes , d'autant plus tentants à envoyer, qu'ils montreront un plus grand désir de marcher, et que le nombre des avoués pourra bientôt manquer. En vain .l'armée se défendra-t-elle, tant qu'il lui sera possible, de recevoir cette espèce de soldats, plus propre à lui créer des embarras, qu'à lui donner de la force. Ces hommes ne seront que difficultueusement changés; ils ne le seront même peut-être pas; et l'armée, qui n'en coûtera pas moins cher, ne sera pour l'Etat qu'une force fictive, et par conséquent qu'une charge inutile : car, si elle ne rend pas les services qu'on doit en attendre, de quelque quantité de millions que la dépense soit diminuée, elle sera toujours trop chère, et cet inconvénient n'est pas encore le plus grand de tous.
Le système de conscription emporte l'obligation pour chaque province de fournir dans une certaine proportion à la composition dé l'armée; mais qui pourra répondre de l'exactitude de l'acquittement de ce contingent? Il arrivera sans époque scrupuleusement fixe; il arrivera incomplet, et composé de beaucoup d'hommes incapables du service de l'armée; il faudra en refuser plus ou moins. Le temps fixé pour donner à ces nommes leur première instruction sera depuis longtemps consommé avant que la totalité en soit arrivée. Mais, si les provinces, dans le choc des intérêts politiques qui peuvent agiter quelque temps encore la nation, refusaient leur contingent, ou qu'elles le suspendissent jusqu'à ce que leurs différends soient terminés, quelle sera la force pour les contraindre ? Voilà donc un principe de dissension et de guerre intestine, et de quel danger ne peut-il pas être? D'ailleurs, quelle sera pour lors la force de l'armée? quels seront ses moyens de recrutement? Morcelée dans toutes ses parties, sans cesse inquiète de l'être davantage,
elle sera incapable d'agir au dehors, et de protéger au dedans aucun des intérêts pour lesquels elle est instituée. Les provinces, après avoir fourni ce contingent d'hommes, ne voudront-elles pas quelquefois en rappeler à elles une partie, et tenter peut-être de laisser le pouvoir exécutif sans force, pour des motifs qui ne seront ou qu'elles ne croiront être que particuliers à quelques-unes d'elles, pour des motifs même généraux et qu'elles méconnaîtront? Car la prévoyance, une des qualités les plus importantes de'la politique, exige quelquefois des préparatifs enveloppés nécessairement dans un mystère qui ne peut être dévoilé qu'après, leur succès. Cette formation ne nous donnant en tout temps qu'une armée mal composée, toujours incomplète, une variation continuelle dans les hommes que les provinces voudraient, sur toutes sortes de prétextes, fréquemment substituer, nous conduirait tôt ou tard à la division de l'Empire. La faiblesse dans l'armée, la discorde entre les provinces; l'oppression, la gêne, l'inquiétude dans tous les Etats, la désolation dans les familles : tels seraient les résultats probables d'un projet qui, nous rendant libres de nom, mais esclaves dans l'effet, placeraient l'empire et les citoyens français dans une condition plus déplorable que les nations le plus accablées sous le despotisme.
Après un tableau aussi effrayant et aussi vrai des suites malheureuses de la conscription militaire, je n'entrerai pas dans les détails plus particulièrement relatifs au service et à l'instruction de l'armée, et par lesquels il vous serait encore prouvé que ce projet est inadmissible, je Veux dire nommément dans les rapports delà cavalerie et de l'artillerie. .
Je dirai encore, pour fortifier par l'expérience les raisonnements dont j'ai appuyé jusqu ici mon opinion contre la conscription militaire, que Ja tentative de cet établissement a excité de tels mouvements en Hongrie, que l'Empereur a été contraint d'en retirer le projet; que l'origine des troubles qui agitent aujourd'hui le Brabant, est due à la crainte inspirée aux Pays-Bas de l'établissement de cette conscription : et pour ne pas me borner à des éxemples récents (car on. alléguerait, sans doute, que la terreur de la conscription militaire est due à la méfiance que peut inspirer à tant de titres l'autorité arbitraire d'un souverain et de ses ministres), je dirai qu'à Rome même, on a souvent; vu des mères couper le pouce à leur enfant pour les soustraire au service forcé, en les rendant inhabiles à porter les armes; et j'ajouterai, en passant, que le mot latin qui exprime cette mutilation volontaire, qui rendait inhabile au service, pollex truncatus, est la véritable étymologie du vilain mot français poltron.
Je me hâte de passer au système d'enrôlement volontaire, et de prouver succinctement, qué si la conscription présente plus de vices que ses partisans ne lui en supposent, le mode d'enrôlement volontaire peut avoir moins d'inconvénients qu'on ne lui en attribue.
Il est impossible de nier tous les vices reprochés aux enrôlements volontaires dans les différents systèmes qui ont successivement conduit jusq'ici l'armée française : ainsi, quand le sort du soldat est mauvais, quand la paye suffit à peine pour le nourrir, quand aucun moyen ne peut le soustraire à l'arbitraire et à la dureté de ceux de ses chefs qui veulent abuser dé leur autorité, quand le régime de l'armée le tient presque toujours séparé du reste des citoyens, en fait une
classe à part et trop peu considérée; il n'est pas étonnant que peu d'hommes embrassent par le sentiment d'honneur et d'une volonté bien réfléchie l'état de soldat : le désespoir, le libertinage ou le besoin, doivent être alors les motifs les plus déterminants, et par lesquels la ruse et l'avidité des recruteurs attirent plus d'hommes au service. Les hommes engagés dans l'armée par des motifs aussi peu délicats, ne devraient pas généralement être de bons soldats, encore moins des citoyens connaissant leurs devoirs ; et sans liens qui les unissent à leur patrie, ils doivent lui donner sans cesse l'inquiétude d'en devenir le fléau et l'oppression.
Cependant quelle armée a jamais remporté autant de victoires signalées que l'armée française? Combien de généraux étrangers n'ont-ils pas envié le honneur de commander des soldats français? et sans parler plus longtemps du courage et de l'intrépidité, éléments si naturels du sang français, j'ose interroger ici tous ceux qui connaissent réellement les troupes ; est-il dans notre armée un seul régiment qui ne renfermé dans ses rangs des hommes réunissant au premier degré les sentiments de .brave et fidèle soldat, d'homme d'honneur et de bon citoyen?
En professant àvec plaisir cette incontestable vérité, je suis loin, je le répète, de méconnaître les vices monstrueux dé notre système militaire; mais, heureusement, toutes ces conditions qui font aujourd'hui avec nécessité de notre armée une armée moins bien composée qu'elle ne doit l'être, ne sont pas inhérentes à la formation de l'armée française. Elles peuvent être facilement détruites, et remplacées par des ' conditions qui assureront à l'enrôlement volontaire les succès les plus certains.
En effet, un ordre de choses qui délivrant le soldat de la tourmentante instabilité de la discipline et des exercices, de l'arbitraire des châtiments et de leur dureté, augmenterait d'un tiers sa paye, n'exigerait d'une grande partie de l'armée qu'un service de deux mois par année; qui plaçant sédentairement les régiments dans les mêmes lieux, les composerait en peu de temps d'hommes du même pays,, rendus pendant dix mois à leurs occupations ordinaires, à leur travail, à leur famille; qui, à l'expiration des congés de cès hommes engagés, leur assurerait encore une somme d'assez d'importance pour les délivrer de la cruelle nécessité où sont aujourd'hui réduits tant de soldats de se rengager, parce qu'ils se trouvent sans métier, sans profession et sans ressources, et pour leur être de secours, quelque état qu'ils voulussent embrasser : un tel ordre de choses, préparé encore par une éducation vraiment nationale, qui pénétrerait tous les citoyens, dès leur enfance, des principes et des sentiments du patriotisme, doit assurer à l'armée une composition d'hommes bien supérieure à celle dont elle est formée aujourd'hui ; une com-Sosition d'hommes, pour le plus grand nombre, omiciliés. Il doit lui assurer un recrutement volontaire, assez nombreux pour que la perfidie des recruteurs, aujourd'hui presque nécessaire, soit réprimée et anéantie. Il doit enfin donner au citoyen le plus méfiant, la plus complète Sécurité sur les entreprises qui pourraient être ordonnées à l'armée contre la constitution du royaume.
Le système militaire, ainsi formé, opposera, par une telle composition d'armée,,une invincible résistance aux vues perfides qui voudraient en
abuser. Des soldats, habitants, domiciliés pour la plupart du canton où est établi leur régiment, passant dix mois par an dans leurs foyers, pouvant s'y marier, tenant enfin aux avantages de la nation par tous les liens qui attachent les autres citoyens, seront citoyens eux-mêmes, et deviendront, par leurs propres intérêts, le plus sûr obstacle à l'usurpation de l'arbitraire et du despotisme. L'armée française, ainsi composée d'une excellente espèce d'hommes, bien choisis, volontairement engagés, auxquels même la facilité pourrait être donnée de quitter le service à la fin de chaque année, sera susceptible de toute l'instruction, de toute la discipline qui la rendront propre à tout, et sans lesquelles une armée ne peut être qué d'une faible utilité; toutes conditions que ne peut jamais présenter la conscription militaire.
Mais ce n'est pas assez de donner à l'armée, par les engagements volontaires, une bonne et solide formation, ce n'est pas assez de lui donner une telle constitution, qu'elle ne puisse jamais porter atteinte aux lois du royaume : il faut encore prévenir toute inquiétude des citoyens, et donner aux provinces un moyen de résistance à l'oppression, moyen dont, sans doute, la bonne constitution du royaume, la parfaite intelligence de toutes ses parties, surtout la sage et nationale formation de l'armée, les préserveront de faire usage ; mais moyen dont il est nécessaire de les investir, parce que l'oppression sera encore plus rarement tentée quand la résistance sera plus certaine : et voilà la véritable fonction des milices nationales qui doivent être formées par la conscription. ;
Je sortirais de la question sur laquelle vous avez à prononcer, Messieurs, si je fixais votre attention sur l'organisation des milices nationales : je dirai seulement que, formant, d'après la nouvelle division du royaume, un régiment par département, désigné pour la défense de la province, leur système, très-indépendant de la composition de l'armée, peut être encore très-' utilement lié à son service dans les circonstances où quelques places importantes, quelques magasins sur les frontières seraient abandonnés par les troupes de ligne, pour se porter en avant, et où ce secours fourni par les provinces les plus voisines, remplirait, en défendant les frontières, le premier but de l'institution des milices nationales, celui de la conservation et de la protection de leurs propres foyers.
Il ne me reste plus à répondre qu'à l'objection faite, au mode d'enrôlement volontaire, sur son insuffisance pour porter, en temps de guerre, l'armée à l'augmentation que la nécessité d'entrer en campagne, ou de grandes pertes, rendraient indispensables, augmentation a laquelle suffirait la conscription, et pour laquelle était particulièrement institué le régime de nos milices.
Je.serai très-court, et sans entrer dans les détails de la composition de l'armée, comme je m'en forme l'idée, détails par lesquels cependant le recrutement serait montré plus facile; sans répéter les raisons multipliées qui s'opposent irrésistiblement à la conservation de ce système oppresseur de milice :. je dirai qu'une très-légère solde donnée par année à des gens de bonne volonté qui contracteraient l'engagement de servir dès que la guerre serait déclarée, et qui, pendant toute la paix, jouiraient de cette modique rétribution, sans qu'aucun sérvice fût exigé d'eux , assurerait à l'armée une force de 60,000 hommes et plus pour le besoin; que la
Flandre et le flainaut donnent Un exemple d'un tel enrôlement provisoire fait avec succès: que cette dépense à peu près de 1,500,000 livres tournerait au profit des familles et des citoyens les plus malheureux; que plus chère de 6 à '700,000 livres pour le département de la guerre, que l'établissement actuel de nos milices, elle serait pour l'Etat une grande économie, parce que l'Etat s'appauvrit nécessairement de la ruine des . campagnes, et" qu'il n'est pas un des 500,000 miiiciables du royaume à qui la bourse et toutes les dépenses du tirage ne coûtent annuellement beaucoup plus d'un louis. Je dirai enfin, que ce surcroît de dépense pour cette partie de la guerre, satisfaisant à de grands devoirs de justice, d'humanité et de prévoyance, laisse à chacun, dans tous les temps et dans toutes les circonstances, l'usage le plus entier de sa volonté: et je croirai n'avoir plus rien à ajouter pour combattre le système dangereux, tyran-nique, de la conscription militaire, système qui ne peut, tout au plus, être présenté que comme dernière ressource en temps de guerre, et quand toutes les autres auraient été démontrées insuffisantes : et je me flatterai d'avoir prouvé l'avantage du mode d'enrôlement volontaire qui, à ^'importante condition de procurer à l'Etat une armée instruite, disciplinée et prête à marcher, réunit le bien le plus précieux, celui à qui tous les autres doivent être sacrifiés, d'assurer la liberté générale, en conservant la liberté de chaque individu.
D'après toutes ces considérations, je me réfère à l'avis du comité militaire, et je pense que l'Assemblée nationale doit décréter que le mode de recrutement volontaire sera le seul adopté pour le recrutement de l'armée française soldée : laissant au comité de constitution le soin de proposer l'organisation des milices nationales, et au comité militaire ses vues sur la formation de l'armée, quand cependant l'Assemblée nationale aura prescrit àxe comité les limites de son travail qui, dans mon opinion, doivent être bornées.
Plusieurs membres demandent l'impression du discours de M.'le duc de Liancourt.
Cette demande étant vivement appuyée est mise aux voix et l'impression est ordonnée.
(1). J'ai été frappé, Messieurs,'dans l'affaire qui vous occupe, d'une singularité que je n'ai Sans doute pas été le seul à remarquer. Jusqu'ici, les comités que vous avez établis les dépositaires de votre confiance, vous ont présenté un plan de travail formé du résultat du leur, et j'imagine que c'était le but de leur institution ; car un comité étant une émanation de l'Assemblée, il doit, je le pense du moins, se conduire par la même régie ; c'est-à-dire que la minorité des opinions doit y êtrejiée par le vœu de la majorité.
Bien loin d'obtenir un résultat des travaux de notre comité militaire, nous en avons
entendu trois membres qui nous ont chacun proposé un plan différent : le premier, après avoir
pesé les avantages et les inconvénients des deux; moyens proposés pour la formation de
l'armée, a établi que le recrutement à prix d'argent était le plus aisé et le plus convenable
au royaume de France.
Le troisième adopte entièrement et exclusivement le système de la conscription militaire, et il exige un nombre fixe d'années d'un service réel de tout citoyen actif; il n'excepte de cette obligation que le monarque et l'héritier présomptif de la couronne, et il nous ramène à une idée déjà mise en avant avec succès dans cette Assemblée, et combattue par moi : « Tout citoyen deviendra militaire et tout militaire citoyen. »
C'est entre ces trois plans qu'on vous propose d'adopter. J'avoue que j'avais pensé jusqu'ici sur le militaire, comme sur beaucoup d'autres choses, qu'il y avait une foule d'abus à réformer et d'améliorations à faire ; mais j'étais bien éloigné de croire qu'il fallût entièrement détruire pour recréer, et moins encore dans l'organisation militaire que partout ailleurs ; car on a beau vous répéter sans cesse, Messieurs, que la France n'a jamais eu une armée plus formidable qu'au moment où il se trouve dans son sein 2 ou 3 millions de citoyens armés, personne ne croit plus que moi à la valeur d'un citoyen qui défend ses foyers. Je connais la bravoure avec laquelle les paysans de la Dalécarlie ont remis Gustave Wasa sur le trône : les paysans finlandais ont repoussé, je le sais, l'élite des troupes danoises, mais sans vouloir assurément déprécier ma patrie, je prie l'Assemblée de considérer la différence qui existe entre les localités, le climat, les mœurs, le numéraire, le luxe (car tout influe sur le génie militaire) de la France et de la Suède. Mais je me contenterai de dire que, si j'avais des exemples à invoquer, je compterais les soldats de Darius au passage du Gra-nique, ceux de Varron à Cannes, les communes rassemblées par lé roi Jean, et je demanderais en même temps si leurs adversaires les ont comptés. J'ajouterai que ies armées, quelque nombreuses qu'elles soient, composées, en grande partie, de citadins nouvellement rassemblés, ne vaudront jamais les plus petites phalanges de troupes réglées, exercées, ameutées, disciplinées, aguerries, connues de leur chef..
Les motifs pour et contre la conscription militaire, ont été développés par les préopinants d'une manière qui ne me laisse à Vous.annoncer que mon opinion personnelle. Elle est absolument contraire au système de la conscription, et l'assure que j'ai été étonné de voir invoquer la liberté pour appuyer le plus dur et le plus prononcé des esclavages.
L'état militaire, on ne peut voiis le céler, Messieurs, sort de l'ordre naturel et essentiel des sociétés : il n'est pas dans la nature des choses que 40,000 hommes se meuvent au désir et par les ordres d'un seul ; il faut donc adapter, de 1a manière la moins dangereuse, le système de la liberté, qui doit être le nôtre, avec le régime militaire; mais il faut se garder de les confondre, car, je le répète, Messieurs, chacun perdrait l'esprit qui lui est propre, sans acquérir celui qu'on pourrait lui désirer.
Le seul moyen que je crois à notre portée, est d'abord, le recrutement volontaire. On vous a dit, Messieurs, que le service de la patrie était une charge à laquelle tous les citoyens devaient coopérer, et c'est le plus fort argument dont on a appuyé le système de conscription. La seule manière, comme vous l'a dit M. de Bouthillier, de répartir également cette charge est le recrutement à prix d'argent : le calcul des différences qui existent entre le nombre des soldats que fournit telle ou telle province, est le meilleur appui de son raisonnement.
Si l'on vous proposait, Messieurs, de remplacer la prestation d'argent que vous êtes obligés de fournir pour la construction et la réparation des routes, par un service réel; que vous écriviez que c'est une arrière-pensée d'esclavage ; eh bien, Messieurs, on vous propose, au lieu de trois jours de travail, une abnégation de votre liberté pendant six années, et vous appellerez ce décret un acte de liberté 1
Non, Messieurs, vous recruterez à prix d'argent, vous rendrez l'état du soldat respectable; vous persuaderez qu'il est le vrai soutien de la liberté, et vous aurez alors des soldats patriotes ; vous ne les appellerez point des brigands, et vous ne souffrirez pas qu'on les qualifie ainsi dans cette auguste Assemblée, parce qu'ils pourraient bien calculer que, s'ils en Ont la réputation il leur deviendrait utile d'en exercer le métier-, vous vous souviendrez, au contraire, du mot sublime de ce paysan suédois qui, au moment où, dans le Sénat de son pays, les trois premiers ordres avaient adopté la résolution de punir les contrebandiers par une obligation de servir un certain nombre d'années, s'écria avec enthousiasme : Eh ! que deviendra la dignité de nos soldais ? La proposition fut unanimement réjetée.
Mais ce qui est instant, Messieurs, et que je crois devoir vous dire, quoique ce he soit pas l'objet de la discussion, parce que le péril est pressant et le remède difficile -: l'armée est sans discipline, la subordination est perduë ; vous connaissez tous les événements qui ont eu lieu et qu'il est aussi impossible de retracer ici, que difficile de réparer : s'il en est temps encore, Messieurs, rendez aux officiers généraux, aux chefs de corps , l'autorité nécessaire pour maintenir les lois militaires existantes et celles que vous proposez d'établir.
Je fais, à cet égard, la motion spéciale d'un décret particulier sur cet objet.
Que l'armée soit assez forte pour nous empêcher d'être conquis, mais point assez pour nous conquérir : le maintien de la liberté est attaché à cette proportion ; le Corps législatif doit donc fixer cette mesure ; il doit aussi déterminer la somme à laquelle s'élèvent les dépenses de l'armée. Telles sont les bases constitutionnelles auxquelles le
pouvoir exécutif doit être servilement assujetti.....
La déclaration des droits a appelé tous les citoyens à tous les emplois ; l'honneur de consacrer sa vie à la défense de sa patrie est le plus sacré de nos droits politiques : il ne faut donc conserver aucune de ces ordonnances exclusives , qui ont si longtemps fait la vicieuse existence aes troupes privilégiées.
Notre travail doit donc porter sur la force de l'armée, sur le prix qu'elle doit coûter, et le mode de la recruter. Pour mettre de l'ordre dans ces opérations, je propose de décréter :
Premièrement, que le comité militaire, prenant
en considération le système politique de l'Europe, çt l'état actuel des finances, sera tenu de présen ter incessamment son travail sur le nombre des troupeB qui doivent composer l'armée.
Secondement, qu'il offrira un plan de milice nationale sur le principe que le Roi et l'héritier présomptif de la couronne pourront seuls être exempts du service personnel. Cette milice ne se rassemblera chaque année que pendant un court espace de temps : le nombre des individus qui la composeront sera au moins double de l'armée active.
Troisièmement, renvoyer les détails au pouvoir exécutif, qui se conformera aux décrets de l'Assemblée.
Quatrièmement, rendre de nouveau responsables les ministres, dont les ordonnances compromettraient les principes de l'égalité politique, et tendraient à détruire la,liberté nationale.
M. le marquis de Puységur, colonel du régiment de Strasbourg-Artillerie, a adressé au comité militaire, dontj'ai l'honneur d'être membre, des réflexions fort sages sur notre constitution militaire. Je propose de les faire imprimer afin que toute l'Assemblée en ait connaissance.
Tout ce qui est de nature à vous éclairer sur une chose aussi importante que l'organisation de votre armée, mérite toute votre attention. J'appuie la proposition du préopinant. — Je ferai imprimer moi-même les observations que j'ai soumises au comité comme bases de son travail et qui sont à peine indiquées dans le rapport que j'ai eu l'honneur de vous faire à la dernière séance.
(Voy. aux Annexes les réflexions de M. le marquis de Puységur et les observations de M. Dubois de Crancé.)
appelle un nouvel orateur à la tribune.
(1). Messieurs, en oubliant quelques expressions de véhémence échappées a l'un des orateurs qui ont parlé samedi dernier, nous devons du moins rendre justice à ce que son brûlant amour pour la liberté nationale lui a inspiré de vrai et de bon? en l'entraînant toutefois bien au delà de la stricte vérité.
M. Dubois de Crancé croit qu'une armée de cent cinquante mille hommes, recrutée sans choix, souvent par des moyens très-immoraux, et où aucune relation d'intérêt et de sentiment ne lie le soldat à son capitaine, et le capitaine à ses soldats, qu'une telle armée, vous a-t-il dit, pouvait j d'un moment à l'autre, devenir dangereuse à la liberté publique.
. Cette réflexion est fondée; elle est du ressort de tous les bons esprits et de tous les bons patriotes.
Pour obvier à ce danger, M. Dubois de Crancé imagine un système par lequel chaque régiment est attaché a un ou plusieurs départements, chargés de lui fournir les recrues dont il pourra avoir besoin.
Ce moyen est employé dans tous les Etats despotiques" de l'Allemagne ; et il suffit si peu,
que
Or, Messieurs, nous aurons- toujours en France également de ces coureurs, de ces chercheurs de fortune, de ces cosmopolites français, libertins dans leur première jeunesse, mais dont la plupart deviennent de très-bons soldats, souvent d'excellents bas ofticiers et j'en connais même qui sont devenus des officiers de distinction.
Mais ce sont là des résultats de l'expérience que M. Dubois de Crancé n'a pas été à portée de trouver.
Il est donc tout simple qu'il vous ait proposé une théorie que jeregarde comme unparti extrême puisque, quoiqu'il n'en dise pas le mot, ce.n'est qu'une conscription déguisée ; car les municipalités chargées du recrutement, et engagées à fournir les hommes nécessaires, seraient bien forcées de recourir ou au tirage ou à la liste, s'il ne se présentait pas un nombre suffisant de volontaires.
M. Dubois de Crancé va si loin dans sa vertueuse, mais peu expérimentée théorie, qu'il défend aux régiments de recevoir aucune recrue qui ne serait pas du département auquel les régiments se trouveraient attachés, et que les régiments ne peuvent pas être en garnison dans le département qui leur fournit les recrues.
Je n'entends pas comment, dans un gouvernement libre, l'on pourrait interdire à un citoyen de servir sa patrie dans un régiment de son choix, et ne conçois pas davantage la raison de cette restriction.
Ce préopinant vous dit encore que 60 millions suffisent a l'entretien d'une armée de cent cinquante mille hommes.
Et le secret de cette économie consiste à ne donner ni solde ni appointements aux deux tiers des soldats etofficiers qu'il envoie chez eux pendant huit mois de l'année.
Mais M. Dubois de Crancé a-t-il consulté les soldats et les officiers pour savoir s'il leur plai-, sait de passer tous les ans huit mois chez eux, à condition qu'ils ne toucheraient ni solde ni appointements?
Non : et j'ose affirmer qu'une semblable ordonnance-serait, très-mal accueillie. Je connais les éléments dont votre armée actuelle est composée ; et l'armée hypothétique que M. Dubois de Crancé veut nous donner, ne se formerait pas du soir au lendemain. En supposant même qu'elle fût possible, je doute fort qu'elle, souscrivit à la retenue de sa solde pendant huit mois de l'année.
Quand M. le marquis d'Ambly vous a dit qu'il vous donnerait un plan du bon coin, à l'instant j'y souscrivis, parce que c'est un homme à cœur droit, nourri et élevé dans les camps et les batailles, et que c'est autour de l'opinion des' anciens guerriers, que doivent venir se rallier lès opinions ae ceux qui n'ont point pratiqué notre métier, et de ceux qui ne l'ont appris qu'à l'école des esplanades.
Laissons donc là tous ces romans militaires : répétons avec M. Dubois de Crancé qu'il y a loin de la conception d'un projet à la possibilité de son èxécution, et prenons conseil de l'esprit de pratique et d'expérience ; il nous dira que la vérité n est jamais aux extrémités, mais qu'elle se tient dans le centre; qu'elle est comme le point d'équilibre du levier de la balance ; que tout ce que les hommes peuvent imaginer a ses inconvé-
nients; que le sage met dans un bassin les inconvénients, dans l'autre les avantages, et se décide pour le tout lorsque les avantages l'emportent sur les inconvénients. Il vous dira que les plus petits maux qui sont inséparables des meilleures institutions, sautent aux yeux par le contraste, et servent d'appui aux critiques des esprits rétrécis. Il vous dira enfin que si nous ne voulions considérer les chefs-d'œuvres du Créateur même que du côté par où ils nous paraissent défectueux, il faudrait dissoudre le globe, et que le meilleur des systèmes n'est jamais que la moindre imperfection.
Ainsi, en consultant notre histoire, nous trouvons que c'est lorsque les compagnies appartenaient aux capitaines, que les armes françaises ont acquis cette célébrité qui a fait longtemps le désespoir des autres nations ; et que c'est depuis qu'on a rompu toute relation d'intérêt et de sentiment entre le soldat et l'officier, et qu'un arbitraire dégradant s'est mis à la place des lois, que notre militaire est déchu, et que sa composition s'est oblitérée de plus en plus.
Maintenant que nous avons un gouvernement, qu'il n'y a plus d'arbitraire à craindre, que peu a peu il naîtra une morale et un esprit public, décidons-nous pour ce juste milieu, qui repousse d'un côté la conscription dont M. le duc de Lian-court a si bien démontré la tyrannie et les dangers, et de l'autre l'immoralité du recrutement actuel.
Ce sera, Messieurs, à votre comité militaire à vous proposer un plan de recrutement dans lequel les avantages l'emportent sur les inconvénients; car, encore une fois, jamais nous ne nous déciderions pour rien, si nous ne voulions accepter que des moyens sans inconvénients.
Cependant, oomme il est très-instant pour l'ordre de vos finances et pour la chose militaire, que le sort de l'armée soit déterminé, et afin que votre comité ne soit plus jai arrêté ni embarrassé dans sa marché, pour qu'il puisse vous présenter l'ensemble de son travail tout à la fois, je vous propose de lui ordonner de vous faire, dans le courant du mois, le rapport des quatre bases,
d'après lesquelles le pouvoir exécutif devra donner à l'armée l'organisation qu'il jugera la plus convenable.
Ces quatre bases sont, savoir :
1° Le recrutement en soldats et le remplacement en officiers.
2° La force dont devra être composée l'armée, en distinguant le nombre de soldats, celui des officiers et celui des officiers généraux, et en spécifiant la somme nécessaire à l'entretien de cette armée.
3° L'ordre de l'avancement, en écartant l'arbitraire, sans cependant détruire l'émulation.
4° Un projet d'un code des délits et des peines militaires, qui sera soumis à la révision du comité de judicature.
Quant à la milice toujours prête à recruter les régiments dans un moment de guerre, et aux gardes nationales, ces objets me paraissant être du ressort du comité de constitution, je fais la motion expresse qu'il en soit chargé spécialement, avec la liberté d'appeler, pour les consulter, des militaires, s'il croit avoir besoin du concours de leurs lumières (1).
Et pour compléter toutes les parties du mili-
Nota. Avare du temps national, et personne n'étant moins tourmenté que moi par l'intempérance de langue, j'ai terminé mon discours sans développer les articles de mon arrêté ; il en est cependant un sur lequel je supplierai l'Assemblée nationale de me permettre de lui exposer quelques données préliminaires, afin d'éviter une discussion inutile, lorsque les résultats du comité seront soumis à sa délibération.
Plusieurs honorables membres m'ont paru penser qu'une armée de cent cinquante mille hommes excédait nos besoins, parce qu'ils ne se sont pas souvenu que la France étant à la fois une puissance de terre et une puissance de mer ; elle ne peut avoir une guerre de terre qu'elle n'en ait en même temps une de mer, qu'alors la défense de nos îles de l'Amérique et des îles de France et de Bourbon exigent une garnison de vingt mille hommes ; autres vingt mille hommes pour les garnisons de vaisseaux, et encore dix mille hommes de rafraîchissement dans nos ports de mer.
Voilà donc déjà cinquante mille hommes uniquement employés à la guerre de mer.
Tout le monde sait qu'on dresse un fantassin en moins de six semaines, par conséquent l'économie, pour le nombre des troupes, ne doit porter que sur l'infanterie, puisque des recrues de six semaines sont en état de servir utilement, lorsqu'on les incorpore avec d'anciens soldats ; mais qu'il n'en est pas de même de celles de la cavalerie et de l'artillerie, dont l'instruction exige pour les uns trois ou quatre ans d'exercice* pour les autres, jusqu'à sept ou hqit ans.
Il résulte de cetté vérité incontestable, et des principes admis par tous les hommes de guerre, que dans une armée bien organisée, dans une armée prête à faire face à tous les genres de guerre, l'artillerie doit être à l'infanterie comme vingt est à un, et la cavalerie comme cinq est à vingt; c'est-à-dire qu'une armée de vingt mille hommes d'infanterie, destinée à faire la guerre dans un pays tel que l'Allemagne, doit avoir, mille hommes d'artillerie et cinq mille hommes de cavalerie, faisant un corps de vingt-six mille hommes.
En passant maintenant à l'examen de la position géographique de la France, nous trouvons qu'elle peut avoir trois points principaux à défendre : la Flandre, l'Alsace et le Dauphiné (1).
Pour éviter les subdivisions locales qui embarrassent l'esprit et l'empêchent de saisir
l'ensem-
La frontière, depuis Huningue jusqu'au Fort-Barraux, se trouve défendue par notre alliance avec la brave et loyale nation suisse, qui nous épargne l'entretien d'une armée d'au moins soixante mille hommes.
Chacune de ces trois armées, en compensant les différences qu'exigeraient les localités, ne pourrait être, l'une dans l'autre, au-dessous de soixante mille hommes, infanterie, artillerie et cavalerie, tout compris.
récapitulation.
Pour le service de mer.... 50,000 hommes.
Pour l'armée de Flandre... 60,000
Pour l'armée d'Alsace..........60,000
Pour l'arméé du Dauphiné. 60,000
Total.......... 230,000 hommes.
En établissant cette force défensive, je n'ai pas supposé que nous la porterions sur les terres ennemies, quoique ce soit le meilleur moyen de se défendre et de ménager son propre pays : j'ai seulement voulu établir le calcul le plus rigoureux, car il me resterait encore à parler des troupes en communication, pour assurer les derrières, les convois et la retraite après une bataille
Eerdue. Mais une armée de cent cinquanté mille
ommes recrutée et renforcée par quatre-vingt mille hommes de milices, suffirait rigoureusement, avec le secours des gardes nationales, dont chaque département fournirait facilement un bataillon pour le service intermédiaire. Cette ressource jointe à d'autres motifs bien connus, milite fortement pour le maintien d'une troupe qui sera justement célébrée par les historiens de la Révolution.
Si quelqu'un m'objectait qu'il n'est pas vrai-r semblable que nous spyons jamais attaqués à la fois par tous lés points que j'ai indiqués; je lui répondrai que nous ne le serons jamais dans aucun des points indiqués, ou que nous le serons dans tous ces points à 1a fois, parce qu'il n'y aurait qu'une ligue de toute l'Europe, qui pourrait former une entreprise contre les Francs ressusci-tés, et que, malgré que je ne sois nullement inquiet de la manière vigoureuse dont nous prouverions à cette ligue que l'insurrection des Fronçais fut la résurrection des Francs en corps et en âme, il y a toujours plus à gagner à empêcher la ligne de se former qu'à la combattre, et que ce n'est pas à l'aurore de notre renaissance, que nous devons négliger cet adage, vieux comme le temps, que, pour avoir la paix, il faut être prêt à la guerre. J'y ajouterai même encore que la sécurité d'un peuple nouvellement libre, est Pavant-coureur de son indifférence pour la liberté.
Ce serait donc bien impolitique que de réduire, par un esprit d'économie, l'armée fort au-dessous de ce qu'elle doit être; car si la prodigalité dévore l'avenir, la parcimonie l'étrangle.
Je fi Dis par des excuses âmes lecteurs, d'avoir osé leur présenter un discours et des réflexions aussi mal rédigés. Mes excuses sont fondées sur
trois raisons auxquelles ils auront sûrement égard. La première est, que l'Assemblée nationale en a décrété l'impression; la deuxième, que j'ai appris la langue française trop tard pour y exceller ; la troisième que je fais mes écrits moi-même, et que je ne peux prendre sur moi d'y retoucher. i
- '(L'Assemblée ordonne l'impression du discours.)
M. le baron de Wimpfen demande que M. le marquis d'Ambly soit adjoint au comité militaire.
L'Assemblée décrète que M. le marquis d'Ambly est adjoint au comité militaire.
L'Assemblée passe maintenant à son ordre du jour de deux heures et va s'occuper de Vaffaire de Toulon.
monte à la tribune et veut parler.
— On lui fait observer que l'affaire a été renvoyée au comité des rapports, et que ce comité n'est pas prêt.
, pour écarter l'ajournement, demande que l'Assemblée se forme en grand comité, pour décider sur-le-champ, après avoir pris connaissance des pièces qui peuvent avoir été renvoyées, soit par les officiers de la marine, soit par le commissaire du Roi, soit par les officiers municipaux ; et dans le cas où la décision serait impossible, par le défaut de-ces pièces, que là discussion soit ajournée jusqu'à l'instant où on les aura.
D'où M. Malouet a-t-il eu les pièces dont il a parlé hier ? Si ce sout des lettres particulières, le courrier extraordinaire envoyé par la ville de Toulon n'a donné nulle inquiétude. L'intérêt des citoyens de cette ville doit rassurer davantage encore.
Personne n'est indifférent sur le sort de la ville de Toulon ; mais nous n'avons nulle connaissance officielle des détails sur lesquels on veut que nous délibérions. Je fais la motion expresse qne le président se retire par-devers le Roi. à l'effet de savoir quelle est la situation actuelle du port de Toulon.
J'ai déposé au comité des rapports les pièces qui constatent les faits sur lesquels je désire fixer l'attention de l'Assemblée. Leur importance me fait insister pour qu'on délibère sans délai.
Une partie de l'Assemblée persiste à demander que la délibération soit différée, jusqu'à ce que le comité des rapports ait été entendu sur l'ensemble des faits.
On décide de s'occuper sur-le-champ de cette affaire.
Les lettres que i'ai déposées ont été écrites au ministère par M. d'André, par M. le commandant de la ville, et par l'officier qui commande le port à la place de M. d'Albert. Une fausse nouvelle a été répandue ; elle favorise, l'insurrection, en donnant le prétexte de rester en armes. Les entrepreneurs du port sollicitent la résiliation de leur marché, parce que les ouvriers font des demandes tumultueuses et des menaces inquiétantes.
Je demande que M. le président soit autorisé a écrire à la municipalité de Toulon qu'aucune
escadre ne menace le port, et qu'on prendra en considération les demandes des ouvriers, sitôt que le calme et la subordination seront rétablis. •
presse M. Malouet de donner la preuve dés demandes des ouvriers.)
, l'un des députés de là sénéchaussée de Toulon. Nous avons reçu des lettres de Toulon ; elles sont datées du 7, et ne contiennent rien qui soit conforme à celles qui' ont été communiquées à M. Malouet. Il est incroyable que l'on effraie le Roi et les ministres, par des bruits aussi faux qu'invraisemblables.
Je certifie qu'il y aune connexité évidente entre les deux événements arrivés le mois dernier à Toulon. Je. certifie qu'on a préparé le combat, qu'on a exhorté les soldats dans leurs quartiers, que des gargousses et des cartouches, faites dans le parc d'artillerie, leur ont été délivrées, tandis qu'on avait refusé deux cartouches à chaqué poste de la garde nationale. Je certifie qu'on a commandé aux soldats de tirer sur le peuple, avant qu'on pût prévoir un soulèvement. Je certifie que M. d'Albert aurait pu arrêter l'insurrection, s'il avait accordé la grâce aux deux charpentiers qui ajoutaient à leur délit celui de porter la cocarde nationale. Cette grâce fut enfin donnée, lorsqu'on eut refusé d'exécuter la loi martiale, et que l'effervescence fut portée à l'excès.
C'est cette milice nationale qui a sauvé M. d'Al.-bert, et que l'on a cherché à inculper ; c'est elle qui a défendu bravement les officiers du Roi et les droits des citoyens, et c'est contre èile qu'on veut aujourd'hui surprendre un décret à l'Assemblée... J'ai été indigné d'entendre dire hier que les demandes des ouvriers, quelque raisonnables qu'elles fussent, ne seraient accueillies qu'après le calme rétabli.;... Mon devoir m'oblige de le dire, si on pouvait croire à Toulon qu'un artifice ou qu'une intrigue quelconque nous ont arraché un décret qui ne serait pas le vœu de l'assemblée, c'en serait fait de la classe de ceux quiy auraient participé.....
interrompt M. Ricard, et demande qu'il répète ses dernières expressions.
les répète, et continue : Il y a deux partis dans toute ville de guerre. Celui qui, à Toulon, s'oppose encore à la révolution, est beaucoup moins fort que celui des citoyèns. Il serait imprudent de rendre un décret tel qu'on le propose : ce serait exposer mille personne à la vengeance de dix-neuf mille. On peut éviter ce malheur en ne précipitant pas la décision d'une affaire importante, qui ne sera bien jugée que quand elle sera bien connue.
M. Malouet par le des lettres écrites le 7, avant midi : nous en avons reçu par un courrier extraordinaire, datées du 7, avant minuit ; elles ne disent rien des faits que contiennent celles des ministres du Roi. Dans les circonstances où nous sommes, si l'arsenal de Toulon est en péril, si vous voulez véritablement le sauver, le premier moyen est de prier le Roi de retirer les officiers de Toulon. Je ne prétends pas attaquer leur réputation ; je reconnais qu'ils sont tous de braves gens ; mais leur propre salut existe uniquement dans leur retraite. L'insurrection subsistera tant qu'ils resteront dans la place. , Le second moyen est de nommer des officiers qui ne soient pas suspects au peuple.
Le troisième moyen consiste à témoigner un peu plus de confiance à un peuple généreux, aussi avide de la liberté que fier de la force qu'il a développée pour la conquérir, et qu'il conserve pour la maintenir.
La motion de M. Malouet est inadmissible."
Si l'Assemblée le juge nécessaire, la députation de Toulon écrira à la municipalité pour détruire le bruit absurde .qu'on prétend s'être répandu dans cette ville.
Le préopinant a traité le fond de l'affaire; je m'en étais abstenu. Il a exposé des faits graves contre M. d'Albert; je dois y répondre pour éviter la prévention défavorable qui ne tarderait pas à s'établir. Je puis les expliquer d'une manière bien simple,
Tôus les jours on fait de l'artifice dans le parc d'artillerie et dans l'arsenal. Toutes les dépositions se réunissent à constater qu'au premier ordre donné aux soldats de charger leurs armes, ils ont désobéi. Je demande si on a pu ensuite ordonner de faire feu avec des armes qui n'étaient pas chargées.
L'heure étant très-avancée, la suite de cette affaire est renvoyée à demain deux heures.
La séance est levée à quatre heures.
Séance du
, au nom du comité des finances, propose.un décret concernant les impositions de la ville de Paris, qui est adopté sans discussion ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale , ayant entendu le rapport fait au nom de son comité des finances, d'une demande forméé par le maire et lés officiers municipaux de la ville de Paris, au nom de la commune, relativement à-la perception des impositions de 1789, et à la répartion prochaine dé 1789, a jugé convenable de ne prononcer, dans ce moment, que sur la connaissance des contestations relatives à la répartition ou au recouvrement de 1789 et années antérieures : en conséquence, elle a décrété que les contestations qui ont pu ou pourront s'élever sur les impositions de 1789 ou années antérieures, seront jugées provisoirement et sans frais par le comité composé des conseillers administrateurs de 1a ville de Paris, au département des impositions, présidé par le maire de Paris, ou en son absence, par le lieutenant de maire; et que ce même comité surveillera le recouvreineot des impositions de ladite année 1789, ainsi que des années antérieures. »
demande à être entendu sur la conduite de la chambre des vacations du parlement de Rennes.
Il dit que cotte chambre s'est conduite d'une manière plus répréhensible què les parlements
de Rouen et de Metz, en ce qu'elle a d'abord refusé nettement de transcrire sur ses registres
le décret du 3 novembre dernier sanctionné par le Roi; ensuite, refusé une seconde fois sur
des premières lettres de jussion; et une troisième, après de secondes lettres semblables, en
répondant au Roi, suivant le mémoire adressé par M. le garde des sceaux à l'Assemblée,
qu'elle ne pouvait se charger des fonctions qui ldi étaient
dit que le projet de décret est très-sage, qu'il ne peut qu'y applaudir, mais qu'il est insuffisant pour l'intérêt de l'ordre public; il propose lin amendement, tendant à ce que les membres de la chambre des vacations du parlement de Rennes soient mandés â la barre ; et dans le cas où ils ne justifiraient pas leur conduite, qu'ils soient envoyés au Ghâtelet, pour la forfaiture être jugée contre eux, suivant les précédents décrets de l'Assemblée.
demande que M. le président se retire devers le Roi pour le supplier d'envoyer un commissaire qui composerait une chambre des vacations des membres du parlement qui n'auraient pas pris de part aux arrêtés du corps, et que ce commissaire soit autorisé à faire transcrire ce décret sur les registres du parlement.
, député de Bretagne, pour appuyer le décret et l'amendement, se borne à lire une délibération de la municipalité de Ploërmel, dont l'Assemblée ordonne l'insertion dans le procès-verbal, et l'impression. Elle ëst conçue en ces termes :
Extrait des registres des délibérations de la muni-cipalité de la ville de Ploërmel.
Du
« A l'assemblée de la municipalité de la ville de Ploërmel, tenue en l'hôtel de ville, après convocation particulière, répétée par le son de la cloche, à laquelle se sont réunis les membres du comité, où présidait M. Gaillard de Kbertin, maire et président:
« L'assémblée, considérant que celui qui refuse d'obéir aux décrets de l'Assemblée nationale, et cherche à diminuer la confiance aux actes qui émanent d'elle,ne veut que repousser 23 millions d'hommes dans les mêmes fers sous lesquels ils avaient langui abattus pendant tant d'années, et qu'ils ont eu la force de briser; et que, par conséquent, il ne peut être que l'ennemi de la liberté et de la régénération salutaire delà France.
« Considérant encore, que, dans ces moments surtout où la fermelé, ,1e courage des Français, et les vœux de ceux-ci, vont être couronnés, et où le terme de l'esclavage a été fixé, toute nouvelle insurrection exhalée du fond de l'abîme où l'aristocratie et ses satellites doivent être engloutis
pour jamais, ne pourrait qu'engendrer de ces maux horribles préparés avec cette même noirceur et cette même adresse dont nos tyrans se félicitaient de nous rendre les victimes, mais que lé ciel nous a fait éviter, et ne pourrait que nous replonger dans une suite de malheurs plus affreux encore que ceux que nous avons essuyés.
« Considérant de plus, que si de pareilles manœuvres, de la part de quelques individus, ne doivent mériter à leurs auteurs qu'une punition éclatante et proportionnée à des attentats si odieux, nécessairement elles deviennent infiniment plus graves et plus criminelles encore de la part d'un corps qui, au lieu de se joindre au peuple dont il devrait être le soutien, ose se mettre au rang de ses oppresseurs :
« Considérant enfin qu'un délit'de cette nature, auquel il manque un nom à raison de l'horreur qu'il inspire, ne peut être puni trop rigoureusement, alin dé prévenir de nouvelles calamités, et d'étonner les rebelles, et qu'au contraire l'indulgence ne doit plus être employée dans ces instants, où l'étendard aristocratique parlementaire se déploie ouvertement, et d'une manière propre à faire craindre qu'il pourrait être soutenu;
« A, d'une voix unanime, déclaré ennemi de la nation, et traître envers elle et le Roi, et arrêté de traiter désormais comme tél quiconque oserait refuser d'obéir aux décrets de l'Assemblée nationale, acceptés. ou sanctionnés par Sa Majesté, les méconnaître, ou chercherait à les discréditer, même tous les parlements, et notamment celui de Bretagne, qui persisteraient -dans les intentions et opiniâtretés anti-nationales qu'ils auraient manifestées.
A en même temps arrêté d'adresser copie de la présente délibération à MM. les députés de cette sénéchaussée à ladite Assemblée, pour la supplier d'y avoir égard, et de punir ou faire punir rigoureusement et sans aucune considération, comme coupables de lèse-nation et forfaiture particulière, tous ceux qui ne reconnaîtraient pa3 ses décrets, ou voudraient attenter à leur force, tant le parlement de Bretagne que toutes les autres cours et corps qui auraient montré les mêmes sentiments.
« A encore arrêté d'en adresser copie aux membres tenant le parlement de Bretagne, afin qu'ils n'en prétextent cause d'ignorance, et à toutes les municipalités de la province et du royaume, pour qu'elles aient à prendre le parti que la sagesse et les circonstances leur suggéreront; et ont, les délibérants, signé.; Le registre dûment signé.
« Pour copie conforme au registre, signée : Meela l'aîné, secrétaire. »
, Messieurs, le parlement de Rennes est entré dans une' voie d'où nous devons le faire sortir. J'appuie donc la motion de M. Le Chapelier et je vous demande de la compléter en décrétant que les nouveaux juges seront librement élus par le peuple. — J'ajoute que non-seulement le parlement de Bennes a offensé la nation en refusant la justice au peuple, mais qu'il a eu l'audace d'écrire des lettres confidentielles au pouvoir exécutif pour sonder les dispositions de la Gour à l'égard de l'Assemblée nationale.
Une voix énorme s'écrie : Non, cela n'est pas vrai !
Toute la salle se retourne et reconnaît M. le vicomte de Mirabeau.)
rappelle l'interrupteur à l'ordre.
réclame la parole et pendant longtemps, refuse de quitter la tribune dont il s'est emparé.
propose dé clore la discussion. — La clôture est prononcée.
interrompt le président, en termes peu mesurés, et s'obstine à vouloir être entendu, malgré les observations qui lui sont faites de toute part. (L'Assemblée reste longtemps dans un désordre extrême.)
parvient enfin à ramener le calme, i
Le scandale auquel nous venons d'assister n'a pu être prévu par votre règlement; je demande que celui qui en est l'auteur soit exclu pendant huit jours de l'Assemblée.
Cette peine excède notre droit. Je propose l'exclusion pour la séance seulement, afin que l'orateur réfléchisse sur ses intempérances dé langage et autres.
(L'intempérance de M. le vicomte de Mirabeau lui avait mérité le surnom de Mirabeau-Tonneau.)
Comme il est indispensable de conserver quelque décence dans les séances de l'Assemblée, je demande que M. le vicomte de Mirabeau soit rappelé à l'ordre et que Son nom soit inscrit au procès-verbal. Je demande ensuite que l'Assemblée ajourne à la séance de samedi soir la question de savoir quelle punition mérite un membre qui s'oublie au point de manquer de respect au président et à l'Assemblée, et si cette punition peut s'étendre jusqu'à .l'exclusion de ce membre.
L'ajournement à samedi est décrété, ainsi que la reprise de l'ordre du jour.
réclame la parole avec un grand éclat de voix.
"(Les termes peu mesurés de l'orateur et ses emportements au delà des bornes prescrites dans une assemblée publique, font renaître le tumulte.)
Plusieurs membres demandent que la séance soit levée, en mentionnant la cause de sa discontinuation.
cherche à excuser l'orateur en disant que, s'il a tant élevé la Voix, c'est par un excès de sensibilité et d'inquiétude sur l'ajournement prononcé à samedi prochain. Il demande que l'ajouriïement soit révoqué et qu'on revienne simplement à l'ordre du jour.
L'Assemblée a été troublée . d'une manière extrêmement pénible pour elle-même et pour le public qui assiste à la séance. Je suis loin de pencher pour les partis rigoureux, mais je ne puis ûi'empêcher, dans l'intérêt de l'Assemblée, de demander qu'en révoquant l'ajournement, le membre qui a été rappelé à l'ordre par M. le président soit nommé dans le procès-verbal.
Cette motion est mise aux voix et l'Assemblée décrète seulement :
« Que M. le vicomte de Mirabeau, qui a été mis
à l'ordre par M. le président, sera nommé dans le procès-verbal. »
La plus belle grâce qu'on puisse faire à M. le vicomte de Mirabeau, c'est de croire qu'il n'est pas de sang-froid.
La discussion est reprise sur Vaffaire du parlement de Rennes.
dit qu'il existe, "au cbmité des rapports, diffêrôntes piècès tendant à justifier la chambre des vacations dii parlement dé Rennes et à démontrer que le président seul a fait au Roi la réponse qui a été mentionnéé. Il ajoute que l'adresse qui a été lue a été faite par là municipalité sans que le surplus des citoyens y ait eu aucune part. Ces motifs lë déterminent à penser que la chambre n'est pas coupable, et il demande que là discussion soit contihuée à demain, deux heures, pour qu'on puisse faire le rapport des pièces.
appuie la motion- de M. Le Chapelier par la lecture d'une délibération de la ville de Moriaix.
dit que l'ancienne Constitution de Bretagne a sans doute induit le parlement en erreur ; que les magistrats se sont trouvés embarrassés entre les lois anciennes et les lois modernes; qu'il faut prier le Roi d'écrire au parlement et de remplacer les magistrats de la chambre des vacations.
On demande l'ajournement de la question.
L'ajournement> mis aux voix, est rejeté.
fait une motion qui est adoptée en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète :
« Que les magistrats composant la chambre des vacations du parlement de Rennes seront mandés pour comparaître à la barre, dans la quinzaine de la réception du décret, et que le Roi sera supplié de former une autre chambre parmi les autres magistrats du même parlement. »
lève la séance, après avoir indiqué celle de demain, à neuf heures et demie.
Idées et réflexions sur quelques points de la constitution militaire adressées à MM. les députés, membres du comité militaire, par le marquis de Paységur (1), colonel du régiment de S trasbourg-Artillerie.
Une constitution militaire doit, comme celle d'un gouvernement, être appuyée sur des bases si stables, sur des jprincipès si clairs, qu'une fois ces principes établis et sanctionnés par l'unanimité des opinions, aucun être ne puisse s'en écarter sans en- devenir responsable au tribunal de la loi.
Il ne faut pas se le dissimuler, le despotisme est une hydre qui tend à se reproduire sans cesse sous toutes sortes de formes. Il ne suftit pas en France que le plus honnête et le plus vertueux des Rois se soit mis dans l'impossibilité de l'exercer; si. ses réflexions et ses lumières l'on porté à la persuasion pleine et entière que la souveraineté pouvait exister sans despotisme ; je dis plus, qu'il n'y en a véritablement de réelle et de satisfaisante que celle appuyée sur des lois qui fixent à chacun ses droité comme ses devoirs ; il ne faut pas s'attendre à voir tous les hommes chargés de pouvoirs partiels et secondaires se pénétrer des mêmes Vérités. Tous les hommes ont des passions; donc ils peuvent être justes ou injustes, bons ou méchants, humbles ou glorieux, débonnaires ou tyrans; et chacune de ces qualités peut produire également de bons ou de mauvais résultats. Dans l'ordre ordinaire de la société, où les procédés mutuels établissent les liens, aucune règle ne doit eh établir lès formes ; aussi chacun est-il libre d'admettre ou non, tel ou tel individu à Son intimité. Mais il n'en est pas de même dans toute association quelconque, et à plus forte raison dans une association militaire.
Toute association ne peut se maintenir que par le bonheur que trouve constamment chaque individu à se soumettre aux lois de cette association; or, ce bonheur n'est certainement que dans l'ordre et dans le maintien de cet ordre ; mais qui dit ordre, ditleseuldispotisme auquel l'acception de ce mot puisse être employée désormais ; qui dit ordre, dit que l'on ne remplit que son simple devoir en s'y conformant, et que l'on se rend coupable au dernier chef en s'y soustrayant. Si ce principe est généralement reconnu , pourquoi l'observance de cet ordre n'est-elle pas générale? pourquoi, si des principes de justice ont déterminé que rordre militaire, ou son synonyme, la discipline militaire, doit être sévère et rigoureusement établie pour le simple soldat, pourquoi, dis-je, n'eu a-t-on pas conclu qu'elle doit être
qui lie également' toUs les individus, et dont un seul anneau ne peut être distrait sans risquer de les voir tous se rompre également.
Un principe reconnu généralement parmi tous les militaires, c'est que trop débouté dégénérant en faiblesse, cette vertu de société devient souvent très-dangereuse dans l'homme chargé d'une autortté ; ce qui sans doute est très-vrai; car une faute pardonnée produit un relâchement dans la discipline, et autorise, par l'exemple, de nouvelles infractions à la règle.
Un autre principe également vrai, mais qui n'est pas (;militairement parlant), aussi généralement reconnu, c'est qu'une sévérité trop outrée, dégénérant ordiriairemônt eh méchanceté, ce vice devient de même très-dangereux dans l'homme de ce caractère, chargé d'une autorité ; car dès lors il arrive que, n'inspirant que de la crainte, il rend malheureux ses subordonnés, ne s'attire que; leur haine, et les tenant dans des ressorts trop tendus^ les exposé à désirer de s'en délivrer.
Eh bien, avec l'arbitraire, aujourd'hui toléré dans la discipline militaire, il n'y a pas de doute Cependant que les résultats de l'homme méchant ne soient préférables à céux de l'homme dont le cœur est humain ei bon. L'on dit du premier qu'il sait conduire les hommes ; de l'autre qu'il en est incapable: du premier, n'eût-il ni esprit ni vertu, qu'il est bon militaire, du second, eût-il le plus
grand mérite, qu'il n'est point fait pour commander.
Ces solutions, si généralement et si faussement adoptées, résultent cependant de l'inobservance de 1 ordre. Que les règles de la discipline soient clairement exposées; que l'observance de ces règles soit si impérieusement recommandée, qu aucun chef ne puisse s7en écarter sans être puni par la loi ; et l'on verra l'homme bon forcé d'être sévère, le méchant d'être modéré; et tous deux, n'étant que justes d'après la loi, produiront des résultats également satisfaisants.
Un bas officier, un sergent n'est bon, dit-on, que lorsqu'il sait se faire respecter de ses subordonnés, et qu'il sait punir à propos. S'il est faible, s'il se laisse maîtriser, ou manquer par un soldat de son escouade ou de son poste, il doit lui-même être puni. Pourquoi, si telle loi est établie avec raison pour le sergent, ne l'est-elle pas de même pour le capitaine, le colonel, et généralement pour tous les individus chargés d'une autorité militaire?Il n'y aura jamais d'ordre ou de discipline militaire, je ,le répète, tant qu'un chef qui aura fait une grâce contraire à la loi à son ami, n'en sera pas puni de la même manière que celui qui injustement aurait puni son ennemi. L'ordre, encore une fois, doit enchaîner toutes les passions, et parmi les militaires être la règle de leur conduite,
Il est temps de dire hautement des vérités que la conscience de tous les hommes avoue, et que l'intérêt personnel seul obscurci t. Inégaux parleurs facultés, par leurs richesses, tous les hommes sont égaux en droits, "et la justice seule, dépendant d un ordre rigoureusement établi, est.ce qui peut seul en faire jouir. Il est temps que les hommes se persuadent qu'ils n'ont d'avantage réel sur leurs semblables que par ce qu'ils valent, et non par ce qu'ils peuvent valoir.
Que: l'on ne conclue pas cependant de ce que je viens de dire, que je regarde la distinction établie chez tous les peuples, et connue sous le nom de noblesse, comme une chimère. Non, tous les hommès seraient égaux demain, que, le jour suivant, celui que des facultés personnelles ou des perfections feraient distinguer d'entre ses semblables, fondrait ses premiers titres de noblesse dans l'estime universelle, ét dés lors aucune puissànce humaine ne pourrait empêcher que tous ses descendants, ne proviennent d'une telle souche. Qui pourrait, dans ce moment-ci même, où tant d'effervescence dans les esprits obscurcit les idées les plus saines; qui pourrait, dis-je, refuser sa bienveillance, son intérêt, sa disposition même, à de jeunes enfants qui paraîtraient, au milieu de nous sous les noms de Montesquieu, du Guesclin, Duguay-Trouin,ou Turenne? Qu il est beau de descendre d'aïeux dont la noblesse ne s'est acquise que par leurs vertus ou les services éminents qu'ils ont rendus à leur patrie ! Quand on homme un beau nom, il me semble toujours entendre dire, un tel, fils d'un tel. Cette désignation, la plus naturelle, et sans doute adoptée par les premiers nobles, est encore en usage chez les peuples du Nord. En Russie, où. les traces des institutions premières ne sont pas perdues, les nobles ne se désignent pas autrement ; et certes ces qualifications valent bien, je pense, celles de duc, de comte et de marquis, dont nous sommes inondés, et qu'un pouvoir arbitraire, ou un relâchement de tout principe peut appliquer ou laisser prendre à quiconque ést assez riche ou assez intrigant pour l'usurper.
Je voudrais que la noblesse se pût suspendre sur la tête dé ceux qui ne marchent pas sur les traces de leurs aïeux. Que Chabert, par exemple, eût laissé un fils, j'aurais voulu qu'eu naissant on l'eût appelé simplement Pierre, fils de Chabert, et qu'on l'éût ainsi désigné jusqu'à ce que ses vertus Ou ses services à la patrie l'eussent rendu digne de supporter seul le poids de son nom.
Qu'une si belle institution rendrait alors la no-blessé chère à tous les Français! et que ceux qui mériteraient par la suite une si belle distinction, auraient de titres pour la conserverl
Mais je m'éloigne de mon sujet; je ne voulais traiter que de quelques points de la constitution militaire, et j'y reviens.
Je disaisdoncque ia loi doit enchaîner tous les grades et toutes les autorités. La première difficulté qui se présente, est : comment cette loi s'exécutera-t-elle ? et qui pourra empêcher qu'elle ne s'élude? La seule manière est la responsabilité au tribunal de la loi, et par conséquent la permission, je dis plus, le commandement exprès à tous les individus d'y citer quiconque y manquerait.
Quel désordre aujourd'hui ! et quelle impunité n'existe-t-il pas pour ceux qui le produisent! Un colonel refuse un congé dans son régiment, parce que la loi actuelle, rordonnance le lui défend; son autorité n'a pas d'autre règle ; eh bien, on le sollicite par d'autres voies ; et sans sa participation, sans même l'en prévenir, on accorde ce congé : acte dérisoire, et attentat réel contre tout ce qui est de règle et de. principe. Si l'on n'est pas autorisé à citer une telle infraction au tribunal de la loi ; si tous les êtres en places quel-" conques peuvent éluder la responsabilité à cette loi, comment remédier à un pareil abus, dont j'ai choisi l'exemple au milieu de mille autres dont nous sommes les victimes?
La responsabilité des ministres, dit-on, leur ôtera de leur puissance, diminuera leur existence. Eh! comment, avec des idées saines, peut-on former une telle conclusion? Quoi! parce que je n'aurais pas la puissance de mal faire, je n'aurais plus de puissance!! parce que je ne serais plus que l'appréciateur des véritables talents, des services réels, et que ce ne serait plus qu'au mérite ou à l'indigence que je serais forcé d'accorder des faveurs; je n'aurais plus d'existence? Eh mais, s'il est au contraire un moyen de rappeler 1 homme à l'ordre de sa conscience, s'il est un moyen de rapprocher ses actions de la pureté de principes qui déterminent sa moralité ; ce n'est que par la responsabilité, et je ne parle pas seulement de celle des ministres, mais de celle de tout individu chargé d'autorité ou de comptabilité quelconque.
La responsabilité est, dans le jeu des affaires, ce que sont les règles au jeu de société. Les fripons les ont fait établir; les honnêtes gens s'y soumettent impérieusement : il en est de même de la responsabilité. Des déprédateurs ou des despotes nous forcent de l'établir, les hommes justes et économes doivent s'y conformer. Qu'importe à un honnête homme d'être menacé d'être pendu s'il fait tort à quelqu'un, être deshonoré s'il vole au jeu, d'être dégradé si par méchanceté, il fait des injustices? Toutes ces menaces, loin de blesser sa délicatesse, la rassurent à chaque pas qu'il fait, établissent sa confiance dans tous les êtres qui l'environnent, et permettent à ses facultés tout l'essor et toute l'énergie dont elles sont capables.
Quoi de plus beau que d'être toujours non-seu-
lement en paix avec sa conscience, mais encoré certain de la confiance et de l'estime générale ? Eh bien, je défie, sans la responsabilité, que l'on puisse jouir de ce double bonheur. Un honnête homme succède à un coquin ; ses intentions auront beau être bonnes, ses œuvres n'auront pas toujours la force de le manifester;, et la méfiance établie par son prédécesseur continuera de l'inculper. Mais rendez-le responsable de son administration, qu'il soit forcé d'en rendre compte à des époques fixes ; alors il jouira de tous les succès dus a ses travaux, et le bonheur et la confiance universelle en seront la récompense.
Je crois qu'il est nécessaire dans toutes les manutentions militaires d'établir cette responsabilité : dès lors plus de masses, dont l'existence, l'accroissement et la dépense sont si soigneusement cachés aux inspecteurs. Si la manière dont ces masses s'accroissent est juste, si l'usage que l'on en fait est bon et utile; pourquoi n'en pas justifier l'emploi devant toute la terre? i
Le désir que le Roi a manifesté d'augmenter le bien-être du soldat, ce désir, auquel la nation s'empresse de répondre, ne peut, lorsqu'il sera effectué, que produire un effet avantageux; mais je voudrais que l'on augmentât de même les appointements des officiers. Chaque homme doit trôuver dans tous les emplois militaires nécessaires à remplir un lien d'intérêt qui le dédommage des douceurs de la vie privée, auxquelles il faut qu'il renonce en partie; mais en augmentant les traitements militaires, il faut que la .-loi soit d'une sévérité extrême sur les absences et sur les congés.
Les semestres, après seize mois de présence au corps, doivent être maintenus; il est juste au bout de ce temps de laisser un militaire vaquer à ses affairés," et goûter dans le sein de sa famille les douceurs du repos et de l'amitié; ses appointements alors doivent lui être payés en entier comme s'il était présent : mais cette règle établie pour l'officier, j'entends qu'elle le soit de même pour le soldat; car, je ne saurais trop le répéter, les hommes sont égaux quant à leurs droits, et tout citoyen a des affaires et des parents.
Il ne doit pas en être de même (quant aux officiers) pour tous les congés particuliers, soit d'affaires, de voyage ou autrement; dans tous les cas d'absence quelconque, hors les semestres, les appointements doivent être retenus. Quelle sévérité! s'écriera-t-on; l'état militaire deviendra donc un esclavage? A cela je réponds, qu'il n'existe aucun esclavage dans un état que l'on est libre d'embrasser et de quitter au moment où l'on n'y trouve plus aucun avantage. Les cas de santé seuls méritent une exception; mais que d'entraves il faut y mettré pour n'être pas trompé par tous les certificats qu'on sollicite et qu'on obtient si facilement des médecins! En réglant que dans les cas de maladie, les officiers absents jouiront, quoique absents, de leurs appointements, il faudrait ajouter que tous médecins ou chirurgiens qui seraient reconnus avoir donné un certificat contre la vérité, seraient réputés faussaires, jugés et punis comme tels, et que tout officier qui l'aurait sollicité serait destitué de son emploi. Encore une fois, les règles sont pour les fripons, et l'on ne doit jamais établir une loi, sans mettre à côté la menace d'une punition, pour quiconque serait assez condamnable pour l'enfreindre.
La règle que je viens de proposer doit s'étendre également sur les colonels et sur tous chefs des corps indistinctement. N'est-ce pas un abus manifeste, par exemple, et fait pour révolter sans cesse
les officiers particuliers, que les colonels seuls soient autorisés, par les ordonnances militaires, à ne passer que quatre mois par an à leurs régi ments ! Quoi! celui qui par état et par dévoir est le plus intéressé au maintien du bon ordre, de la discipline, et à l'instruction de son corps ; celui qui reçoit de la patrie le plus de distinctions hq-norables et pécuniaires; c'est celui-là justement que la loi autorise à remplir le moins ses obligations ! quelle négation totale de principes 1
Mais la haute noblesse, les grands seigneurs, dira-t-on ne serviront plus, si les lois militaires deviennent si gênantes. A cela on peut répondre que les abus une fois introduits dans le gouvernement, chacun a dû chercher à en profiter, et les plus puissants obtenir des préférences; mais qu'une fois l'ordre soit établi, qu'il n'y ait d'exception pour qui que ce soit, bientôt on verra tout le monde s'y soumettre également. Qu'importe, au reste5 en faisant une loi, qu'elle contrarie tel ou tel individu? ce qui seul doit importer, c'est que cette loi soit juste et qu'elle s'étende également sur toutes les classes de là société.
Avant donc de s'occuper des détails qui doivent composer le code militaire, je crois qu'il est nécessaire de statuer d'abord sur le fait des lois militaires, et sur l'obligation générale de s'y conformer; sans cela on risquerait de retomber dans l'incertitude et l'arbitraire où tant d'ordonnances, détruites aussitôt que formées, nous ont plongés pendant si longtemps.
Ce préliminaire une fois rempli, on pourra s'occuper avec efficacité de toutes les parties de la constitution militaire. De tous les corps, celui dont l'ensemble est le mieux constitué, pour le but auquel il doit tendre, c'est sans contredit le corps de l'artillerie; néanmoins, il y a des économies et des changements avantageux à y faire, et beaucoup d'objets de détail à perfectionner; mais il serait utile de s'en occuper avant l'établissement des lois générales de discipline qui, pour ce corps ainsi que pour l'ensemble de l'armée, ont premièrement besoin d'être renouvelées.
Lorsqu'il sera question du travail particulier, relatif a l'artillerie, ie crois que l'on examinera d'abord s'il est inutile ou non d'y réunir le corps du génie. Ce dernier corps formé d'officiers remplis de mérite, d'instruction et de talents, n'a pas, en temps de paix, l'activité qui lui convient. A la guerre on pourrait s'en passer, puisque les officiers d'artillerie possédant en grande partie les mêmes connaissances que ceux du génie, peuvent les suppléer au besoin ; mais si cette réunion avait lieu, il faudrait qu'elle fût si stable, qu'aucun intérêt de corps, ou particulier, n'y puisse porter atteinte (1).
L'ordre du tableau pour l'avancement est encore un point essentiel à examiner. Si les lois militaires pouvaient être tracées de manière qu'il n'y eût jamais qu'à les consulter pour régler sa conduite, il n'y a pas de doute qu'alors l'ancienneté seule de service devrait déterminer les grades : mais combien y a-t-il de cas où l'intelligence, la science et l'activité sont nécessaires! Combien, à la guerre surtout, il est de circonstances où l'on
doit chercher ses ressources en soi-même! Si l'ancienneté seule réglait l'avancement, n'arriverait-il pas souvent qu'on aurait le chagrin de se voir commandé par celui qu'on reconnaîtrait en être le plus incapable? car enfin ce n'est pas un mérite que d'être venu au monde quelques années avant les autres.
D'un autre côté, si l'avancement se détermine par le choix, n'ést-ii pas dangereux de voir bientôt la faveur seule s'en emparer? qu'il est mortifiant, pour d'anciens militaires de se voir commander par des jeunes gens qui souvent n'ont d'autre mérite que celui d'être fils de pères qu'ils ne pourront peut-être jamais imiter, ou celui d'être parents ou alliés d'hommes puissants, qui mettent, leur vanité dans l'élévation de tous les êtres qui les entourent! dans l'avancement par choix, il est bien rare, il est vrai, qu'un homme d'un grand talent reste caché dans la foule, et qu'il ne soit pas distingué par la faveur même à laquelle il en impose. Mais enfin, pour un que l'on voit justifier l'avancement du au choix, combien en est-il qui font désirer de l'exclure !
Ces considérations seront sans doute mûrement pesées par le comité militaire, qui prendra sur cet objet le parti qu'il croira le meilleur. Toute institution humaine a ses imperfections, et l'on n'en établirait jamais si l'on ne prenait pas le parti de se décider pour celle qui en présente le moins. Le point essentiel est qu'une fois, la loi sanctionnée par l'autorité, tout individu quelconque soit également contraint de s'y soumettre et de s'y conformer.
Dans tous les codes militaires qui ont paru jusqu'ici, il a toujours manqué, ce me semble, un article bien essentiel: c'est celui des encouragements militaires. Pourquoi, à la suite des ordonnances traitant des délits et des peines, n'en aurions-nous pas une qui traiterait des vertus militaires et de leurs récompenses? car enfin les hommes ne sont pas faits pour être gouvernés seulement par la crainte ; et ne les guider que par ce sentiment, c'est montrer qu'on ne connaît guère leur moralité. Outre l'ambition et l'intérêt, des sentiments aussi innés chez tous les hommes sont l'honneur, l'orgueil et l'espérance; et on n'a jamais, je crois, tiré assez de parti de ces sentiments dans les associations civiles et militaires ;
Dire qu'il n'existe aucun mérite à faire son devoir, est un axiome vrai, j'en conviens, mais c'est pour ceux qui réfléchissent assez pour se convaincre de cette vérité : aussi, pour eux, serait-il inutile d'établir des peines. Mais si, pour tous les hommes en général, ces dernières sont nécessaires, je disque les encouragements et les récompenses le sont de même.
L'exactitude à son devoir, la subordination, et l'obéissance passive avant de se permettre aucune observation, la sobriété soutenue, la générosité, l'application, tout ce qui constitue enfin les bons sujets parmi les soldats, sont des vertus qui nécessitent autant d'être récompensées que reconnues.
Je ne parle point de la bravoure, parce qu'il n'y a aucune composition à faire avec un homme qui en manquerait.
Pour conclure donc sur le petit nombre d'objet» dont j'ai traité dans cet écrit, je propose :
1° Que les lois militaires soient a l'avenir d'une égale sévérité pour les officiers comme pour les soldats;
2° Que les punitions pour infractions aux lois de la discipline militaire soient motivées à côlé
de l'article qui établira chacune de ces lois, et que tout homme chargé d'une autorité fasse serment de s'y conformer strictement;
3° Que la responsabilité soit établie pour tout militaire chargé d'un département, pour tout chef de corps ou conseil d'administration de régiment, si on les laisse subsister, et qu'aucun des objets de comptabilité dont ils seraient chargés, ne puisse plus être caché aux inspecteurs, à qui tous les ans ils seraient tenus d'en justifier ;
4° Qu'il soit permis, ordonné même à tous les subordonnés de-citer au tribunal de la loi tous chefs quelconques qui auraient été injustes ou de mauvaise foi à leur égard, en établissant une punition grave pour quiconque oserait porter des plaintes qu'il ne pourrait ni justifier ni prouver;
5° Que la défense soit rigoureusement renouvelée aux commis des bureaux de la guerre, de faire accorder toute espèce de grâce que ce soit aux officiers particuliers, sans la demande expresse de leurs chefs;
6° Que la paye du soldat et les appointements des officiers soient augmentés;
7° Que. les semestres soient établis après seize mois de résidence au corps ; et dans ce cas, que les appointements seraient payés absents comme présents ;
8° Qu'il soit statué sur une nouvelle forme de demande en congé d'affaires, et sur l'espèce d'affaire qui pourra permettre une absence avec payement d'appointements ;
9° Qu'une punition soit annoncée pour tous médecins ou chirurgiens qui seraient Convaincus d'avoir donné des certificats de maladie contraires à là vérité, de même que pour les officiers qui les auraient sollicités :
10° Qu'il ne soit plus dohhé de congés de recruteurs, les semestriers pouvant, avec une assurance d'indemnité, ou même avec promesse de gratification, remplir le même but ;
il* Que toutes les lois relatives aux congés de semestre, d'affaires et de santé, et même ae recruteurs soient exactement les mêmes pour les soldats que pour les officiers ;
12° Que la loi, obligeant d'être présent à son corps pendant seize mois, soit obligatoire pour les colonels ;
13° Qu'il soit pris une décision définitive sur la manière dont se déterminera l'avancement ;
14° Qu'il soit accordé annuellement, par régiment, une gratification dans chaque grade, ainsi qu'à deux sergents, sur la présentation du colonel, autorisée par l'inspecteur ;
15° Que sur une bourse d'économie, nécessaire à entretenir les régiments, il soit prélevé tous les ans une certaine somme, pour fournir à des récompenses militaires pour tous les soldats qui n'auraient point été punis de prison pendant l'année ; ce qui pourrait s'effectuer en gratifications ou fêtes militaires, auxquelles les autres soldats ne pourraient point participer.
Observations sur la constitution militaire ou bases de travail proposées au comité militaire parv M. Dubois de Crancé (1), ancien mousquetaire du Roi, député du bailliage de Vitry-le-Françoi», membre et secrétaire audit comité à VAssemblée nationale.
L'esprit militaire doit acquérir d'autant plus d'énergie, qu'il est guidé par un patriotisme plus éclairé. Indépendamment de l'instinct naturel qui fait aimer àThomme sa patrie, si cet homme est considéré dans son état* s'il est environné des regards de ses proches, si son intérêt se trouve lié à la force publiqlie, si elle le protège et le nourrit, si pour le service qu'il en retire, il ne sacrifie que la portion de sa liberté nécessaire au maintien dé i'ordré social, Si toujours à portée de ses plus chers compatriotes, en temps de paix, il peut quelquefois partager leurs plaisirs etleurs sol-licitùaès, s'il cesse enfin d'être l'agent du despotisme et la terreur des bourgeois, cet homme doit dèvenir d'autant meilleur soldat, qu'il conserve les droits et la qualité de citoyen. Cet état est surtout celui qui convient au caractère français ; et je suis persuadé que si le gouvernement adoptait ces principes, les recrues seraient meilleures et plus faciles ; et que la désertion, flétrie par l'opinion, lorsqu'elle ne pourrait plus être que le crime des lâches, s'effacerait de la mémoire d'Une nation naturellement bràve, et si fière aujourd'hui de sa constitution et de ses ressources.
Cette considération nous mène à jeter un coup d'oeil sùr l'esprit qui régnait ci-devant dans les troupes.
Le soldat français n'est pas un automate; en vain a-t-on cherché à le travestir en Allemand; on lui a fait dissimuler son caractère, sans pouvoir lui en communiquer un autre, et la discipline même en a été altérée. Habitué à raisonner les ordres qu'il doit exécuter, il ne peut jamais être l'instrument servile des volontés arbitraires : l'Allemand qui s'engage, sait qu'il appartient tout entier à celui qui l'a acheté ; mais le Français ne sert que par lionneur ; et dès qu'il croit son honneur blessé, il brave tous les dangers pour punir ou pour fuir son bourreau.
Est-il donc étonnant que dans une révolution ou le peuple de l'Europe le plus doux, mais le plus fier, vient de briser ses chaînes, le soldat français ait senti renaître en lui l'étincelle du patriotisme, surtout losqu'on pense que cette insurrection des troupes était provoquée par les tracasseries qu'elles éprouvent sans cesse, parles peines infamantes qu'on leur inflige, par la barbare insouciance de leurs chefs et par là pénurie de moyens que leur laissaient pour subsister les retenues aussi injustes qu'inutiles dont elles étaient victimes ?
Notre état militaire est le plus cher de l'Europe, et le soldat n'a que du mauvais pain, et 4 sols nets par jour. Notre armée n'est composée que de 160,000 hommes, que l'insurrection vient. de réduire à moins de 80,000 hommes effectifs, et nous avons 15,000 officiers de tous grades, et plus de 1,200 officiers généraux. La dépense totale des soldats, cavaliers et dragons, au com-
plet, est de 41 millions; et jamais département de la guerre n'en a coûté moins de 110.
Enfin, malgré l'abondance d'bommes que le luxe de nos déprédateurs ravit à l'agriculture et au commerce, pour les laisser ensuite au gré de leurs caprices, sans état et sans ressources, nos régiments ne peuvent se compléter ; et la moitié des troupes de nos ennemis est composée de déserteurs français.
Sous le ministère de M. de Gboiseul, la plupart des régiments était de quatre bataillons ; on a commencé par dédoubler ces régiments ; on leur a donné à chacun deux colonèls ; c'est ainsi que pour plaire aux gens de cour et se faire des créatures, on a quadruplé les officiers supérieurs et le tourment des troupes. Cette. manœuvre très-ministérielle a multiplié des états-majors aussi dispetb-dieux qu'inutiles ; ce n'était pas assez, on a fait des colonels à ia suite ; on a créé des commissions de tous grades, on les a distribuées avec profusion, comme on jette de l'argent au peuple. Nous avons vu dans un jour 4,000 enfants devenir capitaines, sans troupes et sans espoir d'en obtenir, pour ud pot-de-vin de 4,000 francs chacun.
Jadis un bon gentilhomme croyait avoir atteint son but, lorsqu'après quarante ans de services, il était devenu lieutenant-colonel, commandant de bataillon, ou même capitaine de grenadiers de son régiment. Une compagnie de cavalerie faisait à un homme un sort qui suffisait à son ambition; mais depuis que notre état militaire est surchargé d'une foule d officiers généraux qui, pour la plupart, n'ont jamais vu l'ennemi ; depuis que nos places démantelées ne sont plus censées places de guerre que pour l'intérêt des gouverneurs, des commandants, des états-majors ; depuis que les grâces honorifiques et surtout pécuniaires, sont au concours à Versailles, tout le monde a cru, avec un peu d'intrigue, être fait pour parvenir à tout ; ce véritable principe du relâchement de tout bon esprit, de toute discipline, n'a eu que trop d'influence sur notre constitution militaire ; et nous voyons cet état, en grande partie* composé aujoua'hui d'oftjciers qui ont des emplois ou fictifs, ou sans objet utile, mais qui ont obtenu des pensions, des traitements extraordinaires, des gratifications annuelles excessives, (en attendant un gouvernement) et dont l'exemple apprend à ceux qui le suivent, qu'on peut inpu-nément et même avec succès fatiguer ia cour de ses importunités, le Trésor public de son insatiable avidité, comme les troupes de sa folle vanité.
En qualité de membre du comité des finances, j'ai été employé au dépouillement des dépenses du département de la guerre, j'ai cherché vainement a pénétrer dans ce dédale inconnu, même aux agents les plus fidèles de l'administration; toutes les parties en sont si peu corrélatives, tous les détails en sont si vagues et si peu prononcés, que le comité n'a eu à vérifier que des chiffres et non des choses; nous avons rendu fidèlement compte de notre travail, et il a été imprimé sous la direction de M. le duc de Liancourt. On a vu que le projet de dépense pour 1789 était de 99 millions, mais ce ne sera qu'en 1790 qu'on en connaîtra l'effectif : il a souvent passé 110 millions, et nous n'avons aucun motif de présumer pour l'année qui s'écoule de grandes économies.
Cependant M. Necker a annoncé par aperçu une économie de 20 millions à faire sur 99 qu'était .censé coûter ce département; la nation a donc droit d'y compter; le respect qu'elle porte au caractère connu de ce ministre, l'opinion vague
mais très-légitime de toutes les déprédations qui ont absorbé jusqu'ici les fonds publics, enfin, le besoin absolu d'une économie impérieusement commandée par le long épuisement dè nos facultés, sont des motifs trop puissants pour ne pas mériter la plus sérieuse attention; et la position du comité militaire est d'autant plus délicate, que le ministre des finances, lui-même, n'a pas présenté le travail du département de la guerre sous son vrai point de vue.
Il a calculé sur un projet de dépense de.,........................... 99 millions.
Mais l'effectif a été souvent de cent dix, ci.................................110 »
Premier déficit................ 11 »
L'économie commandée est de,. 20 »
L'augmentation nécessaire de la solde des troupes, à 3 sols par jour, par chaque soldat* ferait une augmentation de dépense de..... 9 millions
40 »
Donc l'économie que le comité doit faire est réellement de 40 millions au lieu de 20. J'observe que l'ancien comité dé la guerre avait déjà fait un travail en 1778, qui avait réduit de 7 à 8 millions les dépenses de ce département.
II faut cependant nous mettre en mesure avec les puissances étrangères; et pour avoir la paix, nous préparer à la guerre. Dans une circonstance où tous les ressorts de la discipline paraissent détendus, où tou3 les régiments sont incomplets, où le pouvoir exécutif est sans force, où les ennemis de la nation redoublent leurs efforts, l'étendard du patriotisme peut seul ramener à l'ordre tous les citoyens.
Ce n'est pas au sein de la tranquillité que les grands changements d'une utilité publique peuvent s'opérer. Le calme ne peut renaître qu'après l'orage, et nous en avons encore à essuyer. Mais la nation a droit d'attendre de ses délégués un courage au-dessus de tous les événements : le vaisseau de l'Etat ne cessera d'être en péril, que lorsque nous aurons régénéré la finance, ainsi que l'administration civile et militaire : marchons donc sûrement au but ; et, sans égard pour toutes les sangsues qui sont collées à la chose publique, recomposons tout à neuf; c'est le moyen le plus expéditif, et j'ose dire le seul pour détruire des abus que le temps et les personnes ont consacrés. En ne recréant que ce qui est utile, on laisse dans l'oubli ce qui était nuisible; on n'a pas même la peine de s'en occuper, et la rapidité de la marche du législateur n'en est pas interceptée; mais il faut des bases, des principes inattaquables; et voici, pour ce qui concerne le bureau militaire, les réflexions que je soumets à sa sagesse.
Bases de la constitution militaire.
Art. 1er. Tout homme, avant de choisir un état, doit avoir sous
les yeux le tableau du cercle qu'il aura à parcourir.
Art. 2. Nul homme ne doit rencontrer dans cette course si rapide de la vie aucun obstacle qui ne vienne de lui.
Art. 3. Ce n'est pas la modicité des différents traitements qui décourage un bon citoyeD, mais l'abus des grâces qu'il ne partage pas, et surtout
ces iniques passe-droits qui ne sont dus qu'à l'intrigue la plus révoltante.
Art. 4. L'ambition est un vice dévorant, qui ne fait d'un grand peuple qu'une échelle d'esclaves; mais l'honneur fait des hommes, des ci-tôyeus, nous devons donc envisager - l'honrieur comme le premier ressort d'un bon gouvernement.
Art. 5. Suivant ces quatre premiers principes, depuis l'état de soldat jusqu'à celui d'officier, et depuis le grade d'officier jusqu'au rang de maréchal de France. Tout arbitraire doit être antérieurement anéanti, tout homme de mérite, sans autre distinction, doit être choisi par ses pairs pour les commander, et tout état doit être indépendant du caprice, de la légèreté et des aveugles préventions de l'autorité; car l'expérience n'âque trop démontré que la récompense aue au mérite, a souvent été extorquée par l'intrigue et la faveur.
Art. 6. Les emplois supérieurs doivent être rares, pour que les grades subalternes soient plus respectés; le premier agent du bien public est que chacun s'noaore de son état.
Art. 7. Aucun individu, quel qu'il soil, ne peut et ne doit jamais remplir à la fois deux emplois.
Art. 8. Un militaire ne doit être payé par la nation, que pour le temps qu'il consacre au service de la nation.
Art. 9. Pendant le temps de son service, chacun doit recevoir un salaire proportionné à son grade et aux dépenses qu'il occasionne.
Art. 10. Le calme de la paix n'étant destiné qu'à be préparer à la guerre, il peut suffire d'assembler les troupes trois mois par an pour les exercer : et le reste de rannée} la moitié au moins de chaque corps doit avoir la liberté de retourner dans ses foyers : cette méthode vivifie le commerce et l'agriculture ; rend le soldat citoyen, lui conserve l'habitude du travail, et des exercices aussi utiles à sa santé et à ses mœurs, qu'ils le rendent propre à soutenir les fatigues de la guerre.
Art. 11. Les corps nombreux sous la main d'un chef, sont mieux organisés, plus utiles à la guerre, surtout en cas d'échec ou de mortalité. Il y règne plus d'ensemble et plus d'esprit de corps, qui fit toujours la gloire du nom français.
Art. 12. Les pensions de retraite doivent être assurées, sans retenue, proportionnées au grade, aux services et aux facultés du demandeur; car l'Etat ne doit de secours pécuniaires, qu'à celui qui ne peut s'en passer.
Les principes que je viens d'énoncer, peuvent servir ae base à une nouvelle formation du militaire français; mais je crois devoir faire précéder le travail sur la composition de l'armée, de deux ordonnances primaires, une sur l'état militaire en général, et une sur les pensions.
Ordonnance primaire pour tous les grades d'officiers, à décréter constitutionnellement par l'Assemblée nationale.
Art. 1er. L'égalité des droits de l'homme, sagement reconnue
par la nation, et sanctionnée par le Roi, n'accordant plus de distinction qu'au mérite,
toutes les écoles militaires sont supprimées.
Art. 2. Il sera établi dans la ville principale de chaque département un collège où les enfants qui se destineront à l'état militaire, trouveront maîtres de langues anglaise, allemande et française; maîtres d'armes, de dessin, de mathématiques et d'histoire, aux frais des provinces.
Art. 3. L'éducation dans ces collèges, sera particulièrement dirigée vers cette instruction, sous la direction de la commission intermédiaire du département.
Art. 4. Les enfants y seront examinés tous les ans en présence du corps des magistrats, de la commission intermédiaire et des chefs de corps qui seront à portée; et il sera délivré à ceux des élèves qui l'auront mérité, un brevet d'aspirant à l'état militaire, signé des trois pouvoirs examinateurs, dont je viens de parler.
Art. 5. Les colonels des régiments ne pourront choisir que parmi ces aspirants, les sujets dont ils auront besoin pour remplir les sous-lieute-nances vacantes de leur régiment ; et ce sera toujours par rang d'ancienneté de promotion ; c'est-à-dire que les aspirants brevetés en 1790, seront tous placés avant d'entamer la promotion de 1791.
Art. 6. Si un colonel est reconnu pour avoir vendu un emploi, il sera cassé sur-le-champ, et le candidat renvoyé du régiment.
Art 7. Dans l'année de la promotion, et sans qu'on puisse s'écarter de l'article 5,1a préférence pour les sous-lieutenances sera cependant accordée, à mérite égal, aux enfants de militaires qui auraient obtenu la croix de Saint-Louis, ou seraient morts au service.
Art. 8. Si les nations se sont librement donné des rois, il est juste que dans tout état les subalternes choisissent leur supérieur immédiat, et ie considère cet axiome comme le seul garant de la liberté publique. En conséquence, tous les différents grades d'officiers seront donnés au scrutin; et de cette manière les lieutenants seront nommés par les sous-lieutenants; les capitaines par les lieutenants ; les commandants de bataillon, et les majors, par les capitaines (1).
Art. 9. Le major deviendra, de droit, à son tour, lieutenant-colonel, puis colonel commandant de son régiment.
Art. 10. Les officiers supérieurs, destinés à commander des divisions, seront choisis parmi les colonels commandants, et nommés au scrutin par les quatre commandants de bataillon, et les trois officiers supérieurs de chaque régiment composant la division : nul ne pourra exercer les fonctions d'officier général que de cette manière.
Art. 11. Le commandant d'une armée sera choisi parmi les officiers généraux par tous les colonels et officiers généraux en activité.
Art. 12. Le général choisira lui-même les officiers qui devront être plus' immédiatement employés sous ses ordres, mais toujours dans le grade attaché à chaque genre de service.
Art. 13. Un colonel, au bout de dix ans, sera breveté du grade de maréchal de camp, sans être obligé de quitter son régiment, à moins qu'il ne soit employé comme chef de division.
Art. 14. Tout officier, sans activité, sera censé hors du service.
Art. 15. Pour être fait lieutenant général, il faudra avoir servi dix ans comme maréchal de camp, ou avoir fait dans ce grade quelque action d'éclat à la guerre.
Art. 16. Nul ne pourra devenir maréchal de France, s'il n'a gagné deux batailles, ou pris deux places fortes assiégées en forme.
Art. 17. La croix de Saint-Louis est fixée à 25 ans de service, en temps de paix, pour tous les officiers, sans aucune distinction, et les campagnes de guerre compteront pour deux ans, si elles durent au moins six mois.
Art. 18. Tout officier qui passera aux îles, la Corse exceptée, comptera trois ans de service pour deux, en temps ae paix, et quatre en temps de guerre.
Art. 19. Pour obtenir la grande croix de l'ordre de Saint-Louis, il faudra avoir commandé une division, et fait en cette qualité quelque action d'éclat.
Des pensions.
M. Necker a annoncé qu'il y aurait une économie de 6 millions à faire sur les pensions. Cette promesse met encore l'Assemblée dans des entraves excessivement délicates. Quoique le département des pensions soit absolument distinct de celui de la guerre, les pensions ne pouvant être qu'une récompense de services, la plupart militaires, je pense que le premier travail à faire est de fixer les bases de ces récompenses, ét cette opération est du ressort du bureau militaire. Si elle est bien faite, elle doit faciliter au comité des finances, des moyens légitimes de réduction, qui ramènent au principe de répartition, fixé par l'Assemblée, et sanctionné par le Roi, tous ceux qui précédemment en ont abusé.
Ce serait, je crois, une grande immoralité que d'imiter les opérations de M. l'archevêque de Sens, en supprimant partiellement des portions de chaque traitement, sans égard pour les motifs qui les ont fait obtenir, mais uniquement en raison de leur quotité.
Ces travaux, dignes d'un ministère qui ne s'embarrasse pas d'être juste, qui souvent, dans les réformes qu'il fait, ne cherche que de nouveaux moyens de déprédation, ne conviennent aucunement à la dignité de l'Assemblée nationale. Il y a telle pension de 600 livres qui est trop forte, à raison des services du pourvu; dans ce cas, il faut la diminuer, peut-être même a-t-elle été, sans mérite, extorquée de la faveur par l'intrigue, et alors il faut la supprimer. Mais il y a telle autre pension de 20,000 livres, qui peut n'être qu'une juste récompense de longs et excellents services dans des emplois très-importants, et l'Asseno blée pourra-t-elle croire de sa justice d'en retrancher quelque chose? Placé entre ces deux extrêmes, il serait donc impossible de justifier une combinaison purement arithmétique, et qui n'aurait pour base aucun principe de justice et de raison.
Je dis plus, ce serait se couvrir de honte sans profit. Car c'est de l'accord de toutes les parties qui constituent une administration, que dépend essentiellement l'économie. Or, si l'Assemblée nationale se livrait elle-même à l'arbitraire ; si elle arrachait des mains d'un père de famille, ce qui est absolument nécessaire à sa subsistance, sans égard aux sacrifices que lui ont coûté de longs services, comment empêcher les agents du pouvoir exécutif d'être des fripons? Lorsque l'homme est incertain de l'avenir, il se croit en droit d'abuser du présent : nous lui en indiquerions la
fatale nécessité, et je ne vois pas, en ce cas, de barrières qu'il soit dans le pouvoir de l'Assemblée d'empêcher de franchir.
Nos commettants nous ont envoyés pour réformer des abus, et le Roi lui-même nous a invités à rétablir l'ordre dans toutes les branches d'administration. ,
Il est donc indispensable d'entrer dans tous les détails de chaque département. Si, par exemple, l'Assemblée nationale se contentait dé dire au ministre : l'armée coûtait 100 à-110 millions, nous n'en voulons plus payer que 80, et nous veillerons à ce que vous n'en dépensiez pas davantage, mais nous vous laissons comme agent du pouvoir exécutif suprême, l'entière disposition de la composition de l'armée, au lieu de remplir l'intention au Roi et celle de ses commettants, l'Assemblée pourrait ajouter de grands abus politiques à ceUx de finance, qui existaient; car elle s'exposerait à voir la réforme porter sur des objets de la plus grande utilité, pour engloutir nos ressources dans le gouffre de la cabale et du crédit.
Le pouvoir exécutif consiste (selon mon'opinion), à choisir ses principaux agents, à disposer souverainement (avec le respect dû aux lois) de toutes les forces de la nation ; enfin, à maintenir dans l'ordre tous les ressorts, et donner le mouvement à la grande machiné du gouvernement ; mais c'est au pouvoir législatif, ce me semble, à en constituer toutes les parties; et je ne vois que ce qu'on appelle la maison commensale du Roi, sur laquelle il peut être assez indifférent à la nation de n'entrer dans aucun détail, lorsqu'elle en aura fixé la dépense générale.
Pour appliquer ce principe à ce qui concerne la réforme des pensions, je pense qu'il est temps que les différents comités que l'Assemblée a honorés de sa confiance, quittent le rôle de scribes ou de simples nomenclateurs, pour s'élever à la hauteur des fonctions dont la nation les a revêtus : il faut régler à la fois le passé, le présent et l'avez nir, et calculer, dans le calme d'une conscience pure, des moyens irréprochables, qui en imposent même à ceux qui, plus particulièrement intéressés à nous déprimer, n'oseront ajouter à la douleur de se voir dépouiller du fruit de leurs intrigues, la honte de publier leur inutile mécoii-tentement.
Je pense donc qu'un travail sur les pensions pour l'avenir deviendrait très-utile, même au comité des finances, et qu'il est une partie intégrante des fonctions confiées au bureau militaire.
Bases d'ordonnance sur les pensions.
Art. 1er. Toute personne en activité de service ne pourra jouir
a'aucùne pension ou gratification annuelle, sous telle dénomination que cë soit, parce que le
sort de chaque employé sera déterminé suivant son -grade et la nature de ses services.
Art. 2. Pour obtenir la pension de retraite attachée à un grade ou emploi, il faudra avoir servi dix ans dans ce grade ou emploi, sinon, l'on ne pourra obtenir que la pension du grade inférieur.
Art. 3. Pour obtenir une pension quelconque, il faudra avoir servi trente ans au moins "dans différents grades ou emplois.
Art. 4. Après trente ans de service, on obtiendra Sour retraite moitié des appointements du grade ans lequel on aura servi dix ans ; à quarante ans, les trois quarts, et à quarante-cinq ans la totalité.
Art. 5. Nul, quels que soient sa naissance et son grade, ne pourra espérer de pension, s'il a plus de 2,000 écus de rente de patrimoine, et 100 pistoles de rente par chaque tête d'enfant qu'il pourrait avoir sans emploi ; mais il lui sera accordé pour retraite un brevet d'un grade supérieur à celui qu'il aura exercé pendant dix ans.
Art. 6. Legrade de maréchal de France, ne pouvant à l'avenir être accordé qu'à des officiers supérieurs qui auraient gagné deux batailles, ou pris deux places assiégées en forme, sera excepté de l'article précédent.
Art. 7. Tout ministre, officier général, ou employé quelconque au service du Roi, ne peut espérer ae pension de retraite au-dessus de 20,000 francs.
Art. 8. Les survivances ne pouvant être considérées que comme pension alimentaire à des veuves d'officiers morts au service et restées dans la détresse; il ne sera accordé de pensions en survivance, qu'à des veuves qui justifieront de leur pauvreté par un certificat énonciatif de leur situation, souscrit de la commission intermédiaire provinciale du canton où elles ont leur demeure, et ces pensions ne pourront excéder moitié du traitement qui avait été accordé au mari.
Art. 9. Il ne sera accordé aucune pension sur le Trésor public à titre de douaire, ou avant décès, pour jouir après la mort du titulaire.
Art. 10. La préférence aux emplois étant conservée aux enfants de ceux qui auront bien servi, ce ne sera qu'à titre d'orphelins pauvres, que des enfants pourront obtenir chacun 300 livres de pension au plus ; et cette pension cessera toujours dès qu'ils seront pourvus d'un état.
Art. 11. Tout homme retiré du service ou sans activité, ne pourra y rentrer sans renoncer à' la pension dont il jouissait, et alors if suivra la chance attachée à son nouvel emploi.
Art. 12. Nul officier commensal de la maison du Roi, de la Reine ou des princes, ne pourra obtenir de pension pour raison de ce service, sur le Trésor public, et it sera renvoyé à la liste civile de Sa Majesté.
Art. 13. Tout employé civil ou militaire qui aurait été ou sera réformé, jouira complètement de sa pension de réforme, , jusqu'à ce qu'il ait été employé dans un grade égal, pour lequel il lui appartient toute préférence.
J'ai cru devoir poser les principes constitutionnels dé l'état militaire, principes d'après lesquels (si la nation veut les consacrer et les faire sanctionner par le Roi) tout individu connaîtra complètement la carrière que ses talents ou son mérite pourront lui faire parcourir. Ne perdons pas de vue que le tombeau de la liberté publique est dans l'arbitraire; que les ennemis de cette liberté sont toujours ceux que le souverain a préposés pour la défendre ; que tout caractère social disparaît devant la soif de gouverner ; et que le nom du Roi, si souvent profané, ne recevra jamais plus d'hommages et de respects, que quand la loi ne cessera plus d'être assise à ses côtés.
Je vais maintenant passer au développement des principaux articles d'un nouveau régime pour l'armée. C'est moins une ordonnance de tactique que je me suis occupé de faire, qu'un code moral et politique : j'ai cru que le moment était venu de rendre l'Etat militaire imposant et patriotique, et de le combiner de manière à réunir une excellente organisation à une prudente économie.
Bases d'un projet d'ordonnance pour l'infanterie.
Sa Majesté désirant l'exécution de tout ce qui peut assurer le bonheur de ses peuples, de l'avis et sur les représentations de l'Assemblée nationale, voulant combiner ensemble le patriotisme français, la tranquillité du royaume, l'influence qui appartient à son empire sur les affaires de 1 Europe, l'amélioration physique, morale et politique de son armée, avec la plus sévère économie, a ordonné et ordonne :
Art. 1er. A compter du 1er.....1790, toute l'infanterie
française et étrangère, ainsi que tous les établissements qui y ont rapport, seront et
demeureront supprimés.
Art. 2. N'entend Sa Majesté comprendre dans la présente réforme les Suisses et Grisons, ni ies douze bataillons d'infanterie légère auxquels elle conserve leur composition et leur traitement.
Art. 3. La France étant divisée en 81 départements, il sera recréé sur-le-champ 41 régiments nationaux; savoir : un pour le département de la ville de Paris, et un pour deux départements plus ou moins, eu égard à la population.
Art. 4. Les régiments nationaux seront de quatre bataillons chacun, et porteront le nom de la province à laquelle ils seront attachés.
Art. 5. Tous les officiers et soldats de troupes actuellement existantes, seront incorporés dans lesdits régiments, suivant leur grade, leur rang d'ancienneté et le lieu de leur naissance.
. Art. 6. Les officiers et soldats étrangers seront également incorporés dans les régiments nationaux:, à leur choix, et suivant leur grade ; mais à mesure que leurs emplois viendront à vaquer, ils seront remplis par des Français.
Art. 7. Les officiers irlandais régnicolés seront considérés comme français.
Art. 8. Tous les régiments seront désormais composés en officiers et soldats de sujets domiciliés dans les provinces dont ils porteront le nom.
Art. 9. Les engagements seront fixés à 60 li vres, et ne dureront que cinq ans.
Art. 10. Tout soldat obtiendra son congé à l'instant où il fournira un autre homme, agréé de son district, pour le remplacer ; mais ce nou-veâu soldat sera toujours tenu de servir cinq ans, quel que soit le temps qui restait à faire à celui qu'il remplacera ; et il en répondra.
Art. 11. Tout Français Se doit tout entier à sa patrie dès qu'elle est en danger ; donc aucun soldat ne pourra obtenir de congé ni se faire remplacer en temps de guerre, mais il lui sera payé 25 livres par année, au delà de cinq ans qu'il devait.
Art. 12. Tout déserteur en temps de guerre, sera passé par les armes.
Art. 13. Tout voleur sera pendu.
Art. 14. Tout déserteur, en temps de paix, qui ne sera pas revenu au bout de huit jours, sera passé par les verges, non avec barbarie, mais avec beaucoup de modération; cette punition n'étant que d'appareil,, mais infamante. Avant l'expédition, ses cheveux seront coupés très-près de la tête ; et il sera chassé comme indigne de servir sa patrie.
Art. 15. Sa Majesté défend expressément le3 coups de canne, de plat de sabre, et toute punition corporelle pour autres délits militaires, lesquels seront punis suivant l'exigence des cas, par les doubles gardes, le piquet, la prison, et surtout la privation des semestres, dont il sera parlé ci'-après.
Art. 16. Le piquet n'aura pas moins de trois pouces de diamètre; la prison sera rarement employée : 1° parce qu'elle indiscipline les troupes, par la fréquentation des'libertins ; 2° parce que le séjour d'individus renfermés dans des lieux malsains, nourris au pain et à l'eau assomme le physique, quand c'est le moral qu'il faut corriger.
Art. 17. Depuis le rang de soldat jusqu'à celui de porte-drapeau, inclusivement, tous les grades intermédiaires seront pommés par voie de scrutin, dans chaque bataillon ; savoir : les appointés par les soldats ; les caporaux par les àppointés ; les sergents par les caporaux, etc.
Art. 18. Les quatre adjudants seront au choix des trois officiers supérieurs du régiment.
Ari. 19. Les grenadiers se recruteront eux-mêmes dans les compagnies de fusiliers, parmi les hommes qui auront 5 pieds 4 pouces et au-dessus ; mais jamais parmi les chasseurs, pour ne point énerver l'émulation qui doit y régner.
Art. 20. Les chasseurs se recruteront, de même que Tes grenadiers, dans les compagnies de fusiliers, parmi les hommes qui auront 5 pieds, 3' pouces 6 lignes et au-dessous ; l'intention en laissant 6 lignes au moins de démarcation entre la taille de grenadiers et eelle de chasseurs, est d'éviter les querelles et les jalousies.
Art. 21. Tout soldat ou bas officier qui aura servi vingt-cinq ans, à dater de l'âge de 15 ans, recevra la plaque militaire à la tête du régiment; cette plâque sera distinguée suivant son grade ; et il jouira, dès cet instant, d'une pension de moitié de sa paye, soit qu'il reste attaché à son corps, soit qu'il veuille se retirer.
Art. 22. Tout militaire décoré de la plaque sera censé volontaire et libre de se retirer quand il voudra, excepté en temps de guerre.
Art. 23. Un régiment ne sera jamais en temps de paix assemblé en totalité que trois mois de l'année; savoir: du 15 mars au 15 juin, pour faire l'exercice en commun.
Art. 24. Le dernier mois sera employé, lorsque le local le permettra, à des campements et évolutions militaires, sous les ordres des officiers généraux attachés à chaque division.
Art. 25. Le 15 juin, chaque année, il sera délivré un congé de semestre de neuf mois, à la moitié de tous les officiers et soldats composant chaque bataillon; et ce, alternativement, mais sans appointemént; de manière que tout militaire, sur deux ans, ne servira que quinze mois ; et sera payé pour 15 mois.
Art. 26. L'état-major sera payé pour l'année complète, comme toujours présent; cependant le colonel ne servira que du 1er avrilau 1er octobre, chaque année ; le major et le lieutenant-colonel alterneront ensemble pour les six mois d'hiver ainsi que les quatre commandants de bataillon ; tout le reste de l'état-major ne pourra s'absenter que par congé limité au besoin absolu.
Observation sur l'article 25.
Onobjecteravraisemblâblemeptquecetteabsence de la moitié de chaque régiment, pendant neuf mois, relâchera la discipline militaire, et détruira tout fruit d'instruction, de maniéré que l'armée sera toujours réduite aux premiers éléments de la tactique.
Je répondrai à cette assertion que la révolution présente permet d'espérer que le Français, aban-
donnant son ancien caractère de frivolité, ne changera plus de principes comme de modes ; et qu'un soldat, une fois instruit, n'aura plus besoin que de quelques jours de classe, pour reprendre l'ensemble de son bataillon, au retour de son semestre. La compilation des ordonnances depuis la paix de 1763, formerait une énorme bibliothèque;; on doit donc être parvenu au point de perfection dans cet art fameux; et il est temps de démolir, les tréteaux d'une parade dont le bien du service est le prétexte, le tourment des troupes, l'effet et l'avancement de ceux que nous appelons des fai-. seurs, l'unique objet.
Quant à la discipline, je pense qu'elle ne peut jamais être relâchée, que par l'abus de l'autorité; l'inexpérience ou l'insuffisance des chefs, la mauvaise police, les punitions trop fortes ou mal à propos infligées; enfin, le défaut de confiance, d'estime et de considération des subalternes envers leurs supérieurs.
On objectera peut-être encore que beaucoup de soldats n'ayant ni feu, ni lieu, ne pourront profiter de leur Semestre ; que restànt au corps, il faudra les payer, ce qui contrariera mes cal-» culs d'économie.
Je répondrai que ce raisonnement serait fondé, si nos troupes restaient composées comme.elles le sont aujourd'hui, de vagabonds et gens sans aveu ; mais je pense que la douceur de mes principes, que le patriotisme et les moyens d'émulation qui en sont la base et le résultat,, inspireront autant de . goût pour le service, à d'honnêtes citoyens, qu'ils en ont été éloignés jusqu'ici. Je crois encore que la mauvaise administration de nos finances ayant desséché tous les canaux de la fortune publique, il n'est pas étonnant que la France soit peuplée de mendiants ; mais l ordre étant une fois rétabli dans toutes les branches de. l'administration, les entraves du cultivateur étant détruites, l'argent circulant plus vivement dans le commerce, les fortunes rapides étant plus rares, et par conséquent, le luxe moins effréné, la France doit reprendre son activité, et doubler son industrie. Il est facile de démontrer que. l'amélioration seule de l'agriculture peut doubler la richesse de l'Etat, et fournir des travaux utiles au double de ses habitants : ainsi, lorsque les provinces, mieux organisées, auront pourvu aux: besoins des vieillards et des infirmes, lorsqu'elles; auront acquis par là le droit de punir la paresse comme un vice capital, l'homme, protégé par la; loi, et devenu libre sous son égide, reprendra ce caractère moral qui attache à sa famille, à ses travaux et à la société, tout individu qui est assuré de recueillir le fruit de ses peines ; alors, il n'y aura plus à craindre que nos troupes soient recrutées d'autres hommes que de citoyens honnêtes qui auront un domicile, et des moyens d'y subsister. Au reste, l'article suivant va pourvoir, aux besoins les plus pressants.
Art. 27. Sa Majesté désirait depuis longtemps qu'un nouvel ordre de choses lui permît d'augmenter la paye et les douceurs de ses troupes : elle a voulu en conséquence, malgré la pénurie, de ses finances, que le dernier soldat eût 7 sols par jour, sans aucune retenue ; mais elle, entend, par un principe uniquement de bonté et de surveillance paternelle, qu il soit fait par l'état-major de chaque régiment, réserve d'un sol sur la paye du soldat, pour lui remettre le montant entier de cette réserve, lorqu'il partira pour son» semestre; et ce, enfin qu'il ne;puisse jamais être au dépourvu.
Art. 28. Indépendamment des semestres de droit
désignés article 25. Sa Majesté autorise l'administration des régiments, à accorder vingt congés par compagnie, sans appointements, pendant les six mois d'hiver, à ceux qui auraient mérité cette faveur par une conduite irréprochable, et particulièrement aux gens mariés ; et la retenue de ces congés extraordinaires par compagnie, doit, servir à égaliser l'entretien du linge et chaussure et à donner quelques gratifications.
Art. 29. L'intention de Sa Majesté est que, excepté les circonstances que commandent la sûreté de la patrie et l'honneur du nom français, les régiments restent toujours cantonnés dans leur province ou au moins .très à portée.
Art. 30. Les régiments seront partagés en quatre divisions pour là facilité des logements, là consommation des denrées, la répartition de sûreté des provinces, er îls ne sé réuniront quë pendant les mois d'exercice.
Art. 31. Il sera établi un conseil général d'administration pour chaque régiment, composé de tous les capitaines et dés commandants de bataillon,* pour administrer la masse et toutes les fournitures du régiment. Le compte de chaque régiment sera imprimé tous les ans, et rendu public.
Art. 32. Tout sera délibéré dans le conseil d'administration au scrutin : les trois ofliciers supérieurs n'y auront aucune voix; mais ils seront maîtres d'y assister pour rappeler le conseil à l'ordonnance, s'il s'en écartait ; et de cette manière, il existera quelqu'un dans un régiment pour faire suivre l'ordonnance ; ce qui est impossible lorsque les chefs se mêlent dé l'administration : aucun officier n'ose faire des représentations, et tout est arbitraire.
Composition et solde du régiment national de la province de ..... état-major.
1 colonel...................................6,000 liv.
1 lieutenant colonel.... ......... 5,000
1 major...............................4,000
4 commandants de bataillon , chacun 3,000 livres-............. 12,000
1 quartier-maître trésorier..... '.1,200
4 porte-drapeau, chacun f900 liv, 3,600 1 chirurgien-major .....V..,..1 1,500
1 aideJcbîrurgien............ 900.
4 adjudants, chacun 800-livres.-... 3,200 1 tambour-major. ......;.....;.: 360
1 caporal tambour............... 240
8 musiciens, chacun 300 livres. .., 2,400 1 rhaître tailleur.... .c. ;.... :.... i ; 150
1 maître armurier........ .*...... 150
1 maître cordonnier...;.......... 150
Total pour l'état-major.... 40,8501iv.
Composition et solde d'une compagnie de grenadiers.
Nota. Le calcul pour le reste du régiment va être fait pour deux: ans, à cause des neuf mois de semestre sans appointements.'
1 capitaine commandant............ 2,400 liv.
1 capitaine en second 1,800 1 lieutenant en premier ............ 1,200
1 lieutenant en se-
cond ........... 1,000
2 sous - lieutenants, .ïï
chacun 900 livres 1,800 | 1 sergent-major..'.. 400 ^
1 fourrier ......... 300 sn
4 sergents , chacun s
300 livres...:;..' 1,^00 g, 8 caporaux, à 12 s. «
par jour........ 1,728 ®
8 appointés, à 10 s.
par jour ......... 1,440
74 grenadiers, à 8 s. :
par jour........ 10,656 '
2 tambours , à 9 s.
par jour........ 324
Total de la solde pour deux ans.. et par an......................
3,000 liv. 2,250
1,500
1,250
2,250 500 375 j
1,500
2,160
1,800
13,020
405 30,310 liv. 15,155
Composition et solde d'une compagnie de chasseurs.
1 capitaine com-
mandant. ...... 2,4001ivJ 3,000 liv. -
1 capitaine en se-
cond........... 1,800 2,250
1 lieutenant en pre-
mier. .......... 1,200 1,500
1 lieutenant en se-
cond........... 1,000 'o f-S 1,250
2 sous- lieutenants, S,
chacun 900 liv.. 1,800 LO. 2,250
1 sergent-major .. 360 t-l 450
1 fourrier , à 15 s. O
par jour....;.. ,270 04 337 10 s.
4 sergents, à 15 s. 1,080 "S 1,350
8 caporaux, à 10 s. 11,440 1,800
8 appointés; à 8 s. . 1,152 1,440 !
6 carabiniers, à 8 s. 864 1,080
74 chasseurs, à 7 s.. 9,324 11,655
2 tambours, à 8 s . • "'288 360 ;
Total pour deux ans.. 28,7221.10 s.
et par an.. ,. 14,361 5
Composition et solde d'une compagnie de fusiliers. 1 capitaine com-
mandant..............2,4001iv.
1 capitaine en second..........v 1,800
1 lieutenant en premier...............1,200
1 lieutenant en se-
cond........... 1,000
2 sous-lieutenants,
chacun 900 liv.. l,f800
1 sergent-major..;. 360 *
1 fourrier, à 15 s. «
par jour 2701
5 sèrgents, à s.. 1,350
10 caporaux, à 10 s. 1,800
10 appointés, à 8s. 1,440'
85 fusiliers, à 7 s.. 10,710
2 tambou-s, à8 s.. 288 2 enfants de soldat,
à 7 s....................252
a
i®, p.
3,000 liv. 2,250 •1,500'-1,250
2,250 450
337; 1,687 2,250 1,800 13,387 360
315
10 i 10
10
Total de la solde pour deux ans. 30,8371.10 s. et pour chaque année....... 15,418 15
Art. 33. Chaque régiment national d'infanterie sera composé de son état-major, comme il est désigné ci-dessus, deux compagnies de grenadiers, deux compagnies de chasseurs et seize de fusiliers.
Total de composition et solde d'un régiment.
état-major.
16 officiers....)
2 chirurgiens. >......................40,850 liv.
13 hommes....;
Quatre bataillons.
2 compagnies de 1? officiers grenadiers . 196 hommes 2 compagnies de 12 officiers chasseurs.. 208 hommes
30,310
28,722 40 s.
16 compagnies de 96 officiers ) o,,* 7nn fusiliers ., 1,856 hommes i ^•bj7UU
Total d'un régiment ?
136 officiers. — 2 chirurgiens. —•
2,273 hommes. — Solde..... 346,5821.10s.
Art. 34. Sa Majesté accorde à chaque régiment 2 sols par homme, au complet, pour se charger de la fourniture du pain de "munition ; le nombre de rations effectives étant par an de 513,360, la ration sera .payée sur le pied de 3 sols , 2 deniers, 3/10; en conséquence, entend Sa Majesté, que lé pain du soldat soit toujours de pur froment, purgé de son, et que le petit équipement soit prélevé sur cet objet, montant, pour chaqtiè régiment, à la somme annuelle de 82,116 livres.
Art. 35. Sa Majesté accorde à chaque régiment 30 livres par homme, au complet, pour masse d'habillement et autres faux frais, voulant qu'il ne soit fait aucune retenue sur la solde, sous aucun prétexte : ladité masse, pour chaque régiment, sera de 68,430 livres.
Art» 36. Veut, Sa Majesté, qu'il soit pourvu par les assemblées provinciales à tous établissements de casernes, tentes, magasins, hôpitaux, étapes, transports militaires, bois et lumières, et généralement tout ce qui concerne le service ; pour tous lesquels objets Sa Majesté accorde par abonnement, pour chaque régiment.75,000 livres;
Total de dépense pour un régiment national.
Solde............. 346*5821.10 s.\
Pain et petit équipement......... 82,116
Masse............ 68,430
Casernes, hôpitaux, etc....... 75,000
Nota. Un soldât n'avait ci-dàvant que du mauvais pain, et 4 sols par jour : il coûtait au Roi, compris les officiers, et, non compris les dépenses des provinces, 292 livres 7 sols'6 deniers.
Il aura du bon pain, 7 sols par jour, et ne coûtera, les officiers compris, et sans frais pour les provinces, que 245 livres 3 deniers.
572,1281.10 s.
Récapitulation.
41 régiments nationaux, composés de ( 5 576 officiers \
«i MitaUhom-
l officiers J coûteront................ 23,457,268 liv. 10 s.
Infanterie suisse. 11 régiments, composés de
22bataillonsj 10 ^ PfMers j llj429 homraes.
coûteront, comme ci-devant....» 5,256,004 liv.
Infanterie légère.
12 bataillons, l 324 officiers i » akc i,nmr„00 composés de I 5,132 soldats i M56 hommes, coûteront, comme ci^devant..... 1,800,000 liv.
Total de notre infanterie.
52 régiments 198 bataillons 52 colonels 64 lieutenants -
colonels 64 majors
164 comm. deba- 115,736 hommes
taillon /coûteront 30,513,2721. 10s. 6,281 autres offi -ciersdetous
82 chirurgiens. 109,028 soldats ou bas = officiers.
de la cavalerie.
Avant l'insurrection du peuple français contre les abus du despotisme ministériel, la France avait sur pied 24 régiments de cavalerie, 2 de carabiniers, 6 de hussards, 18 de dragons, et 12 chasseurs
Total : 206 escadrons, 2,164 officiers, 31,148 chevaux et 32,164 hommes.
Le Trésor public payait pour cet objet :
Solde et masse ...... i........ «i : 12,208,548 liv.
Fourrages..................... 7,243,056
Fourrages acquittés par les provinces, par estimation....... 2,000,000
Hôpitaux, à 15 liv. par homme. 482,460 Part et portion relative de la cavalerie dans là dépense des casernes, lits militaires........ 175,000
Idem, pour bois et lumière..... 264,000
Vivres, à 1 sol par homme..... 578,952
Total de dépense pour -
la cavalerie....... 22,952,016 liv.
Tous les principes que j'ai établis dans le projet d'ordonnance primaire, et dans celle pour l'infanterie, étant également applicables a la cavalerie, je ne m'occuperai que a'y analyser sa composition ; je formerai de même 41 régiments na-
tionaux de cavalerie, sur les mêmes bases et d'après les mêmes principes que le seront les 41 régiments nationaux d'infanterie.
Un homme de cheval est plus difficile et plus long à former qu'un fantassin ; mais il n'en est pas moins inutile d'entretenir à grands frais une aussi grande quantité de chevaux que de cavaliers en temps de paix : un cheval peut servir à l'instruction de deux hommes, surtout lorsque de ces deux hommes, il y en aura un d'absent neuf mois de l'année.
D'après ce calcul, un régiment national de cavalerie sera composé d'un état-major, et de quatre escadrons de chacun 9 officiers et 156 hommes, dont, en temps de paix, moitié seulement sera montée et l'autre à pied.
Composition et solde d'un régiment national de cavalerie.
état-major.
1 colonel.............................6,000liv.
1 lieutenant-colonel................................5,000
1 major......................................................4,000
1 quartier-maître trésorier....................1,200
2 adjudants, chacun 800 livres...........1,600
1 chirurgien-major..................................1,500
1 trompette-brigadier....................360
1 maître maréchal....................................340
1 maître sellier......................340
1 maître tailleur.....................144
1 maître bottier........................144
1 maître armurier..................................144
Total pour l'état-major....... 20,772liv.
Composition et solde d'une compagnie pendant deux ans.
1 capitaine...........2,400liv.
1 lieutenant....... 1,200
1 sous-lieutenant.. 1,000
1 porte-étendard ... 1,000
1 maréchal des logis
en chef...........400
2 maréchaux des lo-
gis, à 340'livres 680 4 brigadiers, à 12 s.
par jour...............864
4 appointés, à 10 s. 720
65cavaliers, à8 s... 9,360
1 trompette ....... 300
tl enfant de soldat,
à 8 s.......... 144
3,0001. 1,580 1,250 - 1,250
500
- 850
- JU
| 1,080 « 900
® 11,700 375
180
Total pour deux ans..... 22,585
et pour un an ......... 11,292 1.10 s.
et pour 8 compagnies formant 4 escadrons................. 90,340 liv.
49,064 l.
Masse.
316 hommes montés, à 130 liv.. 41,080
316 hommes à pied, et,pour
trois mois, 24 livres... 7,584
4 porte-étendard, à 100 liv. 400
. Fourrages.
352 chevaux, compris ceux des officiers, à 15 sols par jour par abonnement pour 365 jours.... 96,360 l. Nota. Les officiers ont de cette manière un supplément de 270 livres chacun par an........................
Pain et petit équipement.
2 sols par homme, au complet..... 22,7521.
Casernes, hôpitaux, écuries, usten-, siïes, bois et lumières, etc., par abonnement avec les provinces, comme pour l'infanterie.................... 30,000 1.
Total de dépense et composition.
1 régimA 4 escad.j
[solde.... 36 officiers. V masse... 316 h. à cheval.{fourrages 316 h. à pied. / pain .....
I casernes.
111,112 1. 49,064 96,360 22,752 30,000
668 hommes. Dépense.. 309,2881.
Et pour toute la cavalerie nationale.
a* 1a»î«- ( 1,476 officiers.
ira SE?' 12 956h.àchev. 164 escad. 12;956h. à pied.
solde. 4,555,592 1. masse 2,011,624 fourr. 3,950,760 pain. 932,832 casern. 1,230,000
27,388 hom. Dépense. 12,680,808 1.
J'ai laissé subsister dans l'infanterie douze bataillons légers, pour deux motifs: le premier, pour ne point anéantir une composition et un genre de service très-utile à la garde de nos frontières, à des mouvements rapides qui peuvent être déterminés par les circonstances et à des détachements séparés du corps de bataille à la guerre; le second motif a été ae procurer aux gens dénuées de ressources et sans domicile fixe les moyens de subsister, en se rendant utiles à la patrie. Les mêmes raisons doivent déterminer la conservation des 12 régiments de chevau-légers ou chasseurs. Chacun ae ces régiments est composé d'un état-major, formé de 5 officiers, 1 chi-rurgien-major, 1 aumônier et 8 hommes; de 4 escadrons, formés chacun de. 9 officiers, et de 160 hommes, compris 2 enfants de chasseurs. Chaque escadron est partagé en deux com* pagnies : total par régiment, 41 officiers, 1 chirurgien, 1 aumônier et 648 hommes, dont 44 à pied. •
Donc, les 12 régiments de chasseurs sont com-
posés de 492 officiers, 7,776 hommes, dont 528 à pied.
Cette espèce d'armée coûte en
solde et masse ......... ......... 2,720,436liv.
Fourrages........... n • - • • • -2,122,848
Supplément de boulangerie..... 139,968 Casernes, etc_____........------ 360,000
Total par an.......... 5,343,2521iv.
Des officiers généraux.
Lorsque les circonstances obligent à un rassemblement de troupes-, il faut bien des chefs pour les conduire, y maintenir la discipline, l'ensemble et l'unité d'action, qui constituent la véritable force d'une armée ; il faut aussi que ces cjiefs, quelque expérimentés qu'ils soient d'ailleurs, s hahituent à manier de grands corps pen-dant la paix, pour qué la nation soit assurée de profiter de leurs talents à la guerre. Il est donc nécessaire qu'il y ait des officiers généraux attachés â chaque "division ; ét comme chaque division sera composée de deux régiments d'infanterie et deux de cavalerie nationale, non compris les Suisses ou troupes légères, qui pourraient se trouver dans l'arrondissement de ces départements, je gfoîs nécessaire d'attacher à chaque division un maréchal de camp d'infanterie, un de cavalerie, et un lieutenant général. En sorte que dans le cas-même où la France se trouverait en guerre avec tous ses voisins, soit l?augmentation des troupes, .soit l'incorposation des milices puissent s'effectuer sans augmentation du nombre des chefs destinés à les conduire à l'ennemi.
La France étant divisée en 80 départements, Paris non compris, entre lesquels se trouveront partagés 40 régiments d'infanterie nationale, et 40 régiments de cavalerie, je formerais chaque division de quatre départements, et par conséquent- 2 régiments dïnfanterie et 2 de cavalerie, sous les ordres de deux maréchaux de camp, choisis dans chaque arme, et d'un lieutenant général'.
Tous lès régiments suisses, les bataillons ou cheVau-légers, seront également aux ordres des officiers généraux, commandant dans l'arrondissement du lieu de leur garnison. Le service d'un maréchal de camp sera de trois, mois, du .15 mars au 15 juin; pendant lequel temps il s'occupera de la manœuvre, de la tenue, de l'exacte discipline des troupes, et de l'exécution littérale des ordonnances. Un maréchal de camp aura, pour ce service de trois mois, 9,000 livres de traitement.
Le lieutenant général, commandant de division, ne servira que du 15 mai au 15 juin, pour rassembler et faire manœuvrer ensemble les troupes à ses ordres; il aura 12,000 livres de traitement.
Récapitulation.
è 20 lieutenants généraux, à
12,000 livres..........................240,000 liv.
40 maréchaux de camp, à
9,000 livres.........................360,000
Total........ 600,000 liv.
Des commissaires des guerres.
uerre3 a des fonctions e l'armée, en temps de
Le commissaire des guerres a des fonctions utiles,-pour le service de l'armee, en tempe de guerre, et pour l'exacte observation des ordonnances en temps de paix ; il est l'homme du ministre auprès des corps, chargé de lui rendre compte de leur exactitude, du complet des recrues, des réformes, des congés, des hôpitaux et de la surveillance des vivres, ainsi que du détail des logèments. Il doit donc y avoir un commissaire des guerres attaché à chaque département, dont le traitement sera de mille écus, et pour 41 commissaires'.......... 123,000 liv-
Artillerie.
Les dépenses de l'artillerie montent, année commune, à la somme de....... 7,829,725 liv.
Savoir :
7 régiments,composés chacun d'un état-major, dé 10 officiers, TâuMôùiér, 4 chirargiens, 1 tambour-major ef 1 armurier.
20 compagnies, dont 16 de'danonhiers'ou sapeurs et qua'tre de bombardiers ; chaque compagnie est composée de 1 capitaine, 1 lieutenant en premier, llieutenaht en second, 1 lieutenant en troisième et 54 hommes.
Total par régiment, 1,082 hommes et 90 officiers.
Solde et subsistance....'...... 377,467 liv.
Et pour sept régiments, 7,574 hommes, 630 officiers.......... 2,1)42,269
6 compagnies de mineurs, composées chacune de ,62 hommes et 5 officiers, non compris un commandant et un aide-major, font 372 ;hommeset320 officiers, et coûtent............. . . 133,668
9 compagnies d'ouvriers, composées de 639 hommes et 36 officiers, coûtent........ ............ 240,321
242 officiers, inspecteurs, Colonels, directeurs, sous-directeurs détachés dans les places, coûtent. 736,680 Total, 940 officiers, 8,585 hommes,
9,525 officiers et soldats coûtent................. ......... 3,752,938 liv.
non compris les casernements, les hôpitaux, les vivres, bois, lumières et gratifications.
Les régiments d'artillerie né pouvant pas, à raison de la nature de leurs exercices, être déplacés de leur garnison ordinaire, et ayant besoin de plus d'instruction qu'aucune troupe de ligne, il serait difficile, et peut-être nuisinle au bien du service, de vouloir assimiler ces corps aux autres régiments nationaux ; leur composition est ia meilleure de l'Europe, et ce titre me paraît infiniment respectable. Mais je ne sens pas également l'utilité de 242 officiers détachés dans les places, qui coûtent 736,680 livres. Je crois qu'on pourrait réduire au moins à moitié cette dépense, toujours vivante, et en soulager d'autant l'état de la guerre. Les écoles d'artillerie sont au nombre de huit ; elles sont très'Utiles, et ne coûtent que 95,830 livres. On y remarque seulement que les loyers de terrain d'exercice absorbent chaque année environ 12,000 francs ; et certainement il serait plus avantageux d'en faire l'acquisition.
La dépense annuelle des places d'artillerie, et gardes de ces places, me paraît n'avoir guère
d'autre utilité que de servir de retraite à d'anciens sergents; elle, coûte 282,359 livres, èt peut être sujette à quelques abus.
Nous avons 8 arsenaux de construction, qui coûtent 534,842 livres 4 sous. Il faut s'en rapporter, sur cet article, à la probité dé l'administration que je crois intacte ; il en sera de même des fonderies de Douai et de Strasbourg, dont le service coûté annuellement 650,200 livres, savoir : 528,000 en métaux de cuivre où d'étain, et 115,000 aux sieurs Poitevin, pour déchet, façon et traitement. Cet article paraît exorbitant, eu égard à la dépense de la matière première ; car, en y joignant 7,200 livres d'appointements à différents employés, on voit que nos fonderies coûtent près de 20 0/0 de faux frais.
L'artillerie emploie trois forges, une en Champagne, une dans le pays Messin et unéen Franche-Comté. La dépense évaluée de 95 à 120 livres, le mille, pour les fers coulés dé toute nature, monte à 461,950 livres.
. L'artillerie entretient trois manufactures d'armes à feu, qui sont Saint-Etienne, Charleville et Maubeuge. Ces trois manufactures doivent fabriquer chacune 1,200 fusils; le prix effectif de chaque fusil ne; reviendrait qu'à 18 livres environ, s'il ne fallait pas y ajouter l'intérêt accordé aux entrepreneurs, sur la valeur des bâtiments et fabrication; ce qui porte le prix moyen de chaque fusil à 26 livres.
L'intérêt accordé aux entrepreneurs monte à .175,479 livres 6 sous 8. deniers, sommé qu'il faudrait annuellement payer, quand même le Roi ne ferait fabriquer aucune arme. La totalité de la dépense, pour 36,000 fusils, est évaluée, compris les gages des employés, à 957,555 livres. Il paraît que si le gouvernement changeait ce régime, la nation ne serait point exposée à payer fort cher des loyers inutiles; en assurant à un entrepreneur une fourniture quelconque, chaque année, sur un pied fixé pour chaque arme conforme au modèle,, on pourrait économiser un quart de la dépense.
L'artillerie alimente une autre manufacture d'armes blanches et de baïonnettes à Kleingen-tall, qui coûte 134,530 livres ; les sabres qu'on y fabrique sont payés sur la masse des régiments ; ainsi, la totalité de Cette dépense porte sur la fabrication des baïonnettes : le Roi alloue au régisseur 11,728 livres pour traitement, 10 0/0 sur la main d'oeuvre, et 6,000 livres pour entretien de bâtiments; de sorte qu'il paraît démontré que si l'on ne séparait pas l'entreprise des baïonnettes de celle des. fusils, cette dépense pourrait se réduire à moitié.
L'entretien des armes dans les places est évaluée à 80,000 livres, cela suppose 640,000 fusils en magasin, à raison de 2 sous 6 deniers, par fusil d'entretien.
La consommation de poudres est de ,400 milliers par an, à raison de 13 sous la livre ci. 260,000 liv.
Les magasins de*, ce corps montent de 19 à 20 millions pesant de poudre : cette munition est évaluée devoir être portée à 50 millions, et pour arriver au complet, on tire chaque année de la régie 750 milliers, qui coûtent,.... 490,000 liv.
Le radoub des barils, et l'entretien des poudres en magasin coûtent.... 30,000
Total de dépense pour les poudres 520,000 liv.
Il n'y a sur cet article rien à réclamer, sinon qu'il soit justifié de l'emploi.
Transports d'artillerie.
Cette dépense forme deux objets, l'un à l'entreprise, et l'autre eri régie. La régie coûte, année commune, 150,000, et l'entreprise est à raison dé 300 chevaux, payés sur le pied de 52 sous par jour au complet, et forme une dépense de.............................. 284,700 liv.
Total................. 434,700 liv.
On conçoit difficilement qu'il doive, au sein de la paix, en coûter cette somme pour transporter dans lés différents magasins les armes et boulets, dont la plupart voyagent par eau.
La conservation des canons et affûts destinés à la garde de nos côtes, et emmagasinés en temps de paix, coûte.................................30,000 liv:
Enfin, diverses dépenses, comme 480 livres à chacun des élèves d'artillerie, au nombre de 50; —10,750 livres pour le bureau de l'inspecteur en chef; 100,000 francs employés en gratifications à différents officiers de ce corps, et autres traitements particuliers , coûtent annuellement...... ....................... 179,520 liv.
D'après ce compte rendu de toutes les dépenses de l'artillerie,il est facile d'apercevoir que sans altérer la composition et l'organisation de ce corps, on peut réduire sa dépense à 7 millions de livres.
Du génie.
Louis XIV, dans sa plus grande gloire, ayant 400,000 hommés de troupes réglées, faisant tête à toute l'Europe, attaquant et fortifiant des places* n'avait que 55 officiers du génie. La France encore étonnée des immenses travaux que lui a coûtés la triple ceinture de nos frontières ; la France hors d'état d'entretenir tant de places de guerre, a cependant aujourd'hui 376 officiers du génie, dont la solde est de 879,680 livres. Les dépensés assignées sur les travaux ordinaires du géniepassent 2 millions de livres,et presque toutes nos places sont démantelées. Nous avons, en outre, des ingénieurs géographes, des ingénieurs de la marine, des ingénieurs des ponts et chaussées; eh! que font donc les ingénieurs du Roi ? Je pense que ce corps est très-respectable, et par sés talents et par sa composition , qu'il est essentiel à conserver, que l'essai qu'on a voulu faire de l'amalgamer avec l'artillerie, a suffisamment prouvé qué c'était nuire, à la fois, ù deux établissements précieux, mais je pense que la nation doit employer plus utilement des hommes, qui, depuis 50 ans, enfouissent de grands talents et de vastes connaissances dans des spéculations oiseuses et sans utilité publique. Je pense que le corps royal du génie doit être le centre de tous les travaux importants du royaume, et qu'il résultera, de ce nouvel ordre dé choses, le plus grand nien, et une économie d'un million sur les frais qu'acquittent lés provinces ou la marine, pour les conducteurs de leurs travaux. Ainsi, en déchargeant le département de laguerre, en temps de paix, sans surcharger les provinces, les appointements et travaux du génie militaire, ne coûteront plus au trésor royal que 1,800,000 livres.
De la milice.
Cent cinquante mille hommes de troupes ré-
glées -peuvent bien suffire à la France en temps de paix, mais il faut pouvoir doubler cette masse pour faire tête, à la fois, à toutes les puissances qui nous environnent, et qui, jalouses de notre bonheur, tenteraient de le détruire ; ce cas est presque impossible, sans doute, mais pour n'avoir rien à craindre, il faut tout prévoir.
Nous avons d'ailleurs aujourd'hui un motif de politique bien plus déterminant ; le despotisme est abattu, une constitution libre, sanctionnée par le Roi, doit régénérer la France ;mais les efforts du monstre terrassé, seront encore longtemps dangereux; et c'est souvent sous le meilleur des Rois, lorsque le peuple dort tranquillement à l'ombre de sa confiance, que les tyrans subalternes se permettent de porter les plus vives atteintes à son bonheur. Français , n'oubliez jamais que, depuis le cardinal dè Richelieu, des fleurs ont couvert les. chaînes dont vous étiez garrottés; que lorsque vous en avez senti le poids, vous touchiez au moment d'en être accablés ; que votre réveil a pensé vous causer la mort; que votre courage seul a rétabli vos droits ; mais que leur solidité dépend du temps et de votre constance; et qu'en respectant les agents du pouvoir, vous ne devez pas les perdre un instant de vue.
Une nation composée de 25 millions d'âmes, n'a rien à craindre que d'elle-même, et pour tromper l'espoirjles méchants, elle ne doit jamais cesser d'être armée, non pour conquérir, mais pour se défendre. C'est dans cet état perpétuel de simulacre de guerre, que nous conèèrverons la paix et la liberté, au milieji des tyrans et des esclaves qui nous environnant. Car, on a beau calomnier ce pauvre genre humain, dans une nation qui jouit de la plénitude de ses droits, les honnetes gens sont toujours les plus nombreux.
Lors de la rédaction des cahiers des baillages, toutes les communes ont réclamé contre le tirage au sort de la milice ; il n'est pas étonnant qu'une opération consacrée par l'autorité arbitraire, avilissante par ses formes, souvent exécutée d'une manière atroce, ait laissé, malgré sa longue inutilité, une impression profonde de douleur dans des cœurs qui se sentaient nés pour la liberté. Ce n'est pas le service qui répugne, c'est le mode; et nous en avons la preuve évidente daus la vivacité avec laquelle, en un jour, tout citoyen est devenu soldat.
Conservons précieusement ce feusacré : si sous l'empire du despotisme, c'était jadis un malheur d'être choisi par le sort, pour servir la patrie, c'est maintenant sous l'étendard de la liberté, un droit et un droit honorable qui appartient à tout citoyen, sans distinction de naissance ni de fortune; et ce droit ne peut être considéré que comme le plus beau titre de tout bon français.
Ce n'est donc pas le tirage au sort, dont il peut être ici question, mais une conscription nationale pour tous les hommes , de quelque état et condition qu'ils soient. Tout citoyen domicilié doit avoir son fusil armé d'une baïonnette, son sabre et sa giberne garnie de cartouches, mais ces armes doivent reposer chez lui : il suffit qu'il soit inscrit au rôle de la municipalité ; il suffit qu'il ait prêté le serment de défendre ses foyers et sa liberté, d'obéir aux lois et aux chefs qu'il se sera donné librement.
Tous les jeunes gens qui auront atteint l'âge de 15 ans, viendront acquérir le droit de citoyen en faisant sur la place, en présence de toute la milice assemblée, et après avoir entendu la lecture de la constitution française, le serment d'y être fidèles jusqu'à la dernière gouttede leur sang.
Cette cérémonie aura lieu une fois par an, et chacun pourra vaquer ensuite tranquillement à ses affaires.
Une telle milice ne doit jamais sortir de ses foyers, que de son consentement, et pour une expédition de peu de jours.
Mais si l'ennemi, criblant nos frontières, nous contraint à déployer l'appareil d'une plus grande force militaire, alors chaque ville, bourg ou village tirera de son sein un nombre proportionnel d'hommes célibataires, en commençant de l'âge de 18 ans jusqu'à 40, pour compléter et doubler les régiments nationaux de chaque département.
Ces volontaires, soumis d'ailleurs à tout le régime militaire des régiments, dans lesquels ils seront incorporés, porteront sur la poitrine line marque distmctive, prise dans l'écusson de leur province ; et s'ils se sont bien comportés, ils recevront à leur retour un grade supérieur dans la milice de leur canton.
Si la nation adopte pour principe constitutionnel: 1° que tous les régiments nationaux doivent être rigoureusement composés en officiers et soldats de sujets pris dans les mêmes départements ;
2° Que les grades et récompenses seront accordés au mérite, par le choix des camarades ;
3° Que les volontaires émanés de la milice nationale, ne pourront être en aucun cas et sous aucun prétexte, incorporés ailleurs que dans les régiments de leur département, nul doute que bannissant à jamais le barbare et ridicule usage du tirage au sort, l'on ne puisse au premier besoin de la patrie, mettre sur pied trois à quatre cent mille hommes des meilleures troupes de l'Europe, sans contrainte et sans frais.
De la maison du Roi.
Le régiment des gardes-suisses, fort de 99 officiers, et 2,248hommes coûte. . 1,427,880 liv. La compagnie des cent-suisses. 101,692 Le régiment des gardes françaises, composé de 202 officiers et 3,642 hommes, coûtait. . . 2,127,001
Les 4 compagnies des gardes du corps, fortes de 1,500 officiers, tout compris, coûtaient, avant la réforme, compris les frais des villes de leurs garnisons. . . . 3,000,000
Les 4 compagnies rouges, ré*? formées en 1776, fortes de 217 officiers chacune, coûtaient. . . 800,000
Le corps des grenadiers à cheval, composé de 150 maîtres et
7 officiers, coûtait...... 150,000
La gendarmerie, forte d'environ 1,200 hommes, coûtait environ.............. 1,000,000
Total :
5,990 hommes d'infanterie,
304 officiers.......
3,725 hommes de cavalerie.
8,606,573 liv.
3,656,573 liv. 4,950,000
10,019 hommes. — Dépense. 8,606,573 liv.
Il ne reste aujourd'hui de tous ces corps, si brillants et si imposants à proprement parler, que les gardes-suisses.
Je ne rappellerai pas ici les services essentiels qu'a rendus la maison du Roi, composée telle qu'elle était de la main habile et politique de Louis XIV ; le ministère jaloux et parcimonieux de M. de Saint-Germain, en a culbuté les fondements en 1776, et les circonstances viennent d'achever i'éboulement de cet édifice, aussi magnifique qu'utile, sous tous les points de vue.
Certainement, la nation a le plus grand intérêt de ne pas mettre dans la main du pouvoir exécutif des forces capables de détruire ses droits et sa liberté, mais la nation a un intérêt égal à maintenir la décence du trône, et à garantir son souverain des convulsions d'une ville immense que le caprice ou l'intrigue pourrait diriger.
Tfop de justes motifs concourent maintenant à la création d'une nouvelle maison militaire, pour que cet objet ne soit pas pris en considération par l'Assemblée nationale.
J'ai dit que l'observance religieuse de nos traités avec la Suisse, était à la fois la garantie du bonheur et de la tranquillité des deux nations : il faut indispensablement, pour le service du Roi, des troupes à pied et à cheval ; et l'on a eu grand tort de perdre de vue l'adroite politique de Louis XIV, qui, balançant la for.Ce et l'intérêt des troupes qui l'entouraient, pouvait, dans des circonstances orageuses, les opposer l'une à l'autre, et n'avoir rien à redouter, par ce moyen, d'un chef de gardes prétoriennes.
Je propose donc de laisser le corps des gardes suisses, constitué comme il est de 2,347 hommes, compris les officiers, coûtant, 1,354,878 liv.
Les cent-suisses, coûtant. . 101,692 liv.
Je propose de rétablir un régiment de gardes-françaises réduit à quatre bataillons, parce qu'il ne sera plus employé au service de Paris que quand le Roi y sera, et chez le Roi.
Ce régiment, composé et soldé comme les gardes-suisses, coûtera de même. 1,354,878 liv.
Relevé de l'infanterie de la maison du Roi.
2'299ograo^BfraDsaiT: : : : | w* ».
'•I^MSr868: : : : : I1'354'878
100 gardes, dits cent-suisses ) 1n1 AQ0 3 officiers. . . . . . . . \ 101,by2
Total:
4,596 SgSt i 4,797 coûteront 2'811'448 liv«
Je propose de créer huit corps de troupes moitié à pied et moitié à cheval, de chacun 426 hommes, choisis dans la même classe que tous les officiers des troupes de France.
Le royaume'étant divisé en 80 départements, chacun de ces corps, indépendants l'un de l'autre, serait composé de sujets choisis dans dix départements les plus voisins, et porterait le-nom de légion royale de la province de... -Chaque corps serait partagé en dix brigades formant cinq escadron^, et chaque brigade porterait le nom d'un département.
Le service intérieur du château serait fait par le s troupes à pied de ces corps, et le service exté-rieur par les troupes à cheval.
Tout serait égal entre ces huit corps, grades, avancements et retraites ; le Roi seul en serait le chef, et chacun son capitaine-lieutenant.
Je vais maintenant entrer dans quelques développements.
Ordonnance de création de huit compagnies de dragons de la Couronne sous le nom de légions des provinces de....
Art. 1er. A compter du 1er janvier jprochain, il sera créé huit
légions, pour remplacer, auprès de la personne de Sa Majesté, le service que faisaient
ci-devant les gardes du corps, et autres corps militaires à cheval de la maison du Roi.
Art. 2. Chacun de ces corps sera composé de sujets choisis dans les dix départements qui lui seront affectés conformément a la nouvelle distribution du royaume.
Art. 3. Tout maître de la maison militaire ancienne, garde du corps, gendarme de la garde, chevau-léger et mousquetaire sera admis de préférence dans chacun desdits corps du département dans lequel il fait habituellement son domicile ; et il prendra rang à raison de son ancienneté de service.
Art. 4. Chaque légion sera composée d'un ca-pitaine-lieutenânt, d'un commandant en second, de deux aides-majors, et 5 escadrons de 84 hommes chacun, moitié à pied et moitié à cheval.
Art. 5. Chaque escadron sera composé d'un lieutenant commandant d'escadron, deux sous-lieutenants deux maréchaux dès logis, deux brigadiers, quatre sous-brigadiers, un porte étendard ou porte-drapeau, et 72 hommes.
Art. 6. Les légions serviront par quartier de chacun 3 mois, et fourniront chaque quartier, un escadron complet. Il y aura donc toujours de service, près la personne du Roi, huit escadrons ; savoir : huit lieutenants, 16 sous-lieutenants, 16 maréchaux des logis, 16 brigadiers, 22 sous-brigadiers, 8 porte-étendards, et 576 dragons de la Couronne, dont 288 à cheval pour le service extérieur, et 288 à pied pour le service intérieur.
Art. 7. Chaque maître de la maison militaire du roi s'appellera dragon de la Gouronue.
Art. 8. Les dragons de la Couronne feront alternativement le service à pied et à cheval, d'année à autre ; c'est-à-dire que ceux qui auront été employés tout un guet a pied au service de l'intérieur, lorsque leur tour reviendra de monter le guet, arriveront avec leurs chevaux pour le service extérieur, et vice versâ.
Art. 9. Les dragons de la Couronne ne feront avec leurs propres chevaux que les exercices de parade ou de sûreté publique; et il sera entretenu habituellement, aux frais du Roi, 288 chevaux de course qui serviront au service extérieur de la personne du Roi et de la famille royale, et à monter, au besoin, les dragons à pied faisant le service intérieur du château.
Art. 10. Le Roi passera en revue la totalité de sa maison, tant à pied qu'à cheval, tous les 4 ans, dans la belle saison.
Art. 11. Excepté le temps destiné à se préparer à passer la revue, temps auquel la totalité de la maison sera assemblée pendant 3 mois, un dragon de la Couronne ne servira que 3 mois sur 15|; par conséquent celui qui aura fait, le quartier de janvier, ne sera obligé de rejoindre ses drapeaux qu'en avril de l'année suivante, à moins des cas
imprévus, pour lesquels il lui sera tenu compte d'un supplément de traitement, proportionnel à sa dépense.
Art. 12. Le capitaine-lieutenant et le commandant en second de chaque corps seront entièrement à la nomination du Roi; mais ils seront toujours choisis parmi les officiers généraux en activité dans les troupes de ligne.
Art. 13. Tous les autres grades seront donnés à l'ancienneté, dans chaque' régiment, excepté les places d'aides-majors et de sous-aides-majors, qui seront au choix du commandant ; choix qu'il ne pourra cependant faire que parmi les officiers du corpSj depuis le dernier sous-brigadier jusqu'au premier çhéf d'escadron.
Art. 14. Au moyen de la solde que Sa Majesté accorde à chaque individu composant ses dragons de ia Couronne, ils seront tenus de se monter, équiper, et généralement dé toutes les dépenses de corps ou personnelles qui peuvent concerner le service auquel , ils seront assujettis par la présente ordonnance.
Art. 15. Les huit légions seront montées en chevaux noirs à tous crins, et les chevaux des officiels, hors des rangs, seront bais.
Art. 16. L'uniforme sera le môme pour les huit légions, qui ne seront distinguées que par le numéro du bouton, depuis 1 jusqu'à 80, à raison du nombre des département dont elfes seront composées : ainsi la légion royale de ***, supposée la dernière, portera en tête du bouton le numéro 8 ; ët chaque brigade sera distinguée par le numéro de son département. Exemple pour la huitième légion et le 80e département.
Art. 17. Nul autre corps militaire ne pourra à 'l'avenir s'appeler légion.
Art. 18. L'uniforme sera composé d'un habit d'écarlate, galonné sur toutes lés tailles, en or, avec l'ancien galon, dit à la mousquetaire, collet et revers bleu de Roi, ainsi que les parements. L'ancienne ci^oix de mousquetaire, brodée en velours et or sur la poitrine, de manière qu'il y en ait moitié sur un revers et moitié sur l'autre, s'agraffant au milieu, quatre boutonnières en or aux revers, de chaque côté, deux au-dessus de la croix, et deux au-dessous ; trois grandes boutonnières à l'hâbit, de chaque côté, au-dessous des revers; deux poches en long, à chaque côté, et trois boutonnières à chaque poche, les manches rondes, avec un seul galon et trois boutonnières ; l'épaulette en or, chacun suivant son grade ; doublure de laine blanche, veste et culotte de drap blanc, galonné, avec des boutonnières en or ; le baudrier qui porte le sabre traversant sous une contre-épaulette de droite à gauche, et la giberne traversant sous l'épaulette de gauche à droite, tous deux de cuir blanc bordé en or.
Les officiers commandants, les lieutenants, sous-lieutenants, maréchaux des logis et officiers majors ne porteront ni giberne, ni baudrier, mais seulemeut une épée d'exercice.
Le chapeau avec un plumet blanc pour les jours de parade seulement, cocarde blanche, et un galon de deux doigts, en or.
L équipage du cheval sera en écarlate, galonné en or, avec des croix brodées sur les fontes et sur la housse, tresse et cocarde blanche ; le manteau bleu de roi, galonné en argent.
Les officiers supérieurs, ne portant point de gibernes, auront en broderie tout ce que les dragons ont de galonné; nulle autre distinction.
Art. 19. Sa Majesté accorde par an, sans aucune retenue :
20,000 liv. 12,000
8,000
6,000
Au capitaine-lieutenant. . \i.
Au commandant en second..
Aux deux aides-major, rang de colonel, avec chacun .4,000 livres. .
Aux deux sous-aides major, rang de lieutenant - colonel, et chacun. 3,000 livres.. . . . . . . . . . .
Ces messieurs seront de service tous les six mois. .
Total. . . .. 46,000 liv.
Par escadron.
Au lieutenant-commandànt, rang
de colonel............. 4,000
Aux deux sous-lieutenants, rang
de lieutenant-colonel, chacun 3,6001. 7,200
Aux |deux maréchaux des logis, rang de lieutenant-colonel, chacun
3,000 livres...............6,000
Aux deux brigadiers, rang de major, chacun 2,400 livres..... . . 4,800
Aux quatre sous-brigadiers, chacun
1,800 Livres.. .......... 7,200
Aux porte-étendard ou drapeau.. 1,500
A 72 dragons, chacun 900 livres . 64,800
Total. . . . 95,500 liv.
Hautes payes.
Sa Majesté, considérant qu'un dragon de, la Couronne peut rester trente ans à son service sans avoir Obtenu, par son ancienneté, un grade supérieur, voulant qu'il soit établi, dans chaque corps, une progression de grâces analogues à celles qu'obtiennent ses autres troupes, a bien voulu accorder aux 160 plus anciens dragons de chaque légion, le rang de capitaine et des hautes payes, dans la proportion suivante;
Savoir :
Aux vingt plus anciens, chacun 300 livres. . .......... 6,000 liv.
Aux vingt suivâhts. 250 livrés. . 5,000
Aux trente suivants, 200 livres . 6,000
Et aux trente suivants, 150 liv. 4,500
Total. 21,500 liv.
Petit état-major.
Un trésorier comptable à l'administration du corps..............1,200 liv.
Un chirurgien-major.......1,800
Un aide-chirurgien..............1,200
Cinq trompettes, chacun 800 liv. 4,000
Six musiciens, chacun 800 liv. 4,800
Total. 13,000 liv.
Résumé pour une légion.
Grand état-major, 6 officiers. . 46,000 liv.
Cinq escadrons, 420 officiers. . 477,500
Hautes payes.. ........ 21,500
Petit état-major. . ...... 13,000
Total. 558,000 liv.
Et pour huit légions pareilles, composées de 3,408 officiers . . . 4,464,000 liv.
Art. 20. Il ne .pourra être reçu plus de cinquante surnuméraires dans chaque légion; et lesdits surnuméraires resteront au quartier, oc-, cupés à faire leurs exercices sans aucun congé jusqu'à ce qu'ils aient été mis en pied.
Art. 21. Lçs surnuméraires ne pourront jamais porter que le petit uniforme, même en temps de revue.
Art. 22. Les dragons de la Couronne auront rang de lieutenants de cavalerie, et les surnuméraires rang de sous-lieutenants.
Art. 23. On pourra être reçu surnuméraire à quinze ans, mais un dragon ne pourra être mis en pied qu'à dix-huit ans révolus, et il ne sera fait aucune attention à la taille.
Art. 24. Les dragons de la Couronne auront pour quartier commun à Versailles, l'hôtel des gardes du corps; et le bâtiment des petites écuries servira pour loger tous les surnuméraires.
Art. 25. Lorsque les légions seront assemblées en totalité, elles auront pour quartier l'Ecole militaire, Meudon, Saint-Gloud, Neuiily et Saint-Germain en Laye.
Récapitulation de la maison nouvelle du Roi.
Huit légions formant un corps de 3,408 officiers, non compris 400 surnuméraires, total 3,808 dont 1,120 toujours de service chez le Roi, coûteront la somme de;......4,461,000 liv.
288 chevaux de course pour le service extérieur, à 30 sols par jour, tout compris....... 157,680
2,357 hommes de gardes-suisses. 1,354,878
2,347 gardes-françaises. ... 1,354,878
203 gardes dits cent-suisses. . 101,682
3,808 hommes de cavalerie, j 8Rnt- 7miici 4,797 _ d'infanterie ( 8605 7,433,118 liv.
La maison du Roi, telle qu'elle était en 1776, coûtait 8,606,573 livres. Elle était égale en cavalerie pour le nombre; mais la composition de celle-ci présente de bien plus grandes ressources à la nombreuse classe dés citoyens, que leur fortune et leur goût détermine à donner a l'état militaire la préférence sur tout autre.
Cette composition: nouvelle, san êtres excessivement dispendieuse, puisqu'un garde du corps coûtait 2,000 livres, tout compris, et qu'un dragon de la Couronne, mieux traité à tous égards, ne coûtera que l ,360 livres ; cette composition, dis-je, répandra sur le trône tout l'éclat qui convient à une grande nation comme la France; elle fournit près de 4,000 places d'officiers de plus, débouché d'autant plus • nécessaire, que les: communes auraient vainement réclamé le droit de servir honorablement la patrie., si l'engorgement cruel occasionné par la réforme de 1776, subsistait plus longtemps. Je ne doute, donc pas que la nation, après avoir assuré la liberté publique, ne trouve toute sorte d'avantages à environner son souverain de l'élite de ses membres. '
Résultat des réformes, changements, augmentations ou diminutions proposées au précédent mémoire.
En vain s'efforce-t-on de justifier son opinion par tous les principes d'équité, et par des convenances morales et politiques, nos ressources sont,tellement épuisées, qu'il semble que la seule vertu soit l'économie, je vais donc prouver que je n'ai pas perdu de vue ce moyen unique d'obtenir quelque succès.
Tableau de nos forces militaires, telles que je suppose qu'elles seront composées à l'avenir, avec toutes leurs dépendances.
Maison du Roi.
3,808 hommes de cavalerie.
4,797 hommes d'infanterie.
dépense 7,433,118 livres.
Infanterie.
115,736 hommes............ .30,513,272 1. 10 s
Cavalerie.
27,388 hommes.............12,680,808
Chasseurs.
8,268 hommes.........------5,943,252
Artillerie.
9,525 hommes..............7,000,000
Génie.
376 officiers..............1,800,000
Officiers généraux.
60 maréchaux de camp et lieutenants généraux........* 600,000
Commissaires des guerres. 41 commissaires..........123,000
Total.
13,778 offiiciers de' tous grades.
155,896 soldats ou ca-l valiers.
.65,493,450 1. 10 s.
La solde annuelle du département de la guerre étant de 104 millions, il reste 38, 506,550 livres, pour les invalides, la maréchaussée, et les frais de bureau.
Différence de Vancienne composition des troupes de la ligne avec le nouveau projet.
ANCIENNE NOUVELLE ANCIENNE NOUVELLE i ANCIENNE NOUVELLE [ ANCIENNE NOUVELLE ANCIENNE NOUVELLE ANCIENNE NOUVELLE
RÉGIMENTS. RÉGIMENTS. BATAILLONS. BATAILLONS. ESCADRONS. escadrons. OFFICIERS. OFFICIERS. SOLDATS. SOLDATS. CHEVAUX. CHEVAUX.
r Garde du corps remplacés par les 1 dragons de la Couronne....... Maison 1 J Gardes françaises .............. 4 i 8 i » 6 » 4 4 » 40 » 1,134 202 3,808 99 30 3,642 » 2,248 884 30 2,192 »
Roi. 1 Gardes-suisses ................. \ i 4 4 2) » 99 99 2,248 2,248 » »
• Cent-Suisses................*.. d » » » » » 3 3 100 100 » »
79 , 41 160 164 » 5,360 5,576 91,598 93,493 » »
\ Étrangère.............. ......... 12 12 11 » 24 » » » 804 » 13,758 » » »
Infante-1 ....................... 1 j Légère......................... 12 12 12 » » 324 324 5,131 5,131 » . »
1 Suisse......................... 11 22 22 » x> 726 726 10,703 10,703 3d »
Cavalerie et carabiniers.................. 26 41 » à> 80 164 850 1,476 12,628 25,912 12,104 12,956
Hussards...............»................ 6 18 a 7 » » » 24 » 246 3,889 9 3,624 »
Dragons................................. 39 » » 54 » 576 i 8,568 » 8,172 30
12 » 48 48 492 492 7,776 7,776 7,248 ?,248
Artillerie................................ 7 35 35 » » 698 698 8,585 8,585 » »
Génie.»................................. 2> » » i » 376 376 *> » 9 »
TOTAL, ........... ............... 189 134 263 241 210 252 11,940 13,677 168,819 155,896 32,032 22,396
———MM
Mémoire sur les moyens d'établir des rapports entre les troupes soldées et les milices nationales.
Je me suis engagé à répondre au mémoire de M. le comte de la Tour du Pin, sur la question importante des milices nationales ; je le prie d'excuser ma franchise, et même mes erreurs, je ne puis avoir en vue que le bien pubic : arrêté dans ma carrière militaire par M. de Saint-Germain, j'ai depuis longtemps perdu de vue les grands principes de ce ressort puissant du gouvernement.
Sans espérance pour ma fortune, je suis également sans intérêt, je dois donc dire ce que je crois la vérité ; et je ne crains pas de la dire à un, ministre patriote. Dans toute autre circonstance, je ne devrais que des éloges à un plan qui améliore le sort des soldats, et celui même des officiers, dans une proportion sagement combinée ; j'admirerais le dévouement à la chose publique d'un ministre qui renonce, en faveur du bien du service, au plus doux dédommagement de ses travaux pénibles, celui de nommer à tous les emplois militaires : je serais bien plus étonné encore de cette réforme de tant de s grandes places inutiles à la vérité, mais qui flattent d'au -tant plus celui qui les donne, que ceux qui les reçoivent sont illustres et puissants.J'avoue que dans le système ancien, ce plan m'aurait paru le chef-d'œuvre de la justice, de la raison" et de la probité.
Mais dans un moment où la nation vient de ^ fonder sa liberté sur les débris de tous les pouvoirs arbitraires, pour ne pas être forcé d'écraser ses détracteurs,; ou risquer d'être leur victime, la France ne doit cesser d'allier le respect et l'amour qu'elle a pour son Roi avec la majesté de sa Constitution. Elle doit veiller dans un silence imposant, jusqu'à ce que le temps et l'opinion aient consolidé ce grand ouvrage, et que les ennemis de la patrie disparus de la surface du globe, aient fait place à de meilleurs citoyens ; si la nation s'endort, son sommeil sera celui de la mort.,... Voilà mon avis. Dans cette position dangereuse, quel parti indiquent à la France la prudence et la raison ? Un seul, celui de rester sous les i armes, si elle ne veut pas reprendre des fers si pesants que ceux qu'elle portait. L'organisation des milices de la nation est donc nécessaire pour sa liberté, et par conséquent pour son repos.
Il ne serait pas exact de comparer ces soldats citoyens que des principes sages et constitutionnels vont établir, à cette insurrection subite et désordonnée que la crainte de l'oppression a fait éclore dans un jour.
II ne serait pas plus exact de comparer ces nobles milices aux tristes victimes du despotisme, qui, le cœur glacé, et d'une main tremblante, consultaient l'urne fatale, et tombaient sans connaissance entre les bras de leurs parents éplorés à l'aspect du billet noir. Je dis, et je dois cette heureuse expression à M. le comte de la Tour du Pin lui-même; c'est maintenant un droit de tous les Français de servir la patriev c'est un honneur d'être soldat, quand ce titre est celui de défenseur de la plus belle constitution du monde entier.
Je dis que dans une nation qui veut être libre, entourée de,voisins puissants, criblée de factions sourdes et ulcérées, tout.citoyen doit être soldat, et tout soldat citoyen, sinon la France est arrivée au terme de son anéantissement. Injustement
présenterait-on en opposition les tristes résultats du moment présent; l'affaissement du pouvoir exécutif est dù à l'abus qu'on a voulu en faire ; le mépris des lois, à la conduite des juges; l'horreur dés distinctions politiques, aux exactions des hommes puissants qui les ént poussées jusqu'à la dégradation de la nature humaine ; la perte du crédifcinational, à la dilapidation des revenus publics, et aux opérations usuraires des gens de finance , enfin, la disette (même au sein de l'abondance) et les mouvements tumulluaires qu'Ole occasionne, aux manœuvres les plus coupables de tous les ennemis du bien public.
Cessons donc de calonmier ce pauvre peuple ; moi, j'admire son courage et sa patience, et je défie qu'on me cite une nation qui,ayant à lutter à la fois contre une aussi énorme masse de conjurations, ait su élever sa grandeur sur leurs débris avec autant de sagesse et aussi peu de cruautés,;.. ;
Certes je l'avouerai, l'anarchie est un fléau, mais la constitution d'un grand peuple peut-elle changer entièrement, sans qu'il y ait un intervalle entre ia désorganisation et ie rapprochement des partis? Jetons un coup d'œil sur les siècles futurs, et nous verrons que cet instant est un éclair semblable à la secousse qui déplace les montagnes, et les fait rentrer dans les entrailles de la terre, pour offrir à ses habitants un nouveau sol plus ferme et désormais sans danger.
M. le comte de la Tour du Pin a présenté au comité une très-belle organisation d'armée ; mais ses bases sont les mêmes que celles de l'an dernier, et nous sommes à dix siècles de l'an dernier. Cette armée doit être de 100,000? hommes, et M. de la Tour du Pin avoue qu'au premier bruit de guerre il faut pouvoir amalgamer à cette armée 120,000 hommes de milices. C'est là le nœud gordien, et l'on peut bien dire que cette difficulté n'est pas vaincue.
Rien n'est plus aisé sans doute que de composer dans le silence du cabinet une force militaire de 300,000hommes, à choisir : sur. 24 millions de sujets ; toutes les convenances1 du plan proposé sont très-estimables et faciles à saisir ; mais,1 il y a une furieuse distance de la formation du plan à l'exécution, et c'est en cela qu'il me paraît problématique.
1° Les provinces souffriront-elles dans leur sein des recruteurs dejtous les régiments, de tous les pays, qui chercheront à abuser de l'effervescence des passions des jeunes gens, pour les enlever de force ou par ruse à leurs parents?
2° Les provinces souffriront-elles qu'une armée de 150,000 hommes, qu'elles soudoyent pour la défense de leurs propriétés,! n'étant composée que de. gens sans aveu, sans domicile iixe, aveuglément dévoués à la main qui les conduit, puisse à toutyislant envahir.la plus chère de leur propriété, la^iberté publique.
3,o Les provinces souffriront-èlles que 'dans toutes les places fermées, des régiments étrangers à l'intérêt du pays usurpent l'autorité municipale; et sous le prétexte de la conservation de la place, vexent arbitrairement les bourgeois? Je sais qu'on m'opposera l'obligation que les troupes contracteront d'exécuter les lois nouvelles ; mais les lois ne peuvent prévoir tous les cas, et il est bien facile d'en abuser quand on a la force en main, et peut-être le consentement tacite de l'autorité;
4° Les provinces souffriront-elles que pour
la commodité des entrepreneurs de vivres, de fourrages, l'argent qu'elles payent pour la solde des troupes soit consommé hors de leur sein, tandis qu'elles mauquent elles-mêmes de consommateurs, et par conséquent de ce qui nourrit Pagriculture, reproduit les denrées et les moyens d'acquitter les, impôts ?
5° En supposant tous ces obstacles levés, nous n'avons rien de fait, car le plus difficile du problème reste à résoudre, c'est la composition des 100,000 hommes de milice, qui doivent, en, - cas de guerre, recruter-J'armée. Je n'imagine pas qu'on veuille encore s'appesantir sur le moyen du tirage au sort ; cet impôt désastreux doit être relégué dans la classejle la taille, de ia gabelle et de la corvée. Il faur donc une conscription. Mais le mode de cette conscription sera ou l'abus le plus condamnable du pouvoir arbitraire, ou l'acte du patriotisme le plus éclairé.
S'il existe encore une trace de privilège, un moyen quelconque de «se soustraire à la charge de citoyen, si l'on n'inscrit sur les registres que le nombre d'individus nécessaires au recrutement de l'armée en cas de guerre, si ces hommes soumis à une autorité purement militaire, en temps de paix, sans armes, sans défense, ne sont qu'un troupeau dévoué aux volontés des ministres, les bons citoyens n'ont plus qu'à déserter la France, pour y renvoyer ces fugitifs, agents de l'oppression, que le cri de leur conscience en avait éloignés; car le retour aux anciens principes ne tarderait pas à se tenter; et je crois qu'il ne peut s'effectuer aujourd'hui sans un déchirement cruel et incommensurable.
Il faut donc une conscription vraiment nationale, qui comprenne la seconde tête de l'empire et le dernier Citoyen actif. Mais alors comment incorporer cette milice avec notre armée? Si cette armée n'est pas citoyenne, si elle n'est pas purgée de tous les vices qui l'on infectée jusqu'ici, est-il un patriotisme qui tienne à l'horreur de la corruption des mœurs? est-il un père de famille qui ne frémisse d'abandonner son fils, non aux hasards de la guerre, mais au milieu d'une foule de brigands inconnus, mille fois plus dangereux? Si on m'oppose la dicipline, je répondrai que c'est un motif ae plus de terreur ; des songes funestes me présenteront sans cesse mon .fils enchaîné par son inexpérience' et des fausses suggestions, périssant de la main du bourreau, et dès lors plus de repos pour moi. Ah ! Messieurs, levez ces obstacles et vous soulagerez mon cœur : il restera cependant encore à vaincre la défiance d'une nation que le souvenir de ses maux passés, la présence de l'appareil militaire, et l'abus le plus léger d'autorité peuvent en un instant porter à commettre les plus grands désordres.
C'est d'après de si hautes considérations que je prie M. le comte de la Tour du Pin, ainsi que le comité militaire de peser dans leur sagesse les bases d'organisation que je prends la liberté de leur soumettre.
Je dis qu'en France tout citoyen doit être soldat, et tout soldat doit être citoyen, ou nous n'aurons jamais de constitution.
11 n'en résulte pas que nous devons arracher, sans cesse, aux travaux de l'agriculture ou du commerce, ni aux autres fonctions utiles que ce vaste empire offre à l'industrie, des bras essentiels : eh ! à quoi servirait la liberté, si l'on tarissait les sources du bonheur? Mais je pense que l'état militaire français doit être divisé en trois parties, tellement organisées qu'elles puissent. sans effort, sans subir une trop grande mé-
tamorphose ne faire au besoin qu'un seul et même corps, n'ayant qu'un même esprit, également intéressé à se réunir sous l'étendard du patriotisme, aux ordres du chef de la nation. Ainsi, pour rendre la France respectable au dedans comme au dehors, je pense que nous devons présenter à ses ennemis un front de 150,000 hommes de troupes réglées, destinées à couvrir nos frontières et à se porter partout où l'exigera la défense ou l'attaque, combinées par le pouvoir exécutif suprême. Il faut placer en deuxième ligne dans ce tableau 150,000 hommes de milices provinciales, destinées à doubler l'armée active, dès que le besoin de l'Etat et les circonstances l'exigeront.
Enfin je propose une troisième ligne de plus de 1,200,000 citoyens armés, prêts à défendre leurs foyers, et leur liberté envers et contre tous. Pour former cette troisème ligne, tout homme en état de porter les armes, ayant droit d'électeur, père de famille ou célibataire, jeune ou vieux, sera inscrit au rôle de sa municipalité : il aura son fusil, son sabre et sa giberne, mais sans activité, sur la foi des traités et la protection de la loi.
Voilà ce que j'appelle la garde nationale con-stitutionelle, ou le véritable sceau de la loi.
Lesmilices provinciales serontcomposées de tous les citoyens actifs de chaque département, célibataires, depuis 18 jusqu'à 40 ans; ceux-ci seront enregistrées sous des chefs choisis par la garde nationale, et aux ordres immédiats de leur municipalité ou canton. Il n'existera pour eux aucun autre engagement : ils seront libres de prendre parti dans les troupes de ligne, de changer même ae province suivant leur intérêt; mais tant qu'un homme n'aura pas 40 ans, ou qu'il ne sera pas établi, il ne pourra, s'il est sur les lieux, se soustraire au service qui lui sera commandé. Ces milices, dans les villes s'assembleront toutes les semaines une fois en été, pour exercer en commun : elles seront chargées de la police, du bon ordre et de veiller à la tranquillité des citoyens; enfin elles seront destinées à compléter, l'armée à raison du besoin, des circonstances, à tour de rôle, et à commencer par les vieux.
Les milices des villages "ne seront qu'agrégées à celle du chef-lieu de leur canton, mais il y aura dans chaque village six hommes choisis tous les ans pour prêter main-forte à la police. Et je crois qu'avec cette composition il y aura peu besoin de maréchaussée, surtout si l'on enrégimente les pionniers, et qu'on leur confie la police des routes.
Enfin les 150,000 hommes de troupes réglées seront recrutés par engagement volontaire, sur toutes les classes de citoyens ; mais chaque régiment affecté à une province ne pourra être composé en officiers" ou soldats que d'individus domiciliés dans cette province ; et j'insiste d'autant plus particulièrement sur ce principe, que je le regarde comme la base précieuse d'une excellente organisation, d'une confraternité nécessaire à la liberté publique, et de l'amalgame simple et facile à établir au premier bruit de guerre entre les troupes de ligne et les milices provinciales de chaque canton.
Je crois me rappeler quelques observations très-importantes du mémoire de M. le comte de la Tour du Pin, et j'ai beaucoup de regret de n'en avoir pas pris de notes.
Par ce régime, est-il dit, nous n'avons plus d'armée, plus d'unité d'exécution, les provinces résisteront plus aisément à la volonté générale, elles refuseront de marcher pour secourir une autre province, trop éloignée pour que le feu de
la guerre puisse les atteindre; par caprice, elles résisteront au souverain, se croiront fortes des troupes qui, par ce nouveau régime, seront toujours à leurs ordres, en cas d'insurrection, et nécessiteront des expéditions sanglantes pour les réduire à l'obéissance. Le soldat deviendra mutin, indiscipliné ; l'officier négligera sa troupe et son métier, pour s'occuper de ses intérêts (1), les recrues ordinaires, dans certaines provinces, enlèveront des bras utiles au commerce et à l'agriculture, tandis qu'elles laisseront dans d'autres des hommes oisifs, qui seront, obligés de seller vendre à l'étranger; enfin l'établissement des milices nationales actives peut exciter des troubles locaux, qui se propagent et finissent par incendier le royaume. Pour répondre à toutes ces objections, il faudrait entrer dans de grands détails, et je sens combien il est avantageux pour moi d'abréger. Je dirai donc que pour opérer un si grand changement, il n'est pas nécessaire de détruire l'armée, mais simplement d'appliquer à chaque régiment le nom d'un département, et de commencer à n'y recevoir que des officiers et soldats domiciliés dans ce département. L'unité d'exécution tient à l'unité de principes, et la France en donne en ce moment un assez bel exemple.Comment imaginer qu'à l'avenir, lorsque tous les droits, tous les intérêts seront communs, une province veuille s'isoler et faire exception ; la loi qui est l'expression de la volonté générale, qui ne lèse aucun intérêt particulier, parce que tous y sont librement soumis, et profitent également de sa protection, inspire aux peuples le respect qu'on porte à la Divinité. Ce sentiment d'ailleurs est renforcé par celui de la reconnaissance, et lorsqu'on a fait une loi pour son bien-être, y obéir est un devoir, et jamais un devoir pénible. Prenons garde que l'abus du pouvoir est souvent mis à la place de l'autorité légitime, et que pour en éviter la secousse, il faut se mettre en mesure de n'en avoir rien à craindre.
Je conviens que les troupes seront peut-être un peu moins marionnettes, que les pompons seront négligés : mais l'homme sera mieux soigné, mais l'espèce sera régénérée, mais les mœurs plus pures exigeront une discipline moins sévère; et je me flatte qu'il ne sera pas rare de trouver des soldats dignes d'être officiers.
Les pertes de la guerre sont un malheur inséparable de ce fiéau, mais celui qui a fait dignement son métier, laisse toujours à ses parents un motif de consolation. Lorsqu'un régiment aura été trop fatigué, on le fera sortir de la ligne : il est du devoir du pouvoir exécutif de nêtre pas prodigue du sang que ses sujets offrent si généreusement au salut de la patrie.
Le chapitre des recrues ordinaires ne me parait fias plus embarrassant; j'ai entendu comparer 'Alsace au pays d'Auch, et j'ai seulement vu que l'Alsacien plus paresseux ou moins industrieux, préférait le métier des armes à tont autre. Pour bien juger cette question, il faut éprouver quelque temps la révolution que fera dans les esprits, la constitution : elle doit avoir une grande influence sur l'agriculture, sur le commerce et sur l'esprit militaire. Le pis-aller sera de recruter en Alsace de préférence, soit notre artillerie, soit nos troupes légères, dont la composition ne peut être la même que celle des troupes dites nationales.
Et ce moyen absorbera le superflu de la population de ces cantons privilégiés par la nature.
Enfin, les milices nationales, dit-on, peuvent exciter des troubles. C'est une hypothèse, moi, je ne vois à leur composition qu'un moyen d'ordre et d'équilibre, que le germe du vrai patriotisme, l'usage habituel de l'obéissance, et le respect pour tout ce qui doit être sacré à des cœurs français.
Je suis donc d'avis qu'avant de s'occuper de détails relatifs à l'organisation de l'armée, le comité militaire devrait proposer à l'Assemblée les bases suivantes :
Art. 1re Que touthomme ayant droit d'électeur et en état de
porter les armes, sera inscrit au rôle de sa municipalité comme garde national, et que le Roi
sera supplié d'aviser aux moyens de pourvoir incessamment chaque citoyen des armes
nécessaires à sa défense, sur la demande et aux frais de chaque département.
Art. 2. Que toute homme libre ayant droit d'électeur, âgé de 18 à 40 ans, sera inscrit dans
un 2e registre, comme faisant partie de l'armée active et plus
particulièrement destiné que la milice nationale à repousser les ennemis de l'Etat.
Article 3. Qu'en conséquence de ce principe, il soit incessamment proposé à l'Assemblée par le comité un plan d'organisation dés ces milices provinciales, actives, destinées à maintenir l'ordre public en temps de paix, et à doubler l'armée en temps de guerre.
Art. 4. Que les conventions et traités faits avec les Suisses et Grisons seront respectés, que la nation les approuve, et que le Roi sera supplié de les renouveler au besoin.
Art. 5. Qu'excepté les bataillons légers, toute l'infanterie française sera divisée en régiments nationaux, dont chacun sera attaché à un ou deux départements, et envportera le nom.
Art. 6. Que les Officiers et soldats de chacun de ces régiments ne pourront être choisis que dans les départements dont le régiment portera le nom.
Art. 7. Que la composition de la cavalerie sera renouvelée sur les mêmes principes que l'infanterie.
Art. 8. Que les régiments nationaux, soit en cavalerie, soit en infanterie, ne pourront, en temps de paix, être en quartier à plus de 30 lieues du chef-lieu de leur département.
Art. 9. Que cette base étant adoptée, le comité fixera l'emplacement de chaque corps, de toutes lès armes, de concert avec une député de chaque département.
Art. 10. Que le sort des soldats et celui des officiers sera fixé par des ordonnances primaires et constitutionnelles, d'une manière indépendante du caprice et de la légèreté des supérieurs.
Art. 11: Que les lois militaires qui régiront l'armée, seront déterminées et arrêtées par l'Assemblée.
Art. 12. Qu'aussitôt après que le travail du comité aura été agréé de l'Assemblée et du pouvoir exécutif, lecture en sera faite dans chaque quartier aux troupes actuellement en activité et le serment exigé.
Art. 13. Qu'il sera demandé à chaque individu , s'il désire s'incorporer au régiment du département dans lequel il est né, ou s'il entend rester attaché au département dans lequel il se trouve.
Art. 14. Que la même proposition sera faite aux officiers et bas officiers, pour être remplacés dans le même grade ou un meilleur, s'il y a lieu.
Art. 15. Que les agents du pouvoir exécutif
seront: tenus de prendre toutes les précautions nécessaires pour que ces changements amiables puissent s'opérer librement et sans danger pour la chose publique.
Séance du
, à l'ouverture de la séance rend compte d'un trait de patriotisme qui mérite les applaudissements de l'Assemblée. Le 2 de ce mois, 90 sacs de blé avaient été pillés au bourg de Pénautier. La milice nationale de Carcassonne s'est transportée au lieu du délit et a fait rentrer les attroupés dans le devoir. On a proclamé contre eux la loi martiale, mais on n'a point été obligée de la mettre à exécution : la manière prudente dont la garde nationale s'est conduite à fait rentrer tout le monde dans le devoir et l'ordre sans coup férir. ..
annonce que les officiers municipaux et la garde nationale de Montolieu ont porté le même secours, pour le même motif de pillage de grains, le 30 novembre dernier, à la municipalité de Saissac.
L'Assemblée autorise M. le président à témoigner sa satisfaction à ces différentes municipà-lités et gardes nationales.
lieutenant çjrvil et suppléant de M. le baron de Montboissftèr, député de Chartres, est admis à le remplacer, ses pouvoirs ayant été trouvés en bonne forme par le comité des vérifications.
Un de MM. les secrétaires donne ensuite lecture des adresses suivantes :
Adresse des prébendiers de l'église collégiale de Carcassonne, qui exprime d'une manière énergique les sentiments de respect, de reconnaissance et de dévouement dont ils sont pénétrés pour l'Assemblée nationale. Ils dénoncent les chanoines de la collégiale comme coupables de despotisme et d'une négligence blâmable sur les intérêts de la mense capitulaire, et demandent qu'il soit fait une apposition de scellés sur les papiers, livres, journaux et argent déposés chez le syndic du chapitre.
Adresse de la garde nationale de la ville de Tarbes, capitale du Bigorre, contenant félicitations, remerciements, et adhésion à tous les décrets de l'Assemblée nationale, promesse de les faire exécuter, et ratification de la renonciation à tous les privilèges de la province. Elle demande à être un chef-lieu de département.
Adresse du même genre, de la communauté de Begole en Bigorre: elle désire que l'Assemblée nationale fasse en sorte de procurer des armes à chaque citoyen actif, pour garantir l'exécution des nouvelles lois constitutionnelles.
Adresse du même genre de la ville de Coray en Bretagne : elle demande une justice royale.
Adresse du même genre de la ville de Bourg-Argental en Forez : elle fait le don patriotique de tout reversement de supplément d'impôt de la présente année sur les ci-devant privilégiés/et demande la conservation du monastère des religieuses usurlines, établi dans cette ville.
Adresse du même genre de la ville de Mon-contour en Bretagne : elle demande la conservation de son siège royal, et d'être un chef-lieu de district.
Adresse des officiers de la garde nationale de Chauny, du même genre : ils jurent de maintenir au péril de leur vie, l'exécution, des décrets de l'Assemblée nationale, et la supplient de conserver à cette ville son bailliage royal.
Adresse du même genre des officiers de la maîtrise particulière des eaux et forêts de la même ville de Chauny : ils font le serment d'èxécuter et de fairé exécuter, en tout ce qui les concerne, les décrets de l'Assemblée nationale, quoique, jusqu'à présent, ils n'en aient encore reçu aucun, pas même celui relatif à la procédure criminelle, ni celui pour la conservation des bois ecclésiastiques. Ils présentent à l'Assemblée un mémoire sur les forêts situées dans le ressort de la maîtrise de l'Ile-de-France, pour aider le comité des domaines et bois dans son travail sur cette; matière.
Adresse du même genre des habitants de Bourg de Lurey en Bourbonnais : il font part des difficultés qu'ils éprouvent relativement à la manière de répartir l'imposition sur les ci-devant privilégiés ; iIs demandent le siège d'une nouvelle assemblée de district.
Adresse des religieuses ursulines de Sainte-Marie-d'Oloron en Béarn, qui témoignent leurs inquiétudes sur le changement de leur état, et leur désir de continuer un genre de vie qu'elles ont choisi librement, et qu'elles justifient par les précautions dont elles ont fait précéder leurs engagements. Elles ajoutent que leurs biens n'offrent rien à la spéculation, puisque les remboursements des capitaux dont elles sont chargées pour faire acquitter certaines fondations pieuses, et assurer des pensions viagères, égalera ou surpassera même le capital de leurs biens, tant meubles qu'immeubles. Elles demandent enfin à mourir dans leurs saintes habitudes.
Extrait des registres de délibérations et adresses de la ville d'Oloron, qui renouvelle son adhésion à tous les décrets de l'Assemblée nationale, l'abandon qu'elle s fait de ses droits, exemptions et privilèges communs et individuels ; donne aux pouvoirs de ses députés toute l'extension nécessaire, et réclame tout le bien dont elle est susceptible, et qui ne préjudicierait à aucun autre lieu.
, évêque d'Oloron, au sujet des adresses de la ville d'Oloron, et des religieuses de Sainte-Marie, sollicite, avec instance,. l'Assemblée de vouloir bien prendre ces différents objets en considération. Il demande qu'en attendant que les décrets de l'Assemblée nationale, concernant la dotation de 1,200 livres au moins pour les curés, et de 600 livres pour les vicaires, puissent recevoir leur exécution, ces ministres de l'Église entrent, provisoirement et à commencer du l3r janvier prochain, en jouissance de l'augmentation de leur portion congrue, telle qu'elle a été réglée par la déclaration
d» Roi. ,dç ,1786, en accprdantTOO. li vres; aux premiers, et 35D livres,, aux seconds, et qu'ep consé-'quence ladite déclâràtion, npti encore «enregistrée au parlement ae Pau, m spitihcessament enn voyée pûur qu'elle sçi^ transcrite sùr.ses registres; et qué, pareil envoi et que pareille inscription soient ordonnés à l'égard dés autres parlements qui pourraient être dans le retard.
On. propose qué cette motion soit ^renvoyée au comité ecclésiastique, et l'Assemblée alors décrète que le comité ecclésiastique en rendra compte vendredi à. deux heures.
Les Suisses des .châteaux et parcs Versailles et Marly, admis à la barre, offrent en donpa-. triotique leurs boucles d'ârgëut, et une somme de 572 livres. Ils témoignent, leurs regrets de ce que leurs faibles moyens ne leur ont pas permis de réunir entre eux un don plus considérable.
leur témoigne la satisfaction que cause à l'Assemblée leur patriotisme.
Il est fait ensuite lecture du procès-verbal des deux séancçs de la veille.
Plusieurs membres demandent la parole sur la rédaction de la partie du proCès-verbal qui rend compte de la séance du soir. Un d'entre eux, sollicite vivement la suppression des détails d'une scène affligeante et propose à l'Assemblée de décréter qu'il ne sera inscrit sur le procès-verbal que les décrets prononcés pas i'Assemhlée, relativement à l'affaire de M. le vicomte de Mirabeau, et qu'il ne sera fait aucune mention des motions sur lesquelles , on n'a, pas délibéré, ni des différentes réflexions faites pendant le cours de cette discussion.
La quéstion préalable demandée met l'Assemblée dans Je cas. de décréter qu'il n'y a pas lieu K deUt$rér s% çetté mption ,y c,e qui laisse le procès-verbal, sans aucun changement, dans sa rédaction.
On passe à l'ordre du jour, et on reprend la discussion sur. le rapport du compte' militaire concernant: le mode, de recruter l\armée, et sur la pré-férçnçe à donner, ou à, la conscription militaire, ou aux engagements volontaires.
, député d'Amont (1). Messsieurs ,'je ne/vîenspointoffrir à l'Assemblée le plan d'un houveau.ipode de recrutement pour llarméê; en adoptant celui qui existe sauf quelques, modifications. nécessaires, je me bornerai à rapprocher, et à dévelpppéif (2) davantage qpel-quesrimes des objections qui; ont été faites contre le projet d'une conscription militaire.
D'abord, en considérant la disposition qu'on vous propose, dans son sens le plus mitigé,
soit qu'elle s'étende à la totalité dës forces militaires du royaume, soit qu'elle se borne à
la formation et à l'entretien de l'armée auxiliaire, destinée à
Passant : à l'examen des effets ultérieurs de cette loi; prise dans son sens le plus absolu , je n?en vois pas résulter le'bien qu'ourse propose de produire par elle. Je crois même- qu'ep organisant l'armée d'après ce principe, on tomberait dans des inconvénients très-graves-,que je vais exposer le.plus succinctement qu'il me sera possible.'
Premièrement, on se priverait de la faculté de choisir les sujets dont seraiticomposée l'armée.
En second lieu, on: arracherait: à l'agriculture, à, l'industrie, au commerce,' aux arts, aux talents, des hommes précieux , pour-les changer tout au plus,en de médiocres soldats;;: car iratiemént on fait bien ce qu'on ne fait point librement et par chojx.
Troisièmement, qu'est-ce que veulent ceux qui demandent une conscription militaire ? épurer la composition de l'armée, la rendre aussi solide, aussi digne de la, confiance delà nationiqu'ibsera possible, en substituant, dans sa,formation , aux hommes achetés: qui la composent!, dèsj soldats citoyens pénétrés de l'importahcë i et-de-la i dignité dfts fonctions auxquelles ils seront appelés par les lois de laf patrie et par la voix de l'intérêt publiq.
Si l'Assemblée nationale pouvait être séduite, sans >doutp : elle serait excusable de céder à-jlUUb-sion brillante d'un projet qui rappelle, qui semble mettre en- jeu le patriotisme et toutes les Vertus civiques; Mais, Messieurs, on l'aidit avant moi, et jé'le répète avec confiance : gardonâ!-nous de décider des questions politiques d'après la seule impression du sentiment.
En efféti commer l'a dit un des préopinants;: si toutes,,les communes ont réclamé, contre; le tirageftu,sort de la milice..,, si, cette institution a laissé une impression profonde de douleur, dans des cœurs: qui] se sentaient nés pour la liberté; je demande, comment l'on conçoit- que laf nouvelle loi qui, au lieu dè forcer quelques volontés, les contraindra toutes, sera plus favorable à la liberté.?
Je demande si Vurné qui renfermera la sort de tous les citoyens , ne présentant jamais qu'un billet noir à chacune desvictimes de l'obéissance, leur paraîtra moins fatale alors, que; dans le temps où celui qui allait y puiser l'arrêt- de sa destinée, savait en y portant la main,qu'un grand nombre de chances heureuses militait en sa faveur ; et qui même, lorsque la fortune avait trompé ses vcëux, avait au moins conservé-jusqu'au dernier instant, les charmes et les dédommagements de l'espérance ?
Je demande encore ; pourquoi des enrôlements faits ayèç cljpix, discernement, et surtout avec décence, ne procureraient pas à l'armée: des soldats aussi sûrs, aussi dignes de confiance, que ceux que le hasard seul appellerait sous les drapeaux ?
Que j'examine ensuite les caractères moraux
qui distinguent un soldat enrôlé de celui qui sert en vertu delà Conscription militaire, je suis forcé de convenir que le premier fait au moins l'acte d'un homme libre, | lorsqu'il engage volontairement sa liberté au service de l'Etat ; tandis qu'il est possible que celui qui ne prend les armes que Sour obéir à la loi ne fasse qu'une démarche esclave; et dans cette supposition, qu'on me dise : si l'Etat sera mieux servi, mieux défendu, )àr celui qui traînera servilement et péniblement a chaîne de devoirs qu'il n'aura point choisis, que par celui qui se les sera volontairement imposés?
D'ailleurs, quelques-uns des défenseurs de l'opinion que je combats admettent des avoués : or, un avoué, dans le sens qu'on attache à ce, mot, n'est qu'un soldat enrôlé par le particulier dont il tient la place, au lieu de l'avoir été par un recruteur, au nom d'un régiment ; C'est toujours un homme qui a engagé sa liberté à terme pour de l'argent. Le prétendu vice que l'on veut fuir danB ce système ne sera donc détruit qu'eu partie , et ce que l'on en évitera sera compensé par un vice plus grand, celui d'opprimer le pauvre, qui, par faute de moyens, supportera seul, comme je l'ai déjà dit, tout le fardeau d'une charge qui devrait être commune.
Enfin, il arrivera nécessairement l'une de ces trois choses.
Ou l'armée sera composée en majeure partie d'avoués, et pour lors le bïit de la conscription militaire est manqué ; car il est permis de croire que les avoués qui serviront de leur propre mouvement et par goût, ou par convenance, ne se borneront pas a la simple durée du service des conscriptionnaires, et que successivement ils remplaceront plusieurs aé ceux-ci. Selon toute apparence il formeront donc la classe dès vieux soldats ; ils auront donc toute l'influence que le nombre, l'ancienneté et la confiance qu'ils inspirent doivent donner; ét j'ai ditque des avoués n'étaient que des enrôlés sous une autre dénomination.
Ou les conscriptionnaires seront les plus nombreux ; et pour lors on n'aura évité qu'une partie de l'inconvénient qu'on voulait détruire ; mais un vice intolérable résultera de cette situation de choses, c'est que lé fond, la majeure pa-tie de votre armée ne sera composée que de soldats nouveaux et sans expérience , puisque le terme moyen du service des conscriptionnaires ne doit être que de deux ans.
Ou les conscriptionnaires et les avoués seront en nombre égal ; et dans cette supposition, l'objet de la loi proposée ne sera pas même à moitié rempli ; car les avoués, qui seront toujours les vétérans, égaux aux conscriptionnaires par le nombre, leur seront certainement supérieurs par l'opinion, et qu'ils détermineront, et l'esprit, et toutes les impulsions de l'armée.
Ainsi, dans toutes les hypothèses possibles, les défauts que l'on reproche aux enrôlements subsisteront dans l'organisation militaire qu'on vous propose, ou seront remplacés par des défauts peut-être plus grands,
Par exemple, dans le nombre de vos conscriptionnaires il se trouvera des hommes faibles, délicats, timides ; on ne se donne point les qualités contraires. Ces hommes, s'ils sont pauvres, ne pourront pas s'exclure, et vous , en vertu de la loi, vous serez forcés de les employer.
D'un autre côté, vous aurez des sujets qui réuniront le plus grand nombre des qualités physiques et morales qui conviennent à un soldat;
mais s'il leur manque là plus essentielle de toutes, celle sahS laquelle toutes les autres sont presque nulles : je veux dire là volonté, le goût de leur métier ; si mêmé, ce qui peut arriver, une avérsion insurmontable leur rendait leur profession odieuse, quel service pourriez-vous attendre de pareils soldats?
Il pourra se faire éncorè que vous perdiez tous les avantages que dans d'autres circonstances vous auriez tirés de certains sujets excellents, mais de qui l'esprit fier et le caractère indépendant, incapables de.céder à la contrainte, ne savent déployer leurs' facultés que par dès impùlr sions libres et spontanées. On veut bien servir l'Etat, se dévouer à son pays ; mais on est humilié de se voir commander le dévouement • et tel homme ne remplit qu'avec dégoût des devoirs qu'on exige de lui, qui s'en fût honoré, qui s'y fût livré avec passion, si on ne lui eût pas ôté le mérite de se les imposer librement ; si l'autorité, en paraissant douter qu'il eût eh, lui les vertus qu'ellé lui prescrivait, n'eût indigné, n'eût étouffé son émulation et son zèle.
Mais de tous ies défauts que je reproche à la conscription militaire, le plus grave, le plus important, selon moi, c'est celui qui découle des moyens de faire exécuter cette loi. Dès qu'elle sera prononcée, il faut qu'elle soit Obligatoire pour; tous les citoyens. Et quelles seront les mesures que vous prendrez pour forcer à l'obéissance, celui qui prétèndrait s'y ' soustraire ? vous n'en avez que deux : une peine quelconque, affliçtive ou pécuniaire, et le déshonneur. Mais observons que la loi imposant une obligation égale à tous les citoyens, la peine de la désobéissance à la lqi doit être la même pour tous ; par conséquént, si pour moyen coercitif vous adoptez une peine pécuniaire", quelque modique qu'on la suppose, il résultera de la disproportion des fortunes qu'un même délit ne coûtera a quelques individus qu'un effort à peine sensible pour eux, tandis que d'autres ne pourront l'acquitter que par des'sacrifices désastreux.
Ainsi, je suppose un citoyen qui réunirait toutes les vertus sociales, auquel on n'aurait à ré-, procher que cette faiblesse d'organisàtion qui rend incapable d'une vie dure et pénible, que l'absence de cette sorte de courage qui fait braver la mort sur une brèche ou sur un champ de bataillé ; mais qui aurait la franchise de vous dire : « Je suis né faible et timide ; n'exigez pas de moi que je sois fort et brave. Je puis tenir utilement dans la société une autre place que celle que vous m'y destinez;; je saurai y servir mon pays avec probité, avec exactitude, avec désintéressement , avec zèle; ne m'arrachez donc pas à des fonctions paisibles que je puis exercer avec succès, pour më charger d'un emploi auquel je n'ai nulle aptitude, pour m'ordonner des efforts qui me sont impossibles. » Quoi donc, il pourrait arriver que l'homme estimable qui vous parlerait ainsi, pour prix de ce langage plein de candeur et de raison, serait ou ruiné, ou déshonoré, ou puni corporellement !
Quelle loi, Messieurs, que celle qui peut écraser le cœur d'un homme de bien entre la douleur, ou la misère, ou l'infamie d'une part, et de l'autre la nécessité d'obéir à des devoirs qui lui répugnent, auxquels il n'est appelé ni par sa complexion, ni par sa force physique, ni par son énergie morale, ni par ses talents, ni par ses goûts 1 Et ce serait chez la même nation qui vient de fonder avec tant d'éclat l'édifice de la liberté politique et civile, que le patriotisme
égaré érigerait cet étrange monument à la servitude et à l'immoralité ! Et les mêmes législateurs qui viennent de donner à l'univers l'exemple d'un respect si religieux pour les droits imprescriptibles de l'humanité, pourraient, dans cet instant, contredire à ce point leurs principes, et violer par une loi fondamentale de l'Etat, la liberté personnelle de tous les citoyens 1 Et ce s'erait à des hommes dont on aurait éteint l'émulation, flétri le caractère, découragé les vertus par une contrainte légale aussi rigoureuse què peu nécessaire, que la France confierait l'honneur de ses armes, la garde, la tutelle de son indépendance et de ses droits 1 Jetez les yeux en arrière, Messieurs, considérez le passé, uites, si dans le temps même du despotisme èt de l'oppression , si lorsque l'autorité arbitraire ; èii étouffant l'esprit public, semblait devoir [dessécher dans tous les cœurs, jusqu'aux germes du courage, dites si dans ces temps malheureux; la France ne trouva pas toujours dans ses enfants des défenseurs zélés prêts à mourir pour elle; dites si lés détracteurs de notre nation ont jamais osé calomnier ni la valeur de nos concitoyens, ni le noble dévouement qui les a portés au secours de l'Etat dans toutes ses détrëssës. Xe soyons donc pas plus injustes que nos ennemis mêmes, en adoptant des mesures qui pourraient faire soupçonner que les Français déchus de leur antique prouesse, sans harmonie intérieure, sans confiance, réciproque, sans attachement à la chose publique, ont été réduits à la honteuse nécessité de Chercher dans la sévérité des lois, des cautions mutuelles de leur fidélité et de leur amour pour la patrie.
N'attribuez point, Messieurs, aux enrôlements des défauts qui ne viennent pas d'eux. Ce n'est point parce qu'il est enrôlé que tel homme est un mauvais soldat ; c'est parce qu'il est ou mal choisi, ou mal discipliné, ou tous les deux ensemble. Ce ne sont point les enrôlements qui produisent dans les armées la désertion qui les mine, la dépravation qui les énerve, l'indifférence ou le dégoût qui les paralysent, et l'indiscipline; qui les détruit. Cès vices qui infectent tant d'armées recrutées par des enrôlements volontaires existeraient indépendamment du principe d'après lequel e]les ont été formées, il importé donc moins de. détruire ce mode de leur formation, que dé perfectionner leur régime.
Que notre armée soit composée de citoyens enrôlés librement ; que l'existence des sold ats soit améliorée autant qu'elle peut et qu'éilé doit l'être ; que l'émulation soit excitée pâr un avancement sûr et d'autres récompenses accordées au mérite ; que l'instabilité des opinions et des ordonnances militaires, qui après avoir impitoyablement tpUrmenté les troupes pendant plus dé vingt-cinq ans, a fini par les rebuter tout à fait, par y répandre le découragement ët l'insubordination ; que cette vicissifude funeste s'arrête enfin et se transforme en un ordrë constant et durable; qu'en embrassant l'état militaire, un soldat n'ait plus la décourageante perspective de rentrer à l'école d'instruction, peut-être le même jour qu'il parviendra à la vétérance ; que les commandements des corps et tous les autres emplois trop souvent accordés par la faveur à la naissance, a la fortune et quelquefois à l'intrigue, soient toujours le prix dë l'instruction, des services et des talents; que les officiers et surtout que les chefs se rappellent sans cesse que les inférieurs auxquels ils commandent leur ont été confiés par la patrie, pour être entre leurs mains
des instruments de l'ordre, de la force et du bonheur public, et non pour devenir jamais, ni les marchepieds de leur ambition particulière, ni les jouets de leurs càpricës, ni les hochets de leUr vanité. Qu'une discipline exacte, sévère, mais équitable, maintienne l'ordre, l'obéissance et l'instruction, sans flétrir le caractère national, sans détruire, sans affaiblir d'antiques et utiles préjugés ; car il en est qu'il faut respecter. Que rendu fréquemment à ses foyers, un soldat ne perde point l'habitude des occupations et des devoirs qu'il lui faudra reprendre un jour; qu'en soulageant sa famille par ses travaux, il en reçoive en échange l'exemple des mœurs et: des vertus domestiques, premier germe des mœurs et dés vertus publiques ; et que cet heureux salaire de sa piété filialé devienne le préservatif qui le garantira de la contagion des vices qui doivent l'affaiblir à son retour dans sa garnison ; que l'état d'un soldat soit honoré autant qu'il est honorable, et jamais l'armée ne manquera de sujets, et jamais vous ne craindrez de la voir devenir l'égout de la société. Vous la verrefc au contraire se remplir de citoyens, d'hommes |qui aimeront leur profession, parce que leur pro-jfession flattera leur orgueil, éncouragera leur ambition, et suffira à leurs besoins ; et vous aurez des soldats sur lesquels vous pourrez toujours compter; parce que leur nouveau pacte avec l'Etat, ne fera que resserrer, les , liens primitifs qui déjà les attachaient à la chose publique; et c'est alors enfin que l'armée, composée d'hommes libres, sera l'appui certain, ae la liberté, loin d'en être l'effroi, loin d'être, comme plus d'une armée dé l'Europe, une maladie du corps : politique.
Si vous rapprochez, Messieurs, les considérations que je viens d'avoir l'honneur de vous soumettre, de toutes celles qui déjà vous ont été présentées sur le même objet, surtout de cette importante observation qui vous a été faite dans le rapport de votre comité : savoir, que dans les provinces du nord de la France, le goût des armes procure à l'armée un nombre de sujets beaucoup plus considérable que ne le comporte naturellement la population de ces provinces ; tandis que l'ordre inverse se rèmarque dans les provinces du midi, d'où il arriverait que la conscription militaire, rompant, dans les unes et dans les autres, l'équilibre qui s'est établi entre les besoins et les moyens de se les procurer, occasionnerait dans les premières un engorgement de population surabondante, tandis qu'elle priverait les secondes d'un grand nombre de bras qui leur sont nécessaires. Si pour ne rien laisser à désirer dans une question d'un si grand intérêt, vous consultez l'histoire, et si vous y voyez que la conscription militaire, qui fut souvent un moyen du despotisme, fut rarement une ressource de la liberté ; et que sous ce dernier point de vue, elle fut presque toujours instituée par des peuples neufs, agricoles ou pasteurs, qui ne cultivaient ni la science, ni le commerce, ni les beaux-arts; qui forcés d'être fréquemment réunis pour résister à des voisins ambitieux ou jaloux, étaient cependant trop pauvres et trop peu nombreux pour fournir a,l'entretien d'une armée toujours active, vous conclurez, du moins j'ose le croire, qu'une grande nation protectrice des arts et des sciences, aussi puissante par sa population que par son agriculture et par son commerce, chez laquelle une prodigieuse inégalité dans les fortunes, et conséquemment dans les moyens d'instruction, entraîne l'inégâlité des capacités et
celle ,d es talents, la diversité des emplois, des goûts,i des mœurs, des habitudes; vous conclu-, re», dis-je, qu'upp telle nation ne pourraitiad-mettre la conscription, militaire, comme loi fon- | damentale, sans porter une atteinte dangereuse à ses cultivateurs, à ses commerçants, à ses artistes, à ses manufacturiers; sans détruire les convenances, sans troubler le repos, sans violer la liberté de tous les citoyens. Si vous, considérez de plus que la faible économie que l'on trouve-, rait dans la suppression des enrôlements, ne dispenserait pas des frais énormes attachés à l'existence d'une armée nécessaire et constamment entretenue ; que loin que cette économie fût réelle, ^résulterait de la disposition qu'on propose, .une ; surcharge d'impôt pour /les peuples. Enfin, et je ne puis trop le répéter, que même, dans le cas des, modifications qui semblent le plus adoucir la rigueur de la conscription militaire,: l'inégalité des richesses rejetterait constamment sur la classe souffrante la: charge du service.personnel. Vous n'hésiterez pas, j'espère, à repousser une. opinion que je crois incompatible avec la tranquillité, la, liberté, les droits ,dè l'homme et du ci-!-'j toyen, l'utilité ; pujblique. notre esprit national, et toutes nos manières d'être, morales et politiques.
(Le discours de M. Bureaux de Pusj fait une très-vive impression sur l'Assemblée.)
Plusieurs membres demandent l'impression. — L'impression est ordonnée.
Je propose d'adjoindre M. Bureaux de Pus,y au comité militaire.
On ne peut qu'applaudir à l'éloquence et à la sagacité, dont M. Bureaux de Pusy,vient >de donner une preuve éclatante ; mais je ne crois pas que l'Assemblée, par une distinction, quelque méritée, quelle soit, puisse s'éloigner de ses propres principes. L'opinion d'un comité a une influence nécessaire ; il faut que les membres qui doivent le composer soient librement et légalement choisis,
Déjà attaché à un comité, je ne pourrais profiter dé la bienveillance de l'Assemblée; mais, je demande qu'on admette dans,le comité militaire un officier au.génie, ser-> vice important dans l'armée.
appuie cette dernière disposition^ ët fait la même, réquisition pour un officier; d'artillerie. „{,
J'adopte d'autant plus volontiers les: propositions des deux préopinants, que les comités ne sont pas toujours composés de personnes instruites des matières qu'on doit y traiter : mpi, Messieurs, je suis du comité de judicature.
J'applaudis aux vues de l'Assemblée sur M^ Bureaux de Pusy : mais, je propose de décider que désormais nulle motion personnelle, contraire aux principes et à.la-liberté des , suffrages dans les élections des commissaires, ne soit admise par l'Assemblée.
Il serait possible de concilier le respect pour les principes et les preuves d'estime que l'Assemblée veut donner à un de ses mem-
bres, en décrétant qu'il y aura quatre nouvelles places dans le comité militaire, et qu'on procédera à l'élection de ces hQUveaux commissaires, au sortir (Je la séance. Ainsi, on ne .fera éprouver aucune humiliation aux personnes qui peuvent, ainsi que M. Bureaùx dé Pusy, avoir bien mérité de .nous sur le même objet.
J'appuie l'exception flattéusè que mérite si bien M. Bureaux de Pusy, mais je demande qu'à l'avenir il ne puisse plus être fait de semblable motion, Je me borne sur ce point à vous rappeler les principes consacrés par votre règlement.
met d'abord aux voix l'adjonction de M. Bureaux de Pusy au comité militaire. — Cette adjonction est décrétée.
consulté ensuite l'Assemblée sur la motion de M. de Lameth tendant à ce qu'il ne puisse, à l'avenir, être fait de. nomination pour les comités, en séance publique- —- La mo- tion est adoptée. ' .. . ',,1; .. '. .( .;,
On reprend lasuite de la discussion sur le mode de recruter Varmée.
(1). Messieurs, le service personnel est, à mon opinion, le plus onéreux et le plus
désastreux impôt dont on puisse charger un peuple; il n'en est pçint. dont il soit plus
difficile d'arrêter les abus et les dangers/J'ose vous représenter qu'il n'est pas
parfaitement exact que tout, citoyen Soit obligé à un service personnel; cela serait vrai
sans doute, si chaque citoyen n'était point imposé, ou l'était, insuffisamment pour qu'il fût
possible de subvenir aux frais d'une grande force publique. Mais lorsque chaque citoyen paye
rigoureusement tout ce qu'il peut payer, lorsqu'il ne reste pas au plus grand nombre de quoi
fournir à ses plus pressants besoins, chaque citoyen n'a-t-il pas le droit de penser que le
premier emploi des impositions dont il est accablé, doit être le maintien et l'entretien de
l'armée ; car c'est, principalement pour la protec-tion.et la défense de sa propriété qu'il
est primitivement imposé ;' et dans le cas d'une invasion subite et inattendue, les habitants
défendront sans doute leurs foyers sans l'obligation d'une imposition continuelle et,
.onéreuse .: il suffira que toutes les municipalités déterminent un lieu de
rendez-vous.général dans les moments de. danger public. Non-seulement le seryicépersonnel
n'est! ni juste, ni nécessaire, mais il est encore l'imposition la moios susceptible d'être
proportionnellement répartie, En supposant qu'il fût imposé en raison des propriétés, et
qu'un habitant riche fût obligé de se faire représenter par dix hommes, tandis qu'un autre ne
serait tenu qu'à marcher seulement, ou à son remplacement unique. La charge serait encore
bien plus forte pour le citoyen d'une fortune très-bornée, qui n'aurait que difficilement le
moyen, dë faire Veiller à ses affaires, ou celui de fournir un homme pour le représenter.
L'existence de sa famille pourrait être compromise, s'il s'en éloignait/, et s'il cessait de
lui donner ses soins, S'il préférait d'envoyer un homme dont il devrait répondre, 41 se le
procurerait difficilement, serait obligé de le chercher longtemps, et les recherches
Lorsqu'un des préopinants a appelé l'espèce d'hommes qui composent maintenant l'armée, l'écume de la nation, il a oublié sans doute que, , malgré les injustes privilèges qui ont-si longtemps exclu la classe la plus nombreuse des emplois militaires, quelques noms à jamais fameux ont, à force de vertus et de talents, percé cette foule opprimée* sont sortis de cette écume pour vaincre à la tête de nos armées. Quoique j'aie moins d'expérience militaire que beaucoup de préopinants, j'ai cependant été assez. heureux pour voir les troupes françaises donner des exemples respectables de bon ordre et de, discipline, dans plusieurs parties du monde.
Plus heureux, mieux traités, avec plus d'espoir d'un avancement mérité, les soldats français vau-dront-ils moins? pourrontrils en rencontrer ailleurs qui vaillent mieux qu'eux? Quels défenseurs de la liberté pourront dans l'avenir montrer plus de courage et de patriotisme? Nous sommes entourés de monuments qui nous attestent leurs droits à leur confiance. Pouvons-nous raisonnablement espérer» que les hommes, uniquement déterminés par le plus offrant, sans cesse marchandés, qui appartiendront incontestablement davantage au plus puissant et au plus riche, puissent remplacer dignement ceux dont l'honneur est toute la fortune, et la gloire tout l'espoir? Il serait facile de prouver que les-hommes qui se destineraient à remplacer ceux qui ne voudraient pas marcher eux-mêmes, dont l'état serait de n'en pas avoir, deviendraient bientôt une classe dangereuse, toujours prête, à se joindre aux insurrections, et ayant plus, à espérer des - troubles et des révolutions, qued'un bon ordre de choses. Je suis loin de croire que l'enrôlement volontaire nuise aux mœurs, autant que quelques-uns des préopinants ont paru le penser. Il est un âge où les passions entraînent, où les hommes ont besoin de mettre quelque intervalle entre la fougue
Ide la jeunesse et les devoirs d'un âge plus mûr, |où, pour sentir ensuite le bonheur de vivre dans ! sa famille,'on a besoin d'en avoir été séparé; où la discipline fait un bon et respectable soldat, du jeune homme bouillant qui eût été un mauvais sujet dans son village.
Je conclus donc à ce que l'Assembléè nationale décrète que le service personnel ne sera point exigé, que les enrôlements volontaires et à prix d'argent continueront à avoir lieu,, et que les ! assemblées provinciales et municipales seront-• consultées sur les meilleurs moyens de rassembler promptement, en cas d'invasion, les citoyens en état de porter les armes, et d'augmenter rapidement la force de l'armée, si les circonstances l'exigeaient.
propose les articles suivants :
1° La force publique sera divisée en deux parties : la première composée des milices nationales -, là seconde de troupes de ligne.
2° La formation des troupes nationales sera déterminée d'après le travail du comité militaire, combiné avec celui du comité de constitution ; il sera joint à cette formation une instruction ' militaire destinée aux milices nationales.
3° Le recrutement des troupes de ligne se fera par des engagements volontaires. Le temps de service des soldats sera réglé par;la loi.
4° Les régiments seront attachés à un ou à deux départements pour former leur recrutèment. Les régiments conviendront avec les représentants des départements, des moyens qu'ils emploieront pour se recruter;
Je pense que la conscription militaire ne peut être utile que dans deux cas : lorsque la liberté nationale est compromise, ou lorsque l'ennemi est entré dans le royaume.
Je .propose de remplacer l'ancienne milice, qui était Composée de soixante mille hommes, par une milice nouvelle de quatre-vingt mille hommes. Chaque paroisse de quatre-vingts feux fournirait et entretiendrait deux soldats qui, en temps de paix, n'auraient qu'un service très-borné^ et se réu-niraienten temps de guerre aux; troupes soldées. Ainsi, l'armée pourrait être réduite a cent vingt mille hommes. Cette armée continuerait à être recrutée par engagements volontaires.
M. le baron d'Harambure propose des articles qui contiennent les détails de son projet.
En examinant les faits historiques, on voit que la conscription n'a jamais été adoptée que par les gouvernements despotiques ou ïes républicains.
Si l'on entend par ce mot le droit de prendre les armes, quand la patrie est en danger, c'est une loi nationale; Si l'on entend que les hommes naissent soldats et marchent au premier appel, proposer la conscription, c'est demander le despotisme et l'esclavage.
La conscription ne doit être autre chose qu'un règlement, par lequel les citoyens seront appelés de gré à gré à soutenir la force militaire.
Dans ce sens, je l'adopterais pour les milices nationales. Mais elle est inapplicable aux troupes continuellement actives, et l'enrôlemeht volontaire est seul praticable.
Je propose de décréter que l'armée française-sera composée de soldats engagés volontairement? et dont le nombre ne sera nide moinsdeeentmille
ni de plus de cent dix mille hommes, et des gardes nationales, dont la quantité sera fixée par là constitution, et qui ne marcheront que pour la défense de l'Etat, etc.
Le comité militaire a préparé beaucoup de mémoires sur des objets de détail; mais il a besoin, pour terminer son travail, que l'Assemblée décrète le mode de recrutement ae l'armée. Je demande au nom de ce comité, qu'on adopte sur-le-champ, soit la conscription, soit l'enrôlement volontaire.
On ferme la discussion, et on pose ainsi la question :
L'armée française active sera-t-elle recrutée par des enrôlements volontaires? oui, ou non?
Je demande ce qu'on entend par ce mot active.
Ce mot indique la force destinée à défendre les frontières et vos propriétés.
Après plusieurs tentatives pour réformer la position de la question, on demande à aller aux voix.
La difficulté pour poser la question tient à une chose qui n'est pas déterminée, et qui aurait dû l'être la première, c'est-à-dire le rapport de la milice nationale avec l'armée, et le rapport de l'armée avec la milice nationale. La conscription peut être et n'être pas appliquée tout à la fois aux troupes réglées et aux gardes nationales. 11 faut décréter si vous adoptez ou n'adoptez pas la conscription militaire pour les troupes soldées; ce qui ne décidera point si vous l'adoptez ou ne t'adoptez pas pour les fardes nationales. La question étant double doit tre posée de deux manières.
1° La force armée du royaume sera-t-elle totalement recrutée par des enrôlements volontaires?
2° Une portion le sera-t-elle par la conscription militaire?
Je n'ai rien entendu préjuger sur les milices nationales, en présentant ia question qu'on a posée.
On fait lecture de différentes manières de la rédiger.
propose celle-ci : Les troupes françaises, de quelque arme qu'elles soient, autres que les milices et gardes nationales, seront-elles recrutées par enrôlements volontaires ou par conscription?
Le comité militaire et un grand nombre de membres demandent la priorité pour cette rédaction.
propose un léger amendement, et l'Assemblée rend à l'unamité le décret suivant :
« Les troupes françaises, de quelque arme qu'elles soient, autres que les milices et gardes nationales, seront recrutées par engagements volontaires. »
, en son nom et au nom de plusieurs députés du Cotentin, fait une motion sur la maréchaussée
considérée comme tribunal de justice (i).,
Nous ne nous dissimulons point que si nous avons eu la suite de la maréchaussée, comme milice nationale soldée, continuellement armée contre les entreprises des méchants pour la sûreté des gens de bien, nous ne pouvons pas nous flatter de trouver établi un préjugé aussi favorable à l'opinion que nous en avons, comme tribunal de justice criminelle. Le seul mot de justice prévôtale excite, dans la plupart des esprits, un premier mouvement de défaveur, effet de la prévention où l'on est généralement contre ce tribunal; parce qu'il est très-peu de personnes qui en connaissent la nature, très-peu qui aient eu l'occasion d'approfondir l'essence de cette juridiction, telle qu'elle s'exerce dans l'intérieur du royaume, et qui ne la confondent avec la juridiction militaire, nécessairement expéditive, du grand-prévôt de l'armée, qui juge seul, quoique avec des formes. Ce préjugé, absolument sans fondement, loin de présenter le moindre inconvénient, a l'avantage inappréciable d'inspirer une terreur salutaire' à cette classe dangereuse qu'il est aussi consolant de pouvoir contenir par la crainte seule, que douloureux de réprimer par des châtiments. La terreur que ce préjugé inspire fait une partie de la force de la maréchaussée; elle présente le prévôt comme un magistrat armé, qui en impose doublement au coupable.
Mais les législateurs analysent, conservent, corrigent ou suppriment avec connaissance; et leurs décrets sont fondés sur la vérité.
Nous allons donc tâcher de rectifier les idées, trop généralement adoptées sans examen, sur l'utile institution qui fait le sujet de cette discussion.
La maréchaussée, considérée comme siège de justice, a été en butte aux qualifications les plus flétrissantes : on l'a présentée comme un tribunal arbitraire et cruel ; mais les personnes qui en parlent ainsi, n'ont assurément pas approfondi avec assez d attention l'organisation des sièges prévôtaux : car, de quoi sont composés ces tribunaux? De tous les juges delà nation, près desquels sont établis les prévôts et leurs lieutenants.
Tout jugement prévôtal, soit interlocutoire, soit définitif, doit être rendu par sept juges au moins ; il l'est souvent par douze ou quinze. Ainsi, on voit que la Chambre, prévôtalement assemblée, est toujours formée par un grand nombre de juges pris dans les tribunaux ordinaires; plus, un seul officier militaire, qui ne peut par conséquent, avoir que bien peu d'influence sur les jugements délibérés par un si grand nombre de magistrats.
Si l'on veut prendre la peine d'approfondir la forme de procéder dans les sièges prévôtaux, on se convaincra aisément que les officiers de maréchaussée, assujettis comme les juges ordinaires à toutes les formes de l'ordonnance criminelle, avaient sur ces derniers l'avantage d'être infiniment plus rapprochés qu'eux des formes nouvellement prescrites; puisque dans les sièges ordinaires le lieutenant criminel a jusqu'ici toujours fait seul l'instruction, et que les prévôts ou leurs lieutenants ne pouvaient pas faire un seul acte de la procédure, qu'avec l'assistance, le conseil, et sous l'inspection d'un conseiller assesseur. Que passé le jugement de compétence, le prévôt et l'assesseur réunis ne pouvaient pas décerner le moindre décret contre un complice, régler le
procès à l'extraordinaire ou le civiliser; en un mot, rendre une seule ordonnance même de simple forme, que par un jugement délibéré par tout le siège, prévôtalement assemblé. D'où il résulte que l'instruction criminelle, dans les sièges de maréchaussée, était moins défectueuse qiie les tribunaux ordinaires. On peut même observer que l'Assemblée nationale l'a adoptée et perfectionnée en ordonnant, par les décrets des 8 et 9 octobre, que l'instruction criminelle serait d'abord commencée par trois personnes, et ensuite continuée publiquement.
En général, il y avait peu de procédures criminelles instruites avec plus de soin, d'exactitude et de précision que dans les sièges prévôtaux, par la raison que les officiers de maréchaussée étant toujours en butte à la jalousie des parlements et des juges inférieurs, vis-à-vis desquels ils avaient le tort de partager une portion de l'autorité, leurs procédures soumises à la révision et à la critique de ces magistrats, trop prévenus contre, auraient été cassées et refaites à leurs frais sur la plus légère mullité : ce qui aurait tôt Ou tard entraîné la ruine des officiers de maréchaussée. La crainte de perdre leur réputation et leur fortune leur faisaitune obligation impérative de l'étude des lois; et c'est peut-être à cette crainte salutaire que le corps de la maréchaussée doit l'avantage, qu'on ne peut lui contester, de compter parmi ses membres des criminalistes très-instruits.
Les parlements, et même les premiers juges, ont toujours vu avec regret la juridiction prévôtale. Dans tous les siècles les hommès ont cherché à s'arroger le pouvoir exclusif de juger leurs semblables. En ouvrant les fastes de l'empire romain, on y verra le sénat, les patriciens, les consuls et le peuple faire des efforts pour être les juges les uns des autres. On v verra l'abus cruel que firent les décemvirs de Ce pouvoir terrible, lorsqu'ils eurent réussi à s'en emparer exclusivement. Diviser le pouvoir est un moyen certain de l'affaiblir; et par conséquent, de le rendre moins dangereux.
Si ce point de vuè était juste, ne serait-il pas à craindre que la suppression totale de la juridiction prévôtale n'eût des effets pernicieux pour la sûreté et la liberté des citoyens?
Lorsque nous observons que la maréchaussée, par sa. composition, son organisation, l'unifOrme qu'elle porte et l'activité de son service, tient au militaire, .tandis que par sa sagesse, sa pudeur, son application, son étude et son assujettissement aux formes et aux règles établies par les lois, elle semble encore plus se conformer aux principes qui, de tout temps, ont servi de règle à la magistrature; nous pensons que le législateur qui établit jadis la juridiction prévôtale, eut sans doute pour but, après avoir'assuré la sûreté et la tranquillité publique, de rapprocher ces deux états pour les faire surveiller l'un par l'autre; et par là tempérer ; les abus, suite infaillible d'un trop grand pouvoir confié à un seul.
Il n'existe point d'établissement dans la société soumis à une surveillance plus multipliée que la maréchaussée. Les sièges prévôtaux, obligés de rendre compte au chef de la magistrature de toutes leurs opérations judiciaires, sont spécialement observés par M. le chancelier, par un procureur général, et par un tribunal supérieur chargé de la révision de leurs jugements, tànt au fond que dans la forme. Les présidiaux mêmes ont sans cesse les yeux ouverts sur les opérations de cette juridiction, à laquelle ils sont
adjoints, et spécialement chargés de statuer sur sa compétence. Le tribunal des maréchaux de France, le siégé général de la connétablie, le sécrétaire d'Etat de la guerre, les gouverneurs et les commandants des provinces, les intendants, les subdélégués, les officiers municipaux des villes, les troupes auxquelles elle doit compte de leurs déserteurs, et de la police de leurs sémestriers; le public enfin, par son droit de requérir l'assistance de la maréchaussée, sont autant d'argus, aux regards desquels il lui est impossible dé se soustraire. On peut considérer comme une preuve de la bonté de son institution, que dans ces temps de Crise, où tous les corps ont été plus ou moins ébranlés, la maréchaussée a été presque le seul qui ait maintenu l'ordre, que tout tendait à troubler. Invoquée par toutes les classes de citoyens, requise ou commandée par tous les corps, auxquels elle doit son service, elle a été présente partout, partout elle a fait son devoir à la satisfaction de tous les citoyens, sans s'être attiré nulle papt aucune marque d'ànimad-version.
La juridiction prévôtale, telle qu'elle s'exerce aujourd'hui, remonte au seizième siècle. On a reconnu particulièrement son utilité pour contenir les gens de guerre, et pour réprimer les vagabonds, les brigands et gens sàns aveu. Rien ne serait plus aisé que de parer à l'inconvénient qui peut résulter des jugements prévôtauxî, en assu-jettisant les lieutenants de maréchaussée à juger à charge de l'appel au siège du prévôt général, formé par l'assistance de onze juges du tribunal supérieur du département dans lequel il serait établi. La déclaration du 5 février 1731, en attribuant aux officiers de maréchaussée le droit d'informer de toutes sortes de crimes, d'arrêter, d'interroger les coupables, et de 1 es renvoyer ensuite aux juges de la nation, semble ordonner aux officiers de maréchaussée d'être les surveil- J lants des juges ordinaires, qui, par quelque considération, négligence ou faveur, laisseraient "arbitrairement certains crimes impunis; pendant que de leur côté ces juges sont autant de contrôleurs préposés à la révision des procédures des officiers de maréchaussée.
Ainsi, laissant de côté les autres avantages que la sûreté, la tranquillité publique, la liberté individuelle des citoyens et l'économie des finances peuvent retirer de l'existence de la maréchaussée, comme troupe militaire et comme siège de justice, on a tout sujet de craindre que la suppression de ce tribunal né fût très-contràire au bien public, qui seul guida l'illustre rédacteur de la déclaration du 5 février 1731.
En effet, en méditant la sagesse de cette loi, il est aisé d'apercevoir que l'immortel d'Aguesseau avait senti l'indispensable nécessité de stimuler le zèle des officiers des premières juridictions par l'activité d'un tribunal qui, par sa concurrence, peut leur servir d'aiguillon. Sous ce point de vue, la cohservation de la juridiction prévôtale soumise à l'appel èt à toutes les formes décrétées par l'Assemblée nationale, pourrait être envisagée comme un bienfait des représehtan ts de la nation, et la suppression comme un malheur réel pour la liberté, et la sûreté des citoyens. Et dans le cas où les représentants de la nation verraient une nécessité indispensable de la supprimer, il nous semble qu'il faudrait, au moins pour le bonheur des peuples, que l'article 21 de la déclaration du 5 février 1731, qui enjoint aux officiers de maréchaussée de fairè l'information et l'instruction jusqu'au décret inclusivement ét
de renvoyer ensuite aux juges ordinaires, ne pouvant plus alors avoir d'exécution, quelque autre institution semblable pût assurer qu'aucune considération particulière, faveur, négligence, faiblesse ou même avarice de la part des premiers juges, ne, pourraient:jamais donner- l'exemple pernicieux de l'impunité.
L'expérience de tous les âges nous a appris que l'homme qui a le pouvoir de faire exécuter la loi est toujours tenté d'en abuser. La juridiction prévôtale, entièrement assimilée par les formes, même celles de l'appel, et mise en concurrence avec celles des premiers juges, aurait l'avantage, en divisant le .pouvoir, de multiplier les agents de la loi. èt d'assurer son exécution. Si elle disparaît, l'autorité des ; juges sera sans bornes.
Les sièges prévôtaux, formés de tous les juges ordinaires, plus un seul officier militaire dans chaque siège, seraient soumis à ta surveillance des autres tribunaux. De cette surveillance réciproque naîtrait une émulation salutaire, et cet . heureux équilibre, qui fait disparaître tout arbitraire et tout abus de pouvoir.
Nous avons établi dans notre première opinion que la maréchaussée ne pourrait être suppléée dans la poursuite des criminels, par aucune troupe différemment organisée. Elle a l'habitude de suivre la trace des coupables, les correspondances .établies pour découvrir leurs retraites, les moyens de les atteindre et la force pour les arrêter.,Ëntin c'est son, métier, et eile l'a si bien fait jusqu'ici, que la France était le pays du jmpnde le plus sûr, et par conséquent le plus libre. Il faut qu'elle ait intérêt à continuer de le bien faire, ce métier si utile à notre tranquillité. Cet intérêt disparaîtra si rien ne l'anime, et si la maréchaussée, réduite à la seule fonction de saisir nn criminel et de faire un procès-verbal de capture, est privée de tous les moyens d'en assurer l'effet à l'instant où elle; s'en dessaisit pour le remettre, aux juges ordinaires.
Si elle cesse d'être juridiction, ce qui anoblissait son métier, elle ne sera plus qu'un instrument pour arrêter le coupable qui lui sera expressément désigné ; et elle ne sera plus soutenue dans ce. périlleux métier par ce sentiment qui le rendait si honorable à ses yeux, lorsqu'elle pouvait se dire : « C'est à la vigilance .et à l'activité avec laquéllé je poursuis le crime, ifarrête le criminel et je provoque la vengeance légale jusqu'au jugement définitif, que mes concitoyens doivent leur repos et leur sécurité. »
Nous observons encore que dans ce moment d'anarchie où l'on n'ose presque faire justice d'aucun crime*, où la, fermeté des juges est travestie en forfaiture, où dés méchants peuvent s'entendre pour accuser du crime de lèse-nation les juges intègres, dans la vue de lès intimider et d'échapper par leur silence ou leur proscription, à la juste punition que leur courage et leur intégrité auraient provoquée sur des coupables ; dans un tel moment; disons-nous, détruire un seul des moyens qui peuvent servir à réprimer tant de désordres et de brigandages, ce serait non-seulement une grande imprudence, mais une faute irréparable, dont les funestes conséquences araiént toujours en croissant. L'alarme de tous les citoyens serait extrême ti elle serait fondée.
Nous ajoutons que, si contre notre opinion, l'Assemblée nationale se déterminait à supprimer la maréchaussée pour faire faire son service par lés troupes, il nous semble qu'il y aurait du danger pour la liberté, qui se trouverait ainsi à
la discrétion d'un ambitieux qui les commanderait. Parce qu'il dépendra toujours d'un commandant de modifier le service et de relâcher à volonté l'activité des troupes, selon qu'il conviendrait à ses vues que le désordre fût plus ou moins grand dans le royaume. Le militaire n'est pas et ne peut pas être âssez soumis au pouvoir judiciaire et civil pour faire le service que fait aujourd'hui la maréchaussée. Il faut à la loi un corps d'armée à part qui ne dépende que d'elle, et qui veille sans cesse en son nom à notre sûreté individuelle et à la conservation de nos propriétés; qui soit même,, on ose le dire, une espèce de contre-poids à la force militaire toujours trop près de l'arbitraire, et dont il est trop facile d'abuser. La maréchaussée, augmentée et organisée ainsi que no.us l'avons proposé, èst l'institution la plus utile èt la plus belle qui puisse assurer notre tranquillité.
Nous concluons donc à ce que la juridiction prévôtale soit conservée avec les modifications convenables à la nouvelle constitution : en conséquence nous proposons qu'il soit décrété par l'Assemblée nationale :
1° Que les sièges prévôtaux établis et à établir dans toutes les résidences des lieutenants de maréchaussée, ne pourront à l'avenir juger, en aucun cas, en dernier ressort. Que les sentences par eux rendues, seront portées par appel au siège du prévôt général établi près du tribunal supérieur de chaque département, lequel assisté de onze juges de ce tribunal, statuera en dernier ressort, soit en confirmant, soit en infirmant lesdites sentences.
2° Que tous les sièges \prévôtaux, soit en première instance ou en dernier ressort, Seront assujettis à toutes les formes prescrites parles décrets de l'Assemblée nationale, et les anciennes ordonnances non abrogées; pour l'instruction et le jugement des procédures criminelles.
3° Que les sièges prévôtaux seront bornés à l'avenir à connaître concurremment avec les juges ordinaires du vol ou assassinat de grand chemin.
4° Que lesdits sièges prévôtaux connaîtront en outre de tous les crimes commis par les vagabonds, gens sans aveu et sans domicile ou qui auront été déjà frappés du glaive de la justice par des peines corporelles ou infamantes.
5° Qu'ils connaîtront également de tous les excès, et crimes commis par des gens de guerre, tant pendant la marche des troupes, que lorsqu'ils seraient commis par des soldats absents de leurs corps.
6° Que les sièges prévôtaux continueront d'informer de tous les crimes et délits, sans égard à la qualité des prévenus ; décréter, arrêter et interroger les coupables ; à charge d'en délaisser la connaissance aux juges ordinaires dans les 24 heures de l'emprisonnement
lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour 9 heures 1/2 du matin.
Séance du
donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille. Après la lecture de ce procès-verbal, on passe à celle de différentes adresses des villes et provinces du royaume, dont la teneur suit :
Adressetde félicitations j remerciements et adhésion des ofScierSimunicipaux et autres .citoyens de la ville de Guéret, capitale de la Marche.; ils se dévouent sans réserve à concourir de toutes leurs forces à l'exécution des plans et des lois conçus dans la:sagesse de rAssemblée'nationale.
Adresse et délibération de la commune de Pamiers, par laquelle elle adhère avec-transport au decret du 6 octobre, et se soumet à la contribution extraordinaire et patriotique y exprimée.
Adresse du conseil municipal de la ville de Mussidan en Périgord, qui présente à l'Assemblée nationale le tribut de son hommage, de sa reconnaissance, et de son dévouement pour l'exécution de tous ses décrets..
Adresse d,u même genre de là ville de Châlons-sur-rSaône. Ils remercient les représentants de, la nation des soins assidus avec lesquels ils travaillent à la constitution de l'Etat, et les supplient de ne pas se séparer que les nouveaux représentants choisis pour la seconde législature ne soient venus les remplacer.
Adresse du même genre-de la ville de Sainte-Hermine en Poitou ;: elle demande une justice royale.
Délibération de la commune du bourg de Gam-pap: en Bigorre, par laquelle elle offre à la nation la valeur de la. première coupe des sapins de la commune, jusques et à concurrence de la somme de ; 3,000, dont les officiers municipaux sont chargés de faire agréer l'hommage, et d'en verser le montant dans la caisse nationale, au moment que la communauté aura obtenu la permission de vendre la coupe.
Seconde délibération de la même commune, par laquelle, en ratifiant la - précédente, elle augmente la somme offerte de celle de 1,000, dont elle fait hommage pour sa contribution du quart des revenus, avec prière d'appuyer auprès du pouvoir exécutif la demande d'autorisation pour ]a libre exploitation de leur forêt, soit pour reqiplir cet objet, soit pour acquitter les dettes de la communauté,
Adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la ville de Saint-Just-en-Ghevalet en Forez ; elle demande d'être un chef-lieu de district et le siège d'une justice royale.
Adresse du même genre de la ville de Baar en Alsace ; elle jure une fidélité inviolable au Roi et à l'Assemblée nationale. Elle a en même temps arrêté un don patriotique de la somme de. 2,400 livres. Elle demande une justice royale.
Adresse du même genre de la ville de Bize en Languedoc ; elle demande d'être un chef-lieu
de district.
Adresse de la garde nationale de la ville d'Auxerre, portant le titre de légion Auxerroise, présentée par M. Bdurdois'de Champfort, major de la légion , député1 à cet effet ; elle dépose'tous les actes de sa constitution ët dë son1 existence. Pénétrée du respect le plus profond pour l'Assemblée nationale, elle 'jure 'de me jamais ' se désunir, et de soutenir l'exécutiob de tous lès décrets émanés de sa sagesse, jusqu'à la'dêrrtière goutte de sou' sang. Elle supplie l'Assemblée d'ap^ prouver son- établissement, sès délibérations ët son règlement.
Adhésion des conamiine^de la ville d'Aoust et de celles des valléeB d'Êstou, de Côniflahs, dès communautés de Soucy, Royale ét Vlc,'à lâ uélî-bération du 15 novembre, prise par la commune de la viile deSaint-Giroux en Couserans, relativement à la : formation d'un! département ët à l'établissement du chef-lieu dans cette dernière ville. Il en a été rendu compte à l'Assemblée dans le procès-verbal.
Adresse de la garde'nationale de la "ville de Crest en Dauphiné, par laquelle elle déelâre de nouveau se soumettre, avec les sentiments de la plus vive reconnaissance, 'aux décrets émanés et à émaner de la sagesse et des lumières de l'auguste Assemblée; employer, au péril de sa vie, toutes ses forces pour les faire respecter et exécuter, et ptomet: de dénoncer à l'Assemblée'nationale toutes les personnes soupçonnées d'être traîtres à la nation, et ennemies de l'ordre et de la tranquillité publique.
annonce ensuite que M. Fréteau de Sàint-Just, président de l'Assemblée, ne se rendra pas à la séance ; que sa femme est très-dangereusement malade, et qu'il ne peut la quitter dans ce moment. ,,
L'Assemblée paraît fort sensible à cette triste nouvelle, et prie M. Camus, qui remplaçait M. Fréteau de Saint-Just dans l'absence de M. Thouret et de M. de Boisgelm, archevêque d'Aix, de députer. deux de ses membres pour assurer son président, de son, vif intérêt, ët pour savoiç des nouvelles de l'état de madame Fréteau de Sàiht-Just. ,
. M. Camus annonce qu'il a fait choix, pour cette députation, de MM. Gaultier de Biauzat et Le Pelletier de Saint-Fa,rgeau>
On fait ensuite, lecture d'un don patriotique de la communauté des maîtres à danser de la ville de Paris, consistant dans le don de la chapelle de Saint-JuJïen-des-Ménétriers, .avec son mobilier et immobilier, évalués ensemble à environ 40,000 livres.
L'Assemblée applaudit au patriotisme de: cette communauté, et accorde la séance à ses députés. Un d'eux prononce le discours suivant :
Nosseigneurs,
« En qualité dé copimissaires et de débités dè l'ancienne Cothihùn'âUté dès ïùaîtrës dé danse Jjië la ville de Paris,1 nous ' âVohs l'honttéurdlé'totos apporter et de remettre sur le bureau ijfe^ délibération prise en notre assemblée, du 13 du Dré-sent m:oiS', et p^?làqû'ellè nous fàisôns à lâ iratibn le don patriotique de notre chapelle de Saïnt-Julien-dës-Ménéfriers; dont noUs sommes fonda-
teurg et patrons laïques, et de tous les objets mobiliers et immobiliers qui en dépendent.
Nous désirerions, comme bons citoyens, être en état de faire à la patrie des sacrifices plus considérables et plus dignes d'elle; mais nous sommes pauvres, Nosseigneurs; et, à ce titre qui en est un bien puissant auprès des législateurs de la France, nous osons espérer que vous voudrez bien ne pas dédaigner une oifrande qui, pour être modique, n'en est que plus pure.
Puisse cet hommage que notre patriotisme et notre profond respect pour cette auguste Assemblée et pour ses décrets nous ont seuls inspiré, être regardé comme une nouvelle preuve du dévouement de toutes les classes de citoyens à tout qe qui peut contribuer au salut de l'empire français et au maintien de là prospérité publique 1 »
, membre de VAssemblée nationale, et président du grenier à sel de Nemours, offre en.don patriotique la finance de son office, et le prix d'un mois de son traitement de député.
On lit ensuite une délibération de la communauté de Pressigny en Champagne, portant demande d'être autorisée à couper des bois pour un don patriotique, et pour des dépenses nécesr saires, notamment à former un grenier à blé : cette affaire est renvoyée au comité des domaines.
, député d'Agenois, donne sa démission.
, son suppléant, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis à sa place.
Le rapport du comité des finances est à l'ordre du jour, ; mais les commissaires ne sont pas encore rendus dans la séance. .
donne la parole à un membre du comité de judicature.
Je suis chargé par le comité de judicature de vous rendre compte de ce qu'il a fait pour répondre à votre confiance : le comité a fini son travail sur le remboursement des offices de judicature; il vous le présentera quand vous le désirerez : vous aurez alors à décider la grande question de savoir si vous supprimerez les offices ministériels, c'est-à-dire les chargés de procureurs, notaires, huissiers, celles des chancelleries, etc. Le comité se bornera en ce moment, pour détruire une assertion très-exagérée, à vous dire que, d'après les calculs les plus exacts, la finance de toutes les charges de judica-' ture ministérielles et autres monte à 319 millions, suivant l'estimatioD de 1771, et le centième denier pavé en conséquence de cette estimation.
L'Assemblée a renvoyé beaucoup d'adresses au comité, qui en a reçu directement de différentes villes de province; elles contiennent presque toutes la demande d'un siège de justice. Nous avons fait sur cet objet le travail qui nous a paru nécessaire, et nous désirons savoir à qui nous devons le remettre. L'Assemblée jugera-t-elle convenable qu'il soit renvoyé au comité de constitution, ou que nous soyons adjoints à ce comité ? Nous la prions de s'expliquer sur cette qupstion.
La discussion a j été ouverte sur ces deux propositions.
propose de n'adjoindre au comité de constitution que deux membres de celui de judicature, qui les choisirait lui-même dans son
sein, craignant qu'un nombre plus considérable nuisît à l'activité du comité de constitution.
fait la motion que l'Assemblée entende préalablement l'ensemble du travail du comité de judicature, et qu'on lui assigne un jour pour le rapport, après lequel l'on prononcera sur les :questioos précédentes proposées par le rapporteur du comité de judicature : cette motion est décrétée, et ce rapport ajourné à lundi deux heures.
Il est fait ensuite une motion relative à l'ordre dans les tribunes; l'Assemblée ne la prend pas en considération.
M. Treilhard, au nom du comité ecclésiastique, demande la parole pour faire un rapport sur les ordres religieux. Je propose à l'Assemblée de l'entendre.
(1). Messieurs, la régénération que vous être appelés à consommer, doit embrasser toutes les parties de ce vaste empire, parqe qu'il n'en est aucune qui se soit préservée du relâchement et des abus que le temps amène toujours à sa suite- Les ecclésiastiques en ont éprouvé la fatale influence comme ies autres citoyens. -
La répartition vicieuse de leurs revenus, l'organisation non moins vicieuse de plusieurs établissements, la négligence malheureusement si commune dans le choix des titulaires,'les prétentions excessives de quelques ministres du culte, ont depuis longtemps excité de justes réclamations, et la nation attend avec impatience l'heureux instant où le mérite sera le seul titré pour parvenir, où les salaires se trouveront en proportion avec le service, où des règlements sages élèveront des bornes immuables ^ entre les deux juridictions, et préviendront pour toujours ces débats scandaleux qui tant de fois ont fait gémir la raison et désolé notre patrie.
Votre comité se propose de vous présenter successivement ses réflexions et ses vues sur ces importants objets; mais il a cru entrer dans vos intentions en fixant vos premiers regards sur l'état actuel de cette partie nombreuse du clergé qui se glorifie de devoir sa première existence à l'amour de la perfection, dont les annales présentent tant de personnages illustres et vertueux, et qui compte de si grands services rendus à la religion, à l'agriculture et aux lettres : je parle du clergé régulier.
Tel est le sort de toutes les institutions humaines, qu'elles portent toujours avec elles le germe de leur destruction.
Les campagnes, fécondées par de laborieux solitaires, ont Vu s'élever dans leur sein dévastés cités dont le commerce a insensiblement altéré l'esprit de leurs fondateurs.
L'humilité et le détachement dés choses terrestres ont presque partou t dégénéré en une habitude de paresse et d'oisiveté qui rendent actuellement onéreux des établissements fort édifiants dans leur principe.
Partout a pénétré l'esprit de tiédeur et de relâchement qui finit par tout corrompre; la
vénération des peuples pour ces institutions s'est donc convertie, pour ne rien dire de plus,
en un sentiment de froideur et d'indifférence; l'opi-
Le moment de la réforme est donc arrivé; car il doit toujours suivre celui où des établissements cessent d'être utiles.
Mais en cessant de protéger des liens qui blessent plusieurs individus, doit-on rompre la chaîne de tous? En venant au secours du religieux fatigué de son état, ne devez-vous pas protéger celui qui désire d'y vivre encore?
Votre comité a pensé, Messieurs, que vous donnerez un grand exemple de sagesse et de justice, lorsque dans le même instant où vous vous abstiendrez d'employer l'autorité civile pour maintenir l'effet extérieur des vœux, vous conserverez cependant les asiles du cloître aux religieux jaloux de mourir sous leur règle.
C'est pour remplir ce double objet que nous vous proposerons de laisser à tous les religieux une liberté entière de quitter leur cloître ou de s'y ensevelir.
En leur permettant de, rentrer dans le monde, vous n'auriez encore rien fait pour eux, si vous ne leur assuriez pas en même temps le moyen d'y subsister; morts à la société, les religieux n'ont plus de propriétés, plus de successions à réclamer ou à attendre; vous ne pourriez leur donner une-seconde vie sans porter l'alarme et le trouble dans toutes les' familles; ils ne peuvent donc exister que par vos secours : votre comitéivous proposera a cet égard les mesures qui lui ont paru les plus sages.
Vous sentez, Messieurs, que les circonstances fâcheuses qui nous environnent ne permettent d'asslirer aux religieux qui sortiront au cloître, que le simple nécessaire; le vœu dont ils sont liés ne leur permet pas d'exiger davantage; mais le nécessaire est le même pour tous, et nous avons cru en conséquence ne devoir faire aucune distinction entre les religieux des différents ordres ; ils ont tous un droit égal à leur subsis-tance. La différence de l'âge a dû seule nous frapper, parce qu'elle en peut entraîner une dans les besoins.
Cependant les abbés réguliers ne pourraient-ils pas être distingués des simples religieux? Ils ont une administration, une juridiction, une préla-ture; et ces motifs déterminent votre comité à vous proposer pour eux une pension un peu plus forte; ils ne sont pas en assez grand nombre pour que cette extension devienne jamais onéreuse. • *
Quant aux religieux qui resteront dans le cloître, ils ne s'y déterminent que par un amour louable, un vif amour de la règle qu'ils ont embrassée : il est juste d'entrer dans leur esprit; et c'est pour favoriser leurs pieuses intentions que le comité vous propose de les réunir en nombre suffisant pour garantir une exacte observation de cette règle qu'ils chérissent, et de les fixer de préférence dans les campagnes ou dans les petites villes, afin de les rappeler autant qu'il sera possible à leur première institution.
Si des considérations d'un intérêt temporel pouvaient influer sur vos décrets, votre comité vous observerait .que ce nouvel ordre de choses sera utile sous un double rapport : la présence des religieux vivifiera les campagnes qu ils habiteront, et vous acquerrez d'ailleurs la libre dis-
position de leurs terrains situés dans les capitales; ressource immense^ ressource bièn précieuse dans notre position critique.
Quand nous vous proposons de fixer de préférence les religieux a la campagne ou dans les petites villes, nous ne prétendons pas cependant les exclure absolument des villes plus considérables; les maisons qui offriraient de se vouer au soulagement des malades, celles que vous jugeriez dignes de présider à l'éducation publique, ou qui vous paraîtraient utiles au progrès des sciences, mériteront toujours de la faveur, surtout dans les lieux où on manque de pareils établissements.
Sans doute, Messieurs, vous ne refuserez pas à ces maisons, ainsi conservées par des motifs d'utilité publique, le droit et le moyen de sé régénérer; mais dans le moment où tous les regards se tournent vers la liberté, nous sommes loin de vous proposer d'admettre une perpétuité de vœux que l'inconstance des esprits et l'instabilité des choses ne sauraient comporter.
Vous croirez sans peine, Messieurs, qu'en nous occupant du sort des religieux, nous n avons pas oublié d'autres victimes que la faiblesse de leur sexe rend encore plus intéressantes. Elles sont dignes, en effet, de tou.te votre protection; et votre cœur qui, jusqu'à* c« jour, a répondu à toutes les plaintes qu'on vous a adressées, ne sera pas froid et insensible pour elles seules; mais leurs besoins, leurs occupations, leurs goûts, leurs habitudes sont si différents des goûts, des besoins, des habitudes et des occupations de notre sexe, qu'elles méritent un règlement particulier, dont votre comité s'occupe et qui sera l'objet d'un autre rapport.
Il ne me reste actuellement qu'à vous parler de la dotation des maisons qui seront conservées; votre comité a pensé que le moment était, venu d'attaquer la répartition trop inégale des revenus ecclésiastiques, et qu'il fallait fixer à chaque maison le même revenu, à raison d'une somme déterminée pour chaque religieux qui l'habitera. Ainsi disparaîtra ce révoltant contraste, qui offre quelques ordres environnés de tout le faste de 1 opulence, et qui voue les autres à la honte d'une mendicité que vous aurez la gloire de détruire.
Il a paru aussi à votre comité également prudent et économique de charger chaque maison de tous les frais relatifs au culte et des réparations de ses bâtiments. C'est en considération de cette double obligation que nous croyons devoir vous proposer d'assurer aux maisons conservées, 800 livres pour chaque religieux.
Mais comment leur fournirez-vous ce revenu? leur assignerez-vous des fonds, les paierez-vous en argent?
Cette question très-importante se trouve intimement liée à celle de l'administration future de tous les biens du clergé; vous n'avez pas encore décidé, Messieurs, si vous laisserez toujours aux ecclésiastiques l'administration qu'ils ont'eue jusqu'à ce moment, ou si vous vous déterminerez à.ne fournir que des salaires pécuniaires aux ministres du culte.
Un objet si grave a dû nécessairement occuper votre comité, et je ne dois pas dissimuler que les avis y sont partagés. Nous ne pouvons donc que vous proposer de suspendre encore, pour quelques moments, votre décret sur l'administration des biens des religieux ; ils subiront la loi qu'il vous plaira de donner à tous les autres hiens du l clergé.
Vous connaisse? actuellement, Messieurs, l$s, motifs qui ont dicté à vôtré'cùmitè les aniçjqs qu'il croît devoir vous soumettre ' : nia dernière mission est de vpus éh donner %èturé j heureux si votre comité peut se flatter d'avoir rempli vqs intentions, et d'avmr justifié "ta confiance doqt Vpus l'avez honoré :
* Art. 1er. Tpus religieux qui auront fait ides vœux solennels,
dans quelque ordre ou congrégation qii'ils ppissent être, jdéclareront, dan8 frois mois, du
jpur.de la pubH^tipn du présent décret, devant les offipi,ërs municipaux on les juges royaux
dé leur domicile, s^ïs désirent ççs-•sër de vivre soUs la règle dans laquelle jris qpt fait
profession, ou s'ils désirent 4Jf rester
Art. 2. pëUx qui auront déclaré vouloir quitter leur règle, seront, de jse moment, libres de spr^ir de leurs monastères, et de résider où"bon leur semblera, en habit clêricalp sbps la j uridiçtiori de l'évêque diocésain, comme tops les autres ecclésiastiques, sauf ensuite leur Recours àl'autorité ëCclésiastiqué en ce qui concerne le lien spirituel seulement.
Art. 3, Il leur sera payé annuellement,, par quartier et d'avance, savoir : à'tout religieux au-dessoUs dé 50 ans, '700 liv.; 800 liv. depuis 50 ans jusqu'à 6Q ans^ 900 liv. depuis 60 ans jusqu'à Î0 àns, et 1,000 liv. depuis 70 ans, sans aucune distinction d'ordres.
Art. 4. Il sera pàyé annuellement par quartier et d'avance, aux abbés réguliers qui sortiront de leur ordre, une somme de 2,000 livres.
Art. 5. Les religieux sortis du cloître, resteront incapables de toutes successions et dispositions entre-Vifs et testamentaires ; mais ils auront la capacité de disposer du pécule'qu'ils auront acquis depuis leur sortie du cloître, et â défaut de disposition de leur part, leur pécule passera à leurs parents les plus proches.
Art. 6. Ils pourront être employés comme vicaires, et ils seront ipême susceptibles d'être pourvus de cures ; mais, dans ce dernier ' ça§, feur pension demeurera réduite à moitié.
Art. 7. Les religiéux qui auront déclaré vouloir continuer de vivre sous leur règle,' seront placés de préférence dans lés maisons de campagne du même ordre et de la même congrégation, les plus commodes et les plus sain ës, et subsidiairemeut dans les maisons des petites villes.
Art. 8. Pourront néanmoins être conservées dans les villes plps considérables les maisons dont les religieux se voueront au soulagement des malades, où qui seront trouvés dignes de présider à l'éducation publique, ou qu'on jugera capables de contribuer au progrès des sciences.
Art. 9. Les religieux qui auropt déclaré vouloir rester dans leur ordre, pourront en tout temps faire la déclaration, qu'ils désirent en sortir, et quitter ensuite leur monastère, en Observant les formes prescrites par les articles du présent décret ; du momént de lèpr sortie, ils auront droit à la pension réglée par l'article 3.
Art. 10. Le nombre des religieux dans les maisons conservées ne pourra être moindre de 15, non compris le prieur ou supérieqr.
Art. 11. Tous privilèges et èxemptipns accordés à tous ordres et congrégations sont supprimés, et lés religieux assujettis sans exception à la juridiction des, évêques ; le régime des congrégations d'ailleurs conservé.
Art. 12. Les maisons qui seront conservées comme utiles aux sciences, à l'éducation publique et au soulagement des malades, pourront
Seules se perpétuer ; mais les effets civils de la solennité des vœux sont abrogés; en conséquence les postulants qui seront admis, demeureront tqujdprs libres de quitter leur ordre, et capables de successions et donations entre vifs et testamentaires.
Art. 13. 11 sera désigné pour chaque ordre tqui aura des maisons destinées à se perpétuer en consëqueùee de l'apticie précèdent, une maison d'épreuve dans laquelle les postulants passeront le temps prescrit par les statuts avant leur admission.
Art, |4. Lorsqu'une maison saura oessé d'être habitée pépiant trois ans par le nombre de sujets fixé par l'article 10, elle sera supprimée, et les religieux en seront aussitôt répartis dans les autres maisons du même ordre.
Art. 15. Il sera assigné à chaque maison un revenu annuel, à raison de 800 livres par chaque religieux qui X résidera» et en conséquence, la maison sera chargée de toute espèce d'entretien de ses religieux, de tous les frais de culte, et de toutes les réparations usufruitières de ses églises et bâtiments; et la quête demeurera interdite à tous les religieux qui s'étaient maintenus dans l'usage de quêter.
Art, 16. Il pourra être assigné, sur les demandes des administrations de département, un re>-venu plus considérable aux maisons destinées à l'équcation publique et au soulagement des pauvres.
Art. 17, L'Assemblée nationale se réserve de déçréter incessamment de quelle manière sera acquitté le revenu des maisons conservées, comme aussi de décréter la forme d'administration des possessions des réguliers et des autres possessions ecclésiastiques, leur emploi, l'acquit des fondations des établissements qui seront supprimés, ainsi que le lieu et l instant où les pensions des religieux qui sortiront du cloître, commenceront à être payées.
, évêque de Clermont, président du comité ecclésiastique^ prend la parole pour demander que cette araire, vu s?n extrême importance, soit ajournée à une séance du matin,. Il ajoute de plus qu'il fait hautement profession de s'être opposé, cyprès la voix de sa conscience, à plusieurs des articles proposés par ie rappor teur du comité ecclésiastique.
L'Assemblée prononce seulement l'impression dés artîëlesi se réservant de statuer plus tard, sur l'ajournement.
annonce qu'un courrier extraordinaire de Toulon vient dë lui apporter des pièces relatives aux mouvements arrivés dans cette ville; que ces pièces lui paraissent très-importantes. Le vœu de l'Assemblée, recueilli sans délai, est det renvoyer ces pièces au comité des rapports, qui se rassemblera surrfô-champ à cet effet.
, député du Bugey, demande un congé de vingt-quatre à trente jours, pour aller vaquer à ses affaires à Chambéry en Savoie, où sont ses terres et la résidence ordinaire de sa famille. Le congé est accordé.
fait ensuite lecture d'une lettre de M. Necker t qui accompagne l'envoi d'un mémoire que ce ministre adresse à l'Assemblée nationale. 11 est fait lecture de cette lettre conçue en ces termes :
« Monsieur le Président, « J'ai Phonneur de vous envoyer un mémoire d'observations pour l'Assemblée nationale, dont je vous prie dé lui donner connaissance avant lé rapport qui doit être fait ce matin par le comité des finances.
« J'ai l'honneur d'être avec respect, Monsieur le Président,
Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
« Signé : necker. »
Mémoire adressé par le premier ministre des finances à VAssemblée nationale, le
Messieurs, j'ai lût avec beaucoup d'attention et d'impartialité lé mémoire sur lequel l'Assemblée nationale a voulu que je fusse consulté. Je commence par rendre une parfaite justice aux réflexions générales qui servent d'avant-propos à cet ouvrage; elles sont exactes et clairement exprimées, et ce dernier mérite en est un trés-essen-tiel, puisqu'il n'est jarbais séparé d'uné conception nette et d'un esprit d'ordre dans les idées. Considérant ensuite le projet eû lui-même, la preihière objection qu'on peut y faire, objection très-importante sans doute, c'ëst qu'il est uniquement relatif aux avaûces actuelles délia caisse d'escompte, et à l'émissiod des Élillets de caisse dont ces avances ont été le principe L'auteur du mémoire laisse entièrement de côté leô besoins extraordinaires de l'Etat pour l'année prochaine, et qdé plusieurs circonstances générales rendront très-considérables dés les premiers mois. C'ést la réunion de ces besoins à ceux du moment, qui constitue le grand embarras : ainsi, en retranchant la difficulté principale, 1e choix des ressources devenait plus étendu ; et Celles proposées par M. de Laborde, comme beaucoup d'autres dû même genre, eussent été probablement suffisantes. L'on croit cependant, et je suis jde cette opinion, qu'une création de cinquante mille actions nouvelles serait un emprunt trop Considérable pour être susceptible de succès1. Je dois faire observer qu'on a pu être induit en erreur sur l'étendue des ressources qui devaient résulter de la création de ces actions nouvelles, parce qu'on a mal entendu quelques expressions du mémoire dé M. de Laborde : il y est parlé d'un prêt de 250 millions fait à l'Etat; mais ces 250^1-lions devaient être Composés, premièrement des 70 millions déposés par la caisse d'escompté :aû'Trésor royal dès l'année 1787; secondement, des î(jÔ millions d'effets dont le remboursemedt êst suspendu, et qui seraient'reçus pour moitié dans lé payement des nouvelles actions. Or, la remise dë ces 100 millions au Trésor public contre un capital semblable, sur lequel on exige un remboursement graduel, bien loin d'être1 Un prêt, devient une charge anriUelle proportionUëe a l'étendue dé ce remboursement. Il ne resterait donc en véritable Secours nouveau, que les 90 millions destinés' à amortir la créance de la caisse d'escompte.
Le prix de CéS 90, millions reviendrait fort cher, puisque, indépéndammeht de l'intérêt à 5 0/0, on demande l'abandon du bénéfice des monnaies, et une rétribution sur le montant général de tOUs les retenus de l'État.
Je ne m'étendrai pas sur la partie du plan de M. de Labordp 't itend' à manifester les divers
services qùe la Banque pourrait rendre à l'Etat; car il n'en ést aucun qui soit inhérent* à l'établissement de cette banque^ On tient déjà les livres du Trésor royal en parties doubles,* et la réformé générale de la comptabilité ne dépend point de la formation d'une banque. On n'a pas besoin non plus d'un pareil établissement pour faire servir les impositions des provinces au payement des dépenses qui s'exécutent dans les mêmes lieux : une telle disposition est Constamment suivie ; et ce sont des récits d'imagination que ces assertions souvent répétées sur le voyage continuel dé l'argent des provinces à Paris, ét de Paris dans les provinces, du moins pour tout ce qui est relatif aux opérations du gouvernement Si dbnc on sépare des dispositions proposées par M. de Laborde/ ét ce qui existe déjà, et les changements qui, pour éviter le trouble et la confusion, devraient avoitf lieu successivement, on verra qu'il faut se borner à faire d'une banque, un Simple caissier du Trésor public et des différentes administrations de finances. L'imagination est frappée agréablement de voir réunir en un SeUl point toutes les gestions qu'on a peine à rassembler dans sa' pensée; mais l'expérience prouve que S'il est des administrations, soit en recettes, soit en dépenses, qui peuvent être réunies avec convenance, il en est d'autres qui exigent d'être séparées, sous peine de tomber dans le dfr-sordide, et dë donner à un petit nombre d'hommes une tâche au-dessus de leurs forces.
Voùs avez, Messieurs, assez de choses à déterminer, parmi celles dont le retard serait infiniment dangereux : remettons au temps ce qui tient à de simples améliorations sur lesquelles vous ne pouvez être parfaitement éclairés que par les lumières dues à l'expérience. On peut tout mouvoir, tout'changer dans six pages de papier; mais en! action, ce n'est que par une marche graduelle et successive qu'on évite la confusion.
L'auteur du mémoire finit par désirer que là banque soit lé mandataire de l'Assemblée nationale, et devienne responsable de la quotité des payements qu'elle ferait sur les' ordres du Roi, transmis par lés agents de son autorité ; mais, de cette manière, les directeurs d'une caisse devien-draiedt les surveillants et lës censeurs du pouvoir exécutif ; ét comme ces directeurs ne pourraient connaître l'état de chaque compte que sur l'exa1-men et les calculs de leurs teneurs de livres* il se trouverait qu'un simple commis serait, en dernière analyse, l'homme de confiance de la nation, et le répondant de l'exécution de ses décrets.
Je suis parfaitement d'accord avec M. de La-bord é sur lës fâcheux inconvénients attachés à l'admission d'aucuns espèce de billets de caisse ou de monnaie qu'Où né peut pâs Convertir' en argent â Voionté. Les principes qui appuient cette opinion, Sont tellement reconnus aujourd'hui, qu'il n'eSt plus permis d'avoir deux sentiments à cet égard; mais telle est malheureusement la puissance des choses, tel est l'e commandement violent de Certaines circonstances, que les principes généraux, même les plus raisonnables, sont forcés de fléchir un moment. Je dois faire observer cèpendaht que les conséquences des billets non conversibles en argent à volonté, ne peuvent pas être assimilées en tout aux inconvénients généraux des billets de monnaie, lorsqu'une Assemblée nationale les délibère ët les garantit, lorsque leur quantité n'a rien d'excessif, et pardessus tout, lorsqu'on prend des mesures certaines pour les éteindre dans un court tertûe. Les
temps que nous venons de parcourir, ies circon-stancés où nous nous trouvons, n'ont de ressemblance avec rien de connu; et si le devoir d'un ministre des finances ne l'obligeait pas à calmer les esprits, autant qu'il le peut sans manquer à la vérité, il serait aisé de faire une peinture effrayante des coutrariétés de tous les genres dont l'administration est, depuis longtemps, environnée. Arrêtons-nous uniquement sur l'instant présent.
L'Etat se trouve endetté envers la caisse d'es-K compte, non, comme il est dit dans le mémoire de M. de Laborde, par l'effet d'une influence arbitraire, mais par un sentiment louable de la part des administrateurs de la caisse d'escompte, qui, dans l'attente journalière d'un changement favorable à l'état des affaires, ont librement assisté le Trésor royal pour l'intérêt de la chose publique; intérêt étroitement lié à la sûreté des transactions particulières. Mais, au lieu de voir arriver des jours plus sereins, selon l'espérance commune, l'orage a grossi chaque jour. Cependant, ce qui se. présente aujourd'hui à nos regards, c'est 120 millions de billets circulants, et un épuisement journalier d'espèces; c'est une balance de commerce tellement dérangée par une complication de circonstances malheureuses, que dans plusieurs pays étrangers les écus de France sont plus abondants que la monnaie du prince ; c'est, au milieu de nous, une incertitude et des alarmes destructives de tout crédit; c'est une agitation partout, qui se change aisément en insubordination, et donne des moyens faciles pour se soustraire au payement des charges publiques ; c'est enfin le décri de nous-mêmes par une multitude de brochures qui attaquent tantôt les hommes et tantôt les choses, et qui s'attachent à ébranler jusqu'aux pilotis propres à soutenir l'édifice chancelant de la fortune publique. On a besoin d'un peu d'opiniâtreté dans l'amour du bien, pour résister -à toutes ces difficultés. Les moyens qui peuvent servir à entretenir le désordre et la défiance, sont presque innombrables; au lieu que pour maintenir des liens et des principes qui se relâchent, il faut être constant dans . les mêmes soins et dans les mêmes inquiétudes, et succomber quelquefois sous l'oppression d'une unique pensée. C'est au milieu de toutes ces circonstances qué nous devons non-seulement chercher à nous acquitter de 90 millions dus à la caisse d'escompte, mais qu'il faut se procurer encore des ressources pour les besoins de l'année prochaine; besoins qu'on peut évaluer à 80 millions, et qui sont susceptibles d'augmentation, par l'effet de plusieurs contrariétés indiquées dans mon mémoire du 14 novembre. Les droits supprimés ou réduits par vos délibérations, les droits et les impôts que l'on tarde à payer ou qu'on ne paye point, forment un vide qui ne pourra jamais être rempli d'une maniere effective à compter du 1er janvier prochain. Ce n'est pas non plus à partir de cette date que le déficit ordinaire sera balancé : les anticipations, quoique infiniment réduites, engagent encore, pour l'année prochaine, un capital considérable; et toute la partie de ce capital qui ne sera pas remplacée par une quotité équivalente de nouvelles négociations, formera une augmentation de besoins. Enfin, les receveurs des tailles, les receveurs des gabelles, des aides et plusieurs autres, avertis, les uns par vos délibérations décisives ou préalables, les autres par des motions ou par des mémoires accueillis dans votre Assemblée, croient à la suppression de leur état, et voudraient, pour cette
époque, se ménager les moyens d'être débiteurs d une portion de leurs recouvrements, afin de se rembourser, par forme de compensation, de la finance de leurs charges ou de leurs fonds de cautionnement. Les receveurs généraux des finances, qui ont fait en 1786 une avance de 10 millions, sous le nom de prompt payement, avance qu'ils ont renouvelée tous les ans depuis cette époque, désireraient, avec de justes motifs, ne la pas continuer plus longtemps, parce que plusieurs considèrent l'année 1790 comme le dernier terme de leur existence. Il résulte donc de ces diverses circonstances et de toutes les craintes, de toutes les combinaisons personnelles qui en sont la suite, une réserve générale, très-préjudiciable au service du Trésor royal ; et à la place des facilités que les gens d'affaires ont accordées dans tous les temps aux opérations journalières des finances, on ne voit plus qu'une tendance universelle à se soustraire aux événements. Tout cela est naturel, et l'effet inévitable d'une transition dont l'histoire ne fournit point d'exemple. Les choses se remettront sans doute avec le temps ; le zèle honorable d'un grand nombre de municipalités, et plusieurs traits particuliers de patriotisme, sont un grand motif d'espérance :* mais les peines du moment présent n'existent pas moins dans toute leur étendue; et tandis que les uns ont pour unique tâche de montrer de l'esprit et des idées sur les grandes questions du gouvernement et de l'administration, les autres sont en misérable guerre avec les chiffres, avec les effets d'un déficit considérable, avec le défaut de crédit, le manque de numéraire, la disette des grains, avec les besoins de tous genres, et encore avec les intérêts personnels animés par la crainte ou la défiance, avec les résistances et les insurrections populaires, et de plus prés, avec les faux jugements, les perfides insinuations, les atroces calomnies; enfin, avec les inquiétudes de la veille, du matin, du soir et du lendemain. Certes, la différence est grande, et mérite quelque secours ou quelque pitié.
Je reprends mon cpurage et j'excite le vôtre; il faut, Messieurs, se tirer de nos difficultés; mais attaquons-les en front de bandière, et non en nous divisant par les influences dangereuses de l'amour-propre, des prétentions, des jalousies, et de tous ces destructeurs de l'unité si nécessaire à la force et à la victoire.
J'ai déclaré, pour donner l'exemple de cette marche, que je ne tenais point avec affection à toutes les parties du plan que je vous avais proposé, et j'ai cherché le premier à me rapprocher des idées auxquelles on m'a montré quelque attachement. Je dirai plus, un retard qui depuis l'époque où j'ai conçu ce projet, jusqu'au moment de la publicité d'un décret nécessaire, serait probablement de cinq ou six semaines; ce retard rend convenables plusieurs modifications, puisque pendant l'intervalle déjà parcouru, plus de 8 millions en espèces sont sortis de la caisse d'escompte, puisque, dans le même temps, on a attaqué de son mieux ia confiance aux ressources qui vous ont été présentées, et que rien n'a plus besoin du secours du crédit, que des billets donnés pour suppléer momentanément au défaut absolu du numéraire. Enliu, comme je suis persuadé que, par-dessus tout, il faut du concert, il faut de l'harmonie, et que la division d'opinion entre les gens en état d'aider la finance de leurs moyens, division ajoutée à tant d'àutres, serait dommageable à la chose publique,1 j'ai cherché, avec le plus grand intérêt, un point de réunion;
et le résultat vous sera proposé par le comité que vous avez nommé pour conférer avec moi. Ma confiance en lui m'empêche de regretter que, faute de temps, et par le désir d'être exact au jour que vous aviez assigné pour entendre son rapport, il n'ait pu m'en donner qu'une connaissance imparfaite.
On m'annonce un grand concours de la part des personnes dont les moyens paraissent les plus efficaces, et l'on prend une sorte d'engagement de rouvrir, le 1er de juillet prochain, le payement des billets de caisse à bureau ouvert. Il ne faut pas s'arrêter à un petit surcroît de dépensejpour arriver plus tôt à ce but si désirable. D'ailleurs, dans le projet nouveau, on renonce à toute rétribution annuelle de la part du Trésor public; on assure un secours de 80 millions pour les premiers mois de l'année prochaine; on maintient en même temps la caisse d'escompte; on vous ménage le moyen d'être justes envers ses actionnaires, et on satisfait en général la plupart des intérêts, autant du moins que les circonstances peuvent le permettre. J'avais beaucoup désiré que pendant l'intervalle où le payement des billets dé caissé ne pourra pas encore être fait à bureau ouvert, on eût attaché une prime ou un intérêt aux billets de caisse; mais on a trouvé plusieurs difficultés dans l'exécution ; et les efforts que l'on va faire pour hâter là reprise générale des payements ont rendu moins essentielle la condition sur laquelle j'avais longtemps nsisté.
Si vous approuvez, Messieurs, ce qui vous sera proposé, il ne restera plus qu'à faire de son mieux pour le succès, et pour dispenser ensuite les ressources qui en résulteront avec tout le ménagement possible; car il ne faudra pas se croire encore riche. Enfin, s'il survient de nouvelles difficultés, nous chercherons à les vaincre, et nous laisserons dire ceux qui croient ou qui répandent, sans le penser; qu'au milieu des circonstances où nous sommes, on peut tout arranger, tout prévoir, tout dominer à la fois.
Permettez-moi, Messieurs, d'insister fortement auprès de vous sur une disposition d'autant plus fondamentale, qu'elle intéresse généralement et la confiance dont on a besoin, et la morale dont les législateurs et les gouvernements ne peuvent jamais se passer : cette disposition est relative aux mesures qu'il est instant de prendre pour assurer le payement des assignats destinés à la caisse d'escompte, et qui doivent servir de gage particulier aux billets de caisse. Je dirai plus : vous ne pouvez légitimement les autoriser qu'à cette condition. Il ne suffit pas même que les assignats soient acquittés à l'échéance qui leur sera fixée ; il faut employer tous les moyens possibles pour accélérer leur paiement, et pour faire connaître avec évidence les ressources effectives qui doivent y être appliquées.
Celles qui peuvent résulter de la contribution patriotique se déploient lentement. Les déclarations dans Paris ne se montent encore qu'à 8 millions; il est vrai que le dernier terme accordé pour ces déclarations n'étant pas expiré, on peut attendre encore, sans être exposé à aucune invitation personnelle. Les nouvelles des provinces annoncent des dispositions favorables; mais l'incertitude qui règne dans presque toutes les fortunes, sert tantôt d'obstacle, et tantôt de prétexte à des retardements. Tout se ranimera, je n'en doute point, dès qu'on verra distinctement et de plus près le salut général de la chose publique, n veut bien l'aider, mais on veut aussi que ce
soit efficacement, et l'on désire que chacun y concours : il faut avoir de la condescendance p oui-ces combats et * ces agitations, et bien espérer cependant du dernier résultat. Ce qui doit servir à tout, Messieurs, au crédit public, à la confiance des particuliers, à la tranquillité des créanciers de l'Etat, à l'affermissement des fortunes, et aux divers biens qui en sont la suite immédiate, c'est que vous ne tardiez pas à fixer vos dernières déterminations sur l'ordre général des finances Ce n'est pas à vous, Messieurs, à être intimidés des difficultés qui restent encore à vaincre; et, j'oserai le dire, si vous pouviez prêter à un bon ministre des finances vos forces et vos lumières, ou s'il pouvait vous transmettre l'accélération qui tient à l'unité de-conception et d'exécution les affaires générales dont chacun s'inquiète, seraient promptement arrangées.
Il vous reste, Messieurs, vous le savez, deux déterminations définitives à prendre : l'une concerne l'établissement d'un parfait équilibre entre les revenus et les dépenses fixes; l'autre, le remplacement de la partie des impôts compris dans ces revenus, et dont vous avez décrété ou voulez décréter la suppression.
Je vous ai indiqué par mon mémoire du 24 septembre, de qu'elle manière le déficit ordinaire pouvait être comblé ; et par le préambuléde votre décret du 6 octobre, vous avez adopté les premières bases que je vous avais présentées.
Les nouveaux examens que j'ai faits, et ceux entrepris par votre comité des finances, ne laissent pas le moindredoute sur la facilité que vous aurez à former, par de simples retranchements économiques, un revenu fixe supérieur aux dépenses fixes. Je crois aussi que vous aurez le choix entre différents moyens, pour remplacer les impôts dont vous désirez d'affranchir les peuples ; et l'on s'exagère les difficultés en redoutant, comme on le fait, le dernier résultat de vos dispositions. La contribution de tou tes les personnes et de tous les biens à l'imposition, connue jusqu'à présent sous le nom de taille, et l'assujettissement au clergé au vingtième et à la capitation, produiront, je le crois, une somme de nouveaux recouvrements dont l'étendue surpassera l'attente commune; et d'autres ressources peu onéreuses viendront encore à votre pensée, dès que vous vous occuperez essentiellement de cet important objet. Le public, en se livrant à de grandes inquiétudes, ne fait pas attention que, dans le nombre des droits dont vous méditez la suppression, plusieurs pourront être remplacés par d'autres de même genre, mais sous la surveillance de chaque administration provinciale : condition qui suffira pour les adoucir, soit en réalité, soit en imagination. Il est instant seulement de fixer l'opinion, et d'arrêter le cours des présages funestes auxquels beaucoup de personnes s'abandonnent. Tout le monde perd à des retardements. Ceux qui ont confié leur fortune à l'Etat, s'alarment lorsqu'ils voient la dégradation des revenus publics; et ceux qui auraient supporté avec reconnaissance le remplacement d'un emploi onéreux, ne pensent plus de même, lorsque ce remplacement arrive longtemps après le moment où ils ont été affanchis de l'impôt qui les importunait: car il suffit d'une courte habitude pour envisager son état présent comme une possession dont la moindre altération paraît ensuite un. dommage pénible, et quelquefois injuste. Vous ne devez pas perdre de vue, Messieurs, qu'en destinant momentanément, comme vous l'avez fait, au soulagement d'une partie des contribua-
bles le produit entier (le l'impôt des privilégiés, il se trouvera que, dans'le même espace de temps, ils: auront joui d'une fortè fêductîdn sur" l'éttr taillé'ordinaire; ils auront payè*'lé sel, les uûs à moitié, les autres au quart de l'ancien prix, les aiitrës en fràndhise absolue, et que dans plusieurs lieux, par des excès, suite d'uné fausse espérance; ils n'aufont point payé' de droits d'aide. On ne passe pas aisément d'une exemption considérable a de nouveaux assujettissements; il est dô'nc essentiel d'éclairer prbmptenient les peuples sur les rapports durables de leur Contribution aveè les besoins dël'Etat, âfin qu'ils né sé livrent pas à des' calculs dont le dérangement lès rendrait malheureux. Vous allez avoir de grands moyens pour tout, Messieurs, par l'établissement d'administrations provinciales que votis avez si soigneïisèment concertées. Lé Roi réfléchit déjà,'avec line satisfaction digue de son cœur, à tout le bien Qu'elles pourront faire à ses peuples, si, connue Oh doit l'espérer, elles s'établissent avec ordre et aved trâPcjuillité, èt si, comme vous le penserez après avoir écarté les défiances du temps présent, défiancés que les dispositions naturelles d'Un excellent Roi doivent vous àider à dissiper, vous mettez votre ouvrage sous là protection effective du monaràue, en ne perdant jamais dé vue qu'il faut un pdint dè réunion à tant'dé parties épar-ses, èt erV Vous souvenant qu'il n'est rien de cohstâm nient durable, sans uhe alliance d'aùaour, de confiance et dé 'bdnheiir, entre toutes lès forces qiii doivent veiller sur la destinée et sur la gloire d'un grand empire.1
Plusieurs membres demandent l'impression du mémoirède M. Necker. —- L'impression est ordonnée.
, M. Lecouteulx de Çanteleu a la parole pour faire le rapport des commissaires nommés pour Vexamen des projets de banque, et conférer, à leur sujet, avec le premier ministre, des finances, et les administrateurs dp la, caisse d'escompte.
, député de. la ville, de I\o,uen (1). Messieurs, vous nous avez' chargés d'examiner le projet de banque qui vous a été proposé par M. de Laborde, de Iq. comparer avec l'ensemble des projets qui vous ont été présentés, par, le premier ministre, des finances, de, conférer à çjesujpt ayeç ce ministre, et aveç les. administrateurs de la caisse d'escompte.
Nous* n'avons rien négligé pour jiistifierla confiance dont, vous, nous avez honorés, nous n'avons pas cessé de nous livrer au travail dont vous nous avez imposé la loi,; lèaconférences que nous avons eues ont, été longues et multipliées; nous y avons appelé des personnes Çptyiréps, qui, ne tiennent pas à la caisse d'escompte ; nous avons cherché la. lumière, de, toutes parts, et discuté, toutes les opinions,avec le sqjp, et mêjme le scrur pule que vous aviez droit d'exiger de, nous.
Les principes qui ont été professés, dans cette Assemblée sur l'organisation des, banques publique, et particulièrement sur, la; caisse d'escompte ont constamment guidé votre, comité dans ce long travail.
Mais il a dû en même temps, se mettre sous les, yeux la pénible position où se, trquvq
actuellement le Trésor public, et saisir d'un coup d'oeil assuré les.besoins de l'année 1790.
Il n'a pu sempêcher de convenir néanmoins qtfen attendant l'établissement corùplet et paisible de la nouvelle organisation du royaume, le remplacement dès impôts qui' seront supprimé^ la perception biéh assUréè des revenus publics, il ne fallait exiger aucun dès moyens dont on pouvait faire usâgé poUr Continuer provisoirement le service 'du trésor national.
C'ëst après avoir' senti l'importance de ces différentes Considérations, què le comité a examiné le plan du premier' ministre des Finances,' et a icomparé'les movens, qulirprésènte à cèUx offertW dans le plan de M. dèLâbordè.
Le comité ne croit point devoir analyser ces deux plané ; ils sont assez connus, il ne dôit en présenter que les résultats.
11 faut d'abord sépafér du plan de M. de Laborde ce qui h'én fait pas essentiellement pàftié sous lé point dé vue vèrtj lequel lé comité s'ëst particulièrement diri^V c^lu| dé" trpuvér avëc convenance pour lé Trésor hationâl, et avéfc le 'moins d'ihçùnvéniehts pourlàchtls.e publique, les secodrs dont' Oh' a' besoin. ""
Toutes les dispositions qui peuvent tendre à des Réformes importantes et nécessaires dahs la comptabilité actuelle, doivent se faire dans tous les'Ctis, et poùrroht s'appliquer à Tà caisse nationale aussi bién qu'à la banque. '
Lé comité a d'âbôrd observé que M. de Laborde en supposant lés fonds de la hôuvë^é bànqueV dont ira Cbnçu le plan, réalisés au prèmier àvriÉ ne'doit retirer de la circulation que dans le couj$ ae trois mois les '90 millions de billets de là caisse d'escompte que lé Trésor royal aura répandus dànis le public, au *premier jahviër prochain, et qui constituent les àvahces'qûi ïùi âû* ront été faites successïvetriéut contre dés dëré'ga-tiohs sur la Côhfributioû ' patriotique," èt" ifSe M. de Laborde propose lui même d'ordonner qdë jusqu'au prèmier avril les billets de là caisrsë d'fisSconlptè qui ne sëràieht pas Retirés "par lâ bahqrié, continuent d'être reçus èommè'cbmptànf daiis tôufès les càisèes publiqUês èt prîyêéfeV
Ce comité a ensuite ôbsèrvê què ieé fonds de cette nouvelle banque exigeaient uû emprunt de 200 millions au m'oins, etp'lu's vfaisèmblàblémehf de 500, parce q[u'i'l faudrait le' Consentement des actionnaires dé la caisse d'escoihpte pour fondre' lpur Çàpîtal dans Celui dé là hbliVèllè bahqiiei' qui he'présentèrait pas à èés actionnaires un iti.-térét de leurs fonda, assuré dans une proportion égàlë à celùi 'doiit jouissent les actions dé l'àn-(jienne. Et votre comité a remarqué qué si, d'un qôté, la loi impérieuse des circonstances' fait 'fléchir M; dé'Laborde sur la sévérité des'prihèipês qu'il a établis) puisqu'il ' pfoposé lui-mêmif dé proroger l'état dé éubëéànèë dolnné à la'ëâissë' d'Escompte'jtîsqu'au 1er avril, de l'autre'1 cëpeh-' daht il ne vous retiré pas I de* l'incertitude' qa'ilè, laquelle vôiis êtes sqr la réalisation des 'fdiïdé capitaux qui doivent, daiis l'un oh Tautré plan,' ré-auiré ou àméliorér1 la cîrCdlàtf6!n! dès billé'ts dè Caisse. 200 millions, et èiicoré'plttë 300, s'ont plùif difficiles à réaliser que- 50; cette difficulté aug-' menté, lbrâdu'eh rêstiltat* les cinq si£iêmés°du capital f doivent être verfcés' ëntre leè mains au gouvérnemeht,aihsiqûele!propôSeiM!.de Laborde.
Votre comité à observé que la combinaison de laisser encore trois mois de Vie à l'ancien établissement, n'est évidemment qu'une Condescendance forcée pour éviter le danger d'un retrait subit des éléments dë la circulation actuelle ; qu'elle fait craindre une illusion à laquelle il ne convient pas de sacrifier le crédit dont jouit encore la caisse d'escompte, et la confiance d'habitude que le public a pour ses billets, comme cela pourrait arriver par la comparaison non. raisonnée qui pourrait être faite entre la caisse qui payerait à bureau- ouvert sur Une petite émission de billets; et eelle qui, sur une grandi émission, ne payerait que partiellement.
votre comité a reconnu que le succès de la banque proposée' par M. de Labordë, considérée comme banque de secours, tenait principalement à la supposition que là totalité de. ses actions serait débitée,, puisque. si, au lieu d'en placer 75,090, il ne pouvait en rendre que 60,000, il S'en faudrait dë ld millions1 qu'il ne pût effectuer au Trésor publie le dépôt qu'il a offert, et qu'il n'aurait pas un-denier pour faire l'escompte ; c'est-às-diré que la nouvelle caisse d'escompte n'existerait pas; et que cependant l'ancienne serait décriée et détruite.
Enfin, Ocetipê comme vous' de l'intérêt des finances de l'Etat, votre comité a encore observé, que là nouvelle banque, eût-elle complètement débité ses- actions, ne pourvoirait pas aux 80 millions dont le Trésor royal ak besoin pour les dépenses- extraordinaires de 1790, et qui doivent compléter les-170' millions de secours qui vous ont été demandés par le.ministre.
M. de Labordë, partant du principe, quele pliiS puissant des^ agents- est une1 bonne circulation, n'a. porté' des vues que Vers elle, et avait espéré que le rétablissement de la circulation pourrait1 fournir des ressources suffisantes; mais votre comité a jugé que-l'on ne pourrait pas. mettre au hasard, dfe si grands intérêts, et qu'il y aurait dë l'imprudence a se fier uniquement à1 ces' ressources'éventueHes.
Daprès ces différentes4 considérations, vofré comité a été naturellement conduit & reconnaître la nécessité de maintenir et' deconserver la caisse d'escomptè'pour ne- pas compromettre les secours publics• et particuliers qu'on peut en obtenir1; mais alors il a dû examiner plus sévèrement4ë plan du premier ministre des nnances', et se r.en1-dre, compte d© l'ôbjection principale qui a étë; faite4 contre l'émission d'un papier qui ne serait pas-payable à; vue : il1 a. dtt alors se pénétrer' des: principes1 qui ont été professés darisucette Assemblée, et p)us particulièrement développés dans les1 discoursj et* les1 opinions' de Ml le'comte1 de Mirabeau, de M, l'évêque d'Autun et de M. dë1 Labordë* '
Votrecomité a-dû examiner: si, en'adoptant les différentes dispositions que'propose lë premier ministre. des finances, lès; billets oui seraient successivement répandus dàns le public auraient en effëti tout lë- caractère1 du papier-monnaie.
Une- simple, réflexion a singulièrement- affaibli, aux- yeux dé votre* comité, les1 objections qu'on a faites sur la prolongation de l'état où se trouve la caisse.Jd*èscomptëi Tout lë monde est d%ccord sur! lès4- principes; mais l'application1 nous en* a paru1 trop-sévère* dans- les circonstances.
Il' n'y a pas de° doute, aibsi que l'observé M. de Labordë, que la base dë là confiânce dii publie dans1 les'billets de;banque,* est1 là pèrsua1-sion que lès fOnds de la banque sont tellement employés, qu'elle pourra toujours les réaliser de
manière à faire face aux dëmândes qui lui seront faites. Mais serait-il déraisonnable dé dire que ceux quiôht reçu ces billets dépdis lë mois de j uin 1789, n'ont pu être induits dans la confiance que ia caisse d'escompte était en état de payer ses engagements à présentation; que depuis cette époque il a suffi poUr' accréditer ses billets dans les mains de ceux qui en sont devenus porteurs, que leur valeur entière së trouvât déposée à la caisse,.et qu'il n'y aurait rien à perdre pour eux, mêmë dans un état de liquidation.
Votre comité a pensé, Messieurs, que ce raisonnement aurait plus de force à l'égard de ceux qur ont reçu directement ces billets du trésor royal. Personne û'ignore aujourd'hui qu'il n'a. pu subvenir aux besoins les plus pressants de l'État qu'en foiSant ses payements eUbilletS de la caisse d'escompte. Si les créanciers directs du trésor royal avaient été bien inquiets sur la valeur et le remboursement final des billets de caisse qui leur ont été donnés en payement, convaincus, comme' ils' ont dû l'être, qu'il n'y avait aucun moyen de les payer autrement, ils pouvaient et peuvent encotfe échanger ces billets contre des engagements' du Trésor royal, à un terme moins indéterminé. Cet échange, en. même temps qu'il tranquilliserait' leurs inquiétudes,, serait un acte de confiance patriotique danS- le Trésor public, qui'aurait, Un mérite très-hpno!râble dans les circonstances présentés. D'ailieUtS il ri'est peut-être aucun porteur des' U'41 millions de billets actuellement en • émission, qui, soitf à raison' des 9 millions que cette caisse paye en èciis par chaque mois, soit1 à raison de la fadilM qu'ils ont individuellement de' réaliser leurs billets en espacés avec une, légère rétribution» n'ait donné une confiâncë fondée â ces1 billets, û^ailleurs, on peut soupçonner, Messieurs, avec quelque fonde1 ment, que 1er sacrifiée de cëtte , rétribution est enlevé' aux: propriétaires dès billets encore plus, pa'r l'effet d'odieuses manœuvres' et d'une coupable cupidité', que par celui d'ùhé méfiance publique.
Cependant, Messieurs, votre comité a été vivement frappé de la nécessité de, dohner éncorè plus dë confiance aux billëts de la caisse d'escompte, d'ouvrir* plusieurs moyens dé retirer de la circulation ceux que lès besoins piiblïfes obligeraient d'y mettre, et d'offrir a leurs, porteurs différentes manières dé lès plâcër avantageusement.
Il a senti profondément qu'en, adoptant le projet deM;. lë'prëmier ministre des finances, il ne fallait pas perdre dé vuë le but essentiel du travail-estimable' dë M. dë' LàboMë, et remplir sès louables' intentions pour dopner à' la circulation une! meilleure' basé qUë celle sur' laquelle on est forcé de la: soutenir aujourd'hui. Votre comité â donc reconnu la nécessité impérieuse, dé n'accepter, même du zèle dès administrateurs et des actionnaires de là caisse d'escompté, qUé dés se-: cours provisoires1; de les réstreindi:e autant qu'il serait possiblev et' dé rendre,,dans lë plus court délai que les circonstances pourraient permettre; la caisse d'escompte â sès fonctions naturelles de' banque de' secburS uniquement destinés au commerce, et aux conditions de son engagement fondamental, de payer toujours à vue et a, toute quotité" dès sommes demandées.
Votré comité a pensé qu'il fallait .chercher les véritables ressources1 dé la nation'cliez' la natioii elle-même; n'employer le service, de la caisse d'escompte que jusqu'à ce' que'vous ayez pu mettre en activité lesnioyehsque vous offrent'encore
la position et la richesse de l'Etat ; ne pas faire dépendre uniquement le salut public de celui d'une banque qui ne pourrait suffire à l'assurer, et sauver au contraire la banque par le bon ordre des finances, par l'étendue, la force et la nature des secours extraordinaires que vous procurerez à jîelle-ci, par la sagesse et la fermeté des mesures que vous prendrez pour rendre ces secours efficaces et supérieurs aux besoins dont la patrie est assiégée.
Ces différentes considérations ont plus particulièrement fixé l'attention de votre comité sur les assignations ou rescriptioUs qui pourront être 0 délivrées à la caisse d'escompte contre ses avances. M. le premier ministre des finances vous a dit, Messieurs, qu'il importait aux principes de fidélité parfaite, qui doivent être la règle de conduite d'une nation, que les assignations ou rescriptions sur lesquelles la caisse d'escompte fera des avances au gouvernement, soient dirigées, non-seulement sur un recouvrement réel, mais encore sur un recouvrement dont le produit ne soit, ni engagé par d'autres assignations, ni nécessaire même aux dépenses de l'Etat. Il vous a proposé, Messieurs, d'instituer une caisse particulière, dans laquelle seraient versés tous les fonds extraordinaires qui proviendront, soit de là?contribution patriotique, soit des biens-fonds du domaine royal et des'domaines ecclésiastiques dont la venté serait déterminée, soit enfin de la partie des droits attachés à Ces deux propriétés, et Jont l'aliénation ou lé rachat serait pareillement prescrit ou autorisé.
Nous vous prions, Messieurs, de ne pas perdre de vUe cette caisse & extraordinaire, et les moyens d'y verser des. fonds considérables, suffisants pour libérer l'Etat, et qui ne soient pas onéreux pour la nation. Cette caisse ne doit pas être bornée à satisfaire aux assignations que vous donnerez en échange des avances de la caisse d'escompte, elle doit pourvoir à des besoins plus étendus et non moins urgents, dont nous avons à vous parler.
Nous vous proposerons dans un instant d'accorder toute votre attention à cette sage pensée de séparer nos dépenses ordinaires et durables, de celles qui sont extraordinaires, et qui doivent cesser de pourvoir aux unes, par les revenus réguliers, les impositions et les droits, aux autres par les efforts et les ressources, et de montrer à la nation ce terme où elle n'aura plus besoin de celles-ci.
Mais au moment actuel, dans la périlleuse urgence du provisoire qui vous est demandé, Messieurs, par le premier ministre des finances, depûiS le 14 novembre, vous ne balàncerez pas à conserver encore, pour soutenir l'édifice ébranlé, les appuis dont vous avez fait usage, et vous . réunirez contre le danger qui menace à toutes les heures tout ce que vous avèz sous la main. Nous nous occuperons donc en premier lieu de cette disposition, et c'est sous ce point de vue que nous vous présentons avec Confiance un projet où vous reconnaîtrez les bases du plan du premier ministre des finances, combinées avec les idées ingénieuses de M. de Làborde. Ce projeta été considéré sous toutes ses faces, à un grand nombre de reprises, et tous ceux qui peuvent y concourir ont été consultés plusieurs fois sur tous ses détails. Nous osons vous promettre de leur part la réunion de volontés, qui paraîtront devoir en assurer l'exécution.
Nous devons commencer par vous répéter, Messieurs, que si Vous consentez à vous servir
provisoirement du papier delà caisse d'escompte, vous ne faites autre chose, en retardant l'époque de ses payements, que vous donner à vous-même le temps de vous acquitter vis-à-vis d'elle.
Au lieu de créer un papier-monnaie, dont les remboursements ne pourraient s'effectuer que dans plusieurs années, comme il a été proposé par quelques personnes, vous conservez, par une mesure provisoire, l'espérance, et toutes les probabilités d'éviter cette calamité par les moyens efficaces qui ramèneront le crédit et la confiance.
Mais ce qui doit vous déterminer, Messieurs, c'est le danger évident de changer totalement, et avec précipitation, les éléments de la circulation d'une ville aussi peuplée, où le calme est nécessaire au succès de vos travaux. La certitude que les billets existants au l®r juillet, seront payés à vue, ne peut manquer d'en soutenir le cours jusqu'à cette époque.
Nous n'avons jamais pensé non plus, que l'urgence du moment d,ût vous déterminer à prendre des engagements qui pussent contrarier vos projets ultérieurs sur les finances.
La caisse d'escompte ne vous demande ni garantie nationale, ni litre, ni privilège.
Voici maintenant, Messieurs, les principales bases auxquelles nous nous sommes arrêtés.
Vous ordonnerez que les billets de la caisse d'escompte continueront d'être reçus en payement dans toutes les caisses publiques et particulières, jusqu'au 1er juillet 1790, époque qui sera fixée poUr la reprise des payements à bureau ouvert, s qui ne pourra être retardée par quelque cause que ce soit.
Les administrateurs espèrent que le rétablissement du crédit, et le retrait des billets en circulation, leur permettra de devancer ce terme, et ils ne s'arrêteront à aucuns sacrifices pour remplir ,cet engagement.
La caisse d'escompte fournira au Trésor public, d'ici au 1er juillet, 80 millions de billets; ainsi le gouvernement lui devrala somme de 240 millions.
Il s'acquittera vis-à-vis d'elle, en lui remettant:
1° 70 millions d'annuités, à 5 0/0 d'intérêt, auxquels on ajoutera la somme convenable pour rembourser le capital en vingt années.
2° 170 millions en assignats, de 1,000 livres, sur le receveur de l'extraordinaire, portant intérêt à 5 0/0, et payables à compter du 1er juillet 1790, à raison de 5 millions par mois; et du 1er janvier 1791, à raison de 10 millions par mois. .
La caisse d'escompte ayant aujourd'hui 120 millions de billets en circulation, et devant en fournir 80 millions de plus, doit considérer la masse de ses billets comme de 200 millions.
Elle en retirera 150 dans six mois, par les moyens suivants :
Elle sera autorisée à créer 25,000 actions nouvelles, payables par sixième chaque mois, à
compter du 1er janvier, moitié en argent ou billets de caisse,
moitié en effets qui seront désignés.
Elle négociera pour 100 millions d'annuités ou billets d'achats, suivant,les facilités qu'elle pourra trouver. Enfin, elle s'arrangera, d'uqe manière ou d'une autre, à retirer de la circulation 150 millions de ses billets.
Il n'existera donc plus dans le public, au 1er juillet, que 50
millions de billets;«et la circulation, les échanges, les payements ordinaires des banquiers
et des négociants employent ordinairement cette somme.
Il faut observer de plus, que l'anéantissement des 150 millions de ces billets aura commencé .à rétablir le cours des espèces.
Mais ce qu'il est plus important encore de remarquer, c est que le décret de l'Assemblée
nationale; qui aura fixé le terme de la suspension des billets, et la connaissance des moyens
considérables que la caisse aura pour y parvenir, opérera inévitablement une hausse dans les
changes. Toutes les traites à trois mois, faites dans l'étranger, à compter du lar avril,
écherront après le 1er juillet, et seront nécessairement payables en écus; ce qui donnera à
la caisse des moyens pour faire, dès le 1er avril, les opérations
nécessaires pour se procurer une masse de numéraire pour l'ouverture des payements.
Le dividende de la caisse sera fixé à 6 0/0. Les bénéfices excédants resteront en caisse pour former un fonds d'accumulation.
Lorsque ce fonds sera de 6 0/0 sur le capital, il en sera retiré 5 qui seront ajoutés au capital, et le dividende continuera d'être payé à 6 0/0 sur le nouveau capital.
Cette méthode est absolument nécessaire pour détruire toute espèce d'agiotage sur les dividendes, et pour prévenir le désordre que son influence pourrait entraîner dans les opérations de la caisse.
Il restera donc dans le portefeuille de la caisse au 1er
juillet, 140 millions, tant en assignats qu'en annuités, et 50 millions d'effets royaux.
Dans le cours des six derniers mois 1790, elle en négociera la valeur de 25 millions pour
faire au 1er janvier 1791, une répartition de 500 livres sur la
totalité de ses actions, qui ne seront plus alors que de 3,500 livrés recevant toujours
l'intérêt à 6 0/0 sur ce capital.
La même opération sera répétée quatre fois, et dans deux ans le fonds de la caisse sera réduit à 100 millions comme aujourd'hui; mais il sera divisé en 50,000 actions de 2,000 livres.
Si vous décrétez, Messieurs, la vente de 400 millions de biens-fonds, qui va vous être proposée par votre comité, il sera nécessaire qu'elle s'engage à ne point mettre d'autres assignats en émission que les 170 millions donnés à la caisse, jusqu'à ce que celle-ci ait repris ses payements. La concurrence d'une nouvelle émission ne manquerait pas de contrarier la négociation nécessaire pour retirer les billets de la circulation.
Voilà, Messieurs, les combinaisons par lesquelles nous avons cru possible de pourvoir aux besoins de l'année prochaine et de ramener à une époque invariable le rétablissement de la circulation des espèces. Elle est bien éloignée, sans doute, mais étant au moins connue, l'imagination inquiète ne pourra plus s'égarer dans le calcul des probabilités.
Tel est, Messieurs, le plan auquel votre comité s'est arrêté ; les éléments en ont été combinés par M. de Laborde, et il est le résultat de l'accord de la majorité des membres avec toutes les personnes que vous leur avez enjoint de consulter.
Vous voyez que, comme projet de banque et d'emprunt, il embrasse toutes les conditions qui peuvent en assurer le succès : emploi utile des effets suspendus, intérêt suffisant pour les acquéreurs d'actions, intérêt modéré pour la nation qui, par toute autre voie, ne pourrait pas se procurer un secours semblable sans une dépense beaucoup plus forte, précautions pour diminuer la surabondance des billets, par le placement avantageux en actions, en annuités, en assignats, qui sera sans cesse offert aux porteurs, selon la variété de leurs vues et de leurs spéculations; facilité pour la caisse, par les négociations que ces différents effets la mettront à portée de faire
dans les provinces et chez l'étranger, de reprendre plus promptement ses payements à bureaux ouverts ; possibilité que cet événement heureux ait lieu avant l'époque indiquée ; libération d'un fonds mort à charge à l'Etat, inutile à la banque; remboursement progressif de la moitié des actions , qui ramènera la banque à ses justes bornes.
Votre comité croit devoir ici qualifier bien clairement les avances qui seront faites au Trésor public par cette caisse. C'est un emprunt réel de 170 millions. Dans les circonstances actuelles, il n'est pas de votre prudence d'en hasarder vous-mêmes le sort ouvertement. Vous ne voulez pas non plus créer de papier-monnaie ; vous vous servez, Messieurs, d'un intermédiaire. Cet intermédiaire est une association: d'individus qui ne vous donnent pas des écus, mais ils vous donnént de bonnes obligations, des billets qui ne peuvent être payés à vue, il est vrai, suivant leur énoncé, parce que 170 millions de valeur que vous donnez en échange exigent nécessairement, en faveur de cet intermédiaire, qui, en réalité, s'en charge à forfait, un intervalle raisonnable pour la négociation de vos valeurs.
Yous ordonnerez que ces obligations, ces billets aient cours jusqu'à une époque déterminée, et cependant on ne serait pas fondé à dire que vous donnez cours à un papier-monnaie.
Des obligations, des billets donnés par une compagnie qui a 100 millions de fonds pour répondre de ses engagements, et qui se soumet à un accroissement de capital, en proportion des nouvelles avances qu'elle va vous faire, ne peuvent avoir le caractère du papier-monnaie.
Des obligations, des billets donnés par une compagnie qui, pour faire face à 200 millions d'engagements, aura incessamment 400 millions de valeurs disponibles, ne peuvent être considérés comme papier-monnaie....
Des obligations, des billets donnés par une compagnie inconnue jusqu'à ce jour dans la capitale, dont toutes les forces vont être dirigées par une réunion de moyens, à l'extinction la plus, prompte de ses engagements, qui se fait la loi de les payer à vue, au 1er juillet 1790, ces obligations, ces billets, disons-nous, n'ont pas le caractère du papier-monnaie.
Elles ne peuvent avoir ce caractère enfin, lorsque cette compagnie en acquitte pour la valeur ae 300,000 livres par jour, et qu'elle pourra animer ses payements par le concours des efforts et des moyens de crédit que sa nouvelle association doit produire.
Mais toutes ces espérances et tous les avantages que nous promet le plan que nous venons de vous présenter seraient illusoires si vous ne pouviez pas donner un appui solide aux assignats, et si, pour fonder ceux-ci, pour leur assurer la force et l'attrait nécessaires, vous ne faisiez pas usage d'un moyen plus curatif, d'un plus grand remède aux maux dont vous êtes entourés.
Vous ne connaissez pas encore, Messieurs, toute l'étendue de ces maux : indiqués vaguement, ils ne vous ont fait qu'une légère impression.
Rappelez-vous que M. le premier ministre des finances, dans le mémoire qu'il vous a lu le 14 novembre, vous a prévenu qu'en acquittant les engagements pris avec la caisse d'escompte, le 31 décembre, ies besoins de l'année 1789 s élèveraient à 90 millions, et que les dépenses extraordinaires pour l'année prochaine peuvent être évaluées à environ 80 millions; mais qu'ensuite il vous a fait considérer plusieurs circonstances
qui peuvent rendre ces besoins beaucoup plus considérables.
Votre comité croit, Messieurs, qfufil est de son devoir de les: développer sans illusion.
« Vos besoins seront plus grands, dit le ministre, si les anticipations sur l'année 1790, quoique infiniment réduites, ne pouvaient pas être renouvelées complètement » ; et nous savons que l'on ne peut en renouveler qu'une- partie sur la ferme générale-, presque aucune sur les autres branches des revenus; et vous désirez, votre comité désire comme vous, que les revenus ordinaires de l'année 1794 soient entièrement fibres; que les anticipations, s'il en avait été fait, soient remboursées aux porteurs par un-fonds extraordinaire ; qu'un fonds extraordinaire soit appliqué,. s'il; est possible* & les prévenir.
« Vos'beseins seront plus grands, si le remplacement de la diminution du produit de. la ga-belié tfétait pas effectué; à commencer du Ier jan-viër prochain », et nous savons que le- produit de cet impôt ne pourra être remplacé' entièrement dàns,les premiers mojsdë. 1790; nous savons qu'il en sera de même si vous prononcez la suppression des droits, d'aides, et qirèn. général toutes les impositions indirectes éprouvent une diminution qui s'étendra nécessairement sur l'année 1790;
« Vos besoins, seront plus considérables si, à coiflçqpncer du l*r janvier, l'équilibre entre lës revenue et lès dépenses n'était pas encore établi dans son entier » ; et vous n'avez pas encore déterminé la sommefixe des dépenses. 11 est possible qu'en lës fixant' avec la rapidité que lë temps vous commande,, votre zèle vous livre à des pror jets, et à;des, espérances d'économie qui ne pourraient être réalisés,.. Nous ignorons d'ailleurs si l'organisation des assemblées administratives de départements, de distriets et de municipalités pourra être assez rapide pour assurer prompte-ment àjanation la jouissance d'un revenu suffisant.
««Vos* besoins seraient encore pluSr grands,, dit encore le premier ministre,, si le payement-de l'année qi^jinaire des droits, et, des impositions essuyait des retards », et nous savons:,,Messieurs, que les rôles ont été et seront faits beaucoup plus tard, qu'à l'ordinaire. Nous savons même que nos décrets successifs, sur cette- matière ont. contribué à reculer la confectioni de-ces pôles.
Evaluez; Messieurs;, le revenu dont L'Etat peut être'privé) par ce retard dans les premiers/ mois* de l'année prochaine, évaluez la perte sur les gabelles et les aMes^ évaluez les méprises qui peuvent avoir lieu dans le calcul des recettes; et aesulépenses; évaluez ce que peut coûter le projet salutaire en soi» d© rejeteirles anticipatibns; sur unh fonds extraordinaire. Cm évaluations réunies vous présenteronteune massede besoins qui pourront1 excéder de 200 millions Jai aomme que demande lepremier ministrevdeeflnanees. Joignez-y la nécessitéde rapprocher de 33 millions le payement des ; rentespour * que j la contribution patriotique puisse produire les secours- qu'on doit en -attendre; etpourquela pénurie universelle! du numéraire n'arrête pas-le» succès de toutes nos combinaisons ;• et vous reconnaître®, Messieurs, que vosvbeaoHiSipouTTaientimonter à'!^}^ millions, etvousn'avez dans ce calcul rient pour un fondsi d'amortissement, rien pour les? déposes? impréf vues; cependant c'est sur lefondsidiamortisse-menbetsur celui qui doit être consacré aux dépenses imprévues que s'assied le crédit: des
nations, que s'établissent leuit considération politique et leur puissance.
Tels sont vos besoins imminents, pesez-les et voyez ce qu'ils ont dû donner d'inquiétude à votre» comité.
Votre comité, Messieurs, n'a pas perdu courage^ Il savait que vous ne le perdriez pas.. Il savait que l'engagement qui vous lie est celui de sauver l'Etat. Il savait que les représentants de la nation française auraient aussi promptemenfc calculé leurs ressources! qne la nécessité: qui en commande l'emploi.
Il a pensé, vous penserez que, dans cette- situation effrayante, vous ne pouvez pas vous arrêter aux palliatifs ; que vous êtes obligés défaire-de grandes choses, et que les; dispositions provisoires qu'il vous:a proposées doivent s'allier nécessairement; à celles qu'il sera indispensable' d'adopter pour la restauration générale dës fi-' nances de la nation qui espère en» vous.
La grande difficulté; Messieurs, de: donner un bon: plan; de finances & un Etat épuisé vient de ce que les fonds manquant aux combinaisons, les projets n'ont plus de base, ou se bornent à rétablir l'ordre dans la comptabilité sans ouvrir aucune nouvelle source de-revenusi Votre comité a reconnu avec douleur l'insuffisance, lesinconvé-»-nients, l'incertitude des ressources qui lui; ont d'abord été présentées. Il a tout: écouté;, tout discuté); l'expression du zèle mérite toujours une; attention sérieuse :: à plu® forte raison. quand c'est; celle d'un zèle très-éclairêi
Nous avons approfondi, Messieurs, l'expédient! des suspensions de payement sous les différents déguisements; et) avec: tous lesi adoucissements dont elles sont susceptibles. Notre respect pour la,justice et pour les principesde l'Assemblée nationale nous a promptement déterminés à rejeter un remède honteux qui serait le pire de tous les maux, qui. serait lai dernière1 ressource d'umdê-* sespoir dans lequel nousi n'imaginons pas que noire- nation puisse jamais tomber.
Nous avons ensuite examiné laigrande question; du vrai papier-monnaiei qu'on ne cesse d'indiquer? à notre zèle comme le plusi sûr moyen de régé-nérer les finances; mais encalGulantleseffetsde ce numéraire fictif: qui» promet un& si' prompte* abondance, nous; avons reconnu qu'il-achèverait deresserrer ou d'extraire dn royaume son numé-raireréel; qu'un papier sans hypothèque et sans terme, qui nfayant aucune responsabilité imnié* diate, présenterait; le facile expédient d'en i étendre à volonté la» création; n'inspirerait aucune^ confiance ; que l'opinion n'attacherait aucune valeur à une monnaie imaginaire ; que le; crédit no renaîtrait point du discrédit ; enfin, puisqu'il fàut prononcer ce mot justement repoussé par votre loyauté- et votre patriotisme, que&le papier-mon^ naie n'empêcherait point la banqueroute:, mais serait lui-même une banqueroute qui fèraife retomber sur tous les propriétaires; ep sur tous! les consommateurs: cette calamité si justement redoutée;
La Gonfiance dont vous nous avez honorés* Messieurs* nous oblige demettres»Qus vosyeu& toutes ces fatales conséquences. Ce n'est point eu se contentant de* parler? avec; horreur de la» banques-route que Itom parvient» l'éviter :*un^ un particulier; ne- s'acquitte point par des systèmes; ni par des protestations de bonnevolontév on ne paye qu'avec de l'argent ou aveu des valeurs. L'argent-nous manque, et jusqu'à présent let papier qui en tiendrait lieu n'a aucune base solide^ ; de* sorte que la nation est toujours mena-
cée du désastre que ses représentants veulent" éviter.
Que faut-il dope faire, dans le moment où nous n'avons point d'ârgènt, oÛ nous n'avons pojpi de crédit, où nous ne voulons, ni ue pouvons continuer d'engager nos ré venus, où nous ypulpns, au contraire, les Jibérer? Il faut faire cé que font tous lés propriétaires qui ont de la probité et qui Se trouvent dans un cas semblable : il faut aliéner ïçs héritage? il faUt en aliéner assez pour D'être plu? expose? a ce que les besoin? impériepx dgs finances puissent venir encore une fois nous distraire des travaux qui doivent compléter rétablissement et l'organisation de notre constitution. Si les fonds' étaient au-dessous des besoins de l'année 1790, çé serait un grand mal, car l'ordre dans les finances né pourrait se rétablir entièrement ; si, au contraire, vos moyens'présentaient quélque«excédant, ce sprait un grand b|en, car votre comité dès financé? yoùs a prouvé, dans son jiejrnier rappp^t, qu i] resterait à cet excédant une foule Emplois aussi pressants qu'utiles, et la probit^, la responsabilité du ministre yoqs rér-pondent qu$ cpt usagÇ utile J'excédant ferait fait : elles vous garantissent fies abus.
'Nous avons à no.trç disppsitiqn deux espèces de biens-fondai"
Premièrement, ceu? qu'on appelle domines de la qauxonney que l'on regardait autrefois comme inaliénables, qu^nd Ils devaient suffire à la dépense de nos rois ët de leur famille, et que la raison dit qu'il? sont devenus'' aliénai)les dès le moment ôù la nation s'est chargée de pourvoir avec respect, aype îjtmpur, avec abondance, et dans une prpportiçsn ip|inimeqt plus forte que i celle qui serait indiqué par la valeur dés domaines, àj l'entretien du monarque et de la famille auguste dont tous les pripees, selon l'ordre successif que la çônsst(tu]ti,ou a établi, pnt droit à pouvoir régner un jour, sur les Français.
Gette rçssource, Messieurs, est indiquée par tous le?, cahiers ; op y lit que les; domaine? sont aliénables avec l'aveu de la nation, inaliénables sans elle.
Un décret peut déclarer l'ajiénabilité de ces domaines et eh ordonner la ventq;' mais votre comité..doit vous préyenir, Messieurs, que la pru-depçe exige que le? forêts en soient exceptées.
Dans Pétat ^r^reté où sont, en Françe, les bois de construction et dè chaùffage, et après les dégâts "qu'ils viennent dernièrement d'essûyeri et que vous avez si sagement senti la nécessité de réprimer par un de vos derniers décret?, les forêts sont un des immeubles, les plus précieUx de la France et celui dont! nous devons le plus désirer la conservation et L'amélioration. Il serait dàngereux de.les livrèr à l'intérêt particulier de propriétaires pressés dp jouir; elles doivent, être régies par lés assemblées' administratives de départements et de districts.
Votre comité ^bît vous prévenir encore quë les autres biens du.domaine de la, couronne, quoiqua très-précieux,'sont d'une valeur fort inférieure à la Somme qu'exigent leséngagementsi et lesl besoins extraordinaires de l'Etat.
La seconde espèce de biens-fonds que vous avez à votre disposition sont le?. Romaines ecclésiastiques. Vous pouvei disposër- d'une partie d'entre eux pour, le salut de l'Etat, èt L'exemple dés siècles passas vous y autorise autant qu& le décret què vôUs âvéz porté !sUr cette mâtîèré. 1
Mftig cet^iOP^ration, dppt, vou? pouvez dèçr;éter la dispositipn prinfiip^lQ, dèrpande, ponrys,op,ëxér: cuifon djéiinifife," que; ^qus vous cpplormiez. à
l'esprit et à la lettre de votre décret du 2 novem-prë derpiér, c'est-ârdïre que vous preniez les mesures nécessaires pour subvepir aux dépensés du culte, à Pep.t>rëtien des punistre? dés ,anlels et au soulagèpienj; des pauvre?, (jL'après tes instructions et les rensej^néipents qui yous seront donnés par les assemblées adipijnistratives des départements,' et c'est l.e premier travail que vous devez demander à ces assemblées qui ne sauraient être trop prompteepent mises en activité.
En vous proposant dë profiterVà cet égard, de tous lës moyëns' de bienfaisance et d'utilité pu? blique qui vous ont étf, et qui vous seront préparés par vos décrets, votre comité ne doit pas Vous dissimuler que lle sentiment unanime qui» pour sauver la patrie, a fajt jeter les yeux sur jes 'domaines pcclésiastiques et spr cep$ de la couronne, a été diversement modifié par quelques? Uqs de ses membres.
11 en est Qui ont pensé qu'il ne faudrait pas aliéner tes biens dont on a la qispo§ijtioq, et dont on n'a point prononcé formellement que ta nue propriété appartient à la nation, mais seulement créer et hypothéquer sur pux des annuité?. Leurs observations, très-ingénieuses et trè?-pbilbso-phiques, auraient fait la plus grande impression sur votre comité, si le besoin de l'Etat eût été moins urgent.
D'autre? membres de votre comité, ont jugé que pour rendre pffieace et prochaine quelque dispOr sition que ce spît des domaine? ecclésiastiques, il était nécessaire d y porter un esprit d'union ét de pai,x ; d'intéresser le? ecclésiastiques à rendrë yq? opérations plus promptes et plus profitables,, loin de leur laisser aucun penchant à les çoptrarier ; de faire donc avec eux un§ sorte de çonyentiou amiable, en raison de laquelle Le même décret qui disposerait, pour secourir l'Etat de ia quantité de piens ecclésiastiques nécessaires à ?es besoins présents., disposerait de même des autres biens ecclésiastiques, en faveur des bénéfices et autres établissements auxquels ils sopt actuellement attribués, et prît rengagement de ne faire .minais, poupée' service de l'Etat, au-: çune autre aliénation de domaines ecclésiastiques. Ceux de vps commissaires qui ont ainsi envisagé la circpnstanpe: actuelle, doivent vous proposer (m projet de décret rédigé dans cet esprit.
Nous devons, yous prévenir que ces membres ont discuté ce décret e|t professant avec sévérité les principes de notre constitution. Aucun de vos commissaires n'a balancé, à établir avant' tout,, que l'abolition des ordres, et la réunion des individu? qui les composaient, sont la base fondamentale de notre constitution ; que. tous nos travaux deviendraient illusoire? si jamais le système de l'ancienne division de trois ordres pouvait prévaloir. En effet, Messieurs, ce retour n'est heureusement plus- possible. Le clergé était intéressé à former un ordre particulier dans; le royaume» quand Lt joiuissait 4 exemptions ; mais depuis que les privilèges; pécuniaires sont abolis, le. Qlçrgé ne pourrait riea gagner, s'il, conservait encore, cette vaine prétention ; iL est in-téressjé iuij-môme a ne> plus foemer un ooeps dansL l'EtjaL
Plus, votre, comité s'est pénétré de la grande et urgente, utilité de la ressource qui lui étaèiï pro.-posée, plus il s'est persuadé qu'il est de*La sagesse de. l'Assemblée, nationale d'en préparer l'emploi avec un concert, qui peut sml; le rendre profitable à l'Etat. Il est donc- du plus grand, intérêt pour la. chps$ publique, que les ecclésiastiques secondent daps ces circonstances l'Assemblée nationale, et
vous avez droit de l'espérer de leur zèle patriotique. C'est ce qua pensé la majorité de votre comité qui, remarquant à quel poiût les divisions d'ordres sont déjà effacées, et combien l'Assemblée nationale est essentiellement une, a jugé que ses décrets seraient toujours l'expression de la volonté générale, et que, sanctionnés par le Roi, ils ne rencontreraient jamais d'opposition.
La seule difticulté qui ait paru mériter l'attention particulière de votre comité, est celle de l'hypothèque déjà établie sur les domaines ecclésiastiques en faveur des créanciers du clergé.
Vous déciderez, Messieurs, dans votre sagesse, si vous pouvez lever cette difficulté en déclarant que l'hypothèque de ces créanciers devenus ceux de la nation, et dont la créance générale et particulière qui né monte pas à 200 millions sera transportée sur les autres biens ecclésiastiques, et y sera suffisamment assise, surtout lorqu'eile a, en outre le gage de ces biens, la garantie de la nation entière qui a étendu cette hypothèque à tous les autres biens et revenus.
Quel que soit le parti que vous adoptiez pour la forme, la nécessité de trouver une ressource extraordinaire n'est pas douteuse, elle est extrêmement instante ; le décret qui doit y pouvoir, suffit pour assurer le salut public.
Lorsque vous aurez décidé que les domaines de la couronne, à l'exception des forêts, une quantité de domaines ecclésiastiques, montant jusqu'à une valeur estimée à 400 millions seront mis en vente sous la forme et sous les conditions que vous réglerez incessamment, et que les deniers en seront versés dans la caisse de l'extraordinaire, et applicables aux dépenses extraordinaires de l'année 1790, vous pourrez procurer à la nation la jouissance anticipée de ces valeurs. Il suffira pour cela de créer, sur la caisse de l'extraordinaire, des assignais de 1,000 livres chacun, en quantité suffisante pour égaler le prix de la totalité des ventes que \ous aurez jugées nécessaires, et d'attribuer à ces assignats un intérêt de 5 0/0 ; ils pourraient être retirés en cinq années ; leur remboursement serait d'autant plus assuré, que le produit de la contribution patriotique s'y trouverait Consacré en entier, et 250 millions de biens-fonds vendus en cinq années suffiraient avec la contribution patriotique pour qu'il ne restât plus un seul assignat. 11 est possible que les ventes surpassent cette somme; il est même vraisemblable qu'il en sera ainsi, et que le remboursement ne sera pas cinq années à s'effectuer.
Il se ferait le plus communément sans émission de deniers, et sans dépense pour le Trésor royal par la livraison des biens-fonds, dans la vente desquels on mettrait pour conditions qu'ils seraient payés en assignats, en concurrence avec de l'argent.
Vous en donneriez à la caisse d'escompte en échange de billets, par lesquels elle aurait fourni le secours provisoire de 170 millions dont 90 pour solder ce qu'elle a fourni à l'Etat eu 1789, et 80 pour les premiers mois de l'année prochaine. Le premier ministre des finances a résolu, nous a-t-il dit, « de n'employer cette somme que s'il ne peut pas l'éviter, et qu'avec la plus sévère parcimonie » ; il a désiré, non sans raison, que le cours des dépenses du service public ne fût pas exposé à être interrompu, mais il s'est réservé de ne faire que le plus faible usage qu'il serait possible de la ressource qu'il a demandé à être autorisé à chercher dans la caisse d'escompte.
Quant à celui-ci dont on doit louer le zèle, et qui n'a pas besoin d'un vain titre, mais d'un bon gage, sa fcréance et celle des porteurs de ses billets une fois appuyées sur des propriétés foncières, auraient un degré de solidité, et 'inspireraient iine confiance qui ne pourraient que hâter le rétablissement de la circulation. ;
Vous verriez en même temps les dépenses ordinaires et les recettes ordinafres du Trésor public, que votre comité vous supplie de déterminer incessamment, cesser d'être accablées et dérangées par le poids des dépenses extraordinaires et de l'arriéré ; l'état des finances deviendrait clair et intelligible pour tout le monde. L'ordre de comptabilité que M. Dupont vous a proposé le 24 septembre, et que M. de Laborde vous a développé avec de nouveaux détails, et les plus utiles dispositions, pourrait être institué; il mettrait le ministre, le Roi, l'Assemblée nationale à portée de connaître chaque semaine, et s'ils le voulaient, chaque soir, la véritable situation des affaires publiques, le bilan de la nation.
Le tout dépend d'établir un parfait équilibre entre les recettes et les dépenses ordinaires, d'en bien séparer l'extraordinaire et l'arriéré, d'appuyer le remboursement de celui-ci sur un fonds ample et assuré, de tenir les comptes tant de l'ordinaire que de l'extraordinaire, comme les négociants et les banquiers font celui de leurs affaires.
Ce plan, Messieurs, est d'une telle simplicité ; il porte sur une base si solide, que votre comité croit pouvoir répondre*du succès. Il a puisé dans vos principes et dans les discussions auxquelles vous vous êtes livrés, la plus grande partie des vues qui l'ont déterminé.
L'accord des volontés et des intérêts doivent être, Messieurs, le but de tous les bons citoyens. Notre zèle patriotique doit épargner àtfEtat, nous épargner à nous-mêmes de grands malheurs: la paix et l'abondance n'attendent que vos dispo- " sitions et l'expression solennelle de votre volonté, pour consolider et accréditer la caisse que vous .destinez aux recettes et aux dépenses de l'extraordinaire. La capitale et la France entière y ont placé leurs espérances ; il ne peut plus y avoir à balancer entre les malheurs qui naîtraient de nos débats, et les immenses avantages que la paix nous promet.
C'est dans cet esprit que votre comité va vous soumettre deux projets de décret, et il désire que son travail ait votre approbation comme son zèle.
, de Nemours. Je rappelle la discussion du plan proposé par votre comité et de celui développé par M. de Montesquiou. M. le marquis de Montesquiou vous propose de créer du papier qui durera sept ans, au lieu de papier qui durerait pendant six mois, c'est-à-dire qu'il veut vous guérir de la peur par la mort. Ce papier serait reçu dans les caisses publiques, et pourrait être refusé dans le commerce. Quel désordre ne résulterait pas de cette cause?
M. le duc de la Rochefoucauld propose de donner une hypothèque spéciale. Le comité croit que c'est une chose très-utile, et l'a comprise dans la réserve des conditions des ventes, faite par un article du projet du décret.
DÉCRETS de l'Assemblée nationale, sur les finances.
L'Assemblée nationale a décrété et décrète :
1° Que les billets de la caisse d'escompte continueront d'être reçus en payement dans toutes les caisses publiques et particulières jusqu'au iw juil-
let 1790 et qu'elle sera tenue d'effectuer ses payements à bureau ouvert, à cette époque.
2° La caisse d'escompte fournira au Trésor public, d'ici au 1er
juillet prochain, 80 millions en ses billets.
3° Les 70 millions déposés par la caisse d'escompte au Trésor royâl, en 1787, lui seront remboursés en annuités*, portant 5 0/0 d'intérêts, et 3 0/0 pour le remboursement du capital en vingt années.
4° 11 sera donné à la caisse d'escompte, pour ses avances de l'année présente et des six premiers mois 1790,170 millions en assignats surla caisse de l'extraordinaire, ou billets d'achat sur les biens-fonds qui seront mis en vente, portant intérêt à 5 0/0 et payables à raison de 5 millions par mois, depuis le 1er juillet 1790 jusqu'au l,r juillet 1791, et ensuite à raison de 10 millions par mois.
5° La caisse d'escompte sera autorisée à créer 25,000 actions nouvelles, payables par sixièmes, de mois en mois, à compter du 1er janvier prochain, moitié en argent ou en billets décaissé, et moitié en effets qui seront désignés.
6° Le dividende sera fixé invariablement à 6 0/0 le surplus des bénéfices restera en caisse, ou dans la circulation de la caisse, pour former un fonds d'accumulation.
7° Lorsque le fonds d'accumulation sera de 6 0/0 sur le capital de la caisse, il en sera retranché 5 pour être ajoutés au capital existant alors, et le dividende sera également payé à 6 0/0 sur ce nouveau capital.
8° La caisse d'escompte sera tenue de rembourser à ses actionnaires 2,000 livres par action, en quatre payements de 500 livres chacun, qui seront effectués le lep janvier 1791, le 1er juillet de la même année, le 1*» janvier 1792, et le 1er juillet 1792.
l'Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit:
Art. 1er II sera formé une caisse de l'extraordinaire, dans
laquelle seront versés les fonds provenant de la contribution patriotique, ceux des ventes
qui seront ordonnées par le présent décret, et toutes les autres recettes extraordinaires de
l'Etat.
Les deniers de cette caisse seront destinés à payer les créances exigibles et arriérées, et à rembourser les capitaux de toutes les dettes dont l'Assemblée nationale aura décrété l'extinction.
Art 2. Les domaines de la couronne, à l'exception des forêts et des maisons royales dont Sa Majesté voudra se réserver la jouissance, seront mis en vente, ainsi qu'une quantité de domaines ecclésiastiques suffisante pour former ensemble là valeur de 400 millions.
Art. 3. l'Assemblée nationale se réserve de désigner incessamment lesdîts objets, ainsi que de régler la forme et les conditions de leur vente, après avoir reçu les renseignements qui lui seront donnés par les assemblées de département, conformément à son décret du 2 novembre.
Art. 4. Il sera créé sur la caisse de l'extraordinaire dès assignats de 1,0U0 livres chacun, portant intérêt à 5 0/0 jusqu'à concurrence de la valeur desdits biens à vendre, lesquels assignats seront admis de préférence dans l'acbat desdits biens. Il sera éteint dësdits assignats, soit par lesdites ventes; soit par les rentrées de la contribution patriotique, et par toutes les autres recettes extraordinaires qui pourraient avoir lieu, 100 millions en 1791, 100 millions en 1792, 80 millions èn 1793, 80 millions en 1794, et le surplus en 1795.
Lesdits assignats pourront être échangés contre toute espèce de titres de créances sur l'Etat en dettes exigibles, arriérées ou suspendues, portant intérêt.
Je demande que le rapport soit imprimé afin que tout le monde puisse l'étudier dans son ensemble.
(L'impression est ordonnée.)
Le rapport dont vous venez d'entendre la lecture a été adopté par la majorité de votre comité, mais ies membres de la minorité ont présenté un contre-projet que je ferai connaître à l'Assemblée si elle le désire.
On ne peut refuser d'entendre aucun décret, mais si celui ou ceux dont parle M. Lecoulteux n'est proposé que par la minorité, il ne peut être lu au nom du comité.
, de Nemours. Un projet de décret a été proposé par un membre ecclésiastique, et adopté par la minorité du comité, mais le comité lui-même a désiré que 1a lecture en fût faite à l'Assemblée.
prend les voix et il est décidé que la lecture aura lieu.
Projet de décret proposé au comité des dix par quelques membres de ce comité.
L'Assemblée nationale considérant que la prospérité du royaume et la stabilité ,de la constitution dépendent principalement du rétablissement de l'ordre dans les finances, et qu'un bien si désirable né peut s'opérer que lorsque, par l'extinction totale des anticipations, des dettes exigibles et de l'arriéré de toutes les caisses et de tous les départements, le Trésor public dégagé pour toujours de ces charges extraordinaires, sera sans cesse vivifié par une recette supérieure à la dépense;
Considérant que la renaissance du crédit public, la circulation du numéraire, l'indépendance de l'Etat envers les compagnies de finances qui l'asservissent, et les avantages inappréciables d'une confiance universelle, seront le prompt et infaillible effet de cette aisance du Trésor public, laquelle rendra possible tous les genres de biens que les précédents décrets de l'Assemblée nationale ont préparés;
Considérant que l'épuisement des peuples ne leur permet plus de fournir les ressources extraordinaires dont l'Etat a besoin pour se libérer du fardeau de cette dette particulière à laquelle nuls fonds libres ne sont assignés, et qui, portant à faux surla masse des revenus publics, réduit sans cesse le gouvernement à des opérations également onéreuses pour le royaume et insuffisant au Trésor national ;
Considérant que les représentants de la nation ayant fermement résolu de combler ce déficit, apperçoivent de puissants secours dans le produit de la contribution patriotique, ainsi quë dans le retrait et l'aliénation des domaines du Roi; mais que la source la plus abondante de la régénération des finances doit se trouver dans les décrets de l'Assemblée nationale relativement aux biens du clergé;
Considérant que, par son décret du 2 novembre dernier, elle a déclaré que les biens du clergé étaient à la disposition de la nation, à la charge, par elle, de fournir aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres, et au soulagement des pau-
vres sous la surveillance et d'après les instructions des assemblées provinciales;
Considérant qu'en conséquence de ée décret, il est de l'intérêt de l'Etat de veiller à la conservation, des biens du clergé et de n'user' qu'avec modération d'une ressource dont la destination est si importante à l'ordre public; que si l'Assemblée nationale est justement déterminée à remplir ses engagements envers les créanciers de l'Etat, elle ffW est pas moins jalouse de protéger le bonheur individuel de chaque citoyen, et qu'elle ne cessera de regarder l'union et la tranquillité de to»3 les Français, comme le plus sûr garant du patriotisme et de la liberté de la nation ;
Considérant qu'en manifestant sa justice et sa bienveillance aux ecclésiastiques, elle n'en* doit pas prêndre de précautions moins sages contre les prétentions du clergé, afin qu'il ne puisse plus former un ordre dans l'Etat ;
Considérant que la dette du clergé, est devenue là dette de la nation, depuis que lés impositions ecclésiastiques destinées à en payer le fonds et l'intérêt sont versées dans le Trésor public;
Considérant énfin, que l'Assemblée nàtionale peut, en sauvant l'Etat, confondre heureusement tous les intérêts et toutes les volontés, prévenir la dilapidation des biens ecclésiastiques, en réglant avec économie les secours extraordinaires qu'ils doivent fournir à l'Etat; opérer le bien public de concert avec les membres du clergé eux-mêmes, et faire jouir promptement la nation des, effets d'une si- précieuse harmonie, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. lre. Le clergé est et demeure déchu à perpétuité du droit
de former un ordre dans rEtat. Il né sera plus regardé comme un éorps particulier, et'èû
conséquence, toute administration commune dtt clergé, tant générale que spéciale
danschaquediocêse.est et sera pour toujours abolie.
Art. 2. Il sera payé àU Trésor de l'Etat, sur lé produit des biens du clergé, qui seront destinés à cet effet, ou qui seront aliénés, une somme de 4Ô0 millions de livres; savoir, 100 millions au moins dans lé courantde l'année 1790, 100 millions dànsle courant de 1791, 100 millions dans le courant de 1792, et 100 autres millions dans le courant de llDS. Lesdites sommés seront reçues et versées dans le Trésor public par les assemblées des départements dans lé ressort desquelles Ites ventes auront été faites.
Art. 3. Ces diverses sommes seront formées en argent ou en effets que l'Assemblée nationale indiquera comme pouvant être reçus pour comptant des acquéreurs desdits biens.
Art. 4. Il sera formé sur-le-champ un comité de douze personnes, composé principalement1 de membres ecclésiastiques, lequel sera tenu de désigner à l'Assemblée nationale, daus le délai de six semaines, pour 400 millions de bieils ou valeurs appartenant au clergé, dont elle ordonbera la vente, et ces ventes cesseront lorsque les 400 millions seront réalisés.
Art. 5. L'état des biens du clergé destinés pour être vendus, sera imprimé et rendu public dans tout lé royaume.
Art. 6. La vente en Sera décrétée pour: être commencée le lef juin 1790, au plùs offrant et dernier enchérisseur sous la surveillance des assemblées de département du de leurs directoires et en présence des commissaires ecclésiastiques qui seront nommés à dét effet.
Art. 7. Le comité ci-dessus désigné présentera en même temps à l'Assemblée nationale un projet de' règlement relatif aux ventes qui seront ordonnées.
Art. 8. La nation se charge d'acquitter, tant la dette générale du clergé que les dettes dés diocèses. En conséquence, les ci-devant agents du clergé, en remettront* l'état en bonne forme à l'Assemblée nationale dans le courant de janvier prochain ; mais la nation n'en payera l'intérêt qu'à compter du jour de la cessation des privilèges pécuniaires.
Art. 9. Moyennant les dispositions ci-desaug énoncées, les paroisses qui voudront se libérer de la redevance de ia dîme, auront le droit de rachat conformément au décret du 4 août dernier ; et eu attendant le rachat, la dîme continuera d'être perçue comme par le passé.
Art. 10. En conséquence, l'Assemblée nationale confirme aux bénéfices et établissements ecclésiastiques la possession des biens qui leur sont actuellement attribués; se réservant néanmoins le droit d'en surveiller l'emploi, et de régler les suppressions que la nation jugera nécessaire^
L'Assemblée passe mainte-nant à son ordre du jour de deux heures et va s'occuper de l'affaire de Toulon.
rend compté du côii-tenu du paquet qui a été remis à M.le président pendant la séance et qui a été apporté de Toulon par un courrier extraordinaire.
Ce paquet contient : lô une lettre écrite par M. de Saint-Priest à la municipalité de Toulon, en daté du 7 de ce mois, portant ordre de relâcher les -officiers détenus. On observe sur cette lettre qu'elle a dû partir le 7 dans la matinée et que le décret de l'Assemblée, conforme à cet ordre du Roi, n'est que du 7 au soir ; 2? des lettres de M. de Garaman et de M. d'André sur le même sujet avec les réponses de la municipalité ; 3° une délibération en en date du 12, par laquelle les représentants de là commune, considérant que la lettre de M. de Saint-Priest n'a pas le caractère de là volonté certaine du Roi» que le sieur d'Albert et autres ont été arrêtés à la clameur publique, et que les circonstances n'ont pas changé, attendent ia discussion de l'Assemblée nationale et persistent.
La séance est levée à trois heures.
Séance du
, dont les pouvoirs ont été vérifiés est admis en remplacement de M. le baron de Chaléon, député du Dauphiné, démissionnaire.
rend compte de sa mission auprès de M. Fréteau de Saint-Just et dit qu'il lui a porté l'expression de l'intérêt de l'Assemblée. M. le Président l'a chargé d'offrir à l'Assemblée l'expression de sa vive reconnaissance.
Messieurs, le décret du 28 novembre dernier qui a. ordonné que les ci-devant privilégiés
seraient imposés au lieu de la situation de leurs biens et non au domicile, a, par
l'événement, donné utt privilège aux contri-
Cette motion a été déjà rejetée et comme l'Assemblée ne saurait varier dans ses décisions d'une semaine à l'autre, je propose, la question préalable,
Il est bon de remarquer que ce ne sont pas les ci-devant privilégiés qui paient la taille, mais bien ceux à qui ils louent leurs biens.
Je viens plaider la Cause des ci-devant privilégiés; on sera étonné de voir que les villes sont les seules qui réclament contre l'égalité d'imposition, lorsque la noblesse et le clergé ont fait le sacrifice de leurs privilèges.
Chaque contribuable peut, aux termes de la déclaration de 1$28, se faire imposer au seul lieu de son domicile en faisant les significations ordonnées- Il ne faut pas préjudieier à cette faculté accordée par la loi.
Je propose que le décret à rendre pour la Champagne soit étendu aux provinces de taille personnelle et mixte où les départements ne sont pas encore faits.
Je propose, par amendement, que les cens, rentes;, droits de terrage, dîmes et généralement tous droits seigneuriaux, féodaux et fonciers soient imposés comme les propriétés territoriales,
On demande la question préalable sur cet amendement.
L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas à délibérer quant à présent.
La question que vous discute» est des plus simples. Il n'y a plus de privilégiés dans là nation. Les ci-devant privilégiés demandent d'être traités comme les ci-devant taillabies. Ils espèrent que la taille n'existera plus l'année prochaine; s'il en était autrement, les ci-devant privilégiés en paieraient vingt pendant que les ci-devant tailiables n'en paieraient qu'une,
prend les voix sur la motion principale, elle est admise avec amendement. En Conséquence* l'Assemblée décrète :
« Que tous les tailiables de là province dé Champagne, où les rôdes ne sont pas faits, seront assujettis, pour l'année 1790, aux mêmes formes et aux mêmes modes de répartition qu'elle a fixés pour les cii-devant privilégiés, par son décret du 28 novembre dernier, concernant l'imposition à asseoir au lieu de la situation des biens ;
Décrète en outre, que cette disposition aura lieu pour toutes les provinces de taille personnelle tt mixte où les départements ne sont pas encore faits, »
donne ensuite la parole à un député de Saint-Domingue (pour parler sur les subsistances de cette colonie. L'orateur ayant observé qu'il était tard et que son rapport serait fort long, l'affaire a été ajournée à mardi, à l'ouverture de la séance du soir.
annonce un don patriotique de la sooiété du café Antonio Spreafico, place des Terreaux, â 'Lyon, montent à la somme de €00 livres 4 sols 4 deniers.
Je propose d'employer les fonds inactifs de la «caisse des dons patriotiques à payer tous les arrérages de rentes au-dessous de 50 livres.
Je crois qu'il serait plus utile d'employer ces sommes à l'achat et amortissement des papiers royaux|dépuis longtemps décriés,
L'Assemblée ne prend pas de décision sur «ces deux motions.
La parole est accordée ensuite à un député du Dauphiné, qui, d'après l'avis et au nom du comité des finances^ soumet à l'Assemblée un projet de décret pour la levée des impositions de cette province. L'Assemblée décrète les articles suivants :
« L'Assemblée nationale reconnaissant la nécessité de pourvoir à la répartition et perception des impositions pour l'année 1790, ainsi qu'à l'administration, dans la province du Dauphiné, a décrété et décrète ce qui suit :
« 1° Les membres de la commission intermédiaire des états de ladite province rempliront toutes les fonctions attribuées auxdits états, jusqu'à ce que les assemblées administratives aient été formées en Dauphiné, suivant le plan fixé par la constitution, leur donnant à cet effet tous pouvoirs nécessaires.
« 2° Ladite commission intermédiaire fera procéder par les communautés de ladite province à la répartion supplétive sur les ci-devant privilégiés, des impositions ordinaires et directes, autres, que les vingtièmes, pour les six derniers mois de 1789, de la manière et avec la destination prescrites par les articles 2 et & du décret du 25 septembre dernier.
3° Ladite commission procédera, d'ailleurs, selon les formes accoutumées en ladite province à l'assietteet département des impositions ordinaires et directes de 1790,sur le même pied qu'elles ont été fixées pour 1789, et lesdites impositions seront réparties conformément aux articles 4 et 5 du décret ci-dessus énoncé; elles le seront, ainsi que l'imposition supplétive, pour les six derniers mois de 1789 ; savoir les impositions réelles par un seul et même rôle, et les impositions personnelles pareillement par un seul et même1 rôle. »
lève ensuite la séance après avoir indiqué celle de demain pour 9 heures 1/2 du matin.
NOTA. Nous insérons ici diverses pièces qui se rattachent au rapport-du comité ecclésiastique concernant les ordres religieux. Ces documents ont été imprimés et distribués aux membres de 1 l'Assemblée nationale.
Observations de dom Vergnet, député de Bretagne, sur le rapport du comité ecclésiastique concernant les ordres religieux (1).
Messieursl la conservation ou la destruction des ordres religieux fixe, dans ce moment, votre attention. Cette question importante ne sera sûrement pas décidée sur cette opinion trop propagée, qui ne voit les sujets qui ont embrassé cet état que comme des hommes perdus pour la société, et dévoués à l'inutilité la plus entière.
Le jugement de l'Assemblée nationale ne peut être déterminé par des considérations qui tiennent à des préjugés ou à des erreurs, et les représentants de la nation sont incapables de suivre une1 prévention trop défavorable, et de ne pas apprécier des établissements que la piété a élevés, que l'utilité publique a conservés, et dont l'existence, diversement modifiée, pourrait encore offrir l'heureux assemblage des sciences unies aux qualités sociales et aux plus solides vertus.
Je ne viens point, Messieurs, faire l'apologie des ordres religieux, et quoique très-attaché par devoir et par l'engagement le plus sacré aux vœux que j'ai formés, je respecte d'avance le décret que vous allez porter. Je ne me suis proposé que de vous soumettre quelques considérations qui me paraissent devoir entrer dans les vues de-sagesse et d'ordre public qui vous dirigent.
En effet, Messieurs, les communautés religieuses reçurent longtemps le tribut d'éloges que tous les citoyens rendaient à l'utilité de leur institut; l'instruction soignée y attirait de toutes parts des élèves ; leur esprit y était formé à ces connaissances précieuses, dont le germe fécond se développait ensuite, soit que, rendus à la société, ils y occupassent des places, soit que, disposant d'eux-mêmes, ils persistassent a adopter les douceurs d'une vie calme et tranquille; le/ goût du travail leur présentait à la fois, et de grandes lumières à acquérir, et d'innombrables sollicitudes à éviter.
Leurs inclinations, dirigées de bonne heure vers le bien, n'étaient point détournées par le feu des passions, toujours funestes lorsque des maximes morales n'en tempèrent point l'ardeur; et ceux qui sont sortis des enceintes, trop injustement décriées, vous diraient qu'ils y sentirent souvent les attraits et le premier désir d'acquérir ces qualités précieuses qui rendent digne des fonctions que le zèle ordonne, ou que l'estime publique confie à la vertueuse équité.
Non, Messieurs, la critique la plus sévère ne disputera pas aux cloîtres d'avoir produit et de renfermer encore des hommes dont le mérite perce à travers l'obscurité dout ils s'enveloppent, et dont les ouvrages les portent à la célébrité.
Je sais, Messieurs, que les productions du génie y sont devenues plus rares ; que le rapprochement de l'observance actuelle, avec la sévérité de l'institut, fournit à la censure un parallèle défavorable, et que le reproche d'inutilité qu'on en induit, donne plus de force à la suppression que l'on propose.
Mais, Messieurs, dans toutes les classes de la société, ne trouverait-on pas cette décroissance dont on fait aux religieux une accusation capi-
taie? Et s'il fallait détruire tous les établissements qui ne produisent pas les fruits d'une utilité marquée, quels sont les Etats où la main réformatrice neitrouverait pas une ample moisson d'abus et de retranchements devenus nécessaires?
Dans ce moment de régénération universelle, ne pourrait-on pas vous proposer, Messieurs, de ne pas déraciner l'arbre, mais de l'émonder. et de le cultiver, pour mieux vous en assurer les fruits. Vous le pouvez, Messieurs, de plusieurs manières, soit en-fixant le moment de l'émission des vœux à cet âge où le choix peut être parfaitement éclairé, soit en ramenant à la pureté de l'institut les ordres religieux, en consolidant ainsi leur existence, soit en les attachant aux fonctions de l'éducation et de l'instruction publiques, et aux soins des malades.
Et ne doutez pas, Messieurs, que ces dispositions une fois décrétées ne produisent des changements et une rénovation infiniment utiles.
Depuis l'époque où une commission trop célèbre a été chargée d'examiner les instituts des ordres religieux, et de proposer une réformation, on s'est attendu universellement à voir paraître des lois de destruction ef de mort pour ces Corps vieillis. On préjugeait le travail des examinateurs sur leurs caractères et leurs intentions manifestées. Le chef de ce comité important a porté ses vues restauratrices sur les affaires de l'Etat, et vous voyez actuellement, Messieurs, la somme du bonheur que la France a recueillie de ses grandes opérations. Il a oublié, OU perdu de vue, ies religieux; mais son silence ne leur a "pas été moins funeste que s'il eût prononcé.
Le public a pensé que cet examen commandé, était une formalité préliminaire pour justifier une suppression regardée comme inévitable. Ils ont perdu la considération dont ils jouissaient encore; l'insouciance, pour ne rien dire de plus, s'est étendue sur leurs travaux, leur régularité, leur zèle; et la vieillessé, respectée partout, plus vénérable encore quand elle peut compter une vie entière de retraite, d'études et de vertus, a cessé d'être honorée lorsqu'elle a paru sous un habit que l'on voulait dévouer à l'opprobre. On n'a pas craint de lui prodiguer des mépris, et ce décri injuste, si capable de décourager le talent et l'âme sensible, a frappé indistinctement tous les corps religieux, et cette espèce d'avilissement dure encore.
Consolidez, Messieurs, les établissements qui doivent les rendre à leur première destination; assignez-leur des fonctions publiques, et le même décret qui assurera leur existence, ouvrira aux enfants de famille autant d'asiles où ils apprendront encore à servir utilement ou l'Etat ou l'autel.
Souffrez, Messieurs, que jé vous dise que c'est par ce moyen que vous imprimerez à un de vos décrets le sceau de respect et de soumission qui leur sont dus.
Vous avez décidé que la propriété de la personne était la plus précieuse, et celle à laquelle il ne peut jamais être permis de porter atteinte. Existerait-elle cette propriété, si vous rompiez les liens qui ont serré un engagement contracté sous la protection de la loi, autorisé par elle, et qui fait encore les délices du plus graud nombre de ceux qui en observent avec fidélité et les devoirs et la gêne?
L'heureuse impuissance de s'en séparer et de le quitter a été, de leur part, un acte libre et je ne peux pas ne pas penser, Messieurs, que vous êtes aussi éloignés de condamner les principes
de sagesse qui ont présidé à ces établissements, qu'à favoriser un relâchement et une insubordination qui en éteindraient l'esprit et les rendraient inutiles.
Faites revivre l'esprit religieux, en lui rendant la considération publique, et vous aurez calmé de grandes inquiétudes, vous rendrez un service important à la société, en destinant ces asiles à'être bientôt l'école du vrai civisme et de la vertu.
Si, malgré ces considérations, le projet que votre comité vous a soumis détermine le vœu de l'Assemblée, et.que je sois affligé par la destruction d'un état pour lequel je fus toujours pénétré du, respect le plus religieux et d'un attachement sans bornes, permettez-moi, Messieurs, de vous proposer , quelques réflexions qui paraissent avoir échappé à votre comité.
Il vous a présenté tous les établissements humains, comme tenant particulièrement de l'imperfection des hommes qui les forment; ils ont eu, vous a-t-il dit, leur temps d'utilité, leur décroissance, et; enfin, un dernier terme qui exige ou leur rénovation entière, ou leur retranchement.
Sans doute, Messieurs, la ferveur religieuse a présenté un ensemble de vertus plus qu'humaines. Toutes les facultés de l'homme,, appliquées à des choses d'utilité dans cet état de ferveur, alliaient la plus solide piété aux progrès des connaissances; et cet état ae perfection dura longtemps ; il fit l'admiration des siècles qui en furent témoins. Sans doute encore les communautés religieuses sont loin de cette ferveur primitive, et l'amour de la règle doit y être excité et souténu, surtout, par les législateurs de la nation : ils doivent apprécier avec justice, et dans la rigueur des principes de la vraie morale, ce que doivent être les religieux ; ils doivent venger cet état de l'humiliation à laquelle une opinion injuste s'efforce de le livrer, en le rendant à la considération qu'il n'aurait pas dû perdre.
Mais le comité, après avoir fait hommage et reconnu tous les avantagés qui ont distingué les commencements des instituts religieux, les fait passer subitement à un relâchement accéléré, et les conduit plus rapidement encore à une inutilité telle, qu'elle ne laisse plus que le remède extrême de l'anéantissement de cet état. Pourra-t-on se persuader, Messieurs, qu'une accusation aussi vague, aussi peu prononcée, puisse motiver un décret qui ne confirmerait que trop l'idée flétrissante qu'on s'est plu à répandre? Et n'est-ce pas à cette idée trop flétrissante, comme à la cause la plus sensible, que nous devons le découragement dans lequel nous avons vécu?
Je sais, Messieurs, que la vertu s'attache moins à l'opinion qu'aux vérités immortelles qui doivent l'exciter, la soutenir et la défendre; mais cette Considération qui console l'individu ignoré ou content de l'obscurité qu'il a choisie, et qu'il doit aimer, ne peut rendre les corps entiers des religieux indifférents à leur existence civile. Or, cette existence n'est autre que l'estime publique : ils ne doivent la perdre que quand ils ont perdu le droit qu'ils y avaient ; et si on les en dépouille, ce ne doit être qu'après une accusation prouvée et un démérite qui ,oe puisse être pallié. A plus forte raison la suppression ne doit jamais être prononcée sur une prévention si peu approfondie.
Je ne crois pas, Messieurs, que l'Assemblée même, en supprimant les religieux, laisse subsister une tache qui donnerait à croire, à la postérité, que c'est par ménagement qu elle n'a pas
articulé le vrai motif de leur anéantissement.
J'observe de plus, Messieurs, que le traitement gué le comité mdique pour tous les religieux, est insuffisant et offre des inconvénients du plus grand poids.
La nation, en fixant des pensions, ne veut sûrement pas que les religieux qui ont renoncé à leurs possessions patrimoniales, ne rentrent dans leurs familles que pour en troubler la tranquillité, en diminuant les ressources, et l'intention du comité est fortement exprimée à cet égard. Certainement, Messieurs, la somme de 700 livres, augmentée graduellement jusqu'à celle de 1,000 livrés, pour subvenir à tous les besoins, à toutes les infirmités, est évidemment insuffisante et j'abandonne volontiers, à la sagesse de l'Assemblée, une fixation plus proportionnée à l'ensemble de la dépense qu'exige une vie décente et honnête. Il me suffit u'obser-ver que les parents des religieux seraient nécessairement obligés de suppléer à cette insuffisance, et cet inconvénient est assez grand pour mériter votre attention.
Mais je ne me défends pas, Messieurs, de vous représenter celui que je remarque dans l'article 5 de votre comité ; les religieux y sont déclarés inhabiles à succéder, et pourront disposer de leur pécule; cette nouvelle faculté à laquelle ils renaissent, se réduira probablement à leur mince gârde-robe, car l'économie la plus soigneuse ne 4 pourra guère amasser et faire des épargnes.
Mais pourquoi le comité n'a-t-il pas exprimé de quelle manière cètte disposition pourrait être faite? Pourquoi ne s'est-il pas plus exprimé sur les droits dont doivent jouir les religieux rentrés dans la société soumise à la juridiction épisco-pale, et rétablis, ce semble, dans l'état purement ecclésiastique.
Il est juste, Messieurs, que l'autorité du diocésain, comme premier pasteur, s'étende sur ces nouvelles ouailles. La possibilité d'être employés dans les fonctions du ministère, et de parvenir aux cures, doit exciter et entretenir leur zèle, et je désirerais que l'article qui règle la réduction de leurs pensions à moitié, lorsqu'ils auront obtenu ces bénéfices, ne. vînt pas établir une distinction entre eux et MM. les curés. Si les revenus de la cure sont convenables, ils doivent suffire au titulaire, quel qu'il soit, et la cupidité ne doit pas se nourrir d'un appât qui les enrichirait d'un quart sur leurs confrères.
Il est vrai que cette amélioration sera bien rare, car les diocésains choisiront de préférence les sujets élevés dans leurs séminaires ; et la possibilité, pour les religieux, d'être placés dé cette manière, sera reculée au temps où les ecclésiastiques actuellement existants, les chanoines supprimés et lés sujets placés en expectative, seraient employés, et à cette époque la génération religieuse n'existera plus peut-être par aucun des membres qui en auraient fait partie.
Ne vous paraît-il pas, Messieurs, que pour dédommagement de toutes cés pertes, ae ces privations, les religieux doivent être rétablis dans tous les droits des citoyens actifs, comme les autres ecclésiastiques ? Et souffrirez-vous qu'ils soient seuls exceptés des avantages de la liberté que vous allez rendre à tous ceux qui vivront dans le sein de l'empire français ? Allez-vous en faire une caste séparée qui porterait un caractère d'ignominie; car ils n'auraient plus aucuns des avantages dont jouiront tous les autres citoyens? Arrachés à leur élat, séparés de leurs frères et de leurs co-héritiers, exclus des assemblées et de
toute influence dans les affaires publiques, il ne leur resterait donc que la somme unique destinée à les faire subsister ; et l'honneur, le patriotisme, ce sentiment actif qui échauffe une âme sensible, ne subsisteraient en eux que pour leur faire sentir plus vivement l'espèce de flétrissure que vous leur auriez imprimée.
D'après le décret que vous avez porté mercredi dernier, comment échapperaient-ils*à cette séparation humiliante que vous n'avez réservée que pour ceux que l'infortune a placés dans l'état de domesticité, et pour les banqueroutiers qui, par l'inconduite et la mauvaise foi, ont mérité d'être privés de la liberté politique?
Encore les domestiques n'en sont exclus que parce que les soins de l'administration sont incompatibles avec les services qu'ils doivent à leurs maîtres; et ne pouvant appliquer cette exception aux religieux, ils seraient, nécessairement classés et assimilés, dans l'opinion publique, à ces citoyens dégradés qui, sans probité et sans honneur, n'échappent à un supplice que par un autre, je veux dire l'opprobre et le mépris.
Non, Messieurs, cette punition légale, et aussi peu méritée, ne souillera pas les décrets de l'Assemblée nationale. Sa sagesse et sa justice ne se concilieraient jamais avec une décision aussi étrange.
> Je conclus donc, Messieurs, à ce que : 1° les ordres religieux soient conservés et destinés à l'éducation, au soulagement des malades et au progrès des connaissances humaines ;
2° A ce que ceux qui ne voudraient pas continuer la règle qu'ils ont choisie, sans connaître la force et la durée de leur engagement, soient autorisés à réclamer ;
3° Que l'émission des vœux soit portée à l'âge où la maturité aura laissé à la réflexion le temps de préparer cette importante résolution, et que les élèves qui se destineraient à ce genre de vie, he soient tenus qu'à la subordination qui n'enchaînerait pas leur liberté ;
4° Que le code d'éducation dont l'Assemblée doit s'occuper, soit le seul qu'il soit permis de suivre dans les maisons qui seraient spécialement employées à l'éducation publique ;
5° Que si l'Assemblée prononce la suppression des ordres religieux, la pension accordée aux Célestins et aux Antonins serve de règle et de traitement à tous les religieux sans distinction, autant que la masse des biens pourra le permettre, sauf à augmenter jusqu'à ce taux, ceux qui n'en jouiraient pas à mesure que l'èxtinction successive des religieux en laissera la possibilité ;
6° Enfin, que les religieux supprimés soient établis dans tous* les droits des citoyens ; et comme tels, admis aux fonctions administratives, lorsque l'estime et la confiance les auraient honorés de ce choix.
Réclamations de M. Samary, curé dé Carcassonne, membre de VAssemblée nationale, en faveur des ordres religieux (1) .
Messieurs, une cause aussi importànte que celle des ordres religieux, contre l'existence desquels il semble qu'il y ait une conspiration universelle, mérite, sans doute, une sérieuse discussion et le plus mûr examen. C'est pourquoi, comme plu-
sieurs brochures, répandues avec affectation, les ont déjà voués à l'anathème d'une proscription entière ; comme une certaine opinion publique semble avoir préjugé d'avance leur extinction totale ; comme le rapport même d'un des membres de notre, comité ecclésiastique (1), qui paraît vouloir en sauver quelques débris, ne contient' dans le fond, à leur égard, qu'un arrêt de mort plus lente, à la vérité, mais non moins assurée et non moins infaillible; comme, enfin, il existe un grand nombre d'adresses de différents religieux, qui ont osé solliciter eux-mêmes auprès de vous leur propre suppression, je, ne puis me dispenser, étant chargé de m'intéresser à leur conservation, de vous faire part de quelques observations que je soumets à votre justice.
D'abord if est certain que dans un royaume catholique comme la France, on ne saurait contester la sainteté et la légitimité des vœux monastiques; ils ne sont autre chose que la pratique des conseils évangéliques qui forment une partie du code sacré de la religion nationale.
On ne peut non plus disconvenir que l'origine des ordres religieux ne soit pas très-ancienne et très-respectable; l'Eglise et l'Etat les ont également approuvés et reçus. Ils ont toujours existé parmi nous sous la sauvegarde et la protection des lois.
Ces principes incontestables une fois établis, il faut examiner si l'extinction des corps réguliers doit procurer un avantage réel et permanent à l'Etat, surtout depuis que vous avez décrété que tous leurs biens, ainsi que tous ceux du clergé séculier, sont à la disposition de la nation.
Car si la nation a dans ce moment tous leurs biens en sa main, quel nouvel avantage lui re-viendra-t-il de leur suppression ? Un nouveau soulagement, dira-t-on, pour l'Etat, qui serait chargé de les pensionner à perpétuité en les conservant, et qui, en les supprimant, sera déchargé un jour de ces pensions.
Mais, Messieurs, une pareille économie, en un sens assez légère et même peu honorable pour une grande nation qui se pique de générosité, peut-elle entrer en compensation et être mise en parallèle avec tous les services spirituels et temporels qu'ils peuvent rendre tous les jours à la patrie, d'abord que vous leur en fournirez la faculté et les moyens? Je ne vois donc leur suppression convenable, ou même si l'on veut nécessaire, que dans le seul cas où non-seulement ils ne seraient plus utiles, mais encore où ils ne pourraient plus le devenir absolument.
Mais en premier lieu, personne ne pourra nier qu'ils n'aient autrefois été de la plus grande utilité, d'abord à l'Eglise, par leurs talents, leurs travaux, leurs ouvrages et surtout par l'éclat de leurs vertus: témoins tant de grands hommes, tant d'auteurs célèbres, tant d'illustres saints qu'ils ont produits et qui ont autant éclairé qu'édifié leur siècle.
Nous les voyons encore aujourd'hui .pour la plupart se rendre, dans les occasions, utiles aux diocèses, aux paroisses où ils sont appelés. Eh! combien deviendront-ils plus nécessaires dans la suite des temps, où la pénurie des prêtres séculiers sera peut-être telle, à raison des circonstances, qu'on aura de la peine à trouver assez de sujets pour remplir les cures et les vicariats?
Or, les missions, la prédication, l'instruction,
la direction, la prière, l'étude, le travail, ont toujours fait en général et font encore, quoi qu'on en dise, leur principale occupation. Aucune de ces fonctions n'est étrangère au cloître. Elles y furent autrefois très-communes, parce qu'il fut un temps où la science et la piété ne se trouvaient que dans les monastères, dans lesquels elles s'étaient comme réfugiées.
Pourquoi donc n'aurions-nous plus à l'avenir de ces maisons de retraite, de ces asiles de piété, pour être, en faveur de ceux et de celles que l'ordre de la Providence peut y appeler, comme un port assuré contre les écueils et les dangers de la mer orageuse du siècle?. Personne n'ignore que ce sont, dans l'esprit de la religion, des vérités incontestables sur lesquelles je n'ai pas besoin d'insister.
Secondement, en se rendant utiles à l'Église, les moines se rendirent également utiles à la société et à l'Etat, selon le glorieux témoignage que leur rend l'abbé Fleury. Après avoir rempli leurs devoirs dedans, ils s occupaient à défricher les terres qui étaient aux environs de leurs habitations. De là, plusieurs villes et nombre de bourgs, dont quelques-uns portent encore leur nom, leur doivent leur origine, et plusieurs campagnes, leur fécondité. Dans les Siècles de barbarie et d'ignorance, ils nous ont conservé, non-seulement les livres sacrés et les précieux, monuments de la tradition, mais encore la littérature profane. Le goût des études et des écoles n'était alors que chez eux. Ce sont autant de faits historiques que personne n'oserait contredire.
Encore aujourd'hui, on en voit qui se consacrent, les uns, à l'éducation de la jeunesse dans les collèges et4es universités; les autres, au soulagement des malades et des infirmes dans les hôpitaux ; d'autres, au service des militaires en devenant leurs aumôniers dans les régiments et sur les vaisseaux;, et d'autres enfin, à l'étude pénible des hautes sciences (1); cette ville peut vous en fournir de mémorables exemples.
Encore aujourd'hui, ils rendent les plus grands services à l'humanité. Oui, les religieux de certains ordres affrontent tous les dangers des mers; les uns, pour aller porter la lumière de l'EVan-gile chez les nations idolâtres (2), ou pour aller exercer les fonctions pastorales dans nos colonies ; ies autres (3), pour aller racheter, au prix même de leur propre liberté et de leur vie, les esclaves chrétiens qui gémissent dans les fers de la plus dure captivité chez les peuples barbares.
Encore aujourd'hui, lés aumônes abondantes que font tant de monastères qui deviennent une consolante ressource pour tout leur voisinage ; l'hospitalité qu'ils se font un devoir d'exercer envers les étrangers; les services importants qu'ils rendent à l'agriculture, en fournissant des moyens aux cultivateurs indigents; le travail qu'ils procurent à tant d'ouvriers qui sont oisifs ; la circulation et la consommation qu'ils occasionnent dans les lieux de leur résidence, que sais-je"? Ne sont-ce pas là autant de preuves de leur utilité réelle, et autant de titres qu'ils ont à leur conservation, et j'ose dire à notre reconnaissance?
Mais encore, les maisons religieuses de l'un et de l'autre sexe, ne sont-elles pas relativement à l'Etat, de grandes ressources pour des familles
nombreuses qui surchargent souvent des parents peu aisés? Ce n'est pas, à Dieu ne plaise! que j'entende que ce soit un motif suffisant de vocation pour leurs enfants; mais en les supposant bien appelés d'ailleurs, ils peuvent décharger leurs familles en faisant dans le cloître un établissement honnête et avantageux.
Les monastères dés femmes, de ces vestales chrétiennes, occupées à entretenir le feu de la charité chrétiènne qui brûle dans leur cœur, rie sont pas moins dignes, Messieurs, de votre protection et des égards de la nation entière. Plus le sacrifice qu'elles ont fait vous paraît grand, héroïque et au-des3us de la faiblesse de leur sexe, plus vous devez vous intéresser à leur sort, en leur conservant , un genre de vie, ou plutôt une vraie propriété qu'elles Craignent si fort de perdre. Vous la leur avez assurée d'avance, par votre déclaration des droits, et elles la réclament dans ce moment.
Les jeunes personnes qui reçoivent journellement dans leurs couvents, et même gratuite-' ment (1) dans quelques-uns, une éducation conforme à leur état ; leur asile qui s'ouvre pour mettre à l'abri de toute insulte la vertu poursuivie ou chancelante ; les bons exemples qu'elles ne cessent de donner; les bénédictions du ciel qu'elles peuvent attirer sur le royaume, et principalement sur vos travaux par la ïervêtir de leurs prières, qui ne furent jamais des fonctions inutiles qu'aux yeux de l'irréligion et de i'incrédu-lité ; les pauvres qu'elles assistent ; les malades qu'elles soulagent et qu'elles servent de leurs propres mains ; cette paix, cette sérénité de l'âme, fruit de leur innocence, dont elles jouissent intérieurement ; les occupations et les talents utiles de leur profession, tout cela réclame en leur faveur la continuité de leur existence religieuse et la pleine assurance de leur bonheur; car elles n'hésiteront pas à vous protester que c'en est un véritable pour elles, et même le plus grand de tous. On n'a qu'à les consulter, la simple vérité parlera par leur bouche.
Elle vous a déjà parlé plusieurs fois, Messieurs, dans leurs différentes adresses que vous avez daigné recevoir. Ces pieuses vierges y ont formellement articulé ces paroles : « Nos chaînes font notre félicité, et, si nous hè pouvons vivre sans elles, nous né saurions être libres que par elles. Leur rupture deviendrait notre supplice, et rien n'est moins libre dans l'univers que ceux qu'on force d'être malheureux. »
Elles ajoutent que vous pouvez conduire à sa maturité l'œuvre déjà si avancée de la restauration de l'empire, sans faire couler les larmes d'un sexe qui doit compter sur des ménagement de la part des représentants de la nation ; car elles assurent que des bruits de dispersion, de destruction, ont glacé leur cœur d'effroi et les ont plongées elles-mêmes dans un abîme de tribula-tion et d'inquiétudes. En effet, elles ne se nourrissent partout que d'un pain d'amertume et de douleur, depuis les vives alarmes où les a jetées votre décret provisoire sur la suspension des vœux.
Jetais, sans doute, des considérations particulières que méritent les ordres des deux sexes, qui se dévouent spécialement à l'éducation de la jeunesse ou au service des malades. Mais doit-on pour cela dédaigner tous les autres parce qu'ils seront uniquement consacrés aux exercices de la
contemplation, de la prière et de la pénitence? Eù quoi ! il existe partout tant de professions inutiles et dangereuses, qui n'ont d'autre objet que celui d'amuser, de divertir le public, le plus bout vent même de le corrompre : pourquoi donc supprimerait-on des professions respectables, des professions sérieuses et sacrées, dont l'unique but est d'édifier le monde par l'exemple des vertus céqobitiques et de le sanctifier par des Îrières continuelles? Le célèbre monastère de la rappe, sans parler de tant d'autres, n'est-il pas depuis bien longtemps, un sujet d'édification et d'admiration et une source de bénédictions pour toute la France ? L'a-t-on jamais regardé comme inutile?
Eh ! Messieurs, que deviendront tant d'augustes monuments élevés par la piété de nos pères, et consacrés à la religion ? Hélas ! vendus peut-être à défaut, par la rareté de l'argent ou des acheteurs; ou plutôt, devenus déjà dans l'opinion publique, pour une grande portion, comme l'apanage des juifs et des protestants hollandais; bientôt démolis, dénaturés, dégradés, ils seront en un sens perdus pour l'Etat, dont ils sont aujourd'hui l'ornement dans nos villes et dans nos campagnes.
Que deviendront tant de fondations, pour lesquelles existaient ces antiques monuments, dont on aura changé la destination contre l'intention expresse des fondateurs? car il est de la plus rigoureuse justice de respecter et de remplir leurs volontés, parce qu'elles sont sacrées. Non, non, Messieurs, les fondations en général; qu'on a peut être trop multipliées, ne sont pas cependant un effet de la superstition, comme on a osé l'avancer il y a quelque temps; mais quoiqu'on en dise, un effet de la foi et de la piété des fidèles. Tous les vrais catholiques savent qu'il est impossible que l'Eglise de Jésus-Christ, qui adopte et approuve les fondations, lorsqu'elle les a jugées légitimes et conformes à son esprit, ait jamais pu et puisse jamais adopter et approuver des pratiques superstitieuses. C'est une impiété de le penser, et un blasphème de le dire.
11 faut pourtant avouer que les ordres religieux sont grandement déchus de leur institution primitive. Mais est-ce une raison pour les éteindre et les laisser sans qu'il leur soit permis de se donner des successeurs et des héritiers? Mais est-il impossible de corriger ces abus qu'on fait tant valoir contre eux? Mais si les abus sont un motif suffisant pour l'entière destruction des cloîtres, il faut alors tout détruire, car il n'y eh a Sue trop partout, il n'en faut excepter rien. est une malheureuse condition qui est attachée à l'humanité dans toutes les professions, même les plus saintes.
En vain donc objecterait-on que les religieux he sont plus aujourd'hui d'aucune utilité. Il serait souverainement injuste de juger des ordres réguliers, par l'état d'inertie et d'avilissement où nous les voyons dans le moment présent, depuis que des projets d'une prochaine destruction dont ils sont menacés depuis quelques années, ont relâché tous les nerfs de la discipline monastique.
Mais est-il bien démontré qu'ils ne soient plus utiles? Est-il pareillement démontré qu'ils ne puissent plus le devenir? Serait-il impossible, ou même difficile de les réformer? Non, sans doute. Ils le seraient déjà depuis longtemps, si un tribunal qui avait été érigé pour leur réformation, eût poursuivi et consommé ce grand ouvrage. Ses lenteurs au contraire et ses indéterminations n'ont fait qu'augmenter dans les cloîtres le nom-
bre des mécontents, qu'entretenir parmi eux une espèce d'anarchie. Ils n'ont cherché depuis qu'à secouer un joug qu'ils portent impatiemment; et croyant avoir trouvé dans la révolution actuelle l'occasion favorable, ils sont les premiers à décrier leur état, et pour ainsi dire , a vendre leurs frères.
Vous le savez, Messieurs, il n'y a que des âmes Viles qui soient capables de manquer à leur parole et d'enfreindre leurs promesses (1). Un poète païen l'a reconnu et consigné dans ses immortels ouvrages. Tout bommè qui viole ses engagements est donc indigne de vivre en société et mérite d'en être exclu. Et vous voudriez y appeler, y admettre légalement, y récompenser même des hommes qui auraient hardiment manqué à la foi qu'ils ont solennellement jurée à Dieu à la face des autels 1 Est-il de puissance humaine qui ait le droit de rompre des liens aussi sacrés et aussi inviolables? Et ce sont de tels sujets, devenus apostats aux yeux de la religion; car, Messieurs, je le répète, vous n'avez pas le pouvoir de dissoudre leurs Vœux ; la puissance temporelle ne peut s'étendre que sur les effets civils de leur solennité; ce sont, dis-je, de tels sujets, auxquels on vous propose de faire un sort plus avantageux qu'à ceux qui demeureront fidèles à leurs engagements. Oui, ce sont ces religieux transfuges què le rapporteur de votre comité demande qu'on emploie aux fonctions si redoutables du saint ministère. J'ai bien de la peine à me persuader qu'aucun évêque s'y détermine jamais, à moins qu'il ne voulût se rendre complice de leur coupable désertion.
Rien plus, le même rapporteur entend qu'ils soient rendus habiles à posséder des cures, et dans ce cas il propose de leur laisser la moitié de leur pension avec l'entier revenu de leur bénéfice. Mais à quel titre auraient-ils mérité cette faveur et cette préférence sur tous les autres curés ? En auraient-ils d'autre que celui d'un insigne parjure?
Il ne faut donc pas juger de l'état religieux par ceux qui en manifestent le dégoût le plus scandaleux, mais par ceux qui en ont conservé le véritable esprit. Les premiers ne se font que trop connaître; mais connaît-on bien tant de pieux solitaires, qui affectent de se tenir cachés et qui demeurent inconnus au monde, dans le sein même des grandes villes? Connaît-on bien le grand nombre de ces vierges respectables, dont le siècle n'est pas digne, et qui font leurs plus chers délices de la vie religieuse?
Je sais, Messieurs, que dans votre déclaration des Droits de l'homme en société, vous n'avez pas prétendu en exclure l'homme en religion. Mais celui-ci n'a point perdu pour cela cette précieuse liberté que la nature a donnée à tous les hommes indistinctement. Et ce qui le prouve, c'est que ce n'est que par l'exercice même de cette liberté, sans quoi ses vœux seraient radicalement nuls, qu'un religieux a voué l'usage de cette même liberté à l'Auteur de la nature, en s'imposant librement et volontairement certaines règles à suivre et certains devoirs à remplir. Dans tous les différents états qu'on embrasse dans le monde, n'y a-t-il pas aussi d'autres devoirs et d'autres règles qui gênent quelquefois la liberté, mais qui n'empêchent pas qu'on ne soit véritablement libre? Ainsi, un religieux qui a soumis sa liberté au joug qu'il a oien voulu
s'imposer, demeure toujours libre, d'après vos principes, parce qu'il peut toujours faire tout ce que la loi, qu'il a consentie en l'embrassant, ne lui défend pas. Donc un religieux ne cesse point d'être libre sous l'empire des lois monastiques, de même qu'on est toujours libre sous l'empire des lois civiles.
Je crois, Messieurs, que tout ce que je viens d'avoir l'honneur de vous exposer, est plus que suffisant pour détruire les motifs spécieux de suppression contenus dans les différentes brochures lâchées contre les religieux, et notamment dans celle qui a été ci-devant distribuée dans nos bureaux, sous le titre de : Suppression nécessaire des ordres, mendiants. Si l'auteur se fut borné à vouloir détruire les abus avec la mendicité de ces ordres, il se serait acquis à jamais des droits à leur reconnaissance. Mais il attaque leur existence propre, et il envisage leur suppression nécessaire, fondée sur deux erreurs principales, l'une de droit, et l'autre de fait.
Par la première, il suppose les vœux des religieux contraires à la nature, à la raison et à la société : ce qui, comme nous l'avons déjà remarqué, contredit manifestement l'esprit de l'Evangile et de la religion qui les a toujours autorisés et consacrés. C'est précisément une des principales armes dont s'est servi l'hérésie pour attaquer les vœux monastiques, et ensuite pour détruire les monastères. Vous ne voudrez pas sans doute adopter son système impie et destructeur.
Par la seconde, il suppose gratuitement que tous les religieux gémissent dans nn état de contrainte et de servitude. Or, ce fait pris dans la généralité, est certainement faux ; car s'il existe dans le cloître beaucoup d'individus qui désirent, ou même qui demandent leur liberté prétendue, il est aisé de se convaincre qu'un plus grand nombre peut-être la craint et la redoute, comme un véritable malheur.
Pourquoi donc ce même auteur demande-t-il qu'on supprime des corps dont il relève la profession, en faisant leur éloge le plus pompeux ? c Ce sont, dit-il, page5, des philosophes; caràquice titre peut-il mieux convenir, qu'à des hommes qui pratiquent par état des vertus dont les prétendus sages ne connaissent que la spéculation ? Le travail, ia bienfaisance, le désintéressement, l'étude du cœur humain, la persévance dans un état où ils servent généreusement la patrie, l'humanité, la religion, etc. » Avec un pareil témoignage, il insiste néanmoins à demander leur suppression. Mais qu'aurait-il pu alléguer de plus favorable à la cause, s'il eût plaidé pour leur conservation ? Tant il est vrai que l'erreur et l'injustice se démentent souvent d'elles-mêmes !
Il résulte de tout ce qui vient d'être dit, que les religieux peuvent encore devenir véritablement utiles, puisqu'en embrassant cette profession, ils n'ont pas cessé d'être citoyens; puisqu'en se consacrant au cloître, où plusieurs ont porté des talents, ils n'ont pas abdiqué l'amour de la patrie, ni l'obligation de la servir. C'est donc, Messieurs, à votre sagesse et à votre sagacité à aviser aux moyens les plus convenables et les plus propres, pour les appliquer utilement au service ae la société.
Quant aux vœux solennels et perpétuels qui peuvent vous paraître entraîner après eux des inconvénients, vous n'y remédierez que très-imparfaitement en leur substituant des vœux simples, parce que dans le for de la conscience ils ne sont pas moins obligatoires que lès vœux solennels. Peut-être serait-il plus expédient, je n'ose pour-
tant pas le décider, de ne permettre aux monastères des femmes et à ceux desjiommes qui ne se destinent pas au sacerdoce, de recevoir les vœux solennels de leurs novices, que pour un terme limité, comme il se pratique dans quelques congrégations de l'un et de l'autre sexe, où la régularité s'est toujours maintenue : alors ceux ou celles qui auraient persévéré dans leur vocation, auraient la liberté de renouveler leurs premiers vœux pour autant de temps. Ceux ou celles âu contraire qui, durant l'intervalle, viendraient à se dégoûter de leurs engagements, attendraient sans inquiétude le moment de leur délivrance pour rentrer dans le monde, et pouvoir y paraître sans rougir.
Je conclus donc à la conservation des ordres religieux des deux sexes, afin qu'en devenant par leurs services respectifs, utiles à l'Église et à l'Etat, ils se rendent dignes de la confiance de la nation qui les aura conservés dans son sein ; mais en les conservant, je demande qu'ils soient réformés par le concours de l'une et de l'autre puissance, chacune en ce qui la concerne.
Je demande, pour ceux qui veulent persévérer dans leur état, qu'ils ne soient pas tous relégués dans les campagnes et dans les petites villes, où ils sont bien moins nécessaires ; mais qu'on en réserve pour les grandes villes, un nombre suffisant et proportionné aux secours et aux services spirituels dont ces villes ont d'autant plus de besoin, que leur population est plus considérable.
Je demande qu'ils puissent, comme ci-devant, se renouveler et se régénérer, en admettant leurs novices à l'émission des vœux, soit pour toujours, soit pour un temps, après les épreuves convenables ; c'est donc moins la solennité de ces vœux, que leur perpétuité, qui doit fixer votre attention, si ce doit être pour le plus grand bien de la chose.
Relativement à ceux qui veulent quitter le cloître, je demande qu'on ne leur fasse aucune violence pour les retenir malgré eux; mais qu'il ne leur soit accordé aucun traitement, parce que ce serait conniver à leur prévarication. Ils n'ont qu'à reprendre l'esprit de leur état, et ils retrouveront dans leur cloître un bonheur qu'ils chercheront en vain dans le monde.
Enfin, demanderai-je trop, en me bornant à vous demander pour les religieux ce qu'un honorable membre vous demanda l'autre jour pour les comédiens, lorsqu'il vous disait à leur sujet, qu'on pouvait toucher aux branches, mais qu'il ne fallait pas arracher le tronc ; c'est-à-dire, corriger leurs abus, et conserver leur profession? Le cloître serait-il donc devenu une école de libertinage, depuis qu'on a avancé que le théâtre était une école de mœurs? école néanmoins qu'un philosophe qu'on a titré ici d'immortel, n'a pas craint de dévouer à l'infamie, dans son éloquent discours contre les spectacles.
En un mot, Messieurs, vous êtes trop justes et trop équitables, pour vouloir, dans la grande révolution qui s'opère, priver aucune profession, aucun état particulier de vos faveurs et de votre bienfaisance. Ne réserveriez-vous donc vos rigueurs que pour la seule profession religieuse ? ou n'y aurait-il que la portion qui en est la moins cligne, sur laquelle vous verseriez vos bienfaits; tandis que vous abandonneriez l'autre au sort le plus malheureux et le plus accablant? Non, vous n'êtes pas capables d'une pareille inconséquence.
Opinion de dom Wcrgnet, prieur du Relec, vicaire général de l'ordre des Cîteaux, et député de la province de Bretagne, sur le traitement des ordres religieux, en cas de suppression ( 1).
Messieurs, des circonstances malheureuses ont amené la ruine du Trésor public, les possessions du clergé peuvent contribuer à la restauration ; et tout annonce que bientôt vous prononcerez la suppression de ces corps, dont l'institution présentera longtemps à la société un objet d'utilité et dans lesquels elle trouvera de grandes ressources et de grandes vertus.
Je ne chercherai point, Messieurs, à défendre le3 corps religieux contre les inculpations trop humiliantes dont on a cherché à les noter dans l'opinion publique : leurs instituts, leur genre de vie, l'accroissement de leurs biens et leur emploi, ont servi tour à tour à la censure la plus amère pour eux.
Qu'il serait douloureux pour eux, Messieurs, qu'on présentât cette destruction comme un retranchement aussi vivement sollicité par la justice que par les besoins.
Les calculs politiques peuvent être exacts; mais quand ils sont appliqués aux institutions les plus anciennes, quand ils servent à juger des établissements que l'antiquité a respectés, la défaveur même la plus méritée ne détruit pas la force imposante de la vérité, et l'histoire a consigné dans ses fastes que les cloîtres ont été l'asile où les sciences et les connaissances humaines furent constamment cultivées pendant les longs désordres de l'anarchie, que l'agriculture y reçut des encouragements et des accroissements toujours avantageux à la fortune publique. Je dois me taire, Messieurs, sur les secours que les communautés religieuses versent dans les lieux où elles sont placées; la bienfaisance est, de leurs devoirs, le plus facile à remplir, et elles sont bien éloignées de vouloir s'en faire un titre pour demander des modifications au sort que vous leur préparez. Elles attacheront leur gloire à être immolées au salut de la patrie et entreront par ce sacrifice dans les vues patriotiques et sages qui ont motivé vos décrets.
Mais le nouvel ordre, qui va s'établir,n'effacera pas les traces de ces bienfaits, et je désire ardemment que la privation n'en soit pas trop sensible-
La plus douce jouissance de l'état religieux a été de soulager la misère souffrante, et de former à l'amour de l'ordre et de la régularité, ceux que des inclinations paisibles destinaient à partager leurs fonctions et leur zèle.
Vous avez craint, Messieurs, que la certitude de la suppression n'occasionnât la dispersion des meubles qui appartiennent aux communautés, et vous avez ppnsé ne pas porter trop loin la prévoyance, en désignant d'avance, et en fixant la peine qui doit frapper les infracteurs. Cette sévérité est sans doute dictée par la sagesse, et j'ai la confiance que dans l'ordre auquel j'ai l'honneur d'appartenir, et plus particulièrement dans les maisons confiées à mon administration, il ne sera fait aucunes distractions contraires au vœu de la loi.
Je dois le croire d'après les dispositions que je connais à mes confrères; le régime de l'ordre dans lequel nous vivons procurait l'aisance, et pourvoyait aux besoins par une somme suffisante dont le particulier dirigeait l'emploi avec plus ou moins d'économie. Vous n'avez sans douté pas voulu, Messieurs, que les objets que l'amour de l'étude, le goût pour les sciences et pour les arts ont fait rechercher aux religieux comme propres à leur faire cultiver et acquérir des connaissances, à employer utilement leur temps, soient soumis à la déclaration ordonnée, et vous fixerez avec précision que toutes ceS choses ne sont pas assujetties à la formalité prescrite par la dénomination générique des biens mobiliers: car si vous donniez, Messieurs, à cette expression toute l'étendue dont elle est susceptible, les économies patrimoniales et les meubles qui sont presque autant de dons que l'amitié des parents a faits, seraient alors mis sous la main de là loi, et la nation aurait prononcé tout à la fois et la rupture d'un engagement longtemps chéri, et la confiscation des meubles qui sont pour les religieux la seule hérédité qu'ils tiennent de leurs familles.
Je me serais bien trompé, Messieurs, si en interprétant vos vues, et en appliquant la disposition de la loi au seul mobilier destiné à l'usage général des établissements religieux, je m'étais écarté de son véritable esprit; je ne peux le croire : il répugne que les représentants d'une grande nation aient voulu établir une rigidité inquisitoriale pour connaître un détail d'objets minutieux qui ne doivent point fixer leur attention, et qui sont absolument étrangers au bien de l'Etat dont ils s'occupent. Mais en réduisant la force du décret à ce sens précis, j'adopte, Messieurs, et je respecte le principe par lequel vous qualifiez de vol fait a la nation toute distraction que se permettrait un particulier : ce serait de plus une infidélité envers la société dont il est membre, et je m'unirais à la sévérité de la loi, pour solliciter la punition des coupables.
Il est sans doute, Messieurs, dans l'esprit dë vos décisions, que celui qui, sous la foi publique et du serment, a choisi un état qu'il regarde comme immuable, n'en soit privé qu'avec l'assurance d'un traitement qui suffise aux besoins indispensables de la vie, et que ce traitement soit proportionné à la masse des biens qui seront recueillis dans l'ordre auquel il était attaché. Les pensions des Célestins et des Antonins pourraient être ' proposées pour modèles, et les grandes possessions des religieux rentés présentent à la fois la possibilité et l'assurance du sort qu'ils peuvent attendre.
Mais, Messieurs, vous ne devez pas faire et vous ne ferez pas une acception particulière des ordres riches, et votre justice répugnerait à une inégalité de partage qui laisserait subsister l'aisance toujours attachée à ceux qui auraient eu moins de privations, tandis que d autres religieux mendiants, en vertu de leur institut, seraient encore livrés à l'indigence ou à cette étroite médiocrité qui en approche. Je ne crains pas, Messieurs, d'être désavoué dans les vœux que je forme, l'humanité me les inspire, et je crois être ici l'interprète des sentiments de mes confrères.
Je vous propose donc, Messieurs, que la masse des biens qui sera destinée à la subsistance des religieux, soit partagée sans autre distinction et autre différence dans la répartition, que Celle qu'il Vous plaira d'assignër à l'âge où les infir-
mités multiplient les besoins. La vraie confraternité n'aperçoit d'inégalité dans les moyens gue pour les faire disparaître, et le règne de la justice qui va vivifier et régénérer toutes les parties de l'empire, doit se manifester encore plus en rétablissant l'égalité qui existait bien dans le dévouement du zèle, mais qui laissait subsister la plus frappante inégalité dans les moyens de subsister.
Les religieux, plus unis entre eux, ne verront plus que des objets,d'utilité, à remplir; ils aimeront la patrie, ét ils recevront d'elle, par l'organe de ses représentants, le droit de renaître et d être admis à la jouissance de tous les droits du citoyen, tels qu'ils sont reconnus et consacrés par la constitution française. C'est un dédommagement qui ne peut leur être refusé.
F. VERGUET, prieur du Relec, vicaire général de l ordre de Cîteaux, député de Bretagne.
Opinion de M. Mayet, curé de Rochetaillée (1), député de Lyon, sur Vétat religieux (2).
Messieurs, la question qui vous est soumise me paraît être une des plus importantes que vous ayez jamais eues à traiter, soit qu'on la considère en elle-même , je veux dire, sous ses rapports politiques et religieux, soit qu'on l'envisage du côté de l'influence que votre décision doit avoir sur l'existence future de ce grand nombre d'individus qui composent l'état monastique.
Un ordre religieux, Messieurs, qui, par la pratique exacte et toujours soutenue des devoirs que lui impose la règle, s'est acquis des droits légitimes à notre admiration, vous demanda, il y a quelques jours, par l'organe d'un de ses membres (3) devenu aujourd'hui notre collègue, d'ordonner provisoirement, et en attendant un décret définitif sur l'anéantissement ou la conservation des instituts religieux, d'ordonner pour l'ordre des Chartreux, que ceux de ses membres qui, fidèles à leur engagement, désirent de vivre et de mourir sous la règle respectable qu'ils ont embrassée, pourront rester réunis en communauté, pour y vaquer, sous la garantie de la loi* à la prière, et aux autres exercices de la vie monastique.
11 vous demandait en outre dé déclarer que ceux de ces religieux qui, soit défaut de liberté au moment où ils se sont engagés, soit dégoût, inconstance, ou tout autre motif semblable, ne se croient plus propres au silence, à la vie contemplative des cloîtres, pourront se retirer dans une maison de leur ordre, pour y attendre ensemble le bref de leur sécularisation.
Il est temps, Messieurs, qu'un décret de l'Assemblée nationale, dicté par la sagesse, mûri
par la réflexion, aille calmer au loin les louables inquiétudes des uns, satisfaire ou modérer l'extrême impatience des autres.
Mais cette -demande, Messieurs, qui d'abord ne vous avait, été faite qu'au nom et en faveur de l'ordre des Chartreux en particulier, a pris dans la motion ultérieure de M. Treilhard un tel degré d'extension, quant à son application et quant à son objet, que pour se trouver dans l'ordre du jour en la discutant, on ne peut plus se renfermer dans le cercle étroit de tel ou tel institut, mais qu'il faut l'envisager sous un rapport absolument général et applicable à tous les établissements religieux du royaume.
La motion de M. Treilhard renferme deux objets principaux par rapport aux religieux : la liberté de sortir du cloître ou d'y rester, aux charges et aux conditions qu'il énonce, et le traitement plus ou moins considérable qu'il assigne à chacun d'eux. Dans l'un et l'autre cas, ie me permettrai, Messieurs, de discuter seulement la première partie de cette motion, m'en rapportant à la justice de l'Assemblée sur la fixation des pensions qu'il sera convenable d'accorder aux religieux.
M. Treilhard vous propose d'abord, Messieurs, d'autoriser les religieux satisfaits de leur sortr a demeurer dans le cloître, aux conditions de se réunir dans dès maisons de leur ordre, au nombre de 15 religieux, au moins, et d'y observer la règle monastique, .
Il vous propose, en second lieu, de permettre k ceux qui se trouveraient mécontents dans leur état, de rentrer dans le monde aussitôt après la déclaration qu'ils en auront faite par-devant les officièrs municipaux, sauf à se pourvoir pour le lien spirituel seulement, par-devant la puissance ecclésiastique, pour être par elle relevés de leurs vœux, s'il y a lieu.
On vous propose enfin de statuer que les religieux qui voudront continuer de vivre sous la règle monastique, se retireront, par préférence, dans celles de leurs maisons qui se trouvent situées dans les petites villes et dans les campagnes.
Tels sont, Messieurs, les trois objets principaux de la motion de M. Treilhard, sur lesquels je supplie l'Assemblée de me permettre quelques observations.
Il me semble d'abord, sur|le premier article, qu'indépendamment des motifs puisés dans ia religion, qui ne nous permettent pas de forcer de pieux cénobites, engagés dans un état saint, liés par un serment irrévocable, à la face des autels et sous les auspices de la loi, à devenir involontairement parjures, et à abdiquer malgré eux, une profession dans laquelle ils ont juré de vivre et de mourir, il me semble qu'indépendamment de ces motifs respectables sans doute, la voix sévère de la justice, le sentiment plus doux de l'humanité, le texte même de vos décrets, vous tracent la marche que vous avez à suivre, et vous prescrivent de ne pas troubler dans la possession de leur état, des hommes paisibles, des citoyens édifiants, vertueux, qui reposent tranquillement sous la garantie des conventions sociales, et que peut-être on chercherait bien moins à inquiéter aujourd'hui, si leurs devanciers, en défrichant de leurs propres mains presque ia moitié du sol de la France, en la fécondant par leurs sueurs, n'eussent acquis quelque aisance, et si l'on veut, des richesses.
Les religieux, Messieurs, quelle que soit la règle qu'ils ont embrassée, dès qu'une fois le légis-
lateur l'a approuvée, jouissent de leur état, au même titre que vous jouissez du vôtre : de toutes les propriétés, celle de soi-même, celle de sa personne, est incontestablement la plus sacrée, la plus précieuse, la plus inattaquable ; vous avez reconnu vous-même cette grande vérité, Messieurs, dans les articles préliminaires de la constitution que vous venez £e donner à la France -: le droit d'aller, de venir, de rester, d'agir, de demeurer est le droit le plus naturel, le plus imprescriptible de l'homme. Tel aime le mouvement, tel autre cherche le repos : le goût de celui-là le jette dans le tumulte des grandes villes, dans l'em-narras des affaires, dans des sociétés de plaisirs ; la vie retirée, au contraire, la solitude, le silence des associations religieuses ont de l'attrait pour celui-ci : qui oserait soutenir que quelqu'une de ces inclinations est vicieuse? qu'elle est blâmable, nuisible à la société ? Qui ne voit, au contraire, que c'est de la diversité même de ces goûts naturels, que résulte l'harmonie des empires, et ce concours alternatif de besoins, de secours mutuels, sans lesquels la vie sociale n'eût jamais été qu'une grande chimère.
Ainsi, Messieurs, quand parvenus à l'âge de faire un choix, quand après avoir examiné autour de lui, et avec attention, tous les ârts, toutes lés professions de la vie, les regards du cénobite se sont fixés avec complaisance sur tel ou tel monastère ; quand il a couru s'y réfugier comme, dans un asile qui lui promettait le bonheur, il a suivi son goût, sa pente, son inclination naturelle : il a usé du premier de tous les droits, celui de chercher à se rendre heureux par tous les moyens que les lois autorisent.
Il a engagé sà liberté, il est vrai, ou plutôt il l'a échangée contre les avantages qui lui ont semblé préférables ; mais en cela il a stipulé librement. La violence ou la séduction n'a point présidé au contrat, il ne se plaint nullement des conditions qu'il a souscrites, il en demande au contraire l'exécution dans tous leurs points et il ne redoute rien au monde, autant que de reprendre cette liberté que vous viendriez lui offrir, parce qu'elle ne serait plus pour lui un trésor, mais un fardeau dont bientôt il serait accablé.
Je sais, Messieurs, tous les reproches qu'on fait à l'état monastique; je connais tous les moyens qu'on allègue pour légitimer, s'il était possible, le dessein que quelques personnes semblent avoir formé, de renverser d'un seul coup tous les établissements religieux qu'on s'était contenté jusqu'ici de miner sourdement,
On dit qu'ils sont inutiles, qu'ils ont dégénéré de leur antique vertu ; que l'oisiveté, le relâchement, le scandale même ont gagné les cloîtres-Mais d'abord, Messieurs, quand l'état monastique ne vous offrirait dans ceux.de ses membres qui sont restés fidèles à leur institut, que le spectacle des vertus chrétiennes portées à leur perfection, que l'accomplissement aes conseils évàngéliques, pourrait-on froidement le qualifier d'inutile ? Quand il n'aurait aux ,yeux de la société,. que ce sèul mérite, d'offrir un asile paisible et assuré, au citoyen dégoûté des agitations du monde, ne se présenterait-il pas déjà sous un aspect favorable ? Sans doute, Messieurs, l'état religieux a dégénéré de sa première splendeur; il a subi le sort: de tous les établissements humains ; car en est-il un seul qui ne se soit plus ou moins écarté des règles de son institution? Et si, au lieu de les y appeler par des réformes sages,-utiles, on allait prononcer la peine d'anéantissement contre tous les corps qui nous laissent apercevoir des
marques de dégradation, quel serait Celui qui pourrait sé flatter d'échapper au fer destructeur? ne marcherions-nous pas bientôt au milieu des décombres et des ruines ?
Et puis, Messieurs, combien la prévention n'a-t-elle pas exagéré la vie dissipée, oisive, licencieuse même, qu'on a dit régner dans les cloîtres, et qui n'est, après tout, que le - honteux partage de quelques individus ! On nous peint avec les couleurs les plus fortes la conduite mondaine, les mœurs peu décentes de tel ou tel religieux; mais on ne nous dit rien de ces vertus qui honorent l'humanité, de cette vie exemplaire, mortifiée, que mènent les autres, et j'ose dire que c'est le plus grand nombre ; on nous cache avec soin, on voudrait nous faire oublier les travaux utiles auxquels certains corps religieux se livrent encore chaque jour : l'instruction publique, l'association aux sollicitudes pastorales, la direction dès consciences, et par-dèssus tout, les abondantes aumônes qu'ils répandent autour d'eux. Sans doute, Messieurs, la Société elle-même retirerait des ordres religieux de bien plus grands avantages, si la considération publique pouvait encore devenir pour eux un motif d'encouragement, si des idées d'avilissement, de mépris, ne les avaient pas placés, depuis bien des années, sous une espèce d'a-nathème, et si la crainte d'une destruction prochaine, n'était allée dessécher en eux le germe de toute émulation.
Je pense donc sur le premier article de la motion, présentée par M. Treilhard, que, sans; détruire les ordres monastiques, on pourrait, par de sages réformes, diriger leur régime vers des objets d'utilité nationale et religieuse ; mais que dans le cas où l'Assemblée pencherait pour la suppression de ces établissements, il est conforme à la justice, à son humanité, à ses principes mêmes sur la liberté individuelle, d'affecter un certain nombre de maisons où les religieux qui désirent de finir leurs jours, sous la règle monastique, pourront rester, et d'assigner à chacun d'eux des moyens suffisants de subsistance.
Quant à la seconde partie de la motion de M. Treilhard, il me semble que pour la décider, il faut d'abord rappeler un principe généralement avoué et reconnu jusqu'à ce jour : c'est que l'émission des vœux monastiques étant, de sa nature, un acte religieux, une promesse dont Dieu seul est l'objet, elle est sous ce rapport essentiellement soumise, quant au fond, à la puissance ecclésiastique; exclusivement à toute autre' autorité ; mais envisagée sous un autre point de vue, elle est aussi l'objet d'un contrat civil, assujetti comme tous ies autres contrats, à des formalités légales, telles que la présence des témoins, l'inscription sur les registres du monastère;.et dans ce sens, l'acte de profession religieuse est soumis à Ja puissance politique, qui, par des lois précises, s'est chargée d'en maintenir l'exécution pour la garantie réciproque des contractants, et pour assurer la tranquillité des familles.
C'est de ce concours mutuel, de cette réunion des deux autorités, que l'irrévocabilité des vœux monastiques, quand ils ne sont pas le fruit de la séduction ou de la violence, acquiert toute sa force; et par une conséquence naturelle- de ce principe, ils ne peuvent aussi être invalidés, déclarés nuls, que du consentement réciproque et pour ainsi dire simultané des deux puissances.
Il y a plus, Messieurs, telle est encore aujourd'hui sur cette matière, la Jurisprudence-canonique du royaume, que toujours les causes de
cette nature ont été portées directement par-devant les tribunaux ecclésiastiques, et que jamais les cours séculières n'en ont été saisies, que pour déclarer qu'il y ayait, ou qu'il n'y avait pas abus dans la sentence du juge d'Eglise.
Cependant, Messieurs, par un renversement bien étrange de tous ces principes, on vous propose aujourd'hui de dissoudre seuls, par le fait et en vertu de la souveraine puissance que vous exercez,les engagements les plus solennels, les plus librement contractés, et que la société entière, j'ose le dire, a regardés jusqu'à ce jour comme irrévocables. On vous propose de rappeler dans le monde tous les religieux mécontents dans le cloître, sans examiner si les motifs de leurs réclamations sont légitimes, sans observer aucune forme juridique, et sans qu'au préalable le juge naturel, seul compétent, ait prononcé s'il y a ou s'il n'y a pas lieu à la sécularisation.
Il est vrai, Messieurs, qu'on ajoute à cette partie du décret qui vous est proposé, ces mots, comme une clause non pas impérative, mais uniquement comme une formalité de pure bienséance : sauf à se pourvoir par-devant la puissance ecclésiastique en ce qui concerne le lien spirituel.
C'est-à-dire, Messieurs, qu'ils auront la liberté d'y recourir ou de s'en dispenser, suivant qu'ils seront plus ou moins accessibles aux remords ; mais, Messieurs, si ces religieux sécularisés par vous, négligent ou refusent, n'importe par quel motif, de s'adresser aux supérieurs ecclésiastiques, pour se débarrasser d'un fardeau qui pèse sur leur conscience, ou bien si le tribunal compétent ne juge pas les motifs de leurs réclamations suffisants, conformes aux règles canoniques, car enfin on peut supposer que l'Eglise ne fera pas plier la sainte rigidité des principes, au gré des circonstances, de l'opinion et des événements ; dans ce cas, je vous le demande, Messieurs, dans quel rang placerez-vous ces religieux que vous aurez déliés par le fait, et qui cependant seront encore liés par le droit ?
Au rang, me dira-t-on, de ces citoyens qui, ne troublant pas l'ordre public, n'ont d'autres juge de leurs actions que leur conscience, et doivent participer à tous les avantages de la vie civile. Mais, si cela est, Messieurs, si, sans qu'il en résulte des inconvénients pour la société, la mobilité dans les affections, l'ennui, le dégoût ou l'inconstance peuvent dissoudre les engagements les plus irrévocables, et dont la stabilité assure le bonbeur des familles, la tranquillité des empires ; si les liens les plus sacrés peuvent devenir ainsi le jouet d'une volonté capricieuse, et tomber au gré de celui qui les porte, certes, Messieurs, des principes si nouveaux, mais dont, je l'avoue, les conséquences m'effraient, vont vous ouvrir un champ bien vaste, et vous offrir encore de grandes réformes à faire.
Par exemple, le mariage avait passé jusqu'ici pour un contrat indissoluble, on avait même pensé que le bonbeur de la société exigeait qu'il en fût ainsi; mais il y a, vous le savez, dans cet état bien des époux malheureux : faudra-t il donc, pour les rendre au bonheur, briser leurs liens et prononcer le divorce, sauf à se pourvoir par-devant les tribunaux ecclésiastiques pour le lien spirituel seulement ?
Tout le monde sait encore qu'une fois parvenus au sacerdoce, un serment solennel, des liens indissolubles nous retiennent dans le sanctuaire, et nous-empêchent de revenir sur nos pas;
mais il y a dans l'Église quelques prêtres mécontents, qui supportent impatiemment le joug de leurs devoirs, et maudissent peut-être le jour où ils se sont engagés : faudra-t-il donc aussi, pour les mettre à leur aise, rompre leurs chaînes et leur permettre d'embrasser une profession séculière, sauf toujours à se pourvoir par-devant Vautorité ecclésiastique, pour le bien spirituel seule-ment.
De bonne foi, Messieurs, où en serait la société si de telles maximes pouvaient jamais prévaloir ? Si l'amour inquiet d'une liberté indéfinie pouvait devenir la règle unique de nos actions ? Telfes sont cependant les conséquences monstrueuses, mais naturelles, qui dérivent du principe qu'on vous propose de consacrer à l'égard des ordres religieux.
Mais, à Dieu ne plaise cependant. Messieurs, que je prétende qu'une grande nation, quand elle exerce les droits de la souveraineté, ne puisse avoir aucune inspection sur les ordres religieux, et que ceux-ci, une fois admis dans l'Etat, ne puissent en être retranchés, si une véritable nécessité l'exigeait. Je pense, Messieurs, que là félicité publique étant la première loi, le souverain peut, pour y atteindre, employer tous les moyens légitimes, il peut donc mettre des bornes à la durée d'un institut religieux il peut lui défendre de se régénérer, en admettant dans son sein de nouveaux sujets, il peut même frapper de nullité tous les vœux, tous les engagements qui viendraient à être contractés dans l'étendue de son domaine, au mépris de la loi qu'il aurait portée. Mais il est bien sensible, Messieurs, qu'une telle loi, si jamais elle était nécessaire, ce dont je suis bien éloigné de convenir, ne pourrait nullement s'appliquer aux religieux qui se seraient engagés avant sa promulgation, et qu'elle ne saurait être, dans aucun cas, rétroactive pour eux.
D'où je conclus que l'autorité ecclésiastique a seule le droit de juger en matière de vœux, et que les religieux, qui seraient dans l'intention de faire prononcer la nullité de ceux qu'ils ont contractés, doivent rester dans le cloître, jusqu'à ce que le tribunal compétent ait fait droit à leur demandé.
Je passe rapidement, Messieurs, à la troisième disposition contenue dans la motion de M. Treilhard ; il vous propose de renvoyer dans les petites villes, et dans les campagnes, les religieux qui habitent aujourd'hui la capitale et les autres villes considérables du royaume.
Sans doute l'étendue, l'importance des emplacements que les ordres religieux occupent dans les grandes villes, et dont la vente pourrait être d'un très-grand avantage pour la chose publique, a été le motif déterminant de cette disposition ; mais si cette idée, Messieurs, mérite d'être favorablement accueillie, lorsque nous la considérons sous un rapport d'économie et d'administration, elle peut aussi avoir ses inconvénients, ses dangers, dans l'ordre de la religion et du culte public. Le plus léger examen sur cette matière suffit pour nous convaincre que les paroisses, dans les grandes villes, ne sont pas, à beaucoup près, assez pourvues de prêtres, et que quelque partie des fonctions du culte Catholique se trouveraient nécessairement en souffrance, si quelques ordres religieux n'y avaient jusqu'ici Suppléé par leur zèle.
On pourrait, il me semble, concilier deux intérêts aussi chers, en ordonnant qu'il sera affecté dans les villes un certain nombre de maisons à ceux des ordres religieux qui voudront se rendre
utiles à l'Église, tels que les Franciscains, par exemple, dont le zèle, à cet égard, et l'assiduité ne se sont jamais démentis; c'est une réflexion, Messieurs, que je prends ia liberté de vous proposer par forme d'amendement à cet article de la motion de M. Treilhard.
Enfin, Messieurs, quelles que soient les dispositions de l'Assemblée nationale sur l'état monastique, ma conscience et le vœu de mes commettants m'obligent à déclarer que l'anéantissement total des ordres religieux serait infiniment préjudiciable à l'Eglise. Il est une partie essentielle des fonctions du ministère qui, étant absolument hors de la portée des pasteurs des paroisse^, ne peut guère être confiée qu'aux ordres religieux je veux parler des aumôneries sur les vaisseaux, dans les régiments, dans les hôpitaux de l'armée, des missions en pays étrangers, et du service paroissial dans la plupart de nos colonies. Il entrera aussi vraisemblablement dans vos vues de confier l'éducation publique à des corps ecclésiastiques, soumis à une règle, à un régime fixe, et par làlplus à même que des instituteurs isolés, d'inspirer à leurs élèves cette unité de sentiments religieux et patriotiques, qui perfectionnent l'homme en le rendant citoyen, et qui porteront la gloire du nom Français au plus haut degré où elle puisse atteindre.
Toutes ces considérations, Messieurs, qui n'ont pas échappé sans douté à votre sagesse, me font désirer qu'un certain nombre d'ordres religieux survivent à la destruction dont il semble que tous vont être frappés. Dans ce moment où les corps monastiques attendent le jugement de la nation avec autant d'anxiété que de respect, il n'en est aucun qui n'ambitionne de se voir appelé à des fonctions aussi honorables que pénibles, de conserver par là une existence à laquelle ils sont attachés, et qui leur deviendra bien plus chère encore, quand elle aura enfin acquis aux yeux de la nation entière, un grand objet d'utilité publique.
Je me résume, Messieurs, et je propose à l'Assemblée nationale de décréter :
1° Que tous les religieux qUi voudront continuer de vivre sous la règle monastique, en auront la liberté, et qu'il sera pourvu d une manière convenable à leur subsistance, entretien, réparations de bâtiments et aux frais du service,divin.
2° Qu'il sera assigné dans les villes, un certain nombre de maisons, aux ordres religieux qui voudront se rendre utiles pour, à la demande et sous l'inspection/des curés,y remplir les fonctions du ministère qui leur seront confiées.
3° Que les religieux qui voudraient se faire séculariser, seront tenus de; rester dans une maison de leur ordre, et d'y observer la règle de leur institut, jusqu'à ce que l'autorité ecclésiastique les ait dispensés de leurs vœux par un jugement canonique.
4° Qu'il sera conservé un ou plusieurs ordres religieux, pour remplir les fonctions du culte catholique sur les vaisseaux, dans les régiments et dans les hôpitaux de l'armée, dans les missions en pays étrangers et pour le service spirituel, dans celles de nos colonies où il leur a été confié jusqu'ici.
5° Que l'éducation publique leur sera aussi confiée, sauf à l'Assemblée nationale à*déterminer dans la suite, les moyens qui lui paraîtront les plus propres à donner à ces corps la stabilité qu'ils doivent avoir, pour procurer à la religion et à l'Etat la plus grande utilité possible.
Opinion de M. Dupont (1), député du bailliage de Nemours, sur la disposition que doit faire l'Assemblée nationale des biens ecclésiastiques en général, et de ceux des ordres religieux en particulier (2).
Messieurs, je ne puis qu'applaudir aux principes qui vous ont été exposés par votre comité ecclésiastique, relativement aux ordres religieux ; j'y reconnais la charité chrétienne et les lumières de la philosophie, mais ce n'est pas sans une grande surprise que j'ai vu le projet de décret qui vous a été proposé en même temps, s'écarter sensiblement de ces mêmes principes que les auteurs de ce projet ont développés d'une manière si raisonnable et si touchante.
Permettez-moi donc d'y revenir; de vous les présenter de nouveau avec simplicité, avec clarté, et d'indiquer les véritables conséquences qu'il me paraît que l'Assemblée nationale doit en tirer.
Les propriétés dés corporations sont de deux espèces : les premières, nécessaires à l'existence de là corporation, demeurent indivises entre les membres dont elle est composée; les secondes, dont l'usage est particulier aux individus, servent à leur procurer directement des jouissances.
Lorsqu'une corporation est détruite, la société, qui est la grande Corporation dans laquelle se fondent toutes les autres, rentre en possession des propriétés véritablement indivises de la corporation éteinte ; elle y rentré comme elle rentrerait dans la propriété des biens d'une famille dont le dernier membre ne laisserait point d'héritier.
Mais elle n'acquiert aucun droit sur la portion de biens destinés aux jouissances personnelles des individus. Une propriété usufruitière est aussi sacrée que toute autre propriété ; et la société est obligée, dans tous les arrangements qu'elle fait pour son plus grand bonheur, de respecter chez tous les individus les propriétés dont ils jouissent conformément à la loi, sous la seule condition de remplir, comme les autres citoyens, les obligations de la loi.
La société doit protéger tout le monde, et ne doit nuire à-personne qu'à ceux qui nuisent. Il ne lui est permis de faire du mal à qui que ce soit, que pour repoussér le mal plus grand que l'individu ou le corps qu'elle réprime pourrait faire aux autres.
La société française, la nation que nous avons l'honneur de représenter, a donc pu, et nous avons dû, en son nom, anéantir la république, qui, sous le titre d'ordre du clergé, se regardait comme avec l'Etat de puissance, et avait,
jusqu'à ce jour, traité d'une manière très-désavantageuse pour les citoyens.
La nation française peut, et nous devons en son nom supprimer les corporations religieuses qui possèdent une grande partie des dînaes destinées aux dépenses du culte, et à servir de base aux honoraires des ministres des autels; des dîmes dont l'Assemblée nationale a dû ordonner, comme elle l'a fait, le remplacement, c'est-à-dire, Vabonnement ou l,e rachat^ afin de soulager le peuple de ce que la forme de cette imposition a d'embarrassant et de dispendieux; des dîmes qui devenues rachetables intéresseront chaque propriétaire à économiser et à placer sur son propre fonds ; de3 dîmes enfin, qui, par le capital de ces rachats successifs, appliqué à l'extinction des dettes les plus onéreuses, serviront à dégager une plus forte somme des revenus généraux de la nation, et mettront à portée de diminuer dans une plus forte proportion, les autres impositions encore plus nuisibles.
La nation française peut, elle doit, et nous devons, en son nom, rendre à la société les citoyens qui s'y trouveront plus utiles et plus heureux que dans les cloîtres. Elle peut, elle doit, et nous devons, en son nom, faire cesser les institutions, qui, par l'attrait de l'aisance et du repos, enlèvent dans un âge tendre, à la patrie les citoyens qui l'auraient servie dans un âge mûr, qui auraient fait prospérer l'agriculture, les manufactures et le commerce, qui auraient été les pères laborieux et vertueux d'u né postérité vertueuse et laborieuse. Là où l'on affaiblit l'amour filial, en jetant un jeune homme ou une jeune ; fille dans une famille artificielle ; là, où l'on proscrit l'amour conjugal, donné de Dieu pour la consolation et la perpétuité de l'espèce humaine; là, où l'on éteint jusqu'à l'espérance de l'amour parternel ; là on commet un grand crime contre la nature, contre la morale, contre la religion, contre l'humanité, contre la société. La nation française peut, elle doit, nous devons en son nom marcher à grands pas, sur tous ces points, vers ce qui sera juste, honnête et utile.
Mais la nation française ne doit pas, elle ne peut pas, nous pouvons encore moins, en détruisant les corporations nuisibles qui multipliaient ces maux dans l'Etat, punir les individus innocents qui sont entrés dans ces corporations sur la foi de l'ordre public, selon les formes régulières qu'autorisait la loi, et déterminés le plus souvent par des motifs de piété. La nation française ne doit pas, elle ne peut pas, nous pouvons encore moins infliger des peines graves à des actions, à une conduite qui, non-seulement furent irréprochables, mais que ceux qui s'y portèrent dûrent croire louables et saintes: et ce serait une peine grave, que de les faire passer tout à coup de l'aisance à la pauvreté.
Les corporations peuvent être dangereuses; elles le sont : il faut accabler du poids de la société entière ceux qui voudraient les maintenir. Les individus sont respectables; ils doivent être protégés et secourus de toute la puissance de la société. La société doit adoucir pour eux le passage, toujours inquiétant, d'un état ancien, et sur lequel se sont pliées toutes les habitudes, à un état totalement nouveau.
A Dieu ne plaise que mes collègues ni moi ayons regardé l'opération que la raison nous a prescrite, relativement aux ordres religieux, comme une opération de finance! C'est bien à l'occasion des finances que je la leur ai proposée, parce que le hasard et les circonstances avaient
voulu qu'une grande ressource de finance, et la seule véritablement efficace, s'y trouvât jointe, mais il aurait fallu supprimer les ordres religieux, même quand on aurait dû y perdre, parce qu'ils sont une institution anti-sociale. U aurait fallu les conserver, quoi qu'ils pussent coûter s'ils eussent été utiles. On ne décide pas du sort des hommes pour un peu plus ou un peu moins d'argent, si l'on ne veut se dévouer au mépris des hommes, qui amène toujours la vengeance du ciel, et qui est déjà lui-même un des plus amers châtiments que puisse décerner sa colère.
A quelle condition donc la nation et l'Assemblée qui la représente, ont-elles pu faire rentrer l'ordre du clergé dans la société, et peuvent-elles y rappeler de même les corporations religieuses? C'est à la condition de ne faire le malheur d'aucun des citoyens compris jusqu'à ce jour dans ces corporations ; c'est à la condition de respecter leurs propriétés individuelles et usufruitières, et de ne prendre sur elles que ce qui n'en fait pas partie, que les charges publiques de toute propriété, et les charges particulières de cette espèce de propriété. Suum cuique, doit être la devise de tous les législateurs ; et humani nihil à me alienum puto, celle de tous les représentants du peuple. Que la Diane des Lacédémoniens s'abreuvât de larmes, j'en ai regret pour Lycurgue. La Raison et la Patrie, dont vous élevez l'autel au milieu des Français, n'admettent d'autre culte que la justice, la reconnaissance et les bénédictions.
Qu'ordonne donc la justice, et comment méri-terez-vous les bénédictions ? C'est ce qu'il vous importe, Messieurs, d'examiner.
La justice dit que puisque vous devez respecter les propriétés individuelles des religieux, vous ne pouvez pas les traiter tous avec égalité; car leurs propriétés individuelles sont très-différentes. Certainement un bénédictin ou un chartreux, qui jouissent de 4,000 livres de rente dans leur ordre, et d'une masse énorme de bâtiments, de jardins, de meubles et de livres, dont la plus grande partie sont des propriétés indivises de leurs corporations, et quelques autres, des propriétés particulières, ont droit à la conservation d'un usufruit plus considérable, qu'un religieux de Saint-François qui n'a eu pour perspective que la compassion des fidèles. Certainement, un dignitaire, élevé par son mérite aux premières places de son ordre, a des jouissances individuelles plus étendues que le simple religieux profès. Certainement, le vieillard, assuré des secours abondants et des soins multipliés que sa congrégation lui procure jusqu'à son dernier jour, emploie à son usage une plus grande masse de richesses, que le jeune homme qui vient de prononcer ses vœux. Certainement même, l'abbé et le prieur commandataires, quoique leur existence soit un impôt sur le clergé, une dérogation à l'esprit et à la lettre des titres de fondation, une sorte de plaie faite à la religion dans des temps de relâchement, n'en ont pas moins été mis en possession pour leur vie, par les lois de leur pays, d'une jouissance personnelle contre laquelle de nouvelles lois ne peuvent pas prétendre un effet rétroactif. On peut dire qu'à l'avenir il ne sera plus nommé à des bénéfices sans charge d'âmes, inutiles à la religion et à la société ; mais la société ne peut, du vivant des titulaires, retrancher à leur jouissance, que ce qui ne leur appartient réellement pas; que la portion de revenu que les lois civiles et religieuses leur interdisent ; que l'impôt dont aucun titre véritable ne les rend
634 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 décembre 1789.J
exempts; que la contribution charitable qu'ils doivent au soulagement des pauvres, et plus particulièrement des pauvres ministres du culte; que la pluralité des bénéfices, proscrite et flétrie par les canons, lorsqu'ils excèdent le revenu nécessaire à une honnête subsistance.
Toutes ces considérations demandent à être pesées au poids du sanctuaire avec une exacte équité; c'est-à-dire, avec une humanité scrupuleuse. Ces considérations, Messieurs, ont cependant échappé à votre comité ecclésiastique. Il a eu de bonnes intentions, mais il a mesuré les convenances avec une toise de fer, et cette toise encore était trop courte. Il a réglé la même subsistance pour tous les religieux, sans autre distinction que celle de l'âge; et il a fixé celle du plus grand nombre de ces citoyens qui ont reçu une éducation libérale, et qui sont accoutumés à une vie tranquille et paisible, sur le pied de celles qu'obtiennent les hommes malheureusement privés d'éducation, qui sont réduits aux travaux de la domesticité.
Cela est dur, cela n'est pas juste, cela est au-dessous de la dignité d'une nation généreuse, qui cherche son salut dans les biens autrefois concédés aux ordres monastiques, et dont personne, il y a un an, ne leur contestait la jouissance. Le3 religieux nous sauveraient, et ils seraient perdus l le bonheur public pourrait leur causer une affliction légitime! Non, Messieurs, vous ne le voudrez pas ainsi.
Il n'y a qu'un moyen d'être équitable : c'est d'être bon ; nul de nous n'existe que parce qu'on a été bon envers lui, au moins lorsqu'il était dans l'impuissance et la faiblesse de l'enfance. Un religieux qui rentre dans le monde auquel il -était mort, est comme un enfant; il reçoit, pour ainsi dire, une nouvelle vie ; ceux qui la lui donnent lui doivent des secours; il les lui doivent proportionnés à ses besoins ; et ils ne doivent pas oublier que les besoins de son âge sont plus grands que ceux de la véritable enfance ; qu'ils sont le résultat de ses habitudes.
J'ajouterais qu'il n'y a qu'un moyen d'être prudent : c'est d'être humain ; que la puissance des législateurs est dans l'union des volontés, qui ne; s'unissent que par les bienfaits ; que si dans une révolution, lorsqu'il s'agit de régler le destin de ceux dont l'état est sacrifié, la balance devait pencher, ce serait du côté de la générosité qui concilie, plutôt que de celui de l'injustice qui aigrit et qui révolte: Mais j'ai honte de vous parler de prudence lorsqu'il s'agit d'humanité et de raison.
Si les ecclésiastiques avaient payé l'impôt comme les autres citoyens : si la répartition de leurs biens eût été telle que l'indigence des uns n'eût pas été un réproche et un titre contre l'opulence des autres ; eu détruisant leurs corporations, la société n'aurait rien à prétendre que le droit de-succession après la mort de ceux dont le service personnel n'aurait pas été utile. Elle n'a donc à. réclamer que l'impôt, la bonne répartition des. revenus, et la déshérence sur les bénéfices inutiles et vacants. Le surplus doit être soigneusement conservé aux titulaires jusqu'à leur décèrs»
Je demande pour eux cette conservation comme un droit; je vous le demande aussi, Messieur-s, comme une grâce qui me serait personnelle, comme le prix dé ce que vous croyez que j'ai pu vous proposer d'utile dans cette affaire importante. Ayant le premier tourné vos regards vers la ressource qu'offraient à l'Etat les biens dri Slergé, s'il était possible qu'après l'avoir em-
ployée, vous m'écoutassiez moins favorablement lorsque je sollicite votre équité pour les titulaires, je ne pourrais me consoler de la part que j'ai eue à votre résolution ; je ne pourrais m'empêcner de mêler une affliction profonde à l'extrême joie que m'ont causée vos succès. J'ai cru bien faire, et j'ai vu la possibilité de faire ce grand bien sans aucune souillure de mal; rien, Messieurs, ne vous est plus facile et moins coûteux : soyez généreux et nobles comme des Français que vous êtes; vous avez abattu la résistance, ne voyez plus que l'humanité.
Accordez aux dignitaires un traitement favorable ; accordez aux religieux des différents ordres un sort proportionné à celui qui leur était assuré dans leur corporation, par sa plus ou moins grande richesse; accordez quelque chose aux talents qui se sont distingués; accordez encore à l'accroissement de besoins- qu'entraîne l'âge avancé, et auxquels vous avez trouvé juste de pourvoir. Ordonnez que, lorsqu'un vieillard mourra, le plus ancien de ceux de moyen âge entrera en possession de son traitement, et sera repaplacé lui-même par le plus ancien de ceux de la troisième classe ; ne faites hériter l'Etat que de la pension de ce dernier; car ils vieilliront tous ensemble dans le monde comme dans le cloître, et ils étaient assurés dans celui-ci que la vieillesse leur amènerait, en compensation de ses dégoûts et de ses souffrances, un respect, des douceurs, des égards, des soulagements particuliers.
Permettez-moi de vous le dire, Messieurs, vous n'êtes point encore assez instruits sur les détails des faits relatifs aux ordres et aux individus, pour pouvoir prononcer sur cè qui est juste et digne de vous dans la conduite que vous avez à tenir envers chaque corporation religieuse.
Il n'y a donc qu'une partie des dispositions qui vous ont été indiquées, sur lesquelles vous puissiez vous déterminer aujourd'hui ; j'aurai 1 honneur de vous les proposer dans un nouveau projet de décret, où je ferai entrer les vues très-sages que M. Treilhard vous a présentées pour la meilleure administration des biens ecclésiastiques. Quant au reste, quant à la fixation du sort de chaque classe d'individus, je vous supplie d'ajourner, je vous supplie de vous donner le temps de bien faire et de faire le bien. Ne croyez pas que ce soit une dépense si grande. Et quand elle le serait, faudrait-il agir avec inhumanité ? Fau-drait-il commettre une injustice, pour éviter une dépense passagère, qui vous laissera encore une énorme richesse, croissant chaque jour? La justice est tout. Quelques centaines de francs sur un nombre d'individus assez petit, sont beaucoup pour leur félicité et peu pour vos moyens. J'ai pris des renseignements sur la congrégation de Saint-Maur ; j'ai, sondé les désirs de ses principaux membres, et j'ai trouvé qu'en leur assurant le traitement qu'ils indiqueraient eux-mêmes, il resterait sur les biens de cette congrégation quatre millions de revenu libre pour l'Etat, sans compter les édifices des villes. Au milieu de ces trésors, Messieurs, ne soyez point avares; ne soyez point cruels envers ceux qui vous les offrent avec un zèle honorable.
Chacun de vous en particulier trouve que j'ai raison; car l'homme individuel est un excellent $tre ; que votre Assemblée ne pense pas autrement ; gardez-vous de cette indifférence pour les maux d'autrui, qui se glisse trop souvent dans les grands corps, et qu'il faut bannir de l'Assemblée législative d'une nation \ comme la nôtre. Daignez charger une commission choisie parmi
ceux de nos collègues qui sont les plus doux et les plus compatissants, d'examiner et de vous proposer ce qui sera raisonnable et honnête. Je désire dans cette commission M. le duc de La Rochefoucauld; j'y demande M. l'abbé de Montesquiou, et j'avoue que ce serait une ambition pour moi de m'y trouver à côté de ce dernier, oubliant de part et d'autre dans les liens d'une réciproque estime, et dans le plaisir de coopérer à une bonne œuvre, les petites picoteries que nous avons pu nous faire sur nos calculs.
Je voudrais, Messieurs, que toutes vos opérations eussent l'applaudissement unanime de tous ceux sur l'état desquels elles peuvent influer. Je l'espère de votre sagesse, et je remets sur le bureau le projet de décret que je crois qu'il faudrait porter dans les circonstances où vous êtes.
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale voulant régler ce qui concerne le culte public, améliorer le sort de ses ministres immédiats, le proportionner à leurs dépenses, et faire tourner au profit des pauvres, par la diminution des impositions, les revenus qui peuvent être appliqués à ce louable usage, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er, Conformément au décret du 2 novembre, les biens qui
avaient été confiés au clergé, seront régis et administrés pour le compte de la nation,
laquelle sera chargée des dépenses du culte, de l'entretien des évêques, des chapitres de
cathédrales, des curés, des vicaires, des prêtres habitués, et des pensions à faire aux
ecclésiastiques, ainsi qu'il sera réglé par les articles suivants.
Art. 2. Le royaume sera divisé en autant de diocèses que de départements.
Art. 3. Les curés des plus petites paroisses de campagne de cinquante feux et au-dessous, si après 1 avis de l'assemblée administrative du département, il en doit rester de telles, ne pourront pas avoir moins de 1,200 livres d'honoraires, et ce non compris le presbytère, les jardins et dépendances.
Les honoraires des curés augmènteront de 150 livres par chaque cinquantaine de feux au-des-sus des cinquante premiers.
Il sera en outre accordé un surplus d'honoraires, tant aux curés des villes, qu'à ceux des campagnes dont les paroisses sont divisées en hameaux écartés les uns des autres.
Les honoraires mentionnés dans cet article et dans les articles suivants, seront exempts de toute imposition et de toute retenue. 11 sera pris des mesures pour qu'ils soient toujours proportionnés au ' prix du l)lé, et haussent ou baissent en raison de sa valeur, afin que l'aisance des ecclésiastiques soit constamment la même.
Les curés dont le traitement actuel est le plus considérable, en jouiront pendant leur vie, à la charge seulement de payer sur ce revenu toutes les impositions, conformément aux décrets de l'Assemblée nationale.
Art. 4. Il sera fait un fonds pour l'entretien des archevêques et des évêques dont les sièges seront conservés. Il sera réparti èn telle manière, qu'il ne soit pas attribué moins de vingt-quatre m ille francs d'honoraires aux sièges des évêchés les moins dispendieux, que les honoraires s'élèvent par gradations, en raison de la population et des besoins du diocèse et de la ville épisco-
pale, jusqu'au terme qui sera fixé par l'archevêché, de la capitale, et que Je taux moyen soit de quarante mille livres de revenu.
Il sera assigné dix-huit mille livres de pension à chacun dès évêques qui ne pourront consérver leur diocèse, et ils jouiront de cette pension jusqu'à leur remplacement dans un des sièges conservés, lorsqu'ils viendront à vaquer. Pour ledit emplacement, toute préférence leur est, de ce moment, assurée. Aucun nouvel évêque ne sera nommé que tous les évêques ne soient remplacés ; à la seule exception de ceux qui, par des raisons de santé, auraient refusé leur remplacement, et préféré comme retraite, la continuation de la pension qui leur est attribuée par le présent article.
Art. 5. Il sera fait un fonds pour les chapitres de cathédrales, et vacances arrivant dans lesdits chapitres, les canonicats seront donnés à d'anciens curés, comme une retraite honorable et une récompense de leurs vertus.
Il sera, en outre, fait un fonds pour assurer des pensions de retraite aux curés infirmes, qui ne pourraient trouver place dans les chapitres des cathédrales..
Art. 6. Tous les chapitres des collégiales sont supprimés. Les ornements seront vendus au profit de la caisse de l'extraordinaire; l'argenterie sera portée aux hôtels des monnaies, pour le produit en être versé dans la même caisse ; et il sera assigné aux chanoines des pensions proportionnées a, leur dignité canoniale, à leur âge et à la richesse des chapitres supprimés.
Art. 7. Tous les ordres religieux qui sont en France, et toutes les maisons dépendantes des ordres religieux étrangers, sont supprimés, à la réserve néanmoins des maisons de l'Ordre de Malte, sur lequel l'Assemblée nationale n'entend s'expliquer quant à présent.
Chacun des religieux et religieuses qui habitent les maisons supprimées, aura l'option de continuer à suivre la règle de son ordre, ou d'être sécularisé.
11 sera réservé à l'usage de ceux qui voudront suivre la règle une quantité suffisante de maisons de chaque ordre, pour qu'ils y puissent vivre conventuellement en nombre conforme à l'esprit de leur institut, et selon l'obligation qu'il leur impose.
Ceux qui auront préféré d'être sécularisés, mais qui voudraient néanmoins vivre en communauté, pourront présenter requête au Roi et à l'Assemblée nationale; et, à raison desdites requêtes, il sera pareillement réservé un certain nombre de maisons pour l'établissement desdites communautés, dans lequel l'engagement de ceux qui les habitent ne sera qu'annuel.
Ceux qui né voudront pas vivre en communauté le- déclareront; et ceux qui auraient à objecter contre leurs vœux des motifs suffisants de contrainte, de défaut de vocation ou de faiblesse d'âge quand ils les ont prononcés, pourront en être relevés en la forme qui sera réglée.
Il sera fait un fonds pour assurer auxdits religieux et religieuses des pensions proportionnées à leur grade, à leur âge, à la richesse de leur ordre, et au parti qu'ils auront pris de vivre en communauté ou hors de communauté.
Les pensions relatives à l'âge seront partagées en trois classes; et lorsqu'un des pensionnaires de la première classe viendra à décédér, le plus ancien de ceux de la seconde clasSe sera promu à la pension qui deviendra vacante, le plus ancien de la troisième classe passera dans la se-
conde, et l'Etat profitera seulement de la pension vacante dans la troisième classe.
Les chefs d'ordre, dont la dignité était à vie, et qui jouissaient dans leur ordre de la décoration et de l'autorité épiscopale, jouiront du même traitement que les évêques qui n'auront pu conserver leurs diocèses, et concourront avec eux pour le remplacement dans les sièges qui viendront à vaquer.
Les abbés réguliers, prieurs réguliers, abbes-ses, prieures et autres dignitaires, qui, par leur règle l'étaient à vie, jouiront de pensions plus fortes que ceux dont la dignité n'est qu'à terme, et ceux-ci de pensions plus fortes que les simples religieux ou religieuses. Ces pensions seront proportionnées à la richessse des ordres et des maisons.
Les effets mobiliers appartenant aux maisons non réservées, seront vendus au profit de la caisse de l'extraordinaire et l'argenterie envoyée aux hôtels des monnaies qui en compteront à la même caisse : sauf, pour chaque religieux ou religieuse, les meubles meublant sa cellule, ainsi que sa part dans le linge de la maison, qui sera partagé avec égalité entre tous ses membres.
11 sera eonservé, dans les maisons réservées, une quantité d'argenterie convenable pour le service divin, et l'usage particulier des religieux. Le surplus sera porté aux hôtels dès monnaies, et le produit en sera versé dans les caisses de l'extraordinaire.
Art. 8. Il sera assigné aux abbés et prieurs-commandataires et autres titulaires de bénéfices, des pensions qui ne pourront être moindres qué la moitié du revenu de leurs bénéfices, si elles peuvent s'élever jusqu'à cette somme, sans quë la pension d'un abbé excède les deux tiers de celle d'un évêque sans diocèse ; et celle d'un prieur, les deux tiers de celle d'un abbé.
Art. 9. Aucun traitement, honoraire, ni pension assignée aux ecclésiastiques, en vertu du présent décret, ne sera contribuable, et les ecclésiastiques ne devront les impositions que des biens et facultés qu'ils possèdent à titre patrimonial.
Art. 10. Les évêques sont spécialement invités à réunir aux offices qui doivent être célébrés dans les églises paroissiales et cathédrales, tous ceux qui avaient été fondés dans les églises collégiales et dans les monastères, afin que le but de toutes les fondations soit rempli, comme l'est aujourd'hui celui des fondations déjà réunies, et qu'ainsi toutes les fondations soient acquittées. L'Assemblée nationale confie à la religion des prélats ce point essentiel.
Art. 11. Les baux actuellement existant des biens ecclésiastiques, même des dîmes, sont confirmés pour être exécutés de la part des fermiers, en toutes leurs clauses et conditions, .excepté à l'égard du payement qui sera effectué en la manière suivante :
Les arrérages de l'année 1789 appartiendront aux titulaires ; ceux de l'année 1790 seront payés à la caisse nationale du département dans lequel les biens sont situés.
A l'expiration desdits baux, il en sera passé d'autres, au plus offrant et dernier enchérisseur, par les assemblées de district, assistées de quatre députés de la municipalité du lieu où. les biens sont situés, et de deux commissaires de l'assemblée de département, si l'assemblée de département n'a pas estimé préférable de faire régir lesdits biens, en tout ou en partie, par les municipalités.
Art. 12. Les biens-fonds et les dîmes qui ne sont point affermés, seront régis par les municipalités des lieux, sous l'inspection de l'assemblée de district, et sous la surinspection de l'assemblée de département.
Les comptes en seront annuellement rendus à l'assemblée de district, qui en présentera l'extrait à l'assemblée de département, et les produits en seront versés dans la caisse nationale du district.
Aucun bois n'y pourra être coupé, que de l'ordonnance de l'assemblée de département, sur la demande de l'assemblée de district, et après la visite que l'assemblée de département aura fait faire dans lesdits bois, tant par experts que par commissaires membres de l'assemblée.
Art. 13. Pour la régie des dîmes, il sera réglé en chaque lieu, d'après l'expérience du canton, cojpbien le cent de gerbes rend de boisseaux de grains, et quelle est la proportion de la valeur ae la paille à celle du grain, dans les bonnes, dans les médiocres et dans les mauvaises terres. Il sera libre aux propriétaires qui, d'après cette évaluation, voudraient garder leurs pailles en s'engageant à payer le nombre de boisseaux de grains nécessaires, d'enlever leur récolte après que le dîmeur aura compté les gerbes ; et dans ce cas, il leur sera fait remise d'un dixième sur la valeur de la paille seulement.
La dîme du vin et celle du cidre pourront être perçues au cellier après la récolte ; et en ce cas, il sera fait remise au contribuable d'un dixième sur ladite dîme.
Tous abonnements de dîmes pour des rentes en grains, seront favorisés par la remise d'un dixième sur l'évaluation moyenne desdites dîmes, d'après le relevé des dix années précédentes.
Art. 14. Toutes les dîmes et tous lès abonnements de dîmes seront rachetables ensemble ou séparément jusque dans leurs plus petites parties, sur le pied du denier moyen auquel les biens-fonds se vendent dans le pays, et par la remise du capital à la caisse nationale du district, dont le receveur donnera bonne et valable quittance visée par l'assemblée de district, laquelle en rendra compte à l'assemblée de département. Les fonds en seront versés dans la caisse de l'extraordinaire. Les pièces de terre dont on voudra racheter la dîme, seront désignées par tenants et aboutissants par l'assemblée municipale du lieu ; et l'acte de vérification, ainsi que cèlui de rachat, seront inscrits ès-registres de l'assemblée de district, pour y recourir dans tous les cas.
Les dîmes d'une paroisse entière pourront être rachetées par tout particulier, et il lui sera, en ce cas, fait remise d'un huitième sur le capital, à la charge par lui de ne pouvoir se refuser à aucun rachat ni abonnement particulier proposés conformément aux règles établies par le présent article ét par l'article précédent.
Les rachats particuliers qui auront lieu de la part des redevables envers l'acquéreur principal, seront faits en présence de l'assemblée de district, et inscrits sur ses registres, avec parfaite désignation des pièces de terre affranchies, en la même manière qu'il en sera usé pour les rachats faits directement à la caisse nationale, conformément au présent article.
Lorsqu'un particulier voudra racheter les dîmes d'une paroisse, quelques offres qu'il ait pu faire, il ne pourra en être mis en possession que par le résultat d'une adjudication au plus offrant et dernier enchérisseur, faite par l'assemblée de district, assistée de quatre députés de la municipalité du lieu, et présidée par deux commissaires
de rassemblée de département, et il sera libre à toute personne d'enchérir.
Lesdites adjudications seront annoncées par affiches et publications pendant trois dimanches consécutifs, dans toutes les paroisses du district, et partout où besoin sera.
Tout titre de .créance portant intérêt sur la nation, sera reçu en payement desdits rachats.
Art. 15. Aussitôt que les ventes ordonnées par le décret du 19 décembre auront été effectuées, et d'après les instructions qu'auront données les; assemblées de département, les autres biens-fonds qui ont appartenu au clergé seront mis dans le commerce, à l'exception des bois de haute futaie de plus de cent arpénts, qui ne pourrront être aliénés, et demeureront sous la régie nationale.
Ces biens pourront être vendus à deux, trois ou quatre ans de terme ; et même lorsque les ventes déjà ordonnées pour parfaire la somme de 400 millions attribuée le 19 décembre à la caisse de l'extraordinaire auront eu lieu, ces termes pourront être étendus, jusqu'à dix, douze, ét même quinze années, à la charge de faire tous les payements égaux d'année en année, et lè premier d'iceux le jour de la mise en possession, comme aussi d'acquitter les intérêts qui diminueront d'année en année pai* les remboursements.
Ceux qui voudront acquérir lesdits biens aux-dites conditions ou à d'autres, pourront faire des offres à l'assemblée de district et à l'assemblée du département où ils seront situés; et quand ces offres auront paru convenables, il sera, par l'assemblée de district, assistée de quatre députés du lieu où lès biens seront situés, et présidée par deux commissaires de l'assemblée de départe-mént, fait adjudication publique, au plus offrant et dernier enchérisseur, des biens sur lesquels il aura été fait des offres, ainsi qu'il a été réglé par l'article précédent, pour le rachat des dîmes par paroisses.
Les titres de créance portant intérêt sur la nation, seront pareillement reçus en payement dans lèsdites adjudications de biens-fonds.
Art. 16. N'entend, l'Assemblée nationale, comprendre, quant à présent, les biens-fonds des hôpitaux et des collèges, dans les dispositions de ce décret.
Mais leurs dîmes seront régies et administrées, comme les autres, pour la nation, et semblable-ment rachetables ; la nation se chargeant de les en indemniser, et même d'assigner de nouveaux fonds pour étendre la charité et perfectionner l'éducation publique.
Art. 17. 11 sera nommé une commission de douze personnes dont six du comité ecclésiastique, et les six autres prises sur la totalité de l'assemblée, à l'effet de projeter et de proposer d'abord au comité ecclésiastique, et, après son approbation, à l'Assemblée, les arrangements de détail qui seront nécessaires pour l'exécution du présent décret.
Séance du
, l'un de M M. les secrétaires, fait lecture du procès-verbal.
Un membre élève une réclamation relativement au mémoire de M. Necker. Il dit que la motion pour en refuser la lecture a été faite et qu'elle était fondée sur un précédent qui s'était produit lors de la discussion du veto.
, député de Nemours, président du grenier à sel, demande que le procès-verbal d'hier relate que le don de là financé dé son office qu'il a fait dans cette séance sera réputé et regardé comme l'imposition du quart de ses revenus.
, de Bigorre. Cette demande, quelque fondée qu'elle puisse être, serait de nature à entraîner de graves abus et ne tendrait à rien moins qu'à soustraire ceux qui feraient de semblables réclamations à la juste quotité du quart de leurs revenus.
Cette affaire n'a pas d'autre suite.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes :
Adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la ville d'Hérisson; elle demande la conservation de sa justice royale, et d'être un chef-lieu de district.
Adresse du même genre de la ville de Lunel en Languedoc ; elle demande que la ville de Montpellier soit le chef-lieu d'un département, et la ville de Lunel celui d'un district.
Adresse du même genre de la ville de Marti-gues en Provence ; elle demande la conservation ae sa justice royale, et d'être le chef-lieu d'un district.
Adresse du même genre de la ville de Grave-lines ; elle demande une justice royale.
Adresse du même genre de la ville de Négré-pelisse en Quercy ; elle renonce expressément à tous ses privilèges.
Adresse du même genre de la communauté d'Etevauxen Bourgogne; elle fait un don patriotique de la somme de 2,000 livres, à prendre sur le produit de la vente du quart de la réserve de ses bois.
Adresse du même genre de la ville de Beaune en Bourgogne ; elle prend l'engagement solennel de procurer, autant qu'il sera en son pouvoir, l'exécution de tous les décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse du même genre des officiers municipaux, et de la garde nationale de la ville de Saint-Omer.
Adresse du même genre de la ville du Bugue en Périgord ; elle adhère notamment au décret
concernant la contribution patriotique ; elle demande d'être un chef-lieu de district.
Adresse du même genre de la communauté de Redon en Bretagne ; elle adhère notamment aux décrets qui prononcent l'abolition des privilèges des provinces.
Adresse du même genre des communautés de la Rogue, Saint-Laurent de Carnoi;, et Saint-Michel d'Euzet,près Bagnols en Languedoc; elles demandent que cette ville soit le chef-lieu d'un district et le siège d'une justice royale.
Adresse du même genre du comité permanent de la ville d'Aubenas ; il exprime son indignation contre la déclaration de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse ; il adhère notamment à la division du Languedoc en divers départements, et réclame avec instance que le Vivarais ne forme qu'un seul département.
Adresse du même genre de la ville d'Ariane en Auvergne ; elle demande une justice royale.
Adresse du même genre de la communauté de Verdun-sur-Garonne; elle demande d'être le Chef-lieu d'un district, et le siège d'une justice royale.
Adresse du même genre de la communauté de Montrejeau ; elle exprime également, d'une manière énergique, les sentiments d'amour, de respect et de dévouement dont elle est pénétrée pour la personne sacrée du Roi.
Adresse du même genre de la communauté de Foniaine-la-Gaillarde près Sens; elle fait le don patriotique de la contribution qui doit être supportée les six derniers mois de cette année par ies ci-devant privilégiés.
Adresse du même genre dé la ville de Moncon-tour en Bretagne; elle adhère à la délibération de la ville de Rennes contre la chambre des vacations du parlement de cette province.
Délibération de la municipalité, et des jeunes citoyens réunis de la ville de Guérande en Bretagne. Ces derniers renouvellent le pacte fédéra-tif de voler, au premier signal, au secours des villes de France ou il pourrait s'élever des troubles, et déclarent ennemi du bonheur français quiconque oserait troubler l'exécution des décrets de l'Assembiée nationale.
Adresse du même genre de la municipalité de Beziers en Languedoc ; elle supplie l'Assemblée nationale, d'avoir égard, dans l'emplacement des départements, à sa situation, à sa population, à sa contribution territoriale, et aux anciens établissements qui y existent.
Adresses de plusieurs bourgs, paroisses et communautés dépendantes de la sénéchaussée de Saint-Sever en Guyenne, au nombre de seize, savoir : Pomarès, Artassens, Marquebielle, Sé-garret, Saint-Cricq,jSainte-Golombe,Vielle,Doazit, Castelnau en Chalosse, Bonnut, Urgons, finalement Betveser, Mauvesin, Créon, Saint-Julien et; Arouille, formant la vicomté de Juilliac; contenant félicitations, remerciements et reconnaissance; envers l'Assemblée nationale pour ses glorieux travaux, rénonciation à tous privilèges particuliers, et adhésion entière à tous les décrets de l'Assemblée nationale, notamment à ceuxdes 4 août et jours suivants, que tous et chacun des membres desdites communautés ont promis solennellement de maintenir aux dépens deleursbiens et au péril de leur vie.
Un membre reprend la motion faite hier au sujet de la distribution des billets des tribunes.
L'Assemblée décrète que les inspecteurs deg bureaux seront chargés de surveiller cette distribution.
donne lecture des deux lettres suivantes qui sont parvenues à M. le président dè l'Assemblée nationale.
« Monsieur le Président, M. Tronchin, ministre, de la République de Genève, vient de me remettre une lettre qui méritera, je l'espère, l'intérêt et la faveur de l'Assemblée nationale ; je vous prie de lui en donner connaissance.
« J'ai l'honneur d'être, etc.
« Signé : necker. »
Lettre a M. Necker.
« Monsieur, dès que sur la proposition de Votre Excellence, l'Assemblée nationale eut décrété une contribution patriotique, elle fut, en général, envisagée dans notre ville, comme un moyen unique et précieux à saisir, pour manifester notre dévouement à la gloire et à la prospérité d'un Roi bienfaisant, et d'une nation généreuse qui ont donné dans tous les temps à cette république des marques d'intérêt et de bienveillance.
« Divers particuliers s'étant réunis à cet effet, c'est en qualité de membres du comité qu'ils ont choisi, pour seconder leurs intentions, que nous avons l'honneur d'informer Votre Excellence qu'ils sont en état d'offrir, pour le présent, la somme de 900,000 livres de France, laquelle MM. Rillier et compagnie, seraient chargés de faire entrer en deux termes, au Trésor royal, aux époques auxquelles se payeraient les semestres des rentes viagères de la présente année de 1789.
« Nous aurions craint d'offrir ce faible tribut de notre zèle et de notre respect, si nous n'étions persuadés, Monsieur, que vous réussirez à le rendre agréable.
« La liste des souscripteurs que nous ne tarderons pas d'envoyer à Votre Excellence, aurait été plus nombreuse, et la somme plus considérable, si des circonstances lâcheuses n'y avait pas mis des obstacles.
« De grandes pertes essuyées depuis quelques années par les particuliers et le. commerce, la langueur des fabriques, la rareté extrême du numéraire, le discrédit qui en résulte, et de plus dans ce moment la cherté du blé qui se vend sur notre marché au prix de 60 livrés le setier de Paris, sont les causes qui ont inévitablement affaibli le succès de cette souscription, à laquelle d'ailleurs quelques-uns de nos compatriotes, qui passent une partie de Tannée à Paris, ou qui ont des établissements dans le royaume, ont préféré de satisfaire directement.
« Tous ceux au nom desquels nous avons l'honneur de présenter cette offrande, se flattent, Monsieur, qu'elle obtiendra votre approbation et vous prient de faire en sorte que Sa Majesté et l'Assemblée nationale daignent l'agréer comme une expression de leur gratitude et de leur respectueux dévouement.
« Concourir selon leurs moyens au succès de vos nobles* travaux, leur a paru le plus pur hommage qu'ils pussent vous rendre.
« Nous nous trouvons heureux d'être auprès de
Votre Excellence les interprètes de ces sentiments et, d'avoir aussi l'occasion d'y joindre l'assurance de l'admiration et du respect, avec lesquels nous sommes, Monsieur, de Votre Excellence, les très-humbles, etc.
Signés : rillier, FAT1R, cullin, de Fournel, Turtin, François Soulte, Cla-parède, cayla, bllllet, j. dejean, rr. Bontems, J. ûiodati, M. Lullin, J. Auxo-dier. »
La lecture de cette lettre est suivie de vifs applaudissements.
Un don de 900,000 livres doit d'abord exciter notre reconnaissance; mais il faut savoir si les Génevois font cette offre comme citoyens français ou comme étrangers ; et dans ce dernier cas, il faut refuser. Mon observation est d'autant mieux fondée, qu'elle s'appuie sur un bruit qui doit faire soupçonner que ce don n'est pas aussi gratuit qu'il le paraît. Il est bien constant que les Génevois existent sous la garantie du gouvernement, et non sous celle de la nation. L'Assemblée nationale de FranCe, après la déclaration qu'elle a faite, ne peut pas continuer la garantie de la république de Genève dans l'état actuel, ni ratifier les principes sur lesquels cet Etat a été établi en 1784.
Quelle que soit la situation critique de la France, elle n'est point encore à l'aumône, Il n'est pas de sa dignité de recevoir de l'argent....
propose de charger M. le président de faire des informations près de M. Necker ; il demande en conséquence 'ajournement de cet objet.
L'Assemblée ajourne sa délibération sur la lettre des Génevois.
L'Assemblée reprend son ordre du jour sur les finances et la discussion dur apport du comité des dix.
, après avoir comparé ce que M. Necker disait dans son discours à l'ouverture de l'Assemblée nationale, concernant la dette publique et l'état des finances, et ce que le ministre avait dit dans ses différents ouvrages sur l'administration, pensait que les pertes imprévues que le Trésor public avait faites pendant la révolution, étaient surpassées de beaucoup par les dons patriotiques, l'impôt du quart des revenus et l'imposition sur les propriétés franches et privilégiées. D'après ces idées, il pensait qu'il était de la prudence de l'Assemblée de voir le plan général des finances que le ministre a annoncé.
L'orateur conclut en proposant de suppléer les billets de caisse par des obligations nationales pour la valeur de 350 millions par coupon de 1,000 livres, produisant intérêt à 5 p. 0/0, et remboursables en 7 ans, au porteur, par la voie du sort, sur le fonds de 50 millions par année, à commencer du 1er janvier 1791. Pour solder ces 50 millions chaque année, l'honorable membre a calculé que la contribution patriotique acquitterait les deux premiers termes, et que le surplus serait remboursé sur les économies et l'amélioration des revenus publics.
(1). Mes-
Je n'ajouterai rien à ce qui vous a été dit sur le plan de banque de M. de Laborde. Son exécution nous a semblé difficile, et ses idées de comptabilité que vous avez si justement applaudies, nous ont paru applicables, à tous les systèmes possibles d'administration du Trésor public. Au reste nous avons tous pensé que vous ne consentiriez jamais à déposer la fortune entière de l'Etat entre les mains d'une Compagnie quelconque, et à faire dépendre le sort de l'empire de la sagesse ou de la fausseté de leurs spéculations.
Vous avez tous vu dans le plan du premier ministre des finances, la peine qu'il éprouvait en s'écartant de la sévérité de ses principes. Contraint par la nécessité des circonstances, il ne s'est occupé qu'à rassembler tous les moyens qui pouvaient dépendre de lui pour assurer le service si difficile de l'année prochaine. Il a cherché en même temps dans un avenir peu éloigné le remède au mal qu'il était obligé de faire. Il a lui-même jugé à la rigueur les inconvénients et le danger de l'usage immodéré des billets de la caisse d'escompte. Si, comme il nous y invite, j'ose traiter le même sujat après lui, et vous présenter d'autres idées que les siennes, ce ne sera qu 'en tremblant ; mais l'expérience nous apprend que dans la carrière ouverte par le génie, il a quelquefois été réservé au simple observateur ae faire encore des découvertes heureuses.
M. de Laborde avait tout sacrifié dans son plan au prochain rétablissement de la circulation libre des billets de banque. M. Necker, dans le sien, avait eu constamment en vue les besoins du service de l'année prochaine, et même il avait cru sage de mettre en réserve le premier terme de la contribution patriotique, en ca3 que les anticipations ne pussent pas se renouveler ; votre comité, entraîné par des idées de perfection, a voulu réunir les avantages des deux plans, et écarter les inconvénients. 11 fallait pour y parvenir des fonds considérables ; c'est pour se les procurer qu'il vous a proposé la vente d'une partie des domaines de la couronne et de ceux du clergé, jusqu'à la concurrence de 400 millions.
Je me fais gloire d'adopter ses principes; je voudrais pouvoir adopter de même ses moyens, mais je les crois illusoires et injustes. Illusoires, parce qu'ils sont impraticables dans notre situation actuelle, injustes, en ce que leur exécution compromet le droit acquis par la loi à des créanciers-privilégiés.
S'il ne s'agissait que de payer à la caisse d'escompte, 90 millions qui lui sont dus, rien ce serait plus aisé. Elle a pour gage le premier terme de la contribution patriotique : en le lui abandonnant, on serait quitte en tout ou en grande partie avec elle dans quatre mois; elle reprendrait alors ses payements à bureau ouvert, et il
ne resterait rien à désirer à cet.,égard, .ni pour elle, ni pour nous. Puisqu'il est si facile, de se procurer les fonds qui nous manquent, je né conçois pas comment cet arrangement si simple ne serait pas le premier de tous.
On appliquerait ensuite le§ moyens du comité au service de l'année prochaine. 11- serait inutile d'emprunter encore 80 millions à la caisse, d*es-compte* de faire une création incertaine d'actions, et de payer des intérêts pour des morceaux de papier. 400 millions, sont pitis quë ' suffisants pour nos besoins de l'année, en supposant même, comme il est probable, qu'aucune anticipation'ne soit renouvelée.
Mais, pour les obtenir ces 400 millions, Il faut multiplier les suppositions^ ét je n'en côùnâig pas de moins vraisemblable que la Venté d'une mâsse de terres au ssï considérable. ,
La portion des dqmaines de la couronne c[Ui pourrait y être Consacrée, n'en fournirait pas la huitième partie ; car je ne suppose pas qu'où voulût y comprendre les .forêts, Les domairiëS dont je parle produisent 1,600,000 livres de fente; on peut les regarder comme un capital de 50 à 60 millions : les "biens du clergé sont donc là véritable, la grande rçssôUrqë.
Toujours d'accord avec lé comité éUr les principes, je pense que lés biené dùclërgëdofvent fournir aux besoins de la nation les plttë impdf-tants secours; mais je ne crois pas que le moment d'en décç^ter la vente soit arrivé. Je trois même qu'il y aurait du danger à y mettre de la précipitation*
En déclarant le 2 novembre, qtie les biëîlô du clergé étaient à là disposition de là nation, vous vous êtes faits les tuteurs des pauvres, du culte et de ses ministres. ,
En qualité ^. tuteurs, vous étés obligés de bien connaître les .biens de vos pupilles, avàpt dë prendre aucune détermination ultérieure. Si Vous commenciez pàr aliéner une grande partie dti territoire, il sérait possible que', vous fussiez forcés ensUitë du ae prëndrè feur: là dîme Un parti contraire à vos décrets, ou de grever la nation d'une* çhàrgë nouvelle et très-corisidërable. Vous avez d'ailleurs Soumis la disposition que voUs feriez dé Ces biens aUx instructions ët à l'inspection dëS jifoVineëS. Ainsi, plusieurs prélimiriàires où de précaution ou de justice, doivent précéder le décret qui vous à été présenté.
Vous ne pôuvez méconnaître non plus le privilège acquis aUx anciens créancier^ du clergé. Leur opposition à toute vente est de droit, ët les premiers deniers qui én proviendront, leur appartiennent. Ainsi, pour vous procurer 400 millions, il faudràit vendre pour 600 millions de biens.
Si là crisë dû nous sommes vous déterminait à passer par-dessus toutes ces considérations, croyez-vous qu'un moment où le numéraire est rare, où la confiance est nulle, où chacun est incertain de son état, où beaucoup de préjugés subsistent encore, soit un moment propre a des ventes aussi considérables? Le quart du numéraire qui existe dans le royaume suffirait à peine à celles que l'on vous propose; car ici ce ne serait pas avec des titres de créance qu'on pourrait vpus payer, c'est de l'argent qu'il faudrait. £>ans dpute quelques hommes opulents.se hâteraient d'acquérir certains objets à leur bienséance, mais, des arrangements de ce genre ne donnent que de faibles secours. L'imagination, qui grossit tous les objets, se perd dans le nombre des millions;
l'expérience calcule autrement,-et peut-être que vôus ne | tir étiez dé tant d'objets mis â la fotë dariS. le. 'éçmiiigr^, tfUë i'éicesSiVê1 dé dU Ùrpii djé touF les1 fônds de terré; sans âVoif ofitend plti^ dë Môcèà dâriS vds itf'ôjéts d'aliénation.
Votre ëéàiitêi S .bien senti ? que-, les âequéreurs pourraient/ se présentier, lentement.. Aussi, pour s'àësuref dëè 400i mllliôns,. il vous.ipropose de fëifé imprimer400,000.billets 4e. liQOO livres, de les intituler billets d'achat, de leurriattacher un intére .0/0 et de vqps les donner pour comptant. Si le mo^éîi est bdU, il a lë ^ingWiëf Mérite de la facilité..
Il semble que l'intention d» comité est d'accorder aux porteurs de ces billets un droit de préférence pour l'acquisition des hieps mis en vente* et il s'est persuadé que ce serait un. grand attrait pour les acquéreurs de cet effet . Je sç>u~ baite qu'il réussisse à le persuader ,aux.capitalistes i qui en général n'aiment pas les possessions territoriales; qui savent fort bien qu'il y a beaucoup dâ manières plus avantageuses de faire valoir leur argent, et qui auront peine à croire qu'Un papièr (Quelconque obtienne jamais la préférence sur des écus. On ne peut croire à la vente au pair de ces billets d'acnat, sans , croire à la possibilité d'un emprunt de 400. millions. L'expérience de l'emprunt de : septembre, Uemier devrait éloigner de nous tout prestige semblable. Il n'est pas encore renipli a; moitié, malgré tous les avantages qUi V éfetierit attachée, ët Cëpèîbdant il n'était que de 40 millions.
L'idée d'ufie Vëhtè de 600 inilliôns de fbrids de terre me paraît donc une pUrë chircfèrë. Cëlld d'un emprunt de 400 millittes ne me semble pas plus probable5 et c'est sur ces-deux suppositions que repose tout le système du comité.
C'est en billets d'achat que la caisse d'Es- compte doit être remboursée de 177 millions. C'est avec le même effet qu'il sera suppléé au déficit des revenus et au défaut de renouvellement deri anticipations, mais votre comité a des principes trop sévères pour faire de ces billets d'achat' Un papief-mohriaie.il â Trntëfltioit tië le9 négocier et il crbit possiblë quë dânSla même àririée on riégocie, jë ne diS pas avec sudcès, ïfiàis d'flnë maniéré sûpportablë pour 250 OU 300 million^ d'effets qUëlcdnqUèS, et surtout d'effets qui ne s'eràiéîït remboursables que sur le prix de ventes que, pètit-êtrë, oh n'àUra pas éônStimmées dâris 20ans.
Il m'à été impossible de më livrer à tant d'illusions. Mori attachement à la- chose publique, mori respect pour l'Assemblée nationale, m ont imposé là loi d'essayer du moins de faire évanouir' Urie erreur dont ilèërâit bied funëstë de s'apercevoir trop tard. Serions-nous doncf aSsëz malheurerix pour que le salut de l'Etat dépendît de l'adoption d'Un pafpil système?
J'Oserai, MëSsiëffità, Vous proptfsér d'autres moferis. Je suis1 ltiiii dë lès croire à l'abri de Critiqué; car, il faut en convenir, nous n'avons que le choix entré le^ inconvénients ; mais du moiriS, s'il est possible, rie mettons rietf au hasard j réservons nos ressources ptftir dés temps plus heureux ; et puisque lé moment exige des résolutions promptes, tâchons qu'elles atteignent à riotré bitt, qu'elles y atteignent directemerit, et qu'elles rie sacrifient ni l'avenir au présent, tii le préSëht à l'avenir^
Clest pûur.-cera,.Messieurs,..qu!iLëst si heureux quç, Je pouvoir et...l^ volonté, se trouvent réunis dans cette AÉenmlée. Ce n'est; pas telle OU telle
vente, telle ou telle opération qui vous sont nécessaires pour donner de la force aux engagements de la nation. Ils seront forts, ils seront respectés pârcè que vous les aurez pris, parce qu ils seront la volonté des représentants d'une nation puissante et loyale, de ces hommes qui, dans des temps d'alarmes, sans autre impulsion que celle de l'honneur, se sont déclarés garants des engagements que leur Roi avait pris. Vos engagements seront forts, parce que votre prévoyance eif aura d'avance calculé l'étendue et le terme; parce que votre prudence n'aura prodigué aucun des moyens dont on vous conseille l'emploi prématuré et qu'elle aura réservé toutes ses forces pour les employer avec mesure.
Je Vous propose donc de^ne pas risquer les funestes effets d'une émission excessive de
billets de la caisse d'escompte, et de la tenir pour remboursée des 90 millions que vous lui
devez par l'assignat sur la contribution patriotique qu'elle a entre les mains, et auquel il
sera joint un supplément s'il est nécessaire. Je Vous propose, pour fournir à tous nos autres
besoins, la création d'une somme de monnaie fictive, soUs le nom d'obligations nationales,
divisées, pour la forme et pour les valeurs, à peu près comme le sont les billets delà caisse
d'escompte; elles porteraient intérêt à 5 0^0, et leur circulation serait autorisée à partir
du 1er janvier prochain. Je vous propose encore d ajouter à la somme des besoins de l'année
-prochaine, ce qui est nécessaire pour rembourser les effets à terme déjà échus et ceux qui
écherront dàns l'année 1790, afin de rétablir à. la fois le cours de tous les engagements
publics. Le montant entier de cès obligations rigoureusement calculé, serait de 350 millions
(1), et le terme de leur extinction peut être fixé â la 7e année sur le pied d'un
remboursement annuel de 50 millions, qui serait déterminé par le sort, et qui commencerait en
1791.
Le troisième terme de la même contribution fournirait à celui de 1792, et ce n'est qu'en 1793 que vous auriez besoin de secours extraordinaires.
Mais d'ici là vous aurez pris toiis les grands partis sut l'emploi des biens du clergé. Le retour de la confiance aura rendu tout facile, et peut-être aurez-vous trouvé d'aussi grandes ressources dans l'administration de ces biens, que dans leur aliénation. La terreur du moment pourrait seule vous déterminer à décréter des vérités précipitées, et certainement désavantageuses ; mais qu'est-ce qu'un moment dans l'ordre des destinées d'un grand empire? il pedt essuyer dés crises, mais il ne meurt pas ; et en sacrifiant tout aux besoins d'un jour, en épuisant à la fois toutes les ressources* on immolé peut-être les générations suivantes.
Je sens bien qu'entraîné par le malheur des mêmes circonstances contre lesquelles je Veux vous affermir, je vous propose l'usage d'une ressource toujours fâcheuse, mais remarquez, Messieurs, combien je la ménage, en ne destinant un papier nouveau et inévitable, qu'à remplacer d'autres papiers qui existent ; remarquez que je ne mets vos obligations nationales qui, dans 7 ans, et peut-être plus tôt, seront anéanties (1), qu'à la place d'une somme égale en billets de la caisse d'Escompte, en rescriptions et anticipations de tout genre, et en effets dë remboursement à terme fixe.
En reprochera-t-on de charger le Trésor public de nouveaux intérêts à payer ? La somme de ceux qui accompagneront les obligations nationales est inférieure à ceux qui sont attachés aux effets dont elles prendront la place.
M'accusera-t-on d'établir une circulation forcée ? Je vous ai proposé seulement d'autoriser le cours des obligations nationales, et autoriser une chose, ce n'est pas l'ordonner. Mais est-ce donc une circulation libre que celle des billets de la caisse d'escompte, lorsqu'on leur accorde, contre la foi des traités, le privilège exclusif d'être reçus comme de l'argent, quoiqu'on ait cessé de les payer à présentation. Les obligations nationales, libres ou forcées tiendront tout ce qu'elles promettent, et le seul énoncé des billets de la caisse d'escompte* dès qu'ils ne sont plus payés à vue, présente une imposture.
Du moins on ne pourra pas dire que je vous propose Un parti provisoire, un de ces partis qui font renaître au bout de quelques mois des embarras [plus grands que Ceux auxquels ils ont remédié.
Quittes tout à coup avec la caisse d'escompte, justes, autant qUe Votis pouvez l'être, avec
tous vos autres créanciers, c'est dans une sécurité pleine et entière que vous achèverez vos
nobles et importants travaux. C'est sans être tourmentés de ces vaines terreurs qui occupent
sans cesse votre sollicitude qu'après avoir installé vos administrations provinciales, vous
établirez des impôts justes et modérés, des impôts répartis avec égalité, des impôts
suffisants à toutes vos dépenses sévèrement réduites, aux
Le grand défaut que je trouve au plan de votre comité, est l'incertitude de ses résultats. Si quelqu'une de ses combinaisons vous manque, le service de l'année prochaine est exposé, tous vos embarras peuvent renaître incessamment, ou au moins vous courez le risque d'accumuler sur l'année 1791 des engagements impossibles à remplir.
Ce n'est point une nation aussi intelligente que la nôtre que l'on peut abuser ; lorsque vous aurez créé 350 millions d'obligations nationales, et que vous n'en aurez promis le remboursement qu'en 7 ans, chacun en verra la possibilité, et dès lors chacun y aura confiance. Ne craignez plus rien, dès que cette confiance qui jamais ne s'accorde au hasard, sera établie. Lorsqu'au contraire vous aurez surchargé la circulation de 2 ou 300 millions de billets de la caisse d'escompte ; lorsque peut-être l'on aura vu cesser même le payement lent qui s'en fait tous les jours, on ne croira pas que cette masse énorme de billets puisse disparaître en 1791. On croira encore moins à ce payement à bureau ouvert, promis pour le 1er juillet prochain, non plus qu'à ce remboursement de 5 millions par mois à partir de la même époque, dans une année qui commence, sans que le plus strict nécessaire nous soit assuré ; enfin, on ne croira jamais à ces ventes subites, à ces emprunts exorbitants, et l'effet seul de cette méfiance agira nécessairement sur la circulation et sur la valeur de tous les autres effets.
C'est par cette raison que j'ai cru les idées les plus simples, préférables aux plus ingénieuses combinaisons. J'ai pensé que travaillant effectivement à un arrangement de famille, les intermédiaires nous étaient au moins inutiles , et que la caisse d'escompte ne nous offrant qu'un crédit emprunté de nous-mêmes, nous pouvions nous passer d'acheter son secours, et faire directement usage de nos propres forces. C'est ce que je vous ai proposé, et c'est peut-être à ce point qu'il eût fallu réduire la question.
S'il était convenu que l'usage direct du crédit de la nation, pour le service de la nation, pût la sauver dans ce moment, son emploi serait suffisamment justifié, ou plutôt il n'aurait plus besoin de l'être. Je sais cependant tout ce qu'on peut opposer d'objections à un système de monnaie de papier. Je connais les préjugés accrédités contre cette espèce de numéraire, et je craindrais son influence sur le prix des denrées, sans les précautions que j'ai prises.
Dans l'impossibilité de faire entièrement disparaître ses inconvénients, j'ai recherché du moins à les atténuer. A cet égard, je ne crois pas que les commissaire saient été plus heureux que moi. Ils admettent deux sortes de papier, dont un au moins sera quelque temps du papier-monnaie, et l'autre pourra bien le devenir ; je n'en admets que d'une seule espèce *, ils en établissent pour une somme plus forte que moi, et sur de simples présomptions, sans avoir la certitude positive d'aucune rentrée, ils prennent l'engagement de commencer des remboursements périodiques de mois en mois, dès le 1er juillet prochain. Je n'ai pas autant de confiance; mais cette comparaison ne prouve rien en faveur des moyens que j'em-
ploie (1) : il faut les examiner en eux-mêmes. L'intérêt accordé aux obligations nationales, leur donne la double fonction de valeur numérique et de placement d'argent. Sous ce dernier rapport, on désirera les garder, sous le premier, on sera forcé de s'en servir ; mais la combinaison de ces deux rapports empêchera qu'il n'en soit mis dans la circulation au delà du besoin réel. Si cette observation est juste, la masse de 350 millions ne doit plus inquiéter, et il n'en sera employé dans le commerce que la somme dont le commerce ne saurait se passer. J'oserais dire plus : si la confiance se rétablit, et c'est à vous seuls, Messieurs, que l'honneur en est réservé, ce placement d'argent est si avantageux et si commode, qu'il sera bientôt préféré à tous les autres, et alors le numéraire effectif reparaîtra de tous côtés, comme moins précieux, pour reprendre sa. véritable place.
J'ai cherché à prévenir un inconvénient qui résulterait pour l'usage ordinaire de la vie, de la difficulté qu'il y aurait dans les premiers moments à se procurer de petites sommes. En effet, la seule confiance peut soutenir la circulation des sommes considérables; mais pour les dépenses de détail, rien ne peut tenir lieu de l'argent monnayé. Pour lever cette difficulté, je voudrais que dans la somme des obligations nationales, on admît une division de billets de 100 livres, et qu'on en distribuât pour 12 millions. Ces derniers billets ne porteraient pas d'intérêt; mais ils seraient payables à présentation, sans que jamais la même personne pût en réaliser deux à la fois. Ce moyen pare absolument à la difficulté ; et dès qu'il sera constaté par l'expérience que cet échange de billets de 100 livres contre des écus est constamment libre, ils seront échangés par les marchands eux-mêmes, et n'embarrasseront plus dans le commerce. Alors, il n'y aura aucune somme qui ne soit aisément payée avec les billets nationaux.
Il reste à examiner une question aussi importante que délicate, sur laquelle je n'oserais
pas me fier à mes propres lumières, et sur laquelle cependant on a préjugé mon opinion. Les
obligations nationales auront-elles une circulation libre, ou sera-t-elle forcée ? Sous le
régime de l'autorité arbitraire, un numéraire semblable ne méri-
Je suis persuadé que ce nouveau signe, commode pour tous les échanges, serait préféré à tout autre, parce qu'il serait utile pendant son activité, et utile encore pendant son repos ; avantage que ne présente aucun autre signe des valeurs. Enfin, je pense que son cours libre serait aussi sûr que son cours forcé aurait pu l'être, et on pourrait alors se borner à le faire admettre comme espèces dans toutes les caisses publiques. Si l'essai que je propose était heureux, que resterait-il à objecter (1>?
Je m'attends à une objection que l'esprit de chicane ne manquerait pas de me faire. On me reprochera d'imiter sous un autre nom, ces billets d'Etat qui répandaient tant de terreur au mois d'août 1788. Mais comment comparer les engagements d'un ministre, ces engagements qu'un caprice pouvait produire, qu'un autre caprice pouvait anéantir, avec l'engagement solennel d'une nation assemblée, qui juge ses besoins et ses moyens, qui ordonne ses propres sacrifices, et qui, impassible comme la loi, est invariable comme elle? Ce qui ne méritait aucune confiance alors, sera jugé inviolable aujourd'hui? Qu'on cesse donc de faire de semblables rapprochements, qui n'ont pas entre eux plus de rapport que la cour plénière et l'Assemblée nationale; et, du moins, qu'on attende que la nation française ait manqué à sa parole, avant de la calomnier.
Quelques personnes se persuadent que des billets tels que ceux dont il s'agit satisferaient
davantage l'imagination s'ils posaient sur une hypothèque spéciale ; et c'est dans cette vue
qu'il vous a été proposé de créer des billets hypothéqués sur des biens du clergé qui
seraient mis en vente (2). Rien assurément n'est plus facile que d'indi-
On m'objectera enfin que, moi-même, dans cette Assemblée j'ai proposé les biens du clergé
comme une ressource de 400 millions. Oui, sans doute, et je n'ai point varié dans cette
opinion; mais, en la proposant, j'ai respecté les droits des anciens créanciers, j'ai annoncé
comme indispensable, tous les préliminaires qui me le paraissent encore. Au reste, je n'ai
présenté que des idées générales, et c'est pour le moment de l'exécution que j'avais gardé le
développement de ces idées. Elles consistent à former un corps de domaines territoriaux, sous
le nom de domaine national, composé successivement de tous les bénéfices que les extinctions,
que les suppressions d'ordres religieux et les dispositions des provinces, affranchiraient de
tout service public, et à convertir sous le régime de chaque administration provinciale, leur
produit en annuités. Ces annuités offriraient partout un emploi facile, un emploi sûr, des
plus petites et des plusfgrosses sommes. Remboursées au bout de 25 ans, elles rendraient à
chaque révolution de ce nombre d'années, la [même ressource facile à employer. L'augmentation
du prix des denrées, les soins des administrations en accroîtraient constamment la valeur, et
chaque siècle, après avoir vu renouveler quatre fois ce grand moyen de libération, le
transmettrait tout entier au siècle suivant. Je préfère ce système conservateur à ceux qui
épuisent en un jour l'espérance de plusieurs générations. Au reste, je ne vois pas que les
obligations nationales s'opposent à l'opération demandée sur les biens du clergé, dans le cas
où elle serait jugée préférable. Si la vente en est décrétée et s'opère, les remboursements
que j'indique en 7 ans, seront peut-être faits en 2 ans; mais je ne m'appuie pas sur des
espérances, je n'admets aucune supposition, je ne hasarde aucune promesse, et je ne soumets
pas à de simples probabilités le sort de la caisse d'escompte, qui malheureusement, a des
rapports beaucoup trop grands avec la chose publique.
Le plaq que je viens de mettre sous vos yeux, me paraît propre à calmer les esprits agités de ces cràjqtés vagues, que l'imagination, faute dp base certaine, applique à toutes les circonstances de chaque fortune particulière. Ces craintes disparaîtront entièrement à mesure que vos décrets auront; successivement reièvé tous lés débris de ia fprtunè publique. Donnez des bases à la confiante, et fiez-voqs ensuite au besoin que sentent les citoyens paisibles, de retrouver enfin le repos et la sécurité,
La caisse d'escompte, rentrée dans ses limites, rendue à sa véritable destination, aidera
le commerce, et n'apra plus rien de commun avec les affaires du gouvernement. Si un plan de
banque plus utile, plus vaste que le sien vous est présenté, alors vous pourrez l'examiner à
loisir; ce n'est pas du moins en apercevant un glaive suspendu sur vos têtes, que vous vous
livrerez à cette importante discussion. Je crois d'ailleurs, je regarde comme un principe que
ce n'est jamais dans des moments decrise et d'alarme "qu'il faut songer a des ventes, à des
emprunts, ni même à établir des banques (1).
Je me résume. Messieurs, et je propose à l'Assemblée de décréter :
1° La reconnaissance de la dette de 90 millions au 1er janvier, à la caisse d'escompte, et l'assignat de cette somme sur le premier terme du don patriotique ;
2° L'établissement de la caisse nationale chargée dè percevoir tous les impôts destinés à acquitter la dette publiqpe. ainsi que" toutes les rentrées extraordinaires (1), et soumise aux formes de comptabilité contenues dans le plan de M. de Laborde ;
3° La fixation des dépenses de 1790 ;
4° La nomination d'un comité de six personnes chargées de présenter incessamment' à
l'Assemblée un nouveau système d'imposition ré-
5° La péation d'une sqmnie d'obligations pa-tionales de 350 millions, remboursables dans l'espace> de sept ans, sur le pied de millions par an, pprjaut intérêt à 5 0/Q, librement; négociables entre particuliers, et reçues comme e^pèr ces dans toutes les caisses publiques et particulières, à, partir dp Yr janvier 179Q •
6° La sommation ; d'une cibminission chargée de la liquidation générale des dettes de
toute es-pèce échaus au 1er janvier et dès; arrérages de rente
éobùé au 1er juillet dernier;
7° Que la qajsse nationale satisfera à tous les engagements de l'Etat, a partir du 1er
juillet 1739, sans avoir égard à l'arriéré* ej qpe toutes les dépenses seront acquittées
ïégpl%enippt, a partir du Ier jànvier,
(Divers passages du discours de M. le marquis de Montesquipu éditent de fqrtes, rumeurs,)
Qulques membres demandent ViWpressjQU du discours (les mêmes rumeurs se renouvellent;) Cette demande n a pas de suite.
Je demande qu'il sqjt décrété qu-QR ne recevra plus de motion,nouvelle jusqu'à ce que i'Assemblée ait accepta qp rejeté le plan du pomité des finances ; que les amendements seuls seront en tend us-, que la séance d& demain commencera, à neuf heures précisés» et. qu'elle nç se terminera pas qu'il n'ait été pris une résolution.
Tout l'échafaudage de finance attaché au plan qu'on vous a lu, et. sur lequel on yeut que vous décidiez si hâtivement» n'a été présenté au cojaqité qu'une demi-heure avant de l'être à l'Assemblée.
La motion de. M. de Pardieu est décrétée à une grande majorité.
(1), Messieurs, je ne me propose pas de discuter les. détails du plan qui vous a été lu hier- ; j'en laisse le soip aux personnes, plus versées que moi dans ces sortes de matières.
Mais j'ai remarqué que ce plan était fondé sur la pomme de 40Ô millions i qu'on pouvait se pror curer par la vente de biens du domaine ou des possessions du clergé.
A l'égard des biens du domaine, ils sont dans vos mains, et vous pouvez en disposer avec toute liberté ; quant aux possessions ecclésiastiques, je crois que j'aurai contribué à ranimer la confiance publique, et que j'aurai par conséquent bien mérité de la patrie, si je prouve que vous pouvez disposer de 4QÛ millions de ces possessions, sans diminuer les revenus affectés aux Irais du culte, et au, soulagement des,pauvres, et sans inspirer la moindre alarme aux créanciers actuels du clergé.
Je crois aussi, Messieurs, qu'il est de mon devoir de vous prémunir poutre les insinuations
de certaines personnes qui semblentu'aQeoFder les geçquçs; nécessaires à l'Etat sur les
possessions du, oiergê, que sous la cpnditiop que veus lui laisserez; une entière
administration de ses biens : rien ne me paraîtrait plus téméraire» plus impolitique, et plus
inconstitutionnel qu'un pareil engagement de votre part ; vous ne pouvez, au
C'est ce que je me propose de démontrer avec Je plus àe précision qu'il me sera possible.
Vous avez (Jécidé qu'on se renfermerait dans la di^ùssiondu plari proposé. L'opinant doit être mis à l'ordre,'qu je y être mis moi-même.
Qui, vous devez y être mis.
(Les réclamations pontinuent, on délibère, êt l'Assemblée décidé || M- Treillhard doit être entepdu.)
reprend : Votre décret du 2 no-yejpbre porte ; « que tops fes biens eçclésiastiquës sorit à là disposition de la nation, à la charge de pouWqir d'pûe nçiânièrè' épnvenable) aux frais du cp|té, !4Téhtrétiën qe èes ministres, et au soulagement des pauvres, et d'après les instructions des provinces ».
" Rien 4e plps clair que le texte de cetteloi r elie déclare le droit de disposer des biens ecclésiastiques residailt dans |à natÏQp ; e^e' annoncé que ces biflps' '4e's Irais culte, de l'entretien dés mmisMs lf]i soùlageinpnf des pàjïVrés ; eùfipelie assure aux provinces une surveillance faite pqpr garantir l'acquit de ces charges.
Cependant quelques personnes Contestent en-pore iè ^rp^t dg la nation sur les bieps écèlêsias-tiqiiej; qp p^erefie à circonscrire ce droit daiis la'(Simple faculté 4e Répartir les produits'^ ^ps 'ijjffl^'î.'.'Qp'essaye d'en fixer invariàblemeût râdmihistratipii dans W clergé ; on repousse l'idée! d'un PQ?JV les ministres .'de. l'É- glise; enfin ori nê craint pas d'annqnper que la natipnne saurait djrectenïgriï et sanâl'intervehtion q^ çîerp.'vqrser H^r 'fes nàuyrês les secours qui leur serontp^î^saïres.
Il faut pep çpppaïtre l'éspfit de votre décret, et %ire afl texte upe vialëiiçë bièn étrange, pour en deg pqqséquè^pe^ ; bar .çnjm.si là hâtiôn 'est Investie du' droit dispose?', cpnnhe orn h'ep saurait douter, elle, a, à plus ïorfe raison lp qEÇÏt d'administrer : et tant qu'elle pourvoira OTBjfj .iiifpère' convenable, aux frais du culte, a Feutretieii' dpvs miîiisjres et au soulagement 4és pauvres, qui poijrrait se plaindre avec quelque jpstice?'
On peut donc , sans difficulté , retirer au clergé et reprendre 1 administration des biëns ec-ciésiastiques.
J'àloute, ftiifî gl la natipp le peut, ejle le doit. Vdci mes motifs.":
L'embarras inséparable gestion temporelle ne peut qpe détourner les ministres de 1E-glisû,. dfis études et des devoirs 4e leur état. « Le quf$â, dolYênt, dft' l'abbé Plëùry, né ppn-siste pas" seuierr\ent à; réciter I office, il faut que tpùt |eijr temps et toute ieuryiey soient èçptr ployé.
Dans lès premiers sièçles, lés ministres du culte n'avâient d autres reyepus que lés offrandes vo-lontairë^ e,t" ceà! premiers içurs, il faut ejci cpnvépir» ûe sont pas les moins beaux et lés' moins hèùi'eùx 4e^'Ëglisé.
Lambitiofl ne tar^apas à suivre lapermissiop qui .fçif db^hée àu clergé dé posséder des' imm.èiibtes: les plamles touchantes qu'ont faites â Ce sujet
Les plus illustres pères de l'Eglise, nous attestent cette triste vérité. Gardons-nous cependant d'inculper en aucune manière les ministres du culte: ce n'est pas tant leur personne, que l'institution elle-même qui était vicieuse.
Retirer au clergé l'administration de ses biens, c'est donc le fixer plus particulièrement dansson état; c'est rappeler les jours de la primitive Eglise si longtemps et si infructueusement désirés ; et si l'ambition de quelques individus pouvait murmurer contre la sagesse de ce décret , n'en douions point, Messieurs, la piété du plus grand nombre applaudirait à votre décision.
Un second motif doit encore vous déterminer à prendre ce parti : vous êtes appelés à régénérer toutes les parties de l'Etat, et votre sagesse doit embrasser dans ses décrets les membres du clergé comme tous les autres citoyens.
Il faut par des lois salutaires et par une discipline bienfaisante, assurer à l'Eglise des pasteurs qui continuent d'édifier les fidèles, dont l'intérêt et les principes soient toujours confondus avec l'intérêt et les principes de tous lestons citoyens, et qui par une pratique constante des vertus de leur état, concourent au bien de tous et à l'harmonie générale du royaume.
Vous ne sauriez opérer ce grand bien, sans avoir auparavant effacé jusqu'à l'idée d'une corporation particulière du clergé, et cette idée survivra nécessairement, tant qu'il existera des possessions qu'on appellera ecclésiastiques ; jusque-là chaque titulaire, chaque établissement se croira forcé de défendre sa manière actuelle d'exister, c'est-à-dire l'abus qui la constitue : l'espoir de perpétuer , cet abus détachera les individus de l'intérêt général, pour les concentrer dans un intérêt particulier ; il les unira entre eux, il préparera contre l'exécution de vos décrets une espèce de résistance sourde, plus dangereuse peut-être qu'une résistance ouverte, enfin il pourra faire échouer les intentions les plus louables et les projets les plus utiles.
Il est digne de votre sagesse de prévenir de si grands maux : vous en coupez la racine en reprenant l'administration des biens ecclésiastiques ; quelles considérations pourraient ici vous arrêter? , La crainte que les ministres du culte ne se trouvent un jour exposés au besoin est une crainte frivole.
Je ne propose pas de vendre les biens du clergé, du moins je ne proposerai d'aliéner que la seule partie de ces biens qui ne produit aucun revenu : les salaires qu'il vous plaira de fixer aux ministres de la religion, auront' donc toujours les mêmes revenus pour gages ; et je déclare encore une fois que", les titulaires actuels méritent la plus grande faveur.
En vain chercherait-on pour défendre l'administration du Clergé, à se faire une égide de l'intérêt des pauvres et à cacher sous ce manteau respectable, une autre espèce d'intérêt qui ne mérite pas la même considération.
Oui, sans doute, les pauvres ont des droits assurés à une portion des revenus ecclésiastiques, et ce n'est pas dans une Assemblée comme la vôtre, que des espérances légitimes pourraient être déçues : mais l'intérêt de la portion souffrante de l'humanité est si grand et,si sacré, que la nation ne doit s'en rapporter qu'à elle-même du soin d'y pourvoir; c'est un devoir trop beau pour le confier exclusivement à une classe de citoyens, quelque vertueux qu'ils puissent être.
D'ailleurs, la manière d'administrer les secours çst plus préçjeusç encore que Je secours lui-même ;
c'est là surtout que l'on verra éclater votre sagesse ; vos dons inconsidérés ne seront pas l'aliment de la paresse et de l'oisiveté, ce fléau terrible qu'il faut extirper. Vous hâterez par des établissements utiles l'instant où tout le monde pourra subsister par son travail, et il vous en coûtera bien moins pour détruire l'indigence que pour alimenter cette foule de pauvres que l'ancien régime a fait éclore de toutes parts.
Et ne craignez pas que le clergé soit avili, parce que la nation se chargera elle-même du soin de ses pauvres; je soutiens qu'il en sera plus honoré. La charité des ecclésiastiques, quelque grande qu'elle puisse être, est toujours fort au-dessous des besoins qui les environnent ; ceux mêmes qui n'ont à cet égard aucun reproche à se faire, se trouvent quelquefois poursuivis par la calomnie; on attaque leurs intentions et leurs choix quand on ne peut contester leur largesses; il suffit d'ailleurs qu'un petit nombre manque à ses devoirs, pour que mille voix s'élèvent à l'instant contre tous.
Tout se réunit donc pour vous déterminer à prendre l'administration des possessions ecclésiastiques.
Vous devez sans doute en la reprenant, pourvoir à ce que les revenus, loin de dépérir dans vos mains, éprouvent au contraire un heureux accroissement : rien n'est plus facile.
Les biens de l'Eglise n'ont jamais été portés à leur véritable produit, soit parce que les titulaires qui ne sé survivent pas à eux-mêmes ne sont pas en général de bons administrateurs, soit parce que l'incertitude de la durée des baux ne laissait aucune place aux spéculations.
Vous remédierez à ces inconvénients en permettant des baux de douze ou même de dix-nuit années ; ils seront faits à la chaleur des enchères, devan t les assemblées de district, et vous pourrez alors, sans aucune crainte d'une diminution de revenus, stipuler des deniers d'entrée équivalents à une année du prix du bail : première ressource pour les besoins publics.
Vous en trouverez une bien plus considérable dans le nouveau régime des réguliers ; tout porte à croire que vous laisserez aux religieux fatigués de leur chaîne, le moyen de la briser; votre comité ecclésiastique vous l'a proposé, et je ne crains pas de le dire, l'opinion publique a déjà fixé la vôtre sur ce sujet : nous ne pouvons pas nous dissimuler qu'un grand nombre de religieux profitera de la liberté que vous êtes au moment de leur donner.
Quant à ceux qui préféreront vivre sous la règle qu'ils ont embrassée, vous remplirez leurs vœux et vous les rapprocherez de leur institution, en les plaçant de préférence dans les maisons situées à la campagne ou dans les petites villes.
Ainsi vous acquerrez la faculté de disposer, et dans l'instant, de presque tous les terrains des réguliers dans les capitales ; je ne crains pas de dire que vous en avez à Paris seulement pour plus de 100 millions : les autres grandes villes du royaume en renferment pour des sommes infiniment plus considérables ; cet objet et les deniers d'entrée des baux vous fournissent seuls les ressources nécessaires pour l'exécution du plan qu'on vous a proposé ; et daignez remarquer que la vente que je prends le liberté d'indiquer, ne frappe que sur une espèce de biens, stérile s'il est permis de le dire, puisque dans l'état actuel elle ne produit aucun revenu.
Les créanciers du clergé pourraient-ils murmurer de ces aliénations ? clergé doit environ
200 millions; et après les aliénations que je propose, il restera plus de trois milliards, de biens ecclésiastiques pour en répondre ; la nation ne peut d'ailleurs reprendre l'administration des biens ecclésiastiques, sans se charger aussi des dettes légitimes dont ils sont grevés : la sûreté des créanciers du clergé sera donc augmentée, et je leur rends trop de justice pour oser croire qu il en existe un seul qui ait même la pensée de calomnier une opération qui ne lui fait rien perdre, et à laquelle le salut ae l'Etat est peut-être attaché.
Je crois avoir rempli la tâche que je m'étais imposée, et vous avoir démontré qu'il faut soulager les ecclésiastiques de l'administration de leurs biens, oue vous pouvez ainsi trouver un secours de 400 millions, sans diminuer en aucune manière les revenus affectés au culte et au soutien des pauvres, et sans faire le moindre tort aux créanciers du clergé.
VoUs ferez donc (en adoptant ma proposition) pour le bien de l'Eglise et pour l'intérêt de l'Etat, tout ce que la piété la plus solide et le patriotisme le plus pur sont en droit d'exiger de vous.
Je demande en conséquence :
1° Qu'il sôit défendu a tous titulaires de bénéfices, supérieurs de maisons et établissements ecclésiastiques, à toute personne enfin sans distinction, de faire ni recevoir à l'avenir aucuns baux de possessions dites ecclésiastiques, à peine de nullité ;
2° Que lesdites possessions actuellement en régie soient dès à présent données à ferme, à la chaleur des enchères, devant les assemblées de district, et sur la poursuite des procureUrs-syn-dics, après trois affiches et publications de quinzaine en quinzaine ;
3° Que toutes les autres possessions de la même nature soient pareillement données à ferme dans la même forme, à mesure de l'expiration des baux actuels ;
4° Que les baux de toutes ces possessions, à l'exception seulement des biens dë ville, soient faits pour dix-huit ans, par petites mesures, autant que faire se pourra, sous la charge de deniers d'entrée équivalents à une année du prix du bail, lesquels deniers d'entrée seront pavés dans les trois mois, du jour de l'adjudication, et versés dans la caisse nationale pour être employés aux besoins de l'Etat.
5° Les adjudicataires seront tenus de fournir bonne et soivable caution, laquelle ne sera reçue qu'après une vérification suffisante.
6° Le prix de tous les baux sera payé aux termes stipulés, à une caisse qui sera établie à cet effet dans chaque district.
7° Il sera incessamment fixé un salaire annuel pour chaque personne pourvue à l'avenir d'un titre de bénéfice, lequel salaire sera proportionné au service, et payé de trois en trois mois et d'avance, sur les produits des revenus des possessions dites ecclésiastiques. A l'égard des titulaires actuels, l'Assemblée nationale se réserve de régler leur sort d'une manière convenable.
8° L'Assemblée nationale se réserve pareillement de décréter incessamment, pour chaque district, au moins un établissement destiné à procurer du travail à tous ceux qui peuvent en manquer, et à pourvoir au soulagement des pauvres infirmes ou malades ; seront lesdits établissements dotés, d'abord avec les fonds des hôpitaux du lieu, subsidiairement des deniers provenant des possessions dites ecclésiastiques.
9° Se réserve aussi l'Assemblée nationale de
décréter sur les mêmes deniers des pensions de retraite pour les anciens curés et vicaires, et les honoraires d'un maître et d'une maîtresse d'école dans chaque paroisse de campagne.
10° Les emplacements des maisons religieuses, sises dans les capitales et grandes villes, seront incessamment vendus, excepté toutefois ceux des maisons qui seraient destinées à l'éducation publique et au soulagement des malades dans les lieux où on manque de pareils établissements, et des maisons qui pourraient être destinées à des établissements utiles au progrès des sciences : le prix de tous les emplacements vendus sera versé dans la caisse nationale, pour être employé aux besoins publics.
Plusieurs membres demandent l'impression de la motion de M. Treilhard.
L'iinpression est ordonnée.
(Voy. aux Annexes, le rapport de M. Lanjui-nais, sur la motion de M. Treilhard.)
Je me renfermerai dans l'examen du plan proposé par le comité. Je ne parlerai pas du décret qui vous a été lu au nom de la minorité de ses membres ; il renferme le vice essentiel de déclarer une chose fausse, comme en disant que le clergé n'est plus un ordre, et de rendre ensuite le clergé un ordre en lui laissant une administration commune.
Je ne crois pas que vous deviez décréter sur-le-champ l'établissement d'une caisse d'extraordinaire ; il tient à l'ordre général, et cet objet me paraît pouvoir être ajourné à un temps très-limité.
Oh vous propose de vendre des fonds du domaine et des biens du clergé pour 400 millions, et de créer des assignations pour pareille som-me. '
En adoptant cette disposition, je crois qu'il est bon de faire deux amendements.
Premièrement, au lieu de décréter, dès aujourd'hui, la vente pour 400 millions, on pourrait, en commençant, la restreindre à 300. Elle se ferait également en deux ans; il serait plus avantageux de donner une hypothèque spéciale qu'une hypothéqué générale. Les effets seraient plus aisément négociés, parce que les porteurs pourraient suivre la vente et l'exiger ; il faudrait en conséquence charger des commissaires de faire la désignation de ces biens, dans le courant de mars prochain, avec le concours des assemblées de département, et en prenant préférablement dans les fonds des bénéfices actuellement aux économats.
Secondement, on pourrait comprendre dans les domaines à vendre les parties de bois épar-ses, et dont la contenance est au-dessous de trois à quatre cents arpents. La dépense des gardes, etc.. est plus considérable que le produit.
(Voy. aux Annexes de la séance l'opinion de M. le duc de La Rochefoucauld sur les banques publiques.)
(1). Messieurs, dix volumes in-folio ne suffiraient pas pour contenir les détails de la
dépense de tous les départements. Il est donc impossible à la législature actuelle de sonder
la profondeur du gouffre dans lequel voudraient nous ensevelir quelques bons
Laissons règtièfe perfection de ce travail à la législature qui doit nous succéder; poùs avons de plus grapdes fonctions à répapUp : faisons notre constitution, organisons nos assemblées pfovippiales ef nos tribunaux ; délibérons de8 iippqts/dgnt Ja répartition n£ donne plus rien à l'arbitr^re. tfpîlk ce que la nation attend de nous.
Nqu§ avftn$ un-jnînjstj'a des finances qui a mërjtél^ cpM^npedélft p^îpp; nous avons up cpjpitp. pour les finances qpi. pous rpnd compte de son travail ; nous connaissons pçir eux la masse de la dette nationale non' remboursable ; .pou^ j^qnais^ns p^tiqpii^r^inept Ut somme nécessaire pour payer tous Jpflàpréragp? éq&i^s pt faisons honneur à ladpttepubiique- Voilà çèqùe pops 4evqps.fr Iq, fpyautô i'rp,nç^e, que :ppus avons si àouvppt; ipypqpée; dçms pos décret, '
Je sais que nous he pouvons èrrèr que pat un excèç; de^èlp; ufl d^ zÊk perdre |jrfMc| jan| retpurl et" peu, |papOrtp à ppts ppmmjstîa^ts 4g Injp^i^n^s çnçjçit. a omiie. s'il •fjmjt qu'jfs p^ris^éqjj. i;,
On assurele, ministre, dp la guerre nous pfçxppsppa ^44)00,pQp d'pçpqômjeS sur spn départ t^m^ri^/i Pn ^ass^çp, qpè tous département^ rpgqi§ PPUS en procureront sqixàhte. Qué pop-vôris-nous esperër ae plus glorieux et qu apfppt à réppqdp hps commetWtg lorsque nou? leur dirpps : Nous aypris abqji 1$ fêp^âj j,té? pouvons .ajjpii dp? tribupjips, çiuj., faisaient le malheur dès ^pepple^ npUsf avons r£glé lë§ fonctions , dp$ divers pouvoirs, nous avôris rendu tous lés em-ploi^^ptif^ poqs ppns .^opp^ aux prpviqçés î^gâïqp dMioj^i sou? lpg popis j^sèps ifii^V "trpfses; dp fpur pj'ga^i^ation intérieure, du choix de leUrs impositions et de" léurs représentants ; noqp rppdu M^en^ëg, natippçdp pertpà-nenté, mips^pE-jp. d^ppn^è, puhUqup ; avons donné (J^'s j^^fOa fojhM déppîises des divers dép^çtèmeùts sçspt fixées ; you h'ayez pfûs cjp'à pntendr^l^rj^ cqmptpg'et'.les,3iig;er. '
Mais si vpiis yo^Jëz . mm ja Frânpp doive çp piepfait k, droji de vjoq^', optjeijdpfl votre cpmité des finances; 0 yppjj (Jiisi ce qqe S^ienpail- il doit voij$ «dire que ypvjsné prpûW pas iié§ jppyeps. pour la ïib|rer paps, m vous çip pétablisséz p^s lg.fi^.p»blio. c'^n psfcfjut de l£f frâncê; ët lieu d'êtçe Jps Ijbéfafpurs de ce superbe emnir|!, vous en aurp^ ej$ lgp djèstjructéUF?. pt les poUr-repux» i
' Çps^p moméq't dé' t,Qpt dirp,pt jiple dis aveç fraijcpjse, jj ïflûlj ' balancer su r-le-pljaiup. J teyg-nus publics avpc dépqn^ë p^Mqùe -, tant que cet a'cté nàtippâ| ser^'n^^ pupjiéë la. cpnflâqçp pe r^iiaitrej l^jrar gerpt ploi^é' aaM . la piiis jiorribie'dets et pé l^p^bpftjjàu- më devièndràla proie au prémier cônquèrant.
Cette position désespérante me déièrmMo à penspp qup que e'proppâë qui pmssp ppps gapyer. te'le spu| fps yepx dp. P4ssetnbîée.,
projet d'arrêté.
L'Assemblée-nationale, témoin de lar situation pp l'Etat, sp. trpuvp, et yp]qla.pt en, ,^vitervJa dissolution, n'a' pas trouve d'autre moyen pégf tpj^-blir ses finances et assurer le repos public (sans
lequel la constitution ne. peut s.'elfeçtuer), que dè décréter lès articles spiyants
Art, 1er, Tous les citoyens français et autres habitants, ainsi
que lés étrangers qui pnt dps propriétés foncièrès pn Francëi sont p^igès, des ce jour, à
fairedwa toutes les pRunitii pontés dès viljes, bourgs et viljâgps du royaunie d^nyësquels
ieurs bipns sont situés, la soumission PU pep-tième dp leur fprtupe, éyaluép au tipf$ d'une
apnée dp sps rpvenus, de quelque nature et manière qûW'ftrocêaèhl* payablé. M '^jitifg.fi^é^
par quart, la ditp squmjssipp dpv^int ptr^ mept qffèctuép le 1er janvier prochain- Il sera
tenu un état e^act des noms de§ citoyen^ qui auront fait ïeïit'.ètçft'''séic^ tpnu pn triple
pri^in^l, dont prie expéditmp. sera adrpssfp a,ux commissaires 4e l'^spmbi^e uatigwlpv urie
Sep6nd[e expédition ' aux^ ; pmciprS municipaux dp là capitale aë chaque département» là
trmsièm^ pxpéaitipn spra daps re^' arçSÏiiVps' de là rriunipipalit^, Çpux qui aurpnt des
bieris-fprids en myerô Ijpqx du royaume, feront choix (le.pèlui dans lequel ils youdront pay%
leur sqjimissiiori ; ils en donneront suf-lé-çt$mp. connaissançe 'aux oftipipra m#oiçip$ux
des' dits li^ux^lls: phyer-çont,' de PÎusi, cqpîe,$| léur 'soçnjïssïop aux çj^s ciprs
dpsVaritre^ i|e^ix ou; ;ppss§- defont açs dnna®é|! afin quë lp^r déclaration. y s^it Connue
ptéprçgïs^rée.' !
Art.' 2." Ï1 sera formé dàris chàqué villej: bbtirg ^t vi|}iagp du ,foyautqp, jine cais^p patfr|ptique; ptjépendaptp làq^rps'o^ssjês ^àlip^ég' oq roy^ips, lâqpiéllë' )è prôduif lf ' s6um|^-sion sera verséf et dont Jp régisseur correspondra dirpçtémé^t.'ayëq Ipè'règisqpi^ps de là caisse bue 'pour' cet bbjiet àahs M^ranimlè dé çh^iqnp d^parteippnt, pt ces d^iers„^Vpc'ip$ çpmbfti^-^aires npmmês par rA^spmhl^ pàtiçiri^ip,.' ' ' ,
Art3., ser?. pré^ pp,^ |0Q miliioris ç|p billets npmméà' billets Kae l'a natidiï'!française." .^pnt ,100 miUipps, en ^illefs. de la.valppr de'çén^ liyçëé, 10Q millions de'sit, ''^n^.Hyresù 60 millions pn ^lets de ïpille I^yres pt*£0 tnillioiis^^e^ bwW de trp|s milielftres.
Art4.. â- 'Ces m(pts spront reçus pp payement dàns tputps|Jps caiâsps e\ popy tous le^ p^yemëuts dp particùlfpr à. pariiptfiiër.; i^ né pourront être rèïusés spqs àu^pp ppétè^te* îlh pô.rterprit up irifèr'êVâ trois pour'èent, payable ciiàqqè apnée; ijs p.'^prpnt cpqrs -qu'au pair- pt fp çr^ncipr, qiii les rpqeyra pn payement, ppUrraêtrp forcé à bonifier les intérêts ëchhst,
frty. 5. Le huitiëm^ dji montapt de ià sousprip-tiqn patriptisue ser^t adrés^é aux coiriîpissaires riommés par là ' capitale jfe chaque d^p4rtémerit ; le huitièçpe restait ?pra,Vprsé ^aps pajsses dps diyerses villes où mppiçip^lilè de la capitale indiqupr^ dps ppréaux.
Ar6 . Lés cqrrimissâires qpi régiront dans çiiàq^p ville,'boqrg ef y^liagé, la caisse jîàtrioti-gpe, ^pnàèqp|ttç'rOPt s^ns frais; .jls/s^iitQbm-més par l^ipUpicipaiité pù les' bùrpaqx 'serbnt etaDlis-
„ Art 7. 'qùprt du montant la souscription ^grjl pay^ par' ^put rpy^ump?! dA jour ' dé' la ^oMi|s,ipn>.^ f| du j^i'ôis ne mars 17^. p^§se flupl faims phaqpp pici palit^ 'çpiy^i ips^ résïfr ments connus et inis en U^age pou^' r^ntr^e dps. fonds royaux prdinairp^ ; M allouera pu ra~ hais, dp ^jx pour cprit '^pp^ qui fprprit ips qpa- I tj^'.p^yem^ I vra -ppiifE çQ[nptpt tmjsles f^yg.]^, » de que)qpppàtpre gu lié, pfppêdênt, ainsi qup ies quittances aes pênélons et rentes' échues et à
échoir dans les deux premiers mois qui suivront le payement qui devra être fait. Les quittances des payements en tout ou en partie, seront signées par les trésoriers de la caisse qui seront nommés par les municipalités,
Art. 8. Il sera, retiré pendant les quatre années de payement de la souscription patriotique, IQQ millions de billets par année et la vérification en sera faite publiquement dans la tenue de ia session de l'Assemblée nationale, qui aura lieu dgns le cours de l'année 1790. Les billets retirés seront payés comptant au bureau de la caisse patriote que, ou sur les mandats qui y seront expédiés.
Art. 9. L'Assemblée nationale nommera douze commissaires pour la direction des travaux relatifs aux opérations de la caisse. Elle nommera de plus trente citoyens de tous rangs pour assister et donner plus de solennité aux opérations de confiance dont le remboursement des deniers patriotiques peut être susceptible. Il leur sera expressément défendu d'agioter l'argent de la caisse, à peine d'être poursuivis comme concussionnaires. L'Assemblée disposera seule de l'excédant des 400 millions.
Art. 10. Les billets seront numérotés en toutes lettrés et en chiffres. Tous les numéros seront jetés dans une roué de fortune; il en sera tiré toutes les années poUr 100 millions, en présence de la commission établie par l'art. 9 et les numéros qui sbrtiront seront les billets qui seront remboursés.
Art. 1l.' La liste des numéros qui seront sortis sera sur-le-champ imprimée ; il en sera epvoyé dës^éxpéditibhs auxv officiers municipaux' de la Capitale de' chaque département, et- ces derniers |à répandront de suite dan£; toutes les villes, bouïgs et village^.
Art 12.Chaque possesseur de billet, remboursée par voie dfe sort, dêcîairèra aux ©ftici^r^ municipaux de ïà ville dans laquelle ' il résidera, çm'il ,e§t j^n ém^SIgfi^QiÈ ^njrembQursemenH il ^émettra Billet aux dits' officiers, âont' if recevra up chargejpehi' Ces derniers enverront les dit$ Billets aux 'cojnmissai^ès. de 'l'Assemblée nationale, qui expédieront sur-|e-champ des mjapdats de ia'mjê/ne valeur, pour que ïè paye-njjànj; cfé iâ somme 'équivalente soit fait darib" Tjija. ville, bourg ou vil}agé qtie le* porteur ' du billet habitera, ou dans * la municipalité la plu? ' pj^î chaine.'
Art- 13. La déclaratjpn ia pljis ^u^entique du montant des billets rpipboiirsés pèra adressée aux cpmmiss^irjes qpinmés par l'Assejijhlée u.atpinam. Ces" cpmmiss^ifê^ formeront ,ùh èt§tf c]rqôu§tài^cié du nom,'surqopj, qualité et domicile du cijt.ôyén q'ujl aura (été remboursé et par quelle municipa-$)$ il fîura été remboursé ; ils déclareront avoir tous fes Juillets doqt la menf$n 'sera faite sur la Ij^te. L ^sq|nj)l|e j^tionale dëyant laquelle «ce compte spra fendu, ' nommera §ur-le-çhamp vingt-qjjàtrjl comiuissâj^ pour* en faire îav^rmcat'iôh ; Ces pqpimissaires déclareront l'exactitude ou Tjnexactitude de la liste; et "]àans Je cas qiie ies billets ' présentés Correspondraient parfaitement avec les billets payés, ces billets, qui formeront une vàleuFde'lO'Or minions, seront nfûlê's sùr-Ië-ctiamp dans la £éance de rassemblée. nationale-Iià ljsté et "le prdciés-vërbal seront ipa prl^'J et publiés.
Art. 14. Il sera expédié au premier ministre des finances pour 40 millions de billets par mois, ôtfpour urié plus forte1 s^ime, sll qjl ' ^âit fa demande, Nulle puissance rie'dispB'èera des fonds
provenant de la souscription patriotique, que l'Assemblée nationale; nulle puissance ne disposera des billets, que les cpmmissgirës nommés par l'Assemblée nationale; le ministre qui 4e-maqdera des billets donnera l'état signé a toùte$ les pages, de l'usage qu'il efl veut faire, et l'em-ploi en sera justifié tous lès mois à l'Àssemfylëe nationale, dans le cas que la session se continue et à défaut aux commissaires nommés pour la direction de ce travail, lesquels commissaires eu rendront cpmpte d^ps lés premières séances de la session suivante..
Art. 15, Tous les ^pôts actuellement existants et non supprimés, seront payés pommé par le passé; il sera ppurvq incessàqiment à une' répartition plus égalp, le supplément de laquelle Sera payé par lés biens privjtégjés depuis le Ie* ayïil de la présente année,
Art. 16. S'il était prouvé que dans les circonstanciés fâcheuses ou l'Etat se trouve, iï y eut un Français qui eût fait une déclaration insuffisante du dixième de sa fortune, il sera déclaré mauvais citoyen et incapable q'èxërçër aucune fonction publique.
(On crie à l'orateur, vde toute part, qu'il sort de l'ordre de la discussion, fi descend de la tribune.)
La grande question est de savoir si le plan ne vous offre pas des ressources illusoires contre un jhal très-considérabfe et très-pressant. Je demande d'abord qu'il iné sojt permis d'arrêter vos regards sur ce'.mal, et d'en mesurer l'é^eqdue. "
Deux objets sont à Considérer. Premièrement, l'intérêt des services de 1790; secondement, l'intérêt d^es ,nqrteur!f.4??'!e^ts Jft çajs|e d'escompte- Voila les leux parties de nos besoins argents; il faut'distinguer les propriétaires de capitaux d'ayee ^"porteurs des jHlfôts. Poqr % prémiërs, on peut atermoyer éh ieur accordant jjfl. intérêt, ce qui ne Jpur ferait pq^ éprpuyer de perte répllè ; mais les porteur8 flÇ bili^fs, pour lesquels Ces effets sont des besoins ae tous lés jours, doivent être' payés lé plus prbmptemént possible ; mais ces billets représentent les capitaux circulants des manufactures des provinces. La perte d'un et demi pour cent sur ce papier devient, pour le manufacturier qui ne peut payer ses ouvriers qu'avéc du numéraire, une perte effective du quart ou du cinquième de son bénéfice.
Le besoin Urgent-est donc d'une .somme de 80 millions, et de mettre la caisse d'escompte en état de payer le plus tôt possible à bureau ouvert ; voilà le pronlème qu'il faut résoudre;
On vous proposé dë donner à la caisse d'escompte une Surséance de six mois : le remède èst pire que le mal même. On vous propose d'arrêter une vente de 400 millions; mais le^pQuvez-vous tant que vous n'avez pas statué sur la (dîme, i et remplacé 85 millions employés au service du culte? Les biens du clergé sont eacqre défendus par une puissance d^opinion cinsiivous aviez des municipalités, des corps administratifs, votre embarras ne serait plus- rien.
Il est dangereux, il est inutile d'engager 400 millions, quand vous aye^' seulement bèspin de 170 millions. Il faut emprunter ces 170 millions sur ceux des biens ecclésiastiques que personne n'est dans le cas de défendre, ceux en économats. Ils ' ne produisent au qu'Un revëpu-de Ï,6O$0QO fl|ri:! mais ajpfité|-y lé rèvenu 'jjtfen retiMif administfàteiïrs supérïeùrs'ef subâl--
ternes.....ainsi vous trouverez au moins de quoi suffire à vos besoins, sans exciter ni heurter l'intérêt de personne.
On ferait un tableau de la nature de ces biens et de leur situation ; on en publierait la vente, et alors on donnerait à chaque prêteur une hypothèque sur le fonds qui lui conviendrait davantage.
J'ai deux observations à faire. Quand vous avez voté la contribution patriotique, vous avez cru vous tirer d'un grand embarras, et vous en avez à présent deux au lieu d'un. Vous n'avez jamais entendu consentir un emprunt remboursable dans six semaines, et c'est ce qui est arrivé lorsque, sans prévenir et consulter l'Assemblée, on a, malgré votre décret, traité avec la caisse d'escompte.
J'ai examiné le tableau des dépenses extraordinaires de 1790: je croyais y voir des dettes exigibles, et je n'ai rien vu de cela. Il ne m'appartient pas de prévenir les observations de l'Assemblée sur ce tableau ; mais j'en demande l'impression, afin que demain vous puissiez le discuter.
La question préalable est invoquée sur cette demande.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer, quant à présent.
, J'observe que dans le mémoire envoyé hier par le ministre, M. Necker fait entendre que ce pian ne lui a pas été communiqué ; il serait important cependant qu'il eût été concerté avec celui qui doit être chargé de son exécution.
répondent que M. Necker a eu la connaissance la plus entière du plan, mais non du rapport, qu'il n'eût point été convenable que les commissaires communiquassent.
On lit la phrase du mémoire du ministre : elle est absolument conforme à cette explication.
La séance est levée à quatre heures.
Rapport au comité ecclésiastiqve (1) contenant l'examen de la motion de M. Treilhard sur Valiénation de quelques portions de possessions dites ecclésiastiques et sur l'administration de toutes, par M. Lanjniiiais, membre du comité (2).
Messieurs, on avait agité, dans votre comité ecclésiastique, la question de savoir s'il conve-
nait de retirer aux bénéficiers et aux établissements ecclésiastiques l'administration des biens qu'ils ont eue jusqu'à présent. Cette proposition fut discutée sans prendre un parti définitif.
M. Treilhard pariant, le 18 décembre, à l'occasion de la caisse d'escompte, sur l'aliénation de quelques biens ecclésiastiques, fit venir son projet d'ôler absolument au clergé toute administration de ses biens, et proposa dix articles à discuter.
L'un de ces articles, c'est le dernier, concerne la désignation des biens ecclésiastiques à aliéner pour les pressants besoins de l'Etat. Les six premiers contiennent les dispositions qui doivent changer l'ancien régime des fonds et des revenus ecclésiastiques. Les trois autres indiquent l'emploi de ce même revenu. La motion de M. Treilhard a été imprimée par ordre de l'Assemblée, qui a résolu de la délibérer.
Votre comité ecclésiastique comptait vous offrir, sur ces trois objets, une série d'articles qui auraient été discutés préalablement par les membres que vous avez choisis peur préparer vos travaux sur les matières dé ce genre. M. Treilhard a cru qu'il était utile de prévenir leur zèle; ils ne se croient pas dispensés, pour cela, de vous communiquer lèurs réflexions sur les objets de la motion de leur collègue ; c'est en sa présence qu'elles ont été proposées et arrêtées.
Quant à la désignation des biens ecclésiastiques à vendre préférablement, pour contribuer à l'acquit de la dette nationale, cette aliénation a été ordonnée par votre décret du 19 décembre; mais la quotité en est demeurée incertaine, et jusqu'à ce que vous l'ayez fixée, vous ne pouvez prendre qu'une détermination vague sur la désignation de ces biens.
C'est aussi tout ce que vous offre l'article 10 de M. Treilhard, et l'on ne peut pas exiger davantage quant à présent. Cet article est conforme aux'vues qui ont été approuvées par votre comité.
II doit faire la base du décret que vous rendrez sur cette aliénation; mais ce décret, pour être utile et susceptible d'exécution, présuppose les avis des districts et départements; car il doit contenir l'état des maisons et terrains qui seront aliénés, désigner le temps, les formes et les conditions de la vente. Vous ne pouvez donc pas dire que ces biens seront incessamment vendus ; il faut d'abord prononcer les suppressions des maisons; il faut d'abord pourvoir au sort des individus qui les composent, Il a semblé à votre comité qu'il y a lieu d'ajourner cet article. Mais si vous le décrétez dès à présent, le mot incessamment doit en être retranché et l'article serait peut-être plus exact dans cette forme : « Il sera désigné par l'Assemblée nationale, dans les grandes villes du royaume, un certain nombre de maisons et d'enclos, ci-devant appartenant à des établissements ecclésiastiques qui auront été supprimés; ces maisons et enclos seront vendus dans ie temps et avec les formes et conditions qui seront fixées par un règlement particulier; et le prix en provenant, sera versé dans la
caisse nationale pour être employé aux besoins publics, ainsi qu'il sera ordonné, »
Les six premiers articles font naître bien des réflexions : les uns concernent le fond même des dispositions; les autres ont pour objet des négligences de rédaction qui peuvent être facilement réparées.
Avant de présenter ces réflexions, il faut examiner la question principale; elle s'offre sous plusieurs aspects différents : 1° Par rapport aux biens maintenant en économat ou en régie séculière, comme la régie des biens des Jésuites, celle des Gélestins, des Antonins de l'ancien ordre de Gluny, des Chapelles royales ;
2° Par rapport aux biens des bénéfices qui ne tombent pas en économat, et dont la nomination est suspendue par le décret du 27 novembre ;
3° Par rapport aux biens des autres bénéfices ou établissements qu'il est dans votre intention de supprimer;
4° Par rapport aux biens des bénéfices ou établissements nécessaires ou utiles, que vous avez sûrement la volonté de conserver.
Sur la première classe^ il ne doit pas y avoir diversité d'avis ; la régie des économats comprend les fruits de la vacance des bénéfices jusqu'ici réservés à la nomination du Roi, et les fruits de certains bénéfices opulents auxquels le Roi s'abstient de nommer. Cette régie très-coûteuse, et dont les revenus sont consacrés à des destinations presque absolument arbitraires, doit cesser avec les autres vices de l'ancien régime ; elle tire son origine de la régale : l'une et l'autre de leurs extensions énormes, ne sont que des inventions fiscales, ouvrage d'une politique faible, cupide et astucieuse, Indigne dès temps heureux que vos travaux nous préparent. Cependant, il convient de "s'exprimerpositivement sur cet objet; et avant de décider, il vous paraîtra peut-être Utile de vous faire un compte détaillé de la régie des économats, ét des autres régies indiquées, ne fût-ce que pour connaître les pensions abusives que vous devez retrancher, les dépenses dont yous devrez ordonner la continuation, et pour prescrire, en connaissance de cause, les règles à suivre dans l'attribution à chaque district des biens d'un seul établissement, situés en divers ressorts.
Il faudra de même fixer la compétence de chaque district pour les biens des bénéfices dont la disposition est suspendue par votre décret du 27 novembre. Mais vous ne balancerez pas à attribuer au plus tôt leur administration aux districts.
Il y a plus de difficultés relativement aux biens des bénéfices et des autres établissements qu'il conviendra de supprimer : outre que vous n'avez pas encore prononcé sur leur sort, c'est en le réglant par une loi générale qu'il sera temps de s'occuper de la régie de leurs biens, si ce n'est que vous nè voulez prendre dès à présent le parti d'attribuer aux districts, par un décret universel, l'administration de tous les biens ecclésiastiques; c'est celui que vous propose M. Treilhard. Nous devons vous en présenter les avantages et les inconvénients. Vous ne doutez pas du droit que vous avez de l'accepter ou de le rejeter, ou ae le modifier.
D'abord, ce ne serait pas reprendre, comme on vous l'a dit, l'administration des biens ecclér siastiques; l'état ne l'a jamais eue; ce serait donc la prendre, ce qui est un peu différent.
Le plus grand avantage qu'on ait en vue dans le projet de faire régir par les districts les biens du clergé, c'est sans doute d'opérer une juste répartition de leurs revenus, de les rappeler sûrement à leur véritable destination. '
Ce n'est pas d'en profiter pour les besoins de l'Etat; car en supprimant les dîmes, ces biens ne peuvent suffire à leurs charges, surtout quand on les aura diminués par la venté prochaine qui est décrétée^ S'il était possible de supposer un excédant de recette, vous avez dans le royaume six à huit millions de pauvres; et sous la plus heureuse constitution, les secours publics les plus importants seront toujours au-dessous des besoins de l'indigence.
Il ne s'agit pas aussi d'enlever aux ministres de l'Eglise toute gestion temporelle, afin qu'ils soient plus exacts à leurs fonctions; Ils peuvent gérer la portion canonique qui leur sérait assignée, sans manquer au plus petit devoir de leur état; ils continueraient de le faire avec un grand avantage, pour mieux conserver la pureté de leur vie, pour ménager l'intérêt de leurs ouailles qu'ils pourraient secourir, à peu de frais, par des denrées en nature ; qu'ils pourraient instruire par d'heureux essais, par de bonnes pratiques a'économie rurale. Des ecclésiastiques en grand nombre et reconnus dignes de servir de modèles au clergé pastoral, se sont distingués dans ce genre. Le législateur des Hébreux accorda aux Léoites, outre les dîmes, le territoire de plusieurs villes à cultiver, et voulut qu'au plus saint ministère, ils joignissent l'occupation la plus utile et la plus innocente. .
Pour ces autres motifs qu'on vous allègue, qu'il faut effacer jusqu'à l'idée d'une corporation particulière du clergé, que cette idée tient à l'existence des possessions qu'on appeler ait ecclésiastiques, qu'elles entretiendront l'espoir de perpétuer les abus du régime clérical, et prépareront une espèce de résistance sourde contre l'exécution de vos décrets, votre comité n'a vu dans ces objections, que l'abus de l'esprit et des mots, que de purs sophismes.
Le clergé n'est pas un corps, parce qu'il possède des biens-fonds qui lui servent d'honoraires ; le clergé ne cesserait pas d'être un corps, parce qu'il toucherait ses honoraires en argent ; il ne doit pas cesser d!être un corps, quoique ses membres doivent payer leurs contributions comme tous les autres citoyens. Si la seule idée de corps ou corporation nous révolte, si elle nous paraît incompatible avec la liberté, nous n'aurons rien fait de salarier les prêtres; hâtons-nous de détruire la hiérarchie ecclésiastique, et de bannir la religion sainte qui a civilisé ce beau royaume. C'est trop peu dire : gardons-nous d'étaplir ces compagniesde judicature, ces corps administratifs qui sont attendus avec tant d'impatience; licencions notre armée, et détruisons la police de toutes les professions ; allons jusqu'à noUs isoler nous-mêmes et à méconnaître les relations du sang, car lès familles rappellent l'idée de corps et l'esprit de famille, quand il! est aveugle, pro* duit les plus funestes désordres. Ne voUdrà-t-on pas aussi dispensër lés familles de gérer leurs biens, et faire de la France, un nouveau Paraguay des jésuites, un grand monastère ou un repaire de sauvages ? C'est trop combattrë cette raison tirée de la prétendue nécessité $ effacer l'idée de corps.
L'Etat doit protéger, inspecter, régler les établissements, les corps qui sont dans son sein ; mais s'il en devient l'administrateur direct sans
nécessité, sans; distinction,, il s'écarte but .de la société publique ; il prend, le, ; Vrai ésiractere du despotismë. En vain il yoïlaraît èpxferàësèf une multitude, prodigieuse de . petits dôtâils, il né peut y suffira ^oit, qu jl .lçs àljapdfrfihëâlix sous-ordres dés mm Wggj^ou.âu'^JeèjçâBne a des hommes déjà chargés; qé toûs lëâ railds objets Administration. ^où| ^nnaissM lê^ tà-coriyémehts dë là régie dés. çqpûpmats, cëùx aë lâ régie des, domaines, des -biens ,dés Jéstiites, des Celestips', et.c. Ët çeosQiit, dés institutibhs semblables qu'on yods propose pour lés bieii^ et siàstiqupsi.kes dépenses d'admimstratibn, àbs^t-berâient yléc produit en très-grande partië. 11 ûë se ferait point d'améliorations ; les biens dèpêiï-raient en peu d'années.
; - Quand! on jje représente Un territoire d,e district qoçopose.desix pôrçs defamil]e>ayahtd'ailleurs, chacun .ses bieps a gouyeper, cnactm sa profession particulière à ëxeçcer, chargés i in-tervalies, assez courts, non,pas seùlënïeht dé l'administration générale , et, sâe célle des'^àûx ët forêts dans un espace de 30 ou 40 liêuefe carrées, non pas. seulement de la surveillance, fct' dè là comptabilité, de tous les corps municipaux, dés réparations dè .toutes jeâ églises et de tous les presbytères, mais encore de la réglé dé là rècettë et dépense de tous les biens èçclésiastiquës ou réputes,ecclésiastiques par leur destination; lfon a péip^ a concevoir qu'une pareille institution puisse prospérer. Si yôljs avez lé projet d'Ôtër aux bénéficiers et àux établissements ecclésiastiques toute administration temporelle, il n'y a qu'un mbyén d'exécution qui ne,soit pas souvé-' rainèrent impolitique^ j c'est d'aliénèr toùs les biens, du clergé, à l'exception des églises, des cimetières, de certains eficlôs et bâtiments, ét d'en revenir au projet . séduisant de M. l'évêque d Autun. Ce n'est pas 1 àvié dé yotre^coihité ec-clçsiàstiftue ; cë i^a pas été celui de vdtre comité dès financés..
Il est un plan mitoyen qui paraît concilier tous les:intérêts, remplir toutes les vues que là sa-gessë pfeut approuver. En voici les baseé ; nous les soumettons à votre examen. Ce serait dë déterminer ,nar une loi l'honoraire annuel , de tous lë^ ministre^ du; culte; etles dépenses fixes de chaque établissement ecclésiastique, d'obliger lës bénéficiers r et administrateurs de tous les lieux eçclésiâsiiqbeé où réputés ecclésiastiques, ou d'en passer tous les baux à l'enchère devant lés assemblées de district, après trois affiches et publications ; le montant des baux serait payé aux mains des titulaires et des supérieurs et administrateurs des établissements, jusqu'à la concurrence des sommes fi^ëjes par la loi ; le surplus serait versé dans Ja caisse ecclésiastique du district, et employé suivant les ordonnances du district a toutes les autres dépenses du culte et aux secours et travaux de charité.
Il serait assigné à chaque bénéficier, à chaque communauté ecclésiastique, suivant une estima- ' tion exacte et sans frais, une partie à la bien- i séance des biens de sdu bénéfice ou de son établissement, Cette partie de revenu serait évaluée ; en grains, ne pourrait excéder la portion canonique fixée pour chaque établissement. Les titulaires seraient intéressés. pendant leur gestion et les communautés pendant vingt ans aux améliorations qu'ils auraient procurées. Cette part d'intérêt serait déterminée par la loi.
Quant aux biens ecclésiastiques maintenant en , économats ou régie publique, ou dont la disposition est suspendue, ou qui dépendent d'établisse-
ments que vous aurez supprimés, la régie en doit étr'é donfiëé aux districts, pour acquitter les charges et en faire l'emploi qtii sera ordonné ; mais il Un serait uni aux cures et autres établissements ecclésiastiques, des parties à valoirjà leurs portions légales, et ees parties ne pourraient excéder, pbur chaque établissement, la valeur de cette même portion.
. Les mêmes unions seraient faites suivant, les convenances localesj,;par détachement des établissements eGqlésiastiçtues qènservês* ,ët dont les biens excéderaient} là valeur de, leur portion canonique,
On; conserverait pux fabriques des églises cathédrales ; et .paroissialgS leurs biens réels, leurs immeubles tiçtirs, lêur çasuèl, lës biéns 4es fojadât|oii|. aM'leflr' sbtit par.ticulièfëfe, pour être administre ëômme âh pàSsè, ,i)âr l$s èhândihës, marguiljiérè ét ' conèeils ou geriêhiux aie pàrôiSsè respéëtiVeteënt ; ainsi 18 régie des districts] serait nulle ou pétl êtetiddë, ce ilë serait qu'une inspection pour la plus grande partie des-biens.
Il serait pourvu au déficit des biens ecclésiastiques pour les autres frais du culte et pour les dépenses de charité, par une imposition particulière à chaque département, . laquelle serait autorisée par l'Assemblée nationale, et levée moitié par addition au rôle, d imposition réelle, et moitié par additjonau rple d'imposition pre-sohnelle dans toutes les municipalités ; elle diminuerait par le décès des titulaires et religieux supprimés.
Revenant.aux premiers articles de M, Treilhard, votre comité ne saurait en approuver ^e système.
Mais supposant que vous veniez à, l'adopter, votre comité a l'honneur d observer que ces articles sont prématurés ; qu'ils dpiyënt. être au moins modifiés par des exceptions très-utiles ; 3° qu'ils sont insuffisants dans le système de la motion ; 4° que leur rédaction est susceptible de plusieurs amendements.
Il sont prématurés, Plusieurs préliminaires paraissent indispensables; la fixation de la portion canonique ou légale, désignée à chaque bénéfice ou établissement ecclésiastique ; la désignation des fonds pour suppléer au déficit de la caisse ecclésiastique de chaque district, et la formation des districts et départements.
Ces articles doivent être au, moins modifiés; il faut en excepter les biens des fabriques, sans quoi vous allez sans utilité, et ayéc perte mécontenter, réyoltèr la plupart des paroisses ; èans utilitéy puisque les fabriqùeê n'ont pas de superflu, et qu'il faudra venir à leUr secours pour les réparations,, ies livres d'Eglise, les ornements et vases sacrés; avec perte, cât uhë régie de district perdrait tout le casuel non forcé, tout lë casuel dôtit lèsparôissiens pourraient la priver; cela est éyidèUt pour ceux qui connaissent la marche du cœiir humain. La régie ayâût de plus les inconvénients de toutes les directions j de tous les économats, de toutes les régies, on verrait les fonds dépérir' et thème disparaître, les révenus dimi-nuér. et les améliorations he se feraient point.
Vôtre comité, frappé des motifs développés souvent dàhs cette Assemblée pdur laisser aux curés dé campagne, outre les jardins du pres^ bytère, quelque portion de terre à exploiter, au moins quelque terrâin propre àux fourrages et pâturages nécessaires pour un cheval et quelques autres bestiaUx, insistera toujours afin que cette Vue Soit Emplie. De la plupart des évêchés dépend unë maison de campàgne; votre comité ose croire qu'il est de Votre équité; pour ne _pas
dire de votre justice d'eu laisser la jouissance aux premiers pasteurs, sans diminution du traitement qui leur serait accordé.
Il pense aussi que l'on peut, et que l'on doit laisser aux communautés conservées, quelques terres à exploiter ou même à affermir pour leur compte en déduction de leur portion canonique. Enfin, vous noterez pas aux séminaires et autres iriaiâcmsvd'éauêation l'à#fftaèd essfentiël poUr là santé-d!eS"ïhàîtrè^•ef ftë 'êlè Vës, de lès faire jouir quelque fois de l'air pur que l'on respire à la campagfïé.
- Maintenant, il est fàcilé de prouver ' l'insuffisaticè de ëës articléS pour le but que S'est f^Oposê PâU^ teur. D'abord il 6met là suppression; dés écfc nômats èt autres régiè^ àhâlbgUës,,!ët lè tèfliië où lés districts doivent letir etfé' subrogés, et diverses dispositions qu'entraînera cette subrogation} tout cela doit être prévu et réglé.
Il né parle • que de pôsbéssiôns territoriales affermer paf pètitesmésùrëS, àiitâni qiie faite sé pourra ; 11! ' dm ët' do'Ûb à l'actif ëoinmè au passif les rentes foncières, les prestations féodales non èncorê éteintes, les crédits mobiliers èt le CaSuël qtli n'est èùcore itïtërdït qii'à l'égard dès Étirés dë cathpsighé, èt qiii probàblément ùé le sera pas à l'égard dés febndUeé: Il omet d'imposer aux districts lës dëpèn^ës deitoilté e$pè6è dorlt les refëy nus ëcclêsiaStiqUëS. èpnt grevés. Les dettes du ciërgé général doivent être ajoutées atix dêttës de l'Etat. Mais les dettes des diôèëseSèëfeblentdëvotf être acquittées par lëè biens ecciêâiastiques:ldé chaque départèiHent. 11 faudrait s'en ëxpliqiiër dans lè d;écrëï , ainsi qiië des dëttèè des ttlà-nâétèresquï Sërorit^upphâéëS.
Ce n'ëst pâS'Jûiit;* il tié'uit rièn" des héritages qui lie sont ;hi ën feïihë tii én. rêgié, qui sbflt exploités bàf léS ; titulaires OU supérieurs'. des communautés|illaisse;incertain Si lé prix dès btiux actuels Serâ oufidû payé à ja caisse dè{ district. Là disposition sur leS publications ët affl1 chëS paraît trop indéterminée.':
Il v a d'àilleurs dek ùëgii'gén,Cëâ 'de Rédaction» L'article 1er défend à idkte petèonnë' dë fairë des bàux dè b'iéhS ëcèïèsiàatiqUèS; ïï iaUt pourtant que ces baux soient faits pair quelques personnes, lie fût-cë qUë par les Membres dés di^ectoi-réS de distriët/car enfin ij|s lié se fëront pas d'eùx-mêrheë, •
Cëlté ëXprëssioh employée partout, pbssëSsionè ditès èbclésiàstiqùesy doit être chàngée où définié ; il faut déélder Si ellé Comprend les bénéfices dë patroiia^é,f de Collàfldn laïcalè, les fondations piëusëS hon érigées ëii titres de bénéfices, lés collèges qui ont toujbûrs été imposés aux décimes comme biëtis ecclésiastiques, et qui sont des établisSeniétits vràimèrit civils ; si ëllë comprend les biens deS ordrès dë Malte et dë Sâint-Làzâre, ceux des Confréries, çëtix dëà ordres du R.oi.qtii ne sont que dès confréries plps distinguée^.
A l'article 2 il faudrait au lièU du moi àëmnt qui laissé dë l'ambiguïté sur lës pérsoïinës qui passeront les baux, ià préposition Il faudrait cnaagër, sùiVàflt l'eSprlt de vos décrets', lë mot assembtitetetr celuidé directoires.
L'article 4 fournit uùe observation particulière, tirée du terme de 18 ans, fixé pour les baux.
Notfê ÇbMté cobViéttt;dè là nécessité d'autoriser en gêfaêral' .ibUS lég baux à longues âqUéëS ï c'est un ppini .dëvénu. de plus eù plys. ésseijtîqj pour Je soutien de. l'agriculture, depuis que vous avez, déclaré franchissables^ toutes les rentes foncières -, sans doute vous Uë tarderez, pa^à permettre à tout propriétaire et administrateur les
baux à longues années, jusqu'à un ternieque vous fixerez; à déélarer itùe cës Baux ne seront plus considérés sons aucun rapport comme Contenant aliénation du fonds, et ed, cOhséqlië.iifcé, à les exempter des fprniâiités ci-devant nécessaires, et de tbtis, drôits dé intitâtioll envers le fflc. 11 faudrait àjblitér ^èfes ; ;Étisppëitiôns à i'ârti$è 4 pour remplir entièrement lë btat qu'on â'y êst proposé.
Mais vôtre cômité à cru qUe quelque âyStème que vptts, embrassiez par rapport à là régie dès nieiis dû clergé par les districts, il cbnyïèïït d*bï-' donner que les baux dë certains biéhSîi'eXcèjlë^ ront pas trôis ans. lu y en â deuX raisbns'iïa pre-miêre, afin tjue les bieilS qui sëroht mis en yeûtë, ne restent pas au-dessus dë. leur valeur pàr là conSidéràtion. d'un long bail à entretëmr ; là seconde, afin qU'oU ait le témps dë bién Connaître ra 'tâleûr dës biènS avant deles^ afférhlër à long terme. ..Une; troisièmè conside.ratioti^.^partiéuUêre aux prëétatiôiis fèôdalës, c'est qu'il ne sëraït, bas raisbnnâbîe; de léB gffèrther, pour, 18 dns, Iqrs-qU'èlIês yoûttotii à l'nétire être cônvëttièéei îiëttt-être entièrement éteintes.
SUr l'article. 7 de la inotioU, vp.trevcot(iitê à déjà obserVé ^uë l ppératioii préliipinâirfe à délié qu'oh propose sur lesbiëiis du clergé, éàt'de filer d'abprd les. établissements qui seront côtiSéi'yé^, les traîtéttients dés titlilâirès dont les bénéfices sérbnt suppnniés;. Bëlili dès réguliers qui vod-dront renttër dans le Siècle, enfin les uépênsës fixes des çdi^tnuâiaiitêS et des autres établisse^ inénts exfcëptéS de là suppression. ,
L'âutenr dë là motidil émploie le mot sàiaite; il n'était pas d'usagé, dans notre iangue; aù Sens dé là rétribution d'un ministre des àutelè. Mais si la langue de là liberté méconnaît lès anciennes déliéàteSSes, Si voufe qifes lë salairë d'Un magistrat, le salaire d'un colonel, le Salàirë d Un dé* piitë à i4Assefflbléé nâtiônalé,. VôUs pôUyèZ dirè aussi le sâlàirèd'un frêtré et d'Un, èvèqùè, Honoraire. semblerait i'eXpressio)i: CdnsàBréê.' Aussi ëSt'-ellë employée dans rarticlè y en fayeur du maître et (de la maîtresse d'école des paroissës de campâgUe.
Ici, la preVoyaUCè de l'àuteUr dè la motipn se bpraë âti éàldire de chaque bénéiîcièr, .âta sëcoiirè de chârité' ët aux honoraire^ des maîtreS èt iiiai-trësSës d écèle. VoUs daignerez étendre là vôtre âui professeurs dë théologie, aux prédicàteUrs et missionnaires, aux séminaires, aùl autrës com-mdriaUtes .conservées, aux officiers des grandes pârôiSfeé^, aUX bèdëàux et autres sërVÏteûrs d'église, au^-dépenses délivres, ornements, et vases sâèreS j ëhfin, Vôùâ réglerez, la tnanièrè ,dè pôiir-vpir aux rëpàraiiôus déâ églises, presbytères et autres bàtiîhënt^ ëçèléSiïtètiqués. : tëâ r^ënrèS expriméës dànë les articles 8 ët 9 côntrimiëht & prouver qu'en ëffet la motion est prématurée.
Telles, sont _lesT principales réflexions de votre comité ecclésiastique sum motion de M. Treilhàrd. Ce qui, doit vous frapper davantage en ce moment, c'est qu'ellè n'est pas en état d^tre décrétée, et qu'il n'est paa ; temps encore de s'en occuper.
Vous pourriez adopter d'abord les articles suivants :
1° A compter du jour de la publication du présent décret, jusqu'à ce qu'il ait été autrement statué, les baux à ferme des biens ecclésiastiques seront passés par les titulaires ou autres administrateurs quelconques, à l'enchère et en présence des directoires du district où sera situé le chef-lieu des biens à affermer après trois publi-
cations de quinzaine en quinzaine, ainsi qu'il va être expliqué.
2° Les biens-fonds situés en campagne, autres que ceux exceptés ci -après pourront être affermés en ladite forme, pour un terme au-dessus de 9 ans, jusqu'à celui de 20 années, sans autre formalité, et sans donner ouverture à aucun droit de mutation de quelque nature qu'il puisse être.
3° Les biens de ville, tous les droits féodaux, les champarts, les rentes foncières ne pourront être affermées pour plus de trois ans, jusqu'à ce qu'il ait été autrement ordonné.
4° Pour les objets au-dessus de 100 livres de revenu, la publication du bail sera faite sans affiches, et seulement au prône des trois églises les plus voisines, et certifiée par les curés, sans frais. Pour les objets plus considérables, les publications seront faites aux trois principaux marchés voisius, avec affiches imprimées.
5° Les terres seront affermées par parcelles, multipliées autant que faire se pourra, sans diminution de valeur, et eu égard aux circonstances locales.
6° Il ne sera exigé des adjudicataires aucun denier d'entrée (1) mais ils fourniront bonne caution, réséante et solvable, au jugement des directoires.
7° Seront soumis aux dispositions du présent décret, les biens en économat, ceux des ordres religieux supprimés et tous autres biens ecclésiastiques maintenant en régie séculière, les biens qui sont de patronage ; même laïque, ou de collation laïque, ceux des maisons d'éducation ou de charité qui ne seraient pas régis par une municipalité, ceux des ordres de Malte et de Saint-Lazare, enfin ceux de toutes les confréries. L'Assemblée nationale n'entend rien innover par le présent décret dan3 le gouvernement des biens des fabriques, ni dans la faculté laissée jusqu'ici aux.bénéhciers, aux gens de mainmorte de jouir par leurs mains de biens ecclésiastiques, en faisant les déclarations prescrites à cet égard par les règlements.
8° Les baux passés en la forme ci-dessus prescrite , obligeront les successeurs aux bénéfices, pourvu que les baux ne soient point infectés de rraude, ni antérieurs de plus de 18 mois à l'entrée en jouissance du nouveau fermier pour les biens de campagne, et de plus de 6 mois pour les biens de ville.
Au surplus, il paraît que la question sur l'administration des biens ecclésiastiques doit être ainsi posée :
Le clergé conservera-t-il en partie Vadministration des biens ecclésiastiques ; oui ou non ?
Notre comité aura l'honneur de vous proposer, avec tous les détails convenables, le projet de loi qui conviendra, suivant la décision de cette question préliminaire.
Opinion de M. le duc de La Rochefoucauld (1) sur les banques publiques (2)..
Messieurs, peu familier avec les matières de finances, je n aurais point demandé la parole, si je n'avais été persuadé que, dans une délibération importante, et dont le résultat influera si puissamment sur le sort de la patrie, tout citoyen doit ie tribut de ses idées, et même celui de ses doutes.
Je n'entreprendrai donc pas la discussion du plan qui vous a été présenté par M. de Laborde : ce plan ingénieux et vaste, fondé sur de bons principes et développé avec beaucoup de méthode et de clarté, est accompagné d'un plan de comptabilité dont la liaison avec la banque n'est point essentielle. Quelle que soit donc votre décision sur le plan de banque, vous adopterez sans doute la forme de comptabilité pour le Trésor public : ainsi je me bornerai à l'examen de deux questions qui me paraissent nécessaires à résoudre avant de passer à celui d'aucun projet particulier, et je me demanderai d'abord :
L'établissement d'une banque est-il utile, est-il indispensable; car s'il était prouvé d'un côté que toute banque établie par l'Etat serait dangereuse, soit pour le commerce, soit pour la constitutif,'/^ et que, de l'autre, il fût possible de trouver un moyen simple, exempt de tout danger, et qui consistât à mettre en activité des valeurs mortes, ou à augmenter, par une activité plus grande, le prix de valeurs déjà existantes ; s'il était possible que ce moyen, employé sur-le-champ, remplît pour le moment actuel le but que l'on se propose par rétablissement d'une banque dont la durée deviendrait de jour en jour plus nuisible, si elle n'était pas utile, n'y aurait-il pas tout à gagner pour l'Etat?
La liberté, que vous consacrez par toutes vos lois, doit S'étendre à tout, et ce ne sera pas sans doute contre le commerce que les législateurs de la France dérogeront aux principes salutaires qu'ils ont posés avec tant de sagesse et soutenus avec tant de courage ; la liberté est l'âme du commerce, et cette vérité reconnue, mais pas toujours pratiquée sous notre ancien gouvernement, recevra de vous l'application ia plus étendue. Dans cette matière, comme dans toutes les autres, il ne doit y avoir d'exceptions que celles dont la nécessité serait évidemment prouvée : le commerce de l'argent n'a pas un caractère qui puisse le faire ranger dans une classe particulière à cet égard ; il est, comme tous les autres commerces, animé par la concurrence, découragé par le monopole, et le régime prohibitif est ipeut-être plus dangereux encore pour le commerce d'argent,
parce qu'étant le moyen de tous les autres, ils se trouveraient tous attaqués à la fois parles gênes qui seraient imposées à celui qui leur sert de lien commun. La banque doit être entièrement libre ; et les associations plus ou moins nombreuses qui se forment sous l'étendard de la liberté, ne sont point dangereuses, parce que la concurrence d'autres associations semblables viendrait abattre celle qui pourrait sé rendre redoutable, et la faire rentrer dans les bornes utiles au bien du commerce et à celui de l'Etat. Cette doctrine, je le sais, n'est pas celle de quelques commerçants, mais quelques commerçants ne sont point le commerce, et l'intérêt particulier de quelques individus ne doit pas être favorisé aux dépens dé l'intérêt de la nation entière.
On vous a cité, Messieurs, à l'appui du projet qui vous est proposé, les établissements de banque faits en Ecosse depuis quelque temps, et qui ont à la vérité produits d'heureux effets; on vous a cité l'illustré Smith. Eh bien! ce sera aussi le témoignage de l'illustre Smith que j'invoquerai, et il vous dira que ces qffets heureux, produits par les banques d'Ecosse, sont le fruit de l'entière liberté établie dans ce pays que le régime fiscal, et prohibitif, trop souvent suivi en Angleterre, a négligé jusqu'à présent, peut-être comme trop
Êauvre; il vous dira que tout établissement de anque exclusif est pernicieux pour les Etats qui l'adoptent, et que si le commerce d'Angleterre a fleuri, c'est plutôt malgré la banque que par la banque ; il vous dira que ces grands corps absorbent -toutes les affaires particulières, qu'ils ruinent à leur gré les petits établissements, qai, plus multipliés, porteraient la vie dans lés différentes parties de l'Etat, et qu'après avoir détruit les autres ressources, ils deviennent redoutables à l'Etat lui-même, qui se trouve dans l'impuissance de se' refuser aux conditions onéreuses dont ils accompagnent,jleurs services. Telle sera un jour la situation de 1 Angleterre avec sa banque, et telle est dès aujourd'hui sa situation avec sa compagnie des Indes.
Une banque privilégiée est donc nuisible au commerce, et toute banque établie par l'Etat est privilégiée de fait, lors même qu'elle ne le serait pas par ia charte qu'elle recevrait, puisque : 1° sous lerégime delà liberté, jamais ilne se formerait une association aussi, considérable, et 2° puisque les fonds qu'elle prête à l'Etat, ét les services qu'elle a l'air de lui rendre, obligent le gouvernement à des égards qu'il n'aurait pas, et qu'il ne pourrait pas avQir pour des associations particulières dont les secours plus multipliées lui seraient cependant plus utiles.
Mais si la banque, indépendamment des services qu'elle fera pour le gouvernement, est encore trésorière de ses revenus, tous les inconvénients augmenteront dans une proportion peu calculable peut-être ; elle deviendra non-seulement le fléau du commerce par son monopole auquel rien ne pourra résister, mais encore elle deviendra la maîtresse absolue du mode des impositions, et le Corps législatif lui-même ne pourra pas améliorer, quand et comme il le voudra, celte branche de l'administration si importante, si intimement liée à la tranquillité, au bonheur de tous les citoyens, et dont la solidité même de la constitution est si dépendante. Si la législature veut, comme elle le voudra certainement, établir un système d'impôt fondé sur la justice, exempt de toutes les gênes, de toutes les inquisitions qui déshonorent presque tous les sytèmes fiscaux, la banque dont les directeurs ou les actionnaires seront person-
nellement intéressés au mauvais régime plus lucratif pour eux, s'y opposera, d'abord par des mémoires spécieux où des sophismes déjà réfutés se produiront sous des formes nouvelles, et si ces sophismes de nouveau combattus sont enfin détruits, l'argument irrésistible delà banqueroute arrêtera les opérations du Corps législatif qui, enchaîné par les.liens que vous lui aurez forgés, ne pourra pas agir d'après les principes, dont, pourtant il reconnaîtra l'évidence.
Il en sera de même des lois de commerce : toutes celles favorables à la liberté tendent nécessairement à diviser les profits en y faisant participer un plus grand nombre de concurrents; cet intérêt puolic ne sera pas celui de quelques gros commerçants ; ce ne sera pas même l'intérêt de quelques places de commerce dans lesquelles le régime prohibitif concentre les affaires ; il s'élèvera donc des réclamations puissantes. Ces intérêts particuliers se trouveront liés naturelle-avec celui de la banque, et l'annonce de la banqueroute apposera le veto fatal aux opérations salutaires de la législature.
Ne croyez pas, Messieurs, que ce soient ici des assertions gratuites; elles sont fondées sur des principes susceptibles d'une démonstration rigoureuse, et l'illustre Smith l'a portée jusqu'à l'évidence ; elles sont appuyées de grands exemples, et celui de l'Angleterre doit suffire pour nous convaincre.
C'est l'esprit mercantile dont sa banque est la première source, qui soutient l'impôt désastreux ae l'accise, les monopoles, les prohibitions, le régime fiscal ; enfin, c'est cet esprit combiné avec celui d'un ministère qui voulait accroître l'influence de la couronne pour augmenter sa propre autorité par un nombre plus grand d'emplois à distribuer, qui a causé la séparation de l'Amérique, et détaché de la métropole, par une secousse violente, un pays qui eût pu contribuer encore longtemps à faire fleurir son commerce, et à soutenir sa puissance maritime. Je puis, Messieurs, vous apporter sur cette matière un témoignage respectable, celui du célèbre Franklin qui m'a souvent développé la marche de cette grande révolution qu'il avait plusieurs fois prédite au ministère et au parlement britannique, et qui a eu le bonheur rare jusqu'alors de voir la naissance, les progrès et rétablissement complet de la liberté dans sa patrie.
11 me paraît donc démontré, Messieurs, que toute banque est nuisible au commerce, et que nuisible à l'Etat sous ce rapport important, elle l'est plus encore par les obstacles qu'elle apporterait à rétablissement de bonnes lois commerciales et fiscales ; mais son influence funeste à la constitution même, la rendra sans doute plus redoutable à vos yeux, et vous craindrez, en décrétant sa formation de décréter la ruine prochaine peut-être de l'édifice que vous élevez avec tant de sagesse.
En effet, cette constitution, résultat heureux de vos utiles travaux, vous l'avez fondée sur les bases de la liberté et de l'égalité ; vous avez combattu; vous avez détruit le despotisme et les aristocraties de tout genre ; vous avez anéanti ces distinctions iujurieuses à la dignité de l'homme, qui attribuaient au hasard de la naissance, l'exer cice de fonctions, la jouissance d'avantages qui doivent être l'apanage du mérite ou la récompense de services rendus à la société ; vous avez voulu que tout citoyen pût parvenir à tous les emplois, obtenir toute les places, être revêtu de toutes les dignités, lorsque ses qualités person-
nelles l'en rendront susceptible;'tous n'avezdé-rogé que dan s peu d'articles de votre constitution à ces principes vraiment libéraux, et peut-être même trouverez-vous dans la suite que vous y avez fait quelques exceptions de trop. 'Eh bien ! serait-ce donc en faveur dés riches que l'on prétendrait vous y faire déroger d'une manière bien plus fatale encore? Est-il vraisemblable qu'après avoir-surmonté tant d'obstacles, et remporté tant? de victoires, vous vouliez élever dans l'Etat une corporation plus active et plus puissante que Célles dont Vous avez avec raison, proscrit l'existence incompatible avec la constitution que vous établissez? La création d'une banque produirait immanquablement cet effet funeste; l'agiotage, déjà trop commun parmi nous, deviendrait la Eassion dominante; nos mœurs altérées par une onteuse avidité, loin de se régénérer avec! la constitution nouvelle, loin de prendre ce beau caractère que la liberté doit imprimer, achèveraient de se perdre, tandis que les fortunes particulières se perdraient aussi dans le gouffre dei la banque, et que la fortune publique'lui serait asservie.
Notre liberté politique serait même bientôt en Êéril; rappelez-vous, Messieurs, l'exemple de obert Walpole c'est lui qui le premier essaya dans le parlement britannique ce système de corruption dont ses successeurs ont encore plus profité quelui ; c'estpar ses liaisons avec la banque, avec la compagnie des Indes, que le ministère anglais exerce une influence souvent dangereuse vous avez pris, je le sais, de sages précautions pour éviter ce malheur : la hiérarchie administrative, l'établissement des gardes nationales, et le degré intermédiaire dans les élections, seront un rempart puissant contre les entreprises des ministres ; mais nous ne! l'éprouvons que trop, Messieurs, la gêne dans les finances est un ennemi plus puissant encore. Qu'un ministre habile et mauvais citoyen se ligue avec la banque ; qu'aidé de ses fonds et soutenu par son crédit, il propose aux législatures suivantes des marchés onéreux, des opérations désastreuses, ce seront des lois qu'il dictera, sa puissance s'accroîtra par ces opérations, l'influence de la banque et du ministère prendront Chaque jour des forces nouvelles; et de cette combinaison d'intérêts, si elle se trouve aidée de quelques talents, et favorisée par des circonstances dont ce talent profite, résultera l'altération, et bientôt après peut-être le renversement entier d'une constitution qui devait faire le bonheur et l'admiration des races futures. Non, Messieurs, vous n'en ferèz pas la périlleuse tentative, et vous ne risquerez pas de perdre pour vous et pour la nation, le fruit de son courage et de vos travaux, pour pourvoir au besoin du moment par des moyens funestes pour l'avenir.
Mais comment faire, dira-t-on?'Les besoins sont urgents et les ressources, sûres à la vérité, sont encore éloignées. L'Assemblée nationale a deux fois essayé d'ouvrir des emprunts, et la confiance ne les a pas remplis : elle a décrété une contribution patriotique, et le patriotisme semble hésiter. Oui, Messieurs; mais pourquoi les emprunts ont-ils manqué ? parce-que vous n'aviez point offert de gages? Pourquoi la contribution patriotique tarde-t-elle à verser ses fonds? parce que le besoin particulier que chacun croit avoir de son numéraire, ne permet pas au patriotisme même de s'en dessaisir? Examinons donc un moment notre situation présente, et cherchons les moyens de passer, si je puis m'exprimer ainsi,
ce pénible défilé/au delà duqUél nous trouverez s à1 déployer i toutes nos ressources.
M. le premier ministre des finances nous demande1 î70 'millions, dont 90 pour le1 déficit de cetteannée, et80pourcelui de l'année prochaine. J'ignore si les plans économiques * que vous1 adopterez, réduiront ou non ce déficit; mais je sais que lameuvelle division des provinces, rétablissement d'administrations nouvelles, apporteront au moins des retards dans la rentrée des revenus de 1790, et qu'ainsi 'les 80 millions au moins séront nécessaires.
Un 'nouvel emprunt du genre de ceux que vous avez1 tentés, ne réussirait pas sans doute; mais si vous offrez des' gages, et si ces gages joignent à la sûreté pour les prêteurs l'avantage de produire pour. l'Etat des valeurs nouvelles, la confiance une rois ressuscitée rendra votre marche de plus en plus facile.
Vous trouverez ces gages, Messieurs, dans les domaines de» la Gouronne et dans les bienseeclé-siastiques : ceux actuellement aux -économats, joints aux domaines et à quelques maisons'religieuses, fourniraient aisément200 millions; mais au iieu de les présenter pour hypothèque générale des billets avec lesquels vous opéreriez certains remboursements, je voudrais que ces billets portassent une hypothèque spéciale sur des portions déterminées de ces biens; cette forme serait plus satisfaisante, parce qu'elle mettrait, pourainsi dire, en possession de la terre ou delaimaisonqui recevrait leJ billet. La circulation de cés effets serait assurée par l'intérêt qu'auraient beaucoup de citoyens des provinces autant que de la capitale, à faire cette spéculation, par la certitude dé la vente des biens hypothéqués, dont le terme serait fixé, et par les formalités simples que vous prescririez pour ces sortes de ventes.
'Je n'abuserai pas de votre indulgente attention pour mettre dès à présent sous vos yeux les détails de cette opération que je regarde* comme la seule qui puisse nous tirer de la1 crise actuelle, ils sont considérables dans un petit ouvrage qui vous ;a été distribué ces jours-ci, et qui a pour titre : plan d'un emprunt public avec des hypothèques spéciales. Son auteur, aussi bon citoyen que savant illustre, M. le marquis de Concordet, beaucoup plus versé que moi dans le genre de connaissances qu'exigent les matières de finance, perdrait peut-être, si je vous rendais ses idées dans des termes qui ne fussent pas les siens; je vous invitedonc, Messieurs, à le lire vous-mêmes, et je suis persuadé que, frappés ainsi que moi de la bonté de ses principes et de la justice de ses raisonnements, vous adopterez un plan exempt de tous les inconvénients des banques publiques, propre à rétablir la confiance'toujours effrayée des moyens compliqués, et tendant à enrichir l'Etat par une meilleure distribution de biens disponibles.
Je ne vois à son exécution qu'un seul obstacle, celui que pourrait y mettre le peu de goût des capitalistes pour un genre d'affaires qui flatte moins la cupidité, et qui ne présente pas de ces gains excessifs que les opérations de finances faites sous les derniers ministres, leur procuraient. Mais d'abord, nous distinguerons, si vous le voulez bien, deux espèces de Capitalistes : les uns qui désirent placer leurs capitaux en fonds solides, et ceux-là verront avec satisfaction l'opération proposée; les autres, occupés de spéculations sur les fonds publics, en seront moins contents, sans doute ;mais voudront-ils la faire manquer? Non, Messieurs; vous n'avez pas à le craindre. Pre-
mièrement, il faudrait les supposer assez mauvais citoyens pour le vouloir, et je suis loin d'une pareille idée. Mais l'eussent-ils, cette idée, il dépend de vous de la faire avorter. S'ils vous voient bien déterminés à n'adopter aucune de ces méthodes ruineuses, qui ne faisant que pallier les maux, les aggravent sans les guérir; s'ils vous voient, établissant à la fois le plus grand ordre et la plus grande économie, vous refuser à ces systèmes séducteurs; pressés du besoin de prêter leur argent, plus encore peut-être que vous n'êtes de l'emprunt, ne trouvant dans aucun autre pays des placements aussi lucratifs que celui que vous leur proposerez, poussés même à l'accepter, par l'armée nombreuse de leurs bailleurs ae fonds, qui ne partageant pas leurs anciens profits, désireront s'associer à ce nouveau genre d'affaires, bientôt ils s'y détermineront, et vous verrez reparaître le numéraire qui n'a -pas émigré dans une proportion si effrayante; vous verrez le change diminuer, et le commerce reprendre une activité nouvelle sous l'auspice heureux de la liberté.
•Vous rembourserez à la caisse d'escompte les 90 millions qui lui seront «lus le 31 de ce mois, avec des billets d'hypothèques spéciales, et;vous remarquerez que ce remboursement est .meilleur qu'aucun de ceux qui vous sont proposés;» elle continuera son service encore pendant quelques ipois, et vous continuerez, puisqu'il le faut, son arrêt de surséance jusqu'à il'époque du premier avril : délai qui parait suffisant. Alors vous séparerez ses affaires de celles du gouvernement : et rendue à sa première destination, elle deviendra vraiment utile à l'Etat.
Je me résume donc, Messieurs, et j'ai l'honneur de vous proposer :
1° De rejeter tout projet d'établissement ou de maintien de banque publique;
2° De charger votre comité de finanees de vous présenter incessamment un plan de comptabilité, et un plan d'ordre, pour classer, d'après les titres de créance, ou par la voie du sort,. les remboursements exigibles ;
3° De décréter la vente de biens du domaine de la Couronne, et de biens ecclésiastiques actuellement aux économats, jusqu'à la concurrence de 200 ou de 250 millions, selon qu'il sera jugé convenable;
4° De -créer pour une somme inférieure d'un dixième à celle des ventes décrétées, des billets portant hypothèques spéciales sur des portions de ces biens dont vous aurez décrété la vente ;
5° D'opérer avec ces billets les rembourse-ments de la caisse d'escompte, et les autres remboursements les plus pressés ;
6» De nommer quatre commissaires pour concerter avec le premier ministre des finances et les administrateurs de la caisse d'escompte, l'époque très-prochaine à laquelle elle pourra reprendre ses payements à bureau ouvert.
Séance du
ouvre la.séanceet dit : M. le garde des sceaux a informé le président
Je propose de rendre un décret pour fixer le moment où les nouvelles municipalités s'assembleront. Mais comme la séance d'aujourd'hui est consacrée à l'examen du plan de finances, proposé par le comité des dix, je demande que ia discussion de ma motion soit fixée à lundi prochain 21 décembre.
Un semblable décret doit être concerté avec le pouvoir exécutif auquel appartient le droit de convoquer.
L'Assemblée nationale n'a point encore déterminé les noms que porteront les membres des municipalités. Il est nécessaire de faire un règlement sur cet objet.
(Ces diverses propositions sont ajournées à lundi.)
J'exprime à l'Assemblée toute ma reconnaissance pour les témoignages d'intérêt que j'ai reçu d'elle dans les circonstances douloureuses où je me suis trouvé. Si quelque chose était capable d adoucir mes peines et mes inquiétudes, c'est assurément la sensibilité dont l'Assemblée nationale a bien voulu me donner des preuves aussi flatteuses.
Les députés du bourg de Ris, près Essonne, se présentent à la barre pour offrir un don patriotique. La séance leur est accordée, ainsi qu'à M. lé baron de Gorrneré auteur d'un plan de finances dont l'Assemblée a ordonné l'impression.
J'ai reçu de M. le comte de La Tour-du-Pin, ministre et secrétaire d'Etat au département de la guerre, le lettre suivante :
« Monsieur le Président,
«L'hôtel des Invalides est dans une situation de détresse dont j'ai cru devoir rendre compte au Roi; Sa Majesté a reconnu qu'en s'occupant du rétablissement de l'ordre primitif, on procurerait à cette maison les seuls et véritables secours que permettent ou qu'exigent les circonstances ; elle a en conséquence fait choix de trois officiers généraux et de deux personnes au fait des affaires d'administration et de finances, qu'elle a chargés d'examiner sa composition et son administration civile et militaire actuelle, en quoi elles se sont éloignées de leur origine, et des moyens de les y ramener. "
« Mais Sa Majesté, dans la disposition où elle est de concerter avec l'Assemblée nationale les opérations générales et particulières qu'elle médite elle-même de soncôté, dans sa sagesse etdans son amour pour son peuple, m'a chargé d'informer M. le président qu'elle désire que l'Assemblée veuille nommer deux de ses membres pour assister, autant que leurs occupations pourront
le leur permettre, aux séances qui seront tenues par les commissaires de Sa Majesté afin d'être à portée de rendre à l'Assemblée nationale les résultats de ces séances.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.
« Signé ; La Tour-DU-Pin. »
, député de Forcalquier. Je propose de faire nommer les deux commissaires, l un par le comité militaire, l'autre par le comité des finances.
Cette proposition est mise aux voix et décrétée.
On lit une lettre datée de Saint-Malo en Bretagne, par laquelle un particulier, qui ne veut pas être nommé offre un don patriotique de 2,400 livres en billets de caisse ; ces billets sont remis au trésorier.
fait donner lecture de la lettre suivante de M. de Paoli, corse de nation, actuellement retiré en Angleterre :
« Londres, ce
« Monsieur le Président,
«C'est avec les transports d'une joie qu'il est plus aisé de sentir que d'exprimer, que je m'empresse de vous supplier de vouloir bien avoir la bonté de faire agréer à l'Assemblée que vous présidez, les sentiments de mon plus profond respect et de ma plus vive reconnaissance pour les décrets qu'elle vient de passer en faveur de ma patrie et de mes compatriotes. En admettant 1a Corse à la parfaite jouissance de tous les avantages qui résultent de l'heureuse constitution qu'elle vient d'établir, elle a enfin trouvé le moyen le plus infaillible de s'assurer à jamais de l'attachement et delà fidélité de ses habitants. En accordant à mes compagnons expatriés de pouvoir rentrer chez eux, et jouir de tous les privilèges de citoyens français, pendant qu'elle fait éclater sa justice et sa générosité, elle attache à sa nouvelle constitution un nombre infini d'individus qui la défendront jusqu'à verser la dernière goutte de leur sang.
« Le monarque bienfaisant et restaurateur de la liberté de son peuple, qui a sanctionné ces décrets n'aura jamais des sujets plus dévoués à sa gloire.
« Permettez-moi l'honneur de me dire avec le plus profond respect, Monsieur le président, voire très-humble et très-obéissant serviteur.
« Signé : de Paoli. »
L'ordre du jour appelle ensuite la discussion sur le plan de finances proposé par le comité des dix.
Le premier article du premier décret porte ces mots:
« Les billets de la caisse d'escompte continueront d'être reçus en payement dans toutes les caisses publiques et particulières ».
Je crois devoir observer à l'Assemblée que les billets de la caisse d'escompte n'ont été reçus jusqu'à présent, dans les caisses, que volontairement, sauf celles des. banquiers et autres négociants auxquels on proposait des lettres de change échues et remboursables. Le
mot continueront qui se trouve dans l'article ci-dessus, n'est donc pas exact.
, après cette observation, donne la parole à M. Pétion de Villeneuve.
Nous n'avons à choisir que parmi des dangers ; et quel que soit le parti que nous prenions, il aura de grands inconvénients.
11 s'agit de savoir si vous pouvez admettre, le plan qui vous est proposé. Quelques articles violeraient vos propres principes. On vous demande dans le premier uue surséance de six mois : véritable faillite, ou tout au moins attermoiement réel et certainement condamnable, puisqu'il sera fait sans le consentement des créanciers; c'est d'ailleurs faire une action immorale, que de créer des billets à vue, qui ne seront pas payés à vue; ils le seront, dit-on, au !•* juillet, parce que la caisse reprendra alors ses payements; mais aura-t-elle vendu toutes ses actions? Le doute est très-fondé sur cette question ; il est donc à craindre que la caisse ne remplisse pas ses engagements à cette époque, et qu'on ne soit forcé a accorder une nouvelle surséance.
La capitale est déjà engorgée de billets qui ne circulent pas dans les provinces; elle va donc en fabriquer encore : la caisse sera chargée de cette fabrication, pour laquelle vous lui payerez 5 0/0. Ne pouvons-nous pas fabriquer nous-mêmes le numéraire fictif dont la nécessité est reconnue? Ne pohvons-nous pas lui donner nous-mêmes la confiance dont il a besoin pour circuler dans toutes les parties de l'empire? Nous avons à notre disposition les fonds ecclésiastiques et domaniaux ; créons des obligations à ordre, faisons-leur porter un intérêt ; assignons-leur un payement certain...... La caisse d'escompte peut-elle donner de semblables avantages à ses effets? Remettons ainsi à nos créanciers véritables l'intérêt que nous payerons à la caisse d'escompte.
Je rejette le plan du comité, et je propose de ciéer des obligations à ordre, avec intérêt à 5 0/0.
expose la nécessité de la liaison d'un plan de ressources avec l'ordre général des finances. Il entre dans des détails sur les banques et les bureaux d'escompte; et après avoir cité'l'histoire romaine et l'histoire anglaise, il conclut qu'ils ne peuvent avoir un succès réel que dans les gouvernements dont le commerce et l'industrie forment la fortune publique. Nous n'avons rien à gagner, dit-il, à nous faire Anglais, banquiers et financiers contre nature et raison. Il examine l'état de l'Angleterre, ses ressources, son numéraire, celui de la ville de Paris, considérée comme lieu de consommation, et non comme place de commerce; enfin, les rapports du commerce de l'argent avec les propriétés territoriales. 11 s'occupe ensuite à refuter le plan de M. de Laborde.....
, etc., demandent l'exécutiOn du décret par lequel l'Assemblée a décidé hier qu'on se bornerait à l'examen du plan proposé par le comité, et que les amendements seraient seuls entendus.
Je suis un citoyen qui désire s'instruire, ët qui en a besoin; je prie qu'on veuille bien écouter un homme très-savant, et qui peut présenter de grandes lumières.
passe à l'examen des décrets proposés par le comité: il n'y voit que des assignations pour lesquelles la caisse d'escompte donnera des rames de papiers de toutes couleurs, que l'Assemblée changera en numéraire. II conclut a ce qu'on n'admette point d'intermédiaire entre le papier-monnaie et les ressources effectives, et à ce qu'on décrête une vente de 400 millions pour rassurer les créanciers. Il propose d'ajourner l'examen des moyens les plus légitimes et les plus convenables de procurer cette vente, et d'en suppléer intermédiairement les produits.
Votre décret d'hier force à adopter presque de confiance un plan dans cette matinée ; celui du comité dôit sans doute avoir la préférence. J'avais des vues à présenter, mais j'en fais 1e sacrifice, et je me borne à deux amendements destinés à atténueur l'injustice et à amoindrir les inconvénients du projet sur lequel vous avez à statuer.
Le premier consiste à déclarer très-nositive-ment que le cours forcé du papier de la caisse d'escompte sera restreint à la ville de Paris. Si ces effets perdent, il vaut mieux que cette perte tombe sur les créanciers de la capitale qui ont gagné davantage avec l'Etat. Le papier-monnàie est abhorré dans les provinces, celui de la caisse n'y a jamais été connu.
Le second à ordonner que, d'ici au t "juillet 1790, la caisse continuera ses payements à raison de 300,000 livres par jour, et que le premier ministre des finances fera tous les efforts possibles pour lui en procurer les moyens. Lorsqu'on est obligé de payer en billets les denrées, elles-aug-mentent, et cette augmentation forme alors une banqueroute partielle. On ne peut éviter cet inconvénient majeur qu'en fournissant aux consommateurs, porteurs de billets, ce qui leur est nécessaire pour payer journellement les denrées dont ils ont besoin.
(1). Messieurs, le décret que vous avez porté hier vous astreignant à prendre aujourd'hui un parti définitif sur le grand objet des finances, il ne s'agit plus de présenter un nouveau plan qu'il serait désormais impossible d'avoir le temps de discuter; il faut seulement tâcher d'amender le plan qui vous a été proposé par votre comité des finances, de manière à rendre moins sensibles les inconvénients qu'il présente, inconvénients que j'ai toujours combattus dans mes précédentes opinions, et qui depuis lui ont été reprochés par plusieurs membres de cette Assemblée.
J'ai donc l'honneur, Messieurs, de vous proposer deux amendements, et voici sur quoi j'en motive la nécessité :
Nous ne pouvons nous dissimuler que le plan soumis à votre examen, et que vous devez agréer ou rejeter aujourd'hui, nous affilie, dans le mode sous lequel if vous a été offert, à la caisse d'escompte, c'est-à-dire à une caisse en état actuel de surséance.
Nous ne pouvons nous dissimuler que nous allons restaurer cette caisse par cette
affiliation nationale qui devient une espèce de garantie, et que nous commençons par porter
atteinte à cette garantie, en convenant qu'elle n'est pas suffisante puisque la nation
accepte elle-même le bénéfice
Il est vrai que ce dernier acte de surséance ne doit plus être que de six mois, mais l'acte qui a précédé a été de 5 mois, et celui qui le précédait encore a été de 12 mois. Qui nous garantit que celui-ci finira dans 6, et sera le dernier?
Ne vaudrait-il pas mieux adopter un amendement qui nous mettrait dans une position telle que nous ne serions plus obligés de promettre ? Il y a de quoi frémir, Messieurs, de penser que la nation, sans certitude physique, va donner à l'Europe sa parole d'honneur de payer dans six mois à bureau ouvert, tandis que d'ici là, mille événements quel'onnesauraitprévoir, peuvent déconcerter toutes les mesures de la sagesse humaine et l'empêcher de tenir le premier engagement qu'elle prend. Premier motif d'amendement.
Nous ne pouvons pas nous dissimuler non plus que la somme des nouveaux billets de caisse, mis en circulation, par le projet de votre comité, est tellement insuffisante qu il n'est pas même question de payer les effets suspendus, déjà échus deux fois, et qui maintenant sont suspendus sans terme, uniquement par l'effet de notre impuissance.
Cependant, Messieurs, ces effets suspendus sont sacrés; ils sont plus sacrés que des dettes moins anciennes qui n'ont point encore souffert de suspension. Les porteurs de Ces assignations sont aussi chers à l'Etat, aussi légitimes, aussi dignes de considéràtion, que les autres créanciers de TEtat ; ils sont surtout au moins égaux en droit et en titres aux créanciers de même nature, qui sont hors .de suspension, et dont la créance va échoir et être payée. Je pourrais ajouter qu'il est inconséquent et absurde de payer les porteurs de titres échéants ea janvier 1790, par préférence aux porteurs de titres semblables, échus en août 1788, rééChus en août 1789, et par la seule raison •que ces derniers ont déjà subi dix-huit mois de suspension. Le plan proposé n'annonce pourtant pas qu'on veuille la lever; la nation resterait donc eu état de banqueroute, au moins partielle, ét il est vraiment pitoyable de parler toujours d'exactitude, de fidélité et d'honneur, et de toujours rester en état de surséance ou d'atermoiement.
Au surplus, cet état est sans profit et sans nécessité. Sans profit, car il faut continuer de payer les intérêts et en définitive il faudra bien rembourser un jour le capital.
Sans nécessité, car on peut payer par le moyen que je vais avoir l'honneur de vous soumettre. Second motif d'amendement.
Pour faire cesser l'état de surséance de la caisse d'escompte à laquelle la nation va s'affilier, et payer les effets suspendus sans lesquels on n'appellera jamais la confiance, il faut: 1° ajouter 100 millions dé billets de caisse à la circulation de 200 millions qui vous est proposée; 2° leur donner un cours libre dans toutes les caisses publiques et particulières, et leur affecter un intérêt de 3 0/0 ; 3° adopter la création des 300 millions d'obligations nationales produisant 5 0/0 d'intérêt, comme l'a proposé hier M. le marquis de Montesquiou.
Je ne vois que cette mesure, Messieurs, qui puisse vous mettre à même de payer la totalité de ce qui est exigible, et vous donner un droit incontestable à la confiance. Songez, je vous prie, qu'ellè seule désormais peut ranimer la circulation, vivifier le commerce, encourager l'agricul-
ture, rappeler le numéraire exporté, et extraire des caisses le numéraire enfoui.
Et remarquez que ce n'est pas seulement en payant les dettes de la nation qu'elle peut obtenir cés résultats, mais en se servant, pour payer ses créanciers, d'une monnaie telle qu'ils puissent s'en servir eux-mêmes pour acquitter leurs dettes.
Or, quand la nation force ses créanciers de prendre en payement des billets de caisse de sa création, et qu'elle n'ajoute point à cet acte de sa justice en faveur de ces billets, le don si nécessaire de représenter exactement le numéraire effectif, et de faire service d'espèces, ii en résulte que la nation trompe, sans le vouloir, ses créanciers, en liquidant véritablement sa propre créance, en les laissant dans l'impossibilité d'acquitter, à leur tour, leurs créances particulières.
Votre sagesse vous préservera de consacrer cette injustice. Combien ne serait-il pas pénible pour les magistrats qui vont remplir des fonctions publiques dans le nouvel ordre judiciaire que vous allez établir, d'être obligés de faire poursuivre, saisir et exécuter les propriétés d'un homme qui, ayant reçu en payement de la nation, des billets de caisse d'escompte, ou des assignats nationaux, ne pourrait obliger son créancier à les recevoir de lui en payement.
Ce n'est- pas, Messieurs, que j'aie prétendu vous persuader que ces créations de billets de caisse et d'obligations nationalee ne soient sans doute un inconvénient ? En thèse générale, une nation ne devrait jamais substituer au numéraire, ce signe constant et universel de toutes les valeurs, un signe particulier dont le Cours soit restreint aux besoins de l'Etat qui lui a donné l'être ; mais, dans la position critique de nos finances, nous n'avons que le choix des maux, et le plus grand de tous les malheurs pour un empire, c'est la cessation de tous les payements, l'interruption de tous les services, la destruction de tous les rapports entré l'agriculture et le commerce, et la suppression dè tous les moyens d'échange, entre toutes les classes de citoyens, et entre toutes les parties de l'Etat. Or, tels sont les maiix qui menacent un gouvernement quand il est obéré, quand son crédit est nul, quand la méfiance et les émigrations ont enfoui ou exporté son numéraire.
D'ailleurs, l'inconvénient d'un signe en papier national, faisant office de monnaie, disparaît presque entièrement avec le concours des circonstances qui suivent:
1° Lorsque l'extinction successive de ce papier est garantie par Un gage positif, dont la valeur est supérieure à celle que repréSentènt les billets de caisse, et dpnt la rentrée est antérieure à l'époque fixée poUr le remboursement dès billets ;
2° Lorsque lé volume de ces billets se trouvant dans uhe proportion suffisante avèc les besoin^ du commerce et la somme des objets arrivés qu'il faut payer, n'est cependant pas assez considérable pour refluer avec surabondance dans la circulation, et produire un surhausSement remarquable dans le prix de tous les objets de consommatibU;
3e Lorsque le royaume, qui fait usage dé cette ressource momentanée, pouvant suffire par lui-même à ses besoins lès plus essentiels, sans le secours des puissances étrangères dont'il se trouve, en général, créancièreïf§Tfc>as à craindre Un dérangement * notable dans l'état des changes, puisque la monnaie dont il fait usage doit intéresser fort peu les étrangers, ses débiteurs.
Si j'applique ces principes à l'état actuel du gouvernement français, j'observerai :
1° Qu'il a besoin de 600 millions pour se mettre â jour ;
2° Que le Trésor public n'a ni argent ni: crédit ;
3° Que le numéraire, resserré partout, manque absolument à la circulation,du royaume;
4°Queles600 millionsd'effetscirculants suffiront pour acquitter l'arriéré de la dette publique, mettre l'abondance au Trésor royal, et rétablir partout l'aisance ;
5° Que ces 600 millions peuvent s'éteindre dans le cours de six ou sept années, par le produit de la taxe du quart des revenus, par le produit de celle des domaines du Roi, et par le produit de la vente du superflu des biens du-clergé ;
6° Que 600 millions d'effets circulants ne peuvent pas surcharger la circulation dans un royaump dont les opérations comportent habituellement le séjour de 2 milliards 600 millions d'espèces, dains un royaume où; le seul service actif et passif du Trésor public met en mouvement plusieurs centaines de millions, destinés d'abord à acquitter les contributions des peuples, et ensuite à être répartis entre les créanciers de l'Etat et les divers départements de l'administration du royaume;
7° Que sauf les événements qui sont hors de l'ordre commun, tels que la disette des blés, les émigrations de la présente année, la France est constamment créancière j en dernière analyse, des autres puissances de l'Europe* en sorte que l'usage des billets nationaux ne peut faire varier notablement l'état des changes à son préjudice., g
De toutes ces considérations réunies, il résulte, que l'établissément de 600 millions de billets, dont moitié aurait cours par tout le royaume, est dans les circonstances actuelles un moyen de restauration nécessaire, et qu'il n'entraîne après lui aucun inconvénient majeur.
On n'objectera même pas à ce plan, de créer deux espèces de papiers, puisque le plan proposé par votre comité des finances établissant des billets de caisse et assignats nationaux, encourrait le même reproche, sic'êtaiMe mériter que de multiplier les moyens de liquidation en diminuant les risques d'une trop grande masse de billets forcés.
Les provinces mêmes n'éprouveraient aucune inquiétude à l'établissement de cette nouvelle circulation, lorsqu'elles auraient réfléchi que Paris ne doit pas plus de 60' millions à tout le royaume, et que tout le royaume devant,j pour les impositions, plus de 600 millions par an au Trésor public, il ne sera pas difficile aux provinces d'écouler vers Paris les 60 millions d'effets qu'elles auront reçus de lui.
Elles recueilleront même un avantage bien précieux et depuis si longtemps désiré : la diminution de l'intérêt de l'argent qui, nécessairement alors, ne doit jamais s'élever a plus de 1 0/0 au-dessus de la valeur des terres.
D'après ces Considérations, Messieurs,
J'adopte en entier la plan* proposé par le comité des finances, avec les amendements suivants (l):
1° Il sera ajouté aux 200 millions de billets de caisse, qui devraient être mis en circulation* 100 millions de plus de pareils billets; ce qui fera en tout 300 millions de billets faisant service d'espèces par tout le royaume, et valant 3 0/0 d'intérêt ;
2° Il sera créé 300 millions d'obligations nationales qui n'auront point un cours forcé,
mais qui rapporteront 5 0/0 d'intérêt.
1° Sur le produit du don patriotique ;
2° Sur la vente dés biéns domaniaux ;
3° Sur le produit de la vente des terrains des maisons religieuses dans Paris et dans les grandes villes du royaume ;
4° Enfin, et subsidiairement, sur le produit de latente du superflu des biens du clergé.
Comme il n'est pas prouvé qu'il faille livrer l'Etat à une compagnie de publicams; comme il ne l'est pas que la. création , d'un papier ne fasse pas sortir tout le numéraire; comme la venté ne donne pas un sou en ce moment ; comme des ventes précipitées seraient incertaines et peu avantageuses, je; crois qu'il faut changer quelque partie du plan du comité.
Je propose un amendement quinevous laissera pas le regret d'avoir créé, sous le nom de provisoire, un mal très-durable. 11 estune conséquence du décret sur la contribution patriotique, auquel je propose de-donner toute l'extension possible. Il faut se procurer de l'argent pour éviter la banqueroute, la guerre civile, le triomphe de nos ennemis et la perte de la liberté; il faut faire ouvrir les coffres de ceux qui accaparent de l'argent,'comme les greniers des accapareurs de blé... Les notaires vous diront que jamais ils n'ont trouvé plus de numéraire dans les inventaires....
Jë propose de décréter, un emprunt patriotique de 170 millions, portant 5 0/0 d'intérêt, et assignés sur la contribution patriotique.,Tous les notaires ou tabellions seraient tenus de délivrer, dans la huitaine, aux, municipalités de leur résidence, ,un état fidèle de l'or etide l'argent monnayé qu'ils ont. inventorié depuis quatre mois, avec les noms et domiciles des possesseurs. Chaque municipalité arbitrerait la f somme que. tous les propriétaires de numéraire seraient obligés de verser dans cet emprunt, déduction faite de ce qui serait nécessaire pour leur subsistance...
intprrompt le préopinant, et demande que ^Assemblée témoigné son impro-bation d'un semblable projet.
observe à M. Rewbell que ses propositions^ sont contraires au décret rendu'hier et aux principes de l'Assemblée.
La vente des biens ecclésiastiques et domaniaux présente un avantage certain. Les assignations qu'elle donne la facilité de créer, ne sont point du papier-monnaie;, leur payement est assuré. Il sera fait au porteur, après un court délai de six mois, et vous aurez, par cette opération, effectué tout ce qu'on pouvait espérer de vous, dans un moment d'em-arras et de désordre.
Si vous adoptez le travail du comité, jè vous proposerai* comme moyen diexécution; de1 faire rédiger un tableau des objets qui doivent être préférablement vendus, et dje l'adresser aux districts et départements, pour avoir leur avis.
Si les billets ne sont reçus d'une manière obligatoire que dans les. caisses de Paris, j'ajouterai pour sous-amendement que les receveurs des impositions en province ne puissent les refuser.
Sauf ces observations, j'adopte le plan,du comité dans toutes ses parties;
On demande à aller aux voix.
L'Assemblée ferme la discussion.
On fait lecture du premier article du plan.
« Lesbillets de lacaisse d'escompte continueront à être reçus en payement dans toutes les caisses publiques, et particulièrement jusqu'au 1er juillet 1790, et elle sera tenue d'effectuer ses payements à bureau ouvert à cette époque. »
Ou lit un amendement rédigé par M. deCazalès:
Les billets de caisse seront reçus dans toutes les caisses publiques, même dans les provinces ; mais leurs cours ne pourra être forcé entre particuliers. »
La question se réduit à savoir si vous voulez ôter aux billets de la caisse la confiance qu'ils ont. Si vous voulez la leur conserver, laissez les choses dans l'état où elles sopt; que .votre décret ne défende ni ne permette; il doit augmenter la confiance dans des billets que vous allez donner en payement à vos créanciers. Je pense qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.
.(Cette opinion est très-fortement appuyée.)
Il y a le plus grand danger à établir le cours forcé des billets dans les caisses des provinces. Si le payement des impositions peut se faire avec ces effets, dans un mois on n'y recevra que des billets de la caisse d'escompte.
J'ai l'honneur, de vous observer que ce cours forcé qpevous voulez éviter deviendra inévitable, parce que vous ne pourrez bientôt envoyer dans les provinces, que du papier.
Je démontrerai jusqu'à l'évidence que ce sont les billets de caisse qui ont extrait le numéraire de Paris; ie vous marquerai le chemin qu'il a pris; je rai suivi depuis son départ jusqu'à sa destination. Allez au bureau des messageries, compulsez les registres depuis : le mois d'août 1789 jusqu'à ce jour, et vous verrez que ce sont les capitalistes qui ont fait, partir l'argent ; il n'y. a pas de commerce plus profitable que d'envoyer de fortes:sommes et de les-faire revenir* on gagne aiusi-20 0/0 par mois L'intérêt des banquiers est, d'avoir deux patries, L'une où ils achètent l'argent à bon marché, et l'autre où il le vendent très-cher ; il importe beaucoup à une compagnie de finance d'éloigner l'argent. On; n'agiote pas avec l'ap-gentj et on n'a pas de droit de commission sur l'argent ;,iLest du plus grand intérêt d'éloigner ce brigandage, qui fonde tant de fortunes sur une calamité générale.
Il est aisé d'expliquer le fait cité par le préopinant. Il a fallu acheter du chanvre et des bois à Bruxelles et en Allemagne: les désavantages du traité de commerce fait avec l'Angleterre nous ont empêchés de payer en marchandises, et l'on a été obligé- d'envoyer de l'argent pour s'acquitter.
Pour répondre à. la première observation de M. l'abbé Maury, je demande si on donnera les billets de caisse pour rien. S'il en circule en province pour 200 millions, il y aura 200 millions de crédit de plus à Paris.
, député de Nemours. Cette question a été, discutée, entre quatre de vos pommissaires, des administrateurs de la caisse d'escompte et des banquiers. Il à résulté dé cette conférence qp'il; n'était pas à propos de statuer sur lai circulation dès billets de caisseKet qu'il fallait laisser agir les villes de commerce qùi en demanderont la circulation dans leur place. Alors les caisses pu-
bligues recevront ces billets. Il faut se contenter de dire dans le décret: « continueront comme par le passé ».
représente la nécessité de rendre une loi très-claire ; il propose de nouveau son amendement, en supprimant ce qui regarde les caisses des provinces.
Je présente cette rédaction : «Les billets delà caisse d?escompte continueront à être reçus dans toutes les caisses publiques et particulières de Paris, comme par le passé, et le seront dans les caisses publiques de province, etc. »
Si vous mettez : « continueront comme par le passé », vous autorisez les arrêts du conseil, et vous fixez exclusivement aux caisses de Paris l'obligation de recevoir ces billets. Les principes d'égalité et de liberté seront violés d'une manière également ruineuse pour Paris et pour les provinces: si ces billets .ne circulent que dans Paris, bientôt la capitale n'aura plus de numéraire; elle ne pourra faire ses approvisionnements, ou bien elle gardera celui qu'elle a, et fera les visites les plus rigoureuses pour l'empêcher de sortir de ses murs.
Je demande qu'il soit dit que les billets seront reçus dans les caisses publiques de Paris et des provinces ; que la caisse d'escompte payera 300,000 livres de billets par jour, et qu'il Boit fait un règlement pour ce payement.
Je considère la rédaction de M. de Dieuzie comme la moins susceptible d'inconvénients. Il y aura à. Paris moins de papier et plus de numéraire; ainsi les avantages pourront être compensés. Je demande cependant la priorité pour la rédaction du comité.
M. Necker nous a dit positivement que si ces billets étaient reçus dans les caisses de province, il n'arriverait pas un sou au Trésor royal.
J'adopte la rédaction de M. de Dieuzie; mais je voudrais que l'on ajoutât qu'il n'y aura pas de billet au-dessous de 200 livres.
En Normandie, nous répandons dans les campagnes plus de 3 millions en Ïiétites sommes, et nous prenons ces fonds dans es caisses publiques contre des valeurs : si ces caisses reçoivent des billets, nous n'aurons plus cette ressource : on viendra de Paris apporter des billets pour remporter de l'argent.
, évêque de Nancy, propose pour amendement à l'article : « 11 en sera usé comme par le passé pour la circulation des billets, etc. »
Je demande la question préalable sur tous les amendements.
Je demande qu'ils y soient soumis séparément
L'Assemblée, après avoir décidé que la question préalable portera sur tout l'ensemble, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Elle adopte le premier article du projet de décret, à une grande majorité.
Le principe étant
décrété, je demande qu'on passe aux voix sur tous les autres articles, sans division.
Cette proposition est attaquée, puis accueillie par l'Assemblée; et les autres articles du premier décret proposés par le comité sont adoptés à une grande majorité ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète :
« 1° Que les billets de la caisse d'escompte continueront d'être reçus en payement dans les caisses publiques et particulières, jusqu'au 1er juillet 1790 ; elle sera tenue d'effectuer ces payements à bureau ouvert à cette époque.
« 2° La caisse d'escompte fournira au Trésor public, d'ici au 1er juillet prochain, 80 millions en ses billets.
« 3° Les 70 millions déposés par la caisse d'escompte au Trésor royal, en 1787, lui seront remboursés en annuités, portant 5 0/0 d'intérêts, et 3 0/0 pour le remboursement du capital en vingt années.
« 4° Il sera donné à la caisse d'escompte, pour ses avances de l'année présente, et des six premiers mois de 1790, 170 millions en assignats sur la caisse de l'extraordinaire, ou billets "d'achats sur les biens-fonds qui seront mis en vente, portant intérêt à 5 0/0, et payables à raison de 5 millions par mois, depuis le 1er juillet 1790 jusqu'au 1er juillet 1791 ; et ensuite, à raison de 10 millions par mois.
« 5° La* caisse d'escompte "sera autorisée à créer 25,000 actions nouvelles, payables par sixièmes, de mois en mois, à compter du 1er janvier prochain, moitié en argent ou en billets dé caisse et moitié en effets qui seront désignés.
« 6° Le dividende sera fixé invariablement à 6 0/0: le surplus des bénéfices restera en caisse, ou dans la circulation de la caisse, pour former un fonds d'accumulation.
» 7° Lorsque le fonds d'accumulation sera de 6 0/0 sur le capital de la caisse, il en sera retranché 5, pour, être ajoutés au capital existant alors, et le dividende sera également payé à 6 0/0 sur ce nouveau capital.
8° La caisse d'escompte sera tenue de rembourser à ces actionnaires 2,000 livres par
action, en quatre payements de 500 livres cna-cun, qui seront effectués le 1er janvier 1791, le ler juillet de la
même année, le 1er janvier 1792 et le 1er juillet suivant. »
On fait lecture du second projet de décret.
Une grande partie de l'Assemblée demande à aller aux voix sur-le-champ.
Une autre partie veut quitter la séance, et sort de ses bancs.
M. l'abbé de Montesquiou demande la parole : 11 monte à la tribune.
On observe que la discussion étant fermée sur le plan, on ne peut entendre personoe que pour des amendements.
Je ne veux pas abuser des moments de l'Assemblée, puisqu ils lui paraissent si précieux. Mais il est des positions où l'on ne peut garder le silence. Le décret dont il s'agit me paraît compromettre les intérêts des provinces, des rentiers et des titulaires des bénéfices.....Vous jetez gaiement en vente des biens pour 400 millions,, sans avoir consulté les provinces, quoique vous vous y soyez engagés par votre décret du 2 novembre.
On interrompt, en rappelant que. la discussion est fermée par un décret, et qu'elle ne peut être reprise que par un autre décret.
continue : J'observe à quelques membres de l'Assemblée qu'ils sont les plus forts, et je demande qu'ils aient la générosité de m'entendre.
Des provinces sont dans une telle supériorité de biens ecclésiastiques, qu'il serait impossible d'exécuter le décret que vous voulez rendre.... L'hypothèque des rentiers se réduirait en longs et interminables débats entre eux et les provinces.... Vous bouleverseriez à la minute peut-être une partie du royaume..... Les intérêts des titulaires devraient aussi être considérés. Il est dans votre intention d'assurer leur sort; il est dans votre devoir d'assurer le service divin. Vous ne pouvez vendre qu'après avoir combiné les dépenses et les moyens; ce n'est que d'après cette combinaison que vous pouvez avoir des résultats.
(L'Assemblée est consultée; elle ferme de nouveau la discussion.)
lit un article que l'on propose d'ajouter.
l'interrompt et dit : Vous recevrez comme protestation.... (Il ne peut achever.)
Entendez M. l'abbé Maury, sinon nous allons tous réclamer.
Allons-nous-en tous.
Une partie de l'Assemblée quitte les sièges-
Qu'on me donne la parole, ou que l'on continue la séance à lundi.
lit un article que M. le baron d'Allarde propose d'ajouter, et qui a pour objet la nomination d'une commission pour surveiller l'émission des billets et la rentrée des valeurs à la caisse...
consent à l'ajournement à lundi, pour passer au décret.
propose de comprendre les domaines dans les renseignements à demander aux provinces et dit qu'il serait indispensable de connaître l'état des domaines de la Couronne qu'on propose d'aliéner.
, membre du comité, répond que le comité a reçu un état détaillé se rapportant à l'année 1787.
consent à l'ajournement de sa motion.
Je demande à combattre la création des assignats-monnaie qui causeraient la ruine de nos hnances et celle du pays tout entier. ( Voyez aux Annexes la protestation de M. Bergasse.)
La discussion a été fermée. Vous ne pouvez pas avoir la parole puisqu'il ne s'agit pas d'un amendement.
On demande à aller aux voix, et le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète les articles ci-après :
« Art. ler. Il sera formé une caisse de l'extraordinaire, dans
laquelle seront versés les fonds
provenant de la contribution patriotique, ceux des ventes qui seront ordonnées par le présent décret, et toutes les autres recettes extraordinaires de l'Etat.
« Les deniers de cette caisse seront destinés à payer les créances exigibles et arriérées, et à rembourser les capitaux de toutes les dettes dont l'Assemblée nationale aura décrété l'extinction.
« Art2. Les domaines de la couronne, à l'exception des forêts et des maisons royales dont Sa Majesté voudra se réserver la jouissance, seront mis en vente, ainsi qu'une quantité de domaines ecclésiastiques, suffisante pour former la valeur de 400 millions.
« Art. 3. L'Assemblée nationale se réserve de désigner incessamment lesdits objets, ainsi que de régler la forme et les conditions de leur vente, après avoir reçu les renseignements qui lui seront donués par les assemblées de département, conformément à son décret du 2 novembre.
« Art. 4. Il sera créé sur la caisse de l'extraordinaire des assignats de 1,000 livres chacun, portant intérêt à 5 0/0, jusqu'à concurrence de la valeur , desdits-biens à vendre, lesquels assignats seront admis de préférence dans l'achat desdits biens. Il sera éteint desdits assignats, soit par lesdites ventes, soit par les rentrées de la contribution patriotique, et par toutes les autres recettes extraordinaires qui pourront avoir lieu, 100 millions en 1791; 100 millions en 1792; 80 millions en 1793, 80 millions en 1794 et le surplus en 1795.
« Lesdits assignats pourront être échangés contre toute espèce de titres de créances sur l'Etat, en dettes exigibles, arriérées ou suspendues, portant intérêt. »
lève la séance, après avoir indiqué celle de lundi pour neuf heures du matin.
Protestation de M. Bergasse, député de Lyon, contre les assignats-monnaie (1).
On travaille dans l'ombre, et pendant des mois entiers, des projets désastreux ; on en prépare lé succès par des coalitions perlides, et on ne laisse que des minutes pour y répondre.
Je n'ai pas assez de temps pour examiner en détail les divers projets présentés à l'Assemblée, sur la nécessité de faire circuler en France des assignats-monnaie ; mais il me semble qu'il n'est besoin que d'un petit nombre de réflexions pour démontrer l'absurdité de tous ces plans, et surtout pour faire connaître les conséquences cruelles, et malheureusement irréparables, qu'ils entraînent après eux.
Faut-il des assignats-monnaie ? Je ne puis répondre à -cette question qu'en examinant d'abord ce que seront dans les circonstances où nous sommes, les assignats-monnaie qu'on nous propose, et ensuite quelle sera leur influence sur le commerce et la circulation du numéraire-dans l'Etat.
§ Ier.
L'Assemblée nationale a décrété l'aliénation des biens ecclésiastiques, et qu'il en serait vendu une quantité proportionnelle à la somme des assignats'-monnaie qu'elle se propose de répandre dans la circulation. Ces assignats-monnaie, porteront un intérêt par jour, et seront divisés en billets, depuis 20u livres jusqu'à 100 pistoles. Ainsi les assignats-monnaie peuvent être regardés comme des espèces de délégations données d'avance sur le produit d'une vente qui n'est pas faite, mais qui se fera.
On a senti que pour que l'assignat-monnaie fût tOut ce qu'il1 doit être, pour qu'il n'eût aucun des inconvénients' des papiers forcés, quoiqu'il soit papier forcé, il fallait qu'il inspirât autant de confiance qu'une lettre de change ; et des écrivains, gagés pour le faire prévaloir, ont dit, sans se mettre en peine de le prouver, qu'il inspirerait autant de confiance qu'une lettre de change.
Voyons si cette assertion est fondée :
Quel est le motif de la confiance qu'on a en une lettre de change ? C'est que l'on connaît la solidité de celui qui là tire, de ceux qui l'endossent et de celui qui l'accepte ; c'est que celui qui la' tire et'lès1 endosseurs1 et l'accepteur en répondent'sur leur liberté; c'est qu'en cas de non-payement, la loi accorde toutes les facilités nécessaires pour poursuivre, et-le tireur, et les endosseurs; et l'accepteur.
Or; les assignats-monnaie présentent-ils- un motif égal de confiance?
Non. Et pourquoi? Parce que la nation qui livrera ces effets; parce que les particuliers qui lés tiendront de là nation, au lieu de toutes les sûretés qu'offre le porteur d'une lettre de change (qu'on est toujours le maître de refuser), ne livreront pour gages à ceux auxquels ils les remettront, que des espérances incertaines, et qui, quoi qu'on en dise, pourraient bien finir par être absolument illusoires.
Ceci vaut la peiné d'êtrè éclairci.
D'abord, l'Assemblée ùè peut disposer des biens ecclésiastiques, qu'en déclarant libres actuellement de l'hypothèque des* créanciers du clergé, ceux de ces biens dont elle disposera, et en faisant, de la créance sur le clergé, une créance nationale; car, tant que les biens du clergé seront grevésf de l'hypothèque des créanciers du clergé, il est évident qu'ils ne peuvent devenir le gage des assignats-monnaie.
Or, en premier lieu, l'Assemblée a-t-elle le droit de convertir la créance particulière rdu clergé en créance nationale? Ses commettants lui ont-ils donné ce pouvoir ? Peut-elle produire de leur part une procuration spéciale qui l'autorise à faire une conversion de ce genre? Et si elle ne le peut, si dès Iors on a toujours à craindre les réclamations de ses commettants, lorsque ses commettants pourront parler, et qu'un despotisme effréné n'étouffera pas toutes les consciences et toutes les espèces de liberté dans l'empire, je le demande; qui est-ce qui peut nous garantir la* valeur des assignats-monnaie? et où est la base sur laquelle ils reposent?
En secçndilieu, ne faut-il pas de plus, pour changer une hypothèque, que les créanciers qui ont accepté cette hypothèque y consentent? Ét où est le consentement des créanciers du clergé ? Les créanciers du clergé pouvaientplacerleur argent
dans lès fonds public» et en retirer un intérêt plus considérable que celui que le clergé leur paye. Ils ne l'ont pas voulu, parce qu'ils n'ont pas cru leur argent aussi solidement placés dans les fonds publics que dans les fonds du- clergé, qui leur présentait comme sûreté l'hypothéqué générale de ses biens. Et vous osez aujourd'hui, sans daigner même les interroger, changer l'essence de leurs contrats, dénaturer leurs créances et les priver du gage qui en faisait la sûreté! Ne me dites pas que la force dont vous êtes armés empêchera l'erfet de leurs réclamations, et que si leurs réclamations sont nulles, votre opération est bonne. Oui, ils peuvent se taire aujourd'hui; vous pouvez les environner d'une terreur assez grande pour qu'ils se laissent sacrifier sans murmure à cette foule d'agioteurs avides qui dirigent la plupart de nos délibérations financières; mais le temps de votre force ne durera pas toujours ! Mais le moment de là vérité arrivera; le moment où les demandes justes pourront être accueillies comme les idées sages ! Mais du moins il est possible que ce moment arrive, et cette seule possibilité ne suffit-elle pas pour ôter à vos assignats la plus grande partie de leur valeur; car, prenez-donc garde qu'il ne s'agit pas ici de votre puissance, dont personne n'est plus effrayé que. moi,,mais de confiance, mais de crédit, toutes choses que la puissance ne saurait créer, que la seule probabilité d'un événement quelconque sufflUpour détruire. Or, je vous défie de me nier qu'il ne soit très-probable que les créanciers du clergé réclameront, sinon a présent, du moins à la prochaine législature, en un mot, quand ils le pourront, le gage que vous leur enlevez aujourd'hui? Et ne voyez-vous pas jusqu'à quel point la possibilité d'une telle réclamation, fondée sur les lois invariables de la justice et de la propriété, ôte à vos assignats l'opinion dont ils ont besoin pour sé soutenir dans la circulation avec avantage.
Ainsi donc, par cela seul déjà, que l'Assemblée se verra contrainte de déclarer actuellement libres de toute hypothèque les biens ecclésiastiques qu'elle vendra, et qu'elle ne pourra le faire sans violer toutes les lois de la morale et de la propriété, sans s'exposer à des réclamations bien fondées, soit de la part de ses commettants, soit de la part des créanciers du clergé, il devient impossible que les assignats-monnaie: ne renferment pas en eux-mêmes une cause de (lia-crédit dont vous ne réussirez jamais à les affranchir.
Mais cette cause n'est rien en comparaison de celles que je vais développer; et d'abord ie soutiens que lors même que l'Assemblée, au lieu de déclarer despotiquement libres de toute hypothèque les biens ecclésiastiques dont ellè décrétera, la vente, s'occuperait réellement de les affranchir de toute hypothèque, en payant les créanciers du clergé,, les assignats n'en vaudraient pas mieux pour cela.
Car il y a plusieurs hypothèques sur les biens du clergé :
1° L'hypothèque des créanciers du clergé;
2° L'hypothèque des propriétaires ou des usufruitiers de ces biens, tels que les religieux et les ecclésiastiques ;
3° L'hypothèque du culte public;
4° L'hypothèque des pauvres, au sort desquels cependant on ne peut se dispenser de pourvoir.
Or, pour délivrer les biens du clergé de l'hypothèque de ses créanciers, il faut; avant, tout, constater la dette du clergé,, puis les dettes parti-
culières de chaque dioéèse, puis les dettes des maisons religieuses qu'on veut détruire, puis les dettes des titulaires des bénéfices; et, celte première opération terminée, il est d'une justice rigoureuse de déléguer le prix des premières ventes qu'on fera, aux créanciers, soit généraux, sbit particuliers du clergé; car, certainement, ou la probité n'est qu'une chimère, oui! faut reconnaître qu'ils ont sur ces ventes un privilège antérieur à tous ceux qu'on peut leur opposer.
Pour délivrer les biens du clergé de l'hypothèque des propriétaires ou des usufruitiers qui vivent de leur produit, il faut, les créanciers du clergé ayant été payés, non-seulement déterminer d'une manière invariable lé sort qu'il convient de faire à ces propriétaires ou usufruitiers, mais donner les moyens d'assurer ce sort, mais démontrer la possibilité de ces moyens dans un Etat écrasé sous le poids d'une dette inimense et travaillé par toutes les convulsion s de la déraison et' de l'anarchie ; car il .serait affreux que l'on commençât par s'emparer de la subsistance d'un nombre prodigieux d'individus, qui, s'ils ne sont rien aux yeux de la philosophie moderne, sont cependant quelque chose aux yeux de la justice et de l'humanité; qu'on les expulsât de leurs demeures, avec la vaine promesse de subvenir à léurs besoins, et qu'on les abandonnât ensuite à toutes les circonstances des événements, sans considérer la foi publique, sous la sauvegarde de laquelle ils ont contracté des engagements impossibles à rompre, et embrassé une profession^ laquelle il ne leur est pas permis de renoncer sans crime.
Pour délivrer les biens du' clergé de l'hypothèque du culte public, il faut, après avoir pourvu aU; sort des créanciers du- clergé et des ecclésiastiques qu'on réforme, réserver ce qui restera de libre des biens du clergé pour les frais du culte public, rechercher en conséquence quel doit être ce culte, quel degré de majesté il convient de lui conserver, dans quelle proportion et surtout de quelle manière il importe de salarier ses ministres;'car-ce n'est qU'après avoir encore'prélevé sur les bieris du1 clergé,'tout ce qui1 se'trouvera nécessaire à l'entretien du culte public, qu'on pourra raisonner arec sagesse sur l'emploi du reste, et quelque opinion qu'on ait dans ce siècle raisonneur dé l'influence dé la religion sur les moeurs, j'espère qu'on n'est pas encore venu au point de croire qu'on peut faire des mœurs' sahs religion, et que tout changement dans le culte public1 d'un peuplé est un changement de peu d'importance.
Pour délivrer les biens du clergé de l'hypothèque'dés pauvres-qui y ont un droit si sacré, il faut, après avoir satisfait à cé qu'exigent de nous les' créanciers du clërgé, les> ecclésiastiques que nous réformons, et le culte public, trouver un ordre de choses où le pauvre soit secouru; oùul pUissë être aidé promptemeirt dâns sa misère. Je remarque qu'en Angleterre, où néanmoins le clergé né se trouvé pas dépouillé dë toutes des prôpriétés; comme il l'est actuellement chez nous, en Angleterre, où l'industrie est si florissante et OÙ dès lors, les moyens de Vivre du produit de son travail doivent abonder, la taxe pour les pauvres se monte annuellement à 80 millions. Je crois qile je ne m'avance pas trop ën( affirmant qu'en' France, il nous faudra, pour' subvenir âUX bësdins de nos pauvres, une taxe à peu prés' égaie. Or, il me semblé que si l'ott1 ne veut pas charger la' nation de cette taxe, c'est* encore I sur' les'biëfis ecclésiastiques qufil convient de
l'asseoir, et qu'on ne peut les considérer comme absolument libres, et conséquemment comme disponibles au profit des créanciers de l'Etat, qu'autant qu'on aura pourvu au sort des pauvres, de manière à les dédommager du patrimoine qu'ils perdent.
Mais, je le demande, nous sommes-nous occupés d'affranchir les biens du clergé de l'hypothèque de ses créanciers? Avons-nous même dans nos décrets, comme la simple probité l'exigeait I de nous, averti que nous nous occupions de cet affranchissement avant que de nous permettre aucune autre opération sur ces mêmes biens?
Je le demande, nous' sommes-nous mis en peine de pourvoir au sort de ce grand nombre d'ecclésiastiques et de religieux que nous réfor-; mons? Nous avons décrété vaguement la portion' de salaires qui appartiendrait à chacun d'eux; mais suffit-il de décréter, ne convenait-il pas encore de démontrer la possibilité de payer ces salaires, je vais plus loin, de rendre sensible à tout esprit sage la certitude qu'ils seront payés? et tfest-il pas souverainement immoral de transférer leurs biens à d'autres, quand nous ne sommes Sas physiquement certains de trouver, au milieu de nos désastres, des ressources suffisantes pour les faire subsister?
Je le demande, avons-nous déterminé tout ce qui regarde le culte public? Nous venons de décréter en: général que les ministres des autels seraient salariés, c'est-à-dire que nous avons fait dépendre le culte publie des événements qui, d'un moment à l'autre, peuvent gêner dans un. grand empire le mouvement des finances ; mais ces salaires, qui les payera, si nous affectons tout de suite au payement des créanciers de l'Etat les fonds qui les produisaient auparavant?
Enfin, je le demande : nous sommes-nous beaucoup inquiétés des pauvres, dont le nombre, grâce à nos opérations'violentes, s'accroît autour de nous d'une manière si effrayante et si désastreuse? Que vont-ils devenir au milieu des ruines que nous accumulons de toutes parts; et celui qui demande son pain tous les1 jours, comment subsistera-t-il parmi nos vaines spéculations, si nous ne trouvons rien à substituer sur-le champ aux secours journaliers qui !ë faisaient vivre?
Et c'est avant d'avoir rien déterminé par rapport à1 toutes ces choses que nous parlons d'assignats-monnaie sur les biens du clergé j c'est avant (Pavdir étayé et mesuré la base sur laquelle nous prétendons établir un nouveau crédit public, que nous élevons l'édifice de ce crédit, auquel; au reste, nous croyons si peu nous-mêmes, que nous ne trouvons d'autre manière de le soutenir qu'une confiance forcée, et dès lors absolument impossible.
Qu'on ne me dise pas, que quoique cette confiance soit forcée, elle a néanmoins un fondement raisonnable dans la masse énorme des biens du clergé, dont l'aliénation vient d'être décrétée; une confiance fofcée qui a un fondement, et puis la masse enorme des biens du clergé! Et que signifie-t-elle, cette masse énorme, à côté des charges énormes que je vous présente ; et tant que vous n'aurez pas pourvu à ces charges, tant que je ne saurai pas précisément ed quoi consiste, pour ce genre de biens, l'excédant de la recette? sur la dépense, où trouverez-vous la valeur réelle de vos assignats-monnaie, et comment déterminerez-vous laquàntité que vous en devez répandre?
Ge n'est pas tout, et je veux bien supposer nulles toutes lës objections que je viens de vous
faire, il me reste encore à vous demander comment vos assignats pourront être remboursés, comment ils seront remboursés? car il faut que je sache toutes ces choses, afin d'y avoir confiance.
Sera-ce à la volonté des propriétaires des assignats que vous rembourserez ? Mais on sent que cela est impossible, car tout le monde voudrait être remboursé à la fois.
Rembourserez-vous ceux qui, les premiers, ont reçu des assignats? Mais on conçoit que cela aurait l'inconvénient d'établir une différence entre les assignats, et qu'il en résulterait un agiotage infiniment nuisible, pour la valeur de ce papier.
Rembourserez-vous par la voie du sort ? Mais d'abord ou vous fixerez par la voie du sort, et le nombre des assignats, successivement remboursables, et l'époque où ils seront remboursés, ou fixant le nombre des assignats successivement remboursables par la voie du sort, vous n'oserez pas fixer l'époque où ils seront remboursés. Dans lé premier cas, c'est-à-dire, si vous fixez l'époque du remboursement, ou vous êtes sûrs qu'à cette époque il y aura assez de biens ecclésiastiques vendus pour subvenir au remboursement, ou vous n'en êtes pas sûrs. Si vous en êtes sûrs, faites-moi connaître les motifs de votre sécurité, car je ne les aperçois pas. Si vous n'en êtes pas sûrs, vous vous verrez donc forcés de vendre pour satisfaire à votre engagement, vous vendrez donc à vil prix, et n'oubliez pas qu'il y a déjà sept à huit mille terres à vendre dans le royaume, et que précisément parce que vous aurez fixé une époque pour rembourser, on attendra cette époque afin de profiter de votre besoin, et d'acquérir à meilleur compte. Dans le second cas, c'est-à-dire si vous ne fixez pas une époque pour le remboursement des assignats-monnaie, ne voyez-vous pas que l'extinction des assignats-monnaie và dépendre d'une foufe de causes qui peut la retarder d'un siècle ; et alors quelle différence y a-t-il entre vos billets et ceux de Law, et à quel affreux désordre dans toutes les fortunes ne faut-il pas s'attendre ?
Ensuite, si ceux qui sont chargés de vendre ont intérêt d'administrer, si par une foule de raisons que je n'ai pas le temps de détailler, ils reculent à dessein des ventes qui ne leur profiteront pas autant qu'une administration obscure et toujours mal surveillée, si vos municipalités qui sont obligées d'emprunter de toutes parts pour secourir leurs pauvres, que vous venez d'organiser d'ailleurs, d'après des principes non encore éprouvés après s'être chargées, sans consulter leurs forces, d une plus ou moins grande quantité de ces biens ecclésiastiques, suivant une estimation quelconque, ne les ont pas vendus, ne peuvent les vendre qu'à perte, que deviendra l'intérêt que vous attribuez à vos assignats, que deviendront les assignats eux-mêmes ?
Et puis enfin, si, ce qui peut arriver sans miracle (car il est possible que le sens commun se retrouve encore dans quelque partie de la France), plusieurs diocèses, plusieurs districts, plusieurs départements* plusieurs provinces, s'opposent à ce qu'on vende sur leur territoire, avec aussi peu'de précautions que vous en avez prises aucune espèce de biens ecclésiastiques, où en sera votre opération d'assignats-monnaie, dont le fondement cependant n'est que la vente future deces mêmes biens ?
Encore un mot sur la quantité de billets que nous nous proposons de décréter. Si nous étions sages, nous sentirions que comme ce n'est pas
pour venir au secours du gouvernement, pour égaliser la recette à la dépense, que nous voulons décréter des assignats-monnaie, nous devrions commencer, avant tout, par déterminer ce que le gouvernement perçoit, puis mettre de l'autre côté ce qu'il faut qu'il paye; et enfin, au moyen des assignats, établir la balance entre ce qu'il perçoit et ce qu'il doit payer. Or, avons-nous rien fait de pareil ? Connaissons-nous bien l'état de nos finances, quoique depuis onze mois nous ayons l'air de nous en occuper? Et si nous ne le connaissons pas, c'est donc au hasard que nous allons décréter ce qu'il convient de faire. Mais n'est-il pas à craindre alors que nous ne donnions au gouvernement plus d'assignats qu'il ne lui en faut pour soutenir ses charges ; et si nous lui en donnons plus qu'il ne lui en faut, qu'en fera-t-il? Ou il les mettra en caisse, et ils ne signifieront rien, ou il en usera pour pomper, au reste, pour bien peu dé témps, tout l'argent du royaume, et vous n'avez plus pour le royaume entier, comme vous allez le voir dans peu, que la plus extravagante et la plus funeste des circulations.
En voilà,je crois, bien assez pour démontrer quelques-uns des vices essentiels des assignats-monnaie. 11 me semble qu'il n'est aucun homme sensé qui ne soit actuellement convaincu que cette espèce de papier, parce qu'il ne répond à aucune valeur bien déterminée, bien certaine, éprouvera en très-peu de temps un discrédit considérable, et qu'il n'y a dès lors que des fripons ou des ignorants qui aient pu dire qu'il se soutiendrait dans la circulation à l'égal d'une lettre de change.
Je passe maintenant à l'autre partie de cette discussion, c'est-à-dire que je vais rechercher quel effet produira dans le commerce, l'émission des assignats-monnaie.
§2.
Jé distingue le commerce en commerce extérieur et commerce intérieur.
J'appelle ici commerce extérieur, notre commerce considéré dans tous ses rapports avec l'étranger.
J'appelle commerce intérieur la circulation intérieure de nos denrées, de nos marchandises, de l'argent mesure commune, de nos denrées et de nos marchandises dans l'intérieur du royaume.
Le but qu'on se propose, en créant des assi-gnats-monnaie, est sans doute relativement à notre commerce extérieur, de faire en sorte que nos rapports avec l'étranger nous soient moins défavorables qu'ils ne l'ont été depuis quelques aonées ; que le change n'y baisse pas plus longtemps à notre désavantage; et en conséquence que le numéraire que nous y portons rentre chez nous avec plus de facilité qu'auparavant.
Or si c'est là véritablement notre but, il faut avouer qu'il est difficile de nous en écarter plus que nous le faisons.
Je crois que, quelle que soit notre inexpérience en matière de commerce et de finances (et certes elle est grande), il n'est aucun de nous aujourd'hui qui ne sache que tout le papier que nous pourrons créer, fût-il négocié dans tout le royaume, au pair de l'argent, comme le papier de la "banque de Londres, en Angleterre, ne passe pas notre frontière; que là nécessairement sa valeur expire, et que si nous devons à l'étranger, ce n'est plus avec cette ressource, mais avec du numéraire effectif, que nous pouvons nous acquitter ; notre papier n'aura donc aucun cours
dans l'étranger, même en le supposant excellent pour nous. "
Or, comme la balance du commerce et l'état de nos emprunts prouvent que nous devons beaucoup plus à l'étranger qu'il ne nous doit ; comme ce n'est pas en papier que nous pouvons le payer, mais seulement en écus, il est clair que le papier que nous voulons créer aujourd'hui sera, relativement au royaume entier, ce qu'est actuellement, relativement à Paris, le papier de la caisse d'escompte. Ce papier chassera rapidement du royaume le peu de numéraire qui y reste, comme le papier de la caisse d'escompte a chassé de Paris le numéraire qui s'y trouvait ; nous nous trouverons donc absolument sans argent. Et dans cette position, comment notre commerce pourra-t-il se soutenir avec l'étranger? Qu'irons-nous acheter chez lui, que nous vendra-t-il ? Et si une fois nos relations extérieures sont interrompues, comment se rétabliront-elles ?
J'entends vanter la richesse et la variété de notre sol, la supériorité de nos manufactures, l'active industrie de cette classe d'hommes, qui parmi nous s'adonnent ou aux arts utiles ou aux arts de luxe. J'entends vanter toutes ces choses, parce que nous n'avons pu nous défaire encore de l'insupportable manie de nous vanter sans cesse, et nous ne manquons pas de conclure des éloges que nous nous donnons à nous-mêmes, que quelles que soient nos sottises actuelles, le génie de la France reprendra tôt ou tard le dessus, et nous rendra tous les avantages que nous avons perdus depuis trop longtemps ; mais tandis que nous nous vantons ainsi, suivant notre usage ordinaire, j'observe, et je vois qu'ailleurs il existe des sols non moins riches et non moins variés que le nôtre; que nos manufactures trouvent partout en Europe actuellement, des manufactures qui les égalent et souvent qui les effacent; qu'il n'est pas de contrée sagement gouvernée, où l'industrie ne rencontre plus d'encouragement qu'elle n'en obtient parmi nous ; et surtout je remarque, que sans en excepter l'époque de l'édit de Nantes, il n'est aucune période de notre histoire, où il ait existé une émigration plus considérable d'ouvriers dans tous les genres, que celle dont nous sommes les témoins aujourd'hui. Et c'est en telles circonstances que nous pouvons penser à un papier-monnaie, c'est-à-aire, à un papier-monnaie qui n'étant évidemment de nul usage dans nos échanges au dehors, éloignera de plus en plus de nous Tes nations commerçantes qui avaient conservé l'ancienne habitude de trafiquer avec nous ; c'est-à-dire, à un papier qui précipitant tout notre numéraire dans l'étranger, nous sera également désavantageux, soit que nous achetions de l'étranger, parce qu'il n'en voudra point ; soit que nous vendions à l'étranger, parce que ce n'est qu'avec ce même papier, qu'en pareil cas il aura grand soin de rechercher, qu'il s'acquittera. Certes il est difficile d'imaginer une extravagance plus grande et dont les conséquences puissent nous être plus funestes.
Observez de plus ici un autre désavantage que nous donnera le papier-monnaie dans nos relations hors du royaume, c'est qu'il vous est impossible de mettre en circulation une quantité considérable du numéraire fictif que vous ne rehaussiez sur-le-champ tou tes les valeurs commerçablee ; comme il y aura chez nous plus d'argent, car l'argent fictif fera quelque temps les fonctions de l'argent réel, les choses y vaudront nécessairement plus, c'est-à-dire, nous coûteront beaucoup plus cher à produire ou à fabriquer; mais plus
une chose vaut et moins la vente en est facile, parce qu'il se présente moins d'acheteurs pour l'acquérir. Alors que vous arrivera-t-il ? De deux choses l'une, ou que vous ne pourrez plus vous soutenir, dans les divers marchés de l'Europe, attendu que les denrées et les marchandises que vous y exporterez seront plus chères que les denrées et que vos marchandises qu'il vous faudra vendre à perte ; et dans le premier cas, point de commerce; dans le second cas, point de commerce encore, parce qu'on ne fait pas longtemps un commerce qui ne peut durer sans opérer la ruine de celui qui s'y livre.
Cet état de chose au reste subsistera peu, car vôtre papier s'avilissant promptement, vos marchandises et vos denrées perdront aussi promptement de leur valeur; mais dans ce passage violent d'une richesse apparente à une pauvreté réelle, tout votre numéraire se sera écoulé; il ne vous restera plus qu'une monnaie stérile entre les mains ; votre industrie se trouvera détruite ; on aura perdu l'habitude de se pourvoir chez vous, habitude qui, comme vous le savez, est déjà si considérablement affaiblie; et les nations qui auront profité de votre incroyable délire, plus réfléchies, plus sages que nous ne le sommes, ne manqueront pas de moyens pour conserver à votre détriment tous leurs avantages.
Je viens à l'article des changes : ce que j'ai dit prouve suffisamment, pour ceux qui sont versés dans ces matières, qu'avec votre papier, vous ne trouverez pas le moyen de les relever; car on ne relève pas les changes en détruisant son propre commerce; mais comme on a l'imprudence d'affirmer qu'il n'y a que le papier-monnaie qui puisse les rétablir à notre avantage; il faut encore faire voir jusqu'à quel point, à cet égard, on cherche à nous tromper.
Personne ne doute plus aujourd'hui que les billets de caisse, en circulation dans Paris, n'aient eu l'influence la plus fâcheuse dans le cours de nos changes au dehors. Eh bien I d'après ce qu'on nous débite à présent, il semble que depuis qu'on parle parmi nous d'assignats-monnaie, nos changes auraient dû reprendre faveur. Or c'est précisément tout le contraire ; à peine la nouvelle de cette' sottise prochaine a-t-elle été répandue en Suisse, en Hollande, en Angleterre, que les changes ont baissé dans toutes ces contrées, à notre détriment, de la manière la plus effrayante. Le change sur Paris est tombé à Londres à 25 1/5 sur un écu, c'est-à-dire, que les écus de 3 livres, sur le pied où on les y prend actuellement, valent à peu près 30. 3/8 et que les lettres de change, à côté ne valent à peu près que 25 1/4 par écu : il y a donc une différence sur le change au détriment de Paris, entre le cours que nos espèces effectives ont à Londres, et le cours des lettres de change sur Paris, d'environ'5 1/8, laquelle différence peut être évaluée à 17 0/0 de perte sur les lettres de change.
Actuellement comment opérerait un banquier de Paris, qui d'ici à quinze jours aurait un payement de 100,000 écus à faire à Londres? Ceci vaut la peine d'être remarqué.
Il se procurerait cette somme en espèces contre des billets de'la caisse d'escompte, au risque de perdre sur ces billets 8 0/0; il enverrait ensuite la somme en espèces à Londres, où ses écus seraient pris sur le pied de 30 3/8, et il se ferait faire son retour en lettres de change sur Paris, qui ne lui coûteraient que 251/4 par écu , mais qui auraient à Paris toute leur valeur; il aurait donc perdu, pour faire
son envoi d'argent à Londres, :8 0/0 que lui aurait coûté la conversion de ses billets de la caisse d'escompte*en.espèces ; on peut y ajouter 1 u0/0 pour îles frais de l'opération, ce qui porte sa perte à 9 0/0; mais, d'un autre côté, il aurait acheté à Londres à 17 0/0 tde perte des lettres de change qu'il revendrait .au pair à Paris, ce qui lui ferait un bénéfice de 17 0/0, En dernière analyse, et en défalquant 9 s 0/0 de perte de 17 0/0 de bénéfice, il aurait donc fait, en envoyant de l'argent à Londres, un bénéfice net de 8;0/0.
Voilà ce qui arrive actuellement par le simple effet de>la circulation desbillets de la caisse d'escompte, et par la crainte des assignats-monnaie. Or quand vous aurez décrété vos assignats-monnaie quand vous les aurez décrétés forcés, croyez-vous que les choses changent ? Croyez-vous qu'on prendra vos lettres de change à Londres au pair de vos écus ? Ne voyez-vous pas que votre argent s'écoulera encore plus vite qu'auparavant, et qu'il suffira du seul intérêt de vos banquiers, qui dans cette hypothèse n'est plus l'intérêt du commerce et de l'Etat pour le faire écouler plus vite.
Remarquez qu'au temps de iLaw, les habiles opéraient précisément comme le 'banquier dont je viens de parler, ils envoyaient leur argent chez l'étranger, bien sûrs de le retrouver quand laifolie qui nous travaillait à cette époque serait passée; ils bénéficiaient d'ailleurs sur la misère commune, et quand à force d'expérience et de malheurs les jours de la raison revinrent pour nous, ils bénéficièrent encore sur le besoin que nous avions des écus qu'ils s'étaient vus dans la nécessité de faire disparaître.
Il me reste à parler du commerce intérieur, et je le considère relativement à Paris, et relativement aux provinces.
On a dit, relativement à Paris, queles assignats-monnaie y feraient reparaître le numéraire, et les hommes qui ont dit ceci sont les mêmes qui, depuis six ans, n'ont cessé de crier contre la caisse d'escompte, et qui ont démontré en cent occasions que le propre du papier^monnaie est de chasser l'argent devant lui.
Or, recherchons si cette assertion est vraie. Ou'est-ce qui fait abonder l'argent dans les temps ordinaires à Paris ? Il est clair que c'est le versement de l'impôt ; mais si les assignats sont forcés, on sent bien qu'on ne sera pas assez stupide en province, pour payer l'impôt en écus ; Paris n'aura donc que du papier-monnaie dans sa circulation, et cela est d autant plus certain, que la caisse d'escomptene sera plus contrainte, comme elled'est aujourd'hui, de faire de grands frais, , Sour verser journellement quelque numéraire ans la capitale; car on ne l'accusera plus'clef la! misère commune. Ainsi, Paris sera de plus en j plus à la merci des campagnes pour son approvisionnement. 11 risquera de le payer beaucoup j plus chèrement que par le passé, si les campagnes ( prennent les assignats à un cours quelconque, •ou de mourir de faim, >si les campagnes finissent j par n'en vouloir à aucun prix ; ce qui pourrait ; fort bien arriver. Voyez de plus ce que perdra le: Gouvernement, toujours payé en assignats, dontj je défie acune puissance sur la terre a'empêcher le descrédit, voyez comme il ne fera que des, marchés ruineux, précisément parce qu'il nej payera qu'en assignats, et que les ventes se pro-j portionneront aux risques qu'on court dans les j remboursements, et calculez ensuite la série de j misère à laquelle nous devons nous attendre. D'ailleurs, dites-moi comment ce même gouver-
nement paiera les troupes, «qu'il ne peut payer qu'en numéraire, attendu ia subdivision des payements, quand lui-même, ainsi que vous venez de le voir, nejsera payé qu'en assignats.
Voilà pour Paris.
Je passe aux provinces, et je. soutiens, que si par ce déplorable système, on y favorise extrêmement l'agiotage des banquiers, on y détruira absolument le eommerce.
Car, qu'est-ce qu'un assignat forcé? lUn malheur inévitable pour les créanciers, une ressource infâme pour les débiteurs. Vous avez déjà vu que les assignats-monnaie sont loin d'avoir la même valeur qu'une lettre de change ; que nécessairement ils perdront beaucoup dans la circulation, et cela non-seulement ! parce qu'ils n'offrent aucune hypothèque certaine, mais encore parce qu'ils seront forcés. Or que fera le débiteur? Il achètera à vil prix vos assignats sur la place, et il les remettra au pair à son créancier, se prévalant de vos lois absurdes pour autoriser sa mauvaise foi ? Et dans cette hypothèse, que deviendront les créanciers du commerce, dont vous aurez ainsi dénaturé les contrats? Et qui êtes-vous, qui sommes-nous pour autoriser, par nos décrets, parmi 24 millions d'hommes, la violation de la foi particulière? Qui nous a donné des pouvoirs si terribles, et quel exemple offrons-nous aux nations étrangères, nous qui, appelés à faire une constitution, ne savons la préparer que par l'intrigue, l'appuyer que sur la violation de toutes les propriétés, sur la destruction de toute espèce de moralité, chez des hommes dont nous devrions cependant nous occuper, autant de régénérer les moeurs que de refaire les lois ?
Ce n'est pas tout: comment le commerce peut-il se développer et se soutenir? Par descentes et des négociations à terme ; car, certainement si le commerce était réduit aux ventes et négociations au comptant, il n'existerait pas. Et conpevez-vous la possibilité des ventes et négociations à terme avec des assignats forcés? Ne voyez-vous pas que dans ce système, pour que de telles négociations ou ventes fussent possibles, il faudrait qu'on pût calculer ce que vaudront les assignats aux termes indiqués pour les remboursements, et qu'on ne pût pas être contraint de les prendre au delà de la valeur qu'ils auront à cette époque sur la place. Je vends aujourd'hui une marchandise quelconque 300 livres, et je consens qu'elle ne me sois payée que dans six mois, parce que je sais qu'elle me sera payée en écus ou en papiers, valant des écus. Mais décrétez des assignats forcés, et je ne vendrai plus au terme de six mois, parce que craindrais qu'arrivé à ce terme on ne s'acquitte à mon égard avec un assignat qui perdra beaucoup sur la, place, et que néanmoins on m'obligera d'accepter comme s'il ne perdait pas. Or s'il ne se fait plus de tels marchés dans le commerce, si l'on se trouve réduit à ne plus vendre et négocier qu'au comptant, comment concevez-vous les spéculations, les entreprises du commerce, comment me dé-montrerez-vous que le commerce soit même possible (1)?
Votre projet d'assignats forcés détruira donc à j la fois et le commerce intérieur et le commerce ! extérieur. Ajoutez de telles conséquences à l'in -justice de ces assignats en eux-mêmes, et voyez s'il est un homme honnête qui puisse entreprendre d'en faire l'apologie.
Je n'ai plus qu'une observation à faire sur les hommes qui ont imaginé ce système d'assignats-monnaie, et sur ceux qui mettent tant de chaleur à le faire valoir.
11 est bon qu'on sache que les uns sont embarrassés depuis longtemps dans les funestes spéculations de l'agiotage ; que d'autres sont à la tête des diverses chambres d'assurances de la capitale ; que d'autres encore sont propriétaires d'un grand nombre d'effets publics, comme effets royaux et actions de caisse; que l'intérêt commun, tant des agioteurs, des assureurs, que des propriétaires des effets publics, est que les effets publics acquièrent une grande valeur, afin qu'ils puissent s'en défaire à un bon prix ; qu'au moyen des assignats, pour lesquels, observez-bien ceci, ils ont soin de ne faire spécifier qu'un intérêt moindre que celui des effets qu'ils veulent vendre, et qu'ils ne demandent forcés, qu'afin de les faire tomber dans un discrédit utile à leurs vues, leurs effets acquerront nécessairement une grande valeur; tout le monde, papier pour papier, devant préférer celui qui rapporte plus à celui qui rapporte moins ; que par cette manœuvre, au lieu de restituer, comme ils le craignaient, les profits usuraires qu'ils ont faits, ils se procureront au contraire un gain considérable qu'ils auront grand soin de réaliser et de mettre à couvert, et qu'en dernière analyse tout le résultat de leur aoominable opération, sera pour eux, sans doute, une fortune immense et rapide, mais pour la nation entière, le bouleversement de toutes les fortunes acquises par un travail honnête, la destruction detous ses moyens commerciaux, et la ruine et le désespoir du peuple. Qu'importe une perspective à des hommes de cette espèce, et à ceux qu'ils ont fait agir dans l'Assemblée nationale, en les associant à leurs vues.
Je termine ici tout ce que je voulais dire sur les assignats forcés. On me demandera sans doute maintenant, puisque je ne veux point d'assignats forcés, ce que j'estime qu'il faudrait faire pour venir au secours des créanciers de l'Etat (1). ?
On a dit cent fois ce qu'il faudrait faire, et je ne puis que répéter ce qu'on a déjà dit. Le clergé offrait d'aliéner pour 400 millions de ses immeubles ; le Roi consentait aussi à l'aliénation d'une portion considérable de ses domaines. Ôr qui empêchait de créer pour 400 millions ou 600 millions d'assignats libres sur les domaines du Roi et du clergé, de tels assignats eussent obtenu une grande confiance. D'abord parce qu'ils auraient été libres, et que leur gage était d'autant plus certains que le Roi et le clergé les garantissaient chacun en ce qui pouvait le concerner; ensuite, parce que l'administration de ce gage n'aurait pas été livrée au gaspillage scandaleux auquel on ne rougit pas de livrer dans ce,moment la totalité des biens du clergé ;, enfin, parce qu'on n'avait pas à redouter, comme dans l'hypothèse qu'on préfère, la quantité prodigieuse de réclamations que l'opération, aussi absurde que vexatoire qu'on médite, ne manquera pas d'exciter dans.peu, mais il nous importait de satisfaire notre haine philosophique contre le clergé (1) ; il nous importait, après lui avoir promis solennellement le maintien de ses propriétés, de l'en dépouiller violemment ; il nous importait d'assouvir, aux dépens du patrimoine des pauvres, l'ambition de quelques chefs de parti et l'avidité d'une foule de fripons connus par leurs manœuvres infâmes, depuis que l'agiotage est devenu la principale ressource de notre administration. Et rien de tout cela ne pouvait arriver, si nous avions
accepté les offres qui dous étaient faites, et nous aurions manqué, je le sens bien, l'occasion de don-neràl'Europe l'exemple à jamais mémorable d'une assemblée de législateurs qui se jouent des premières lois de la probité, et foulent aux pieds, comme de vains scrupules* les plus saintes maximes de la justice et de la morale, qui brisent les contrats les plus solennels, les obligatiôns les plus respectées, qui changent à leur gré la nature de tous les engagements et qui, introduisant la mauvaise foi dans toutes les classes de citoyens, ne craignent pas de faire de la corruption universelle un moyen d'assurer la constitution qu'ils nous préparent.
Quant à moi, qui ne peux légitimer par mon suffrage,un projet si désastreux, qui n'ai pas reçu de mes commettants la mission de. violer les propriétés, et de naturaliser dans toute l'étendue au royaume l'agiotage et la mauvaise foi ; quant à moi qui ai fait le serment de favoriser de tout mon pouvoir l'affranchissement du commerce et de l'agriculture, et qui ne me joue pas de mes serments; quant à moi, qui m'aperçois dans le projet qu'on veut faire prévaloir, que l'ébranlement de toutes les fortunes, la destruction de tous les moyens légitimes d'acquérir, l'anéantissement de la morale publique et particulière, l'esprit de friponnerie substitué partout et dans toutes les négociations, aux règles sévères de là prudence et de la probité; quant à moi, qui n'estime pas que l'Assemblée ait le droit de décréter un pareil projet, qui ne voit pas dans nos mandats qu'on nous ait accordé le pouvoir extravagant de changer en un moment, et par un simple effet de nos volontés, là nature de tous les engagements dans l'empire; qui ne peux croire qu'il nous soit permis, sans'le consentement spécial de ceux qui nous ont envoyés, d'opérer une révolution de ce genre, dont la conséquence funeste serait la désolation des campagnes et la ruine absolue de la capitale* et des plus florissantes Villes de l'Etat; quant à moi, qui aime à me persuader que le Roi ne sanctionnera jamais un pareil décret, si nous sommes capables de le porter, parce qu'un Roi honnête homme, quel que soit le degré d'infortune et de délaissement ou noùs l'avons réduit, ne peut vouloir à la fois sanctionner la corruption et la misère de son peuple, et qui, d'ailleurs ne pense pas qu'il puisse se trouver un ministre assez immoral pour lui conseiller un tel usage de l'autorité qui lui reste.
Je déclare, pour l'intérêt de la capitale et des provinces, pour l'intérêt du commerce et de l'agriculture, pour le maintien des propriétés, et par respect pour les lois éternelles de la morale et de la justice, que je m'oppose à l'admission du projet qu'on nous propose ; et si nous pouvions le décréter, que je change mon opposition en protestation solennelle contre le décret qui sera porté, ajoutant que j'envoie dès ce moment le présent écrit soit comme opposition, soit comme protestation, d'abord à mes commettants, ensuite à toutes les chambres de commerce, et enfin aux principales villes du royaume, et voulant qu'il me serve de témoignage et de justification pour la démarche que je fais aujourd'hui, lorsque les malheurs que je prévois seront arrivés.
Signé : BERGASSE.
J'espérais que cet écrit paraîtrait avant la décision de l'Assemblée sur les assignats-monnaie, et qu'il pourrait empêcher qu'ils ne fussent adoptés. L'Assemblée s'étant déterminée sur cette
question importante, avec une précipitation que je ne pouvais pas prévoir et qui est absolument contraire au règlement qu'elle s'est imposé^ je n'en pense pas moins que mon écrit pourra être encore utile, et je persiste dans la résolution de le publier.
post-scriptum.
Encore une ou deux réflexions que je n'ai pu m'empêcher de faire tandis qu'on travaillait à l'impression de cet ouvrage.
Ceux qui ont intérêt de soutenir les assignats forcés, ne manquent pas de publier partout en ce moment leur triomphe; qu'au fond on a tort de douter de la solidité de ce papier, puisqu'il n'a pas seulement pour hypothèque les biens du clergé ; mais de plus la garantie des municipalités, qui déjà s'empressent de toute part de faire des soumissions considérables à l'imitation de Ja capitale.
J'ai dit ce que je pense et de l'hypothèque des biens du clergé et de la garantie des municipalités. Mais puisque j'y suis, je veux examiner un peu plus à mon aise ce qu'il faut penser surtout de la garantie des municipalités.
M. Bailly a sollicité à l'Assemblée nationale dans le vœu de la commune et des districts, la permission pour la ville de Paris de faire l'acquisition de 200 millions de biens appartenant au clergé; mais s'il arrive ou plutôts'il est démontré que l'acquisition dont M. Bailly veut grever la ville de Paris est ruineuse, et si conséquemment elle présente une perte énorme tant en capital qu'en intérêts, sur qui retombera cette.perte? Tout le monde sait que le patriotisme de la ville de Paris est peu de chose, d'ailleurs les municipalités ou les villes sont toujours mineures et sûrement les successeurs des officiers municipaux actuels ne seront nullement tentés de surcharger d'un impôt considérable leurs concitoyens, qui d'ailleurs ne le souffriraient pas, pour acquitter le résùltat d'une opération qui n'aurait été avantageuse qu'àjceux qui l'auraient imaginée.
Je sais qu'on a demandé que les municipalités avant d'acquérir fussent tenues de déposer des sûretés et des cautionnements pour garantir l'exactitude des engagements qu'elles prendraient, et qu'en conséquence M. Bailly a déjà annoncé à l'Assemblée qu'il avait une soumission de 70 millions dans sa poche pour les acquisitions de Paris.
Mais qu'on me permette d'observer que M. Bailly n'a pas fait connaître la nature de ce cautionnement, ni les époques où ceux qui prennent cet engagement doivent les réaliser, non plus que la solvabilité des contractants.
Quelle confiance peut-on donc avoir en un-cautionnement qui n'est encore que dans la poche de M. Bailly?
Quels peuvent être d'ailleurs les citoyens opulents qui voudront dans les circonstances où nous nous trouvons contracter un engagement solidaire de la somme immense de 70 millions, pour les biens dont la vente, surtout à Paris qui se dépeuple tous les jours, et qui par le seul effet de la constitution ne se repeuplera jamais, me paraît singulièrement aventurée ?
Quel serait le bénéfice qu'il faudrait accorder à ces hommes téméraires si par hasard il s'en trouvait pour courir une pareille chance ? Sans doute ils le proportionneraient aux risques évidents et aux inquiétudes auxquels ils s'exposeraient, et alors Cela ne diminuerait-il pas d'autant la valeur de ces mêmes biens?
Mais si, comme il est probable, le cautionnement de M. Bailly n'est qu'un plan artistement combiné, de la part des agioteurs d'accord avec lui, et offrant sous une garantie apparente des tournures cependant tellement adroites, que jamais ceux-ci ne puissent être exposés à aucune perte ; alors ne serait-ce pas un nouveau tour de jonglerie dont il serait permis de se défier aussi longtemps qu'on n'aura pas rendu publiques toutes les conditions du traité?
De plus, certainement, ni la commune de Paris, ni les sections, ne consentiront à laisser contracter par la ville déjà si obérée, un engagement qui puisse l'exposer à une perte énorme, et à moins que le délire ne soit dans toutes les têtes, il faut bien s'attendre qu'ils s'opposeront aux emprunts que l'on projette et dont ils deviendraient responsables. Ce que je dis pour Paris peut s'appliquer à toutes lés municipalités du royaume, il est notoire que presque toutes les villes sont dans un état de détresse cruelle (Lyon, seul, doit prés de 50 millions) et qu'elles ont si peu de ressources, qu'elles demandent journellement à l'Assemblée nationale à être autorisées à faire des emprunts; or, ce Sont des villes mineures obérées, et qu'en aucun cas on ne pourra contraindre à s'acquitter, qu'on nous donne pour garant de la solidité d'une opération immense, dont le défaut de succès entraînera infailliblement, avec la ruine de la fortune publique, le bouleversement de toutes les fortunes particulières.
Dire que les municipalités ne risquent jamais rien, et qu'en cas de perte elles compteront de clerc à maître avec la nation, c'est avancer une absurdité, car alorâ* ce n'est plus une vente de biens, que vous faites, mais vous contiez tout simplement la totalité des biens du clergé a des administrations particulières, qui auront un intérêt d'autant plus grand à gaspiller, ces biens qu'elles pourront lé faire avec impunité.
Le comité des finances s'expliquant par la bouche de M. Anson, a osé avancer « qu'un billet fbrcé ne pouvait jamais devenir un objet d'agiotage ». Il est fâcheux de remarquer que cette observation ne fait pas l'éloge des connaissances en financés et de M. Anson et du comité. ;
Si le billet forcé n'est pas susceptible d'agiotage quand il sert à forcer la volonté de celui auquel On'doit, certainement il en arrivera autrement toutes les fois que celui qui aura ainsi,été payé voudra employer l'effet qui lui a été donné au lieu d'écus pour une acquisition quelconque; car, comme peut-être on ne décrétera pas que les personnes seront contraintes de vendre des propriétés ou des marchandises, il est à supposer qu'avec la conservation de la volonté de vendre bu de ne pas vendre, le vendeur proportionnera lé prix de sa vente en raison des valeurs qui lui seront données en payement, et si. ces valeurs perdent contre des écus, qu'il haussera le prix de sa marchandise en raison de la différence qui existera entre le papier et le numéraire. Voilà certainement une cause infaillible d'agiotage.
Cette vérité devient sensible, au reste, par l'article 7 du décret de l'Assemblée, dans lequel article, la perte des assignats contre le numéraire est manifestée d'une manière bien naïve, car on y annonce que le débiteur sera toujours obligé de faire l'appoint de ce qu'il doit et dé se procurer l'argent nécessaire pour solder exactement la somme dont il sera redevable. Il ihe semble, si je ne me trompe, que cet article prouve clairement que si lé papier valait l'argent, ou mieux
encore que l'argent, comme on a osé l'avancer, il serait égal au créancier de rendre lui-même l'appoint au débiteur, et que cette expression, que lé débiteur sera obligé de se procurer Vargent nécessaire, indique assez qu'il faudra qu'il l'àchète de ceux qui continueront cette branche utile de commerce.
D'ailleurs, comment le comité des finances ne prévoit-il pas ce què j'ai démontré ci-devant, que les étrangers, ayant des sommes considérables à retirer de la France, ne pourront recevoir ces retours qu'en espèces, qu'alors, leurs correspondants) pour les payer, seront obligés, de faire la conversion de nos papiers-monnaie en espèces, et ne faut-il pas être plus que borné pour ne pas voir qu'une telle conversion ne se fera jamais au'à perte? Or, comme cela ne manquera pas 'arriver tous lés jours, je prie qu'on me dise si l'on peut manœuvrer plus habilement que nous l'avons fait, pour ouvrir la plus vaste carrière à l'agiotage.
Peut-être, au reste, est-il réservé à M. Anson de prouver qu'au temps de Law on n'agiotait pas du tout.
J'aurais voulu pouvoir traiter encore de l'influencé funeste des assignats forcés sur nos îles à sucre; pour peu qu'on y veuille réfléchir, on n'aura pas de peine à se convaincre que toute espèce de commerce avec nos îles nous est désormais interdit par l'effet de ce papier ; malheureusement il m'importe que ma protestation paraisse promptement, et je suis forcé de renoncer, quant à présent, à cette discussion intéressante.
Séance du
La lecture du procès-verbal de la séance du samedi est interrompue par M. l'abbé Maury.
Je demande qu'on rende un hommage pur et simple à la vérité, en disant que la parole m'a été refusée sur le fond du décret. J'étais membre du comité des dix, et j'avais à dire à l'Assemblée une chose importante que je vais lui révéler aujourd'hui. Je n'ai eu aucune connaissance du décret qui vous a été lu samedi ; il n'a pas été communiqué à votre comité.
L'Europe saura bientôt, et il importe à tous les principes de l'équité sociale que la nation apprenne que, lorsqu'il s'agissait de vendre les biens du clergé, cet ordre, ayant demandé la parole par l'organe d'un de ses membres, n'a jamais pu l'obtenir.
Gomme président du comité des dix, je dois observer que la déclaration du préopinant n'est pas très-exacte dans les faits.
M. l'abbé Maury était chez M. Lecoulteux de Canteleu à dix heures du matin, le jour que le décret a été rédigé*, la lecture en a été faite devant lui, et tous les articles en ont été discutés en sa présence.
Je donne ma parole, d'hpn-neur.....
Les applaudissements dë l'Assemblée ne permettent pas d'entendre la fin de la période de l'opinant.
se dispose à mettre aux voix la,question en ces ternies : « Le procès-verbal est^il exactement .rédigé? »
demande qu'elle soit ainsi posée : « A-t-On refusé à M-, l'abbé Maury la parole pour discuter lé fond du décret, qui ne l'avait pas été ? »
Il s'agit aujourd'hui de savoir s'il sera dérogé aux usages les plus constants de l'Assemblée. Chaque fois que la discussion est fermée, il y a toujours quelqu'un qui réclame, et l'on ne fait jamais mention de ces réclamations sur le procès-verbal.
Le projet de M. l'abbé Maury, vous l'avez bien ëntëndu, est de prouver à toute l'Europe que vous avez jugé sans cpnnâissançé de cause.Depuis longtemps on vous \ menacé d'une insurrection contre vos décrets. On qe l'obtiendrait pas en disant la vérité. Je vais cependànt accorder la vérité avec le système de M. l'abbé Maury. La vérité est que nous ayons discuté pendant trois jours sur les décrets (Ibptjii s'agit. M. l'abbé Maury a parlé plusieurs fois. M. l'abbé de Montesq^ioj| a eu la parole. Je demandé "qu'en accueillant la'réclamation il soit dit que la parole a enfin été refusée à M. l'abbé Maury, parce que la discussion avait duré trois jours, et qu'il avait parlé plusieurs fois.
L'Assemblée est consultée sur Ja manière de poser la question.,
Elle décide que le procès-verbal restera tel qu'il est.
On lit le procès-verbal de la séance de vendredi dernier, qui n'avait point été lu à celle de samedi.
, évéque de Nancy. Croyez-vous qu'il soit juste que de grandes déterminations soient prises, lorsqu'il s'agit du clergé, sans en entendre les membres? On a ajourné vendredi une motion de M. Treilhard : j'ai l'honneur de vous proposer de traiter mieux le clergé, lorsqu'il faudra la discuter. Je viens de me présenter pour être inscrit sur la liste;: il y a déjà trente personnes, et très-peu d'ecclésiastiques. J'ai un intérêt personnel, j'ai de grandes considérations à présenter, et je demande à être entendu.
, rapporteurdu comité des dix. Messieurs, le premier ministre des finances demande qu'il soit fait quelques modifications aux décrets-rendus hier. Comme les changements sont de pure forme et qu'ils sont destinés à apporter un plus grand avantage au Trésor public, nous vous en demandons l'adoption. Ils consistent à.mettre, savoir :
1° A l'article 4, au lieu de ces mots : «r payables à raison : de 5 millions ; par mois, -depuis le 1er juillet 1790jusqu'au 1er juillet 1791 ; et ensuite à raison de 10 millions par mois, » ceux-ci : « payables à raison de 10 millions par mois depuis le l9rjanvier 1791. »
2® A l'article 8, faire après les mots : «Je 1er juillet 179^, » qui le terminent, l'addition suivante :
« Ce rémbourSement ne pourra avoir lieu qu'autant qu'il restera à la caisse d'escompte un fonds libre en circulation de 50 millions, au moins. »
3° Qu'à l'article 4 du second décret du 19 de ce mois, la quantité des assignats, fixée à mille livres, soit supprimée sans en exprimer aucune.
4° Qu'audit artible 4 du second décret, après ces mots : « qui pourront avoir lieu, » a la place dé 100 millions, il soit mis « 120 millions, » et que le dernier alinéa soit supprimé.
Ces changements e' additions sont décrétés.
prononce ensuite de nouveau et en entier, le décret ainsi qu'il suit : ,
« L'Assemblée nationale a décrété ét décrète, :
« 1° Que les billets de la caisse d'escompte continueront d'être reçus en . payement dans
toutes jus-qu'au ler juillet 1790; éljè sera tenue d'effectuer
ses payements à bureau ouvert à cette époque.
« 2° La caisse d'èseompte fournira au Trésor public, d'ici au premier juillet prochain, 80 millions en ses billets.
« 3° Les 70 millions déposés par la caisse d'escompte au Trésor royal, en 1787, lui seront remboursés en annuités portant 5 0/0 d'intérêts, et 3t)/0 pour le remboursement du capital en vingt années. '1
« 4° Il sérà donné à la caisse d'escompte, pour ses avances de l'année présepte et des six premiers mois de 1790, 170 millions en assignats sdr la caisse dé l'extraordinaire, ou billets d'a-l chats sur les biens-fonds qui seront mis en vente, portant intérêt à 5 0/0, et payables à , raison de 10 millions par mois, depuis le Ier janvier 1791.
« 5° La caisse d'escompte sera autorisée à créer 25,000 actions nouvelles, payables par sixième, , de mois en mois, à compter du 1er janvier prochain, moitié en argent ou en billets de caisse, et moitié en effets qui, seront désignés.
« 6° Le dividende sera fixé invariablement à 6 0/0 ; lé surplus des bénéfices restera en caisse, ou dans la circulation de la caisse, pour former un fonds d'accumulation.
« 7° Lorsque le fonds d'accumulation sera de 6 0/0 sur le capital de la caisse, il en sera, retranché 5, pour être ajoutés au capital existant alors, èt le dividende sera également payé à 0 0/0 sur ce nouveau capital.
« 8° La caisse d'escompte sera tenue de rembourser, à ses actionnaires 2,0Q0 livres par
action, eu quatre payements de 500 livres, chacun, qui seront effectués le 1èr janvier 1791, le 1er juillet de la
même année, le 1er janvier 1792,* et le 1er juillet 1792. Ce remboursement ne pourra avoir lieu qu'autant qu'il restera à la
caisse d'escompte un fonds libre en circulation de 50 millions au moins.
Un membre a demandé qu'à l'article 2 du second décret du 19 de ce mois, il fût ajouté, à la dernière période dé la phrase, le mot-« ensemble, d et qu'il fût dit : « suffisante pour former ensemble ia valeur de 400 millions. » Cette addition a été admise,, et il a été décrété que ce décret serait aussi- de nouveau prononcé, ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Il sera formé line caisse de l'ex,-
traordinaire, dans laquelle seront versés les fonds provenant de la contribution patriotique, , ceux des ventes qui seront ordonnées par le présent décret, et toutes les autres recettes extraordinaires de l'Etat.
« Les deniers de cette caisse seront destinés à payer les créances exigibles et arriérées, et à rembourser les capitaux de toutes , les' dettes dont l'Assemblée nationale aura décrété l'extinction.
« Art. 2. Les domaines de la couronne, à l'exception des forêts et des maisons royales dont Sa Majesté voudra sè réserver la jouissance, seront mis {en vente, ainsi qu'une quantité de domaines; ecclésiastiques, suffisante pour former ensemble la valeur de 400 millions.
« Art. 3. L'Assemblée nationale se réserve de désigner incessamment lesdits objets* ainsi que de régler la forme et les conditions de leur vente, après avoir reçu les renseignements qui lui seront, donnés par les assemblées de département, conformément à son décret du 2 novembre.
« Art. 4. Il sera créé sur la caisse de l'extraordinaire des assignats, portant intérêt à 5 0/0, jusqu'à concurrence de la valeur desdits.?biens àvendre, lesquels assignats seront admis de; préférence dans l'achat desdits biens. Il sera éteint desdils assignats, soit par lesdites ventes* soit par les rentrées de la t contribution patrior tique, et par toutes les autres recettes extraordinaires qui pourront avoir lieu, 120 millions en 1791, 100 millions on 1792, 80 millions en 1793, 80 millions en 1794, et le surplus en 1795. »
propose de supprimer la mention faite dans le procès-verbal, que tous les amendements proposés ont été rejetés. Les voix prises, il: est décrété que le procès-verbal restera, à- cet égard, tel qu'il a été rédigé.
Gela fait, on passe à la lecture des adresses suivantes :'
Adresse de la ville de Rambouillet, contenant félicitation, remerciaient et adhésion aux décrets''-dé l'Assemblée nationale; elle demande d'être un chef-lieu de district..
Adresse du même genrè de la ville de Pezénas en Lànguedpé ; éUe demande d'être chef-lieu d'un département, et lé, siégé; (l'an tribunal supérieur :H consté; par un état dés rëfnisès en meubles d'or et d'argent, faites par les églises et par lès particuliers de Pezénas, à l'hôtel de. ville, depuis le $ jusqu'au 14 novembre, qu'il a été reçu en argent trois cent cinquante-six marcs, trois onces, un'gros ; et en or; un marc, six onces, sept gros, un denier et dix-huit grains.
Adresse de ia Ville dè Saipt-Malo, qui réitère le témoignage de sa parfaite adhésion et de son dévouement sans bornés aux principes et aux décrets de l'Assemblée nationale; elle demande avec instance que la Bretagne renferme sept départements, et que, dans tous les cas* elle soit le chéf-lieu d'un des départements.
Adresse dè la ville de Meyrueis en Languedoc, qui adhère à la délibération de la ville de Nîmes, adressée à l'Assemblée nationale le 11 novembre dernier.
Adresse de la communauté de Laforêt-sUr-Sèvrè en Poitou, qui exprime avec énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement dont elle est pénétrée pour l'Assemblée nationale; elle demande d'être comprise
dans le ressort du siège royal qu'il convient d'établir à Bressuire.
Adresse des communautés de Meymans, Beau-regard, Sansou et Saint-Mamans en Dauphiné. qui adhèrent avec une soumission respectueuse à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et. demandent d'être comprises dans le ressort du siège royal établi dans la ville de Romans la communauté de Gharpey exprime le même vœu. !
Adresse de félicitations et dévouement des citoyens,; de la ville d'Avésnes en Hainaut; ils : demandent l'établissement d'une assemblée de district dans cette ville.
Adresse des officiers municipaux et habitants de la communauté de Cierges, qui adhèrent avec une. respectueuse Reconnaissance à. tous les décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à celui concernant la contribution patriotique ; ils offrent en outre à la nation le reliquat des derniers du quart de leur réserve d'environ cent pistoles ; mais,, comme l'emploi leur est contesté par leur seigaeur, qui, après avoir échoué à la maîtrise particulière de Sainte-Menehould et au conseil de Sa Majesté, a appelé à la table de marbre à Paris; elle supplie l'Assemblée de leur accorder une commission à la chambre des vacations, pour terminer cette affaire le plus tôt possible.
Adresse du même genre des officiers municipaux delà ville de Pont-sur-Yonne ; ils font les réclamatiuns les plus vives contre les droits de péage que Mgr le duc d'Orléans fait percevoir en cette ville,, tant par eau que par terre.
Adresse du même genre des officiers municipaux et habitants de la ville de Fleurance en Lo-magne; ils demandent la conservation du siège d'élection, ainsi que du monastère des Augu4ins et de celui des Ursulin es établis dans, cette ville.
Adresse de la ville de Saint-Bertrand, contenant son renouvellement d'adhésion à tous les décrets de l'Assemblée nationale ; elle demande une justice royale, et que l'évêque et les dignitaires de la ville dé Gomminges soient tenus de faire leur principale résidence dans ladite ville de Saint-Bértrand.
Adrèsse du même genre de la communauté de Saint-Etienné-de-Sorts en Languedoc ; elle demande que la ville'de Bagnols soit le chef-lieu d'un district et le* siège d'une justice royale.
Adresse du même genre de la ville d'Eàusé en Languedoc ; elle demande d'être le chef-lieu d'un district et le siège d'une justice royale.
Adressé de la ville de Saint-AmbreS en Languedoc, . contenant félicitations, remerciaient, et adhésion à tousles décrets de l'Assemblée nationale, notamment à celui concernant la contribution patriotique ; elle demande. une justice royale.
Adresse des officiers municipaux et habitants de la ville d'Aiguë perse, qui font le dqn patriotique du produit des impositions sur les ci-dévant privilégiés, pour les six derniers mois de cette année.
Adresse de la ville d'Anthon au Perche, contenant le don patriotique des boucles et autres bijoux d'or et d'argent de l'universalité des citoyens, formant le poids d'une once, cinq gros d'or, qua-ranté-quatre marcs, deux onces d'argent, et ae dix huitlivres en espèce ; elle supplie l'Assemblée nationale d'agréer ce.tte offre comme le tribut des sentiments de reconnaissance et d'admiration qu'elle lui inspire, et la preuve d'une soumission entière à ses décrets.
Adresse des officiers municipiaux de la commu-uauté de Chaumont-en-Porcien, province de Champagne, contenant plainte qu'environ 600 fiommes, dont 200 tant hussards que de la milice nationale de Rocroi ont forcé, par rla voie des armes, les habitants de cette communauté, le 24 novembre dernier, à leur remettre vingt-six sacs de grains que ces habitants avaient saisis à un nommé Polhel de ladite ville de Rocroi, parce -qu'il les avait achetés sans laisser dans les endroits du départ et chargement un cautionnement pour répondre de la destination des grains, et leur remettre en outre la somme de 480 libres ^pour leur voyage. La communauté de Ghaumont, eh dénonçant ces faits à l'Assemblée, réclame la restitution de cette somme de 480 livres et l'indemnité des dépensesj montant à plus de 10,000 livres, que cette incursion leur a occasionnées.
Adresse des hôteliers .et cabaretiers de la ville et faubourg de Thouars eh Poitou, xontenantïlès réclamations; les plus fortes contre le droit de jallage que M. Bumanhy chevalier, seigneur de Montbrun, est en usage de percevoir sur le vin qu'ils* sont dansjïle cas de vendre : comme ils sont en procès à ce sujet, et que M. de Montbrun soutient que ce droit n'est pas compris au'nombre des droits féodaux abolis sans indemnité, que d'ailleurs.les arrêtés du 4 août n'ont pas été sanctionnés par le Roi, ils implorent une décision de l'Assemblée.
Enfin, lecture a été faite • d'Une quittance donnée par M. Lecomte, le 15 de ce mois, de la .finance ae son office de procureur du Roi de la ville de Bernay, avec renonciation au remboursement ; et ce, pour lui tenir lieu de sa contribution patriotique, qu'il dit excéder la proportion déterminée par Je décret.
Un membre a demandé qu'au lieu du mot « incitation, » placé dans le procès-verbal du 18 novembre dernier, à l'occasion des offres faites par le bailliage de Mont penser à Aigueperse de rendre la justice gratuitement,' il fût mis ceux-ci : « à l'imitation du parlement, » ce qui a été accordé;
a annoncé que les décrets rendus au sujet des impositions de la ville de Paris et de la Champagne/ le 19 de ce mois, avaient été sanctionnés par Sa Majesté, et que M. le garde des sceaux faisait travailler à l'ex- Eédition de ces mêmes décrets et de celui du auphiné, ainsi qu'à celle du décret des municipalités, accepté par le Roi, et de l'instruction étant à la suite, approuvée par Sa Majesté.
a fait lecture d'une lettré écrite à l'Assemblée nationale par les présidents ét représentants de [la commune de Toulon, le 15 de ce mois", conçue en ces termes :
« Nosseigneurs,
« Nous nous empressons de vous envoyer un extrait du procès-verbal qui constate la sortie de MM. d'Albert, de Bonneval, de Villages, de Cas-tilles, de Broves, et JBroquier, du lieu de leur détention. Nous ne prévenons point les réfléxions que la lecture de cette pièce fera sur vos esprits* et c'est avec la plus ferme confiance que nous attendons le jugement qiie vous porterez dans une affaire si majeure. Le salut de la ville et la propre sûreté de ces officiers ont conduit impérieusement à la violation de leur liberté, mais ils avaient eux-mêmes déjà Violé la majesté de la
nation par un ordre sanguinaire de faire feu sur un peuple sans armes.
« Nous sommes avec un profond respect,
« Nosseigneurs;
« Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs, les président et représentants de la commune de Toulon, Signé : Roubaud, maître conseiller; Barthélémy Allemand, commissaires - secrétaires ; MAhieu, Barallier, secrétaire suppléant, et Saint-Claire. »
Procès-verbal.
Le décret de l'Assemblée nationale est arrivé le 14 décembre, à sept heures et demie du soir. Le 15, à sept heures du matin, toute la garde nationale s'est assemblée; le conseil général de la ville, précédé des trompettes, publie le décret de l'Assemblée nationale et les ordres du Roi il enjoint aui citoyens de n'apporter aucun obstacle à leur exécution : le peuple et les soldats jurent par acclamation respect et soumission. Le conseil se transporte àu palais où les officiers du Iport étaient détenus. M. Roubaud, consul, leur offre de les accompagner partout où ils; désireront, avec tel détachement qu'on jugera nécessaire. M. d'Albèrt de Rioms lui répond fièrement: « Comment n'êtesrvous pas en état de contenir deux ou trois cents coquins qu'il y a dans la ville? ». Les officiers sont reconduits à l'hôtel de M. d'Albert, sans aucun mouvement de la part du peuple. Ce commandant remercie M. Roubaud de tous les soins qu'il a donnés. Le conseil général retourne à l'hôtel de ville ; il trouve sur la place beaucoup de personnes attroupées, il leur enjoint de se retirer, et l'attroupement se dissipe.
Le soir du même jour, les officiers du port font demander au conseil un passe-port pour se rendre à Marseille ; il leur est àçcordé en ces termes : « Nous, maire, consuls, etc., certifions et attestons qu'en vertu du décret de 'l'Assemblée nationale et des ordres du Roi, MM. d'Albert de Rioms, de Broves, etc., ont été mis en liberté sous la sauvegarde delà loi. Prions MM. les maire et consuls de... de les laisserlibrement passer avec le détachement militaire qui les accompagnera. »
annonce pne délibération de la garde nationale de Marseille ; il la représente comme très-intéressante, à cause de la prochaine arrivée dés officiers du port de Toulon dans cette ville.
Cette délibération contient l'assurance d'employer, pour procurer l'exécution des décrets de l'Assemblée, toutes les forcés des citoyens.
, député de Toulon, propose de décréter que le président sera chargé d'écrire au conseil général de Toulon, que l'Assemblée a reçu le procès-verbal du 15 de ce mois, et qu'elle a été satisfaite de la manière dont les officiers municipaux se sont conduits au sujet du décret sanctionné par le Roi.
Cette proposition est tumultueusement contredite. La question préalable est invoquée et rejetée, et le décret adopté à une grande majorité.
On demande la même chose à l'égard de la garde nationale de Marseille.
raconte que le peuple s'étant attroupé et ameuté, la loi marliale a été publiée, le dràpeau rouge déployé : on ordonné àu peuple de se dissiper, en menaçant de faire feu. On s'est dissipé, et cela a fini là. La garde nationale s'est conduite à la satisfaction du peuple, des troupes et des officiers municipaux.
est chargé d'écrire à la garde nationale de Marseille que l'Assemblée a reçu la délibération.
rapporte que des dépulés des administrateurs et des actionnaires de la caisse d'escompte l'ont chargé de soumettre à l'Assemblée le vœu qu'ils forment que des commissaires soient nommés pour éclairer les opérations de cet établissement.
propose de fixér à cette semaine le dernier terme du travail sur la division des départements, et d'arrêter que, lundi prochain, le comité de constitution rendra compte de ses opérations sur cet objet, et que l'Assemblée entendra les diverses réclamations.
Le rapport est presque terminé, il pourra être incessamment soumis a l'Assemblée. Le travail du comité a été retardé par les nombreuses réclamations qui lui parviennent, surtout par le défaut d'entente entre les députés de plusieurs provinces (Voyez aux Annexes, \e Memoire des députés du pays d'Aunis et les Observations des députés du pays de Léon et de Tréguier.)
, député de Paris. M. l'abbé Fauche t a fait au sein de la commune de Paris, le 15 de ce mois, une importante motion sur rétendue et l'organisation du département de Paris. L'impression a été ordonnée par les représentants de la commune'et la distribution en sera faite à tous les membres de l'Assemblée nationale. (Voyez ce document annexé à la séance de ce jour.)
Je propose le décret suivant :
« L'Assemblée natiouaié décrète,
« Que dans la semaine, pour tout délai, les députés des diverses parties du royaume remettront au comité de constitution le travail qu'ils auront arrêté pour la division des départements et des districts, ou leurs mémoires instructifs, touchant les objets qui auront excité leurs réclamations, et sur lesquels les députés ne se seraient pas conciliés, pour le rapport en être fait lundi prochain par le « comité ae constitution. »
Ce décret est mis aux voix et adopté.
L'ordre du jour appelle la discussion des motions faites dans la séance du samedi et dont Vajournement a été prononcé à la séance d'aujourd'hui.
La première motion a pour objet la nomination de commissaires chargés de surveiller l'émission des billets de la caisse d'escompte et des assignats du Trésor royal.
Je demande que ces commissaires ne soient pas actionnaires de la caisse d'escompte.
Ces actions sont au porteur; on en possède aujourd'hui, on n'en possède plus demain.
de Saint - Jean - d'Angely. L'administration doit être surveillée, même lorsque des mains pures y puisent. Déjà on affecte de publier qu'il a bien dépendu de l'Assemblée nationale de rendre les derniers décrets, mais qu'il ne dépendra pas d'elle de les faire exécuter. L'Europe entière sera persuadée quand la France le sera, et la France le sera quand on verra que vous avez pris les précautions les plus sages.
Je propose qu'il soit nommé six commissaires chargés : 1° d assister et concourir au traité définitif qui doit être fait avec la caisse d'escompte;
ils en raporteront un double pour être déposé dans les archives ; 2° de faire un travail sur l'émission de 400 millions d'assignations. L'Assemblée jugera s'ils présentent les moyens suffisants d'assurer l'emploi et deprévenirl'abusdeces effets.
Le comité des finances présentera lé plus tôt possible un plan d'organisation de la caisse de l'extraordinaire et des dépenses arriérées pour 1789, et pour les années précédentes qui doivent être payées par cette caisse. Il offrira aussi une nouvelle comptabilité pour le trésor.
Je n'ai qu'une observation à faire sur ces mesures : elles sont absolument destructives de la responsabilité. Je pense qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Je demande la division de la question préalable.
Tous les objets proposés par M. Regnaud sont intéressants; mais quelques-uns doivent être renvoyés à un autre temps. Je réduis sa motion à nommer des commissaires pour surveiller l'émission des billets de la caisse et les assignats. Ainsi, la responsabilité n'est ni détruite ni affaiblie, mais la confiance publique estassurée.
J'appuie la question préalable dans toute son étendue. Le moyen d'obtenir la confiance universelle consiste à placer tous les pouvoirs dans les mains qui leur sont propres. On sentira toute l'étendue de la responsabilité, quand on verra que l'Assemblée nationale a écarté, par la question préalable, des propositions qui tendaient à témoigner de la défiance.
L'Assemblée décide que la question préalable ne sera pas divisée, et qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
On propose de s'occuper de l'amendement dë M. d'Ëstourmel, ayant pour objet de mettre, ainsi que les biens du clergé, les domaines sous la surveillance des assemblées de département. La priorité est demandée en faveur de la question de savoir quel nom on donnera aux membres des nouvelles municipalités,
L'Assemblée décide de renvoyer ce dernier objet au comité de constitution.
M. Brunet de Latuque a la parole pour une motion relative aux non catholiques.
, député deNérac (i). Messieurs, l'organisation future des municipalités et des assemblées de district et de département fait naître une question qui n'est pas difficile à résoudre, mais à laquelle la tranquillité publique exige que vous fassiez une réponse péremptoire.
Le désir d'occuper des places dans ces assemblées anime tous les esprits, et la facilité d'y parvenir devant être d'autant plus grande qué l'on aura moins de concurrents, on s'efforce en plusieurs lieux d'écarter de l'élection les non-catholiques, sous le vain et faux prétexte qu'ils ne sont pas nommés dans vos décrets.
Cependant, Messieurs (plusieurs députés m'en sont témoins), il est des communautés en grand
nombre, et j'en connais dans ma province, où les protestants composent la moitié, les trois
quarts, et presque la totalité des citoyens actifs, des conr tribuables, des électeurs et des
éligibles, et s'il avait été possible qu'en ne les nommant pas po-
Céux qui veulent exclure les protestants pour arriver plus sûrement aux places municipales, et forcer les élections en demeurant seuls éligibles, allèguent pour prétexte les êdits dè 1681 et 1685* édits funestes dont la France déploré encore les .sinistrés effets, et, que leur absurde injustice a heureusement fait tomber en désuétude, fis argumentent encore de'l'édit de Nantes dé nov. 1685', qui nè permet aux non catholiques d'occuper dés places municipales qu'autant qu'elles n'emportât pas fonôtions de judicature. Il est certain, Messieurs, que suivant la lettre de ces dérnièresdis- Sositions, les non catholiques se trouvent exclusés offices municipaux dans tous les pays méridionaux de la France; car.il n'est presque, pas de Villes dans cette partie du royaume, où les offi-rierS municipaux ne soient en usagé et possession d'exercer la'juridiction politique èt criminelle, où seuls ou concurremment avec les oftieiers royaux. Je cite pour ëxéjhplë lès villes de Bordeaux, Agen, Nérac, Gûndom, Bazas, Mârmande,etc. ; et j'en pourrais citer un grand nombre d'autres. Aussi depuis, comme avant l'édit de 1685, pn ne voit aucun protestant élevé aux places municipales dans la, province, çle Guyenne; ét ît est indubitable qu'ils en seront exclus dans les élections qui vont se faire incessamment- en exécution de vos, décrets, si vous ne les déclarez pas admissibles, parce qùe ceux qui sont intéressés à lës éloigner prétendent que cet article particulier de l'édit dé 1685 est encore dans toute sa force, comme tous les autres articles qui le composent, attendu que vos lois n'y ont pas dérogé expressément. II faut l'avouer de bonne foi, Messieurs, ce raisonnement a quelque chose de, spécieux; mais les adversaires des protestants le regardent comme inexpugnable, et il nè serait pas impossible, que de bons esprits se laissassent séduire par ces prestiges.
Cependant, Messieurs, Pépoque de la suppression des abus est arrivée ; les droits de l'homme fet du citoyen ont été retirés dé l'amas des fers sous lesquels le despotisme les avait ensevelis; vdus les avez promulgués ;\vous avez déclaré que tous les hommes naissent et demeurentlibres et égaux en droits ; vous avec déclaré que nul ne pourrait être inquiété pour ses opinions religieuses, vous avez décrété que tous les citoyens, sans distinction de rang et de naissance, pourraient parvenir aux charges et aux emplois; vous avez décrété que tous les citoyens qui payeraient une contribution de dix journées de travail, seraient admissibles aux assemblées municipales de district et de département, èt que ceux qui payeraient d'un mar d'argent, seraient admissibles aux fonctions législatives, et vous n'avez certainement pas voulu, Messieurs, que les opinions religieuses fussent un titre d'exclusion pour quel-ques citoyens et un titre d'admission pour d'autres.
Si l'intérêt particulier ne faisait pas méconnaître sans cesse les principes souverains de la justice, ceux qui cherchent par des motifs si condamnables à écarter les protestants des emplois
publics, entreraient mieux, Messieurs, dans l'esprit, et même dans le texte de vos décrets ;. ils porteraient leurs regards sur l'Assemblée nationale, et voyant siéger plusieurs protestants . aù milieu de vous, ils rougiraient dé vouloir exclure dés fonctions secondaires de l'administration ceux qu'eux-mêmes avaient nommés pour remplir les fonctions de la législature Suprême.
li ne me serait jamaiâ venu dans l'idée. Messieurs, de vous demander la décision que je sol-» licite : nourri de vos principes, animé de votre esprit, je n'aurais jamais pu penser qu'une classe nombreuse de citoyens utiles que j'ai appris à estimer et à chérir, pût être exclue des droits de citoyen, et qu'on songeât à les lui contester. Mais les nouvelles que j'ai reçues dé ma nrovince ont rendu ma réclamation nécessaire. Il est de votre sagesse, Messieurs, de manifester votre justice ; il est de votre dignité de faire connaître à tous, et même d'interpréter vos principes ; il est de votre prudence de prévenir l'intrigue, les prétentions anti-constitutionnelles,les animosités,les ressentiments et l'indignation.
J'ai eu l'honneur de vous exposer la question avec la simplicité qui convient à des vérités aussi claires que le jour, et j'ai celui de vous proposer un décret à ce. sujet ; et puisque votre silence est interprété à réticence, et par conséquent calomnié, puisque de çe que je ne vous parle aujourd'hui que des .droits à. la représentation et à l'élection, ôq pourrait en conclure dans d'autres occasions, au mépris de, vos principes et de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que lés non catholiques ne sont pas admissibles à tous les emplois, j'ai l'honneur de vous proposer, Messieurs, un décret qui n'ait plus besoin d'être interprété en la forme suivante :
« L'Assemblée nationale décrète :
« 1° Que les non catholiques, qui auront d'ailleurs rempli toutes les conditions prescrites dans les précédents décrets pour être électeurs et éligibles, pourront être élus dans tous les degrés d'administration, sans exception ;
« 2°Que les non catholiques sont capables de tous les emplois civils et militaires, comme les autres citoyens. »
Vous avez établi dés lois générales ; il n'y a point d'exceptions contraires aux non catholiques, ainsi nulle interprétation nécessaire. On pourrait dire tout au plus. « que tous ceux qui auront rempli les conditions d'éligibilité seront admis : dérogeant à cet égard à toute loi à ce contraire »,
Je réclame pour une classe de citoyens qu'on repousse de tous les emplois de la société, qiii a son intérêt et son importance. Je veux parler des comédiens. Je crois qu'il n'y a aucune raison solide, soit eh morale, soit en politique, à opposer à ma réclamation.
Je n'ajoute pas un mot à .une chose qui n'a pas besoin d'être développée pour vous frapper.
Je propose seulement la formule de décret que voici :
« L'Assemblée nationale décrète qu'aucun citoyen actif, réunissant les conditions d'éligibilité ne pourra être écarté du tableau des éligibles, ni exclu d'aucun emploi public à raison de la profession qu'il exerce, ou du culte qu'il professe.»
On demande l'ajournement.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer Sur celte demande.
Plusieurs personnes réclament là discussion sur l'état des Juifs, comme tenant à la constitution.
Je pense sur les Juifs comme les Juifs eux-mêmes : ils ne se croient pas citoyens. "C'est dans cette opinion que j'admets l'amendement de M. de Clermont-Tonnerre, parce qu'il les exclut en se servant de cette expression, citoyens actifs.
Je demande qu'en s'occupant des non-catholiques l'Assemblée prononce en même temps la liberté de Vexercice public de toutes les religions.
, curé dé Metz. Vous faites là une motion inconstitutionnelle (Fèy. aux Annexes l'opinion imprimée de M. Thiebault sur la proposition de M. de Custine.)
observe qu'il est deux heures, et qu'il, faut procéder à l'élection d'un président, de trois secrétaires et de plusieurs membres pour les différents comités:
Il lève la séance* et l'on se retire dans les bureaux.
à la séance de l'Assemblée nationale du
PREMIERE ANNEXE.
Mémoire présenté au comité de constitution pour 1 la division du royaume en départements, par les députés du pays d'Aunis (1).
Si les considérations de la plus haute importance peuvent suppléer à la circonscription d'un pays, au défaut, des bases exigées par l'Assemblée nationale pour former un département, les députés de la sénéchaussée de la Rochelle ne craindront point d'exposer la demande que leurs commettants les ont, (expressément chargés de former. Les motifs qui la justifient écarteront sans doute l'idée de- ces prétentions déplacées qu'on leur suppose.
Le pays d'Aunis, extrêmement resserré par la mer et par lès limites que lui présentent les provinces de Poitou et de Saintonge, n'offre qu'une surface de 130 lieues carrées, y compris le territoire de l'île de Ré. Mais dans ce petit espace et sur les côtesqui le bo'rdént on trouve 5 ports (2)>.: les deux meilleures rades (3), où se rendent en temps de guerre, les' convois qui doivent être escortés,' et où les vaisseaux, à leur retour des, Indes, trouvent le plus sûr atterrage ; trois villes considérables (4),. soixante bourgs, cent vingt villages, et deux cents hameaux ou écarts. Dans les parties du nord et du midi, le génie, l'industrie et des dépenses considérables ont rendu au continent par de superbes dessèchements un terrain que la mer couvrait autrefois et qui donne aujourd'hui des blés delà plus belle et meilleure qualité. Dans les autres parties,ries richesses du
commerce Ont animé et perfectionné la culture de la vigne, la seule dont le sol aride et sablonneux soit susceptible; l'industrie a converti les vins en eaux-de-vie, et secondant ailleurs la nature, a établi et multiplié ;les marais' salants. Ainsi, par les efforts constants de la plus active industrie, ce petit pays est devenu une province précieuse à l'Etat, et une dés plus peuplées du royaume., On n'y compte guère moins de cent trente mille habitants dont une partié forme la meilleurè classé de nos matelots. Le sel, te vih, les eauX-de-Vie, les différents blés et fourrages qu'on retire dès màrais désséChés sont le produit ordinaire du sol du pays d'Aunis et de l'étonnante industrie de sés habitants. Cette petite province paye pour la taille ou accessoires 461,011 livres 12 sols 1 denier ; pour les vingtièmes 365,612 livres 16 sols 3 deniers et plus de 700,000 livres en droits d'aides.
La ville de la Rochelle n'existe et ne peut exister que par le commerce auquel sa situation avantageuse l'a toujours appeléè. Placée èntre Nantes et Bordeaux, elle ne peut se soutenir entre cès deux puissantes riyales qu'autant qu'elle sera protégée et encouragée. Considérée comme ville' de guerre, elle est le boulevard et le dépôt des forces qui protègent nôscôtés depuis Rayonne Jusqu'à Brest. Sous ces deux rapports elle doit mériter une attention particulière dé la part de l'Assèmblée nationale.
La ville de Rochefort, un dés principaux. départements' de la marine royale, digne du plus grand intérêt, d'après ses bâtiments, ses magasins, ses formes pour la Construction des vaisseaux de guerre, et son nouvel hôpital, outre le port de Roi, en offrè un âutre au commercé, avec, de nouvelles ressources pour l'encourager. L'un et l'autre Sont d'Une nécessité évidemment reconnue pour l'approvisionnement de nqsiéscàdrés et de nôs colonies, et pour la libre'et facile exporta-. tion des denrées et différentes productions des provinces qui nous avoisinent.
Nous n'entrerons dans aucun détail sur rétablissement et Sur la rade dé l'île d'Aix ; sur .le port et sur la rade de la Flotte; sur la ville, la citadelle et le port de Saint-Martin; sur le commerce de l'île de Ré avec lé: Nord; sur le portét bourg de Daligre. Il suffit de les nomrhërpdurèn désigner lès avantages et l'utilité, qui, confiés à l'administration d'Un département particulier, ne pouvaient qu'accroître et sé multiplier. Daligre, ci-devant Marans, est l'entrepôt naturel dès productions du Bas-Poitou, et un des marchés les plus _ considérables du royaume et même de l'Europe.
Les' avantages de là situation du pays" d'Aunis y ont de tout temps appelé le commerce, ét établissent la nécessité dé l'y protéger et l'y fixer. 1 La Rochelle, une des plus anciennes villes commerçantes du royaume, èst la première' qui a entrepris les voyages de long cours; toutes les entreprises, capables d'étendre le commerce de France ont été exécutées par ses vaisseaux. Ce sont eux qui ont introduit en France la preniière barrique dé sucre, vende dé nos colonies; c'est la Rochelle qui a formé nos premièréâ colonies, et qui a donné son nom à un des établissements les plus considérables du nord de l'Amérique; c'est elle qui avait établi lé Canada, et qui avait le plus contribué à l'établissement de la Louisiane. Si la perté de l'un èt la cession de l'autre à l'Espagne, privent cette ville d'urie branche de commerce qu'elle faisait presque exclusivement, il entrera dans les vues de'l'AsseMblée nationale
de l'en dédommager, et de confier aux soins et à la vigilance d'une administration particulière le maintien journalier des avantagés que la Rochelle, Rochefort, l'ile dé Ré et Daligre ne cessent d'offrir, surtout en temps de guerre. Ces avantages si nécessaires pour la défense de nos côtes et pour l'extension du commerce, lient les intérêts de l'Aunis à ceux du royaume. lis ne peuvent être conservés pour l'utilité générale des provinces qui nous avoisinent, qu'autant que le commerce y sera maintenu et rendu à cette première activité qui les distinguait avant les pertes que la France a essuyées dans l'avant-dernière guerre.
Un des principaux moyens de faciliter au commerce du pays d'Aunis le crédit dont il a besoiq, et les encouragements qui lui sont dus, serait de fixer à la Rochelle le siège d'un département. Cette ville sous l'ancien régime, était la capitale de la généralité, il lui importe de conserver ie crédit qu'elle avait acquis de cette opinion que donnaient d'elle les grands établissements formés dans son sein, Un gouvernement, une intendance, Un évêché, un présidial, un bureau des finances, un hôtel des monnaies, un nouvel arsenal et toutes les juridictions que comporte un chef-lieu de province; le siège d'un directoire la dédommagerait de la perte de quelques-uns de ces établissements qui pourront être supprimés. Si elle était déçue dans ses espérances, il serait à craindre que son crédit ne fût affaibli par les motifs et par l'événement qui tromperaient son attenté.
Ces observations paraîtront peut-être minutieuses, mais elles ne sont pas à dédaigner pour le commerce, si l'on veut considérer les ressourcés et lés facilités qui feront nécessairement refluer, dans le cours du numéraire à la Rochelle, le séiour habituel dp directoire et le versement des fonds des diverses impositions du département qui ne seront point employés dans les districts pour leurs dépenses particulières. Il importe essentiellement aux places de commerce d'appeler dans leur sein le plus de numéraire possible, parce que, de son abondance ou de sa rareté dépendent le succès et la vivacité de leurs opérations, le prix des objets à vendre ou à acheter y tient essentiellement. Une triste expérience a souvent c|émontré en Aunis que les eaux-de-vie ne pouvaient s'y débiter lorsque les recettes qui se vêrsaient habituellement à la Rochelle venaient à manquer.
Les rapports que donne au pays d'Aunis sa position maritime favorisée parles meilleures et les plus spacieuses rades qu'on connaisse en France* par cinq ports maritimes, par deux rivières accessibles aux bàtiménts venant de la hauté mer, et navigables fort loin dans les terres dont elles voiturent les productions, sont dans le cas d'occuper en èntier une administration de département. Le mélange continuel d'objets de commerce maritime, d'agriculture, de négoce intérieur et de circulation de finances, exige les soins les plus assidus et pres- 3ue toujours la présence des administrateurs qui oivent y veiller.
On doit encore observer que les dépenses du département de la marine, des armements et des constructions à Rochefort, les travaux ordonnés pour ie rétablissement et pour les ouvrages du port de la Rochelle, nécessiteront de la part e l'Assemblée nationale une attention suivie, un ordre de dépenses qu'il est important de surveiller et que cette surveillance ne saurait
être mieux confiée, soit pour les soins, soit pour le versément des fonds nécessaires, qu'à une assemblée de département qui serait fixée en Aunis.
D'après ces considérations, nous avons pensé qu'un pays dont les habitants, par un travail opiniâtre, en cultivant la vigne sur une terre impropre à presque toute autre production, le couvrent de défenseurs pour l'Etat, et rapportent au fisc douze fois plus que si ce territoire était en champs ou en prairies, ne doit pas être considéré sur l'unique rapport de son étendue ; qu'il serait possible et peut-être politique d'agrandir son arrondissement, soit en y joignant l'île d'Olé-ron qui s'attache si naturellement à l'Aunis, soit par une portion du Bas-Poitou, dont la province est si étendue ; nous croyons même que, renfermée dans les limites actuelles de l'Aunis, une administration particulière lui serait d'autant plus utile, que lé cercle de ses opérations étant plus resserré, elle n'en serait que plus vigilante et plus à portée de tout approfondir. Comme ce département que nous réclamons n'aurait que la moitié ou'le tiers dé la représentation açcordée aux départements ordinaires dans l'Assemblée nationale, nulle difficulté, nul embarras pour fixer cette représentation d'après les principes et les bases dont on est convenu.
Le directoire que l'Assemblée nationale établit dans chaque département, ne sera pas sans doute étranger à l'exécution des ordres que donnera le pouvoir exécutif, soit en temps de guerre, soit en temps de paix, pour l'approvisionnement de nos escadres et pour celui de nos colonies. Ces ordres seront naturellement adressés à la Rocjielle, seule , ville de guerre qui sera la résidence des chefs du pouvoir exécutif militaire où le dépôt des forces, les ressources immenses pour l'approvisionnement tirées des marchés de Daligre, et toutes les considérations politiques se trouvent réunis. Quelle influence n'aurait point alors pour, la plus prompte expédition et pour le succès de mesures à prendre, le directoire du département qui serait fixé à la Rochelle? Quelles difficultés, quellès entraves, quelles lenteurs ne faudrait-il pas surmonter, si ce même directoire était placé a Saintes ou à Saint-Jean-d'Angély.
On obiecte que les trois départements du Poitou sont déjà formés ; que les limites de cette province ont été déterminées avec les provinces voisines; qu'on ne peut plus revenir contre les arrangements convenus, qu'il s'en présente un qui pourra concilier les intérêts respectifs cles provinces dont les départements ne sont point encore réglés ; que l'Angoumois n'ayant pas eu lui-même tout ce qu'il lui faut pour en former un, prendra lé supplément nécessaire dans une partie de la Samtonge, et que celle-ci, pour remplacer ce qu'elle aurâ cédé, englobera et envahira le pays d'Aunis.
Les députés du pays d'Aunis ne se plaindront point de l'oubli dans lequel on les a laissés, lorsqu'on a appelé les députés des provinces limitrophes au Poitou pour convenir à l'àmiable des limites de cette province. Les rapports d'intérêts et de convenance, le même genre d'administration et de culture dans leurs marais desséchés, les mêmes besoins communs qui les ont liés de tous temps au Bas-Poitou, qui ne peut exporter où importer ses denrées que par un des ports de l'Aunis, leur donnaient lieu de croire qu'ils seraient appelés à ce conseil. Mais ils demanderont quel est l'intérêt majeur, quelle est la raison d'Etat qui peut déterminer à fondre le pays d'Aunis dans la province de Saintonge,
çt à sacrifier toutes les considérations importantes qu'il présente pour l'extension du commerce et pour là défense des côtés, aux besoins ou aux désirs qu'a énoncés l'Angoumois? Les intérêts de l'Angoumois doivent-ils « prévaloir contre ceux de l'Aunis? faut-il pour arranger l'Angoumois perdre le commerce de la Rochelle et celui de l'île de Ré ? Une triste expérience nous a appris depuis là perte du Canada et de la Louisiane, combien l'activité du commerce avait été diminuée, et combien sa diminution avait influé sur la population et sur la culture des terres. Tout ce qui porte quelque atteinte au crédit du commerce, tout ce qui peut restreindre l'activité de ses opérations nuit essentiellement au débit des denrées du pays, et dès lors à tous les genres de culture et d'industrie.
Si le comité veut ..prendre en considération ce simple exposé des faits qui pourrait conduire à de plus grands détails et a des réflexions plus précises et plus politiques sur les intérêts combinés du pays d'Aunis et du Bas-Poitou, et sur leurs rapports avec l'intérêt, général du royaume, il se convaincra peut-être de la nécessité de former le département isolé de l'Aunis, tel que nous le proposons, ou de l'augmenter d'une portion du Bas-Poitou. Les dépenses considérables, faites depuis longtemps pour le port de la Rochelle, tous les établissements nécessaires à une ad mi-, nistration de département, existants dans cette* ville, l'intérêt qu'inspiré le département de la marine royale nxé à Rochefort, l'importance de l'île de Ré, le port ét le marché de Daligre, réclament en faveur de l'Aunis l'attention et la protection de l'Assemblée nationale. L'art a secondé la nature pour y apporter le commerce et toutes les facilités de l'importation et de l'exportation. Le commerce peut seul encourager et vivifier la culture des terres dans le département que nous proposons. Le laissera-t-on languir et s'éteindre, faute de lui donner le secours que nous ne cesserons de réclamer pour lui dans la circonstance actuelle ?
A Paris, le
; C'est à regret que nous nous sommes détermi-ninés à porter au comité de constitution, et à soumettre à l'Assemblée nationale des contestations qui n'auraient pas dû sortir du sein de la députation de Bretagne,
Cette province, qui peut se flatter d'avoir eu une grande part à la conquête de là liberté, d'avoir puissamment contribué à la révolution par l'union et l'énergie de ses mouvements patriotiques, ne dût jamais se voir divisée dans la personne de ses représentants. Heureusement, nous pouvons assurer que leur parfaite intelligence pour le soutien de la cause commune n'est point altérée par les difficultés relatives à la division de son territoire.
L'Assemblée nationale a décrété que la France serait divisée en départements, dont elle a fixé le nombre de soixante-quinze à quatre-vingt-cinq. Chaque département doit contenir environ trois cent vingt-quatre lieues ou dix-huit sur dix-huit; chaque lieue entendue de deux mille quatre cents toises, et, d'après cette règle de procéder, la province de Bretagne, qui contient 1,660 lieues de superficie, ne doit fournir que cinq départements, dont le comité de constitution a tracé le plan.
La députation de Bretagne a nommé des commissaires pour en faire l'examen. Ceux-ci ont appelé deux ingénieurs qui ont perfectionné le projet de division d'après les convenances locales, et ce travail a été plusieurs fois discuté dans les assemblées du comité de la province.
Alors il s'est arrêté à deux questions préliminaires : premièrement, quelle sera l'étendue de terrain que prendra le département dé Nantes dans les marches communes ae la Bretagne et du Poitou? Ce premier point de démarcation était indispensable avant toutes choses, parce qu'il est nécessaire dé former la masse avant de procéder à la division ; on ne peut connaître détendue et la valeur d'un tout qu'après .avoir déterminé les parties qui. doivent le composer. Il était donc essentiel de convenir, avec •la province du Poitou, du partage des marches communes avant de pouvoir fixer celui de la Bretagne en cinq portions égales :(1). p
Secondement, cette égalité doit-elle être étendue et exécutée, comme l'ont observé les ingénieurs dans leur plan de division, en assignant à chaque département un terrain dé trois cent trente-deux lieues carrées ? Cette égalité géométrique ne tendrait-elle pas à léser considérablement chacun des quatre autres départements, s'il était vrai que celui de Nantes se trouvât avantagé d'un quart en sus, par sa population et par ses richesses ?
Tel était l'état des difficultés présentées au comité de la députation- de Bretagne le 7 décembre. MM. les députés de Nantes reconnaissaient sans peine la supériorité de leur département, pour la fertilité du sol, pour les avantages incalculables que lui apportent les fleuves et les rivières qui l'encernent ou le traversent : la Loire, la Vilaine, l'Erdre, leDoro, etc.
Mais ces mêmes députés n'avouaient pas également la disproportion non moins considérable de la population, quoiqu'elle soit presque toujours la suite naturelle de la richesse d'un pays, de la fécondité du sol, quoique la ville de Nantes seule ait environ 100,000 habitants. Ils sont allés jusqu'à pouvoir persuader que leur département, tel qu'il était tracé, égal aux autres en étendue, l'était à peine en population.: D'après une pareille assertion, il paraîtra moins étonnant qu'ils aient posé en principe qu'au surplus les bases de la population et de la contribution sont parfaitement indifférentes à la distribution des départements.
Quoi qu'il en soit, le résultat de l'assemblée du 7 décembre fut que MM. les députés de Nantes se concerteraient incessamment avec ceux du Poitou, pour la division préalable des marches communes, et qu'ils rendraient compte de cette conciliation à la prochaine assemblée , fixée au vendredi 11 décembre.
Elle fut peu nombreuse : on savait qu'on n'y agiterait que ce rapport particulier, et qu'on s'occuperait ensuite de la lecture de l'adresse au peuple breton,; dont l'examen fut long. Après cela, les signatures devant occuper le reste delà séance, plusieurs membres qui y étaient se retirèrent.
MM. les députés de Quimper saisirent ce moment opportun pour demander à mettre en délibération le choix du cbef-lieu du département, composé de toute la partie basse de la Bretagne, vers l'Océan. Les deux députés présents de l'évê-ché de Léon, et l'un des députés de Tréguier, s'opposèrent parce qu'il était déjàl'heure de clore la séance, parce que leurs collègues étaient absents, et sortirent sans délibérer.
M. Bodinier, commissaire pour la sénéchaussée de Rennes, parfaitement désintéressé dans la délibération proposée, crut devoir observer qu'elle n'avait pas été annoncée, qu'il n'était ni régulier, ni;convenable de délibérer sur un objet non prévu et en l'absence des confrères qui devaient y prendre part. On lui répondit, que la désignation du chef-lieu, en faveur de Quimper, importerait peu aux autres villes, qui probablement demanderaient à alterner ; ce projet, qui paraissait déjà concerté* fut donc délibéré.
Les auteurs de cet arrêté ne se crurent pas exempts de blâme, et changeant de système pour se conformer à ce qui avait été pratiqué par les départements de Nantes»et de Vannes, ils se ravisèrent pour convoquer une assemblée au 14 décembre, où le département de Saint-Brieuc, également appelé, ferait séparément le choix de son chef-lieu.
Réunis avec nos collègues de départements en comité particulier,pie lundi 14, nous dûmes leur faire observer que leur intention, dans cette nouvelle convocation, était sans doute de regarder comme non avenu ce qui avait été fait en la dernière assemblée, et on én demeura d'accord. Il fut procédé à un premier scrutin, où les voix se trouvèrent partagées entre Landerneau ét Quimper, un treizième suffrage, que M. deKvenlengan dit être le sien* était porté à la ville de Mor-laix.
De l'observation qu'il n'y avait pas dans le premier scrutin une voix pour la ville de Brest, qui semblerait cependant réunir plus de motifs qu'aucune autre pour exercer cette prétention, l'un de ses députés plaça cette remarque et déclara que quel que pût être l'événement de la délibération ^actuelle (qu'il signerait cependant, comme on en était convenu), il n'entendait pas s'y tenir et se réservait de soumettre à l'Assemblée nationale les griefs particuliers de sa ville et les réclamations communes aux quatre autres départements contre la prépondérance de celui de Nantes.
Cette déclaration excita beaucoup de clameurs. M. de Kvenlèhgan les fit cesser, en observant avec beaucoup de calme combien il était important, dans les circonstances actiielles. que les députés de la Bretagne s'accordent sur leur division ; il obtint que la décision du second scrutin faisait la règle irrévocablement ; il s'attendait qu'il serait conforme à ses vues, et devait l'espérer d'autant plus que le comité n'était composé que de treize membres, dont six de. l'évêché de Quimper, cinq de celui de Léon et deux du diocèse de Tréguier.
Cependant l'intérêt bien réfléchi de la commodité publique eu décida autrement; la majorité absolue des voix sedéclara pour Landerneau;ainsi
prise pour Constante, on s'était occupé de la composition des districts de ce département.
Le 23 décembre, la députation de la province est encore assemblée, pour prendre connaissance de la pétition de la ville de Saint-Malo, qui demande à passer du département de Rennes à celui de Saint-Brieuc ; et parce que cette réclamation ne paraissait pas porter sur l'intérêt; général de la députation; de soixante-six membres qui la composent, il ne se trouva à cette assemblée que trente-neuf.
Quand on a eu ajourné l'objet des députés extraordinaires de Saint-Malo, parce que leur mémoire n'était pas prêt, on a vu avec surprise un député de Saint-Brieuc faire la motion de révoquer la délibération particulière du 14, qui avait fixé le chef-lieU de notre département à Landerneau, et de remettre cet article en délibération.
Cette motion fut bientôt accueillie par tous ceux qu'on avait intéressés dans la coalition, que l'un de nous ne put se retenir de qualifier de son nom propre. Il fallut aux autres beaucoup de modération, pour observer froidement combien il était extraordinaire qu'un député de Saint-Brieuc qui ne nous avait pas appelés sur la délibération relative à son département, fût chargé de contrarier le règlement de nos intérêts particuliers.
. Nous nous prévalûmes de l'arrêté, pris et signé dans l'assemblée du département, le 14 ; nous objectâmes qu'il n'y avait plus lieu à délibérer à cei sujet; et que, si les députés de Quimper, qui ne s'étaient pas encore expliqués, avaient à se plaindre dé la fixation du chef-lieu à Landerneau»Ils devaient se pourvoir directement dans le comité de constitution et adjoints préposés pour vider ces discussions en faire-le rapport à l'Assemblée nationale. Nous terminons par cette réflexion, que la motion étonnante du député de Saint-Brieuc n'avait pas été annoncée par la convocation, et que dans le cas où elle aurait été * admissible, il serait de la loyauté de ne la délibérer qu'en présence des 27 députés absents, ou dûment avertis d'y prendre part. D'après ces. protestations recommandées par la raison, par la franchise bretonne; nous nous fîmes un devoir de laisser le champ libre au parti que nous voyions formé dans rassemblée, et qui a entraîné 25 voix pour mettre au néant la délibération libre et régulière du 14, et pour accorder à Quimper le chef-lieu.
11 faut croire que les démarches qui ont amené cette résolution inattendue, n'ont pas étéi capables de mouvoir un plus grand nombre dans la députation de Bretagne, puisqu'elles n'ont gagné que vingt-cinq suffrages, de soixânte-six membres qui la composent ou du moins ,de soixante-quatre, parce qu'il y a deux démissions qui n'ont pas été remplacées ; et sous ce rapport, la délibération est loin dé la majorité-
Nous regrettons d'avoir été forcé d'entrer dans ce récit des faits, qui peuvent paraître indifférents à MM. du comité de constitution et à l'Assemblée nationale. Mais il n'est pas indifférent pour nous de rendre â notre province un compte exact de tout ce qui s'est passé, relativement à cette discussion.
Tout se rétablit; devant le tribunal de la nation , qui pèsera dans sa sagësse les1 intérêts respectifs, qui jugera s'il est dans l'esprit de ses décrets que la circonscription dès départements soit déterminée, sans autre considération, par la règle unique d'égalité de terrain, s'il n'est pas juste d'y faire concourir à certains égards, la propor-
tion de population et de richésse, pour assurer en même temps l'égalité de la représentation; enfin, s'il n'y a pas de nécessité de rappeler au principe, quand il est évident que le département cle Nantes, réunissant à une égalité parfaite de territoire la prépondérance de sa population et de sa richesse, jouirait de l'avantage de nommer aux législatures onze à douze députés, quand chacun des autres départements de la Bretagne ne donnera que huit à neuf. Ce grief est commun à toute la députation, et doit la réveiller sur un intérêt aussi pressant.
Nous nous renfermons ici dans notre tâche particulière, qui est de prouver que le chef-lieu de notre département doit être placé dans la Ville de Landerneau. Des autres villes qui se sont mises sur les rangs, comme Morlaix, Garhaix, Quimper et Brest, celle-ci seule pouvant disputer la préférence en raison de sa population, de ses forces et dë sa contribution;
L'enceinte de Brest, coupée par le port de mer, renferme plus de 30,000 âmes, et dans' cë nombre on ne comprend pas les troupes de la garnison. Le projet déjà tracé de l'agrandissement de cette Ville, la nécessité d'en suivre l'exécution pour favoriser le service et assurer la défense de ce port, qui est le premier du royaume, •lui assigne tin nouveau rang et la place déjà dans la classe des villes du second ordre. Brest est sans contredit le principal entrepôt des forces publiques sur lesquelles reposent la sûreté du commerce, la prospérité de l'Etat et l'honneur des armes dé là nation. Il est d'une extrême importance d'accroître la considération politique attachée à cette ville,, de faciliter les. approvisionnements de son arsenal et d'y fixer l'opinion publique qui a pris dans cette importante cité une faveur, peut-être étonnante, dans une ville de guerre.
La somme de sa contribution triple celle des autres villes de cette partie de la province. Cette source précieuse du secours public prend encore de nouvelles forces dans le patriotisme, de ses habitants/Une preuve digne d'en être mise sous les yeux de l'Assemblée nationale est dans la déclaration des sept Brestois qui se sont présentés les premiers pour exécuter son décret sur la contribution du quart, leur soumission s'élève à 20,900 livres,
Il est possible que l'Assemblée nationale se détermine par le concours de tant de motifs, de prépondérance à assigner le chef-lieu du département à la ville de Brest. Elle verra cependant avec soumission, accorder la préférence à celle de Landerneau qui n'en est distant que de quatre lieues, et qui alors-doit s'approprier toutes les raisons* toutes les considérations qui réclament pour Brest, parce qu'on ne peut en écarter l'application, parce qu'on ne peut, sans constituer en souffrance cette première place du royaume, fixer loin d'elle le siège de 1 administration publique.
Avec cet avantage supérieur que la ville de Landerneau trouve dans la proximité de Brest, elle pourrait se dispenser d'invoquer ceux de sa situation locale, dont elle a fourni le. détail dans une adresse à l'Assemblée nationale.
La petite ville du Faou est géométriquement le j point central du département. Landerneau n'en est éloigné que de quatre lieues et se trouve précisément ]a seule ville approchant du centre, capable de comporter un gouvernement d'administration en chef. Autour de Landerneau vient se former un cercle nombreux de villes, Brest,
Saint-Renan, Le Conquet, Lannilis, Lesneven, Plouescat, Saint-Paul-de-Léon, Roscoff, Landivi-siau, Morlaix, le Faou, la Feuillée, Granzon, Lo-cronan, Douarnenez et Chateaulin, dont les plus éloignées ne sont que de sept à huit lieues. Les villes les. ;plus distantes, comme Carbaix,:Châ-teauneuf et Quimper, le sont de onze à douze lieues; Quimperlé seul, qui forme une pointe à l'extrémité du département, sera à la distance d'environ vingt lieues (1).
Landerneau vient après Brest et Morlaix pour sa population, pour la quotité de contribution et pour la commodité de ses établissements. La certitude de son accroissement futur, est dans ses relations avec Brest, dont elle est en temps de guerre Tentrepôt pour les approvisionnements de toute espèce, pour les mouvements et le: séjour des troupes destinées à être embarquées. Les magasins et le port de Landerneau ont toujours servi à décharger celui de Brest du regorgement de ses munitions de guerre et des vaisseaux de transport ; son commerce est encore un objet important.
Cinq grandes routes aboutissent à Landerneau et toutes offrent des relais de poste commodes, excepté suri celle qui conduit à Garhaix. Les établissements de l'hôtel de ville sont assez étendus pour recevoir: sans aucune nouvelle dépense, tous les bureaux d'administration ; et la maison des dames Ursulines qui a été prise, pendant la dernière guerre, pour hôpital de la marine, et qui sûrement sera supprimée par l'effet de la réunion de cette communauté à celle--de Lesneven; double la facilité du choix à faire pour placer les bureaux de département.
Que peut mettre en parallèle la ville de Quimper pour soutenir la concurrence (2)? rien qui au moins s'accorde avec l'avantage public et la commodité du département.
On rappelle pour Quimper une importance an-a tique et parfaitement ruinée, qui dans des temps éloi gnés fut Je motif d'y placer un présidial. Mais dès avant la naissance ae la discussion, nous avons proposé à nos collègues de Quimper d'y conserver le siège d'une présidialité ou tribunal de département. Pour soulager la médiocre existence de ses habitants en général, nous avons même consenti à ce que la cour supérieure soit transférée à Quimper, dans le cas où les transports économiques permettent d'en créer deux eu Bretagne. Quelle condescendance ! Et comment pourrions-nous en rendre raison à nos commet* tants?
En effet, l'importance de cette ville, soit dans îe -commerce, soit dans l'ordre politique, est notoirement nulle. Sa population est au-dessous de 8,000 âmes. Sa contribution comparative dans le payement des impôts n'égale pas, à beaucoup près, celle degBrest, Morlaix, Landerneau, etc. La situation de Quimper la place à une extrémité de la cité, sous la distance de trois lieues et demie de la grande mer, dans un point de 4, 5 et 6 lieues, et partout ailleurs, une pointe seulement dite le Bec-du-Rat, se prolonge sur la côte jusqu'à la distance de dix lieues. L'inspection du plan démontre l'exactitude de ce tableau.
Si on consulte le grand motif, la raison décisive, l'incommodité de la très-majeure partie du
r département, on voit que la ville.de Quimperest à vingt, vingt-deux et même vingt-six lieues de la côte de Léon, la plus populeuse du royaume, et qui, prenant à la pointe de Saint-Mathieu, se prolonge sur la Manche par un demi-cercle de vingt-cinq lieues, pour atteindre l'extrémité du département dans l'évêché de Tréguier. Les habitants de cette dernière contrée ne peuvent se rendre à Quimper qu'en faisant un circuit très-considérable pour venir prendre Landerneau, ou en se jettant dans les montagnes d'Arré, impraticables dans le temps indiqué aux assemblées de département, et qui, dans toutes les saisons, offrent1 Jes dangers les plus effrayants. La liste des,pèrsonnes qui périssent tous les ans dans les neiges en traversant ces montagnes, ou qui, échappées aux Voleurs, deviennent la proie des bêtes féroces, présenterait une image trop affligeante. Mais, abstraction faite de ces inconvénients, faudra-t-il que 300,000 habitants de Léon en aillent chercher 100,000 perdus en quelque sorte au milieu des montagnes et des bois infestés de brigands? Faudra-t-il que le grand nombre rassemblé dans un évéché moins étendu, mais fertile et distribué en plusieurs villes, soit attiré au loin par le petit nombre, pendant qu'il existe un lieu de département moralement central et commode à tout le monde?
On croira avec peine que nos collègues de Quimper aient osé hasarder cette prétention. Et sur quels fondements encore ? Rendons leurs allégations.
lis ont dit que Quimper a besoin de se relever de sa détresse/, qu'on y trouve les établissements d'une neuvième commission intermédiaire, qui recevait les ordres de celle principale de Rennes ; que ces établissements sont disposés sans nouveaux frais, pour une administration de département, et demeureraient en pure perte, s'ils n'é-i taient pas employés à cette destination ; ils font ' sonner bien haut que leur ville est épiscopale ; qu'on y trouve une église cathédrale,un séminaire et un collège.
Eh bien ! toutes ces petites considérations se trouvent dans la ville de Saint-Paul de Léon, siège épiscopal, cathédrale plus à la moderne, bureau de commission intermédiaire, séminaire, ét, par-dessus tout, uu collège dont l'édifice vient de coûter 400,000 livres. Cependant la ville de Saint-Paul ne demande pas un chef-lieu de département. On ne pourra même pas y placer un district, ni l'indemniser de la perte d'une juridiction de l'évêque et du chapitre, dont le ressort était fort étendu.
Saint-Paul de Léon cède à la rigueur du principe, qui veut que l'intérêt particulier ou local soit sacrifié à l'intérêt public et général. Pourquoi la ville de Quimper ne subirait-elle pas la même loi ? Pourquoi ne ferait-elle pas de très-légers sacrifices, a la commodité publique? La convenance générale est la base ae «toutes les déterminations propres aux établissements de l'administration civile, et cette base, dans l'hypothèse présente, indique pour siège de département, la ville dé Landerneau, comme la plus Voisine du centre, la plus rapprochée de la grande population.
S'il était utile d'accumuler d'autres considérations, on ferait remarquer, par exemple, le danger connu du transport des fonds publics à Quimper, la convenance d'en approcher le dépôt de Brest, où l'acquittement direct de l'impôt trouve un moyen prompt et facile de s'exécuter.
Tout se réunit donc en faveur des réclamations
de Landerneau. La raison tranchante est dans la situation ; et en nous attachant à la défense de cette ville contre Quimper, nous nous sommes si peu livrés à aucune propension particulière, que nous adopterions Morlaix, comme chef-lieu de département, comme la ville centrale, dansie cas où, par un mouvement général dans les département de Bretagne, sollicité par Saint-Malo, le nôtre dût comprendre tout révèché de Trégu ier.
Nous exprimons devant l'Assemblée nationale le vœu du bien public, et nous sollicitons ses décrets sur une disposition déjà prévue par sa sagesse. Il est. entré dans ses vues de disperser les différents établissements, pour en communiquer les avantages aux principaux lieux de chaque département ; et c'est pour arriver à cet ordre de distribution, avec la plus scrupuleuse équité, que nous sommes chargés de demander :
Il Que la ville de Landerneau soit le chef-lieu du département et le siège de son administration; !
2° Que le siège d'une cour supérieure, s'il est décidé qu'il yen ait deux en Bretagne, soit fixé en la ville de Quimper, qui, en tout cas, serait le tribunal de département;
3° Que, dans la supposition première ci-dessus, le tribunal de département ne soit pas accordé à la ville de Brest, et que dans tous les cas elle soit autorisée à établir un consulat terrestre et maritime ;
4° Que l'évêché soit conservé à la ville de Saint-Paul de Léon, même en supposant qu'il n'y ait qu'un siège épiscopal dans le département.
Le Gendre, Moyot, Expilly, Dom Verguet, Le&uen de Kerangal, Keraugon, Lelay de GrANTUGEN, Mazurier de pennan-nech.
Arrêté du
DUPUTES PRESENTS ET VOTANTS.
MM. : Evêchés :
Leguen de Kerangal.....— Léon.
Leissegues de Losaven...... Quimper.
Bxpilly......................Léon.
Lelay de Grantugen................Tréguier.
Mazurier de Pennanech..... Tréguier.
Le Goazre de Kervélegan.... Quimper. in
Ledéan...............................Quimper.
Tréhot de Clermont...........Quimper.
Le Gendre.........................Léon.
Moyot.........................Léon.
Le Golias......................Quimper.
Prudhomme de Kéraugon.... Léon.
Billette...........................Quimper.
Sept voix pour la désignation du chef-lieu de département à Landerneau, contre six voix pour Quimper, 14 décembre 1789.;
Messieurs, l'Assemblée nationale n'a rien décrété encore sur l'important objet qui nous occupe: Si, dans ses précédents décrets, relatifs aux départements en général, die ne prononce pas une exception favorable'pour Paris, comme nous aurions pu l'espérer, elle annonce encore moins une exception nuisible que toutes lés règles des convenances et de l'équité repoussent invinciblement. Les arrangements déjà combinés par les provinces pour leurs propres arrondissements, ne présentent eux-mêmes aucunobstacle ; la frayeur de retarder l'organisation de tout le royaume, en troublant les combinaisons des départements qui nous avoisinent, et ainsi de proche en proche celles de toute la France, est vaine et n'a pas même une ombre de motif. Une seule réflexion la fait disparaître. Ne vous a-t-on pas dit que, dans ce plan universel déjà convenu, il y avait un département central qui devait cerner Paris de toutes parts, et l'emprisonner dans sa banlieue? Je ne vous ferai plus remarquer l'illusion de cette idée. Tout le monde a senti qu'on ne pouvait pas enfermer un si grand aigle dans une aussi étroite volière, et qu'il lui fallait, pour parier l'ancien langage de l'aristocratie féodale, plus que Je vol du chapon. Messieurs, le département de Paris est tout arrangé dans le plan de nos adversaires, sans rien toucher à ceux des provinces. C'est ce département circulaire lui-même qui devait nous étouffer dans un espace où nous n'aurions pu ni nous mouvoir, ni respirer, ni vivre, qu'il nous faut: Qu'on nous le donne, on ne nous fera aucune grâce ; on ne nous accordera pas même tout ce que la grande proportion de cette cité, unique dans le royaume, exigerait pour que la balance fût égale. Nous nous en contenterons; rien ne sera distrait des autres départements, et . tout est fini. La question est donc entière, quoi qu'en aient dit quelques honorables préopinants. Nous pouvons délibérer avec la, pleine, confiance de ne rien embrouiller, ni déranger, ni retarder dans la machine politique, qui est le grand œuvre de l'Assemblée nationale, et qui peut rouler à l'instant, si l'on ne veut pas s'obstiner (ce qu'il est impossible de croire ) à nous la faire passer sur le corps, i
Toute fausse terreur étant écartée, j'entre en matière : -
Il est au moins juste que Paris soit traité comme les autres portions de l'empire, et qu'il ait, par conséquent, un département et neuf lieues de long, dont il soit le chef-lieu.
Ce département est non-seulement utile; mais de la nécessité la plus étroite pour la capitale ; et son organisation peut se combiner très-facilement, très-avantageusement avec celle de sa municipalité.
Enfin ce plan n'est'pas tellement utile pour nous, qu'il ne. le soit encore plus pour les provinces, et qu'il ne tienne essentiellement à l'heureuse destinée de toute la France. Voilà, Messieurs, les trois propositions que je
crois pouvoir démontrer avec la plus claire évidence.
La première proposition est si sensible que je dois à peine y insister. Qu'a donc fait Paris aux représentants des provinces pour vouloir le traiter plus mal que tout autre commune du royaume ? Est-ce parce qu'il a conquis la liberté? est-ce parce que cette force centrale est nécessaire pour la garder et l'affermir? est-ce parce qu'on y paye sept fois plus d'impôts que dans les autres départements", qu'on voudra lui faire une circonscription sept fois moindre? est-ce parce qu'il y a neuf dixièmes de population en sus de celle des provinces ordinaires, qu'on veut lui interdire l'air environnant à neuf lieues à la ronde, accordé libéralement aux rares habitants des Landes ec des montagnes. Trop de réflexions se présentent. Je les omets; elles pourraient nous indigner. Ennemis de la fraternité générale, de la li* berté publique et du bonheur de la France, c'est vous qui soufflez les jalousies et les injustices dans l'âme de nos frères, compatriotes et amis qui représentent les provinces. Ces citoyens sincères ne s'aperçoivent pas qu'ils servent vos projets, et qu'ils secondent vos complots. 11 nous sufht de les en avertir, et votre cause est perdue.
N'est-ce pas, Messieurs, une véritable dérision, de nous présenter comme une faveur la restriction de Paris à sa banlieue, pour tout ressort, et de nous dire que Paris, circonscrit dans cette enceinte, sera seul, ainsi restreint, élevé dans le royaume à la dignité d'un département? Rare prérogative, en effet d'être à la merci de tout ce qui l'environne, sans juridiction, sans droit de police, sans ressort, sans mouvement, sans denrées, sans pain; si, dans un moment d'inquiétude, il plaît aux départements vastes, qui seront à sa porte, de lui refuser assistance. Ceci n'est point une chimérique appréhension. Supposons le pian de nos ennemis réalisé, j'affirme qu'habituellement le blé y sera portéàun prix.énorme, quilerendra inhabitable au peuple, et qu'à la moindre apparence de disette de cette denrée, la famine immolera, en quelques jours, tout ce qui lui restera d'habitants. D'abord n'ayant pas, dans sa banlieue, de quoi se nourrir une semaine, et manquant de toute juridiction sur son plus prochain voisinage, le monopole le plus facile, le plus infaillible peut se faire à sa porte; et par conséquent, se fera ; car il ne faut pas tant compter sur le patriotisme qu'il ne faille encore plus compter sur l'intérêt, quand rien ne peut le contrarier. Comme il dépendra des acheteurs de blé de trois départements voisins de le porter où ils voudront, à raison de là liberté du commerce intérieur, et de la nullité de pouvoir et de juridiction de Paris sur les départements, ils feront, à plaisir,; monter le prix du pain au taux qu'iFleur conviendra. Soyez sûrs que, malgré l'abondance environnante, le pain serait ici à quatre sols la livre, quinze jours après la circonscription de Paris, comme on la propose. C'est l'espoir de nos ennemis ; Ce seraient leurs délices. Le peuple se révolterait; il faudrait bien que le Roi s'éloignât et que l'Assemblée nationale allât tenir ailleurs ses séances. Je voulais taire ces réflexions ; ci-» toyens, elles m'échappent; la nécessité de réfuter Une objection qui porte sur la résidence même du Roi et de l'Assemblée nationale à Paris, m'y a forcé. Voilà:les faveurs qu'on nous prépare; et l'on croit que nous serons assez aveugles pour ne pas voir un piège si maladroitement tendu ! nous l'anéantissons d'un regard. Je ne développerai pas la pensée d'une famine complète, à la moindre
apparence de la rareté des grains. 11 n'arriverait pas à Paris une charge de farine ; il faudrait aller la ravir à force armée et tout mettre en feu dans l'empire. Est-ce qu'on ne, voit pas que, lorsque toute puissance et tout ressort étaient dans la main du Roi, Paris devait être en sûreté pour sa subsistance ? Le sceptre de la loi, uni à celui de l'autorité, atteignait, sans aucun retardement et sans aucun : obstacle-'d'une extrémité du royaume à l'autre ; le despotisme nous faisait vivre.au moins; et sous le bon plaisir de nos ennemis, la liberté, comme ils l'arrangent, nous tuerait. A deux lieues, nous n'aurions pas juridiction sur un sac.
On objecte que dix-huit lieues de diamètre ne suffiront pas à nos approvisionnements; elles suffiront, Messieurs. Dix départements viendront aboutir à ce grand cercle. Les monopoles ne pourront plus se concerter. Trop d'issues seront ouvertes à la circulation ; trop d'intérêts se croiseront ; trop de richesses éparses, dans cette vaste étendue, appelleront les vendeurs qui ne pourront pas impunément faire leurs amoncellements à nos portes; et, s'il faut le dire, nous serons trop forts, trop au large pour que les départements voisins nous refusent le pereatis de fraternité, en cas de besoin. Tout est en paix et en sûreté.
La marche du juste au nécessaire, m'a déjà fait prouver la première partie de ma seconde proposition, à savoir que le département de neuf lieues de rayon est non-seulement utile, mais dîune nécessité absolue pour la capitale. L'autre partie de cette proposition oùs j'avance, que l'organisation de ce département peut se combiner très-facilement et très-avantageusement avec eelle de la municipalité de Paris, est susceptible de la même démonstration.
Nous avons arrêté notre vœu, pour que le pouvoir municipal et celui de département fussent entièrement distincts; M. le maire, M. l'abbé Sieyès et M. de Vauvilliers y voient des inconvénients • et voudraient qu'ils fussent réunis : nous avons tous raison j et il est facile de. concilier nos systèmes quelque opposés qu'ils paraissent. L'Assemblée, en voulant qu'au-dessus du pouvoir des officiers municipaux, se trouve le pouvoir inspecteur et surveillant de l'administration générale, a une raison supérieure, et que tous sentent si bien qu'il est inutile de la dire. Notre digne Chef, notre sage représentant à l'Assemblée nationale et le héros des subsistances, en voulant que le district de Paris ou son ressort immédiat, sOit absolument dans la main de la municipalité ont aussi des raisons convaincantes, et qu'ils ont développées avec une forcé irrésistible. Or voici la conciliation et l'unité du système.
Plaçons d'abord selon le vœu de l'Assemblée, le conseil de département de Paris au-dessus de la municipalité pour la reddition des comptes à des époques fixes; les impôts, les emprunts, et pour toutes les attributions générales, qui intéressent la nation. Cela est juste, conforme aux décrets de l'Assemblée nationale, et dans le plan total de la constitution du royaume. Formons ensuite au milieu des huit districts environnants, le district particulier de Paris, de la manière précise que M. de Vauvilliers a si sagement combiné, de Corbeil à Pontoise, au sud-est, et au nord-ouest dans urie assez grande longitude; et de Sceaux à Romain ville, du sud-ouest au nord-est dans une très-petite latitude. Nous aurons dans une forme incorrecte mais exacte, l'étendue en lieues carrées, attribuée à tous les districts.
Maintenant, Messieurs; concilions tout, unissoas le district immédiatement; à la municipalité, en sorte qu'il n'y ait qu'une seule assemblée, un même pouvoir pour les deux ressorts. Cette réunion ne nuit à personne, ne "contrarie aucUn .décret positif, et nous sert essentiellement. Observez, Messieurs, que la municipalité de Paris, comme municipalité, ne s'étendrait pas hors de ses murs, ainsi que vous l'avez sagement arrêté , que chaque ville et village du district, aurait sa municipalité distincte , qui ne ressortirait à celle de Paris que sous son rapport de district, et nulle* ment sous celui de municipalité. Il est vrai qu'à raison de ce que ce serait le même corps, qui réunirait les deux pouvoirs, il faudrait que ies assemblées primaires des communes du district eussent des représentants dans ce corps. Mais les avantages sont sensibles, et il n'y a aucun inconvénient. Vous savez le petit nombre de représentants qui composent les assemblées de district : quand le contingent de ce petit nombre fourni par les communes voisines se trouvera fondu avec le grand nombre des représentants et administrateurs de la commune de Paris, nous n'y perdrons rien, et nous y gagnerons;de bons frères. Il est vrai encore qu'ils se mêleront un peu de faotre chose publique et privative, à laquelle naturellement ils n'auraient aucun droit, mais ûous nous mêlons directement aussi de leur chosepubli-que et privative, qui autrement ne nous regarderait pas. Ainsi tout est balancé avec justice et parfaitement compensé. Alors, le secret, la célérité, l'autorité si nécessaires pour la police générale et les subsistances dans toute l'étendue de ce ressort de district,-seront assurés. Tout ira sans obstacle dans: une pleine harmonie : et cependant le pouvoir distinctif f et supérieur du département sera dans Paris même, au-dessus du pouvoir municipal, non pas pour intervenir dans ses opérations immédiates, mais pour les réviser aux époques fixes, approuver ses comptes et applaudir chaque année à sa sagesse. C'est ainsi, Messieurs, que la justice et la paix s'embrassent dans cet accord, et que l'ordre et l'harmonie dont nous avons, chacun en particu lier, l'amour. au fond de nos cœurs, peuvent naître d'une délibération, où en cherchant tous également le bien, nous l'aurons tous également trouvé. Avec tant de lumières répandues' "dans cette Assemblée - :de dignes citoyens, si nous voulions nous entendre, nous arriverions à la perfection du bien public !.
11 ne faut laisser en arrière aucune des objections de ceux qui ont eu l'idée de nousrestreindre à la banlieue pour tout ressort. A mesure que je me les rappelle, elles me semblent toutes incroyables, par la facilité d'ap'ercevoir les raisons évidentes qui les réfutent. Le département, a-t-on dit, alternera; les petites villes du ressort seront jalouses de Paris; elles ne voudront pas qu'il réunisse les avantages qui doivent être partagés ; si on garde à perpétuité'l'évêché, le; tribunal supérieur de judicature, la. séance du département, l'Assemmée nationale, le Roi, la répartition et recette de 100 millions d'impôts, la disposition de cent mille hommes de gardes nationales ; Paris sera trop puissant, il gouvernera le royaume à son gré, il fera la loi et "tiendra sous le joug d^une aristocratie vraiment capitale, tout l'empire» En vérité, Messieurs, je pense que je n'affaiblis pas les objections que vous avez entendues;» je ies renforce au contraire, et je n'en crois pas moins pouvoir démontrer, en y répondant, ma troisième" et dernière proposition ; que te plan que j'ai l'honneur de vous présenter, n'est pas
tellement ;utile pour nous, qu'il ne le soit encore j pour les provinces, et qu'il ne tienne essentiellement à l'heureuse destinée de toute la France.
Le département alternera.: Non, certainement. C'est absurde et impossible. La somme des intérêts peut-elle être balancée par aucune ville de l'arrondissement? Y en a-t-1 qui puisse rivaliser avec Paris? En est-il, même pour la localité, qui ne portât trop loin du centre le chef-lieu de la province ? Au lieu de neuf lieues, les citoyens de 1 extrémité opposée voudront-ils en faire quinze ou dix-huit pour aller à Etampes ou à Sanlis? Si je voulais suivre ces combinaisons je réunirais mille absurdités. L'Assemhlée nationale a décrété que le chef-lieu de, département pourrait alterner, mais elle n'a pas décrété qu'il alterne-* rait. 0e la possibilité générale au fait particulier, la conséquence n'est pas nécessaire,- et ici elle est répugnante. C'est entre des villes à peu près égales en importance et en position, que l'Assemblée nationale a statué le pouvoir d'alterner, parce qu'il est certain qu'elle n'a voulu décréter et n'a décrété en effet que ce qui est raisonnable et utile. Les villes moyennes, telles .que sont toutes celles qui se trouvent à neuf lieues à la ronde de Paris ne jalouseront point la,capitale, qui sera particulièrement pour elles, l'aînée de la famille, leur utile et puissante amie Elles en tireront par l'union la plus intime, .des ressources inestimables : Versailles* Saint-Germain, Pontoise, Senlis, Brie, Etampes, et deux autres encore, quii seront cbef-lieu de district, qui fourniront de leurs citoyens pour les deux assemblées 4e,départe-ment général ;et de municipalité,(district à Paris, n'auront-elles' pas un relief distingué, une toute autre : puissance que si elles étaient simplement unies entre elles sans aucun lien avec cette grande cité? •
C'est une étrange idée encore de trouver extraordinaire que la capitale de la France réunisse dans spn sein toutes les importantes institutions qui seront dispersées çà et là dans les villes de, provinces. Comme si. le cheMieu. de l'empire français pouvait être trop grand, trop majestueux, et dût n'avoir qu'un éçlat terne et qu'une faible influence. Oui, il faut trouver tout à Paris ; il faut que ce soit le fidèle miroir de la France entière, et la juste image de sa grandeur. On le trouve trop étendu et trop peuplé. C'est une erreur sensible. Il est, j'ose le dire, étroit et désert pour une. si vaste et si puissante monarchie, voyez Londres, dont l'étendue et la population étant les mêmes, surpasse, • par rapport à l'Angleterre, dix fois nos proportions par rapport à la France.
Rappelez-vous Alexandrie peuplée de cent cinpuante mille habitants, et qui n'était pas la capitale dé cette Egypte grande comme une de nos provinces, Antioche dans le petit Etat de Syrie, et renfermant dans ses murs douze cent mille âmes; a ce moment encore, considérez les villes du troisième ordre dans la Chine avec des millions dë,citoyens ; et qu'on dise que les grandes, cités appauvrissent et dépeuplent les campagnes ; èlles les enrichissent et les fécondent. L'Espagne ne fera jamais rien de grand, et n'aura toujours qu'une population rare et indigente,; sa capitale est trop faible, le foyer de l'Etat n'a pas assez de chaleur, et tout languit,, malgré l'or du Pérou, dans ses belles provinces que la nature a vainement favorisées de ses^don s les plus chers. Je ne veux pas répéter des vérités sentiesrde tout homme capable de réfléchir sur les avantages inestimables qui résultent de l'étendue et de la population d'une grande capitale, pour le com-
merce, l'agriculture^ les consommations, le travail productif des denrées, les, beaux-arts, les sciences, le progrès de l'esprit humain et tous les grands intérêts d'une grande nation. Je . me borne à un seul qui renferme tout, et je finis : c'est la liberté. Français de toutes les provinces, la liberté! C'est en son nom que je vous conjure de ne pas jalouser la puissance et l'éclat, ; mais au contraire d'aimer et d'agrandir la force et l'énergie de votre capitale. Si ellei eut été moins puissante et moins imposante, vous étiez esclaves à-jamais.. Vous êtes - libres par elle, et si vous l'affaiblissez, comme vos adversaires incapables vous l'insinuent, vous ne resterez pas li- ; bres, vous retomberez dans les fers de l'aristocratie de .toutes parts. Vous n'aurez plus de foyer de chaleur, vous n'aurez plus de centre de réunion ; vous n'aurez plus ce qui donne l'âme et la vie à un puissant empire. Agrandissez, embellissez, encouragez Paris; c'est, la patrie commune de tous ies Français; qu'elle devienne enfin ce qu'elle doit être, la plus florissante comme la plus libre cité de l'univers !
Je conclus, Messieurs. Un. département de même proportion que les autres, à Paris : ce département ayant toujours ici son assemblée entièrement distincte de la municipalité, qui sera surveillée par cette administration- générale ; un des neuf districts du département à Paris, le district formé sur le plan de M. dé Vauvilliers. La municipalité unie a ce district,! et ne formant avec lui qu'un seul corps indivis. Cependant la municipalité de Paris restreinte à ses murs, comme municipalité, mais ayant, inspection sur les municipalités adjacentes, comme district, et admettant en conséquence dans son sein, le petit nombre de ; représentants que les autres communes auront le droit d'avoir, selon les proportions réglées pour toute la France; toutes les grandes institutions conservées ou établies sous une meilleure forme dans son enceinte, pour concourir plus efficacement à la conservation de la liberté, à la splendeur de l'Etat, à la prospérité de toutes les provinces du royaume, et a la gloire de tout l'empire français.
Voilà ma motion, mes raisons et mes vœux.
Messieurs, la France ddit donc cesser d'être un assemblage de pièces posées les unes à côté des autres, sans adhérence mutuelle; nos Assemblées nationales tîe seront plus vouées à l'impuissance et à l'inaction auxquelles les destinait un défaut dé liaison des parties et le contraste de chaque administration particulière. L'esprit public triomphera de ce barbare monument; résultat informe au développement successif du système féodal,
et nous jouirons de la constitution que Charle-magne avait donnée à la France.
L'administration actuelle de ce beau royaume offre, dans sa forme quelque chose de républicain ; ses.parties étant séparées et sans correspondance» les différents droits et usages des portions en varient le gouvernement et le laissent sans activité et sans concert. Les roues d'une machine aussi compliquée s'embarrassent nécessairement, et il est impossible de leur imprimer un mouvement uniforme et utile.
L'administration nouvelle que créera l'Assemblée nationale aura dans son sein un centre de réunion qui doit bannir désormais l'intérêt, l'ignorance et l'intrigue qu'enfantèrent jusqu'à présent l'esprit de corps et les prétentions des intérêts particuliers : on ne sera plus patriote pour sa province, et mauvais citoyen pour l'Etat; chacune d'elle n'aura plus une espèce de gouvernement et de souveraineté dans son ressort; le conflit dé ces petites passions ^'allumera plus ni le feu de la discorde, ni ces querelles intestines qui déconcertèrent les administrateurs les plus sages ; hâtons-nous, Messieurs, de nous reposer dans la seule constitution qui convienne à un grand Etat qui veut être libre, celle où un petit nombre, dépouillé d'affections ennemies et locales, délibère pour tous au nom de tous, et où un seul exécute pour un seul intérêt, celui de l'Etat.
L'uniformité de ce nouveau régime^n'est pas le seul avantage qui le caractérisera; une' vigilance, une inspection directe et attentive assureront le bonheur et là confiance de toutes les parties qui lui seront soumises. Les ; anciennes administrations provinciales n'étaient véritablement utiles qu'aux grandes cités; leurs commissions intermédiaires étaient presque toujours composées des députés de la capitale. Le temps rapide de l'Assemblée, la séduction d'un travail préparé enlevaient aux représentants des parties éloignées de la province toute influence sur ses opérations. La ville dominante accaparait les richesses, les moyens d'émulation, les ressources d'encouragement, car tout se porte au foyer de l'intérêt ou au théâtre de l'honneur. ;
Les trois provinces de Lorraine, du Barrois et des Trois-Evêchés, réuniront au précieux avantage d'être des parties liées à un grand tout, celui de remédier aux inconvénients majeurs que produit la bizarre circonscription de chacune d'elles. Aucune de ces trois provinces n'a des parties contigués les unes aux autres, et cette inégalité choquante est la plus incommode pour les gouverner, de toutes celles qui existent en France.
Quoi de plus préjudiciable aux habitants de ces cantons, que d'être obligés de s'adresser à des points très-éloignés de leur demeure* et tous différemment situés, de parcourir"de très-grandes distances pour trouver, dans un point, l'administration: ; dans un autre, la cour de justice; dans celui-ci, la cour d'attribution ; dans celui-là, la recette des impositions; dans un autre enfin, le diocèse; et;quoi"de plus juste et déplus naturel qu'une division qui fera disparaître ces servitudes onéreuses que le préjugé même des cantons rougirait de défendre, puisquelles consument le temps et les facultés des habitants des campagnes.
Mais, en adoptant ce plan d'uniformisation qui unira les peuples de ces trois provinces, il faut aussi concilier leurs droits et leurs intérêts respectifs. Député du Barrois, je dois mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale les titres sacrés
qui maintiendront cette province dans l'une des divisions qui doivent lui être accordées.
Le duché de Bar a cinquante lieues de longueur, sur douze de largeur : il contient une population de plus de trois cent mille âmes, renfermée dans sept cents villes, bourgs ou villages, non compris le Glermontois, démembré en 1641.
Le Barrois est représenté à l'Assemblée nationale par trois députations formées dans les assemblées de onze bailliages secondaires, dont les électeurs ont été convoqués à Bar-le-Duc, pour leur réductiou.
Quoique uni à la généralité de Lorraine, le Barrois a toujours formé une province à pârt, ayant constamment, où ses Etats provinciaux, ou ses administrateurs particuliers jusqu'à ce jour.
Le duché de Bar, disait en 1749, M. l'avocat général le Bret, est une province française régie par le concordat, qui, avant et depuis son union au gouvernement de la Lorraine, n'a jamais perdu sa primitive constitution. Il n'y a rien en cela qui doive étonner, puisqu'il existe dans le royaume plusieurs généralités d'une moindre étendue, d'une importance moindre que n'est le duCliéi; de Bar, telles que celles de Yalenciennes et de Perpignan. Bar-le-Duc est 'la capitale de cette province : c'est dans cette ville, peuplée de douze mille âmes, siège de plusieurs tribunaux, que se sont tenus les derniers Etats généraux de ce duché, jusqu'en 1664; c'est dans son sein que reposent de tout temps les archives de ses Etats, qui se sont aussi ténus à Saint-Mihel et à Pont-à-Mousson ; c'est à Bar que se sont toujours faits, que se font encore le régalement, le régime des subsides imposés sur le duché, la vérification de la comptabilité des villes, et la réception des foi et hommage des vassaux du Roi;
Cette province a aussi joui d'une cour suprême de justice ordinaire, qui a siégé à Saint-Michel, et Bar possède une chambre dés comptes que Chopin a distinguée comme la plus ancienne du royaume.
L'exécution du plan du comité de constitution doit laisser au Barrois l'avantage dont cette province jouit depuis neuf siècles de s'administrer elle-même ; alors elle concertera, avec les autres départements des provinces de Lorraine et des Évêchésj une répartition tie territoire qui sera pour toutes une première base de félicité publique. La ville de Bar-le-Duc énonce, Messieurs, avec d'autant plus de sécurité et de raison le vœu et les droits d'un pays dont elle est la capitale, que pressentant le patriotisme qu'ont dédéployé les représentants de la nation, elle a fait par ses cahiers, le sacrifice du privilégè d'exemption de toute imposition dont elle jouit depuis neuf siècles ; privilège nécessaire au maintien de sa population, dont l'anéantissement aurait sur elle une très-fâcheuse influence.
Quand ce duché ne jouirait pàs d'un régime particulier et local, aussi ancien que son existence, le commerce si important de ses vins, qui fournissent seuls aux moyens de subsistance de ses habitants et à l'acquit des impôts, exigerait la Création d'une administration patriotique et locale ; mais ils 1a possèdent, ils ne peuvent la perdre; c'est d'elle que* dépendra principalement la régénération et le bonheur de leur patrie; entièrement dévouée aux décrets de l'Assemblée nationale, elle a aussi une confiance sans réserve en sa justice.
Messieurs, la proposition de M. le comte de Custine est anticonstitutionnelle ; elle est antipatriotique ; : elle est anticatholique. Voilà, sans art,- sans détour, le jugement que j'en ai porté, après l'avoir examinée sous ses rapports les plus intéressants ; celui, j'ose l'espérer., que vous en porterez vous-mêmes, lorsque vous aurez entendu ma. discussion, si déjà vous ne l'avez porté. Pour tout autre sujet, je vous demanderais vôtre attention; pour celui-ci je me crois dispensé de la solliciter ; son importance suffît seule pour m'en assurer.
En qualifiant la proposition de M. de Custine anticonstitutionnelle, je tire une première vérité d'un silence profond ; j'en consacre une seconde à un souvenir éternel.
v Avant la session présente de l'Assemblée nationale, à remonter jusqu'au quatrième siècle, notre gouvernement était monarchique ; la couronne^, était héréditaire ; le trône appartenait de droit à la primogéniture masculine; la,royauté no pouvait tomber en quènouille... En'France tout citoyen avait droit à sa propriété et à sa liberté... Ces lois constitutionnelles, ainsi que plusieurs autres touchant les droits réciproques du monarque et des sujets, étaient reçues comme faisant régie dans toute l'étendue de l'empire français.
Donc il existait une constitution quelconque: c'est la vérité que je tire d'un oubli d'autant plus profond que, jusqu'à ce iour, aucun membre honorable ne lui avait fait hommage, en traitant de la constitution. La distraction n'èst-elle pas étonnante? Comme cependant je ne me la reproche pas, je pense volontiers que bien d'autres ont aussi leurs raisons pour ne se la point reprocher.
La liberté du culte adopté par l'Église catholique, apostolique et romaine, doit être déclarée par VA ssembîée nationale ; c'est* Messieurs, cette autre vérité que je désire consacrer à un souvenir éternel ; celle que j'oppose à la très-récente proposition de M. de Custine ; celle que sans ' doute, il aurait respectée, s'il eût connu les faits que je vais avoir l'honneur de remettre sous ses yeux, ^
Cet article fut déclaré loi fondamentale du. royaume par Henri III, et par les trois: ordres aux Ëtàts généraux. Premier fait. (Tome IV, p. 134 du recueil des pièces justificatives concernant les Etats, etc.)
Nos I Rois* en jurent l'observation et l'accomplissement le jour de leur sacre. Second fait; que le parlement de Paris rappelait eh ses remontrances du 12 février 1562, lorsque Se raidissant contre l'édit de tolérance, il disait à Charles IX : « Le Roi, comme ses prédécesseurs, en son sacre, a, naguère, fait serment solennel, et exprès, de chasser les hérésies de son royaume; il y est obligé envers Dieu (2). »
Les protestants ayant démandé aux Etats de 1614, que l'article de .ce serment fut supprimé, il fut arrêté, de toutes les voix, qu'il subsisterait'. Troisième fait. (P. 288 du recueil cité.)
Bien plus, le Roi ayant fait demander aux Etats qu'ils retranchassent les mots inviolablement, et selon le serment fait au sacre : ils persistent à ne vouloir pas faire ce changement. Quatrième fait, auquel je joindrai l'anecdote suivante par forme d'éclaircissement.
M. Turgot, grand partisan de la tolérance, en poussa le système jusqu'à imaginer d'inviter à abolir une des .cérémonies du sacre, « il trouvait, dit l'auteur de sa vie. (p. 128), que dans celle qui. est en usage, le Roi accordait trop à son clergé, et trop peu à la nation ; qu'il y jurait de détruire les hérétiques ; qu'il y faisait un serment qu'il ne pourrait tenir sans violer les lois de l'humanité ; un serment que Louis XIII et Louis XIV avaient été obligés d'éluder en publiant, dans une déclaration, qu'ils n'entendaient pas y comprendre les protestants, c'est-à-dire, les seules hérétiques qui fussent dans leurs Etats. M. Turgot croyait qu'une promesse publique et solennelle ne pouvait pas êtré une vaine cérémonie, et que, lorsqu'un Roi prenait, à la face du ciel, .un engagement avec les hommes, il ne devait jurer de remplir que des devoirs réels et importants. »
Sur. cette observation, Messieurs, j'aurai l'honneur de vous en proposer deux : 1° M. Turgot ne faisait pas attention .que l'édit de Nantes subsistant aux époques du sacre de Louis XIII et de Louis XIV, ce fut une nécessité pour ces princes de déclarer qu'ils n'entendaient pas comprendre les protestants dans leur serment de détruire l'hérésie.
. Lë sacre de Louis XV et de Louis XVI, au contraire, étant postérieurs à la révocation de l'édit de Nantes, il était très-conséquent, de leur part, de faire le serment du sacre selon la formule ancienne,, et le ministre avait mauvaise grâce d'en proposer l'abolition.
2° Je demande acte de la conséquence de l'aveu de M. Turgot : 1?. Que les protestants sont des hérétiques; 2°.qu'un serment solennel ne peut-être une-uame cérémonie ; 3° puis de celle du sacre réunie aux faits cités et consacrés dans les fastes de la monarchie française. Je conclus ce que j'ai dit en premier lieu de la proposition de M." le comte de Custine, qu'elle est : anticonstitutionnelle, c'est-ârdire qu'elle tend à détruire l'ancienne constitution, à retrancher les* bases les plus solides du gouvernement, à ébranler la monarchie jusque dans ses fondements. Quelle maniéré de régénérer l'Etat !
Très-anticonstitutionnelle, la proposition du membre honorable est antipatriotique, très-contraire au bien de la patrie, à la tranquillité du royaume, à ce lien de concorde qui doit y unir les citoyens. Ce qui me le fait dire avec ce ton de confiance qu'inspire la perception claire d'une grande vérité profondément méditée, c'est, Messieurs, l'expérience, qui seule doit diriger là raison dans les discussions politiques, surtout lorsqu'elles présentent un même résultat,1° dans un très-long intervalle de temps, 2° sous chacun des régnes qui se sont succédé pendant ce long intervalle. A quoi sert l'histoire des siècles et des empires, si les tristes événements du passé
ne nous précautionnent pas contre les tristes événements de l'avenir ?
Je l'ai consulté, ce maître des hommes les plus sages dans tous les âges, je l'ai consulté relativement à la religion juive et à la religion calvinienne principalement, comme étant les religions fausses les plus ^connues en notre France-, déjà je me suis expliqué sur la première dans un imprimé de 18 pages (1). Pour m'expli-quer maintenant sur la seconde avec une juste étendue, je vâis, Messieurs, mettre sous vos yeux le tableau raccourci de ce qu'a fait la secte calvinienne sous François 1er, sous Henri II, sous François II, sous Charles IX, sous Henri III, sous Henri IV, sous Louis XIII, sous Louis XIV et même sous Louis XV. Puis à la manière des historiens, je remonterai de ces faits à leurs principes, que j'aurai l'honneur de vous exposer, sans préjugé, sans passion, sans autre vue que celle du bien public, sans m'écarter de ces trois principes, savoir : 1° Que je dois aimer mes frères errants comme en effet je les aime tous en Dieu et pour Dieu ; 2° que ma conduite envers eux et les non-catholiques doit être calquée sur ces textes de saint Paul : Evitez-les; de saint Jean : Ne les saluez pas ; d'où il suit qu'un pasteur ne doit pas moins craindre pour les siens, ceux qui peuvent nuire à leur foi que ceux qui nuiraient à leurs mœurs; 3° qu'en matière de lois, faire abstraction ae la vraie religion, ce serait nous rejeter dans les siècles barbares de l'antique philosophie. Donc cette question, mise à la tête de ma discussion, n'est point déplacée : quœ societas, etc. Donc je puis ici demander : Quelle société de la lumière l avec Verreur ? du catholique avec l'hérétique ? Peut-elle être bien intime entre deux hommes divisés sur le point le plus essentiel ?
n,Ces principes incontestables, posés et admis, je dis :
SOUS FRANCOIS Ier.
Les calvinistes n'étant point encore assez puissants en France pour y prendre les armes, hrent des efforts incroyables pour grossir leur parti. Le prince s'en aperçut, il comprit que l'esprit de la réforme était un esprit d'inquiétude, d'indépendance et de sédition; il donna ses ordres, et Calvin obligé de sortir du royaume, se vengea de la juste fermeté du monarque en faisant répandre des libelles satiriques contre le gouvernement. Voilà en peu de mots les premiers souffles du calvinisme en France.
SOUS HENRI II.
Les novateurs profitèrent de la guerre d'Allemagne en 1555 pour s'établir à Paris, à Orléans, à Rouen, en plusieurs autres villes; ils y applaudirent aux malheurs et aux larmes de la France désolée par la perte de la bataille de Saint-Quentin en 1557. Ils y firent éclater de la manière la plus indigne, par leurs paroles, par leurs actions, par leurs écrits scandaleux, la joie excessive que leur causa la mort d'un prince qui avait su réprimer leur audace.
SOUS FRANCOIS II.
Les sectaires formèrent l'exécrable projet, connu sous le nom de conjuration d'Amboise (1), château où était le jéune roi avec la reine sa mère. Là où ils voulaient se saisir de la personne sacrée du monarque, sinon pour le faire mourir, bien certainement pour l'enlever au duc de Guise et au cardinal de Lorraine. M. Bossuet s'expliquant sur ce fait détestable (tome II des Variations, p. 20-30), observe que :
« Il ne s'agissait de rien moins que d'allumer dès lors? dans tout le royaume, le feu de la guerre civile. Tout le gros de la réforme, dit-il, entra dans ce dessein... Bèze témoigne un regret extrême de. ce qu'une si juste entreprise ait manqué, et en attribue l'insuccès à la déloyauté de quelques-uns... Il est vrai qu'on a voulu donner à cette conjuration un prétexte de bien public; mais quatre raisons montrent que c'était, au fond, une affaire de religion, t et une entreprise menée par les réformés. La première, etc. (p. 21 et suiv.)
a Si nous en croyons Brantôme, l'amiral était bien dans une meilleure disposition... mais ce grand homme d'honneur... ne laissa pas deux àns après, de se mettre à la tête des calvinistes rebelles, et de signifier de leur part, au jeune prince, qu'ils allaient appuyer leurs demandes par 50,000 hommes. »
Que de sang répandu dans toute la France, sans la sage précaution du monarque, qui fit arrêter le roi de Navarre pendant les Etats d'Or- -léans, et instruire le procès du prince de Condé!
SOUS CHARLES IX.
« Le parti n'eut pas plus tôt senti ses forces, qu'on n'y médita rien moins que de partager 1 autorité, de s'emparer de la personne du Roi, et de faire la guerre aux catholiques (tome III des Variat., p. 218).
« Tandis que les calvinistes ne prétendaient, en France, qu'à la tolérance, ils affectèrent en Béarn l'intolérance la plus outrée... A Orthez se fit un carnage horrible, surtout des prêtres, des religieux , puis de la noblesse ; comme si le 24 d'août eût été, en ce siècle, une époque sinistre, consacrée a des exécutions barbares.
« Ge jour-là même, un grand nombre de gentilshommes fut poignardé à Pau, contre la foi des traités, et par la noire perfidie des calvinistes.
« L'histoire dépose que Charles IX jura de s'en venger, et que des cet instant il médita d'user de ces représailles qui eurent lieu trois ans après; représailles que les uns sans doute ont eu tort d'excuser, mais que d'autres aussi ont eu tort de rejeter sur le clergé, comme instigateur de l'exécrable projet. »
Ici, Messieurs, je suis, comme vous, saisi d'effroi à l'aspect du sang de mes frères coulant à grands flots, en cette ville fameuse, le jour trop mémorable de Saint-Barthélémy : mais aussi, Messieurs, comme moi, ne frémissez-vous pas d'indignation, lorsque vous observez la noire calomnie, du théâtre, maniant habilement son infernal pinceau, et vous représentant un prince
de l'Eglise qui, en habits pontificaux, bénit les poignards dont le sein de nos frères doit être percé? Elle ose ainsi peindre : où? quand?... Je me tais... Je ne reprends la parole que pour te le demander, à loi, Paris! à toi, que nous nommions hier la bonne ville! Eh! comment aujourd'hui tes habitants font-ils leurs délices de ces scènes d'horreurs? (1) Ensevelissons-en le souvenir, Messieurs, et avec un de nos sages magistrats, écrions-nous : excidat Ma dies œvo, nec postera credant scecula.
SOUS HENRI 111.
Quoique vaincus à Dreux, à Saint-Denis, à Jarnac, à Moncontour, sous son auguste prédécesseur, leur chef, le prince de Condé, entra en France à la tête de 11,000 Allemands. Une nouvelle victoire remportée sur les rebelles, les rendit plus traitables. L'édit de Poitiers semblait avoir éteint l'incendie, mais le feu se ralluma bientôt dans la Guyenne, dans le Languedoc, dans le Dauphiné, etc. Toujours mêmes-forfaits, mêmes horreurs, mêmes rébellions. En Languedoc, nouvelle confédération, où les sectaires proclament Henri, roi de Navarre, et le prince de Condé, protecteurs nés du royaume, sous Vautorité de Sa Majesté. N'était-ce pas se servir de son nom pour lui faire la guerre? De là, Messieurs, cette fameuse ligue contré les huguenots, qui désola la France, et qui ne finit que
SOUS HENRI IV.
Quel prince je viens de nommer ! j'aime à le penser, Messieurs, son nom seul a excité en vos cœurs un sentiment d'amour, mêlé d'admiration. Cependant ce prince si aimable ne fut point aimé des sectaires. J'en trouve la preuve dans leurs écrits et dans leur conduite.
Lorsque Hènri le Grand revint à la foi de ses pères, les calvinistes lui firent une adresse, où ils disaient : ne doutez pas qu'en vous faisant catholique, vous ne couriez à votre ruine, et qu'en abandonnant le parti des réformés, ils ne vous abandonnent aussi. Fous connaissez leur promptitude et leur résolution (c'est-à-dire, leur disposition à la révolte); terminant cette missive insolente, ils rappellent que les armées des protestants ont mis le pied-sur la gorge à toutes les principales villes de France. Voilà un échantillon de la manière d'écrire des sectaires.
Lorsque Henri IV sacrifiait son repos et sa vie pour la défense et la gloire de la .patrie, ils saisirent les caisses publiques ; ils affrontèrent son autorité ; ils pressèrent l'Angleterre et la Hollande de traverser les négocations de la paix de Vervins ; ils sollicitèrent le duc de Lesdi-guières de joindre ses troupes aux leurs, et de livrer le Dauphiné au duc de Savoie ; ils tourmentèrent le bon Roi jusqu'à ce qu'en 1598, ils eu obtinrent cet édit de'Nantes, qui souleva à la fois le conseil, les ^parlements, la capitale et le royaume entier.
Eut-on pu le penser, Messieurs? Cet édit, qui surpassait leurs espérances, fut cependant le germe de nouveaux attentats. D'un grand nombre, je ne vous citerai que les suivants.
Henri avait proscrit toute correspondance entre les calvinistes et les étrangers. Cependant les ministres des cantons Suisses furent invités par le Synode provincial d'Ablon,. d'envoyer leurs députés à l'assemblée générale.
On leur avait promis d'occuper les charges et offices publics; ils eurent la hardiesse de s'opposer a ce qu'jls fussent remplis par les catholiques du Languedoc; ils méprisèrent les ordres du Roi les rappelant à l'ordre. Avec les calvinistes des autres parties du royaume, ils statuèrent dans un synode que, sans avoir égard à l'ordonnance du Roi, ils se maintiendraient dans l'état où ils avaient été avant l'édit de Nantes. Tel était l'état des choses lorsque Henri IV, déterminé enfin à parler et agir en maître, tomba sous le fer de ce monstre exécrable, qui osa trancher le fil des jours d'un Roi à jamais chéri de tous les bons Français.
SOUS LOUIS XIII.
Les novateurs demandent qu'il leur soit permis de fortifier toutes leurs places de sûreté. Ils demandent que la somme de 45,000 écus,stipulée pour l'entretien de leurs ministres, soit augmentée. Ils demandent que leurs députés généraux à la cour, soient payés par le Roi. Ils demandent qu'outre les cent troi3 places que l'édit de Nantes léur accorde, il leur en sôit livré en douze autres provinces. Que ne demandaient-ils le royaume tout entier ?
La Rochelle était le boulevard de la révolte suggérée par l'hérésie. C'est là que le plan projeté longtemps auparavant, de changer la monarchie française en république, qui serait administrée par les calvinistes, eut enfin son exécution. Tout le royaume devait être partagé en huit cercles. On avait dressé un règlement en 47 articles, que devaient observer les commandants, sous l'autorité souveraine de l'Assemblée, séante à la Rochelle.
Ici, Messieurs, je ne vous présenterai le tableau ni de cette audace des calvinistes, ni du siège de la Rochelle, qui.en fut la suite, ni de3 horreurs de la famine qu'éprouvèrent les Rochelois, ni de la honte de ces fiers républicains, forcés à invoquer à genoux la clémence du Roi; le tableau de ces grands événements, arrivés sous le ministère du cardinal de Richelieu, vous est connu. Ce que j'observerai donc, parce que le malheur des temps l'exige, c'est que de là est née cette haine implacable qu'ont vouée à l'iipmortel cardinal les philosophes modernes, secrètement ulcérés contre les vengeurs de l'autorité royale. Cette pensée va se présenter sous l'article suivant.
SOUS LOUIS XIV.
A ce nom, Messieurs, peut-être avez-vous déjà entendu retentir à vos oreilles ces mots : despotisme, fanatisme, superstition. Cette voix est celle de la philosophie moderne, qui, ayant juré d'opérer une conversion générale dans toutes les idées, altère et anéantit les annales de l'histoire, verse le fiel sur la réputation des héros religieux, et voue à l'anathème la grandeur de Louis XIV, parce qu'elle avait pour base le respect et l'amour de la religion.
Un fait sur lequel nos philosophes l'attaquent principalement, est la révocation du fameux édit de Nantes, iaquelleils qualifient ou impolitique, ou cruelle, ou irréligieuse, Les uns partiellement , les autres collectivement. Ils l'attaquent
encore sur plusieurs articles : comme sont, ses guerres, la magnificence de sa cour, les inclinations de son cœur... Mais ne sortirais-je pas de l'ordre si je discutais ces points? Je mé bornerai done, Messieurs, au seul coup d'autorité que j'ai cité d'abord, à la révocation, en 1685, de l'édit, de Nantes, donné par Henri IV, en 1598. Voici les motifs qui justifient cet acte à nies yeux et le justifieront, non à ceux de la nouvelle philosophie, mais à ceux d'une raison saine, qui sera de tous les temps, de tous les lieux, de toutes les têtes, bien organisées, ces motifs furent :
1° Les réquêtes et les députations importunes -et séditieuses par lesquelles les calvinistes fatiguaient continuellement la coUr ;
2° Leurs séditions à Nîmes, à Florac, à Mon-tauban et en plusieurs autres lieux ;
3° Leurs contraventions aux édits et aux dé-, clarations données en interprétation de l'édit de Nantes ; celles-ci, par exemple, d'avoir reçu des apostats et des relaps ; d'avoir multiplié leurs temples, contre la disposition de l'édit de 1598. Pourquoi, le nombre de la secte étant notablement-diminué, voulaient-ils les multiplier?
4° L'édit n'avait été accordé qu'aux seuls calvinistes. Or, des ministres, plus.de moitié étaient devenus soCiniens, et prêchaient publiquement les maximes les plus dangereuses.
5° Enfin, prince aussi politique que religieux, Louis XIV, après avoir bien pesé dans sa sagesse, les avantages et les inconvénients de son édit de révocation, ne le porta qu'après avoir aperçu la nullité de ceux-ci comparés à ceux-là.
Aussi, Messieurs, ne vois-je qu'exagérations outrées, en ce que les ennemis de la gloire de ce grand Roi lui opposent aujourd'hui. ^
Exagération outrée dans le calcul des hommes sortis de la France en vertu de l'édit de révocation ; leur nombre est moindre que celui qu'eut emporté une guerre de longue durée. Peut-on blâmer Louis XIV d'avoir fait pour l'honneur de la religion et pour assurer la tranquillité de l'Etat, des sacrifices pareils à ceux qué font quelquefois les princes par ambition et par caprice ? Ecoutons, Messieurs, sur ce point, M. le duc de Bourgogne, père de Louis .XV, dans son excellent discours au conseil de Louis XIV; il disait à LouisXIV, son aïeul : «On a exagéré infiniment le nombre des huguenots qui sortirent du royaume à cette occasion, et cela devait être ainsi. Comme les intéressés sont les seuls qui parlent et qui crient, ils affirment tout ce qui leur plaît. Un ministre qui voyait son troupeau dispersé, publiait qu'il avait passé chez l'étranger, un chef de manufacture qui avait perdu deux ouvriers, faisait son calcul, comme si tous les fabricants du royaume avaient fait la même perte que lui. Dix ouvriers sortis d'une ville où ils avaient leurs connaissances et et leurs amis, faisaient croire, pàr le bruit de leur fuite, que la ville allait manquer de bras pour-tous ses ateliers...
« Quand le nombre des huguenots qui sortirent de France à cette époque, monterait, suivant le calcul le plus exagéré, à 67,732 personnes (1), il ne devait pas se trouver parmi ce nombre, qui comprenait tous les âges et les.deux sexes, assez d'hommes utiles, pour laisser un grand vide dans lés campagnes et dans les ateliers, et influer sur le royaume entier.... On ne s'aperçut pas du prétendu vide au moment où il
se fit, et on s'en plaint aujourd'hui. 11 faut donc en chercher une autre cause ; elle existe, en effet, et si on veut la savoir, c'est la guerre. Quant à la retraite des huguenots, élle coûta moins d'hommes utiles à l'Etat, qu'une seule année de guerre civile. « N'ai-je donc pas pu le dire ? Exagération outrée : 1° Dans lé calcul des hommes.
Exagération outrée : 2°, Dans le calcul du numéraire, transporté de France en Allemagne. Ce que dit Voltaire à ce sujet n'existe que dans son imagiuation. L'homme raisonnable comprend bien qu'on doit trouver en Allemagne beaucoup d'argent de France, à cause des armées que nous y avons de temps en.temps; mais il ne s'avisera pas de dire que c'est l'argent que les réfugiés y ont porté il y a un siècle et au delà.
Exagération outrée : 3a Dans le calcul Commercial. Le détail que Voltaire fait des manufactures d'étoffes, de galons, de chapeaux, de bas, etc., qui furent transportés chez l'étranger, n'est que la déclamation d'un avocat qui soutient uue mauvaise cause. Sous Louis XV, notre commerce, en tous ces objets, s'est trouvé plus étendu qu'il ne l'avait jamais été sous Louis XIV.
Exagération outrée : 4° Dans.le calcul.des richesses des villes du Nord, ensuite de la révocation de l'édit de Nantes. Ces villes, n'en déplaise aux disciples du prétendu philosophe, n'étaient point agrestes avant l'émigration des calvinistes ; dès lors Brème, Hambourg, Lubec, et plusieurs autres villes étaient déjà des villes très-puissantes et très-riches. D'après ces justes observations, Messieurs, qu'il me soit permis de le demander, quelestdoric le délire de ce siècle philosophique, qui vomit, à pleine bouche, des imprécations contre la mémoire de Louis XIV? de Louis le Grand ? de Louis tellement grand, que son siècle porte son nom?
SOUS LOUIS XV.
Qu'a fait la religion prétendue réformée? ce prince nous l'apprend dans la déclaration de 1724. Ily est dit qu'il a été informé qu'il s'est élevé et s'élève journellement, dans Je royaume, plusieurs p'rédicants qui ne sont occupés qu'à exciter le peuple à la révolte.De peur, Messieurs, de fatiguer votre attention par le détail des faits des calvinistes, en 1742, en 1743, en 1744, etc., etc., je me bornerai à ce seul mot de Louis XV, approuvant dans son conseil la sage politique de Louis XIV. Remontant dès actions des calvinistes, sous huit rois, jusqu'à leurs principes, je dis, Messieurs : .
Nous jugeons du caractère d'un particulier par ses actions; nous disons d'un homme qu'il est ivrogne, lorsque nous l'avons vu ivre très-souvent pendant un très-grand nombre d'années. Nous jugeons aussi du caractère de divers peuples par leurs actions. D'après elles, nous disons de l'un, il est léger ; de l'autre, il est traître, etc., etc. Des Grétois, nous eussions pu dire autrefois qu'ils étaient des ventres paresseuxdes menteurs.
Donc si la secte calviniste, depuis François Ier jusqu'à Louis XV, a fait la guerre à ses rois; si elle leur a livré quatre batailles, rangées, etc., on peut souscrire à ces qualifications qui lui ont été données, que c'est une secte audacieuse dans sa naissance, séditieuse dans son accroissement, républicaine dans sa prospérité, menaçante dans ses derniers soupirs. Ce tableau; Messieurs, ne vous
paraîtra pas trop chargé, lorsque vous aurez entendu l'élève de Fénélon, le duc de Bourgogne, père de Louis XV, raisonnant sur le calvinisme, relativement à la France.
« Je ne rappellerai pas en détail, disait-il au conseil de Louis XIV, cette chaîne de désordres consignés dans tant de monuments authentiques, ces assemblées secrètes, ces serments d'associations, ces ligues avec l'étranger, ces refus de payer les tailles, ces pillages des deniers publics, ces menaces séditieuses, ces conjurations ouvertes ces sacs de villes, ces incendies, ces massacres réfléchis, ces attentats contre les rois. lime suffit de dire que depuis François 1er jusqu'à nos jours, c'est-à-dire sous sept règnes différents, tous ces maux et d'autres encore ont désolé le royaume avec plus ou moins de fureur.
: « Voilà le fait historique, que l'on peut charger de divers incidents, mais que l'on ne peut contester substantiellement et révoquer eu doute. Or, c'est là le point capital qu'il faut toujours envisager dans l'examen politique de celte affaire.... Il est vrai que les huguenots ont causé moins de désordres éclatants sous le règne actuel que sous les précédents; mais c'était moins la volonté de remuer, qui leur manquait, que la puissance; encore se sont-ils reudus coupables cle quelques violences, et d'une infinité de contraventions aux ordonnances....
« Malgré leurs protestations magnifiques cle fidélité et leur soumission en apparence la plus parfaite à l'autorité, le même esprit inquiet et fâcheux subsistait toujours. Dans le temps que le parti faisait au Roi des offres de services, et qu'il les réalisait même, on apprenait par des avis certains qu'ils remuaient sourdement dans les provinces éloignées, et qu'ils entretenaient des intelligences avec l'ennemi du dehors. Nous avons en main les actes authentiques des synodes clan-destins, dans lesquels ils arrêtaient de se mettre sous la protection de Cromwel, dans le temps où l'on pensait le moins à les inquiéter, et les preuves de leurs liaisons criminelles avec le prince d'Orange subsistent également.
C'est, Messieurs, le portrait que le duc.de Bourgogne faisait des calvinistes, celui qui s'est trouvé dans les papiers de feu monseigneur le Dauphin, père de Louis XVI; celui qu'ont tracé les protestants eux-mêmes les plus accrédités.
Ils sont séditieux et amis du tumulte, perturbateurs de la paix publique et de la tranquillité des empires. Ils nont qu'un plan, celui d'exciter des factions, des soulèvements., des divisionsf des massacres et l'effusion de sang. C'est sous ces traits odieux que le protestant Jean Schutz ies dépeint.
Partout où les disciples de Calvin sont devenus dominants, ils ont bouleversé le gouvernement. L'esprit du calvinisme est d'outrager et de tout brouiller. C'est le témoignage de Grotius, protestant lui-même. Est-il récusable? M. de Gustine le connaissait-il? avait-il bien combiné les faits avec les principes des calvinistes, quand il écrit que la liberté du culte public de toutes les religions doit être déclarée par VAssemblée nationale ? Sa proposition est anticonstitutionnelle, elle est antipatriotique, je l'ai prouvé. Elle est anticatholique, c'est la troisième partie de ma contre-motion ; la méthode que j'ai suivie pour discuter la seconde est celle que je suivrai dans fa discussion de la troisième.
Sous le faible Charle IX, ils s'assemblent à Sainte-Foix, et y déclarent que la religion catholique doit être anéantie dans le royaume. En Dauphiné, ils brûlent, ils démolissent ies églises;
ils pillent les vases sacrés: ils abolissent le sacrifice de nos autels ; ils y substituent le prêche ; ils forcent les catholiques à y assister; ils y traînent un parlement tout entier; ils massacrent ou enterrent tout vivants, les religieux et les prêtres.
A Nîmes, ils chassent l'évêque de son siège, les chanoines de leurs églises, les religieuses de leurs couvents.
A Orthez se fit un carnage horrible, surtout des religieux et des prêtres. On voyait des ruisseaux de sang couler dans les maisons, les places et les rues. Le fleuve du Gave parut tout ensanglanté, et les ondes empourprées portèrent jusqu'aux mers voisines les nouvelles de cet alfreux désastre.
Sous Henri 111... j'allais, Messieurs, suivre la chaîne des événements, depuis Charles IX jusqu'à Louis XV; mais dans la crainte quelle ne paraisse trop longue à ceux qui la connaissent, je passe aussitôt des preuves à cette foule d'objections que les ennemis de la religion catholique nous font en faveur du système de M. de Gustine: les voici, Messieurs, avec leurs réponses les plus simples et les plus succinctes possible.
Ire Objection. — C'est aux catholiques, et non aux calvinistes,
qu'il faut attribuer ies séditions f't les guerres civiles qui ont désolé la France depuis
Charles IX jusqu'à Louis XV.
R. 1° Telle est la méthode de Voltaire adoptée par ses disciples : les infidèles ont toujours raison vis-à-vis les chrétiens, et les hérétiques vis-à-vis les catholiques. 2° Tel est cependant l'ordre des faits dans l'histoire, que ies guerres ont toujours commencé par les sectaires. Vous dira-t-on, Messieurs, qu'un prince légitime ne puisse prendre les armes pour punir les rebelles? pour venger la religion? pour maintenir l'ordre?
2e Objection. — En Prusse, en Angleterre, etc., les calvinistes
vivent en paix avec les catholiques, pourquoin'y vivraient-ils pas en France en ce siècle de
lumière et de tolérance?
R. 1° Cette objection fût-elle aussi vraie qu'elle est fausse, mon assertion resterait intacte : celle de M. de Gustine serait prouvée anticatholique. Tout ce que je conclurais de cette paix prétendue, c'est justement ce que M. de Ghabanne écrivait en 1751, à M. le contrôleur général, alors en place, en ces termes : « Cette multitude de sectes qui fourmillent de toutes parts a amené l'irréligion... Ce qu'on voit combattu de tant de manières; ce qu'on voit agité de tant de façons, paraît toujours incertain, équivoque et exclut des cœurs cette fermeté d'adhésion qui ne peut être opérée que par ia certitude des principes dans l'esprit. Aussi l'expérience nous apprend que les pays où le calvinisme est établi, sont remplis de déistes, d'athées et non-croyants. »
On ne dispute plus des faits lorsqu'une fois ils ont été prouvés. Quoi qu'il en s'oit de la Prusse, de l'Angleterre, il est prouvé qu'en Fiance le calviniste ne vit pas mieux avec le catholique que le loup avec l'agneau. Quand même ce serait la faut de celui-ci, serait-il d'une sage politique, de mettre chaque jour, 24 millions de Français aux prises avec 6 à800,000 tout au plus (l)?
3° Les mots de siècle de lumières, ne se prononcent plus aujourd'hui que comme ceux d'aristocratie et de despotisme, avec dégoût. Eh 1. qu'elle se fasse donc enfin, cette lumière tant vantée par ceux qui osent s'en targuer; car, hélas 1 jusqu'ici, je mé trouve environné des ténèbres les plus épaisses, si aussitôt je n'ouvre les yeux à la lumière admirable de l'Evangile.
4° Avant de réclamer la tolérance, n faudrait en définir la nature et en distinguer les espèces ; il faudrait convenir avec nous, que la tolérance religieuse est inadmissible ; nous conviendrions ensuite que la tolérance civile des personnes actuellement domiciliées en France est tolérable.
5° Mais ce n'est plus ce que demandent M. de Gustine, ni M. R... Ces mots : tolérer les calvinistes, leur déplaisent fort; j'en ai entendu un s'en plaindre comme d'une injure atroce ; insister sur ce qu'on aime les bons, et qu'on"îo/ère les méchants; ce mot, ajoutait-il, outrage des sujets fidèles, de bons Français, etc. Quelle douceur d'abord dans, le discours de M..., tandis qu'il en espérait le succès ! quelle différence de ton en voyant ses espérances s'évanouir!
3e Objection. — Celle, Messieurs, qui vous fut proposée à l'article de la presse, en ces termes à peu près : « la religion dans laquelle nous sommés nés, et qui nous enchaîne par les entraves d'un préjugé invincible, est pour nous d'une obligation indispensable; vous nous croyez dans l'erreur et nous vous y crçyons ; nous vous souffrons dans la vôtre, pourquoi ne nous souffririez-vous pas dans la nôtre? nous ne gênons pas votre conscience, pourquoi gêneriez-vôus la nôtre? pourquoi donc nous ïhterdiriez-vous un culte qu'elle nous commande? Une telle violence faite à des hommes libres, est-elle bien le sens du faites-les entrer, de l'Evangile? »
L'objection, Messieurs, est plus spécieuse que solide. Quand un de nos frères séparés vous dit, au nom de MM. les protestants que vous ne pouvez faire violence à leur conscience, et les obliger à la religion catholique ; par le fait même, il me le semble, vous avez répondu, à ses commettants : « Eh vous, Messieurs, vous ne pouvez forcer l'Assemblée nationale échanger les lois et la religion du royaume, pour la plier à vos opinions religieuses; sans doute votre conscience est un sanctuaire impénétrable à sa puissance; mais si elle n'est pas la reine de la nature, elle est rèine constituée de la société politique; elle lui doit son bonheur et sa tranquillité; l'un et l'autre dépendent de la conservation du culte unique de cette auguste religion qu'elle adopta dès l'origine de la monarchie; elle est par conséquent dans l'heureuse impuissance de porter at-teinte à cette antique et vénérable institution. En vous laissant cette liberté de penser, qu'elle ne prétend ôter à personne, elle vous dit : vivez tranquilles à l'ombre du trône, travaillez, commercez, faites tout ce que vous jugerez à propos, mais ne dogmatisez pas en public, prenez le nom de Français (1); jamais celui de protestants... »
Cette réponse, Messieurs, n'est-elle pas celle que vous avec donnée par le fait, à l'occasion de
la liberté de la presse? N'est-elle pas un préjugé bien favorable à la cause importante que j'ai le bonheur de soutenir en cette auguste Assemblée.
4e Objection. — La population, les arts, le commerce demandent, pour les sectaires absents, leur rappel, et pour les présents, le culte public de la religion calvinienne : on espère l'un et l'autre :
1° M. le duc de Bourgogne, dans son mémoire déjà cité, dit, contre la première partie de l'objection : « Dans la supposition, bien fausse assurément, que l'on ait eu tort de faire Ce que l'on fit (en, révoquant l'édit de Nantes), je maintiens que l'on aurait bien plus grand tort aujourd'hui de le défaire... 11 y a des torts dont il faut savoir profiter, des torts qui ne sauraient se réparer que par des plus grands encore.
« Si on rappelait les Huguenots, ne se croiraient-ils pas en droit, plus que jamais, de composer avec leur souverain, et plus encore de lui faire la loi ? Les rappeler, ne serait-ce pas rappeler les amis des ennemis de la France $ Ne serait-ce pas exposer l'Etat ? Ne serait-ce pas en même temps imprimer à l'hérésie le sceau ae la perpétuité en France?... Ne serait-ce pas exposer la religion à se trouver parmi nous, avant moins d'un demi-siècle, dans 1 état malheureux où nous la voyons chez les peuples qui nous avoisinent ? »
2° Voyez, je vous prie, Messieurs, les conséquences qui S'ensuivraient si vous accordiez aux calvinistes le culte publie de leur religion. Ces conséquences, un écrivain récent les a déduites en leur donnant une juste étendue ; leur abrégé, le plus succinct possible suffira à l'auguste Assemblée.
Après avoir obtenu le culte public, les calvinistes demanderont que les catholiques contribuent aux réparations des temples. Première conséquence.
Ils réclameront le droit naturel et civil de vivre de l'autel, non en fixant leurs regards sur les dîmes (dont l'abolition est décrétée), mais sur une taxe, ou particulière, qui grèvera d'une charge nouvelle des hommes, qui déjà succombent sous le poids des charges anciennes, ou générale, dont la répartition se fera surtous les sujets du royaume, qui depuis longtemps se plaignent d être excédés par les impôts. Seconde conséquence.
Us exigeront des synodes et des assemblées périodiques pour régler et maintenir la discipline ae leur prêche. Troisième conséquence.
Ils exigeront des écoles et des séminaires qui régénèrent et instituent les ministres de la religion. Quatrième conséquence.
Ils se présenteront, pour les places de collèges, et ils y seront admis par des hypocrites philosophes, qui, avec leur morgue connue, diront: « Nous méprisons toutes les querelles théologiques: le règne de la superstition est passé... ne cherchons que des instituteurs éclairés, honnêtes et vertueux. » Cinquième des conséquences relatives au bien de la religion. Les seules que je déduis, sont celles relatives au bien de l'Etat.
Ne vous fait-on pas pitié, Messieurs, quand on vous propose la population, les arts, etc., comme motifsdurappeldes calvinistes (1).Avons-nous rien
à envier à nos voisins en fait d'arts? d'arts de luxe principalement ? Relisons, Messieurs, l'ouvrage de M. Necker sur les finances, n'y assure-t-il pas que présentement la balance du commerce est en faveur de la France ?
4° Quand on vous dit, Messieurs, qu'on espère le rappel des calvinistes et le culte public de leur religion, n'êtes-vous pas tentés de demander, comme moi, quel est le principe de cette espérance ? Les cris fanatiques de la philosophie moderne? le délire contagieux qu'elle a répandu partout, le mépris souverain qu'elle affiche auda-cieusement pour la religion ?
Il est aisé, Messieurs, de pénétrer le dessein des partisans de cette petite et dangereuse philosophie, la dernière des hérésies qui affligeront l'Eglise. Malgré elle, l'empire de l'opinion, supérieur aux caprices, attache -encore une idée défavorable à l'homme qui aeul'iniprudencedenepas sauver les apparences en refusant de fréquenter les églises, de participer aux sacrements, au moins à la mort. Delà l'embarras de plusieurs incrédules modernes. Ils veulent être philosophes, mais ils ne veulent pas passer pour impies. L'introduction du protestantisme en France leur présentera l'expédient le plus heureux pour se délivrer dé ces perplexités. Ils seront calvinistes, et dès lors, aux yeux qui veulent encore de la décence, il n'y aura plus pour eux de déshonneur à renoncer au culte extérieur de la religion dominante. Il seront légalement irréligieux ; l'ignominie de l'irréligion sera masquée par le voile de la profession extérieure du protestantisme.
De là, Messieurs, résultera la désertion de cette multitudeinnombrable de catholiques, intérieurement mécréants, mais pour qui l'unité de religion était encore un frein. De là une apostasie presque générale, une insurrection presque universelle contre les catholiques.; car, dit Montesquieu, sur la tolérance* c'est un principe que toute religion qui est réprimée, devient elle-même réprimante. Sitôt que, par quelque hasard, elle peut sortir de Voppression, elle attaque la religion qui la réprimait, non pas comme une religion, mais comme une tyrannie.
Tel est, continue Montesquieu, le principe fondamental des lois politiques en fait de religion ; quand on est maitre de recevoir dans un Etat une nouvelle religion ou de ne la pas recevoir, il ne faut pas l'y établir. Donc, il ne faut y établir, ni la religion calvinienne, ni son culte. C'est, Messieurs, la conséquence qu'offre la maxime de l'écrivain cité, très-contraire à M. de Gustine.
Selon l'opinion de celui-ci, l'Assemblée nationale devrait décréter la liberté du culte public, non-seulement 1° des religions juive et calvinienne, mais 2° des sociniens, des déistes et des soi-disant philosophes, admettant la religion naturelle; mais aussi 3° des nègres non baptisés, en grand nombre dans nos colonies ; mais 4° d'un bacha qui voulant échapper au cordon fatal, se serait enfui en France; mais 5° d'un Chinois venu chez nous avec des marmousets; mais 6° etc., etc. Pensez-vous, Messieurs, que les vrais fidèles, qui savent croire sans disputer, apprendront sans un secret frémissement que cette opinion a pu être conçue, écrite, publiée? Ah! j'ai donc lieu de m'y attendre,vous repousserez la motion du préopinant, comme contraire au repos public, comme funeste à la religion, à laquelle est attaché le repos publié;
comme préparant à l'Etat et à l'Eglise, et de mauvais citoyens et de mauvais fidèles. Ce sont encore les expressions du tolérant Montesquieu.
Ici, Messieurs, doit trouver sa place la réponse à une cinquième objection, savoir: qu'un concordat entre les princes de laisser en repos les sujets de diverses religions, le procurerait infailliblement.
Cette difficulté, Messieurs, a été proposée par M. le duc de Bourgogne, élève du grand Fénelon; voici le jugement qu'il en a porté;
« D'abord, a-t-il dit, la partie ne serait pas égale, puisqu'on mettrait la religion du ciel en parallèle et de niveau avec l'hérésie. Qu'à la bonne heure lés luthériens, les zwingliens, les calvinistes, les anabaptistes, les quakers et autres novateurs passent entre eux ce concordat : nouveauté pour nouveauté, erreur pour erreur, il n'y aurait point de parti essentiellement lésé dans ce pacte, au lieu que les catholiques ne pourraient le faire qu'avec un désavantage évident.....
« En second lieu, est-ce une vérité bien incontestable qu'un prince chrétien puisse permettre que le mal se fasse dans ses Etats pour obtenir que le bien se fasse dans les Etats étrangers? Peut-il dire : Souffrez que Dieu soit honoré chez vous, je souffrirai qu'il soit blasphémé chez moi ? En supposant qu'il le puisse, ce que je ne crois pas, personne ne supposera qu'il le doive.
« En outre, quand même tous les souverains conviendraient entre eux de laisser en repos leurs sujets de deux religions, reste à savoir s'ils voudraient y rester. II n'est pas question de savoir ici comment deux religions peuvent compatir en d'autres pays ; l'expérience la plus funeste et la plus longue n'a que trop prouvé qu'elles, étaient incompatibles dans ce royaume ; et c'est, encore un coup, le point auquel il faut s'en tenir, sans le perdre jamais de vue. »
Il ne servirait de rien de dire, ce qui est de ton chez nos pauvres petits-maîtres, que la philosophie a éclairé les esprits et adouci les mœurs.
1° Pour user du style italien, ce dire a souffert Une furieuse reculade dans les quatre beaux mois de cette année.
2° Ce dire pourrait être vrai d'une secte, sans l'être de la calvinienne, républicaine, dure et séditieuse par principes, en sorte qu'être doux, docile à l'Eglise et au Roi, habituellement, constamment, ce serait renoncer de fait au calvinisme, dont les partisans sont rebelles par système, pâr des principes républicains, qui leur sont, ce semble, propres, je inexpliqué : à rexclusion de toutes les autres sectes.
Avant Calvin, aucune secte n'avait tenté de remuer dans l'Etat; aucune n'avait demandé des temples les armes à la main ; aucune n'avait voulu avoir des places de sûreté; aucunen'avaittraité avec les ennemis de l'empire. A peine les calvinistes se sont-ils montrés, qu'on a vu les provinces ébranlées par leurs maximes et leurs armes. Ne l'ai-je pas démontré?
3° Les hommes, pris individuellement, peuvent passer du bien au mal et du mai au bien; mais, envisagés collectivement, presque toujours ces hommes sont les mêmes, très-rarement les corps' civils et politiques changent.
Vos principes mêmes, Messieurs, viennent à l'appui de mes observations : car pourquoi avez-vous abattu les corps par vos décrets ? N'était-ce pas pour cette raison qu'un esprit qui les a animés une fois les anime toujours?
Donc les individus du calvinisme peuvent changer personnellement; mais la secte en général conserve les maximes de révolte dont j'ai produit
les preuves ; elle ne varie que dans ses apparences. Qu'on donne à sa licence naturelle son ancienne activité, elle fera renaître les mêmes événements; plus que jamais elle lèvera fièrement la tête, se voyant appuyée par tous les philosophes du siècle. GràndDieu! quelles seraient les suites d'une telle confédération si un décret de l'Assemblée nationale paraissait à la suite de la mo'ion de M. de Custine ?
Elle est anticonstitutionnelle, antipatriotique, anticatholique-, c'est, Messieurs, ce que j'avais à montrer, et ce qu'en effet j'ai porté, il me semble, jusqu'à l'évidence morale ; il ne s'agit plus maintenant que de me. résumer, et des principes établis, tirer les conséquences, en exposant mon avis. Le voici, Messieurs.
Mon avis est 1° que, conformément à l'article 1er de l'édit de 1724, le culte public de la religion catholique, apostolique et romaine, soit déclaré le seul libre et permis dans toute l'étendue du royaume.
Mon avis est 2° que, conformément à l'édit de 1685, il soit permis aux protestants en attendant qu'il plaise ù Dieu de les éclairer comme les autres, de demeurer dans tous les lieux du royaume, d'y continuer leur commerce et jouir de leurs biens, sans pouvoir être troublés ni empêchés sous prétexte de leur religion, à condition de ne faire aucun exercice collectif, ni assemblée de religion (1).
Mon avis est 3° que les articles 3-16 de l'édit de 1724, soient renouvelés et autorisés par autant de décrets de l'Assemblée nationale, dont un, au moins, modifiera celui de 1787, relativement aux empêchements de clandestinité et de parenté (2).
Mon avis est 4° qu'en explication d'un article de la déclaration concernant les droits de l'homme, celui de manifester ses pensées, même par la presse, tandis que leur manifestation ne nuira pas à autrui, il soit ajouté:' Quant à sa réputation, quant a la pureté de ses mœurs, quant à l'intégrité de la foi (3).
Mon avis est 5° que non-seulement la seule solennité (comme le veut M. de Custine), mais encore la seule publicité du culte, soit réservée pour l'Eglise romaine.
Quant à la solennité du culte romain, mon avis est 6° qu'il n'en soit rien diminué sous prétexte des besoins de l'Etat, à moins qu'auparavant,
partout, les hôtels des spectacles ne soient fermés^ les pensions des acteurs supprimées, les meubles servant à la décoration du théâtre vendus au profit de la caisse nationale,- etc., etc.
Mon avis est 7° qu'il ne faut pas gêner la liberté du culte public de la vraie religion pour étendre celle du culte public des fausses religions ; c'est un principe de toute équité. Or, la liberté du culte public de la religion catholique, seule vraie, serait gênée, si le culte public de la religion calvinienne, par exemple, était libre. Ce qui se passe dans le pays de Nassau, de Deux-Ponts et chez nos voisins en est une preuve d'expérience presque quotidienne.
NOTES
promises dans cette discussion.
Ces notes auront ici pour objet, non plus les mémoires des juifs, distribués aux membres honorables de l'Assemblée nationale, vers le mois d'octobre, mais un imprimé ayant pour titre : Motion en faveur des Juifs, par M. Grégoire, etc.
Cette motion convient avec la mienne et cependant elle en diffère. Elle convient avec la mienne en ce que l'une et l'autre sont en faveur des Juifs;.ce mot faveur bien entendu. Elle en diffère, en ce que M. Grégoire dit ce qu'à sa place je n'aurais pas dit.
Page 9, il dit qu'une haine secrète des Alsaciens et des habitants de Lixheim, couvait contre eux, qu'ils ont été chassés et cruellement maltraités...
Page 9, il dit des habitants de Bâle qu'ils feraient rougir les catholiques alsaciens, s'ils en étaient capables. Je n'aurais rien dit de semblable, 1° parce que mon style ne fut jamais si véhément, 2° parce que MM. les députés d'Alsace ont réclamé à l'Assemblée même, contre l'accusation de M. Grégoire : là ils ont assuré qu'ils n'avaient rien entendu du fait;" un d'eux, que j'interrogeais, m'a seulement avoué que les juils écrasaient le pays par leurs usures excessives. "
Ibid., il dit : Ils se sont réfugiés en foule dans les cantons suisses, où ils ont reçu l'accueil, etc. Je ne l'aurais pas dit, parce que le fait étant aussi douteux que le précédent, je n'aurais pas imité Voltaire, qui loue toujours les hérétiques aux dépens des catholiques.
Page 10 et page 8, il dit : J'aurais voulu que l'affaire des juifs fût décrétée le jour de la Saint-Barthélémy, pour qu'un acte de justice et de bienfaisance marquât l'anniversaire d'un crime à jamais exécrable. Je ne l'aurais pas dit dans un temps où j'entends les philosophes mentir, en attribuant à la religion catholique et aux prêtres le massacre de la Saint-Barthélemy; pourquoi ces demi-savants parlent-ils toujours de la Saint-Barthélemy des catholiques à Paris, jamais de la Saint-Barthélemy des huguenots à Orthez ? Pourquoi encore blâment-ils les Bellièvre et autres,
qui ont voulu justifier la journée de la Saint-Bar-thélemy, sur des raisons d'Ktat, tandis qu'ils préconisent les fameuses journées de Saint-Bruno et autres antérieures. Je le présume, il viendra un temps où l'on ne dira plus hautement : Le sang qui a coulé était-il donc si pur ? La valeur française, etc____
Page 12, il dit : Les Parisiens et les Bordelais, plus justes que les Alsaciens, ont élevé des juifs au grade de soldats, et même de capitaines. Je ne l'aurais pas dit pour en conclure que nous pouvions enrôler les Juifs comme les chrétiens. Autre chose est d'être soldat à la ville, près de ses foyers, ou en campagne, à la belle étoile.
J'avoue une ligne de la page 35 de M. Grégoire, j'avoue que sous les Asmonéens, la nation juive fût belliqueuse, mais il me faut un long commentaire des autres lignes ; j'exige surtout la conciliation de deux mots, distants l'un de l'autre seulement de quatre pages; que Joseph II, persuadé de la bravoure des Juifs en avait enrôlés environ trois mille (page 34), et que l'édit de Joseph II, instruit par une expérience contraire, avait le défaut d'avoir franchi les intermédiaires.
Page 12, il dit, par l'organe des Juifs, qu'ils ont toujours été soumis, jamais rebelles. Je ne l'aurais pas dit, leur dispersion même n'est-elle pas un effet permanent de leur rébellion ? Ouvrez l'histoire de leur historien, le célèbre Josèphe; ouvrez ensuite le premier volume de l'histoire ecclésiastique de M. Fleury (p. 304), pourrez-vous y lire sans effroi ces mots : longtemps après les Juifs se révoltèrent, àAlexandrie, en Egypte, dans la Cérénàïque... non contents de tuer les Romains et les Grecs, ils mangeaient leur chair, ils se ceignaient de leurs intestins, ils se frottaient de leur sang..., ils firent périr ainsi plus de deux cent mille personnes. C'est ce qu'a fait une nation qui ne fut jamais rebelle.
Le même historien (t. IX, p. 110) dit : Les Juifs d'Espagne, au vne siècle, étant convaincus d'avoir conspiré contre l'Etat, etc. Encore une fois, c'est ce qu'a fait une nation qui ne fut jamais rebelle. Combien de fois ne répéterais-je pas ce refrain, si je suivais ici la chaîne des siècles?
Page 15 : Je n'aurais pas plus écrit la petite . phrase, jointe à celle où les Juifs et les comédiens sont représentés à l'Assemblée nationale; ma plume s'y serait refusée.
Page 2, il dit : j'exposerai les causes qui ont altéré lès traits natifs de son caractère ; ou je ne l'aurais pas dit, de peur de faire vingt-quatre pages très-inutiles, ou j'aurais mis parmi ces causes le déicide commis par les Juifs dans la personne de Jésus-Ghrist.
C'est ce qu'Alexandre II fait dans sa lettre aux éveques des Gaules en 1068 ; selon saint Grégoire, leur écrivait-il, c'est une impiété de vouloir exterminer les Juifs, puisque Dieu les a conservés pour vivre dispersés par toute la terre en punition du crime de leurs pères.
Si M. Grégoire a lu cette lettre qu'il cite page 16, pourquoi donc ne l'imite-t-ilpas? Pourquoi aussi n'observe-t-il pas que ces papes qui ont pris les Juifs sous la protection du Saint-Siège, n'ont jamais pensé à les rendre indéfiniment citoyens? Pourquoi encore ne cite-t-il pas le concile de Bâle si respecté en France? Pourquoi n'en cite-t-il pas la défense de communiquer avec les Juifs? Craint-il que l'auguste Assemblée ne souscrive à une loi aussi sage? Si j'osais ici me permettre une autre question à M. le curé catholique, je lui demanderais pourquoi si souvent il se pare de ce surnom? Peut-il donc croire qu'il soit suspect à cet égard ? '
Mais je m'écarterais de l'ordre. M'y renfermant rigoureusement et m'attachant à lâ proposition de M. Grégoire page 2, je dis: Gomme chrétien parfaitement convaincu, comme prêtre et comme curé, j'avais cru ne pouvoir écrire trente pages sur les malheurs des Juifs, sans en assigner la première cause.
Si de temps en temps j'avais donné des torts aux catholiques de certains lieux, en certains temps, je n'aurai pas toujours innocenté les Juifs ; un bon historien se fait une loi invariable de dire la vérité tout entière. J'aime les Juifs, comme taillé en Jésus-Ghrist du même rocher qu'eux; je les protège de mon mieux contre les railleurs, etc., je blâmefort les injustes à leur égard ; je dirai toujours à ceux-ci : Ce n'est point à vous à accomplir les malédictions divines portées contre ce peuple; mais pourrais-je empêcher l'accomplissement des prophéties?
Page 3, il dit que le nombre des Juifs à Metz et aux environs, est de 2,400 personnes. Je ne l'aurais pas dit, parce que M. Gabriel, écrivain aussi exact que savant, très à portée de connaître la population judaïque, en porte constamment le nombre à 5 à 6,000.
Page 10, il dit, en se plaignant, que l'Europe a produit 400 règlements pour élever un mur de séparation entre les chrétiens et les Juifs; je ne l'aurais sûrement pas dit au nom des Juifs, puisque ce mur dont M. Grégoire veut combler l'intervalle, est élevé, soutenu, constamment fortifié par leur loi même.
Page 11, iï dit, le Juif est communément bon père. Je ne l'aurais pas dit sans faire une restriction importante; elfe, aurait été relative aux traitements cruels que les Juifs font à leurs enfants, lorsqu'ils pensent à embrasser le christianisme. On peut juger de la haine qu'ils en ont pardiverses histoires citées dans Fleury, tome VII, page 432; tome XV, pages 443 et 444, où M. Fleury dit : les Juifs prétendent que ce^ont des calomnies ; mais pourquoi les chrétiens les auraient-ils inventées en ce temps plutôt qu'en un autre, s'il n'y avait eu quelque fondement? Enfin (tome XVIII, p. 410), ce judicieux écrivain rapporte une lettre du pape Honorius à l'archevêque de Gantorbéry, où il dit des Juifs : tous les jours ils maudissent les chrétiens dans leurs synagogues.
Page 13, il dit : Un principe que Fénelon marquait à son illustre élève, est que chacun, sans gêne, professe le culte de sa religion Je ne l'aurais pas dit, parce que l'illustre élève de M. Fénelon, le duc de Bourgogne, dit tout le contraire dans le mémoire que j'ai souvent cité dans cette discussion.
Page 13, il dit : Si nous, catholiques, nous habitions une contrée non catholique, où l'on mettrait en question la tolérance, la faculté naturelle de professer son culte nous paraîtrait d'une évidence irrésistible. Je ne l'aurais pas dit sans ajouter : Nous, catholiques, fondés sur la certitude de nos motifs de crédibilité, nous céderions à cette évidence. Un non catholique à qui de tels motifs manquent, peut-il se vanter de cette prétendue évidence irrrésistible ? N'est-il pas affligeant de voir l'erreur aspirer aux privilèges de la vérité?
Page 18, il dit : En Angleterre on voit des mariages entre juifs et chrétiens... la loi qui les défends peut être abrogée. Je ne l'aurais pas dit par respect pour ces paroles de saint Paul : Nolitejugum ducere cùm infidelibus. Si ce mot m'était échappé à l'âge de M. Grégoire, ne m'aurait-on pas imputé d'avoir Gonvoité une Israélite, et pour ce l'abro-
galion de la loi du célibat? car de quoi ne plai-sante-t-on pas ?
Page 19, il dit : L'expérience journalière prouve que les Juifs partagent leur table avec les chrétiens.
Je ne l'aurais pas dit, quand même on m'aurait souvent trouvé avec les Juifs à une table somptueuse préparée à leurs dépens.
Page 23, il dit : Mais, ajoute-t-on, la bienveillance que vous réclamez contre les Juifs , leur sera funeste. A l'endroit où je l'ai dit je n'aurais pas ajouté avec M. Grégoire: Et quels sont donc ces animaux féroces que vous dites altérés du sang de leurs frères? Quoi! j'appellerais animaux féroces les chrétiens révoltés des usures des Juifs, et j'excuserais les Juifs révoltés des insultes des chrétiens, en disant (p. 20) que cette conduite ne sort pas de la nature !
Page 31, il dit : Qu'il y a dans notre pays des manufactures abandonnées, que la rivalité (page 32) entre les chrétiens et les Juifs perfectionnerait l'industrie et maintiendrait le bas prix. Je ne l'aurais pas dit : 1° parce que je n'emprunte rien de la philosophie moderne à qui j'ai juré dé ne jamais rien dévoir ; 2° parce que je ne voudrais pas tomber en contradiction avec moi-même, d'une page à l'autre : supposer (p. 32) que Ja diminution dans les achats est un bien, et (p. 36) que leur augmentation en est un.
Page 34. Il dit : Ne croyons pas que les Juifs dussent se refuser longtemps à la manœuvre, le jour du Sabbat. Je ne l'aurais pas dit sans ajouter : Et ces Juifs ne tiennent plus à lçur religion ; ils ne savent plus où ils en sont par rapport au Messie ; ils maudissent ceux qui en calculent les jours ; ils sont nihilistes en matière de religion; ils en ont seulement quelque apparence, parce que la décence l'exige. Belle autorité de passages-du ridicule Talmud, qui approuve la violation du Sabbat dans le cas cité!
7. Ibid, il dit : Je prédis que les Juifs nous dispensent deporter un pareil bill. Je ne l'aurais pas dit de peur (ju'on ne me rappelât que, dans ma lettre aux députés, est un tissu honteux de prophéties, dont les événements ont coup sur coup démontré la fausseté, pour ne rien dire de plus.
Pages 23, 24, 32, 37, il dit de plusieurs Juifs : Qu'ils ont montré des talents pour le commerce, les belles-lettres, etc. Je ne l'aurais pas dit, sans remarquer que le fait était fort possible; mais qu'il ne tirait pas à conséquence pour l'universalité de la nation.
Page 42, il dit : La nation ne trouvera pas un défenseur plus zélé que moi. Ceci, je l'aurais dit, en adoptant les conséquences d'une conduite semblable a celle de M. Grégoire.J'aurais même prouvé, par mes démarches et par ma motion, que le Juif le plus passionné, le mieux salarié, n'aurait pu ni tirer plus davantage que moi des mémoires des synagogues, ni employer d'épithètes plus fortes que les miennes.
Page 45, il dit : Messieurs, cinquante mille Français se sont levés esclaves, il dépend de vous qu'ils se couchent libres. Je ne l'aurais pas dit, parce qu'il est faux que les Juifs se lèvent esclaves; ils se lèvent soumis à des lois qui les concernent, j'en conviens; mais cette soumission est-elle uu esclavage? En ce cas, nous sommes tous esclaves, car nous sommes tous soumis à des lois... Tout sujet est soumis aux lois de l'Etat, tout enfant est soumis aux lois paternelles, tout serviteur est soumis aux lois domestiques ; s'ensuit-il que je puisse dire à l'Assemblée nationale, lui parlant des inférieurs : Messieurs, trois
millions de personnes se sont levées esclaves, il dépend de vous qu'ils se couchent libres ?
L'abus des mots liberté et esclavage, aristocratie et démocratie, despotisme et patriotisme, est aujourd'hui porté à un tel poiut, que bientôt on n'osera plus les prononcer; peut-être ai-je déjà trop fait de répéter celui d'esclave qui blessa toujours la nation juive.
Page 46, il dit : Sur les Juifs comme sur les catholiques, la révélation étend son voile majestueux.
Je ne l'aurais pas dit sans nier aussitôt la comparaison, sans ODserver qu'un voile épais dérobe aux juifs la lumière de la révélation; que ce voile est écarté pour nous, que saint Paul fait cette distinction, qu'un prêtre instruit ne peut ignorer. Je laisse à deviner le dessein de l'auteur d'une phrase où le privilège d'une révélation est accordé aux juifs comme aux chrétiens; pour moi, j'ai la vue trop courte pour l'apercevoir.
Page 46, il dit : Ma motion tend à ce que le Juif embrasse en moi son Ami. Je ne l'aurais pas dit, parce qu'un ami est un autre soi-même, et que cet autre moi-même, je ne puis le trouver dans un Juif, à moins que je ne sois aussi bon juif que lui. Qu'est-ce en effet qu'un couple d'amis? Deux hommes, dit l'orateur romain, qui ont mêmes pensées, mêmes volontés.
Peut-être pouvais-je me borner à ce que j'avais écrit dans ma discussion, que les Juifs ne savent être justes envers Dieu, ni envers vous, Messieurs, ni envers eux-mêmes, mais j'ai préféré de proposer ces notes, au risque de laisser le moindre avantage aux clients (p. 9) de M.Grégoire, dont enfin l'imprimé vient de me parvenir. Si, comme je ne puis en douter, il contient tous les motifs des demandes des Juifs, je me tiens bien assuré que l'Assemblée prononcera qu'à leur égard, il n'y a pas même lieu à délibérer, et avec une nouvelle confiance je répète ce que je disais dans mon récit : Mon avis est 1°, etc.
Enfin l'avis par lequel je unis, est que l'Assemblée ne déclare point la liberté du culte public de la religion, ni des Juifs, ni des calvinistes, ni des ubiquistes, ni des puritains, ni des antitrini-taires, ni des sociniens, ni des Arméniens, ni des gomaristes, ni des quakers, ni des anabaptistes, ni des Turcs, ni des Perses, etc., etc., autant de sectes contenues dans les expressions de M. le comte de Gustine.
Je savais bien que la vraie Eglise était une seule bergerie avec un seul pasteur; j'ignorais que cette seule bergerie pùt renfermer dans son sein ce qui, dans le style des livres saints, est désigné sous les noms odieux de...
Nota. L'affaire des Juifs étant ajournée pour la session présente, sans terme fixe; pouvant donc être appelée tous les jours et amener avec elle celle de M. de Gustine ; il eût été imprudent de différer plus longtemps les deux présentes discussions.
Séance du mardi
La séance est ouverte par M. Gamus, qui annonce que M. Fréteau est incommodé, qu'il n'a
pu se rendre à l'Assemblée, et qu'il l'a chargé d'annoncer le résultat du scrutin pour la nomination d'un président: les voix ayant été recensées, il s'est trouvé-qu'il y avait 887 votants, dont 490 se sont réunis en faveur de M. Démeunier, qui, en conséquence, est proclamé président de l'Assemblée.
On proclame aussi les trois nouveaux secrétaires: MM. Treilhard, Duport et Massieu, curé de Cergy, ont réuni la majorité des suffrages.
, président.
Mon ambition se bornait à mériter quelque estime en concourant de mes faibles efforts au succès de vos travaux, et j'étais loin de songer aux fonctions honorables que vous daignez me confier. Si pour remplir mes devoirs il suffisait d'en connaître toute l'étendue, si le zèle et l'amour du bien pouvaient ici suppléer au talent, j'aurais peut-être l'espoir de répondre à vos bontés ; mais, Messieurs, d'autres moyens sont né-, cessaires, et plus que personne j'ai besoin de votre indulgence.
Le terme de cette noble carrière que vous parcourez avec tant de gloire, commence à se montrer à vos regards ; les jours de la paix et du bonheur ne sont plus loin de nous;et, grâces à vos heureuses combinaisons, le royaume, aujourd'hui désorganisé dans toutes ses parties, ne présentera bientôt qu'un ordre parfait, et un spectacle imposant par sa régularité. Habitué maintenant à vaincre les obstacles, votre patriotisme saura rapprocher cette époque si désirée, et en cette occasion, ainsi quen beaucoup d'autres, surpasser les vœux de la France* Mais au moment où j'ai l'honneur de vous présenter les hommages de mon respect, de ma reconnaissance et de mon dévouement, je dois l'avouer avec franchise, vous regretterez les talents de mon prédécesseur, qui, par son activité, ajoutait à l'activité de vos délibérations, et qui, porté deux fois à cette place, nous laisse à tous le désir de l'y revoir.
lit ensuite la lettre de M. le comte Théodore de Lameth, qui a l'honneur d'adresser â, M. le président de l'Assemblée nationale l'offre patriotique du régiment Royal-Étran-ger, consistant en 4,844 livres, qui proviennent du sacrifice que font tous MM. les officiers, d'un mois de leurs appointements et les bas-officiers et cavaliers, de nuit jours de leur solde.
M. le président est autorisé par l'Assemblée à écrire au régiment Royal-Etranger une lettre de satisfaction, semblable à celles qui ont été déjà écrites à plusieurs régiments pour la même cause.
Suit la teneur de la lettre du commandant du régiment Royal-Etranger, à M. le président de l'Assemblée nationale.
a Monsieur le Président,
« Les officiers du régiment de eavalerie Royal-Etranger ayant voté de^ faire à la caisse patriotique l'abandon d'un mois de leurs appointements, les bas-officiers et cavaliers ont désiré lui offrir huit jours de leur solde. D'après ces dispositions, auxquelles je me suis empressé d'applaudir, j'ai l'honneur de vous faire parvenir 4,844 livres. .
« Le régiment Royal-Etranger me charge, Monsieur, de Vous supplier de vouloir bien faire agréer à l'Assemblée nationale ce faible témoignage de ses sentiments patriotiques, ainsi que
l'hommage de son inaltérable et respectueux attachement.
« Je suis avec respect, « Monsieur le Président,
a Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
« Signé : Le chev. Théodore de Lameth. »
Il est fait ensuite lecture d'un don patriotique qu'offre M. de Mauduit, ancien professeur de l'université de Paris, consistant dans l'abandon d'un contrat du capital de 300 livres, avec deux années d'arrérages de l'intérêt de ladite somme.
On fait part ensuite à l'Assemblée d'un autre don patriotique; consistant en boucles d'argent et autres effets d'argent de même espèce, envoyés par le district de la Sorbonne; ces objets pesan t, argent * 70 marcs 4 onces; or, 2 onces 1 demi-gros.
Un des députés du district prononce le discours suivant : Messieurs, presque toute là France est venue dans ce temple de la nation présenter à votre auguste Assemblée le juste tribut de son patriotisme et de sa reconnaissance. Le district ae Sorbonne, que nous avons l'honneur de représenter, animé aussi du zèle le plus pur, vous supplie, Messieurs, de n'en pas mesurer l'étendue sur les faibles marques qu'il-en apporte, sur la modicité de l'offrande qu'il vient aujourd'hui,, par nos mains, déposer sur l'autel de la patrie..". Quel mot cher et sacré, je viens, Messieurs, de prononcer!
Il n'est donc plus pour les Français un mot vide de sens. Non, Messieurs, l'amour de la patrie a embrasé tous les cœurs, échauffé tous ies esprits; il a produit enfin cette révolution glorieuse, et sans altérer nos sentiments pour un Roi tendrement chéri, a protégé la liberté de vos séances, qui nous procure le précieux avantage de voir et d'admirer les généreux et infatigables restaurateurs de l'Etat.
On passe à la lecture d'un autre don patriotique de la somme de 100 livres, remis par M. Paultre des E pinettes, député du bailliage d'Auxerre, de la part d'un habitant de cette ville qui n'a pas voulu être nommé.
, membre de VAssemblée, l'ait ensuite, au nom de M. Artaud, citoyen de la ville d'Aix en Provence, l'offre du don patriotique d'un contrat de 1,200 livres sur l'Alsace, avec une année d'intérêt de ladite somme ; il remet sur le bureau les titres constitutifs de celle créance.
annonce que M. de Ruallem, député de la ville de Meaux à l'Assemblée nationale, a remis un don patriotique de 120 marcs d'argent, de la part de i'abbaye de Saint-Tarole de Meaux, ordre de Saint-Benoît, congrégation de Saint-Maur.
Toutes les offres patriotiques sont reçues par l'Assemblée avec applaudissements. -
Un député de la province de.Tour aine demande ensuite que l'Assemblée nationale confirme le règlement provisoire relatif à ses compagnies de gardes citoyennes, jusqu'au moment où elle aura décrété un règlement général pour toutes les gardes nationales du royaume. Cette demande est ajournée.
On passe ensuite à la lecture du procès-verbal de la séance de la veille.
de Sainl-Jean-d''Angély observe qu'il a été fait au décret relatif aux finances, quelques changements dont on n'a pas fait mention dans le procès-verbal ; il est convenu que cette omission serait réparée.
observe qu'il faut faire mention que ce changement ne porte pas sur le fond du décret, mais seulement sur quelques moyens d'exécution ; cette observation n'est pas combattue.
fait ensuite lecture des différentes adressés des villes et provinces du royaume, qui toutes expriment leur confiance, leur respect et leur reconnaissance pour les décrets de l'Assemblée nationale. La teneur de ces adresses suit :
Adresse de félicitations et dévouement de la garde nationale de la ville de Moulins ; elle déclare qu'elle maintiendra, au péril de sa vie, l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse du même genre -de la ville de Moulins : dans une assemblée générale, tous les habitants ont pris l'engagement solennel d'adhérer religièu-sement à tous les décrets de l'Assemblée nationale.
Adresses du même genre des communautés de Palluau-la-Ghapelle, de Palluau-Saint-Paul, de Montpevit et Grand-Landes en Poitou; elles demandent une justice royale.
Adresse du même genre des communautés de la Celle-Barmontoise et de la Ghaussade en Auvergne ; elles demandent d'être comprises dans les ressorts du siège royal qu'il conviendrait d'établir dans la ville de Bellegarde, capitale du Franc-Alleu.
Délibération du conseil, permanent et municipal de la ville de Lamballe en Bretagne, qui, persuadé que le bonheur qu'on prépare aux Français dépend de leur fermeté et de leur réunion, a réitéré le serment d'une parfaite adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, d'une inviolable fidélité au Roi, et d'une union indissoluble avec toutes ies parties du royaume. Secours au premier signal.
Adresse de la communauté de Saint-Joire en Dauphiné, qui adhère de tout son pouvoir, avec la plus respectueuse reconnaissance, aux décrets et lois émanés de l'Assemblée nationale, et notamment à celui concernant la contribution patriotique; elle fait en outre don et remise à la nation de la somme de 4,400 livres, qui lui est due sur les Etats de Sa Majesté, aux termes du contrat déposé au Trésor royal le 24 janvier 1752. Dans ce temps de disette et de misère, elle supplie avec instance l'Assemblée nationale de fixer au plus tôt le prix du rachat des rentes et celui des arrérages des rentes en grains, à un taux modéré. "
Délibérations des communautés de Saint-James de Vrignières,deBernadets, d'Urost, de Gendevist et de Bœil en Béarn, qui adhèrent purement et simplement à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et donnent des pouvoirs généraux et illimités à leurs députés.
Adresse de félicitations, remercîments et adhésion des citoyens de la ville de Grenadersur-Garonne; elle supplie instamment l'Assemblée nationale de conserver ie couvent des religieuses Ursulines, établi dans leur ville.
Délibération du conseil permanent de la ville de Cailla en Languedoc, contenant adhésion à la. délibération du conseil permanent de la ville de Nîmes, adressée à l'Assemblée nationale le 11 novembre dernier.
Adresse de la ville de Rennes en Bretagne, dans laquelle elle rend compte de tout ce qui s'est passé à Rennes depuis la réception du décret du 3 novembre, du retardement des magistrats à rentrer la première semaine, dti défaut d'enregistrement dans la seconde, et du défaut de déférence aux lettres de jussion dans la troisième ; elle suplie l'Assemblée nationale de pourvoir, le plus tôt possible, à ce que le tribunal souveraiu rende aux citoyens la justice que l'Etat leur doit, et sans laquelle l'ordre ne peut subsister.
Adresse du comité municipal de la ville de Metz, contenant le procès-verbal de prestation de serment de la milice nationale de cette ville, une délibération de là commune de Metz, relativement à un mémoire antipatriotique publié au nom du chapitre de la cathédrale de cette ville, enfin, une lettre originale datée de Villeneuve-de-Berg en Vivarais, signée Tavernot de Barrés, lieutenant criminel de la sénéchaussée, adressée à la municipalité dè Metz, dans laquelle on ose la soupçonner de fomenter la discorde et l'insurrection la plus criminelle contre les représentants de la nation : les membres du comi té municipal protestent qu'ils n'ont jamais rien fait qui ait pu leur attirer ce soupçôn injurieux, et dénoncent cette lettre criminelle à l'Assemblée nationale.
Adresse des habitants de la ville et banlieue de Verdun-sur-Garonne, assemblés en conseil général renforcé;ils adhèrent et reconnaissent pour lois fondamentales tous les décrets émanés de l'Assemblée nationale; ils déclarent traîtres en--vers la patrie et criminels de lèse-nation tous ceux qui s'opposeraient directement ou indirectement à l'exécution de ces mêmes lois; supplient l'Assemblée nationale d'accorder aux vœux de ses habitants l'établissement d'une assemblée de district, et d'un tribunal secondaire dans l'enceinte de la ville de Verdun.
Adresse du comité permanent et des officiers municipaux de la ville de Romorantin, qui renferme 1 invitation qu'ils ont faite à tous les ci toyens de concourir à l'exact payement des impôts, et de tous les droits quelconques de tous genres, et sous quelque dénomination qu'ils soient perçus, jusqu'à ce qu'il en aU été autrement ordonné par l'Assemblée nationale ; ils les invitent encore à l'exactitude dans la déclaration du quart de leur revenu, et à ne pas borner leurs efforts à ce qui est demandé par la loi, mais à les proportionner aux besoins de l'Etat, én ne consultant que leur zèle, leurs facultés et leur amour pour la patrie. / :
Adresse des officiers municipaux et notables, composant les corps et communautés de la ville de Marseille, qui offrent l'hommage de leur re-^ connaissance pour le zèle et les succès avec lesquels l'Assemblée nationale s'est occupée de la restauration' de l'Etat; ils donnent l'assurance qu'ils chercheront toujours à se distinguer par leur exactitude à concourir.au maintien de la sûreté générale et particulière, et ajoutent celle que, bien qu'ils n'aient été remis à la France qu'en 1659, ils ne seront pas moins bons et fidèles sûjets xjueles habitants des plus anciennes provinces, ainsi qu'ils en ont donné la preuve en continuant d'acquitter exactement tous les impôts; ils témoignent tous leurs regrets de ce que la-
dite ville a été oubliée dans la formation du district de Verdun, ainsi que dans le remplacement du député actuel du Verdun ois ; ils demandent la destruction delà gabelle, la conservation de leur juridiction royale et de leur milice nationale sur ie pied de son existence actuelle.
Adresse des habitants de la ville de Trouhan, qui félicitent l'Assemblée nationale sur son décret concernant la division du royaume, décret qui rapprochera désormais tous les Français, et n'en fera plus qu'une même famille ; ils développent lés motifs sur lesquels ils fondent la demande de l'établissement d'un bailliage et celui d'être le chef-lieu d'un discrict.
Adresse de la garde nationale de la ville dé Tours, qui demande que l'Assemblée nationale autorise l'exécution du règlement qu'èlle a fait pour l'ordre de son service et de sa discipline.
fait une motion pour que l'Assemblée prononce sur le privilège exclusif de la compagnie des Indes.
(Voy. les développements de cette motion annexés à la séance.)
Un membre du comité de commerce annonce qu'on rendra incessamment compte à l'Assemblée de cette affaire.
Un membre demande ensuite que le comité féodal soumette incessamment à l'Assemblée le projet d'une loi pour le rachat des rentes ; qu'il est chargé par la ville de Saint-Etienne-de-Sain t-Geoirs en Dauphiné, de la solliciter ; qu'elle l'attend avec impatience pour se racheter des rentes considérables qu'elle paye.
annonce que M. Lebrun a été choisi dans le comité des finances, et M. le baron de Flaschlanden dans le comité militaire, pour former une commission demandée par le Roi pour l'examen des affaires relatives aux Invalides.
La parole est donnée à un membre du comité de constitution, pour soumettre à l'Assemblée l'ordre dans lequel ce comité a classé tous les articles déjà décrétés, relatifs à rétablissement et l'organisation des municipalités, assemblées de district, et assemblées administratives.
, rapporteur du comité de constitution, observe que les trois bases de population, d'étendue et de contribution ayant été précédemment décrétées par l'Assemblée, il était nécessaire d'offrir quelques développements et quelques moyens d'exécution pour les décrets antérieurs, et en conséquence, il proposé les trois articles suivants, qui sont décrétés ensemble.
« Art 1er. Le premier • tiers du nombre total des députés
formant l'Assemblée nationale, sera attaché au territoire, et chaque département nommera
également trois députés de cette classe.
« Art 2. Lé second tiers sera attribué à la population : la somme totale de la population du royaume sèrâ divisée en autant de parts que ce second tiers donnera de députés, et chaqu,e département nommerâ aulant ae députés de cette secondé classe, qu'il contiendra de parts de population.
« Art. 3. Le dernier tiers sera attribué à la contribution directe. La masse entière de la contribution directe du royaume sera divisée de même en autant de parties" qu'il y aura de députés dans ce dernier tiers, et chaque département nom-
mera autant de députés de cette troisième classe qu'il payera de parts de contribution directe. »
reprend la lecture du travail du comité relatif à l'établissement des assemblées administratives : il observe, dans le cours de sa lecture, qu'il est indispensable que l'Assemblée décrète un nouvel article qu'il lui propose. Cet article est mis aux voix et adopté, ainsi qu'il suit:
« L'Assemblée nationale décrète :
« Que les directoires de districts seront chargés de l'exécution, dans le ressort de leurs districts, sous la direction et l'autorité de l'administration de département et de son directoire : ils ne pourront faire exécuter aucuns arrêtés du conseil de district qui pourraient intéresser l'administration générale, si ces arrêtés n'ont été approuvés par l'administration de département. »
fait ensuite sentir la nécessité de décréter une additibn à l'article 29 de la seconde section. Cette addition, ayant été soumise à l'Assemblée, est décrétée. Elle consiste dans ce^ mots:
« Et l'ouverture de cette session précédera d'un mois celle du conseil de déparlement »
proposé également une addition à l'article 1er de la 3e
section; /
L'addition est décrétée ; elle est Conçue en ces termes:
« D'ordonner et de faire faire, suivant les formes qui seront établies, les rôles de taille et de cotisation entre les contribuables de chaque municipalité. »
Je demande que la surveillance relative au service des postes et des messageries fasse partie des fonctions des assemblées administratives.
Je pense qu'il faut aussi décréter que les administrations actuelles rendront incessamment leurs comptes.
adopte cet avis, et propose de comprendre dans l'article à rédiger à ce sujet les receveurs et trésoriers qui ont eu le maniement des deniers publics.
propose d'étendre cette disposition aux intendants et aux subdélé-
Cès objets sont renvoyés au comité de constitution.
L'ordre des articles sur les assemblées administratives est unanimement adopté. .
fait ensuite lecture de la lettre suivante de M. Necker, qui accompagne l'envoi d'un mémoire de M. le marquis de Bouillé qui rend compte à l'Assemblée nationale des'dispositions qu'il a faites pour empêcher l'exportation des grains; la lecture de ce mémoire est renvoyée à la séance du soir.
Monsieur le président,
« Je viens de recevoir une lettre de M. le marquis dè Bouillé, que. je crois devoir vous communiquer en original, avec les pièces qui y étaient jointes, en vous priant de vouloir bien en faire part à l'Assemblée nationale.
« J'ai l'honneur d'être avec respect, ,
« Signé: NECKER.
M. Thouret a la parole pour un rapport au nom du comité de constitution sur l'organisation du pouvoir judiciaire.
(1). Le rapport de M. Bergasse sur l'organisation du pouvoir judiciaire a obtenu les suffrages de l'Assemblée : le comité de constitution, ayant suivi les principes de ce rapport, est arrivé à plusieurs résultats différents, et il se flatte d'avoir trouvé des combinaisons plus favorables encore à la liberté publique.
La réforme des abus dans l'administration de la justice offre aux représentants de la nation une grande t&che â remplir. Le comité a examiné avec beaucoup de soin ce qu'on pourrait conserver des institutions anciennes, et il pense qu'en cette partie, ainsi qu'en beaucoup d'autres, la régénération doit être complète.
Il serait superflu de dire quelle a été la progression des abus dans l'ordre judiciaire ; avec quelle imprudence on a corrompu la plus sainte des institutions ; comment le fisc, pour on ne sait quelles misérables sommes d'argent, a dénaturé et confondu cette partie de l'ordre public, et établi, sous les plus frivoles prétextes, des tribunaux d'exception qui semblaient devoir accabler à jamais les justiciables. Ajoutons que l'indulgence est un devoir envers ces anciens administrateurs qui vécurent dans des temps peu éclairés, ou envers les corps qui ont étendu leurs privilèges aux dépens des individus : un généreux oubli de tant de fautes est digne de l'Assemblée, et l'immense travail qu'elle doit entreprendre pour les réparer n'effrayera point son courage.
Le comité s'est à peu près borné aux lois constitutionnelles sur l'organisation du pouvoir
judiciaire; les détails seront déterminés par des règlements particuliers, et, malgré cette
précaution, son ouvrage est d'une longue étendue. Pour faciliter soti travail et celUi de
l'Assemblée, il s'est fait un plan d'une simplicité extrême. Il présentera d'abord des
décrets généraux sUr l'administration de la justice, sur les tribunaux ét leur composition ^
il présentera ensuite la distribution et la gradation de ces mêmes tribunaux ; après avoir
organisé les cantons dans l'ordre de la justice dis-tributive, par l'établissement des juges
de paix, il passe à l'organisation des districts et des départements, sous lë même rapport ;
il arrive à celle des cours supérieures ; de là il s'élève à la cour suprême de révision,
qui, maintenant l'exécution des lois et les formes de la procédure, doit remplacer le conseil
dès parties, dont la composition avait été calculée pour d'autres temps et pour un autre
régime. Mais l'Assemblée ne remplirait pâs, dans toute leur étendue, les fonctions dont elle
est, chargée, si elle n'assurait pas à la nation les moyens de punir légalement les corps
administratifs ét les juges qui tomberaient dans l'insubordination, et si la peine légale
n'arrivait pas sans trouble jusqu'aux ministres prévaricateurs. Il faut donc mne haute cour
nationale, revêtue d'un assez grand pouvoir pour venger, par des formes paisibles, les
attentats contre la Constitution. Cètte haute cour nationale, dont la composition exige
l'attention la plus profonde, affermira tout l'édifice politique. La perfection de l'ordre
judiciaire, est, en effet, que la justice se trouve, pour ainsi dire, à la portée de chaque
citoyen; que le Roi, éclairé par le peuple, ne se trompe plus dans iç Choix dès juges ; que
la dés-Obéissance aux lois ne soit plus impunie; et que, du fond des campagnes Jusqu'aux
marches du trône, l'homme; imprudent ou téméraire qui osera
Le comité a senti combien il importe de rendre à la justice ordinaire tout ce qu'on eu a détaché en faveur des tribunaux d'exception. Il a examiné scrupuleusement les diverses parties de leur compétence : voulant rétablir l'ordre et suivre les principes, il est parvenu, après des détails pénibles, à classer et mettre à sa place, tout ce qu'on avait déplacé mal à propos, tout ce qu'on avait confondu par ignorance, ou par des motifs moins excusables encore. Mais telle est la complication des affaires d'un grand royaume, telle est leur immense variété, que les juges de paix, les tribunaux de district, les tribunaux de département, et les cours supérieures, ne pourraient sans de graves inconvénients juger certaines discussions d'une nature particulière. Il proposera donc de donner aux municipalités lé jugement de diverses matières de police ; de conserver les juridictions sur les objets du commerce, partout où elles seront nécessaires ou utiles ; enfin, d'établir dans chaque département un tribunal d'administration qui jugera d'après des lois précises et des formes déterminées, les affaires contentieuses qui peuvent s'élever à l'occasion de l'impôt, ou relativement à l'administration.
Ces réflexions générales s'appliquent à toutes les parties du plan qui seront mises sous les yeux de l'Assemblée. Il en est d'autres, que le comité lui présentera ensuite, sur les objets de police, d'administration et de commerce, ainsi que sur l'établissement des jurés en matière criminelle. Peut-être faudra-t-il que cette dernière institution, appelée par le patriotisme, soit retardée par la sagesse, pour acquérir plus de stabilité.
Le comité supplie l'Assemblée de croire qu'il n'a pas perdu de vue ce rapport trop souvent oublié entre les institutions politiques et les moyens pécuniaires de l'exécution. Il a calculé, à diverses reprises, que le service entier de la justice dans le royaume, ne s'élèvera pas aux 9 ou 10 millions employés aujourd'hui au payement des gages des tribunaux actuels; en sorte que les droits domaniaux sur l'expédition des actes judiciaires, remplacés par des impôts moins onéreux, et la financé des offices de judicature une fois remboursée, une administration parfaite de la justice coûterait moins aux citoyens, que ne leur a coûté jusqu'à présent le régime abusif sous lequel ils ont vécu.
Le comité ne peut distribuer, en projets d'articles, qu'une partie de son travail; la suite paraîtra incessamment.
L'Assemblée ordonne que le travail du comité de constitution sur l'organisation du pouvoir judiciaire sera imprimé et annexé au procès-verbal de la séance de ce jour. (Voy. les articles aux Annexes de la séance.)
L'Assemblée passe, maintenant à son ordre du jour de deux heures.
On. annonce une députation de la commune de Paris qui vient soumettre à l'Assembléè un projet pour faire travailler les pauvres pendant l'hiver; cette affaire est renvoyée à la séance du soir.
Une députation du village de Villiers-sur-Marne apporte un don patriotique de 590 livres. Le député qui porte la parole fait l'offre particulière de ses boucles d'argent. L'Assemblée lui accorde .la séance.
Permettez que je vous parle un moment de moi. Parmi les libelles
qui se multiplient chaque jour, il en est un que lacâlomnie mefaisait sourdement la grâce de m'at-tribuer. 11 ne portait pas alors de,nom d'auteur; il vient d'être réimprimé avec cette légère addition, Var M. l'abbé de Montesquiou, agent général du clergé. J'ai toujours su dire tout haut mon opinion avec moins de fiel, et l'on m'a souvent vu m'exprimer avec autant de réserve que de franchise... Je supplie tous les comités de police et de recherches présents et à venir de s'occuper à découvrir les auteurs de ce délit, nôn pour moi, mais pour l'Assemblée, à laquelle il importe que ses membres ne soient pas ainsi couverts d'infamie.
Ce que vient de dire M. de Montesquiou démontre assez la nécessité de statuer promptement sur la licence de la presse. On a envoyé, sous le sceau de l'AssemJuée, à toutes les villes, à tous les villages et hameaux un ouvrage intitulé le Tocsin,, et portant le nom de l'auteur. Beaucoup de communautés ont écrit au comité des recherches, pour savoir si ce pamphlet est un décret de l'Assemblée.
Je m'étonne qu'on croie devoiroccuperL'Assemblée d'pn libelle. C'est faire un libelle contre quelqu'un que de mettre le nom de cette personne à un libelle qu'elle n'a pas fait; or, si tous ceux d'entre nous contre lesquels on a publié des libelles voulaient se plaindre, nous consumerions pour nos affairés personnelles un temps que nous devons aux affaires générales. Pour moi, j'aurais eu souvent à vous demander la parole.; Je supplie l'Assemblée de se borner à plaindre lës honnêtes gens qu'on déchire par des libelles ; et sans doute on ne dira pas que je suis intéressé à défendre la licence de la prësse; mais le public est un juge incorruptible, et ce sera toujours, en dépit des libelles, le plus honnête citoyen qui, à la fin de la session, emportera la meilleure réputation^
Il y a au comité de constitution beaucoup de projets relatifs à la liberté de la presse. Le comité, occupé sans relâche de travaux instants, n'a pu les examiner encore... La loi. qu'on demande est tellement importante, qu'elle ne peut pas être rédigée dans un moment où des intérêts particuliers pourraient influer sur un régime qui doit être établi pour les siècles.
On lève la séance à trois heures.
Séance du mardi
La séance commence par la lecture d'une lettre de M. le marquis de Bouillé, datée de Metz, le 16 de ce mois, par laquelle il annonce que les ordres qu'il a donnés sont si positifs qu'il est impossible que l'exportation des blés ait lieu. tes pièces justificatives qu'il envoie sont lës attestations de toutes les municipalités circonvoisines, des publications et des placards portant les ordres lés plus précis au cordon de troupes de saisir toutes les denrées qu'on voudrait exporter.
L'Assemblée décide le renvoi de toutes ces pièces au comité des rapports.
propose la lecture de différentes lettres et pièces venues des frontières de Champagne, Flandre, Hainault, Trois-Evêchés, qui toutes tendent à prouver l'exactitude de M. le comte d'Esterhazy pour empêcher l'exportation des blés.
. L'Assemblée,, après avoir entendu la lecture des deux premières lettres, décide que le tout sera renvoyé au comité des rapports.
On donne lecture d'une lettre de M. Talon, lieutenant civil au Ghâtelet, concernant une effraction commise au greffe de ce tribunal. Elle est ainsi conçue :
« Monsieur le président, l'Assemblée nationale a pu concevoir quelque inquiétude sur ce qui s'est passé au greffe criminel du Ghâtelet, la nuit de dimanche dernier et je ne puis trop m'empres-ser de la rassurer sur les suites de cet événement.
« Le premier soin de M. le lieutenant criminel, de M. le procureur du Roi et le mien a été de nous transporter sur-le-champ au Ghâtelet,, d'y vérifier les pièces des procès qui peuvent intéresser la liberté nationale, et dont la connaissance nous a été attribuée par les décrets de l'Assemblée. Nous avons eu la satisfaction de reconnaître qu'aucune de ces pièces n'avait été enlevée. Quelques-uns des coupables ayant été arrêtés, on doit espérer de connaître dans peu, si l'espoir de voler quelques effets précieux a été le seul motif de cet attentat.
« J'ose supplier Monsieur le président d'en informer l'Assemblée et de lui renouveler l'hommage respectueux d'une compagnie entièrement dévouée au service de la loir
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Talon.
« Paris, le
Une députatipu d.ç la commune de Paris devait être reçue ce matin à la barre, mais la séance ayant été levée sans qu'elle pût être admise, les membrès de cette députation ont prié un député de rendre compte de leur mission.
L'Assemblée décidé que ce député sera entendu.
fait l.eçture d'un arrêté des représentants, de la commune de Paris, qui soumet a la sagesse de l'Assemblée des plans rédigés par MM. Bonçerf et Lambert, sur les ateliers qé charité et la subsistance des pauvres. La commjine demande que cet objet important soit renvoyé à uij comité spécial. Ùn membre observe que cette affaire intéressant également les proyîncëSj,; il est plqs à propos de la renvoyer au Comité d'agriculture, Où il sè trouve un membre de chaque généralité.
opine pour la création d'un comité de sept membres, qui examineront ces mémoires et en rendront compte à l'Assemblée,
observe que la formation dé ce comité serait dangereuse; que déjà l'Assemblée a elle-même détruit, dans sa sagesse, et par des considérations importantes, son comité ues subsistances ; qu'étant dépourvue
de moyens actifs pour secourir utilement les pauvres, elle ne doit pas se mêler de projets étrangers à son pouvoir, et qui pourraient aftérer la juste confiance des préceptes qu'elle doit ménager avec la plus grande circonspection.
ouvre l'avis de décréter qu'en attendant que l'Assemblée ait pris des mesures pour extirper la mendicité, elle laissera à chacune des municipalités le soin de pourvoir à la subsistance des pauvçes.
L'Assemblée renvoie le mémoire de la commune au comité d'agriculture.
Les députés de Saint-Domingue demandent qu'on passe à la discussion de la subsistance de cette colonie.
La priorité est accordé au comité des rapports sur la subsistance du royaume.
, au nom du comité des rapports, propose un décret en cinq articles dans lesquels la peine de mort est prononcée contre tous ceux qui seront convaincus d'avoir exporté des grains. Un article prononce la suppression des droits de minage, hallage, péage et autres.
Plusieurs membres déclarent que ce projet de décret est ignoré du comité des rapports.
répond qu'il a été autorisé par le comité, qui a beaucoup de peine à se réunir au complet, à rédiger ce décret de concert avec MM. Km mer y et Salomon qui avaient déjà un travail prêt sur cette matière.
Les comités nous apportent des projets de décrets qui sont l'œuvre d'un petit nombre de membres ; cela vient de ce que les mêmes personnes font à la fois partie de cinq ou six comités différents je demande qu'à l'avenir les députés ne puissent être appelés qu'à un seul comité, afin qu'ils puissent s'occuper des affaires avec plus d'exactitude.
Cette motion incidente n'a pas de suite.
La discussion du projet de décret est reprise. •
Des lois trop sévères, bien loin dè produire l'abondance, ramèneront la disette. Quant à la peine dé mort, c'est une grande question de savoir si le droit de la prononcer appartient au législateur ; mais en supposant qu'il fût nécessaire et utile de la prononcer, ce ne pourrait être que pour les délits les plus graves. Ge n'est pas dans le dix-huitième siècle qu'on doit consacrer une erreur des siècles précédents.
Quant aux droits de minage et autres, les uns appartiennent à la nation, et l'Assemblée pourra en disposer ; mais d'autres appartiennent à des particuliers et on ne peut les en priver sans une juste indemnité.
, député de Morlaix (1). Messieurs, lors de votre arrêté du 29 août dernier, vous vous êtes
occhpés des moyens de faire succéder l'abondance à la disette. Vous avez ordonné la libre
circulation des grains dans l'intérieur du royaume,"et vous avez défendu l'exportation de
l'étranger.
Aujourd'hui, que vous voulez bien m'entendre, je prends la liberté d'observer, Messieurs, qu'il ne suffit pas de permettre la libre circulation des grains ; qu'il faut encore empêcher, détruire tout ce qui peut s'opposer à cette liberté, source de l'abondance.
« Le commerce des'grains, affranchi de toute gêne et de toute crainte, peut seul suffire à tous les besoins, prévenir les inégalités de prix, les varations subites et effrayantes, qu'on a vu trop souvent arriver sans causes réelles. »
Ces principes, établis par Sa Majesté dans une déclaration qu'en 1776 elle a promulguée pour le bien de ses peuples, ont porté le Roi à délivrer le commerce des fonctions incommodes de quelques offices créés pour son inspection.
11 a supprimé, dans tous ses domaines, les droits de mesurage sur les grains. Non content dp ce sacrifice, il a encore libéré ses peuples d'un droit de havage, qui se percevait dans les marchés au profit des exécuteurs des sentences criminelles, et s'est chargé d'indemniser, à ses propres frais, les officiers qu'il, privait de cette rétribution.
C'est ainsi que le Roi a fait tout ce qui dépendait de lui pour affranchir le commerce des grains dè toute éspèce d'impôt. Si lés grains sont encore assujettis à quelques droits, c'est en faveur, c'est au profit seulement des seigneurs laïques ou ecclésiastiques.
Pour établir combien les fonctions de mesureurs sont nuisibles au commerce et à la libre circulation des grains, j'employerai les propres expressions de Sa Majesté.
« Le prix (1) auquel les blés seront élevés, a déterminé Sa Majesté à s'occuper de plus en plus de lever tous les obstacles qui peuvent ralentir la libre circulation des grains, en'gêner le commerce, et rendre plus difficile la subsistance de ceux de ses sujets qui souffrent de la rareté et du haut prix des denrées. Elle a reconnu que parmi ces oblacles, un de ceux qu'il est le plus pressant " d'écarter, est la multitude de droits de différentes espèces auxquels les grains sont encore assujettis dans les halles et marchés. En effet, ces droits ont non-seulement l'inconvénient de surcharger la denrée là plus nécessaire à la vie, d'un impôt qui en augmente le prix au préjudice des consommateurs, dans ie temps de cherté, et des laboureurs, dans le temps d'abondance ; ils contribuent encore à exciter l'inquiétude des peuples, en écartant des marchés les vendeurs, qu'un commun intérêt y rassemblerait avec les acheteurs. Sa Majesté a cru, en conséquence, que la suppression de ces droits, est un des plus grands biens qu'elle pourrait procurer à ses peuples. »
Si la suppression des droits sur les grains est un des plus grands biens que le Roi ait pu
faire
Vous devez donc, Messieurs, décréter la sup-. pression de ces droits ; quelles circonstances peuvent être plus impérieuses pour cette suppression, que celles où nous nous trouvons ? Nous ne sommes point encore au niveau du besoin. Quelles circonstances aussi seraient plus favorables pour décréter cette suppression? La noblesse et le clergé nous ont prouvé qu'aucun sacrifice ne leur coûtait pour lebonheur du peuple.
Je croyais, Messieurs, trouver cette suppression exprimée dans votre arrêté du 4 août dernier. Elle était, sans doute, dans l'intention de l'Assemblée, puisqu'elle est portée dans le projet imprimé ; cependant, dans l'arrêté définitif, il n'en est fait aucune mention.
Je ne sais, Messieurs, pourquoi le droit de minage a été porté dans le projet d'arrêté, comme devant être rachetable. J'ose dire qu'il n'est pas dans le cas d'être remboursé.
Le droit de minage et mesurage, doit être distingué de celui de hallage. Et je crois qu'ils sont trop souvent confondus.
Si le droit de hallage est supprimé, il peut être juste de le rembourser, non à proportion de ce qu'il produit, mais en raison de ce que la halle à coûté à construire.
Le minage, au contraire, n'est le prix d'aucune * concession, il est un démembrement du droit de haute justice, il n'y a pas de différence à faire entre le droit de minage et celui de justice. Tous deux ont la même origine, tous deux ont la même cause, l'usurpation sur l'autorité royale.
Le minage est le droit de juger de la contenance des mesures, comme le droit de haute justice est celui de juger les personnes; le minager est un juge, ou si l'on veut, un inspecteur de police, pour la partie des mesures, comme le nailli du village est le juge des procès. Le droit de minage est donc dérivant du droit de haute-justice. Si la juridiction des mesures se trouve aujourd'hui séparée de celle ordinaire, c'est parce que l'inspection des mesures, les fonctions des mesureurs, avaient peu d'analogie avec les fonctions de judicature, et exigeaient peu de connaissances.
Que l'on n'oppose point qu'en quelques endroits le minage n'appartient pas au haut justicier. S'il est séparé de la haute justice, c'est parce que originairement le haut justicier en a consenti la distraction. Toujours est-il qu'il en dérive; et que le propriétaire, quel qu'il soit, seigneur ou non seigneur, exerce en cette partie, un droit de juridiction, d'inspection, et de police sur les . mesures.
Or, vous avez supprimé, sans indemnité, lès justices seigneuriales, vous devez donc, par une conséquence nécessaire, supprimer l'accessoire de ces justices, le droit de minage, ou le droit d'inspecter et de juger de la contenance des mesures ; alors vous aurez détruit entièrement ce droit, en France, puisque le Roi a déjà supprimé cet accessoire ae sa justice dans les lieux où iï lui appartenait; et qu'il n'existe plus que dans les lieux privés de l'avautage de l'avoir eu pour seigneur.
Sans doute, Messieurs, vous croyez avoir ordonné cette suppression par l'article 4 de vos arrêtés des 4 et 11 août. Mais elle pourrait n'être pas assez clairement exprimée.
Je demande donc que vous expliquiez nette-
ment votre intention à cet égard, afin que le peuples n'ignorent pas l'étendue de leur liberté, et qu'ils ne soient plus exposés à se trouver inquiétés dans l'achat des objets destinés à leur subsistance.
Je ne crois pas que l'explication que je demande éprouve aucune difficulté.
J'ai dit, Messieurs, que ce droit de minage devait être supprimé sans indemnité, comme l a été la haute justice, parce qu'il n'était le prix d'aucune concession. Et en effet, qu'est-ce que le seigneur, ou le propriétaire de ce droit, qui le représente, m'a donné pour s'arroger la faculté de prendre ou le vingtième ou le trentième de ma subsistance, pour s'arroger le droit de me retirer, de diminuer ma mesure; pour voir, malgré moi, si j'ai la quantité que j'ai achetée ; enfin, pour faire qu'après son inspection, que je n'ai point demandée, j'aie certainement moins que ma mesure? Il a fourni un vaisseau, un vase propre à mesurer des grains ; ce vase, ou ce vaisseau lui a peut-être coûté, il y a quelques siècles, environ 3 livres, et lui rapporte 2,000 livres pour une par année. Une avance aussi mince doit-elle raisonnablement, rapporter un aussi gros intérêt, et donner au seigneur le droit d'établir une inquisition dans sa seigneurie? Cette légère dépense peut-elle lui procurer plus longtemps le droit, dont il use toujours avec trop de rigueur, d'aller dans l'intérieur des maisons et greniers porter sa mesure, dont on n'a que faire, pour exiger une rétribution d'autant plus odieuse, qu'elle ajoute à la surabondance de sa fortune une portion nécessaire aux besoins physiques de son censitaire. Car, vous savez, Messieurs , que d'un droit originairement de protêction on en a fait une occasion d'asservissement. Le minage, pour augmenter son salaire, s'est, par l'usage, attribué le droit de mesurer, jusque chez le vendeur, et contre votre gré, le grain que vous achetez. Il devient ainsi le témoin nécessaire de nos conventions ; et, si vous ne l'admettez point dans le secret de votre marché, vous achetez un procès dispendieux, en pourvoyant à vos besoins, à ceux de votre famille.
Depuis longtemps on est convaincu des inconvénients qu'entraîne la perception de ce prétendu droit, exigé et perçu en nature en différents lieux.
Dès 1740,1e Roi, pour l'année seulement, a fait défense* de le percevoir ainsi, à raison de la rareté des grains. Dans la circonstance où nous nous trouvons le grain est-il moins rare ? Cependant le seigneur en diminue toujours la quantité, en prenant sur celle vendue un préciput plus ou moins fort.
Cette variété dans la perception faite au profit du seigneur est encore un empêchement à l'égale circulation des grains; le vendeur cherchant toujours les lieux où il a moins à payer, évite ceux où le droit est plus fort, ainsi, cette partie de juridiction et d'inspection des mesures, exercée par le seigneur, n'a d'autre effet que de faire déserter son marché, et de priver ses vassaux des moyens de se procurer facilement leur subsistance.
Ilest encore un autre abus dont lès redevables sont victimes. Quelques seigneurs, mais singulièrement les chapitres et abbayes ont des mesures particulières pour leurs redevances, et ces mesures, qui ne servent que pour eux seuls, sont tellement particulières, qu'elles portent leur nom, et s'appellent mesures de chapitres. Elle?
sont ordinairement plus grandes que celles à l'usage du peuple; aussi ne Servent-elles aux chapitres que pour leur recette, et non pas pour payer ce qu'ils doivent. Je n'oserais pas encore vous proposer l'unité des mesures; mais n'êtes-vous pas effrayés de savoir que la matrice de ces mesures particulières, toujours concentrée dans les mains des intéressés à l'agrandir, est soigneusement soustraite aux regards de la justice, et toujours méconnue du juge?
Pour parer à tous ces inconvénients, je propose donc à l'Assemblée l'arrêté qui suit :
PROJET DU DECRET.
L'Assemblée nationale, toujours occupée des moyens de procurer la libre circulation des grains dans l'intérieur du royaume, expliquant, en tant que besoin, Jes articles 1 ét 4 de son arrêté du 4 août dernier, déclare qu'elle a entendu supprimer dès lors, sans indemnité, les droits de minage, stellage, leyde, coupelle, et tous autres droits perçus sur les grains, sous le prétexte d'inspection des mesures et de mesurage desdits grains.
Décrète que, dans le royaume, le mesurage des grains sera de pure faculté, et ne se fera que sur la réquisition des parties, pour un ou plusieurs particuliers, préposés par les communautés, et assermentés par devant les juges des lieux, lesquels particuliers mesureurs seront, dans toute l'étendue du royaume, payés dë leurs salaires à raison d'un sol par setier , dans la proportion dé la mesure de Paris ; qu'à cet effet toutes les mesures actuellèment en la possession de minagers et mesureurs seront incontinent remises aux officiers municipaux des lieux, et les matrices, même celles des mesurés à l'Usage particulier de quelques chapitres, abbayes, seigneurs et autres, pour leurs redevances personnelles, déposées aux greffes des juridictions, pour y avoir recours à l'effet de l'étalonnage.
Décrète en outre que les droits de hallage, perçus sur les ventes de grains, sont dès maintenant supprimés ; déclare les halles appartenir aux communautés des lieux de leur situation, et seront les frais desdites halles remboursés par lesdites communautés, aux percepteurs des droits de hallage, suivant l'estimation qui en sera faite de gré à gré, ou par experts, et par le moyen d'une répartition qu'ordonneront les assemblées provinciales qui en détermineront le mode.
L'Assemblée va aux voix sur le projet de décret du comité des rapports et il est décrété :
1° Qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la partie du rapport du comité qui propose des règlements très-sévères, et entre autres de décerner la peine de mort contre ceux qui manqueraient aux décrets de l'Assemblée qui interdisent l'exportation des grains, et qui en ordonnent la libre circulation dans le royaume ;
2° Que les comités de féodalité, de commerce et d'agriculture présenteront à l'Assemblée des projets de décret sur les moyens de supprimer, sans injustice, les droits de minage, hallage, péage, étalage, leyde et autres droits semblables.
, dont les pouvoirs ont été trouvés en bonne forme, est admis comme
député de Boulogne-sur-Mer en remplacement de M. le dpc de Villequier, démissionnaire.
lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin:
J'ai rappelé en peu de mots l'importance de la question : C'est une grande question de commerce, c'est une grande question d'État : qu'il me soit permis d'adresser, en commençant, une prière à l'Assemblée : tâchons de nous entendre, écartons de la tribune, écartons de l'Assemblée, les passions humaines : elles n'ont rien à voir dans une affaire de pure politique et de calcul: délibérons, en hommes d'Etat, sur la question d'Etat : traitons en bons calculateurs la question de commerce. Evitons les maximes tranchantes. Les maximes tranchantes sont aussi dangereuses qu'elles sont commodes : elles dispensent de tout examen; elles plaisent à deux genres d'esprits qui se tiennent toujours aux extrémités de toutes les questions, aux esprits emportés, aux esprits paresseux 1 Des maximes modérées, une grande circonspection, une vigilance infatigable dans l'application; voilà ce qui distingue les législateurs sages et de vrais administrateurs. Je le dis, s'est écrié M. de Montesquieu, et il me semble n'avoir fait mon livre que pour le prouver ; les hommes demandent à être gouvernés par l'esprit de modération. Tel est celui qui doit éclairer l'Assemblée nationale...... Je fus sur le point d'ajouter.... Ahl Messieurs, ce grand homme s'est-il trompé ? Pensons à l'état du royaume, rentrons en nous-mêmes et prononçons.... mais je contins; ce mouvement et j'entrai dans mon sujet.
Deux questions : l'une générale et l'autre particulière: question générale, le commerce de l'Inde; question particulière, le privilège de la compagnie actuelle.
Le commerce de l'Inde. — Peut-on l'abandonner ? Sommes-nous déterminés à supporter les privations qu'entraînerait l'abandon dé ce commerce? Non, sans doute: il faut donc-évidemment le faire par nous-mêmes, ou devenir les tributaires des étrangers.
Le faire par nous-mêmes I — Gomment? par le moyen des particuliers ou d'une compagnie? Consultons l'expérience, remontons au principe.
Ici, j'ai demandé à l'Assemblée la permission de jeter un coup d'œil sur l'histoire de la compagnie des Indes, supprimée en 1769 : j'ai rappelé des faits connus : j'ai fait voir Cette compagnie naissant en 1664, à la voix de Louis le Grand et du sage Colbert, en présence et par l'avis d'une assemblée nombreuse, choisie dans tous les rangs et dans tous les états : languissante les premières années; s'élevant en 1689 à des profits considérables 3 successivement interrompue dans ses opérations, par la guerre qui suivit la dernière révolution, on devrait dire ia véritable restaura-
tion de l'Angleterre, et par la guerre de 1700; ensuite, réunie à la compagnie d'Occident en 1719, enveloppée dans les horreurs du système, mais prenant enfin une consistance solide en 1725 : de cette époque jé l'ai suivie jusqu'à la suspension de son privilège en 1769.— J'ai distingué les produits de son commerce d'avec ses répartitions; et j'ai mis en fait qué si les répartitions n'avaient pas été proportionnées aux produits, c'est que la compagnie .toujours gouvernée et souvent déchirée pâr deux commissaires du Roi, n'avait jamais été maîtresse, à proprement parler, ni de Ses opérations, ni de ses dépenses.
L'histoire de la suppression de la compagnie devait naturellement terminer ce récit. Cette histoire est peu connue. J'ai rappelé aux uns, j'ai révélé aux autres les intrigues et lès fautes qui préparèrent cettè suppression. 11 existait en 1769 deux hommes célèbres, tous deux étrangers, tous deux banquiers, tous deux hardis spéculateurs. L'un travaillait en même temps en Angleterre au changement total de la direction ; en France, à la destruction de la compagnie elle-même. Ses plans étaient 'bien concertés : toutes les apparences étaient pour ses calculs. Il s'agissait de masquer l'opération. On prenait des circuits alors pour arriver aux projets destructeurs. La conversion de la compagnie des Indes en caisse d'escompte fut proposée. Mais de si belles espérances s'évanouirent : en Angleterre, lord Clives déconcerta les calculs de l'homme dont je parlais : en France* quatre députés des actionnaires sur sept (j'étais un des quatre) renversèrent le projet de la caisse d'escompte. Mais nos succès irritèrent les ministres. Ce projet leur-convenait. La perte de la compagnie fut jurée. On lit paraître le livre de M. l'abbé Moullet et l'on attendit l'occasion.
De son côté, l'autre étranger soutenait la compagnie des Indes par des loteries. Je n'ai point accusé ses intentions, mais j'ai dit que son système produisait fautes sur fautes. Une certaine opération de lettres de change que j'ai combattue dans le temps ne fut pas la moins grave. Les embarras de la compagnie augmentèrent : ils furent dévoilés tout à coup dans l'assemblée générale. Cependant le Roi nous devait 7 millions, c'était un point convenu. On pouvait nous payer cette somme, il n'était point d'efforts, il n'était point de sacrifices que nous ne fussions prêts à faire pour continuer le commercé. Le ministre avait pris son parti. L'arrêt de suspension fut rendu au conseil. La compagnie se vit forcée d'abandonner son privilège. Mais le despotisme des ministres n'a pu détruire deux grands faits également certains : l'un, que la compagnie avait payé, depuis la paix de 176,3, beaucoup de dettes occasionnées par la déplorable guerre" de 1756, l'autre, qu'elle laissait au Roi un actif de beaucoup supérieur à son passif.
A l'exposé rapide des profits commerciaux de la compagnie, profits indépendants de leur emploi, j'ai comparé le résultat des opérations du commerce particulier; j'ai distingué dans ce commerce les commissionnaires et les intéressés; j'ai fait voir comment il était possible que les intéressés perdissent, tandis que des commissionnaires gagnaient beaucoup ; j'ai soutenu qu'à l'inspection des factures d'armement, comparées aux relevés des ventes, l'Assemblée nationale se convaincrait que les intéressés avaient perdu : et maintenant, Messieurs, vous concevez pourquoi l'auteur d'un écrit imprimé, sous le titre de Dernier mot, ne veut pas qu'il soit de votre dignité de comparer les bilans de la compagnie avec
ceux des particuliers. Eh quoil quand il existe un moyen infaillible de prononcer, en connaissance de- cause, sur les effets du privilège ou- de la liberté, l'emploi dé ce moyen qu'exige le bien public, pourrait blesser la dignité de l'Assemblée ?
On s'était prévalu dans le même imprimé de la progression successive du commerce libre. J'ai répondu que cette progression successive avait eu pour cause le changement successif des intéressés; qu'avant qu'une grande erreur fût épuisée en France, il se passait au temps, et qu'ainsi lés progrès du commerce libre n'avaient été eux-t mêmes que les progrès d'un mal certain.
Un bon gouvernement ne saurait voir d'un œil indifférent les pertes particulières, quand elles sont le fruit de ses erreurs. Eclairer et diriger lès citoyens, est la fin et le devoir de toute administration publique : j'ai jeté ce principe, en courant, pour ainsi dire : il est exact, il est sensible, il n'a pas besoin de preuves, et j'ai fait voir comment les pertes du commerce libre étaient aussi des pertes pour l'Etat. J'ai prouvé par dés raisons tirées de la position respective dés*Anglais et des Français dans l'Inde, que le commerce particulier, ce commerce appelé libre, était tout à ia fois l'esclave, le facteur et le tributaire de la compagnie anglaise. M. Pitt le sait bien : l'Assemblée nationale ne le croit pas.
Enfin là compagnie demandait au Roi, par an et par abonnement, quinze cent mille francs pour tous les frais de souveraineté. Or, depuis la suspension, il n'est point d'année que nos établissements au delà du cap de Bonne-Espérance, n'aient coûté à l'Etat quatre millions au moins, en pleine paix; souvent six, quelquefois davantage. Voilà comment les ministres avaient calculé. J'en appelle aux états de dépenses.
De ces détails, justifiés pâr l'expérience et par le calcul, je me suis élevé jusqu'au principe. J'ai parlé des avances; j'ai défini la manière dè contracter; j'ai parcouru toutes les branches du commerce français au delà du cap de Bonne-Espérance ; j'ai montré les principales difficultés, je n'ai pâs dissimulé les inconvénients* j'ai peint les avantages de ce commerce ; j'ai comparé la puissance des Anglais à notre faiblesse, ét j'ai déduit, de la nature du commerce dé l'Inde, dès mœurs, du Caractère, du gouvernement des Indiens, de l'exemple des Anglais, et de leur état comparé au nôtre, deux grandes vérités : l'une, que le commerce des Indes orientales devait se faire par une compagnie souveraine, armée, et jouissant dans l'Inde d'une puissance territoriale; c'était le principe de M. Dupleix ; c'est celui que les Anglais n'ont pas cessé de suivre, instruits par les leçons de grand homme qu'ils ont fait rappeler : l'autre, que ce principe, cet établissement d'une compagnie française, souveraine, ar-, mée, territoriale, était devenu impraticable dans les circonstances intérieures et politiques où sé trouvait la nation. Humiliant aVeul C'est malgré moi que je l'ai fait. Mais de ce qu'un principe ne peut pas être mis en pratique, s ensuit-il qu'on doive l'effacer de la liste des maximes nationales! Non, sans doute. Que fait alors un peuple sage? Il attend un moment plus heureux, ajourne la question, et garde le principe. Telle fut ma conclusion à l'égard de la question générale.
Question particulière ; le privilège de la compagnie actuelle.
11 importait de placer la question sous son vrai point de vue.
Le commerce particulier est condamné par le principe; la compagnie actuelle est condamnée par le principe : les juger par le principe, ce serait Jonc en d'autres termes proscrire le commerce de l'Inde. Cependant, on ne veut pas, on ne doit pas l'abandonner. Qu'est-ce donc que l'on doit faire? La réponse vient d'elle-même. On doit, comparer l'établissement du privilégeet l'établissement de la liberté, non pas au vrai principe, mais bien entre eux, relativement à ce principe. Celui des deux établissements qui se rapproche le plus du vrai principe est le meilleur.
Et c'est alors que rapprochant en peu de mots du principe général, le titre constitutif de la compagnie actuelle, ses opérations, ses profits, son influence politique dans l'Inde, ses moyens, ses justes -espérances, ses engagements remplis, ses marchandises accumulées sur la foi publique, en improuvant quelques abus attachés à son organisation, mais étrangers à son commerce, en m'élevant contre l'affreux principe qui, d'une loi de liberté, ferait un titre rétroactif contre la propriété ; j'ai conclu qu'en justice, aussi bien qu'en politiqué, le privilège de cette compagnie était encore préférable au commerce particulier. « L'Europe, ai-je ajouté; l'Europe commerçante est attentive à notre délibération, et l'Angleterre est à la porte qui nous écoute. »
Voilà le fidèle précis de mon opinion. Maintenant je vous demande, lecteur impartial, si vous avez, je ne dis pas conçu, mais soupçonné cette opinion, au compte qu'en a rendu le Journal de Paris.
Au reste, le succès n'a pas répondu à mon zèle. La liberté du commerce de l'Inde est décrétée. Mais cette liberté, pour être légitime, n'en sera pas moins funeste à la nation ; et j'ose dire, usant des droits de citoyen, que l'Assemblée, en rendant ce décret, a commis une grande erreur. L'Angleterre, qui l'attendait avec impatience, saura bien en profiter.
P.-S. J'achevais ce précis, quand plusieurs de mes amis vinrent m'avertir qu'il était question dans le quatre-vingt-quatorzième numéro du Journal de Paris, d'une assertion de M. le duc de Praslin, contraire à la mienne, au sujet des intrigues qui préparèrent la suspension du privilège de la compagnie en 1769. J'avais parlé le vendredi, M. le duc de Praslin a porté la parole le samedi 3, à l'ouverture de la séance. J'étais absent ; j'ignorais qu'il m'eût contredit; c'est le Journal de Paris qui me l'apprend. « M. le duc de Praslin a assuré, dit le journal, que dans la guerre qui s'est terminée en 1763, cette compagnie avait fait des pertes si considérables, qu'elle était dans une détresse si grande, qu'elle adressait supplications sur supplications au gouvernement. pour qu'il se, chargeât du payement de ses dettes, et que les actionnaires eux-mêmes sollicitèrent l'abolition de la compagnie.
« J'atteste, a dit M. le duc de Praslin, que les preuves de ces vérités sont consignées dans les Bureaux de la marine, et que l'Assemblée nationale est sûre de les y trouver. »
Ainsi s'est exprimé M. le duc de Praslin. J'ose dire qu'il s'est trompé. J'ignore si l'administration ae la compagnie a jamais sollicité l'abolition
du privilège; je n'étais ni syndic, ni directeur, j'étais député des actionnaires, mais j'atteste à mon tour que jamais les députés, ni l'assemblée générale des actionnaires, n'ont sollicité l'abolition de la compagnie, à moins qu'on ne traite de sollicitation, la remise forcée du privilège à laquelle nous contraignirent le despotique arrêt de 1769, et l'opiniâtreté du ministère dans ses mesures. Ceci demande quelques détails. Le fatal arrêt de 1769 tenu secret jusqu'à sa publication, vint tomber au milieu de nous comme "un coup de tonnerre. Nous jetâmes les hauts cris. M. Risteau, directeur de là compagnie avait composé un mémoire, qui démontrait, premièrement, que le privilège était nécessaire; secondement, que le commerce de la compagnie était toujours possible, il nous fit lecture de ce mémoire dans une assemblée générale des syndics, directeurs et députés. Nous l'approuvâmes. Il fut porté à M. le duc de Praslin, lors ministre de la marine. Nous lui demandâmes la permission de le faire imprimer. Cette permission nous fut constamment refusée. De son côté, le Parlement fit des remontrances. Elles ne furent pas écoutées ; et ce fut après une longue suite d'inutiles efforts et de plaintes infructueuses, que l'assemblée générale des actionnaires, perdant courage, remit son privilège au Roi, contre mon avis. La séance fut à peinelevée que la plupart des actionnaires, pénétrés de regrets, Vinrent m'entourer dans la salle même, et me demandèrent s'il n'était paspossiblede reprendre ses places et de revenir sur la* délibération. je répondis que le coup était porté; et je sortis en gémissant de l'avenir funeste préparé à nos établissements en Asie. L'événement n'a que trop justifié mes craintes. Nous voilà dans cette partie du monde, sans possessions, sans crédit, sans honneur. Oh 1 combien les cœurs vraiment français ont de peines à dévorer I
Il faut encore que j'instruise le public de quel-ues faits, qui le mettront à portée de juger si c'est à tort que j'ai dénoncé les attaques livrées à la Compagnie des Indes en 1769, comme l'effet d'une intrigue profonde. .
Au moment où la conversion de la compagnie des Indes en caisse d'escompte fut sur le point d'être proposée, M. de Sartine, lors lieutenant de police (j'étais avocat du Roi au Châtelet), me pria très-instamment et très-ouvertement, aux noms des deux uânistres, MM. les ducs de Choiseul et de Praslin, de ne pas m'opposer à ce projet. Je répondis à M. de Sartine que cela m'était impossible, et je lui en dis les raisons. La députation des actionnaires n'était pas encore nommée. On devait aller au scrutin par liste. Mon nom était sur 41 listes, à la disposition d'un agent du ministère, lequel agent m'en avait fait la confidence espérant me séduire. Il se trouva qu'au moment de l'élection, les 41 suffrages me furent enlevés, et la chose était si claire, que j'en riais avec mes voisins : « Toutes les fois que vous entendrez appeler ces six noms, leur disais-je, le mien ne sera pas sur la liste; » ce qui se vérifia exactement. Mais voici bien mieux. Je ne laissai pas que d'obtenir quelques succès à l'assemblée générale des actionnaires.J'en parle sans prétention et par nécessité. En peu de phrases, et presque par la simple lecture d'un projet de délibération que j'avais rédigé, je renversai tellement celui de conversion en caisse d'escompte, qu'il fut rejeté à la pluralité de 300 voix et plus, contre 20 ou 25. Qu'arrivat-il?. Le ministère feignit de craindre quelques succès du même genre au Parlement. Deux mois après, je me présentai à M. le chance-
lier de Maupeou, pour le prier de m'obtenir du Roi des provisions de conseiller en cette cour, qui se qualifiait souveraine, comme dit M. Thouret; M. le chancelier me déclara qu'il n'en ferait rien; il m'objecta la compagnie, et me renvoya à M. de Ghoiseul. Je lui déclarai, à mon tour, que je m'adresserais toujours au ministre de la magistrature, jamais à d'autres. C'était une fort belle phrase. Mais le fait est que je n'ai pu être conseiller au Parlement qu'en 1775. J'avais promis d'attendre.
Enfin, immédiatement après la suspension du privilège, ce furent des adversaires du privilège, des partisans du projet de conversion, qui, pour leur commerce particulier, obtinrent gratuitement du département de la marine, des vaisseaux tout agréés, ce qui leur valut des profits considérables, que l'ignorance ou l'intérêt attribuént à la liberté du commerce. Je l'ai dit dans mon opinion, je l'oubliais dans mon précis; je ne dois pas négliger cette vérité, bohneà deux fins. En effet, on peut juger tout à la fois par elle, et des motifs de la suspension, et des ppofits de la liberté.
Je me rappelle une autre circonstance qui sûrement ne paraîtra pas indifférente aux esprits attentifs. Il était convenable que le projet de conversion de la • compagnie des Indes - en caisse d'escompte, fût lu à la députation des actionnaires, avant d'être porté à l'assemblée générale. On le sentait, mais on différa cette lecture jusqu'à la veille de l'assemblée. Enfin on se détermina : la députation fut rassemblée. Les ministres s'étaient flattés apparemment que là présence du commissaire du Roi n'y serait pas inutile. M. Bou-tin vint s'asseoir au milieu de nous. L'auteur du projet se mit en devoir de commencer la' lecture. Je 1 arrêtai. Je demandai à M. Boutin s'il comptait rester. Sur sa réponse affirmative, je lui présentai qu'il n'en avait pas le droit; que son titre lui donnait une place à là direction, non à la députation; et je le suppliai de se retirer. M. BoUtin s'y refusa ;*la lecture du projet fut tentée de nouveau. Alors j'assurai M. Boutin qu'il me serait impossible d'opiner devant lui, et que j'allais me retirer moi-même en laissant sur le bureau une protestation que j'avais rédigée durant ce colloque. Je la lus. J'ose dire qu'elle était courte, mais énergique. M. Boutin en fut touché. Il se rendit à mes raisons et se retira. Livrés à nous-mêmes, la lecture du projet fut reprise. On fut aux voix. Les amis de ce projet se regardèrent. Le compte n'é-r tait pas difficile. Nous étions sept. Ils se virent trois contre quatre. Lecroira-t-on? Ces messieurs se levèrent et quittèrent la séance, sans en donner aucun motif. Je les laissai sortir, mais je les suivais, et je les joignis dans le vestibule. Il était rempli d'actionnaires et d'officiers de la compagnie. Ce fut alors qu'élevant la voix, j'observai a ces Messieurs que la députation ayant été régulièrement convoquée, ils n'étaient pas en droit de rompre la séance par une retraite sans motif, et jè les priai de déclarer qu'ils n'entendaient point, par leur absence, frapper cette séance de nullité. La déclaration me fut faite sans difficulté, par l'un d'entre eux, au nom de tous les trois. Tranquille sur ce point, je rentrai dans la salle delà députation. Nous délibérâmes et nous conclûmes à porter le lendemain à l'assemblée générale un projet d'arrêté qui ne laissa, comme je l'ai déjà dit, au projet deconversion que vingt ou vingt-cinq suffrages; encore ces suffrages étaient-ils presque tous d'étrangers. A présent, je laisse au lecteur équitable à décider si la réunion de
toutes les circonstances que je viens d'exposer prouve de la bonne foi ou de l'intrigue.
Au surplus, les intrigues du ministère ne sont pas toujours celles du ministre. Je suis fort éloigné d'imputer à feu M. le duc de Praslin les opérations de 1769. Nous savions tous que ce ministre écoutait volontiers M. le duc de Ghoiseul, qui, trop confiant quelquefois dans sa pénétration personnelle, n'était lui-même que l'instrument d'un petit nombre de personnes très-déliées; ce fut celte confiance de M. le duc de ChoiseUl dans sa pénétration, qui le porta, quoique averti, à proposer àu feu Roi, M. de Maupeou pour chancelier.
Je finis par une réflexion, qui malheureusement n'est pas propre à consoler les actionnaires, mais qui peut du moins rassurer leâ citoyens. Le décret qui déclare le commerce libre au delà du cap de Bonne-Espérance, n'est pas constitutionnel; mais le fût-il, l'Assemblée nationale n'étant ni ne pouvant être une convention, une autre législature éclairée par l'expérience pourra rétablir les vrais principes du Commerce de l'Inde. Je le désire. Trop heureuse la nation, si des erreurs sûr le commerce étaient les seules qu'elle eût à réparer !
Projet de Vorganisation du pouvoir judiciaire, proposé à l'Assemblée nationale, par le comité de constitution.
TITRE Ier.
Des tribunaux et des juges en général.
Art. 1er. La justice sera rendue au nom du Roi : nul citoyen,
nul corps ne peut avoir le droit de la faire rendre en sou nom.
Art. 2. Les juges seront élus par les justiciables, en la forme qui sera ci-après déterminée.
Art. 3. Les juges seront institués par le Roi, sur la présentation qui lui sera faite de deux sujets élus pour chaque place vacante.
Art. 4. Nulle charge, donnant le pouvoir judiciaire, ne pourra désormais être créée pour être vendue sous aucun prétexte.
Art. 5. La justice sera rendue gratuitement, et il sera pourvu à ce que les juges reçoivent des appointements suffisants, en raison de la dignité de leurs places et de l'importance de leurs fonctions.
Art. 6. Le pouvoir judiciaire étant subordonné à la puissance législative, les cours de justice ne pourront ni usurper aucune des fonctions du Corps législatif, ni empêcher ou retarder l'exécution de ses décrets sanctionnés par le Roi, à peine de forfaiture.
Art. 7. Les cours de justice seront tenues de transcrire purement et simplement dans leurs registres, les lois qui leur seront envoyées, dans les trois jours de leur réception, et de les publier dans la huitaine, à peine de forfaiture.
Art. 8. Les cours de justice ne pourront point faire de règlements, elles adresseront leurs représentations au Corps législatif toutes les fois qu'elles croiront nécessaire soit d'interpréter le sens douteux d'une loi, soit d'en rendre une nouvelle.
Art. 9. Le pouvoir judiciaire étant distinct et
devant être séparé du pouvoir d'administrer, les cours de justice ne pourront prendre aucune part aux choses d'administration, ni troubler, de quélque manière gue ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant elles lès administrateurs pour raison de leurs fonctions, à peine de forfaiture.
Art. 10.. Les juges légitimement élus et institués en vertu des provisions du Roi, seront inamovibles, et ne pourront être destitués de leurs places que dans le cas de forfaiture, et après qu'elle aura été jugée.
Art. 11. Les jugements en toute matière et en quelque forme qu'ils soient rendus, soit sur plaidoyer, soit sur le récit et l'avis d'un juge rapporteur, seront rendus publiquement; l'instruction même de la procédure sera publique en matière criminelle. Dans tous les cas, les parties, Ou leurs défenseurs, auront le droit d'être entendus, et de faire des observations sommaires sur l'avis du juge rapporteur.
Art. 12. Tout citoyen aura le droit de défendre lui-même sa propre cause, soit à l'audience, soit par écrit.
Art. 13. Tout privilège en matière de juridiction est aboli : tous les citoyens sans distinction plaideront en la même forme, et devant les mêmes tribunaux, dans les mêmes cas.
Art. 14. L'ordre constitutionnel des juridictions ne pourra être troublé, ni les justiciables distraits de leur tribunal naturel par des commissions ou attributions, ni par des évocations arbitraires.
Art. 15. Il sera fait une loi pour régler les cas de l'évocation légitime.
Art. 16. Les citoyens étant égaux devant la loi, toute préférence, même pour le rang et le tour d'être jugé, est une injustice. Dans tous les tribunaux, le greffier tiendra un registre dont les feuillets seront cotés et signés par le président, dans lequel toutes les parties qui demanderont jugement, se* feront inscrire dans l'ordre, de leur comparution et réquisition au greffe." Le président formera trois rôles par . distinction des procès de rapport, des causes d'audience, et des affaires provisoires et sommaires. Chaque affaire sera placée sur le rôle auquel elle appartiendra par sa nature, mais suivant l'ordre de l'inscription des parties sur le registre du greffe; et cet ordre sera suivi pour le jugement.
Art. 17. Le code de la procédure civile sera incessamment réformé, de manière qu'elle soit rendue plus simple, plus expéditivp et moins coûteuse.
Art. 18. Le code pénal sera incessamment réformé, de manière que les peines soient mieux proportionnées aux délits; observant que les peinès soient douces, et ne perdant pas de vue cette maxime, que « toute peine qui n'est pas nécessaire, est une violation des droits de l'homme, et un attentat du législateur contre la société. »
TITRE II.
De la distribution et gradation des tribunaux.
Art 1er. Il y aura dans chaque canton un juge de paix, et des.
prud'hommes, assesseurs des juges de paix.
Aat. 2. Il y aura dans chaque district un tribunal royal, sous le titre de tribunal de district.
Art. 3. Il y aura en chaque département un
des tribunaux de district, qui portera le nom et fera les fonctions de tribunal de département.
Art. 4. Il sera établi dans les villes dont la situation sera jugée la plus convenable, des : cours supérieures de justice, qui auront pour ressort le territoire de trois ou quatre départements, suivant la nécessité des lieux.
Art. 5. .Au-dessus des cours supérieures de justice, il y aura pour tout le royaume une cour suprême de révision.
Art. 6. La haute cour nationale, qui jugera les actions de responsabilité intentées contre les ministres, les crimes de lèse-nation, et la forfaiture dés cours de justice et des corps administratifs siégera, lorsqu'elle sera convoquée, auprès des législatures.
Art. 7. Les matières de police, celles de commerce, et les affaires contentieuses en matière d'administration et d'impôt, seront portées et jugées où et ainsi qu'il sera expliqué ci-après,
TITRE III.
Des juges de paix.
Art. 1er. Le juge de paix ne pourra être choisi que parmi les
citoyens éligibles aux administrations de département et de district.
Art. 2t Le juge de paix sera élu au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des suffrages, par les citoyens actifs du canton, réunis en assemblée primaire. S'il y a plusieurs assemblées primaires dans le canton, le recensement de leurs scrutins particuliers sera fait par des commissaires de chaque assemblée.
Art. 3. Une ^expédition de l'acte de nomination du juge de paix sera envoyée et déposée au greffe du tribunal du district.
Art. 4) Le Roi sera supplié d'agréer que l'acte de nomination et celui de dépôt tiennent lieu de provisions au juge de paix.
Art. 5. Chaque municipalité du canton nommera quatre notables, destinés à faire les fonctions de prud'hommes auprès du juge de paix. Ils seront élus au scrutin de liste double, et la même forme que les membres des administrations de département et de district.
Art. 6. Le juge de paix appellera du nombre de tous-les prud'hommes du canton, les deux qui se trouveront les plus voisins du lieu où il aura besoin de leur assistance.
Art. 7, Le juge de paix et les prud'hommes seront élus pour deux ans; mais ils pourront être confirmés par réélection.
Art. 8. Le juge de paix, assisté de deux prud'hommes, connaîtra de toutes les causes personnelles, sans appel jusqu'à la valeur de 50 livres, et à charge d'appel, jusqu'à la valeur de 100 livres; mais en ce dernier cas, ses jugements seront exécutoires par provision, nonobstant l'appel, en donnant caution.
Art; 9. II connaîtra de même sans appel jusqu'à la valeur de 50 livres, et à charge d'appel à quelque valeur que la demande puisse se monter, des actions pour dommages faits, soit par les hommes* soit par les bestiaux, aux champs, fruits ou récoltes; des usurpations de terres, arbres, haies -et fossés, commises dans l'année; des réparations Jocatives des maisons et fermes; des indemnités prétendues par le fermier pour non-jouissances, et des dégradations ^alléguées par le propriétaire, pourvu qu'en ces deux derniers cas, le bail n'excède pas 300 livres de loyer; du payement des salaires des gens de Ira-
vail, et des gages des domestiques ; et des actions pour injures verbales, rixes et voies de fait légères.
Art. 10. Le demandeur, accompagné« du greffier de la municipalité, titéra sa partie devant le juge de paix, en vertu d'une cédule de' ce juge, qui désignera le jour et l'heure de la comparution. La copie de cette cédule, certifiée par le greffier, sèra remise à l'ajourné, ou à la personne trouvée à son domicile, ou sera affichée à la porte du domicile, si elle est fermée.
Art. 11 . Les parties seront entendues devant le juge de paix, sans qu'elles puissent fournir aucunes écritures, ni employer le ministère d'aucun homme de loi ni de pratique. L'instruction sera faite par un procès-verbal sommaire du juge de paix et des prud'hommes, contenant en substance les dires des parties, les dépositions des témoins, s'il y en a eu d'entendus et lé résultat de la visite des lieux, s'ils ont été visité^.
Art. 12. Le juge de paix ne pourra juger qu'avec l'assistance, et en prenant l'avis de deux prud'hommes.
Art. 13. Le jugement sera écrit à la suite du procès-verbal d'instruction dont il est parlé dans l'article 11, et il sera fait,du tout deux doubles,* signés du juge de paix et des deux prud'hommes •assesseurs ; l'un de ces doubles sera dans un registre dont le dépôt sera fait au greffe du tribunal de district à la fin de chaque année, et l'autre sera remis à la partie qui aura gagné sa cause.
Art. 14. L'appel des jugements du juge de paix, lorsqu'ils seront sujets à l'appel, sera porté au tribunal de district, et jugé sommairement sur le simple exploit d'appel, à l'audience.
Art. 15. S'il y a une ville.dans le canton, cette ville aura un juge de pàix et des prud'hommes particuliers, également élus par les citoyens actifs de la ville.
Art. 16. Si la ville a plus de 4,000 âmes, il y aura autant de juges de paix.que de quartiers ou divisions d'assemblées primaires. A l'égard des villes au-dessus de 100,000 âmes, il y sera pourvu particulièrement.
Art. 17. Dans toutes les matières qui excéderont la compétence du juge de paix, ce juge et ses prud'hommes formeront un bureau de paix et de conciliation, compie il sera expliqué au titre IX, ci-après.
TITRE IV.
Des tribunaux de district.
Art. 1er. Le tribunal de district sera composé de cinq juges,
et d'un procureur du Roi qui fera en même temps le service d'avocat du Roi.
Art. 2. en cas d'empêchement momentané du procureur du Roi, ou de vacance de la place, ses fonctions seront remplies par celui des juges qui aura été élu le dernier.
Art. 3. Les juges et lé procureur du Roi du tribunal de district seront nommés au scrutin par un corps électoral, qui sera composé des membres de l'administration de district, des électeurs du district qui auront concouru à faire la dernière élection des. députés à l'Assemblée nationale, des juges du tribunal du district, et des quatre plus anciens hommes de loi, faisant leurs fonctions auprès de ce tribunal.
Art. 4. A la prochaine élection, le corps électo-
ral sera composé des membres de l'administration de district, des électeurs du district qui au-ron t nommé les membres de cette administration, et des huit plus anciens hommes de loi faisant leurs fonctions auprès des sièges de justice royale, actuellement établis dans l'étendue du district.
Art. 5. Nul ne pourra être élu juge ou procureur du Roi du tribunal de district, s'il n'est âgé de vingt-sept ans accomplis, et s'il n'a exercé les fonctions d'homme de loi pendant trois ans auprès d'une cour supérieure ou pendant cinq ans auprès d'un tribunal inférieur, sans qu'il puisse jamais être accordé aucune dispense de ces deux conditions.
Art. 6. Les électeurs ne choisiront que des sujets ayant un revenu qui suffise avec les appointements de leur place, pour qu'ils puissent vivre décemment. Le moindre taux de ce revenu doit être, indépendamment des appointements, de la valeur de 25 setiers, de blé à 75 seiiers,, évalués au taux moyen d'une année sur dix* suivant la fixation qui sera faite entre ces deux termes par les administrations de départements, eu égard au prix des choses nécessaires à la vie en chaque département., Les législatures pourront changer cette fixation tous les vingt-cinq ans. a
Art. 7. Les membres du tribunal dé district, y compris le procureur du Roi, éliront entre les cinq juges au tribunal celui qui présidera. Tous les trois ans il sera procédé à une nouvelle élection lors de laquelle l'ancien président pourra être réélu.
Art. 8. Le tribunal de district connaîtra en première instance de toutes ies causes personnelles, possessoires et réelles, en toutes matières, même en celles qui étaient ci-devant attribuées aux tribunaux d exception, hormis seulement celles qui ont été déclarées ci-dessus être de la compétence des juges de. paix, les affaires de commerce dans les districts où il y aura des tribunaux de commerce établis, les matières de police, et le contentieux en matière d'administration, ainsi qu'il sera expliqué.
Art. 9. Le tribunal de district connaîtra en premier et dernier ressort jusqu'à la valeur.de 250 livres et ses jugements seront exécutoires nonobstant l'appel, en donnant caution, jusqu'à la valeur de 500 livres.
Art. 10. 11 prononcera de même en dernier ressort sur l'appel des jugements des juges de paix, à quelques sommes que les condamnations puissent se monter, dans les matières qui sont, par leur nature, de là compétence des juges de paix.
Art. 11. Dans tous les cas où le tribunal de district prononcera en dernier ressort, le jugement ne pourra être rendu que par trois juges au moins.
Art. 12. Apres avoir élu des juges du tribunal de district, le corps électoral choisira et désignera quatre homme de loi, du nombre de,ceux faisant leurs fonctions auprès de ce tribunal, parmi lesquels le juge prendra, en cas de nécessité, les assesseurs dont il aura besoin par supplément.
TITRE V.
Des tribunaux de département.
Art. 1er. Le tribunal de département sera.composé de dix juges,
d'un avocat du Roi, et d'un procureur du Roi.
Art. 2. Les conditions d'éligibilité aux places du tribunal de département, sont les mêmes que celles détaillées aux articles 5 et 6 du titre précédent, pour les places du tribunal de district.
Art. 3. Les juges, l'avocat du Roi, et le procureur du Roi du tribunal de département seront nommés au scrutin par un corps électoral composé des membres de l'administration du, département, des membres de l'administration du district, dés électeurs du district qUi auront concouru à la dernière élection des députés à l'Assemblée nationale, des juges du tribunal de département, et de dix hommes de loi faisant leurs fonctions auprès de ce tribunal.
Art, 4. Pour la prochaine élection, le corps électoral sera composé des membres de l'administration de département, des membres de l'administration de district, des électeurs du district qui auront nommé les membres de cette administration, et de vingt hommes de loi, s'il s'en trouve jusqu'à ce nombre, faisant leurs fonctions auprès du tribunal royal actuellement établi au chef-lieu du département....
Art. 5. Les membres du tribunal de département, y compris l'avocat du Roi et le procureur du Roi, éliront entre les dix: juges du tribunal celui qui présidera. Il sera procédé tous les trois ans à une nouvelle élection dans laquelle l'ancien président pourra être réélu.
Art. 6. Ce tribunal connaîtra, comme tribunal de district, de toutes les causes qui sont delà compétence dé pareils tribunaux, en jugeant au même nombre de juges, et dans les mêmes limites soit pour le dernier ressort, ;soit pour l'exécution provisoire nonobstant l'appel.
Art. 7. Il connaîtra en dernier ressort, comme tribunal de département, de l'appel des jugements des autres tribunaux de district, situés dans l'étendue du département, lorsque ces jugements seront sujets à l'appel.
Art. 8v Cette compétence du tribunal de département jugeant sur. appel et en "dernier ressort, s'étendra jusqu'à làvaleur de 3,000 livres. Elle sera réglée provisoirement par les édita subsistants sur le fait de la présidialité, et définitivement par les lois qui seront faites sur cet objet par les législatures.
Art. 9. Quant à l'appel des jugements rendus par ces tribunaux, comme tribunaux de district, il sera porté d'un tribunal de département à l'autre, dans le ressort de la même cour, mais sans réciprocité entre eux à cet égard ; c'est-à-dire, que le tribunal de département qui connaîtra de l'appel dès jugements rendus par le tribunal de département voisin, comme tribunal de district, ressortira, dans le même cas, d'un autre tribunal de département situé dans le ressort de la même cour supérieure.
Art. 10. Dans les tribunaux de département, aucun jugement ne pourra être rendu en dernier ressort qu'au nombre de cinq juges au moins.
Art. 11. Après avoir élu les juges du tribunal de département, le corps électoral Choisira et désignera six hommes de loi du nombre de ceux faisant leurs fonctions auprès de ce tribunal, parmi lesquels le juge prendra, en cas de nécessité, les assesseurs dont il aura besoin par supplément.
. TITRE VI.
Des cours supérieures.
Art. 1er. Chaque cour supérieure sera composée
de vingt juges, d'un avocat général et d'un procureur général.
Art. 2. Nul ne pourra être élu juge, avocat général, o,p .procureur général dans une cour supérieurê, s'il n'est âgé de 30 ans accomplis, et s'il n'a exercé les fonctions de juge pendant cinq ans dans les tribunaux inférieurs ; ou celles d'homme de loi pendant cinq ans auprès d'une cour supérièure, ou pendant sept ans au près des tribunaux inférieurs.
Art. 3. Dans le cas où le ressort d'une Cour supérieure serait régi par plusieurs coutumes, lil y aura, dans cette cour, jusqu'à l'abolition de la diversité des coutumes, au moins trois juges avant occupé une place de judicature, ou exercé lès, fonctions d'homme de loi pendant le temps prescrit dap.s le. ressort de chaque coutume
Art. 4. Les juges, l'avocat général, et le procureur général dè la cour supérieure, seront nommés au scrutin par un corps électoral, composé des membres des administrations de département, d'un député de chaque administration de district, d'un député de chacun des tribunaux dp département et de district du ressort de la cour supérieure, des. membres de cette cour, et de vingt députés des hommes de loi, faisant leurb fonctions auprès d'elle.
Art/ 5. Pour la prochaine élection, le corps électoral sera composé des membres des admi-, nistrations de département du ressort de la cour, d'un député de chaque administration de district, d'un député des membres déjà institués ou simplement élus pour chacun des tribunaux de district et de département, et de vingt députés des hommes de loi, faisant leurs fonctions auprès de la cour ou du tribunal royal' actuellement existant dans la ville où se fera l'établissement de la cour supérieure.
Art. 6. Lés membres de chaque cour , supérièure, y compris l'avocat général et le procureur général, éliront, entre les vingt juges, deux1 présidénts. Il sera procédé, tous les trois ans, à une nouvelle élection, lors de laquelle les anciens présidents pourront être réélus.
TITRE VII.
De la forme des élections aux cours de justice, aux tribunaux de département, et aux tribunaux de district.
Art. 1er. Lorsqu'une place deviendra vacante dans une cour
supérieure, ou dans un des tribunaux de district et de département, l'avis en sera donné dans
la quinzaine par le président ou par celui qui le remplacera,, savoir :
Aux directoires., de toutes les administrations de département du ressort de la cour supérieure, si la place vaque dans Une cour ;
Aux directoires de département, si la place vaque dans un tribunal de département ;
Au directoire de district, si la place vaque dans un tribunal de district;.
Art. 2. L'époque de l'assemblée du corps électoral pour les remplacements à faire dans une cour supérieure, sera celle de la fin des sessions ; annuelles des administrations de département.;Les membres de ces administrations se réuniront immédiatement après la clôture de leur session, dans la ville où la cour supérieure sera, établie.
Art 3. Le jour de cette réunion et de l'élection sera concerté et convenu entre les diffé-
rentes administrations de département par la voie de leurs présidents. Les procureurs généraux syndics le feront notifier, quinze jours d'avance, par affiches dans les villes, bourgs, et municipalités de leurs départements respectifs,, et en instruiront par lettres les présidents des tribunaux de département et de district. Le procureur général syndic du département dans lequel la cour supérieure sera établie* en donnera avis, de la même manière, au président de cette cour qui avertira les hommes de loi.
Art. 4. L'époque de l'assemblée du corps, électoral pour les remplacèments à faire dans un tribunal de département, sera de même celle de la fin de 1 a session annuelle de l'administration de département. Les ftiembres de l'administration de district et les électeurs du district se réuniront aux membres de l'administration de département, immédiatement après la clôture de la session de ces derniers, dans la ville où le tribunal de département sera établi.
Art. 5. Le procureur général syndic fera notifier quinze jours d'avance, par affiches dans les ville|, bourgs et municipalités du département, le jour qui aura été fixé par l'administration de département pour procéder à l'élection. Il en instruira par lettre le directoire du district, qui convoquera les autres membres de l'administration et les électeurs du district. Il en donnera avis de même au président du tribunal de département, et celui-ci aux hommes de loi faisant leurs fonctions auprès de Ce tribunal.
Art. 6. Quand il vaquera une place dans un tribunal de district, l'élection sera faite dans les deux mois de l'avertissement que le président du tribunal aura donné de la vacance arrivée.
Art. 7. Le directoire de district fixera le jour de l'élection ; le procureur syndic le fera notifier quinze jours d avance par affiches dans les villes, bourgs et municipalités du district. Il en instruira par lettre le président du tribunal, qui avertira les hommes de loi; et le directoire convoquera tous les membres de, l'administration et les électeurs du district.
Art. 8. Si la vacance d'une place arrive, soit dans une cour supérieure, soit, dans un tribunal de département, pendant la session des administrations de département, de manière qu'il n'y ait plus lieu au délai de quinze jours pour la nôtification par affiches, il n'en sera pas moins -procédé à l'élection, aussitôt que la session des administrations sera finie, pourvu que les avis nécessaires à la réunion dés électeurs puissent être donnés.
Art. 9. L'élection des juges et dés gens du Roi, sera toujours faite au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des suffrages.
Art. 10. Les hommes de loi qui seront choisis et désignés pour assesseurs par supplément dans les tribunaux de département et de district, pourront être élus au scrutin de liste double, et à la pluralité relative des suffrages.
Art. 11. Les corps électoraux éliront toujours, pour chaque place à remplir, deux sujets qui seront présentés au Roi, entre lesquels le Roi choisira celui qu'il voudra agréer et instituer.
Art. 12. Les juges de chaque tribunal et cour supérieure de justice éliront et présenteront de même au Roi deux sujets pour chaque place de président; et le Roi fera expédier gratuitement, à celui des deux qu'il voudra bien agréer, un brevet de nomination à la place de président.
TITRE VIII.
De l'installation des juges des cours supérieures, et des tribunaux de département et de district.
Art. Ier. Lorsque le Roi aura donné son institution aux juges
qu'il aura choisis dans le nombre des sujets élus pour composer lës cours supérieures, ces
juges seront installés dans leurs fonctions en la forme suivante.
Art. 2. Les membres du directoire de département, et ceux du corps municipal de la ville où la cour supérieure sera établie, se rendront au palais, à la grande salle d'audience, et occupë-ront le haut banc, les membres du diréctoire étant à la droite, èt ceux du corps municipal à la gauche.
Art. 3. Les juges introduits dans l'intérieur du : parquet, prêteront à la nation et au Roi, devant îes membres du directoire et du corps municipal, et en présence de la commune'assistante, le serment de « maintenir de tout leur pouvoir la constitution du royaumé, d'être fidèles à* la na-I tion, à la loi et au Roi, et de remplir avec exactitude et impartialité les fonctions de «leurs offices.
Art. 4. Après ce serment prêté, les membres du directoire et du corps municipal descendant dans le parquet, feront prendre aux jugés séance' sur le haut banc, et au nom de la commune prononceront pour elle l'engagement de « porter à la cour et à ses arrêts le respect et l'obéissance que tout citoyen doit à la loi et à ses organes. »
Art. 5. La même forme sera observée pour l'installation des juges des tribunaux de département et de district, à la seule différence pour les tribunaux de district, que les membres du directoire de district y assisteront au lieu de ceux du directoire de département,
Art. 6. A l'avenir, chaque juge élu et institué en remplacement de ceux qui manqueront, prêtera, avant son installation, le serment énoncé ci-dessus en l'article 3, en présence du directoire et du corps municipal dans la salle d'audience ; après quoi, le directoire et le corps municipal-retirés, il sera installé par le tribunal qui viendra prendre sa séance ordinaire.
TITRE IX.
Des bureaux de paix, et des tribunaux de famille.
Art. 1fer. Aucune action ne sera reçue au civil dans le
tribunal de district, entre parties qui seront domiciliées dans le ressort d'un juge de paix,
soit à la ville, soit à la campagne,,si le demandeur n'a pas donné, en tête de son exploit,
copie du certificat du bureau de paix composé du juge de paix et de ses prud'hommes,
constatant que là partie adverse a été inutilement appelée au bureau de paix, ou que ce
bureau a employé sans fruit sa médiation. Dans le cas où les deux parties comparaîtront
devant le bureau, il dressera un procès-verbal sommaire de leurs dires, aveux ou dénégations
sur les points de fait.
Art. 2. En chaque ville où il y aura un tribunal de district, le corps municipal formera un bureau de paix composé de six membres choisis
parmi les citoyens recommandables par leur patriotisme et par leur probité, dont trois au moins seront nommés de loi.
Art. 3. Les membres du bureau de paix seront nommés par lés officiers municipaux, pour un an, et pourront être continués par une nouvelle nomination.
Art. 4. Aucune actiçn ne sera reçue au civil dans le tribunal de district, entre parties domiciliées dans les ressorts de différents juges de paix, si le demandeur n'a pas donné, en tête de son exploit, copie du certificat du bureau de paix du district, ainsi qu'il est dit en l'article premier ci-dessus ; et si les parties comparaissent devant le bureau, il dressera de même le procês-verbal sommaire de leurs dires, aveux ou dénégations sur les points de fait.
Art. 5. Si une partie qui aura perdu sa cause devant le tribunal de district, appelle de la sentence, soit au tribunal de département, soit à la cour supérieure; elle sera jugée non-recevable dans son appel, si elle n'a pas signifié copie du certificat du bureau de paix du district, constatant que la partie adverse a été inutilement appelée à ce bureau pour être conciliée sur l'appel, ou que le bureau a employé sans fruit sa médiation.
Art. *6. Le bureau de paix du district sera en même temps bureau de jurisprudence charitable, chargé d'examiner les affaires des pauvres qui s'y présenteront dè leur donner des conseils, et de plaider ou faire plaider leurs causes.
Art. 7. Il sera établi par les soins des corps municipaux de pareils bureaux de jurisprudence charitable, auprès des tribunaux de département et des .cours supérieures.
Art. 8. Le*service qui sera fait par les hommes de loi dans les bureaux de paix et dans les bureaux de jurisprudence charitable, leur vaudra l'exercice public des fonctions de leur état auprès des tribunaux et des cours supérieures ; le temps en sera compté pour l'éligibilité aux places de judicature; et il sera même compté double en faveur de ceux qui, ayant été assidus au bureau, auront en outre plaidé pendant deux ans les causes des pauvres.
Art. 9. Tout appelant dont l'appel sera jugé mal fondé, sera condamné en une amende qui ne pourra, sous aucun prétexte, être remise ni modérée.
Cette amende sera de 9 livres pour les appels des jugements des juges de paix aux tribunaux de district, de 30 livres pour les appels 4es jugements des tribunaux de district aux tribunaux de département, et de 60 livres pour les appels portés aux cours supérieures.
La même amende aura lieu contre les intimés qui auront refusé de paraître devant le bureau de paix, lorsque le jugement sera réformé ; et elle sera double contre ceux qui, ayant appelé sans s'être présentés au bureau de paix et en avoir obtenu le certificat, seront, par cette raison, jugés non-recevables.
Art. 10. Le produit de ces amendes, versé dans la caisse de l'administration de département, sera employé au service des bureaux de jurisprudence charitable, et spécialement à dédommager, en cas de besoin, les hommes de loi qui s'emploieront à la défense des causes des pauvres, suivant la taxe qui lèur sera faite modérément par le juge sur chaque affaire.
Art. 11. Aucune femme ne pourra se pourvoir en justice contre son mari, aucun mari contre &a femme; aucun frère contre son frère, aucun
neveu contre son oncle, aucun fils ou petit-fils contre son père ou son aïeul, aucun pupille contre son tuteur, pendant trois ans depuis la tutelle finie et réciproquement, qu'après avoir nommé des parents pour arbitres, devant lesquels ils éclairciront leur différend, et qui, après les avoir éntendus, et avoir prié les connaissances nécessaires, rendront une décision motivée.
Art. 12. Si un père, ou une mère, ou un tuteur, a des sujets de mécontentement et d'alarmes très-graves sur la conduite d'un , enfant ou d'un pupille dont il ne puisse plus réprimer les écarts, il pourra en porter sa plainte au tribunal domestique de la famille, assemblée au, nombre de huit parents les plus proqjies, ou de six au moins, s'il n'est pas possible d'en réunir un plus grand nombre.
Art. 13. Le tribunal de famille, après avoir vérifié lés sujets de plainte, pourra arrêter que le jeune homme, s'il n'est âgé que de quinze ans jusqu'à vingt, sera renfermé pendant un temps qui ne pourra excéder celui d'une année dans les cas les plus graves.
Art. 14. L'arrêté de la famille ne pourra êtré exécuté qu'après avoir été présenté au président du tribunal de département, qui en ordonnera, ou refusera l'exécution, ou ep;tempérera les dispositions, sur lesJ conclusion s ' -'Su procureur du Roi chargé de vérifier les motifs qui auront déterminé la famille.
TITRE X.
De la cour suprême de révision.
Art. 1er. La cour suprême de révision sera composée de
trente-six juges, dont trois seront présidents.
Art. 2. Le corps électoral formé par chaque cour supérieure du royaume, indiquera au Roi tous les deux ans, le nom du sujet qui lui paraîtra, parmi les^juges de cette cour, et parmi les hommes de loi qui y exerceront leurs fonctions, mériter le mieux de devenir membre de la cour suprême de révision.
Art. 3. Le corps électoral procédera au choix et à la désignation de ce sujet par la voie du scrutin, et à la majorité absolue des stiffrages. ,
Art. 4. Il faudra, pour être éligible, avoir exercé les fonctions de juge à la cour supérieure au moins pendant trois ans, ou celle d'homme de loi auprès de cette cour au moins pendant dix années, avec distinction.
Art. 5. La liste de tous les sujets qui seront indiqués et présentés au Roi par les corps électoraux de toutes les cours supérieures du royaume, sera imprimée et publiée tous les ans.
Art. 6. Le Roi choisira, dans le nombre des sujets désignés paries corps électoraux et inscrits sur la liste, les membres qui remplaceront dans la cour suprême de révision ceux qui viendront à manquer.
Art. 7. Pour la première formation de la cour suprême de révision, l'Assemblée nationale élira parmi les membres actuels du conseil 'des" parties, les juges des cours, et les hommes de loi qui ont exercé leurs fonctions auprès des cours, soixante-douze sujets qu'elle présentera au Roi, et sur lesquels Sa Majesté en nommera et instituera trente-six pour composef la cour suprême de révision.
Art. 8. Les trente-six juges éliront au scrutin individuel et à la majorité des suffrages, six
d'entre eux parmi lesquels le Roi choisira et nommera les trois présidents. 11 sera procédé tous les trois ans à une nouvelle élection, lors de laquelle lesprésidents anciens pourront être continués.
Art. 9. La cour suprême de révision connaîtra: Des demandes en cassation des arrêts des cours supérieures, et des jugements en dernier ressort rendus par les tribunaux de département et de district;
Des révisions en matière criminelle, tant que l'ordre actuel de procéder en cette matière subsistera ;
. Des règlements de compétence entre les cours supérieures et les- tribunaux de département* dans les cas où ils jugent en dernier ressort ;
Des demandes tendantes à renvoi d'une cour à une autre, pour cause de suspicion légitime;
Des prises à partie contre une cour supérieure, ou contre un tribunal de département ayatit jugé en dernier ressort, ou contre les gens du Roi, ou même personnellement contre" un des juges ou des gens du Roi d'une cour supérieure, ou.d'un tribunal de département ayant jugé en dernier ressort.
La cour de révision fera encore le rapport au Roi-des demandes de lettres de-grâce. «
Suite du projet de Vorganisation du pouvoir judiciaire, présenté, à l'Assemblée nationale par le comité de constitution.
TITRE XI.
De la haute cour nationale.
Art. 1er. La haute cour nationale sera formée par un grand juré
composé d'autant de membres qu'il y a de départements dans le royaume, et présidé par cinq
grands juges qui? dirigeront l'instruction, et qui appliqueront la loi après la décision du
juré sur le fait.
Art. 2. Lors des élections pour le renouvellement d'une législature, les électeurs de chaque département, après avoir nommé les représentants au Corps législatif, éliront au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages, un citoyen recommandable qui sera membre du grand juré pendant tout le cours de cette législature.
. Art. 3. Chaque nouvelle législature, après avoir vérifié les pouvoirs de ses membres, dressera la liste des jurés élus par les quatre-vingt-trois dév partements du royaume, et la fera publier.
Art. 4. Chaque législature sortant de fonctions, désignera, dans les derniers jours de sa session, quinze personnes qu'elle aura choisies au scrutin individuel dans le nombre des sujets présentés au Roi pour la cour suprême de révision, et inscrits sur la, liste dont il est parlé dans le titre précédent.
Art. 5. Si la législature suivante trouve matière à une accusation devant la haute cour nationale, elle fera convoquer le grand juré, et on tirera au sort publfquement dans la salle où la législature sera séante, en présence de trois commissaires du Roi que Sa Majesté sera invitée d'y envoyer, les noms des cinq grands juges (du nombre des quinze sujets désignés par la précédente législature), qui présideront le grand juré.
Art. 6. Il n'y aura point de procureur général du Roi à la haute cour nationale, mais aucune
affaire n'y sera portée qu'après que le Corps législatif aura décidé qu'elle est de nature à y être poursuivie : en ce cas,- le Corps législatif nommera quatre de ses membres pour en faire la poursuite, sous le titre de grands procurateurs de la Nation : et si le Corps législatif ne trouvait pas l'affaire assez grave pour être portée! en la haute cour nationale, il en renverrait la connaissance aux tribunaux ordinaires.
Art. 7. La haute cour nationale connaîtra :
1° Des Conspirations et attentats contre la personne du Roi;
2° Des conspirations et attentats contre la sûreté du royaume ;
* i 3° Des conspirations et attentats pour soulever le peuple, ou une partie du peuple, ou les milices nationales contre la constitution, contre l'exercice de3 pouvoirs publics qu'elle a établis, et contre la soumission due aux actes émanés de leur autorité;
4° Des conspirations et attentats pour détourner les troupes réglées de la fidélité qu'elles doivent à la nation, a la loi, au Roi et à leur engagement, en conformité du serment qu'elles ont prêté ; x
5° Des conspirations et attentats des ministres, des autres agents du pouvoir exécutif* et de toutes personnes de quelque qualité' qu'elles soient, contre la constitution, notamment des complots et entreprises pour empêcher ou gêner la formation des assemblées représentatives, ou la liberté des suffrages individuels,1 soit par corruption, dons et promesses, soit par menaces, violences et emploi de la force militaire ;
6° De la prévarication dès ministres et des autres agents du pouvoir exécutif dans l'exercice des fonctions de leur département, aux trois cas d'attentat à la liberté personnelle, de violation de la propriété, et de dissipation des fonds publics qui leur auront été confiés;
7° De la désobéissance des assemblées administratives ou des municipalités, ou dés corps de milices nationales aux décrets du Corps législatif sanctionnés par le Roi, et aux ordres de Sa Majesté relatifs, soit à l'administration générale, soit à la direction de la force publique;
8° De la désobéissance des commandants, officiers et corps de milices nationales, aux réquisitions des municipalités et aux ordres des corps administratifs, conformes aux décrets des législatures sanctionnés par le Roi;
De la désobéissance des tribunaux et cours supérieures de justice aux règles constitutionnelles sur le pouvoir judiciaire, soit par cessation combinée de service* soit par refus de transcription pure et simple et d'exécution des lois qui leur seront adressées, soit par entreprises sur les fonctions de la puissance législative, ou sur celles du pouvoir administratif.
TITRE XII.
Des juges et de la forme de juger en matière criminelle.
Art. Ier. La forme de la procédure parjurés, en matière
criminelle, est un des points fondamentaux de la constitution française.
Art. 2.11 sera incessamment rédigé un nouveau code de procédure criminelle, pour rendre la forme du jugement par jurés praticable dans l'organisation judiciaire du royaume, au plus tard
en l'année 1792, et on ne s'écartera pas dans la rédaction de ce code des règles suivantes.
Art. 3. Les jurés seront élus tous les deux ans, parmi les citoyens de bonnes mœurs et de probité reconnues, par les électeurs qui nommeront les représentants au Corps législatif.
Art. 4. Aussitôt après l'élection des jurés, le tableau de leurs noms sera dressé, et ce tableau contiendra un nombre de noms triple au moins du nombre des jurés qui sera nécessaire pour porter une décision.
Art. 5. Les jurés ne pourront prononcer qu'au nombre de douze au moins.
Art.G. Trois jours avant de commencer la procédure en présence des jurés-, le tableau général de leurs noms sera présenté à l'accusé.
Art. 7. L'açciiëé, et tous les accusés ensemble, s'il y en a plusieurs, pourront récuser, sans être tenus d'en dire le motif, autant de jurés qu'il leur plaira, pourvu qu'il en reste douze. Le nouveau code réglera la manière .dont ces récusations seront exercées.
Art. 8. L'accusé aura le droit de prendre tel nombre de conseils qu'il jugera convenable; et le juge sera tenu, si l'accusé le requiert, de lui en nommer au moins un d'office. ;
Art. 9. Le conseil de l'accusé aura le droit d'être présent à tous les actes de la procédure, et de paner le dernier en faveur de l'accusé immédiatement avant le jugement.
Art. 10. L'instruction et le rapport du procès seront faits publiquement.
Art. 11. L'accusé ne sera déclaré coupable, que par la sentence des jurés ; et le juge ne pourra appliquer la loi, ni prononcer la peine qu'après que les jurés auront déclaré l'accusé coupable, aux cinq sixièmes des voix.
TITRE XIII.
Des juges en matière de'police.
Art. Ier. Les corps municipaux veilleront et tiendront la
main,-dans l'étendue de chaque municipalité, à l'exécution des lois et des règlements de
police, et connaîtront du contentieux auquel cette exécution pourra donner lieu.
Art. 2. Le procureur de la commune poursuivra d'office les contraventions aux lois et aux règlements de police, et cependant chaque citoyen qui en ressentira un tort ou un danger personnel, pourra intenter l'action en son nom.
Art. 3. Il n'y aura point d'appel des jugements des corps municipaux en matière de police, si l'objet ou le montant de la condamnation n'excède pas la valeur de 50 livres : au-dessus de cette somme, l'appel en sera permis, et il sera porté au tribunal royal de district, qui le jugera en dèrnier ressort, à quelque somme ou valeur que la condamnation puisse se monter.
Art. 4. Les objets de oolice, confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux sont :
1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, places et voies publiques ; ce qui comprend le nettoiement, l'illumination, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou le redressement des bâtiments menaçant ruine, les défenses de rien exposer aux fenêtres ou autre partie des bâtiments qui puisse nuire par sa chute, et celle de rien jeter qui puisse blesser ou endommager les passants, ou causer des exhalaisons nuisibles.
Le soin de réprimer et de punir les délits
contre la tranquillité publique, tels que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dahs les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblées publiques, les bruits et attroupements noc- turnes qui troublent le repos et la sécurité des : citoyens.
• 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, églises, spectacles, jeux, cafés et autres lieux publics.
4° L'inspection sur la fidélité du débit des den-| rées de première nécessité, qui se vendent au poids, à l'aune ou à la mesure, et sur la salubrité des comestibles exposés" en vente publique.
5° Le soin de prévenir par des précautions convenables, et celui de faire cesser par la distribution des secours nécessaires, les accidents et fléaux calamiteux, tels que les incendies, les épidémies, les épizooties,en provoquant dans ces deux derniers cas Tautorité des administrations du département et du district.
6° Le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par les insensés ou les furieux laissés en liberté, et par la divagation des animaux malfaisants ou féroces.
Art. 5. Tous les spectacles publics ne pourront être permis et autorisés que par le pouvoir municipal; en conséquence, les privilèges exclusifs accordés par les gouverneurs des provinces* mê-, me ceux qui auraient été confirmés par des arrêts du conseil, sont et demeureront supprimés. Les entrepreneurs et directeurs de spectacles se pourvoiront devant lës officiers municipaux, qui ne-pourront exiger d'eux d'autre redevance que celle des pauvres. ,
Art. 6- Les bateleurs ne pourront s'étahlir dans les villes, bourgs ou villages, et les empiriques ne pourront vendre leurs drogués ou remèdes, qu'avec la permission des officiers municipaux ; et elle ne pourra être "accordée aux empiriques, qu'après que le juge royal du district aura vérifié qu'ils sont autorisés à débiter leurs drogues où remèdes.
Art. 7.- Les contraventions au fait de la police, ( ne pourront être punies que de l'une ae ces deux peines, ou de la condamnation à une amende pécuniaire, ou de l'emprisonnement par forme de correction pour un temps qui ne pourra excéder un mois dans les cas les plus graves.
Art. 8. Les officiers municipaux sont spécialement chargés de dissiper les attroupements et émeutes populaires, conformément, aux dispositions de la loi martiale, et responsables de leur négligence dans cette partie de leur service.
TITRE XIV.
Des juges en matière de commerce.
Art. 1er. Il sera établi un tribunal de commerce dans toutes
les villes où l'administration de département, jugeant cet -établissement néces-, saire, en
formera la demande."
Art. 2. Ce tribunal connaîtra de toutes les affaires dé commerce tant de terre que de mer, sans distinction, et des lettres et billets de change seulement lorsque des banquiers, négociants Ou marchands en devront la valeur, ou seront poursuivis comme endosseurs.
Art. 3. Il connaîtra de toutes les suites civiles
des faillites, telles qu'apposition de scellés, inventaires des meubles, marchandises et papiers des faillis; vente de ces meubles et marchandises; ordre et distribution, tant des deniers en provenant que des fruits et revenus amobiliés dés immeubles ; oppositions, revendications, Contributions; et généralement de toutes contestations qui pourraient s'élever de la part de quelques créanciers refusant d'accéder soit à l acté d'atermoiement, soit au contrat d'union, et aux autres délibérations des créanciers.
Art. 4. Le tribunal de commerce connaîtra au civil de l'exécution de ses jugements sur les effets mobiliers de la partie condamnée; des contestations au sujet des saisies et arrêts de deniers faits en vertu de ses sentences, tant entre le saisissant et la partie saisie, qu'entre le saisissant, les opposants à là sàisie, et le tiers saisi, lorsque celui-ci sera débiteur pour faits de commerce; des saisies et ventes mobilières, des oppositions qui pourront y être faites, et de la distribution des deniers en i provenant, après toutefois que les titres des opposants pour créance étran-» gère -aux faits de commerce auront été vérifiés et liquidés par le juge ordinaire de la liquidation des dommages et intérêts, ainsi que des dépens adjugés par ses -sentences, et des frais et mises d'exécution d'icelles. '
Art. 5. Ce tribunal aura aussi la policé de Son auditoire, et pourra condamner ceux qui manqueront au respect dû à ses audiences, à une amende ou à l'emprisonnement, et ordonner l'impression et l'affiche de sa sentence.
Art. 6. Les juges du tribunal de commerce ne pourront rendre aucun jugement, s'ils ne sont au nombre de trois au moins.
Art. 7. Ce tribunal prononcera en dernier ressort sur toutes les demandes dont l'objet n'excédera pas la valeur de 1,000 livres; et toutes ses sentences seront exécutoires par provision, nonobstant l'appel, en donnant caution, à quelque somme ou valeur que les condamnations puissent se monter. Toute ordonnance ou arrêt de défense tendant à arrêter celte exécution provisoire sera nul et demeurera sans effet.
Art. 8. La contrainte par corps continuera d'avoir lieu pour l'exécution de tous les jugements du tribunal de commerce : s'il survient de3 contestations sur la validité des emprisonnements, elles seront portées devant lui; et les jugeménts qu'il rendra sur cet objet seront de même exécutés par provision, nonobstant l'appel.
Art. 9. Lorsqu'un tribunal de commerce sera établi dans une des villes d'un district, il connaîtra des affaires de commerce dans toute l'étendue du ressort du district;
Art. 10. Chaque tribunal de commerce sera composé de cinq juges, y compris le président; et celui des juges qui aura été élu le dernier, remplira en cas de nécessité les fonctions de ministère public.
Art. 11. Les juges du tribunal de commerce seront élus dans l'assemblée des négociants, marchands, manufacturiers, armateurs etjcapitaines de navire de la ville où le tribunal sera établi.
Art. 12. Cette assemblée sera convoquée huit jours en avant, la première fois par les juges consuls, actuellement en exercice dans les lieux où il y en a d'établis, et par les officiers munici-cipaux dans ceux où il se fera un établissement nouveau : la convocation sera faite par affiches aux lieux publics, et par billets envoyés aux syndics et aux autres chefs des corporations commerçantes.
Art. 13. Nul ne pourra être élu juge d'un tribunal de commerce s'il n'a résidé et fait le commerce au moins depuis trois ans dans la ville où le tribunal sera établi, et s'il n'a 30 ans accomplis. Il faudra être âgé de 35 ans, et avoir fait le commerce depuis dix ans, pour être élu président.
Art. 14. L'élection sera faite au scrutin ? individuel, et à la pluralité absolue des suffrages; et lorsqu'il s'agira d'élire le président, l'objet spécial de celte élection sera annoncé avant d'aller au scrutin.
Art. 15, Les juges du tribunal de commerce seront trois ans en exercice. Le président sera renouvelé par une élection particulière tous les trois ans; et les quatre autres juges le seront tous les dix-huit mois par moitié. La première fois les deux juges qui auront eu le moins de voix sortiront de fonctions à l'expiration des dix-huit premiers mois; les autres sortiront ensuite à tour d'ancienneté.
Art. 16. Dans les districts où il n'y aura aucun tribunal de commerce, le tribunal royal de district connaîtra de toutes les matières de commerce; elles y seront instruites et jugées dans la même forme que dans le tribunal de commerce. Le tribunal de district prononcera sans appel sur ces matières jusqu'à la somme de 1,000 livres ; ses jugements seront exécutoires provisoirement nonobstant l'appel, lorsque la condamnation excédera 1,000 livres, et dans tous les ca3 ils emporteront une Contrainte par corps.
TITRE XV.
Des juges en matière d'administration et d'impôt.
Art. 1er. Il sera établi en chaque département un tribunal sous
le titre de tribunal d'administration, composé de cinq juges, qui connaîtra du contentieux en
matière d impôt et d'administration, ainsi qu'il va être dit dans les articles suivants.
Art. 2. Les juges de ce tribunal seront élus au scrutin individuel et à la pluralité des suffrages, par les mêmes électeurs qui nommeront les membres de l'administration de département. Il sera toujours élu pour chaque place deux sujets qui seront présentés au Roi, et dont un sera institué par Sa Majesté.
Art. 3. En matière de contribution directe, les contribuables qui croiront être fondés à se plaindre du taux de leur cotisation, se pourvoiront d'abord par voie d'administration au directoire du district, qui tâchera de concilier l'affaire après avoir pris l'avis de la municipalité qui aura fait la répartition. Si l'affaire ne peut pas être conciliée, elle sera portée au tribunal d'administration qui décidéra en dernier ressort, sur simples mémoires, sans forme fde procédure et sans frais, après avoir vu l'avis motivé du directoire de district.
Art. 4. Tant que les impôts indirects subsisteront, les actions pour fraudes commises à la perception de ces droits seront portées en première instance au tribunal d'administration, et par appel} à la cour supérieure de justice.
Il sera formé en chaque cour un bureau de cinq juges qui décidera ces appels, également sur simples mémoires, sans forme de procédure et sans frais.
Art. 5. Les actions relatives à la perception des droits de traites sont seules exceptées de la dis-
position de l'article précédent; ces actions continueront d'être portées aux tribunaux qui en connaissent ; mais- il ne sera conservé de ces tribunaux, que ceux qui seront nécessaires, et aux lieux seulement où les barrières seront établies.
Art. 6. Les entrepreneurs des travaux publics seront tenus de se pourvoir sur les difficultés qui pourraient s'élever en interprétation ou dans l'exécution des clauses de leurs marchés, d'abord par voie de conciliation devant le directoire du département ; et, dans le cas où l'affaire ne pourrait pas être conciliée, elle sera portée au tribunal d'administration.
Art. 7. Les contestations entre les corps administratifs et les particuliers, sur le règlement des indemnités dues à raison des terrains pris ou fouillés pour la confection des chemins, canaux, ou autres ouvrages publics, seront portées de même par voie de conciliation devant le directoire du département, et ensuite au tribunal d'administration, si la conciliation n'a pas eu de succès.
Art. 8. Les particuliers qui se plaindront de torts et dommages procédant du fait personnel des entrepreneurs des travaux publics, et non du fait de l'administration, se pourvoiront contre les entrepreneurs, d'abord devant la municipalité du lieu où les dommages auront été commis ; et ensuite devant le tribunal d'administration, lorsque la municipalité n'aura pas pu concilier l'affaire.
Art. 9. Aux cas des trois articles 6, 7 et 8 ci-dessus, le tribunal d'administration prononcera en dernier ressort, mais toujours sur simples mémoires et sans frais, après avoir pris l'avis motivé du directoire de département ou de la municipalité, suivant qu'il est précédemment expliqué.
Art. 10. L'administration, en matière de voirie, appartiendra aux corps administratifs ; et la police de conservation, au tribunal d'administration pour les grandes routes, et au tribunal royal de district pour les chemins vicinaux.
Art. 11. En matière d'eaux et forêts, la conservation et l'administration appartiendront aux corps administratifs ; les ventes et adjudications des bois seront faites devant eux ; et les actions pour la punition et réparation des délits seront portées au tribunal royal de district, qui aura aussi l'exécution des règlements concernant les bois des particuliers et la police de la pêche.
Art. 12. Tout le contentieux relatif aux transactions du commerce maritime, dont les amirautés connaissent actuellement, appartiendra aux tribunaux de commerce ; et il sera pourvu à ce què la police de la navigation et des ports soit utilement administrée.
Art. 13. La compétence attribuée aux juridictions des monnaies, et par appel à la cour des monnaies, soit pour la police des communautés qui travaillent les matières d'or et d'argent, soit pour les contestations entre les particuliers et les orfèvres, relatives au commerce de l'orfèvrerie, appartiendra aux tribunaux de district, et par appel aux cours supérieures : cependant, les officiers des juridictions des monnaies continueront de surveiller la fabrication des espèces dans les hôtels des monnaies, ainsi qu'ils ont fait par le passé ; et il sera pourvu par une commission de sept officiers nommés par le Roi, au jugement définitif des directeurs des monnaies.
TITRE XVI.
De la suppression des offices et tribunaux incom patibles avec la présente constitution judiciaire.
Art. 1er. Au moyen des dispositions contenues aux articles 3,
4, 10, 11, 12 et 13 du titre précédent, les élections, greniers à sels,-cours des aides,
bureaux des finances, grueries, maîtrises des eaux et forêts, amirautés, juridictions
con-tentieuses des monnaies, et la cour des monnaies demeureront supprimées ; et les juges
qui composent ces tribunaux, cesseront leurs fonctions aussitôt que les corps administratifs,
les tribunaux de district, et ceux d'administration seront formés.
Art. 2. Au moyen de l'abolition du régime féodal, les cours des comptes demeureront supprimées, et les juges qui les composent cesseront leurs fonctions dès qu'il aura été pourvu à un nouveau régime de comptabilité.
Art. 3. Au moyen de la disposition contenue en l'article 13 du titre Ier ci-dessus, les committimus au grand et au petit sceau, les- lettres de garde gardienne, les privilèges de cléricature, de scolarité, du scel des chûtelets de Paris, Orléans et Montpellier, des bourgeois de la ville de Paris et de toute autre ville du royaume, et en général, tous les privilèges et attributions en matière de juridiction; ensemble tous les.tribunaux de privilège ou d attribution, tels que les requêtes du palais, les conservations des privilèges des universités, les officialités, le grand conseil, la prévôté de'l'hôtel, la juridiction prévôtale, ies sièges de la connétahlie, le tribunal des maréchaux de France, et généralement tous les tribunaux extraordinaires, excepté les juridictions des traites, sont supprimés et abolis.
Art. 4. Au moyen de la nouvelle institution et organisation des tribunaux pour le service de la juridiction ordinaire, tous ceux actuellement existants sous les titres de vigueries, chàtellenies, prévôtés, vicomtés, sénéchaussées, bailliages, châtelets, présidiaux, conseils supérieurs et parlements, demeureront supprimés; et les juges qui les composent cesseront leurs fonctions aussitôt que les nouveaux tribunaux entreront en activité.
Art. 5. Les juges et les gens du Roi des cours, sièges et tribunaux qui doivent être supprimés, sont autorisés à remettre dès à présent au contrôleur générai des finances, qui en rendra compte au comité des finances et à pelui.de judicature, leurs quittances de finances* et autres actes de propriété, pour être procédé à la liquidation de leur indemnité relativement au prix porté au dernier contrat d'acquisition de chaque office.
Art. 6. Le comité des finances fera incessamment le rapport des moyens par lesquels il sera pourvu à cette indemnité, soit par le remboursement des capitaux, soit par le payement de l'intérêt à 5 0/0 de ce qui ne pourrait pas être actuellement remboursé, et des époques auxquelles il pourra être satisfait au remboursement.
(Nota. Nous insérons ici le 2*"projet présenté par le comité de constitution, afin de rendre plus facile la comparaison avec le premier projet.)
TITRE PREMIER.
Des juges en général.
Art. 1er. La justice sera rendue au nom du Roi.
Art. 2. La vénalitéjles offices de judicature est abolie pour toujours ; les juges rendront gratuitement la justice et seront salariés par l'Etat.
Art; 3. Les juges seront élus par les justiciables.
Art. 4. Ils seront élus pour six années : à l'expiration de ce terme, il sera procédé à une élection nouvelle, dans laquelle les mêmes juges pourront être réélus.
Art. 5. Il sera nommé aussi des suppléants qui, selon l'ordre de leur nominatio n, remplaceront, jusqu'à l'époque de la nouvelle élection,les juges dont les places viendront à vaquer dans le cours des six années. Une partie sera prise dans la ville même du tribunal pour servir d'assesseurs en cas d'empêchement momentané de quelques-uns des juges.
Art. 6. Les juges élus et les suppléants, lorsqu'ils devront entrer en activité, recevront du Roi des lettres patentes, scellées au sceau de l'Etat, lesquelles ne pourront être refusées, et seront expédiées, sans retard et sans frais, sur la seule présentation du procès-verbal d'élection.
Art. 7. Les lettres patentes seront conçues dans les termes suivants : « Louis, etc. Les électeurs du district de... (ou du ressort du tribunal.. .)nous ayant fait présenter le procès-verbal dè l'élection qu'ils ont faite conformément aux décrets constitutionnels, de la personne du sieur.. .pour remplir, pendantsix années, pn office de juge dans le district de....... (ou dans le tribunal d'appel de . . nous avons déclaré et déclarons que ledit sieur......est juge du district de...... (oudu tribunal d'appel ae.......) ; qu'honneur doitlui être porté en cette qualité; et que la force publique sera employée, en cas de nécessité, "pour l'exécution dés jugements auxquels il concourra, après avoir prêté le serment requis, et avoir été dûment installé. »
Art. 8. Lès officiers chargés des fonctions du ministère public seront nommas par le Roi, et nè pourront être dépossédés que peur' forfaiture dûment jugée par juge compétent.
Art. 9. Nul ne pourra être élu juge, ou suppléant, ou chargé des fonctions du ministère public, s'il n'est âgé de 30 ans accomplis, et s'il n'a été pendant 5 ans juge ou homme de loi exerçant publiquement- auprès d'un tribunal.
Art. 10. Les juges ne pourront prendre direct tement ou indirectement aucune part à l'exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l'exécution des décrets du Corps législatif sanc-tonnés par le Roi, à peine de forfaiture.
Art. 11. Ils seront tenus de transcrire, purement et simplement sur leurs registres, et de
publier, dans la huitaine, les lois qui leur seront envoyées..
Art. 12. Ils ne pourront point faire dérèglements; mais ils adresseront leurs représentations au Corps législatif, toutes les fois qu'ils croiront nécessaire soit d'interpréter une loi, soit d'en faire une nouvelle.
Art. 13. Les fonctions judiciaires sont distinctes, et demeureront toujours séparées des fonctions administratives ; les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations dés corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions.
Art. 14. En toute matière civile ou criminelle, les plaidoyers, rapports et jugements seront publics ; et tout citoyen aura le droit de défendre lui-même sa cause, soit verbalement, soit par écrit.
Art. 15. La procédure par jurés aura lieu en matière criminelle, et l'instruction sera faite publiquement.
Art. 16. Tout privilège en matière de juridiction est aboli ; tous les citoyens, sans distinction, plaideront en la même forme, etdevant les mêmes juges, dans les mêmes cas.
Art. 17. L'ordre constitutionnel des juridictions ne pourra être troublé, ni les justiciables distraits de leurs jugés naturels par commission, attributions ou évocations arbitraires.
Art. 18. Tous les citoyens étant égaux devant la loi, et toute préférence pour le rang et le tour d'être jugé étant une injustice, toutes les affaires, suivant leur nature, seront jugées dans l'ordre "selon lequel elles auront été présentées au.tribunal.
Art. 19. Les lois civiles seront revues et réformées par les législateurs, et, il sera fait un code général de lois simples, claires et appropriéés à la constitution.
Art. 20. Le code de la procédure civile sera incessamment réformé, de manière qu'elle soit rendue plus simple , plus expéditive et moins coûteuse.
Art. 21. Le code pénal sera incessamment réformé, de manière que les peines soient mieux proportionnées aux délits ; observant què les peines soient douces, et ne perdant pas de vue cette maximë, que « toute peine qui n'est pas nécessaire est une violation des droits de l'homme, et un attentat du législateur contre la société.»
TITRE II.
Des juges de paix.
Art. Ier. II y aura dans chaque canton un juge de paix, et des
prud'hommes assesseurs du juge de paix.
Art. 2. S'il y a une ou plusieurs Villes dans le canton, ces villes auront un juge de paix et des prud'hommes particuliers ;?et dans les villes qui contiendront plus de 4,000 âmes, il y aura un juge de paix par deux sections ou divisions d'assemblées primaires.
Art. 3. Le juge de paix ne pourra être choisi que parmi les citoyens éligibles aux administrations de département et de district.
Art. 4. Le juge de paix sera élu au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages, par les citoyens actifs réunis en assemblées primaires. S'il y a plusieurs assemblées primaires dans le cahton ou dans la ville, le recensement
de leurs scrutins particuliers sera fait en commun par des commissaires de chaque assemblée.
Art. 5. Une expédition de l'acte de nomination du juge de paix sera envoyée et déposée au greffe du tribunal de district. L'acte de nomination et celui de dépôt au greffe, tiendront lieu de lettres patentes au juge ae paix;
Art. 6. Chaque municipalité du canton nommera au scrutin de liste et à la pluralité relative, quatre notables destinés à faire les fonctions d'assesseurs du juge de paix. Ce juge appellera ceux qui se trouveront les plus voisins du lieu où il aura besoin de leur assistance.
Art. 7. Dans les villes, les prud'hommes assesseurs seront nommés en commun par les sections qui concourront à l'élection d'un juge de paix : elles recenseront, à cet effet, leurs scrutins particuliers, comme il est dit en l'article 4 ci-dessus. .
Art. 8. Le juge de paix et les prud'hommes seront élus pour deux ans et pourront être continués par réélection.
Art, 9. Le juge de paix, assisté de deux assesseurs, connaîtra avec eux de toutes les causes purement personnelles, sans appel jusqu'à la valeur de 50 livres, et à charge d'appel jusqu'à la valeur de 100 livres : en ce dernier cas, ses jugements seront exécutoires par provision, nonobstant l'appel. Les législatures pourront élever les taux de cette compétence.
Art. 10. Il connaîtra de même, sans appel, jusqu'à la valeur de 50 livres, et à charge d'appel à quelque valeur que la demande puisse se monter :
1° Des actions pour dommages faits, soit par les hommes, soit par les bestiaux, aux champs, fruits et récoltes ;
2° Des usurpations de terres, arbres, haies et fossés, commises dans l'année ;
3° Des réparations locàtives des maisons et ferffiesy
4° Des indemnités prétendues par le fermier ou locataire, pour non-jouissance, et des dégradations alléguées par le propriétaire ;
5q Du payement des salaires des gens de travail, et des gages des domestiques ;
6° Des actions pour injures verbales,, rixes et voies de fait, pour lesquelles il n'y aurait pas lieu à la poursuite criminelle.
Art. 11, L'appel des jugements du juge de paix, lorsqu'ils seront sujets à l'appel, sera porté devant les juges de district et jugé sommairement à l'audience sur le simple exploit d'appel.
TITRE III.
Des juges de district.
Art. 1er. Il sera établi en chaque district un tribunal composé
de trois juges, auprès duquel il y aura un officier chargé des fonctions du ministère public.
Les suppléants y seront au nombre de quatre, dont deux au moins seront pris dans la ville de
l'établissement.
Art. 2. Celui des juges qui aura été élu le premier, présidera.
Art. 3. Les juges de district connaîtront en première instance de toutes les causes personnelles, réelles et mixtes, en toutes matières, excepté seulement celles qui ont été déclarées ci-dessus être de la compétence des juges de paix, les affaires de commerce dans les districts où il y aura des tribunaux de commerce établis...
Nota. L'exception énoncée dans cet article recevra une addition, si l'Assèmblée adopte le projet du comité relativement à la police, et au contentieux de l'administration et de l'impôt.
Art. 4. Les juges de district connaîtront en premier et dernier ressort, jusqu'à la valeur de 1,000 livres de toutes affaires personnelles et des affaires réelles dont l'objet sera de 50 livres de revenu déterminé, soit en rente, soit par prix de bail.
Art. 5. En toutes matières personnelles,- réelles ou mixtes, à quelque somme ou valeur que l'objet de la contestation puisse monter, les parties seront tenues de déclarer, au commencement de la procédure, si elles consentent à être jugées sans appel, et auront encore, pendant tout le cours ae l'instruction, la faculté d'en convenir, auquel cas les juges de district prononceront en dernier ressort.
Art. 6. IIS prononceront en dernier ressort sur l'appel des jugements des juges de paix.
Art. 7. Dans tous les cas où le tribunal de district connaîtra en dernier-ressort, le jugement ne pourra être rendu que par trois juges.
TITRE IV.
Des juges d'appel.
Art. 1er. Il sera établi dans les villes dont la situation sera
jugée le plus convenable, un tribunal d'appel qui aura pour ressort trois ou quatre
départements, suivant la nécessité des lieux.
Art. 2. Ce tribunal sera composé de huit juges, auprès desquels il y aura un officier chargé des fonctions du ministère public. Les suppléants y seront au nombre, de six, dont trois au moins seront pris dans la ville de l'établissement.
Art. 3. Dans les cas où le ressort d'un tribunal d'appel serait régi par plusieurs coutumes, il y aura, dans ce tribunal, jusqu'à l'abolition de la diversité dès coutumes, au moins deux juges pris dans le.ressort de chaque coutume.
Art. 4. Les huit juges de chaque tribunal d'appel éliront entre eux deux présidents.
Art. 5. Les juges d'appel seront divisés en deux chambres qui connaîtront indistinctement de toutes les espèces d'aflaires, sans autre règle que l'option des parties, si elles se trouvent d'accord, ou bien la voie du sort, si les parties ne con^ viennent point de la chambre qui devra les juger.
Art. 6. Aucun jugement ne pourra être rendu que par quatre juges, et én cas de partage , un suppléant sera appelé.
Art. 7. La distinction des deux degrés de juridiction n'établit aucune différence ni supériorité personnelle entre les juges ; tous sont égaux en caractère. Les juges d'appel n'ont de pouvoir que sur les jugements qui leur sont déférés, et n'en ont aucun sur les juges qui les ont rendus.
Art. 8. Aucun appel ne pourra être signifié, ni avant le délai de huitaine, à dater du jour du jugement, ni après l'expiration du mois, à dater du-jour de la signification du jugement : ces deux termes sont de rigueur, et leurmobservation emportera la déchéance de l'appel; en conséquence, l'exécution des jugements qui ne sont pas exécutoires par provision, demeurera suspendue pendant le délai de huitaine.
Art. 9. La rédaction des jugements, tant sur
L'appel qu'en première instance, contiendra quatre parties distinctes (1).
Dans la première, les noms et les qualités des parties seront énoncés.
Dans la seconde, les questions de fait et de droit qui constituent le procès seront posées avec précision.
Dans le troisième le résultat des faits reconnus ou constatés par l'instruction sera exprimé, et lé texte de la loi qui aura déterminé le jugement sera copié.
La quatrième enfin contiendra le dispositif du jugement.
TITRE V.
De la forme des élections.
Art. 1er. Pour procéder à la nomination des juges de district,
les électeurs du district convoqués par le procureur syndic, commenceront par s adjoindre,
par voie d'élection, au scrutin de liste simple et à la pluralité relative, six des treize
administrateurs, et six des hommes de loi du district, ensuite tous ensemble éliront les
iuges au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages.
Art. 2. Les juges d'appel seront nommés par un corps électoral composé de la manière suivante :
Les électeurs de chaque district du ressort du tribunal d'appel, convoqués par le procureur syndic, éliront parmi eux, au scrutin de liste simple et à la pluralité relative, des députés à raison d'un sur six, présents ou absents,
Ils députeront ensuite, par la même forme d'élection, un des juges et un des hommes de loi du district.
Art. 3. Tous ces députés des districts nommeront ensemble les juges du tribunal d'appel au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages. Ils se réuniront à cet effet dans la ville qui sera désigné pour l'élection, et au jour qui aura été concerté entre les procureurs généraux syndics des départements du ressort, notifié par eux aux procureurs syndics des districs, et publié par ces derniers, quinze jours d'avance.
Art. 4. Lorsqu'il s'agira de renouveler les juges après le terme des six ans, les électeurs seront convoqués quatre mois avant l'expiration de la sixième année; de manière que toutes les élections puissent être faites et les procès-verbaux présentés au Roi deux mois avant la fin de cette sixième année.
Art. 5. Si, par quelque événement que ce puisse être, le renouvellement des juges d'un tribunal se trouvait retardé au delà des six ans, les juges en exercice seront tenus de continuer leurs fonctions jusqu'à ce que leurs successeurs puissent entrer en activité.
TITRE VI.
De l'installation des juges.
Art. 1er. Lorsque les juges auront reçu les let-tres-patentes
du Roi, ils seront installés en la forme suivante :
Art. 2. Les membres du conseil général de la commune du lieu où le tribunal, soit de première instance, soit d'appel, sera établi, se rendront en la salle d'audience et y occuperont le siège.
Art. 3. Les juges, introduits dans l'intérieur du parquet, prêteront à la nation et au Roi devant les membres du conseil général de la commune, pour ce délégué par la constitution, et en présence de la commune assistante, le serment de maintenir de tout leur pouvoir la constitution du royaume, d'être fidèle à la nation, à la loi et au Roi, et de remplir avec exactitude et impartialité les fonctions de leurs offices.
Art. 4. Après ce serment prêté, les membres du conseil général de la commune descendus dans le parquet, installeront les juges, et au nom du peuple prononceront pour lui l'engagement de porter du Tribunal et à ses jugements le respect et l'obéissance que tout citoyen doit à la loi et à ses organes.
Art. 5. Les officiers du ministère public seront reçus, et prêteront serment devant les juges, avant d'être admis à l'exercice de leurs fonctions.
TITRE VII.
Du ministère public.
Art. 1er. Les officiers du ministère public sont .agents du
pouvoir exécutif auprès des j uges : leurs fonctions consistent à faire observer, dans les
jugements à rendre, les lois qui intéressent l'ordre général, et à faire exécuter les
jugements rendus. Ils porteront lë nom de commissaires du Roi.
Art. 2. Au civil, les actions précédemment confiées aux procureurs du Roi, ou n'existant plus, ou étant attribuées aux corps administratifs ou municipaux, les commissaires du Roi exerceront leur ministère, non par voie d'action, mais seulement par celle de réquisition, dans les procès dont les juges auront été saisis: ils ne pourront agir ^'office, que pour faire nommer des tuteurs aux mineurs, et des curateurs aux furieux et insensés.
Art. 3. Ils seront entendus dans toutes les causes des mineurs, des interdits, des femmes mariées, et dans celles où les propriétés et droits, soit de la nation, soit d'une commune, seront intéressés. Ils sont chargés en outre de veiller pouf les absents indéfendus.
Art. 4. Dans les matières criminelles, les commissaires du Roi seront entendus sur toutes les accusations intentées et poursuivies, soit par les particuliers, soit par le juge que chaque tribunal revêtira annuellement de la commission d'accusateur public. Ils requerront, pendant le cours de l'instruction, pour la régularité des formes ; et, avant le jugement, pour l'application de la loi.
Art. 5. Les commissaires du Roi, chargés de tenir la main à l'exécution des jugements, poursuivront d'office cette exécution, dans toutes les dispositions qui intéresseront l'ordre public; et, en ce qui concernera les particuliers, ils pourront, sur la demande qui leur en sera faite, soit enjoindre aux huissiers de prêter leur ministère, soit ordonner les ouvertures de porte, soit requérir main-forte lorsqu'elle sera nécessaire.
Art. 6. Le commissaire du Roi auprès dés juges d'appel, veillera, dans tout le ressort, sur la conduite des juges et des officiers du ministère public, et sera tenu de donner à la chambre sédentaire de l'arrondissement, dont il sera parlé
dans le titre X ci-après, connaissance de tout ce qui lui paraîtra contraire à l'honneur et au bien de la justice. •
Art. 7. Aucun des commissaires du Roi ne pourra être membre des corps administratifs, ni des directoires, ni des corps municipaux.
TITRE VIII.
Des greffiers.
Art. 1er. Les greffiers seront nommés par les juges qui leur
délivreront une commission; et recevront leur serment. - '
Art. 2. Il y aura un greffier pour chaque tribunal de première instance, et un pour chaque chambre du tribunal d'appel.
Art. 3. Chacun de ces greffiers pourra présenter aux juges, et faire admettre au serment, un commis qui le remplacera, en cas d'empêchement légitime.
| Art.'4. Les greffiers seront tenus de fournir un cautionnement de 10,000 livres dans les tribunaux depremière instance, et de 20,000 livres dans le tribunal d'appel.
Art. 5. Us ne pourront être destitués que pour cause de prévarication jugéè.
Art, 6. Le secrétaire grenier que le juge de paix pourra commettre, prêtera serment devant lui, et sera dispensé de tout cautionnement.
TITRE IX.
Des bureaux de paix et du tribunal de famille.
Art. 1er. Dans toutes les matières qui excéderont la compétence
du juge de paix, ce juge et ses assesseurs formeront un bureau de paix et de concialition.
Art. 2. Aucune action ne sera reçue au civil devant les juges dë district, entre parties qui seront toutes domiciliées dans le ressort du même juge de paix, soit à la ville, soit à la campagne, si le demandeur n'a pas donné, en tête de son exploit, copie du certificat du bureau de paix, constatant que sa partie a été inutilement appelée à ce bureau, ou qu'il a employé sans fruit sa médiation. •
Art. 3. Dans le cas où les deux parties comparaîtront devant; le bureau, il dressera un procès-verbal sommaire de leurs dires, aveux, ou dénégations sur les points de fait.
Art. 4. En chaque ville où il y aura des juges de district, le corps municipal formera un bureau de paix, composé de six membres choisis, pour deux ans, parmi les citoyens recommandables parleur patriotisme et leur probité, dont trois au moins seront hommes de loi.
Art. 5. Aucune action du civil ne sera reçue entre parties domiciliées dans les ressorts de différents juges "de paix, si le demandeur n'a pas donné copie du certificat du bureau de paix, du district, ainsi qu'il est dit dans l'article 2 ci-dessus; et si les parties comparaissent, il sera de même dressé procès-verbal sommaire par le bureau, de leurs dires, aveux, ou dénégations sur les points de fait.
Art. 6. L'appel des jugements des juges de district ne sera pas reçu, si l'appelant n'a pas signifié copie du certificat au bureau de paix du district, constatant que sa partie adverse a été inutilement appelée devant ce bureau, pour être
conciliée sur l'appel, ou qu'il a employé sans fruit sa médiation.
Art. 7. Le bureau de paix du district sera en même temps bureau de jurisprudence charitable, chargé d'examiner les affaires des pauvres qui s'y présenteront, de leur donner des conseils, et de défendre ou faire défendre leurs causes.
Art. 8. Il sera établi, par les soins du corps municipal, de pareils bureaux de jurisprudence charitable auprès des juges d'appel.
Art. 9. Le service qui sera fait par les hommes de loi dans les bureaux de paix et de jurisprudence charitable, leur vaudra d'exercice public des fonctions de leur état auprès des juges ; et le temps en sera compté pour l'éligibilité aux places de juge.
Art. 10. Tout appelant dont l'appel sera jugé mal fondé sera condamné à une amende de 9 livres pour un appel du jugement des juges de paix, et de 60 livres pour un appel des juges du district, sans que cette amende puisse être remise ni modérée, sous aucun prétexte.
Elle aura également lieu contre lès intimés qui auront refusé de paraître devant le bureau de paix, lorsque le jugement sera réformé ; et elle sera double contre ceux qui, ayant appelé sans s'être présentés au bureau de paix, ën avoir obtenu le certificat, seront, par cette raison, jugés non-recevables.
Art. 11. Le produit de ces amendes, versé dans la caisse de l'administration de département, sera employé au service des bureaux de jurisprudence charitable.
Art. 12. Aucune femme ne pourra se pourvoir en justice contre son mari, aucun mari contre sa femme, aucun fils ou petit-fils contre son père ou son aïeul, aucun frère contre son frère, aucun neveu contre son oncle, aucun pupille contre son tuteur, pendant trois ans depuis ta tutelle finie, et réciproquement, qu'après avoir nommé des parents pour arbitres, devant lesquels ils éclairciront leur différend, et qui, après les avoir entendus, et avoir pris les connaissances nécessaires, rendront une décision motivée.
Art. 13. Si un père, ou une mère, ou un tuteur a des sujets de mécontentement et d'alarmes très-graves sur la conduite d'un enfant ou d'nn pupille dont il ne puisse plus réprimer les écarts, il pourra en porter sa plainte au tribunal domestique de la famille, assemblée au nombre de huit parents lesptus proches, ou de six au moins, s'il n est pas possible d'en réunir un plus grand nombre.
Art. 14. Le tribunal de famille, après avoir vérifié les sujets de plainte, pourra arrêter que le jeune homme, s'il est âgé de moins de vingt ans, sera renfermé pendant un temps qui ne pourra excéder celui d'une année dans les cas les plus graves.
Art. 15. L'arrêté de la famille ne pourra être exécuté qu'après avoir été présenté au président du tribunal du district, qui en ordonnera ou refusera l'exécution, ou en tempérera les dispositions, après-avoir entendu l'officier du ministère public, chargé de vérifier les motifs qui auront déterminé la famille.
TITRE X.
Du tribunal de cassation.
Art. ler. Le tribunal de cassation sera composé d'une chambre
sédentaire à Paris, et de six
chambres sédentaires dans les différentes villes du royaume pour les arrondissements qui seront déterminés.
Art. 2. La chambre sédentaire à Paris prononcera sur l'admission des requêtes en cassation ainsi que sur le fond de celles qui auront été admises, sans pouvoir jamais prononcer sur le fond même du procès.
Elle jugera les actions en prise à partie lorsqu'elles seront dirigées ou contre un tribunal d'appel entier, ou contre une de ses chambres et réglera la compétence entre les tribunaux d'appel établis dans les arrondissements différents.
Art. 3. 11 sera remis chaque année à la législature, par la chambre sédentaire à Paris, un état sommaire, explicatif des demandes en cassation et en prise en partie qui y auront été portées, ainsi que des jugements qu'elle aura rendu sur ces demandes, et des motifs qui les auront déterminés.
Art. 4. Les chambres sédentaires dans les arrondissements recevront les requêtes en cassation, et les enverront, ainsi que les pièces des procès, avéc leur avis, à la chambre sédentaire a Paris.
L'instruction des demandes en cassation qui auront été admises, se fera devant elles, et, après l'instruction finie, elles renverront l'affaire à la chambre sédentaire à Paris pour y être jugée.
Art. 5. Elles connaîtront des requêtes civiles contre les jugements en dernier ressort, rendus dans leur arrondissement.
Elles régleront la compétence entre les tribunaux d'appel de leur arrondissement.
Elles jugeront les prises à partie dirigées soit contre un tribunal de district entier, soit contre les officiers du ministère public, ou quelques-uns des juges, tant des tribunaux d'appel, que des tribunaux de district.
Elles connaîtront des récusations intentées contre l'officier du ministère public ou contre quelques-uns des juges du tribunal d'appel.
Elles seront enfin chargées de ramener, par des avertissements ou des réprimandes, selon la nature des circonstances; ceux des juges et des officiers du ministère public de leur arrondissement, qui s'écarteraient de leurs devoirs.
Art. 6. La chambre sédentaire à Paris sera composée de vingt juges, et aura pour président le ministre de la justice, qui ne pourra jamais être inamovible. L'office de chancelier de France est et demeurera supprimé.
Art. 7. Chacune des chambres d'arrondissement sera composée de trois juges. La chambre Sédentaire à Paris nommera tous les deux ans, trois de ses membres qui, pendant ce temps, demeureront bornés à faire le service de chambre d'arrondissement daps le territoirequi leur sera assigné.
Art. 8. Les mêmes électeurs qui nommeront les juges de chaque tribunal d'appel, indiqueront au Roi, tous les deux ans, le nom du sujet qui, parmi les juges et les hommes de loi de chaque département, ayant exercé ces, fonctions pendant dix ans, leur paraîtra digne de devenir membre du tribunal de cassation.
Art. 9. Les électeurs procéderont au choix de ce sujet par la voie du scrutin individuel, et à la majorité absolue des suffrages.
Art. ÎO. La liste de tous les sujets qui auront été désignés au Roi, sera imprimée et publiée tous les ans, et remise au Corps législatif. r' Art. I l. A chacune des élections qui suivront Ta première, il sera décidé d'abord, par un scru-
tin préalable, s'il y a lieu de désigner de nouveaux sujets. Il ne sera fait aucune addition à la liste pour les départements où les électeurs n'auront pas trouvé lieu à une nouvelle désignation ; et dans le cas contraire, les noms des sujets nouvellement élus seront ajoutés aux anciens.
Art. 12. Le Roi choisira et nommera dans le nombre des sujets désignés par les électeurs, et inscrits sur la liste, les membres qui remplaceront ceux dont les places viendront à vaquer dans la chambre sédentaire à Paris, ét dans celles des arrondissements.
Art. 13. Pour la première formation de la chambre sédentaire à Paris, le Roi nommera 20 sujets dans le nombre de 30 qui lui seront présentés par l'Assemblée nationale, et qu'elle élira parmi ceux des membres actuels du conseil, des juges et des hommes de loi qui ont exercé leurs fonctions pendant dix années.
Art. 14. La première formation des chambres d'arrondissement se fera par la nomination du Roi sur la liste des sujets désignés par les électeurs qui procéderont à la prochaine élection des juges d'appel.
TITRE XI.
Des juges en matière de police.
Art. 1er. Les corps municipaux veilleront et tiendront la main,
clans l'étendue de chaque municipalité, à l'exécution des lois et des règlements de police,
et connaîtront du contentieux auquel cette exécution pourra donner lieu.
Art. 2. Le procureur de la commune poursuivra d'office les contraventions aux lois et règlements de police ; et cependant chaque citoyen qui en ressentira un tort ou un danger personnel, pourra intenter l'action en son nom.
Art. 3. Les objets de police, confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux, sont :
1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dan3 les rues, places et voies publiques; ce qui comprend le nettoiement, l'illumination, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou réparation des bâtiments menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autre partie des bâtiments, qui puisse nuire par sa chute, et celle de rien jeter qui puisse blesser ou endommager les passants, ou causer des exhalaisons nuisibles;
2° Le soin de réprimer et de punir les délits, contre la tranquillité publique, tels que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblées publiques, les bruits et attroupements nocturnes qui troublent le repos des citoyens ;
3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les Foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, églises, spectacles, jeux, cafés et autres lieux publics ;
4° L'inspection sur la fidélité du débit des denrées de première nécessité qui se vendent au poids, à l'aune ou à la mesure, et sur la salubrité des comestibles exposés en vente publique;
5° Le soin de prévenir par les précautions convenables, et celui de faire cesser par la distribution des secours nécessaires, les accidents et fléaux câlamiteux, tels que les incendies, les épidémies, les épizooties, en provoquant dans ces derniers cas l'autorité des administrations de département et de district ;
6° Le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourront être occasionnés par les insensés ou les furieux laissés en liberté, et par la divagation des animaux malfaisants ou féroces.
Art. 4. Les spectacles publics ne pourront être permis et autorisés que parle pouvoir municipal. Ceux des entrepreneurs et directeurs actuels qui ont obtenu des autorisations, soit des gouverneurs des anciennes provinces, soit de toute autre manière, se pourvoiront devant les officiers municipaux, qui confirmeront leur jouissance pour le temps qui en réste à courir, à charge d'une redevance en faveur des pauvres.
Art. 5. Les contraventions au fait de la police ne pourront être punies que de l'une de ces deux peines, ou de la condamnation à une amende pécuniaire, ou de l'emprisonnement, par forme de correction, pour un temps qui ne pourra excéder un mois dans les cas les plus graves.
Art. 6. Les officiers municipaux sont spécialement chargés de dissiper les attroupements et émeutes populaires, conformément aux dispositions de la loi martiale, et responsables de leur négligence dans cette partie de leur service.
TITRE XII.
Des juges en matière de commerce.
Art. 1er. Il sera établi un tribunal de commerce dans toutes
les villes où l'administration de département, jugeant cet établissement nécessaire, en
formera la demande.
Art. 2. Ce tribunal connaîtra de toutes les affaires de commerce, tant de terre que de mer, sans distinction, et des lettres et billets de change, seulement lorsque les banquiers, négociants ou marchands en devront la valeur, ou seront poursuivis comme endosseurs.
Art. 3. Il sera fait un règlement particulier pour déterminer d'une manière précise l'étendue te les limites de la compétence des juges de commerce.
Art. 4. Ces juges prononceront en dernier ressort sur toutes les demandes dont l'objet n'excédera par la valeur de 1,000 livres.Tous leurs jugements seront exécutoires par provisions, nonobstant l'appel, à quelque somme ou valeur que les condamnations puissent monter.
Art. 5. La contrainte par corps continuera d'avoir lieu pour l'exécution de tous leurs jugements. S'il survient des contestations sur la validité des emprisonnements, elles seront portées devant eux, et les jugements qu'ils rendront sur cet objet, seront de même exécutés par provision, nonobstant l'appel.
Art. 6. Les juges de commerce, établis dans une des villes d'un district, connaîtront des affaires de commerce dans toute l'étendue dtf district.
Art. 7. Chaque tribunal de commerce sera composé de cinq juges. Ils ne pourront rendre aucun jugement, s'ils ne sont au nombre de trois au moins; celui qui aura été élu le dernier, remplira, en cas de nécessité, les fonctions du ministère public.-
Art. o. Les juges de commerce seront élus dans l'Assemblée des négociants, banquiers, marchands, manufacturiers, armateurs et capitaines de navire, de la ville où le tribunal sera établi.
Art. 9. Cette assemblée sera composée huit jours en avant par affiches, et à cri public, la première fois par les juges consuls actuellement^ exercice dans les lieux où il y en a d'établis, et par les officiers municipaux dans ceux où il se fera un établissement nouveau.
Art. 10. Nui ne pourra être élu juge d'un tribunal de commerce, s'il n'a résidé et fait le commerce au moins depuis 5 ans, dans la ville où le tribunal sera établi, et s'il n'a 30 ans accomplis. Il faudra être âgé de 35 ans et avoir fait le commerce depuis 10 ans, pour être président.
Art. 11. L'élection sera faite au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages ; et lorsqu'il s'agira d'élire le président, l'objet spécial de cette élection sera annoncé avant d'aller au scrutin.
Art. 12. Les juges du tribunal de commerce seront 2 ans en exercice; le président sera renouvelé par une élection particulière, tous les deux ans; les autres juges le seront tous les ans par mpitié. La première fois les deux juges qui auront eu le moins de voix sortiront de fonctions à l'expiration delà première année-; les autres sortiront ensuite, à tour d'ancienneté.
Art, 13. Dans les districts où il n'y aura pas de juges de commerce, les juges du district connaîtront de toutes les matières de commerce, et les jugeront dans la même forme que les juges de commerce. Leurs jugements seront de même sans appel jusqu'à la somme de 1,000 livres: exécutoires, nonobstant l'appel, au-dessus de 1,000 livres, et produisant dans tous les cas la contrainte par corps.
TITRE XIII.
Des juges pour le contentieux de Vadministi ation et de Vimpôt.
Art. ler. Usera établi en chaque département un tribunal sous
le titre de Tribunal d'administration, composé de trois juges, qui connaîtra du contentieux
en matière d'administration et d'impôts, ainsi qu'il va être dit dans les articles suivants.
Art. 2. Ces juges seront élus au scrutin individuel et à la pluralité des suffrages, par lés mêmes électeurs qui nommeront les membres de l'administration de département. Celui qui aura été élu le premier, présidera.
Art.'3. En matière de contribution directè, les contribuables qui se plaindront du taux de leur cotisation se pourvoiront d'abord, par voie d'administration, au directoire du district qui tâchera de concilier l'affaire, après avoir pris l'avis de la municipalité qui aura fait la répartition. Si l'affaire ne peut pas être, conciliée, elle sera portée - au tribunal d'administration qui décidera, en dernier ressort sur simples mémoires, sans forme de procédure et sans frais, après avoir vu l'avis motivé du directoire de district.
Art. 4. Tant que les impôts indirects subsisteront,. les actions relatives à la perception de ces droits seront jugées en premier et dernier ressort par le tribunal d'administration, également sur simples mémoires, et sans frais de procédure.
Art. 5. Les entrepreneurs des travaux publics seront tenus de se pourvoir sur les difficultés qui pourraient s'élever en interprétation ou dans l'exécution des clauses de leurs marchés, d'abord par voie de conciliation, devant lé directoire de département ; et, dans le cas où l'affaire ne pour-
rait pas être conciliée, elle sera portée au tribunal d'administration.
Art. 6. Les contestations entre les corps administratifs et les particuliers sur le règlement des indemnités dues à raison des terrains pris ou fouillés pour la confection des chemins, canaux ou autres ouvrages publics, seront portées de même, par voie de conciliation, devant le directoire de département et ensuite au tribunal d'administration, si la conciliation n'a pas de succès.
Art. 7. Les particuliers qui se plaindront des torts et dommages, procédant du fait personnel des entrepreneurs, et non du fait de l'administration, se pourvoiront contre les entrepreneurs, d'abord devant la municipalité du lieu où les dommages auront été commis, et ensuite devant le tribunal d'administration, lorsque la municipalité n'aura pu concilier l'affaire.
Art. 8. Aux cas des trois derniers articles ci-dessus, le tribunal d'administration prononcera en dernier ressort, mais toujours sur simples mémoires, et sans frais, après avoir pris l'avis motivé du directoire de département ou de la municipalité, ainsi qu'il est précédemment expliqué.
TITRE XIV.
De la suppression des anciens offices et tribunaux.
Art. 1er. L'administration, en matière de voirie, appartiendra
aux corps administratifs, et la police de conservation au tribunal d'administration pour les
grandes routes, et aux juges de district pour les chemins vicinaux.
Art. 2. En matière d'eaux et forêts, la conservation et l'administration appartiendront aux corps administratifs : les ventes et adjudications des bois seront faites devant eux; et les actions pour la punition et réparation des délits seront portées devant les juges de district, qui auront aussi l'exécution des règlements concernant les bois des particuliers, et la police de la pêche.
Art. 3. Tout le contentieux relatif aux transactions du commerce maritime, doot les amirautés connaissent actuellement, étant attFibué aux tribunaux de commerce, il sera pourvu, au surplus, à ce que la police de la navigation et des ports soit utilement administrée.
Art. 4. La compétence des juridictions et de la cour des monnaies, soit pour la police des communautés qui travaillent les matières d'or et d'argent, soit pour les contestations entre les particuliers et les orfèvres, relatives au commerce de l'orfèvrerie, appartiendra aux juges du district ; et il sera pourvu par une commission d'officiers nommée par le Roi, tant à la surveillance de la fabrication des espèces dans les hôtels des monnaies, qu'à la décharge définitive des directeurs des monnaies.
Art. 5. Au moyen des dispositions contenues dans les articles 3 et 4 du titre précédent, et dans les quatre articles ci-dessus du présent titre, les élections, greniers à sel, juridictions des traites, grueries, maîtrises des eaux et forêts, amirautés, juridictions et cours des monnaies, et les cours des aides, demeureront supprimés.
Art. 6. Au moyen de 1 abolition du régime féodal, les chambres des comptes demeureront supprimées aussitôt qu'il aura été pourvu à un nouveau régime de comptabilité.
Art. 7, Au moyen de la disposition contenue
en l'article 16 du titre 1er ci-dessus, les commit-timus au
grand et au petit sceau, les lettres de garde gardienne, les privilèges de cléricature, de
scolarité, du scel des chàtelets de Paris, Orléans et Montpellier, des bourgeois de la ville
ae Paris, et de toute ville du royaume, et en général tous les privilèges et attributions en
matière de juridiction ; ensemble tous les tribunaux de privilège ou d'attribution, tels que
les requêtes du palais, les conservations des privilèges, des universités, les officialités,
le grand conseil, la prévôté de l'hôtel, la juridiction prévôtale, les sièges de la
connétablie, les tribunaux des maréchaux de France, et généralement tous les tribunaux autres
que ceux établis par la présente constitution, sont supprimés et abolis.
Art. 8. Au moyen de la nouvelle institution et organisation des tribunaux pour le service de la juridiction ordinaire, tous ceux actuellement existants sous les titres de vigueries, châtellenies, prévôtés, vicomtés, sénéchaussées, bailliages, chàtelets, présidiaux, conseil provincial d'Artois, conseils supérieurs, parlements, et les conseils des parties, demeureront supprimés.
Art. 9. Les officiers qui composent les différents tribunaux supprimes, cesseront leurs fonctions aussitôt que les nouveaux juges pourront entrer en activité
Art. 10. Ces officiers remettront au contrôleur général des finances, qui en rendra compte au comité des finances, et a celui de judicature, leurs quittances de finance, et autres actes de propriété, pour être procédé à la liquidation de leur indemnité.
4e ANNEXE.
Rapport de M. Tronchet, seconde partie, questions particulières aux provinces de Béarn, et de la Basse-Navarre (1).
Les députés du Béarn nous ont remis deux mémoires très-clairs et très-courts, dont la lecture suffira pour vous faire connaître les difficultés qui sont particulières aux provinces du Béarn et de la Basse-Navarre, et qui naissent des usages locaux sous la forme actuelle de 1a procédure criminelle dans le ressort du parlement de Pau. Après que vous en aurez entendu la lecture (2), j'aurai l'honneur de vous présenter quelques réflexions fort simples, et le projet de décret qui nous a paru devoir en résulter.
Il n'est pas difficile de sentir combien est abusif pour le Béarn l'usage qui en soumet les habitants à être jugés, en matière criminelle, en première et dernière instance, au parlement. Il y a moins d'inconvénients pour les habitants de la Basse-Navarre, qui ont le choix de porter ces sortes d'affaires ou devant les juges ordinaires, sauf l'appel, ou en première et dernière instance devant le parlement. 11 en résulte cependant qu'il dépend du plaignant d'enlever à l'accusé le droit de subir deux jugements et deux examens sur des contestations qui intéressent son honneur ou sa vie.
Il n'est pas moins extraordinaire que le procureur du Roi, dans certains cas, soit tout a la
fois la partie plaignante et le ministre informateur.
Mais vous touchez de trop près, Messieurs, à l'époque qui doit donner une meilleure constitution à la France dans l'organisation du pouvoir judiciaire, et soumettre tout le royaume à un régime commun et uniforme. Votre comité a donc cru que vous pourriez fermer les yeux pour quelques instants sur ces vices particuliers a l'organisation des tribunaux du Béarn et de la Basse-Navarre, et vous borner, quant à présent, à y lever les obstacles qui pourraient suspendre l'exécution de vos décrets relatifs à la réformation provisoire de la procédure criminelle.
La première difficulté qui se présente est celle de savoir dans quels lieux doivent être faites les listes et les nominations des notables adjoints. Régulièrement ce ne devrait être qu'à Pau et près le parlement, puisqu'il est, au moins pour le Béarn, le seul tribunal qui connaisse des matières criminelles, puisque les procureurs dès districts et les commissaires enquêteurs ne sont que des délégués du parlement.
Mais il y aurait beaucoup d'inconvénients à n'avoir des adjoints que dans le lieu du siège du parlement ; les actes d'instruction qui précèdent le décret, rie se faisant point dans la ville de , Pau, il faudrait que les adjoints domiciliés dans" cette ville, se transportassent dans les divers districts, ou parsans, ou dans les lieux où les commissaires enquêteurs se transporteraient eux-mêmes, ce qui rendrait la fonction d'adjoint très-onéreuse, et pourrait apporter beaucoup de retardement à l'instruction des procédures criminelles. D'ailleurs, dans la Basse-Navarre il y a des procédures criminelles qui s'instruisent et se jugent en première instance dans les sénéchaussées ou châtellenies, et où par conséquent il faut établir des adjoints. Il en faut aussi pour les procédures dont l'instruction peut se faire dans la ville même de Pau.
Nous vous proposerons donc d'ordonner qu'il sera élu des adjoints : l°dans le chef-lieu de chaque district ou parsan du Béarn, pour toute l'étendue de ce district; 2° dans chaque sénéchaussée ou châtellenie de la Basse-Navarre; 3° ènfin dans la ville même ou siège le parlement.
Les adjoints seront destinés à assister aux actes d'instruction, selon qu'ils se feront par les procureurs du Roi des districts, ou par les procureurs du Roi des sénéchaussées et châtellenies, ou par les commissaires enquêteurs.
Ces établissements fournis, il ne s'agit plus que d'assujettir les procureurs du Roi des districts ou des sénéchaussées, et la cour elle-même à sè conformer à vos règlements, sur la nécessité de l'assistance des adjoints aux actes d'instruction indiqués par vos décrets.
Mais il faudra encore arrêter un abus qui s'est introduit dans les fonctions des procureurs du roi des districts, et que la seule autorité du parlement n'a pu réformer jusqu'ici. Cet abus est celui de la trop grande liberté que la coutume semble accorder aux procureurs des districts de se transporter au domicile des témoins pour y réunir leurs dépositions, ce qui occasionne des déplacements fréquents dans toute l'étendlie de leurs districts, et multiplie ainsi leurs vacations et les frais, souvent sans nécessité.
Voici le projet de décret que nous vous proposons d'après ces vues.
PROJET DE DECRET Pour le Béarn et la Basse-Navarre.
Art. 1er. Dans les provinces du Béarn et de la Basse-Navarre,
les affaires criminelles continueront de s'instruire et d'être jugées par les personnes et
dans les tribunaux auxquels l'usage actuel en a donné le droit, jusqu'à ce qu'il en ait été
autrement ordonné, sous les conditions et avec les modifications ci-après prescrites.
Art. 2. Dans tous les chefs-lieux des districts, ou parsans du Béarn, la municipalité, et en cas qu'il n'y ait pas de municipalité, la communauté des habitants nommera un nombre suffisant de notables, eu égard à l'étendue du district, pour remplir la fonction d'adjoint dans les plaintes et dans les actes d'instruction qui y seront faits par les procureurs du Roi du district, ou parsan, dans les cas qui sont de leur compétence.
Art. 3. Dans chaque sénéchaussée ou châtellenie de la Basse-Navarre, la municipalité, et en cas qu'il n'y ait pas de municipalité, la communauté des habitants nommera pareillement un nombre suffisant de notables, eu égard à l'étendue du ressort/ pour remplir la fonction d'adjoint dans les plaintes et dans les actes d'instruction qui y seront faits, soit par les commissaires enquêteurs, soit par le procureur du Roi de la sénéchaussée ou Cnâtellenié.
Art. 4. Il sera en outre nommé dans la ville de Pau, par la municipalité, un nombre suffisant de notables pour remplir la fonction d'adjoint dans les plaintes et dans les actes d'instruction, qui ont accoutumé d'être faits par le parlement, et dans le lieu de son établissement.
Art. 5. La liste des notables nommés pour adjoints dans les districts, ou parsans du Béarn, sera déposée, au greffe des sénéchaussées les plus voisines du chef-lieu du district La liste des notables nommés pour adjoints dans les sénéchaussées ou châtellenies delà Basse-Navarre, sera déposée au greffe desdites sénéchaussées, et celle des notables nommés pour adjoints dans la ville de Pau, sera déposée au greffe du parlement.
Art. 6. Les plaintes qui seront présentées, soit aux procureurs du Roi des districts, ou parsans du Béarn, soit au parlement, soit aux sénéchaussées , soit aux châtellenies de la Basse-Navarre, ne le seront qu'en présence de deux adjoints, amenés par le plaignant et choisis par lui dans le nombre de ceux" compris aux listes du district ou parsan, des sénéchaussées ou du parlement, selon que la plainte sera rendue devant le procureur du Roi du parsan, ou en la sénéchaussée, ou au parlement.
Art. 7. Toutes les informations, qui précéderont le décret, et qui seront faites par les procureurs du Roi de districts ou parsans, soit sur la plainte des particuliers, soit d office, et celles qui seront faites par les commissaires enquêteurs, ou procureurs du Roi des sénéchaussées ou châtellenies, le seront en présence de deux notables adjoints.
Art. 8. Les procureurs du Roi de districts, ou parsans de Béarn, seront tenus de procéder à l'audition des témoins dans le chef-lieu de leurs . districts. Ils ne pourront se transporter au domicile des témoins, si ce n'est dans le cas d'une exoine valable proposée par le témoin, et justifiée. Ils ne pourront également se transporter dans
un autre lieu du ressort de leur district, pour procéder à l'audition des témoins, si ce n'est dans le cas prescrit par l'article 8 du décret des 8 et 9 octobre dernier.
Art. 9. Au surplus, toutes les dispositions des décrets des 8 et 9 octobre et......décembre dernier, seront exécutées selon leur forme et teneur, parlés procureurs du Roi de districts ou parsans, et des sénéchaussées, et par tous les juges des tribunaux et de la cour du Béarn et de la Basse-Navarre, chacun en ce qui les concerne, soit pour la réception des plaintes, soit pour les actes d'instructions, soit pour le jugementydes procès criminels.
Mémoire pour les députés du Béarn au sujet du décret des 8 et 9 octobre, sur la ré formation de quelques points de la jurisprudence criminelle.
Ce décret, utile et désiré par tous les bons citoyens, donne lieu à de grandes difficultés dans le Béarn; mais c'est moins au décret qu'il faut les rapporter, qu'à l'ordre particulier qui s'y observe dans l'administration de la justice criminelle.
Le parlement est seul en possession de connaître des matières criminelles; il les juge en premier et dernier ressort, mais il ne reçoit point des plaintes, excepté dans des cas graves et extraordinaires.
Les plaintes sont portées devant des procureurs du Roi, distribués dans différents cantons de la province, appelés parsans, qui sont au nombre de treize.
Les personnes qui ont à se plaindre de quelque délit ou crime, se présentent devant ces procureurs du Roi, qui reçoivent leur plainte, leur donnent des lettres pour assigner des témoins, et informent à charge et décharge, sans avoir besoin d'y être autorisés par quelque ordonnance des juges; ils peuvent même, dans des crimes graves, informer d'office, sans avoir besoin d'une plainte, ni d'être requis par une partie civile.
Les informations étant finies* le procureur du Roi le& clôture et les envoie cachetées au greffe du parlement, qui les décrète et y statue suivant l'exigence des cas. Le ministère des procureurs du Roi est entièrement rempli par l'audition des témoins ; il ne peut même rien requérir sur les informations qu'il a rédigées.
Il est facile, d'après ces notions, de s'apercevoir que le décret du 8 novembre éprouve de grands inconvénients en Béarn. Ce décret suppose, comme il est naturel, que c'est un tribunal qui est nanti de la plainte, et que c'est le juge qui informe et qui continue l'instruction du procès criminel; mais c'est toute autre chose en Béarn, où les sénéchaux, qui sont au nombre de cinq, ne connaissent point des matières criminelles, qui sont toutes dévolues à la Chambre de la Tournelle du parlement, et où les treize procureurs du Roi reçoivent les plaintes et font les informations sur lesquelles le parlement décrète et instruit les procès criminels.
Après ces observations sur les usages du pays, on passe à l'indication des dispositions desquelles naissent ies principales difficultés :
1° L'article 1er du décret veut que dans tous les lieux où il y a un ou plusieurs tribunaux judiciaires, la municipalité nomme un nombre suffisant de notables, etc.
A suivre strictement la disposition de cet article, on ne devrait nommer des notables .que
dan3 la ville de Pau, parce que c'est le seul endroit où il y a un tribunal qui soit en possession de connaître des affaires criminelles ; mais si on ne devait nommer des notables qu'à Pau, et que ces notables dussent se transporter dans les treize cantons ou parsans qui forment les districts des procureurs du Bbi, lorsque ces derniers sont dans le càs d'informer, ce serait une dépense énorme, et l'exécution'du décret deviendrait impraticable.
Il faut plutôt supposer que le procureur du Roi qui fait les fonctions du juge, en recevant la plainte et en informant de sa propre autorité, est le tribunal dont parle l'article l,r du décret, et on doit ordonner provisoirement et jusqu'à ce que l'organisation du pouvoir judiciaire soit formée; que dans tous les chefs-lieux des districts ou parsans, il sera nommé des notables, eu égard à l'étendue du district, pour assister à la plainte en conformité de l'article 3 du décret, sans préjudice d'en être nommé d'autres à Pau, pour assister à l'instruction des procès criminels, Conformément aux autres dispositions du décret :
1° Le dépôt de la liste des notables, dont parle l'article 2, ne peut souffrir aucune difficulté, quant à l'instruction du procès criminel qui se fait à Pau, ni pour le district ou parsan de cette ville, parce qu'il y a un greffe pour les matières criminelles où ce dépôt peut être fait.
Mais il serait contraire à l'objet du décret, que toutes les listes des treize chefs-lieux des parsans dussent être déposées dans ce greffe, attendu son éloignement de la plupart des parsans et la difficulté de les rendre notoires par ce moyen.
Il convient d'ordonner à cet égard, que les listes seront déposées aux greffes des sénéchaussées ou des hôtels de ville les plus voisins, à la diligence du greffier ou secrétaire du chef-lieu du district ou parsan.
2° Les articles 5 et 8 prévoient les uas du déplacement du juge pour la rédaction des procès-verbaux de constatation du délit, et pour une information urgente et provisoire qui se ferait sur le lieu même pour le flagrant délit.
En Béarn les procureurs des parsans étaient dans l'usage de courir les paroisses et de se transporter sur la réquisition des plaignants, dans les domiciles des témoins, ce qui était ainsi prescrit par l'article 3 de la coutume, au titre des procureurs.
Mais il était résulté de cet usage des abus infinis qui étaient devenus très-onéreux au peuple, attendu qu'ils servaient de prétexte pour multiplier les vacations. Le parlement a tenté de réprimer ces abus par différents arrêts, et n'a pu y parvenir entièrement.
Le décret de l'Assemblée suppose que les informations se feront dans le siège du tribunal, hors le cas dont parle l'article 8. Il faut laisser subsister cette nécessité même par rapport au Béarn, en supposant que les chefs-lieux des parsans seront réputés le siège du tribunal qui reçoit les plaintes, et il ne reste qu'à prévoir le cas où un témoin à entendre sera infirme, ou hors d'état de se rendre au chef-lieu du parsan pour être entendu, et autoriser dans ce cas les procureurs du parsan à se transporter sur la réquisition écrite du plaignant au domicile du témoin, cette exception sera une nouvelle con-I firmation de la règle générale admise par le dé-( cret.
D'après ces observations on propose à MM. les commissaires d'insérer dans un nouveau décret les articles ou les expressions qui leur paraîtront nécessaires pour remédier provisoirement aux difficultés qui résultent de la constitution du Béarn et de l'ordre qui s'y observe dans l'administration de la justice criminelle. f|l Mourût, député du Béarn.
Second mémoire ou observations particulières à la Basse-Navarre.
Le député du Béarn en présentant son mémoire sur les matières criminelles, n'a porté ses vues que sur la province qu'il représente; mais l'ouvrage de Messieurs les membres du comité serait imparfait pour le ressort du parlement de Pau, s'il ne leur observait que la Basse-Navarre qui en fait partie est encore dans une situation plus désavantageuse que le Béarn.
Cette dernière province a du moins des officiers en titre d'office pourvus par le Roi, qui, sous le nom de procureurs du parsan, reçoivent les plaintes et procèdent aux informations; mais en Navarre il n'y a que de simples commissaires connus sous le nom de commissaires enquêteurs qui ne sont pourvus que d'une commission donnée par le greffier en chef du parlement, et visée par le premier président.
Ce sont ces commissaires qui procèdent aux informations qui se font d'autorité du parlement, et il y a cette différence entre ces commissaires et le procureur du parsan du Béarn, que les premiers ne peuvent pas recevoir des plaintes directement ; il faut que les parties se pourvoient par requête au parlement qui permet l'information et nomme par son appointement le commissaire enquêteur qui doit y procéder. Muni de cette permission d informer, le plaignant se présente devant l'enquêteur commis qui lui donne ses lettres pour assigner les témoins; et l'information étant clôturée, le commissaire l'envoie en original au greffe du parlement, attendu qu'il n'a aucuu greffe ni aucun greffier, non plus que les procureurs du parsan du Béarn.
Pour éviter toute méprise dans l'emploi des expressions, on doit encore prévenir que ces commissaires de Navarre ne font que les informations permises par le parlement, et non celles permises par le sénéchal de Navarre ou par la châtellenie de Saint-Jean dans la même province, lorsque les parties usant, suivant leur droit, de la liberté acquise aux habitants de ces deux provinces de plaider ^u sénéchal en la châtellenie de Saint-Jean ou au parlement en première instance, se pourvoient au sénéchal ou à la châtellenie. C'est dans ce cas le procureur du Roi au sénéchal, ou en la châtellenie, qui procède aux informations. Le juge ne s'en mêle point non plus qu'en Béarn.
Ces éclaircissements ont paru nécessaires afin de mettre MM. les commissaires à portée d'embrasser toutes les difficultés relatives au ressort du parlement de Pau. — Mourot, député du Béarn.
Principes fondamentaux de la police et de la justice, présentés au nom du comité de constitution, parM. Duport,député de Paris (IL (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)
Au moment où les comités réunis de constitution et de jurisprudence criminelle sont sur le point de présenter à l'Assemblée nationale le plan d'organisation de la police et de la justice criminelle, j'ai cru qu'il pouvait être utile d'offrir d'avance à la méditation de ceux qui vont s'occuper d'objets si importants, les principales bases de notre travail. C'est un inconvénient pour les membres de l'Assemblée nationale que, forcés de passer rapidement d'un objet à un autre, ils n'arrivent pas toujours préparés par la réflexion aux sujets qui y sont traités. Cet inconvénient serait terrible dans la matière actuelle, puisque de simples erreurs peuvent entraîner les plus fâcheuses conséquences pour l'honneur, la liberté et la vie des citoyens.
Art ler. La police et la justice, comme toutes les autres
institutions sociales, ne sont établies que pour l'avantage commun des membres de la société;
leur objet est d'assurer à chacun d'eux l'exercice de ses droits naturels et civils, et de
lui en garantir-la jouissance contre le trouble qu'il pourrait recevoir de la part des autres
individus.
Art. 2. Tout homme ayant, par la nature, un droit égal à la vie, à l'honneur, à la liberté, quiconque tue, blesse, insulte ou détient illégalement un homme, attente aux droits naturels de cet homme.
Art. 3. Tout homme ayant, par la société, un droit égal à sa sûreté, à sa propriété, quiconque dérobe, détruit ou retient injustement la propriété d'un individu, attente aux droits civils de cet individu.
Art. 4. La société n'a de moyen de garantir à tous l'exercice et la jouissance de leurs droits naturels et civils, qu'en donnant à chacun des motifs suffisants pour le forcer à respecter les droits d'autrui.
Art. 5. Lé premier, et le plus imprortant de ces motifs, c'est que les lois soient justes, égales pour tous, faites et dirigées entièrement pour le bonheur de tous; que chacun puisse voir dans le respect qu'on a eu pour ses droits, celui qu'il doit porter aux droits des autres.
Art. 6. Sans cette condition, la paix de la société n'est pas même désirable; elle n'est plu3 qu'un ordre forcé, le ressort n'est plus la justice, mais la crainte. La société n'a pas le droit de contraindre à l'exécution de pareille lois. Car. de quel droit exigerait-elle d'un particulier qu'il observât la justice, lorsqu'elle cesse de l'observer elle-même à son égard ?
Art. 7. Le second de ces motifs est l'établissement des peines. Si les lois sont justes et sages, si elles assurent à chacun la jouissance de ses droits, alors seulement la loi peut établir des peines contre ceux qui tendent a lès violer, ou, ce qui est la même chose, à troubler l'exercice des droits naturels et civils des individus.
Art. 8. En fait- de peine, le minimum est ordonné par l'humanité, et conseillé par la politique, toutes les fois que le but de la loi peut être rempli
par une peine, c'est une barbarie et un crime du législateur d'en employer une plus forte; déplus, c'est affaiblir un ressort puissant de l'ordre public et de la justice.
Art. 9. Dans un gouvernement arbitraire et illégitime, l'on est forcé d'établir des peines très-dures pour contraindre les hommes à observer des lois injustes et contraires à leur bonheur; dans une constitution libre et légitime, au contraire, le principal ressort devant se tirer de la justice, de l'égalité, de la sagesse des lois, les peines doivent être modérées.
Art. 10. Ce n'est pas parce que la loi défend une action qu'elle devient un crime, mais la loi doit avoir défendu une action pour avoir le droit de la punir (1); ainsi* un homme est injustement puni : 1° lorsque l'action qu'il a commise n'est pas défendue par une loi précise ; 2° lorsque la peine qu'on lui inflige, n'est pas exactement déterminée; 3° lorsque la société n'a pas pris les moyens de lui faire connaître ces deux lois.
Art. 11. Pour que le motif des peines pût agir uniformément sur chaque individu, il faudrait que les peines fussent proportionnées, l°àla sensibilité ae chacun ; 2° à la plus ou moins grande immoralité de son action.
Art. 12. L'extrême difficulté de déterminer cette mesure, et le danger d'en remettre l'application à des juges, a fait adopter la maxime contraire : que les peines doivent être égales dans les mêmes crimes pour tous les citoyens.
Art. 13. Toute peine dont le spectacle peut porter les hommes à la cruauté, et diminuer en eux le respect pour la dignité de l'espèce humaine, la société n'a pas le droit de l'établir.
Art. 14. C'est surtout à prévenir les crimes que les institutions sociales doivent s'appliquer. Ce que l'on doit faire à ce sujet par humanité est encore d'une bonne politique. Il est plus aisé, plus simple et plus sûr de maintenir l'ordre, que de le rétablir quand une fois il est troublé.
Art. 15. La raison et l'expérience ont prouvé que les hommes étaient plutôt retenus par la certitude de la punition que par l'intensité de la peine; la société doit donc prendre les précautions les plus exactes pour que tous les coupables soient punis.
Art. 16. La société doit sûreté et tranquillité à tous, et justice à chacun; il faut donc que tous les citoyens puissent aisément se plaindre, que l'on puisse s'assurer d'un homme sur des soupçons, mais que l'on ne juge que sur une conviction complète. Police exacte, sans inquisition, justice humaine et publique, peines douces mais inévitables; voilà le système des pays libres.
Art. 17. Deux institutions distinctes renferment les moyens de garantir aux hommes la liberté, la propriété, l'honneur et la vie. Ces deux institutions sont la police et la justice.
Art. 18. Tout ce qui concerne les moyens de prévenir les délits, de rétablir l'ordre d'une manière prompte, de saisir et d'arrêter ceux qui l'ont troublé, appartient à la police, Tout ce qui concerne les moyens de vérifier les faits qui donnent lieu à la poursuite et d'y appliquer la loi, appartient essentiellement à la justice.
Art. 19. Il est nécessaire d'observer exactement cette distinction (2), parce que chacune de ces
institutions a un caractère différent et une marche presque opposée. La justice doit procéder avec beaucoup de réflexion, et avec des formes très-sévères ; elle ne doit être déterminée que par le plus haut degré de certitude possible. La police, au contraire, est forcée d'agir d'une manière plus expéditive, elle doit se déterminer souvent sur des indices (1).
Art. 20. Un des plus sûrs moyens de prévenir les délits, c'est d'empêcher de mendier, et d'arrêter les mendiants. En cela la liberté individuelle n'est point violée ; car, si tout citoyen a droit d'exiger de la société qn'on lui fournisse du travail ou des secours s'il est infirme, la société de son côté a le droit d'exiger que chaque citoyen valide travaille pour vivre.
Art. 21. C'est un devoir pour tous les citoyens de se prêter au rétablissement de l'ordre, non-seulement par sa propre modération, maté en s'employant à contenir les perturbateurs et à les arrêter, si cela est nécessaire ; car tous citoyens sont, pour ainsi dire, solidaires aux yeux de la loi pour faire observer l'ordre et la justice.
Art. 22. C'est aussi un devoir pour tout citoyen .d'obéir à la police, et s'il refuse, il doit y être contraint; mais le devoir delà société envers tout citoyen est : 1° de ne pas arrêter un homme dès qu'il peut présenter une caution suffisante pour répondre du fait qu'on lui impute ; 2° lorsqu'on est forcé de priver momentanément un homme de sa liberté, de n'ajouter aucune peine à cette privation; 3° lorsqu'un homme est arrêté, de veiller plus soigneusement à son sort et à son existence, et de le protéger plus spécialement puisqu'il n'est plus sous les yeux de ses concitoyens et qu'il est privé des moyens de pourvoir par lui-même à sa conservation.
Art. 23. Ainsi : 1° pour un délit qui ne mérite qu'une peine pécuniaire ou une réparation civile ou même une peine infamante, une caution en argent doit suffire ; ainsi : 2° la société n'a pas le droit de placer un citoyen dans des prisons malsaines ou incommodes, car un homme prévenu, même accusé, est toujours présumé innocent.
Art. 24. Pour que le droit de s'assurer d'un homme, avant qu'il n'ait été condamné, ne nuise pas à la liberté individuelle, il faut deux choses : la première, que ce pouvoir soit confié à des hommes choisis par le peuple, intègres et humains, et qu'il soit organisé de la manière la plus propre à en prévenir les abus ; la. seconde, qu'un nomme arrêté soit sur-le-champ remis à la justice (2).
Art. 25. Avec ces conditions, l'arrestation provisoire d'un particulier n'est pas plus un attentat à sa liberté individuelle, que la punition d'un coupable condamné n'est un attentat à sa sûreté. C'est une condition essentielle du contrat qu'ils ont fait avec la société.
, Art. 26. Tout homme qui refuse de paraître en justice et se cache devant elle, perd tout droit à la protection de la loi ; tout recours aux tribunaux, toute action juridique doit lui être refusée, car pour profiter des avantages de la société, il faut remplir les obligations qu'elle impose;
Art. 27. L'imperfection des hommes et des moyens qu'ils emploient pour connaître la vérité,
rendant toujours possibles les erreurs de la justice, et, d'un autre côté, un homme arrêté pouvant rester assez longtemps privé de sa liberté pendant qu'on instruit son procès, il s'en suit qu'il faut prendre des précautions pour empêcher qu'un homme puisse, avec inconsidération "ou par méchanceté, subir une instruction judiciaire ; la meilleure de toutes ces précautions, c'est qu'un certain nombre de citoyens honnêtes décide si un homme, prévenu d'un crime, doit ou non être soumis à l'épreuve judiciaire (1).
Art. 28. Lorsqu'un homme comparaît devant les tribunaux, c'est à la société ou à celui qui se plaint, de prouver qu'il est coupable; sans cela il doit être déclaré innocent, quelle que soit sa défense.
Art. 29. Tout moyen de défense doit être donné à l'accusé ; il ne doit être rien écrit contre lui, sans qu'il lui ait été communiqué. Tout moyen d'éclairer la justice et de contenir les juges dans l'exacte observation de leurs devoirs doit être établi par la société. Ainsi : 1° la procédure doit être publique, de même que l'instruction ; 2.° il doit exister une autorité qui puisse ramener les juges à l'exécution de la loi.
Art. 30. La loi et les formes qu'elle prescrit sont, en matière criminelle surtout, la plus précieuse des propriétés publiques; il faut que la société délègue un homme spécialement chargé de veiller à son exécution.
Art. 31. Lorsqu'un homme est traduit devant la justice, il faut examiner si le fait qu'on lui impute a été véritablement commis par lui, et ensuit^ s'il est défendu par la loi : il ne peut être condamné que lorsque ces deux choses se rencontrent.
Art. 32. L'élément le plus ordinaire de la preuve judiciaire étant le témoignage des hommes, il faut qu'il soit tel, qu'il puisse opérer la conviction intime d'un certain nombre d'hommes honnêtes et désintéressés ; il ne faut donc pas les priver de toutes les circonstances qui en assurent ou détruisent la véracité ; il faut donc que les témoins s'expliquent de vive voix, et non par écrit ; de plus, il faut éviter de mt tre les déposants dans une telle position, qu'ils soient forcés de faire périr un innocent ou de périr eux-mêmes. Ainsi, les dépositions écrites et sur lesquelles on peut poursuivre un déposant comme faux témoin, s'il se rétracté, bien loin d'être favorables à l'accusé, sont pour lui l'institution la plus funeste, puisqu'elles forcent un homme, par l'intérêt de sa propre vie, à soutenir une proposition fausse, laquelle peut opérer la condamnation de cet accusé.
Art. 33. La société ne peut vouloir qu'un homme soit condamné que lorsque le fait a été constaté de la manière et par les moyens qui peuvent conduire à la plus haute certitude possible (2).
Art. 34. Lorsque le fait est vérifié, le juge ne
{>eut prononcer la peine que lorsqu'il existe une oi positive qui l'ordonne, et elle doit être citée dans le jugement. -
Art. 35. Pour qu'une action devienne punissable, il faut que l'auteur de cette action ait eu la volonté de la faire ; où il n'y a pas de volonté, il ne peut y avoir délit. Ainsi l'action d'un enfant ou d'un fou ne peut être regardée comme punissable aux yeux de la loi. Il n'en est pas de même de l'ivresse, parce que celui qui s'y livre sait d'a-
vance qu'il se met dans un état où il pourra commettre des actions punissables.
Art. 36. Tant qu'un homme est accusé, il a droit-, non-seulement à l'indulgence, mais même aux égards et à la protection de la société, car il défend sa vie et son honneur contre des hommes en liberté qui l'attaquent; il doit aussi pouvoir employer, pour se défendre tous les moyens qui sont donnés aux hommes pour faire connaître la vérité; il doit lui être permis d'y employer ses amis ou conseils.
Art. 37. Si un homme a été déclaré innocent, la société doit lui offrir un dédommagement, car il a souffert seul pour la sûreté de tous.
Art. 38. S'il est déclaré coupable, il perd, pendant qu'il subit sa peine, tout ou partie de ses droits de citoyen ; mais il conserve toujours ceux d'homme; l'insulter ou le maltraiter est une lâcheté et un délit punissable.
Telles sont les bases sur lesquelles doivent être fondées la police et la justice, ces deux institutions qui servent à maintenir parmi les hommes la liberté, l'ordre et la paix. Tels sont les moyens d'établir solidement celte garantie générale et réciproque de tous les droits des hommes, principe de leur réunion en société. Enfin telle est la manière d'arriver à la solution de ce grand problème social. Trouver comment, avec la moindre gêne possible de la part de chaque individu,, on peut assurer à tous la jouissance la plus entière de leurs facultés, de leurs moyens.et de leurs droits.
Examen de plusieurs questions importantes sur le commerce des grains et sur les moyens d'assurer la subsistance des villes, par M. de Boislan-dry, député de Paris (1).
(Nota. Ce discours n'a pas été prononcé, mais comme il a été imprimé et distribué, nous avons pensé qu'il devait trouver place dans les Archives parlementaires.)
Messieurs (2), après les questions relatives à la constitution, celle du commerce des grains et de la subsistance des villes est une des plus importantes qui, puisse occuper votre attention : non-seulement cette question intéresse les habitants des villes et des campagnes, mais elle peut encore singulièrement influer sur nos relations de commerce et de politique avec plusieurs nations
voisines ; elle mérite donc, de votre-part, le plus sérieux examen.
Votre comité de rapports vous propose de prononcer la peine de mort contre Ceux qui exporteront à l'étranger; je vais essayer de démontrer que cette péine serait sans proportion avec lé délit ; que cette rigueur à l'excès serait contraire à nos intérêts, impolitique et impossible à maintenir.
Cette peine est sans proportion avec le délit, parce que l'inïraction que l'on veut punir est criminelle, seulement en raison des circonstances qui peuvent et qui doivent cesser bientôt. Sans doute, Messieurs, dans un temps d'effervescence, de fermentation, d'alarmes et d'inquiétudes sur les subsistances, vous avez dû prohiber l'exportation des grains ; le cri du peuple et l'opinion publique provoquaient la loi; mais aujourd'hui que le calme est rétabli presque dans tout le royaume, devez-vous aller au delà par une loi qui entretiendrait à la fois les erreurs du peuple et ses inquiétudes? Devez-vous prononcer une peine terrible contre un délit de circonstance, sur lequel votre opinion n'est pas encore fixée, et que les plus habiles publicistes sont bien loin de regarder comme un crime, puisqu'ils pensent que la maxime contraire, celle de la liberté absolue d'exportation et d'importation, devrait être adoptée par un gouvernement sage.
Vous savez, Messieurs, qu'en juin 1787, une loi solennelle demandée, par les notables, sollicitée par toutes les provinces, enregistrée sans difficulté par tous les parlements, avait consacré la liberté d'exportation. Cette loi, que l'on peut nommer nationale, puisqu'elle avait l'assentiment et le vœu général, n'a été révoquée que par un simple arrêt du Conseil rendu au mois de septembre de l'année dernière; ainsi l'exportation des grains, que l'on regarde aujourd'hui comme un crime digne du dernier supplice, loin d'être un délit, il y a deux ans, était autorisée par la loi. A présent, Messieurs, je suppose que les années prochaines soient tellement abondantes, que le prix de grains soit avili en France, alors les législatures suivantes seront nécessairement obligées de révoquer cette loi sanguinaire. Un des reproches les mieux fondés que l'on ait fait au gouvernement ministériel et arbitraire, dont nous sommes heureusement délivrés, a été celui d'avoir multiplié à l'infini les arrêts et les règlements de lieux et de circonstances.
Vous n'avez certainement pas l'intention d'imiter l'exemple des ministres dont l'ignorance et les erreurs ont fait gémir si longtemps les habitants de cet empire. Que diront les nations étrangères, qui toutes ont, dans ce moment, les yeux fixés sur vous, lorsqu'elles verront que vous punissez de mort une action que la loi avait, deux ans auparavant, regardée comme irréprochable? Au moment où cette Assemblée présente à l'univers étonné le modèle de la plus libre et de la plus douce des constitutions, pourra-t-elle, en contradiction avec ses principes, sanctionner la plus cruelle des lois prohibitives qui ait jamais été imaginée par un despote?
J'espère que ces observations vous convaincront que la peine proposée est sans aucune proportion avec le délit qu'elle doit punir.
Mais; Messieurs, ce décret est absolument contraire aux intérêts de la nation : je dois vous le dire, les décrets que l'on nous demande sans cesse sur les subsistances, produisent un effet entièrement opposé à vos intentions. Chaque jour où il est question de subsistances, devrait être
un jour de deuil pour tout le royaume; les discours qui sont prononcés dans cette Assemblée, sur une question aussi importante et aussi déli-^ cate, retentissent dans toutes les parties de la France, et y portent l'inquiétude, les alarmes et la terreur.
J'ajouterai que la question de l'exportation des grains n'a jamais été approfondie, ni même discutée dans cette Assemblée. Il ne serait pas difficile de démontrer que la liberté absolue et indéfinie d'exportation ne peut jamais être nuisible, et que cette liberté, au contraire, est le plus sûr moyen d'encourager l'agriculture et de préserver le royaume des effets de la famine cruelle que nous avons éprouvée.
Comme je connais le prix de votre temps, je ne me permettrai, à l'appui de cette assertion, qu'un petit nombre de réflexions très-courtes. D'abord, Messieurs, on peut dire qu'il n'y a guère de pays en Europe où le prix du blé soit habi-i tuellement plus haut qu'en France, parce qu'il n'y en a point où le peuple se fournisse presque uniquement de pain, comme il le fait en France ; or, il est de principe que làfoù est la plus grande consommation d'une denrée, là est aussi le marché le plus avantageux. pour la vendre : ensuite les terres sont plus chargées d'impôts dans ce royaume, qu'elles ne sont nulle part ailleurs, et c'est encore une des pauses de la cherté habituelle des grains; cependant il arrive assez fréquemment des années très-abondantes ; alors, malgré la grande consommation, le prix des blés diminue et s'avilit à un tel degré, que s'ils n'étaient exportés, le laboureur, sous peine de se ruiner, serait forcé de renoncer à leur culture ; vous en avez eu la preuve en 1787.
Mais il faut remarquer que l'exportation ne peut se faire avec quelque avantage que dans l'année d'une extrême abondance, et lorsque le prix très-bas présente au commerce une très-grande différence de l'achat à la vente; sans cette condition, les avaries, les frais et les pertes qui, sur cette denrée, sont toujours énormes, aosor-beraient entièrement les bénéfices.
D'où il résulte que l'exportation d'une quantité considérable de blé ne peut se faire que lorsqu'il est très-bon marché, et quelle n'est jamais à craindre lorsque les prix sont élevés; d'où il suit encore que l'exportation du blé dans les temps d'abondance, loin d'être nuisible, est très-utile, nécessaire même pour encourager l'agriculture, et que, dans les années de disette, elle ne peut pas être dangereuse, puisqu'elle présente une ruine certaine à ceux qui entreprendraient un pareil commerce.
On objecte que des gens mal intentionnés ont été soupçonnés d'avoir fait exporter des quantités considérables de grains hors du royaumes. Je sais, Messieurs, que les ennemis du bien public ont assez fait connaître leurs mauvaises intentions pour vous convaincre qu'ils eussent été capables d'employer les manœuvres lés plus criminelles pour affamer une nation qu'ils ne pouvaient asservir : cependant réfléchissez un moment aux capitaux énormes qu'il aurait fallu rassembler, pour réussir dans une semblable tentative, et vous verrez qu'elle était impraticable. Aujourd'hui que tous ces vains projets sont avortés, et que la liberté de la nation est désormais assurée, quels seraient les motifs qui pourraient vous déterminer à sanctionner une loi excessivement rigoureuse et contraire aux véritables intérêts du peuple.
Mais cette loi, Messieurs, serait en outre im-
politique pour nos relations avec l'étranger ; en effet, n'est-ce pas avertir tous les princes de l'Europe de porter les mêmes lois prohibitives contre ceux de leurs sujets qui seraient tentés de nous apporter des secours ? Et vous serez frappés de la vérité de cette observation, lorsque vous vous rappellerez qu'immédiatement après que la France eût défendu la sortie des blés, presque tous les princes voisins ont fait chez eux les mêmes prohibitions, vous en avez été informés par les ministres du Roi.
Enfin, cette loi serait impossible à maintenir. Jevous le demande, Messieurs, ces lois de sang que l'ignorance "et la barbarie avaient portées contre les contrebandes du sel et du tabac, en ont-elles arrêté la fraude? Pensez-vous que la loi qui vous est proposée ait plus de force contre la contrebande du blé? Cette loi serait-elle possible à maintenir dans un royaume qui a 600 lieues de frontières ? La France ayant clans son sein une très-grande consommation de blé, on a rarement exporté des quantités considérables à l'étranger, malgré les permissions fréquentes accordées par le gouvernement ; la Suisse est presque le seul pays de l'Europe à qui elle en fournisse habituellement. Les terres de la Suisse, en général peu fertiles, ne produisent que la moitié environ des grains nécessaires à la consommation de ses habitants, le surplus leur est fourni par la France, la Souabe et l'Italie. Je suppose que les grains fournis par la France servent à nourrir cent mille individus en Suisse, quelle proportion y a-t-il entre la consommation de cent mille individus et celle de vingt-cinq millions d'hommes ? Est-il possible de croire que les secours qui seraient accordés aux Suisses, pussent jamais influer sur les subsistances du royaume?
L'alliance de la France avec les Suisses est si ancienne, nos liaisons avec eux sont si naturelles, ils ont donné dans tous les temps et récemment encore, tant de preuves d'attachement pour la nation française, qu'il me semble que ce serait un acte de barbarie et d'injustice aux Français devenus libres, de-refuser aux Suisses des subsistances que les ministres du pouvoir arbitraire leur ont presque toujours accordés. Il me semble qu'il est très-impolitique d'interrompre et de déranger des relations de commerce qui ont une grande influence sur la culture de deux
{Provinces très-importantes, la Franche-Comté et 'Alsace. Mais, pour en revenir à la prohibition, elle n'a pas été plutôt prononcée en France, que le prix au pain s'est élevé, en Suisse, à 5 et 6 sols la livre, tandis qu'il est à 2 ou 3 sols en Alsace et en Franche-Comté-: pensez-vous, Messieurs, qu'un bénéfice de 3 ou 4 sols par livre ne sera pas suffisant pour exciter la cupidité d'une multitude d'agents de la contrebande? Et peut-on s'imaginer que les Suisses affamés et mourants de faim, seront arrêtés par la loi rigoureuse qui vous est proposée? Non certainement ; elle sera donc impossible à maintenir.
Vous avez déjà consacré, Messieurs, un grand principe sur la liberté du commerce et de la circulation des grains dans le royaume; vous avez pensé que la loi de liberté était la seule qui pût ramener l'abondance dans toutes les parties du royaume. Eh bien, Messieurs, ce qui est vrai
Eour la France, l'est aussi pour l'Europe entière.
'expérience des siècles nous prouve que depuis que cette partie du monde est peuplée, ses récoltes ont suffi pour nourrir tous ses habitants. Si la liberté illimitée du commerce des grains était
une loi commune et générale à tous les peuples de l'Europe, il est de la plus claire évidence que cette loi les préserverait à jamais de la famine.
C'est à vous, Messieurs, qui avez déjà donné de si grandes leçons à l'univers, qu'il appartient de proclamer cette importante vérité. Il sera digne de vous de l'annoncer aux nations étrangères. Je conclus à ce que la loi proposée soit rejetée, parce qu'elle prononce une peine absolument disproportionné au délit, parce qu'elle est contraire aux intérêts de la nation, impolitique et impossible à maintenir.
Il vous a été proposé, Messieurs, il y a quelque temps, sur la demande de M. le garde des sceaux, une autre loi, tendante à obliger les fermiers de porter leurs grains dans les marchés. Cette loi paraît destinée particulièrement à favoriser les approvisionnements de la capitale; mais j'espère démontrer que ce.but serait très-mal rempli, ét qu'une semblable loi renverserait tous les principes de la liberté que vous avez établis, je me persuade même queles habitants de Paris rejetteraient avec indignation cette loi de servitude, qu'il n'appartient qu'au despotisme ou à l'ignorance de mettre en usage. Ces habitants qui ont donné à la France de si grands exemples de patriotisme et de courage, sont trop généreux et trop justes pour vouloir employer envers leurs concitoyens des moyens de violence et d'oppression.
Des circonstances, qui probablement ne reviendront jamais, ont nécessité des mesures extraordinaires pour assurer l'approvisionnement de Paris; mais aussitôt que la constitution sera terminée, alors sans doute la loi seule gouvernera le royaume; vos décrets seront non-seulement respectés, mais obéis, et la libre circulation des blés ne sera plus interrompue. Alors il ne sera plus permis d'inquiéter les peuples sur leurs subsistances : alors aussi il sera expressément défendu de taxer le blé dans les marchés, et de fixer follement lë prix du pain au-dessous du prix courant du blé ; et lorsque les vrais principes de la liberté du commerce des grains seront irrévocablement établis, la capitale étant de toutes les villes du royaume, celle qui consomme le plus et qui pave le mieux, on verra les cultivateurs de toutes les provinces, excités par le plus puissant des motifs, leur intérêt, s'empresser à l'envi d'y porter leurs denrées, et Paris deviendra bientôt l'entrepôt et le magasin général de la France.jMais si des mesures contraires à la liberté,'si des préoccupations d'inquiétude continuaient à être employés, elles repousseraient les cultivateurs et les agents des subsistances. Telle serait, Messieurs, la conséquence infaillible de la loi qui vous est proposée.
Cette loi violerait les droits sacrés de la propriété; elle rendrait vaine et illusoire la déclaration des droits que vous avez proclamée; elle éta-bliraitla souveraineté des villes sur les campagnes; elle porterait dans l'âme des cultivateurs, le trouble, la terreur et le découragement; enfin, elle serait complètement inutile, impossible même à exécuter.
Oui, Messieurs, en portant un semblable décret, vous violeriez les droits de la propriété, et vous rendriez illusoire la déclaration des droits; car un fermier est un citoyen, il a, en cette qualité, le droit de disposer de sa propriété, comme il le juge convenable, Il doit avoir la liberté de vendre ses denrées, soit chez lui, soit partout ailleurs, où il en trouvera le prix le plus avantageux.
Vous établiriez l'aristocratie des villes sur les campagnes; car pour que la loi soit juste, il faut
qu'elle soit égale. Ainsi il doit être libre aux gens des campagnes de porter leurs grains dans les villes, comme il est permis aux habitants des villes d'aller chercher dans les campagnes les denrées dont ils ont besoin, et d'y porter les marchandises qu'ils veulent y vendre. Sur les 25 millions d'hommes qui peuplent la France, 6 millions environ demeurent dans les villes, les 19 autres habitent les campagnes. Par cette loi, les premiers jouiront d'une liberté sans limites, les autres seront dans la subordination, dans la dépendance, dans un esclavage réel; ils ne seront proprement que des ilotes, condamnés à cultiver leurs champs pour les habitants des villes qui se réserveront le droit de se faire apporter et de taxer à volonté leurs denrées.
Nous n'avons déjà que trop d'exemples de l'autorité arbitraire que les villes s'arrogent sur les campagnes. Les villes se plaignent que les gens des campagnes n'apportent pas leurs grains dans les marchés, mais elles ne vous disent pas que le peuple des villes a souvent forcé les officiers municipaux à taxer le prix du blé; elles ne vous disent pas que les gens des campagnes n'ont été presque nulle part protégés, qu ils ont été souvent exposés à être pillés, maltraités, et quelquefois en danger de leur vie.
Par cette loi vous porteriez le découragement dans l'âme des agriculteurs; vous les aviliriez à leurs propres yeux, parce qu'en les subordonnant aux habitants des villes, vous leur ôteriez ou te espérance de voir l'égalité de droits s'établir entre eux : bientôt ils perdraient le goût de leur état et l'amour de la campagne ; ils seraient détournés de se livrer à de nouveaux essais, à de nouvelles entreprises dont ils seraient si mal récompensés. Cette loi, Messieurs, armerait les campagnes contre les villes, elle augmenterait la défiance, elle détruirait cette fraternité si désirable entre tous les Français : je dis plus, elle serait inutile et impossible à exécuter.
Au mois de novembre de l'année dernière le gouvernement a porté cette même loi qui vous est proposée; il a renouvelé au mois d'avril suivant. Pour en assurer l'exécution, il a ordonné des perquisitions et des vérifications chez tous les fermiers. Tout était alors tranquille; cependant les vérifications n'ont pas été exactes : la loi a été mal exécutée, parce qu'elle était souverainement injuste. Aujourd'hui, Messieurs, elle sera plus injuste encore, parce qu'elle est diamétralement opposée à la constitution que vous venez d'établir, et le gouvernement aura moins de moyens d'en maintenir l'exécution: elle serait d'ailleurs très-facile à éluder ; les fermiers pourront s'entendre, soit entre eux, soit avec quelques habitants des villes, pour faire acheter en apparence, ou retirer sous main, les grains qui ne se vendraient pas à leur prix.
Enfin, Messieurs, elle sera insuffisante, absurde même pour l'effet qu'on veut qu'elle produise, c'est-à-dire, pour procurer l'abondance et le bon marché.
En effet, les blés que les fermiers auraient pu vendre chez eux, et qu'ils seront tenus de porter dans les marchés, seront augmentés des frais de voitures, delà dépense des vendeurs, de celle des acheteurs. La perte du temps, ce temps si
Sréeieux aux cultivateurs, entrera aussi en ligne
e compte. Il se trouvera, à la vérité, dans les marchés une plus grande quantité de grains ; mais il s'y trouvera aussi bien plus de demandeurs, et l'on sait que le prix des denrées est toujours fixé, non en proportion de la quantité à
vendre, qui, quoique considérable, serait inférieure à la demande, mais en raison des besoins des consommateurs : d'un autre côté, en supposant même la quantité des denrées à vendre égale au besoin, la concurrence des grands et des petits acheteurs, tous pressés de se pourvoir à la fois, et dans le même jour, fera nécessairement hausser le prix naturel des grains. N'esl-il pas aussi très-dangereux d'attirer un grand nombre d'hommes à la même heure, dans le même endroit, et pour les mêmes intérêts? N'ést-ce pas donner lieu à des désordres de toute espèce, et à de fréquentes émeutes ? Cette loi serait donc injuste, attentatoire aux droits des hommes, inutile, dangereuse, et d'une exécution impossible ; elle serait enfin, si contraire à vos principes, que je crois que vous devezla proscrire pour toujours, et permettre dans tous les temps, aux fermiers, de vendre leurs grains soit chez eux, soit dans les marchés, suivant qu'ils le jugeront plus convenable à leurs intérêts.
Cependant je conviens, Messieurs, qu'il est de votre sagesse de chercher des moyens prompts et efficaces de prévenir la disette dont plusieurs villes et quelques provinces son t encore menacées, et d'assurer surtout la libre circulation dans tout le royaume.
J'aurai l'honneur de vous présenter quelques vues sur cet objet important,et de vous proposer un projet de décret; mais avant, je vous prie de me permettre d'en développer les motifs par quelques réflexions préalables.
Le docteur Smith, cet écrivain profond, déjà cité plusieurs fois dans cette Assemblée, a dit que les disettes qui avaient affligé les diverses contrées de l'Europe, avaient été causées très-rarement par l'intempérie des saisons, mais bien plus souvent par les mauvaises lois, ou par les fausses précautions de leurs gouvernements.
Le vertueux Turgot a répété cette même vérité dans plusieurs de ses ouvrages ; il l'a consacrée dans ces lois immortelles qu'il a promulguées eu 1774 et en 1775, lois dont aucun de ses successeurs n'aurait dû s'écarter, puisqu'elles nous avaient procuré quatorze années successives d'abondance et de tranquillité.
Nous ne pouvons plus nous le dissimuler, Messieurs, la disette que nous éprouvons depuis longtemps est une disette d'opinion. Une grêle extraordinaire a affligé,l'année dernière, quelques provinces, et on nous a dit que cette grêle avait occasionné la famine dont nous avons été tourmentés plus de six mois ; mais on nous a assuré en même temps qu'aussitôt après la récolte nous serions dans l'abondance : la récolte est faite, elle a été généralement bonne, et nous sommes encore dans la disette. Est-ce la grêle de l'année dernière qui. eu est la cause ? Non, Mes-sieursr
La véritable cause du mal provient de l'inquié-dude des peuples sur leurs subsistances : cette inquiétude remonte au mois de septembre de l'année dernière ; je suis convaincu des bonnes intentions du gouvernement, mais il s'est trompé; il est aujourd'hui de la plus claire évidence que les précautions éclatantes qu'il a prises pour les subsistances, les primes qu'il a accordées sur l'importation des blés étrangers, l'injonction qu'il a faite plusieurs fois aux fermiers, de porter leurs grains dans les marchés, enfin, les achats de blé qu'il a faits dans l'étranger, il est constant, dis-je, que toutes ces mesures extraordinaires ont porté l'alarme, l'effroi et l'épouvante dans toutes les parties du royaume. Jamais On n'a vu
inquiéter impunément les peuples sur leurs subsistances ; toujours les secousses les plus terribles ont été la suite de ces alarmes sur les denrées de première nécessité. Les mesures trop publiques du gouvernement ont provoqué et justifié en quelque sorte les précautions et les règlements particuliers des parlements, des provinces et des municipalités. Les circonstances ont encore aggravé le mal. Le peuple commençait alors à briser ses chaînes, et à secouer un joug devenu insupportable. Le premier usage que le peuple des campagnes a cru devoir faire de sa liberté, a été de défendre et de conserver des subsistances qu'on voulait lui enlever. Les habitants des villes n'ont pas moins abusé de leurs forces. Les premières alarmes ayant fait augmenter ,1e prix du pain, leur fureur s'est portée sur les agents des subsistances. Presque partout les marchands de grains, les meuniers, les facteurs, les boulangers mêmes ont été menacés, pillés et souvent en danger de leur vie (1). Dès fors tout commerce de grains a été interrompu, et la famine a été complète dans les villes. Alors le gouvernement et les municipalités ont cru devoir se charger de l'approvisionnement. On a tiré, à des-frais énormes, des blés de l'étranger. A Paris, et dans quelques autres villes, le prix du pain a été réduit à 3 sols la livre, tandis qu'il se vendait à 4 sols dans les provinces, et qu'il revenait à près de 10 sols au gouvernement. Cette réduction a peut-être été nécessitée par les circonstances ; mais, dans tout autre temps, c'eût été une faute des plus graves, puisqu'on détruisait par-là toute espèce de concurrence, et qu'il était absurde d'espérer qu'aucun particulier voulût faire le sacrifice du tiers ou de la moitié de son capital. Cette réduction extraordinaire a eu encore le grand inconvénient de surcharger les finances, et d'augmenter le fardeau des campagnes, non pas seulement en faveur des pauvres des villes, mais en faveur des riches, qui n'auraient pas dû profiter de la diminution. Il en a résulté aussi une régie très-difficile, très-dispendieuse, des pertes immenses, ét des fournitures en générai très-inférieures. Tout le monde sait que les grains et farines venus de l'étranger, étaient en grande partie avariés et gâtés.
Il est temps, Messieurs, de prendre les plus justes mesures pour faire cesser des maux qui ont désolé successivement toutes les villes et toutes les provinces du royaume.
Je pense qu'avant tout, il faut tranquilliser le peuple sur ies subsistances, lui faire connaître
que dans tous les temps la France a eu, dans son sein, toutes les ressources dont elle avait besoin pour ses approvisionnements, et qu'elle se suffit encore, cette année, complètement à elle-même. Il faut que le peuple sache que, même l'année dernière, le royaume avait abondamment tous les grains dont il avait besoin ; et cette vérité vous paraîtra, comme à moi, incontestable, si vous considérez, que de l'aveu même du gouvernement, il n'en est venu de l'étranger que pour 20 à 25 millions, et que ce secours est sans aucune proportion avec la consommation annuelle du royaume, qui s'élève à plus de 1,500 millions. Il faut lui dire que s'il y avait assez de grains en France l'année dernière pour nourrir ses habitants, il est bien plus certain encore que ia récolte actuelle sera suffisante, qu'elle surpassera même de beaucoup les besoins de cette année, puisqu'elle a été généralement abondante.
C'est, Messieurs, ce qu'il faut faire connaître au peuple; et je crois que l'instruction que vous aviez ordonné à votre comité de rédiger, si elle était promptement envoyée dans les provinces, remplirait complètement cet objet. Je suis convaincu que cette instruction fraternelle, adressée au peuple par ses représentants, par ses meilleurs amis, ne tarderait par à ramener le calme et l'abondance; je suis persuadé qu'elle mettrait un terme à ces agitations dangereuses, à cette fermentation terrible dont les effets ont tant de fois suspendu vos travaux, et qui menacent encore d'ébranler Je superbe édifice de la liberté, que vous ayez pris tant de peine à élever.
N'en doutez pas, Messieurs, les nombreux ennemis de la liberté française font tous leurs efforts pour fomenter les inquiétudes et les alarmes du peuple sur ses Subsistances. C'est sur ia continuation de ces alarmes qu'ils fondent leurs espérances, très-vaines sans doute, de voir détruire votre ouvrage (1). Ne perdez donc pas un instant pour rassurer les peuples sur ce qui les intéresse le plus au monde.
Mais, Messieurs, l'envoi d'une instruction dans les provinces ne serait pas suffisant: je pense qu'il faut se hâter de rétablir l'ordre ancien, et qu'il faut abandonner, comme auparavant, l'approvisionnement des villes à l'intérêt particulier.
Pour y parvenir, Messieurs, vous devez mettre les marchands de grains, les facteurs, les meuniers, les boulangers, sous là sauvegarde spéciale de la loi.
Ici, Messieurs, permettez-moi quelques réflexions sur le commerce des grains, ce commerce si peu connu, si mal défini, si décrié dans l'esprit du peuple, et dont les effets dirigés d'après les principes d'une sage liberté et d'une concurrence illimitée seraient à l'avenir le préservatif le plus assuré contre les disettes. - r
Le commerce des grains, Messieurs, doit être considéré sous plusieurs points de vue.
Il est utile aux fermiers, en ce que les marchands, devenus leurs agents, économisent leurs
frais et leurs temps. Il est utile au peuple, dont il prévoit et satisfait les besoins. Dans les années ae grande abondance, il empêche l'avilissement de la denrée, en établissant dans les marchés, entre les consommateurs et les marchands, une concurrence qui, seule, peut alors soutenir et encourager l'agriculture. 1 Dans les temps de disette, il offre aux consommateurs des magasins dont l'approvisionnement et l'entretien n'ont rien coûté au gouvernement, et son intervention prévient une hausse subite dans les prix, par la concurrence nouvelle qui s'établit entre les marchands et les fermiers, en faveur des consommateurs.
Ainsi son intervention a le double avantage, d'empêcher l'avilissement des grains dans les années de grande abondance, et de prévenir la cherté excessive dans les temps de disette.
Il évite en outre, au gouvernement, les embarras et les frais immenses des approvisionnements, qu'il fait bien et à meilleur marché que lui.
Enfin, Messieurs, c'est le commerce qui fournit les villes; c'est par le commerce que les provinces et les cantons qui ne produisent pas de blés, qui: n'en recueillent pas suffisamment ou qui éprouvent des disettes par l'intempérie des saisons, sont approvisionnés.
Vous le Savez, Messieurs, du moment où son activité a été interrompue par les préjugés et par les préventions de l'ignorance, la famine a désolé les villes et les campagnes. Une tardive expérience nous apprend aujourd'hui combien il est nécessaire de protéger tous les agents de ce commerce, et d'encourager un grand nombre1 d'hommes à l'entreprendre, afin d'établir entre eux la plus grande concurrence; elle nous apprend que c'est par cette Concurrence seulement, que l'on
Parviendra à éviter le monopole, et à procurer le on marché et l'abondance.
En suivant cette maxime, Messieurs, nous n'aurons plus à craindre le fléau terrible que nous venons d'éprouver. Sans doute les années ne seront pas toutes également abondantes. S'il en survient une plus stérile, alors sans \ doute les blés supporteront nécessairement une augmentation de prix. Mais si les précautions alarmantes du gouvernement ne viennent pas déranger de nouveau le cours naturel des choses, comme les salaires n'augmenteront pas aussi subitement que les denrées, chacun diminuera forcément un peu sa ration journalière de pain, et on atteindra, sans secousse et sans convulsion, le temps ordinaire de la moisson : la consommation journalière de chaque individu sera un peu moindre, mais des villes et des provinces entières ne seront pas exposées à mourir de faim.
J'ai cru, Messieurs, qu'il pouvait être utile de rappeler dans les circonstances présentes ces vérités importantes, ces notions simples qui semblaient avoir été oubliées. La formation prochaine des nouvelles municipalités rend la publicité des vrais principes plus nécessaires que jamais.
Vous devez encore, Messieurs, interdire à tous les juges et aux officiers municipaux des villes de taxer les blés, et leur défendre surtout d'arrêter les blés et farines lors de leur circulation, sous peine d'être punis comme criminels de lèse-nation. Je crois qu'il est égalemen t indispensable d'augmenter la concurrence entre les agents des subsistances, afin d'éviter toute espèce d'accaparement et de manœuvre, et en conséquence je pense qu'il est nécessaire de suspendre provisoirement dans les villes le privilège des maîtrises des boulan-
gers, et d'y encourager l'établissement de tous ceux qui voudront embrasser cet état. Il est aussi ae la plus grande importance d'ordonner aux villes et surtout à celle de Paris de rétablir le prix naturel du pain, et de le fixer comme autrefois dans la proportion du prix moyen du blé dans les marchés.
Mais, Messieurs, après" avoir pris toutes ces mesures, il sera juste et conforme aux sentiments d'humanité qui vous animent; de venir au secours des indigents, et surtout des ouvriers de manufacture, qui, pour la plupart, manquant d'ouvrage dans ce moment, ne pourraient pas atteindre au prix du pain, lorsqu'il sera augmenté.
Votre' prévoyance à cet égard ôtera tout prétexte aux gens mal intentionnés d'exciter parmi le peuple une fermentation toujours dangereuse. Je propose donc que dans toutes les villes où le prix naturel du pain a été réduit, notamment à Lyon, à Paris, etc., il soit ouvert des bureaux de charité où tous les indigents et tous les ouvriers dans le besoin seront admis à se faire inscrire, pour y recevoir une indemnité proportionnée à l'augmentation du prix du pain à raison d'une livre et demie par individu, dont chaque famille sera composée; ainsi à Paris, par exemple, si le prix du pain à raison de celui au blé était augmenté jusqu'à 4 sols (ce qui n'est pas probable), une famille composée de six personnes, recevait 9. sols par jour au bureau de charité. Il serait convenable d'établir un de ces bureaux dans chaque quartier des grandes villes et à Paris dans chaque district, afin de faciliter, les secours et rendre les informations plus sûres. Ce moyen, Messieurs, aurait le double avantage de satisfaire le peuple à qui ce secours serait uniquement destiné, et de prévenir toute espèce de fermentation et d'émeute. Il; serait aussi infiniment moins coûteux que les indemnités actuelles accordées aux boulangers, et qui s'élevaient, il y a un mois, à Pans, suivant les ministres, à plùs de 10,000 livres par jour, non compris les frais énormes et les dépenses de la ville.
Je suppose que dix mille familles profitassent de cette faveur à Paris, et que chaque famille fût composée de cinq individus, l'indemnité serait payée à cinquante mille individus, et la dépense journalière serait de 3,750 livres. Portez à 100,000, si vous voulez, le nombre des individus inscrits qui seraient secourus, la dépense ne serait encore que de 7,500 livres. Si le prix actuel du pain n'est augmenté que de 6 deniers, comme il y a lieu de le croire, alors chacune de ces deux sommes sera moindre de moitié.
Le Trésor public sera chargé par vous de tenir compte à la ville de Paris et aux autres villes du royaume des sommes qu'elles justifieront avoir payées en raison de cette indemnité.
Cependant, Messieurs, je pense que cette indemnité ne doit pas être prolongée au delà d'une année ; mon but en vous le proposant est :
1° D'empêcher toute espèce de fermentation qu'une augmentation subite du pain pourrait occasionner.
2° De soulager les indigents et les ouvriers de ces mêmes villes,, qui, par la stagnation absolue du commerce et des fabriques, manquent presque tous d'ouvrage; car je ne dois pas vous dissimuler que dans d'autres circonstances cette faveur particulière, accordée à un petit nombre de villes, serait contraire à tous les principes. Il est d'une extrême injustice de faire payer aux provinces les secours qui sont accordés à quelques villes privilégiées ; il est aussi très-impolitique de rendre
par des gratifications les denrées de première nécessité moins chères dans les villes que dans les campagnes. Le véritable intérêt national n'est certainement pas d'enrichir et de peupler les villes aux dépens des campagnes.
En résumant tout ce que je viens de dire, ie crois qu'il est de la plus haute importance de consacrer d'une manière solennelle les vérités suivantes :
1° Que la France, composée d'un si grand nombre de provinces dont le sol et le climat sont différents, se suffit complètement à elle-même pour l'approvisionnement de ses habitants ;
2° Que c'est une faute grave en administration, et une des plus grandes erreurs en politique, d'inquiéter les peuplés sur leurs subsistances ;
3° Que le gouvernement ne doit jamais faire, ni directement, ni indirectement,, le commerce des grains;
4° Qu'il ne doit jamais être permis à aucun agent du pouvoir exécutif, de taxer ie blé, encore bien moins le prix du pain au-dessous du prix courant du blé dans les marchés ; une pareille imprudence étant nécessairement suivie de la famine;
5e Que lorsque par des circonstances imprévues, le prix du pain monte à un taux élevé, l'indigent seul a ie droit d'être secouru par le Trésor public, et non le riche;
6° Que les seuls moyens raisonnables à employer pour procurer l'abondance et le'bon marché des subsistances sont la liberté, la protection et la concurrence.
C'est dans ces principes que j'ai l'honneur de vous,proposer de substituer le décret suivant à celui qui vous est présenté par votre comité des rapports.
L'Assemblée nationale décrète :
1° Qu'il sera très-incessamment envoyé dans'les provinces une instruction pour rassurer les peuples sur leurs subsistances, et leur faire connaître que les ressources de la France à cet égard ont toujours été et sont plus que jamais cette année complètement suffisantes ;
2° Que Sa Majesté sera suppliée de ne plus permettre qu'il soit fait à l'avenir au nom du gouvernement aucun commerce ni approvisionnement de grains ;
3° Qu'il est très-expressément défendu à tous les officiers municipaux et juges des villes, de taxer les prix des grains dans les marchés, et qu'il leur est pareillement défendu d'apporter aucun obstacle à la libre circulation et au commerce des grains, sous peine d'être poursuivis comme criminels de lèse-nation ;
4° Que les meuniers, marchands de grains, facteurs, boulangers et autres agents de subsistance, sont sous la sauvegarde nationale, et sous la protection spéciale de la loi;
5° Que le privilège des maîtrises de boulangers dans toutes les villes, est dès à présent suspendu, et qu'il est permis à tous les particuliers qui voudront embrasser la profession de boulanger, de former des établissements;
6° Qu'il est enjoint aux officiers de toutes les villes, où le prix naturel du pain a été réduit, de le rétablir, à compter du jour de la publication du présent décret, et de le fixer à l'avenir dans la proportion du prix du blé dans les marchés;
7° Que les officiers municipaux des villes où le prix naturel du pain a été réduit, sont autorisés a établir des bureaux de charité, où tous les indigents et tous les ouvriers seront admis à se
faire inscrire, pour y recevoir une indemnité proportionnée à l'augmentation du prix actuel du pain, à raison d'une livre et demie de pain par jour, par individu, dont chaque famille sera composée, et que cette indemnité leur sera payée jusqu'à ce que le prix naturel du pain soit au prix où il est actuellement fixé dans chacune des villes ci-dessus mentionnées, sans cependant que cette indemnité puisse, dans aucune ville, être prolongée au delà d'une année;
8° Que le Trésor public tiendra compte à la ville de Paris, et aux autres villes autorisées par le présent décret, des sommes qu'elles justifieront avoir payées pour raison de ladite indemnité.
Séance du
, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture de plusieurs adresses, dont la teneur suit :
Adresse de la ville d'Aurignac en Gomminges, contenant l'expression de son respect, et de son adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale : elle demande des fusils déposés à Auch, pour armer sa milice citoyenne.
Adresse du même genre des communautés de Bourret, Leouac, Galembrun-Peleport, Burgaud
et Aucamville en.....Elles se soumettent à
toutes les impositions que les besoins dé l'Etat exigeront, et supplient l'Assemblée nationale de rendre un décret en interprétation de ceux du mois d'août, pour déclarer si les banalités quelconques, et droits de feu, font partie des droits féodaux abolis sans indemnité. Les habitants de Leouac ont juré, le 25 novembre dernier, de la manière la plus solennelle, au pied des autels, d'êtres fidèles à la nation, au Roi et à la loi, et de maintenir de toutes leurs forces la nouvelle constitution, et généralement toutes les lois émanées del'Assemblée nationale. Ce sermentauguste a été précédé d'un discours du curé, aussi noble que touchant, où il a rappelé que notre monarque n'a jamais cessé de s'occuper du bonheur de son peuple.
Adresse du même genre du bourg de Saint-Donat, et communautés de Saint-Pardoux, Ar-themonay, Reculay et Saint-Paul-lès-Romans, en Dauphiné : elles demandent d'être comprises dans le ressort du siège royal à établir dans la ville de Romans. La communauté de Saint-Pardoux réclame en outre une municipalité.
Adresse du même genre de la Tille de Verdun-sur-Garonne: elle demande l'établissement, dans son enceinte, d'une assemblée de district, et d'un tribunal secondaire.
Adresse du même genre des citoyens de la ville de Bourbourg-les-Flandres : ils. demandent une justice royale et des fusils garnis de baïonnettes, déposés à Dunkerque, pour armer leur garde nationale.
Adresse de la garde nationale de la ville de Limoges, contenant l'assurance de son entière
adhésion à tous les décrets de l'Assemblée natio-
, Adresse des gardes nationales de quatre-vingt-sept communautés du Dauphiné, de la Provence et du Vivarais, qui, autorisées par leurs munici-
Ealités, se sont réunies au nombre de six mille ommes sous les murs de la ville de Montéli-mart; là elles ont formé un acte fédératif, par lequel, voulant assurer la circulation des grains, à laquelle s'opposent des projets dangereux, et voulant prouver aux ennemis du bien public
Su'il ne leur reste aucune ressource pour diviser es citoyens unis par la confiance en l'Assemblée nationale, elles ont prêté ce serment solennel : « Nous, Français, jurons à Dieu et à la patrie de veiller, jusqu'à la mort, à l'exécution des dé-" crets de l'Assemblée nationale, et de nous porter, à cet effet, tous les secours nécessaires. »
Ce serment prêté les officiers de tous les détachements s'étant réunis dans l'église des Récolets de Montélimart, ont procédé à la nomination de douze commissaires de la fédération.
Adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la ville de Beliesme en Perche ; elle porte plainte contre l'intendant de là province et le subdélégué de cette ville.
Adresse du même genre des officiers dé la juridiction des monnaies de la ville de gantes.
Adresse du même genre des communautés de Bostrogier en Gombrailles, Saint-Sylvain-Belle-garde, et Saint-Avit-de-Tardes; elles demandent rétablissement d'un siège royal dans la ville de Bellegarde, capitale du Franc-Alleu en Auvergne. ~ Adresse du même genre de la communauté de Bauchaud en Bourbonnais; elle demande qu'on arrête le payement des pensions-et autres bienfaits de l'Etat, comme aussi qu'on séquestre les revenus des bénéfices de tous ceux qui se sont expatriés sans aucune cause légitime.
Adresse du même genre de la ville de Condrieu en Forez ; elle réclame contre la qualification de campagne que lui a donnée l'assemblée de département de.Saint-Etienne, attendu qu'elle est murée, qu'elle paye des droits d'entrée, et qu'elle contjent plus dé six mille habitants.
Adresse du même genre de la communauté de Roddes en Bourbonnais; elle demande que chaque paroisse de la campagne jouisse d'une municipalité.
Adresse du même genre de la ville d'Aubanton en Thiérache; elle demande une justice royale.
Adresse du même genre de la commune des paroisses d'Effendic, Saint-Gonlay, Saint-Malon, Saint-Maugan et Bleruais; elle demande l'établissement d'une assemblée de district, et d'une justice royale dans son territoire. „, Adresse du même genre de la ville d'Issoudun en Ëerri; elle demande un tribunal supérieur, et une assemblée de département.
Adresse de la ville de Saint-Paul-Trois-Châ-teaux en Dauphiné, et de celle d'Aubenas en Vivarais, contenant un renouvellement de respect et d'ahdésion à tous les décrets de. l'Assemblée ! nationale.
Adresse de la ville de Massevaux et dépendances en Alsace, et de treize communautés composant la seigneurie, qui se récrient contre l'imputation qui leur a été faite, de .vouloir conserver leur régime municipal et l'ancienne administration, et adhèrent, de la manière la plus formelle, à to us les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale.
Adressé d'adhésion de la communauté de Gon-naux en Languedoc ; elle demande que la ville de Bagnols soit le siège d'une justice royale et d'une assemblée de district.
Adresse du même genre de la communauté
d'Unzem en....., qui n'étant composée que
de pauvres laboureurs, supplie l'Assemblée nationale de lui permettre ae faire l'imposition de la somme de 360 livres, pour tenir lieu de leur part de la contribution patriotique, portée par le décret du 6 octobre dernier.
Adresse du même genre de la communauté de Daillecourt, près Ghaumont-en-Bassigny, souffrant. encore des suites ,d'une grêle qui détruisit ses récoltes en 1788,; elle se départ de l'indemnité qui lui avait été promise, et offre en outre, pour son tribut patriotique, le montant de la contribution qui doit être supportée les six derniers mois de cette année par les ci-devant privilégiés.
, fait ensuite, au nom de l'abbé Major, professeur au collège de Bar-le-Duc, l'offre d'un planétaire qui est exposé sur le bureau, avec un mémoire explicatif de sa composition.il est décrété que M. le président témoignera par une lettre à M. l'abbé Major la satisfaction de l'Assemblée.
présente, au nom de plusieurs communautés du Barrois, une offrande patriotique; savoir, au nom de là communauté de Laheycourt, d'une somme de 3,000 livres; au nom de la communauté de Cheligny-le-Petit, d'une somme de 264 livres; au nom de la.communauté deLoisey, d'une somme dé 600 livres; et au nom de là communauté de Marson, d'une somme de 800 livres. L'Assemblée a été très-satisfaite des sentiments qui avaient dicté ces offres.
Les députes du district de Saint-Lazare ont fait le don du produit des boucles d'argent des habitants de ce district, et présentent l'assurance de leur dévouement le plus absolu aux décrets de l'Assemblée nationale. M..le président leur répond que l'Assemblée agrée leur offrande patriotique et que le zèle des bons citoyens pour la cause publique est pour l'Assemblée nationale la récompense la plus douce de ses travaux. L'Assemblée leur permet d'assister à sa séance.
présente au comité de la ville de Roye, l'offre des boucles d'argent d'un grand nombre de citoyens de cette ville, et l'offre particulière, faite par quelques autres, de quelques bijoux d'or et pièces d'argenterie pour servir à leur contribution patriotique ; il remet sur le bureau l'expédition d'une délibération du comité de la même ville en date du 18 du-présent mois, par laquelle cé comité donne les assurances d'un dévouement parfait de la ville de Roye, et présente ses vœux pour le succès des travaux de l'Assemblée nationale, travaux auxquels ils attachent la prospérité de la nation.
Il est fait ensuite lecture du procès-verbal de la séance d'hier au soir.
On remet sur le bureau dix-huit paires de grandes boucles d'argent et quatre paires de petites, de la part de quelques habitants de la ville de Magny en Vexin,
II est présenté une adresse de la communauté des protestants de la ville de Landau en Basse-Alsace, qui, après avoir témoigné sa profonde reconnaissance pour les travaux de l'Assemblée nationale, lui présente l'offrande dune somme de 1,200 livres, et ses regrets de ce que la modicité
de ses facultés et la détresse occasionnée par une année désastrueuse, ne lui permettent pas d'offrir une somme plus considérable.
On donne lecture d'une adresse des loueurs de carrosses de place de la ville de Paris, par laquelle ils demandent la liberté d'exercer leur état sans autre rétribution que celle nécessaire au maintien du bon ordre, de la police, et pour l'acquit des dettes qui peuvent être à la charge de leur communauté : l'Assemblée décrète le rem-voi de cette adresse au comité des rapports.
, député de Ckaumonl-en-Bassigny, ayant donné sa démission, se trouve remplacé par M. Gombert. M. Gombert, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis.
On allait pa ser à l'ordre du jour, lorsqu'un membre a demandé que les personnse qui avaient desséché des marais, fussent maintenues dans les exemptions accordées par plusieurs règlements, malgré l'abolition de tous les autres privilèges : il est observé que cette question a déjà été renvoyée au comité d'agriculture.
Enfin l'ordre du jour est repris sur modification concernant l'admission des non catholiques, à toutes les fonctions municipales et provinciales, et à tous les emplois civils et militaires, comme tous les autres citoyens.
, député de Paris (1 ). Messieurs, dans la déclaration que vous avez cru devoir mettre à la
tête de la constitution française, vous avez établi, consacré, les droits de l'homme et du
citoyen. Dans le travail constitutionnel que vous avez arrêté, relativement à l'organisation
des municipalités, travail accepté par le Roi, vous avez fixé les conditions d'éligibilité
que f'on pouvait demander aux citoyens. Il semblerait, Messieurs, qu'il n'y eût plus rien à
faire et que les préjugés dussent se taire devant la langage de la loi ; mais un honorable
membre nous a appris que les non catholiques de quelques provinces éprouvaient encore des
vexations fondées sur les lois anciennes, et se voyaient écartés des élections et des emplois
publics, un autre honorable membre a réclamé contre l'effet du préjugé qui poursuit quelques
professions. Ce préjugé, ces lois, vous forcent à vous expliquer ; j'ai eu l'honneur de vous
présenter la rédaction d'un décret, c'est cette rédaction que je défends. J'y établis en
principe que les professions et les cultes ne peuvent jamais | devenir des motifs
d'inéligibilité : je commence par les professious. Elles sont nuisibles, ou elles ne le sont
pas : si elles sont nuisibles, elles sont un délit habituel, et la loi ne peut pas les
souffrir : si elles ne sont pas nuisibles, la loi ne peut pas les frapper de proscription, et
si le préjugé a rendu nécessaire le prononcé de la loi, il faut qu'elle prononce selon la
justice. Des professions peuvent, il est vrai, par des circonstances accessoires, avoir armé
l'opinion contre ceux qui les exercent : que doit alors faire le législateur? il doit les
ramener à leur véritable but. Il doit corriger les abus ; il ne doit pas arracher l'arbre
qu'il est possible de redresser ou de greffer. Je viens à l'application de ces principes :
les professions que les adversaires de mon opinion prétendent frapper d'infamie, se réduisent
à deux; l'exécution des arrêts criminels, et les
Une troisième cause est la frivolité et souvent -
J'én aï dit âé'sez Sur lés professions, je viens à l'objet du culte, bien plus important
sans doute. Jë' conaîiienfc'ç' par rappèlér yque la cjUëstion fen ë'ile-niemë ëst'jugéepar
votre déclaration' des débits:s Nul, 'avë2f-VoUs dit, ne sera, inquiété* poUr 6fiiniotns
feligiétisës, à 'rnàinSqUe leur thàriifès-tàliàn 'hè irbùftlë Vordre 'pïibMè'è !Jg lë
'demande ; èSt-'çe être inquiété ou! lion, que d'être poursuivi par deâ lois telleà que
celles qUi écârtént encore leS protestants 'des fonctions publiques et qu'un honorable membre
vous a dé-nohèéès ? Est-Ce être iriquiété Ou non, que de "se voir refuser, Comme les juifs,
m0ttiè la quâlité dé:citoyén? Mâisjé supposé la question entière, et je ne veux la résoudre
que par: les i principes. Le pfë'mier!, le seul quë je posé est !Celui-ci: La 101 dë l'Etat
ne peut atféirtdrela religion *défl'individu ; la'religion ne peut inflUeV sur la loi
purement sociale. ' Cette'vérité déîrrvê et de la na-ture de la loi, èt de la nature de là
fêli^ion ; une religion est l'opinion dë' i'homffle;' convaindu d'un domine et exerçant lés
actës que lui prescrit cette opinion. Là loi est' la vdlonté générale, à laquelle est soumise
la volonté individuelle de cp'àque membre du corps social. La conscience est la seule chose
qu'on ne puisse pas mettre en société. Je le demande aux ministres dë la religion sainte que
je professe et que jë respecte: Si la volonté1 du plus grahd nombrej devenue 'la loi de
l'État, nous disait: Quitter la foi de vos pères, ou renoncez aux fonctions publiques : nous
les jugeons incômpaîiïïïès "avec votre culte ï ne hôïïs hâterions-nous pas de répoudre:
Hommes injustes qui avez adopté des principes et qui vous en écartez sans pudeur 1 en quoi
troublons-nous l'ordre public? Sommes-nous donc "des incen-
Si,^présentant actuellement la question sous un autre point de vue, je suppose que les sectateurs d'un culte quelconque veuillent faire adopter comme loi de l'Etat leurs préceptes religieux, je voUs le demande, ^citoyens d'un Etat libre, courberez-vous la volonté générale: sous un joug étranger, quelque respectable qu'il puisse être? Regarderez-vous comme une loi le précepte qui n'aura pas été librement consenti et auquel la conscience de plusieurs individus refusera de se soumettre. Osons, Messieurs, et pour la religion et pour la société, convenir du principe que j'établis ; faisons des lois pourvcette terre que nous habitons ; que chacun de nous, guidé par sa conscience etles motifs qui soutiennent sa foi, dirige ses pas vers la partie que sa religion lui destine ; niais ne confondons ni les guides ni les lieux, sans quoi nous nous égarerons* Dieu, en donnant aux hommes la faculté d'être unanimes sur la morale; Dieu, en ne leur permettant pas d'être unanimes sur le dogme, s'est réservé, sans doute, d'être seul législateur en fait de dogmes.
Il n'y a pas dè milieu possible : ou admettez une religion nationale; soumettez-lui toutes vos lois; armez-la du glaive temporel, écartez de votre société lés hommes, qui professent un autre culte; ët alors, effacez l'article de votre déclaration des droits, ou bien permettez à chacun d'avoir . fson opinion religieuse, et n'excluez pas des fonctions publiques ceux qui usent de cette permission.' Voilà ia justice, voilà la raison ; consultez encore la politique, elle vous dira : Attachez des hommes à la loi. Il faut donc détacher de la loi ce qui divise les hommes sans utilité sociale. Elle vous dira : Prévenez l'esprit de corps; et si vous opprimez les consciences, certes les opprimés feront corps et leur esprit se fortifiera. Enfin, la politique vous dira : Eteignez les haines/ La haine est l'état naturel de l'oppresseur et de l'opprimé. • Le système de tolérance, joint à des distinctions avilissantes, est tellement vicieux en lui-même, que l'homme qui est forcé de tolérer est aussi mécontent de la loi, que. celui qui n'en obtient que eétte espèce de tolérance. Faites contribuer tous les cultes au maintien de la morale. Vous y parviendrez, quand chaque prêtre, livré sans crainte à ses fonctions saintes, dégagé de-toute jalousie et de toute haine temporelle, qu'il ne pourra plus exercer ni satisfaire, n'aura de moyens de prosélytisme que sa vertu, la sainteté de ses mœurs, et la force de sa doctrine, ,C?est avec ces armes sacrées que le Christianisme a conquis toute la terre • ce sont les arguments que je vous présente, qu'opposaient à l'intolérance païenne les Tertullien, les Justin et les Origène. Tout culte n'a qu'une preuve à faire à l'égard dn corps social: il n'a qu'un examen à subir; c'est celui de sa morale. C'est ici où m'attaquent les adversaires dupeùple juif. Ge peuple, dit-on, est insociable, il lui est ordonné de prêter à usure; il ne peut s'unir à nous, ni par le mariage, ni par les lieps de la fréquentation habituelle ; nos mets lui sont défendus; nos tables lui sont interdites; nos ar-
mées ne verront jamais des juifs servir à la défense de la patrie. Le plus grave de ces reproches est injuste; les autres ne sont que spécieux. L'usure n'est point commandée aux juifs par leurs lois; le prêt à intérêt leur est défendu entre eux, et permis avec l'étranger. Non fene-raberis nisi alieno. Ce texte est une loi de bienfaisance entre eux, qui ne leur ordonne pas l'usure avec nous. On en a altéré le sens, parce que dans le fait, les juifs prêtent à usure ; et on a calomnié leurs lois, parce que leur conduite les accuse. Cette usure justement blâmée, est l'effet de nos propres lois. Des hommes qui ne possèdent que de l'argent, ne peuvent faire valoir que de l'argent : voilà le mal. Qu'ils aient des terres et une patrie et ils ne prêteront plus : voilà le remède. Quant à leur insociabiiite, on l'exagère. Existe-t-elle? Qu'en concluez-vous en principe. Y a-t-il une loi qui m'oblige à épouser votre tille? Y a-t-il une toi qui m'oblige à manger du lièvre, et à en manger avec vous? Certes ces travers religieux disparaîtront ; ét- quand ils survivraient et à la philosophie, et au plaisir d'être enfin de vrais citoyens et des hommes sociables, ils ne sont pas des délits que la loi puisse et doive atteindre. Mais, medira-t-on, les juifs ont des juges et des lois particulières ? Mais, ré-pondrai-je, c'est votre faute, et vous ne devez pas le souffrir. Il faut refuser tout aux • juifs comme nation, et accorder tout aux juifs comme individus; il faut méconnaître leurs juges; ils ne doivent avoir que les nôtres; il faut refuser la protection légale au maintien des prétendues lois ae leur corporation judaïque;,il faut qu'ils ne fassent dans l'Etat ni un corps politique, ni un ordre; il faut qu'ils soient individuellement citoyens. Mais, me dira-ton, ils ne veulent pas l'être. Eh bien ! s'ils veulent ne l'être pas, qu ils le disent, et alors, qu'on les bannisse. Il répugne qu'il y ait dans l'Etat une société de non-citoyens, et une nation dans la nation. Mais ils ne le disent pas: les députés des Trois-Evêchés forment la demande contraire.. Les juifs, dans lès Etats de l'Empereur, jouissent non-seulement des droits de citoyen, mais encore de la possibilité de parvenir à ces distinctions honorifiques que nous avons détruites, et qui y sont encore dans toute leur vigueur. Mais dans les assemblées primaires de la Guyenne, plusieurs juifs ont déjà voté, et un honorable membre (M. Nérac) m'autorise à articuler ce fait ; mais dans le temps où j'ai eu l'honneur de présider l'Assemblée nationale, j'ai reçu un don patriotique des mains d'un juif enrôlé dans la milice nationale, et je sais que plusieurs d'entre eux y remplissent leurs fonctions avec autant d'exactitude que de zèle. Enfin, Messieurs, l'état présumé de tout homme domicilié dans un pays est d'être citoyen. Réduisons la question à ce point; elle devient simple : il faut laisser tous les Français dans leur état -naturel, attendre que quelques-uns, ou à raison de leur culte, ou à raison de leur profession, demandent à être déclarés non citoyens, et en attendant on peut déclarer que les citoyens existants ne trouveront, ni dans l'un, ni dans l'autre, d'obstacle à leur éligibilité. ; -!>
Cette déclaration est tellement de droit naturel qu'elle, deviendrait inutile si les préjugés ou les lois qui vous ont été dénoncées nexistaient. pas. Ce sont ces lois dont je vous demande l'abolition; ce sont ces préjugés contre lesquels je vous prie d'élever la voix imposante de la loi. Et je vous observe, Messieurs, que si le préjugé résiste à la loi faite par un seul, la loi consentie par tous
triomphe toujours du préjugé. Vous ne pouvez plus vous taire.
Ou décrétez que les hommes qui exercent telle profession, protégée ou commandée par la loi, que les hommes qui professent telle opinion religieuse pour laquelle ils ne doivent pas être inquiétés, ne- sont cependant ni éligibles, ni susceptibles des fonctions publiques.
Ou décrétez la motion que je vous propose, qu'aucun citoyen actif réunissant les conditions d'éligibilité, demandées par la loi, ne sera écarté du tableau des éligibles, ou exclu des fonctions publiques, à raison de la profession qu'il exerce, ou du culte qu'il professe.
Vous taire serait le pire des maux, ce serait avoir vu le mal sans le détruire, la vérité sans la déclarer ; ce serait asseoir sur le même trône le préjugé et la loi, l'erreur et la raison (1). ,
Il est impossible d'employer plus de talent et de dialectique que le préopinant à attaquer vos principes : suivre exactement la marche de son raisonnement, telle est la route que je me trace. Admettrà-t-on dans les corps municipaux les exécuteurs, les comédiens et les juifs?
L'exclusion des exécuteurs de la justice n'est point fondée sur un préjugé. Il est dans l'âme de tout homme de bien de frémir à la vue de celui qui assassine de sang-froid son semblable. On dit que la loi exige cette action; mais la loi ordon-ne-t-elle à un homme d'être bourreau?... Gé préjugé est appuyé sur l'honneur, qui doit être plus essentiellement respecté dans une monarchie.
Je passe aux comédiens. L'opinion qui les exclut n'est point un préjugé, elle honore au contraire le peuple qui l'a conçue. La morale est là première loi ; la profession du théâtre viole essentiellement Gette loi, puisqu'elle soustrait un fils à l'autorité paternelle. Les révolutions dans l'opinion ne peuvent pas être aussi promptes que nos décrets... On s'est toujours servi d'un sophisme, en disant que les hommes exclus des fonctions administratives sont infâmes ; mais vous-mêmes vous avez exclu les serviteurs à gages par votre constitution. J'ai seulement été peiné de les voir sur la même ligne que les banqueroutiers. Craignons d'avilir les municipalités au moment que noûs devons les créer de manière à ce qu'elles méritent le respect pour obtenir la confiance.
Passons à un objet plus digne de cette Assemblée. J'observe d'abord que le mot juif n'est
pas le nom d'une secte, mais d'une nation qui a des
Depuis le règne de Charles le Chauve, empoisonné par Sédécias, son médecin, et qui donna Pétat civil aux juifs, ils ont été chassés et rappelés sept fois. M. de Voltaire dit, dans les questions sur l'encyclopédie, que l'avarice les a chassés, et qu'ils ont été rappelés par la bêtise et par l'avance. Comptons pour quelque chose la conduite de nos pères, et que Fontenelle n'ait pas eu raison de dire : les fautes des pères sont perdues pour les fils.
Les juifs ont traversé dix-sept siècles sans se mêler aux autres nations. Ils n'ont jamais fait que le commerce de l'argent; ils ont été les fléaux des provinces agricoles ; aucun d'eux n'a su enn®-blir encore ses mains en dirigeant le soc et la charrue. La loi qu'ils suivent ne leur laisse pas le temps de se livrer à l'agriculture; outre le sabbat ils ont par année cinquante-six fêtes de plus que les chrétiens. En Pologne ils possèdent une grande province. Eh bien 1 les sueurs des esclaves chrétiens arrosent les sillons où germe l'opulence des juifs, qui, pendant que leurs champs sont ainsi cultivés, pèsent des ducats, et calculent ce qu'ils peuvent ôter des monnaies sans s'exposer aux peines portées par la loi.
Ils n'étaient laboureurs ni sous le règne de David, ni sous celui de Salomon. On leur reprochait alors leur paresse : uniquement occupés du commerce, ils étaient ce que sont aujourd'hui les corsaires barbaresques.
En ferez-vous des soldats? Le célibat est en horreur chez eux : ils se marient très-jeunes. Quand ils auraient le patriotisme et la valeur qui les appelleraient sous nos drapeaux, on n'en tirerait pas un grand avantage. Je ne connais dans le monde aucun général qui voulût commander une armée de'juifs le jour du sabbat; ils n'ont jamais donné une bataille ce jour-là, et leurs ennemis le respectaient comme eux.
En ferez-vous des artisans? Leurs fêtes multipliées et leurs jours de sabbat seraient des obstacles insurmontables.
Ils possèdent en Alsace 12 millions d'hypothèques sur les terres. Dans un moisi ils seraient propriétaires de la moitié de cette province ; dans dix ans, ils l'auraient entièrement «onquise, elle ne serait plus qu'une colonie juive. Les peuples ont pour les juifs une haine que cet agrandissement ne manquerait pas de faire éclater. Pour leur salut, il ne doit pas y avoir lieu à délibérer.
Ils ne doivent pas être persécutés : ils sont hommes, ils sont nos frères ; et anathème à quiconque parlerait d'intolérance! NUI ne peut être inquiété pour ses opinions religieuses, vous l'avez reconnu, et dès lors vous ayez assuré aux juifs la protection la plus étendue. Qu'ils soient donc protégés comme individus, et non comme Français, puisqu'ils ne peuvent être citoyens.
11 ne faut pas conclure de ce que j'ai dit sur les juifs, que je confonds les protestants avec eux. Les protestants ont la même religion et les mêmes lois que nous, mais ils n'ont pas le même culte; cependant, comme ils jouissent déjà des mêmes droits, je pense qu'il n'y a pas lieu',à délibérer sur la partie qui les concerne dans la motion proposée.
Tout citoyen qui a rempli
les conditions d'éligibilité que vous avez prescri" tes a droit aux fonctions publiques. Quand vous avez discuté ces conditions, vous avez traité la grande cause de l'humanité. Le préopinant a voulu faire de quelques circonstances particulières trois causes différentes. Toutes trois :%l!es sont renfermées dans le principe; mais, pour l'honneur de la raison et de la vérité, je vais les examiner succinctement.
On ne dira jamais avec succès dans cette Assemblée qu'une fonction nécessaire de la loi peut être flétrie par la loi. 11 faut changer cette loi, et le préjugé n'ayant plus de bases disparaîtra.
Je ne crois pas que vous ayez besoin d'une loi au sujet des comédiens. Ceux qui ne sont pas exclus sont appelés. 11 était bon cependant qu'un membre de cette Assemblée vint réclamer en faveur d'une classe trop, longtemps opprimée. Les comédiens mériteront davantage l'estime publique quand un absurde préjugé ne s'opposera plus à ce qu'ils l'obtiennent ; alors les vertus des individus contribueront à épurer les spectacles, et les théâtres deviendront (les écoles publiques de principes, de bonnes mœurs et de patriotisme.
On vous a dit sur les juifs des choses infiniment exagérées et souvent contraires à l'histoire. Comment peut-on leur opposer les persécutions dont ils ont été les victimes chez différents peuples? Ce sont au contraire des crimes nationaux que nous devons expier,, en leur rendant les droits imprescriptibles de l'homme dont aucune puissance humaine ne pouvait les dépouiller. On leur impute encore des vices, des préjugés, l'esprit de secte et d'intérêt les exagèrent. Mais à qui pouvons-nous les imputer si ce n'est à nos propres injustices? Après les avoir exclus de tous les honneurs, même des droits à l'estime publique, nous ne leur avons laissé que les objets de spéculation lucrative. Rendons-les au bonheur, à la patrie, à la vertu, en leur rendant la dignité d'hommes et de citoyens; songeons qu'il ne peut jamais être politique, quoiqu'on puisse dire, de condamner à l'avilissement et à l'oppression, une multitude d'hommes qui vivent au milieu de nous.
Comment l'intérêt social pourrait-il être fondé sur la violation des principes éternels de la justice et de la raison qui sont les bases de toute société humaine ?
, e'vêque de Nancy. Mes raisonnements et mes preuves ne pourraient rien ajouter à ce qu'a dit M. l'abbé Maury. Placé près d'un grand nombre de juifs par lès fonctions dont je suis honoré, je dois vous présenter mes observations sur eux, et je me bornerai à cela.
Les juifs ont sans doute des griefs à faire redresser ; il faut supprimer des droits que le législateur a établis, en Oubliant que les juifs sont hommes et malheureux. Il faut leur accorder la protection, la sûreté, la liberté; mais doit-on admettre dans la famille une tribu qui lui est étrangère, qui tourne sans Gesse les yeux vers une patrie commune, qui aspire à abandonner la terre qui la porte; une tribu qui, pour être fidèle à sa loi, doit interdire aux individus qui la composent les armées, les arts mécaniques et les arts libéraux, les emplois de magistrature et de municipalité, enfin jusqu'à l'état de domesticité; une tribu qui, en obéissant à sa loi et à la loi nationale, a dans l'année cent huit jours de non-valeur ?
Pour être juste, je dois dire que les juifs ont rendu de grands services à la Lorraine, et sur-
tput à la ville de Nancy; mais il est des situations Impérieuses. Mon cahier m'ordonne 'de réclamer contre la motion qui vous a été faite,'
L'intérêt même des juifs exige cette réclamation : le peuple les a en horreur; ils sont souvent en Alsace les victimes des mouvements populaires. Il y a quatre mois, on voulait, à Nancy, piller leurs maisons. Je me transportai dans le lieu de la sédition; je demandai quelles plaintes on avait à, former ; les uns prétendirent que les juifs étaient accapareurs de blé ; . d'autres, qu'ils s'étendaient trop, qu'ils achetaient les plus belles maisons, et que bientôt ils posséderaient toute la ville. Un des séditieux ajouta ; « Oui, Monsieur, si nous venions à vous perdre, nous verrions un juif devenir notre évêque, tant ils sont habiles à s'emparer de .tout. » a Un dépret qui donnerait aux "juifs les droits de citoyen pourrait allumer un grand incendié. Us ont une fois obtenu une pareille faveur du parlement d'Angleterre, mais aussitôt les boulangers leur refusèrent du pain, et ces malheureux demandèrent bien vite la révocation du bïll. i Je, propose d'établir un comité qui serâit chargé de la révision de toute la législation concernant les juifs.
Quant aux autres parties de la motion, j'adhère entièrement à ce qu'a dit M. l'abbé Maury. J'ajouterai seulement un trait d'un acteur célèbre, parce qu'il s'applique très-bien à la discussion actuelle. Un vieil officiel: se plaignait amèrement de la médiocrité 'des récompenses qu'il .avait obtenues pour de longs services. Il comparait son sort à celui de Le Kain, auquel il faisait de dures observations sur cette comparaison.. « Eh I monsieur, lui dit le comédien, comptez-vous pour rien le droit que vous avez de me parler ainsi? »
Il est absolument nécessaire de prendre un parti. Il existe une loi qui exclut les protestants de toutes les places de municipalités auxquelles sont attachées des fonctions juaiciai- * res. Il est dans votre intention et dans vos décrets d'accorder une juridiction de police à ces administrations; il faut donc déroger à cette loi.
Il est nécessaire que le parti qu'on prendra soit conforme à l'esprit de la motion proposée. Si quelque nation venait se mêler avec nous, si elle demandait, pour les individus donta elle sera composée, les droits de citoyens français, pour-riez-vous ne pas. accueillir cette demande? La nation juive est précisément dans le même cas. Nous ne devons pas examiner si les juifs sont fidèles à leur loi; il suffira qu'ils remplissent les devoirs:que nous leur aurons imposés ; que nous 1 partagerons avec eux.
On vous a dit qne la loi ne pouvait comman- ! der à l'opinion, parce qu'elle n'est autre chose ' que le résultat de l'opinion. Il faut distinguer la loi qui est strictement la justice, et les mœurs qui suivent les convenances de;la loi. La loi dira que les juifs sont éligibles; les mœurs s'opposeront peut-être à, ce qu'ils soient élus, mais elles se rapprocheront de la loi. Quoi qu'il en soit, vous ne pouvez refqser de consacrer un grand principe quand il.vous est présenté.
Je propose une rédaction qui renferme simplement le principe, et dans laquelle les expressions de culte et de profession ne se trouvent pas. Elle est ainsi conçue :
Il ne pourra être opposé à aucun Français, soit pour être citoyen actif soit tfour être éligible aux fonctions publiques, aucun motif d'exclusion qui
n'ait pas été, prbhpîicé..jjar les décrets de l'Assemblée : dérogeant à tbutés lois et régïeinênts contraires.
adople cette rédation
On demande à aller aux voix.
évêque de ftîfn[e!s'. Cette motion ést déjà décrétée : il n'y a pas fieu dfe dé-libérer.
, §ir l'Assemblée pouvait suiyre cet avis; il faiidràit expriniër poisiti-véinent qu'ellé ne s'y décide qiiè p'àricè qùe ce principe est déjà décrété.
lit là .otïoh qu'il a faite lundi dernier, et sur.lâ^ueîié^ lès'amrës motions ont été présentées. Éh Voici lê.èjerrties :, .^.l^.JLes noil; catntmqUfjs, qui.aUrpn't'â'àÏÏlébi^s Rempli toutes les con^iuphs -.'d é.i|gipra(és, pOumfrit etife élus dans tous les, degrés d^dibim^atibp, ' 2° .Les non catholiques sont .capables déposséder les emplois civils et militàireà, èobicne les adirés Citoyens.
On demande là pridrîtè jioùr fa rédàction de M. {jupprt.
Op délibèr^. Deux ê^reuvés pa'r assife et debout donnent un résultat dbUteut. KOq(ya, aux vpix $ar. ;rapptel nominal. Là priorité,est refusée à la réfaction M. Dfrport, a la majorité dç 4Û(8 voix çbntre $03.,, u
La séance est levée à troi's heures et demie.
Nota. Nous îhs^ns ici . un recuit, pïèçeà concernant l'admissiondés jûife à,l'|tàt civil. Cjes/piè^es po.stèrj^ijLrie's t au, 23 1789, se
rattachent aux délibérations de là commune aè Paris.
Recueil de pifi^es relatives m t admission Jâtés juifs à Tét'at civil (l).
, Discours prononcé
Messieurs,
J'ai quitté un instant la place que j'occupais au milieu dç vous, pour prendre celle qui me convient, lorsque je parle polir des suppliants, ét que je suis l'interprète des màlhéureiix.
Ghargé, par !la pjupàrt des juifs du royaume, de défendre leur cause à l'Assemblée datioriàle, je suis, en iriêmé temps, par'ceux de Paris, Messieurs, chargé de voûs offrir l'hommage de, leuifs respects, l'assurance dé .léûp- dévouement, lé;témoignage, même de'léUr reconnaissance : car, 'lès généreux habitants de cette capitale ont devancé, en quelque sorte,1 pour lés juifs, les bienfaits de la loi, en saisissant cette mémorable révolution,
pour se confondre avec eux, en faire leurs compagnons d'armes, les revêtir de la livrée citoyenne, sous laquelle plusieurs d'entre eux paraissent devant vous, les traiter enfin comme frères, avant de les traiter en citoyens.
Ce n'est pas là faire la loi, mais c'est la préparer par l'opinion ; c'est exercer la plus haute des puissances, c'est rendre les œuvres du législateur plus faciles, et transformer, pour ainsi dire, à l'avance, ses intentions en décrets; en sorte que tous les genres de gloire, Messieurs, semblent vous être réservés. Tantôt, vous secondez une loi déjà faite, en la consacrant prompte-ment par l'opinion, et plaçant à côté du principe des exemples sublimes qui donnent à la loi un empire irrévocable. Tantôt, c'est une loi à faire que vous préparez par des actions, par des faits, par un ensemble de conduite, que les législateurs semblent vous demander, et dont ils ont besoin, pour opérer tout le bien qu'il est dans leur désir de vous faire. Il n'y a point de préjugés qui puisse résister à cette puissance incalculable de l'opinion qui prépare la loi, ou de la loi qui est secondée et consacrée par l'opinion.
Les juifs, qui sollicitent de l'Assemblée nationale, et qui attendent de sa sagesse, une loi qui leur soit favorable, attachent donc une grande confiance aux suffrages honorables qui les envi ronnent dans cette capitale, et dont ils ont déjà éprouvé tant de salutaires effets, ils oseront dire, Messieurs, qu'ils en sont dignes par le zèle patriotique cjui, dès le moment de la révolution, a transporté leur âme, les a couverts de l'armure civique, et en a fait de braves et infatigables soldats, entièrement dévoués au salut et à la prospérité de la nation. Mais ils n'en ressentent pas 'moins une vive reconnaissance de tous les témoignages de bienveillance qu'ils ont reçus ; et ils Viennent en remercier, dans vos personnes, la capitale entière.
Je dois le dire à leur louange, Messieurs, Quoique, dans toutes les démarches qu'il a fallu ïàire pour chercher à conquérir leurs droits, ils fi'àient rien fait par eux-mêmes, et qu'ils aient eu besoin d'être guidés par d'autres ; ce sont eux, néanmoins, qui, les premiers, ont eu l'idée de "Venir vous offrir leurs hommages ; parce que cette idée n'est qu'un sentiment, èt que le sentiment n'a pas besoin de guide.
Ils ont pensé aussi, Messieurs, que les bontés de cette capitale envers eux leur donneraient peut-être le droit de vous supplier d'élever la voix en leur faveur, et d'émettre un vœu qui pût hâter la décision de leur sort. Mais ils craignent de vous demander ce nouveau témoignage de bonté; et ils s'abandonnent, ils se confient, sur cet objet, à votre sagesse.
Us vous prient seulement de leur permettre de se vanter de tous les anciens témoignages qu'ils ont reçus. Ils vous prient de leur rendre la justice qu'ils méritent, en disant hautement que vous n'avez aucun reproche à leur faire; que l'ordre public n'a jamais été troublé par eux ; que, dans l'excès même de leur infortune, ils n'ont murmuré ni contre les hommes ni contre la loi; qu'un zèle pur et vraiment civique les anime aujourd'hui pour la défense commune et le bien général ; et,,par cette attestation solennelle, qui ne sera qu'un hommage rendu à la vérité, vous aurez la satisfaction, si douce pour de véritables amis de la chose publique, de servir, non-seulement la cause des juifs dè Paris en particulier, mais celle de tous les juifs du royaume
en général, et de préparer ainsi le bonheur de 50,000 individus.
Vous n'hésiterez pas, Messieurs, à leur donner ce certificat moral que j'ai l'honneur de vous demander pour eux ; quand vous saurez que sur cinq cents juifs qui existent à Paris, il y en a plus de cent qui sont enrôlés dans la garde nationale, et qui sacrifient tout leur temps, tout leur zèle, toutes leurs forces à la défense de la constitution; quand vous saurez qu'au milieu des députés que j'ai l'honneur de vous présenter, se trouve le fameux J. Hourwitz, auteur d'un excellent ouvrage couronné par l'académie de Metz (1), interprète des langues orientales à la bibliothèque du Roi, n'ayant, pour toute fortune, que 900 livres de rente, et ayant trouvé ces 900 livres encore trop considérables pour lui ; car il vient de faire à jamais le don patriotique du quart de cette somme; et, quand on lui a représenté que la contribution patriotique n'était imposée que sur une seule année du revenu, il a répondu qu'il abandonnait, pour toujours, le quart de ses appointements, parce que les 900 livres étaient un prix supérieur au salaire qui lui était dû, pour le genre de travail auquel on l'occupait à la bibliothèque du Roi.
Voilà, Messieurs, les hommes pour lesquels je sollicite votre justice. Et si, comme je l'espère, vous ne la leur refusez pas, si vous vous montrez à la fois humains et justes ; si, enfin, cette journée pouvait se terminer au gré de nos désirs; vous n'en auriez jamais eu de plus mémorable ni de plus complète depuis le commencement de la révolution.
Ce matin, vous avez consacré la loi relative aux comédiens, par l'honneur que vous avez rendu au citoyen estimable qui, lui-même, avait commencé par montrer que sa profession n'exclut ni la vertu, ni les mœurs, ni le patriotisme.
Vous avez en même temps, et par le même acte, consacré la loi qui détruit des peines infamantes (2),
Un troisième préjugé est, en ce moment, déféré à votre tribunal. C'est celui qui existe contre les juifs. Il est aussi injuste que les précédents ; il doit périr comme eux: et il est digne de vous, Messieurs, d'en préparer solennellement la destruction.
Ce sera donc de cette enceinte que sortira, pour se répandre ensuite dans le royaume entier,
l'irrévocable proscription de tous les préjugés qui déshonoraient le plus la nation française.
Vous n'êtes que des administrateurs provisoires de cette capitale : mais vous aurez fait un bien qui ne le sera point ; qui sera au contraire, impérissable ; et pour lequel toutes les générations et tous les siècles vous devront de la reconnaissance.
Réponse de M. l'abbé Mulot, président
Vous venez, Messieurs, solliciter l'assemblée de la commune d'émettre un vœu qui seconde, auprès des législateurs dè la nation, une demande que vous leur faites au nom de la nature.
Je m'enorgueillis, Messieurs, et de ce que jepuis, auprès de vous, être l'organe de cette assemblée et de ce que vous ne redoutez pas de vous présenter devant elle, pendant que j'y exerce les fonctions de la présidence.
Oui, Messieurs, vous faites honneur à mon cœur ; et ce qui doit me flatter le plus, c'est que je puis répondre à votre confiance, sans blesser la sévérité de mes principes.
La distance de vos opinions-religieuses aux vérités que nous professons tous, comme chrétiens, ne peut nous empêcher, comme hommes, de nous rapprocher de vous ; et si, mutuellement nous nous croyons dans l'erreur, si mutuellement nous croyons devoir nous plaindre, nous pouvons nous aimer.
Votre demande ne nous est pas d'ailleurs tellement personnelle, qu'il n'en rejaillisse aucun bien sur la société entière; et, si elle tend à nous faire confirmer les droits que vous avez acquis en naissant sujets dé la loi, elle tend aussi à bannir tous les vices dont on s'est plu à accuser votre nation, à faire fleurir les vertus que vous cultivez en secret, et à ouvrir pour l'Etat de nouvelles sources de richesses ; je ne puis vous annoncer quel sera le vœu précis de l'Assemblée sur le fond de cette demande, mais je puis du moins vous assurer à la fois et que ses arrêtés seront conformes aux lois de la raison et de l'humanité, et que je serai le premier à applaudir à ce qui sera déterminé de favorable pour votre nation.
Pour premier témoignage de notre fraternité, l'Assemblée vous invite, par ma bouche, à assister à sa séance.
Le 30 janvier 1790, une députation du district des Carmélites, composée de MM. Cahier de Ger-ville, Le Nain, Le verdier, d'Ailly, Ghiboust et Choie, s'étant présentée à l'assemblée générale des représentants de la commune, M. Cahier de Gerville., l'un des députés, et procureur-syndic adjoint de la commune, adressa le discours suivant à rassëmblée :
Messieurs,
Un intérêt bien noble et bien touchant nous conduit en ce moment dèvant vous.
De toutes les sections territoriales de la com-. mune de Paris, le district des Carmélites est celle qui renferme dans son pein un plus grand nombre de-juifs.
Plus qu'aucun aauë district, celui des Carmélites a été à portée, depuis la révolution, d'observer la conduite des juifs, de connaître leurs principes et de juger leur morale.
Ne soyez donc point étonnés, Messieurs, si le district des Carmélites s'honore d'être le premier
de tous à rendre un hommage public à leur patriotisme, à leur courage 'et à leur générosité.
Nuls citoyens ne se sont montrés plus ardents que les juifs à la conquête de la liberté ; nuls, plus empressés à se couvrir des livrées nationales; nuls, plus amis de l'ordre et de la justice; nuls, plus disposés aux actes de biènfaisance envers les pauvres et aux contributions volontaires nécessitées par les besoins du district.
Tel est le témoignage que nous devons à la vérité, et que le district des Carmélites nous a ordonné de proclamer dans cette enceinte.
Déjà, Messieurs, vous avez déployé toute la force de la raison et du sentiment contre cet antique préjugé qui rendait l'honneur solidaire dans les familles.
C'est un autre*préjugé, non moins absurde, non ! moins odieux et bien plus impolitique que nous venons vous dénoncer.
Attaquons tous les préjugés, Messieurs, combattons-les avec persévérance. Il ne faut pas qu'un seul de ces enfants dù despotisme ou de l ignorance survive à la renaissance de la liberté et à la consécration des droits de l'homme.
Si les juifs établis à Paris ne sont pas encore Français, croyez-nous, Messieurs, ils ont mérité de l'être. Oserai-je en faire l'aveu ? Ils.le sont déjà parmi nous. Oui, Messieurs, le district des Carmélites n'a pas voulu qu'on les distinguât des citoyens. On les admet dans les conseils; ils partagent les honneurs et les fatigues du service militaire; et, pas le moindre murmure ne s'est fait entendre contre cette possession des droits de cité, à laquelle néanmoins le sceau de la loi manque encore.
A cet assentiment, si général malgré l'agitation inévitable des intérêts privés, reconnaissez, Messieurs, un des plus infaillibles caractères de l'opinion publique.
Reconnaissez aussi un des plus salutaires effets de cette philosophie qu'on a tant calomniée, Les juifs, désabusés de leurs vieilles erreurs, ont senti le besoin d'une patrie; et nous leur avons offert la nôtre. Pour prix de leurs services, ils ont sollicité notre protection auprès de vous; dites, Messieurs, si nous pouvions rejeter cette occasion d'accroître la famille des citoyens et d'acquitter une dette sacrée, celle de la reconnaissance.
Daignez, Messieurs, accueillir nos justes et pressantes réclamations en faveur de nos nouveaux frères. Daignez y joindre les vôtres, et les présenter, réunies, à l'Assemblée nationale. N'en doutez pas, Messieurs, vous obtiendrez, sans peine, pour les juifs de Paris ce qu'on n'a pas refusé aux juifs connus sous la dénomination de Portugais, Avignonais, Espagnols. Quel serait donc, pour ceux-ci, le motif d'une préférence ? La doctrine de tous les juifs n'est-elle pas la même ? Nos rapports politiques avec les uns et les autres ne sont-ils pas semblables? Si les ancêtres des juifs dont nous défendons la cause ont, plus que les juifs portugais, éprouvé les vexations et lés fureurs du pouvoir arbitraire, la longue et cruelle oppression qu'ils ont soufferte devient un nouveau titre à la justice nationale. Remontez, d'ailleurs, à l'origine de cette étrange et inique disctinction ; et voyez si l'on oserait aujourd'hui, comme on l'osait alors, fonder une différence dë droits, entre deux castes du même peuplé, deux rameaux du même tronc, sur des traditions apocryphes, ou plutôt sur des chimères et des fables.
Nous déposons sur le bureau la délibération prise hier, à l'unanimité (les juifs retirés) dans
l'assemblée générale du district des Carmélites.
Extrait du procès-verbal des délibérations de rassemblée générale du district des Carmélites, ci-devant le Sépulcre.
(Du vendredi 29 janvier 1790.)
M. le président a rendu compte d'une députa-tion faite à l'assemblée générale des représentants delà commune, par la nation juive, demeurant à Paris, pour réclamer l'appui de la commune auprès de l'Assemblée nationale, à l'effet d'être admise à l'honneur de partager avec les autres citoyens français, sans distinction, les droits de citoyens actifs, que le préjugé et là législation passée leur ont jusqu'à présent refusés.
iiecture faite de Y adresse présentée à l'Assemblée nationale, le 26 août dernier, au nom de la nation juive, M. le président ayant prié l'Assemblée de discuter la question de savoir si le district voterait en leur faveur l'admission aux droits de citoyens actifs, les juifs présents à l'assemblée se sont retirés.
La matière longtemps et suffisamment discutée, l'assemblée, considérant que, depuis le commencement de la révolution, les juifs, demeurant dans l'arrondissement du district, se sont toujours conduits avec le plus grand zèle, le patriotisme le plus pur et le plus généreux; \ Considérant que l'adresse par éux présebtée à l'Assemblée nationale renferme leur soumission la plus entière aux lois et tribunaux du royaume, et leur renonciation au privilège d'avoir des chefs particuliers et autres privilèges dont ils ont toujours paru le plus jaloux ;
Considérant aussi que le préjugé funeste qui, jusqu'ici, les a tenus plongés dans l'avilissement, n'était pas propre à leur inspirer les sentiments de bons et loyaux citoyens; que les moyens de donner à tous les juifs l'énergie qui convient à des hommes libres, c'est de les faire participer à cette honorable qualité ;
Considérant enfin que le district des Carmélites, celui qui renferme dans son sein le plus dé juifs, a été, comme il l'est encore, le plus à portée de connaître leur conduite publique, et de leur rendre justice sur le zèle et le patriotisme qu'ils ont toujours montrés ; pensant même qu'il leur est dû dé la reconnaissance; ~ - A arrêté unanimement de porter à l'assemblée des représentans de la commune, le; vœu formé par le district, pour que les juifs dont il atteste la bonne conduite, et l'entier dévouement à la chose publique, jouissent désormais des droits de citoyens actifs, lorsqu'ils rempliront les autres conditions imposées par les décrets de l'Assemblée nationale. A cet effet, l'assemblée a nommé MM. de Gerville. Le Nain, Chiboust, d'Ailly, Le Verdiër et Choie, ses députés, pour présenter son arrêté à l'assemblée des représentants de la commune.
A arrêté, en outre, que cet arrêté serait envoyé à M. le président de l'Assemblée nationale, et aux "59 autres districts.
Pour l'extrait conforme à l'original.
Signé : Gavot, l'un des secrétaires.
Réponse de M. l'abbé Mulot, président de rassemblée générale des représentants de la commune, à MM. les députés du district des Carmélites.
Que votre démarche est louable en elle-même! Qu'elle est honorable pour vous, et que votre témoignage est puissant en faveur de ceux à qui vous le rendez !
Quelques faits contenus dans l'éloquent discours de celui de nos membres qui nous a présenté les juifs, avaient ajouté au penchant de nos cœurs à leur être favorables.
Vous venez à ces faits joindre les preuves d'une conduite irréprochable et soutenue ; vous venez nous les peindre comme les défenseurs les plus zélés de la cause générale, comme des habitants utiles et vertueux.
Votre district, dont l'étendue renferme plusieurs rues, presque entièrement peuplées par eux, est d'un grand poids, lorsqu'il parle en leur faveur.
Témoins de leur vie privée, vous nous révélez tout le bien qu'ils font dans leurs humbles foyers. Nous applaudissons tous à votre zèle pour des hommes que l'opinion a trop longtemps mai-traités.
Nous applaudissons à toutes les vertus que vous nous faites admirer en eux.
Je ne puis, au nom de l'assemblée, vous promettre, Messieurs, que ce que je leur ai promis à eux-mêmes; des arrêtés dictés par la raison et l'humanité ; mais je vous renouvelle avec confiance ces mêmes promesses.
Opinion de M. l'abbé Bertolio, sur les juifs, proposée dans l'assemblée générale des repré— sentants de la commune, le 30 janvier 1790.
Messieurs, c'est une des grandes erreurs de l'esprit humain , d'avoir fait dépendre la qualité de citoyen de la croyance à telle ou telle opinion ; c'est un des grands malheurs de la religion d'avoir été liée et incorporée aux gouvernements, de manière à être dans la nécessité de changer avec eux et d'éprouver les vicissitudes auxquelles sont nécessairement sujets tous les établissements formés par la main des hommes.
Nous sommes enfin arrivés au moment de cor-rigér une erreur, qui a élevé tant de murs de séparation entre les hommes qui n'auraient jamais dû faire qu'une même famille ; nous sommes parvenus au moment de préserver la religion des maux qui la menacent, et d'arrêter le cours de ceux qu'elle n'a déjà que trop ressentis.
Ce ne seront plus les opinions spéculatives qui régleront la qualité de citoyen : la religion, rendue à elle-même, ramenée a la sublimité de sou institution, ne s'occupera plus qu'à rendre les hommes meilleurs et plus parfaits, et ne se mêlera plus des différentes formes de gouvernement qu'ils croiront devoir adopter pour assurer leur liberté : les intérêts des consciences ne seront plus confondus avec les intérêts politiques.
Il fallait, pour opérer ces grands changements, une révolution semblable à celle qui va régénérer la France ; mais elle resterait imparfaite, cette révolution aussi heureuse qu'inattendue, si leà idées ne suivaient pas les progrès de la constitution qu'elle a enfantée. Elevons-nous donc à la hauteur de notre constitution, eh assurant aux consciences la liberté qu'elle a assurée aux actions. Ne perdons jamais de vue que tous les hommes sont égaux en droit : que la liberté est
le premier et le plus précieux d,e tous les droits : que la liberté est le droit de faire tout ce qui fi est point déféhau par la loi et qui ne nuit point à autrui : qué les opinions religieuses ne peuvent être du ressort de la loi : que, penser différem-méht dès autres, ce fi'èst ni les blessèr ni leurs nuire : qué, si Jà différence dès opinions reli-giéuseé pouvait être un obstacle à ia qualité de citoyen, il n'y aurait plus alors d'égalité dé drôits.
Île sont ces principes, consâcrés par rAssem-fileè hatiOhâlé, qui ont déjà rendu la vie civile â plus de trois millions de Français ; ce sont ce3 principes qui ont renversé, dans ufi seul instant, là révocàtion de l'édit dè Nâhtés, monument fu-beste qui paraissait d'autant plus inébranlable qu'il était I'oùVraèè d'un monarque que Ses grandes qualités avaient environné dè la gloire la plus éclatante. Déjà lès protestants français sont réjntêgrès dans toUs leurs droits de citoyens ; de|â lès nbmbréux édits de proscription, qui déshonoreraient notre codé, sont effacés, et avec eux oh,t dïspàrù les cftieis préjugés de nés pères. ^ Ces principes viennent de triompher d'un autre préjugé plus enraciné éhcorè flUé celui sous le-uel 'les protestants gémissaient. Les juifs de ftr'dëaux, dè Bayohne, d'Avignon, voient leur état de^ pitoyenè àssùré pâr un décret solennel. Q est cëttè justice que les jtiifs français, domibi-tîés à Pàris et uànà lès autres parties du royaume, sôJ|icTtëht âuj p^urd'hui : pourrait-on la leur refuser? Quelle différence essentielle entré eux et leurs frères de Bordeaux poUrrait-oh assigner? Dira-t-on que les uns ont des lettres patentes et uùe possession d'état que n'ont pate lefe autres? Lès lettres patentes des juifs français-sont dans la nâfurè, -et le sceau de la nature vaut bien le sceau de toutes les chancelleries de l'Europe.
"Là 'possession d'état, les juifs français ne l'ont pàs dans le lait. Gela n'est malheureusement que trop vrai : il h-est que trop vrai que, depuis des siècles, ifs ont été -les Victimes de 1a cupidité la plus 'incroyable* des persécutions les plus atroces, de l'intolérance la iplus sanguinaire ; mais là longue durée de leurs-maux n^ést qu'une raison plus
f ires san té de les faire 'cesser. Hâtons-nous 'de eur faire ouMier les*crimes de nos pè'res. Hâtons-nous de leur rendre ce qurils «n'ont jamais'pu perdre, patae 'que, dans lè droit, leur état 'de cit6t8n!est impirescr-îptible, cemme la nature qui les^appeile.
!f'entends prononcer je mot de politique. Ah! bktftiissons-le de notre langue, si, par politique on veut toujours entendre Uàrt perfiie de tromper les bÉfïnains et d'aggraver leurs fers, sous prétexte de înériager leurs intérêts. Mais vous in-voquéz la politique, ét moiije i'invtfque aussi. Je ne cOhnaiS d'autre politique'que l'art de iprésen ter les moyens les- plus efficaces pour rendre les nations heureuses, pour faire fleurir l'agriculture, ïes arts et le commerce, et l'admission des .'juifs fràngais à tous les droits de citoyens est un de Ces moyens. 'D'immenses landes à défricher, d'innombrables marais à dessécher, des manufactures à'établir ou!à vivifier,-un commerce, soùvént lan-gui§éànt,Tetijamafe auSsiéténdu-qu'il peut iFêtre, semblent !nous reprocher taotre inertie - ët notre IhteuWe.'liés1 bras'et 'tes capitaux 'des-juifs.devé-nftrs1 citoy e h s,! incorporés à la patrie quiles-aura àdàp'tês,! r épareron tcès torts; de d'ancienne 'admi-Mât&tion ; vous les verrez accourir de toutes les partie du felobe, aumonrèfit^u'ilS sauront que lë soleil d'e rla liberté toit'en France sur tous ceux qui y sont nés ou qui s'y établissent; et
l'empire acquerra de nouveaux sujets, aussi utiles par leur activité, leur intelligence, leurs trésors et leurs travaux, que soumis à une constitution et à des lois auxquelles ils seront attachés autant par les liens de la reconnaissance que par ceux de l'intérêt. :
Ne m'opposez pas leur religion. 11 n'est qu'un seul point sous lequel les religions puissent intéresser les gouvernements; c'est celui de la morale, et on n'a rien à reprocher à la morale des j'uifs ; elle n'est qu'un développement de la loi naturelle qu^ilsbnt reçue de Moïse, et la nôtre n'en est aussi gU'un développement, mais beaucoup plus parfait ; la morale des hébreux comme celle dès chrétiens, est fondée sur ces deux maximes d'une éternelle vérité c Aime ton prochain comme toi-même, me fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fit; la société pourrait-eUe re-redouteraes hommes qui professent une pareille doctrine?
J'ai entendu un honorable membre, dont je respecte l'âge, les vertus et les 'intentions, nous dire que le ciel s'oppose aux projets des juifs;; qu'ils sont et seront toujours l'objet de ses vea-geances; que la preuve en est écrite sur leur physionomie ; que l'ignominie, les opprobres dont ils sont couverts depuis tant de siècles, ne permettent pas de méconnaître la main d'un Dieu vengeur.
Eh quoi! Messieurs, necessera-t-onjamais de calomnier la divinité ; ne cessera-t-on jamais de lui prêter nos faiblesses, au lieu de chercher à nous , élever jusqu'à ses perfections ? Non, Messieurs, il n^y a que les hommes qui se vengent; Dieu ne se vénge point ; il est juste; et la justice est incompatible avec la vengeance ; mais où sont donc lés prëuves de la vengeance «divine? Elles sbnt, dit-on, ënpreintes sur la physionomie-des J n ifs : et depuis quand les physionomies caractéristiques des peuples sont-elles des signes du coârroux du ciel ? Parcourez toutes les parti® de'ee globe, partout vous y verrez les physionomies modifiées dans les formes -et dans les couleurs, selon -les sols et climats, selon le plus >ou le moiUB de mélange des nations. "N'interposons pbint le doigt de Dieu, où «il ne faut voir que la main de la nature.
'On voudrait trouver encôre la vengeance divine danfe le triste sort que'subissent les-juifs depuis tant de siècles. N'est-ce point ici un faux-fuyant de notre àmour-propre : ne cheroherions-nous pas à atténuer nos torts envers eux, 'en les attribuant au Ciel? Gardons-nous île cette illusion,/ avec un pareil sophismeion. justifierait l'abominable esclavage des nègres.; On dirait que la ven-geànge divine éclate sur eux, puisqu'ils sont dévoués aqîx malheurs depuis tant de siècles; et plus cet attentat contre la nature se perpétuerait, plus il détiendrait l'ouvrage de la divinité : avec un pareil sophisme, on ilaverait de tout reproche le cupide et sanguinaire Espagnol, qui, pour sa-tisfaire sa soif insatiable de l'or, a Ghargé de chaînes des peuples innombrables, et a/fini par les -faire disparaître de la surface de la terre.
C'est en vain qu'on voudrait faire parlerleeieiet la religion des chrétiens,,pour continuer^ priver les juifs dés droits de Thotnme. 'Notre religion ne prescrit rien de semblable: elle neyeut attirer à elle que par la doucéur, î'numahité, la bienfaisance; elle n'a jamais ordonné de rejeter de la société ceux qui ne consentaient point à être admis dans son sein. Et le seul combat qu'elle autorise contre les juifs, est celui des vertus.
Un des honorables préopinants a attaqué l'opi-
. faion en faVeur des juifs, par leur propre intérêt; il a craint pour eux les préjugés existants £ricore parmi le .peuple. Il a cité l'exemple du parlement d'Angleterre, qui, en 1754, ayant Accordé aux juifs tous les droits de cité, fut çorir traint de révoquer son bill, pour apaiser Une Séditfon qu'il avait excitée parmi le peuple de Londres.
; s Que cette, exemple, Messieurs, ne.nous effraie pas; il prouve que, (les 1754, la saine partie de l'Ahgleterre èfâit de l'opinion que je vous propose d'adopter aujourd'hui : il prouve qu'en 1754, le peuple de Londres était encore incapable de se mettre au niveau de la sagesse de ses législateurs, et que lés lumières n'étaient pas encore assez répandues dans la Grande-Bretagne, pour que les lois passent y opér,er tout le bien possible ; .mai.s,.j'qsé dire que l'esprit public et ae justice uniyqrsefle ^ominië bien plus aujourd'hui en France qu'il në dominait eh Angleterre, en 1754; j.e ne doute pas que ce ne soit le_mpmént de prévenir nos.rivaux,sur un acte de jus.tiée nationale, fej de iëqr donner enhn des exemples, après en avoir tant reçu d'eux. Aq reste,, je ne pro^qsgrai à l'Assemblée aucune démarche en faveur des juifs, qu'après avoir consulté nos commettants, et en avoir Obtenù rapprobation du voeu que nous émettrons. C'est ainsi qU'éh consultant le peuple on l'éclairé; c'est le moyen de naturaliser dans son esprit tous les 'grands principès, ët d'en bannir une foule de préjugés nuisibles à son bonheur.
En adoptant ùne partie des motions des préopinants, mon opinion est d'accorder aûk juifs français un témoignage authentique de leur bonne conduite dans la capitale ; du patriotisme qu'ils ont montré, et des services essentiels qu'ils ont rendus pendant et depuis la révolution : témoignage qui petit souffrir d'autant moins de difficulté, que nous n'attesterons que ce que nous connaissons personnellement, et qui l'est en outre
f>ar l'assemblée générale du district des Garmé-ites, , da.ns ^'açrondisjsement ( dqquel Ifi. presque totalité des juifs de Paris est âomiciliéê. -i(Je pepse,ensuite que nous devins épaettre notre voeu, pour que l'Asseinbléè nà.fiohajë veuille bien s'occuper, aussitôt,qu'eue,^ poùrra. de la question de^ juif?, qp éjrte à ajourné^, et qu'elle rende pour les juifs français.Un déçret qui lès>ssiMle en tout "aux Juifs de BordeaUx, fiaypnùe ; 'et ^vignôn,. âaats que çe vbeu iie sojt porté à, JM-• semblée nationale, qu'àprés avoir été enypyé aux soixante districts, et qu'il aura reçu l'approbation de la majorité.
Nota. L'opinion de M. l'abbé Bertolio à été adoptée dans toutes ses parties.
Arrêté de l'assemblée générale des représentants de la commune.
Du .
I/a^emÉriée générale des répréàentànts dè la cqmmunç,., , - . -.• gï Après avoir' délibéré sur l'objét' de la'dépUfâtîon dès Juifs de Paris, et sur l'arrêté du distribues Carmélites, relatifs l'admission des juifs à l'état ' civil j .: ,.:.,
'M Considérant que, tous les hommes,,dopaiçiliés 'flans dp eiçnpiré ,,tçfpivç jit pàrticiher au même- ti|te ^e^ux n^êmqs,jà^9)tsr; que |a dinêrericè. d^s;les ^îUiDnsrelj^ieusç^ doi.t'eh aijch'he. daûs l'existence civife; et que c'est dans le rhô'ment où
un peuple se donne une constitution, qu'il doit se hâter de secouer le joug des préjugés, et de rétablir les droits méconnus de l'égalité;
Considérant d'ailleurs que v les juifs., ét^bys § Paris, se sont toujours conduits avec intégrité ét zèle; et que, dans cette révolution surtout, ils ont donné les preuves les plus méritoires de patriotisme. I , • . ' A . . ,. ,
Arrête : 1» Qu'il serait donné aux juifs dè Pâris, un témoignage publis et authëntique de là b'Ohhe conduite qu'ils ont toujours montrée, du patriotisme (lont ils onf donné des preuves, et des vertus qu'on a su qu'ils pratiquaient èû s'ècm; par le témoignage du district dëé 'Carmélites, dans l'enceinte duquel vit le plus grand nombre.
2°Que levœu deleur admision a l'état civil'ét a tous les droits dè citoyënâ actifs sérait hautement pronqnpé; mais qu'il ne serait porté à l'Assemblée iiatiôrialè, jdtîe àûfraïf rêé\i la Sanction
à;és districts, qui çeràient iavitéë a se 'convoquer èxtraordinaîrement'pbur feët" objêt ; tant pàrce qué C'êst dans .î§f distric'ts qûé rèfeidé yéritâblêmfent touté puissance à ëët égard, que partee w lé Vd^ù. de toùs l^ diâtrîtét§i tlii m là fti&jbn.tê deà districts, séVà iih vœà plus aUthentiqUé et plûS solennel pour , les jtiifs, que le vioeu dé la Seule à'ssêihblêe dés rèpréstehtàhts de la commune.
Signé ; BAILLY, maire; MULOT, président; GUILLOT DE BLANCHEVILLE; CELLIER, BERTOLIO, CHANLAIRE, CHARPENTIER, secrétaires.
Après cet arrêté, M. l'abbé Mulot, président dè la, commune, a dit aux juifs :
. « Mes promesses sont accomplies. VOUS véneà d'entendre l'arrêté que j'avais prévu. Si là plaCè que j'occupe m'a empêché d'appuyer Votre demande, de, préparer ptpr mon opinion ; cet Itfréfé, j'ai lq, bonheur de le prononcer au norû "de l'As-geinblée, : •)'y applaudis ''de tout mon ctëùç. mon, nom ne.se tipuve point j parmi cëûx ^des prélats qui yous ont defehdùs^jé m'êstimé nèfr-reux d'en pouvoir terminer la listé. >
est ensuite monte à la ttfbune, et a dit :
« Messieurs, j'àvais invoqué Votre justiçfe Jtojïr les. juifs de Paris ; je dois maintenant vous remêjf-cier en leur nom ; car vous la leur avez rerraue.
« Mais ce n'est point par un discoure 'oratoire que j'essaierai de vous peindre leur
rëçpnnàiSr sance. Je me bornerai à répéter ces paroles tpu-chautes, qui ont été entendues,
ici ayec pla^si qui ont retenti ensuite, avcc ehihpusiasmq, dans tontes les bouches, et qui
sont les plus beaux remerclments qu'on puisse, votfsw adresser Bénissons la révolution qui
ncIus rendra toëés frères (1)1 »
Motion en faveur des juifs, précédée d'une no-l tice par M. Grégoire, curéd'Emberménil, députe de Nancy (1).
Nota. La motion de M. Grégoire n'a pas été faite à la tribune, mais comme elle a été
imprimée et distribuée, nous avons pensé qu'il y avait lieu de l'annexer à la séance du
NOTICE HISTORIQUE.
/ La dispersion des juifs, errants, malheureux, proscrits dans tout l'univers depuis dix-huit siècles, est un événement unique dans l'histoire. J'ai toujours cru qu'ils étaient hommes ; vérité triviale, mais qui n'est pas encore démontrée pour ceux qui les traitent en bêtes de somme, et qui n'en parlent que sur le ton de mépris ou de la haine. J'ai toujours pensé qu'on pourrait recréer ce peuple, l'amener à la vertu, et partant au bonheur. Un mémoire que j'avais fait sur ce sujet, circula parmi mes confrères de la société philantropique de Strasbourg, société actuellement dissoute, à mon grand regret. Ce fait a précédé d'environ deux ans l'impression de l'ouvrage de M. Dohm sur les juifs, et l'émission de la loi impériale.
L'an dernier, j'ai donné un ouvrage assez étendu sur la régénération de ce peuple, le public n'a pas vu sans intérêt la même cause défendue par un curé catholique, un avocat et le fils d'un rabbin ; car dans le même temps parurent deux écrits intéressants sur ce sujet, l'un de M. Thiery, avocat £ Nancy ; l'autre de M. Zalkind-Hourwitz, juif polonais, attaché à la bibliothèque du roi, qui voulant concourir à libérer la dette publique de la France, vient de faire la cession perpétuelle dii quart de sa pension.
Basnage, flolberg, Schudt, et quelques autres, ont travaillé sur l'histoire du peuple juif, depuis sa dispersion. Leurs ouvrages, quoique savants, en laissent désirer d'autres ; et le public perd à ce que M. de Boissy, qui a donné deux volumes de supplément,,n'ait pas rempli cette tâche en entier. J'espère exécuter un îour cette entreprise, et je réclame la bienveillance de quiconque voudra bien me communiquer des observations et des mémoires, que je recevrai avec reconnaissance.
Les Etats généraux ayant été convoqués, les
i'uifs portugais, naturalisés en France depuis lenri II, ont figuré dans les assemblées électives. A Bordeaux, qnatre d'entre eux ont été choisis pour concourir à la nomination des représentants a l'Assemblée nationale: MM. David Gradix, électeur, Furtado l'aîné, Avezedo et Lopès-Dubec; quelques voix seulement ont manqué au premier pour être député à l'Assemblée nationale. Le public a lu avec plaisir la lettre qu'ils m'ont adressée relativement a leurs frères malheureux : elle est très-intéressante, aux louanges près qui me concernent.
Les juifs d'Alsace, de Lorraine et des Trois-Evê-chés, Allemands d'origine, ne jouissent pas des
droits de citoyens, mais le ministre voulant ailéger leurs peines, léur a permis, en avril dernier de s'assembler dans chacune de ces provinces par devant leurs syndics, à peu près dans dans la forme réglée pour les élections des bailliages, de rédiger leurs cahier de doléances, et de nommer deux députés pour chaque province. Ont été choisis :
Gaudchaux, Mayer-Gahn,Louis Wolf,députés de Metz et desTrois Evêchés.
D. Sintzheim, S. Selignan, Witersheim, députés d'Alsace.
Mayer-Marx, Beer-lsaac-Beer,députés de Lor raine.
Leurs cahiers n'ayant pas été imprimés, le public verra peut-être avec plaisir un précis de leurs demandes, dont plusieurs doivent être refusées ou restreintes.
Après un préambule sur leur existence malheureuse, que l'habitude seule leur rend supportable, ils implorent l'humanité, et réclament un adoucissement à leurs peines.
Demandes communes aux juifs des trois provinces.
Que les juifs, exempts désormais des droits de protection, supportent toutes les charges, et soient imposés sur les mêmes rôles que les autres citoyens auxquels ils seront assimilés.
Qu'ils aient la faculté d'exercer les arts et métiers, d'acquérir des immeubles, de cultiver les terres, et de s'établir dans toutes les provinces, sans être forcés de se réunir dans des quartiers séparés.
Qu'ils puissent exercer leur culte, conserver leurs rabbins, leurs syndics et leurs communautés.
Demandes particulières des juifs d'Alsace.
Qu'au moins pendant 12 ans il leur soit permis d'avoir des domestiques chrétiens, pour aider et diriger les juifs dans les travaux de l'agriculture, qu'ils aient la liberté de se marier, liberté qu'on avait restreinte ; qu'il soit défendu à tout homme public d'user d'épithètes flétrissantes envers les juifs dans les plaidoyers, actes, significations, etc.
Demandes parliculières des juifs de Metz.
Exemption de la pension de 20,000 livres payées à la famille des Brancas, pour droit de protection.
Droit de participer aux biens communaux des lieux où ils s'établiront.
Demandes particulières des juifs de Lorraine.
Qu'ils aient des synagogues, mais sans aucune marque ou décoration extérieure qui annonce un temple.
En parlant de leurs rabbins, ils en détaillent les fonctions dont ils désirent 4a conservation. Le droit de juger les divorces, d'apposer les scellés, de dresser des inventaires, de nommer des tuteurs et des curateurs, de faire des actes relatifs à la juridiction tutélaire, de décider les
contestations de juif à juif, sauf l'appel à nos tribunaux.
Que la majorité, fixée chez eux à 14 ans, soit restreinte aux effets religieux, et réglée pour le civil à 25 ans comme chez nous.
Qu'ils soient admis dans les collèges et universités.
Que désormais, avant de s'établir à Nancy, un juif fasse preuve d'une propriété de 10,000 livres, de 3,000 livres pour s'établir dans les autres villes de la province, et de 1,200 livres pour les villages. .
— Les six députés arrivés à Paris, ont fait en commun une requête imprimée, dans laquelle ils suppriment plusieurs de ces demandes.
Les juifs de Lunéville et Sarreguemines ont prétendu que mal à propos ceux de Nancy avaient énoncé des vœux qui ne sont pas ceux de lous leurs frères de la Lorraine. En conséquence ils ont publié un mémoire par lequel ils demandent d'avoir des rabbins et syndics autres que ceux de Nancy, et d'être déclarés admissibles a toutes les places de citoyens.
Les juifs établis se sont plus rapprochés de nous dans leur requête imprimée; ils témoignent que voulant le disputer en patriotisme à tous les Français, ils renoncent au droit d'avoir des chefs tirés de leur sein, et demandent d'être au pair de tous les citoyens, soumis à un plan de juris-
Êrudence uniforme et à la police des tribunaux.
eux autres mémoires intéressants ont paru en faveur des juifs, l'un anonyme, l'autre par M. Bing, juif de Metz.
Le lecteur aura sans doute observé que les juifs d'Alsace demandent la suppression des épilnètes odieuses usitées à leur égard. Depuis longtemps une haine secrète couvait contre eux. Enfin elle a éclaté, non-seulement en cette province, mais encore à Lixheim en Lorraine; on les a chassés et cruellement maltraités.
Cette persécution concourait avec les jours de deuil et ae jeûne, observés chez eux en mémoire de la destruction de Jérusalem et du Temple, au mois d'Ab, ce qui répond ordinairement aux premiers jours d'août; ils se sont réfugiés en foule dans-les cantons suisses, où ils ont reçu l'accueil que tout homme doit aux malheureux, et que l'homme sensible leur accorde avec tant d'empressement. Les maux qu'ils éprouvaient étaient un motif de plus-pour demander audience à l'Assemblée nationale en faveur de mes clients. Je la sollicitai ; j'aurais voulu que l'affaire fût discutée et décrétée le jour de la Saint-Barthélemy, pour qu'un acte de justice et de bienfaisance marquât l'anniversaire d'un crime à jamais exécrable.
L'affaire des juifs fut ajournée plusieurs fois, et chaque fois différée par l'urgence et la multiplicité d'autres occupations.
Dans l'intervalle, la commission intermédiaire d'Alsace réclame en faveur des juifs, ils retournent en tremblant dans leurs foyers; mais bientôt la fureur de leurs ennemis leur suscite une persécution nouvelle. On recommence à les maltraiter; on abat les combles de leurs maisons ; on tire même des coups de fusil dans leurs synago-gués r nouvelle instance de ma part à l'Assemblée nationale.
M. de Clermont-Tonnerre élève en leur faveur une voix éloquente; nous demandons que l'Assemblée autorise le président à invoquer pour eux la protection du Roi, et qu'il écrive à tous les officiers publics de l'Alsace une lettre, po'rtant que l'Assemblée nationale, instruite des dangers qui menacent les juifs, met leurs personnes et
leurs biens sous la sauvegarde de la loi ; qu'en conséquence tous les officiers publics doivent interposer leur autorité, et employer tous les moyens que leur suggéreront l'humanité et le patriotisme, pour assurer la tranquillité à cette nation persécutée. L'Assemblée décrète la demande, la lettre est envoyée par M. Mounier, alors président. Le Roi leur accorde sa protection et, par son ordre, M. de La Tour-du-Pin-Paulin écrit en. leur faveur à M. de Rochambeau, commandant en Alsace. Malgré ces précautions, qui sait, si, au moment où j'écris, les juifs ne sont pas dans les angoisses d'une vie plus orageuse encore, et victimes de cruautés nouvelles? Voilà donc encore une persécution qui souillera les fastes de notre histoire ; elle prouve plus que jamais la nécessité d'une éducation nationale et d'une police sévère. La prémière préviendra les crimes, les usures des juifs, et l'inhumanité de leurs ennemis ; la seconde punira les délinquants.
Si la haine est cruelle, elle est aussi bien lâche. Dans le moment où le malheur accable les juifs, paraît une brochure atroce, portant pour titre : Révolte des juifs d'Avignon. On y rapporte leur prétendu complot pour égorger le vice-légat, l'archevêque, les officiers, etc., etc. L'imposture est si grossière, qu'il semble que la fureur ait chargé la bêtise de la rédiger, pour la présenter à la crédulité. Mais quelle qu'en soit l'absurdité, il fallait détromper le peuple. On doit savoir gré à M. Gorsas, auteur du Courrier de Versailles à PariSj etc., &é son empressement à détruire la calomnie. La cOmmunè de Paris a /ait ensuite publier une affiche dans laquelle elle expose que d'après les informations faites, et les attestations de M. Nardy, àgent d'Avignon, le libelle est un tissu calomnieux; que la révolte des juifs est absolument chimériqué, et qu'elle se croit obligée de rendre justice à une classe de citoyens qui se rend utile.
Les juifs de Nancy n'ont pas été persécutés; mais on les a humiliés; en les excluant de la milice bourgeoise, et vainement d'estimables citoyens ont condamné cette exclusion ; vainement MM. Ranxin, Valois et Moucherel ont parlé, écrit et imprimé en faveur des iuifs: on n'a pas voulu pour soldats de la patrie des hommes que les Parisiens et les Bordelais, plus justes, élevaient au grade de capitaines,
Revenons à nos députés juifs. Après avoir langui pendant deux mois dans l'attente d'une séance qu'on n'a pu leur accorder plus tôt ; enfin le 14 octobre à celle du soir, l'avant-dernière de celles que nous avons tenues à Versailles, les députés juifs des Evêchés, d'Alsace et de Lorraine, admis à la barre de l'Assemblée nationale, M. Berr-Isaac-Berr portant la parole, a dit :
« Messeigneurs,
« C'est au nom de l'Eternel, auteur de toute justice et de toute vérité; c'est au nom de ce Dieu, qui, en donnant à chacun les mêmes droits, a prescrit à tous les mêmes devoirs; c'est au nom de l'humanité outragée depuis tant de siècles, par les traitements ignominieux qu'ont subi, dans
Êresque toutes les contrées de la terre, les mal-
eureux descendants du plus ancien de tous les peuples, que nous venons aujourd'hui vous cçn-jurer de vouloir bien prendre en considération leur destinée déplorable.
« Partout persécutés, partout avilis, et cependant toujours soumis, jamais rebelles; objets
chez tous les peuplesd'indignation et de mépris, qu^nd il's n'auraient dû l'être que de tolérance et de pijàét les juifs que nous représentons à vos pieds, se sonf permis d'espérer qu'au milieu des travaux importants auxquels vous vous livrez, vous ne rejetterez pas leurs vœux, vous ne dédaignerez pas leurs plaintes » Vous écouterez, avec' quelque intérêt; les timides réclamations qu'ils osent'former au sein de d'humiliation profonde dans laquelle ils sont ensevelis.
« Nous n'abuserons pas de vos moments, Messeigneurs, pour vous entretenir de la nature et de Ta jystipe de nos demandes; elles sont consi-né'es dans les mémoires que nous avons eu honneur'de riiettré sbus Vos yeux. « ï'uissiôûs-ridus Vous devoïr une existence mçins douloureuse que celle -à laquelle noua spmipes'^pniiâiflinés ; puisse le Voile d'opprobre qui nôfas çouyre depuis si longtemps, se déchirer enfin sur* noè têtes! Que les hommes nous regardât comme leufs frères».que cette charité divine, qui Vjous est si panicplierement recommandée, S'étende ahssi sur nous, qu'une réforme absolue s'ppère dans les1 •iqsjitutiôns ignominieuses auxquelles nous sommes asservis, et que cette .t'rôp inutilement souhaitée, que nous sojlicitions lés larmes aux yeux, soit vojre bienfait et votre ouvrage. »
, président, a répondu : « Les grands motifs que vous faites valoir à l'appui de vos demandes, né permettent pas à l'Assemblée nationale ,qe les entendre sans intérêt. Elle prendra yotre requête ep considération , et se trouvera heureuse de rappeler vos frères à la tranquillité p au bonneur. Provisoir rement, Vous pouvez en informer vos commettants. »
Je me suis levé pour dire : | Attendu qu'on ne peut ajourner à terme fixe l'affaire dès jujfs, qu'on leur promette au moins de la traiter dans le Cours de la session présente; et je demande
2ue leurs députés, ici présents, aient permission 'assister à la séance. » La inême faveur avait été accordée à plusieurs députatiqns,sans pxqeptèr les comédiens, lorsqu'ils apportèrent un don patriotique; et. malgré lçs réGlarpatibns de quéj-ques perspnnes que je suis fort aise de ne pas connaître, les deux demandes ont été accordées par l'Assemblée nationale.
Puisse ,ma motion, qui n'a pu ê|,re prononcée à l'Assemblée nationale, disposer lepubîiçen faveur dés juifs. Quand leur affaire sera discutée, je redoublerai mes efforts. Ils auront d'illustres défenseurs dan® MM. de Mirabeau, Bèrgâssé, d'Antraigues, de .Clermont-Tonnerre, Brevet de I Beaujour, et d'autres honorables membres. L'élor i quence,unie,à la justice, vengera l'humanité. Les j mêmes voix s'élèveront sans doute en faveur des gens de couleur, dont M. l'abbé de Cournand a ! plaidé la cause, et en faveur 'dès nègres; dont le j nom seul rappelle le sentiment des souffrances, j et dont tant d'éCriyains, et en dernier lieu ! MM. de Ladebat, Frossard et autres, sopt çon^- > stitués les avocats.
Il est temps enfin que la raison surnage aux préjugés. Au moment où les Français renaissent j a la liberté, oseraient-ils consacrer l'esclavage de leurs frères?Plaindre les errants, prier pour eux, les aimer, les secourir, tels sont les moyens efficaces que nous propose la sublime morale de l'Evangile pour les conquérir à là vérité et à la vertu.
MOTION EN FAVEUR DES JUIFS.
Messieurs, vous avez consacré les droits de l'homme et du citoyen, permettez qu'un curé catholique élève la voix en faveur de 50,000 juifs épars dans le royaume, qui, étant hommes, réclament les droità de citoyens*
Depuis i5 ans j'étudie les fastes et les usages de ce peuple singulier, et j'ai quelque droit dé dire qu'une foule de personnes prononcent contré lui avec une légèreté coupable. Des prévention^ défavorables infirmeraient d'avance' tous mes raisonnements, si je ne parlais des hommes qui, supérieurs aux préjugés, n'interrogeront que M justice. C'est avec confiance, Messieurs, que plaidant la cause des malheureux: juifs devant celte auguste Assemblée, j'adresse à vos esprits le langage de la raison, à vos cœurs celui de l'humanité.
Après un tableau rapide de l'établissement des juifs dans les provinces septentrionales de la France, et des malheurs du peuple hébreu depuis sa dispersion, j'exposerai les causes qui ont altéré lL-s traits natifs1 dé.Son caractère ; ce développement sera suivi des moyens de le régénérer, de le réior tégrer dans tous ses droits. La discussion de cette affaire assez neuve exige des détails auxquels je dois descendre; pour lé surplus, je renvoie aux preuves consignées dans l'ouvrage que j'ai publié sur cet objet (i). Qu'après cela la calomnie m'outrage et mes motifs et ceux dés honorables membres, qui appuyant ma motion, vengeront l'humanité ; eux et moi nè daignerons pas seulement accorder un sourire de pitié à des inculpations, qui seraient ridicules si elles n'étaient point trop absurdes. Les âmes honnêtes s'honorent toujours dés clameurs et des insultes des pervers.
Les juifs, établis en Alsace de temps immémorial, s'y fixèrent plus particulièrement sous Albert d'Autriche en 1446 ; quand cette province passa sous la domination française, en vertu dû traité de Westphalié, Louis XIV les prit sous sa protection; ils sont présentement au nombre de 20 ou 24,000 ; ils payent au Roi et aux seigneurs divers impôts exorbitants, droit de réception-, d'habitation, de capitation, d'industrie, le vingtième des maisons, etc.
La Lorraine a des juifs depuis environ 400 ans; leur nombre fut limité en 1733 à 180 familles, mais présentement ils sont près de 4,000 personnes; ;;
L'établissement des juifs à Metz remonte au moins à l'an 888; après diverses révolutions,
quatre familles, tiges de toutes Celles d'aujourd'hui, y obtinrent en 1567 le droit
d'indigenat; leur nombre n'y peut excéder quatre cent dix-huit familles. Il constate par un
calcul de la police; (ju'ett février 1788 ils étaient 1,8b5 individus qui avec 1 ,-500
autres, répandus dans la généralité des Trois-Evêchés, composent environ 2,400 personnes.
Avant de passer outre, je dois, Mes? sieurs, vous dire qu'en4715, le duc de Brâncas èt la
comtesse de Fontaine exposèrent au régent', que chaque famille de cette généralité devait au
Roi 40 livres annuelles pour droit de protection, et demandèrent qu'on leur accordât la
jouissance de .çe! droit; ils l'obtinrent pour trente ans. Trois ans après il fut converti en
une somme annuelle de 20,000 livres; les trente ans révolus, les héri-
D'autres sont répandus-dans diverses villes de la France, comme Paris, Lyon, Dieppe, Marseille,, etc. La plupart sont juifs allemands, ainsi que ceux d'Alsace, Lorraine et Trois-Evêchô» ; ils diffèrent à quelques égards des juifs portugais, éta» blis surtout à Bordeaux et à Bayonue; ceux-ci sont naturalisés Français, et jouissent de tous les droits de citoyen depuis Henri II : et ce serait une idée très-iausse, de croire que les juifs dtis trois provinces leur sont assimilés.
Les Etats généraux ayant été convoqués, la France a vu luire l'autre du bonh .ur, un rayon d'espérance est tombé sur les juifs. Au mois de mai dernier, des lettres du garde des sceaux, remises par les intendants, autorisaient les juifs à s'assembler par devant leurs syndics en la ma» nière accoutumée, pour nommer chacun deux députés dans les provinces respectives, et apporter les cahiers de leurs doléances, qui devaient être fondus en un seul Jors de leur réunion dans la capitale, remis ensuite au garde des sceaux pour en référer au Roi, ce qui s'est fait; et M. le garde des sceaux actuel m'a renvoyé les pièces pour en faire usage à l'Assemblée nationale. Bien des gens se persuadent faussement que les juifs ont la liberté civile en vertu de l'édit de 1787, concernant les non catholiques ; il n*a été homologué au parlement de Metz qu'en exceptant les juifs : il l'a été sans clause restrictive a Golmar ét à Nancy ; mais ils ont toujours été .exclus du bienfait de la loi.
Actuellement, Messieurs, je vais tracer rapidement les révolutions du peuple hébreu, depuis sa dispersion. Cet exposé est . nécessaire pour prouver que la dégradation actuelle des juifs est une suite inévitable de l'oppression qui a tour jours frappé sur eux, et de la persécution qui les a suivis partout; en connaissant les sources du mal, nous trouverons plus facilement les remèdes.
Depuis Vespasien, l'histoire des juifs n'offre que des scènes de douleurs, et des. tragédies sanglantes,. ,Cé peuple malheureux vit en même temps son temple brûlé; ses villes rasées, sa capitale en cendres, son corps politique dissous, et ses enfants devenus le jouet de la fortune et le rebut de la terre. Pour aggraver leur désastre, on les força de quitter à jamais une patrie que des motifs puissants rendaient si chère à leurs cœurs. En s'arraehant des lieux qui les ont vus naître, vers lesquels sans cesse ils tournent les regards, mais qu'ils ne Feverront plus, ils se traînent dans tous les coins du globe pour y mendier des asiles; ils vont entremêlant baiser les pieds des nations qui lès lèvent pour les écraser, et chez lesquelles ils n'échappent au supplice qu'à la faveur du mépris; leurs soupirs mêmes sont traités comme.cris de rébellion, et la fureur populaire qui s'allume comme un incendie parcourt les provinces en les massacrant. Les effets de la Paine étaient ralentis, lorsque leS nations étaient ticcupées^ de fleurs propres désastres. Le peuple îiébreu n'ayait alors que les malheurs communs à supporter, c'étaient ses moments de paix; mais la rage de ses ennemis se réveilla, lors des expéditions en Palestine. La population juive parut ne s'être accrue que pour fournir de. nouvelles
victimes. A Rouen, ou les égorgea saps 4jgiincn tion d'âge ni de sexe. A Strasbourg, on en brûla 1,500; à Mayence, 1,300; à Trêves, à York ta? juifs enfoncèrent eux-mêmes le couteau d^ns lé sein de leurs femmes, de {eurs enfants, disant ; qu'ils aimaient mieux les envoyer dans le sein d'Abraham, que les livrer aux chrétiens; et ragnc Bernard après avoir prêché la ÇFQisade, s'empressa de prêcher la cruauté des prpi'sés.
Quand la féodalité naqqit, les juifs commencèrent à porter dans toute l'Europe les chaînes de la servitude; on les soumit à d énormes impôts) ils payaient même le droit de se convertir, Les croisés avaient tué les juifs au nom de lq religion, pour s'arroger le droit de les piller 5 leurs usures servirent de prétexte aux: princes, pqur les piller à leur tour. Une politique barbare g^U culait ce qu'elle pouvait en exjtorquer de numéraire ; c'était leur accorder une grâce indigne, que de se borner à confisquer leurs immeubles ; la mort était presque toujours le prix iu sacrifice de leur fortune. Les règnes de trois de nosi rois, Philippe-Auguste, Philippe le Bel, Philippe le Long, sont marqués en caractère de s^ng dans les fastes des juifs. Ceux de Bretagne, coyp^Jes d'exactions envers les cultivateurs dp pays, furent chassés en 1239, par Jean le Rpu$, duc cette province,, il déchargea leurs débiteurs, per? mit à ceux qui en avaient des effets de lps garder, et défendit d'informer contre quiconque au?: rait tué des juifs. Le ipépris les destinait à flétrissure, et la rage aux tpprrperiiljs. Les cha$r sait-on ? Avant leur sortie du pays ils étaieql sûrs de recueillir des outrages, des tourpients ou la mort? Les rappelait-on? C'était pour les çtbreqr ver d'humiliations, de douleurs, mille fQis pjrgp que la mort. A Toulouse, trois fois l'an, on les souffletait en cérémonie* à Béziers, on les chasr sait de la ville à coups de pierre le jour des Rameaux, ils n'y rentraient que le jour die Pâques. On enflerait des volumes, eu racontant les cruautés de cette espèce, dont les Français, comme les autres peuples, ont souillé, leur histoire,
Depuis la prise de Jérusalem, il est peu contrées en Europe où les Juifs n'aÀepi été sans cesse entre les poignards et la mprt, çhasés, pillés, massacrés, brûlés, L'uniyers en Ipreyr s'est acharné sur le cadavre de cette presque toujours leur mieux fut de ne verser qqp des larmes, et leur sang a rougi l'unikers. Now^s ne parlons qu'avec horreur -du massacre ile jpi Saint-Barthélemy ; mais les juifs opj; été 200 foj^ victimes de scènes aussi tragiques et quels étajept les meurtriers ?
Depuis 17 siècles les juifs se débattent, se soutiennent à travers les persécutions et le fiarjpàge. Toutes les uat|osn se,sont vainement réunies pour anéantir un peuple qui existe chez, tapies tes nations. Les Assyriens, les #ersesv, ,Jps Mêde^j, les Grecs et les Romai ns ont disparu, et les JlPiS, dont ils ont brisé Je sceptre».survivent avec')leurjS lois aux débris de Leur «royaume et à ia destrqq-tion de leurs vainqueurs. Tel serait un arbfîe)qy.i n'aurait plus de tige, et dont les rapieaux.ép^p continueraient de végéter avec fbrpe, ^a dur$e de leurs maux s'est prolongée jusqu'à pos joprs. Pour -eux la vie est encore un rarde^u ; pour,eux le jour s'écoule sans jïPtïePftiisçfeMtWi, £ dit un d'entre eux, que d'jaiVjQÎr fait un pas le tombeau. Que dira la postérité, quand, dans les archives d'un peupje doux ^taimant, elle ^ïfia les horreurs que l'on vient d'exercer» Cipe/I'Àip exerce peut-être encore en ce moment contre les juifs de Lixheim sur les frontières, de la Lorraine
allemande et contre ceux de l'Alsace? Grâce à d'estimables républicains ils ont trouvé au moins un asile passager, et les habitants de Bâle et de Mulhausen qui ont accueilli les malheureux, feraient rougir leurs tyrans s'il en étaient capables.
Dans les siècles ténébreux du moyen âge, on accusa les juifs de tous les fléaux dont le ciel affligeait la terre. On les chargea de crimes toujours présumés et jamais prouvés, comme d'immoler des enfants chrétiens, d'empoisonner des fontaines, les puits et même les rivières, dé crimes dont Ils n'auraient pu recueillir d'autres fruits que de nouvéaux massacres si leur exécution eût été possible; mais la haine rai-sonne-t-elle ? On commençait par égorger, sauf à examiner ensuite si les défunts étaient coupables; et dans quel siècle grand Dieu ! Précisément dans le même siècle où l'avarice et la calomnie traînaient au bûcher les chevaliers du Témple avéc leur vénérable grand-maître, et ces faits sont consignés non dans l'histoire des tigres, mais dans celle des hommes. Que ne peut-on par des larmes en effacer bien des pages 1
L'Europe a produit 400 règlements pour élever entre les chrétiens et les juifs un mur de séparation. Au lieu de combler l'intervalle qui les sépare, on s'est plu à l'agrandir, en fermant à ceux-ci toutes les avenues de l'honneur. Punis avec une partialité féroce pour des délits légers, # en Allemagne, en Suisse, on les pendait par les pieds à côté d'un chien, qui est le symbole de la fidélité, car les hommes ont toujours été plus habiles à tourmenter les criminels qu'à prévenir les crimes. Avant les lettres patentes de 1784 les juifs d'Alsace étaient encore soumis aux mêmes péages que les animaux auxquels ils répugnent le plus par principes religieux, et comme si on voulait reprocher au Créateur d'avoir formé les enfants d'Abraham à son image, aujourd'hui même on attache à leur figure un distinctif flétrissant, en singularisant leur costume. Hélas ! que gagne-t-nn lorsqu'on avilit les hommes? à coup sûr on les rend pires.
Rien déplus propre à exciter la curiosité, l'indignation et la douleur que de voir en divers lieux les présents, qu'au nouvel an surtout, les juifs sont obligés de faire à des hommes en place ou à leurs subalternes, pour acheter une protection flétrissante ; ces tributs de la faiblesse à la force sont considérés comme des redevances annuelles. Où prendront pour y subvenir des malheureux déjà grevés d'impôts, dont les bras sont liés, et les moyens d'acquérir si bornés? Dans son triste galetas le pauvre Israélite étouffant les soupirs d'une âme consternée, et condamné à vivre, pourrait invoquer la mort avec plus de sincérité que le bûcheron harrassé. Communément sobre, il se retranche avec résignation ; communément bon père, il retranché à ses enfants avec serrement de cœur quelques bouchées d'une chétive nourriture, recoud quelques lambeaux de plus à son vêtement délabré, économise quelques deniers de misère pour fournir à l'avidité des harpies qui mangeraient même sa table.
Dans une de nos villes de France un juif est saisi exerçant un métier, on le traîne devant le juge.J'ai, dit-il, six enfants couchés dans l'ordure, mourant de faim et de froid; on va pendre mon frère pour crime commis dans le désespoir, je demande de partager son supplice avant que je devienne coupable.
C'est la conduite des nations envers les juifs qui les force à devenir pervers. Si quelque chose
a droit de nous surprendre, c'est qu'ils ne le soient pas davantage. Ge qui chez d'autres sera vertu, chez eux est souvent héroïsme. Nos ancêtres ont subordonné la justice à leur haine. Quand acquitterons-nous leur dette et la nôtre? Est-ce en éternisant les malheurs des juifs que nous acquerrons des droits sur les bénédictions dé la postérité? Quand rendrons-nous à l'humanité ce peuple outragé par nos persécutions, considéré' par l'animosité comme intermédiaire entre l'homme et la brute, sans rang dans la société, ne voyant autour de soi que l'opprobre, et traînant partout des fers baignés de ses larmes?
A la honte de notre siècle .le nom juif est encore un opprobre, et très-souvent des disciples du maître le plus charitable, insultent à des malheureux, dont le crime est d'être juif, et qui rampent sur nos routes couverts des lambeaux de la pauvreté.
Dans ce siècle qui se qualifie par excellence, le siècle des lumières, qui se vante de rendre à l'homme ses droits et sa dignité première, c'est toujours à mes yeux un phénomène moral de voir quelquefois ceux qui parlent le plus de tolérance faire une exception éclatante contre les juifs, souvent sans avoir de notion précise sur la tolérance, sans savoir même discerner les diverses acceptions de ce terme, i / L'intolérance religieuse n'admet pour vraie : crue la religion qu'on professe, et à ce titre le catholicisme se glorifiera toujours d'être intolérant, parce que la vérité est une. Au lieu que la tolérance civile laisse chacun sans l'approuver, mais aussi sans le gêner, professer son culte : cette faculté est de droit naturel; c'est un principe que Fénelon inculquait à son illustre élève; cest un principe qui nous paraîtra d'une évidence irrésistible, si nous, catholiques, habitions une contrée non catholique, où l'on mettrait en question la tolérance. Ne confondez pas ce mot avec celui de culte public; c'est au tribunal de la politique qu'il faut juger si la tranquillité de l'Etat permet d'accorder à une secte. la publicité, du culte ou seulement la tolérance. Une décision sur cet objet doit toujours être le fruit des plus hautes considérations; il faut avoir pesé le passé et s'il est possible, l'avenir, dans la balance politique.
C'est pour n'avoir pas discerné ces idées, que le mot tolérance et son composé affectent si divers sément/les esprits.-Tour à tour, ils sont devenus les refrains de l'impiété, qui voulait accueillir jusqu'aux erreurs, et du zèle sanguinaire qui voulait proscrire même les personnes; La religion catholique montre ce juste milieu qui sauve les droits du Créateur sans blesser ceux de la créature, et qui ouvre son sein à des. frères errants, sans jamais l'ouvrir à l'erreur. Un des emblèmes touchants de son divin fondateur, est la figure d'un agneau; une de ses maximes admirables est celle-ci : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur; et ces mots de l'Evangile : contrains-les d'entrer, n'indiquent que les exhortations pressantes de la charité. Le Sauveur n'avait garde de donner à sa religion un caractère de violence qui l'eût rendue odieuse; il condamna des disciples, dont le zèle indiscret voulait attirer le feu du ciel sur une ville qui ne l'avait pas reçu, et sur la croix il pria pour ses bourreaux. On l'a dit avant moi, la soumission à la vérité est un acte de la volonté libre. Les forces humaines ne peuvent rien sur l'âme, et du corps elle ne peut tirer que de la douleur,. Vous ne pouvez forcer à suivre un culte que le
cœur désavoue ; et pour aimer sa religion, il n'est pas nécessaire de haïr ni de violenter ceux qui n'en sont pas. Celle que nous avons le bonheur de professer, embrasse par les liens de la charité tous les hommes de tous les pays et de tous les siècles; Charité est le cri de l'Evangile; et quand je vois des chrétiens persécuteurs, je suis tenté de croire qu'ils ne l'ont pas lu.
Je place ici une observation dont j'Offre la preuve, c'est que, généralement parlant, personne ne fut plus modéré envers les juifs que le clergé, car il ne faut pas juger de son esprit par celui de l'inquisition d Espagne. Les Etats du pape furent toujours leur paradis terrestre. Leur ghetto à Rome est encore le même que du temps de Juvénal; et, comme l'obSerVe M. de Buffon, leurs familles sont les plus anciennes familles romaines. Le zèle éclairé des successeurs de Pierre, protégea toujours les restes d'Israël: Il nous reste des épitres de Grégoire IX, à saint Louis, pour censurer ceux qui du manteau de la religion couvraient leur avarice, afin de vexer les juifs. Je vois Innocent IV écrire pour les justifier, et se plaindre qu'ils sont plus malheureux soiis les princes chrétiens, que leurs pères sous les rois Egyptiens. Tandis que l'Europe les massacrait au xive siècle, Avignon devint leur asile, et Clément VI, leur consolateur et leur père n'oublia rien pour adoucir le sort des persécutés,. et désarmer. les persécuteurs. On lit encore avec transport une épître d'Alexandre II, adressée aux évêques de France, qui avaient condamné les violences exercées contre les juifs. Ce monument honoréra constamment la mémoire du pontife romain comme celle des prélats français, et certainement 4e clergé actuel rivalisera avec- celui qui l'a devancé.
Mon devoir me prescrit de lever tous les doutes qui pourraient ravir à mes clients quelques suffrages, et quoique je parle devant une société politique, permettez-moi, Messieurs, de discuter une objection religieuse que m'ont faite quelques honorables membres de cette Assemblées. Ils prétendent que les juifs, éternellement voués à l'opprobre, ne pourront jamais devenir citoyens. J'attendrai une réponse à célle que vous allëz entendre.
Les oracles qui annoncent la désolation d'Israël, montrent dans le lointain l'instant qui doit .la terminer ; et quand même avant cette époque nous allégerions les férs des juifs, ils seraient également sans autel, Car nous ne prétendons pas leur rendre le temple de Jérusalem et sans sceptre, car en leur accordant une terre de Gessen, nous n'irons pas choisir nos Pharaons chez eux. N'essayons pas dè rendre la religion complice d'une dureté qu'elle réprouve; en présidant aux malheurs d'une nation, l'Eternel n'a jamais prétendu justifier lès barbaries des autres. Le souffle de la colère divine a dispersé lès enfants de JaCob sur l'étendue du globe pour un temps limité, mais il dirige les événements d'une manière conforme à 'ses vues supérieures ; et sans doute il nous réserve la goire de préparer par nos bontés la résolution qui doit régénérer ce peuple.
Il viendra, cet heureux jour, et sans doute nous touchons à son aurore.
Mais, nous dit-on, comment admettre au rang de cité une horde abâtardie à tel point, qu'elle repousse toute espérance'de la régénérer, une secte qui, par principes, est intolérante, dont les mœurs et le régime sont inaliables avec
celui de tous les peuples auxquels elle a voué une haine envenimée ?
Moïse avait donné à son peuple une loi qui l'isolait, loi très-sage pour consolider l'union des Israélites avec leurs frères, et combatre le penchant qui les portoit à imiter les mœurs dépravées et le culte idolâtre des nations voisines de la Judée ; mais ces lois relatives aux dangers rompaient-elles le lien social.? Défendaient-elles à Salomon de s'allier avec Hiram? Condamnaient-elles l'Hébreu, lorsqu'il j allait aiguiser son soc chez les Philistins, qu'il accueillait les officiers de la rëine de Saba, et qu'il était ministre ou courtisan dans le palais de Babylone?
J'ai ouï objecter (et je ne reviens pas de ma surprise) qu'il est impossible de mettre au pair des citoyens des gens qui jamais ne voudront s'unir par le mariage avec les autres peuples. Voici uns retorsion . qui, pour être plaisante, n'en serait pas moins bonne : « Chrétiens ou juifs, l'éloignement est réciproque; ainsi avec ce bel argument je vais vous prouver que jamais on ne voudra rendre les Français, citoyens, parce qu'ils n'épouseront par les filles juives ; la loi de Moïse réprouvait à la vérité des alliances qui pouvaient exposer les juifs à idolâtrer; mais cette loi qui souffrait des exceptions, empêcha-t-elle Esther d'épouser légitimement As-suérus? Et que diront les auteurs de cette objection, en apprenant qu'en Angleterre on voit des mariages entrejUifs et chrétiens; que dans les premiers âges du christianisme, spécialement entre 440 et 450, ces unions étaient assez communes? » Nos théologiens avouent que l'empêchement fondé sur la disparité du culte, n'a pas été introduit par un décret général, car on n'en trouve pas de bien précis; mais par une coutume qui, adoptée universellement, a obtenu force de loi, et qui étant purement objet de discipline, peut être abrogée sans ébranler le dogme. Quant à leurs mœurs prétendues inaliables, parce qu'ils refusent de partager la table des chrétiens, rien déplus faux, et-j'en appelle à l'expériencé journalière. Et qu'importe d'ailleurs à la tranquillité politique cette différence diététique ? Quelques provinces de la Pologne et la Russie offrent un mélange bizarre : près d'un protestant, qui mange son poulet le vendredi, est un catholique qui se borne aux œufs ; l'un et l'autre boivent du vin et travaillent ce vendredi, à côté d'un Turc qui s'abstient de vin et chôme ce jour-là, et ces variétés n'altèrent point l'harmonie civile.
Je termine cet article par un raisonnement simple et péremptoire. Au commencement de l'ère chrétienne, les juifs dispersés avaient la même loi qu'aujourd'hui, et à peu près les mêmes préjugés, car les Talmuds avaient déjà falsifié la loi de Moïse; ils exerçaient tous les métiers, ils remplissaient toutes les autres fonctions civiles; parsemés chez les nations, tous allaient adorer diversement dans des temples divers, et au sortir de là montaient sur les mêmes vaisseaux pour sillonner les mers, marchaient aux combats sous les mêmes étendards, et arrosaient les mêmès campagnes de leurs sueurs. Voilà une donnée, un point de départ, pour savoir si l'on peut les incorporer à la société générale : toutes les objections tombent quand l'expérience parle.
Mais, réplique-ton, le juif est ennemi né de tout ce qui n'est pas lui. Je réponds que cette haine est condamnée par la loi mosaïque, qui impose l'obligation d'une philanthropie univer-
selle, la trouverait-t-on, cette haine, dains ces livres sacrés qui ordonnent si formellement et si souvent d'accueillir l'étranger, assimilé au pupille et à la veuve; qui statuent, qu'en moissonnant, on laissera des épis, en vendangeant, des grappes en faveur du pauvre et de l'étranger ? Presque tous les livres symboliques des juifs, imprimés depuis trois siècles, portent au frontispice , un axiome qui ordonne expressément l'amour des autres nations. Si cependant le juif, honni, outragé et proscrit partout, a quelquefois détesté ses tyrans; si le juif, harcelé par des hostilités continuelles, par les attentats lés plus criants, a quelquefois repoussé la force pat la force, ou opposé la haine à la fureur, cette conduite ne sort pas de la nature, quoiqu'elle s'écarte de la raison. Mais prendrez-vous lés paroxispaes instantanés de la vengeance,- pour l'état habituel et nécessaire de son âme? Est-ce raisonner que de dire; le juif a haï lorsque nous l'avons accablé de maux; donc il nous haïra lorsque nous le comblerons de bontés?
Si l'on en croit Micbaëlis, les juifs sont incapables d'être régénérés, parce que, radicalement, ils sont pervers. Je réponds que cette perversité prétendue ne .dérive pas de leurs lois, c'est chosè évidente. Direz-vous qu'elle est innée ? Quelques philosophes chagrins ont soutenu que l'homme naissait méchant; mais pour l'honneur et la consolation de l'humanité, on a relégué ce système dans la classe des hypothèses absurdes et désolantes.
Tant de loi,s portées contre les juifs leur sup-
Êosent toujours une méchanceté native et indélé-iie ; mais ces lois, filles de la prévention et de la haine, n'ont d'autres fondements que le motif
3ui les inspire. Je croirai ce peuple susceptible e moralité, tant qu'on ne nous montrera pas des obstacles invincibles dans son organisation physiques dans sa constitution religieuse et morale; je l'en crois capable, surtout lorsqu'appelapt l'expérience à l'appui du raisonnement, je vois des juifs vertueux dans les lieux où, comptés parmi ies citoyens, ils vivent paisiblement à l'ombre des lois protectrices. Ne soyons pas assez inconséquents pour leur demander des moeurs lorsque nous les avons forcés à devenir vicieux; rectifions leur éducation pour rectifier leurs cœurs; depuis longtemps on répète qu'ils sont hommes comme nous, ils le sont avant d'être juifs.
On leur reproche de n'être point patriotes; non, lorsqu'ils ne sont pas traités comme fils delà patrie. Dans les monarchies et même dans, certains Etats libres, où le peuple actif dans la législation n'obéit qu'à soi-même, le juif est toujours passif, toujours compté pour riep, toujours vexé ; et l'on ose ensuite lui reprocher de n'aimer point une législation qui le repousse de son sein, de ne pas chérir des peuples acharnés contre lui ! Vous exigez qu'il aime une patrie ; donnez-lui-en une à cet homme sur qui le malheur pèse depuis sa naissance, et >qui mange en tremblant un pain de douleur. Une fois au niveau des autres membres de la nation, attaché à l'Etat par le plaisir, la sécurité, la liberté et l'aisance, il ne sera pas tenté de porter ailleurs ses richesses. Ses terres le fixeront dans le pays où il les aura acquises, et alors il chérira sa mère> c'est-à-dire sa patrie, dont l'intérêt sera confondu avec ie sien.
Mais si les juifs sont flétris par nos accusations et par leurs vices, ils présentent aussi des titres de nos éloges.On voit éciore en eux des vertus et des talents, partout où l'on commence à les trai-
ter pn hommés.Depuis deux siècles, en Hollande, nul n'a été condamné à mort. A Londres, les iuifs portugais sont des citoyens utiles attachés à l'Etat par leurs capitaux, qui font partie de la richesse nationale. Dans les colonies, ils ont su captiver l'estime publique, et si l'on se rappelle la prévention générale contre eux, on conviendra qu'un juif estimé est incontestablement estimable. Je pourrais alléguer une foule de traits empruntés de contrées étrangères ; mais pour me renfermer dans là nôtre, je vous rappellerai les juiffe de Bordeaux se cotisant poùr subvenir aux frais de la guerre, et surtout un Gro4iœ soutenant les colonies affligées par la famine. En parlant de ceux de l'Alsace, j'ignore s'il faut plutôt rappeler leurs torts que ceux des chrétiens; paais BouJain-villiers observe que les juifs de cette province furent d'un grand secours aux Alsaciens pendant les guerres du siècle dernier. La jSdélité ae ceux de Metz est mentionnée dans divers arrêts, et plusieurs fois ils ont rendu des services importants. Dans la guerre qui finit par le traité de Riswîck, ils firent venir d Allemagne beaucoup 4e chevaux pour la; cavalerie, malgré les défepses sous peine de la vie d'en faire passer eri France, La modicité des récoltes de 1698 faisait appréhender upe disette, ils tirèrent des grains de Francfort, ét pour ramener l'abondance dans la province, Ils firent le sacrifice de 3Q,00Q livres sur le prix de l'achat.
Parmi les bonnes qualités des juifs, on doit compter la décence, elle est en eux une vertu presque innée. Cardosp les lpue à juste titre 4e n'avoir aucun de ces livres détestables, dont* le but est d'attiser la luxure. En Alsace, ainsi qu'en divers lieux d'Allemagne, on a mis des obstacles à leurs mariages, en leur défendant d'épouser sans permission. Ces défenses sont des attentats contre la nature, qui les désavouerait même dans le silence des passions. Ce qui pourrait en résulter serait de conduire les juifs au libertinage, et cependant on ne peut pas leur reprocher le dérèglement qui flétrit et dépeuple nos villes. Rien de plus rare chez; eux que l'adultère, l'union conjugale y est vraiment édifiante. Us sont bons époux et bons pères. Leurs femmes après l'enfantement daignent encore se .souyenir qu'elles sont mères. Jamais on n'en voit négliger leur ménage ou le dilapider. Elles ne connaissent pas la passion du jeu; les révolutions des modes ne les atteignent .guère. On remarque chez. Ipsjuiîs une tendresse effective pour les auteurs deTeqrs jours ; il leur est enjoint de respecter leur instituteur à l'égal de leur père; et môme plus,. car celui-ci, disent-ils, ne donne que l'être et,l'autre le bien-être; ils s'honorent d'une tendre vénération pour les vieillards, vertu, touchante,, presque inconnue dans nos mœurs, mais si célèbre dans la haute antiquité, et qui rappelle le gouvernement patriarcal.
Tout prouve qu'il est aussi injuste qu'impoli-tique de laisser les juifs végéter dans leur dégradation actuelle ; tandis que nous accusons le luxe d'enlever des bras aux campagnes, nous conservons chez nous une nation à qui nous interdisons l'agriculture, qui n'ayant pas la permission de nourrir la patrie ni de la défendre, consomme sans reproduire, et consomme d'autant plus, qu'elle n'a guère d'autre principe de dépopulation que la mort naturelle, attendu que les individus livrés à un genre de vie assez uniforme, éprouvent rarement les crises violentes, qui, chez les autres nations ruinent souvent les santés les plus robustes.
Pour obvier à leur excessive multiplication, les chasserez-vous? Cet expédient fut jadis usité très-souvent; mais si la France les, rejette de son sein, et que l'Allemagne ne veuille pas les recevoir, ils seront donc forcés de se précipiter dans le Rhin, parce qu'ils n'auront pas seulement la liberté de gémir sur les rives de ce fleuve ? Je ne connais pas d'homme pour qui la terre n'ait été créée, et si après avoir vécu sous la protection des lois sur le sol qui me vit naître, jeiu'y ai pas acquis le droit de patrie, qu'on me dise ce qu'il faut pour l'obtenir. Français, qui que vous soyez, pourriez-vous produire des titres ? Les juifs sont-ils coupables ? punissez-les. Sont-ils vicieux ? corrigez-les; sont-ils innocents? protégez-les, mais vous n'avez pas le droit imprescriptible qu'ils tiennent de la nature, celui 'd'exister sur la terre hospitalière qui les reçut à leur naissance. La peine du ban est encore un des usages également anciens et barbares, ainsi que ledroit d'aubaine; mais en sera-t-il de celui-là comme de la torture; nous autres Français serons-nous les premiers à dévoiler l'abus, les derniers à le réformer ? Si l'Espagne appauvrie au milieu de ses richesses eût connu ses vrais intérêts, ses campagnes s'embelliraient présentement sous les mains dè 400,000 juifs qu'elle en expulsa il y a trois siècles (1), et dont quelques-uns, réfugiés en France, firent fleurir le commerce de Bayonne et ide Bordeaux, où ils établirent les premières banques. Depuis on a vu les juifs chassés d'Anvers et du Brabant par le duc d'Albe, porter leur numéraire dans un pays voisin, où la liberté avait établi son empire et accroître les richesses d'Amsterdam et des autres villes de la Hollande.
Quelques députés des trois provinces mentionnées m'objecteront peut-être, que la plupart de leurs cahiers forment contre les juifs des demandes restrictives, et s'opposent à ma motion ; j'espère que ma réponse paraîtra péremptoire. Je demande si jamais aucune loi civile pourrait sanctionner des principes contraires à cette loi éternelle, qui place sur le globe tous les enfants du père commun, avec l'inviolable faculté d'y vivre, en se conformant aux lois des Etats politiques qui les englobent. Vous me parlez de vos cahiers ; on sait depuis longtemps que la lettre tue, et si aux moyens proposés par nos commettants, pour réprimer 'les usures des juifs, nous pouvons en substituer de plus efficaces, nous inculperont-ils d'avoir fait le mieux, lorsqu'ils exigeaient seulement le bien?
Mais, nous dit-on, si vous donnez aux juifs le droit de citoyens, les étrangers afflueront de toutes parts et inonderont le pays. La réplique est simple : vous ne les recevrez pas, il vous suffira de travailler à rendre les régnicoles meilleurs et plus heureux.
Mais, ajoute-t-on, la bienveillance que vous réclamez envers les juifs leur sera funeste;
une haine invétérée va faire ruisseler le sang hébreu; vous risquez de les faire égorger
tous. J'avoue qu'ici mon cœur se déchire. Et quels sont donc ces animaux féroces que vous
dites altérés du sang de leurs frères ? Faut-il l'avouer en frémissant ou en rougissant? Ce
sont des hommes qui osent se dire Français, qui osent surtout se dire chrétiens. Qu'alors le
glaive des
En parlant des juifs, nécessairement il faut parler de l'usure, car ces idées fraternisent depuis longtemps : leur génie calculateur, invente dans le moyen âge les lettres de change, utiles pour protéger le commerce, et le faire fleurir dans tous les coins du globe; mais ce bienfait fut contrebalancé par les maux que causa leur rapacité, car il faut l'avouer, ce vice a depuis longtemps gangrené le peuple hébreu. Cependant si les juifs devenus courtiers de toutes les nations, ont si souvent sacrifié la probité à l'avarice, les gouvernements doivent s'accuser de les avoir conduits à ces excès. En leur ravissant tous autres moyens de subsister, ils ont courbé ce peuple sous le joug de l'oppression la plus dure; en l'accablant d'impôts, en lui interdisant l'exercice des arts, ils ont limité son travail, lié ses bras, et l'ont forcé à devenir commerçant, car il ne l'est que depuis la dispersion. On parle des flottes marchandes de Salomon, mais on ne peut en citer d'autres; le génie d'un grand prince les avait créées, et l'on ne voit aucun de ses successeurs continuer son ouvrage. Il y eut toujours chez les Hébreux peu de circulation, peu d'échanges. Leur loi paraît presque opposée à l'esprit du commerce, et tant qu'ils eurent une forme de gouvernement, bornés a la culture d'un territoire fertile, ils négligèrent le commerce, quoiqu'ils habitassent un pays maritime et pourvu d'excellents ports.
Les juifs actuels étant bornés à un trafic de détail, la nécessité les force presque à suppléer par la fourberie au gain modique d'un commerce subalterne ou de l'agiotage, car quand on a faim et soif, qu'on est destitué de tout secours, qu'on entend les cris touchants d'une famille nombreuse qui implore des secours, il faut voler ou périr. Amenez sur la scène vos brames tant vantés, et ces paisibles Otahitiens, interdisez-leur tout moyen de subsister que par un commerce dont les gains sont modiques, quelquefois nuls ; lorsque la souplesse et l'activité ne pourront subvenir à des besoins impérieux et toujours renaissants, bientôt ils appelleront à leur secours l'astuce et la friponnerie. Le comble de l'injustice est donc de reprocher aux juifs des crimes que nous les forçons à commettre. J'ai développé dans mon ouvrage l'insuffisance des moyens employés jusqu'ici pour enchaîner l'usure, j'en ai proposé de nouveaux, qui m'ont paru plus efficaces, et que j'aurai l'honneur de présenter, si on l'exige; mais le plus puissant c'est de diriger le caractère de ce peuple vers un autre objet que le commerce, de lui donner une tendance contraire, et de lui montrer la fortune dans le chemin de l'honneur. Cette réforme à la vérité n'est pas l'ouvrage du moment, car on ne change pas le caractère d'un peuple comme l'uniforme d'un corps militaire. La marche de la raison n'est sensible qu'après un laps de temps considérable ; mais le juif ayant devant les yeux notre éducation, notre législation, nos découvertes qu'il va partager, l'assemblage de tous ces moyens imprimera un mouve-
ment universel, ébranlera tous les individus, entraînera même les rénitents ; bientôt chez ce peuple à mœurs hétérogènes, la raison recouvrera ses droits, le caractère recevra une nouvelle empreinte, et les mœurs une réforme salutaire.
' J'ai ouï demander quelquefois s'il ne fallait pas leur interdire tout commerce ; ce serait l'équivalent d'assassiner des malheureux privés tout à coup du seul moyen qui leur reste pour avoir du pain.
Faudra-t-il les agréger au corps des marchands? Cette question, qui, dans plusieurs tribunaux, a causé des débats fort aigres, eût été facilement décidée si on n'avait consulté que la raison et l'humanité; celle-ci aurait invoqué la commisération en leur faveur, et l'autre aurait fait leur apologie; elle aurait allégué leur soumission aux puissances, leur résignation dans l'infortune, leur activité dans tout ce qui s'appelle commerce de détail; avec autant de patience, de sobriété et d'économie que les marchands arméniens, ils ont
Blus de sagacité pour épier et saisir l'occasion, ans notre pays il y a des branches de commerce, des manufactures abandonnées ou languissantes, et l'on supplée à l'impéritie ou à la paresse nationale, en important de chez l'étranger. Voilà de vraies mines d'or, que les juifs industrieux pour tout ce qui est lucratif sauraient exploiter.
Outre l'avantage de leur. fournir des occupa? tions et des moyens d'exister, pour peu qu'ils fussent encouragés par le ministère, bientôt ils feraient bàisser le prix des marchandises importées et empêcheraient le numéraire de passer chez l'étranger.
On ne trouve chez nous que peu de juifs artisans ou artistes. Dira-t-on que c'est faute d'aptitude? On en voit souvent signaler leur adresse dans la gravure en creux, et la Prusse s'honore actuellement de posséder le célèbre médailleûr Abrahamson. En Orient, ils sont teinturiers, ouvriers en soie; à Maroc, et sur les côtes de l'Afrique, où le commerce a peu d'activité, ils exercent tous les métiers; lorsque dégagés d'entraves les juifs seront au pair avec les chrétiens, et que l'autorité les protégera dans leurs ateliers, il en résultera une rivalité qui éclairera les arts, perfectionnera l'industrie, et maintiendra le bas prix pour s'assurer la concurrence dans le débit. - Presque partout on assigne aux juifs des quartiers ou ils n'ont la liberté de s'étendre qu'en hauteur. Cet usage admet peu d'exceptions, surtout en Italie-, où . plusieurs villes les enferment tous les soirs dans le ghetto. Isoler ainsi les juifs, c'est alimenter la haine des chrétiens, en lui montrant son objet d'une manière plus précise. D'ailleurs, c'est dans ces tristes réduits que fer-mente sans cesse un air pestilentiel, et très-propre à répandre, ou même à causer des épidémies ; c'est là que les juifs sont toujours un peuple à part, un Etat dans l'Etat; c'est là qu'ils concentrent leurs préjugés ; ces préjugés s'enracinent d'autant plus qu'ils sont soutenus par l'exemple et l'enthousiasme, car l'enthousiasme et l'exemple agissent par le rapprochement des individus. Lorsqu'ensuite on veut détromper un peuple égaré par ces deux voies, on en a meilleur compte à le prendre en détail qu'à travailler sur une quantité réunie. V ,
La conséquence à inférer de cet article est d'accorder aux juifs la liberté de s'établir indistinctement dans tout le royaume. Donnons-leur des relations permanentes avec tous les citoyens, et bientôt une doùce sensibilité les attachera à tout ce qui les entoure.
Mais il est une observation qui se place naturellement ici. Les juifs de Metz ont beaucoup de dettes. La liberté indéfinie de s'établir ailleurs diminuera infailliblement cette communauté. Serait-il juste que la masse des dettes tombât sur ceux qui resteraient ? Non, tous sont solidaires, et sans doute votre sagesse soumettra au payement de leur quote-part les émigrants du quartier.
Qu'on ne soit pas surpris si d'un juif je veux faire un soldat. Ceux de Paris et de Bordeaux sont entrés avec empressement dans la milice bourgeoise, plusieurs même ont été élevés au grade de capitaine. Ne croyons pas qu'ils dussent se refuser longtemps à manœuvrer le jour du sabbat. Déjà dans le Talmud et dans Mai-monide, l'aigle de leurs docteurs, on a trouvé deux passages qui le permettent formellement (1), et les journalistes juifs de Berlin se sont empressés de tranquilliser sur cet article la conscience de leurs frères enrôlés par l'Empereur au nombre d'environ 3,000.
Les gens à préjugés ne leur supposent pas même le germe de la valeur, et les regardent comme de Vils esclaves, parmi lesquels on trouverait à peine un Spartacus. Mais cette nation si belliqueuse, sous lés princes Asmonéens; cette nation qui, vaincue par Pompée, conquit l'estime de son vainqueur ; qui dans la guerre contre Mithridate, força la victoire à se déclarer en faveur des légions romàines; qui au vie siècle soutint Naples contre Bélisaire ; qui au xe aida les chrétiens à chasser les brigands, dévastateurs de laBohêmé; qui en 1346 se fortifia dans Burgos, et résista à Henri de Transtamare, assassin de son souverain légitime; cette nation qui a fourni un habile général au Portugal, un commodore à l'Angleterre, qui dans le siècle dernier s'est distinguée à la défense de Bude et de Prague assiégés, qui brilla à l'attaque du Port-Mahon, serait-elle indigne de marcher sous les drapeaux français?
On demandera sans doute s'il faut aussi les rendre cultivateurs ; je voulais arriver là. Jamais peuple ne fut plus occupé d'agronomie que les Israélites en Palestine ; c'est la remarque du judicieux Fleurv. Ainsi la possibilité de les ramener à leur goût primitif est prouvée par le fait. Sans sortir de l'Europe, nous trouvons en Li-thuanie des juifs livrés au labourage. Que les travaux rustiques appellent donc l'hébreu dans nos champs, jadis arrosés du sang de ses pères, et qui désormais le seront de ses sueurs. Des do? mestiques chrétiens pourront seconder son travail et rectifier sa;maladresse : bientôt stimulée par l'intérêt, ses bras qui ont déjà la souplesse^ se fortifieront par l'exercice, et cet avantage physique en amènera pour les mœurs un plus précieux, puisque le premier des arts est encore le premier en vertu.
Une conséquence de ce système est la permission d'acquérir, car jamais la terre n'est si
bien cultivée que par les mains du propriétaire; La liberté qui féconde les rochers de
l'Helvétie, fertilisera des champs cultivés par des mains libres.
. Les juifs de Nancy demandent le droit de fréquenter nos collèges, nos universités, d'aspirer^ aux grades; et pourquoi, Messieurs, leur fermerions-nous la porte de nos lycées, de nos sociétés littéraires ? L'Académie des sciences ne s'est-elle pas honorée, en, inscrivant un nègre sur la liste ae ses correspondants? Espérons peu toutefois de l'homme adulte, son pli est formé, ou il va nous échapper. Emparons-nous de la génération qui vient de naître, et de celle qui court à la puberté. Que cette jeunesse ait part à l'éducation des diverses classes sociales, que de sages instituteurs aimant sans partialité leurs élèves chrétiens ou juifs, établissent entre, eux cette cordialité qui préviendra les explosions de la' haine, et que le foyer de l'émulation développe des talents auxquels la voix publique doit ensuite décerner des couronnes. La nation juive apte à tout, compte des écrivains célèbres; elles vient de perdre un homme de génie, dont la place n'est pas vacante. Bloch, Hertz, Bing, et d'autres écrivains juifs sont sur les rangs pour remplacer Mendel sohn.
Cent fois on m'a demandé si je réclamerais pour les juifs l'admission aux emplois publics, voici ma réponse : dans les quatre premiers siècles ils n'étaient point exclus des charges civiles et militaires; chez lès princes musulmans ils atteignent quelquefois aux postes les plus éminents au ministère et de la finance. A Maroc surtout on en voit se pousser à la cour et remplir les ambassades. Nous ne citerons que le fameux Pache-comort à la Haye en 1604. Dans le même siècle deux juifs furent en Hollande, résidants des cours de Portugal et d'Espagne, quelques-uns ont été même en faveur à la cour de Rome. Le xne siècle nous; montre un rabbin Jehiel, surintendant de la maison et des finances du pape Alexandre 111. Voilà ce qui s'est fait; voyons ce qu'il faut faire.
. Des lois précises doivent régler l'exercice du pouvoir exécutif confié au chef de la
nation. Serait-il prudent de lui laisser la faculté indéfinie de nommer arbitrairement à
toutes les places, de conférer tous les grades, de distribuer toutes les grâces? L'exemple de
l'Angleterre a depuis longtemps marqué 1 écueil. Sous un prince ambitieux ou faible, la cour
serait bientôt un antre de corruption, où des-Courtisans, des maîtresses, des êtres vils dans
tous les genres, se disputeraient les dépouilles de l'Etat; il faut donc par des règlements
sages désespérer la rapacité et l'intrigue. Le prince le plus éclairé, comme le plus
vertueux, est susceptible des erreurs qui sont l'apanage de l'humanité; il peut s'égarer dans
ses choix, il faut donc éclairer sa vertu, et vainement, Messieurs, aurez-vous déclaré que
tous les citoyens sont admissibles à toutes les places les plus éminentes, vainement le
pouvoir exécutif aura-t-il publié vos arrêtés; si vous ne prenez des moyens pour assurer
l'exécution de vos décrets, sans cesse on verra la bassesse envahir la place du mérite. Mais
lorsqu'enfin elle ne sera occupée que par les talents et les vertus, que risquerez-vous
d'ouvrir aux juifs toutes les voies qui font éclore les vertus et les talents, et de les
admettre aux offices qui ne pourront influer sur l'exercice de la religion catholique (1)?
Ici se présente la question, s'il faut laisser aux juifs le droit d'autonomie, comme ils l'avaient dans les quatre premiers siècles à la faveur de la politique romaine, qui s'attachait les peuples vaincus, les municipes, en leur laissant leurs lois et leurs usages. La difficulté pour les juifs, provient de ce que chez eux la religion englobe toutes les branches de la législation jusqu'aux moindres détails de police : leur sanhédrin jugeait les causes ecclésiastiques et civiles.
Pour résoudre la question, distinguons dansN leur loi ce qui tient essentiellement au culte de ce qui n'est qu'objet de jurisprudence civile et criminelle ; « ce sont des choses très-séparables. Accordons aux juifs entière liberté sur le premier article, et dans toutcé qui n'intéresse pas les biens et l'honneur des citoyens; mais qu'en tout le reste ils soient soumis aux lois nationales. S'ils croient nécessaire d'avoir des rabbins (à Metz ils s'en passent depuis plusieurs années), que ces docteurs et tous autres préposés, nés ou naturalisés Français, aient pris des grades dans nos écoles publiques; laissons-leur le régime intérieur des synagogues, avec droit de sentence dans ce qui concerne seulement le culte religieux ; mais sans aucune relation à l'état civil; c'est abusivement qu'en Alsace, comme dans quelques Etats d'Allemagne, on permet au rabbins d'exercer les fonctions de notaire, de juger les causes pécuniaires et testamentaires.
Qu'ils soient donc régis par la jurisprudence nationale, l'on se dispensera de rédiger pour eux des coutumes particulières comme on l'a fait à Metz. Leurs femmes qui n'héritent qu'a défaut des mâles, seront appelées aux successions d'une manière plus favorable; la majorité sera fixée aux mêmes époques que chez nous. Soumis à la même répartition d'impôts et déchargés publiques, les juifs participeront aux avantages de citoyen ; ainsi point de syndic pour la gestion des affaires civiles des communautés juives; point de communautés juives, ils seront membres des nôtres, ils seront astreints à l'idiome national pour tous leurs actes, et même pour l'exercice de leur culte, ou du moins leurs livres lithurgiques seront traduits.
Un grand avantage, c'est de pouvoir appliquer
Traçons un plan, qui embrassant tous lés détails, emploie tous les moyens. Si l'on se borne à quelques règlements vagues, l'ouvrage de leur régénération sera manqué, on verra bientôt échouer des efforts mal combinés, et l'amour-propre intéressé à justifier la fausseté de ses moyens, rejettera le défaut de succès sur la prétendue impossibilité de régénérer ce peuple. La loi qui doit prononcer partout avec empire et précision ne doit rien laisser à une interprétation arbitraire, que la prévention et la haine rendraient toujours formidables au juif ; l'oeil du ministère public doit y veiller ; et fasse le ciel que les exécuteurs de ses ordres' soient des hommes et non des sangsues qui suceraient la substance de nos pauvres Israélites, et leur feraient acheter les faveurs du gouvernement.
Je n'ai pu présenter qu'en raccourci le plan et les moyens nécessaires pour rectifier ce peuple ; mais les ai-je développés avec assez d'énergie pour émouvoir les cœurs en portant la conviction dans les esprits? Je crois avoir prouvé que la religion se concilie avec une sage politique qui, admettant les juifs aux avantages de citoyen procurerait à l'Etat un surcroît de richesses et d'industrie. Puissé-je alléger les peines d'une nation infortunée, et lui procurer un défenseur plus éloquent, elle n'en trouvera pas un plus zélé.
Gens ennemis de toute innovation, né niez pas le succès avant les tentatives. Exigeriez-vous que, dès le début, la révolution fût consommée? et que le coup d'essai fût le point de perfection ? N'épiloguez pas sur de petits inconvénients ; car si 1 homme était réduit à n'adopter que des pro-fets qui n'en offrissent aucun, n ne se déciderait jamais.
En peu de mots, on peut résumer les objections formées contre les juifs. Ils sont, nous dit-on, corrompus et dégradés; èt de là on conclut, à la honte de la raison, qu'il ne faut pas Chercher à les régénérer; on objecte que la chose est impossible. Et quand on répond victorieusement que la possibilité est établie par le fait des juifs d'Hambourg, Amsterdam, La Hayé, Berlin, Bordeaux, etc., et qu'une expérience infaillible anéantit toute réclamation et lève tous les doutes, la haine et la prévention sont telles, qu'on répond en répétant des Objections anéanties. Il semble que sur cet article la pauvre raison soit en possession de délirer.
On voit trop souvent des hommes de fer, qui profanent le terme de bonté; ils ont la générosité de chérir les humains à'2,000 ans ou 2,000 lieues dé distance; leurs cœurs s'épanouissent en faveur des Ilotes et des nègres, tandis que le malheureux qu'ils rencontrent obtient à peine d'eux un regard de compassion; et voilà à notre porte les rejetons de ce peuple antique, des frères désolés, à la viie desquels oh ne peut se défendre d'un déchirement de cœur; sur qui, depuis la destruction de leur métropole, le bonheur n'a pas lui; .ils n'ont trouvé autour d'eux que des outrages et des tourments, dans leurs âmes que des douleurs, dans leurs yeux que des larmes ; s'ils ne sont point assez vertueux pour mériter des bienfaits, ils sont assez malheureux pour en recevoir : tant qu'ils seront esclaves de nos préjugés et victimes de notre haine, ne vantons pas notre sensibilité. Dans leur avilissement actuel, ils sont plus à plaindre que coupables ; et telle est leur déplorable situation, que pour n'en être
pas profondément affecté, il faut avoir oublié qu'ils sont hommes, ou avoir soi-même cessé de l'être.
Depuis dix-huit siècles, les nations foulent aux pieds les débris d'Israël; la vengeance divine déploie sur eux ses rigueurs; mais nous a-t-elle chargés d'être ses ministres? La fureur de nos pères a choisi ses victimes dans ce troupeau désolé ; quel traitement réservez-vous aux agneaux timides échappés du carnage et réfugiés dans vos bras? Est-ce assez de leur laisser la vie en les privant de ce qui peut la rendre supportable ? Votre haine fera-t-elle partie de l'héritage de vos enfants? Ne jugez plus cette nation que sur l'avenir ; mais si vous envisagez de nouveau les crimes passés des juifs, que ce soit pour déplorer l'ouvrage de nos aïeux. Acquittons leurs dettes et la nôtre, en rendant à la société un peuple malheureux et nuisible, que d'un seul mot vous pouvez rendre plus heureux et utile.
Arbitres de leur sort, vous bornerez-vous, Messieurs, à une stérile compassion? n'auront-ils conçu des espérances que pour voir doubler leurs chaînes et river leurs fers, et par qui?.... par les représentants généreux d'un peuple dont ils ont cimenté la liberté, en abolissant l'esclavage féodal. Certes, Messieurs, le titre de citoyen français est trop précieux, poûr ne pas le désirer ardemment: des nations voisines ont recueilli avec bonté les débris de ce peuple; nous avons reçu d'elles l'exemple; il est digne de nous de le donner au reste des nations. Vous avez proclamé le Roi restaurateur de la liberté; il serait humilié de régner sur des hommes qui n'en jouiraient pas : 50,000 Français se sont levés esclaves, il dépend de vous qu'ils se couchent libres.
Un siècle nouveau va s'ouvrir, que les palmes de l'humanité en ornent le frontispice, et que la postérité, bénissant vos travaux, applaudisse d'avance à la réunion de tous les cœurs. Les juifs sont membres de cette famille universelle qui doit établir la fraternité entre les peuples ; et sur eux comme sur vous la révolution étend son voile majestueux. Enfants du même père, dérobez tout prétexte à la? haine de vos frères, qui seront un jour réunis dans le même bercail; ouvrez-leur des asiles où ils puissent tranquillement reposer leur têtes ët sécher leurs larmes; et qu'enfin le juif, accordant au chrétien un retour de tendresse, embrasse en moi son concitoyen et son ami.
J'ai l'honneur, Messieurs, de vous proposer un projet de décret, dont vqici la teneur :
« L'Assemblée nationale décrète, que désormais les juifs régnicoles sont déchargés de payer le droit de protection âux villes, bourgs, communautés et seigneurs; ils ont la faculté de s'établir dans tous les lieux du royaume, d'exercer tous les arts et métiers, d'acquérir des immeubles, de cultiver des terres.
« Ils ne seront point troublés dans l'exercice de leur culte; assimilés aux citoyens, ils en partageront les avantages, attendu qu'ils en supporteront les charges.
« L'Assemblée décrète en particulier, pour ceux de la généralité de Metz, qu'ils sont exempts de payer à la maison de Brancas la somme annuelle de 20,000 francs pour droit de protection. Et comme la communauté de Metz est grevée de dettes considérables, ceux qui la quitteront pour s'établir ailleurs, payeront préalablement leur quote-part de la totalité de cette dette, dont ils sont solidaires.
« L'Assemblée révoqué et abroge tous édits, lettres-patentes, arrêts et déclarations contraires au présent décret.
«Elle défend sévèrement d'insulter les membres de la nation juive, qui, tous, désirent de trouver dans les Français des concitoyens, dont ils tâcheront de mériter l'attachement et l'estime.»
Séance du
Le séance est ouverte par la lecture du procès-verbal du mardi précédent, qui avait été remise à aujourd'hui.
Cette lecture est suivie de celle du procès-ver-bal d'hier, et des adresses de différentes villes, ainsi qu'il suit : .„
Procès-verbal de la proclamation des officiers et de la prestation de serment du corps des gardes nationales de la ville d.e Paimpol en Bretagne.
Délibération de la compagnie des chevaliers dje l'arquebuse de Saumur, contenant l'expression d'un dévouement sans bornes pour le soutien du Trône1 et l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale.
Délibération du même genre des officiers de la sénéchaussée de SaumUr ; ils demandent que cette ville soit le chef-lieu d'un département.
Adresse de la communauté des notaires de la ville de Grenoble , qui, quoique épuisée par ses propres dettes, accrues par lès malheurs de l'année dernière, et par la stagnation de toutes les affaires pendant le cours de cette année, a délibéré de payer sans délai la somme de 700 livres, pour le centième dénier de ses offices, de faire un don patriotique de celle de 500 livres, sans qu'élle puisse être imputée à aucun des membres sur l'impôt du quart de leurs revenus, et de faire une aumône de 1,000 livres, aux malheureux ouvriers de cette ville, qui, depuis long-temps, manquent de travail, par l'émigration des personnes riches j elle supplie l'Assemblée nationale d'agréer cette délibération, Comme une preuve de son dévouement et de sa soumission à tous ses décrets.
Adresse de renouvellement d'adhésion de la ville de Cordes en Albigeois ; elle exprime les voeux les plus ardents pour voir terihiner bientôt le grand œuvre de la constitution : elle demande d'être le chef-lieU d'un district, et que la ville d'Albi soit le chef-lieu d'un département.
Adresse du même genre de la ville de Barbe-zieux • elle demande une justice royale.
Adresse du mêmeygenre des officiers municipaux et habitants du banc de Ramonchamp en Lorraine; ils font les réclamations les plus fortes contre la délibération de la commune de Remire-mont, par laquelle elle demande la conservation du chapitre noble de cette ville.
Adresse du même genre de la ville de la Grasse en Languedoc; elle fait le don patriotique de deux bâtons de chantre, deux chandeliers, deux burettes avec leur, plat, le tout d'argent; elle forme des vœux pour la conservation de l'abbaye établie dans son sein.
Adresse du même genrè des habitants de la commune de Fontaine en Brie ; ils font le serment dè verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour le soutien des décrets de l'Assemblée Natio-nationrle.
Adresse du même genre de la communauté de de'Roque-Pertuis,prèsde Bagnols en Languedoc; elle demande l'établissement d'une assemblée de district, et d'une justice royale dans cette ville.
Adresse du même genre de la ville de Becherel en Bretagne; elle;demande d'être le chef-lieu d'Un district et le sidge d'une justice royale.
Adresse du même genre de la ville de Treguier; elle fait plusieurs observations sur les décrets relatifs à la libre circulation des grains, et sur celui qui exclut de la municipalité les officiers de judicature et les percepteurs des impôts indirects.
Adresse du même genre de la ville de Lamballe en Bretagne ; elle proteste contre le refus de la chambre des vacations du parlement de Rennes, d'enregistrer le décret du 3 novembre; elle supplie le Roi et l'Assemblée nationale de remplacer cette chambre par d'autres juges qui ne soient pas pris dans le parlement. ,
Adresse du même genre de la ville de Valla-brègues, et du lieu de Comps; elle fait le don patriotique du produit du rôle de supplément des impositions sur les biens des ci-devant privilégiés.
Adresse du même genre de la ville d'Aurillac, capitale de la Haute-Auvergne, et de celle de Cosne en Bourbonnais.
Adresses du même genre de la ville de Saint-Céré en Quercy, et ae celle de la Ferté-sous-Jouarre; elles demandent d'être le chef-lieu d'un district, et le siège d'une justice royale.
Adresse du même genre des principaux citoyens de la Ville de Montesquieu-Volvestre ; ils demandent le siège d'une assemblée de district.
Adresse du même genre de la milice nationale de Nevers; elle jure une fidélité inviolable et une soumission sans bornes à l'Assemblée nationale.
Adresse du même genre des officiers municipaux et habitants de la ville de Vichy-les-Bains en Bourbonnais; ils sollicitent l'exécution d'un décret de l'évêque diocésain, et d'un arrêt du parlement, qui, en réunissant les biens des religieux Célestins, situés dans cette ville, lui avaient accordé l'établissement d'un collège, une distribution déterminée d'aumônes en faveur des pauvres, et l'attribution à la fabrique de la paroisse, du trésor de la sacristie des religieux; ils font le don patriotique de ce trésor, qui renferme plusieurs effets précieux.
Adresse du meme genre des villes de la Roche-Chalais et de Saint-Jean-d'Espalion ; cette dernière adhère notamment au décret concernant la contribution. patriotique ; elle supplie de nouveau l'Assemblée d'ordonner que les comptables des communautés ne pourront être regardés comme citoyens actifs, qu'ils n'aient rendu leur compte et payé le reliquat.
Adresse du même genre de la ville de Gérbe-roy, diocèse de Beauvais ; elle demandé une justice royale.
Adresse du même genre de l'universalité des habitants de la ville de Castelnau-de-MOntratief en Languedoc ; ils confirment l'élection qu'ils ont faite de leurs officiers municipaux, pour remplacer les anciens qui n'étaient que les agents du despotisme féodal.
Adresse du même genre de la communauté de Goos en Gascogne; elle fait le don patriotique du
produit de la contribution des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de cette année, et dénonce à l'Assemblée nationale la coupe blanche du bois de haute futaie, situé dans ladite communauté, dépendant de l'abbaye de Ville-Dieu; , elle prend des mesures pour empêcher l'enlèvement du bois encore non exporté.
Adresse du même genre de la communauté de Marsolan, sénéchaussée de Condom; elle, ratifie l'abandon de tous ses privilèges, et donne à ses députés des pouvoirs illimités ; elle supplie l'Assemblée de préférer la ville de Condom à celle d'Auch et d'Âgen pour y établir l'administration de département.
Adresse de la ville d'Exmes en Normandie,* contenant l'expression des sentiments de respect et d'amour de ses habitants pour le Roi; elle fonde ses espérances de honneur sur l'union intime qui existe entre l'Assemblée nationale et le monarque; elle demande avec instance la conservation de son bailliage royal, assurant que c'est le seul moyen de faire subsister ses habitants.
Adresse de la ville et «communauté du Croisic-en Bretagne, qui adhère à tous les décrets de l'Assemblée nationale ; annonce qu'elle avait fait parmi les habitants une souscription qui avait produit une somme de 1,160 livres, destinée d'abord aux besoins de l'Etat; que d'après des lettres pressantes qu'ils ont reçues du contrôleur général des finances et de l'intendant de Ja province, pour les engager à procurer des travaux et du pain aux ouvriers pendant l'hiver, ils prient l'Assemblée de permettre que la destination première de cette somme soit changée et appliquée à des ateliers de charité.
Adresse de la commune de Caudebec qui, dirigée par lès principes du plus pur patriotisme, exprime à l'Assemblée nationale sa plus respectueuse adhésion aux décréts rendus et à rendre et l'assure en outre de son empressement à exécuter ses lois.
On donne lecture de la lettre suivante adressée à M. le président par les comédiens français :
« Paris, ce
« Monseigneur, les comédiens français ordinaires du Roi, occupant le théâtre de la Nation, organes et dépositaires des chefs-d'œuvre dramatiques, qui sont l'ornement et l'honneur de la scène française, osent vous supplier de vouloir bien calmer leur inquiétude.
« Instruits par la voix publique qu'il a été élevé, dans quelques opinions prononcées dans l'Assemblée nationale, des doutes Sur ia légitimité de leur état, ils vous supplient, Monseigneur, de vouloir bien les instruire si l'Assemblée a décrété quelque chose sur cet objet, et si elle a déclaré leur état incompatible avec l'admission aux emplois. et la participation aux droits de citoyen. Des hommes honnêtes peuvent braver un préjugé que la loi désavoue ; mais personne ne peut braver un décret, ni même le silence de l'Assemblée nationale sur son état.
« Les comédiens français, dont vous avez daigné agréer l'hommage et le don patriotique, vous réitèrent, Monseigneur, et à l'auguste Assemblée, te vœu le plus formel ne n'employer jamais leurs talents que d'une manière digne de citoyens français, et ils s'estimeraient heureux si la législation, réformant les abus qui peuvent s'être glissés sur le théâtre, daignait se saisir d'un instrument
d'influence sur les mœurs et sur l'opinion publique.
« Nous sommes, etc.,
Les comédiens français ordinaires du Roi.
« Signé : DAZINCOURT, secrétaire. »
se plaint de ce que les comédiens ont écrit à M. le président. Il dit qu'il est de la dernière indécence que des comédiens se donnent la licence d'avoir une correspondance directe avec l'Assemblée.
rappelle formellement à l'ordre M. l'abbé Maury.
Nos séances sont publiques; demain vingt journalistes en rendront peut-être un compte infidèle. Eh bien ! je n'ai point à me rétracter, mais à expliquer ce que j'ai dit. Je ne me suis pas plaint de ce que les comédiens avaient écrit à M. le président ; j'ai seulement observé qu'ils pouvaient se passer de lui écrire, pour savoir s'il y avait un décret pour ou contre eux; c'est sur cette ignorance affectée de leur part que portent mes réflexions.
Il s'élève un grand tumulte et des réclamations de la part d'une partie de l'Assemblée, sur la question de savoir si M. le président peut rappeler M. l'abbé Maury à l'ordre ; mais cette affaire n'a aucune suite.
L'Assemblée décide ensuite que la lettre des comédiens ne sera pas transcrite au procès-verbal ainsi que le demandaient plusieurs membres.
annonce que M. le garde des sceaux vient de lui envoyer un mémoire sur le décret de 1 Assemblée concernant le prévôt général de Provence d'où il résulte que ce prévôt n'a manqué à aucun de ses devoirs de citoyen et de juge.
L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité des rapports et met l'affaire de Toulon à son ordre du jour de ce soir.
présente à l'Assemblée l'expédition sur parchemin de la proclamation du Roi sur le décret de l'Assemblée nationale pour la constitution des municipalités et de l'instruction sur leur formation ; il a de plus annoncé que Sa Majesté donnerait incessamment des lettres patentes sur le même objet, à l'effet d'ordonner la transcription du décret sur les registres des tribunaux et des municipalités, ainsi que son exécution dans tout le royaume.
Je propose à l'Assemblée de prendre deux jours de vacances outre le dimanche et le jour de,Noël.
(Cette proposition mise aux voix est rejetée.)
Je demande que l'Assemblée reprenne immédiatement la suite de son ordre du jour.
Je fais la motion expresse de décider que dans tout appel nominal chaque membre soit tenu de rester en séance jusqu'à la tin de l'appel, eK que pendant les séances publiques il ne puisse y avoir ni réunion de comité, ni conférence particulière.
J'adopte 1a motion du préopinant à la condition de nommer
un comité qui, aux tèrmes de nos cahiers, présentera à l'Assemblée le terme de la législature actuelle.
La motion de M. de Mirabeau est ajournée après le moment où l'on aura terminé la circonscription des départements et des districts qui obligent les députés des différentes provinces à se réunir encore pendant quelques jours pour accélérer ce travail.
La demande faite pour que les décrets de l'Assemblée fussent envoyés à MM. les curés dè Paris, à l'effet de les publier au prône de leurs paroisses, est renvoyée aux quatre commissaires chargés de veiller à l'exécution de ces décrets.
L'Assemblée passe à son ordre du jour et reprend la discussion de la motion concernant l'admission des non catholiques à toutes les fonctions municipales et provinciales et à tous les emplois civils et militaires.
, député de Haguenau et Wissembourg. Messieurs, voici un extrait des cahiers dont je suis porteur (1).
« Art. 39. Que le3 juifs contribueront à toutes les impositions à l'instar des autres habitants ; qu'ils ne feront plus corps, qu'ils n'auront plus de syndics ni d'agents, ni d'autres tribunaux que ceux des chrétiens; enfin, qu'ils ne pourront se marier que sur la permission des états provinciaux, laquelle permission sera gratuite et ne pourra être accordée que dans les cas prévus parle règlement que feront lesdits états, dans la vue de réduire une population devenue déjà trop onéreuse à la province.
« Art. 40. Que les juifs ne pourront contracter avec les chrétiens que pour argent comptant, sous peine de nullité de tous contrats ou actes obligatoires, sans préjudice aux billets de commerce entre négociants ; que les créances que les juifs ont sur les Alsaciens, soient converties en constitution de rente. »
Messieurs, je vais puiser dans le projet de règlement, sur les lettres patentes du 10 juillet 1784, enregistrées au conseil souverain d'Alsace, le 26 août de la même année; que j'ai été chargé par arrêté de la commission intermédiaire de cette province, du 22 janvier 1788, de rédiger, et que je lui ai présenté le 10 mars suivant (2). Je vais puiser, dis-je, dans ce projet, et vous exposer ce que je crois le plus propre à faire participer cette nation malheureuse au bonheur que vous assurez à la France.
Je vous supplie, Messieurs, de me permettre de commencer par poser quelques-unes des bases sur lesquelles je fonde l'opinion dont j'ai toujours été pénétré.
Les siècles d'ignorance, les temps malheureux
Toutes les fois que des hommes qui ne s'occupent ni de la production, ni de la façon d'aucune denrée, et qui ne vivent que dans l'intérêt de leur argent, se multiplient au point d'acquérir des créances assez considérables sur la classe productive, pour que ses denrées et son travail ne puissent plus suffire a ses charges et à son entretien, leurs bras s'énervent, leur nombre diminue, et l'économie rurale va en dépérissant vers la révolution inévitable qui doit la régé-géner.
Cette révolution est accélérée par l'usure et la chicane, lorsque le laboureur n'est plus en état de s'en préserver, ou que le gouvernement ne l'en préserve pas (1). 1
Sous peu il est réduit à abandonner ses biens, et le créancier, devenu propriétaire des terres, devient cultivateur, s'il est en état d'exercer cet art précieux.
Quoique ce changement de propriétaire paraisse indifférent à l'Etat, la gradation qui l'amène est très-funeste à l'agriculture, surtout lorsque le créancier ne peut prendre la charrue qu'il arrache des mains de son débiteur.
C'est ce qui arrive lorsque le créancier est juif; car ies, juifs ne peuvent pas encore devenir cultivateurs en grand parmi nous.
Esclaves ae leurs fêtes, et forcés d'observer les nôtres, les jours ouvrables qui leur restent sont insuffisants pour un peuple agricole.
L'observance machinale et superstitieuse du sabbat et de leurs fêtes (2), est un obstacle qui ne sera surmonté que lorsque la raison les éclairera, et lorsqu'ils seront dépouillés des malheureux préjugés et des pratiques religieuses indifférentes au culte. ,
Plus il serait dangereux pour l'Alsace et pour les j uifs eux-mêmes de les déclarer dès à présent habiles à parvenir à toutes les places, plus l'Assemblée doit prendre de soins à les y préparer (3). Ils sont hommes, ils doivent jouir des droits de l'homme; ils s'en rendront dignes si vous leur en décrétez l'espérance.
Les prophéties n'arrêtent pas mon opinion ; je croirais blasphémer l'Etre suprême, si je
disais quelajustice divine poursuit tous les descendants
Notre divin législateur qui nous enseignait la charité, c'est-à-dire la justice et l'amour entre nous; celui qui, en expirant sur la croix, priait pour les assassins, serait-il moins juste, serait-il moins charitable que nous ?
Cé n'est pas sa divine morale qui nous éloigne des juifs, ce ne sont pas les juifs qui ont commencé par s'éloigner de nous ; c'est'nous (et non Jésus-Christ), qui avons transféré au premier jour de la semaine le jour de repos auquel-le Créateur avait consacré le septième; c'est noué Cet non Jésus-Christ), qui avons changé le jour de Pâques avec ceux de toutes les autres fêtes mobiles; c'est nous, enfin, qui ne cessons de répéter des lectures et des prières pour entretenir le mur de séparation que les successeurs de saint Pierre ont élevé entre les juifs et nous.
Je ne dirai pas que les juifs d'Alsace sont ou ne sont pas aes juifs de Jérusalem, de ceux d'Alexandrie,ou de ceux d'une autre partie d'Asie ; je ne dirai pas qu'il y a eu des juifs en Europe avant notre rédemption.
Je n'ouvrirai pas les fastes des peuples qui ont admife les juifs chez eux. Je ne pourrais que répéter l'affligeante position de ceux d'Alsace. Je ne
Sourrais, Messieurs, que répéter ce que je ne cesse e répéter depuis que j'existe. Si on ne veut que les rendre malheureux, il ne faut ni les recevoir, ni les garder.'
Leur reftlsèr presque tous les moyens licites de subsister, c'est les forcer au crime; c'est les réduire aUplUs dur de tous les esclavages. . Le tableau de tous les règlements émanés de là cour' souveraine d'Alsace et: des bureaux du gouvernement, surtout depuis 1777", stir le régime des juifs fàitgéînir l'humanité. Les lettres patentés du 10 juillet 1784; rédigées, à là suite de longs débats, par le ministre et les chefs de la province, devaient améliorer le sort des juifs, préserver lès habitants d'Alsace de l'usure, et rétablir le calme dans cette province. Eh bien!' Messieurs, ces lettres patentes n'ont fait qu'ajouter à leurs maux, et font coUlér Mèn des; larmes.
Je ne dirai cependant pas qu'on ait eu Pihten-tetttion de livrer les juifs à là discrétion des bureaux et les chrétiens à celles de juifs.
Mais je dois dire que si, au lieu de tenir les juifs enchaînés dans l'avilissement, on se fût âp-pliqué à relever leur âme, on les aurait rendus meilleurs (t).
Mais , Messieurs, c'est à vous, c'est à. la raison et à la justice que ce triomphe est!réservé.
Vous forcerez les juifs à devenir meilleurs à devenir heureux;, si vous les/forcez à devenir là-borieux, utiles et honnêtes, si vous garantissez les autres citoyens de- L'usure.
Ainsi,Messieurs, faites unei loi qui rende l'usure impossible, qui efface successivement et
à jamais les préjugés qui nous éloignent des juifs, et qui
En conséquence, Messieurs, je prends la liberté de proposer à votre sagesse le règlement qui suit :
Art. 1er. Les juifs nés et domiciliés en France, et ceux qui y
naîtront par la suite, jouiront de tous les droits dont jouissent les autres citoyens
français, en en remplissant tous les devoirs et en se conformant à ce qui suit.
Art. 2. Ils contribueront à toutes les impositions et à toutes les charges, à l'instar des autres habitants, et continueront à payer les droits de protection usités.
Art. 3. Ils n'auront plus de rôle particulier, et ne pourront faire entre eux aucune levée particulière.
Art. 4. Ils ne feront plus de corps, ils n'auront plus de syndics ni agents particuliers.
Art. 5. Ils ne pourront plus former en nom collectif aucune demande, donner aucune procuration, prendre aucune délibération* faire aucune acquisition, ni aucun acte quelconque.
Art. 6. Us n'auront plus de juges ni d'officiers de justice contentieuse, volontaire, de police ou d'administration, de notàires ou greffiers, autres que ceux nommés en exécution de la loi.
Art. 7. Tous leurs contrats, testaments, inventaires, partages et autres actes, seront passés en langue vulgaire, par-devant les officiers désignés par la loi»
Art. 8. Les juifs ne pourront, quant à présent, contracter avec les chétiens, autrement que pour argent comptant, sous peine de nullité de tous contrats ou actes obligatoires, excepté les billets de commerce entre négociants. Et les juifs ne pourront se rendre concessionnaires de créances de chrétiens sur des chétiens.
Art. 9. Les juifs ne pourront, quant à présent, se marier ni se domicilier en France que sur la permission des Etats provinciaux, laquelle permission sera gratuite ; mais èlle ne pourra être accordée que dans les cas* oi-après réglés.
Art. 10. Le nombre des ménages juifs établis dans un endroit, ne pourra, quant à présent, excéder le sixième des autres religions.
Art. 11. La permission de se marier et dei demeurer en France, ne pourra, quant à présent, être accordée à aucun juif qui n exercera pas un métier, et qui, dans les. villes, bourgs et villages} de la campagne, ne possédera pas en même temps propriétairement, et ne cultivera pas lui-mêihe au moins un arpent de terre : à aucun qui n'exercera pas de métier, s'il n'est pas propriétaire, et s'il ne cultive pas, lui-même, au moins quatre, arpents de terre et un arpent de pré; et à aucun dont la prétendue ne saura pas, au moins, coudre en linge, tricoter, filer le lin, le chanvre, le coton et la laine.
Art. 12. Ils pourront acquérir des biens-fonds, à condition qu'il les cultiveront eux-mêmes, et qu'ilsne pourront jamais les louer à. des chrétiens.
Art. 13. Ils pourront exercer tous les métierS)(il^
Art. 14. Aucun citoyen français ne pourra s'o-
Art. 15. Les négociants ne sont pas soumis à la disposition de l'article 14, pour les billets de change et lés actes qu'ils passent entre eux pour les marchandises dont ils se mêlent.
Art. 16. Il sera fait des règlements particuliers concernant les juifs nés hors du royaume.
Art. 17. li en sera fait pour constater les naissance, les mariages et les morts des juifs.
Voilà, Messieurs, le décret que je crois propre à remplir le double but que vous vous proposez : d'extirper l'usure et de rendre également heureux tous les individus qui naissent et qui habitent dans l'empire français.
11 est aussi de votre sagesse et de votre justice d'assurer aux Français, que le commerce ou d'autres affaires attirent dansdesEtats du Grand-Seigneur, ou d'autres princes mahométans, liberté, tranquillité et sûreté pour leurs personnes et leurs biens ; pour lequel effet je vous prie, Messieurs, de rendre un décret particulier qui assure à tous les mahométans, et spécialement aux sujets de la Sublime-Porte, tous les droits de cité en France, de supplier le Roi de sanctionner promptement cé décret, et de le faire passer le plus tôt possible en Turquie, où tous les Francs sont exposés à de grands dangers depuis la perte de Belgrade.
Vous ne ferez par là, que renouveler une convention faite, il y a plus d'un siècle, entre Louis XIV et les Turcs,
Je prends la liberté de vous présenter le projet de ce décret :
« L'Assemblée nationale, considérant la bonne intelligence et l'amitié qui subsistent depuis plus d'un siècle entre la France et la Sublime-Porte, et désirant en perpétuer la durée, a décrété et décrète que tous les mahométans, notamment les sujets del'empereur turc, tant en Europe que dans d'autres parties du monde, jouiront, dans tout l'empire des Français, de tous les droits, honneurs et avantages dont jouissent les citoyens Français,»
, député de Col-
Assuré qu'on se rend digne de votre estime en accomplissant courageusement ses devoirs; je repousse loin de moi la crainte de l'espèce de défaveur qui semble attachée à. l'opinion que je vais soutenir : fidèle aux ordres de mes commettants, organe du vœu de toute ma province, je vais vous soumettre l'article de mes cahiers! qui traoe invariablement ma conduite (art. 19).
Je n'ai pas besoin de vous faire observer, Messieurs, combien ces expressions sont précises dans leur rigueur-; elles prouvent que les vexations des juifs d'Alsace sont si avérées, qu'il semble inutile de les rappeler en détail : enfin elles indiquent le besoin d'un règlement sévère, propre à corriger les abus et à affranchir le peuple alsacien d'un des impôts indirects le plus onéreux, qui pèse sur lui, celui qui résulte du prêt usu-raire des juifs.
Apres vous avoir présenté cette analyse sévère des intentions de mes commettants, je dois, sans doute, ne pas perdre de vue combien les circonstances sont changées depuis onze mois; je dois, en vous rappelant vosiglorieujx travaux, en bénissant leur puissante influence sur toutes les parties de l'empire,- considérer jusqu'à quel point la déclaration des droits de l'homme et du citoyen justifie les prétentions que les juifs, témoignent dans ce moment.
Cette glorieuse préface de notre constitutions si je puis m'exprimer ainsi, cette déclaration des droits si étendue dans ses conséquences, parce qu'elle contient les principes les plus généreux, les plus vrais ; cette déclaration des droits a reçu* il y a quelques jours, dans cette Assemblée, une prudente interprétation; et je crois qu'au moins pour les départements du Haut et Bas-Rhin, la circonstance présente est telle qu'elle exige aussi une sage réserve, une sorte de lenteur même dans le désir de faire le bien. r.
Ici je supplie tous ceux qui m'écoutent, de vouloir bien se pénétrer de l'idée que mon intention est de me borner à envisager la question sous le rapport;particulier des juifs d'Alsace; afin que s'il m'échappait quelques expressions dont l'application parût être générale, cette erreur involontaire ne pût être regardée comme la suite d'un projet formé de nuire à la cause de la totalité des juifs établisdans le royaume. Un devoir m'est imposé?; je prétends le remplir : voilà ma profession de foi; voilà pourquoi j'ai demandé la parole.
Revenant donc à la question particulière, je crois pouvoir soutenir que s'il existe dans
quelque partie de la France, une sorte d'habitants» passagers, où plutôt de cosmopolites, qui
n'ont jamais joui, qui n'ont même jamais prétendus au titre de citoyen Français; auxquels il
pourrait être dangereux de l'accorder .sans précaution, et qu'il est néanmoins utile de
détourner d'un genre de commerce aussi nuisible à la société, qu'il est
Or, Messieurs, il est facile de démontrer que les juifs établis ou plutôt tolérés dans les provinces des Trois-Evêchês et surtout d'Alsace justifient à la lettre toutes les assertions que je viens d'avancer, en lès désignant sous -le nom de cpsmo-polites et d'habitants passagers. Leur religion, leurs usages, la superstition de l'espérance qui leur fait attendre continuellement, avec le Messie, une gloire et une puissance supérieure à celle de tous les autres peuples du monde, toutes ces circonstances concourent à les rendre, de leur aveu même, essentiellement étrangers aux pays qu'ils babittent. 11 se marient toujours entre eux, ils vivent d'une façon qui leur est particulière, enfin ils ne se confondent d'aucune manière avec les habitants des lieux où ils sont établis depuis plusieurs générations. Quoiqu'on en puisse dire, il est incontestable que, même dans les plus petits villages, ils sont réunis en corps de nation; et cette existence politique d'une nation dans une autre nation, est certainement aussi dangereuse par ses conséquences, qu'elle est antisociale par ses principes.
' Après cet aperçu général, je vais me livrer à quelques détails particuliers aux juifs d'Alsace, et je prendrai ensuite la liberté de vous présenter, Messieurs, un moyen que je crois approprié aux circonstances, et susceptible de concilier ce que vous devez aux principes que vous avez consacrés, et ce que la prudence semble prescrire dans cette occasion. Les juifs tolérés ou établis en Alsace se montent à peu près au nombre de 26,000. Us n'étaient pas plus de 9 à 10,000 dans un recensement qui en fut fait il y a quinze ans. Cet accroissement énorme de population est remarquable ; il tient à plusieurs causes ; mais il suffit d'examiner ses effets ultérieurs, pour se convaincre que la province est menacée d'être, pour ainsi dire, envahie par cette colonie juive qui se multiplie chaque jour. La conformité de langage en attire journellement d'Allemagne; et si, comme il n'y a pas lien d'en douter, ils sont affranchis des droits de protection qu'ils payaient, tant au gouvernement qu'aux seigneurs, pour obtenir la permission de s établir et d'habiter dans la province, les émigrations d'Allemagne seront encore plus nombreuses en raison de cette franchise, et fe peuple alsacien en sera d'autant plus vexé; car il faut convenir que les règlements mêmes en vertu desquels les juifs sont tolérés en Alsace, ne leur présentant d'autre moyen de subsistance, d'autre genre d'industrie que le commerce de l'argent, on peut regarder leur existence actuelle comme un grand malheur pour cette province, et comme un des abus auxquels il est le plus instant d'apporter un remède efficace, ainsi que le porte mon cahier. Il suit de ce premier exposé, que les juifs d'Alsace ayant, par une cumulation de prêts et d'intérêts, ruiné beaucoup de propriétaires et d'agriculteurs, et demeurant encore dans ce moment créanciers pour des sommes énormes d'un grand nombre de citoyens d'Alsace, ils sont malheureusement regardés, par le peuple comme des ennemis naturels, vis-à-vis desquels les violences sont permises.
Leur oisiveté, leur peu de délicatesse, suite
nécessaire des lois et conditions humiliantes auxquelles ils sont assujettis dans beaucoup d'endroits, tout concourt à les rendre odieux ; et j'ose assurer l'Assemblée, que si les juifs obtenaient le titre et les droits ae citoyen, sans que ces avantages fussent soumis à l'accomplissement de quelque condition d'utMité publique, et à quelque réserve au moins momentanée, il serait bien à craindre que Ja haine du peuple, excitée par ce décret, ne le portât à des excès funestes contre une grande partie de ces malheureux juifs.
L'intérêt qu'auraient les débiteurs de s'acquitter de cette manière cruelle, ajoute encore une malheureuse vraisemblance à cette opinion, à l'appui de laquelle j'invoque le témoignage de tous les députés d'Alsace.
j'en conclus qu'il est de l'intérêt même des juifs d'Alsace, de ne pas obtenir le titre et les droits de citoyen, sans une sorte de préparation dans l'esprit du peuple, que le temps seul peut amener.
J'observe, en second lieu, que la qualité de citoyen ne semble devoir être accordée qu'à des individus dont la société retire journellement des avantages, et je viens de prouver que les juifs en Alsace sont dans une situation absolument contraire, puisqu'il est vrai de dire que leur occupation continuelle, leur industrie journalière, est absolument concentrée dans le commerce usuraire de l'argent, et que les lois mêmes leur interdisent tous les autres.
Que faut-il donc faire dans une pareille position? Le voici, à ce qu'il me semble, et je suis assuré qu'au moins pour l'Alsace, aucun partie ne serait plus prudent :
1° Abroger tous les règlements qui s'opposant à ce que les juifs puissent s'abandonner à toute espèce de profession utile qui leur défendent d'acquérir des propriétés et de tourner leur industrie vers l'agriculture, en faisant valoir soit pour leur propre compte, soit en qualité de fermiers ;
2° De déterminer un certain nombre d'années de noviciat ou d'épreuve, après lequel les juifs, en justifiant par le témoignage des habitants du canton dans lequel ils se seront établis, et par celui de leur municipalité, qu'ils se sont adonnés à tel commerce utile, à telle profession estimable; qu'ils ont renoncé à l'usure, et que leurs enfants sont élevés dans ces principes régénérateurs, ils pourront être, non pas collectivement, mais individuellement inscrits sur le tableau civique, admis à prêter le serment, et entrer en jouissance de toutes les prérogatives de citoyen français ;
3° De prononcer que ceux des juifs qui, dans le délai prescrit pour cette espèce de conversion sociale, n'auront point renoncé à leurs habitudes usuraires, et n'auront embrassé aucune profession utile, seront exclus de droit au moins de la province, comme très-nuisibles à la société ;
4° Que dès ce moment, les juifs établis en Alsace ; sont mis sous la protection spéciale des lois, et qu'il ne sera permis à personne de les inquiéter de quelque manière que ce soit;
5° Qu'il soit donné un terme de dix ans, au moins, aux particuliers débiteurs envers les juifs, pour s'acquitter à l'amiable vis-à-vis d'eux, sans qu'il soit permis aux juifs, de faire saisir et discuter les biens de ceux de leurs débiteurs qu'ils acquitteront exactement les intérêts des sommes qu'ils devront.
Tel est, Messieurs, l'exposé succinct des con-
ditions qu'il'me paraîtrait aussi juste que prudent, de faire avec les juifs* d'Alsace. Je ne doute pas qu'ils ne les acceptassent avec reconnaissance, et je suis même bien assuré qu'au moment où ils sont venus réclamer la justice de l'Assemblée nationale leurs prétentions étaient fort au-dessous de ce que j'ai eu l'honneur de vous proposer de leur accorder.
représente combien la prévention contre les juifs est profonde, ce qui la rend presque incurable ; que si l'Assemblée nationale frondait trop ouvertement ce préjugé par un décret, il ne répond pas des suites dans sa province (Alsace) ; que leur conduite dans tous les temps a laissé des traces de haine tellement empreintes dans les esprits, qu'il serait imprudent d'accorder, au moins quant à présent, aux juifs les mêmes droits dont jouissent les autres citoyens.
prend la parole, et s'appuie sur la déclaration des droits de l'homme, d'après laquelle il soutient qu'un citoyen ne pouvait être exclu à raison ae sa croyance ou de sa profession; que cependant, si l'Assemblée jugé dans sa sagesse dévoir prônoncer à cet égard, il pense qu'elle doit ne se permettre dénonciations particulières qu'en faveur des protestants.
, évêque de Clermont, fait remarquer que la majeure partie de l'Assemblée a manifesté qu'elle n'a aucune répugnance à accorder aux protestants tous les droits des autres citoyenst mais'qu'elle ne montre pas la même disposition en faveur des juifs et des comédiens ; en conséquence, il propose de diviser la question.
Des débats s'élèvent sur la manière de la poser. Celle de M. Brunet de la Tuque semblait avoir, par le décret prononcé la veille, acquis la priorité sur celle de M. Duport; cependant une multitude d'amendements se présentaient; M. de la Galissonnière voulait surtout qu'on ajoutât à l'expression de non-catholiques, celle de chrétiens.
La question sur les juifs doit être ajournée, et j'ai de fortes raisons pour le penser. Peut-être les juifs ne voudraient pas des emplois civils et militaires que vous les déclareriez capables de posséder, et sans doute alors votre décret serait une générosité mal entendue. Il faut, avant de prononcer sur ce peuple longtemps malheureux, savoir de lui ce qu'il veut être, à quel prix il veut obtenir sa liberté, et enfin, s'il est digne de la recevoir.
Mais, Messieurs, il n'en est pas ainsi des comédiens; ils sont Français, ils sont citoyens, ils sont hommes, ils travaillent autant que nous à la régénération des mœurs, en donnant aux peuples des plaisirs doux, une morale encore plus douce ; je ne connais point de lois qui aient déclaré les comédiens infâmes; ils sont flétris par le préjugé, et ce préjugé qui les flétrit fut l'enfant de l'ignorance et de la superstition; mais le règne de la superstition est passé, et sans doute vous ne pensez pas que les lois que vous faites doivent être plus sévères que celles qui régnaient déjà.
A Rome même, ceux qui condamnent les comédiens vivent avec eux, et souvent dans une intime familiarité. Cette familiarité n'existerait
pas , si les comédiens avaient été reconnus infâmes. Et ne seraitrGe pas les frapper du cachet de l'infamie, que leur refuser les droits de citoyen ? Le Français a besoin déplaisirs, il est juste qu'il puisse estimer ceux qui font ses plaisirs. Diriez-vous à vos compatriotes ce que disait aux siens le citoyen de Genève ,:r;;
« N'élevez jamais de théâtres dans vos murs, vous feriez un premier pas dans la corruption. Qu'avez-vous besoin des; plaisirs qu'ils vous offriraient ? N'avez-vous pas vos femmes et vos enfants?: » 1
Eh! Messieurs, peut-on s'exprimer ainsi dans notre monarchie,, où déjà les spectacles sont établis, où depuis longtemps ils sont aimés?, Peut-être un jour devrez-vous détruire, ces petits théâtres, trop nombreux à Paris, qui rapproché le peuple ae là ;corruption en l'éloi-, gnant des ateliers publics. . Cette .destruction et votre décret feront J des. théâtres français ; des écoles utiles, où nous nous instruirons d'autant mieux que nous en estimerons;les auteurs et les acteurs. > ,
Je propose deux amendements à la motion, et les voici : q
1° Sans entendre rien préjuger sur les» juifs, sur le sort desquels l'Assemblée se propose de statuer ;
2° Ët au surplus, sans qu'aucun citoyen puisse être éloigné.des emplois civils et militaires, par d'autres motifs que par ceux déjà déterminés dans les précédents décrets de l'Assemblée, sanctionnés par le Roi.
Ge discours obtient les plus grands applaudissements.
Tous les membres de cette Assemblée semblent avoir pris pour guide, dans leurs différentes opinions, l'auteur immortel du Contrat social. Mais, Messieurs, Rousseau n'est pas tout entier dans ce livre, on le retrouve encore dans ses autres ouvrages. Lisez sa lettre sur les spectacles, et ne prononcez pas avant de l'avoir lue et méditée sur la question qui vous occupe ; vous y verrez ce qu'il pense des comédiens, et peut-être alors sen tirez-vous que vous ne devez pas leur accorder le droit de siéger dans vos assemblées administratives.
Messieurs, plus M. de Beaumetz a obtenu et mérité de succès pour le discours qu'il vient de prononcer, plus on doit être sévère à son égard.
Ce n'est pas sans étonnement que j'ai-entendu cet orateur estimable vous dire que les juifs ne voudraient peut-être pas des emplois civils et militaires auxquels vous les déclareriez admissibles, et conclure de là très spécieusement que ce serait de votre part une générosité gratuite et malentendue, que de prononcer leur aptitude à ces emplois.
Eh ! Messieurs, serait-ce parce que les juifs ne voudraient pas être citoyens, que vous ne les déclareriez pas citoyens? Dans un gouvernement comme celui que vous élevez, il faut que tous les hommes soient hommes; il faut bannijr de votre sein ceux qui ne le sont oas, ou qui refuseraient de le devenir.
Mais la requête que les juifs viennent de faire remettre à cette Assemblée prouve contre l'assertion du préopinant. (Ici l'orateur lit une phrase de cette requête, dans laquelle les juifs expriment fortement le vœu d'être déclarés citoyens.) — Je conclus de ce que je viens de lire, qu'il
faut ajourner la question sur les juifs, parce qu'elle n'est pas assez éclaircie, mais que je n'en ai pas moins dû chercher à détruire les impressions que le préopinant aurait pu faire naîtra contre ce peuple, moins coupable qu'infortuné.
Je passe au second objet. — Non-seulement il n'existe pas de loi qui ait déclaré les comédiens infâmes ; mais les Etats généraux, tenus à Orléans, ont dit, article 4 de leur ordonnance, presque ces mots, mais c'est certainement leur véritable sens : quand les comédiens auront épuré leurs théâtres (et alors la scène était occupée de ces miésrables farces qu'on s'honore d'avoir oubliées), on s'occupera de déterminer ce qu'ils doivent être dans l'ordre civil d'où ils ne paraissent pas devoir être rejetés pour eux-mêmes. Aujourd'hui même. Messieurs, il est des provinces françaises qui déjà ont secoué le préjugé que nous devons abolir ; et la preuve èn est que les pouvoirs d'un de nos collègues, député de Metz, sont signés de deux comédiens. Il serait donc absurde, impolitique même, de refuser aux comédiens le titre de citoyens que la nation leur défère avant nous, et auquel ils ont d'autant plus de droits qu'il est peut-être vrai qu'ils n'ont jamais mérité d'en être dépouillés.
demande la pa-
rôle.— On veut de toutes parts que la discussion soit fermée. — On va au voix sur les amendements de M. firiois de Beaumetz. Ils sont adoptés le décret en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète : 1° Que les non catholiques, qui auront d'ailleurs rempli toutes les conditions prescrites dans ses précédents décrets pour être électeurs et éligibles, pourront être éltis dans tous les degrés d'administration, sans exception ;
« 2° Que les non catholiques sont capables de tous les emplois civils et militaires, comme les autres citoyens ;
« Sans entendre rien préjuger relativement aux juifs, sur l'état desquels l'Assemblée nationale se réserve de prononcer.
« Ail surplus, il ne pourra être opposé à l'éligibilité d'aucun citoyen, d'autres motifs d'exclusion que ceux qui résultent des décrets constitutionnels.
« Arrête que le président se retirera par devers le Roi pour présenter le présent décret à son acceptation. »
lève la séance,après l'avoir renvoyée à ce soir six heures.
FIN DU TOME X.
Pierre-le-Moutier. Parle sur la banque nationale (p. 160), (p. 679), (p. 681).
— Parle sur les municipalités (t. X, p. 355).
— Fait, avec son collègue Salomon de la Saugerie, un rapport sur les bureaux de l'administration de l'Assemblée nationale (p. 362). — Parle sur la conversion de la caisse d'escompte en banque nationale (p. 386 et suiv.), — sur un incident soulevé par Duport (p. 668), — sur la banque nationale (p. 680), (p. 681).
Assemblée nationale. Le président Camus est remplacé par Thouret (12 novembre 1789, t. X, p. 1);—adresses des communes d'Alais et de Pontieux en Bretagne (ibid.); — délibération du conseil permanent de la ville d'Auch (ibid. et p. suiv.); — adresse de la commune de la ville du Palais à Belle-Ile-en-mer (ibid., p. 2) ; — délibération des officiers municipaux et habitants de la ville de Die en Dauphiné (ibid.);
— adresse des habitauts de la paroisse de Contigny en Auvergne (ibid.);—délibération du conseil permanent de la ville d'Auch (ibid.);—adresse des religieux dominicains de la ville de Caen, de l'armée nationale de la ville de Bordeaux, du bourg de Cosne dans la Lorraine Ardennoise, de la ville de Saint-Amand en Flandre, de La Ferté près Nevers (ibid.); — délibérations du comité permanent de la ville de Montélimart, des habitants de la baronnie de Serves, des officiers municipaux et habitants du bourg du Péage de Pi-sançon et du corps municipal de la ville de Lannion en Bretagne (ibid.) ; — adresse des dominicains de la rue du Bac (ibid. et p. suiv,). —Adresses de la ville d'Arzacq en Chalosse et du comité général et permanent de la ville de Vire (13 novembre, p. 42); —délibération du comité permanent de la ville de Lec-toure (ibid.); — adresses du comité permanent de la ville de Coutances, du comité municipal de la ville d'Argentan et du comité permanent de la ville de Confolens (ibid.); — procès-verbal de prestation de serment de la milice nationale de Montpellier (ibid.);
— délibérations de la ville de Saint-Hippolyte en Languedoc et de la ville et communauté de Malestroit
en Bretagne (ibid.); — hommages des officiers du bailliage de Saint-Paul-Trois-Châteaux en Dauphiné (ibid.); — réclamations du clergé du bailliage de Douay et Orchies contre la vente des biens du clergé (ibid.); — admission de deux suppléants, Devron et Pilastre (ibid.); — dons patriotiques des soldats de la milice parisienne du district des Jacobins, de Saint-Honoré et des commis des fermes (ibid.). — Délibérations et adresses des villes, bourgs, communes et communautés de Méracq, de Souprosse, de Sainte-Croix, de Fichous et de Damoulens en la sénéchaussée de Saint-Sever de Guyenne, de Boiscommun en Gâtinais, de Saint-André en Dauphiné, de Bourga-neuf, de Rochechouart en Haut-Poitou, de Chatelle-rault, de Vatan, de Saint-Georges, de Boscherville, de Gap, Loriol, Livron et du Buis en Dauphiné, d'Aunis, de Pont-à-Mousson et de l'abbé Batdébat, prébendé de l'église cathédrale de la ville d'Acq (14 novembre, p. 54 et suiv.).— Brunet de Laluque propose de tenir trois séances du soir par semaine (ibid., p. 65) ; — adoption (ibid ).— Adresses et délibérations des villes et communes de Longuy en Perche, de Merdrignac, d'Evaux, du Mans, d'Issoire, de Saumur et de Pau (16 novembre, p. 66) ; — adresse de six religieux bénédictins de Bretagne (ibid.). — Nouvelles décisions concernant les séances, (voir Séances). — Adresses et délibérations des villes et communes de Grand-Pré, de Saint-Laurent-du-Pont en Dauphiné, de Salies en Comminges, de Romorantin, de plusieurs villes et communes d'Auvergne, de Borten Limousin, d'Altillac, de Beaulieu, de Camps, de Cros, de Gerzat, de Gignat, de La Bassette, d'Ides, de Lanobre, de Laume-Grand, de Luzillat, de Madic, de Maillat, de Marchai, de Maurs, de Pléaux, de Pradelles, de Roches-Charles, de Saint-Cirq, de Saint-Martin-des-Plaines, de Sailhan, de Salsigne, de Sauvat, de Singles, de Trémouille-Marchal, de Trizac, de Vebret et de Viales (17 novembre, p. 75 et suiv.); — adresse des religieux dominicains de la maison du noviciat général à Paris (ibid., p. 76) ; — délibération des habitants de la communauté de Sutrieu en Valromey (ibid.) ; — lettre du sieur Eustache, maître en chirurgie à Béziers (ibid.).
— Don patriotique des sœurs de l'Union chrétienne de la ville de Caen (17 novembre, p. 82), — députa-tion de la commune de Paris (ibid. et p. suiv.). — Adresses, arrêtés et délibérations des villes de Rions et Capian, sénéchaussée de Castelmorou d'Albret, de Saint-Haon-Ie-Chatel en Forez, de Montpellier, de Pau, de Montpensier à Aigueperse, de Gournay en Brie, de Valence en Agenais, de Ballon, de Nangis en Brie et de Crest en Dauphiné (18 novembre, p. 87);
— dons patriotiques de Jamon, conseiller et procureur du Roi et du citoyen Boudet Labombardière (ibid.). — Adresses des villes, bourgs et communes d'Epernon, d'Aigueperse, de Carillon en Couserans, de Barraux en Dauphiné, de Châleau-Renard en Provence, de Louviers, de Cambremer, de Crèvecœur, de Beuvron, de Bonnebosq, da Lyon et de Bourbon-l'Archambaud (19 novembre, p. 114 et suiv.). •— Adresses, délibérations des villes, communes et c6n-grégations de Cusset, de Nîmes, de Saint-Calais (Bas-Vendômois), de Saint-Florent-le-Vieil, de Flavigny en Bourgogne, d'Ossan, de Caumont en Lomagne, de Grisolles (Haut-Languedoc), de Saint-Bonnet-de-Ga-laure, Châteauneuf, Ratière et Saint-Avit en Dauphiné, de Rouen et de Dieppe (20 novembre, p. 128 et suiv.);
— députation de la ville d'Issoudun en Berry, apportant des dons nationaux (ibid., p. 129 et suiv.); — d'Ailly donne ses boucles d'argent et invite ses collègues à agir de même (ibid., p. 130) ; — l'Assemblée accueille la proposition par acclamatiou et décide que ses membres porteront des boucles de cuivre (ibid.).
— Adresses des habitants de Guerlesquin en Bretagne, de la baronnie de Montignac et des villes de Cuiseaux, de Lavalette, de Darney, de Dôlé, de Dijon, dePont-de-Veaux en Bresse et d'Orthez (21 novembre, p. 158).
— Adresses des religieux de l'abbaye de Saint-Winoc, du curé de Digne, des villes et communautés de Fault, de Navailles, Horsarien, Louvigny, Lonçôn et Cabidos de la sénéchaussée de Saint-Sever, de Moy-rans, en Franche-Comté, de Troyes, de Chaumont-en-Vexin, d'Agen, de Lauterbourg, de Péronne, de Noyon, de Marseille, de Guer en Dauphiné, de Saint-Ram-bert en Bugey, de Charolles, de Gannat et de Hague-
neau (23 novembre, p. 223 et suiv. — Dêputation des actionnaires de la caisse d'escompte admise à la barre (23 novembre, p. 227 et suiv.). — Adresses des villes et communautés suivantes :Montpellier,Romans en Dauphiné , Bricquehec, Moulins, Avallon en Bourgogne, Barbezieux, Vandœuvre, Le Luc en Provence, Saint-Briey en Lorraine, Saint Georges-Dorival-sur-Seine en Normandie, Périgueux, Bordeaux, Montélimart. Saint-Pierre-le-Moutler, Soissons, Saint-Pierre-de-Mortereau en Bourgogne, Saint-Nicolas-sous-Ribemont, Saint-Gilbert-des-Bois, Douai, Morlaix et Langres (24 novembre, p. 246 et suiv.) — Adresse de la ville de Landau (ibid., p. 250). — L'Assemblée décrète l'impression, du tableau d'enregistrement de ses décrets (24 novembre, p. 252) ; — adresses et délibérations des communautés et villes suivantes : Bournot, Viven, Angad, Domy, Meillon, Loos et Aubin en Béarn ; Cosne-sur-Loire ; Landivi-siau en Bretagne ; Saint-Girons et Oust en Couserans : Sainte-Menebould ; Cuisy en Argonne ; Aubert, en Auvergne ; Yilleneuve-de-Bergen en Yivarais ; Ville-neuve-la-Guyard, du bailliage de Melun ; Poil-Laval, en Dauphiné ; Arches et Charlevilie (ibid.) ; — Camus fait observer au président qu'il n'a besoin ni de se faire annoncer chez le Roi ni de lui demander audience (ibid.). — Adresses et délibérations des villes et communautés suivantes : Forcalquier, Colniars, Aunot et Moustier en Provence, Châtillon-sur-Loing, Vitry-le-Français, Saint-Maixent, Luçon, Monchamps et Brus en Poitou, Donnemary, Nantes, le Trésor , Chaumont en Vexin, Cloisson en bas Languedoc, Lyon (26 novembre, p. 258 et suiv.). — Adresses des villes suivantes : Mesle-sur-Sarthe, Luxeuil, Uzès, Thenon en Périgord, Guerlesquin en Bretagne, Poli-gny en Franche-Comté, Beaujeu, Manosque,'Apt, An-duze, Amboise et Lille-en-Flandre (27 novembre, p. 267). — Don patriotique du comité de Dieppe (28 novembre, p. 320) ; — adresses des communautés et villes suivantes : Argelès, Auriac, Usin, Caubios, Gelos, Sauveterre en Béarn, Crépy-en-Yalois, La Ferlé-sur-Aube, Sancoins en Berry, Pau, Toulouse, Furgères en Aunis, Béziers, Lodève, Donjon en Bourbonnais, Aubigny en Berry,Lauzerte en Quercy, Né-rac, Lorris, Grignan, Saint-Jean-de-Gardonnenque, en Languedoc, Troyes (ibid. et p. suiv.). — Dêputation du bataillon de Saint Roeh, ayant à sa tête le commandant Harron, vient o(frir un don patriotique (ibid., p. 325).— Guillotin transmet un don patriotique des maîtres chandeliers de Paris (ibid.). — Adresses des villes, bourgs et communautés suivants : Mâçon en Bourgogne, les Gardes en Anjou, Châ-teau-Renardon en Gâtinais, les Riceys, Moulins, Château-Thierry, les Essarts en bas Poitou, Antibes «n Provence, Gua en Dauphiné, Vendôme et Angers (30 novembre, p. 335). — Don patriotique de la ville de Josselin en Bretagne (ibid.).—Adresses des villes et communautés suivantes : Mortemart en Limousin, Gaujac, Cœpenne, Morrin, Castaudet, la Mainsans, Claussun, Aurice, Leleuy, Lourquen, Peyre, Poyaller, Saint-Aubin, Pimbo, Coublucq, Cannes, Montaud, Baigts, Puyol, Audignon, Bastenne,la Cadie, Castel-•arrasin, Mugron, la Motte, Montpellier, Saint-Hippo-lyte en Languedoc, Frontignan, Vierzon-Saint-Pierre, Gauche, Sumère, Avallerangue, Duvigau, Borre, Sainl-Jean de Gardonnenque, Anduze, Mèlz,Pamiers, Sarre-guemine, Laverdens, Riduer en Quercy, Cahors, Gan, Bizanoset Libourne (1er décembre, p. 342 et suiv.). — Adresses des villes et communautés suivantes : Saint-Pré de Generets, Saint-Sever de Rustau, Espa-lion en Auvergne, Saint-Jean-d'Angély, Vienne en Dauphiné, Vouziers en Champagne, Nîmes, Civray , Soissons, Saint-Clar en Lomagne, Saint-Haon-le-Cha-tel en Forez, Saint-Chamond en Lyonnais, Châlus en Limousin, Cailus en Quercy, Mirabelle en Quercy, Châtillon-sur-Marne en Champagne, Argillères en Bourgogne, Cherbourg, Rambervillers, Sainte-Suzanne et Rebais en Brie (2 décembre, p. 353 et suiv.). — Adresses des villes et communautés suivantes : Bol-bec, Rambervillers, Etampes , Montauban , Adge , Châteauneuf, Mazène en Dauphiné, Usson en Auvergne, Montreuil-sur-Mer, Blois, Bizanos, Arliquelouve, Nay en Béarn, la Sablonnière en Brie et Chalais en Sain-tonge (3 décembre, p. 358). — Don patriotique delà ville de Strasbourg (ibid.). — Adresses des communes et villes suivantes : Saint-Sever en Gascogne,
Audierne en Bretagne, Reims, Bagnères de Bigorre, Ambezieux en Bugey, Libourne, Bourbon-Lancy , Bocdarros en Béarn, Nontron en Périgord , Carentan en Normandie, Anduze en Languedoc , Dijon (4 décembre, p. 364). —Adresses des villes et communes de Saint-Malo, Embrun en Dauphiné, Soissons , Neu-vy-Roi en Touraine, Lorgues en Provence, Saint-André en Roussillon, Cette en Languedoc, Couches en Bourgogne, Cherbourg, Belle-Isle-en-Mer, Cler-mont en Beauvoisis, Vertus en Bourgogne, Rumigny en Champagne, Annonay, Tournon, Saint-Maime en Provence etMontluçon (5 déc ,p. 390 et suiv.).—Adresses des villes et communautés suivantes :Bernay en Normandie, Lagnieu en Bugey, Bar-le-Duc, Lahaycourt, Saint-Malo, Lesneven, Montrichard, Ainay-le-Chàteau en Bourbonnais, Saintes, Pont-l'Evêque, Lille,-Saint-Quentin, Sisteron, Soissons, Thouars en Poitou, Bour-bonne-les-Bains, Mesle en Poitou et Nîmes (7 décembre, p.410 et suiv.); — dons patriotiques (ibid., p. 415). — Adresses des villes et communautés suivantes : Vatan en Berry, Yvetot en Normandie, Cannes en Languedoc, Calvinet en Auvergne, Saint-Maxent en Poitou, Alby en Languedoc, Quimper en Bretagne^ Falaise en Normandie, Strasbourg, Eauze en Armagnac , Romans en Dauphiné, Châteauneuf-sur-Isère, Nangis, Montpellier, Mâcon, Carcassonne en Languedoc, Valence, le Mur de Barrés en Rouergue (8 décembre, p. 423 et suiv.); — dons patriotiques (ibidp. 425). — Adresses des villes et communautés suivantes : Josselin, Lesneven, Quimper, Senlis, Argentan, Clermont-Lodèvc, Lyon, Tulle, Dame-Marie-Leslys,Melun (9 décembre, p. 455).— Adresses des villes, bourgs et communautés suivants : Ariane, Saint-Pierre-le-Moutier, Saint-Véran en Maçonnais, Carhaix, le Perroi en Nivernais,'Reims, le Vigan en Languedoc, Maurs en Auvergne, La Salle en Languedoc, Joncquières et Saint-Vincent, Castelnau de Montralier, Auxerre, Castres, Vieillevigne, le Faouet en Bretagne, Château-Thierry et Sainte-Menehould (10 décembre, p.491 et suiv.) ; — dons patriotiques (ibid.); — adresse de Crépy-en-Valois (ibid., p. 498). — Adresses des villes et communautés suivantes : Saint-Gironx en Couserans, Bagé en Bresse, Beaumarchez, Lahas, Montiron en Languedoc, Huningue, Castellane, Mur de-Barrez, Montaut-Lassun, Maxilly-sur-Saône, Lon-champ, Salers en Auvergne, Arcis-sur-Aube, Beau gency en Orléanais, Charlieu, Amiens, Grateloup, Sauvetat-de-Caumont, Sarreguemines, Montendre, Thil-Châtel, Saint-Germain-Lambron (11 décembre, p. 500 et suiv.); — dons patriotiques (ibid.,p. 504).— Adresses des villes et communautés suivantes : Saint-André de Valborgne, Saint Flour, Saint-Loup en Poitou, Amiens, Oloron, Bruges en Béarn, Tusson, Saint-Michel-en-l'Hermite (12 décembre, p. 515); — dons patriotiques (ibid. p. 526) ;' — adresses des villes et communautés de Cunfin en Champagne, Longwy, Tréport, Til-Chatel, Moisson (ibid.). — Adresses des villes et communautés suivantes : Mont-de-Marsan, la Ferté-Milon,' Nogent-sur-Seine, Salies en Béarn, Saint-Nicolas de la Grave, Vannes, Grand-Pré, Beaujeu, Néelle, Bellegarde, Château-Cambrésis, Suze, Château-Vilain, Quinsonnas, Angoulême, Couches, Questem-berg, Dauphiné et Vivarais, Craon, Altkirch, Champagne (14 décembre, p. 562 et suiv.). — Dons patriotiques (14 décembre, p. 572). — Adresses des villes et communautés suivantes : Thoissey en Dombes, Saint-Chamond en Lyonnais, Barétons en Béarn, Annonay, Saint-Vincent-de-Boisset en Beaujolais, Bellicourt, Gournay", Chaumont en Bassigny, Soncourt, Marville en Verdunois, Grenade-sur-Garonne, Jallet en Mauges, Rodez, Argentan en Normandie, Pont-à-Mousson, Saint-Omer et Besançon (15 décembre, p. 573 et suiv.). — Adresses des villes et communautés suivantes : Carcassonne, Tarbes, Begole en Bigorre, Coray en Bretagne, Lanvollon, Bourg-d'Argental, Moncon-tour, Chauny, Lurcy en Bourbonnais, Sainte Marie-d'Oléron, Oléron (16 décembre, p. 614 et suiv.) ;
— dons patriotiques (ibid., p, 615). — Adresses des villes et communautés suivantes : Guéret, Pamiers, Mussidanen Périgord, Châlons-sur-Saône, Sainte-Hermine,Campan en Bigorre, Saint-Just-en-Chevallet, Baar en Alsace, Bize en Languedoc, Peyrins en Dauphiné, Auxerre, Aoust, Crest en Dauphiné (17 décembre, p.623);
— dons patriotiques (ibid. et p. suiv.), (ibid., p. 639).
— Adresses des villes et communautés suivantes : Hé-
risson, Lunel,Martignes en Provence,Graveline, Negre-pelisse, Ethevaux en Bourgogne, Beaune, Samt-Omer, Bugue en Périgord, Brienon l'Archevêque, Re Ion en Bretagne, La Roque, Saint-Laurent de Garnol, Sauit-Micliel Duizet, Aubenas, Ariane en Auvergne, Verdun-sur-Garonn^, Mo trejeâu, Fontaine-la-Gaillarde, Mon-coulour, Guérande en Bretagne, Beziers, Saint-Sever (18 décembre, p. 655 et auiv.). — Don patiiotique (19 décembre, p. 675). — Adresses des villes et communautés suivantes: Rambouillet, Pezenas, Saint-Malo, Meyrueis, Laforét-sur-Suivre, Mey,,iafis, Beauregard, Sanson, Saiut-Mamers, Avesnes en Hainaut, Cierge, Pont-sur-Yonne, Fleurance, Saint-Bertrand, Saint-Etieune de Sors, Eauze, Saint-Ambres, Aigueperse, Anthon, Chaumont en Porcien, Thouars (21 décembre, p. 691 et suiv.). — Dons patriotiques (22 décembre, p. 715). — Adresses des villes et communautés 'suivantes : Moulins, Palluau-la-Ghapelle, Palluau-Saint-Paul, Montpevit, Grandlandes en Poitou, la Celle-Bar-montoire, la Chaussade, Lamballe en Bretagne, Saint-Joire en Dauphiné, Saint-James, Vrigmères, Bernadets, Uerost, Gendevist, Bœil en Bretagne, Grenade-sur-Garonne, Gaila en Languedoc, Rennes, Metz, Verdun-sur-Garonne, Romoranlin, Marseille Trouhans, Tours (ibid., p. 716). — Don patriotique (22 décembre, p. 718). — Adresses des villes et communautés suivantes: Aurignac en Comminge.ï, Bou'ret, Leouac, Galambrun-Pelepert, Burgaud, Aucanville, Saint-Donnat, Saint-Banloux, Arthemouais, ReculaislSaint-Paul-les-Romans, Verdun sur-Garonne, Bourbourg-les-Flandres, Limoges, Beliesme en Perche, Nantes, Bos-trogier, Saint-Sylvain-Bellegarde, Saini-Avisse-sur-Tarde. Bauchaud, Condrieu en Forëz, Roddes en Bourbonnais, Aubanton en Thiérache, Effendic, Saint-Goulay, Saint-Malou, Saint-Maugan, Blernais, Issou-dun, Saint-Paul-Trois-Châteaux, Aubenas, Massevaux, Counaux, Unzem et Daillecourt (23 décembre, p#-752 et suiv.); — dons patriotiques (ibid., p. 753 et suiv.)
— Adresses des villes et communautés suivantes : Paimpol, Saumur, Grenoble, Gordes, Barbezieux, banc de Bamonchamps en Lorraine, Grasse en Languedoc, Fontaine-en-Brie, Roque-Pertuis en-Languedoc, Bé-cherel, Tréguier, Lamballe, Vallabrègue, Aurillac, Cosne, Saint-Ceré, Montesquiou, de Volvestre, Nevers, Vlchy-les-Bains, Roche-Ghalais, Saint-Jean-d'Espa-lion, Gerberoy, Castelnau-de-Montartier, Goos en Languedoc, Marsolan, Exmes, Croisic, Caudebec (24 décembre, p. 775 et suiv.).
Assemblées primaires (Voir Comité de constitution).
Assignats, Leur création (19 décembre 1789, t. X, p. 681);
— protestation de Bergasse (ibid. et p. suiv.).
Acbergeon de Murinais (Chevalier d'), député suppléant de la noblesse du Dauphiné. Remplace le comte de Morge, démissionnaire (t. X, p. 325).
nale parle vicomte de Macaye (p. 217 et suiv.). —Suite de la discussion sur le projet de conversion deNecker: Bouchoite, Duport, de Cernon, Fréteau de Sainl-Just, marquis de Montesquiou, abbé Maury, de Custine, Bœ-derer, Pétion de Villeneuve, comte de Mirabeau, d'Ailly, Anson, Le Chapelier (27 novembre, p. 270 et suiv.).— Plan de libération générale des fioances par de Cernon (p. 281 et suiv.).— Opinions, non prononcées, de Laborde de Méréville et de Poignot (p. 290 et suiv.).
— Suile de la discussion sur le projet de conversion : de Custine, d'Harambure, de Cazalès (28 novembre, p. 324 et suiv.); — Tallejrand-Périgord, évêque d'Aulun, Anson (4 décembre,p. 380 et suiv.); - Regnaud (de Sainl-J ean-d'Angèlg), Cochon de Lap-parent, de Montlosier, Lecouteulx de Canteleu, d'Ey-mar, Laborde de Méréville (5 décembre, p. 391 et suiv.); — de Cazalès demande que l'on nomme dix commissaires pour examiner le plan formulé dans le discours de Laborde de Méréville et Target, que ces commissaires confèrent à ce sujet avec les administrateurs de la caisse d'escompte (ibid., p. 406 et suiv.) ; — adoption de ces deux propositions (ibid., p. 407); — noms de ces commissaires (5 décembre, p. 408);—adoption de l'ajournement indéterminé,demandé par Dupont (de Nemours) pour le dépôt du rapport (9 décembre, p. 452; — rapport lu par Lecouteulx de Canteleu (17 décembre, p. 630 et suiv.); —projet de décret présenté par la minorité du comité (t6id.,p.637 et suiv.); —discussion: marquis de Yrigny, marquis de Montesquiou, comte de Pardieu, de Cazalès, Treil-hard, duc de La Rochefoudauld, Ricard de Séalt, Dupont (de Nemours), Rœderer, abbé Maury, Duport, Lerouteulx de Canteleu, Anson (18 décembre, p. 657 et suiv.). — Opinion, non prononcée, du duc de La Rochefoucauld (ibid., p. 672 et suiv.). —Reprise de la discussion : Pétion de Villeneuve, baron de Batz, de Cazalès, marquis de Gouy d'Arsy, Rewbell, duc du Châtelet, baron d'Allarde, abbé Maury, baron de Batz, baron d'Allarde, Dupont (de Nemours) de Cazalès, comte de Dieuzie, Camus, Anson, de Cazalès, de Tracy, de Fontenay, de Lafare, de Pardieu, de Montlosier, de Pardieu (19décembre, p.676 et suiv.);— décret relatif à la caisse d'escompte (ibid., p. 680); — projet de décret concernant la caisse de l'extraordinaire : abbé de Montesquiou, abbé Maury, d'Allarde, marquis d'Es-tourmel, Bergasse (ibid., p. 681); — adoption (ibid.) ;
— modifications de pure forme demandées par Lecouteulx de Canteleu, au nom de Necker et acceptées par l'Assemblée (21 décembre, p. 690) ; — lecture des deux décrets rectifiés (ibid., p. suiv.); — Regnaud (deSaint-Jean-à'Angêly) demande que l'on nomme six commissaires chargés de concourir au traité à faire avec la caisse d'escompte et de faire un travail sur l'émission de 400 millions d'assignations (21 décembre, p. 693) ;
— Barnave appuie la seconde partie de cette motion (ibid.) ; — l'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer (ibid.).
— sur l'arrêté des états du Cambrésis, pris contré les décrets de l'Assemblée nationale (p. 123) ; — son projet de résolution y relatif (p. 124). — Parle sur les attributions des assemblées administratives (p. 227),
— sur la préférence à donner aux hommes mariés (p. 426), — sur trois articles additionnels proposés par Mirabeau (p. 497 et suiv.), — sur un incident soulevé par le vicomte de Mirabeau (p. 591), — sur un projet de décret présenté par Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély) relativement à la caisse d'escompte (p. 693), — sur la motion concernant les non-catholiques (p. 781).
l'organisation des municipalités (p. 356), (p. 575 et suiv.).
reau pour être jugé (t. X, p. 83 et suiv.); — retire sa motion, en acceptanf celle de Robespierre (p. 84). — Fait un rapport sur un différend survenu dans la ville de Troyes, entre le bailliage et les habitants de cette ville (p. 498).
— Dénonce le Journal de Paris (p. 502). — Parle sur les troubles de Toulon (p. 573).
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&du bailliage de Bar-le-Duc enBarrois. Parle sur les attributions des assemblées administratives (t. X, p. 248),— sur la suppression de la gabelle en Anjou (p. 263), — sur la motion de Mirabeau, concernant les Corses expatriés (p. 337), — sur la sanction royale à donner aux articles constitutionnels (p. 563), — sur le recrutement de l'armée (p. 620).
Bureaux. Le vicomte de Beàuharnais demande leur suppression (1er décembre 1789, t. X, p. 346). — L'Assemblée décide que les trente bureaux, qui n'ont pas été changés depuis trois mois, seront reformés le 14 décembre (11 décembre, p. 501 et suiv.).
(p. 323). Propose la suppression de tous les établissements de l'ordre de Malte en France (p. 398). — Parle sur la condition d'éligibilité consistant dans la contribution directe d'un marc d'argent (p. 359), — sur le livre rouge (p. 493), — sur l'impression de la liste des dons patriotiques (p. 504), — sur les bois appartenant aux commanderies de l'ordre de Malte (p. 516), — sur les impositions de Bretagne (p. 528),
— sur les municipalités (p. 564). — Remplace au fauteuil Fréteau de Saint-Just, en l'abseuce du président (j). 623). — Parle sur la banque nationale (p. 680).
— un plan de libération générale des finances (p. 280), (p. 281 et suiv.). — Parle sur les impôts (p. 326). — Fait une motion sur la répartition des impôts (p. 638 et suiv.).
domaines du Roi, au capital de 147,000 livres (24 novembre 1789, t. X, p. 251).
— Talon, lieutenant civil au Châtelet, écrit à l'Assemblée pour l'aviser d'une effraction commise au greffe de ce tribunal (22 décembre, p. 719.)
— Lanjuinais demande la cessation des poursuites (ibid.) — Motion de Villoutreix de Faye, tendant à faire jouir les curés congruisles, dès le 1er janvier 1790, de l'augmentation accordée par la déclaration du Roi de 1786 (p. 614 et suiv.); — renvoi au comité ecclésiastique (ibid. p. 615).
— sur un projet de décret de Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). (p. 693). — En présente un sur les droits civils et politiques (p. 694). — Demande que tous les citoyens actifs, quelle que soit leur profession ou leur religion, soient éligibles et admissibles à tous les em plois (p. 754 et suiv.).
lieu de réunion des électeurs pour procéder à l'élection, et discussion : Daubert, de Richier, Charles de Lameth, Target, Defermon, Alexandre de Lameth, Barnave, duc de La Rochefoucauld, Destutt de Tracy, Démeunier, de Lachèze, de Beàumetz, comte de Crillon Le Chapelier, Defermon, marquis de Foucault (ibid. et p. suiv.); — adoption de l'article amendé (ibid., p. 82),— article relatif aux lieux où doivent se tenir les assemblées d'élection (18 novembre, p. 87 et suiv.); — rejet d'un amendement de Lanjuinais (ibid., p. 88); — adoption de l'article (ibid.); — adoption de deux articles concernant la nomination des électeurs par les assemblées primaires, et la nomination des membres de l'administration de district par ces électeurs (ibid.), — article concernant la nomination des membres de l'assemblée de département (ibid.); — discussion : Rewbell, Mougins de Roquefort, Defermon, Gaultier de Biauzat, marquis d'Ambly, Garat aîné, Rewbell, Christin, comte de Crillon, Malès, duc de La Rochefoucauld, comte de Mirabeau, Démeunier, Le Chapelier, Barnave (ibid., p. 88 et suiv.); — adoption d'un amendement de d'Ambly (ibid., p. 90) ; — article concernant le nombre des électeurs à nommer par les assemblées primaires : Robespierre, Démeunier (ibid.); — adoption (ibid.) ; — articles relatifs à la permanence et au renouvellement de l'administration soit de département, soit de district, et à la durée des fonctions des membres des assemblées administratives (19 novembre, p. 115); — adoption (ibid.); — article concernant la nomination des membres de l'administration de département : Ramel-Nogaret, de Tracy, Target, de Montlosier, Barrère de Vieuzac, Garat l'aîné, Long (ibid.); — adoption ibid.); — article concernant la nomination des membres de l'assemblée de district (ibid.) ; — adoption (ibid.) ; — article fixant le nombre des membres des assemblées départementales : Garat aiJné, Villaret, Target, Garat aîné, de Lachèze, Barnave, de Robespierre, Defermon, abbé Maury, Dupont, député de Bigorre (ibid. et p. suiv.) ; — adoption (ibid., p. 116) ; — articles relatifs au nombre des membres des administrations de district et à la division de ces administrations : comte de Montlosier, comte de Virieu, marquis d'Estourmel, vicomte de Noailles, Malouet, Cochon de l'Apparent, Defermon, Dupont (de Nemours), comte de Crillon, comte de Montmorency, (ibid., et p. suiv.); — adoption du premier de ces deux articles amendé (ibid., p. 117) ; — nouvelle rédaction du deuxième article proposée par le comité : Defermon, Brostaret, de Richier, Brunet de Latuque, Lanjuinais, Alexandre de Lameth, (ibid.) ; — adoption (ibid.); — nombre des membres du directoire: Grelet de Beauregard, Target, Lanjuinais (ibid.); — ajournement de cette question (ibid.); — adoption de deux articles portant: 1° que les représentants nommés pour l'administration du district seront regardés comme les représentants de la totalité du district ; que les représentants à l'administration du département seront considérés comme les représentants de la totalité du département, et que les représentants à l'Assemblée nationale seront regardés comme les représentants de la totalité des départements ; 2° que les uns et les autres ne pourront être révoqués qu'à la suite d'une forfaiture jugée (ibid., et p. suiv.); — discussion sur deux articles proposés par Lanjuinais, le premier concernant l'exclusion des parents de l'assemblée d'administration, et le second demandant la nomination d'un suppléant à chacun des députés aux assemblées administratives ou à l'Assemblée nationale : Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), Barrère de Vieuzac, Defermon, duc de La Rochefoucauld, Guillaume (23 novembre p. 225 et suiv.); — rejet (ibid.,p. 226) ; — vote de deux articles concernant le compte de gestion du directoire et la division de chaque administration de district (ibid.); — discussion sur l'article relatif à la subordination des agents des assemblées administratives au pouvoir exécutif: Defermon, Lanjuinais, Rewbel, Target, Defermon, Target, Regnaud (de Sainl-Jean-d'Angély), comte de Virieu, Populus (ibid., et p. suiv.); — ajournement (ibid., p. 227); — discussion sur un article concernant les attributions des assemblées administratives : Defermon, de Richier, Duport, Démeunier, Barnave, (ibid.);— suite de la discussion : Milscent propose
de s'occuper particulièrement des municipalités (24 novembre, p. 247) ; — Target donne lecture d'un article modifié par le comité dans le sens indiqué par les débats de la veille (ibid., et p. suiv.); —discussion : d'Ailly, Treilhard, Defermon, de Bousmard, de Bonnal, Démeunier,marquis de Foucault, Pison du Ga-land, Volney, Populus, comte de Crilion, Démeunier, Moreau, Dupont [ibid. et p. suiv.); — adoption de l'article du comité (ibid., p. 249), — adoption de trois autres articles du comité sur le même point (ibid.). — Discussion des articles concernant les municipalités : de Lachèze, Target, Bouche, de Turckeim, Lavie, l'abbé d'Eymar, Rewbell, abbé d'Eymar, d'Estourmel, Target, Lanjuinais, Target (25 novembre, p. 252 et suiv.); — adoption des dix premiers articles (ibid. p. 253); —discussion de l'article 7: Redon, Démeunier, Target (ibid.); — adoption (ibid.) ; — discussion de l'article 8 (scrutin de liste) : Defermon, duc de La Rochefoucauld, Ramel-Nogaret, Mougins de Roquefort, baron de Menou, comte de Crilion, Blin (ibid. et p. suiv.) ; — adoption {ibid. p. 254) ; — adoption des articles 8, 9 et 10 (ibid.), — adoption des articles 11 et 12 (26 novembre, p. 259); — Long propose un amendement à l'article 13, qui est repoussé (ibid.); — adoption des articles 13,14, 15 et 16 (ibid.);— discussion de l'article 17 : Lanjuinais, vicomte de Noailles, Deschamps, Target (ibid.); — adoption de l'article amendé (ibid. p. 260); — discussion de l'article 18 : plusieurs membres , Defermon, Lanjuinais , Rewbell, Ramel-Nogaret, Mougins de Roquefort, de Montlosier, Target, Démeunier, Malouet (ibid.); — adoption de l'article amendé (ibid., p. 261); — adoption des articles 19, 20, 21, 22 et 23 (ibid.) ; — ajournement de l'article 24; — adoption des articles 25, 26, 27 et 28 (ibid.); — rejet d'un amendement, combattu par Démeunier, et tendant à limiter à un an la durée des fonctions de maire (ibid.) ; — motion de Bouche concernant la convocation du conseil municipal (ibid. et p. suiv.); — renvoi au comité sjur la demande de Regnaud (de Sainl-Jean-d'Angély) (ibid., p. 262) ; — adoption des articles 29 à 41 (30 novembre, p. 339). — Suite de la discussion sur l'organisation des municipalités: Le Pelletier de Saint-Fargeau, Martineau , Le Pelletier de Saint-Fargeau, Démeunier, Target (1er décembre, p. 343 et suiv.) ; — adoption des articles 42 à 50 (ibid., p. 344); — discussion sur l'article 51 : abbé Grégoire, Defermon, Démeunier, Pison du Galand, Rewbell, Target, comte de Mirabeau, Démeunier, comte de Mirabeau, Démeunier, comte de Mirabeau, Target, Pison du Galand, Prieur, comte de Mirabeau, Duport (ibid. et p. suiv.);— Target donne lecture de quatre nouveaux articles proposés par le comité (2 décembre, p. 355); — adoption deâ trois premiers (ibid.); — discussion sur le quatrième : Bouron, Ango, Long, de Clermont-Ton-nerre, Michelon, Rewbell, de Lachèze, abbé Maury, Pison du Galand, Barrère de Yieuzac, Démeunier, Fréleau de Saint-Just (ibid., et p. suiv. ; — adoption (ibid., p. 356). —Articles omis, concernant les assemblées tant administratives que nationales : adoption des trois premiers (3 décembre, p. 358);—discussion de l'article 4 ; abbé Maury, Target, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), Prieur [ibid. p. 359); —adoption (ibid.); — article 5: Rewbell, Target (ibid.); —adoption (ibid.); — article 6 : Mougins de Roquefort, duc de Mortemart, Dufraisse-Duchey, La Poule, Camus, Long, de Richier, Target, Le Chapelier, de Cazalès, Malès, Pétion de Villeneuve, de Richier, Garat le jeune, comte de Mirabeau, La Poule, Dupont (de Bigorre), de Guilhermy, marquis de Biancourt, chevalier de Lameth, marquis de Foucault-Lardimalie (ibid. et p. suiv.); — rejet (ibid. p. 361); — article 7 : Dufraisse-Duchey, Long, Mougins de Roquefort (7 décembre, p. 413); — adoption (ibid.); — Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély) demande s'il faut que la contribution nécessaire pour être député soit assise dans le ressort du département (ibid.) ; — Démeunier répond qu'il n'y a pas eu de restriction exprimée en ce sens (ibid et p. suiv.); — assentiment de l'Assemblée (ibid. p. 414). — Article 8: Lanjuinais, comte de "Virieu, de Castellane, Malès, Ménard de la Groye, marquis de Foucault-Lardimalie, Rœderer (7 décembre, p. 414 et suiv.); — rejet (ibid. p. 415). — Article 9 : adoption (8 décembre, p. 425) ;— article 10 : Madier de Montjau, Lanjuinais (ibid) »— adoption (ibid.) ; — article 11 : Couppé, Targe (ibid.); — adoption (ibid.); — article 12: comte de Mirabeau, duc de La Rochefoucauld, Duport, de Virieu, Démeunier (ibid. et p. suiv.) ; — adoption (ibid., p. 426); — article 13: adoption (ibid.); — addition proposée par le comte de Mirabeau en faveur des hommes mariés : Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), de Montlosier, Prieur, Target, Barnave, Dillon, Prieur (ibid.); — ajournement (ibid. p. 427)j — article 14: adoption (9 décembre, p. 453); —article 15 .* Target, comte de Virieu, Rewbell, comte de Crilion, un curé, duc de La Rochefoucault (ibid. et p. suiv.) ;— adoption (ibid. p. 454) ; — article 16 : adoption (ibid.) ; — article 17 : duc de La Rochefoucauld, Rewbell, Démeunier (ibid); — adoption (ibid.): — suite de la discussion (avec un nouveau numérotage) : article 1er : Gaultier de Biauzat, Martineau, Gaultier de Biauzat (10 décembre, p. 493) ; — adoption (ibid.) — article 2 : adoption (ibid.) ; — article 3 : Prieur (ibid. et p. suiv.); — article 4: adoption (ibid., p.494) ; — article 5 : adoption (ibid.) ; — article 6 : Lepelletier de Saint-Fargeau, un curé, Rœderer (ibid.);— adoption (ibid.); — article 7: Yilloutreix deFaye, ivêque d'Olêron, Bracq, curé de Ribeeourt, Target (ibid.); — adoption (ibid.); — article 8: adoption (ibid.); — article 9: adoption (ibid.); — article 10 : eomte de Custine, plusieurs membres, Target, Hébrard, Démeunier (ibid. et p. suiv.); — adoption (ibid. p.495) ; — articles additionnels proposés par le comte de Mirabeau: Barnave. comte de Mirabeau, Dufraisse-Duchey, eomte de Clermont-Tonnerre (ibid. et p. suiv.); — projet de décret présenté par Thouret, concernant le classement des articles relatifs aux municipalités (14 décembre, p. 563) ; — discussion : Pison du Galand, de Bousmard, Target, Démeunier, Malouet, de Lachèze, vicomte de Mirabeau, de Volney, marquis de Fumel, Camus, Brostaret, Démeunier, Thouret, Dufraisse-Duchey (ibid. et p. suiv.); — texte du décret sur les municipalités (ibid. p. 564 et suiv.) ; — instruction y relative (ibid. p. 567 et suiv.);— motion de Malouet tendant à fixer des bornes à la juridiction des municipalités (15 décembre, p. 575) ; — discussion : Charles de Lameth, Defermon, Dufraisse-Duchey, vicomte de Mirabeau (ibid.); — rejet (ibid.);— discussion des articles additionnels proposés çar le comte de Mirabeau sur les grades administratifs et les conditions d'éligibilité: Barrère de Vieuzac, Ver-chère de Reffye, comte de Clermont-Tonnerre, Rœderer, Duport, duc de La Rochefoucauld, vicomte de Mirabeau, comte de Mirabeau (ibid. et p. suiv. ) ;— ajournement indéfini (ibid. p. 579) ; — articles additionnels proposés par Ménonville de Villiers (ibid.);— décret fixant la situation des trois tiers du nombre total des membres de l'Assemblée nationale (22 décembre, p. 717) ; — décret relatif aux fonctions des directoires de district (ibid.) ; — additions demandées par Thouret et votées (ibid.); — adoption de l'ordre des articles sur les municipalités (ibid.), — Voir Pouvoir judiciaire.
sceaux, explication de la nouvelle loi sur la jurisprudence criminelle (9 décembre, p. 459 et suiv.) ; — article additionnel proposé par Grelet de Beauregard (12 décembre, p. 525 et suiv.) ; — renvoi au comité (ibid), p. 526).
d'Ambly, baron de Menou, Achard de Bonvouloir, de Custine (ibidi,p.523 et suiv.) ; — suite de la discussion : duc de Liancourt, vicomte de Mirabeau, vicomte de Beauharnais, baron de Wimpfen (15 décembre, p. 579 et suiv.). — Adjonction du marquis d'Ambly au comité militaire (ibid., p. 588). — Suite de la discussion : Bureaux de Pusy (16décembre, p. 615 et suiv.) ;°— Madier deMontjau demande l'adjonction de Bureaux de Pusy au comité militaire : de Volney, Bureaux de Pusy, Dubois de Crancé, marquis de Sille-ry, Charles de Lameth, Rœderer, Charles de Lamet h (ibid., p. 618); — adjonction de Bureaux de Pusy (ibid.); — reprise de la discussion : duc de Biron, vicomte de Noailles, baron d'Harambure, vicomte de Toulongeon, comte d'Egmont, comte de Mirabeau, Bousmard de Chantereine, comte d'Egmont, Rœderer, baron de Menou, Achard de Bonvouloir (ibid. et p. suiv.).
question de savoir si chaque grand département sera divisé en neuf districts ou communes : Malouet, Ra-mel-Nogaret, Barnave, comte de Crillon, de Custine, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), Pérez, Rewbel, Mougins de Roquefort, de Colbert de Seignelay, Long, comte Mathieu de Montmorency, Démeunier, Féraud, Garat ainé, de Boisgelin de Crucé, comte de Virieu, Muguet de Nanthou (ibid. et p. suiv.); — l'Assemblée décrète d'abord qu'il y aura une municipalité dans cbaque ville, paroisse ou communauté de campagne ; puis que chaque département sera divisé en districts, mais non nécessairement en neuf districts ; que chaque département sera nécessairement divisé dans un nombre ternaire; que le nombre des districts ne sera pas le même pour tous les départements, et que le nombre des districts sera fixé suivant la convenance et le besoin de chaque département (ibid., p. 7); — réflexions de habaud de Saint-Etienne (p. 37 et suiv.) ; — il demande que le comité ait la liberté de ne pas fixer, et de réunir dans une même ville, les chefs-lieux du département, de la justice et de l'Eglise, et que ceux du département puissent être alternés entre les villes ultérieurement désignées (9 décembre p. 453); — discussion : Target, Delley d'Agier, MoUgins de Roquefort, Lar-reyre, Malouet, Pison du Galand, vicomte de Mirabeau, Bouche (ibid.) ; — l'Assemblée décrète que le comité de constitution pourra déterminer le chef-lieu des établissements divers ou l'alternative qu'il jugera convenable pour soumettre ensuite son avis au jugement de l'Assemblée (ibid) ; — fixation du jour du dépôt du rapport sur la division des départements et des districts (21 décembre,Jp. 693). — Mémoire sur la division du royaume en départements par les députés du pays d'Aunis (p. 695 et suiv.). — Observations des députés du pays de Léon et de la partie de Tréguier, en Basse-Bretague, sur la fixation du chef-lieu de département (p. 697 et suiv.). —Motion de l'abbé Fauchet sur l'étendue ou l'organisation du département de Paris (p. 701 et suiv.). — Opinion de Gossin, non prononcée, sur l'application des divisions proposées par le comité de constitution aux trois provinces de la Lorraine, des Trois-Évêchés et du Barrois (p. 703 et suiv.).
duc de Villequier démissionnaire (t. X, p. 722).
TABLE ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE DES ARCHIVES PARLEMENTAIRES.
Alexandre de Lameth (ibid. p. 263) ; — renvoi au comité des finances (ibid.).
p. 117). — Présente un article additionnel au décret sur la réformation de la justice criminelle (p. 525 et suiv.).
p. 326);—Anson, de Cernon,Delandine, Le Chapelier, d'Ambly, abbé Gouttes, Gaultier de Biauzat (ibid.) ;
— un grand nombre de membres demandent que le décret soit généralisé (ibid.) ; —adoption (ibid.) ; — motions d'Emmery, Prieur et Dupont (de Bigorre) (ibid.); — l'Assemblée décrète que tous les ci-devant privilégiés seront imposés à raison de leurs biens, pour les six derniers mois de 1789 et pour 1790, non dans le lieu de leur domicile, mais dans celui où les oits biens sont situés (ibid. et p. suiv.); — observation de Gilletde la Jacqueminière au sujet de la capi-tation noble et privilégiée des six derniers mois de 1789 et de l'année -1790 (30 novembre, p. 335). — Rapport par le comte de la Planche de Ruillé sur les impositions de la Bretagne (12 décembre, p. 526) ; — discussion : Gérard, député de Rennes, Camus, comte Lévis de Mirepoix {ibid., p. 528); — texte du, décret adopté (ibid. et p. suiv.). — Projet de décret présenté par Dubois de Crancé et tendant à ce que les ci-devant taillables de la Champagne soient assujettis aux mêmes formes et modes de répartition, pour 1790, que les ci-devant privilégiés (14 décembre, p. 562).— Projet de décret concernant les impositions de la ville de Paris, proposé par Lebrun au nom du comité des finances (p. 589). — Motion du baron de Cernon sur la répartition des impôts (17 décembre, p. 638 et suiv.); — discussion : Gillet de la Jacqueminière, Gaultier de Biauzat, Dubois de Crancé, Chasset, La Poule, Brostaret, abbé Maury (ibid., p. 639); — décret assujettissant les taillables de la province de Champagne aux mêmes formes et modes de répartition fixés pour les ci-devant privilégiés, et étendant cette disposition aux provinces de taille personnelle et mixte où les départements ne sont pas encore faits (ibid.).— Décret concernant la levée des impositions du Dauphiné (ibid.).
Indes (Compagnie des). Motion de Duval d'Eprém'esnil sur son privilège exclusif (22 décembre 1789, t.--X, p. 717), (p. 722 et suiv.)-
Cicé, garde des sceaux, contenant des éclaircissements sur la nouvelle loi (9 décembre 1789, t. X, p. 459 et suiv.).
Royal-Etranger. Sa lettre accompagnant un don patriotique de son régiment (t. X, p. 715).
Lavenue, député du tiers état de la sénéchaussée de Bazas. Parle sur le mémoire de Necker relatif à la caisse d'escompte (t. X, p. 135 et suiv.).
Lepelletier de Saint-Fargeau, député de la noblesse de la ville de Paris. Demande la lecture du plan général du comité des finances, pour le comparer au mémoire de Necker sur la caisse d'escompte (t. X, p. 67). — Parle sur l'organisation des mnnicipalités (p. 343 et suiv.), (p. 344), (p. 494), — sur la dévastation des forêts (p. 503), — sur la peine de mort (p. 720).
teurs de district (p. 116). — Attaque le comité des recherches (p. 169). — Se défend d'avoir, dans une lettre au comte d'Estaing, diffamé ses collègues (ibid.);— texte de sa lettre (ibid. et p. suiv.). — Parle sur les municipalités (p. 260). — Demande la mise à l'ordre du jour de son projet d'établissement pour la classe indigente (p. 321). — Parle sur un état financier de novembre et décembre 1789 (p. 323). — Demande l'adjonction de quatre commissaires au comité des fiuances (p. 324). — Appuie la motion de Curt concernant les colonies (p. 347). — Parle sur les troubles de Toulon (p. 417), (p. 418 et suiv.), — sur la division du royaume (p. 453), — sur le procès-verbal (p. 501), — sur les municipalités (p. 563), — sur les troubles de Toulon (p.572 el suiv.), (p. 574),— sur les municipalités (p. 675), — sur les troubles de Toulon (p. 588), (p. 589).
chaquo membre sera tenu de rester en séance, et que, pendant la séance, il ne pourra y avoir réunion de
" comité, ni conférence particulière (p. 776). — Parle en faveur des juifs et des comédiens (p. 781 et suiv.).
de Sens et Villeneuve-le-Roi. Parle sur la condition d'éligibilité consistant dans la contribution directe d|un marc d'argent (t.X, p. 359).—Rend compte des' travaux du comité de judicature (p. 624).
nn rapport sur des mémoires relatifs à la caisse d'escompte déposés entre les mains du président (t. X, p. 135). — Parle sur une motion de Mirabeau concernant les Corses expatriés (p. 337).
pose un arrêté rapportant le décret du 17 novembre [ibid. p. 253 et suiv.); — adoption (ibid. p. 256). — Voir Metz. — Adresse de protestation de la ville de Nantes contre un refus d'enregistrement de la chambre des vacations du parlement de Bretagne (8 décembre, p. 424).— Le président est chargé de s'informer si le parlement de Rennes s'est exécuté (ibid. p. 425) ; — il avise l'Assemblée de son refus (14 décembre, p. 571) ; — discussion : Le Chapelier, Prieur, baron Tessier de Marguerites, Tuaul de la Bouverie, Robespierre (15 décembre,p. 589 et suiv.); —incident: vicomte de Mirabeau, Bouche, Barnave, Alexandre d" Lameth, vicomte de Mirabeau, Lambertde Frondeville, duc de Liancourt, baron de Menou (ibid. p. 590 et suiv.); — reprise de la discussion : vicomte de Mirabeau, Giraud-Duplessis, d'Estourmel (ibid. p. 591);— adoption d'une motion de Rœderer tendant à ce que les magistrats de la chambre des vacations du parlement de Rouen soient appelés à la barre et qu'une autre chambre soit formée parmi les autres membres du même parlement (ibid).
vacations du parlement de Rouen (ibid. et p. suiv.); — l'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu de rectifier le procès-verbal (ibid. p. 42). — Le vicomte de Mirabeau, secrétaire, arrivant en retard pour la lecture du procès-verbal, objecte à ceux qui s'en plaignent que les législateurs ne, sont pas absolument à l'heure (1er décembre, p. 343). — L'Assemblée décrète que le procès-verbal, signé jusqu'alors seulement par les secrétaires, portera aussi la signature du président (2 décembre, p. 355).— Rectifications (5 décembre, p. 390 et suiv.). — Radiation de la qualification d'un vote (8 décembre, p. 423). — Omissions signalées par Dufresne et Gouttes (9 décembre, p. 451). — L'Assemblée décrète que Salomon de la Saugerie, Camus et Emmery seront chargés du soin de rédiger les procès^verbaux des séances du 5 mai au jour où l'Assemblée s'est constituée, travail commencé par Mounier et Camus (10 décembre, p. 493). — Réclamations de Malouet contre la partialité du rédacteur (11 décembre, p. 501). — Réclamations à propos de l'incident soulevé par le vicomte de Mirabeau (16 décembre, p. 615); — question préalable (ibid.). — Réclamation de l'abbé Maury au sujet du décret sur la caisse de l'extraordinaire (21 décembré, p. 689). — Faydel demande qu'on ne mentionne pas le rejet de tous les amendements (ibid. p. 691).
l'île (12 novembre 1789, t. X, p. 3) ; — texte de ce rapport (p. 17 et suiv.); — réflexions du chevalier de Cocherel sur ce rapport (p. 125 et sniv.1. — Blin lit une adresse des colons-propriétaires de Saint-Domingue réclamant une véritable représentation (26 novembre, p. 265 et suiv.): — il demande l'ajournement de la discussion (ibid , p. 266) ; — de Cocherel demande pour Saint-Domingue une constitution mixte (ibid.% et p. suiv.) — Admission de deux députés de Saint-Domingue : de Laborie et Ghabanou-Dessalines (28 novembre, p. 325).
noblesse du bailliage de Reims. Demande que le pouvoir exécutif ne puisse céder une portion du territoire français, sans avoir consulté la nation (t. X, p. 336). — Appuie la demande d'adjonction d'un officier du génie et d'un officier d'artillerie au comité militaire (p. 618).
du Béarn et de la Basse-Navarre (t. X, p. 741 et suiv.).
fin de la table alphabétique et analytique du tome x.
PARIS. — Impr. Paul DUPONT, 41, rue J.-J.-Rousseau. (41, 3-8.)